86 R. P. H. M. Dubois, S. J.,
depuis longtemps des Himyarites et du monde antique. Cependantcette côte
Nord-Ouestest un centrebienmoins actif de rayonnementque la côteEst.C’est
un l’ait! si extraordinaire qu’il soit (p. 286).M. Gautier résumeensuitesa penséesur le peuplementdans trois faits:
1° Fait. D’après les traditions, les dynasties des tribus remontent au
débarquementau sud-est d’étrangers. Celui des Zafi-Ramini le plus fécond
aurait donnédes rois aux Antanosy, Bara, Tanala, Betsileo.
2° Fait. Il y a pousséede l’Est à l’Ouest. Depuis dessièclesla côteSud-
Est a exportédeshommesdans le centreet dans l’Ouest. F’Est nous apparaît
commesurpeuplé.On cite en particulier la constitutionpolitique du Boueni qui
vient du Sud-est.3° Fait. Fe Nord-Ouest, par contre, restesans influence. Les Antalaotra
resserréspar les pousséesdesZafi-Ibrahim, se fondent aveclesBetsimisaraka.
Pour l’Imerina, M. Gautier pensequ’il y eut longtempsentre Vazimba
et étrangers bonne entente(p. 340). Fa conquêteserait du XVIIe siècle.Mais
l’arrivée pacifique de ces étrangers date de plus loin. Fe texte de Mariano
parlant du royaume Flova l’indique clairement.De la thèse de M. Gautier, outre les considérations de linguistique que
nous avons étudiées dans la deuxième partie, je recueille surtout cette
constatation, qui sera confirmée de plus en plus par les textes et par les
traditions, que le peuplement de Madagascar s’e s t fait de
1’Esta l’O ues t, encore un fait qui, dans ce qui suivra, aura sa très grande,
importance.Chap. IV : La Thèse de M. A. Grandidier.
Fa thèsede M. Grandidier occupedans l’étude desOrigines Malaches
une place spécialementimportante. Elle a fait faire à la solution du problème
un pas décisif en établissant la part prépondérante que l’élément malayo-
polynésiena dans la formation destribus malgaches.Sansnégliger les argu¬
ments de linguistique, M. A. Grandidier a développésurtout, et avec une
richesse extraordinaire, les arguments ethnologiques. Sa comparaison des
mœursOcéaniennesavec les mœursmalgachesest classiqueen la matière.
Je m’étendrai donc tout particulièrement sur cette thèse, d’autant plus
volontiers qu’elle embrassetoute la question, aussi bien le problème du
peuplementprimitif de ,1’îleque le «Mystère»desHova-Ambaniandro.Tout en
résumant,je m’efforcerai de donner la penséepleine et entièrede notre illustre
savant; j’y joindrai cellede M. De Quatrefages, avecqui il s’estassociébien
souvent danscetteétudesi difficile, et à quil il a fourni le meilleur de sa docu¬mentationou de sesexplications.
On peut ramenerles développementsde la thèseà trois parties:
1° La population primitive de l’île.
2° La migration malayo-polonésienne.3° L’origine desAndriana et desHova chez les Ambaniandro.
A. La PopulationPrimitive.
M. Grandidier se posenettementla questionde races africaines avant
précédéles racesmalayo-polynésienneset voici ce qu’il écrit (Ethn., p. 14):
Les Origines des Malgaches. 87
sLes premiers nègres que les courants ont amené sur les côtes de Mada¬
gascar et dont les descendants forment le fond de toute la poulation de toute File,
ont-ils trouvé cette île occupée par des habitants d’une autre race, issue d’immigrants
africains? C’est ce que l’on ne saurait dire dans l’état actuel de nos connaissances
(1901). S’il y avait des aborigènes, ils devaient être en bien petit nombre et dans un
état de civilisation très inférieur, puisque, ni dans les mœurs, ni dans la langue de nos
Malgaches actuels, on ne trouve de trace de leur influence. 11 n’est pas malaisé de
voir que des mots d’origine étrangère, africaine, arabe, ou autre, qui surnagent au
milieu des mots mélano-polynésiens ont été greffés sur la langue au fur et à mesure
cîes besoins et de l’introduction d’objects inconnus, de connaissances nouvelles ou de
coutumes étrangères.»«En plusieurs régions de l’ile, on a trouvé, mêlés à des ossements d’animaux
aujourd’hui disparus, des fragments de poteries qui ne sont pas l’œuvre des habitants
actuels, mais probablement celle d’anciennes colonies de race inconnue qui ne de¬
vaient plus du reste exister à Madagascar lors des premières immigrations indo¬
mélanésiennes,car ces poteries dénotent un état de civilisation assez avancé, et les
peuplades, capables de les fabriquer n’eussent pas été absorbées par les nouveau-
venus que leurs praos ou jonques amenaient en petit nombre, à moins que cantonnés
d’abord dans une région, ceux-ci ne s’y soient multipliés, et aient fait ensuite la guerre
aux premiers occupants et les aient détruits. Toutefois, il est difficile de concevoir la dis¬
parition totale d une population déjà civilisée, et si cette population a été réduite à l’escla¬
vage ou au setvage, elle aurait dans une certaine mesure au moins, marqué de son ern-
preinte les mœurs et le langage des conquérants; il n’est pas douteux qu’il eût survécu
quelques tribus que la différence de leurs mœurs et de leur langage eût signalées dès
longtemps à l’attention des voyageurs.»
ü est toute une foule de questions que M. A. Grandidier se pose dans
ce seultexte,c’est toute uneséried’observationscapitalesqui y sont suggérées,
c’est toute une suite de problèmes que le grand savant se déclare dans
l’impuissancede résoudrefaute de dcumentationencoresuffisante.Il importe
toutefois d’en faire ressortir quelquesremarquesplus importantes,car j’aurai
moi-mêmeplus tard à y appuyer.
1° Il a pu y avoir à Madagascar des Africains, mais ces Africains
'étaient en petit nombre et peu civilisés, car si lapopulation évincéeavait été
de quelquevaleur on aurait de sestraces, soit dans les moeurs,soit dans la
langue de nos Malgaches. Je reviendrai plus d’une fois sur cet argument
capital. Toujours on se heuite lorsqu’il s’agit d’admettre à Madagascar
quelquemélange,contie cette implacableunité demoeurset surtout de langue
qui englobe toutes les tribus sans exception, sans que l’on puisse
découvrir ici ou là quelque ilôt témoin d’u n autre
idiome ou d’une autre race qui aient entamé cette unité.
2° M. Grandidier estimeque les immigrants malayo-polynésiensétaient
en petit nombrelorsqu’ilsfurent amenéspour la premièrefois par leurs praos
et il sedemandeensuitesi cepetit groupe n’a pas.commencépar se développer
dans quelquecoin de l’île pour étendre ensuite son action en chassantet en
détruisant les premiers occupants.
Ce sont encoredeux points sur lesquelsjemesensd’accordavec lui. Si
j’explique autrement que lui la venue de ceux qu’il appelle des malayo-
polynésiens, j’estime avec lui qu’ils ont fait d’abord un groupement peu
nombreux mais absolument unique qui s’est développépeu à peu
88 R. P. H. M. Dubois, S. J.,
poussantdevant lui des petits groupes autocthonesde faible résistanceet defaible densité.
3° Pour ce qui est de ces restesd’une civilisation disparue appartenantà une race antérieure aux Malgaches actuels, il peut y avoir à cela doubleexplication,soit qu’on admetteque parmi les Africains qui ont peuplé Mada¬gascar il y avait déjà quelqueindustrie, soit qu’on attribue cesvestigesà quel¬quesgroupessupérieursamenéspar accidentdans la Grande-Ile commeil yen a eu tant surtout au Nord et au Nord-Ouest, mais disparus depuislongtemps.
DernièrementM. Waterlot présentait à l’Institut d’Anthropologie desmobiliers de sépultures de la côte Nord-Ouest de Madagascar; des brûle-parfums, desvases,desassiettesen terre cuite,d’un type inconnu actuellement.Je penseque leur decouverten’a rien qui doive tellement nous surprendrequand on satt que la cote Nord-Ouest a été visitée de temps immémorial parles Arabeset les Semites.
A ce propos M. Verneau faisait remarquerque les influencesafricainessesont fait sentir dansune grande proportion à Madagascaret M. G. Julienajoutait:«Les traces de l’influence africaine ne ¿ w
Antalaotra ni aux usages n « aS mitent a Madagascar, ni aux sépultures“ MJ —“
B. La MigrationMalayo-Polynésienne.M. De Quatrefages dans son Histoire des RacesHumaines (d. 396)pToouToTé;!3 Sit"a1i<>"'11sen*lerait- à l’entendre, que les nègres
Voici comment^exprime:^ ^ Afri«te * Otande.Il«.
«Les Arabes ont pénétré à diverses reprises dans l„ r- asont venus se placer des Malais que M Grandioif* Grande'Ile- • • ■A cote d eux
rais et dont les Hovas ont conservé le type plusPenSeP°uvoir rattacher aux Madu-
ceux-ci par l’intermédiaire de plusieurs tribuson°U m°mS altéré par le crolsement- ^
présente les caractères craniologiques des Bantou*3UX ^akalava, dont une Paid'e
chent des Mélanésiens par ces mêmes caractères* 1S^Ue d’aidres se rappro-
«Mais toutes ces populations n’ont qu’une irattache aux idiomes Océaniens...» angue... et cette langue se
«Il faut donc admettre qu’à une époque indéterminé a ,lation nègre venant des régions orientales a abordé m h
°rt ancienne’ .une.popu*
étaient dolicocéphales et qu’ils parlaient un dialecte océan!aga^Car’ que ^ immi£rant;>
toutes les exigences de cette hypothèse que confirmentCde^ateTn s^ufl«Quand,niEiq comme M. Feoueuv.lle, a sigualé la ressemblance entre les Mélanésienset certains Malgaches ...»
«Les considérations tirées de la linguistique confirment w . „conduit l’étude des caractères physiques..
' auxquelles
«Elles permettent d’aller plus loin. Si l’on tient compte des Indications que peutfournir l’étude des langues sur la successiondes populations, on sera conduit à admettreque ces émigrés orientaux ont précédé les Africains à Madagascar etavaient peut-être peuplé l’île entière avant de se mêler aux Bantous et aux Mozatnbiquesou tout au moins, qu’ils étaient assez nombreux et assez forts pour imposer leur langueà toutes les tribus indigènes. En se plaçant à ce point de vue, Madagascar apparaît comme