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RAPPORT DU FEMISE 2004 SUR LE PARTENARIAT … · -iii-Samir RADWAN, Economic Research Forum, Egypte...

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RAPPORT DU FEMISE 2004 SUR LE RAPPORT DU FEMISE 2004 SUR LE PARTENARIAT EURO-MEDITERRANEEN PARTENARIAT EURO-MEDITERRANEEN Analyses et propositions du Analyses et propositions du Forum Euro-Méditerranéen des Instituts Economiques Forum Euro-Méditerranéen des Instituts Economiques Samir Radwan, Economic Research Forum, Egypte Jean-Louis Reiffers, Institut de la Méditerranée, France Coordonnateurs Ce rapport a été réalisé avec le soutien financier de la Commission des Communautés Européennes. Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que les auteurs et ne reflètent pas l’opinion officielle de la Commission. Décembre 2004 Institut de la Méditerranée FEMISE C A I SS E D EP A R G N E PROVENCE - ALPES - CORSE 2004
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RAPPORT DU FEMISE 2004 SUR LE RAPPORT DU FEMISE 2004 SUR LE PARTENARIAT EURO-MEDITERRANEEN PARTENARIAT EURO-MEDITERRANEEN

Analyses et propositions duAnalyses et propositions duForum Euro-Méditerranéen des Instituts EconomiquesForum Euro-Méditerranéen des Instituts Economiques

Samir Radwan, Economic Research Forum, EgypteJean-Louis Reiffers, Institut de la Méditerranée, France

Coordonnateurs

Ce rapport a été réalisé avec le soutien financier dela Commission des Communautés Européennes. Lesopinions exprimées dans ce texte n’engagent queles auteurs et ne reflètent pas l’opinion officielle dela Commission.

Décembre 2004

Institut de la Méditerranée

FEMISE

C A I S S E D E P A R G N EPROVENCE - ALPES - CORSE

2004

RAPPORT FEMISE 2004 SUR LE PARTENARIAT EURO-MEDITERRANEEN

Samir Radwan, Economic Research Forum, EgypteJean-Louis Reiffers, Institut de la Méditerranée, France

Coordonnateurs

Ce rapport a été réalisé avec le soutien financier de la Commission desCommunautés Européennes. Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent queles auteurs et ne reflètent pas l’opinion officielle de la Commission.

Décembre 2004

2004

-ii-

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Samir RADWAN, Economic Research Forum, Egypte

Jean-Louis REIFFERS, Institut de la Méditerranée, France

Sergio ALESSANDRINI, Istituto d’Economia, Universita Luigi Bocconi, Italie

Aziz Al KAZAZ, Deutches Orient Institut, University of Hamburg, Allemagne

Bruno AMOROSO, Federico Caffe Center, Roskilde University, Danemark

Slimane BEDRANI, CREAD, Algérie

Driss BEN ALI, Centre d’Etudes Stratégiques, Univ. Mohammed V, Maroc

Agnès CHEVALLIER, CEPII, France

Michael GASIOREK, Sussex University, Royaume-Uni

Mohieddine HADHRI, CETIMA, Tunisie

Hanaa KHEIR ELDIN, Faculty of Economics & Political Studies, Cairo Univ., Egypte

Alejandro LORCA CORRONS, Universidad Autonoma de Madrid, Espagne

Samir MAKDISI, Economics Department, American Univ. in Beirut, Liban

Tuomo MELASUO, University of Tampere, TAPRI, Finlande

Seyfeddin MUAZ, Royal Scientific Society, Jordanie

Yilmaz ÖZKAN, Center for Mediterranean Studies, Turquie

Meine Pieter Van DIJK, Economic Faculty, Erasmus University, Hollande

Décembre 2004

Ce rapport a été présenté au Steering Committee du FEMISE,en décembre 2004.

Membres du Steering Committee :

RAPPORT FEMISE 2004 SUR LE PARTENARIAT EURO-MEDITERRANEEN

Avec la contribution de :

Frédéric Blanc Institut de la Méditerranée, France

André Cartapanis Centre d’Economie et de Finances Internationales, France

Yasmin Fahim Economic Research Forum for the Arab Countries, Iran & Turkey, Egypte

Nathalie Grand Institut de la Méditerranée, France

Maryse Louis Economic Research Forum for the Arab Countries, Iran & Turkey, Egypte

Diaa Nour El Din Economic Research Forum for the Arab Countries, Iran & Turkey, Egypte

Nathalie Roux Centre d’Economie et de Finances Internationales, France

-iv-

-v-

TABLE DES MATIERES

A/ UTILISER LA CONSOLIDATION ÉCONOMIQUE POUR PROMOUVOIR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN

I- Les progrès au sein de la société doivent adopterle même rythme que les progrès économiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.31. Les avancées ont été surtout nominales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.3 2. Une situation économique assainie, mais fragile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.53. Un régime de croissance insuffisant au regard des besoins présents et futurs de créations d’emplois et de progrès sociaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.104. L’impératif en matière de réformes : modifier les pratiques comme les règles . . . . p.195. La nécessité de nouvelles marges de manœuvre macroéconomiques . . . . . . . . . . p.246. L’éducation et le marché du travail : les premières étapes . . . . . . . . . . . . . . . . . p.27

II- La nécessaire adaptation des cadres légaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.301. Les défis pour le développement des pays du Sud de la Méditerranée. . . . . . . . . . p.302. La gouvernance et la réforme économique dans les PM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.48

III-Une question vitale pour le partenariat : avancer sur la question agricole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.601. L’impact du partenariat euro-méditerranéen sur les secteurs de l’agriculture en Jordanie, Palestine, Syrie, Liban et Egypte (RSS) . . . . . . . . . . . . p.612. Les effets de la libéralisation agricole sur les économies des pays partenaires méditerranéens (UAM) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.65

IV- Une ouverture des services qui ne permet pas de tirer profitde la proximité et bride le meilleur usage des flux financiers. . . . . . . . . . . . . p.681. Les échanges de services dans les PM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.682. Une manne sous-exploitée : les transferts des migrants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.773. Les investissements directs étrangers dans les PM. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.85

V- Les échanges commerciaux avec l’Europe élargie : une ouverture qui n’est pasgarante du développement et qui modifie les structures industrielles . . . . . . p.941. Une situation internationale des PM toujours fragile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.962. Un niveau de compétitivité relative qui fragilise la position des PM face à la pression de la concurrence internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . p.1023. Des spécialisations de plus en plus marquées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.1144. Plusieurs types de modèles d’ancrage à l’UE qui n’ont pasles mêmes conséquences en terme d’amélioration des capacités productives . . . . . . p.125

VI- Intégration sud-sud : un rêve qui devient réalité ? . . . . . . . . . . . . . . . . p.1321. Intégration mondiale des pays arabes : succès et échecs . . . . . . . . . . . . . . . . . p.1332. Le commerce entre les pays arabes se développe, mais reste marginal…. . . . . . . p.1393. Autres domaines d’intégration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.1454. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.146

B/ MONOGRAPHIES SUR LA SITUATION MACRO-ECONOMIQUE DES PM . . . . . . . . . . . . . . . p.149

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.227

-vi-

-1-

INTRODUCTION

A la veille du 10ème anniversaire du

Partenariat, le rapport 2004 n’a pas pour

objet d’évaluer les apports de l’action euro-

péenne et de celles des PM. Il s’agit plutôt de

mettre en relief les orientations à prendre

pour les années à venir, compte tenu de la

situation actuelle et des contraintes des PM.

Il s’articule autour de 3 constats :

√ l’élément le moins contestable des

relations euro-méditerranéennes est l’inter-

dépendance qui s’est tissée entre les deux

zones. Elle se traduit essentiellement par

des flux d’hommes, légaux et non légaux et

des flux de revenus provenant des migrants,

plus représentatifs que les flux de biens et de

services traditionnels. Il faut bien se rendre

compte que les rives européennes sont éga-

lement sous l’influence des phénomènes à

l’oeuvre sur les rives sud, moins aujourd’hui

sur le plan économique — ce que l’on peut

regretter — mais de façon incontestable dans

la sphère sociale. Il est tout aussi évident

que la seule régulation des flux légaux

d’hommes et de femmes ne modifie que

marginalement cet état de fait.

√ Les PM sont dans une situation

de fragilité. Leur développement humain,

comme leur développement économique,

réclame des ressources considérables en pro-

portion de leurs productions. Le maintien de

l’équilibre, parfois précaire, de ces sociétés

nécessite donc de fait un investissement

important de la sphère publique. Toutefois,

les ressources publiques investies n’appa-

raissent pas efficaces, car les montants

générés restent insuffisants face à l’ampleur

des tâches et souvent employés de façon

contre-productive. Une parfaite illustration se

trouve dans les dépenses d’éducation, qui

rapportées au PIB, figurent parmi les efforts

les plus intenses au monde, mais ne permet-

tent pas de résoudre à l’échelle nécessaire le

problème de l’analphabétisme.

√ Sur le plan macroéconomique, la

rigueur des dix dernières années a permis,

sans doute aucun, de supporter les pro-

blèmes conjoncturels auxquels les PM se sont

trouvés confrontés de manière récurrente.

Mais justement, la succession de chocs exté-

rieurs –climatiques, économiques, poli-

tiques– pèse tout de même et finit par

remettre en cause les équilibres restaurés.

Le temps est donc venu pour des actions qui,

sans remettre en cause la philosophie géné-

rale de préservation des équilibres, garante

d’un développement soutenable, ciblent les

changements structurels nécessaires

dans l’ensemble de la sphère socio-éco-

nomique.

Face à cela, 3 contrastes majeurs nourris-

sent non seulement la déception envers le

Partenariat (et plus loin l’Europe), mais éga-

lement des déséquilibres grandissant :

√ le contraste entre les espoirs nés

de la mise en place du processus et les

résultats tangibles obtenus aujourd’hui, tels

que la population des rives du sud les appré-

hende ;

√ le contraste entre la solution poli-

tique offerte à l’Est et l’orientation tech-

nique du Partenariat avec les pays du

Samir Radwan, Economic Research Forum, EgypteJean-Louis Reiffers, Institut de la Méditerranée, France

Coordonnateurs

Décembre 2004

-2-

Sud, qui entraîne, dans ces derniers pays, un

sentiment d’être laissés pour compte.

√ le constraste entre les conditions

de vie offertes de part et d’autre d’un

détroit, dont on dit que la traversée suffit à

ôter 10 ans d’espérance de vie. A mesure

que se développent les nouveaux moyens de

communications, c’est maintenant l’en-

semble de la population de ces pays qui

appréhende quotidiennement l’écart entre

les deux rives. Cela rend de plus en plus

inacceptable le sentiment qu’en interne,

l’évolution est faible.

Les deux rives doivent aujourd’hui, et conjoin-

tement, prendre acte de cette interdépendan-

ce humaine, des contraintes lourdes subies

par les PM et de l’efficacité relative de la seule

action macroéconomique. Elles doivent mar-

quer la cohérence des actions de part et

d’autres, dans les processus de réformes et de

libéralisation au sud –les services et notam-

ment le transport et la finance–, dans l’aide et

les actions de développement apportés au

Nord –investissements structurels, etc..

Dans cette optique, le rapport 2004 va explo-

rer les principales priorités à court terme

comme suit :

√ réduire le phénomène de pauvreté et

d’exclusion (notamment celle issue du mar-

ché du travail) au sud, qui, s’il n’est pas très

profond relativement aux autres régions en

développement, augmente de façon peu sou-

tenable le contraste entre les deux rives ;

√ adapter les cadres légaux pour

réduire l’écart entre les des deux rives, sans

pour autant remettre en cause les identités

culturelles ;

√ faire progresser de façon tangible la

question agricole ;

√ bien évaluer les processus industriels

qui s’enclenchent compte tenu des échanges

commerciaux entre les deux zones, mais

également des modifications géo-politiques

et géo-économiques (élargissement à l’est,

développement de la Chine et de l’Inde,

influence américaine, …) ;

√ libéraliser de manière raisonnée et

surtout cohérente les sociétés méditerra-

néennes, notamment en ouvrant au plus vite

les secteurs qui brident aujourd’hui les avan-

tages liés à la proximité (services de trans-

ports, services financiers) ;

√ reconnaître au delà de l’histoire que

la rive sud entière est solidaire dans la désaf-

fection qu’elle subit. Ici la politique prime sur

l’économie bien entendu, mais ce que les

économistes peuvent mettre en avant, c’est

d’un point de vue très pragmatique que la

paix, la stabilité et l’intégration constituent la

seule alternative productive pour la région ;

√ prendre acte des retards accumulés

ces 20 dernières années, qui impliquent que

des stratégies de type « dragons asiatiques »

ne sont plus possibles, alors qu’inversement

le temps est propice à la mise en place d’éco-

nomies fondées sur la connaissance.

Bon nombre de constats et de recommanda-

tions présentés cette année découlent du

programme de recherche Femise lancé fin

2002 et dont les résultats commencent à être

disponibles. Ainsi, les résumés succincts

d’une dizaine de rapport de recherche sont

présentés dans les chapitres concernés.

Puis, dans sa deuxième partie, le rapport

2004 se focalise sur l’évolution conjoncturelle

récente de chaque partenaire méditerranéen.

Le message est à destination des deux rives.

Il est peu probable qu’un instrument unique-

ment basé sur une zone de libre-échange

puisse provoquer un développement suffi-

sant au sud. De même, la seule gestion

rigoureuse de la macroéconomie, augmentée

de retouches libérales par endroits, sans tou-

cher à des aspects sociétaux plus profonds —

statut de la femme, séparation des pouvoirs,

-3-

intégration régionale— ne pourra pas desser-

rer l’étau autour des PM.

I- Les progrès au sein de la société doi-

vent adopter le même rythme que les

progrès économiques

1. Les avancées ont été surtout nominales

Pour mieux comprendre les dynamiques à

l’œuvre ces 10 dernières années, le Femise a

examiné la position relative des PM en 1995

et en 2004 en utilisant la méthode multicri-

tères mobilisée dans les rapports précédents.

Il s’est agi de déterminer l’évolution des PM

entre 1995 et aujourd’hui, relativement à

l’évolution connue dans d’autres zones, mais

également selon 4 aspects : l’évolution du

développement social et humain, l’évolution

des performances économiques, l’évolution

du contexte légal et l’évolution en termes

d’économie de la connaissance.

Ces 4 aspects suivent la logique du processus

de Barcelone :

(i) la création d’une aire de prospérité,

de paix et de développement social, ce qui

sous entend un indispensable développe-

ment humain fondé sur le niveau général de

lettrisme, l’espérance de vie et les soins, l’ac-

cès au travail, l’égalité entre sexe, etc.

(ii) L’équilibre social ne peut aller sans

prospérité économique, c’est un fait qui moti-

ve un espace « performance macroéco-

nomique ». Il s’agit de mesurer la qualité

des résultats économiques en fonction non

seulement de l’approche consensuelle de

maîtrise des grands équilibres, mais aussi

d’indicateurs évaluant la soutenabilité de la

situation.

(iii) Le consensus de Washington est

apparu comme insuffisant pour impulser une

dynamique vertueuse partout. C’est ce qui

motive aujourd’hui et à raison l’intérêt pour

la gouvernance et les processus de

réformes : il est clair que l’équilibre écono-

mique se diffuse à l’intérieur des sociétés par

l’intermédiaire d’institutions et de cadres

légaux se comportant comme courroies

transmettant efficacement les bénéfices

macroéconomiques.

(iv) Le dernier espace est celui des ins-

truments (non utilisés ailleurs) permettant

d’établir une société de la connaissance

dans les pays. Pour le Femise, il s’agit de la

meilleure solution permettant aux pays en

développement de profiter rapidement d’une

sorte de new deal où les positions ne sont

pas encore acquises.

Globalement, la situation des PM aujourd’hui

les place dans la moyenne des économies

mondiales. Mais, ce qui est à retenir, c’est

que cette situation moyenne est le compro-

mis entre une position un peu meilleure dans

les performances économiques et les infra-

structures nécessaires à la société de la

connaissance, et une position sensiblement

inférieure à la majorité des pays dans le

monde en termes de gouvernance-réformes

et surtout de développement humain. Pour

l’ensemble des PM en effet, on observe que :

√ la dynamique relative sur le plan du

développement humain est marquée par la

stabilité. C’est-à-dire que les progrès enre-

gistrés n’ont pas été suffisants pour amélio-

rer la place des PM dans le monde de ce point

de vue.

√ L’évolution sur le plan des perfor-

mances économiques est certes positive,

mais reste malgré tout légèrement en deçà

de l’évolution médiane.

√ Les performances économiques géné-

rales en 2004 sont relativement bonnes, à

peu près partout supérieures à la moyenne.

Les efforts continus pour préserver les équi-

libres portent leurs fruits même si la situation

internationale pèse de plus en plus lourde-

ment. On note toutefois que les résultats

seront de plus en plus difficiles à conserver.

-4-

√ Le marché du travail reste le talon

d’Achille de la région : très faible taux d’acti-

vité, notamment chez les femmes et fort

taux de chômage. C’est un risque important

pour l’ensemble du processus, pour l’équi-

libre et la stabilité mêmes de ces pays (Cf.

Femise 2003).

√ Malgré des indicateurs d’éducation

situés généralement dans la moyenne, le pro-

blème de l’analphabétisme ne se résout pas.

√ La position relative en matière d’ou-

verture commerciale et financière ne pro-

gresse pas non plus en dépit des accords

euro-méditerranéens.

Cette analyse de la dynamique des PM sur

ces 4 plans relativement aux autres régions

dans le monde est symptomatique des diffi-

cultés de la région (Cf. figure 1). Sur la base

des 36 critères qui ont été mobilisés, par rap-

port à l’évolution globale médiane, les PM ont

donc réussi à suivre la tendance générale en

termes d’infrastructures d’économie de la

connaissance et de performances écono-

miques. Mais, à l’inverse, ils n’ont pas amé-

lioré leur situation dans les aspects quoti-

diens, relativement à l’ensemble des pays

dans le monde.

Il apparaît ainsi que les PM se sont appliqués

dans les domaines nominaux (macroéconomie,

infrastructures et cadres légaux économiques),

ce qui permet, vis-à-vis de la communauté

internationale et des investisseurs, de faire

valoir des progrès par ailleurs peu contes-

tables. Mais les problèmes fondamentaux tou-

chant le quotidien demeurent : une population

jeune qui trouvera difficilement sa place, faute

de pouvoir entrer sur le marché du travail, des

marges de manœuvre insuffisantes pour s’at-

taquer aux problèmes d’analphabétisme, une

ouverture qui ne se généralise pas, tant sur le

plan externe pour retarder sans doute les

risques de déstabilisation, que sur le plan inter-

ne en termes de transparence et démocratie.

Ce panorama restreint doit être maintenant

complété à partir de trois grandes questions :

(i) l’assainissement économique est-il

durable et peut-il générer des marges de

manœuvre pour financer une « mise à

niveau » sur le plan social ?

-1,5 -1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0 1,5

Esp. Humain

Esp. Performanceséconomiques

Esp. Réforme

Esp. Sté connaissance

Par espaces relativement aux autres pays (médiane)

PM* P Médian

Figure 1 : L’évolution relative des PM par rapport aux autres régions entre 1995 et2004 selon 4 aspects

-5-

(ii) Quelles sont, en termes de développe-

ment humain, les raisons de cette stagnation ?

(iii) Pourquoi le processus de réformes

est-il plus lent dans les PM relativement aux

autres régions ?

2. Une situation économique assainie, mais

fragile

Près de dix ans après le lancement du

Processus de Barcelone visant la consolida-

tion d’une zone de paix, de libre-échange et

de prospérité en Méditerranée, quelle est la

situation économique des partenaires médi-

terranéens ? Il ne s’agit pas, ici, de dresser

un bilan des effets spécifiques du Partenariat

noué avec l’Union Européenne, notamment

dans le domaine tarifaire, mais de proposer

un panorama des performances macroécono-

miques des pays du Sud de la Méditerranée

en 2004, évidemment au regard des

contraintes héritées et des défis de l’avenir.

Rappelons, au préalable, dans quel contexte

ces économies ont évolué depuis une dizaine

d’années.

D’une part, depuis 1995, les pays méditerra-

néens ont été soumis à de multiples chocs

exogènes : des difficultés pour leur partenai-

re désormais privilégié, l’économie européen-

ne, à sortir d’un régime de croissance molle ;

la création de l’euro se traduisant par des

mouvements désordonnés et difficilement

prévisibles des rapports de change vis-à-vis

du dollar, et donc susceptibles de créer des

distorsions de change en fonction des modes

d’ancrage monétaire retenus ; des crises

financières à répétition parmi les pays émer-

gents suscitant un repli des transferts

d’épargne vis-à-vis des PED ; l’enlisement du

conflit israélo-palestinien, puis le choc du 11

septembre 2001, suivi d’une chute des

recettes touristiques dans les pays méditerra-

néens, puis d’un effet collatéral en Irak, et le

maintien, voire l’accentuation, du climat d’in-

sécurité en Méditerranée ; le processus d’élar-

gissement de l’Union Européenne à l’Est, de

nature à créer de nouvelles distorsions de

concurrence, mais également de nouvelles

oportunités ; des accidents climatiques créant

des pénuries sur les productions agricoles ;

des chocs sur les marchés de matières pre-

mières, exerçant des effets redoutables pour

les pays importateurs de produits pétroliers…

La liste pourrait être allongée. Il importe de

garder en tête ce contexte particulièrement

tourmenté lorsqu’il s’agit d’évaluer les perfor-

mances économiques des pays méditerra-

néens dans la dernière décennie.

D’autre part, parallèlement à la mise en

œuvre des stratégies de transition, nom-

breux sont les PM qui ont été tenus de main-

tenir les politiques macroéconomiques de

rigueur préalablement engagées, à la fois

pour ne pas retomber dans les ornières des

dérives nominales qui avaient conduit à des

ajustements brutaux dans le passé et, aussi,

pour honorer les transferts imposés par la

dette externe.

Telle est donc la configuration d’ensemble au

sein de laquelle ont été engagées, à des

rythmes divers, de vastes réformes dans le

domaine tarifaire, fiscal, financier ou s’agis-

sant de la place de l’Etat dans l’économie et,

donc, en menant des politiques de dérégle-

mentation. Mais en 2004, même si la situa-

tion des différents pays méditerranéens est

loin d’être homogène sur le plan macroéco-

nomique (selon la taille des économies, selon

la disponibilité en main d’œuvre ou en res-

sources naturelles…), un sentiment de

déception prévaut au regard des immenses

espoirs suscités par la Déclaration de

Barcelone.

De façon générale, en tenant compte d’une

certaine hétérogénéité au sein de la zone, les

-6-

efforts d’ajustement ont permis de consolider

les grands équilibres et la situation macroé-

conomique paraît soutenable à court ou à

moyen-terme. Les PM sont relativement peu

exposés à des fragilités sur le plan macro-

financier et donc, a priori, peu soumis à un

risque de crise. Mais cela ne garantit nulle-

ment qu’ils pourront sortir de l’ornière d’une

croissance insuffisante au regard des besoins

en création d’emplois. Couplées aux

contraintes liées à la situation héritée (endet-

tement externe, hypertrophie du secteur

public…), les exigences du Partenariat (mise

à niveau des infrastructures et de la gouver-

nance, démantèlement tarifaire…) ont

conduit à privilégier les ajustements du côté

de l’offre, mais en privant les autorités natio-

nales d’une large part de leurs marges de

manœuvre en matière de politique écono-

mique et de soutien de la demande (poli-

tiques monétaires ou budgétaires, politiques

de change…). Or, dans le même temps, la

zone n’a que modérément tiré profit de son

ouverture externe renforcée avec l’Union

Européenne, ce dont témoignent le maintien

de déséquilibres commerciaux significatifs et

la faiblesse des IDE ou des flux de porte-

feuille. Ni la demande externe de produits

agricoles ou manufacturés, ni les transferts

d’épargne étrangère n’ont atteint des

volumes suffisamment élevés pour induire

une accélération de la croissance.

Pour toutes ces raisons, la situation écono-

mique des pays du Sud de la Méditerranée en

2004 ne peut pas être considérée comme

satisfaisante et exige de nouvelles impul-

sions, autant dans le rythme des réformes

internes qu’en ce qui concerne les conditions

d’intégration commerciale et financière, à

l’échelle euro-méditerranéenne comme sur

un plan plus global. Cet impératif nécessite

sans doute un infléchissement des conditions

d’accès aux marchés extérieurs, tout particu-

lièrement au sein de l’Union Européenne.

Mais cela suppose également que de nou-

velles marges de manœuvre soient dégagées

en interne afin qu’émerge un nouveau régi-

me de croissance apte à créer massivement

des emplois.

Ainsi, ce panorama de la situation macroéco-

nomique des PM peut-il être décliné sous

trois volets :

√ un ancrage nominal crédible et un

endettement soutenable ;

√ une ouverture externe, en matière

commerciale et financière, dont les effets

sont relativement décevants ;

V un régime de croissance insuffisant

au regard des besoins présents et futurs,

notamment en matières d’avancées sociales

et de créations d’emplois.

Un ancrage nominal crédible et un endette-

ment soutenable

Il est douteux que l’on se trouve sous la

menace d’une crise monétaire ou de balance

des paiements et, donc, d’un ajustement de

vaste ampleur, comparable aux difficultés

enregistrées dans les années 1980. A l’échel-

le de l’ensemble de la zone en effet, soit mal-

gré des exceptions notables, quatre caracté-

ristiques marquent aujourd’hui la situation

macroéconomique des PM, si l’on laisse de

côté, pour l’instant, la question de la vigueur

de la croissance : des taux d’inflation relati-

vement faibles ; des déficits budgétaires

certes élevés mais qui paraissent soute-

nables et ne nécessitent pas d’ajustement

drastique, hors le cas du Liban et de la

Turquie ; des déséquilibres courants en nette

diminution et considérés, là encore, comme

soutenables, malgré le poids des transferts

des travailleurs émigrés et des recettes tou-

ristiques dans le financement des déséqui-

libres commerciaux ; des politiques moné-

taires rigoureuses conduisant à des taux de

change dont l’ancrage est crédible et qui sont

-7-

Tau

x de

crois

sance

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Tableau 1 : Agrégats macroéconomiques en Méditerranée

-8-

marqués par une très nette tendance à l’ap-

préciation en termes réels (Cf. tableau 1).

Dans le domaine de l’inflation, les progrès

réalisés ont été particulièrement significa-

tifs. En moyenne, pour l’ensemble des pays

du Sud de la Méditerranée, le taux de haus-

se des prix à la consommation était de 7,7%

dans les années 1995-98. Les chiffres sont

passés à 2,7% pour la période 1998-2002 et

à 2,6% seulement en 2003. L’amélioration

est donc générale et seule la Turquie y fait

exception avec un taux d’inflation de 25%

en 2003.

Pour ce qui est des déficits budgétaires, on

observe là encore une stabilisation d’en-

semble dont rend compte le tableau 1. En

dehors des cas particuliers du Liban et de

la Turquie, les déficits budgétaires restent

acceptables, même s’ils sont souvent plus

élevés que la norme officielle de 3% que

les pays-membres de la zone euro sont

supposés respecter. Mais nul n’ignore que

ni la France, ni l’Allemagne ne la respec-

tent, sans parler de la situation budgétaire

américaine, même si le financement des

déficits budgétaires rencontre moins de dif-

ficultés dans les pays les plus développés

accédant aisément à des marchés de capi-

taux profonds et liquides, ce qui n’est pas

le cas des PM.

Les déséquilibres courants des PM, y compris

pour les pays non-exportateurs de pétrole,

sont également soutenables. Pour 2003, on

enregistre un déficit de 2,2% du PIB en

Syrie, de 2,9% en Tunisie et de 2,8% en

Turquie. Mais l’Egypte a dégagé un excédent

de 2,4%, la Jordanie de 4,4% et le Maroc de

0,7%. Quant à l’Algérie, compte tenu de

l’évolution des cours pétroliers, l’excédent a

été de l’ordre de 13% en 2003. La situation

est par contre beaucoup plus périlleuse pour

le Liban avec un déficit de 19%. Ce satisfe-

cit doit cependant être tempéré compte tenu

de l’importance des déficits commerciaux

que compensent toutefois les excédents

dans le domaine des services et les trans-

ferts de fonds, issus des travailleurs émigrés

pour les uns, ou liés à l’aide publique bilaté-

rale pour d’autres. Il n’en demeure pas

moins qu’en dehors du Liban, la situation

macroéconomique externe des pays médi-

terranéens n’est pas préoccupante, même si

ce résultat s’explique en partie par un gap

de croissance.

Qu’en est-il de l’endettement externe, autant

pour ce qui est du service de la dette que

s’agissant du stock de dette ? Le tableau 1

rend compte de la situation comparée des PM

en 1993 et en 2003.

L’amélioration est significative pour l’Algérie,

la Jordanie, le Maroc et la Syrie. Si l’on déno-

te une aggravation de l’endettement externe

pour l’Egypte, le Liban et la Turquie, le servi-

ce de la dette reste supportable, sauf pour le

Liban, dont la situation est à nouveau préoc-

cupante, et, à un degré moindre, pour la

Turquie.

S’agissant, enfin, de l’évolution des taux de

change réels, les données rendent parfaite-

ment compte de l’appréciation réelle de la

plupart des grandes monnaies méditerra-

néennes, surtout depuis 1995. C’est là le

signe d’un pilotage macroéconomique à la

fois rigoureux et crédible, mais c’est aussi la

base d’une interrogation quant aux effets

que cela peut engendrer sur la compétitivité-

prix des PM.

En définitive, il semble bien que la stabilisa-

tion macroéconomique soit solidement

ancrée parmi les pays méditerranéens et,

donc, que sur le double plan des équilibres

internes et de l’équilibre externe, toute

inquiétude excessive doive être écartée.

-9-

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US $

Mill

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US $

Mill

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US $

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US $

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Tableau 2 : Équation de transferts des PM 1990-2003

-10-

Une ouverture externe, en matière commer-

ciale et financière, dont les effets sont relati-

vement décevants

Malgré un développement rapide des échanges,

notamment avec l’Union Européenne, l’ouver-

ture renforcée se traduit, le plus souvent, par

des déficits commerciaux et elle n’a guère amé-

lioré le contenu en travail qualifié de la spécia-

lisation (Cf. section V). Quant au type de finan-

cement externe de ces déséquilibres, il fragilise

les économies méditerranéennes et hypo-

thèque l’accélération de la croissance.

S’agissant de l’ouverture externe, tandis que la

croissance des échanges commerciaux à

l’échelle de la planète a été d’environ 8% par

an tout au long des années 1990, elle a plafon-

né autour de 3% dans la région méditerra-

néenne. C’est là le signe, parmi bien d’autres,

d’une intégration insuffisamment rapide dans

l’économie mondiale.

Il est précédemment apparu que la situation

des paiements courants des pays méditerra-

néens pouvait être jugée soutenable, à condi-

tion d’en maîtriser la taille. Il est d’ailleurs légi-

time pour des pays jeunes et à forte croissance

démographique d’enregistrer des déficits cou-

rants car les taux d’épargne ont toutes chances

de ne pas pouvoir égaler les taux d’investisse-

ment. Il faut cependant souligner une double

spécificité s’agissant des PM : d’un côté, avec la

part très élevée des recettes touristiques dans

la balance des biens et services ; et, d’un autre

côté, avec les masses de fonds considérables

que représentent les transferts réalisés par les

travailleurs émigrés. C’est ce qui apparaît sur le

tableau 2. Comparé aux échanges de biens,

l’excédent des services, issu, pour une part

essentielle, des recettes touristiques, est parti-

culièrement élevé en Egypte, au Maroc, en

Tunisie et en Turquie. En dehors de la Syrie,

tous les pays méditerranéens bénéficient d’en-

vois nets de fonds de la part des travailleurs

installés à l’étranger, et pour l’ensemble de la

zone, cela représente des transferts de revenus

de l’ordre de 12 à 15 milliards de dollars par an.

Une telle configuration crée donc une incertitu-

de quant à la permanence et la stabilité de ces

flux, surtout si apparaissait un nouveau choc

politique, à l’image du 11 septembre 2001 et de

ses effets sur la fréquentation touristique en

Méditerranée.

L’un des sujets les plus préoccupants concerne

les flux d’investissement direct en provenance

de l’étranger. Le tableau 3 donne la distribution

des IDE parmi les pays méditerranéens et com-

pare ces afflux avec les apports d’épargne

longue qui se sont portés vers d’autres zones

de l’économie mondiale.

Il est indéniable que, dans le domaine des IDE,

la décennie 1990 restera une décennie man-

quée pour les PM, malgré l’évolution explosive

des mouvements de capitaux à long terme vers

l’ensemble des pays émergents ou en dévelop-

pement. L’amélioration du climat des affaires et

la modernisation de la gouvernance renforce-

ront très certainement les incitations auprès

des investisseurs internationaux. Mais si le cli-

mat politique de la région ne se détend pas, et

si un grand marché Sud-Sud ne se développe

pas, il est difficile d’imaginer un infléchissement

très marqué des IDE en Méditerranée.

3. Un régime de croissance insuffisant au

regard des besoins présents et futurs de

créations d’emplois et progrès sociaux

Au cours de la période 1995-1998, la crois-

sance du PIB des pays méditerranéens s’est

élevée, en moyenne, à 4,4%. Depuis, le taux

de croissance des PM n’a été que de 3,8%

dans les années 1998-2002 et seulement de

3,2% en 2003, ce qui correspond approxima-

tivement à la croissance de la population acti-

ve dans la zone. Dans le même temps, selon

-11-

Tableau 3 : Entrées d’Investissements Directs Étrangers 1990-2003

En

trées

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%

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%

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250

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%

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115

150

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%

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%

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%

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2004.

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Moye

nne

annuel

le (

mio

s $)

-12-

Tableau 4 : Population vivant sous la ligne de pauvreté (en %)

Croissanceannuellemoyenne duPIB (%)

Croissanceannuellemoyenne duPIB per Capita(%)

Croissance duPIB (%)

Croissanceannuellemoyenne duPIB per Capita(%)

Part de lapopulationvivant avecmoins d’undollar parjour (%)

Part de lapopulationvivant avecmoins de deuxdollars par jour(%)

Ligne depauvreténationale (%)

1990-2002 1990-2001* 2001-2002* 2001-2002* 1990-2002 1990-2002 1990-2001

Algérie 2,2 0,1 4,1 2,5 <2 15,1 12,2Egypte 4,5 2,5 3 1,1 3,1 43,9 16,7Jordanie 4,7 0,9 4,9 2 <2 7,4 11,7Liban 4,9 3,6 1 -0,3 .. .. ..Maroc 2,6 0,7 3,2 1,6 <2 14,3 19Syrie 4,7 1,9 2,7 0,3 .. .. ..Tunisie 4,6 3,1 1,7 0,6 <2 6,6 7,6Turquie 3,1 1,7 7,8 6,1 14,9 30,3 21,8Palestine -0,8 2,4 -19,1 -22.5 .. .. ..

Source : Rapport sur le Développement Humain 2004

le dernier World Economic Outlook du FMI, les

pays émergents ou en développement se

trouvent sur un trend de croissance de 5,1%

depuis 1996, et même de 6,1% en 2003.

Si la croissance économique de la zone est

faible, relativement à d’autres pays compa-

rables, en Asie ou en Amérique latine, elle

l’est plus encore au regard de l’expansion de

la population active en Méditerranée, obser-

vée et à venir, et c’est en fonction des

besoins en créations d’emplois que ce déficit

de croissance prend toute sa dimension. Du

coup, pour l’ensemble des pays méditerra-

néens, malgré des progrès significatifs, la

pauvreté reste préoccupante et le chômage

ne recule pas suffisamment.

Le gap de croissance des pays méditerranéens

est évidemment la résultante de tout un

ensemble de facteurs. Mais soulignons le rôle

clef de plusieurs phénomènes : un taux d’in-

vestissement insuffisant, et légèrement orien-

té à la baisse, de l’ordre de 20% environ dans

la zone (pour 2003 : 30% en Algérie, 17% en

Egypte, 22% en Jordanie, 17% au Liban, 22%

au Maroc, 23% en Syrie, 25% en Tunisie, 23%

en Turquie), à comparer à des taux supérieurs

à 25% parmi les PECO désormais membres de

l’Union Européenne, et même de l’ordre de

30% dans les pays émergents asiatiques ; des

taux d’épargne domestique souvent peu éle-

vés (toujours pour 2003 : 14,5% en Egypte,

16% au Maroc, 30% en Syrie, 21% en Tunisie,

19% en Turquie), même si certains pays se

distinguent nettement sur ce plan, notam-

ment l’Algérie avec environ 45% en 2003 ;

une allocation du capital qui souffre du poids

excessif des entreprises publiques ; une pro-

ductivité globale des facteurs qui progresse

beaucoup trop lentement…

Les conséquences de cette croissance insuffi-

sante apparaissent nettement dans les

chiffres du chômage. Globalement, à l’échel-

le de la zone, celui-ci est aujourd’hui de

l’ordre de 14% avec un pic de plus de 27%

en Algérie, sans que l’on puisse faire état de

réels progrès depuis 10 ans. C’est ce que

montre le tableau 1.

Or, dans le même temps, les besoins en créa-

tion d’emplois s’avèrent considérables à court

et à moyen-terme. Malgré le ralentissement

de la croissance démographique, les créations

d’emplois permettant le maintien des taux

d’activité ou leur alignement sur les taux

européens varient, selon les évaluations, de

40 à 50 millions pour l’ensemble des PM à

horizon 2010. Ces chiffres sont édifiants et

montrent bien pourquoi il est impératif, pour

les PM, de retrouver de nouvelles marges de

manœuvre sur le plan macroéconomique.

Dans le même temps, compte tenu des rela-

tions entre les deux rives, ces marges de

-13-

manœuvre apparaissent nécessaires afin de

réduire l’écart persistant de développement

humain.

Une lente évolution sur le plan social qui

accroît trop sensiblement le contraste entre

les deux rives

La situation des partenaires méditerranéens

sur le plan du développement humain et de

la pauvreté, détaillée dans l’étude du Censis

ci-après, peut se résumer comme suit.

√ Croissance et pauvreté

La relation entre croissance et pauvreté est

au cœur du développement économique.

Pour beaucoup, la croissance économique est

considérée comme nécessaire et suffisante

pour réduire l’incidence et la profondeur de la

pauvreté, ce qui a comme conséquence de

focaliser les efforts sur les résultats macro-

économiques.

Comme on l’a vu, la croissance au sud a été

relativement faible (tableau 1), particulière-

ment au Liban et dans les Territoires sous

Autorité Palestinienne.

Sur le plan du niveau de pauvreté, il convient

de rappeler que les résultats varient selon la

mesure retenue. En choisissant le seuil inter-

national conventionnel, fixé à des dépenses

de 1$ par jour et par personne, le rapport sur

le développement humain 2004 fait état de

très faibles niveaux de pauvreté. Mais, un

seuil de 2$ par jour, et plus encore les seuils

fondés sur les lignes nationales de pauvreté,

dépeint une situation plus réaliste et large-

ment hétérogène au sein des PM.

Au seuil de 1$, les taux varient de 1,1% de

pauvres au Maroc, 2,5% en Algérie, 2,5% en

Jordanie, 3,9% en Tunisie et 7,6% en

Egypte. Mais, en plaçant la ligne à 2 $, cette

relativement faible incidence augmente for-

tement : 17,6% en Algérie, 19,6% au Maroc,

22,7% en Tunisie, 23,5% en Jordanie et plus

de la moitié de la population (51,9%) en

Egypte (Collicelli & Valerii, 2001).

En examinant les niveaux de croissance du

PIB par tête, on observe indéniablement une

certaine corrélation avec le niveau de crois-

sance du PIB. Aussi, la Turquie, la Jordanie et

l’Algérie enregistrent les plus forts taux

moyens de croissance du PIB par tête. Mais,

il apparaît que la relation croissance-pauvreté

est rien moins que systématique. Tous les PM

ne se classent en effet pas dans le même

ordre selon la croissance économique et le

niveau de pauvreté (tableau 6).

√ Développement humain et pauvreté

Comme indiqué dans l’étude du Censis ci-

contre et dans le tableau 5, l’indice de déve-

loppement humain produit par le PNUD

varie grandement entre les PM, tout en

ayant beaucoup augmenté ces dernières

Tableau 5: Tendance de l’indice de développement humain

1975 1980 1985 1990 1995 2001Algérie 0,510 0,559 0,609 0,648 0,668 0,704Egypte, 0,433 0,480 0,530 0,572 0,605 0,648Jordanie .. 0,637 0,659 0,675 0,702 0,743Liban .. .. .. 0,678 0,728 0,752Maroc 0,427 0,472 0,506 0,538 0,567 0,606Syrie 0,536 0,578 0,612 0,632 0,664 0,685Tunisie 0,514 0,572 0,620 0,654 0,693 0,740Turquie 0,589 0,612 0,649 0,681 0,712 0,734Palestine .. .. .. .. .. ..

Source : Rapport sur le Développement Humain 2003

-14-

Les limes de Méditerranée : les variablessociales du développement : santé, pau-vreté et crime.L’impact du partenariat euro-méditerra-néen et de la mondialisation sur lesdéséquilibres sociaux entre le Nord et leSud du bassin.

Dirigée par Fondazione Censis, Italy

Cette étude cherche à analyser les effets dela mondialisation, en général, et du partena-riat euro-méditerranéen en particulier, enexaminant les déséquilibres sociaux et lesdifférences entre les sociétés de part etd’autre du bassin méditerranéen.

L’étude se concentre principalement sur troisdimensions de l’aspect social du développe-ment (la santé, la pauvreté et le crime), afinde mesurer la façon dont ces trois secteursfondamentaux de « l’état de santé » d’unpays sont plus ou moins affectés par les rela-tions globales des pays méditerranéens.

La santé effective de la population, la pau-vreté multidimensionnelle et « le crime etl’illégalité » continuent de représenter troisfacteurs extrêmement importants, qui doi-vent faire l’objet de recherches et d’atten-tion de la part de la communauté interna-tionale et de l’intervention publique afin deréduire la distance séparant la rive nord dela rive sud-est de la Méditerranée et d’as-surer que le développement soit soute-nable. Il faut garder à l’esprit égalementque les principaux objectifs du partenariateuro-méditerranéen – commerce et sécuri-té – ne pourront être atteints si la prioritén’est pas donnée aussi à la création d’unbien-être social à chaque endroit de larégion méditerranéenne.

Un premier objectif de l’étude a été de réali-ser une nouvelle analyse comparative de lasanté et de la pauvreté dans 18 pays médi-terranéens et de dresser les divers profilsmultidimensionnels de la privation, en pre-nant en compte dans la recherche desvariables sociales et personnelles, les typesde familles et les types de territoires (rural eturbain, zône côtière et continentale, pauvre-té historique et émergente, etc.).

L’autre aspect analysé est le système légaldes différents pays, dans la mesure où lasphère du crime et de l’illégalité et le systè-me judiciaire – souvent négligés dans lesétudes de ce type – constituent un facteurimportant d’intégration, en particulier par lefait que des garanties insuffisantes en cedomaine peuvent décourager les flux nord-

sud d’investissements et de personnes à l’in-térieur du bassin.

Du point de vue théorique, la réflexion sur lapauvreté concerne d’autres notions en rela-tion avec le développement humain :√ les droits de l’homme, dans tous ses

aspects ;√ la santé ;√ l’accès ou l’exclusion aux biens, res-

sources et services ;√ l’état de sécurité personnelle et le climat

de confiance ou de peur au sein de l’envi-ronnement concerné ;

√ la participation active des individus dansleur contexte social.

La pauvreté, la santé et le crime ont doncconstitué les trois éléments dont les niveauxont été mesurés de façon à déterminer desphénomènes transversaux permettant à lacommunauté d’identifier plus clairement lesfacteurs responsables de la stimulation ou dela stagnation des processus de convergenceau sein de la région euro-méditerranéenne.

Les programmes d’ajustements structurelsqui ont guidé les réformes dans les années80 en Afrique du Nord et Moyen-Orient ontobtenu d’importants résultats en termes destabilisation macroéconomique, mais ont,dans le même temps, provoqué un accrois-sement significatif du chômage et de la pau-vreté, créant de « nouveaux pauvres » ausein de plusieurs groupes sociaux. La crois-sance économique que l’on peut observerquand les économies en développements’ouvrent aux marchés mondiaux et signentdes accords multilatéraux d’échanges peutinitialement permettre une amélioration desindices de pauvreté en termes de revenus,comme cela a pu être observé ces dernièresannées. Mais, il y a un risque de laisser des« trous » significatifs dans le tissu social,aggravant les inégalités et l’exclusion socialeau sein d’importants segments de la popula-tion, et créant tensions et mécontents. Lesrésultats obtenus par plusieurs PM sur le planéconomique, et parfois en termes de réduc-tion de la pauvreté, cachent des déséqui-libres sociaux forts qui persistent et ne setraduisent pas par une amélioration généraleet satisfaisante des conditions de vies réellesdes habitants.

Après avoir dépassé les seuils minimaux dedéveloppement, les pays de la région setrouvent dans une situation ambivalente :√ d’un côté, on a observé, ces dernières

années, une réduction marquée de la pau-vreté mesurée en termes de revenus (surla base du seuil international de un dollar

-15-

décennies. Ils sont passés d’une situation

de faible niveau de développement humain

à une situation de niveau moyen, réduisant

la disparité avec les pays de la rive nord

(Censis, 2003).

Le PIB par tête étant une composante de

cet indicateur, on doit s’attendre à une cer-

taine corrélation entre le niveau de revenu

et l’indice de développement humain

(tableau 6). En fait, seulement 3 pays occu-

pent un rang de développement humain qui

correspond à leur niveau de développement

en termes de revenu : le Liban, la Tunisie et

l’Algérie.

L’espérance de vie a augmenté dans tous les

pays du sud, en moyenne de 10 ans, ce qui

dénote un accroissement de la qualité des

services sanitaires et de l’ensemble des

conditions de vie. L’espérance de vie des

hommes a connu une amélioration plus

importante que celle des femmes, en s’ac-

croissant en moyenne de 12,3 ans (figure 2).

Sur le plan de l’éducation, la plupart des PM

offrent maintenant un accès universel à

l’éducation primaire et une grande propor-

tion de jeunes suit un cycle secondaire

complet (tableau 7). Malgré ces avancées,

de nombreux jeunes restent en dehors du

système éducatif. Les sorties anticipées du

système éducatif et les taux d’analphabé-

tisme sont encore hauts dans certains pays,

ce qui bloque les possibilités d’accéder aux

opportunités de formation tout au long de

la vie.

Si les pauvres doivent bénéficier de la crois-

sance économique, ils ont alors besoin des

compétences dont la demande croît, et des

capacités d’améliorer leur productivité en

Tableau 6 : Une comparaison des niveauxde revenu et de développement humain

Classement enfonction de lacroissance duPIB, 2001-2002(%)

Classement enfonction duRevenu NationalBrut en 2002

Classement enfonction del'indicateur dedéveloppementhumain en 2001*

Turquie Liban LibanJordanie Turquie JordanieAlgérie Tunisie TunisieMaroc Jordanie TurquieEgypte Algérie AlgérieSyrie Egypte SyrieTunisie Maroc EgypteLiban Syrie MarocPalestine Palestine

Source : World Development Indicators* Human Development Report 2004

Figure 2 : Espérance de vie dans larégion sud méditerranéenne

0 10 20 30 40 50 60 70 80

Algérie

Egypte

Jordanie

Liban

Maroc

Syrie

Tunisie

Turquie

Aut. Palest.

Moyenne

1975-1980 Femmes 1975-1980 Hommes

2000-2005 Femmes 2000-2005 Hommes

Source : World Competitiveness Report, 2002-2003; Notes: les prévisions pour la Turquie n’étantpas disponibles, ce sont les données de l’espéran-ce de vie 2001 qui ont été utilisées, la prévisiondevant être supérieure.

Tableau 7 : L’éducation au SudMéditerranéen

1990 2002 1990/91 2001/02 2001/02Algérie 77,3 89,9 93 95 62Egypte 61,3 73,2 84 90 81Jordanie 96,7 99,4 94 91 80Liban 92,1 .. 78 90 ..Maroc 55,3 69,5 57 88 31Tunisie 84,1 94,3 94 97 68Turquie 92,7 95,5 89 88 ..Palestine .. .. .. 95 81

Taux d’illettrisme de lapopulation des 15-24ans (%)

Ratio net de lapopulation scolariséedans le primaire (%)

Ratio net de lapopulation scolariséedans le secondaire(%)

Source : World Development Indicators 2004

Croissance annuellemoyenne du PIB, 1990-2002 (%).

Ligne nationale depauvreté, 1990-2001(%).

Classement par niveaude croissance (du plusélevé au plus faible).

Classement par niveaude pauvreté (du plusfaible au plus élevé).

Liban TunisieJordanie Jordanie

Syrie AlgérieTunisie EgypteEgypte MarocTurquie TurquieMarocAlgérie

Palestine

-16-

par jour et par personne), dont l’inciden-ce concerne, en moyenne, moins de 2%de la population totale, ce qui place cespays dans une situation plus favorableque celles des pays en développement, etdont la tendance reste baissière ;

√ d’un autre côté, l’inégalité de la distribu-tion est relativement limitée, notammenten comparaison des autres pays deniveau de développement similaire ;

√ néamoins, les PM n’ont pas atteint demanière égale des résultats encoura-geants en ce qui concerne la réduction dela pauvreté humaine et l’amélioration desindicateurs sociaux.

La dimension pauvreté

Dans cette étude, la pauvreté a été analyséecomme le manque d’accès non seulementaux biens et services, mais également à l’in-formation, aux qualifications et à d’égaleschances, à travers les aspects suivants :(i) le niveau de développement humain et satendance, (ii) les privations économiques,(iii) les « Millennium Goals » directementreliés à la pauvreté.

Les tendances du développementhumain

Dans une perspective globale, le développe-ment humain a, sans conteste, connu uneévolution positive ces 25 dernières années.Entre 1975 et 2001, les PM ont vu croître de16,3% en moyenne leur indice de développe-ment humain tel que défini par le PNUD. Pourcertains, la hausse a même été bien plussubstantielle, par exemple l’Egypte(+33,2%), la Tunisie (+30,5%), le Maroc(+29,5%), la Syrie (+21,8%), la Turquie(+19,8%). Les pays où les performances ontété moins bonnes sont bien évidemment lespays européens, dont les niveaux étaientplus élevés au départ, comme la Grèce(+6,8%), l’Italie (+8,5%), la France(+8,5%) et l’Espagne (+9,2%). La tendanceglobale montre une convergence notable del’indicateur vers des standards plus prochesde développement humain. Bien que le rap-port 2003 du PNUD ait souligné une telleconvergence générale des régions méditerra-néennes vers des niveaux plus homogènesde développement humain – notamment enprenant en compte d’autres régions dumonde où la situation est bien plus grave,comme certaines parties de l’Afrique Sub-saharienne – une analyse non diachronique,qui se focalise particulièrement sur la région,indique l’énorme écart qui reste à combleravant de pouvoir parler de région homogèneen termes de développement humain.

L’exclusion sociale

Le premier problème est celui de l’emploi,avec de faibles taux d’activité et de forts tauxde chômage. La situation des pays deMéditerranée sur les autres aspects de l’ex-clusion est plus hétérogène :√ le Maroc et l’Egypte affichent les plus forts

taux de pauvreté, suivis de l’Algérie, de laTunisie et de la Syrie ;

√ la part de la population dont l’espérancede vie est de moins de 40 ans est la plushaute au Maroc (9,4%), en Algérie(9,3%), en Egypte (8%), en Turquie (8%)et en Jordanie (6,6%) ;

√ les plus forts taux d’analphabétisme chezles adultes se rencontrent au Maroc(50,2%), en Egypte (43,9%), en Algérie(32,3%), en Tunisie (27,9%) et en Syrie(24,7%) ;

√ l’accès à l’eau potable est toujours un pro-blème pour 28% de la population enLibye, 20% de la population en Tunisie etau Maroc et 18% en Turquie ;

√ la malnutrition infantile affecte 13% desenfants en Syrie, 9% au Maroc et 8% enTurquie.

Les objectifs du Millénaire

Parmi les objectifs du Millénaire, il y en atrois reliés directement à la pauvreté :√ l’objectif n°1, dont le mandat est « d’éra-

diquer l’extrême pauvreté et la faim » ;√ l’objectif n°2, dont le mandat est « d’as-

surer l'éducation primaire pour tous » ;√ l’objectif n°8, dont le mandat est « de

mettre en place un partenariat mondialpour le développement », notamment lespoints concernant la création d’emploi etl’accès aux nouvelles technologies.

En ce qui concerne l’objectif de diviser par 2d’ici à 2015 la proportion de la population quivivait en 1990 avec un revenu inférieur à undollar par jour, tous les pays connaissent, en2001, un taux de moins de 2%, à l’exceptionde l’Egypte qui est encore à 3,1%

Sur le plan de la malnutrition infantile, onobserve une nette coupure entre les pays dunord et du sud, lesquels enregistrent des picssupérieurs à ceux du début des années 90,notamment au Maroc, en Algérie et enJordanie.

Les chiffres concernant l’objectif n°2, l’édu-cation primaire, montrent clairement l’avan-ce prise par la plupart des PM. Cependant, leLiban et le Maroc, malgré de grands progrès,connaissent des pourcentages inférieurs à lamoyenne des pays en développement.

-17-

tant que travailleurs, exploitants agricoles ou

micro-entrepreneurs. L’éducation des popu-

lations pauvres accroît les bénéfices de la

croissance économique en plus d’améliorer

directement le développement humain.

Pourtant, les pauvres reçoivent rarement une

éducation satisfaisante. Trop peu d’enfants

pauvres entrent à l'école primaire, trop

d’entre eux échouent durant leur scolarité et

la qualité même de leur instruction est sou-

vent décevante (Addison & Rahman, 2003).

√ Inégalité et croissance

Certains chercheurs mettent en avant le fait

que les bénéfices de la croissance peuvent ne

pas être largement répartis. En fait, ce que

soulignent souvent les critiques envers la

globalisation est que la croissance au niveau

agrégé peut fort bien avoir un effet négatif

sur les personnes les plus vulnérables. Aussi,

l’impact de la distribution de la croissance,

autant que son niveau, doit être pris en

compte lorsque les conséquences de la pau-

vreté sont analysées (Addison & Rahman,

2003).

Sur le plan de l’égalité de la distribution des

ressources, les pays méditerranéens affi-

chent de forts coefficients de Gini

(tableau 8). Cet indice s’élève à 34,4% en

Egypte, 39,5% au Maroc, 36,4% en Jordanie

(où les 20% les plus riches disposent de 50%

de la richesse), 39,8% en Tunisie, 35,5% en

Algérie, pour 32,7% en France et 32,5% en

Espagne (Rapport sur le développement

Humain, PNUD, 2004).

Selon Ravillion (2004), il n’y a que peu ou

pas de corrélation entre la croissance moyen-

ne, le revenu par tête des ménages et les

modifications des mesures de l’inégalité. La

corrélation est même plus faible si l’on utilise

les taux de croissance de la consommation

donnés par les comptes nationaux (un coef-

ficient de corrélation de 0,01). Ainsi, la crois-

sance ne réduit pas les inégalités. La crois-

sance par elle-même n’accroît pas les reve-

nus des pauvres autant que ceux des riches.

Bien sûr, si la distribution ne change pas en

moyenne, alors les pauvres sont gagnants en

termes absolus : la croissance réduit la pau-

vreté et la récession l’augmente.

Il y a un consensus dans la littérature sur le

fait que les pays dotés de conditions initiales

relativement plus égalitaires, en termes de

distribution d’actifs et de revenus, tendent à

atteindre des taux de croissance supérieurs

aux pays connaissant de fortes inégalités ini-

tiales. Il s’agit d’un résultat très important,

car il signifie que les inégalités « ferment les

deux portes ». Au départ, un sentier de crois-

sance caractérisé par une plus grande égali-

té bénéficie directement aux pauvres à court

terme. Puis, la baisse des inégalités qui en

résulte crée, dans chaque période, des

« conditions initiales » pour la période sui-

vante qui améliorent encore la croissance

(Dagdeviren et al., 2004).

On perçoit alors le cercle vicieux dans lequel

se trouvent les pays méditerranéens ; la

croissance ne réduit pas les inégalités, les

inégalités sont un frein à la croissance. Et les

inégalités sont fortes.

C’est pourquoi une stratégie de croissance

favorisant les pauvres ne doit pas se focaliser

seulement sur l’aspect croissance écono-

Tableau 8 : Les inégalités de revenus

Année Indice deGini

Algérie 1995 35,5Egypte 1999 34,4Jordanie 1997 36,4Liban .. ..Maroc 1998/99 39,5Syrie .. ..Tunisie 2000 39,8Turquie 2000 40

Aut. Palest. .. ..

Source : Rapport sur le développement Humain 2004

-18-

L’objectif n°8 concerne à la fois la créationd’opportunités d’emplois pour les jeunes etun meilleur accès aux nouvelles technolo-gies. Là où les données sont disponibles,elles indiquent une tendance négative. AuMaroc, seul pays du sud où les données exis-tent et dans les pays méditerranéens les plusriches, on observe :√ une décroissance marquée de l’emploi des

femmes et des jeunes au cours de lapériode 1990-2001 en Italie, au Portugal,en Espagne et également en Israël ;

√ une légère croissance du chômage fémi-nin en France ;

√ le seul chiffre positif étant une légèrecroissance de l’emploi en Grèce.

Pour ce qui est de l’usage des nouvelles tech-nologies, on assiste à une profonde mutationdans les 12 dernières années, en particuliersur le plan de l’usage d’internet et des ordi-nateurs. Cette révolution a pris place à desvitesses variées, mais il est clair qu’avec despourcentages proches de 0 en 1990, la ten-dance générale est à l’augmentation. De sen-sibles différences existent cependant :√ en termes de téléphonie, en 2001, l’Italie

enregistre 135,5 contrats de téléphonepour 100 habitants, mais l’Algérie n’endispose que de 6,4 ;

√ les usagers d’internet représentent 28,1%de la population au Portugal et 0,4% enSyrie ou en Libye ;

√ les ordinateurs personnels sont utiliséspar 32,9% des français, mais par 0,7%des Algériens.

Santé

L’espérance de vie moyenne en Méditerranées’établit aujourd’hui à 73 ans. Les pays dontles chiffres sont sensiblement inférieurs sont,par ordre croissant : l’Egypte (stagnant tou-jours à 66,6 ans), la Turquie, l’Algérie et leMaroc. Les pays où l’espérance est la plusforte sont, par ordre décroissant : la Franceet l’Italie, l’Espagne et Israël.

Les écarts à la moyenne tendent à être plusimportants dans le cas des femmes.L’examen de l’évolution de l’espérance de vieselon le sexe montre clairement que c’estl’évolution concernant les femmes qui aug-mente la moyenne dans des pays comme lePortugal, la France, l’Italie et l’Espagne, tan-dis qu’en Egypte, au Maroc, en Algérie et enTurquie, la dynamique de l’espérance de viedes femmes est inférieure à celle deshommes, influençant à la baisse la moyenne.Pratiquement tous les pays de Méditerranéeconnaissent des taux de malnutrition infantilelargement inférieurs à la moyenne des pays

en développement (18% de la population).Ces données sur la malnutrition sont dispo-nibles pour 5 pays du sud : le Maroc et laJordanie sont les plus touchés, avec respecti-vement 7 et 6% de la population souffrant demalnutrition, suivis de l’Egypte avec 4% etenfin la Syrie et le Liban, tous deux à 3%.

Un phénomène plus complexe, et moinsdirectement relié au niveau de privation éco-nomique que connaissent les familles, estcelui de l’insuffisance pondérale des enfants àla naissance, qui touche 8 bébés sur 100 dansla région méditerranéenne. La proportion estplus élevée en Turquie, affectant 15% desbébés, suivie de la Jordanie et de l’Egypteavec 10%. De plus faibles pourcentages sontobservés non seulement dans les pays de larive nord, mais aussi en Tunisie (5%, lechiffre le plus faible en Méditerranée), Libanet Syrie (6%), Libye (7%)

En Méditerranée, 2,3% des enfants décèdentavant l’âge de 5 ans et 12,5% des plus de15 ans n’atteignent pas l’âge de 60 ans. Enrevanche, en dehors de ces chiffres moyens,on observe des différences majeures entre lespays, que l’on peut diviser en trois groupes :√ les pays où la mortalité infantile est fran-

chement sous la moyenne (tous les payseuropéens plus Israël, Chypre et Malte) ;

√ ceux où la mortalité infantile est procheou légèrement inférieure à cette moyen-ne, comme la Jordanie, le Liban, la Syrieet la Tunisie ;

√ ceux où la mortalité infantile est significa-tivement plus forte que la moyenne médi-terranéenne, notamment l’Algérie,l’Egypte, le Maroc et la Turquie.

Des tendances similaires sont à l’œuvre en cequi concerne la probabilité de décéder avant60 ans, pour laquelle la distribution des paysest identique à la précédente, mais où l’écartentre sexes tend à être au désavantage desfemmes :√ au sein du bloc européen (Chypre et Malte

compris) et en Israël, les chiffres sont lar-gement sous la moyenne à une exceptionprès : le Portugal où la probabilité dedécéder avant 60 ans est inférieure à lamoyenne pour les femmes (2,6%), maisproche de la moyenne pour les hommes(15,8%) ;

√ en Egypte, Turquie, Liban, Jordanie etSyrie, cette probabilité est significative-ment sous la moyenne pour les deuxsexes ;

√ dans certains pays comme l’Algérie,Chypre, l’Italie et Malte, la probabilité estrelativement en défaveur des hommes,tandis que dans les autres, Libye,

-19-

mique, mais doit également être combinée

avec une politique active de redistribution

des revenus.

L’éducation est un autre facteur de réduction

des disparités. L’accumulation de capital

humain entre, en effet, en compte dans les

différences de taux de croissance et de dis-

tribution des revenus entre les pays.

Néanmoins, à l’accroissement du nombre de

travailleurs formés doit correspondre une

hausse de la demande de travail, qui va

dépendre de la croissance économique.

Quand le niveau d’éducation moyen de la

population est bas, les quelques personnes

hautement qualifiées peuvent bénéficier de

salaires extrêmement élevés. Mais, à mesure

que des personnes plus formées entrent sur

le marché du travail, les inégalités de reve-

nus vont commencer à décroître (Bigsten &

Levin, 2004).

4. L’impératif en matière de réformes : modi-

fier les pratiques comme les règles

Modifier les règles est à l’évidence une néces-

sité dans la région. Tous les PM vont désor-

mais dans cette direction, à un rythme toute-

fois différent. On peut distinguer trois cas.

En premier lieu, le cas des pays en retard

d’évolution sensible du point de vue écono-

mique (Algérie, Syrie). Ces pays n’ont pas

encore joué le jeu de l’ouverture au même

niveau que leurs partenaires méditerra-

néens. Ici, en dehors de l’ouverture aux

échanges qui constitue le choc externe qui

entraîne tout le processus, l’agenda des

réformes de première priorité est encore

fourni. Il s’agit, en général, du fonctionne-

ment du système bancaire et financier, du

poids de la bureaucratie, du respect des

contrats, de l’indépendance et de l’impartia-

lité de la justice et de l’efficacité de l’action

administrative.

En second lieu, les pays en phase intermé-

diaire. Ils ont des réformes de première

génération à rendre effectives, principale-

ment parce que subsistent encore d’impor-

tants obstacles aux échanges (Maroc,

Egypte), des déficits sensibles de gouvernan-

ce (respect des contrats, indépendance et

impartialité de la justice –Turquie, Maroc,

Jordanie–), des déficits en matière de fonc-

tionnement du système financier (Turquie,

en raison de la crise des banques et du sys-

tème financier) et un cadre des affaires sur

lequel la bureaucratie pèse de façon exagé-

rée (Jordanie). Cette phase de réformes

implique une prise de conscience générale et

un volontarisme politique soutenu.

En troisième lieu, les pays largement enga-

gés dans le processus. Pour eux, il subsiste

avant tout des déficiences en matière de

segmentation et de flexibilité du marché du

travail, ou du cadre des affaires. Ces pays

ont clairement fait le choix de l’ouverture et

de la réforme. Ils sont, pour certains

(Tunisie, Israël, notamment), à un niveau

comparable à celui des nouveaux pays adhé-

rents à l’UE et doivent, comme eux, rendre

effectives des évolutions du cadre légal, ce

qui suppose une modification en profondeur

des comportements des agents écono-

miques et des institutions.

Toutefois, si l’on reviendra sur certaines

particularités spécifiques à chaque pays

dans la section 2, deux points apparaissent

ici essentiels : (i) en examinant attentive-

ment ces grands groupes, il est possible de

mettre en relief trois grandes catégories

communes expliquant une partie du retard

relatif des PM :

1) En matière d’échanges internationaux

(à l’exception du traitement des inves-

tissements étrangers), du fait de la

taxation encore importante des impor-

-20-

Espagne et Turquie, elle est en proportionplus forte pour les femmes.

Accès à la Santé

Dans le domaine des conditions d’accès auxsoins pour les méditerranéens, les statis-tiques sont largement au-dessus de lamoyenne mondiale. L’exception est le Marocavec une proportion de la population ayantun tel accès égale à 68%, à peine supérieu-re aux 61% de la moyenne mondiale, tandisque tous les autres pays se répartissentautour d’une moyenne de 97%.

Le problème de l’accès à l’eau potable n’a pasencore été résolu pour 7% de la populationméditerranéenne. Les régions les plus affec-tées sont le Maghreb, particulièrement laLibye avec 20% de la population touchée,comme en Syrie. Mais, en Turquie l’accès àl’eau est également un problème qui touche18% de la population.

L’accès aux médicaments essentiels etbasiques est un droit qui est fourni dans 11pays méditerranéens. La Tunisie et le Marocaffichent cependant les taux les plus faibles,puisque au moins 20% de la population n’apas un accès régulier à ces médications. AuLiban, en Syrie et en Egypte, au moins 5%de la population n’a pas accès aux médica-ments. En général, les taux de vaccinationdes bébés et des enfants sont égalementsupérieurs à la moyenne mondiale.

Les données sur l’accès à la contraceptionsont incomplètes. Considérant les chiffresdisponibles, le fait marquant est qu’il n’y aguère de différences importantes entre lespays de la rive sud et ceux de la rive nord,contrairement à ce que l’on aurait puattendre.

La naissance en présence d’un personnelqualifié représente un droit acquis pour 89%des femmes enceintes dans les pays médi-terranéens. Là encore, à l’exception du Maroc(où 60% des naissances ont lieu sans l’assis-tance d’un personnel qualifié), tous les pays–rive sud incluse– ont des taux supérieurs àla moyenne mondiale.

Le ratio de médecins par habitant varieconsidérablement entre les pays du bassin :l’Italie possède le record avec un médecinpour 177 habitants, devant l’Espagne qui aun ratio de 1 pour 230. A l’autre extrémité del’échelle, on trouve la Tunisie dont le ratios’établit à 1 pour 1 429 et le Maroc ferme lamarche, un médecin devant traiter enmoyenne 2 041 patients.

Les dépenses de santé

Les premières données illustrant les effortsdes pays méditerranéens pour promouvoir lasanté sont le pourcentage que représententles dépenses publiques dans le PIB et lesdépenses de santé en proportion d’autressecteurs comme la défense et l’éducation. Enprenant pour référence l’année 2000 (derniè-re année disponible au moment de la rédac-tion), les pays méditerranéens se classent entrois groupes :√ les pays investissant moins de 2% de leur

PIB dans la santé, comme le Maroc, laSyrie, la Libye et l’Egypte ;

√ les pays investissant de 2 à 5% dans lasanté, comme l’Algérie, la Turquie, laTunisie, la Jordanie, Chypre et la Grèce ;

√ les pays dont l’investissement en matièrede santé dépasse 5% du PIB, commel’Espagne, le Portugal, l’Italie, Malte et laFrance.

Les progrès en Israël sont à noter : lesdépenses ont augmenté pour passer de 3,8%du PIB en 1990 à 8,3% en 2000, ce quiconstitue le record en matière de fondspublics dépensés dans la santé.

La tendance des dépenses publiques sembleindiquer que :√ certains pays investissent principalement

dans l’éducation, comme le Maroc, laTunisie et Chypre ;

√ d’autres investissent en premier lieu dansle secteur de la défense, comme laJordanie, la Syrie, le Liban et la Turquie ;

√ d’autres enfin investissent surtout dans lasanté comme la France, l’Italie etl’Espagne.

Le secteur public est également plus oumoins relayé par le secteur privé. Dans despays comme le Liban, Chypre, la Jordanie etle Maroc, le secteur privé est grandementimpliqué dans la santé, ce qui conduit à révi-ser l'engagement global des différents sys-tèmes de dépenses.

Si l’on examine la tendance 1995-2000, lasituation en Méditerranée est fortementhétérogène :√ dans les pays européens, les tendances

sont proches et indiquent une stabilité ouune légère décroissance pendant ces 5ans, décroissance relativement marquéeen Grèce et à Chypre ;

√ sur la rive sud, les tendances sont dispa-rates ; la Tunisie et le Maroc montrentune tendance à l’augmentation desdépenses de santé, à des degrés divers etd’autres pays comme l’Algérie, la Libye et

-21-

tations qui ne sont pas liées à une zone

franche ou à une réexportation sans

transformation notable, à la déficience

des « trade facilitations » et à l’impor-

tance des barrières cachées à l’importa-

tion (longueur des procédures, obs-

tacles administratifs divers, complexité

des régimes d’importation). La caracté-

ristique générale de la zone est le coût

encore élevé des importations, y com-

pris celles de produits intermédiaires

nécessaires aux productions locales.

2) En matière financière et bancaire où la

spécialisation bancaire est marquée, le

système concentré et dominé par les

banques publiques, l’ouverture à la

concurrence insuffisante et l’octroi de

crédit au secteur privé encore restreint.

Cela produit une allocation du crédit peu

efficace, des marges bancaires trop éle-

vées, des garanties souvent exagérées

et une incapacité flagrante à financer les

investissements immatériels néces-

saires au développement des services

technologiques.

3) En matière de suppression des rentes

et d’ouverture à la concurrence où la

pratique des prix administrés, le poids

encore considérable des entreprises

publiques dans le secteur écono-

mique, l’omnipotence de l’administra-

tion et les délais qui entourent la déli-

vrance des autorisations, le capital

minimum nécessaire au démarrage

d’une entreprise sont des éléments

centraux de vitalité économique qui

placent aujourd’hui la région sensible-

ment en retrait.

(ii) Au delà de l’identification des réformes, le

succès de leur mise en œuvre tient large-

ment à la capacité des PM de réussir en

même temps à réformer nominalement la

gouvernance globale et à lever les blocages

sociétaux encore à l’œuvre aujourd’hui. Le

lien entre la modification des textes et les

pratiques transactionnelles des agents est

sans nul doute l’un des points clefs pour la

réussite des modifications légales.

Au sein d’un processus général de réforme,

l’approche institutionnaliste, développée

notamment par les travaux de O.E.

Williamson, distingue trois niveaux de

changement :

√ en premier lieu, la modification des

orientations, des normes et valeurs. Ce

premier niveau prend de nombreuses

années à se modifier ;

√ en second lieu, l’environnement institu-

tionnel et les règles formelles. La tem-

poralité est ici bien plus rapide ;

√ le troisième niveau, rarement envisagé,

est pourtant tout aussi important. C’est

celui qui permet l’alignement des règles

institutionnelles et des structures de

gouvernance avec la réalité des pra-

tiques transactionnelles (cf. O.E.

Williamson, 2000, notamment). Le pro-

grès en cette matière est difficile car il

nécessite de faire évoluer une généra-

tion d’agents économiques privés et

publics ancrés dans leurs habitudes, qui

doivent réinterpréter leur action en

fonction du nouveau cadre légal.

Les dysfonctionnements dans ce troisième

niveau peuvent conduire à diverses dérives

qui proviennent, soit d’un activisme échevelé

pour élargir un espace de compétence (com-

portement qui freine les réformes car il

conduit à des luttes stériles de pouvoir), soit

de l’utilisation de stratégies de retardement

dues au fait que les agents ont des opposi-

tions de fond, ce qui conduit à l’installation

de nouveaux obstacles (non prévus dans la

législation), soit, enfin, d’un sentiment de

découragement lié à la conviction que la

réforme est nominale et détachée des condi-

tions réelles d’exercice de la mission.

-22-

l’Egypte connaissent une réduction, làencore à des degrés différents ;

√ au Moyen-Orient, les deux tendances seretrouvent : accroissement en Israël,Syrie et Liban, réduction en Jordanie.

Il est également intéressant de noter quecertains pays, quel que soit leur niveau dedéveloppement, sont plus performants danstel ou tel indicateur, révélant leur orientationvers un système de santé efficace ou à l’in-verse, favorisant un accès plus répandu :√ Malte, la Tunisie, le Liban, la Grèce et la

Turquie sont les pays les mieux placéspour la création d’un système de santéefficace ;

√ l’Algérie, la Libye, Chypre et la France, àl’inverse, semblent se focaliser davantagesur les aspects d’accès aux ressourceséconomiques, éducatives, à l’innovationet aux nouvelles technologies.

Corrélations entre les trois aspects

Construisant également un indice de gouver-nance et sécurité, l’étude examine finale-ment les corrélations entre les trois aspectsanalysés et certains indicateurs comme l’in-dicateur de développement humain du PNUD.

L’analyse des corrélations révèle que le lienle plus profond est entre l’indice de santé cal-culé et l’espérance de vie en bonne santé(Healthy life expectancy – HALE) de l’OMS,

ainsi qu’avec l’indice de développementhumain du PNUD. Cela confirme l’impactimportant du système national de santé, à lafois en termes d’espérance de vie et de déve-loppement humain.

Les faibles corrélations sont également infor-matives. L’indice de pauvreté et d’accès auxressources, par exemple, n’offre qu’unefaible corrélation avec les ressourceshumaines de la santé, en particulier avec ladensité de médecins pour 100 000 habitants,ce qui indique que c’est le système de santédans sa globalité qui joue sur la pauvreté,plus que la densité de médecins.

La faible corrélation entre l’indicateur dedéveloppement humain et l’indice de gou-vernance et sécurité calculé peut êtreinterprétée de deux façons : soit le déve-loppement humain ne dépend pas forte-ment du style de gouvernance ; soit laconception de l’indice de la gouvernance etsécurité de l’habitat est encore trop peuavancée pour être effectivement intégréedans la définition du développementhumain et des approfondissements sontnécessaires.

Enfin, la faible corrélation entre l’indice depauvreté et d’accès et les taux de fertilitédiscrédite le mythe du fort taux de natalitéen relation avec la culture et les besoinséconomiques.

-23-

Dans ce contexte de réformes, des agents

d’une position hiérarchique relativement

modeste jouent un rôle clef parce qu’ils sont

désormais placés au cœur d’un système

plus complexe du fait de la coexistence des

anciennes habitudes, voire des anciennes

procédures, avec un cadre légal renouvelé.

Or, la complexité accrue du système aug-

mente naturellement sa spécialisation, ce

qui confère un pouvoir plus important aux

agents spécialisés placés aux endroits cri-

tiques. Une politique de réforme ne peut

faire l’économie d’identifier et de traiter un

certain nombre de questions liées à ce troi-

sième niveau. L’expérience passée montre

que lorsque ces questions sont délaissées,

c’est l’ensemble du processus de réforme

qui se trouve bloqué.

Il devient alors prioritaire d’appréhender et

de suivre attentivement les décalages qui

peuvent se produire entre le cadre légal et

institutionnel et la réalité des pratiques. Si ce

décalage se maintient trop longtemps sur des

points fondamentaux, c’est la crédibilité de

l’ensemble du processus de réforme qui est

affecté. Ici, l’élément décisif pour les PM est

de savoir comment les institutions et, plus

généralement, l’ensemble des comporte-

ments (y compris privés) se modifieront pour

s’adapter aux nouvelles règles. On observe

partout, et c’est une particularité de la

région, des rigidités institutionnelles et com-

portementales, même aux niveaux les plus

élevés du pouvoir.

L’enjeu, pour les PM, va donc être de faire

évoluer la société au même rythme que les

réformes et, ici, plusieurs évolutions seront

décisives, que l’on peut regrouper en 4

grands types :

√ la première concerne le mode d’exercice

du pouvoir. C’est par une plus grande

démocratie et une meilleure participa-

tion des citoyens aux décisions que les

modifications du cadre légal devien-

dront effectives. Les pouvoirs sont exa-

gérément concentrés au sommet, les

chefs de gouvernement ont, dans plu-

sieurs pays, des marges d’initiative et

d’arbitrage réduites qui leur enlèvent de

l’autorité sur l’administration ; la décen-

tralisation se résume généralement à

une déconcentration aux ressources

limitées, la démocratie sociale peine à

se développer du fait des différentes

interventions sur les syndicats et la

négociation sociale se développe peu

dans l’entreprise.

√ La seconde concerne l’évolution sociéta-

le elle-même. Les réformes de société

peuvent être un puissant moyen d’évo-

lution de l’environnement légal écono-

mique. C’est ainsi que les observateurs

s’accordent à penser que, par exemple,

le nouveau code de la famille au Maroc,

en mettant le judiciaire et le contrat au

centre des relations matrimoniales,

donne un signal extrêmement important

en faveur de l’établissement d’un Etat

de droit et du rôle de la justice. La

reconnaissance de la société civile via le

développement du système associatif

joue un rôle semblable en poussant les

citoyens à participer à la vie publique.

√ La troisième concerne les freins institu-

tionnels, en particulier ceux qui tiennent

aux habitudes prises par les administra-

tions et les établissements publics, qui

sont encore fréquemment suspicieux

vis-à-vis des initiatives privées, peu

transparents (la rétention d’information

est un argument de puissance typique-

ment méditerranéen) et réticents à

externaliser certaines tâches. Tout cela

explique le faible développement des

activités de services productifs privés

dans la région. Les réformes de l’Etat

partout décidées sont, pour la plupart,

toujours en phase d’élaboration, preuve

-24-

que la société est encore organisée

autour de l’action publique traditionnel-

le, ce qu’atteste, notamment, le nombre

exceptionnel d’étudiants des universités

suivant des filières destinées à des

emplois administratifs.

√ La quatrième concerne, enfin, les capa-

cités des Etats eux-mêmes à assurer

leur responsabilité sociale du fait de la

faiblesse de la base fiscale. La mise en

œuvre des réformes est partout ralentie

par l’incapacité des Etats à réguler les

ajustements et à développer les infra-

structures adéquates. L’expérience pas-

sée montre que ce sont les investisse-

ments publics qui ont le plus souffert

dans les périodes d’ajustement. Les

dépenses de fonctionnement des Etats

et, en particulier, les dépenses de per-

sonnel ont été, à l’inverse, faiblement

touchées. Ici, c’est l’importance du sec-

teur informel qui doit être mise en

cause : il constitue à la fois un amortis-

seur et un frein aux réformes. L’emploi

dans le secteur informel représentant

en moyenne la moitié de l’emploi total,

il est important de pouvoir, à terme, le

faire rentrer dans un cadre légal, ce qui

aura pour double avantage d’étendre

plus largement la couverture sociale et

des retraites et la base d’imposition.

5. La nécessité de nouvelles marges de

manœuvre macroéconomiques

Jusqu’ici, la politique économique menée

dans les PM a principalement consisté à

rehausser le niveau de croissance potentielle

tout en renforçant la compétitivité de l’offre.

Poursuivre cette priorité est un impératif qui

suppose même une accélération des

réformes internes, dont le rythme doit être à

la hauteur des tensions sociales ou politiques

susceptibles d’apparaître devant les effets de

la pression démographique sur l’emploi et la

pauvreté. La mise en place d’un nouveau

régime de croissance s’impose ainsi comme

une nécessité, à la fois pour créer les emplois

nécessaires à l’absorption des nouveaux

actifs et pour tirer profit de l’ouverture exter-

ne, à condition que la position concurrentiel-

le de la zone se maintienne, voire s’améliore.

Ce changement de régime de croissance est

indissociable d’une augmentation de la pro-

ductivité globale des facteurs et de leur qua-

lité intrinsèque. L’augmentation de la crois-

sance potentielle est attendue d’un ensemble

de réformes déjà plus ou moins amorcées

mais rarement menées à terme à une vaste

échelle : privatisations, nouvelle gouvernan-

ce, modernisation du cadre légal, autonomie

accrue des intermédiaires financiers, renfor-

cement des exigences et de la supervision

prudentielles…

Toutefois, au-delà du fait que nombre de ces

réformes peuvent susciter des coûts d’ajus-

tement élevés, et donc présentent des

risques politiques non négligeables pour les

gouvernements en place, il ne suffit pas

d’améliorer la croissance potentielle et la

compétitivité d’ensemble pour que la crois-

sance s’accélère. Encore faut-il qu’une

demande solvable puisse y répondre, soit en

interne, ce qui pose la question d’un soutien

de la demande globale, en particulier par le

financement de l’investissement, soit en

externe, par une pénétration accrue sur les

marchés extérieurs.

Or, les gouvernements des PM ont été ame-

nés à renoncer aux politiques budgétaires

contra-cycliques, malgré la récurrence des

chocs exogènes (sécheresse, renchérisse-

ment des produits pétroliers pour les pays

importateurs, ralentissement de la demande

mondiale…). Ils sont tenus de maintenir et de

consolider la discipline budgétaire, et dans le

même temps, d’accélérer le rythme des

-25-

réformes et l’émergence d’un Etat allégé,

tout en assumant les contraintes d’un Etat-

Employeur et d’un Etat-Providence répon-

dant aux besoins de redistribution que créent

la pauvreté à vaste échelle et les exigences

de couverture sociale a minima. Il leur est

donc difficile, dans un tel contexte, de prati-

quer une politique plus active de soutien de

la demande interne. D’autant que le déman-

tèlement encore inachevé des tarifs doua-

niers ne manque pas d’entamer les flux de

recettes fiscales, surtout dans les pays médi-

terranéens les moins avancés, où la pauvre-

té endémique conduit à exclure de la TVA

nombre de produits de grande consomma-

tion. Quant à l’appel au seigneuriage et aux

déficits budgétaires massifs, il est désormais

écarté afin de préserver cet acquis qu’est la

stabilité macroéconomique.

La politique monétaire, elle-aussi, ne peut

guère être mobilisée. La croissance de la

masse monétaire est déjà de l’ordre 10 à

11% par an, et les taux d’intérêt réels, dans

l’ensemble de la zone méditerranéenne, sont

proches de zéro. De surcroît, entre 60% et

80% des créances bancaires sont constituées

d’engagements publics, ce qui obère tout à la

fois les capacités de réaction des intermé-

diaires bancaires en présence d’un choc

éventuel de politique monétaire et l’impor-

tance de sa propagation vers le secteur réel.

Enfin, la plupart des PM ont adopté des stra-

tégies d’ancrage nominal de leur taux de

change, ce qui ne permet pas de moduler de

façon pro-cyclique le loyer de l’argent malgré

les contrôles, souvent maintenus, sur les

mouvements de capitaux.

En l’état actuel des choses, au plan interne,

les gouvernements ont donc perdu toute

marge de manœuvre leur permettant de

réagir de façon contra-cyclique à des chocs

négatifs de demande ou de soutenir une

dépense globale insuffisante face aux besoins

de créations d’emplois qu’impose la démo-

graphie. Cette impuissance s’exprime alors

que, déjà, plusieurs types d’objectifs intrin-

sèquement difficiles à concilier sont poursui-

vis : le maintien de la stabilité macroécono-

mique et des grands équilibres ; la poursuite

de l’ouverture externe en confortant la com-

pétitivité dans des activités à forte utilisation

de main d’œuvre ; le maintien en l’état de

l’ordre social, grâce aux instruments publics

de couverture sociale et de lutte contre la

pauvreté ou l’analphabétisme, tout en assu-

rant un minimum de progression des reve-

nus, sans nécessairement en exclure la fonc-

tion publique… On n’est pas loin de se trou-

ver en présence, ici, d’un nouveau triangle

d’incompatibilités, qui ne paraît pouvoir être

dépassé qu’en présence d’une accélération

de la croissance, indissociable, dès lors,

d’une impulsion extérieure. C’est en ce sens

que le développement des marchés exté-

rieurs et l’amélioration de l’attractivité vis-à-

vis des investisseurs étrangers constituent

les seuls moyens de desserrer les contraintes

et de retrouver des marges de manœuvre

permettant d’accéder au cercle vertueux

d’une croissance plus rapide tirée par les

exportations.

Du point de vue des marchés extérieurs, l’ex-

ploitation d’un avantage comparatif fondé sur

des salaires faibles présente toujours un

caractère précaire et peut se trouver rapide-

ment contesté par d’autres pays, à coûts

salariaux plus faibles encore : on l’a vu avec

la Chine ou la Roumanie dans le secteur tex-

tile. Il est donc nécessaire, pour les pays

méditerranéens, d’assurer une montée en

gamme en se spécialisant sur certains seg-

ments des réseaux de production de biens

manufacturés ou de services.

Sur un autre plan, on peut légitimement se

demander si les stratégies d’ancrage nomi-

nal des taux de change ne sont pas entrées

-26-

dans une zone de rendements décroissants.

Dans un contexte de forte inflation couplée

à un endettement externe très élevé, le

choix des dévaluations rampantes ou des

régimes de flottement est de nature à

accentuer les dérives nominales. On com-

prend parfaitement, dans ces conditions,

que des politiques d’ancrage aient été adop-

tées dans les années 1990 parmi les PM.

Mais, il n’est pas certain que cette politique

constitue encore aujourd’hui une stratégie

optimale. De nombreux pays méditerra-

néens ont vu leur monnaie s’apprécier en

termes réels, surtout, ces dernières années,

lorsque l’ancrage était principalement défini

par rapport au dollar tandis que les

échanges commerciaux se trouvaient massi-

vement réalisés avec des pays de la zone

euro. Il est vrai que la structure par devises

de la dette externe, dans laquelle la mon-

naie américaine joue un rôle prépondérant,

peut justifier ce choix. Il n’en demeure pas

moins que le mismatching entre monnaie

d’ancrage et zone d’échanges peut se trou-

ver à la source de distorsions de change qui

handicapent inutilement les exportateurs

des PM. Aujourd’hui, il est légitime de se

demander s’il ne convient pas de mener des

politiques de change plus réactives, de natu-

re à neutraliser les distorsions de change,

tout en conservant un régime de change

intermédiaire pour éviter les pics de volatili-

té. A condition de mener au préalable une

politique de recomposition de la structure

par devises de la dette externe, en nouant

des swaps à vaste échelle en euros, par

exemple, il y a là une marge de manœuvre

que les gouvernements auraient tort de

négliger. La tendance récente à l’apprécia-

tion de l’euro vis-à-vis du dollar atténue

quelque peu l’urgence d’une telle redéfini-

tion des politiques de change, mais cette

question ne manquera pas de se poser à

nouveau dans l’avenir. D’autant qu’un tel

relâchement des contraintes de change

pourrait également rendre possible la mise

en œuvre de politiques monétaires plus

actives, s’exprimant, par exemple, dans le

domaine des crédits à long terme orientés

vers les ménages, en développant les prêts

hypothécaires, ou vers les PME innovantes.

D’ailleurs, les pays d’Europe centrale ou

orientale récemment intégrés dans l’Union

n’ont pas eu à assumer de telles contraintes

macroéconomiques. Alors que la croissance

moyenne de leur population active était de

l’ordre de 0,3% par an, contre 3% pour les

PM, leurs taux d’inflation sont restés élevés,

les déficits budgétaires n’ont été que partiel-

lement ajustés et, au cours des premières

étapes de la transition, les politiques moné-

taires sont restées expansionnistes. Certains

de ces pays n’ont pas hésité, d’ailleurs, soit à

élargir leurs bandes de fluctuations vis-à-vis

du Mark allemand, puis de l’euro, soit à lais-

ser flotter leur monnaie, comme dans le cas

de la Pologne. Il est vrai que, dans le même

temps, ils accueillaient massivement des

transferts d’épargne sous la forme d’IDE ou

d’investissements de portefeuille, sans doute

à cause de la lisibilité qu’apportait l’issue pro-

grammée de la transition, en l’occurrence

l’entrée dans l’Union Européenne.

Le renforcement de l’attractivité de la zone

vis-à-vis des investisseurs étrangers est évi-

demment une autre voie à privilégier, autant

dans l’industrie que dans les services, pour

desserrer les contraintes macroéconomiques

qui pèsent sur l’investissement ou l’équilibre

externe, tout en renforçant la compétitivité

de l’offre et les gains de productivité. Mais

au-delà des politiques de déréglementation,

des privatisations programmées, de l’amélio-

ration de la gouvernance, tant que le climat

d’insécurité politique se maintiendra en

Méditerranée, il sera illusoire de croire que la

seule poursuite des réformes permettra d’in-

fléchir la faiblesse des IDE.

-27-

Couplé aux marges de manœuvre accrues

que pourrait apporter une politique de chan-

ge plus réactive, le développement des

exportations est, pour les PM, le seul moyen

permettant d’amorcer rapidement un chan-

gement de régime de croissance. On en

revient alors au Processus de Barcelone et

aux efforts partagés que devaient assumer

tant les pays européens que les pays médi-

terranéens pour édifier une zone de libre-

échange à l’échelle euro-méditerranéenne.

Or, les marchés européens sont encore loin

d’être pleinement accessibles pour les pro-

ductions issues des PM, tout particulièrement

pour les produits agricoles ou bien lorsque

s’appliquent avec une rigueur excessive les

règles d’origine dans le domaine des produits

manufacturés. Bientôt dix ans après la

Déclaration de Barcelone, dans le cadre de la

nouvelle politique de voisinage de l’Union

Européenne, cette question des efforts parta-

gés sur la voie du libre-échange ne pourra

pas être éludée.

6. L’éducation et le marché du travail : les

premières étapes

A la question du partage des efforts s’ajou-

tent celle de leur cible. Pour les PM, le

contexte social est déterminant. Il est recon-

nu que le marché du travail est un élément

fondamental pour la compréhension de la

pauvreté, dans la mesure où la plupart des

pauvres obtiennent leurs revenus en contre-

partie de leurs travaux. Le marché du travail

des PM est caractérisé par quelques points

spécifiques.

Des politiques inadaptées ont engendré des

distorsions dans les systèmes éducatifs qui

sont maintenant en décalage important avec

les besoins des marchés du travail. Cela a

contribué au fort taux de chômage expéri-

menté par les diplômés dans la région, reflé-

tant l’écart entre l’offre excédentaire issue de

l’éducation tertiaire et la demande de l’éco-

nomie. Cela a également entraîné une baisse

légère de la productivité globale de 0,2% par

an entre 1960 et 1990, période pendant

laquelle, à l’inverse, la productivité globale a

crû à un peu moins de 2% en Asie de l’Est

(Doreid, 2000).

La situation actuelle des marchés du travail

des PM indique que leurs capacités de créa-

tion d’emplois ne sera pas suffisante pour

faire face aux nouveaux entrants. Il convient

également de noter que le chômage touche

de façon disproportionnée les jeunes et les

mieux formés. En Tunisie, le taux de chôma-

ge est le plus important parmi les jeunes

(25-30%), et au Maroc, le taux de chômage

des jeunes en zone urbaine atteint 31%.

L’une des principales raisons de ce problème

est que les compétences de la force de travail

ne correspondent pas aux compétences dont

le secteur privé a besoin (ESCWA, 2001).

Les marchés du travail des PM enregistrent

des salaires réels en baisse. Cette baisse

est imputée, la plupart du temps, aux

salaires du secteur public. Par exemple, les

salaires gouvernementaux réels en 1992 en

Egypte ne représentaient que 50% de leur

niveau de 1982. De même, au Maroc en

1993, les salaires réels dans le secteur

public atteignaient 77% de leur valeur de

1975, tandis qu’en Jordanie ils n’égalaient

que 85% du niveau de 1985. Ce comporte-

ment des salaires réels dans le secteur

public a également conduit la dynamique

du salaire minimum réel dans certains

pays. Par exemple, le salaire minimum réel

en Algérie a baissé au rythme de 16% l’an

entre 1989 et 1992 (Ali & El Badawy,

2000).

Conséquence de la pression croissante sur

les marchés du travail, de leur non flexibi-

lité et de la faible productivité, la croissan-

-28-

ce économique n’a pu tirer profit de l’ac-

croissement de la force de travail et, à l’in-

verse, le chômage s’est développé pour

atteindre jusqu’à 25% de la population

active, en Algérie et dans les Territoires

Palestiniens (tableau 1).

Sectoriellement, il y a un intérêt croissant

pour le secteur des services, qui représen-

te en moyenne 47,7% des emplois. La plus

forte part se retrouve en Jordanie

(74,1%).

Dans le même temps, la part de l’emploi

dans le secteur industriel a baissé de 1,5%.

L’agriculture représente encore près de 24%

de l’emploi total, le Maroc étant le pays où la

part est la plus forte et atteint 45,2%

(ESCWA, 2001).

Un nouveau secteur se développe, celui de

l’information, mais il ne peut absorber qu’un

nombre limité de personnes : scientifiques,

techniciens, programmeurs, éducateurs et

consultants.

Elimination de la pauvreté dans les PM : le

temps de l’action

Les objectifs du Millénaire proposent de

réduire, en 2015, la proportion de personnes

vivant sous le seuil de 1$ par jour à la moi-

tié de son niveau de 1990. Mais, le nombre

de personnes vivant sous ce seuil n’a guère

évolué depuis 1990, celui des personnes

vivant sous le seuil de 2$ a augmenté, pas-

sant de 21 à 23% en 1999 ; si cette tendan-

ce n’est pas rapidement modifiée, les PM

n’atteindront jamais les objectifs du

Millénaire (tableau 9).

Il est donc clair que la situation nécessite des

interventions radicales pour résoudre le pro-

blème de la pauvreté et que les PM doivent

agir à plusieurs niveaux simultanément.

Le besoin d’une croissance intensive en tra-

vail et bénéficiant aux pauvres

Indéniablement, la réduction de la pauvreté

nécessite une forte croissance économique.

Celle-ci améliore les opportunités de partici-

pation des pauvres aux bénéfices issus de

l’accroissement des richesses produites. La

croissance s’est accompagnée d’un mouve-

ment positif des indicateurs sociaux, mais

d’un mouvement contrasté de la distribution

des revenus.

Accroître le taux annuel de croissance de 1%

réduirait le nombre de pauvres dans la région

d’environ 7 millions durant la prochaine

décennie. A l’inverse, sans croissance plus

rapide et sans modification du contenu de la

croissance, le nombre de personnes vivant

sous le seuil de 1$ par jour atteindrait près

de 15 millions en 2010 (Doreid, 2000).

L’emploi reste un élément essentiel dans le

débat sur les effets sociaux de la croissance

économique. La création de nouveaux

emplois est déterminante si l’on souhaite que

Tableau 9 : Nombre de personnes vivantavec moins d’1 dollar par jour (%)

1990 1999 2015Asie de l’Est et duPacifique

30,5 15,6 3,9

Europe et Asiecentrale

1,4 5,1 1,4

Amérique latine etCaraïbes

11 11,1 7,5

Proche Orient etAfrique du Nord

2,1 2,2 2,1

AfriqueSubsaharienne

47,4 49 46

Asie de l’Est et duPacifique

69,7 50,1 16,6

Europe et Asiecentrale

6,8 50,2 18,4

Amérique latine etCaraïbes

27,6 26 18,9

Proche Orient etAfrique du Nord

21 23,3 16

AfriqueSubsaharienne

76 74,7 70,4

Nombre de personnes vivant avec moinsde deux dollars par jour (%)

Source : Base de Données Banque Mondiale

-29-

la croissance des revenus améliore effective-

ment les conditions de vie. Les politiques

publiques doivent donc tendre à promouvoir

un type de croissance intensif en travail.

Les institutions des marchés du travail et les

lois doivent encourager une plus grande flexi-

bilité. Le travail peut être un chemin pour sor-

tir de la pauvreté et les emplois de type temps

partiel ou temporaire, les changements de

carrières peuvent être des outils luttant

contre la pauvreté. On passe là d’une structu-

re fondée principalement sur un modèle hié-

rarchisé de travail permanent, à temps plein,

plus ou moins concentré dans l’agriculture et

l’industrie, à de nouvelles formes et modèles

d’emplois offerts par le secteur tertiaire.

De tels mécanismes innovants ont été intro-

duits dans les PM. Par exemple, au Maroc, les

modifications dans les modèles organisation-

nels ont contribué au relatif déclin de la pau-

vreté, parce qu’à la fois le secteur productif

orienté vers le marché local et celui orienté à

l’exportation utilisent des travailleurs tempo-

raires en réponse aux besoins des entre-

prises de s’adapter aux nouvelles conditions

économiques (Van Eeghen, 1998).

Pour maintenir les conditions de vie actuelles,

les pays du sud doivent améliorer la produc-

tivité du travail et accroître la participation

des femmes dans la population active. Ce

dernier point est essentiel pour les industries

manufacturières et pour l’expansion du sec-

teur des services, et doit s’envisager dans le

cadre de la de la formation continue. Les poli-

tiques doivent donc se focaliser sur l’amélio-

ration de la production, des conditions de vie

et du statut général de la femme.

La santé et l’éducation

Les PM doivent accroître les campagnes et

programmes de sensibilisation sur la santé,

notamment au niveau de l’éducation nationa-

le, incluant des programmes d’études concer-

nant la diffusion au public d’informations sur la

santé, la nutrition, l'hygiène. Il convient éga-

lement de fournir des services sanitaires des-

tinés aux femmes et aux enfants scolarisés ou

suivant des formations. Par dessus tout, la

lutte contre l’analphabétisme des hommes et

des femmes doit être la priorité des pays

arabes, en assurant l’universalité de l’éduca-

tion primaire gratuite et obligatoire. Puis la

démarche doit être poursuivie aux autres

niveaux, pour faire disparaître l’écart entre les

compétences des personnes formées par les

systèmes d’éducation locaux et les besoins

des marchés nationaux et internationaux.

La protection sociale

Les PM doivent également fournir un effort

pour ce qui concerne les réformes institution-

nelles touchant les systèmes de protection

sociale, et viser une allocation plus efficace et

plus ciblée des ressources publiques pour les

services sociaux (services d’aide, sécurité

sociale, formation, appui professionnel, etc.).

Dans les PM, les structures de sécurité sociale

existantes tendent, en effet, à protéger princi-

palement ceux qui ont une place sur le mar-

ché formel de l’emploi. Toutes les personnes

en marge du marché du travail, qui ont des

emplois précaires, irréguliers, mal payés, et

ceux disposant de contrats temporaires ou

atypiques, ne reçoivent aucune protection, au

risque de tomber dans la pauvreté.

Aussi, le paradigme de l’intervention sociale

fondée sur les anciens modèles doit être révi-

sé. Les nouveaux systèmes sociaux doivent

prendre en compte les sans-emplois et assu-

rer la protection et les droits sociaux des

citoyens.

Dans la mesure où l’intervention publique et

le rôle de l’Etat diminuent, les acteurs éco-

-30-

nomiques privés doivent avoir au minimum

un rôle d’auxiliaire dans la sphère sociale,

grâce à la mise en place de systèmes de

pension et d’assurance qui garantissent la

retraite et la couverture de santé. Ainsi, en

Algérie, 1,5 million de personnes disposent

de services complémentaires à travers de

tels dispositifs. En Tunisie, 240 000 per-

sonnes étaient couvertes par des systèmes

privés d’assurance en 1989 (Collicelli &

Valerii, 2001).

Conclusion : Mobiliser un large appui

Adopter une stratégie de lutte contre la pau-

vreté qui inclue les pauvres de façon à ce

qu’ils ne soient pas seulement une cible,

mais également un moyen pour atteindre un

sentier de croissance et de développement

soutenable est la voie à explorer

(Handoussa, 2002).

L’expérience a montré que l’évaluation, la

gestion et le suivi des programmes ont été

particulièrement faibles, en partie en raison

de faibles capacités institutionnelles et

humaines, en partie à cause de ressources

insuffisantes. Il est donc nécessaires de dis-

poser d’études d’évaluation sur l’impact et

l’efficacité des programmes et des mesures

de lutte contre la pauvreté.

Pour réduire effectivement la pauvreté, il faut

faire appel à une mobilisation large des

forces et des compétences d’acteurs gouver-

nementaux, académiques, appartenant aux

médias, au secteur privé, de volontaires d’or-

ganisations non gouvernementales et de ser-

vices sociaux (Doreid, 2000).

L'engagement politique doit être soutenu par

la recherche et des analyses de politique qui

identifient les problèmes, diagnostiquent

leurs causes, et présentent différentes

options aux décisionnaires politiques en sou-

lignant les éventuels arbitrages et les coûts

de chaque option.

II- La nécessaire adaptation des cadres

légaux

1. Les défis pour le développement des pays

du Sud de la Méditerranée*

*partie basée sur une contribution spéciale de Mahoumoud

Mohieldin, Ministre de l’investissement de l’Egypte et

Dr. Ziad Bahaa El Din, président de la « General Authority

of Investment and Free Zones », Egypte

Le développement dans la région arabe a été

un problème très controversé pendant la der-

nière décennie. La région arabe a connu des

périodes de puissance économique telle

qu’elle lui permettait d'influencer l'économie

internationale, et a fait face à des phases de

perte de vitesse où l’appui externe devenait

nécessaire. Le monde arabe est caractérisé

par une diversité politique et économique,

mais a des racines culturelles et religieuses

communes. Récemment, l’appel aux

réformes politiques et économiques dans le

monde arabe est venu de la communauté

internationale, mais aussi de la société

arabe. Les réformes économiques et législa-

tives sont interconnectées : une réforme de

l’une affectera l'autre. Dans ce contexte, il

faut examiner la réforme économique et

législative dans le monde arabe comme une

voie vers le développement et souligner les

défis et priorités que comprend le processus

des réformes dans certains domaines des

systèmes économiques et légaux.

Dans les pays arabes, les réformes réelles ont

pris du retard, principalement à cause d’un

engagement politique faible. Un programme

de réforme économique vaste exigerait une

volonté politique forte en faveur du change-

ment, et de telles réformes n'ont pas trouvé

place dans les ordres du jour de la plupart des

gouvernements arabes pendant des décen-

-31-

Dépenses publiques, croissance et sou-tenabilité des déficits et de la detteextérieure : étude du rôle de l'Etat danssix pays méditerranéens partenaires del'Union Européenne (Egypte, Israël,Liban, Tunisie, Turquie)

Dirigée par le CEMAFI, France

Dans les années quatre-vingt-dix, sous l’im-pulsion des « Institutions de BrettonWoods », les doctrines du libéralisme écono-mique ont largement prévalu dans la plupartdes pays en voie de développement. Lespays de la Méditerranée ayant signé ou s’ap-prêtant à signer des accords d’associationavec l’Union Européenne, ont suivi cette voieet des processus de libéralisation se sont misen place avec, comme caractéristiques com-munes, une plus grande ouverture au com-merce international et, sur le plan intérieur,des réformes allant dans le sens du recul del’Etat dans le fonctionnement de l’activitééconomique, notamment par des mesures deprivatisation, mais aussi par la réduction desdépenses publiques et le réaménagement deleur fiscalité. En particulier, la réduction desdéficits publics et de la dette publique, ainsique de la dette extérieure, a été considéréecomme l’objectif majeur des politiques éco-nomiques à mettre en oeuvre. Cependant,dans beaucoup de pays, le rôle économiquepositif de l’Etat se manifeste dans de mul-tiples domaines, et notamment dans celui dudéveloppement des infrastructures ou des« biens publics » porteurs de croissance, cequi conduit à s’interroger sur la juste placede l’Etat dans le fonctionnement de l’activitééconomique. L’enjeu de la solidité desfinances publiques, joint à la question de l’ef-ficacité des dépenses publiques, constitue lenoyau central de la présente étude, qui portesur six partenaires méditerranéens : leMaroc, la Tunisie, la Turquie, le Liban, Israëlet l’Egypte. Trois grandes questions sontévoquées : (i) la « taille optimale » de l’Etat ;(ii) la croissance et la soutenabilité des défi-cits publics et de la dette publique ; (iii) lacroissance et la soutenabilité des déficits etde la dette extérieure.

L’étude a été menée selon des analyses théo-riques et empiriques multiples, variées etcomplémentaires.

Pour chacun des pays, un bilan est donné,estimant la taille optimale de l’État en termesde dépenses publiques rapportées au PIB,puis en termes de soutenabilité selon deuxméthodes différentes, qui ont débouché surdes résultats parfois très différents : l’ap-proche comptable et l’approche actuarielle.

nies. Cela semble encore vrai aujourd’hui si

l’on se base sur l'état actuel de la réforme

législative dans les pays arabes. Les réformes

législatives et de la réglementation ont été

inscrites à l’agenda de pratiquement tous les

pays arabes au cours des deux dernières

décennies. L’hypothèse selon laquelle la réfor-

me économique et le développement social

seront réalisés par l'établissement d’un cadre

légal et de régulation fondé sur le « droit » a

été et est encore un élément de poids de la

formulation et de l’exécution des politiques.

Cette approche, cependant, n'est pas entiè-

rement innocente. Prétendre que la réforme

législative produira le changement exigé

convient aux gouvernements parce qu'elle

leur permet d'apaiser l'opposition, en éta-

blissant constamment de nouvelles lois et

règlements censés attester leur engage-

ment à reformer tout en parvenant à sur-

seoir à la réalisation de réels progrès. Les

manifestes politiques et les programmes

des gouvernements annoncés au public ten-

dent à inclure des réformes législatives

ambitieuses, sans engagement sur l'accom-

plissement d’objectifs sociaux et écono-

miques concrets. Considérer que « la légis-

lation est la solution » devient de ce fait la

caractéristique fondamentale de la pensée

et du comportement des gouvernements

dans la région. De plus, les réformes

concrètes – et particulièrement celles

concernant les lois – permettent d’attirer

facilement des financements étrangers et

multilatéraux. Elles se prêtent aux bench-

marking et elles facilitent l’obtention de flux

de financement visant des cibles spécifiques

(conditionnalité). Pour dire les choses sim-

plement, il est plus facile pour le donateur

et le destinataire de conditionner l’engage-

ment des fonds ou de l’aide à l’adoption

d'une loi ou de certains règlements qu’à

l'exécution ou à l'accomplissement d’actions

à moyen et long terme.

-32-

Selon la seconde méthode, la soutenabilitédes déficits publics, de la dette publique et dela dette extérieure est plus difficile à obtenir,essentiellement parce que sa mise en oeuvrenécessite de longues séries d’observations.Aussi, en utilisant des données annuelles, lapériode couverte doit être de l’ordre de troisdécennies ou plus. Or, dans les partenairesméditerranéens étudiés, de grands boulever-sements internes et externes ont marqué leschoix de politique économique sur les trentedernières années, tandis que, dans le mêmetemps, les processus de libéralisation danslesquels ils se sont engagés, ont entraîné unesérie de chocs importants. Dès lors, il n’estpas étonnant, que la méthode actuarielle aittoujours débouché sur un constat de non-soutenabilité.

En revanche, la méthode comptable qui, rap-pelons-le, est celle retenue le plus souventpar les organisations internationales, donnedes résultats plus nuancés ; puisqu’elle por-cède pas à pas, année par année, en mesu-rant l’écart entre le « réel » et le « souhai-table », elle permet de différencier les« bonnes années » des années difficiles etelle fait ressortir, de ce fait, des exercicesbudgétaires au cours desquels la soutenabili-té des déficits publics ou de la dette exté-rieure est vérifiée.

1. Le cas de la Tunisie et du Maroc

La Tunisie et le Maroc sont apparemmentdans des situations comparables, s’agissantde la « taille optimale » de l’Etat, de la sou-tenabilité du déficit budgétaire et de la detteextérieure. L’analyse des sources et descauses de ces derniers, cependant, fait appa-raître des différences qui conduisent à desrecommandations relativement spécifiques àchacun de ces pays.

(a) Le bilan

La « taille optimale » (G/PIB soit dépensespubliques sur produit intérieur brut) de l’Etatest de l’ordre de 35% pour la Tunisie et de39% pour le Maroc. Ces ordres de grandeurparaissent tout à fait crédibles quand onconnaît le poids de l’Etat dans ces deux éco-nomies.

La soutenabilité actuarielle des déficitspublics n’est assurée dans aucun de deuxpays, même si elle est « presque acquise »pour le Maroc, dans la dernière décennie.

En revanche, la soutenabilité comptable faitapparaître dans les deux pays, après la miseen place des PAS (Programmes d’Ajustement

Structurels), en 1986 pour la Tunisie, 1983pour le Maroc, une majorité d’exercices bud-gétaires pour lesquels cette soutenabilité estassurée.

Quant à la soutenabilité de la dette extérieu-re, l’application de la méthode actuarielleconduit à la rejeter sur toute la période d’étu-de (les trois dernières décennies) ; mais laméthode comptable fait apparaître quelquescomptes annuels pour lesquels cette detteserait soutenable dans le cas du Maroc, tan-dis que, dans le cas de la Tunisie, elle auraitété soutenable sur la dernière décennie.

(b) Les recommandations

Il faut distinguer ici le cas des deux pays.

La Tunisie semble bien avoir résolu son pro-blème de dette extérieure : elle l’a convertieen endettement intérieur. Toutefois le paysn’est pas encore en mesure de libérer totale-ment le « compte de capital » de sa balancedes paiements, même si cela lui est deman-dé par le FMI. Parallèlement, la dettepublique interne reste d’un montant élevé etle Trésor Public absorbe une part très impor-tante de l’épargne intérieure. La BanqueCentrale fixe le taux du marché monétaire àun taux nominal supérieur seulement d’envi-ron 2 % au taux d’inflation officiel, ce qui estle signe du maintien d’un degré certain derépression financière.

Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, laforte présomption de l’existence de« créances douteuses » dans les bilans ban-caires (de l’ordre de 30 % selon l'estimationdu FMI, 20% selon des sources nationalesofficielles) traduit le sentiment de fragilitéqu’inspire le système financier du pays (enparticulier du système bancaire). En mêmetemps, le financement sans risque d’une partimportante des besoins financiers du TrésorPublic par les banques de second rang, quisont tenues d’y contribuer, constitue unesorte de seigneuriage indirect, si ces banquespeuvent se refinancer facilement auprès dela Banque Centrale.

S’agissant des ressources financières del’Etat, la principale recommandation formu-lée est qu’il recoure moins à l’emprunt etdavantage à l’impôt. Par ailleurs, un réexa-men de la ventilation des dépenses publiquesest indispensable, au profit des dépensesporteuses de croissance et au détriment decertaines dépenses de fonctionnement. Enmême temps, il semble indispensable derendre le système bancaire plus efficient :lutte contre les créances douteuses, éléva-

-33-

tion du taux de base bancaire pour réduire lesurendettement du secteur privé et privilé-gier le financement des investissements àforte rentabilité ; levée de l’obligation pourles banques de souscrire aux appels de fondsde l’Etat. La fragilité de certaines banques etle relatif échec du marché boursier doiventaussi faire l’objet de l’attention des pouvoirspublics.

Le cas du Maroc est bien différent. Le payssemble avoir réussi la libération de soncompte de capital et, cependant, l’économieest en état de surliquidité monétaire, si bienque c’est le Trésor qui éponge cette surliqui-dité, bénéficiant ainsi de conditions de finan-cement peut-être trop favorables. Cettesituation pourrait avoir permis à l’Etat dedévelopper certaines catégories de dépensespubliques qui semblent superflues. Il fautdonc, selon l’étude, restructurer en profon-deur les dépenses publiques en réduisant lesdépenses de fonctionnement non porteusesde croissance au profit des dépenses d’édu-cation, de développement du système desanté et de certaines infrastructures défi-cientes, notamment en matière d’irrigation etde réseau routier, tout en restant au voisina-ge du taux (G/PIB) optimal identifié.

Le système financier lui aussi semble peuefficace ; la bourse draine peu d’épargnefinancière et ne répond que marginalementaux besoins d’investissement du secteurprivé. Les banques sont trop nombreuses etassez peu efficaces ; une réduction d’aumoins la moitié du nombre des banquessemble souhaitable.

Enfin, la fiscalité, ici aussi, est peu satisfai-sante : d’une part elle ne semble pas avoird’effet redistributif significatif, d’autre part,elle ne contribue pas assez au financementdes dépenses courantes de l’Etat.

La soutenabilité de la dette extérieure passequant à elle par l’amélioration des perfor-mances commerciales, c’est-à-dire par l’aug-mentation des exportations et la réductiondes importations, ce qui implique, pour lepays, d’avoir une politique de change adé-quate, en termes de ciblage du taux de chan-ge, au moins sur un taux de change réeléquilibré.

2. La Turquie

Le cas de la Turquie est tout à fait spéci-fique : grand pays riverain, mais à majoritémusulmane, comme l'Egypte, la Turquie pré-sente suffisamment de particularités pourêtre traitée à part. Au cours des trente der-

nières années, la politique économique a étéd'abord d'inspiration fortement intervention-niste pour déboucher, ces dernières années,sur des orientations nettement libérales, sibien que le taux de dépenses publiques surPIB de 20,4% calculé par l’étude et présup-posé « optimal » doit être considéré avecprudence.

L'étude de la soutenabilité de la dettepublique par la méthode actuarielle a aboutià des conclusions négatives, qu’elle soitbasée sur des données annuelles de 1972 à1998 ou trimestrielles entre les quatrièmestrimestres de 1988 et de 2002. En revanche,la méthode comptable a permis de faireapparaître que la dette publique (intérieure)a été soutenable une année sur deux entre1989 et 2002. La politique de gestion decette dette, mise en œuvre récemment, estefficace ; l’excédent primaire enregistrédepuis 1994 permet de rembourser la detteextérieure. S'agissant de cette dernière, quin'est pas non plus apparue comme soute-nable par application de la méthode actua-rielle aux données de la période 1970-2001,les pouvoirs publics turcs ont réussi, grâce àleur politique de désinflation, à faire appa-raître des taux d'intérêt élevés qui ont attirédans le pays des entrées de capitaux ; cescapitaux, bien que de court terme, ont per-mis à l'Etat d'alléger sa dette extérieure.

En même temps, les entreprises turques sesont endettées à l'extérieur grâce à cesentrées de capitaux. Certes, cette conjonctu-re est positive pour les finances publiques,car la part privée de la dette extérieure aaugmenté, mais elle souligne que les entre-prises doivent s'endetter à l'extérieur parceque le système financier turc ne remplit pascorrectement son rôle. Le marché financierest, en effet, peu efficace et d’une faible pro-fondeur et le système bancaire est déficient.Une réforme de ce dernier est nécessaire afinde dynamiser le développement de la finan-ce intérieure. De plus, l'Etat doit éviter d'ab-sorber un volume d'épargne intérieureexcessif. Une étude plus approfondie de l'uti-lité des dépenses publiques turques et leurmise en parallèle avec les modalités de finan-cement (emprunt ou impôt) reste à fairemais il semble aujourd’hui qu'une réforme dela fiscalité serait souhaitable pour une plusgrande efficacité mais aussi pour contribuer àune meilleure répartition des revenus.

3. Le cas d'Israël

La recherche de la proportion optimale desdépenses publiques a été plus difficile àmener, tant pour des raisons de disponibilité

-34-

des données que de spécificité des dépensespubliques dans ce pays (où les budgets mili-taires et de défense sont considérables).L’étude a donc dissocié le rôle de la consom-mation publique et celui de l'investissementpublic. Sont apparus des seuils de typeCourbe d'Armey de l'ordre de 44% pour leratio « consommation publique/PIB » et de14,5% pour celui de l'investissement publicsur l'investissement total. Ce sont deschiffres élevés, dans les deux cas, mais quiparaissent vraisemblables dans un pays oùl'Etat est omniprésent.

Il faut cependant noter que, depuis juin2003, avec la réélection de la coalition domi-née par le Likoud, le gouvernement a entre-pris un démantèlement du « Welfare State »,qui s’est traduit, certes, par une reprisenotable de l'activité économique, mais a éga-lement conduit au creusement des inégalités,notamment au détriment de certains groupesminoritaires. Les réductions d'impôts, laréforme des retraites, qui assure une moinsbonne protection des ménages à faible reve-nu, n'ont pas pour autant rendu soutenablela dette publique sur les dernières années. Ilen est de même pour la dette extérieure :« insoutenable » selon la méthode actuariel-le appliquée sur des données trimestriellesentre janvier 1989 et janvier 2002, elle n'estapparue « soutenable » que pour les années1990, 1991, 1994, 1996, 2000 et 2001,selon la méthode comptable.

La situation particulière du pays, du fait dela situation militaire dans laquelle il se trou-ve, et des aides financières qu’il peut mobi-liser à l’extérieur, explique que l'améliora-tion de l’état des finances publiques, aussibien intérieures qu’extérieures, est unequestion de nature principalement politiqueet non économique.

4. Le cas du Liban

Sorti d’une longue guerre civile en 1999, leLiban a entrepris une politique de recons-truction efficace, rapide mais coûteuse. Leratio « optimal » calculé de dépensespubliques par rapport au PIB est de l'ordre de28,5%, estimation acceptable, mais qui doitêtre rapproché de l’explosion du ratio de ladette et de l’insoutenabilité à la fois du défi-cit public, de la dette publique et de la detteextérieure.

Les recommandations, pour ce pays, sontque les pouvoirs publics doivent procéderaux réajustements budgétaires et fiscauxindispensables. Les privatisations annoncéesdes entreprises publiques n'ont toujours pas

eu lieu, les rentrées fiscales sont insuffi-santes du fait d'un système d'impositioninadapté (et inefficace) malgré l'instauration(récente) de la TVA. Rappelons que la IIèmeConférence de Paris sur le Liban, ennovembre 2002, a abouti à la recommanda-tion de convertir la dette publique intérieureà court terme et à très haut taux d'intérêt, ende la dette extérieure à long terme et à tauxd'intérêt bas. En même temps, les privatisa-tions devraient permettre de réduire le stockde la dette et la baisse des dépensespubliques diminuerait le déficit budgétaire.

Le système bancaire au Liban joue un rôlecrucial dans le financement des dépensespubliques : les banques commercialesdétiennent la majeure partie de la dette del'Etat (pour un montant actuel de l'ordre de33 milliards de dollars US alors qu'elles sontengagées auprès du secteur privé pour desdépôts d'un montant à peine supérieur de40 milliards de dollars US). Un risque debanqueroute du type de celui qu’a connul’Argentine menace donc le système finan-cier libanais, si l'Etat n'est pas en mesure deréduire sa dette auprès des banques, cequ'une privatisation rapide des télécommu-nications et du secteur de l'énergie pourraitpermettre, en partie. Enfin, les taux d'intérêttrop élevés servis sur les bons du Trésor, quisont détenus pour une grande partie par lesbanques commerciales, et la politique dechange, qui se traduit par une forte suréva-luation de la livre libanaise, sont deux carac-téristiques extrêmement préoccupantes dela fragilité du système des financespubliques libanais. Pourtant, de nombreusesdépenses publiques de développement desinfrastructures restent nécessaires (s’agis-sant des systèmes de santé et d’éducationnotamment).

5. Le cas de l’Egypte

La situation de l'Egypte, en matière definances publiques, semble très préoccupante.Les déficits publics, la dette publique inté-rieure, la dette extérieure sont apparuscomme non soutenables, selon la méthodeactuarielle. L'application de la méthodecomptable aboutit au même diagnostic, àl'exception de quelques années pendant ladécennie 1990. Le « seuil optimal » estiméde 12,3% des dépenses publiques rapportéesau PIB est tel que, la plupart du temps, lesdépenses publiques effectives ont été infé-rieures à ce seuil, et cela depuis près d’undemi-siècle. Donc, les dépenses de consom-mation publique ne contribuent pas commeelles le devraient (ou le pourraient) à pro-mouvoir la croissance.

-35-

La politique de l'Etat semble donc bien singu-lière si l’on se fie aux estimations de l’étude.Les déficits et la dette publique sont non sou-tenables et pourtant l'Etat ne dépenseraitpas assez. Ce paradoxe est dû, en fait, à latrès grande indigence du système fiscalégyptien. Les rentrées fiscales sont trèsinsuffisantes et il est donc nécessaire detransformer complètement le système del'impôt en luttant contre l’évasion fiscale, enaméliorant le recouvrement et en rendantperformante l’administration des finances.

En même temps, la masse salariale dans lafonction publique apparaît trop importante etle rapport « salaires publics/PIB » n'a cesséd'augmenter ces dernières années. Uneréduction du nombre de fonctionnairesdevrait donc être envisagée. Reste à savoir sile secteur privé est en mesure d'accueillir lapart de la main d’œuvre qu’absorbait, jus-qu’ici, le secteur public. Outre ce problème,c’est le fonctionnement de l'administrationpublique dans son ensemble qui semble peuefficace. Il faudrait mettre en place un pro-gramme vigoureux de réduction des « coûtsde fonctionnement », coûts qui se traduisentsans doute par des « coûts de transaction »élevés pour les administrés.

Enfin, il faudrait que les pouvoirs publicss'engagent dans un programme d’améliora-tion de l’efficacité de l'aide extérieure trèsabondante que reçoit le pays, notamment del'aide alimentaire. Les investissementspublics dans le secteur des infrastructures(santé, éducation, moyens de transport etde télécommunications) semblent indispen-sables dans cette perspective.

Signalons enfin les délicats problèmes quepose la politique du taux de change, dans cepays, car une dévaluation de celui-ci serait,d'un côté, favorable à l'amélioration du soldecommercial, mais, d’un autre côté, contri-buerait à alourdir fortement l'endettementextérieur. Les hésitations des pouvoirspublics, tout au long de la dernière décennie,en matière de politique de change alourdis-sent encore les difficultés et les coûts à venir.

Bien que la réforme légale aurait dû être

effectuée pour servir d’outil aussi bien que de

moyen pour réaliser la réforme économique,

il apparaît qu’un changement d'attitude silen-

cieux, progressif et malheureux s’est produit

dans tout le monde arabe sur les dernières

décennies, de sorte que la loi et la réforme

législative sont devenues des cibles et non

des outils, l'objet et non le moyen de réaliser

l’objectif premier. Ce changement d'attitude

a pu être provoqué par une mauvaise com-

préhension de la nature et de la dynamique

du changement social, mais plus sûrement

parce qu'il convenait à des gouvernements

pris dans leurs manœuvres internes et à des

donateurs en quête de résultats mesurables.

Inutile de dire, qu’il sert également le

bataillon de conseillers, consultants et l'infra-

structure entière qui vit de la promotion, for-

mulation, discussion et surveillance des

réformes législatives, mais est rarement res-

ponsable de son exécution et des résultats

qu’elle échoue à obtenir.

Vue d'ensemble économique et légale

En dépit de leurs nombreuses différences, les

pays arabes ont des caractéristiques com-

munes. Ils diffèrent du point de vue de leurs

dotations naturelles, de leur population, et du

poids du gouvernement dans l’économie et sa

réglementation. Cependant, ils font face à des

problèmes similaires. La plupart des pays

arabes pâtissent de déficits budgétaires

importants, d’une dépendance financière vis-

à-vis de leurs situation de rente, d’un profil

commercial faible, d’un chômage élevé, du

manque d’inefficacité des investissements, et,

dans la plupart des cas, de taux de croissan-

ce faibles. En conséquence, plusieurs pays

arabes ont entrepris des réformes écono-

miques à la fin des années 80 et au début des

années 90. Les pays arabes différent par le

séquençage et l’intensité des réformes. En

général, ces réformes ont été lentes et ont

-36-

atteint, d’une façon ou d'une autre, un point

à partir duquel elles ont stagné. Certains de

ces pays, qui se sont engagés sur la voie des

réformes, en ont tiré profit et ont vu se pro-

duire des changements satisfaisants de leurs

économies, à la différence d’autres. De façon

générale, les réformes entreprises par les

pays arabes n'étaient pas suffisantes pour

enclencher la croissance et le développement

réel de la région. Les pays tels que l'Egypte,

la Jordanie, le Maroc et la Tunisie sont relati-

vement avancés dans leurs vastes réformes.

Ils sont considérés comme les premiers réfor-

mateurs qui se sont ouverts au commerce et

ont créé un climat d’investissement plus hos-

pitalier. D'autres pays producteurs de pétrole,

tels que l'Algérie, le Yémen et la Syrie, dotés

d’une main-d'œuvre très importante, font

face à une pression croissante en faveur des

réformes du fait d’un chômage croissant.

Les indicateurs macro-économiques des éco-

nomies arabes pendant la dernière décennie

indiquent que le processus de réforme n'a

pas été suffisant pour déboucher sur des

résultats satisfaisants. Le PIB des pays

arabes ne représente que 1,9% du PIB mon-

dial, leur revenu par habitant n'excède pas

14% de la moyenne de l'OCDE, le chômage

reste toujours élevé et les exportations de

marchandises n'excèdent pas 3,5% des

exportations mondiales. Etant donné que les

pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord

(MENA) représentent 10,2% de la surface

terrestre et 4,5% de la population mondiale,

de tels chiffres sont absolument insuffisants.

La faiblesse de leurs performances écono-

miques s’est répercutée négativement sur le

développement humain. En conséquence, les

indicateurs socio-économiques qui mesurent

le degré de développement humain sont res-

tés bas.

Quant au système légal, les pays arabes, en

général, sont dans la lignée du droit positif

européenn continental. Après plusieurs siècles

où une certaine forme de loi islamique

(Shari'a) dominait dans la région, les pays

arabes ont commencé, au tournant du dix-

neuvième siècle, à adopter systématiquement

des principes de droit civil, des méthodes, et

même des codes entiers. Ce processus ne

s’est pas toujours fait en référence au systè-

me européen. L'Egypte, par exemple, a com-

mencé à adopter des principes de droit civil en

tant qu'élément d'un phénomène plus large se

produisant dans tout l'empire Ottoman, avant

d’embrasser, au dix-neuvième siècle, le

modèle légal français de manière plus directe

et plus agressive. La Libye, appartenant à la

même école legislative, a fermement établi sa

législation par adaptation du modèle égyp-

tien, de même que quelques autres pays

arabes. Le Maroc, l'Algérie, et la Tunisie,

d'autre part, se sont inspirés directement des

systèmes européens.

Au cours des deux dernières décennies, et en

raison de l'importance croissante mise sur la

réforme économique et la modernisation du

secteur financier, une certaine influence

anglo-saxonne a commencé à apparaître

dans les systèmes juridiques arabes. C'est dû

au fait que la réglementation financière, le

droit des sociétés et les transactions finan-

cières, partout dans le monde, sont dominés

par des principes et des méthodes apparte-

nant à la lignée du droit anglo-saxon. Une

influence anglo-saxonne évidente transparaît

dans les lois adoptées pendant la dernière

décennie en Egypte, en Jordanie et au Maroc,

qui concernent les marchés des valeurs, les

systèmes de dépôt centraux, le blanchiment

d’argent, la sécurisation et la supervision des

opérations bancaires et d’assurance.

Il n'est pas rare que le système juridique d’un

pays soit influencé par diverses doctrines juri-

diques et écoles de pensée, ce qui relève de la

nature même du développement organique du

-37-

système légal. En fait, cela devrait être consi-

déré comme un signe de la saine capacité du

système à évoluer, se développer, et à s’adap-

ter à de nouvelles idées et méthodes. Mais, à

cet égard, le problème est que l'état actuel

des systèmes législatifs arabes montre que

l'interaction et l'amalgame de divers modèles

n'a pas suivi une progression naturelle et vou-

lue, créant de ce fait des sérieux points de

friction au coeur de ces systèmes. La législa-

tion économique en est l'exemple type.

Les sous-secteurs du système économique

La réalisation de progrès économiques et poli-

tiques dans les pays arabes est essentielle

pour accélérer le développement humain.

Ceci exige, à son tour, des réformes écono-

miques et législatives, dont une composante

intégrale est la libéralisation des trois sec-

teurs principaux : les marchandises et le sec-

teur de services, le marché financier et le

marché du travail. Dans ce contexte, il est

nécessaire d'analyser les performances de

ces secteurs et d'examiner les défis qu'ils doi-

vent relever, afin d’établir un plan adapté de

réformes qui répondrait aux faiblesses et ren-

forcerait la compétitivité de chacun d’eux. En

outre, cette section se penchera sur la perti-

nence de la nature des systèmes juridiques et

leurs origines historiques, du cadre politique

et de gouvernance de la réforme législative,

du processus d’élaboration des lois, et sur les

problèmes liés à l'administration et au judi-

ciaire, à l'environnement de l’investissement,

et aux lois de la concurrence. Ce travail a

pour but de répondre à une question souvent

soulevée : pourquoi la réforme législative ne

s’est pas matérialisée dans le monde arabe

sous la forme d’une réforme économique.

a. Le secteur des biens

Le défi principal du secteur des produits dans

les pays arabes est de restaurer la croissan-

ce économique et de créer des emplois tout

en maintenant la stabilité macro-écono-

mique. Sur le plan des exportations de biens

et services se pose le problème de leurs

résultats insatisfaisants. Une explication fon-

damentale à cela est le manque d'engage-

ment des gouvernements et des chefs poli-

tiques en faveur de nouvelles directions de

politique. La part des pays arabes dans les

exportations mondiales est marginale. Sur

les deux dernières décennies, les exporta-

tions de la région ont augmenté de seule-

ment 4,4%, alors que les exportations mon-

diales progressaient de plus de 216,6%.

Dans ce contexte, la refonte du cadre juri-

dique de ce secteur devient essentielle.

Cependant, les progrès de la libéralisation

commerciale et de la réduction des biais anti-

exportations dans la région MENA n’ont pas

été aussi rapides que ceux de l’Asie de l'Est,

de l’Amérique Latine, et de certaines des éco-

nomies en transition d’Europe et d’Asie cen-

trale. Bien que des réformes des taxes et des

tarifs aient été entreprises par la plupart des

pays de MENA depuis les années 80, les

avancées ont été lentes et inégales, se tra-

duisant par peu de réductions significatives.

En conséquence, tout au long des années 90,

le taux moyen non pondéré des tarifs dans la

zone MENA était plus haut que dans n'impor-

te quelle autre région, exceptée l’Asie du sud,

et aucune réduction significative des tarifs

moyens n'a eu lieu. En outre, les réformes

des douanes, qui sont en cours en Jordanie

et au Maroc, doivent être accélérées en

Egypte et en Tunisie.

Un autre défi qui plaide en faveur d’une

réforme du cadre legislatif est que beaucoup

des gouvernements des pays de MENA, y

compris ceux des plus ouverts des pays du

Golfe (GCC), ont accordé des droits de

monopole dans la distribution des importa-

tions, gênant l'accès aux marchés internatio-

-38-

naux. Ces barrières à l'entrée empêchent les

prix domestiques et internationaux de

converger et amoindrissent l'impact positif

des réformes commerciales.

Un dernier défi concerne les politiques de

change. La flexibilité du taux de change est

un aspect crucial du succès de la réforme

commerciale. Les pays dans la région doivent

réduire les mauvais ancrages et la surévalua-

tion des monnaies afin d'augmenter la com-

pétitivité des exportations. Cependant, les

pays tels que l'Egypte, la Jordanie, le Liban, le

Maroc et la Tunisie ont abordé cette question.

Relever les défis précédents exige beaucoup

d'améliorations. D'abord, les pays arabes

doivent s'assurer que le commerce suit le

courant dominant ou est intégré dans des

politiques économiques et des stratégies

visant la réduction de la pauvreté. Les vrais

avantages de la libéralisation commerciale

sont obtenus si le commerce est inclus dans

l’agenda des réformes domestiques.

L'investissement commercial et l’investisse-

ment privé sont les éléments essentiels pour

accroître la croissance des PM, combattre la

pauvreté et le chômage, et favoriser une

intégration régionale et mondiale.

En second lieu, les pays arabes doivent modi-

fier les moteurs actuels de leur croissance qui

sont trop vulnérables. Ils doivent privilégier

les exportations de produits non pétroliers,

et les activités compétitives orientées vers

l’exportation, relativement à celles plus pro-

tégées visant à la substitution des importa-

tions. Les économies doivent se reposer

davantage sur le secteur privé et les activités

orientées vers le marché plutôt que sur le

gouvernement et la domination de l’Etat.

Troisièmement, il est nécessaire d'harmoniser

les accords commerciaux et les politiques qui

ont été menées sur les dernières décennies afin

d’en tirer tous les bénéfices. Ceux-ci incluent

les accords d’intégration bilatéraux et multilaté-

raux intra-régionaux, les accords euro-méditer-

ranéens pour beaucoup de pays, et les autres

réformes commerciales unilatérales.

Le quatrième point, le plus important, est

que les gouvernements devraient chercher à

éliminer les situations monopolistiques afin

d'encourager l’investissement direct étran-

ger. En outre, afin d’améliorer les résultats

commerciaux dans les pays arabes, il est cru-

cial d’offrir un cadre des opérations concur-

rentiel et incitateur pour les exportateurs,

pour faciliter les flux d’échanges au niveau

régional comme au niveau international.

Dans ce contexte, le droit de la concurrence

peut être utile. Elles sont devenues un aspect

important de la législation ces dernières

années. C'est parfois la conséquence d’une

volonté de remplir une des conditions de la

modernisation des économies et d'adhérer

aux meilleures pratiques des économies

industrialisées. D’autres fois, l’importance

qu’elles ont prise est la résultante des pres-

sions internes, qui considèrent les lois et sys-

tèmes anti-monopoles comme une protection

contre les abus des grandes sociétés issus de

leur poids politique. C’est précisément la

nature politique du droit de la concurrence

qui explique que sa portée et ses objectifs

deviennent confus et leur application loin

d’être satisfaisante.

Les pays dans la région peuvent être classés

en trois groupes selon qu’ils ont adopté des

lois sur la concurrence (par exemple, Tunisie

et Jordanie), sont en train d’en adopter

(Egypte) ou ne se sont pas encore engagés

dans le processus (Libye). Cependant, même

dans les pays où une législation sur la

concurrence a été adoptée, le résultat, en

termes d'amélioration substantielle de l’envi-

ronnement de l’investissement et de la régu-

lation est modeste, voire négligeable.

-39-

C'est dû à plusieurs raisons. Le droit de la

concurrence est, de par sa nature même,

très complexe et son application exige que

les commissions de surveillance et les tribu-

naux compétents disposent d’un pouvoir dis-

crétionnaire étendu. De plus, il suppose un

niveau de sophistication significatif des

organismes chargés de repérer les pratiques

monopolistiques et d’imposer la légalité. Une

connaissance et une bonne compréhension

de l’économie, des affaires et du marché

sont indispensables à une administration

juste de la législation anti-trust. Ainsi, lors-

qu’un pays subit des contraintes sur le

recrutement de fonctionnaires instruits et

qualifiés, l’application du droit de la concur-

rence peut devenir un obstacle en consti-

tuant un niveau supplémentaire d’arbitraire,

de corruption et d’imprévisibilité. La législa-

tion jordanienne essaye de surmonter cela

en renvoyant directement les conflits en

matière de concurrence devant les tribu-

naux. Ceci, cependant, ne fait que déplacer

le problème, sans résoudre les questions

clefs. La Tunisie est un cas rare puisque le

pays a créé une autorité de la concurrence à

part entière (le Conseil de la Concurrence),

qui surveille les pratiques anti-concurren-

tielles et dispose d’un pouvoir juridique et

consultatif.

La mise en place et l’application des lois anti-

trust sont rendues extrêmement difficiles par

leur surpolitisation. En Egypte, le processus

d'adoption d’une loi anti-monopole générale

a duré plus de sept années, ce qui prouve à

quel point elle est encore mal comprise par le

public et surpolitisée par ceux impliqués dans

le débat.

Cinquièmement, les pays arabes doivent

apporter des améliorations significatives sur

quatre points clefs : facilités permettant le

développement du commerce, infrastruc-

tures liées au commerce, accès à la finance

commerciale, et fourniture d'aide à la pro-

motion. Les efforts pour améliorer les facili-

tés permettant de développer le commerce

consistent principalement à réduire les

coûts de transaction et les délais. À court

terme, il est essentiel de bâtir des institu-

tions de qualité, d’améliorer la technologie,

de rationaliser et de simplifier toutes les

procédures commerciales connexes, y com-

pris les douanes. Le gouvernement doit

également accroître les investissements

dans le commerce afin de mettre à niveau

les infrastructures physiques existantes qui

concernent les échanges d'un certain

nombre de pays arabes, notamment les

routes, les ports, les aéroports, les moyens

de stockage et de gestion qui auront des

conséquences positives sur le coût des

échanges, augmentant de ce fait la compé-

titivité des exportateurs de la région. C'est

particulièrement important pour les expor-

tateurs de produits agricoles qui utilisent les

équipements de transport et de stockage

régulièrement. La troisième dimension

importante est le financement des opéra-

tions commerciales, en particulier des petits

exportateurs ayant des ressources limitées.

Les exportateurs doivent avoir accès au cré-

dit à des taux réalistes. Il existe également

un besoin d’aide à la promotion dans les

pays arabes. Bien que beaucoup de pays

aient des agences de promotion du com-

merce qui aident les exportateurs, l'élargis-

sement des services offerts est essentiel

afin de se concentrer sur les points faibles

tels que le contrôle de qualité. Les gouver-

nements devraient travailler à améliorer

l'image du pays et à augmenter sa visibilité

à l'étranger.

Sixièmement, il est urgent de diversifier les

échanges en faveur des exportations à haute

valeur ajoutée pour gagner des parts de

marché, mais aussi parce que le commerce

de ce type d’exportations est relativement

-40-

plus dynamique et permet une croissance

substantielle de la productivité. Pour que les

pays arabes puissent entrer sur des marchés

d'exportation non traditionnels, ils doivent

intégrer plus d’innovations techniques dans

les procédés de production des produits

existants et nouveaux. Il est, en effet, clair

que les pays arabes ne pourront pas comp-

ter sur les exportations de produits bruts et

de carburant et sur les produits intensifs en

main-d'oeuvre pour atteindre des taux de

croissance élevés.

En conclusion, investir dans le développe-

ment des ressources humaines et encourager

l'investissement direct étranger sont des

mesures nécessaires pour permettre l'entrée

et la pénétration de nouveaux marchés dyna-

miques. En d'autres termes, la complémen-

tarité des réformes du commerce et du cli-

mat de l’investissement et la façon dont elles

sont menées détermineront fortement les

effets bénéfiques qu’elles auront sur les mar-

chés du travail. Raviver les réformes com-

merciales, si elles sont combinées avec des

actions complémentaires pour stimuler l'in-

vestissement privé, devrait mener à une

croissance beaucoup plus rapide de l’emploi.

Étant données ses dotations, les perspectives

de développement de la région semblent pro-

metteuses, mais pour qu’elle bénéficie plei-

nement des avantages du commerce et réa-

lise son potentiel de croissance, elle doit

poursuivre les réformes économiques.

b. Le marché du travail

Le principal problème auquel fait face le

monde arabe à l’aube du nouveau millénaire

est celui du chômage et de la croissance tou-

jours rapide de sa force de travail. La popu-

lation de la région arabe a presque quadruplé

pendant la deuxième moitié du siècle dernier.

Dans les années 80 et 90, le marché du tra-

vail n'a pas pu suivre la forte augmentation

de la main-d'oeuvre. Sur ces deux décennies,

les pays de MENA ont enregistré les taux de

croissance de la population les plus élevés au

monde et la force de travail devrait encore

s’accroître de 3% par an jusqu’en 2015, ce

qui signifie que 3 à 6 millions d’emplois doi-

vent être créés chaque année afin d'absorber

le nombre très élevé de nouveaux entrants

sur le marché du travail. Hormis les taux de

croissance insuffisants, le dilemme du chô-

mage est, en grande partie, le résultat de

politiques de l’emploi déficientes. En consé-

quence, les mesures adoptées pour résoudre

le défi du chômage devraient inclure : la faci-

litation de l’accès à la microfinance, l’amélio-

ration des qualifications et des capacités de

la force de travail en offrant plus de forma-

tions et une meilleure éducation, et enfin la

réduction des lourdeurs bureaucratiques

dans le recrutement des emplois de l’admi-

nistration.

Si les travailleurs dans les pays arabes ne

sont effectivement pas suffisamment ins-

truits et qualifiés pour s'adapter aux der-

nières technologies, il faut alors leur fournir

la formation qui leur permettrait d’absorber

de telles avancées. Un autre facteur impor-

tant qui explique le chômage croissant dans

la région est le taux élevé d'analphabétisme.

De plus, le taux de participation des femmes

étant toujours très faible en dépit de la haus-

se rapide de leurs niveaux de scolarisation,

les économies des pays arabes subissent une

ponction substantielle de leur capital humain

qui reste inexploité et ne peut contribuer à

leur croissance économique. Les gouverne-

ments doivent donc prêter plus d’attention à

la formation professionnelle et à l'éducation

en les plaçant au coeur de la réforme. Il est

urgent que les formations privilégient les

domaines qui permettent d’acquérir des qua-

lifications susceptibles d’augmenter la pro-

ductivité de la main-d'oeuvre et sa capacité

d’adaptation aux progrès des nouvelles tech-

-41-

nologies et aux innovations dans un monde

en constante évolution. Les formations pro-

fessionnelles devraient favoriser les ensei-

gnements visant la maîtrise des technologies

de l'information et les connaissances exigées

par les employeurs afin de combler l’écart

existant entre les qualifications dispensées et

les besoins du secteur privé. Pour s’adapter

aux nouvelles tendances apparaissant sur les

marchés mondiaux, les entreprises du sec-

teur privé exigent un niveau de qualification

élevé qui fait défaut au sein des pays arabes.

C’est ce qui rend nécessaires une mise à

niveau et une amélioration des compétences

de la main-d'oeuvre.

Le développement du secteur privé sur des

bases saines, ce qui comprend l’élimination

de toutes les contraintes et restrictions à son

essor est également un facteur clef de réduc-

tion du chômage. La jeunesse arabe doit être

encouragée à créer sa propre entreprise et,

pour ce faire, elle a besoin d’être formée

certes, mais, plus fondamentalement, d’ac-

céder à des capitaux. L'accès au crédit et aux

modes de financement de toutes sortes est

un déterminant essentiel de la croissance de

l’investissement privé et de la création d'em-

plois pour les nouveaux entrants du marché

du travail. Dans la région arabe, seules 5%

des personnes cherchant un micro-crédit

l’obtiennent, et 0,7% des besoins de finance-

ment sont couverts. Dans toute la région

arabe, la plupart des établissements offrant

des micro-crédits sont confrontés à des

contraintes institutionnelles multiples qui les

empêchent d’aider les demandeurs. L’offre

de micro-crédits est loin de correspondre au

potentiel et à la demande de la région.

L’accès à des moyens de financement devrait

être facilité, en particulier pour encourager le

développement de projets intensifs en tra-

vail, qui peuvent absorber le nombre crois-

sant de jeunes et de femmes qui cherchent

un emploi. L’offre de micro-crédits devrait

être associée à une assistance technique aux

nouveaux entrepreneurs inexpérimentés

dans les domaines de la gestion, du marke-

ting, etc., de sorte qu'ils travaillent efficace-

ment et atteignent leurs objectifs. Ces

mesures multiplieront les opportunités pour

les jeunes de créer leur entreprise, ce qui

aidera à absorber le nombre croissant de

demandeurs d’emploi. L'accès au crédit est

crucial pour l'expansion des PME-PMI exis-

tantes et nouvelles et la création d’emplois.

Cependant, fournir des crédits aux PME-PMI

n'est pas simplement un défi économique,

mais également juridique. Il est, en effet,

important que le cadre juridique ait prise et

guide l’investissement et l’affectation des

ressources financières. En l’absence de cer-

taines lois, telles que celles concernant l’acti-

vité des PME-PMI ou la régulation du systè-

me bancaire, les gouvernements des pays

arabes ne pourront pas établir un environne-

ment sain de développement du secteur

privé. En Egypte, l'utilisation des allégements

fiscaux et autres avantages pour promouvoir

et encourager les IDE a commencé au début

des années 70, mais l’ajout de divers amen-

dements à la loi originale ont rendu confus

les objectifs finaux, et il n’est pas certain que

le coût de ce système d’allègement fiscaux

vaille la peine d’être payé. Au contraire, en

ce qui concerne les lois destinées aux PME, le

cadre juridique tunisien a prouvé sa valeur et

pourrait être un bon exemple a suivre.

Même si les problèmes de financement

qu’elles posent sont laissés de côté, la com-

plexité bureaucratique et l'inefficacité de

l’embauche dans le secteur public ont un réel

impact négatif sur les résultats obtenus.

Salaires bas et statut social peu envié sont

souvent cités comme les raisons principales

des maigres performances des fonction-

naires, plus spécialement ceux en charge des

questions économiques. Mais d’autres rai-

-42-

sons, moins souvent prises en compte,

jouent un grand rôle : manque de transpa-

rence dans les processus de recrutement qui

conduit à perpétuer le manque de compéten-

ce, absence de formation au poste et de for-

mation continue, insuffisance des ressources

techniques, de moyens informatiques et

absence d’un système efficace de responsa-

bilisation. La corruption, qui est souvent citée

comme un obstacle majeur à l’établissement

d’opérations efficaces et prévisibles dans les

administrations, est ainsi tout autant une

conséquence qu’une cause.

Une des tendances de plus en plus répandue

au sein de la machine administrative dans la

région est le recours croissant à des struc-

tures « parallèles ». Des antennes tech-

niques, des conseillers et des programmes

spéciaux fleurissent, qui ne sont en fait

qu’un moyen détourné d’embaucher un per-

sonnel très qualifié, auquel ne s’applique pas

la grille de salaire ou la hiérarchie prévalant

dans le secteur public. C’est le cas en

Egypte, en Jordanie, au Liban et au Maroc

par exemple. La justification de la confiance

croissante dans ces structures parallèles est

accablante : quels autres moyens ont les

organismes gouvernementaux – particuliè-

rement dans les domaines économiques

sensibles – de s’appuyer sur des profession-

nels qui ne rejoindront jamais les rangs des

fonctionnaires ?

Toutefois, ces systèmes parallèles ont de nom-

breux inconvénients. En vertu de leur posi-

tions élevées bien rémunérées, de leur recru-

tement hors normes, ils sont plus soumis aux

influences politiques. Les systèmes parallèles

permettent également le recrutement à durée

déterminée pour utiliser l’expertise d’individus

hautement qualifiés. Mais, les effets disparais-

sent souvent au moment même où la mission

s’achève. De plus, l’existence de parcours spé-

ciaux au sein d’une administration est une

source de découragement et de démotivation

pour ceux qui, par leur éducation, leurs com-

pétences ou leurs contacts, ne peuvent pré-

tendre à ces voies alternatives. Enfin, l’un des

inconvénients les plus importants du recrute-

ment parallèle réside dans le fait que la res-

ponsabilité formelle des décisions et des

actions repose toujours sur les agents tradi-

tionnels pour ne pas se mettre trop en marge

de la légalité. Il en résulte que ceux qui ont le

pouvoir effectif n’en supportent pas les

aspects contraignants. Il ne s’agit toutefois

pas de dire que tout recours aux systèmes

parallèles pour améliorer les performances

des agences économiques soit à proscrire,

mais plutôt de souligner que ce recours doit

faire parti d’un plan global visant à améliorer

la totalité du système, à intégrer les nouveaux

venus dans les voies traditionnelles et à assu-

rer que la responsabilité repose sur ceux qui

détiennent le pouvoir effectif.

c. Le marché financier

Les flux de capitaux dans la région arabe ont

crû entre 1985 et 2000, bien qu'à un rythme

inférieur aux flux mondiaux sur la même

période. L’analyse détaillée des flux de capi-

taux à destination des pays arabes montre

que les IDE en sont la principale composan-

te. Cependant, les IDE vont plus souvent aux

chaînes de restauration qu’au secteur manu-

facturier. Ce type d'investissement implique

des flux inverses de capitaux et non des

entrées continues, puisque le capital est

fourni par les investisseurs locaux qui achè-

tent des franchises aux maisons-mères.

Cependant, quelques pays arabes, tels que la

Tunisie, la Jordanie et le Liban, ont profité

d’investissements dans les télécommunica-

tions, le tourisme, le secteur manufacturier

et bancaire.

La part du monde arabe dans les IDE mon-

diaux est tombée d'une moyenne de 1,2% en

-43-

1985-1995 à 0,4% en 2000. Sur la même

période, la part des pays arabes dans les IDE

vers les pays en voie de développement est

passée de 4,3% à 1,9%. Elle faut noter que

les flux d’IDE se concentrent principalement

sur cinq pays de la région, à savoir l’Arabie

Saoudite, l'Egypte, la Tunisie, Bahreïn et le

Maroc, mais les trois premiers représentent

70% du stock total d’IDE. Cependant, la ten-

dance de l’investissement intra-zone arabe

est à la croissance. De plus, les marchés

financiers dans les pays arabes sont, en

général, sous-développés comparés à ceux

d'autres pays en développement. Sur les 38

marchés émergents de la région, la capitali-

sation totale s'est élevée à 1 000 milliards de

dollars US en 1994, et la capitalisation sur les

bourses des valeurs mobilières et des titres à

91 milliards de dollars US. Bien qu'il y ait

quelques exceptions, la plupart des pays de

MENA ne sont pas en mesure d’attirer les

investisseurs domestiques ou privés, ni de

les convaincre que leurs réformes actuelles

sont assez sérieuses pour leur garantir les

fonds nécessaires.

Le ralentissement des flux d’IDE vers les

pays arabes et les faibles résultats des mar-

chés financiers ont diverses explications, cer-

taines purement économiques, d'autres liées

à la nature des systèmes législatifs qui ont

un impact sur le cadre juridique de fonction-

nement des marchés financiers.

Un des facteurs principaux est le contrôle des

capitaux, y compris les limites imposées aux

investissements dans certains secteurs spé-

cifiques, et sur la part de capital que peuvent

détenir les étrangers. Les investissements en

dehors des secteurs pétrolier et connexes,

par exemple, sont parfois restreints. Les

contrôles de capitaux incluent également la

répression financière, qui, en raison des taux

d'inflation élevés, fait que les taux d'intérêt

réels sont négatifs.

Un autre facteur est la domination du secteur

public qui, souvent, évince le secteur privé.

Les entrées d’IDE dans les pays arabes ont par

ailleurs pâti du ralentissement des privatisa-

tions. Seulement 9% des opérations de priva-

tisation possibles ont été réalisées au sein de

la zone, ce qui laisse pour 100 milliards de dol-

lars US de projets en suspens. En Jordanie,

par exemple, la privatisation de la compagnie

de télécommunication jordanienne en 2000 a

représenté environ 30% du stock d’IDE de

l’année. En conséquence, les secteurs finan-

ciers dans les pays arabes sont encore domi-

nés par des avoirs de l’Etat, en dépit des

recommandations des organismes internatio-

naux, qui soulignent les importants bénéfices

qu’il y aurait à encourager les privatisations et

à mettre en place un fonctionnement concur-

rentiel du marché financier. La domination des

banques publiques a également permis à ces

économies d’exercer un contrôle direct ou

indirect sur l’expansion du crédit. Le fait que,

dans les pays arabes, les gouvernements tien-

nent les marchés financiers, explique que la

transparence ne soit pas assurée, ce qui fait

fuir les capitaux étrangers.

Une troisième raison expliquant le niveau des

IDE est un fort taux d’imposition. Le caractè-

re arbitraire de la fiscalité, dans la plupart

des pays arabes, tend à décourager l’accrois-

sement de la taille des entreprises. D'ailleurs,

le cadre juridique a des conséquences impor-

tantes sur ce point. Plus spécifiquement, la

gestion de la fiscalité est trop stricte et com-

plexe, ce qui engendre une corruption élevée

des gouvernements dans la région. En même

temps, les politiques budgétaires imposent

des impôts discriminatoires sur les revenus

du capital et occasionnent des déficits avec

les impacts négatifs futurs que peut avoir

une monétisation de la dette.

Une quatrième raison est la surévaluation

des taux de change, la fuite des capitaux,

-44-

due à la faible productivité du capital et à des

politiques macro-économiques insoute-

nables, dont les conséquences sont une bais-

se des taux de croissance et une réduction de

l’assiette de l’impôt.

Il existe des liens relativement forts entre le

marché financier et le système jurdique d’un

pays. Un système juridique développé devrait

favoriser la croissance des marchés finan-

ciers. Concernant la nature de ces systèmes

dans les pays arabes, ceux-ci présentent un

certain nombre de faiblesses, mais ils sont

également surchargés et offrent peu de répa-

rations. Une analyse plus poussée des sys-

tèmes juridiques arabes montre que des pays

de la région incluent dans leurs constitutions

une ou plusieurs dispositions de sorte que les

principes de la Shari'a sont soit la principale,

soit une des sources du droit (Egypte,

Jordanie, Maroc). D'autres vont plus loin en

considérant que la Shari'a est la loi fonda-

mentale (Arabie Saoudite, Soudan). La

confusion, provoquée dans tous ces systèmes

législatifs en mélangeant l’agenda politique et

les principes juridique, se manifeste dans le

fait qu’au-delà de la rhétorique, il n’y a pas

assez de clarté sur la façon dont les principes

juridiques islamiques doivent interagir avec

les autres principes, ce qui entraîne des diffi-

cultés lors de la mise en pratique. La possibi-

lité de la perception d’un intérêt est, là, au

premier rang et continue d’être une source de

confusion et de tension. Cela s’applique éga-

lement à la notion anglo-saxonne de loi fidu-

ciaire, portant essentiellement sur la mobilié-

risation, la propriété de l’usufruit et autres

outils de marchés des valeurs, mais considé-

rée comme contradictoire aux principes de la

Shari'a. Une autre source de tensions est

récemment apparue entre les notions tradi-

tionnelles de droit civil sur les compagnies,

les marchés financiers et les transactions

financières et un traitement plus pragmatique

fondé sur le droit coutumier. L’influence crois-

sante exercée par les experts des juridictions

de droit coutumier et la nécessité de s'adap-

ter aux normes internationales de la régle-

mentation financière et des échanges ne peu-

vent qu’accroître les tensions avec une

approche selon les principes du droit positif

dans des domaines tels que les opérations

bancaires, l'assurance, le fonctionnement des

marchés financiers, les marchés hypothé-

caires et le crédit-bail.

La fusion de divers principes et méthodes au

sein d’un système juridique n'est pas un phé-

nomène propre à la région arabe, mais ce qui

ici pose problème est le manque de transpa-

rence et d’une approche permettant l’inté-

gration grâce à des compromis. Récemment,

une stratégie adoptée aux Emirats Arabes

Unis semble avoir porté le pragmatique à sa

conclusion logique et dommageable, quand

la totalité du cadre juridique régissant le

centre financier international de Dubaï a été

placé sous un cadre juridique exclusivement

anglo-saxon et totalement indépendant du

système valable pour le reste du pays. Le

pragmatisme peut-être, mais doit-il être pri-

vilégié aux dépens de l'unité du système juri-

dique d’un pays et quelles que soient les

incompatibilités qu'il crée dans cette sphère ?

De ce point de vue, le monde arabe, s’il veut

améliorer le cadre juridique de fonctionne-

ment des marchés financiers, ne doit pas

radicalement opter pour le pragmatisme

comme l’ont fait les Emirats Arabes Unis pour

les transactions financières menées à Dubaï,

ni rejeter les principes d’une Shari'a « démo-

dée », ni mettre en concurrence divers sys-

tèmes entre lesquels il convient de choisir. Le

défi est de progresser consciemment et d'une

manière transparente dans la modernisation

des systèmes juridiques en utilisant plusieurs

approches, outils et idées, mais en les met-

tant en perspective afin d’éliminer les contra-

dictions et les sources de tension.

-45-

Par ailleurs, pour augmenter la part des pays

arabes dans les flux de capitaux, il faut amé-

liorer la profondeur et la liquidité des mar-

chés. Ainsi, les pays arabes devraient encou-

rager le rapatriement des capitaux. Pour ce

faire, les économies arabes pourraient

accroître la productivité marginale de leur

capital ajustée des risques. Quant aux infra-

structures physiques telles que les réseaux

publics, les télécommunications et le trans-

port, elles doivent être accrues puisqu’elles

ont un impact indirect sur le coût des

affaires. En ce qui concerne le développe-

ment des qualifications du capital humain, il

doit se faire en tenant compte des conditions

changeantes du marché du travail global. Les

risques politiques ont leur importance puis-

qu’ils expliquent en grande partie la fuite des

capitaux arabes. Un système d'information

plus transparent et plus facilement accessible

doit aussi être mis en place. Pour encourager

les IDE, l’évolution des cadres juridiques

devrait également servir à réduire les com-

portements discrétionnaires et faciliter les

procédures d'entrée et de sortie en plus de

lutter contre la corruption. En même temps,

la transparence et les droits de propriété

devraient être renforcés.

Les programmes de réforme adoptés par les

pays arabes pour améliorer les performances

des marchés financiers peuvent être briève-

ment analysés en prenant l'Egypte comme

exemple, puisque c’est l’un des premiers

pays a avoir expérimenté ce type de réforme.

Au début des années 70, alors que l'Egypte

était sur le point de redéfinir profondément

ses politiques économiques, renonçant au

système socialiste de planification centralisée

au profit d’une libéralisation du fonctionne-

ment des marchés, le pays a adopté une

stratégie très largement répandue à l’époque

en édictant une loi d'investissement qui iden-

tifiait certains secteurs prioritaires où les

investissements directs étrangers néces-

saires étaient attirés grâce à l’octroi d’avan-

tages fiscaux (taxes, droit de douane). Cette

attitude n'a pas changé depuis lors, malgré

cinq amendements majeurs de la législation

sur l’investissement, dont le dernier date

d’avril 2004. La même approche a été suivie

par la plupart des pays de la région y com-

pris la Syrie, la Libye, la Tunisie et le Maroc.

Le même raisonnement détermine les prin-

cipes de la loi : encourager les investisseurs

étrangers (et nationaux disposant de capi-

taux étrangers) à investir dans des secteurs

clefs en proposant des allégements fiscaux,

établir une autorité ou un bureau de promo-

tion des investissements, et faciliter les

démarches administratives.

Bien que le succès de cette approche ait été

très variable dans la région, il est de plus en

plus clair qu’elle a également occasionné

beaucoup de problèmes et ne répond plus

aujourd’hui aux besoins des investisseurs.

C'est la forme la plus rigide de législation

« de l’exception » qui a infesté les systèmes

juridiques de la région, partant de l’hypothè-

se selon laquelle créer des îlots de simplicité

au sein de bureaucraties complexes était

possible.

En réalité les investisseurs, séduits par les

avantages fiscaux généreux offerts par les

pays d'accueil, se sont rapidement trouvés

empêtrés dans un système où, globalement,

l'aide apportée par le cadre juridique et de la

réglementation est faible, particulièrement

pour ce qui est du code du travail, des pro-

cédures fiscales et douanières, des processus

juridiciaires, de la corruption et des fai-

blesses du système de paiement et financier.

Ceci a engendré un changement dans le

débat puisque les pays tentent maintenant

d’attirer les IDE en instaurant un climat de

l’investissement efficace et dynamique et

non plus uniquement en offrant quelques

incitations fiscales. Malheureusement, les

-46-

nouveaux venus dans ce jeu – tels que la

Syrie, la Libye et le Yémen - ne semblent pas

avoir tiré les bonnes leçons des expériences

de l’Egypte, du Maroc ou de la Tunisie, et pri-

vilégient les lois d’investissement alors que

les infrastructures légales, réglementaires et

juridiques nécessaires n’existent pas encore.

Il est plus surprenant encore de constater

que l’Egypte, après plus de 30 ans investis

dans cette voie, continue à essayer de sau-

ver un système qui ne fonctionne pas.

Questions juridiques sous-jacentes

Les sections précédentes ont souligné cer-

tains des problèmes juridiques spécifiques de

la réforme. Il est également important

d'aborder la totalité des questions législa-

tives fondamentales car elles influencent les

efforts de réforme. La loi est assurément un

outil puissant de changement et de réforme.

Les changements significatifs et les tournants

majeurs qui se sont produits dans les

domaines politiques et économiques, dans le

monde et à travers l'histoire, ont eu une

dimension législative ou une manifestation

législative. La loi comme outil de change-

ment a accompagné chaque tournant, et ce

devrait encore être le cas dans le cadre des

réformes économiques en cours.

Pendant pas moins de deux décennies, la

réforme économique a été au premier rang

des préoccupations des pays de la région,

et les discussions au sujet de l’introduction

des réformes juridiques et réglementaires

nécessaires pour la réaliser ont été abon-

dantes. Cependant, sauf pour de très rares

cas et secteurs - comme souligné ci-des-

sous - la promulgation de lois et de décrets

n’a pas abouti à des changements réels ou

suffisants. Pourquoi la réforme législative,

telle qu’elle s’est déroulée dans la région,

n'a pas permis d’atteindre les objectifs

attendus, et pourquoi la loi ne s’est pas tra-

duite en bonnes pratiques sont les ques-

tions auxquelles cette partie tentera de

répondre, en identifiant les principales

causes fondamentales et structurelles de

cet échec.

Une des raisons principales des résultats

décevants des programmes de réforme est

que la réforme économique est souvent

entravée, non pas par les dispositions spéci-

fiques d’une loi ou par les articles d’un

décret, mais par des contraintes inhérentes

au noyau dur du système juridique. Cerner

les problèmes spécifiques par une loi peut

être pratique et répondre aux besoins des

individus. Mais pratiquer ainsi, sans se sou-

cier du cadre juridique, augmente les com-

portements de type « la législation est la

solution » et encourage la recherche de pro-

blèmes particuliers et les tentatives spora-

diques de résolution, sans entrer véritable-

ment dans l’analyse des réelles difficultés. Le

résultat est que toujours plus de lois et de

règlements sont promulgués et soulèvent

des espérances, mais n’apportent que des

améliorations minimes du fait de l’incohéren-

ce des micro-réformes avec le cadre juri-

dique dans son ensemble.

Les quelques réflexions ci-dessus expliquent

un phénomène récurrent dans les pays

arabes : l’existence d’un écart persistant

entre la législation promulguée et la pra-

tique. Essayer d'expliquer cet écart à partir

de considérations hors de la sphère juridique

– le manque de moyens financiers, une com-

préhension insuffisante des processus, les

déficiences de l'expertise, les blocages liés à

la bureaucratie – fournie une partie des

réponses. Cependant, ces données institu-

tionnelles ne devraient pas être déconnec-

tées du cadre juridique pris dans sa globali-

té, c’est-à-dire en tenant compte des hypo-

thèses et des principes fondamentaux qui

président à son élaboration.

-47-

La réforme économique, appréhendée du

point de vue des moyens juridique pour la

mettre en place, ne se résume pas à la pro-

mulgation des lois et mesures adéquates. Les

exemples de telles lois, votées, mais pas ou

peu mises en application abondent dans les

PM. En Egypte, la loi hypothécaire introduite

en 2000 reste à ce jour entièrement inappli-

cable. Au Liban et en Syrie, la protection des

droits de propriété intellectuelle n’est pas

mieux assurée, malgré la mise en place des

textes requis. Les pratiques concurrentielles

ne sont pas assurées en Tunisie malgré la

l’adoption, en 1995, d’une législation empê-

chant les procédés monopolistiques.

Il y a plusieurs facteurs expliquant l’écart

persistant entre la législation promulguée et

la réalité appliquée. L’inadéquation des pro-

cessus législatifs en lui même, comme décrit

auparavant, est un facteur clef. La situation

actuelle est presque un résultat naturel, avec

des législateurs qui n’ont pas une compré-

hension suffisante des processus, qui n’ont

pas les capacités techniques et de recherche

voulues, qui n’arrivent pas à comprendre les

implications pratiques des lois qu’ils édictent.

Mais au-delà de ce point, le facteur le plus

significatif entraînant le maintien de la

déconnexion entre textes et pratiques est

l’inaptitude de l’appareil bureaucratique à

faire appliquer ou mettre en œuvre les

textes. Certains pays semblent avoir récem-

ment réalisé des progrès significatifs dans

l’amélioration du niveau général de perfor-

mance de leurs administrations. La Tunisie en

est l’illustration. Le Maroc, la Jordanie et le

Liban sont aussi dans ce cas, dans des sec-

teurs spécifiques, respectivement les

douanes, le marché financier et la supervi-

sion bancaire.

Toutes les lois, mesures et autres provisions

des réformes finissent tôt ou tard par être

testées devant les tribunaux. Offrir des

exemptions aux investisseurs, des privilèges

et des avantages en termes de procédure

n’est réellement attractif que dans la mesure

où les tribunaux peuvent suivre les mesures.

Aussi, l’administration judiciaire se doit d’as-

surer un service rapide, équitable et prédic-

tible pour la résolution des conflits.

Malheureusement, ces trois adjectifs ne se

rencontrent simultanément dans aucun des

pays de la région. Dans les cas extrêmes, le

système est même fortement corrompu et

inefficace. Ailleurs, malgré son intégrité, il

est embarrassé par des délais excessifs, par

le manque de compréhension et de formation

en ce qui concerne les transactions commer-

ciales modernes, voire les deux. Le résultat,

dans tous les cas, est un degré significatif

d’imprédictibilité qui réduit les bénéfices

potentiels des réformes dans la plupart des

pays de la région.

Ceci a conduit à trois types de réaction. La

première est le recours grandissant à des

cadres juridiques étrangèrs pour réguler les

transactions commerciales, même entre par-

ties nationales, afin de dépendre de tribu-

naux impartiaux. La deuxième est le recours

croissant à l’arbitrage et autres méthodes

alternatives de résolution des conflits et la

troisième est le débat qui s’amplifie concer-

nant la création de tribunaux spéciaux dédiés

aux conflits commerciaux.

Les deux premières approches ont des

limites peu contestables : la mise en œuvre

de la décision du tribunal étranger ou de l’ar-

bitrage devra in fine passer par les tribunaux

nationaux, ce qui de fait a repoussé le pro-

blème mais ne l’a pas éliminé. En ce qui

concerne la troisième approche – la création

de tribunaux spéciaux –, il nous semble que

cela n’apportera pas de solution à long

terme, voire que cela pourrait empirer la

situation. Séparer une partie du système

-48-

judiciaire n’est pas possible car cela dégrade-

rait le reste du système et menacerait l’unité

et la cohésion de l’ensemble. A long terme,

cela ferait plus de mal que de bien.

Il n’y a donc pas d’alternative à une réforme

de l’ensemble du système, qui doit notam-

ment passer par : recruter des personnels

plus qualifiés, leur fournir une formation

adaptée et une rémunération adéquate, l’in-

frastructure nécessaire, notamment informa-

tique, ainsi et surtout que l’indépendance et

la protection contre les interventions.

Le processus légilsatif et réglementaire, de

la conception à la promulgation, constitue un

défi en soi. Concevoir des lois est un chemi-

nement qui exige à la fois des capacités de

recherche au sein du gouvernement, un

débat transparent et ouvert quant aux impli-

cations possibles, une réelle volonté du gou-

vernement de modifier la proposition à l’étu-

de en regard des réactions des experts et du

public, et enfin un personnel suffisant et

qualifié capable de réviser, d’amender et de

publier des lois qui s’insèrent convenable-

ment dans le système légal existant. Les

pays arabes, qui ont traditionnellement un

corpus de droit administratif fondé sur le

modèle français – Conseil d’Etat –, comptent

sur cela pour obtenir l'expertise législative

nécessaire. Récemment, toutefois, il est

apparu évident que des experts connaissant

bien les arcanes du processus d’élaboration

du droit éprouvent des difficultés quand il

s’agit de lois financières et économiques

complexes, particulièrement quand elles

sont influencées par le droit coutumier. Le

Yémen a institué un ministère de la législa-

tion indépendant du ministère de la justice,

alors que l'Egypte s'est de plus en plus

appuyée sur le département législatif du

ministère de la justice. Cependant, la plupart

des pays arabes souffrent de l'absence d'un

corps d’experts capable d'adapter les lois

commerciales et économiques modernes.

C'est une situation qui a, par ailleurs, laissé

ces pays à la merci d’experts et de

conseillers occasionnels, dont l’action est

souvent financée par des donateurs étran-

gers ayant un but spécifique à l'esprit, et qui

ne sont pas très motivés pour s’occuper de

réformer le reste du système légal, ni pour

trouver les moyens propres à insérer correc-

tement la partie du droit considérée dans le

reste du système.

2. La gouvernance et la réforme économique

dans les PM*

* basée sur une contribution spéciale de Noha El Mikkawy,

Université de Bonn, et Heba Abou-Shnief, ERF

Indépendamment de la façon dont les bench-

mark sont établis, les indices créés et les

pondérations choisies pour quantifier les per-

formances économiques des PM, il est main-

tenant bien établi que les PM souffrent de la

faiblesse de leurs taux de croissance écono-

mique, comparés à d’autres pays dans des

situations similaires ; de leur intégration sur

les marchés internationaux qui ne rend pas

justice à leur potentiel ; de leur concentration

dans des exportations de produits primaires ;

de leur part réduite dans les IDE et de leur

incapacité à générer l’emploi qui permettrait

de réduire le chômage, ce qui accroît la pau-

vreté et la vulnérabilité. Instaurer un envi-

ronnement propice au développement de l’in-

vestissement dans l’industrie et les services

est une solution souvent avancée pour sortir

de ces blocages économiques (Radwan et

Reiffers, 2004).

Ces solutions économiques nécessitent

d’améliorer la gouvernance afin d'attirer des

investissements innovants et soutenables, à

savoir : (i) mettre en place des cadres de

supervision favorisant le marché, (ii) créer

des structures efficaces d'application des lois,

et (iii) réduire les coûts de transaction. Le

-49-

cadre de la supervision devrait protéger la

propriété et stimuler la concurrence sur le

marché. Les structures d'application des lois

doivent être rendues plus efficaces en termes

de respect de la législation, ce qui renforce-

rait la sécurité juridique, donc la confiance et

l’investissement. L’objectif de l’administra-

tion doit être d’abaisser les coûts de transac-

tion, augmentant de ce fait l’attractivité de

l’environnement des affaires et favorisant

des investissements de bonne qualité, c’est-

à-dire les investissements efficaces et de

long terme. La section suivante examinera

les tendances récentes dans les PM et les

problèmes qu’ils rencontrent et montrera

comment certaines expériences ont été des

succès.

Réforme de la régulation

La réforme de la régulation « est un moyen de

corriger les dysfonctionnements du marché

par des règles, des droits, des ordres et des

sanctions » (Limam, 2003). La correction des

dysfonctionnements du marché renforce l’inci-

tation à investir. Pendant les premières phases

de la libéralisation des marchés, les gouverne-

ments des PM se sont engagés dans une réfor-

me de la législation favorisant la concurrence.

Cependant, une tradition peu favorable à l’es-

prit d’entreprise, le maintien de politiques de

protection des intérêts de certains groupes et

la dépendance vis-à-vis de revenus de rentes

ont contribué à conserver une large part de

discrétion dans l’intervention de l'Etat, qui ne

dispose d’aucune évaluation claire des perfor-

mances par secteur ou par firme. La pression

récente à libéraliser les services a aidé à

étendre la réforme de la régulation à de nou-

veaux secteurs, tels que la propriété intellec-

tuelle et la concurrence.

En comparant les résultats de pays arabes

pour lesquels l’ensemble des données sont

disponibles dans les bases d’Heritage

Foundation, de Kaufman et du rapport sur la

compétitivité du monde arabe (RCMA), il est

clair que quelques pays du Golfe font mieux

que les PM. Les données d’Heritage

Foundation sur les règlements qui affectent

la liberté de mener des opérations commer-

ciales, montrent que l'Egypte, le Liban et la

Syrie enregistrent les scores les plus élevés

(c’est-à-dire les plus mauvais résultats).

Quant aux performances commerciales du

Maghreb, elles apparaissent inférieures à

celles du Machrek et plus encore à celles

des pays du Golfe, notamment pour ce qui

concerne les difficultés d'accès aux marchés

dues à l’action du gouvernement et le degré

Figure 3 : Heritage Foundation – Economic Freedom Index 2004

0.00

1.00

2.00

3.00

4.00

5.00

6.00

Algérie Bahreïn Egypte Jordanie Liban Maroc Oman Qatar Arabie

Saoudite

Syrie Tunisie UAE

Score 2004 CommerceIntervention

du gouvernementInvestissement étranger Droits de Propriété Régulation

Sco

re

Note : les scores varient de 1 à 5 (1 reflétant la meilleure performance, 5 la plus mauvaise). Source : www.heritage.org

-50-

de liberté des flux d’échange avec l’étran-

ger. Pour ce qui est de la protection des

droits de propriété, les pays du Golfe

(Bahreïn et les E.A.U. en particulier) sur-

passent sensiblement les PM. Dans le

domaine de l’intervention étatique, les don-

nées, pour la plupart des pays de la région,

reflètent encore une tendance à un inter-

ventionnisme jugé excessif, excepté pour la

Tunisie et le Maroc qui se démarquent net-

tement des autres PM. Enfin, cette même

base montre que la plupart des PM attirent

plus d’IDE que les pays du Golfe, exceptée

la Syrie qui présente des restrictions éle-

vées à l'investissement étranger (figure 3).

Selon le rapport sur la compétitivité du

monde arabe, la Jordanie et la Tunisie enre-

gistrent les meilleurs résultats des PM dans le

domaine de la protection des droits de pro-

priété, ce qui reflète la perception positive du

milieu d'affaires de la définition des droits

concernant leur protection dans ces deux

pays (figure 4). Il en est de même pour ce

qui est plus spécifiquement des droits de pro-

priété intellectuelle où les deux pays font

mieux que la moyenne des PM.

a. Quelques composantes caractéristiques de

la réforme de la régulation dans les PM

On trouve différents éléments du processus

de réforme de la régulation dans les pays

méditerranéens arabes. Le Maroc, la

Jordanie, la Tunisie et l'Egypte sont particu-

lièrement concernés par la libéralisation

commerciale, la promotion de l’investisse-

ment et la modernisation de l'industrie et de

la gestion du secteur public. Ils ont fait appel

à l’aide du FMI et de l'UE dans le contexte

des accords d'association. Ceci s’est traduit

par la signature des accords de libre-échan-

ge avec l’UE et les Etats-Unis (Jordanie). La

grande zone arabe de libre échange (Maroc,

Tunisie, Egypte et Jordanie) est en construc-

tion. Les efforts portent essentiellement sur

le droit de la concurrence et la création de

zones franches.

a.1 Le droit de la concurrence

Au cours de la décennie passée, certains PM,

à savoir le Maroc, l'Egypte et la Jordanie, ont

révisé leurs lois d'investissement et de priva-

tisation dans le cadre d’une réforme plus

vaste de leur mode de régulation de l'envi-

ronnement des affaires, notamment en intro-

duisant de nouvelles lois sur la concurrence.

L'expérience des pays du Maghreb montre

que leur droit de la concurrence est très sem-

blable à celui de l’UE, ce qui est normal puis-

qu’il a été formulé en s’inspirant du cadre

juridique français. Néanmoins, pour ce qui

est de l'application de ces lois, les résultats

des PM sont décevants. Cette situation est en

partie due au manque de ressources

humaines (par exemple d’experts en la

matière, de juges qualifiés, d’associations

puissantes au sein de la société civile) ou

financières. De plus, les données disponibles

sont peu fiables du fait d’un système de col-

lecte auprès des entreprises peu performant.

Enfin, les autorités impliquées dans la régu-

lation de la concurrence n’ont pas un pouvoir

suffisant, le soutien de la réforme par le sec-

teur public est faible et d'autres blocages ins-

titutionnels sont à déplorer (par exemple la

déficience des systèmes juridiques ; Geradin,

2004). Récemment, cependant, quelques

Figure 4 : Droits de propriété

0,0

1,0

2,0

3,0

4,0

5,0

6,0

7,0

Algérie Egypte Maroc Tunisie Jordanie

Droits de propriété : actifs financiers et richesse (1= sont faiblement définis et peuprotégés par la loi, 7= sont clairement définis et bien protégés par la loi)

Score

Sources : Global competitiveness Report

-51-

progrès sont à noter du côté du Conseil tuni-

sien de la concurrence.

Pour les pays du Mashrek, la mise en place

des lois de la concurrence est une expérien-

ce nouvelle. En 2002, la Jordanie a adopté

une loi de ce type et a établi une autorité de

la concurrence. Dans le cas égyptien, la loi

est en préparation depuis une dizaine d’an-

nées. La dernière mouture est prête et

devrait être présentée au parlement bientôt.

En fait, l’Egypte s’est prioritairement focali-

sée sur le respect des règles des traités

régionaux, tels que le COMESA, négligeant

le cadre domestiques de la concurrence. Au

Liban, l’intérêt est récent pour l'adoption

d'une loi sur la concurrence et l'établisse-

ment d'une autorité de la concurrence, mais

rien n’a été entrepris concrètement pour

l’instant. Enfin, la Syrie et la Palestine, n’ont

rien fait jusqu’ici pour améliorer la régulation

de la concurrence.

a.2 Les zones franches

Dans le but d'attirer des investissements et

de développer les exportations, les PM ont

édicté les lois et les règlements permettant

de définir des zones franches (ZF) caractéri-

sées par une intervention étatique minimale

et divers types d’incitations, telles que les

zones industrielles, les zones spéciales et les

zones qualifiées. Le succès de telles zones

est encore limité dans les pays arabes en

général. À peu d'exceptions près (par

exemple, la zone franche de Jebel Ali), les

zones franches dans les pays arabes pour-

raient attirer encore de grandes quantités

d'investissement étranger et générer des

entrées de devises (notamment en Egypte,

Syrie et Jordanie). Cependant, les investis-

seurs restent confrontés à des obstacles qui

gênent leurs opérations. Un des problèmes

institutionnels limitant le succès des ZF est

dû à une coopération peu efficace entre l'au-

torité qui gère la zone et certains services

gouvernementaux (Tahir, 1999). D'autres

tentatives d'évaluation des résultats des ZF

montrent que le choix de la zone, des activi-

tés, des investisseurs et des privilèges est

trop souvent lié à des considérations poli-

tiques (Rao, 2000). Il est fréquemment

avancé que la domination que le gouverne-

ment exerce sur le développement et les

opérations menées au sein des zones a limi-

té leur nombre et leur vitalité. Les zones

n’ont pas été conçues pour répondre aux

besoins d’industries spécifiques (Rao, 2000).

Pour bénéficier du potentiel économique des

zones franches dans les PM, il faut tout

d’abord remédier à certains problèmes

concernant, en premier lieu, la forme de la

régulation. Les lois relatives aux ZF souffrent

de nombreuses contradictions et doublons,

qui expliquent les coûts élevés et la com-

plexité de la bureaucratie que supportent les

filiales opérant dans les zones. Ces lois

devraient être améliorées pour faciliter les

procédures. De plus, celles concernant l'en-

vironnement général des affaires ne

devraient pas pouvoir être modifiées facile-

ment, afin de réduire l’incertitude. En outre,

les services administratifs régissant les ZF

devraient jouir d’une plus grande autono-

mie. Enfin, il faudrait évaluer plus précisé-

ment les déterminants de la compétitivité

des sociétés sises dans les ZF. Certains

avancent parfois que les mesures incitatives

offertes par les ZF sont trop généreuses et

doivent être rationalisées, car elles débou-

chent souvent sur un manque de compétiti-

vité des firmes bénéficiaires. À cette fin,

c’est la structure même des politiques gou-

vernementales d’incitation au développe-

ment des activités économiques dans les

zones franches qui doit être révisée et, avant

tout, des partenariats public-privé dans l’ad-

ministration et la gestion des ZF devraient

être encouragés.

-52-

L'expérience jordanienne, avec ses zones

industrielles qualifiées (ZIQ), offre quelques

leçons intéressantes pour ce qui est des

coûts et des bénéfices des ZF. Il faut noter

que cette initiative a été tout d’abord contro-

versée, eu égard aux effets positifs qu’elles

pouvait avoir sur l’économie jordanienne. En

dépit d'une hausse des exportations de la

Jordanie, de 18% en moyenne au cours des

trois dernières années suivant l'établisse-

ment de la ZIQ, il apparait qu’une grande

partie la valeur-ajoutée des exportations ne

profite pas à l’économie jordanienne. C’est

aussi le cas des effets d’entraînement, qui

bénéficieraient plus aux entités étrangères,

soit sous la forme de compensation aux tra-

vailleurs étrangers, très nombreux au sein

des firmes opérant dans ces zones, soit via

les importations de biens intermédiaires.

Ainsi, si l’on se réfère au soutien de l’activité

économique qu’elles étaient censées appor-

ter, les ZIQ ne remplissent pas toujours le

rôle qui leur était assigné au moment de leur

création (Kardoosh, 2004).

Deux faiblesses sous-jacentes des ZIQ en

Jordanie semblent participer à ce constat :

(i) les liens assez lâches existants entre les

opérations d'assemblage et l'économie

domestique et (ii) le transfert technologique

limité et la concentration du savoir-faire

technologique au sein des sociétés étran-

gères (ibid, 2004).

La contribution des zones franches aux résul-

tats de l'économie dans son ensemble est

aussi sujette à discussion en Egypte. La loi

sur les zones spéciales, récemment introdui-

te (2002), prévoit un taux d'imposition

unique réduit (10%) sur toutes les activités

et revenus produits dans la zone. Elle vise

également la mise à jour du processus d’im-

position et d'administration douanière, dans

le but de faciliter la perception de l'impôt et

le dédouanement et d’augmenter ainsi la

compétitivité des firmes. En outre, à l'inté-

rieur de la zone, la loi élimine des contrats de

travail les contraintes strictes associées au

licenciement. Et enfin, elle traite les pro-

blèmes liés à la gestion et à l'infrastructure

de la zone, en incluant des règles qui rédui-

sent les lourdeurs issues du fonctionnement

des administrations (locales ou de la zone)

traditionnellement responsables (ERF, 2004).

Bien que la loi propose un ensemble de

réformes prévues depuis longtemps, on

espérait que ces réformes ne seraient pas

limitées à un petit sous-ensemble de l'écono-

mie, à savoir les zones franches, mais

concernerait également la totalité de la

structure de la régulation des affaires s’appli-

quant à toutes les sociétés (ERF, 2004).

b. Structures d'application

Les données de Kaufman, Kraay et Mastruzzi

sur la confiance dans les règles de droit et

sur la perception par le monde des affaires

de la qualité de la régulation montrent que le

Liban et l'Egypte sont en retard (figure 5).

Par ailleurs, selon le classement du RCMA des

institutions législatives, judiciaires, bureau-

cratiques et politiques, les résultats des pays

du Golfe sont, encore une fois, supérieurs à

la moyenne régionale.

Le problème principal est que la plupart des

institutions juridiques et politiques des PM

sont mal préparées pour vérifier et appliquer

la loi et pour déterminer les cas de violation

de la loi. Les juges, les avocats, l’ensemble

du personnel mobilisé, dont celui de la poli-

ce, ont besoin de formation sur l’esprit et les

objectifs des lois visant l’économie, mais

aussi sur les moyens d'étudier un nouveau

type de délit, de nature économique. Ils doi-

vent développer des capacités d’appréciation

du degré de concurrence des marchés. Sans

formation dans ces domaines, les agences

d'application créent des obstacles d’où une

-53-

hausse des coûts de transaction, une baisse

de la confiance dans le respect de la proprié-

té et dans le caractère contraignant des

contrats. L'aide bilatérale, accordée par

USAID par exemple, et celle associée à des

programmes multilatéraux, telle que celle de

la Banque Mondiale, s’assortissent de pro-

grammes de formation visant à aplanir ces

difficultés. Mais beaucoup reste à faire.

L'expérience égyptienne illustre bien le pro-

pos. Bien que le système judiciaire égyptien

ait une réputation d'intégrité, d'indépendan-

ce et d'équité, son action globale a été de

plus en plus critiquée par des observateurs,

des professionnels, des investisseurs et

d’autres parties concernées, à la fois sur le

plan du temps que prend la résolution des

conflits par les canaux juridiques ordinaires,

et sur l'incertitude de l’issue des litiges

(Banque Mondiale, 2003). L’observation sur

le terrain du fonctionnement semble justifier

cette critique : l’examen et le règlement de

litiges ordinaires, civils ou commerciaux,

peuvent prendre plusieurs années. La majeu-

re partie du retard est due à des stratégies

procédurales, que peut adopter n'importe

quelle partie qui souhaite maintenir le statu

quo. Si la justice peut être entravée à ce

point, alors elle peut, dans une certaine

mesure, être rejetée et cela indépendam-

ment de ses résultats. Ces délais sont la

source d'autres maux du système juridiciai-

re, notamment le recours à des moyens

extrajudiciaires et illégaux pour faire respec-

ter le droit. C'est probablement cet aspect du

processus judiciaire qui explique le mauvais

classement de l’Egypte du point de vue des

règles de droit, et la réforme du processus

judiciaire est devenu un de ses problèmes les

plus pressants aujourd’hui.

Les difficultés mentionnées ci-dessus sont

particulièrement aigues et fréquentes dans

les conflits touchant à des activités écono-

miques et commerciales. Dans notre

exemple, le système juridique a évolué de

telle sorte qu’il ne répond plus aux besoins de

base des investisseurs - étrangers comme

égyptiens – en termes de réparation simple.

Les retards dans la résolution des litiges com-

merciaux et financiers ont un impact direct et

négatif sur les coûts de transaction et d'op-

portunité. De plus, avec la sophistication

croissante des marchés financiers, des opéra-

tions bancaires et autres transactions finan-

cières, il n'est plus possible de se reposer sur

la formation traditionnelle, non spécialisée,

Figure 5 : Indicateurs de gouvernance de Kaufmann, Kraay et Mastruzzi

-1.5

-1

-0.5

0

0.5

1

1.5

Bahreïn

Egypte Jordanie

Koweït

Liban

Oman Qatar ArabieSaoudite

Tunisie

EmiratsArabesUnis

Démocratie et transparence Stabilité politique/absence de violence Efficacité gouvernmentale

Qualité de la régulation Force de la loi Contrôle de la corruption

Source : D. Kaufmann, A. Kraay, and M. Mastruzzi 2003 : Governance Matters III: Governance Indicatorsfor 1996-2002.

-54-

des personnels du système judiciaire et s’oc-

cupant des poursuites.

• Tentatives en cours de réforme des struc-

tures d’application

Il existe, à l’heure actuelle, quelques tenta-

tives de réforme du judiciaire et autres,

visant à modifier la structure juridique dans

son ensemble. Elle exigera probablement

deux approches.

√ Du côté de l'offre : les cours spéciales

Au cours des dernières années, les pro-

blèmes abordés précédemment se sont tra-

duits par une demande de plus en plus pres-

sante des instances judiciaires en faveur de

la création de cours commerciales ou écono-

miques spécialisées. Un raisonnement prag-

matique très séduisant sous-tend cette

approche : les conflits commerciaux pour-

raient être examinés et jugés par ces cours

spécialisées, présidées par des juges des

affaires commerciales dévoués et correcte-

ment indemnisés, ce qui entrainerait des

procédures plus rapides, des coûts inférieurs,

et des résultats plus prévisibles.

Cette approche présente cependant quelques

inconvénients. D'une part, il y a la difficulté à

déterminer quels types de litiges méritent un

tel traitement. Si le critère de coût financier

est retenu, les activités bancaires et relatives

au fonctionnement du marché des capitaux

doivent être prioritaires. Si l’objectif est d’at-

tirer des investissements, le droit des socié-

tés, les lois relatives à l’investissement, le

code du travail et de l’assurance deviennent

essentiels. Une fois que le principe de diffé-

rentiation des litiges selon leur degré d’ur-

gence est accepté, chacun cherchera à obte-

nir un traitement spécial de ses activités. De

plus, même s’il était possible de définir pré-

cisément et de délimiter un pan du droit sus-

ceptible de bénéficier d’un traitement parti-

culier, il ne sera pas possible de l'isoler entiè-

rement du reste du système juridique, et cer-

tains litiges retomberont finalement dans la

voie traditionnelle. Autre risque potentiel

inhérent à cette approche pragmatique : si

une importance particulière est placée sur

une partie du système judiciaire, le reste

peut souffrir d’un déclin relatif même si tel

n’est pas l’objectif recherché.

Tout réel changement du degré d’efficacité et

de prévisibilité des décisions judiciaires passe

donc par des réformes juridiques d’en-

semble. Et au sein même de cette réforme

générale, il faudrait prévoir, d’une part, une

meilleure indemnisation, des programmes

spéciaux de formation et une refonte des

grilles d’avancement pour les magistrats et,

d’autre part, une révision des procédures de

règlement des litiges trop lourdes et une

réforme de la profession juridique.

√ Du côté de la demande : le rôle de la socié-

té civile

D’autres mesures permettraient d’augmenter

l'efficacité des mécanismes d'application de la

réforme juridique : améliorer la disponibilité

des données, encourager la naissance d’orga-

nisations au sein de la société civile, particu-

lièrement des groupes de protection et de

conseil aux consommateurs. Il serait égale-

ment souhaitable de rassembler des données

sur le marché considéré, de développer les

qualifications nécessaires à l'analyse des ten-

dances et à la construction de scénarii. Il faut

enfin renforcer les connaissances requises

pour l’étude des délits économiques et déve-

lopper un système de défense des intérêts

des groupes dont la situation est fragile.

Le projet de loi égyptien pour la protection

des consommateurs est un bon exemple. Il

pourrait accroître la capacité de la société à

-55-

demander une application efficace des

réformes. Dans les PM, la société civile pour-

rait avoir un rôle important à jouer, qui

consisterait à surveiller les performances du

gouvernement d’une part, et s’assurer que

ceux-ci assument leurs responsabilités,

d’autre part. Cependant, il faut lui en donner

les moyens, en aidant les organisations de la

société civile (OSC) à se doter d’indicateurs

de gouvernance par exemple. Une pratique

courante veut que les organismes internatio-

naux calculent ce type d’indices à partir d’en-

quêtes d'opinion auprès d’entreprises locales.

Ces efforts visant le développement des capa-

cités d’analyse technique des OSC pourraient

non seulement les aider à mieux connaître les

rouages de la gouvernance, mais également à

gommer les positions hégémoniques tenues

par certains établissements.

Il serait bénéfique, pour les OSC, de s’ap-

puyer plus largement sur les médias et sur

les expériences similaires menées dans

d'autres régions du monde. En Egypte par

exemple, il apparaît que l’appui des médias à

la société civile se concentre seulement sur

un certain nombre d’OSC réputées et tend à

ignorer des tentatives plus modestes de sur-

veillance des bureaucraties locales. L'aide

bilatérale et multilatérale comprend des pro-

grammes destinés à développer les médias,

mais il reste à les amener à tisser des liens

avec les OSC. Une ouverture plus importante

sur des expériences régionales ou nationales

du même type fait, par ailleurs, défaut aux

OSC. Des échanges peuvent être aisément

facilités en s’appuyant sur les réseaux régio-

naux. Les PM commencent à avoir une cer-

taine expérience en matière de technologie

et de réseaux de l'information grâce aux ten-

tatives bilatérales et multilatérales pour sti-

muler les réseaux régionaux électroniques

(par exemple, le TVET allemand, le réseau

pour la formation professionnelle dans les

pays du Machrek et l'université en réseau du

PNUD et de l'UNESCO). Quelques initiatives

de la société civile visant à comprendre et à

utiliser les NTIC pour établir des réseaux ont

vu le jour (par exemple, Islamonline.net du

Qatar qui gère son site Web mondial à partir

de son bureau du Caire et l'association égyp-

tienne anti-globalisation). D'autres projets

de ce genre, une fois identifiés et consolidés,

peuvent servir à transférer des connais-

sances pour stimuler l’action par la demande,

c’est-à-dire par la société civile, en faveur de

l’application des règles de marché.

c. La réduction des coûts de transaction

Les coûts de transaction semblent être une

composante clef de la compétitivité et de la

vitalité économique. Les sciences écono-

miques utilisent ces coûts comme indicateurs

de l'efficacité globale d’une économie. Plus

ces coûts de transaction sont bas, plus l'in-

vestissement est efficace et, par conséquent,

plus l'économie est attractive dans sa globa-

lité. Les coûts de transaction élevés enregis-

trés dans les PM sont attribués à une bureau-

cratie inefficace, aux faiblesses de la logis-

tique et de la communication et à des actions

étatiques qui visent plus l'intervention et le

contrôle que la facilitation et la création de

réseaux relationnels (Devlin et Yee, 2004).

Il y a divers indicateurs des coûts de tran-

saction disponibles dans la littérature, bien

qu’ils ne soient pas renseignés pour tous les

PM. Une base de données qui couvre la plu-

part des pays arabes est développée par le

rapport sur la compétitivité du monde arabe

(RCMA), bien qu’elle n’inclue pas tous les

types de coûts de transaction. Cette base

montre que les coûts de transaction dans les

PM, mesurés par l’arbitraire des procédures

et l’infrastructure publique, oscillent autour

de 3, ce qui n’est pas un bon résultat. Les

pays du Golfe sont d’ailleurs plus perfor-

mants que les PM. L'Egypte se classe bien

-56-

pour ce qui est des téléphones portables et

de surface, la Tunisie et la Jordanie pour les

routes et l’arbitraire des procédures, respec-

tivement (voir tableau ci-dessous).

• Composantes spécifiques de la réduction

des coûts de transaction dans les PM

Les PM ont impulsé des changements visant

à réduire les coûts de transaction et plusieurs

PM se sont concentrés sur deux secteurs de

réforme : les douanes et la décentralisation.

Les preuves de l’inefficacité de l'administra-

tion douanière dans plusieurs pays arabes

sont nombreuses. Ces inefficacités pèsent

sur l'expansion commerciale, car elles alour-

dissent les coûts de transaction liés au com-

merce et donc affectent négativement la

compétitivité des exportations. Par consé-

quent, plusieurs PM tentent d'améliorer les

régimes douaniers, de recourir aux systèmes

automatisés, d’accroître la coordination entre

les agences et d'assurer la diffusion d'infor-

mations sur les dispositions douanières, les

lois et les règlements (ERF, 2004).

Dans la plupart des PM, les coûts de transac-

tion sont partiellement attribués au poids de

la bureaucratie centralisée. La décentralisa-

tion apparaît donc comme un moyen efficace

de réduire les coûts de transaction, car, soit

elle déconcentre, soit elle transfère certains

pouvoirs aux communautés locales et peut

les aider à augmenter leur capacité à assurer

des fonctions bureaucratiques.

√ Les réformes des douanes

Une enquête faite en 2000 en Jordanie, au

Liban et en Arabie Saoudite a conclu que le

manque de transparence dans l'administra-

tion douanière pose problème. Une autre

concernant huit pays arabes en 2004 permet

d’estimer que le coût de respect des règle-

ments et des exigences administratives oscil-

le entre 8 et 10% de la valeur des échanges.

Les paiements supplémentaires aux fonction-

naires du gouvernement, et particulièrement

aux douaniers, représentent 1% du coût des

marchandises livrées. Cependant, point posi-

tif, selon cette enquête, 41% des sondés

pensent que les difficultés dues aux douanes

et autres services en charge du commerce

ont diminué dans les pays arabes, particuliè-

rement en Egypte et en Jordanie.

Ayant pris conscience de l'importance de

régimes douaniers efficaces et transparents,

quelques pays de la région ont entrepris des

réformes. Leur but est de réorienter la mis-

sion des services douaniers de la collecte de

revenus vers la facilitation des échanges.

Coûts de transaction dans les pays arabes

Question Moyennerégionale

Meilleurscore &pays

Score del'Egypte

1,86Jordanie6,38E.A.U.3,52Tunisie6,64E.A.U.6,76E.A.U.6,85Qatar6,92E.A.U.

Temps d'un manager senior passé en questions administratives 1=moinsde 10% 2=10-20% 3=21-30% 8=71-80% 2,62 3,07

Qualité générale des infrastructures 1=faible 7=parmi la meilleure aumonde 4,87 3,75

Développement du réseau ferré 1=faiblement développé 7=aussi étendu etefficace que le meilleur réseau mondial 1,98 3,39

Qualité du réseau portuaire 1=faible 7=aussi bonne que les meilleurs portsmondiaux

4,74 3,57

Qualité du réseau de téléphonie mobile 1=réseau non disponible7=accessible et aussi efficace que les meilleurs réseaux 6,23 6,21

Qualité des infrastructures aéroportuaires 1=inefficace 7=aussi étendu etefficace que le meilleur réseau mondial 5,31 3,96

Qualité du réseau téléphone 1=médiocre/difficile à obtenir 7=efficace etdisponible 6 5,43

Source : Arab World Competitiveness Report

-57-

Sont également à l’étude une simplification

des procédures grâce à une coordination

entre les autorités et les agences et un systè-

me de déclaration en ligne et de guichet d’ins-

pection unique. Selon Devlin et Yee (2004),

ces réformes sont particulièrement urgentes

en Egypte. Bien que l'Egypte ait amélioré la

coordination entre son service des douanes et

d'autres organismes gouvernementaux, en

vue d’instaurer un guichet d’inspection unique

qui harmonise les formulaires administratifs

nécessaires, celui-ci n’a toujours pas été créé.

Néanmoins, en septembre 2004, le gouverne-

ment égyptien a annoncé un vaste program-

me de réforme des douanes afin de soutenir

la réforme économique.

Un aspect important de ces réformes est

l'amélioration de la bureaucratie impliquée

dans le dédouanement et l'inspection. Les opé-

rations douanières sont de plus en plus méca-

nisées et le passage en douane peut se faire en

48 heures. Les droits de douane et surtaxes

ont été éliminés, les tarifs ont été unifiés et

baissés pour un certain nombre de biens pri-

maires et intermédiaires et de produits finis.

Les douanes libanaises ont lancé un impor-

tant programme de modernisation et d’amé-

lioration de leur régime. Depuis 1997, le nou-

veau système en place a réduit le nombre

d'étapes du dédouanement de quatre à trois

(Al-Khouri, 2000), grâce à l’introduction d’un

document administratif unique. Selon cer-

taines sources, environ 41% des marchan-

dises passent maintenant la douane sans

être inspectées. Cependant, des plaintes au

sujet de la corruption et des délais adminis-

tratifs persistent. Ce qui aggrave la situation

est qu'il n'existe aucun canal efficace de

relais des plaintes au sujet des délais occa-

sionnés par les fonctionnaires. La corruption

semble, en grande partie, due à des niveaux

de salaire bas et à un système d’incitation

insatisfaisant. En outre, le salaire est rare-

ment basé sur les performances et la pro-

ductivité (ibid, 2000).

La littérature montre que les réformes des

douanes du Maroc et de la Jordanie se distin-

guent des expériences des autres PM par leur

succès.

Devlin et Yee (2004) décrivent l'expérience

jordanienne de réforme des douanes comme

plus progressive que dans la plupart des pays

du Moyen-Orient. Résultats de ces réformes,

les opérations du service des douanes reflè-

tent maintenant une politique de soutien de

l’économie nationale, de promotion de l’inves-

tissement, de facilitation du commerce, et de

protection de la société et de l’environne-

ment. Le succès de la Jordanie réside dans le

développement des ressources humaines et

d’acquisition de capacités au sein de l'admi-

nistration douanière et cela à tous les

niveaux. Des formations, des conférences et

des ateliers de travail ont été proposés aux

douaniers, avec un impact significatif sur

leurs connaissances et compétences. De plus,

des règles ont été adoptées pour favoriser et

préserver le professionnalisme au travail.

D'autres efforts incluent l'automatisation et la

décentralisation du dédouanement ; l’établis-

sement d'une commission de partenariat avec

le secteur privé, qui se réunit mensuelle-

ment ; des remboursements de taxes accélé-

rés et la signature d’accords de coopération

concernant le transit par les pays arabes voi-

sins (Al-Khouri, 2000).

Autre exemple de succès d’une réforme des

douanes, celui du Maroc qui, grâce à l'assis-

tance technique et à l’appui de l'Organisation

Mondiale des Douanes et d’autres organisa-

tions associées, a réussi à rationaliser les

procédures, à mettre en place une déclara-

tion simple des marchandises, à instaurer le

dédouanement dans les locaux des importa-

teurs, à permettre l’inspection sélective et à

-58-

introduire un certain degré d’automatisation

(Banque mondiale, 2003). Le Maroc a égale-

ment adopté les accords de l’OMC sur la

valeur en douane, qui stipulent que la

méthode d'évaluation des marchandises doit

reposer sur leur valeur transactionnelle. Le

dédouanement est maintenant réduit à

3 jours contre 8 jours en Chine et 11 jours en

Inde. Ces mesures se sont traduites par une

réduction substantielle du temps alloué aux

procédures douanières et se sont répercu-

tées de manière très positive sur les coûts

commerciaux de transaction (ERF, 2004).

√ La décentralisation

Le monde arabe en général, et les PM en par-

ticulier, sont de plus en plus sensibles à l’im-

portance du rôle que peuvent jouer les auto-

rités locales. Des efforts ont été faits pour

accroître leur capacité institutionnelle et ren-

forcer le poids des instances locales dans les

municipalités. En conséquence, des élections

locales ont été introduites dans quelques pays

(Bahreïn, la Jordanie, le Liban, la Syrie et le

Yémen) et vont l’être dans d’autres. Certains

ont modifié leur législation, comme au Liban

où la modification constitue une avancée dans

la réforme des élections municipales. En

Egypte, la planification et l'exécution de pro-

jets d'infrastructures au niveau local ont été

rendues possibles par la loi 145. La Jordanie

a également modifié ses lois en 2002, pré-

voyant que les membres des conseils munici-

paux soient pour moitié élus, pour moitié

nommés par le gouvernement (LCPS, 2003).

Il se dégage aujourd’hui un consensus fort,

selon lequel la tendance à la décentralisation

est le corollaire des réaménagements de la

fiscalité associés aux politiques d’ajustement

structurel, récemment adoptées par diffé-

rents pays de la région. L’objectif de ces

réaménagements est de redistribuer la char-

ge fiscale de certains services sociaux du

gouvernement central aux autorités locales.

Il est également intéressant de noter que,

dans certains pays, les autorités locales et

les organisations de la société civile ont

effectivement un rôle proactif dans les

conflits impliquant les pays, comme dans la

Bande de Gaza, au Liban et, plus récemment,

en Irak. Cependant, il faut interpréter cela

avec précaution. Certains, en effet, attri-

buent cet engagement à la faiblesse de l’Etat

central plutôt qu’à une politique efficace de

décentralisation (Fawaz, 2002).

L'expérience prouve néanmoins que les gou-

vernements centraux arabes restent prudents

vis-à-vis de la décentralisation. Bien que la

position politique soit principalement au ren-

forcement et au développement du poids des

autorités locales, les anciennes structures,

marquées par le clientélisme, prévalent tou-

jours. L'allocation de ressources, la délégation

de pouvoirs et la tenue d’élections ne reflè-

tent probablement pas le réel stade de la

décentralisation et relèvent encore de consi-

dérations politiques et d’accords de réseaux

informels. L'accès aux ressources politiques

et économiques au sein des municipalités

souffre certainement d’une forte discrimina-

tion. D'ailleurs, les faiblesses institutionnelles,

trait saillant des gouvernements centraux de

la plupart des PM, transparaissent encore au

niveau local, non seulement dans les PM mais

dans toute la région arabe.

Il est établi que l’expérience de la décentrali-

sation ne rime pas ici avec la délégation d’un

pouvoir aux municipalités dans le processus

de prise de décision ou d’allocation des res-

sources. Elle s’est bornée à des aspects admi-

nistratifs et concerne peu le fiscal et le poli-

tique (Fawaz, 2002). Pour ce qui est de la

mobilisation et de l'attribution des ressources,

la part sous-nationale des dépenses dans les

dépenses publiques totales est inférieure à

10% dans les pays arabes contre 25% en

-59-

Amérique latine, 20% en Asie de l'Est, et 18%

en Afrique Sub-saharienne. Cette part est de

6%, 5% et 4% respectivement, en Jordanie,

en Tunisie et au Liban. En Jordanie, les muni-

cipalités ne jouissent pas de la liberté de

gérer leurs ressources ou d’engager leurs

fonctionnaires territoriaux. De telles décisions

se prennent au niveau central et le Conseil

des Ministres a également le droit de dis-

soudre les municipalités. Au Liban, les autori-

tés locales n'ont pas la liberté de choisir le

niveau des taxes ou d’emprunter.

L'expérience égyptienne confirme le fait que

le pouvoir des conseils locaux élus est trop

limité relativement à celui des gouverneurs

(Parti Démocratique National, 2003).

La lenteur de la décentralisation dans les

pays arabes provient d’une tendance intrin-

sèque des gouvernements arabes à éviter de

déléguer leurs pouvoirs qui s’explique par

leur crainte des répercussions négatives que

cela pourrait avoir sur l'unité nationale. Par

exemple, le Lebanese Center for Policy

Studies souligne que la décentralisation des

pouvoirs au Liban est vue avec un certain

scepticisme, parce qu'elle pourrait mener à

une forme de fédéralisme régional qui ren-

forcerait le système politique confessionnel

existant (LCPS, 2003).

Une leçon à tirer de cela est que la législation

est une condition nécessaire mais non suffi-

sante à la décentralisation. Les législations

devraient inclure une délégation appropriée

des compétences. Des questions clefs telles

qu’établir le budget, choisir le personnel, pla-

nifier et suivre des projets de développement

sont encore les prérogatives du gouverne-

ment central. Du fait du manque de réel pou-

voir des municipalités, l'expérience de la

décentralisation s’est traduite par une décon-

centration plutôt que par une décentralisa-

tion effective (Institut de la Méditerranée,

2000 ; LCPS, 2003).

Conclusion

Les élites régnantes de la région ont perçu

l’imminence de la catastrophe. Bien qu'elles

aient résisté aux pressions des puissances

étrangères en faveur d’une accélération des

réformes, elles ne contestent pas la nécessi-

té d’améliorer la gouvernance. Diverses rai-

sons ont exacerbé la conscience du besoin de

réformes, mais celles qui prédominent sont :

les accords commerciaux régionaux, l’adhé-

sion à l'OMC, les rapports soulignant le retard

des économies de la zone (par exemple, le

Global Competitiveness Report du World

Economic Forum) et les rapports sur le déve-

loppement régional montrant les déficits de

la productivité, de l’attractivité de l’investis-

sement, des réseaux de l'information et de la

connaissance et de la place des femmes dans

la société (Arab World Competitiveness

report du World Economic Forum et le

Rapport arabe sur le développement humain

du PNUD). Ces rapports et d'autres ont

encouragé les milieux d'affaires dans la

région (les PM et les pays arabes dans leur

ensemble) à exiger des réformes institution-

nelles afin de créer un environnement d'af-

faires stimulant. Sous la pression et/ou l'ins-

piration nées des initiatives américaines et

européennes pour la coopération et la réfor-

me dans la région, la société civile a égale-

ment commencé à œuvrer dans ce sens.

Grâce à l'accessibilité de l’information sur les

tentatives économiques et institutionnelles

de réforme, un certain nombre de PM sont

entrés dans une course à la réforme des lois

de la concurrence, des accords d’échange,

des zones franches, des douanes, etc..

Cependant, il faut reconnaître que ces efforts

ne sont pas suffisants. Les politiques ne par-

viennent toujours pas à considérer la réforme

comme un phénomène qui implique tous les

stades du processus politique et tous les

niveaux de l'appareil bureaucratique et poli-

-60-

tique. Ainsi, beaucoup de tentatives de réfor-

me institutionnelle sous-estiment les com-

plexités du processus politique et l’annonce

d’objectifs de politiques est supposée suffire

à prouver la bonne volonté des gouverne-

ments. La décentralisation en est un

exemple. Comme mentionné ci-dessus, le

besoin de stabilité et la crainte d’un affaiblis-

sement de l’intégrité nationale l’emportent

sur les avantages potentiels d’une réforme

par la décentralisation. C’est pourquoi les

efforts de décentralisation se sont résumés à

une déconcentration sans transfert de pou-

voirs. La réforme des douanes en est un

autre exemple. Les essais de réforme institu-

tionnelle se sont dilués en raison d’une coor-

dination faible, d’une concurrence forte, ou

d’un manque de transparence entre et au

sein des bureaucraties.

La prise de décision politique dans les PM

pâtie de la nature de l'offre comme de la

demande. Du côté de l'offre, les chefs poli-

tiques deviennent des technocrates soumis à

la volonté des chefs d'Etat, rarement

capables d’une vision ou d’une initiative poli-

tique. En outre, une information insuffisante

et des réseaux d'acquisition de connaissance

naissants quant aux stratégies de réforme

contribuent à l'affaiblissement du processus

politique. C'est particulièrement apparent

dans le domaine de l'application des lois. La

faible capacité à imposer les règles du mar-

ché est le résultat de cette situation. La mise

en place des cours spéciales peut apporter

une solution rapide, mais incomplète, au pro-

blème, à moins que le système juridique

entier soit réformé.

Du côté de la demande, une société civile

peu présente contribue au maintien d’une

culture politique du désespoir et du consen-

tement face au clientélisme et à la recherche

de positions de rente. Si le rôle de la société

civile et sa relation aux médias et aux mou-

vements de fond de la société ne sont pas

renforcés, il n’y aura pas de développement

des capacités d’évaluation et de surveillance

du processus d’application des règles du

marché. Les tentatives de réforme peuvent

alors manquer de profondeur et s’inverser

selon les caprices des dirigeants.

III- Une question vitale pour le partena-

riat : avancer sur la question agricole

Fin novembre 2003, le Femise a publié une

contribution intitulée « La question de la libé-

ralisation agricole dans le partenariat euro-

méditerranéen ». Basée notamment sur deux

études alors en cours, dont on trouvera les

résumés ci-après, elle s’est attachée à mon-

trer les points suivants :

√ la question est bien plus complexe qu’il

n’y paraît. Il s’agit indéniablement d’une

question vitale sur le plan économique

et sur le plan social pour les PM. Ainsi, il

est nécessaire de rappeler que :

(i) l’agriculture représente, pour la plu-

part des PM, entre 10 et 20% du PIB

(contre environ 3% en Europe) ; (ii) elle

compte, en moyenne, pour près de 20%

des emplois, contre 4,3% en Europe et

agit sur le bien-être de 40% de la popu-

lation ; (iii) la croissance de la produc-

tion agricole, très volatile, représente

encore aujourd’hui plus du tiers de la

croissance du PIB ; (iv) la pauvreté est

nettement plus élevée dans le milieu

rural que dans le milieu urbain, phéno-

mène qui tend à s’aggraver ; (v) l’exo-

de rural alimente le développement de

la pauvreté dans les villes du sud – puis,

par les migrations, dans celles de l’UE ;

(iv) le coût de la main d’œuvre est

directement lié au prix des denrées ali-

mentaires : le contrôle des coûts sala-

riaux repose sur la régulation des mar-

chés agricoles.

-61-

Dans les pays européens, l’agriculture

a désormais d’autres fonctions (entre-

tien de l’environnement, développe-

ment rural, hygiène alimentaire, déve-

loppement durable, …) qui lui donnent

un contenu identitaire et un rôle socié-

tal. La construction européenne, depuis

une cinquantaine d’années, montre que

derrière les échanges agricoles, c’est

un mode de vie et de relation à l’espa-

ce et à la nature qui se présente au

monde au travers des échanges de

marchandises. Aussi, si le poids écono-

mique global est maintenant faible à

l’échelle de chaque pays, les risques

sont localisés régionalement.

√ Si l’on s’en tient à la seule rationalité éco-

nomique, la solution optimale ne fait

aucun doute : les échanges agricoles doi-

vent être libéralisés dans la zone et se

traduire par des flux réciproques (fruits

et légumes en provenance des PM,

contre céréales, viande et lait en prove-

nance de l’UE ou d’autres origines). Les

distorsions à l’encontre de cette libérali-

sation concernent, en premier lieu, les

pays de l’UE et les Etats-Unis, qui ont

des prix de marché peu en rapport avec

leurs coûts de production réels, mais

elles concernent aussi les PM, qui doi-

vent cesser de subventionner les pro-

duits de base et faire payer l’eau aux

producteurs à son coût marginal.

√ Le système d’interdépendance agricole

UE-PM se caractérise par : (i) une asy-

métrie qui se manifeste par une forte

dépendance des PM vis-à-vis des

échanges agricoles. Les exportations

agricoles de l’UE vers les PM représen-

tent 2,3% du total de l’UE ; les exporta-

tions agricoles des PM vers l’UE repré-

sentent 45,7% du total des PM, mais

2% des importations de l’UE ; (ii) une

structure des échanges concentrée par

marché et spécialisée, mais qui subit

des modifications depuis les années 90 ;

le système perd de son dynamisme et

peut se résumer à l’échange de céréales

et de lait contre des fruits et des pro-

duits de la pêche ; (iii) les exportations

des PM sont fortement concentrées, les

exposant aux aléas conjoncturels ;

(iv) au sein de l’Union, sur le plan natio-

nal, le risque de concurrence générale

sur les produits agricoles de la part des

PM est faible ; (v) la concurrence est

également faible entre les PM ce qui

devrait faciliter la libéralisation au

niveau régional et l’intégration sud-sud.

√ Ainsi, le Femise a identifié cinq ques-

tions clefs pour envisager une évolution

du système d’interdépendance agricole

dans la région : (i) identifier et interve-

nir sur les catégories qui vont supporter

l’ajustement ; (ii) mettre en place un

système réglementaire transparent et

facilement accessible aux PM ;

(iii) rationaliser l’utilisation de l’eau

dans l’ensemble de la zone ; (iv) contrô-

ler le développement de la pauvreté et

l’exode rural ; (v) sortir par le haut par

la technologie.

Compte-tenu de ces éléments, les deux

recherches que l’on présente ci-après propo-

sent les grands traits des avancées possibles.

D’une part, la concurrence entre l’UE et les

PM sur les fruits et légumes n’est pas iden-

tique tout au long de l’année et cette asymé-

trie temporelle permet, d’ores et déjà, de

modifier la situation actuelle pour certains

produits (cf. la recherche dirigée par la Royal

Scientific Society de Jordanie).

D’autre part, pour maximiser les effets

d’éventuelles avancées sur le plan agricole,

-62-

Pour répondre à ces questions, deux outilsquantitatifs ont été employés : (i) uneMatrice d’Analyse de Politiques (MAP) quisert de cadre pour étudier les effets desmodifications des politiques économiques etagricoles et d’instrument analytique empi-rique de mesure des impacts des politiques,et (ii) une étude de marché basée sur leconcept de Demande Profitable nonSatisfaite, qui est lui-même fondé sur celuide demande profitable. Celle-ci comprendl’analyse de l’offre et de la demande saison-nières et de la concurrence saisonnière sur lemarché. Cette approche permet de mettre àjour un travail qui a été fait il y a une dizai-ne d’années sur la Jordanie et d’estimer lademande profitable pour la Syrie, le Liban,l’Egypte et la Palestine. Cette étude identifiela fenêtre de marché, les niveaux de deman-de profitable pour les cinq pays, ainsi que leprofit privé potentiel, les besoins d’investis-sements et en eau, l’emploi et l’aide au mar-keting pour un groupe de produits horticoles.

1- L’étude conclut qu’une large gamme deproduits horticoles est disponible dans lescinq pays. Cependant, en raison d’impor-tantes différences de conditions climatiquesentre les pays et dans les pays, le calendrierde leurs productions varie sensiblement.Onze produits ont été considérés dans cetterecherche, sélectionnés en fonction de leurpotentiel en tant que produit d’exportationqui n’entre pas en concurrence avec la pro-duction européenne pendant certainespériodes de l’année. Plusieurs rapportsrécents d’experts, portant sur les cinq pays,montrent que des productions à valeur éle-vée, telles que le raisin de table sans pépin,les fleurs coupées, les tomates cerise, lesfraises, les haricots verts, les melons, lesherbes, les dattes, les poivrons de table etdoux, sont les principaux produits horticolesqui peuvent être cultivés et exportés des cinqpays, particulièrement pendant la saison d'hi-ver où les pays de l’UE n’en produisent pas.

2- En appliquant l'approche de la Matriced'Analyse de Politiques (MAP), l'étude a prou-vé que, pour presque toutes les récolteschoisies, les cinq pays ont un avantage com-paratif dans la production et l’exportation.

3- A partir de l’analyse de marché, l'étude aalors évalué la taille des fenêtres de marchésur les quatre principaux marchés de l’UE, àsavoir : le Royaume-Uni, l'Allemagne, laFrance et les Pays Bas. Estimer la profondeurdu marché au seuil de rentabilité dans unpays d'exportation spécifique exige unelogique particulière et un effort analytique.Pour évaluer la profondeur ou la taille de la

les actions sont à entreprendre de part et

d’autre de la Méditerranée (libéralisation

réciproque), de façon différente en intensité

(libéralisation asymétrique), mais en veillant

à l’aspect structurel. Ce sont là les piliers

d’un Pacte Agricole Euroméditerranéen (cf. la

recherche dirigée par l’Université Autonome

de Madrid).

L’impact du partenariat euro-méditerra-néen sur les secteurs de l’agriculture enJordanie, Palestine, Syrie, Liban etEgypte.

Dirigée par The Royal Scientific Society,Jordanie

L’objectif de cette étude est de dresser unbilan et d’évaluer les conséquences desaccords euro-méditerranéens sur le dévelop-pement économique des secteurs agricolesde cinq pays de la région du sud méditerra-néen. Il s’agit, par ailleurs, de (i) déterminerl’impact du partenariat en termes de créationd’emplois et de valeur ajoutée pour les éco-nomies des cinq pays sélectionnés et de(ii) mieux connaître les entraves et gouletsd’étranglement des accords et leurs implica-tions sur le renforcement du système d’inter-dépendance euro-méditerranéen.

Cette étude se traduit donc en cinq questions : (i) quels sont les principaux produits horti-coles qui pourraient être cultivés et exportésdes pays étudiés vers l’UE sans être concur-rents des productions saisonnières de l’UE ?(ii) Est-ce que ces produits utilisent de maniè-re efficace les ressources limitées disponibles,en particulier l’eau. En d’autres termes, béné-ficient-ils d’un avantage comparatif ?(iii) Quels sont les volumes de production quipourraient être exportés, étant donnés lesrécents progrès faits vers une libéralisationdes marchés ? Enoncé différemment, il s’agitde savoir quelles sont la spécificité (quanti-té), la taille (profondeur) et la largeur(durée) de la fenêtre de marché pour chaqueproduit et comment l’exploiter pour répondreà la demande croissante de biens de qualitésupérieure sur les marchés de l’UE ?(iv) Quelles sont les principales consé-quences économiques et sociales de l’expor-tation des volumes prévus des produitssélectionnés en termes de revenu national(PIB), d’investissement, d’emploi et debesoins en eau ?(v) Quels sont les effets du partenariat euro-méditerranéen sur les exportations horticolesvers les pays de l’UE du point de vue despolitiques économiques et commerciales ?

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fenêtre de marché, des données mensuellesde prix de gros pour le marché considérésont nécessaires, en plus des seuils de ren-tabilité pour les pays exportateurs et lesvolumes commercialisés sur le marché dechaque produit retenu.

La demande profitable a été estimée pourcinq biens sur les quatre principaux marchésde l’UE : haricots verts, raisins de table,melons, fraises, dattes.

La demande profitable estimée pour le mar-ché des Pays-Bas pour les haricots verts estde 24 041 tonnes réparties sur cinq mois, dedécembre jusqu'à avril. La demande profi-table totale pour les haricots verts sur lestrois autres marchés a été estimée à 12 736,12 782 et 28 586 tonnes sur les marchés duRoyaume-Uni, de l'Allemagne et de laFrance, respectivement.

La demande profitable estimée annuelle deraisin de table sur le marché britanniqueest de 19 974 tonnes, distribuées sur sixmois à partir de janvier jusqu'à juin, tandisque la demande estimée profitable annuel-le sur les trois autres marchés principauxest estimée à 281 586, 234 760 et 14 361tonnes pour l'Allemagne, la France et lesPays-Bas, respectivement.

Les melons sont demandés toute l'année surles marchés de l’UE, mais un approvisionne-ment conséquent est disponible pendant lesmois d'été, de juin à septembre, principale-ment en provenance d'Espagne. La demandeprofitable annuelle non satisfaite de melonssur le marché français est estimée à74 479 tonnes sur quatre mois : décembre,janvier, février et mars. La demande serait laplus forte pendant les mois de janvier et defévrier. Bien que l'Espagne soit un produc-teur important de melons pour le marché del’UE, la production de ce pays ne concurren-ce pas les melons venant du sud pendant lesmois d'hiver. La demande annuelle estiméenon satisfaite sur les trois autres marchésserait de 34 359, 29 753 et 13 121 tonnespour le Royaume-Uni, l'Allemagne et lesPays-Bas, respectivement.

Les exportations de fraises des pays méridio-naux vers les marchés de l’UE ont enregistréune augmentation sensible pendant la der-nière décennie. C’est le cas des exportationsde fraises d'Egypte et de Jordanie vers cer-tains des marchés de l’UE. La demande nonsatisfaite annuelle profitable estimée pour lemarché britannique serait de 18 859 tonnesréparties sur quatre mois, d'octobre à jan-vier. Pendant cette période de quatre mois, il

n'y a aucune production de fraise au sein del’UE, ce qui implique que les exportationsvers ce marché pendant ce laps de temps neconcurrencent aucun des producteurs del’UE. L'analyse a prouvé que la demande pro-fitable non satisfaite annuelle est de 62 531,29 917 et 7 594 tonnes pour l'Allemagne, laFrance et les Pays-Bas, respectivement.

Les pays arabes sont les plus importants pro-ducteurs de dattes au monde particulière-ment l’Egypte, l’Irak, l’Arabie Saoudite, lesEmirats-Arabes-Unis, l’Algérie et la Tunisie.Le marché de l’UE est une destination clefdes dattes du sud. Puisqu’elles ne sont pro-duites dans aucun des pays de l’UE, lesexportations de dattes du sud ne concurren-cent aucun des pays de l’UE. La demandeprofitable estimée est de 17 057, 8 268,6 310 et 2 795 tonnes pour les marchés duRoyaume-Uni, de l'Allemagne, de la Franceet des Pays Bas, respectivement.

4- L'analyse a prouvé que satisfaire lademande profitable pour les cinq produits,sur seulement les quatre principaux marchésde l’UE retenus, pourrait créer 119 000 nou-velles opportunités d'emploi permanent, unprofit économique total pour les producteurset les exportateurs de 498 millions de dollarsUS et une valeur ajoutée pour les économiesnationales des cinq pays de 756 millions dedollars US.

Cependant, la réalisation de ces résultatspotentiels exige beaucoup de progrès entermes d'amélioration de qualité du produitexporté, de qualité de l’emballage et de tech-niques d’empaquetage des récoltes, de res-pect des règlements et des conditions del’UE, d’approvisionnement en flux tendus enproduits des importateurs sur les marchés dedestination et de suivi de la dynamique deschangements des modèles de consommationsur les marchés de l’UE (nouveaux produits,nouvelles variétés, et changements continusdes règlements et des conditions).

Cette étude conclut, à partir de l'analyseconduite et des recommandations d'autresétudes effectuées sur la question, que lesprincipaux goulots d'étranglement auxquelsfont face les pays du sud dans leur tentativede bénéficier des opportunités offertes parles marchés de l’UE sont liées à :1) un manque d'investissements et de res-sources financières dans la région, pourconstruire les infrastructures nécessairespour satisfaire à la réglementation de l’UE etaux besoins du marché en termes d'équipe-ments de conservation par le froid et derefroidissement, de systèmes de classifica-

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tion et de tri, d’unités de stockage à usagesvariés et de systèmes d'irrigation avancés ; 2) un manque d'enthousiasme des investis-seurs privés à se positionner sur des projetsd’une certaine envergure, principalement dufait du risque important associé. Ceci a engen-dré une faiblesse de l’attractivité du secteurhorticole pour les investisseurs privés ; 3) un suivi insatisfaisant des nouvelles varié-tés à rendements élevés et des cultures nontraditionnelles lancées par des établisse-ments de recherche et universitaires, le privéet le gouvernement ; 4) un respect insuffisant des règlementsconcernant la classification, les normes et lesmatériaux d'emballage pour les marchéslocaux et d'exportation ; 5) l’absence de système d'information pourune commercialisation efficace, susceptiblede fournir des données à jour et des analysesdétaillées en termes de tendances, de pro-jections, et de marchés naissants ; 6) une faiblesse des structures d'organisationspécialisées des marchés, telles que les asso-ciations ou coopératives, ce qui se traduit parune capacité de pression visant à développerl'industrie d'exportation très limitée ; 7) la rigidité des accords euro-méditerra-néens et une compréhension imparfaite desrèglements et des exigences du marché del’UE de la part de beaucoup d'exportateurs etproducteurs du sud.

Cette étude a également prouvé que les pro-duits horticoles ont un potentiel certain dansles échanges agricoles avec la région de l’UE.C'est dû à l'avantage comparatif dont ilsbénéficient en raison de conditions clima-tiques favorables, de coûts de productionconcurrentiels, en particulier le coût du tra-vail, de la proximité avec les marchés de l’UEet d’habitudes de consommation au sein del’UE qui réclament certains biens qui sontproduits dans les pays partenaires méditer-ranéens. Cette étude a montré, par ailleurs,qu’en dépit de l'existence de ce potentield’exportation de produits horticoles vers lesmarchés de l’UE, cette industrie souffre tou-jours, dans beaucoup de PM, de sérieusesfaiblesses qui gênent sa capacité à tirer pro-fit de ces avantages.

Les chercheurs croient que la PAC devraitêtre modifiée pour produire une situationgagnant-gagnant pour tous les acteurs de lazone méditerranéenne. Les résultats de cetterecherche indiquent qu’une situationgagnant-gagnant peut être atteinte via lasynchronisation des politiques et des effortsentre le nord et le sud. Une libéralisationcommerciale réciproque entre l'UE et les PM,qui est recommandée par beaucoup

d'études, devrait y contribuer. La recherchesouligne que les PM ne peuvent pas concur-rencer l’UE dans la production de céréales, deproduits laitiers et de viande bovine. Elle amontré, cependant, que des opportunitésintéressantes existent pour les PM dans laproduction et l’exportation de produits horti-coles, sans concurrencer les pays de l’UE.

Les chercheurs recommandent un processusrégulier d'évaluation de la mise en place desaccords d'association en termes de succèset d’échecs par rapport aux buts fixés. Cetteévaluation devrait également inclure l'iden-tification des complémentarités et descontradictions entre les stratégies exis-tantes et les textes officiels du processuseuro-méditerranéen.

Un des principaux défis auxquels font face lesaccords d'association vis-à-vis des PM estcelui de la réduction des niveaux de pauvre-té dans les zones rurales. Pour ce faire, il fautcréer et augmenter les occasions, pour lespersonnes pauvres, d’obtenir un revenu suf-fisant pour satisfaire leurs besoins de base àlong terme. Ceci peut être fait grâce à unrenforcement du pouvoir des communautésrurales à travers : (i) un soutien aux marchésdu micro-crédit pour le financement et l'in-vestissement ; (ii) une aide à l'adoption et autransfert des nouvelles technologies qui per-mettent d’améliorer la productivité du travailet des terres ; et (iii) une assistance auxpetits fermiers en faveur de la création d’as-sociations professionnelles et de coopéra-tives, qui puissent être mobilisées pour obte-nir et allouer les ressources financièresnécessaires et les biens intermédiaires deproduction, et mener les négociations collec-tives avec les exportateurs via la formationde groupes de pression qui défendent etétendent leurs droits.

-65-

Les effets de la libéralisation agricolesur les économies des pays partenairesméditerranéens

Dirigée par Universidad Autonoma deMadrid, Espagne

L’objectif de cette étude est de cerner leseffets combinés d’une libéralisation agricolemultilatérale et euro-méditerranéenne surles produits sensibles offerts par lesPartenaires Méditerranéens (PM), et d’es-sayer de quantifier ses implications sur l’en-semble de leurs économies. L’étude se centresur les effets combinés d’une libéralisationdes barrières tarifaires des PM pour les pro-duits agricoles sensibles et d’une réductiondu soutien octroyé par l’UE aux productionsagricoles dites continentales. L’étude a éga-lement développé un outil de simulation quipermet d’estimer quantitativement les résul-tats par pays en matière de prix, d’importa-tions, de valeur ajoutée et d’emploi.

Les résultats de ces simulations, fondées surle modèle développé pour le Maroc, laTunisie, l’Egypte et la Turquie, suggèrent queles coûts, pour les PM, d’une ouverture com-plète, surtout en termes d’emploi, seraientinsoutenables du point de vue économique etsociopolitique. Mais ils démontrent aussi quemaintenir la protection tarifaire agricole dansles PM, en présence d’une réduction du sou-tien européen aux productions continentales,n’est pas non plus souhaitable, notammentparce que les prix domestiques augmente-raient de manière significative. Soit, cela serépercuterait directement sur les consomma-teurs, soit cela devrait être amorti grâce àdes subventions à la consommation trèslourdes pour des budgets en équilibre précai-re comme c’est le cas pour les PM. Uneréduction tarifaire variable, même « ad hoc »en fonction des pays et des produits concer-nés, pourrait donner lieu à une situation pluséquilibrée.

Ces résultats ont plusieurs implications depolitique économique, notamment en matiè-re d’objectifs de politique agricole et de poli-tique commerciale. Le contexte des discus-sions euro-méditerranéennes sur le sujet del’agriculture peut être présenté comme suit.Les PM demandent la libéralisation deséchanges des produits pour lesquels ils pos-sèdent des avantages comparatifs (fruits etlégumes, poisson, fleurs et huile d’olive,entre autres), mais ils refusent de libéraliserles marchés agricoles où ils ne sont pas com-pétitifs et qui, parfois, sont à l’origine de défi-cits alimentaires structurels importants, àsavoir produits laitiers, viande et céréales.

Les économies continentales européennesqui produisent des céréales, de la viande, desproduits laitiers et du sucre souhaiteraientfournir les marchés des PM, mais leur agri-culture est plus généreusement soutenueque celle des PM via la Politique AgricoleCommune (PAC). La concurrence est doncbiaisée. En même temps, le secteur agricoleeuropéen tente de limiter la présence des PMsur son propre marché, et presse les gouver-nements européens de résister à l’ouverturepour ne pas avoir à supporter les coûts de laPolitique Méditerranéenne Européenne.

La libéralisation agricole pourrait être justi-fiée si elle arrivait à déclencher le développe-ment économique et social de la rive sud dela Méditerranée, grâce à l’augmentation desexportations agricoles et à une plus grandeefficacité dans les secteurs agricoles tradi-tionnels, qui produisent des biens de substi-tution aux importations à l’aide d’une protec-tion tarifaire et non tarifaire élevée. Unequestion encore plus polémique est celle quiconcerne la libéralisation des marchés agri-coles des PM. Ces derniers subissent unestructure agricole duale, très polarisée, avecd’un côté les lourdeurs structurelles caracté-ristiques d’une agriculture traditionnelle etdes niveaux de productivité très bas et, d’unautre côté, un secteur agricole moderne,orienté vers l’exportation, qui sera capablede soutenir la concurrence sur le marchéeuro-méditerranéen. Mais, il existe desdoutes quant à la capacité de survie du sec-teur traditionnel face aux exportations del’agriculture continentale européenne.

Pour les PM, la libéralisation agricole bilaté-rale vis-à-vis de l’UE pourrait faire peser uneforte pression sur leur secteur agricole tradi-tionnel, et les coûts d’ajustement pourraientêtre très élevés en termes d’emploi et entraî-neraient une augmentation importante deleurs déficits alimentaires. Même si la libéra-lisation agricole est accompagnée du déman-tèlement des mesures de la PAC les plus cri-tiquées au sein des organisations internatio-nales, la variation des prix agricoles dans lesPM pourrait être moins sensible que prévue.La réforme de la PAC, selon les propositionsde l’UE, et les propositions des Etats-Unisdans le cadre multilatéral de l’OMC, pour-raient se traduire par des prix plus élevés desexportations européennes, compensés par-tiellement par la réduction des prix domes-tiques dans les PM occasionnée par la libéra-lisation commerciale.

Le sujet est d’autant plus sensible que l’agri-culture continue d’être une activité écono-mique clef pour beaucoup des PM en termes

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d’emploi, et c’est sans doute la principaleactivité, si ce n’est la seule, dans les milieuxruraux des PM. A cela s’ajoute un rôle socialdéterminant : l’activité agricole retient lapopulation à la campagne, loin des grandesvilles sud-méditerranéennes et limite l’émi-gration vers l’UE. Cette dimension, à savoir lastabilité sociale, ne peut être correctementappréhendée par le seul effet sur l’emploi desréformes des politiques agricoles. Les gou-vernements du sud, comme l’UE, doiventprêter une plus grande attention au problè-me du développement rural, indépendam-ment des options politiques qui peuvent êtreadoptées en ce qui concerne la question de lalibéralisation agricole en Méditerranée. Lapolitique des échanges agricoles euro-médi-terranéens inclut des questions qui vont au-delà de la seule sphère marchande, tellesque les migrations, la stabilité politique, leséquilibres ville-campagne et les problèmesrégionaux. La plupart des pauvres des PMvivent à la campagne, ce qui implique quel’émergence d’une économie rurale capablede répondre à des incitations économiquesest une question cruciale pour le développe-ment des PM.

La divergence des intérêts plaiderait pour unPacte Agricole Méditerranéen à contenu éco-nomique et politique entre tous les acteurs etles pays affectés. C’est-à-dire un accord àdeux niveaux entre l’UE et les PM, mais aussientre les Etats Membres, entre l’UE méditer-ranéenne et non-méditerranéenne. Ainsi,l’étude cherche à mettre en relief les piliersd’un Pacte Agricole Méditerranéen, comptetenu de la situation politique, sociale et descaractéristiques de l’agriculture méditerra-néenne, en se fondant sur l’estimation deseffets de la libéralisation suivant différentsscénarios. Trois éléments structurent lesactions politiques à mettre en œuvre : (i) le commerce agricole entre l’UE et les PMest une question complexe qui appelle à dessolutions non-simplistes et qui mérite uneanalyse approfondie.(ii) Etant données les inerties qui affectentles politiques agricoles au sein de l'UE et desPM, et les structures d’incitations faiblementévolutives qui ont été développées, uneapproche graduelle devrait être prise enconsidération.(iii) La nature politique des questions concer-nant le commerce agricole UE-PM appelleune solution d’ordre politique également, unPacte Agricole Méditerranéen au niveau euro-méditerranéen.

Le Pacte Agricole Méditerranéen envisagétraite donc de la libéralisation mais aussi de lamodernisation et du développement rural

dans l'UE et dans les PM, de la coopérationentre les deux rives et des mesures permet-tant d’assurer la solidarité interne entre lesEtats Membres de l’UE. Il propose une libéra-lisation réciproque et asymétrique. Nonconçue comme une fin en soi, l'axe principalpeut être résumé comme une libéralisationcommerciale agricole graduelle, réciproquemais asymétrique, l’UE devant respecter desrythmes plus lents de réduction tarifaire de lapart des PM. Cette libéralisation devrait êtreconsidérée comme une condition nécessaireau développement du secteur agricole desPM, qui est en même temps un facteur clef deleur développement économique et humain.

Deux concepts définissent les degrés deliberté des responsables politiques pourrendre effective la libéralisation commercialeagricole dans la Méditerranée : réciprocité etasymétrie.

La réciprocité apparaît comme conditionnécessaire à la mise en place au sud desréformes structurelles politiquement coû-teuses mais indispensables, notamment pourmoderniser leurs secteurs agricoles et mettreen place des systèmes productifs plus effi-caces, en particulier en termes d’emplois.

L'asymétrie peut être introduite principale-ment par trois voies : à travers des périodestransitoires, des dérogations permanentes oudes clauses de sauvegarde. Une combinaison« période de transition » et clauses de sauve-garde sur liste négative de produits paraîtêtre le meilleur choix. En fait, c'est l’approchedu « traitement différencié » adopté dans lesnégociations multilatérales. Cependant, lalongueur des périodes transitoires et le conte-nu restrictif des clauses de sauvegarde nedoivent pas être excessifs, sous peine de frei-ner/stopper les réformes et la modernisation.Au contraire, les dérogations permanentessont à éviter, car elles génèrent des positionsde rente et des inefficacités. Le contenu de lacombinaison finale doit être analysé en pro-fondeur, de part et d’autre de laMéditerranée. Si les simulations à partir d’uneapproche combinée ne dégagent pas d’effetd’ampleur conséquente au niveau global,celui-ci peut être très fort sur certaines pro-ductions ou dans certaines régions.

La modernisation de l’agriculture est un autreélément clef du Pacte Agricole Méditerranéen,quel que soit le degré de libéralisation com-merciale agricole finalement adopté. Il s’ap-plique aux deux rives du bassin méditerra-néen, bien que son contenu et les tâches àaffronter diffèrent largement d’une rive àl’autre. Les questions centrales sont : com-

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ment accomplir la modernisation et quidevrait la financer ? L'UE a déjà des instru-ments satisfaisants dans le schéma FEOGA-Orientation et une extension de ceux-ci auxPM a été proposée par certains. Mais l’im-plantation de ces outils, pour être efficace,demande des capacités institutionnelles et detransparence qui ne sont pas garanties dansles pays du sud.

Le développement rural est le « lien man-quant », non seulement dans la question ducommerce agricole euro-méditerranéen,mais aussi, plus généralement, du dévelop-pement humain soutenable des PM. Le déve-loppement rural est une question crucialeparce que, même en l'absence de libéralisa-tion agricole réciproque de la part des PM, lescoûts de l'ajustement suite à la modernisa-tion, en termes de mouvement de la maind’oeuvre agricole libérée et de transition versun rôle plus actif du marché dans l’agricultu-re, ont besoin d'être amortis. De plus, enprésence d’une libéralisation réciproque,penser le développement rural devientessentiel pour diversifier les activités ruralesen diminuant la dépendance à l’agriculture,et pour améliorer les conditions de vie de lapopulation rurale. Cet aspect est d’autantplus indispensable que certaines simulationsde l’étude font apparaître un risque de dispa-rition de certaines récoltes dans les PM et laprépondérance que prendront les exploita-tions les plus grandes et les plus modernes.Mais, les régions méditerranéennes de l’UEsont également concernées. Les prioritéssont différentes et il s’agit plutôt d’un problè-me d’environnement, de vieillissement de lapopulation rurale et, pour quelques régions,de dépeuplement, ou encore de préservationdes activités rurales liées à l’activité agricole.Néanmoins, certaines préoccupations sontcommunes, comme la diversification des pro-ductions et des activités rurales.

Se pose alors naturellement la question dufinancement de ces processus de modernisa-tion et de développement rural. Au delà desproblèmes d'institutions, la masse financièrenécessaire est trop importante pour n’êtregérée que par l’UE ou par une partie desfonds MEDA. La participation effective des PMest donc incontournable. Dans le domaine dela modernisation, une grande partie du sou-tien financier semble devoir venir des PM,l’UE et les Etats Membres se limitant à l’as-sistance technique. La modernisation desstructures de l’offre et de commercialisation,quant à elle, paraît particulièrement ouverteaux activités de la société civile. Les associa-tions des producteurs sont des acteurs puis-sants sur les deux rives de la Méditerranée,

et la création d’un réseau permettrait d’éta-blir des contacts entre les producteurs, quipeuvent identifier facilement les complémen-tarités et les domaines de coopération. Cesassociations pourraient, en même temps,développer une approche de l'intérêt mutuelau lieu d'une approche exclusivement cen-trée sur la concurrence. La promotion desréseaux nord-sud d’associations de produc-teurs agricoles pourrait ainsi devenir uneaction institutionnelle de l’UE de promotionde la complémentarité. En revanche, lesstratégies de développement rural dans lesPM peuvent bénéficier de l'expérience de l’UEet des fonds structurels. Ici, probablement,les fonds MEDA pourraient être réorientésplus facilement d’un point de vue politique etéviter la critique des agriculteurs européensde financement de leurs concurrents parleurs propres gouvernements.

Enfin, les recommandations politiquess’orientent suivant cinq axes : la nécessité desituer la problématique agricole au centre dudébat sur le Partenariat Euro-méditerranéenet la Politique de Nouveau Voisinage, l’iné-luctabilité de la libéralisation commercialeagricole dans les PM et ses limites, le besoind’un programme de modernisation et dedéveloppement rural dans les PM pouraffronter à moyen terme la libéralisationcommerciale agricole, les possibilités et lesinstruments de financement que ce program-me pourrait mobiliser, et la forme et lescibles d’un tel programme, qui doit bénéficieraux couches sociales et rurales les pluspauvres.

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IV- Une ouverture des services qui ne

permet pas de tirer profit de la proximi-

té et bride le meilleur usage des flux

financiers

1. Les échanges de services dans les PM

Le secteur des services est devenu un sec-

teur-clef de la croissance, aussi bien dans les

pays développés qu’en développement. Il

absorbe, par ailleurs, la plus grande part de

la main-d’oeuvre dans n'importe quelle éco-

nomie moderne. La croissance sensible des

échanges de services sur les marchés inter-

nationaux prouve leur importance en tant

que moyen qu’acquérir des devises étran-

gères, mais aussi comme un déterminant en

évolution de la compétitivité internationale.

Cette croissance a motivé l'introduction d'un

cadre général de réglementation du commer-

ce international de services sous l’égide de

l'Organisation Mondiale du Commerce

(OMC) : l'accord général sur les échanges de

services (GATS).

La question, toujours d’actualité, de savoir si

les services (en particulier les services

publics, tels que la santé, l'éducation, etc.)

doivent être offerts par des agents publics ou

privés - dans laquelle les arguments écono-

miques sont dominés par des préoccupations

sociales - est la raison majeure qui explique

l’attitude prudente des pays en voie de déve-

loppement envers la libéralisation des

échanges de services. Ils ont, en effet, pré-

féré s’engager moins fortement sur le GATS

que les économies développées. C'est, en

soi, une preuve de la flexibilité du GATS en

termes de prise en compte des inquiétudes

des pays en voie de développement.

Ces dernières années, des études ont montré

que la libéralisation des services pourrait

générer des avantages considérables, non

seulement en termes de hausse des exporta-

tions de services, mais également d’amélio-

ration de la compétitivité et de l’efficacité

économique en général, ce dernier point

étant le plus significatif (Neilson et Taglioni,

2004). Selon la Banque Mondiale, le revenu

supplémentaire pour les pays en développe-

ment d’une libéralisation de leurs services

pourrait être de 6 000 milliards de dollars US

d'ici 2015, soit quatre fois les gains poten-

Tableau 10 : Part des services dans les exportations totales et dans la valeur ajoutée

1991-1993 2001-2003 1990 2002Egypte 67,2 66,1 52 50Jordanie 54,6 35,0 64 72Maroc 30,2 35,4 50 54Tunisie 30,7 27,7 54 60Syrie 25,6 20,2* 48 49Brésil 9,5 12,5 53 73Chili 19,4 17,5 50 57Chine 9,7 10,3 31 34Rep. Tchèque 24,2** 15,4 45 57Hongrie 21,9 19,0 46 65Inde 20,2 31,9 41 51Malaisie 11,2 13,0 43 44Mexique 14,8 7,2 64 69Pologne 22,9 20,0 42 66Afrique du Sud 11,7 14,4 55 641- Source: Base de données en ligne de l'OIT (accès le 2 septembre 2004)

* Moyenne pour 2001-2002** Moyenne pour 1993-1995

Exportation de services (en % du totaldes exportations) (1)

Valeur ajoutée des services(en % du PIB) (2)

2- Source: WDI Banque Mondiale. Il faut noter qu'une part considérable de la valeurajoutée des services inclut des services non-échangeables.

-69-

tiels estimés de la libéralisation des échanges

de marchandises (Banque Mondiale, 2002).

Les gains d'efficacité ne se traduiront pas

uniquement par une plus grande compétitivi-

té des producteurs et des fournisseurs de

services domestiques, mais devraient aussi

profiter aux consommateurs via une diminu-

tion des prix et un accroissement de la qua-

lité. Par exemple, au sein de l’UE, la libérali-

sation du secteur des télécommunications a

eu pour conséquence une baisse des prix des

appels longue distance de 45%, une crois-

sance de la présence de téléphones portables

de 22% à 73%, et des taux de pénétration

d’internet de 8% à 36%. Les expériences de

libéralisation d'autres pays confirment ces

résultats.

Depuis la deuxième moitié des années 80, les

échanges de services se sont développés

plus rapidement que ceux de marchandises

(Banque mondiale, 2002). En outre, sur la

dernière décennie, les hausses des exporta-

tions de marchandises et de services sem-

blent avoir été corrélées, ce qui souligne l'in-

terdépendance croissante de ces deux flux

(Femise, 2003). En 2002, le commerce de

services représente un cinquième du com-

merce mondial, soit 1 570 milliards de dollars

US, ce qui correspond à une hausse de 6%

par rapport à 2001, dont 30,6% concernent

les voyages (traditionnellement le poste le

plus important des exportations de services

des PM) et 22,3% le transport.

Sur la scène mondiale, les PM ne se classent

pas parmi les principaux exportateurs de ser-

vices, excepté l'Egypte, 32ème des 40 plus

importants exportateurs de services en

2001, principalement du fait des activités de

tourisme et de transport, issues de l’exploita-

tion du canal de Suez. Cependant, le secteur

des services a toujours été un secteur crucial

pour les PM, comptant pour plus de la moitié

de leur PIB et un fournisseur essentiel de

devises étrangères. La part des exportations

de services dans les exportations totales

oscille d’environ 20% pour la Syrie à 66%

pour l’Egypte. En outre, la valeur ajoutée des

services représente la moitié, voire plus, de

leur PIB.

Panorama général de l’évolution récente des

échanges de services dans les PM

Contrairement aux schémas usuels, les

exportations de voyage représentent le prin-

cipal poste d'exportation des PM. Les

« autres services commerciaux » (qui consti-

tuent la majorité des échanges de ce type au

niveau mondial) viennent en seconde posi-

(mios $ US) 1980 1990 2000 2003

% dutotal

(2003)Egypte 2 321,0 4 813,0 9 803,0 10 340,0 100,0

Transports 1 254,0 2 410,0 2 645,0 3 152,0 30,5Voyages 593,0 1 100,0 4 345,0 4 275,0 41,3

Autres services 474,0 1 303,0 2 813,0 2 914,0 28,2Jordanie 974,0 1 430,0 1 599,0 1 444,0 100,0

Transports 271,0 371,0 298,0 316,0 21,9Voyages 521,0 511,0 723,0 791,0 54,7

Autres services 183,0 548,0 578,0 338,0 23,4Maroc 709,0 1 871,0 2 854,0 5 120,0 100,0

Transports 159,0 179,0 485,0 882,0 17,2Voyages 453,0 1 280,0 2 039,0 3 140,0 61,3

Autres services 96,0 412,0 330,0 1 098,0 21,4Syrie 252,0 740,0 1 481,0 .. 100,0

Transports 63,0 220,0 246,0 .. 16,6Voyages 156,0 320,0 1 082,0 .. 73,1

Autres services 32,0 200,0 153,0 .. 10,3Tunisie 990,0 1 575,0 2 680,0 2 773,0 100,0

Transports 207,0 362,0 595,0 668,0 24,1Voyages 684,0 1 020,0 1 682,0 1 608,0 58,0

Autres services 99,0 192,0 403,0 497,0 17,9Source: Base de données en ligne de l'OMC* En référence aux chiffres de 2000

Figure 6 : Commerce de services del’UE : parts des principaux partenaires

4% 6%

37%

11%5%

37%

UE-10 PM Etats-Unis Suisse Japon Autre

Tableau 11 : Distribution des exporta-tions de services pour quelques PM

*

-70-

tion en Jordanie et au Maroc, et en troisième

position en Egypte et en Tunisie. Parmi les

PM étudiés, l'Egypte est le premier exporta-

teur de services : 10,3 milliards de dollars US

en 2003. Le poste voyage (principalement

touristiques) représente 41% de ses expor-

tations totales. La libéralisation des services

dans les PM devrait nourrir la croissance des

exportations rangées dans la catégorie

« autres services » à mesure que ceux-ci

s’insèrent mieux sur les marchés internatio-

naux et exploitent leur avantage concurren-

tiel dû aux coûts inférieurs de leurs services

de télécommunications, financiers et autres.

En outre, les exportations de services de

transport pourraient croître avec la dispari-

tion progressive des inefficacités rencontrées

au niveau des ports et avec l’amélioration

des infrastructures existantes.

Si sont exclus les pays développés et les éco-

nomies en transition d’Europe centrale et de

l’Est, il s'avère que certains PM (notamment

Egypte, Maroc et Tunisie) sont parmi les prin-

cipaux exportateurs de services au sein des

pays en développement. Ils occupent diffé-

rentes positions dans le groupe des 20 prin-

cipaux exportateurs de services des pays en

voie de développement, mais apparaissent

dans presque toutes les catégories de ser-

vices commerciaux.

L'Europe est le principal partenaire commer-

cial des PM en ce qui concerne les échanges

de services. En 2001, plus de la moitié des

arrivées de touristes en Egypte et en Tunisie

étaient des citoyens de l’UE. Pour le Maroc et

la Jordanie, la part du tourisme européen

était, respectivement, de 42% et 12%

(Eurostat, 2002). En 2002, plus de 80% des

recettes touristiques de la Tunisie prove-

naient du tourisme européen. Dans le cas du

Maroc, pour la même année, ses exporta-

tions de services vers l'UE se chiffraient à

2,2 milliards d'euros, principalement du tou-

risme, alors qu'il importait pour un montant

de 1,3 milliards d'euros de services d’affaires

et de transport.

La part des pays nouvellement entrés dans

l’Union (6%) est supérieure à celle des PM

(4%) dans les échanges de services avec l’UE

à 15. Ceci s’explique par la libéralisation réus-

sie du secteur des services des premiers dans

la perspective de l’adhésion à l’UE, mais aussi

par l’instabilité politique dans les pays du

Egypte Tunisie MarocTransports 7 18 ..Voyages 9 19 15Communication 4 .. 14Construction 8 17 .. Informatique 9 12 ..Assurances .. .. ..Services financiers 11 12 ..Brevets et droits d'auteur 8 15 10Autres services commerciaux 10 19 ..Services culturels, services à la personne, loisirs 10 15 ..Source: UNCTAD (2002)* A l'exception des économies en transition de l'Est de l'Europe

Figure 7 : Commerce de services del’UE avec les PM

13,1

11,911,510,4

-1,6 -1,5

-4

-2

0

2

4

6

8

10

12

14

2001 2002

Imports Exports Balance

Tableau 12 : Place dans les 20 premiers exporateurs de services parmi les pays endéveloppement*

-71-

Mashrek, dont a pâti l’activité touristique. Il

faut souligner que l’UE-15 enregistre un sur-

plus de sa balance des services avec les PM.

Dans le domaine des services de transport

(presque 22% des exportations mondiales de

services commerciaux), les performances

des PM sont faibles comparativement à celles

d’autres régions du monde. La domination

qu’exerce le secteur public dans les secteurs

des services de transport maritime et aérien,

l’absence de compétition et le manque d’effi-

cacité des infrastructures de transport sont

autant de facteurs qui empêchent les PM

d’exploiter l’avantage de leur position géo-

graphique, en particulier leur proximité du

marché européen.

Une analyse des avantages comparatifs révé-

lés (ACR) dans les services montre que les PM

ont un potentiel considérable dans ce domai-

ne, surtout l’Egypte et la Jordanie, puisque la

part des services dans les exportations totales

est, pour l’Egypte, plus du triple de celle que

l’on enregistre au niveau mondial et, pour la

Jordanie, plus du double (Femise, 2003). Les

études basées sur le calcul d’ACR utilisent les

structures et les flux commerciaux présents,

qui sont contraints par les réglementations et

les barrières commerciales existantes. De ce

fait, les mesures obtenues de la capacité d’ex-

portation des pays retenus souffrent d’un biais

intrinsèque (Smith, 2000). La libéralisation

des échanges de services dans les PM pourrait

donc se révéler beaucoup plus bénéfique que

prévu. C’est pourquoi ce secteur devrait tenir

une plus grande place dans l’élaboration des

plans de développement des pays du sud

méditerranéens.

Une fenêtre d’opportunité pour une intégra-

tion économique régionale plus poussée

L’intégration économique régionale entraîne

des bénéfices significatifs pour les pays en

développement, particulièrement dans le

domaine des échanges, des effets d’entraîne-

ment sur la connaissance, de la dynamisation

des réformes et de la modernisation écono-

mique, et de la hausse des flux d’IDE.

L’ancrage externe des réformes économiques

est également un avantage majeur des initia-

tives d’intégration régionale, particulièrement

dans le cas de l'intégration nord-sud. Selon

Muller-Jentsch (2003), le fonctionnement plus

efficicace des institutions et de la régulation du

nord pourraient aider les PM en servant de

guide aux efforts de réforme du Sud.

Le cas des économies en transition d’Europe

centrale et de l’est est un bon exemple pour

déterminer les avantages d’une intégration

plus poussée, qui va au delà de la création

d'une zone de libre échange (ZLE) - comme

proposé dans le cadre des accords d'associa-

tion euro-méditerranéens - pour inclure une

mise en cohérence des lois, des règlements

et des institutions, afin de minimiser, voire

d’éliminer, les barrières non-tarifaires et,

dans le même temps, de préparer les écono-

mies nationales à devenir les éléments indis-

pensables d’un bloc économique élargi.

Les pays anciennement candidats et les PM

ont un certain nombre de points communs.

Dans les premiers, le secteur des services est

le principal contributeur à la valeur ajoutée et

compte pour une large part des exportations.

Ces pays sont passés d’une économie contrô-

lée par l’Etat à une économie de marché. A la

différence des « tigres » d’Asie du sud-est, ils

ont commencé leur transition vers la fin des

années 80 et le début des années 90, à un

moment où les progrès rapides de la globali-

sation (et la croissance concomitante du

commerce et des flux d’IDE) ont donné une

nouvelle dimension au concept de compétiti-

vité internationale. En outre, le principal par-

tenaire commercial de ces pays est tradition-

nellement l'UE-15, un ensemble qui a un

-72-

cadre bien développé de politiques et de

règlements qui constituent le coeur du mar-

ché unique européen.

Les avantages de l’intégration européenne

pour ces pays (AC10 dans la suite) peuvent

se résumer en trois points. En premier lieu,

les AC10 ont dû entreprendre des réformes

structurelles et législatives significatives

pour harmoniser leurs réglementations avec

« l’acquis communautaire » de l'UE – soit

l’ensemble du corpus juridique de l’UE. Ils

ont réussi à utiliser le processus d’intégra-

tion pour guider leurs réformes domes-

tiques. Ces transformations (sur une période

de temps relativement courte) se sont incar-

nées dans des performances économiques

plutôt bonnes, même dans des phases de

ralentissement économique au niveau mon-

dial. En 2001, la plupart des régions du

monde ont souffert d’une contraction de

leurs exportations de biens, exceptées la

Chine et les économies en transition dont la

croissance annuelle était respectivement de

7% et de 5%.

En second lieu, ces économies ont su détour-

ner en leur faveur une partie considérable du

commerce européen – en profitant des déloca-

lisations (OPT) – et des IDE. Actuellement,

l’UE-15 compte pour deux tiers des échanges

commerciaux des AC10. Ces derniers attirent

des flux d’IDE importants et leurs industries

sont étroitement intégrées dans les chaînes de

production de l’UE (Muller-Jentsch, 2003). Le

commerce entre l'UE et les pays anciennement

candidats s’élevait presque à 500 milliards de

dollars US en 1980, puis 1 050 milliards en

1990 et 1 670 milliards en 2001. Ces chiffres

représentent respectivement 28%, 33%, et

34% du volume total des échanges de biens

des deux zones (UNCTAD, 2002).

En troisième lieu, la libéralisation des

échanges de services a été au coeur du pro-

cessus de réforme, où elle a déclenché et

facilité la réforme de la réglementation dans

des secteurs importants (transport, marchés

financiers, services, etc.) qui ont une influen-

ce directe sur l'efficacité économique.

La leçon qui peut être tirée de tout ceci est

que la libéralisation des échanges de services

dans les PM devrait être envisagée comme

l’opportunité d’une intégration plus profonde

avec l'UE. Des échanges de services plus

dynamiques sont un préalable à l’augmenta-

tion de la compétitivité des exportations de

biens. Les services étant une activité clef

dans les économies modernes (particulière-

ment le transport et la logistique, les

voyages, les services financiers, les services

d’affaires et professionnels, etc.), leur com-

pétitivité détermine largement celle des

exportations de biens. Comme mentionné

plus haut, les croissances des exportations

de biens et de services sont significativement

corrélées, ce qui montre l’existence d’une

certaine interdépendance.

L'information disponible indique que les AC10

sont une destination privilégiée pour les IDE

liés à la production de biens intermédiaires,

qui sont ensuite réexportés vers l’UE. Ceci

prouve que la réduction des coûts de transac-

tion avec les AC10 (en grande partie suite à la

libéralisation réussie de divers secteurs de

services) a été un facteur crucial d’attraction

des IDE, tandis qu'un environnement des

affaires défavorable, couplé à un rythme lent

de libéralisation des services et un program-

me de privatisation ralenti, se sont traduits

par de faibles flux d’IDE vers les PM. Le niveau

modeste des activités de délocalisation vers

les PM est le résultat prévisible de cette situa-

tion. Cependant, le Maroc et la Tunisie font

figure d’exceptions à cet égard, puisqu’ils ont

bénéficié du processus de délocalisation des

activités apparu en Europe (Hoekman et

Djankov, 1998). Une accélération de la libéra-

-73-

lisation des services dans ces deux pays pour-

rait être fructueuse du point de vue de leurs

ambitions d'intégration avec l'UE.

En ce qui concerne les activités d'OPT, la

concurrence entre les PM et les AC10 pourrait

être forte, du fait des similitudes de leurs

avantages respectifs, à savoir le coût de la

main-d'oeuvre bas et la proximité géogra-

phique de l'UE (Fabbris et Malanchini, 2000).

Etant donné que certaines études ont prouvé

que les IDE dans le secteur des services

accompagnent habituellement les IDE dans

le secteur de la production, une libéralisation

trop timide du secteur des services peut

avoir « un effet dual d’éviction des IDE »

(Ghoneim, 2003).

De plus, les PM pourraient choisir d’aller au-

delà des exigences des accords d'association

euro-méditerranéens et utiliser le cadre de

réglementation de l’UE comme une ancre

externe pour leur propre réforme, ce qui per-

mettrait d’envisager une intégration plus pro-

fonde. Le poids du secteur des services dans

l’activité économique des pays de l’UE comme

des PM est élevé. La libéralisation des ser-

vices pourrait être un puissant catalyseur de

l’intégration PM-UE, mais ceci exige des

réformes radicales dans le cadre de la régle-

mentation des PM. L’efficacité économique

dans les PM est minée par la prédominance

des obstacles au libre fonctionnement du

marché (structures monopolistiques, externa-

lités, biens publics) et l’omniprésence du gou-

vernement (droits d’exclusivité, entreprises

d’Etat mal gérées, lenteurs de la bureaucra-

tie) (Muller-jentsch, 2003). Par conséquent, il

est urgent d’approfondir la réforme et d’accé-

lérer l’ajustement structurel.

Utiliser l’acquis communautaire pour guider

la réforme dans les PM serait bénéfique

dans la mesure où cela inclut les méca-

nismes de supervision et de gestion des

risques, qui assurent déjà l'harmonisation

des systèmes de réglementation nationaux

des pays participants au marché unique.

Des instruments puissants, tels que les poli-

tiques de concurrence et d’aide de l’Etat,

comme les procédures officielles de recours

en cas de manquements aux règles de l’UE,

sont utiles à cet égard. D’autres instru-

ments, reposant sur les exercices de bench-

marking, et le jeu des pressions entre gou-

vernements ont également été employés

pour stimuler la réforme du cadre juridique.

Un autre avantage du cadre juridique de

l’UE est qu'il « a été explicitement conçu

pour être transposable à d’autres systèmes

juridiques nationaux » (Muller-Jentsch,

2003). En conclusion, il faut noter qu'ancrer

les réformes domestiques au modèle de l’UE

contribuera non seulement à une intégra-

tion plus profonde avec l’UE, mais facilitera

également l'intégration économique entre

les PM ; ce qui est un but en soit.

Libéralisation des services : un catalyseur de

la modernisation économique

L'inefficacité dans le secteur des services

représente de fait un impôt prohibitif pour

l'économie domestique (OCDE, 2001). La

libéralisation du commerce (des biens et ser-

vices) et de l’investissement est positive pour

les performances de l’économie en général

via une hausse de l’efficacité de l’allocation et

de l'utilisation des ressources, l'amélioration

de la qualité et de l'innovation et la réduction

des positions de rente.

Une idée fausse assez répandue voudrait que

la libéralisation des services ne soit pas pro-

fitable aux pays en voie de développement.

Des considérations sociales, associées à des

préoccupations concernant les inefficacités

enregistrées dans différents secteurs de ser-

vices (qui ont un impact négatif sur la capa-

cité à faire face à la concurrence), ont nourri

-74-

cette perception erronée. Les préoccupations

sont certes justifiées, mais leurs implications

sont souvent mal comprises. D'une part, en

raison de l’intensité en main d’œuvre des

activités de services, les pays en développe-

ment possèdent un réel avantage comparatif

du fait de l'abondance de travail et de la fai-

blesse des salaires (Neilson et Taglioni,

2004). D'autre part, la libéralisation des ser-

vices ne nécessite pas la mise en cause d’un

rôle fort de l'Etat, mais plutôt sa redéfinition

puisque, de fournisseur de services, il doit se

transformer en autorité de régulation de l'ac-

tivité du secteur privé. À cet égard, les

termes libéralisation et déréglementation ne

sont pas interchangeables (OCDE, 2001). Ce

que les pays en développement doivent

rechercher, c’est une nouvelle forme de

réglementation des services qui permette

une participation du secteur privé, tout en

instituant des mécanismes de contrôle et de

suivi efficaces.

Comme souligné précédemment, la libéralisa-

tion des services dispense des bénéfices qui

s’étendent à l’ensemble de l’économie et sur-

passent ceux issus de la seule libéralisation

des échanges de biens, en particulier du point

de vue du bien-être. Une étude de la Banque

Mondiale a estimé, pour les pays en dévelop-

pement, à 9,4% du PIB, les gains potentiels

en termes de revenu que pourrait générer la

libéralisation des services (Banque Mondiale,

2002). En outre, ces gains pourraient s'ac-

croître suite à la libéralisation des échanges

connexes et des services de transport.

En Tunisie, la hausse du revenu réel atten-

due, selon la portée et la profondeur de la

libéralisation des services, pourrait se situer

entre 2,2% et 9,2% de PIB. Mais ces gains

considérables ne se matérialiseront que si

des réformes sont menées, afin de gommer

les restrictions d'accès au marché des ser-

vices de télécommunications, financiers et

d’affaires (Konan et Maskus, 2002). Dans le

cas de l'Egypte, les gains potentiels s’étalon-

neraient entre 1,1% et 6,5% du PIB (Banque

Mondiale, 2003).

Une stratégie de réforme visant à re-régle-

menter le secteur des services devrait se

donner comme premier objectif l'utilisation

de services plus efficaces, susceptibles de

dynamiser les exportations de biens (coûts

de transaction inférieurs, équipements de

transports plus efficients et moins coûteux)

et s’engager dans un processus d’intégration

poussée avec l’UE. Ceci exigera une analyse

précise des lois et des règlements de l’UE et

une évaluation de leur compatibilité avec les

cadres de réglementation nationaux de

chaque PM. Ainsi, l’ampleur de l’ajustement

nécessaire pourra être connue. En outre, le

rythme et le calendrier des réformes sont des

éléments déterminants d’une libéralisation

réussie et devront être fixés (Neilson et

Taglioni, 2004). De ce point de vue, l'expé-

rience des pays nouvellement membres de

l’UE peut servir à identifier le calendrier et les

priorités de la réforme sur la base de leur

expérience d'accession à l’UE.

Le rôle de l'Etat, dans ce contexte, serait de

s’occuper de la surveillance et de la régula-

tion de l'activité du secteur privé. La privati-

sation des monopoles d'Etat dans certains

secteurs de services et la disparition des res-

trictions d'accès au marché sont des pré-

requis fondamentaux à l’apparition d’une

concurrence saine au sein du secteur privé.

La re-réglementation devrait se focaliser sur

des secteurs à haut potentiel de croissance,

tels que le tourisme et les activités de loisir,

le transport et la logistique, les services

financiers, les télécommunications, et autres

services d’affaires. Etant donné que les ser-

vices de tourisme et de transport constituent

actuellement le noyau dur des exportations

-75-

des PM, la réforme devrait porter prioritaire-

ment sur ces deux secteurs dès le début du

processus.

En ce qui concerne le tourisme, la plupart

des PM ont perdu des parts de marché au

profit d’autres destinations, particulièrement

d’Europe et d’Asie centrale. Pour certains de

ces pays, le rapport de leurs recettes touris-

tiques au PIB a triplé. En dépit du potentiel

touristique significatif de certains PM, leurs

résultats sont décevants du fait d’une infra-

structure sous-développée, d’un marketing

inefficace et de l'insécurité dans la région.

Cependant, les efforts récents de la Jordanie

pour améliorer l'infrastructure et le marke-

ting ont été couronnés de succès (Banque

Mondiale, 2003).

Le potentiel de développement des activités

liées au tourisme dans les PM pourrait être

stimulé par divers facteurs, à savoir la libéra-

lisation des IDE se dirigeant vers ce secteur,

l’amélioration de l'infrastructure et des télé-

communications, la réduction des impôts, et

une coopération et une coordination accrues

entre les PM dans le domaine de la promotion

(ESCWA, 2001). Cependant, les entraves

propres à chaque PM conditionnent leur

capacité à réaliser leur potentiel.

La réforme du secteur des transports : des

avantages qui vont au-delà de la libéralisa-

tion des échanges de services

La réforme du secteur des transports n’est

pas supposée seulement accroître les expor-

tations de ce type de services, mais aussi

créer des externalités importantes pour l'effi-

cacité de l’économie dans son ensemble. Elle

se répercute sur les résultats à l’exportation

pour les biens des PM, leur capacité à attirer

des IDE dans les services et l’industrie, et

leur degré d’intégration dans les chaînes de

production internationales et dans l’industrie

logistique qui est actuellement en croissance.

Elle soutient également l’essor des services

de tourisme dans ces économies.

Le secteur des transports dans les PM a deux

caractéristiques principales : (i) l’essentiel de

la circulation transfrontalière se fait par air ou

par mer ; et (ii) la concentration du trafic sur

quelques ports, aéroports, et voies terrestres

est forte. En outre, un certain nombre de pro-

blèmes persistent. La situation est particuliè-

rement difficile dans les ports, qui présentent

des inefficacités, dans la plupart des PM, agis-

sant comme des barrières non-tarifaires rela-

tivement élevées. Ceux-ci ne peuvent donc

pas exploiter pleinement les avantages de

leur localisation géographique sur les couloirs

internationaux de transport maritime.

Les délais de dédouanement sont une

contrainte forte de l’activité portuaire. Dans

quelques ports des PM, cela prend plus de

temps de faire passer la douane aux mar-

chandises qu'au bateau de venir de Hong

Kong. Le Maroc et le Liban ont pris des

mesures pour réduire ces retards, mais le

dédouanement prend encore 10 à 20 jours,

en moyenne, dans les PM. En outre, les taux

d’utilisation des conteneurs demeurent très

modestes en raison d’une infrastructure por-

tuaire inadaptée et de la lourdeur des procé-

dures douanières. Les coûts de fret sont, en

général, élevés dans les PM, comptant pour

plus de 10% de valeur totale d'importation,

excepté pour la Tunisie où ce taux est de

7,3%, mais seulement de 4,7% pour la

Turquie et de 6% au Chili.

Pour ce qui est du transport aérien, les pertes

considérables de certains transporteurs

aériens grèvent le budget des gouverne-

ments d'année en année. Une présence éta-

tique forte, des lourdeurs, une participation

insuffisante du secteur privé et/ou l'absence

de politique de concurrence sont autant de

-76-

facteurs qui expliquent ces performances. Il

est grand temps, pour les gouvernements

des PM, de cesser le saupoudrage et d’établir

une vision globale de la réforme pour le sec-

teur entier autour de trois axes : privatisa-

tion, libéralisation, réforme de la réglementa-

tion. On estime que les PM pourraient gagner

de 3 à 5 milliards d'euros s'ils optaient pour

une telle réforme du secteur des transports,

particulièrement dans les services portuaires.

Les pertes dues à l’inefficacité des systèmes

de transport sont aggravées par le fait que

les activités d'affaires et de fabrication se

fondent de plus en plus sur la production

« juste à temps » et par les stratégies d’ex-

ternalisation, pour lesquelles une industrie

logistique performante est indispensable et

accroît l’attractivité du pays pour les IDE.

L'inefficacité des systèmes de transport, dans

les PM, explique pourquoi ils sont écartés de

la délocalisation relativement à d'autres

régions concurrentes, comme les économies

en transition d’Europe de l'Est, l’Asie de l'Est,

et l’Amérique latine.

Récemment, un fabricant allemand de véhi-

cules a modifié sa décision d’implantation

d’une usine d'assemblage de la Tunisie vers

la Roumanie, en raison des capacités logis-

tiques et de transport supérieures de cette

dernière, qui ramènent le cycle de produc-

tion-livraison de 9 à 6 jours. Etant donné que

78% des firmes européennes et 58% des

firmes américaines font appel à des fournis-

seurs de service de logistique, l'importance

de la réforme du secteur des transports ne

doit pas être sous-évaluée si les PM veulent

réaliser leur potentiel en attirant des IDE des

deux plus importantes sources de flux :

l'Europe et les Etats-Unis.

En conclusion, une stratégie intégrée de

réforme du secteur des transports devrait

comporter les éléments suivants : (i) en com-

plément de la zone de libre-échange avec

l’UE, les PM devraient se fixer comme objectif

la création d’un espace commun de transport

avec l’UE, en particulier dans les domaines du

transport maritime et aérien. Ceci pourrait se

faire en adoptant la réglementation euro-

péenne dans ces secteurs qui est considérée

internationalement comme une des plus effi-

cace ; (ii) certains ports et aéroports, en plus

d'un réseau de base de routes et de chemins

de fer, devraient être choisis comme cibles

privilégiées de la réforme politique et des

interventions coordonnées sur les infrastruc-

tures ; (iii) les contrôles des douanes étant

une des principales sources de perturbations

dans les chaînes de transport régionales, au

lieu de se concentrer uniquement sur les nou-

veaux investissements d'infrastructure dans

les ports, il faudrait initier en parallèle une

politique de réforme et de révision de la

réglementation de l'activité portuaire afin

d’en augmenter l'efficacité ; (iv) l’harmonisa-

tion des régimes douaniers et des normes de

produit devrait également être au cœur du

processus de réforme ; (v) dans le secteur

aérien, une meilleure insertion dans les

réseaux internationaux du trafic est nécessai-

re, ainsi que la recherche de nouveaux itiné-

raires, de droits au trafic et de capacité, ou

encore la création d’alliances pour réduire les

coûts au sein de différentes lignes aériennes

dans la région ; (iv) les PM devraient égale-

ment ratifier et mettre en place un grand

nombre de conventions internationales qui

facilitent le commerce et le transport trans-

frontaliers ; et (vii) il existe un besoin évident

de données complètes et fiables, comprenant

toutes les statistiques de performance qui

permettent de mener un exercice de bench-

marking et, en même temps, de surveiller et

d’évaluer de la portée et du rythme de la

réforme.

Compte-tenu de tous les arguments présen-

tés auparavant, l’importance du secteur des

-77-

services ne doit pas être mésestimée. Sa

libéralisation va nécessairement créer des

gains significatifs pour les pays du sud, qu’il

s’agisse de gains directs en termes de reve-

nu ou de l’émergence de mécanismes favori-

sant l’intégration nord-sud comme l’intégra-

tion sud-sud. Il est donc indispensable que

les gouvernements placent le secteur en tête

sur la liste des réformes. La priorité doit être

donnée à une vision claire de la couverture

sectorielle et de la séquence de libéralisation.

Une action immédiate est incontournable, si

les PM souhaitent sérieusement s’intégrer

dans l’économie globale.

2. Une manne sous-exploitée : les transferts

des migrants

Le rôle des transferts des migrants dans

l’équilibre des balances des paiements de

Méditerranée, compte-tenu de leur montant,

a été maintes fois souligné. Or, dans le même

temps, il a été également remarqué l’insuffi-

sance des ressources financières investies

productivement. Une question simple peut

dès lors être envisagée : celle de l’utilisation

pour le développement de ces fonds.

Dans les PM, les transferts de fonds des tra-

vailleurs peuvent avoir une influence négati-

ve sur l’équilibrage des comptes externes, si

la hausse de la demande qu’ils génèrent ne

rencontre pas l’offre domestique et qu’elle se

traduit par une augmentation des importa-

tions si elle se porte sur les biens échan-

geables, ou sur le niveau de l’inflation si la

demande supplémentaire se porte sur les

biens non échangeables. C’est le fameux

« Dutch disease effect ». De plus, dans des

pays comme les PM, où souvent plus de 10%

de la population est considérée comme

pauvre et est très vulnérable à la conjonctu-

re économique, ces flux sont cruciaux et évi-

tent une aggravation importante de la pau-

vreté dans les phases de ralentissement ou

de récession économique liées à certains

types de chocs (interne, notamment). Ces

aides peuvent certes créer des disparités de

Figure 8 : Evolution des flux de la balance des paiements des PM (médiane des PMhors Israël)

-15 000

-10 000

-5 000

0

5 000

10 000

15 000

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

mill

ions

dolla

rs U

S

Financement public externe net Financements privés bancaires & commerciaux nets Investissements directs netsInvestissements de portefeuille nets Envois nets de fonds des travailleurs

Source : FMI, IFS et BOPS, diverses années

-78-

revenu, ce qui encourage encore l’émigra-

tion, mais elles ont également des effets

d’entraînement sur le développement de

l’économie, via l’achat de logement ou de

nourriture. La dépendance du pays vis-à-vis

de l’extérieur, en termes de bien-être comme

de stabilité économique, peut s’accroître.

Reste que ces flux reflètent des comporte-

ments que les pays ne pourront pas influen-

cer, qu’ils peuvent notablement contribuer à

dynamiser l’économie (Koc et Onan, 2004,

pour la Turquie) et qu’ils présentent des

avantages considérables sur les autres flux

d’investissement internationaux :

√ leur évolution n’est pas corrélée avec

celle du cycle des pays receveurs,

contrairement à celle des IDE ou des

autres sources de financement externe,

bien qu’elle dépende en partie de la

conjoncture internationale et du cycle

du pays émetteur (Global Development

Finance, 2003).

√ Leur montant est relativement stable

donc prévisible (Buch, Kuckulenz et Le

Manchec, 2002). Les flux de transferts

qui ont pour objectif la consommation

sont réputés plus stables et plus forte-

ment contra-cycliques que ceux desti-

nés à l’investissement. Le montant de

ces fonds est, d’ailleurs, suffisamment

prévisible pour que des emprunts sur

les marchés internationaux y soient

adossés, au même titre que les recettes

d’exportation ou de vente de pétrole par

exemple, et qu’ils permettent d’obtenir

des conditions de prêts sensiblement

plus favorables (Ratha, 2002, Ketkar et

Ratha, 2001).

√ Le motif de diversification des actifs qui

a été invoqué pour expliquer l’arbitrage

fait, par les travailleurs à l’étranger,

entre des achats de titres et de biens

dans leur pays d’accueil et dans leur

pays d’origine n’est pas toujours vérifié.

Ceci signifie que les écarts de taux d'in-

térêt ou de rendement entre le pays

d’origine et le pays d’accueil ne détermi-

nent pas systématiquement le montant

des flux rapatriés. C’est, par exemple, le

cas du Maroc, qui devrait donc continuer

à bénéficier des considérables rapatrie-

ments de fonds des travailleurs émigrés,

lesquels varient plutôt en fonction des

salaires, des projets de vie (maison,

entreprise) et des besoins de la famille

(Bouhga-Hagde, 2004).

√ Ces fonds permettent de palier à cer-

taines défaillances du système financier

et d’assurance local, par exemple parce

qu’ils servent à éviter une chute des

revenus du foyer en cas de sécheresse

ou à convaincre les banques d’accorder

un prêt. Stark et Bloom (1985) mon-

trent que les faiblesses du marché du

crédit, qui pèsent sur le développement

d’une production locale du fait de son

étroitesse ou d’une capitalisation insuf-

fisante pour profiter du progrès tech-

nique, peuvent être une incitation puis-

sante pour une famille à envoyer cer-

tains de ses membres travailler à

l’étranger. Les rapatriements des flux

des travailleurs peuvent donc stimuler

l’essor et la création des PME du pays

bénéficiaire et, par ce biais, de la pro-

duction et de l’emploi.

√ L’allocation des fonds des travailleurs à

l’étranger peut se révéler plus efficace

que celle des banques, dont les préfé-

rences vont souvent aux entreprises

dotées d’une surface financière consé-

quente et/ou aux entreprises publiques.

Elle peut aussi être plus efficace que

celle des investisseurs étrangers ne dis-

posant pas d’une information gratuite,

parfaite et complète du marché. Le pro-

blème de l’asymétrie et du coût de l’in-

formation serait donc moindre ici.

√ Les devises collectées peuvent alléger

les difficultés d’expansion du commerce

-79-

international, qui dérivent souvent d’un

manque de devises (Tunisie). Elles peu-

vent aussi avoir un impact sur l’évolu-

tion du crédit à l’économie domestique

et à l’investissement des banques qui

bénéficient de liquidités additionnelles.

Il est cependant extrêmement important de

mieux connaître et piloter leur influence

directe et indirecte sur la croissance et l’in-

vestissement nationaux, qui est potentielle-

ment conséquente puisque l’Egypte, la

Jordanie, le Maroc et la Tunisie reçoivent tra-

ditionnellement plus de rapatriements de

revenu des travailleurs que d’IDE ou de

financement public ou des banques.

Une telle analyse a fait l’objet d’une

recherche financée par le Femise et dirigée

par la Roskilde University (Danemark).

Ainsi, le point de vue du Femise est qu’il est

possible d’améliorer l’apport des transferts

des migrants en :

√ maintenant la stabilité macroécono-

mique, notamment en agissant pour

amortir les effets des chocs exogènes

sur l’économie. L’importance de la par-

tie investie de ces fonds dépend, en

effet, du contexte macroéconomique de

l’économie récipiendaire. Elle dépend

aussi du degré de liberté des mouve-

ments de capitaux. Une amélioration de

ces facteurs peut sensiblement dynami-

ser ces flux comme l’atteste l’expérien-

ce des Philippines ;

√ incitant les banques à offrir des possibi-

lités de placement intéressantes et

variées. L’intermédiation de ces fonds

est relativement déficiente dans les PM

(cf. la recherche menée par la Roskilde

University), la gamme des produits pro-

posés est mal connue et ne répond pas

aux différentes motivations qui sous-

tendent les transferts de fonds, d’où

l’allocation non optimale de ces res-

sources révélée par les enquêtes ;

√ réduisant les coûts de transfert de

fonds. Selon les études, ils absorbent

souvent plus de 20% des fonds transfé-

rés. Pour la Banque Mondiale (GDF,

2004), réduire ces coûts de 5% pourrait

accroître les rapatriements de 3,5 mil-

liards pour les pays en développement

pris dans leur ensemble.

Un environnement macro-économiquefavorable, des instruments financiersinnovants et un partenariat internatio-nal pour canaliser le rapatriement desrevenus des travailleurs vers le dévelop-pement local.

Dirigée par Roskilde University,Danemark

La question des migrations en Méditerranéeest, depuis longtemps, connue, suivie et éva-luée. Ses raisons socioéconomiques et sesimpacts divers (allant de la démographie auxaspects politiques, économiques et sociaux)ont été largement analysés. En dépit desapproches différentes, force est de constaterune convergence des conclusions : le problè-me des migrations pourrait devenir explosif,pour toute la zone, au début du siècle, et sesconséquences doivent être gérées aujour-d’hui. Le risque représenté par la « bombedémographique » n’est plus une probabilité.Il est avéré, comme l’attestent, chaque jour,les dramatiques évènements qui ont lieu surles côtes espagnoles et italiennes du bassinméditerranéen.

Les motivations de la migration sont forte-ment liées à l’impact de la mondialisation surla région, qui entraîne la marginalisation éco-nomique des espaces périphériques et ladéstabilisation politique de certains pays etrégions. Les manques du processus deBarcelone et la perte d’influence de l’UnionEuropéenne sur la région qui en découle ontréduit l’ensemble du processus de « partena-riat » euro-méditerranéen d’une « prospéritépartagée » à la mise en place d’une « zonede libre-échange » et de politiques de priva-tisation, avec les impacts sociaux négatifsque cela comporte. Il est démontré que lesflux migratoires en provenance du Sud de laMéditerranée sont dus à deux types de fac-teurs : marginalisation et déstabilisation ausud, concentration économique et richesseau nord.

-80-

l’ont été pour diverses raisons. L’Italie est lepays qui accueille le plus de migrants parmiles pays du Sud de l’Europe, et le Danemarkle second, après la Suède, parmi les paysscandinaves. Les différentes traditions natio-nales en matière de politiques d’intégration etd’opportunités de gagner leur vie offertes auxmigrants permettent d’étudier la nature et lesformes des transferts de fonds, ainsi que leurimpact sur les économies des pays d’origine.

(iii) Le montant et la destination des trans-ferts de fonds

Les flux de transferts au Maroc sont donnéspar la figure 9. Le tableau 13b donne les résul-tats de la comparaison entre les transferts defond et les autres flux de la balance des paie-ments. Des résultats similaires sont obtenusen analysant les transferts de fonds opérés parles travailleurs migrants tunisiens (figure 10).

(iv) Les canaux choisis pour le rapatriementdes fonds

Il n’y a pas de canal spécifique ou privilégiépour les transferts de fonds. Cette situationse traduit par un besoin mal défini et insatis-fait de services bancaires et financiers de lapart des migrants. Les services financiers etpostaux des deux pays, en particulier enItalie, sous-estiment le potentiel de ce seg-ment de marché. Les « coûts detransaction » sont donc relativement élevéset, souvent, les transferts de fonds s’opèrentvia des canaux informels ou en recourrant àdes services coûteux, comme ceux offertspar la Western Union. Seul le Maroc a établi,via ses banques, un système spécifique pour

L’objet de cette recherche est d’explorer lesnouveaux liens économiques et financiers tis-sés par les migrants entre deux pays euro-péens (Danemark et Italie) et deux pays par-tenaires (Maroc et Tunisie), et d’analyser lesdifficultés et les opportunités créées. Les tra-vaux se sont donc attachés à analyser (i) lacomposition des flux migratoires, (ii) leur ori-gine et destination, (iii) le montant et la des-tination des revenus rapatriés, (iv) lescanaux choisis pour le transfert financier,(v) l’usage des fonds dans les pays receveurset les différents types d’« investissement »,(vi) le rôle des transferts de fonds dans ledéveloppement local et, enfin, (vii) les ensei-gnements possibles pour les politiques euro-méditerranéennes.

(i) La composition des flux migratoires

Il est bien établi qu’une minorité de la popu-lation des pays défavorisés est concernée parl’émigration. La composition des flux d’émi-gration des pays concernés par cetterecherche démontre que les migrants sontprincipalement des hommes issus de la clas-se moyenne, généralement qualifiés. Parlerde « fuite des cerveaux » est donc appropriéquand on se penche sur l’impact de l’émigra-tion sur le potentiel intellectuel et techniquedu pays d’origine. Parfois, le départ dumigrant est encouragé par toute la famille etles amis. Il est perçu comme un investisse-ment familial, destiné à accroître les res-sources et améliorer les conditions de vie.C’est pourquoi les migrants conservent desliens étroits avec leurs familles et amis restésau pays d’origine, qui se traduisent par destransferts de fonds vers le pays d’origine.

(ii) L’origine et la destination desflux migratoires

Les deux pays retenus, le Maroc et laTunisie, appartiennent au Maghreb.Leur comportement migratoire secaractérise par une forte propensionà émigrer vers la France en priorité,puis vers d’autres pays européens,comme l’Allemagne, l’Espagne,l’Italie et les pays scandinaves. Lesdeux pays européens choisis pourcette étude, l’Italie et le Danemark,

Table 13b : Comparaison des transferts des travailleurs avec d’autres flux de labalance des paiements, en millions de dirhams marocains.

1998 1999 2000 2001 2002Phosphates et dérivés 12 573 13 346 12 924 13 238 13 908Transferts de fonds 19 311 19 002 22 962 36 858 35 513Voyages et tourisme 16 754 19 112 21 666 29 196 24 702IDE 5 433 18 460 12 640 33 260 6 206

Source : http://www.oc.gov.ma/MRE_annees.htm

Tableau 13a : Transferts des travailleurs vers les 10premiers pays en développement receveurs

Inde 10,0 Tonga 37,3Mexique 9,9 Lesotho 25,5Philippines 6,4 Jordanie 22,0Maroc 3,3 Albanie 17,0Egypte 2,9 Nicaragua 16,2Turquie 2,3 Rep. du Yemen 16,1Liban 2,3 Moldavie 15,0Bangladesh 2,2 Liban 13,8Jordanie 2,0 Salavador 13,8Rép. Dominicaine 2,0 Cap Vert 13,6

Maroc (13ème) 9,7

En millions de $ US En pourcentage du PIB

Source : Banque Mondiale, 2003

-81-

le transfert de fonds. Les informations obte-nues montrent que les transferts proviennentdes banques, pour le Danemark, et de laWestern Union, pour l’Italie.

(v) Le rôle des migrants dans le pays d’origine

Les populations émigrées assurent différentsrôles économiques dans leur pays d’origine,par les transferts de fonds, mais égalementpar d’autres formes d’engagement écono-mique, en tant que : √ investisseurs dans des projets de petites

et moyennes entreprises locales ;√ consommateurs de marchandises en pro-

venance du pays d’origine ;√ consommateurs de services de transport,

tourisme et communication ;

√ promoteurs d’initiatives sociales ;√ sources de revenus supplémentaires pour

leur famille.

L’usage des transferts de fonds dans les paysreceveurs et les différentes formes de l’in-vestissement sont :√ la construction ou extension de résidences

d’habitation ;√ la consommation de productions locales

ou importées ;√ le remboursement des dettes ;√ la construction de résidences secondaires

dans des zones touristiques (pour se logerlors des vacances, mais également pour lalocation touristique) ;

√ l’investissement dans de petites entre-prises, principalement dans les services

Figure 9 : Flux de transferts des travailleurs au Maroc entre 1980 et 2002, en mil-lions de dihrams marocains.

0

3000

6000

9000

12000

15000

18000

21000

24000

27000

30000

33000

36000

39000

19801981

19821983

19841985

19861987

19881989

19901991

19921993

19941995

19961997

19981999

20002001

2002

Source : Office de Changes, http://www.oc.gov.ma/MRE_annees.htm

Figure 10 : Transferts des travailleurs tunisiens, 1976-2001, recettes de la balancedes paiements (dollars courants)

0

100.000.000

200.000.000

300.000.000

400.000.000

500.000.000

600.000.000

700.000.000

800.000.000

900.000.000

1.000.000.000

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Source : Elaboration propre à partir de la Banque Centrale de Tunisie, balance des paiements de laTunisie 2001.

-82-

(en fonction des conditions dans le paysd’accueil) ;

√ l’éducation ;√ le développement de la communauté.

(vi) Les mécanismes et facteurs socio-écono-miques des transferts de fonds

Le résultat d’entretiens auprès deMarocains vivant au Danemark depuis plu-sieurs années (si possible toute leur vie)démontre la persistance d’une visionromantique du retour au Maroc et le main-tien de liens, sentimentaux et culturels,relativement forts avec le pays d’origine.Cependant, après qu’ils soient retournéspour quelques mois dans leur pays d’origi-ne, ils reviennent au Danemark où la vieest généralement plus facile et où beau-coup d’entre eux ont tissé de nouveauxliens amicaux et familiaux.

Quelques-unes des personnes interviewéestrouvent difficile et peu intéressant d’inves-tir au Maroc, en raison d’un systèmebureaucratique lent et d’un manque géné-ralisé de transparence. On retrouve desjugements identiques concernant laTunisie. Selon les sondés, les tentativesd’investissement dans divers domaines ontéchoué en raison du poids de la bureaucra-tie et d’un « climat » des investissementspeu propice.

Le rôle des banques, en tant que fournisseurd’informations aux nationaux vivant àl’étranger, est toujours perçu comme tropfaible et inefficace. Cependant, l’ensembledes personnes interviewées partage l’idéeselon laquelle elles pourraient envisager d’in-vestir dans leurs pays d’origine, si elles dis-posaient des informations nécessaires et sielles étaient incitées à le faire.

Figure 11 : Le cycle des transferts et les acteurs

EXPEDITEURdans le pays

d'accueil

INTERMÉDIAIRES DE TRANSFERTS DE FONDS

(Western Union, Banques,canaux informels)

MENAGE

dans le paysd'origine

1

3

2

Flux retournant vers le paysd'accueil des migrants, sousforme de biens importés

1

Associations dansla ville natale

Fournitured'assistance

Participation du gouvernementau travers d'incitations

Figure 12 : Deux hypothèses pour la prévision des flux de transferts des tra-vailleurs

Stage ofmigratoryproject

Amountofmoney

remitted

initial final

higher

lower

Remittancestrendflow from migrantcommunitiesin countriesof recentimmigration

Stage ofmigratory

project

Amount ofmoney

remitted

initial final

higher

lower

Remittances trend - flow from migrant communities in countries of oldimmigration

Tendance des flux de revenus des communautés de migrants dansles pays d’immigration ancienne

Tendance des flux de revenus des communautés de migrants dansles pays d’immigrations récente

MontantTransféré

MontantTransféré

Plus élevéPlus élevé

Moins élevé Moins élevé

Etape duprojet demigration

Etape duprojet demigration

Initial Final Initial Final

-83-

La situation en Italie est plus complexe ethétérogène, en raison de la grande diversitédes situations économiques et sociales destravailleurs étrangers. Il existe un groupeimportant de travailleurs immigrés faible-ment intégré à la société italienne, occupantdes emplois précaires et irréguliers, et dontla famille proche est généralement restée enTunisie. La très grande précarité de l’emploiet du projet lié à la migration accroît l’impor-tance de la gestion de l’épargne et de sontransfert partiel vers le pays d’origine.Paradoxalement, la situation qui conduit lesmigrants à vivre et travailler dans une zonerestreinte produit une communauté relative-ment conséquente et unie.

Malgré l’irrégularité et la faiblesse relative durevenu moyen, les transferts de fonds sontimportants. Ceci s’explique en partie par lasolidité des liens avec le pays d’origine, qui jus-tifie une fréquence et une régularité plusimportantes des transferts de fonds. Ainsi, lesfonds transférés représentent souvent une res-source essentielle à la couverture des besoinsalimentaires de la famille restée au pays.

De ce fait, la prévision des flux de transfertsde fonds est un élément crucial du processusd’élaboration des politiques économiques etde la définition des instruments et mesuresnécessaires à leur mise en œuvre, afin degarantir leur impact positif sur le développe-ment local.

Si les immigrés poursuivent un projet migra-toire visant à une installation définitive dansle pays d’accueil, les transferts de fondsdevraient se réduire très rapidement (si lespolitiques et les flux migratoires sont restric-tifs). Au contraire, dans les pays d’immigra-tion ancienne, où le projet migratoire étaitconçu comme temporaire (alors que lesmigrants sont restés dans le pays d’accueil),les transferts de fonds se sont accrus avec levieillissement de ceux qui envisageaient leretour au pays une fois retraités.

Ces hypothèses sont très préliminaires,puisque l’échantillon des interviewés n’estpas représentatif, et qu’elles doivent êtretestées au niveau macro-économique.Cependant, elles offrent des indications inté-ressantes sur le besoin d’analyser et de pré-voir les évolutions des transferts de fonds.

(vii) Les possibles enseignements pour lespolitiques euro-méditerranéennes

Les thèmes d’intervention clefs dans le cadredu partenariat euro-méditerranéen peuventêtre identifiés.

La société civile :√ faciliter la reproduction de bonnes pra-

tiques dans le transfert et l’utilisation desfonds pour le développement local ;

√ développer au sein de l’Union Européennedes cadres de coopération décentralisée,disposant de lignes budgétaires se focali-sant en particulier sur une implication plusforte de la société civile, du pays émet-teur comme receveur, dans la promotionet la mise en œuvre de projets de déve-loppement.

Les investissements :√ faciliter la création de cadres d’investisse-

ment pour stimuler les activités de déve-loppement local (effet multiplicateur),comme des coopératives modernes, danslesquelles les migrants peuvent jouer unrôle même s’ils demeurent dans leur paysd’accueil ;

√ établir des partenariats entre les gouver-nements des pays receveurs et émetteurspour canaliser les transferts de fonds versles activités productives créatrices d’em-plois comme l’aide au transfert de techno-logies, ou encore la levée des droits dedouanes sur les biens d’équipementsimportés ;

√ créer des structures de co-développementéconomique en facilitant l’élaboration deprojets réunissant des entrepreneurseuropéens et des migrants ;

√ accroître les flux d’informations sur lesopportunités d’investissement.

Le développement des aptitudes :√ offrir des possibilités de développement

des capacités entrepreuneuriales desmigrants, afin de faciliter l’investissementdans des activités productives ;

√ créer des établissements de formationprofessionnelle, en Europe et dans les PM,afin d’accroître et d’améliorer les compé-tences entrepreuneuriales des jeunesmigrants et de rafraîchir celle desmigrants plus anciens, pour augmenter laprobabilité d’investir et son succès dans lepays d’origine ;

√ multiplier les possibilités d’orienter lesfonds vers des projets de développementde la communauté (appui à la société civi-le locale).

Les mécanismes de transfert :√ réduire les coûts de transaction en intro-

duisant de nouvelles modalités de trans-ferts de fonds (« cash exchange ») encoopération avec l’Union Européenne etles banques méditerranéennes ;

√ développer des produits financiers etd’épargne-retraite pour accroître et amé-

-84-

liorer les possibilités de retour au paysd’origine après le départ en retraite ;

√ améliorer les marchés de transfert defonds (que les mécanismes soient publicsou privés) en réduisant les pertes, lescoûts et les barrières.

(viii) Les enseignements possibles pour faci-liter le transfert et l’utilisation des fonds

Étant donnée l’importance des transferts defonds, les acteurs gouvernementaux et pri-vés doivent développer une nouvelleapproche de la gestion et de l’orientation dela modernisation du système financier et deses instruments pour promouvoir les inves-tissements et le développement du pays. Lesactions à mettre en œuvre portent sur deuxprincipaux domaines d’intervention :

√ améliorer le fonctionnement du secteurfinancier grâce à :

1) la promotion d’une nouvelle politique dusystème bancaire à l’égard des migrants etde leur famille restée au pays ;2) la promotion de partenariats stratégiquesentre les systèmes bancaires et les institu-tions financières du nord et du sud de laMéditerranée ;3) accroître la rapidité des procédures admi-nistratives qui empêchent les migrants d’ac-céder facilement au secteur bancaire de leurpays de résidence (et l’accès de leur familleaux banques de leur pays d’origine) ; 4) essayer de favoriser l’implantation decentres bancaires à bas coûts dans les zonesoù vivent de nombreuses familles bénéfi-ciaires de fonds rapatriés par les émigrés ;5) dans les pays d’origine, obtenir l’engage-ment des banques, des institutions finan-cières (y compris les entreprises de micro-finance et de crédit) et des ministèresconcernés à parvenir à des accords interna-tionaux avec leurs homologues des paysd’accueil, afin d’intégrer les systèmes finan-ciers et d’offrir aux migrants un service com-pétitif, en forgeant des relations de confian-ce réciproque.

√ améliorer la capacité des receveurs àoptimiser l’utilisation des fonds transfé-rés, par :

1) la promotion, dans la ville d’origine, desassociations comme entités autonomes,orientées vers la coordination entre les acti-vités d’aide au développement internatio-nales et l’utilisation collective et productivedes transferts de fonds ;2) le développement, dans les pays d’émi-gration, d’une société civile indépendante,

capable d’interagir effectivement avec le sys-tème financier et les institutions, locales etnationales, en charge du développementlocal ;3) la création de synergies, dans les paysd’accueil, entre le système financier local, lesassociations d’immigrés, les ONG, les gou-vernements locaux et la coopération décen-tralisée, pour créer des mécanismes enmesure d’orienter les fonds rapatriés vers ledéveloppement local des zonesd’émigration ;4) l’utilisation de toutes les opportunitésoffertes par les activités du CSR dans denombreuses banques des pays développés,afin de financer des projets pilotes pourexpérimenter de nouvelles offres d’épargneet de crédit, correspondant aux besoins destravailleurs immigrés ;5) l’implication d’acteurs de la coopérationinternationale pour le développement,comme catalyseurs des engagements detous les acteurs de l’utilisation des fondstransférés pour le développement, en parti-culier les associations de la ville d’origine(offre d’assistance technique, appui à desréseaux Internet internationaux, diffusion deconnaissances sur les services financiers) ;6) la promotion de la collaboration et despartenariats, dans les zones d’émigration,entre les ONG, les institutions locales, lesentreprises de micro-finance et le systèmefinancier formel pour répondre aux besoinsfinanciers des populations qui bénéficient destransferts de fonds.

-85-

3. Les investissements directs étrangers

dans les PM

La vague récente de globalisation s’est tra-

duite par une intégration croissante des éco-

nomies dans le commerce international et

des mouvements de capitaux qui ont atteint

des niveaux sans précédent. En 1970, les

échanges de biens et services représentaient

27% du PIB mondial. En 2001, le rapport a

plus que doublé, atteignant 58%. Une évolu-

tion similaire est perceptible dans les flux de

FDI qui sont passés de 0,5% du PIB mondial

en 1970 à 2,2% en 2001.

Les tendances changeantes du commerce et

de l'investissement, l’apparition et la dispari-

tion d’industries au sein de nations et de

régions, et les avancées révolutionnaires des

technologies de l'information et de la com-

munication ont ajouté de nouvelles dimen-

sions au concept toujours renouvelé de

« compétitivité ». Ces développements pré-

sentent, pour les PM, des défis formidables,

mais également des opportunités d'accélérer

le rythme de leur intégration dans l’économie

mondiale. Un défi fondamental, à cet égard,

est de passer d’un modèle de croissance et

de développement fondé sur des industries

extractives exploitant des ressources natu-

relles à un modèle fondé sur des activités

propices à l’acquisition de gains de producti-

vité et à la réalisation d’innovations via une

utilisation optimale des technologies, des

qualifications, et des pratiques modernes en

matière d'organisation (ERF, 2000). Les IDE

sont essentiels pour atteindre cet objectif

étant donnés les faibles taux de formation de

capital dans les PM et Les besoins en techno-

logies avancées.

Cependant, les flux d’IDE vers les PM sont

très modestes par rapport à d'autres régions

en voie de développement et au potentiel de

Figure 13 : Part des économies en développement dans le total des IDE, par région

17%

34%

23%

2%3%2%2%2%2% 2%

20%

15%

0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

35%

1991-1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

PM Amérique Latine et Caraïbe Europe Centrale et de l'Est Afrique Asie

34%

25%

Source : UNCTAD 2003

-86-

la région qui ne s’est pas encore réalisé.

Pendant la période 1990-1995, les PM ont

attiré une moyenne de 2 894 millions de dol-

lars US d’IDE ; en 2003, les entrées d’IDE

atteignaient 8 307 millions de dollars US.

Cependant ceci représente une part négli-

geable du total des entrées d’IDE dont béné-

ficient les pays en développement (figure 13).

Pendant les années 90, la part des PM dans le

total des IDE vers les pays en développement

se montait à 1,8%, une des plus basse au

monde. Non seulement, les PM ont donc la

part la plus faible des entrées d’IDE vers les

pays en développement, mais celle-ci souffre

d’une volatilité récurrente (au niveau des

pays), selon les fluctuations des prix du

pétrole (qui affectent les apports d’IDE dans

le secteur de l'énergie), le degré de stabilité

politique et les progrès des privatisations de

chaque économie.

En évaluant l'impact économique des IDE

qu’attirent actuellement les PM, les indica-

teurs traditionnels, tels que l'importance des

apports relativement à la taille de l'économie

bénéficiaire et leur contribution à la forma-

tion de capital, sont également modestes en

termes relatifs. Excepté la Jordanie, les

apports d’IDE (en % du PIB) sont en général

inférieurs à 2%, ce qui est peu comparé au

groupe des pays d’Europe de l'Est,

d’Amérique latine et d’Asie de l'Est, qui sont

des destinations privilégiées des IDE et qui

sont utilisés comme groupe témoin. En

termes de stock d’IDE, à l’exception de la

Tunisie (66% du PIB), ceux-ci représentent

10 à 25% du PIB des PM. Les résultats des

PM sont d’ailleurs décevants relativement à

ceux de la plupart des pays en développe-

ment (tableau 14).

L’examen des apports d’IDE en pourcentage

de la formation brute de capital fixe

débouche sur le même type de conclusion.

Ce rapport va de 1,3% pour la Syrie à 16,7%

pour la Jordanie. Dans le groupe témoin,

celui-ci est généralement plus élevé allant de

2,7% pour l’Inde à 30% dans la République

Tchèque (figure 14).

Bien que l'UE soit le principal partenaire

commercial de la plupart des PM, leur part

dans les IDE européens investis en dehors

de l'Union est très modeste comparée à

Tableau 14 : Stock d'IDE (% du PIB)

1980 1985 1990 1995 2000 2001 2002Algérie 3,1 2,2 2,2 3,5 6,4 8,5 10,5Egypte 9,9 16,4 25,6 24,4 20,1 20,4 24,3Jordanie 3,9 9,6 15,3 9,2 26,7 26,7 26Liban 0,5 1,5 1,9 1,2 6,8 8,2 9,4Syrie .. 0,2 3 8 9,5 9,8 9,6Tunisie 38,2 58,5 62 61 59,3 58,4 66,2Maroc 1 3,4 3,5 9,2 20,3 28 26,9Brésil 7,4 11,5 8 6 33,2 43,1 52,1Chine 3,2 14,1 33,2 23,8 60 67,3 69,7Chili 3,1 3,4 7 19,6 32,3 33,2 36,2Rép. Tchèque .. .. 3,9 14,1 42,1 47,4 54,8Hongrie .. 0,2 1,7 26,7 42,5 45,4 38,2Inde 0,6 0,5 0,5 1,6 4,1 4,6 5,1Malaisie 20,7 23,3 23,4 32,3 58,6 60,5 59,4Mexique 3,6 10,2 8,5 14,4 16,8 22,5 24Pologne .. .. 0,2 6,2 21,7 22,4 23,9Afrique du Sud 20,5 15,8 8,1 10 37,1 44 48,7Source : UNCTAD (2003)

-87-

d'autres régions en voie de développement.

Sur la période 1994-2002, 0,7% du total

des flux d’IDE extra-UE se sont dirigés vers

les PM, contre 7,7% vers les pays en voie

d’adhésion, 8,3% vers les pays de Mercosur,

2,8% vers les NPI d’Asie, et 0,8% vers les

Etats du Golfe (figure 15). En outre, en

termes de stocks européens d’IDE, la part des

PM pour 2001 s'est élevée à 0,7%, ce qui est

considérablement inférieur aux pays ancienne-

ment candidats, aux pays du Mercosur, et aux

NPI asiatiques dont les parts étaient respecti-

vement de 5,7%, 7,2%, et 4,4% (figure 16).

Les parts modestes des PM dans les IDE euro-

Figure 14 : Les flux d'IDE, moyenne 1991-2002 (en % de la formation de capitalbrut)

16,713,2

11,2

5,7

5,44,5

3,71,3

2,711,1

11,9

14,414,9

15,5

18,919,7

26,3

30,0

0,0 5,0 10,0 15,0 20,0 25,0 30,0 35,0

JordanieMaroc

TunisieLiban

Egypte

AlgérieTurquie

Syrie

IndeAfrique du Sud

Chine

MexiqueMalaisie

PologneBrésil

Hongrie

ChiliRep.Tchèque

Source : UNCTAD 2003

Figure 15 : Destination des flux européens d’IDE par zones géographiques (% dutotal des flux d’IDE extra-communautaires)

-1%

2%

4%

6%

8%

10%

12%

14%

16%

18%

20%

Pays anciennementcandidats

Pays du Mercosur PM Nouveaux Pays Industrialisés d'Asie

Pays Arabes du Golfe

Moyenne 94-98

1999

2000

2001

2002

Source : Eurostat

-88-

péens, comparativement aux pays d’Amérique

latine et d’Asie de l'Est, sont symptomatiques

de l'incapacité des PM à profiter de leur proxi-

mité géographique et de leurs liens commer-

ciaux historiques avec l'Europe, pour attirer les

compagnies européennes cherchant à délocali-

ser ou externaliser leurs opérations.

Ces performances sont en contradiction avec le

fait que les investissements européens en IDE

dans les PM ont été plutôt rentables ces der-

nières années relativement à d'autres régions

(figure 17). Ceci suggère que, dans un avenir

proche, les PM pourraient recevoir des flux plus

larges d’IDE de l'Europe. Cependant, seule une

amélioration des réformes, de nature à aug-

menter la compétitivité de l’environnement des

affaires au sud, pourrait permettre d’atteindre

cet objectif. De plus, la situation sécuritaire

détériorée ne devrait pas être sous-estimée en

tant que facteur de découragement des inves-

tissements potentiels (particulièrement dans

les pays du Mashrek). Les rendements des

investissements sous forme d’IDE de l’UE ont

été plus importants dans les PM relativement à

d'autres régions, tout comme le sont malheu-

reusement les risques impliqués par l'incertitu-

de entourant la future situation de sécurité

dans le Moyen-Orient. Il se pourrait donc que

le rendement corrigé par le risque encouru soit

au final inférieur à ceux enregistrés dans

d’autres régions en développement.

Cependant, un consensus de plus en plus large

apparaît, selon lequel continuer les réformes

structurelles et institutionnelles dans les PM est

susceptible d'aider à attirer plus d’IDE euro-

péens et non-européens, même dans les

conditions actuelles.

L’environnement des affaires empêche les

PM de tirer parti de leur capacité potentielle

à attirer les IDE

L'analyse des facteurs pesant sur l'attractivi-

té des PM envers les IDE a été un important

Figure 16 : Répartition géographique des stocks d’IDE européens 1995-2001 (en% du total des flux d’IDE extra-UE)

0

2

4

6

8

Pays anciennement

candidats

Pays du Mercosur PM Pays Arabes

du Golfe

1995

2001

Nouveaux Pays

Industrialisés d'Asie

Source : Eurostat

Figure 17 : Rentabilité des IDE euro-péens 1999-2002 (%)

-12 -8 -4 0 4 8 12 16 20 24 28 32 36 40

Extra-UE-15

Pays ex-candidats

Maghreb

Mashrek

Maroc

Egypte

Israël

Chypre

Malte

Turquie2002

2001

2000

1999

Source : Eurostat.

-89-

sujet de recherche ces dernières années. Les

chercheurs ont donné trois interprétations

distinctes au fait que la capacité des PM à

attirer les IDE a sensiblement été surpassée

par d’autres régions du monde : les imper-

fections de la politique économique, les

contraintes issues de l'environnement des

affaires et l’insuffisance des infrastructures

nécessaires à la mise en place d’une écono-

mie basée sur la connaissance.

En ce qui concerne les imperfections du

cadre global de politique économique, la len-

teur des privatisations a empêché de réussir

la transition vers une économie de marché,

véritablement libéralisée, dans la plupart des

PM. Le secteur public domine toujours l'acti-

vité économique, exerce un effet d’éviction

sur le secteur privé dans plusieurs domaines

d’activité (dans l'industrie et les services) et

concurrence également fortement le secteur

privé pour ce qui est de l’allocation des res-

sources financières. Etant donnée la part

limitée des activités qui relèvent du secteur

privé, celui-ci a encore été découragé par

une gouvernance plutôt mauvaise, qui a aug-

menté l'incertitude sur les futures politiques

économiques, en raison de l’absence des

mécanismes institutionnels qui sont à la base

d’une définition transparente de la politique

économique et des principes de responsabili-

sation. En outre, le rythme lent de la diversi-

fication dans les PM dépendants de l’exploi-

tation du pétrole, par exemple l'Algérie et

l'Egypte, a engendré une forte focalisation

des IDE dans le secteur de l'énergie, qui a

pourtant une capacité limitée à absorber l'in-

vestissement étranger. En conclusion, la pré-

sence de restrictions d'accès à ces fonds pour

certains secteurs a contribué à détourner les

ressources considérables d’IDE existantes

vers d'autres régions en développement.

Quant aux contraintes issues de l'environne-

ment des affaires, la régulation sous-optimale

Flux d’IDE dans la région MENA : Uneanalyse empirique de leurs détermi-nants et de leur impact sur le dévelop-pement

Dirigée par l’Université Libre deBruxelles, Belgique

L’étude se divise en trois parties dont l’ob-jectif est de déterminer les facteurs influen-çant les IDE et certaines de leurs consé-quences sur le développement.

Une première partie traite de l’importancerelative de la libéralisation commerciale etdes changes, des infrastructures existanteset de la stabilité économique et politiquedans l’attractivité des IDE dans les pays duMoyen-Orient et d’Afrique du Nord. L’analyseconsidère le total des IDE et les IDE se diri-geant vers le secteur manufacturier. Lesrésultats montrent que la libéralisation com-merciale et des changes, les infrastructureset un environnement politique et économiquesains accroissent les entrées d’IDE. Leurimpact est encore plus fort sur les IDE dusecteur manufacturier. Ce résultat n’est pasmodifié par l’utilisation de différents indica-teurs de libéralisation commerciale et deschanges et par un changement dans la spé-cification du modèle.

Cette analyse confirme donc l’argumentselon lequel les faibles performances entermes d’entrées d’IDE de la région sont lar-gement dues à la lenteur des réformes éco-nomiques, qui sont insuffisantes en regardde celles menées par des pays d’Asie de l’Estet d’Amérique latine qui ont connu un certainsuccès. En fait, le déficit des réformes est unréel obstacle pour les investisseurs étran-gers, dont la participation aurait pu êtredeux fois plus importante si les pays deMENA avaient atteint, dans les années 1990,un niveau de libéralisation comparable aveccelui de l’Asie de l’Est. Cet impact est nette-ment plus fort pour ce qui est des IDE versle secteur manufacturier. L’étude aboutit àdes conclusions similaires pour ce qui est dela qualité de la gouvernance et de la dispo-nibilité d’infrastructures physiques. L’écartentre la région MENA et l’Asie de l’Est pourchacun de ces facteurs a engendré desmanques à gagner de 2,2% et 1,3% entermes de flux d’IDE rapportés au PIB pourla région.

-90-

technologies, l'effort sur la qualification dela main d'œuvre doit être accentué, plus entermes qualitatif désormais, que quantitatif.Il s'agit, pour les gouvernements locaux, dedéfinir les priorités en matière d'éducationet de formation en fonction des besoins desindustries et des ressources disponibles et,pour les partenaires européens, de renfor-cer la coopération dans le domaine de laformation.

La dernière partie examine dans quellemesure le fonctionnement des institutionsempêche une plus large participation de larégion du Moyen-Orient-Afrique du Norddans l’économie mondiale, au cours desannées 1990, en employant un large échan-tillon de pays. Elle se concentre sur l'impactsur les exportations manufacturées et l'at-tractivité pour les IDE et considère un indicede risque politique élargi, ainsi que desindices capturant des aspects spécifiques dela gouvernance (corruption, efficacité dugouvernement et les règles de loi). Les résul-tats soutiennent l'hypothèse que le fonction-nement des institutions peut gêner l’insertiondes pays de MENA dans l’économie mondia-le. Ils suggèrent que l'effet d'une améliora-tion de la qualité des institutions peut êtreune augmentation sensible des flux d’IDE etdes exportations manufacturières. Parexemple, des institutions plus efficaces auMaroc s'avèrent indispensables pouraccroître le ratio des exportations manufac-turées au PIB d’au moins la moitié de l'im-pact de la politique de libéralisation lancéevingt ans auparavant. Par conséquent, bienque les réformes institutionnelles puissentprendre du temps, elles méritent de faire lesefforts requis, étant donnés leurs résultatspotentiels comparativement à d'autresréformes.

L’enseignement que l’on peut en tirer entermes de politique économique est double.Premièrement, la libéralisation du commerceet des changes est un facteur clef de l’attrac-tivité de la région pour les IDE.Deuxièmement, les améliorations d’autresaspects du climat des investissements sontdes compléments importants de la libéralisa-tion et peuvent se traduire par une haussesensible des flux d’IDE, de l’ordre de celle quia découlée des politiques de libéralisation.

Une deuxième partie s’intéresse à la relationentre l'investissement direct étranger et laproductivité totale des facteurs des parte-naires méditerranéens. Les résultats, obte-nus à partir de données pour sept parte-naires méditerranéens de l'UE (Algérie,Egypte, Israël, Jordanie, Maroc, Tunisie,Turquie), sur la période allant de 1980 à2000, indiquent que l'IDE et le capitalhumain sont complémentaires dans l'acquisi-tion des gains de productivité. L’analyseidentifie en outre le seuil de capital humain àpartir duquel les investissements étrangersreçus génèrent des effets bénéfiques. Demanière plus générale, l'amélioration de laproductivité totale des facteurs via l'ouvertu-re internationale n’est due qu’à des effetsindirects liés aux transferts de technologies,alors que les effets directs sont négatifs.

Sur la base de ces résultats, si des mesuresfiscales visant à accroître l'attractivité globaledes IDE peuvent être prises, il faut tenircompte du fait que celles-ci sont coûteuses etqu'elles risquent de capter des ressourcespubliques pour des projets qui n'apportentpas les externalités suffisantes pour justifierleur mise en œuvre. Une action plus ciblée,en direction des industries potentiellementporteuses d’externalités positives et de trans-ferts de technologie, apparaît préférable.

Ainsi, les firmes multinationales pourraientcontribuer aux transferts de technologie, ensuivant une logique de long terme et en s’in-sérant davantage dans les économies médi-terranéennes, développant progressivementdes liens avec les fournisseurs locaux. Il estalors nécessaire que les économies localesparviennent à créer les conditions propices àde tels projets, en particulier grâce à l'amé-lioration du climat des affaires.

Par ailleurs, des capacités d'absorptionétant requises pour acquérir des nouvelles

-91-

exercée par le gouvernement et des barrières

administratives coûteuses sont les contraintes

les plus significatives pesant sur les IDE.

L'enregistrement de nouvelles entreprises a

un coût encore élevé et est en butte à la lour-

deur de la réglementation en vigueur. Les ser-

vices impliqués dans le soutien aux opérations

commerciales sont chers et inefficaces. Les

coûts de transaction sont élevés comparative-

ment aux normes internationales, résultat

direct du système de taxes et de droits de

douane en place et d’un processus long et dis-

pendieux de règlement des litiges. L’incidence

de la corruption est la conséquence prévisible

d’un environnement des affaires, dans les PM,

fortement réglementé mais mal géré. Les

droits de propriété ne sont pas clairement

définis, particulièrement ceux relatifs à la pro-

priété intellectuelle. En outre, la pratique pro-

longée d’une répression sur le développement

du secteur financier (contrôle des taux d'inté-

rêt, prêts dirigés, et niveau bas de participa-

tion du secteur privé, donc de la concurrence)

ont abouti à un sous-développement et un

manque de profondeur des marchés finan-

ciers, incapables de répondre aux besoins d’un

secteur des affaires moderne. En conclusion,

le manque de droit de la concurrence et les

faiblesses de la gouvernance d’entreprises

sont des raisons cruciales pour lesquelles les

sociétés multinationales (SM) se sont tenues à

l’écart des PM.

Troisièmement, les investissements dans

l’éducation et les capacités technologiques

ayant été longtemps négligés, les PM ne dis-

posent pas des pré-requis indispensables au

développement d’une économie fondée sur la

connaissance, qui s’accompagne d’une capa-

cité à innover considérable et qui comprend

les compétences nécessaires pour mener à

bien les opérations des SM.

Ce bref survol a souligné comment plusieurs

facteurs empêchent les PM de réaliser leur

potentiel d'attraction d’IDE. Cependant, il ne

faut pas en conclure que les réformes liées à

l’investissement marquent une halte dans

ces économies. La vérité est que le rythme

des réformes du cadre juridique de l’investis-

sement a été notablement plus lent que dans

d'autres régions du monde (Banque

Mondiale, 2003b). En outre, la stagnation de

la croissance du revenu par habitant - reflé-

tant la stagnation de la croissance de la

demande domestique - a également été un

facteur de découragement des IDE ; d’autant

que les IDE attirés par la région l’ont été

principalement par les possibilités de péné-

tration de marchés et d’évitement de tarifs.

C'est dû au fait que le cadre de la politique

d'investissement dans la région a créé un

biais anti-exportation généralisé et la struc-

ture d’incitation a favorisé le protectionnisme

et la production orientée vers le marché

interne (Sadik et Bolbol, 2000).

En comparant les performances de quatre

des PM qui ont mené des réformes (Egypte,

Jordanie, Maroc et Tunisie) à des pays

d’Amérique latine ou d’Asie et du Pacifique, il

s'avère que ces PM se sont très bien compor-

tés en matière de stabilisation macro-écono-

mique relativement à d'autres régions en

développement (Dasgupta et alii, 2002).

Malgré le succès sur le plan de la stabilisa-

tion, l'ajustement structurel, en particulier la

libéralisation commerciale et la privatisation,

a traîné, reflétant la lenteur et la faible por-

tée des réformes. Ceci est considéré comme

une des principales raisons pour lesquelles

les PM enregistrent des performances déce-

vantes dans l'attraction d’IDE, comparative-

ment à leur potentiel.

Alors que les entrées d’IDE et l'expansion du

commerce intra-industries (CII) sont habi-

tuellement corrélées, les chiffres modestes

de CII pour les PM indiquent qu'ils ont souf-

fert d’un effet dual de leur marginalisation

-92-

dans le processus d'intégration économique

global. Ils ont enregistré des faibles niveaux

de CII, bien que ce soit la partie des

échanges mondiaux qui croit le plus rapide-

ment (Banque Mondiale, 2003b). Aussi, ils

attirent peu d’IDE qui comptent, pourtant,

pour une part conséquente des mouvements

de capitaux mondiaux. La croissance du CII

permet à des pays d'approfondir leur spécia-

lisation dans des chaînes de production et

d'améliorer leur avantage concurrentiel. Le

niveau de CII est d’ailleurs considéré comme

un bon indicateur pour un pays de « sa capa-

cité à exploiter son intégration dans le com-

merce international plus complètement »

(Banque Mondiale, 2003b).

Il n’est donc pas surprenant que les PM n’aient

pas exploité plus largement le développement

du commerce lié à la sous-traitance (outward-

processing trade) et aux accords de partage de

production. Dans leurs relations commerciales

avec les pays de l'OCDE, les importations de

pièces et composants des PM sont considéra-

blement plus importantes que leurs exporta-

tions. Le rapport des importations sur les

exportations avec l'OCDE dans cette catégorie

est de 12 au Maroc contre 40 en Egypte en

2000. La Tunisie, avec un rapport particulière-

ment favorable, importe l’équivalent de trois

fois ses exportations. Cependant, sa position

est nettement en retrait en regard de celle des

pays d’Asie de l'Est et du Sud, qui enregistrent

un surplus de leur balance commerciale avec

l'OCDE pour ce poste (Banque Mondiale,

2003b). Le fait que la Tunisie et le Maroc pré-

sentent les chiffres les plus élevés d'exporta-

tions (respectivement, 105 millions de dollars

US, et 332 millions de dollars US) et, en même

temps, les ratios importations/exportations les

plus bas sont en conformité avec d’autres élé-

ments montrant que ces deux pays réussissent

mieux que d’autres PM à attirer des IDE euro-

péens liés à la sous-traitance (Hoekman et

Djankov, 1998).

Mettre en place les droits de base : un pré-

requis de la réalisation du potentiel d’attrac-

tion des IDE

Une condition préalable essentielle à l’amélio-

ration des performances en termes de crois-

sance et de création d'emploi est l’augmenta-

tion de l'investissement, qui dépend cruciale-

ment d'un environnement favorable et propi-

ce et de l’existence d’un cadre de régulation

efficace. Ainsi, se positionner sur le rythme et

le modèle de croissance nécessaires pour

créer des emplois et stimuler l'investissement

et les exportations exige d’approfondir les

réformes via l'ajustement structurel et une

réforme institutionnelle. Ceci nécessite de

s’attaquer aux contraintes pesant sur les IDE

et cela sur plusieurs fronts.

Premièrement, la redéfinition du rôle de

l'Etat, qui d'un joueur dominant, exerçant un

contrôle large, doit devenir un facilitateur et

un régulateur, est cruciale pour créer une

base solide favorisant la croissance et pour

effectuer une transition vers une économie

de marché libéralisée. Ceci pourrait se faire

au travers d’une revitalisation du processus

de privatisation et de libéralisation commer-

ciale. Ouvrir des opportunités de participa-

tion au secteur privé et éliminer les restric-

tions d’accès aux marchés qu’il supporte sont

les conditions clefs qui amplifieront l'efficaci-

té économique. Comme souligné dans la sec-

tion sur le commerce de services, la libérali-

sation des échanges de services devrait être

au coeur du processus de réforme, étant

donnés ses avantages économiques substan-

tiels, probablement supérieurs à ceux géné-

rés par la libéralisation des échanges de mar-

chandises. En outre, avoir un secteur des

services efficace aura un effet d’entraîne-

ment qui permettra d’attirer des IDE, aussi

bien dans le secteur des services que dans le

secteur manufacturier. Il est important éga-

lement de considérer la diversification

-93-

comme un moyen d'augmenter les IDE dans

des secteurs non traditionnels. Ceci peut sur-

venir grâce à des modifications de la structu-

re d’incitations en faveur de secteurs et d’in-

dustries qui ont prouvé leur capacité à sou-

tenir la concurrence.

Deuxièmement, en conformité avec le

consensus émergeant sur le rôle primordial

que les institutions et la gouvernance jouent

en tant que facteurs accroissant le potentiel

de croissance économique et les perfor-

mances effectives, il est reconnu maintenant

que les réformes structurelles seules ne sont

pas efficaces, si elles ne sont pas couplées à

des réformes institutionnelles appropriées,

qui posent les bases d’une amélioration de la

gouvernance et d’une transparence accrue

des politiques suivies. L'expérience réussie

des économies en transition d'Europe

Centrale et de l'Est indique que les réformes

légales et institutionnelles sont des condi-

tions préalables au décollage d’une économie

et à son insertion dans un chemin de crois-

sance équilibrée et soutenue (Nestor, 2001).

Créer un environnement favorisant l'investis-

sement et la croissance orientée vers l’expor-

tation exige d’aller au-delà des réductions de

taxes ou de tarifs et de se pencher sur le pro-

blème des restrictions aux frontières, au

niveau des douanes portuaires et des

contraintes issues de l’obligation de satisfaire

à certains standards de qualité, mais aussi de

barrières à l’entrée comme à la sortie pour les

firmes, de règlement des conflits, etc.

L'amélioration du climat d'investissement, en

termes de réformes juridiques et de régula-

tion, est essentielle pour que les PM devien-

nent plus attractifs pour les IDE (Page, 2003).

Troisièmement, la liste des contraintes affec-

tant l'environnement des affaires, présentée

ci-dessus, est plus ou moins le reflet des

imperfections qui caractérisent le cadre de

politique économique. Bien que la situation

des PM soit hétérogène de ce point de vue,

tous doivent rapidement approfondir les

réformes, dans différents domaines, s’ils

veulent accroître leur part dans les entrées

d’IDE vers les pays en développement.

Faciliter les procédures d'enregistrement des

sociétés, en termes de temps et de coût, est

incontournable et pourrait être réalisé grâce

à l’organisation d’un guichet unique. Cette

structure est présente dans beaucoup de PM,

mais demeure peu efficace dans la pratique.

La rationalisation des procédures douanières

et de l'administration fiscale, en se référant

aux « bonnes pratiques » internationales, est

absolument indispensable. Des réformes juri-

diques visant à imposer la protection des

droits de propriété doivent également être

adoptées. En outre, l'amélioration des méca-

nismes de règlement des litiges, par l'inter-

médiaire de la création de cours spécialisées

dans les litiges commerciaux, est urgente,

mais elle exigera que la branche judiciaire

fasse des efforts pour acquérir les compé-

tences nécessaires. Enfin, le secteur financier

ne pourra fournir les ressources requises

pour l'expansion de l'activité du secteur privé

s’il ne fait pas l’objet d’une réforme.

En conclusion, la diversification des structures

économiques et des marchés exige des inves-

tissements dans l'acquisition de connais-

sances et de moyens technologiques.

L'investissement en capital humain est crucial

et demande des réformes concertées dans les

établissements de l’enseignement supérieur,

afin de les sensibiliser aux changements des

besoins de l’économie domestique et issus de

l’insertion internationale (PNUD, 2003).

Vers un ciblage des investissements plus

précis

Etant donnée la montée de la concurrence

entre les économies pour attirer les IDE, les

-94-

autorités de promotion de l'investissement

(API) adoptent, dans le monde, des approches

originales. Le rôle des API a évolué avec la

tendance générale qui a consisté à abandon-

ner la promotion de l’économie nationale, en

tant que pôle d’attraction d’IDE de toutes

natures, pour se concentrer sur la sélection

d’investisseurs particuliers, susceptibles d’in-

vestir dans des secteurs spécifiques, une

approche connue sous le nom de « ciblage de

l’investissement » (UNCTAD, 2002).

Cette approche est considérée comme néces-

saire dans les PM. Un point de départ, qui

pourrait aider les API à adopter cette

approche dans les PM, consiste à formuler

une vision sectorielle détaillée, c’est-à-dire

identifiant les secteurs/industries qui possè-

dent un potentiel concurrentiel. Ceci peut se

faire via l’analyse des structures industrielles

et commerciales en place. La première partie

renseignera sur le degré d’intégration verti-

cale des différentes industries et sur les pos-

sibilités d’étendre les liens amont et aval

actuels, dans la perspective de dégager des

secteurs de croissance de premier plan. La

seconde partie de l’étude fournira des indices

sur les produits dont les marchés internatio-

naux sont les plus dynamiques et les occa-

sions d’attirer des IDE dans des secteurs

spécifiques produisant pour l’exportation.

Pour préciser encore le potentiel à venir de

secteurs spécifiques, il est important de com-

pléter ce type d'analyse par une surveillance

des performances et des stratégies choisies

par les firmes nationales et leurs filiales

étrangères installées dans l'économie hôte, et

de garder un oeil sur les évolutions interna-

tionales, particulièrement en ce qui concerne

les avancées technologiques et les comporte-

ments de délocalisation des sociétés.

Puisque les API dans le monde entier utili-

sent cette approche dans leurs stratégies de

promotion des IDE, il est important que les

PM réorientent les stratégies de leurs API

dans cette direction et affectent davantage

de ressources à de telles activités, étant

donnés les bénéfices qu’elles pourraient

générer. Les investisseurs européens

devraient être la cible principale, car des

liens commerciaux et d’affaire forts existent

déjà entre l'UE et les PM, liens qui devraient

se renforcer dans le cadre du partenariat

euro-méditerranéen. Enfin, les API doivent

également être attentives aux flux crois-

sants d’IDE entre pays arabes, certains

ayant des réserves d’épargne qui ne trou-

vent pas à s’investir en Europe ou aux

Etats-Unis.

V- Les échanges commerciaux avec

l’Europe élargie : une ouverture qui

n’est pas garante du développement et

qui modifie les structures industrielles

Les performances économiques relative-

ment médiocres des PM au cours de la der-

nière décennie, alors que ces pays s’ou-

vrent de plus en plus largement sur l’inter-

national, nous portent à nous interroger sur

la nature de la relation entre ouverture et

performances. Si l’on suit les apports des

théories du commerce international, les

pays dont la participation aux échanges

internationaux est intense devraient obtenir

des gains importants en terme de croissan-

ce, de développement, de réduction de la

pauvreté. Or, face à ce corpus théorique en

faveur de la libéralisation commerciale, de

plus en plus d’études remettent en question

la relation causale ouverture – croissan-

ce/développement. Dès 1993, l’OCDE,

posait la question du sens de la relation «

croissance poussée par les échanges » ou «

échanges poussés par la croissance ». Les

récents travaux de la CNUCED (CNUCED,

2004) proposent une méthodologie d’analy-

se des problèmes qui lie la participation des

-95-

pays en développement aux échanges inter-

nationaux, au développement et à la réduc-

tion de la pauvreté. Cette approche repose

non pas sur une perspective commerciale,

trop réductrice, mais étudie le rôle des

échanges commerciaux dans les processus

de développement.

L’intégration des pays méditerranéens aux

échanges mondiaux, dans le cadre des

accords régionaux avec l’UE, repose sur des

spécialisations liées à la nature de leurs

avantages comparatifs. La question est de

comprendre si ces formes de spécialisations

sont porteuses en termes de croissance, de

compétitivité et de dynamisme industriel.

Les formes de complémentarités qui fon-

dent les échanges entre l’UE et ses parte-

naires méditerranéens reposent-elles sur un

« effet de zone » qui, idéalement, permet-

trait de compenser le déficit commercial

avec le partenaire privilégié, source d’indus-

trialisation, par un solde commercial positif

avec l’extérieur, qui dégagerait des res-

sources en devises.

Il est clair, quand on observe les perfor-

mances des PM au niveau international et

que l’on analyse la nature de leur spéciali-

sation que, face au point de vue théorique

qui suggère qu’une économie en développe-

ment peut restructurer son système indus-

triel à partir des avantages fondés sur une

croissance de ses exportations, les pays

méditerranéens opposent des points de blo-

cages qui ne permettent pas au processus

d’opérer au sein du système.

La croissance des exportations doit être

connectée aux mécanismes principaux de la

croissance économique. Pour que les

échanges internationaux jouent un rôle clé

par rapport au développement d’un pays, il

faut qu’ils participent à améliorer ses capaci-

tés de production.

Ainsi, la croissance des exportations doit per-

mettre :

√ d’augmenter la taille des marchés

internationaux et de bénéficier des écono-

mies d’échelle ;

√ d’obtenir les devises qui permettent

d’importer des biens d’équipements que les

PED ne produisent pas ;

√ mais aussi, de développer les capaci-

tés de production nationales en (i) intégrant

les compétences techniques, technologiques,

managériales et organisationnelles acquises

à partir des importations ou à partir de la

participation à des réseaux de production

internationaux, (ii) en augmentant le niveau

de création nationale de valeur ajoutée par

des réallocations de ressources productives

vers des secteurs plus porteurs.

Dès lors, les prix unitaires des produits

exportés baissent, les capacités de produc-

tion augmentent (à partir d’une amélioration

des capacités technologiques et des compé-

tences) et les niveaux de productivité pro-

gressent. L’ensemble de ces facteurs conver-

ge pour améliorer la compétitivité internatio-

nale du pays, mais pousse parallèlement le

pays dans la voie de la spécialisation. De

plus, ces processus stimulent les investisse-

ments nationaux et les apports de capitaux

étrangers et permettent au système produc-

tif d’être plus efficace et de créer plus de

valeur ajoutée. Dans le même temps, l’em-

ploi augmente de même que les salaires, ce

qui influence positivement la demande

domestique. Les importations jouent égale-

ment un rôle clef dans l’acquisition de tech-

nologies à condition que les pays se dotent

des structures de compétence qui permet-

tent au contenu technologique des biens

importés de se réaliser dans une structure de

compétence nationale.

Il est clair que les formes de spécialisation

sur lesquelles repose l’insertion internationa-

-96-

le des PM ne permettent pas de valoriser

l’ensemble des potentialités qu’offre l’ouver-

ture aux échanges internationaux.

Au vu de leur situation extérieure, les PM

sont contraints de conjuguer 3 impératifs.

√ Contrôler les processus de spécialisa-

tion tout en diversifiant leurs exportations.

Face au libre jeu du marché qui oriente les PM

vers une spécialisation de plus en plus fine

sur des segments de production qui leur per-

mettent d’obtenir des entrées de devises, les

politiques institutionnelles doivent susciter le

développement de secteurs d’exportation

dynamiques. Le risque est qu’ils s’enferment

dans des « enclave-led growth » (Cnuced,

2004), solution de court terme mais qui ne

résout pas les problèmes d’investissement,

d’épargne et de demande interne.

√ Lutter contre la vulnérabilité et l’in-

stabilité des importations et des exporta-

tions. Outre l’instabilité liée aux aléas clima-

tiques ou aux variations des prix internatio-

naux des matières premières, les PM doivent

réduire celle issue de leur type de spécialisa-

tion. L’utilisation des capacités de production

dépend fortement des importations de biens

d’équipement et de biens intermédiaires,

quand ils sont intégrés à des réseaux de

fragmentation internationaux. Les restric-

tions dues à une impossibilité à importer en

quantités suffisantes pour la pleine utilisation

des capacités de production peuvent avoir

pour conséquence le sous-emploi du travail,

du capital et des ressources dans l’ensemble

des secteurs et plus particulièrement ceux

qui dépendent des importations.

√ Obtenir des gains de productivité sans

baisser le niveau d’emploi, en jouant par

conséquent sur les montées en gamme et l’ac-

quisition de compétences et de technologies.

1. Une situation internationale des PM tou-

jours fragile

Une situation déficitaire qui perdure

Globalement, la situation des PM reste large-

ment déficitaire bien que leur situation vis-à-

vis de l’UE s’améliore depuis le milieu de la

décennie 90, (de -24,5 milliards en 1995 à –

13 milliards de dollars en 2002), et que le

déficit reste stable avec le reste monde

autour de 21 milliards de dollars en 2002. La

figure 18 montre :

√ que les PM sont dans une situation

déficitaire quelque soit le partenaire et que l’an-

née 2002 enregistre une aggravation de la

situation après les restrictions des importations

(surtout du fait de la Turquie) opérées en 2001.

La Jordanie et la Syrie ont particulièrement

développé leurs exportations en fin de période,

√ que si l’on ne tient compte que des

produits manufacturés, on constate nette-

Figure 18 : Les soldes commerciaux des PM avec l’UE et avec le reste du monde,produits manufacturés (gauche) et tous produits (droite)

Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée

-30 000

-25 000

-20 000

-15 000

-10 000

-5 000

1990 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

UE

RdM

-40 000

-35 000

-30 000

-25 000

-20 000

-15 000

-10 000

-5 000

1990 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

RDM

UE

-97-

ment que le déficit commercial avec l’UE se

creuse sur ce type de biens alors qu’il tend à

s’équilibrer avec le reste du monde (RdM).

Le déficit global s’explique facilement (i) par

une augmentation des importations, que ce

soit du RdM ou de l’UE, et (ii) par une haus-

se des importations de biens manufacturés

issues de l’UE.

Cependant, cette analyse globale doit être

modulée selon les pays.

Quand on compare les situations déficitaires

des pays méditerranéens entre 1995 et

2002, on constate que la plupart ont enregis-

tré une amélioration de leur situation avec

l’UE. Pour certains PM, ce phénomène s’est

accompagné d’une aggravation du déficit des

échanges avec le reste du monde, c’est le cas

du Maroc, de la Turquie et de l’Egypte. La

Tunisie a, par contre, amélioré sa situation

vis-à-vis de ses partenaires non européens.

Croissance des échanges et accentuation du

phénomène de sous régionalisation

Au cours de la période 1995-2002, les

rythmes de croissance des exportations

(autour de 7% en taux annuels moyens) ont

globalement été plus soutenus que ceux des

importations qui se situent en moyenne

autour de 3%.

√ Les PM ont des comportements diffé-

rents selon les périodes et les partenaires.

Figure 20 : Les déficits commerciaux des pays méditerranéens en 1995 et en 2002

Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée

-12 000

-10 000

-8 000

-6 000

-4 000

-2 000

2 000

4 000

Algérie Egypte Israël Jordanie Liban Maroc Syr ie Tunisie Turquie

1995 Rdm 2002 RdM 1995 UE 2002 UE

Figure 19 : Exportations et importations des PM selon les partenaires, produitsmanufacturés (gauche) et tous produits (droite)

Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée

20 000

40 000

60 000

80 000

1990 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Imports de l'UE Exports vers l'UE

Imports de RdM Exports vers RdM

20 000

40 000

60 000

80 000

100 000

1990 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

-98-

Les effets des accords d'association surl'industrie des pays partenaires médi-terranéens

Dirigée par Institut Européen du Sussex,Université du Sussex, Royaume-Uni

L’étude intitulée « Les effets des accordsd’association sur l’industrie des pays parte-naires méditerranéens » est composée deplusieurs parties. Elles visent toutes à analy-ser les éléments clefs qui sont susceptiblesd’influer sur l’ajustement structurel au sud dela Méditerranée. Afin d’obtenir une visionplus approfondie de l’impact de la libéralisa-tion sur les firmes locales, les principauxrésultats sont étudiés au niveau des firmes.Les analyses qui sont reprises ici présentent :(i) une simulation de la première étape dudémantèlement tarifaire au niveau des entre-prises (au Maroc), (ii) une analyse des diffé-rents modèles de spécialisation et leurimpact sur le développement dans le cas del’intégration régionale, (iii) une analyse del’importance des barrières techniques auxéchanges, y compris les mesures sanitaireset phytosanitaires, (iv) une étude du rôle desrègles d’origine, (v) une analyse d’équilibrepartiel calculable (quatre secteurs clefs auMaroc et en Tunisie) évaluant l’impact pos-sible du processus de libéralisation deséchanges sur différents types de firmes.

Les principaux éléments des recherches sontrésumés ci-dessous :

(i) en ciblant l’analyse sur un pays (leMaroc), l’étude examine de manière appro-fondie la structure industrielle et les proces-sus de restructuration. Elle est basée sur uneanalyse préparatoire très détaillée et deuxbases de données – la base de données FACSet l’Enquête Industrielle Annuelle). Ceci apermis de dégager les caractéristiques struc-turelles clefs détaillées de l’économie maro-caine et une vue d’ensemble de la positiondes entreprises avant le démantèlement tari-faire, en particulier l’analyse des détermi-nants de la profitabilité selon les entrepriseset les types d’entreprises. En utilisant unmodèle de simulation complexe (réalisé avecle logiciel STELLA), les effets possibles dudémantèlement tarifaire sont éclaircis.

L’étude a pu ainsi isoler des facteurs quiexpliquent les différences de profitabilitéentre les firmes. Les résultats montrent queles structures de marché semblent beaucoupmoins influer que l'efficacité et la qualité desproduits. Ce sont de fait ces éléments quidonnent des indications sur les stratégiessuivies par les firmes, en particulier la volon-

té d'innover, de moderniser leur systèmeproductif et de choisir de se spécialiser surdes produits de moyen et haut de gamme. Lasimulation menée ensuite est basée sur unmodèle de représentation des entreprises quia été construit avec des données numériquesdécoulant des enquêtes utilisées. Elle illustrece qu’il peut se passer dans la premièreétape du démantèlement tarifaire prévuedans l'accord d'association, à savoir l'élimi-nation des droits de douane sur les consom-mations intermédiaires importées de l'UnionEuropéenne. L'effet attendu est une réduc-tion des coûts de production pour les firmesqui importent une part importante de leursconsommations intermédiaires. Cette mesu-re est supposée, par conséquent, donner desmarges de manœuvre aux firmes pour enga-ger un processus de « mise à niveau », viapar exemple l'accroissement des marges(permettant le financement de nouveauxinvestissements) ou l'augmentation de leurpart de marché par la réduction des prix devente. Pour la catégorie de firmes retenuepour calibrer le modèle (c'est-à-dire cellesayant une profitabilité quasi nulle), ces simu-lations montrent que : 1) dans le cas où les firmes maintiennent un

comportement de marge (c'est-à-direlorsqu'elles ne répercutent pas, ou peu,une baisse du coût moyen sur le prix devente), la profitabilité passe seulement de0% à 2%, ce qui n'est certainement passuffisant pour financer « la mise àniveau » ;

2) dans le cas où les entreprises répercutentla baisse du coût moyen sur les prix devente, la profitabilité passe de 0% à 1%.Parallèlement, l'augmentation de la pro-duction et de l'emploi est insignifiante.

Deux faits peuvent expliquer cet écart entrel'effet attendu (et annoncé) et l'effet obtenudans la simulation :√ d'une part, le niveau moyen des droits de

douane réellement payés par les entre-prises marocaines est relativement bas(10%). Le Maroc applique, en effet, desmesures d'incitations à l'exportation, dontla plus utilisée d'entre elles est le draw-back, qui consiste à exonérer les firmesdes droits de douane sur les inputs impor-tés, lorsque ces derniers sont utilisés dansla production de biens qui seront exportés ;

√ d'autre part, la part du coût des consom-mations intermédiaires importées en pro-venance de l'UE dans les charges d'ex-ploitation s'élève à environ 24%.

En supposant qu'à court terme, les entre-prises ne substituent pas les consommationsintermédiaires importées du reste du monde

-99-

Entre 1990 et 1995, une forte croissance des

importations portant surtout sur des produits

issus de l’Union Européenne permet l’indus-

trialisation des PM. Entre 1995 et 2002, la

demande de produits européens diminue

plus que celle des produits de partenaires

non européens et dans le même temps on

observe une expansion des marchés non

européens (voir figure 21).

√ La croissance des exportations médi-

terranéennes est plus essentiellement tirée

par celle des produits manufacturés (+7,8%

entre 1995 et 2002) et c’est surtout le fait

des exportations jordaniennes, marocaines

et turques. Dans le même temps, la crois-

sance des importations globales est supé-

rieure à celle des produits manufacturés.

√ Les évolutions différenciées par zone

de partenaires laissent supposer des phéno-

mènes de sous-régionalisation au sein du

groupe des pays méditerranéens :

• Entre 1995 et 2002, trois pays de

l’est méditerranéen, le Liban, l’Egypte et la

Syrie, enregistrent des taux de croissance

annuels moyens de leur demande de pro-

duits européens négatifs, que ce soit pour

les importations totales (respectivement

–3,2%, –2,9% et –7,6% sur la période

1995-2002), ou pour celles de produits

manufacturés (respectivement –3,1%,

–2,6% et –5,3%), alors que, sur la même

période, leurs importations issues du reste

du monde progressent de façon significative

(+6,8%, +3,6% et +6,3%). Dans le même

temps, ils se désengagent des marchés

d’exportation européens. De même, Israël

semble se tourner plus fortement vers le

reste du monde.

• Par contre, la demande de produits

manufacturés européens de la part des turcs,

des marocains et des tunisiens a augmenté

largement plus que la moyenne méditerra-

néenne avec des taux de croissance annuels

moyens qui se situent, pour la période 1995-

2002, respectivement autour de 5,4%, 6,8%

et 2,9%.

• Pour la Jordanie, l’UE constitue un

marché en progression nette (croissance des

Figure 21: Taux de croissance annuels moyens des échanges selon le partenaire

Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée

0%

5%

10%

15%

0% 5% 10% 15%

Exportations

Reste du

monde

90-95

Reste du monde

95-02

UE 90-95

UE 95-02

1990 et 1995, les importations issues de l'UE

augmentent plus que les exportations

1995 et 2002, les exportations vers

l'UE augmentent plus vite que les

importations

-100-

ou les consommations intermédiaires domes-tiques par des consommations intermédiairesimportées de l'UE, la diminution du coût desinputs, consécutive à la suppression desdroits de douane, est trop faible pour fairediminuer significativement les charges d'ex-ploitation. On ne peut donc pas compter surcette première étape du démantèlement tari-faire entre l'UE et le Maroc pour dégager, ducôté de l'offre, des ressources permettant lefinancement d'actions qui contribueraient àrendre leur système productif plus efficace età améliorer leur compétitivité.

(ii) La deuxième partie de cette étude adop-te une perspective transnationale, plus large,sur la période 1990-2002, et examine le rôledes différentes spécialisations sur le dévelop-pement et la croissance. La spécialisationverticale est d’un intérêt tout particulier dansle processus de croissance. Cette partie durapport démontre que :√ il y a trois types de spécialisation qui sont

respectivement basés sur un processus despécialisation verticale et de sous-traitan-ce, sur les activités et les investissementsdes compagnies multinationales et desindustries, et, finalement, sur la dotationen ressources naturelles sous-jacente.

√ Chacun de ces types de spécialisation ren-voie à sa logique de régionalisation. Deuxmodèles d’ancrage européen peuvent êtreidentifiés : (a) un modèle peu dynamiquequi favorise l’intensification des avantagescomparatifs traditionnels sur les biensfinaux intensifs en travail non qualifié(Maroc, Tunisie, Bulgarie et Roumanie) et(b) un modèle porteur qui permet la mon-tée en gamme sur des secteurs valorisantle capital humain et la technologie(Tchéquie, Pologne, Hongrie et Turquie).

√ Ces deux modèles ont des implicationsdifférentes pour la croissance régionale etle développement, en particulier quand onles met en perspective avec le processusd’intégration avec l’Union Européenne.Bien que la montée en gamme vis-à-visdes partenaires non européens soit com-mune à tous les pays de l’échantillon, iln’en demeure pas moins que globale-ment, l’ancrage à l’UE à partir d’avan-tages comparatifs traditionnels ne stimulepas la croissance de long terme.

(iii) La dernière partie du rapport analysequelques éléments de la déclaration deBarcelone qui sont susceptibles d’influer surla nature du processus d’ajustement structu-rel. Trois éléments principaux sont abordés : √ un examen très détaillé, conceptuel et

empirique, du rôle des barrières tech-niques aux échanges, dans le contexte

des accords euro-méditerranéens, enÉgypte et au Maroc. L’analyse démontreque les barrières techniques auxéchanges sont complexes et souvent diffi-ciles à comprendre et à interpréter, tantdans leur mise en œuvre, que dans leurjustification et leur impact. D’une certainefaçon, leur opacité en fait l’instrumentprotectionniste idéal : l’étude apporte uncommencement de preuve et une analysede probabilité que cela soit effectivementle cas. Elle a identifié les multiples dimen-sions des mesures de SPS/TBE, et leurseffets réels sur les échanges, mais aussisur la qualité des produits, le bien-êtreanimal, la santé humaine : elles ne peu-vent être évaluées par une simple opposi-tion du libre-échange et du protectionnis-me. Même les effets des normes obliga-toires sur le libre-échange peuvent êtreambigus en principe si, d’une part, lesexportateurs perdent sur les coûts demise en conformité, mais gagnent d’autrepart, grâce à la préférence des consom-mateurs pour de meilleurs produits.Appliquer le cadre général d’analyse à ladimension euro-méditerranéenne revientà retenir l’hypothèse selon laquelle, pourgérer des problèmes de régulation, desaccords régionaux seraient plus efficacesque des interactions commerciales et géo-graphiques de proximité. Toutefois, l’étu-de démontre que les formes relativementavancées de coopération dans le partena-riat euro-méditerranéen, quoique néces-saires pour traiter des questions decontrôle, sont néanmoins loin d’être suffi-santes. En effet, si elles offrent différentsdegrés de spécificité en termes d’harmo-nisation des standards, elles sont trèsvagues sur la question, pourtant essen-tielle, de la reconnaissance mutuelle destests et de la certification de normes apriori harmonisées. Le problème estrendu encore plus complexe par leslimites posées aux infrastructures de testset de certification des exportateurs.

√ Une analyse empirique, au niveau secto-riel, du rôle des règles d’origine, et del’impact de l’absence de cumul des règlessur les échanges. Ce point est important.La possibilité pour les pays du sud de laMéditerranée d’entrer dans le systèmepan-européen est donc largement suscep-tible d’aider largement le processus d’in-tégration régionale et, en conséquence,l’ajustement de ces économies.

√ Une approche en terme d’équilibre par-tiel calculable de quatre secteurs clés,au Maroc et en Tunisie, qui démontre lesconséquences potentielles du processusde libéralisation des échanges. À la dif-

-101-

exportations de produits manufacturés de

16,7% entre 1995 et 2002), mais leurs prin-

cipaux fournisseurs restent essentiellement

hors de la zone européenne.

Ces tendances se confirment quand on

observe les évolutions des parts des parte-

naires européens dans les échanges de cha-

cun des PM (i) qui se renforcent pour le

Maroc, la Turquie et la Tunisie, que ce soit

pour les exportations ou les importations,

(ii) qui s’amenuisent pour l’Egypte, le Liban

et la Syrie, et (iii) qui se diversifient pour la

Jordanie, pays pour lequel l’UE est un

débouché.

La différentiation des déficits commerciaux

par types de biens : le rôle fondamental de

l’UE dans l’industrialisation des PM

La décomposition des soldes commerciaux

par types de biens échangés selon la classifi-

cation BEC permet d’identifier des comporte-

ments différents des PM vis-à-vis de leurs

groupes de partenaires (voir figure 22).

√ L’UE demeure le pôle industrialisant

à partir duquel on importe la majorité des

biens d’équipement nécessaires à l’indus-

trialisation, et constitue le marché privilégié

des biens de consommation produits en

méditerranée.

√ Le reste du monde fournit les biens

primaires (agricoles ou énergétiques) qui ne

sont pas produits localement et constituent

des marchés pour les produits primaires.

Ces processus de régionalisation reposent

sur des spécialisations de plus en plus pous-

sées des pays les plus proches de l’UE.

Une croissance de la valeur ajoutée indus-

trielle qui ne suit pas celle des exportations

La croissance des exportations des PM ne

s’est pas accompagnée d’une croissance de

même ampleur de la valeur ajoutée indus-

Figure 22 : Les soldes commerciaux des PM par types de biens, biens de consom-mation (gauche) et biens d’équipement (droite)

Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée

-20 000

-15 000

-10 000

-5 000

1 990 1 991 1 992 1 993 1 994 1 995 1 996 1 997 1 998 1 999 2 000 2 001 2 002

UE

RdM

-2 000

2 000

4 000

6 000

8 000

10 000

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

RdM

UE

férence de tous les précédents travauxdans ce domaine, et à partir d'une basede donnée très détaillée, la modélisationdistingue explicitement les différentstypes de firmes. Les entreprises peuventêtre, globalement, réparties entre les« grandes entreprises exportatrices » etles « petites entreprises nationales ».L’analyse indique qu’il est fondamental,pour comprendre les éventuels proces-sus d’ajustement de ces économies, demieux intégrer l'ensemble de la structu-re industrielle. Par ailleurs, il sembleque le processus asymétrique de libéra-lisation des échanges pourrait avoir àcourt terme un impact négatif sur denombreuses entreprises et industriesdans ces économies, à moins qu’il nesoit accompagné d’un accès plus largeaux marchés européens.

-102-

trielle. Ce qui laisse supposer qu’il y a peu de

corrélation entre la croissance et celle de la

valeur ajoutée. Ils vendent plus, mais en

tirent moins de bénéfices. La même analyse

pour les pays développés montre que si leur

part dans les exportations mondiales baisse,

leur part dans la valeur ajoutée mondiale

augmente (Cnuced, 2002). C’est tout le pro-

blème du positionnement international relatif

des pays dans le partage de la création de

richesse avec leurs partenaires commer-

ciaux, que l’on retrouve de façon exacerbée

dans les processus de fragmentation au sein

des réseaux de production internationaux.

Globalement, on constate que la progres-

sion de la part des exportations dans le PIB

est plus rapide que celle de la valeur ajou-

tée manufacturière (figure 23). On constate

le recul net du Maroc, de l’Algérie et de la

Turquie en terme de croissance de la valeur

ajoutée dans le PIB alors que ces pays

enregistrent une progression de leurs

exportations. Le même constat peut être

fait pour la Hongrie et, dans une moindre

mesure, la Tchéquie. L’amélioration de la

position de l’Egypte correspond à des

restructurations industrielles, qui font bais-

ser la part des hydrocarbures dans le PIB.

La Tunisie, Israël et la Jordanie progressent

plus favorablement.

Les phénomènes généraux que nous venons

de dégager vont avoir des conséquences en

termes de compétitivité et de schémas de

spécialisation.

2. Un niveau de compétitivité relative qui fra-

gilise la position des PM face à la pression de

la concurrence internationale

La concurrence internationale s’est intensi-

fiée dans toutes les grandes catégories de

secteurs : la Chine et l’Inde pour les produits

Figure 23 : Décalage entre la croissance des exportations et celle de la valeurajoutée industrielle

* croissance sur la période 90-2001 de la valeur ajoutée industrielle / PIB pour les PM** croissance sur la période 90-2001 des exportations / PIB pour les PM* croissance sur la période 93-2001 de la valeur ajoutée industrielle / PIB pour la Hongrie et la Tchéquie** croissance sur la période 93-2001 des exportations / PIB pour la Hongrie et la TchéquieSources : Comtrade et ONUDI – Calculs : Institut de la Méditerranée

-50%

-40%

-30%

-20%

-10%

0%

10%

20%

-100% -80% -60% -40% -20% 0% 20% 40% 60% 80%

Evolution de la part des exportations dans le PIB

Liban

Egypte

Algérie

Turquie

Maroc

Jordanie

Tchéquie

Tunisie

Israël

Hongrie

Evolu

tion d

e la p

art

de la v

ale

ur

ajo

uté

em

anufa

ctu

rière

dans le P

IB

-103-

intensifs en travail non qualifié (textile-

habillement), les pays de l’Europe de l’Est et

d’Amérique latine pour les produits moyen-

nement intensifs en travail qualifié et les

pays d’Asie pour les produits technologiques.

Les PM doivent impérativement améliorer

leur compétitivité via leur niveau de produc-

tivité et via la qualité de leurs exportations.

Les caractéristiques des échanges commer-

ciaux sont la résultante des performances

des systèmes productifs locaux. Les évolu-

tions de la compétitivité relative des exporta-

tions des PM sont dès lors le reflet des amé-

liorations des capacités de production : pro-

grès technologique, accumulation du capital,

changements structurels.

Les pays de l’Europe de l’Est sont des concur-

rents immédiats pour les PM, parce que,

entre autre, (i) ils se spécialisent sur des sec-

teurs concurrents, (ii) ils bénéficient des

mouvements de capitaux internationaux que

leur accorde un fort niveau de confiance de la

part des firmes européennes et internatio-

nales, (iii) la plupart d’entre-eux ont une his-

toire industrielle forte qui leur a permis d’ac-

quérir des potentialités d’apprentissage plus

rapide face aux impératifs de la concurrence

mondiale. C’est pourquoi les caractéristiques

des PM par rapport aux différents indicateurs

de compétitivité dans les échanges interna-

tionaux seront comparées à celles d’un

échantillon de pays de l’est européen (noté

PEE) dont trois ont adhéré à l’UE en mai 2004

(Hongrie, Pologne et Tchéquie) et deux sont

en cours d’adhésion (Bulgarie et Roumanie).

Faiblesse de la compétitivité des PM malgré

des résultats qui paraissent encourageants

La progression de la part des produits manu-

facturés dans les exportations permet de voir

dans quelle mesure les PM se dégagent d’une

spécialisation fondée sur l’exploitation de

leurs ressources naturelles. Cependant, il

faut aller plus loin dans l’analyse pour voir si

l’évolution de ces structures de spécialisation

vers des produits manufacturés (i) vont dans

le sens d’une meilleure adaptation à la

demande des partenaires commerciaux et

(ii) permettent aux pays de diversifier leurs

panels d’exportation.

a. Evolution de la part des exportations de

produits manufacturés

Le tableau 15 montre l’évolution de la part

des produits manufacturés dans les exporta-

tions des pays méditerranéens selon le par-

tenaire. Le cas israélien est exclu de l’analy-

se car les caractéristiques de ses exporta-

tions, essentiellement composées de pro-

duits manufacturés avec les pays du reste du

monde (95% en 2002 avec RdM et 86% avec

l’UE), masquent la tendance générale mar-

quée par (i) le fait que les PM exportent une

part plus importante de produits manufactu-

rés vers l’UE que vers le RdM et (ii) une pro-

gression sensible du ratio avec l’UE et une

amélioration légère, voire une stagnation,

avec RdM.

On remarquera de plus que :

√ les 3 pays les plus proches de l’UE

enregistrent une nette progression de l’indi-

cateur avec l’UE, la Turquie atteignant plus de

87%, la Tunisie, plus de 84% et le Maroc plus

de 74%. Dans le même temps, on constate

une progression des positions turques sur les

Tableau 15 : Parts (en %) des produitsmanufacturés dans les exportations desPM

1990 1995 2002

Exports versUE

38,6% 58,0% 61,5%

Exports versRdM

58,0% 61,5% 66,0%

Exports versUE

32,0% 52,5% 57,5%

Exports versRdM

44,0% 44,0% 48,0%

Total pays méditerranéens

Pays méditerranéens sans Israël

Source : Comtrade – Calculs : Institut de laMéditerranée

-104-

marchés du reste du monde et une stagnation

des débouchés tunisiens avec une baisse du

ratio depuis 2000. Les exportations de pro-

duits manufacturés du Maroc vers le reste du

monde sont par contre en nette régression,

laissant supposer que ce pays exporte vers le

RdM ses ressources naturelles telles que les

produits agricoles et le phosphate.

√ Après une période de croissance du

ratio jusque dans les années 1998-1999, le

Liban et l’Egypte voient leurs parts de pro-

duits manufacturés dans les exportations

vers l’UE baisser de façon régulière (de près

de 80% en 1999 à 63% en 2002 pour le

Liban, de 58% en 1998 à 44% en 2002 pour

l’Egypte). Leur comportement vis-à-vis du

reste du monde est moins régulier, mais on

constate cependant une chute nette depuis

2000.

b. Adaptation des exportations aux évolu-

tions des demandes des partenaires

La figure 24 met en relation les indicateurs

d’adaptation des exportations aux demandes

européennes (axe des abscisses) et aux

demandes des pays du reste du monde (axe

des ordonnées). Il ressort que (i) seuls trois

pays méditerranéens réagissent de façon

positive aux évolutions des demandes des

européens – la Tunisie, la Turquie et la Syrie –

alors que tous les pays de l’est européen de

notre échantillon sont situés dans le cadran II

; (ii) aucun des pays de notre échantillon ne

se trouve dans le cadran I d’adaptation posi-

tive commune aux deux partenaires, (iii) le

Maroc est dans une situation d’inadaptation

globale et (iv) l’Egypte, Israël et le Liban sont

mieux placés vis-à-vis des demandes extra-

Figure 24: Adaptation des exportations des PM et des PEE aux évolutions desdemandes de leurs principaux partenaires

Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée

Figure 25: Evolution de la concentration des exportations (1995=100 *) Maroc –Tunisie – Turquie : avec l’UE (gauche) et avec le reste du Monde (droite)

0,50

0,70

0,90

1,10

1,30

1,50

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

Maroc

Tunisie

Turquie

0,50

0,70

0,90

1,10

1,30

1,50

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

Maroc

Tunisie

Turquie

Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée* Indicé par rapport à l’année 1995, l’indicateur montre une croissance des concentrations s’il augmen-te et une diversification si il diminue.

-105-

européennes et sont en position d’inadapta-

tion à la demande des pays de l’UE.

La progression de la part des produits manu-

facturés s’accompagne d’une augmentation

de la concentration des exportations.

L’analyse de l’indicateur de diversification des

exportations montre une tendance nette à la

concentration des exportations (surtout avec

l’UE), ce qui dans un contexte de non-adap-

tation à la demande internationale ne traduit

pas un phénomène de transition de secteurs

traditionnels vers des secteurs plus dyna-

miques (comme c’est le cas des pays de

l’Europe de l’Est) mais une spécialisation de

plus en plus poussée sur des secteurs peu

dynamiques.

Les trois PM les plus proches de l’UE n’enre-

gistrent que de faibles évolutions de la

concentration de leurs exportations. La

Turquie améliore sa position tandis que la

Tunisie la conserve. Le Maroc a tendance à

renforcer ses spécialisations surtout avec l’UE.

Les trois pays de l’est méditerranéen enre-

gistrent globalement une nette diversification

de leurs panels de produits d’exportation

essentiellement vis-à-vis des clients du reste

du monde. On remarque (i) les progrès

remarquables de la Jordanie qui réussit une

diversification avec ses deux groupes de par-

tenaires, (ii) les situations plus préoccu-

pantes du Liban et de l’Egypte, qui ne réus-

sissent à diversifier leurs exportations

qu’avec le reste du monde.

Exception faite de la Pologne, les pays nou-

vellement intégrés à l’UE ou en voie d’adhé-

sion enregistrent également une forte pro-

gression de la concentration de leurs expor-

Figure 26 : Evolution de la concentration des exportations (1995=100) Egypte –Liban – Jordanie : avec l’UE (gauche) et avec le reste du Monde (droite)

0,50

0,70

0,90

1,10

1,30

1,50

1,70

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

Egypte Jordanie

Liban

0,50

0,70

0,90

1,10

1,30

1,50

1,70

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

Egypte Jordanie

Liban

Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée

Figure 27 : Evolution de la concentration des exportations (1995=100) des 5 PEE:avec l’UE (gauche) et avec le reste du Monde (droite)

0,50

0,70

0,90

1,10

1,30

1,50

1,70

1,90

2,10

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

Bulgarie HongriePologne RoumanieTchéquie

0,50

0,70

0,90

1,10

1,30

1,50

1,70

1,90

2,10

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

Bulgarie HongriePologne RoumanieTchéquie

Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée

-106-

tations. Cependant, le contexte est différent

dans la mesure où les restructurations des

systèmes productifs reposent sur une réallo-

cation des ressources productives sur des

secteurs dynamiques avec un abandon pro-

gressif des secteurs traditionnels tels que le

textile-habillement.

La structure technologique des exportations

n’évolue que lentement

La nature du produit, sa complexité techno-

logique, le niveau de compétence auquel sa

production fait appel constituent des indica-

teurs de performances des capacités produc-

tives des pays exportateurs qui affinent les

indicateurs de compétitivités liés à la struc-

ture des spécialisations. Nous utilisons le

classement des produits selon l’intensité des

compétences, de la technologie et du capital,

publié par la CNUCED (Cnuced, 2002). On

notera cependant que le classement exclut le

commerce des combustibles.

Globalement, on constate que (tableau 16):

√ les exportations des PM sont de plus

en plus spécialisées sur des produits à forte

intensité de main d’œuvre, phénomène enco-

re plus marquant vis-à-vis de l’UE où plus de

la moitié des exportations repose sur l’ex-

ploitation du travail non qualifié et des res-

sources naturelles.

√ Les exportations vers les pays du

reste du monde ont un contenu technolo-

gique plus important, surtout en ce qui

concerne les produits à forte intensité tech-

nologique et de compétence.

Sur la période 1990-2002, les exportations

de produits à forte et moyenne intensité

technologique ont faiblement augmenté et

stagnent depuis les années 2000. Ces biens

représentent, en 2002, près de 40% des

exportations vers le reste du monde et 32%

vers l’UE. Alors que la catégorie de produits

intensifs en main d’œuvre augmente en ce

qui concerne les exportations vers l’UE (de

41% en 1990 à 52% en 2002) et ont ten-

dance à régresser dans les exportations vers

le reste du monde (de 48% en 1990 à près

de 42% en 2001), malgré une augmentation

en fin de période.

Tableau 16 : Part dans les exportationsdes PM des produits selon leur intensitétechnologique

1995 2002 1995 2002Forte intensité decompétence et detechnologie

22% 26% 14% 14%

Intensité moyenne decompétence et detechnologie

10% 12% 10% 18%

Forte intensité en maind’oeuvre et en ressources

38% 39% 45% 47%

Faible intensité decompétence et detechnologie

7% 8% 4% 5%

RDM UE

Source : Comtrade – Calculs : Institut de laMéditerranée

Figure 28 : Intensité technologique des exportations des PM : Produits à forte etmoyenne intensité de compétences et de technologie (gauche) et produits à faibleintensité de compétences et de technologie et produits à forte int. de MO et deressources (droite)

0%

10%

20%

30%

40%

50%

1 990 1 992 1 994 1 996 1 998 2 000 2 002

RdM

UE

30%

35%

40%

45%

50%

55%

1 990 1 992 1 994 1 996 1 998 2 000 2 002

Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée

-107-

L’objet de l’étude a consisté à tester cetterelation, mais bien au-delà à comprendre lerôle que pourraient jouer les TIC dans le pro-cessus de rattrapage économique (« mise àniveau ») entre les deux rives de laMéditerranée et la place que celles-cidevraient avoir dans les accords d’associa-tion et dans la dynamique régionale enclen-chée par le processus de Barcelone.

Il s’est agi de :(i) caractériser l’état de diffusion des TIC ausein des partenaires méditerranéens et de lecomparer à celui des pays qui ont accédé àl’Union Européenne (ou vont le faire) (AC 12)ainsi qu’à celui des pays de l’UnionEuropéenne (UE-15) ;(ii) développer les hypothèses de fracturenumérique et examiner les réformes et lesmodifications institutionnelles et réglemen-taires qui seraient susceptibles de permettreune accélération de l’adoption des TIC ;(iii) comprendre et caractériser de manièredynamique le lien entre diffusion des TIC etperformances macro-économiques (producti-vité, croissance économique, emploi…) ;(iv) cerner le rythme d’adoption des innova-tions organisationnelles complémentairesaux TIC, susceptibles d’améliorer les perfor-mances micro-économiques des firmes dansles PM ;(v) évaluer les actions de politiques écono-miques susceptibles d’engendrer un rythmed’adoption plus rapide des TIC au sein desPM et comprendre dans quelle mesure ellesrelèvent de la stratégie communautaire défi-nie lors du sommet de Lisbonne en 1999visant à créer une société des connaissancesdynamique à l’horizon 2010.

Sept résultats principaux ont été obtenus :

Premièrement, deux types de fracturesnumériques au niveau des équipements ontété identifiées : la première concerne lesécarts d’équipements en matière de télépho-nie, avec des résultats contrastés selon lespays, et la seconde concerne Internet et sesusages connexes, et montre clairementl’existence d’un fossé numérique.

Les niveaux d’équipements en télécommuni-cation tendent, en effet, à converger grâceau recours croissant des pays à niveaux dedéveloppement plus faibles aux nouvellesgénérations de technologies mieux adaptéesà leurs besoins (follower advantage). La télé-phonie mobile est de plus en plus présenteau sein des PM. Cette évolution a relégué latéléphonie fixe au second plan. Ces équipe-ments facilitent grandement la vie quotidien-ne sans produire par eux-mêmes de valeur.

Les nouvelles technologies génériques :spécialisation, diversification, transfertset capacités d'absorption (les 12 PPM)

Dirigée par ADIS-Réseau EMMA, FacultéJean Monnet Université Paris-Sud,France

Depuis trois décennies, et avec une intensi-té constamment croissante, la diffusion desTechnologies de l’Information et de laCommunication (TIC) a fait l’objet d’uneattention particulière de la part des gestion-naires dirigeants, des analystes écono-mistes, comme des décideurs publics. Cestechnologies ont la particularité de rassem-bler autant des services que des investisse-ments matériels. Elles ont un caractèregénérique dans la mesure où elles sontdevenues des biens d’usage non spécifiques,aussi bien dans la vie quotidienne que dansles processus de production. Leur usagedépasse de très loin le milieu qui les a conçuou produit. Les délais d’apprentissage sontcourts et les conditions d’utilisation sont peulimitatives. En conséquence, ces technolo-gies jouent un rôle décisif dans le dévelop-pement des sociétés. Elles modifient radica-lement les processus de croissance pour lesespaces économiques les moins développés,notamment en termes de compétences pro-ductives et de fondements cognitifs. Sousréserve de satisfaire à un minimum deconditions organisationnelles et institution-nelles, les technologies génériques peuventaccélérer la diffusion des connaissances etdes savoirs.

Ceci veut dire que les TIC sont d’abord sup-posées jouer un rôle primordial dans le pro-cessus de développement en mettant direc-tement en relation le volume des investisse-ments dans ces technologies et leurs effetsen matière de croissance. Le rapport de laBanque Mondiale (Reiffers et Aubert, 2002)examine les enjeux et les défis de la sociétéde la connaissance pour la région méditerra-néenne. Leurs recommandations de politiquescientifique, éducative et de communicationmontrent que les TIC et plus largement l’en-semble de la société de l’information et de laconnaissance, nous place devant un nouveaudilemme :

√ d’un côté, une plus grande diffusion desTIC pourrait permettre une dynamique derattrapage (dividende numérique) ;

√ simultanément aux possibilités de rattra-page, les retards dans la diffusion des TICpeuvent conduire à une marginalisationcroissante des territoires faiblement équi-pés (fracture numérique).

-108-

En revanche, la fracture tend à se creuserdans l’informatique qui est une activité direc-tement créatrice de valeur. La conjugaisonde l’absence de dynamique d’adoption dansla téléphonie fixe et un retard sensible dansla diffusion des ordinateurs a pour consé-quence l’apparition d’un fossé en matière dediffusion d’Internet. Ce dernier point est par-ticulièrement important car tout retardconstitue un handicap sérieux dans la pers-pective de la mise en place d’une « sociétédes savoirs ». Cependant, l’analyse montreque les efforts consentis par les PM sontimportants. La fracture relative est beaucoupplus faible que la fracture mesurée en termesabsolus.

Le second résultat concerne les écarts enmatière de diffusion et d’usages au sein dechaque groupe de pays. Il semblerait queceux-ci soient importants entre les pays lesplus équipés et les pays les moins équipés ycompris au sein des PM et que ces inégalitéstendent à augmenter. La zone de libre-échange euro-méditerranéenne devient unezone hétérogène du point de vue de la diffu-sion des TIC. Ceci pourrait avoir des effetsconséquents sur l’allocation des ressourcesproductives, si les firmes tiennent compte dece facteur dans leur décision d’implantation,et sur la divergence des performancesmacroéconomiques à terme. Evaluant l’im-pact des TIC sur les performances macroéco-nomiques des PM, l’étude met en évidencecinq canaux d’amélioration de la performan-ce : (i) l’effet d’investissement (la part del’économie numérique dans l’économie glo-bale) ; (ii) les effets multiplicateurs qui peu-vent en découler ; (iii) l’effet de substitutionTIC/travail ; (iv) l’effet déflation qui montrel’impact de la baisse continue des prix dusecteur TIC sur le reste de l’économie et sur-tout sur la maîtrise de l’inflation ; (v) l’effetqualité qui résume les évolutions qualitativesde l’univers des transactions par le recoursaux TIC.

Le troisième résultat concerne les scénariide rattrapage. Si les rythmes de croissanceactuels perdurent, « le gap technologique »en matière de TIC ne peut être comblé,même à horizon long. Il est indispensable decoupler la question des TIC, d’un côté, auproblème des taux de croissance économiqueet, de l’autre, aux mesures institutionnelles.Dans ce cadre, un différentiel de croissance àlong terme d’un point en faveur des PM com-parativement à l’UE conduirait à diviser pardeux la période nécessaire au rattrapage. Parailleurs, les handicaps observés dépendenten premier lieu de la faiblesse des environ-nements institutionnels. Ceci a des inci-

dences directes sur les taux de croissancenécessaires et sur les politiques publiquesconcernant Internet et l’ensemble des télé-communications.

Le quatrième résultat concerne lesimpacts des évolutions technologiques sur lafracture numérique. En effet, « l’effetretard » ne constitue pas un handicap iden-tique à court terme et à long terme. Les nou-velles technologies de l’information et descommunications paraissent mieux conveniraux PM que les anciennes TIC (les technolo-gies satellitaires, le mobile, Internet sans fil,etc.). Des facteurs socio-économiques per-mettent d’expliquer pourquoi certaines nou-velles technologies se diffusent plus vite (letéléphone mobile) que d’autres (Internet). Ilen résulte une vision relativement claire desconditions nécessaires pour saisir ces oppor-tunités en termes de développement.

Le cinquième résultat concerne lesimpacts macro-économiques des TIC. Endépit de nombreuses difficultés statistiques,une étude spécifique de l’économie tunisien-ne indique que la contribution des TIC à lacroissance est importante. Ceci témoigne del’existence d’un gisement de productivité nonexploité et qui pourrait être stimulé dans lesPM. Le principal canal d’accélération de lacroissance par les TIC est celui de l’effetdéflation signalé par Gordon : la baisse desprix des TIC peut se répercuter dans le restede l’industrie et provoquer une augmentationde la productivité. Or, dans le contexteactuel, les PM bénéficient peu de cet effet. Del’ampleur de cette baisse future des prixdépendra les gains de productivité des PM.

Le sixième résultat concerne les réformesréglementaires et institutionnelles dans lesecteur des télécommunications. Cette étudemontre l’effet positif de la mise en place deces réformes dans l’accélération de l’adoptionde la téléphonie mobile notamment. Lesforces de marché sont capables de réduire lafracture numérique. En revanche, les effetsdes réformes sur l’adoption d’Internetdemeurent assez limités. La faiblesse struc-turelle des réseaux physiques de télécommu-nications et le faible équipement en ordina-teurs handicapent fortement les PM dans cedomaine. Des politiques publiques nécessi-tant des investissements importants sontrequises pour améliorer l’accès en termesquantitatif et qualitatif (la largeur de labande). Enfin, il convient de considérer leprogrès technique et les évolutions des tech-nologies alternatives comme des solutionséventuelles pour combler le fossé numériqueen matière d’Internet.

-109-

Le septième résultat concerne les effetsmicro-économiques, analysés sur un échan-tillon de 409 entreprises. Ici, l’adoption desTIC dans les entreprises méditerranéennesa été effectuée sans une véritable réflexionstratégique de la part des entrepreneurs.Par conséquent, l’usage qui en est fait necontribue que peu à l’amélioration de la pro-ductivité. Leurs capacités à réduire les coûtsde transaction, à modifier et décentraliser lachaîne hiérarchique et à rendre l’entrepriseplus flexible ne sont pas exploitées. D’unepart, l’analyse par fonction administrativemontre que le capital TIC est dispersé dansl’entreprise et est faiblement utilisé pourinduire une plus grande flexibilité dans lesusages courants. Les entreprises ne bénéfi-cient pas encore des effets de réseauxrésultant des TIC. D’autre part, ces techno-logies ne sont pas considérées comme desinputs essentiels mais davantage commedes inputs rares et réservés aux décideurs(cadres et chefs d’entreprises). Enfin, l’arti-culation entre TIC et pratiques organisation-nelles est sous optimale. Une diversité detrajectoires d’adoption des innovationsorganisationnelles complémentaires estconstatée entre les pays. Dans le cas del’économie turque, l’absence de perfor-mances liées aux TIC est davantage expli-quée par l’absence d’adaptation complé-mentaire des pratiques organisationnellesque par l’état de l’adoption des TIC (large-ment suffisant).

Le résultat des enquêtes est riche d’ensei-gnements. La très grande majorité des res-ponsables sondés considère que les TICjouent un rôle déterminant dans la croissan-ce et le développement de leur entreprise.Ils accordent donc un véritable intérêt auxnouvelles technologies. Les argumentsavancés sont les suivants : réduction descoûts de production et de communication,soutien de la concurrence, amélioration dela qualité des produits, aide pour la compta-bilité et la gestion du personnel, accroisse-ment des ventes, et parfois, meilleure prisede décision due à un accès plus efficace àl’information. Mais cela ne se traduit pas, laplupart du temps, par une plus grande utili-sation de ces technologies.

Pour résumer, l’étude a montré, pour ce quiest des entreprises, que :

1) l’indigence informationnelle est liée àune méfiance généralisée. Il a été très dif-ficile d’obtenir une estimation chiffrée de lapart des TIC dans l’investissement total etil est d’autant plus difficile de connaître sonévolution.

Les entreprises de création récente sem-blent, toutes choses égales par ailleurs, êtrecelles qui ont le mieux réussi l’intégration desTIC. Ceci a été facilité par la possibilité derecruter et de sélectionner des compétencesnouvelles, en même temps qu’elles réalisentdes investissements plus intensifs en TIC,surtout avec la poursuite de la tendance à labaisse des prix de ces technologies. La maî-trise de l’outil informatique est devenue, par-fois même, un critère de sélection dans lesrecrutements.

2) Non seulement la diffusion des TIC estglobalement très faible dans les entreprisesdes PM, mais leur introduction est davanta-ge un outil de circonstance qu’un instru-ment stratégique. Cette situation est égale-ment liée au fait qu’il ne semble pas y avoirde stratégie consciente de l’investissementen TIC. Cela coïncide avec le fait que les TICsont considérées comme une dépense etnon comme un investissement. La plupartdes entreprises achètent du nouveau maté-riel en fonction des besoins immédiats (ycompris d’image), et en réaction à laconcurrence, non dans le cadre d’une véri-table stratégie.

Souvent l’usage des TIC est réservé à desfonctions bureautiques classiques ou encoreà l’élite des dirigeants et des cadres. C’estdire que l’utilisation des TIC n’a pas réussi àpénétrer les différentes fonctions des entre-prises, et encore moins les différentes caté-gories du personnel.

Il faut en fait distinguer deux types d’inté-gration des TIC : une intégration contrainte,et une intégration stratégique. Ces deuxformes d’intégration ne sont pas toujoursopposées, mais elles ne sont pas non plusnécessairement compatibles. L’intégrationcontrainte peut ne pas conduire les entre-prises en question à monter des projets TICadaptatifs et intégrés, mûris et réfléchis.

L’enquête a montré le peu de « corrélation »consciente ou stratégique entre les TICcomme technologies et les démarches dequalité ou les nouvelles formes d’organisa-tion du travail. Les entreprises qui ont intro-duit des changements en ce sens semblent,dans leur majorité, l’avoir fait plus sur lemode de la contrainte (surtout celle des don-neurs d’ordre) que par esprit d’entreprise etd’innovation, avec pour objectifs de cultiveret de profiter des opportunités offertes parles TIC. Très peu d’entreprises considèrentles TIC comme projet, comme support d’unenouvelle dynamique d’apprentissage et doncde croissance de la compétitivité.

-110-

3) Les facteurs de blocage sont multiples. Lesprincipaux, classés par ordre croissant d’im-portance, sont :

Le coût des équipements TIC fait apparaîtreune opposition entre la baisse objective desprix (ou l’accroissement considérable etcontinu des capacités) et leur coût considérécomme trop élevé par les industriels pour lesordinateurs, logiciels ou machines électro-niques. La permanence de la référence auxcoûts contraste avec les réactions face auxinvestissements plus traditionnels. Il fautsouligner que le coût auquel il est fait réfé-rence ne concerne pas seulement le coûtdirect lié à l’achat des équipements, maisaussi le coût de maintenance des appareilsou ordinateurs et, explicitement ou non, lecoût d’apprentissage, le coût organisationnelet celui de la répartition du pouvoir au seinde chaque entreprise.

Le faible niveau de formation et d’éducationgénérale du personnel, notamment enanglais, langue indispensable à l’utilisationde la plupart des logiciels constitue un handi-cap majeur pour se positionner sur les sen-tiers de croissance propres aux sociétés del’information et de la connaissance. A cecis’ajoute le manque de compétences tech-niques et de formation en informatique.

Enfin, et surtout, la faiblesse des usagesentraîne une faiblesse organisationnelle. Cetravail confirme la pertinence de l’hypothèsede la complémentarité des facteurs technolo-giques et organisationnels dans l’adoptiondes TIC. C’est à ce niveau principalementque doit porter l’attention des politiques etdes stratèges industriels.

Quelles sont les conséquences en matière depolitiques économiques ?

Des éléments précis ayant des conséquencesdirectes en termes de politique publique sontprésentés, par ordre décroissant de générali-té et non d’importance qui relève plutôt desstratégies retenues. Il faudrait :

1) augmenter la dotation en ressourceshumaines pour mieux servir les besoins dessegments de marché utilisant les TIC. Il s’agitd’une politique éducative de long terme quicommence par la formation technologique desélèves à l'école. Cette politique a naturelle-ment de nombreuses facettes. Elle passe parla revalorisation des métiers liés à la créationde valeur autant que par le développementdes compétences. Cette politique devrait seconcentrer sur la qualité de l'éducation et passeulement sur l'accès à l'éducation.

2) instituer une politique économique globa-le, relativement stable et accompagnéed’une visibilité certaine. Il est souvent sug-géré que les différentes directions (minis-tères, associations, communautés locales)soient réunies pour avoir une vision plusintégrée. Ces politiques concernent (i) lacontinuation et l’approfondissement du pro-cessus de libéralisation du secteur des télé-coms, (ii) la généralisation de l’enseigne-ment informatique, (iii) l’amélioration del’accès.

3) introduire de la concurrence dans les seg-ments du marché des télécommunications.L’infrastructure (mobile et Internet) dansl’ensemble des PM accuse d’importantsretards qui doivent être comblés. Il s’agiraitde renforcer les cadres réglementaires afind’assurer une concurrence efficace (indé-pendance réglementaire dans l’attributiondes fonctions institutionnelles ainsi que laréduction du risque réglementaire en télé-communications). Une véritable concurrencedevrait conduire à la présence d’opérateursspécialisés dans les services de données et àla hausse des investissements privés per-mettant la modernisation de l’infrastructurede communication existante.

4) mettre en place le paiement électronique.Le développement du commerce électro-nique (B to C) implique l’introduction denouvelles méthodes de paiement telles quel’autorisation des transferts par signatureélectronique, l’introduction de paiements parcarte bancaire nationale, pour le développe-ment de sites nationaux, la distribution decartes de paiement internationales.

5) sensibiliser les entreprises privées à l’im-portance des systèmes et services d’infor-mation en (i) développant des instrumentsnationaux d’intelligence économique(offices, foires, colloques…), (ii) encoura-geant les entreprises à évaluer leurs besoinsd’assistance et d’exécution lors de l’acquisi-tion de logiciels, (iii) aidant les fournisseursd’applications, ce qui permettrait aux entre-prises de louer des applications logicielles,plutôt que d’investir dans ces produits.

6) activer une politique favorisant l'exporta-tion et la coopération internationale. Unetelle politique, soutenue par les actions demise à niveau, les actions commerciales departenariat, les transferts de technologiespourraient s’appuyer sur les divers systèmesde normes nationaux et internationaux.Cette politique devrait inciter les entreprisesà respecter les normes mondiales et à enadopter les dispositifs organisationnels.

-111-

L’analyse par pays fait cependant ressortir

des différences de comportement impor-

tantes (voir figure 29). On constate, en

effet, (i) que les pays qui se rapprochent le

plus de l’UE (Tunisie et Maroc) se position-

nent avantageusement quand il s’agit des

exportations à forte intensité de compétence

et de technologie vers le reste du monde

(avec respectivement 49% et 45% de leurs

exportations composés de produits techno-

logiques) mais se trouvent en fin de liste

quand il s’agit des exportations vers l’UE

(respectivement 24% et 18%), (ii) la posi-

tion de la Jordanie qui présente une structu-

re d’exportation valorisant une forte propor-

tion de produits à forte compétence et qui

entre 1995 et 2002 recentre sensiblement

ses marchés vers l’UE, (iii) que la Turquie

améliore ses positions sur les deux marchés

(de 16 à 27% de produits de la catégorie

entre 1995 et 2002 vers RdM et de 15% à

32% vers l’UE sur la même période essen-

tiellement sur les produits à intensité

moyenne de compétence.

La comparaison avec les pays de

l’est européen met en évidence le

retard technologique des PM. Un

premier groupe des pays de l’est

européen enregistre des meilleurs

performances avec l’UE, c’est le cas

de la Hongrie (72% d’exportations

de produits à haute et moyenne

intensité de technologie), de la

Slovaquie (59%), de l’Estonie (49%)

et de Chypre (40%). La Tchéquie

progresse de façon très significative

avec les deux partenaires, attei-

gnant 64% de ces exportations clas-

sées dans cette catégorie vers le

RdM et 55% vers l’UE.

La mise en parallèle les évolutions de

structure technologique de la valeur

ajoutée dans le secteur manufactu-

7) développer un ensemble de politiquesfinancières à l’adresse des entreprises quiinnovent dans les produits, mais égalementdans les systèmes organisationnels (en par-ticulier pour les micro et petites entreprises)et accroître le financement du capital risquedans le secteur des TIC.

8) mettre en place des dispositifs tempo-raires et ciblés de soutien des initiatives indi-viduelles d'adoption des TIC dans le domaineindustriel (en particulier le raccordement àInternet).

9) introduire et étendre des portails secto-riels : le secteur privé, par le biais d’associa-tions industrielles, pourrait relayer les effortspublics à travers l’établissement de portailssectoriels, offrant aux secteurs concernés uneplus grande couverture internationale. Il seraitégalement bénéfique de sensibiliser les entre-prises à l’importance des TG et de faciliter l’in-troduction du commerce B to B et B to C.

Figure 29 : Parts (en %) des produits à forte etmoyenne intensité de compétence et de techno-logie dans les exportations des PM

0%

20%

40%

60%

80%

Syrie Egypte Algérie Liban Turquie Med JordanieMaroc Israël Tunisie

Reste du monde1 995

2 002

0%

20%

40%

60%

80%

Syrie Maroc Egypte Tunisie Turquie Liban Med Algérie Israël Jordanie

Union européenne1 995

2 002

Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée

Union Européenne

-112-

rier et les résultats du commerce extérieur,

permet de conforter ces résultats.

Le tableau 17, montre une perte de compéti-

tivité globale dans le classement relatif des PM

au niveau international entre 1985 et 1998.

Seules l’Egypte, la Turquie et la Jordanie amé-

liorent leurs positions grâce à des restructura-

tions industrielles laissant une part plus

importante aux industries à forte et moyenne

intensité de technologie. Par contre, le Maroc

et la Tunisie enregistrent un net recul de leur

position relative avec une partie toujours plus

importante de leur industrie consacrée à des

activités de faible intensité technologique.

Les effets de l’ouverture sur l’évolution des

complémentarités des structures d’échange

avec l’UE

Le niveau de commerce intra-branche est un

indicateur du niveau de développement des

structures productives des pays méditerra-

néens. Il a été calculé sur la base des

échanges à un niveau désagrégé de 5 digit

de la SITC. Le commerce intra-branche repo-

se sur les échanges croisés de produits simi-

laires. Il permet de voir dans quelle mesure

les échanges des PM s’éloignent des spéciali-

sations ricardiennes classiques pour entrete-

nir avec leurs partenaires des relations com-

merciales fondées sur des complémentarités

plus fines intra-systèmes productifs.

Les données moyennes sur deux périodes

1990-1995 et 1996-2002 ont été calculées

pour chaque pays et pour l’ensemble des PM.

Cependant les résultats d’Israël étant parti-

culièrement éloignés de la moyenne des PM,

nous avons également établi une moyenne

des PM sans Israël.

On voit bien que, pour l’ensemble des PM,

avec ou sans Israël, les résultats sont relati-

Figure 30 : Les échanges de type intra-branche des pays méditerranéens

10

15

20

25

30

35

40

45

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

RDM UE

RDM (sans Israël) UE (sans Israël)

Source : Comtrade – Calculs : Institut de laMéditerranée

Tableau 17 : La structure technologique de la valeur ajoutée dans le secteur manu-facturier

1998 1985 1998 1985 1998 19851 1 Singapour 80 67 20 332 2 Japon 66 64 34 366 4 USA 63 62 37 3816 15 Israël 54 52 46 4830 20 Rép. Tchèque 48 48 52 5231 6 Hongrie 46 58 54 4232 29 Pologne 45 44 55 5647 32 Roumanie 34 41 66 5937 44 Egypte 39 31 61 6939 43 Turquie 38 32 62 6852 70 Jordanie 31 33 69 6754 42 Algérie 29 32 71 6861 54 Maroc 25 25 75 7571 56 Tunisie 19 25 81 75

Positions relatives despays au niveauinternational*

Part de l’ind. à forte etmoyenne intensitétechnologique

Part de l’ind. à faible intensitétechnol. et basée sur lesressources

* Classement en fonction de la proportion des articles à moyenne et forte intensité de technologie dansla valeur ajoutée dans le secteur manufacturierSource : Unido, 2001

-113-

vement médiocres. Bien que la part des

échanges intra-branches augmente sur la

période (de 29 à 38 pour les PM restreints

avec le RdM, de 15 à 23 avec l’UE), elle reste

toujours supérieure avec les pays partenaires

non européens avec lesquels elle progresse

plus en fin de période (figure 30). Les indica-

teurs calculés sur les seuls produits manu-

facturés montrent les mêmes tendances.

On remarque également que (figure 31) :

(i) globalement, les niveaux de commerce

intra-branche sont faibles pour l’ensemble

des PM, hormis le cas d’Israël qui présente

un niveau d’industrialisation plus élevé que la

moyenne des PM,

(ii) les résultats des PM se révèlent globale-

ment meilleurs quand il s’agit des échanges

avec le RdM pour la plupart de nos pays,

sauf pour le Maroc qui reste sur des taux

d’intra-branche faibles quel que soit le par-

tenaire,

(iii) comparé aux résultats obtenus par les

pays de l’est européen, l’écart est considé-

rable : la Turquie, pays le mieux classé des PM

se trouve au même niveau que la Roumanie

(environ 22%), pays le moins bien classé des

PEE de notre échantillon. La Tchéquie obtient

par exemple des taux de 52,5 avec l’UE et de

34 avec le RdM (figure 32).

On soulignera de plus que les échanges au

sein de la zone Euromed n’ont pas permis aux

PM de se rapprocher des structures d’échan-

ge de leur partenaire européen. Il semble

que, sur la période, l’indicateur de similarité

des échanges, qui varie de 0 pour des struc-

tures d’échanges opposées à 100 pour des

Figure 33 : Les similarités des structures commerciales des PM et des PEE avecl’UE

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

50

Israël Hongrie Tchéquie Pologne Bulgarie Turquie Roumanie Tunisie Liban Jordanie Algérie Syrie Egypte Maroc

1990 1995

2002

Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée

Figure 32 : Commerce intra-brancheentre les AC10 et leurs principaux parte-naires (indicateur moyen 1996-2002)

0

10

20

30

40

50

60

Roumanie Lettonie Bulgarie Lituanie Pologne Chypre Slovaquie Estonie Slovénie Hongrie Malte Tchéquie

UE

RdM

Monde

Source : Comtrade – Calculs : Institut de laMéditerranée

Figure 31 : Commerce intra-brancheentre les PM et leurs principaux parte-naires (indicateur moyen 1996-2002)

0

5

10

15

20

25

30

35

40

Algérie Syrie Egypte Maroc Jordanie Liban Tunisie Turquie Israël

UE RdM Monde

Source : Comtrade – Calculs : Institut de laMéditerranée

Algérie Israël

-114-

structures similaires confirme un recul des PM

vis-à-vis de l’UE, excepté pour Israël. Le

Maroc se situe en dernière position (avec un

indicateur égal à 14) et n’améliore pas sa

position entre 1995 et 2002 ; la Tunisie enre-

gistre un net recul depuis 1995, de même que

la Turquie. Par contre, la Jordanie et l’Egypte

se rapprochent légèrement des structures

européennes. Les pays de l’Est de notre

échantillon présentent des similarités plus

proches avec l’UE, bien que la tendance soit à

la baisse, sauf pour la Tchéquie.

Il ressort de cette première analyse de la

compétitivité internationale des PM :

(i) une tendance globale au recul des fac-

teurs de compétitivité. Les restructurations

industrielles qui ont permis de développer la

part des exportations de produits manufactu-

rés par rapport aux produits primaires, ont

amené les PM à se spécialiser sur des pro-

duits de faible niveau technologique et peu

créateurs de valeur ajoutée. Ils ne peuvent

dès lors développer des relations de type

intra-branche avec leurs partenaires com-

merciaux et leurs structures commerciales ne

se rapprochent pas de celles de leurs parte-

naires privilégiés. Comparés aux pays de

l’est européen, on ne peut que constater le

retard des niveaux d’industrialisation, même

si les performances de ces derniers enregis-

trent un recul récemment.

(ii) Sur la période 1990-2002, on observe

des phénomènes de sous régionalisation au

sein des PM. Un certain nombre de pays se

rapprochent de plus en plus de leurs parte-

naires européens (Tunisie, Maroc, Turquie, et

dans une certaine mesure la Jordanie en fin

de période), alors que les autres (Egypte,

Liban, Israël, Syrie) renforcent leurs relations

commerciales avec les pays du reste du

monde.

(iii) Les résultats sont contrastés ; les pays

du premier groupe s’adaptent mieux à la

demande européenne, exception faite du

Maroc, mais leurs exportations ne se diversi-

fient pas. De plus, pour la Tunisie et le Maroc,

le niveau technologique des exportations

reste faible et n’évolue que lentement. Les

pays du second groupe semblent plus adap-

tés à la demande des pays non européens et

leurs exportations se diversifient plus avec

ces derniers partenaires. Par contre, ils

obtiennent de moins bons résultats avec le

RdM qu’avec l’UE sur les niveaux technolo-

giques des exportations.

Les performances extérieures des PM repo-

sent sur des types de spécialisations qui

déterminent la nature de l’insertion de

chaque pays méditerranéen.

3. Des spécialisations de plus en plus mar-

quées

L’ouverture aux échanges internationaux, et

plus particulièrement la nature de la spéciali-

sation induite, ne peut constituer un facteur

de développement que si elle permet de ren-

forcer les capacités productives des pays

hôtes (Cnuced, 2004). Plusieurs facteurs

sont concernés par cette amélioration des

capacités des systèmes industriels : à la fois

quantitatifs (produire plus permet de jouer

sur les économies d’échelle et d’augmenter

l’emploi) et qualitatifs (augmentation de la

valeur ajoutée produite localement, montées

en gamme, intégration et diffusion des tech-

nologies modernes…).

L’analyse des évolutions des parts de mar-

ché, à partir de l’indicateur d’avantage com-

paratif de Balassa, permet de situer le

niveau de compétitivité relative d’un pays et

de capturer les évolutions des parts de mar-

ché. Cependant, on ne peut tirer aucune

conclusion quant aux conséquences de ces

spécialisations sur les potentialités qu’elles

offrent en termes d’amélioration des capaci-

tés productives.

-115-

L’analyse des données d’échanges selon une

différenciation des produits par stade de pro-

duction et par intensité des facteurs utilisés,

permet de caractériser les processus sur les-

quels repose l’intégration au commerce inter-

national et de voir leurs effets en terme de

montée en gamme. On constate dés lors que

deux types de processus président à l’évolu-

tion des spécialisations des PM :

√ une insertion traditionnelle, fondée

sur l’exploitation et la valorisation des res-

sources naturelles, et par rapport à laquelle

les biens sont échangés selon la loi des avan-

tages comparatifs de type HOS.

√ Une intégration à des réseaux de

production internationaux, qui spécialisent

les pays selon le stade de production d’un

produit, pour lequel ils présentent des avan-

tages relatifs. Ces formes de spécialisation

reposent sur des processus de fragmenta-

tion. (voir encadré 1). Celles-ci sont, soit

tirées par de la sous-traitance locale (repré-

ENCADRE 1 : Les processus de fragmentation

La fragmentation, qui segmente le processus de production en plusieurs étapes, permet à lafois de bénéficier de nouvelles formes de spécialisation ainsi que de moindres coûts de pro-duction tout en fonctionnalisant l’emploi local selon les spécialisations des partenaires duréseau (Jones et Kierzkowki, 2001).

Dans la littérature, le phénomène de fragmentation fait appel à différentes terminologies :« outsourcing », « superspecialization », « intra-product specialization », « multi-stage pro-duction », « subcontracting », « réseaux de production internationaux » (Unctad, 2004).Généralement, la fragmentation est décrite comme la décomposition de la chaîne de produc-tion en segments de production, et l’outsourcing fait référence plus spécifiquement aux déci-sions des entreprises en ce qui concerne les structures de production (Chen, Ishikawa et Yu,2001).

Contrairement à la théorie traditionnelle, qui repose sur l’analyse des échanges mondiaux debiens finaux, l’étude des réseaux de production internationaux met l’accent sur le rôle essen-tiel des biens intermédiaires dans le commerce mondial (Egger, 2001).

Le processus de fragmentation s’inscrit dans une double dimension : une dimension spatialeet une dimension de coordination des activités productives. Le choix d’externaliser certainesactivités de production ou les services qui leur sont associés est favorisé par la baisse descoûts de transaction sur le marché par le biais des nouvelles technologies de l’information.Ainsi, parallèlement à une logique d’intégration des processus productifs très verticalisés,caractéristique des multinationales, on voit se développer une gestion par le marché. Dèslors, la nature du tissu productif évolue en laissant une place de plus en plus importante auxPME, ce qui offre aux pays en développement des opportunités supplémentaires de rattrapa-ge et de décollage économique.

La théorie démontre que l’intégration des pays en développement à un réseau de productioninternational peut permettre de sauter certaines étapes traditionnelles de développement. Eneffet, la fragmentation élimine la nécessité de posséder des compétences dans tous les seg-ments de production d’un bien et encourage les pays en développement à entrer dans le sys-tème de partage de la production mondialisée, soit en se spécialisant sur un segment de pro-duction, soit sur quelques étapes de production. Dès lors, pour une dotation factorielle don-née, les pays peuvent commencer par développer leur compétence sur les composants inten-sifs en travail puis graduellement se porter sur des composants plus intensifs en technologieet en capital humain. Les relations de production avec les pays développés facilitent le trans-fert de connaissances et offrent aux pays en développement un accès plus large et moins coû-teux aux technologies avancées.

La fragmentation porte sur des industries où il est possible de séparer les opérations de main-d’œuvre des opérations qui exigent beaucoup de capitaux, de compétences et de technolo-gies. Pour les pays de notre échantillon, deux types de secteurs sont essentiellement concer-nés : le secteur textile-habillement d’une part, l’automobile, l’informatique et les machines debureau, les équipements de télécommunication et les équipements de circuits électriquesd’autre part.

-116-

sentée essentiellement par le textile-habille-

ment), soit par les IDE et les délocalisations

des firmes multinationales (le cas de l’auto-

mobile, de l’électronique…). Dans cette confi-

guration, le pays exporte le facteur de pro-

duction pour lequel il présente un avantage

relatif pour l’entreprise à l’origine du proces-

sus. On notera que ces spécialisations impli-

quent autant les exportations que les impor-

tations dans la mesure où les pays sous-trai-

tants transforment des biens intermédiaires

importés.

Des processus de spécialisation dans lesquels

la dimension régionale est prédominante

Les accords Euromed et les accords de pré-

adhésion et d’adhésion avec les PEE soutien-

nent la mise en place de réseaux de produc-

tion privilégiés avec l’UE, alors que l’on

observe des comportements radicalement

différents vis-à-vis des pays du reste du

monde. L’Union Européenne est le partenaire

privilégié des processus de fragmentation et

ce phénomène s’accentue au cours de la der-

nière décennie.

Trois types de spécialisation caractérisent

schématiquement les pays de l’échantillon :

√ une première qui repose sur l’exploi-

tation des richesses naturelles dont sont

dotés les PM (pétrole, phosphate, produits

agricoles) ;

√ une deuxième spécialisation qui

porte sur des secteurs traditionnels tels que

le vêtement, le cuir ou encore le bois pour les

PEE ;

√ et une troisième, plus dynamique,

qui développe les avantages comparatifs de

secteurs porteurs, généralement intensifs en

technologie, tels que les matériels de bureau,

ordinateurs et télécommunications, les équi-

pements de transport, les composants élec-

troniques ou également les machines non

électriques.

Chaque pays se positionne ainsi sur

l’une de ces spécialisations en fonc-

tion du partenaire commercial et

peut ainsi diversifier ses stratégies

commerciales. On constate que les

PEE se spécialisent avec l’UE sur des

secteurs dynamiques, alors que

majoritairement les PM, sauf la

Turquie et Israël, se portent sur des

biens plus traditionnels qui ne favo-

risent pas la montée en gamme.

Dans ce cadre, ce sont plutôt les

partenaires non-européens qui sti-

mulent la transformation du systè-

me productif méditerranéen vers

des produits à plus forte valeur

ajoutée. Le tableau 18 dresse les

grandes lignes des schémas de spé-

cialisations sectorielles des PM et

des PEE et les implications différen-

ciées des partenaires. Les deux pre-

miers types de spécialisation repo-

Tableau 18 : Les grandes tendances des spéciali-sations régionales par types de fragmentation

Avec l’UE Avec les deuxpartenaires

Avec le restedu monde

Maroc, Tunisie,Turquie

Roumanie,Bulgarie

Tchéquie,Hongrie,Jordanie,Turquie

Turquie

HongrieJordanie TurquieHongrie Pologne,

TchéquieJordanie Turquie TunisieRoumanie,PologneTchéquie

Hongrie Tchéquie

Exploitation desressources

naturelles et desavantages

comparatifstraditionnels

Jordanie,Algérie

Maroc, Tunisie

Machines nonélectriques

Spécialisation 3

Composantsélectroniques

Tunisie, Liban Maroc

Equipements detransport

Spécialisation 2Ordinateurs et

télécommunicationRoumanie

Spécialisation 1Textile-Habillement Jordanie,

Egypte

Source: Menegaldo, Palméro et Roux, 2004

-117-

sent essentiellement sur l’intégration aux

réseaux de production internationaux.

Mise en évidence des processus de fragmen-

tation avec un partenaire privilégié

Les études empiriques qui portent sur ces

phénomènes sont peu nombreuses mais elles

caractérisent le processus de la façon suivan-

te : les pays hôtes importent massivement

des biens intermédiaires des pays dévelop-

pés et, après transformation, exportent les

biens finaux vers ces mêmes partenaires.

Certains auteurs limitent leur étude aux

échanges de pièces et composants (Yeats,

2001, Feenstra, 1998), mais, à l’instar du

CEPII (Fontagné L., Freudenberg M. et Unal-

Kesenci D., 1995), nous élargirons le domai-

ne de notre travail à l’ensemble de la catégo-

rie des biens intermédiaires (pièces et com-

posants et produits semi-finis). L’analyse des

données statistiques, repose sur une décom-

position des produits par stade de produc-

tion, par intensité factorielle et technologique

et par type de produit. La différenciation des

avantages comparatifs (CTB) obtenus sur les

biens finaux et sur les biens intermédiaires

permet d’identifier les pays intégrés à des

réseaux de production internationaux.

Une première analyse globale indique les

pays qui jouent pleinement le jeu de la frag-

mentation pour lesquels les indicateurs de

contribution au solde sont totalement néga-

tifs sur les biens intermédiaires et massive-

ment positifs sur les biens finaux :

√ la Tunisie, le Maroc, la Turquie pour les PM,

la Roumanie, la Bulgarie, la Pologne et la

Hongrie et la Tchéquie depuis 1998-1999,

pour les pays de l’est européen ;

√ l’Algérie, la Jordanie et dans une moindre

mesure l’Egypte, peinent à sortir de leur spé-

cialisation initiale sur les biens primaires bien

que leur spécialisation sur les biens intermé-

diaires manufacturiers (produits semi-finis

intensifs en technologie et en capital humain)

montre un effort d’industrialisation par la

transformation sur place du bien primaire ;

√ le cas d’Israël, qui réalise tous ses avan-

tages comparatifs sur les biens intermé-

diaires, que ce soit avec le monde ou avec

l’UE, mais qui reste en position négative sur

les biens finaux est plus typique d’un pays

pour lequel un niveau de développement plus

élevé permet d’engager dans des opérations

de fragmentation avec des pays moins déve-

loppés.

Des spécialisations concentrées sur quelques

secteurs

L’analyse des indicateurs de contribution au

solde par grands secteurs permet (i) de

constater que les spécialisations des PM se

concentrent de plus en plus sur quelques

secteurs, (ii) que ces spécialisations reposent

sur une dimension régionale déterminante.

√ La filière textile-habillement : processus de

spécialisation de type 1

Le secteur textile-habillement est le plus

régionalisé et génère la plus grande partie

des flux d’échanges croisés relatifs à de la

fragmentation au sein de la zone euro-médi-

ENCADRE 2 : L’indicateur de contribu-tion au solde

On utilisera l’indicateur de contribution ausolde (noté CTB) développé par l’équipe duCEPII, dans la mesure où il permet d’intégrerà la fois les importations et les exportations,ce qui dans le cadre de l’analyse des proces-sus de fragmentation est important puisqueceux-ci reposent sur la complémentarité desflux d’échanges.Afin de faciliter la comparaison entre pays,les indicateurs de contribution au solde ontété normalisés en pourcentage de leurscontributions respectives (négatives et posi-tives) au solde global. Chaque indicateur decontribution positive varie de 0 à 100% (oude –100% à 0) et représente la part relativede chaque secteur dans le total des contribu-tions positives (et inversement pour les indi-cateurs négatifs).

-118-

terranéenne. La spécialisation des PM dans

l’habillement repose aujourd’hui essentielle-

ment sur des avantages liés au différentiel de

coût de main d’œuvre, mais intègre égale-

ment des critères de qualité, de flexibilité, de

capacité de temps de réponse, qui sont

déterminants aux yeux des donneurs d’ordre

européens qui investissent dans la constitu-

tion de réseaux de sous-traitants proches et

stables. C’est un avantage essentiel pour les

PM et les PEE par rapport à la concurrence

des chinois ou des indiens.

Pour les trois principaux pays méditerranéens

concernés, ce secteur définit les modalités de

l’insertion internationale. Le vêtement repré-

sente la moitié des exportations tunisiennes

vers l’UE en 2002 et pas plus de 6,5% vers le

RdM, il pèse pour 44% des exportations

marocaines et 32% des exportations turques

vers l’UE (avec respectivement 7% et 15%

vers le RdM). La Roumanie et la Bulgarie

(avec respectivement 35% et 29% de leurs

exportations dans la catégorie habillement en

2002 vers l’UE) sont dans le même cas de

figure et constituent des concurrents directs

pour les pays méditerranéens.

Les pays de l’est méditerranéen sont plus

généralement tournés vers des donneurs

d’ordre non européens. C’est le cas de l’Egypte

qui, depuis 1990, outre la valorisation des pro-

duits issus de ses ressources en hydrocarbures,

se respécialise sur la filière textile habillement

(20% des exportations vers le RdM), et de la

Jordanie (35% des exportations).

Les 5 pays méditerranéens (Maroc, Tunisie,

Turquie, Egypte et Jordanie) plus particuliè-

rement spécialisés dans ce secteur, obtien-

nent des niveaux de compétitivité sur les

marchés mondiaux relativement élevés, c’est

ce que montre l’indicateur d’avantage com-

paratif révélé de Balassa (tableau 19). La

Roumanie et la Bulgarie sont leurs principaux

concurrents à l’est dans ce secteur.

D’autre part, les indicateurs de contribution au

solde normalisés montrent que, entre 1990 et

2002, tous les pays engagés dans ce type de

réseaux renforcent la spécialisation avec leurs

partenaires principaux (tableau 20).

En 2002, on constate que (i) près de 70% des

avantages comparatifs tunisiens avec l’UE

sont dus aux exportations de vêtements, 66%

pour le Maroc et 65% pour la Turquie, (ii) que

ces trois pays se désengagent massivement

du reste du monde sauf pour la Turquie, et

que (iii) l’Egypte et la Jordanie tirent de plus

en plus leurs avantages comparatifs des rela-

tions commerciales avec le reste du monde.

√ Une réallocation des ressources sur des sec-

teurs plus porteurs : automobile et équipe-

ments, matériel de bureau et ordinateurs,

télécommunications, composants électro-

niques (spécialisation de type 2).

Tableau 19 : Les avantages comparatifs révélés (Balassa) des PM et des PEE

2002 2000 2002 2000Maroc 9,2 9,9 Bulgarie 6,2 5,4Tunisie 13,6 11,9 Roumanie 6,8 7,4Turquie 6,6 7,4 Hongrie 1,1 1,4Egypte 3,5 2,9 Pologne 1,3 1,9Jordanie 6,7 3,5 Tchéquie 0,45 0,68Liban 1,2 1Israël 0,5 0,7Syrie 0,9 1,1

Source : ITC 2002 – Calculs basés sur Comtrade UNSD

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contraints par le système de quota. Cet arran-gement a permis aux secteurs de TH d'enrichirdes fabricants, peu disposés à s'ajuster, per-pétuant certaines inefficacités et rigidités.

Cette industrie est le plus importantemployeur de la région avec plus de 4 millionsde postes, dont les deux tiers en Turquie et enEgypte. Le poids de l'emploi dans le textile etl'habillement est très important en Tunisie etau Maroc.

En Turquie, le TH est le plus grand secteurindustriel du pays. Il représente 10% du PIB,21% de la production industrielle et 20% del'emploi total. En Tunisie, il compte pour 46%des exportations nationales et 40% de lamain-d'œuvre industrielle au Maroc. EnEgypte, le secteur totalise 25% de l'emploi dusecteur manufacturier, 3% du PIB et 23% desexportations totales. Le secteur rassembleégalement un tiers de la main-d'œuvre indus-trielle en Syrie et représente 34% de la pro-duction totale du secteur manufacturier. EnJordanie, le secteur du TH a enregistré uneprogression subite après la mise en place del'accord sur les Zones Industrielles Qualifiées(ZIQ) et sa part dans les exportations est pas-sée de 3% à 17%.

En Israël, en Palestine, en Algérie et au Libanles secteurs du TH jouent un rôle moins signi-ficatif. L'importance relative du secteur du THa diminué depuis 1997 à cause du coût élevéde fabrication. En Palestine, bien que le sec-teur soit le deuxième employeur après le sec-teur de la construction, l'industrie textile arelevé des défis sérieux ces dernières années.En Algérie, les hydrocarbures sont toujours lepilier principal de l'économie et le secteur dutextile n'a qu'un rôle subalterne. Au Liban, lesentreprises sont habituellement de tailleréduite, souvent familiale et souffrent actuel-lement de la concurrence des produits impor-tés à bas prix provenant de pays où le travailest meilleur marché.

Avec l'élimination des quotas en janvier2005, la concurrence accrue dans les catégo-ries libéralisées poussera les prix à la baisse.Par conséquent, beaucoup de pays exporta-teurs parmi ceux cités ci-dessus verront leurpart de marché se contracter en volume enfaveur de grands fournisseurs plus compéti-tifs et/ou subiront des pertes de termes del'échange.

Les partenaires méditerranéens (PM) qui ontsigné l'accord d'association avec l'UE dans lecadre du processus de Barcelone, ont bénéfi-cié pendant longtemps d'un traitement préfé-rentiel. Les avantages obtenus par les paysméditerranéens vont progressivement êtreérodés avec les changements que vont subir

L'avenir des industries textiles-habille-ment des pays de la Méditerranée face àla fin de l'accord Multi-fibres, l'entrée dela Chine à l'OMC, la libéralisation du com-merce multilatéral et l'élargissement del'Union Européenne (UE)

Dirigée par la Bilkent University, Turquieet l'Université Libre de Bruxelles

Le textile-habillement (TH) est une des indus-tries clefs de la zone Méditerranéenne dansson ensemble. C'est une de ses premièressources de revenu et d'emploi. Depuis plus dedeux décennies, les PM ont su tirer parti d'unavantage régional (proximité géographique etculturelle, faibles coûts du travail et fluxd'échanges régionaux) pour faire émerger,avec le puissant soutien de l'Union européen-ne, un secteur TH dont les performances sontun succès. Cependant, un certain nombre denouveaux éléments ou d'évolutions risquentd'éroder la compétitivité, dont jouit depuislongtemps la Méditerranée, qui sont liés à : √ un contexte international qui connaîtdes changements rapides tels que l'élimina-tion des quotas qui distordait les échanges àpartir du 1er janvier 2005,√ une modification des préférencessuite à l'ouverture de nouvelles négociationsmultilatérales qui se répercuteront sur la pro-duction offshore et les délocalisations,√ l'intensification de la concurrence surles marchés internationaux venant principale-ment de la Chine et d'Asie,√ la pression des revendeurs et des pro-ducteurs de vêtements, dont le poids écono-mique devient plus important, et l'évolution dela compétitivité qui en découle, de plus en plusassociée à la qualité, les compétences et latechnologie, et√ les opportunités et les défis de l'élar-gissement de l'UE.De plus, l'Union européenne, principal marchéd'exportations de la majorité des pays médi-terranéens, a enregistré un recul de sademande qui a affecté négativement les PM.

Si ces évolutions ne sont pas abordées demanière prudente, elles pourraient mettre enpéril l'intégration régionale et, dans certainscas, rendre insoutenables des stratégies dedéveloppement par les exportations.Aujourd'hui, elles peuvent encore comporterdes opportunités si celles-ci ne sont pas affai-blies par un « protectionnisme rampant ».

1) Tendances récentes dans l'industrie du tex-tile et de l'habillement Dans le cadre de l'accord Multi-fibres (AMF),les secteurs de TH des pays méditerranéensont été longtemps protégés contre la concur-rence potentielle des géants asiatiques (prin-cipalement la Chine et l'Inde) qui ont été

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les échanges mondiaux. Les défis éminentsauxquels la région devra faire face sont : √ l'abolition des quotas et la réductiongénéralisée des droits en accord avec l'agen-da des accords de Doha. Il est évident, sur labase d'autres expériences comme celle duMexique par exemple, que le traitement pré-férentiel n'est pas suffisant pour contrebalan-cer la faiblesse des prix proposés sur leursproduits par des concurrents asiatiques, par-ticulièrement l'Inde et la Chine. Une produc-tivité accrue et des capacités d'adaptationrapide peuvent ne pas suffire à relever ledéfi ; √ la conclusion d'autres accords delibre-échange entre l'UE et différents pays dumonde, comme l'Afrique du sud, le Chili et leMexique, notamment. De tels accords pour-raient jouer un rôle de régulation deséchanges d'habillement et de textile ;√ l'élargissement de l'UE ouvrira pourles pays méditerranéens des perspectives ence qui concerne le commerce et l'investisse-ment. Les chiffres récents prouvent que lecommerce augmente entre les pays méditer-ranéens et les nouveaux adhérants, avec unsolde positif en faveur des premiers ; √ le système généralisé des préférencesadopté par l'UE prévoit, pour les pays éli-gibles, une réduction des droits de douane.Les pays comme le Bangladesh pourraientsurpasser les pays méditerranéens pour unnombre d'articles d'habillement. D'ailleurs, lerelâchement de règles d'origine rigoureusespeut également rendre difficile la préservationdes niveaux actuels pour les fournisseursméditerranéens d'habillement.

2) Échanges euro-méditerranéens de textileset d'habillement

Les échanges euro-méditerranéens de TH sesont développés sur un modèle régional enraison de deux facteurs : l'avantage compara-tif des pays méditerranéens et la conclusiond'accords commerciaux régionaux tels que leprocessus de Barcelone.

A partir des données d'avantage comparatifrévélé (ACR), il apparaît que l'Egypte, la Syrieet la Turquie ont des avantages comparatifsdans le textile, tandis que la Tunisie et laTurquie présentent des avantages comparatifstrès forts dans les produits d'habillement(dont les parts respectives dans les exporta-tions sont 17 fois et 28 fois plus élevées quecelles dans le commerce international). Parmiles accomplissements les plus significatifs dela région figure l'augmentation du nombre delignes tarifaires qui sont devenues concurren-tielles au niveau mondial ; pourtant leschiffres demeurent loin de ceux d'autres paysconcurrents tels que la Chine, la Pologne et laRépublique Tchèque.

Les accords commerciaux régionaux auxquelsse sont joints les pays méditerranéens, dontl'accord avec l'UE est le plus en vue, ont unrapport direct avec l'augmentation régulièredes exportations de la région depuis 1995. Lesexportations méditerranéennes représententplus de 14% de la part de marché de l'UE pourle textile et plus de 25% pour l'habillement.D'autre part, certains pays tels que l'Egypte,Israël et la Jordanie ont réussi à pénétrer lemarché américain. En Jordanie, les exporta-tions des zones industrielles qualifiées, au seindesquelles le textile et l'habillement ont unpoids élevé, ont augmenté de 30% en 2001.Néanmoins, les pays méditerranéens repré-sentent aujourd'hui environ 20% des exporta-tions totales de textile de l'UE, ce qui souligneles faiblesses du secteur domestique, forte-ment dépendant des importations de l'UE. Leschiffres pour l'habillement sont moins impor-tants, mais ont augmenté aussi (8% desexportations totales d'habillement de l'UE en2003).

Les performances commerciales d'ensembledu secteur du TH des pays méditerranéens ontprogressé de façon constante depuis 1990.Pourtant les volumes (plutôt que la valeur)des échanges montrent de sensibles modifica-tions en faveur des concurrents asiatiques.

Lors de la troisième étape de l'accord sur letextile et l'habillement (ATH), les quotas quilimitaient encore la pénétration par la Chinedu marché européen ont été abolis et parconséquent la part de marché de ce pays a etva encore augmenter. Ceci se fera sans aucundoute aux dépens de la part des PM sur lemarché de l'UE; en seulement deux ans, lesexportations des pays méditerranéens ontdiminué de 5,9% en valeur et de 18,1% envolume. Des questions subsistent quant à lacapacité de la Chine à maintenir des prix aussibas de ses produits. Néanmoins, le faitdemeure que cela s'est fait au détriment depays méditerranéens dépassés.

3) Une analyse approfondie des tendances deséchanges

L'analyse des tendances des échanges à desniveaux fins de désagrégation révèle despoints communs substantiels entre les pays.Pour tous, les exportations d'habillementdominent leurs exportations totales. Seulel'Egypte a su diversifier ses exportations enpassant des fibres et fils aux produits prêts àl'emploi. Pour d'autres pays, la situation estrestée stable. En Tunisie et au Maroc, les poli-tiques d'intégration vers l'amont et de diversi-fication ont péniblement réussi. En Turquie,l'intégration vers l'amont est un succèspuisque la plupart des exportations d'habille-ment sont manufacturées à partir de tissus

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locaux. Si une certaine diversification a effec-tivement lieu, la tendance est à des produitssimples plutôt qu'à des produits complexes.

Cette diversification vers une simplificationdes produits est le signe que les pays médi-terranéens se spécialisent principalement surdes produits de l'industrie de la confection àfaible contenu en travail et incorporant desmatériaux dont la valeur est relativement peuélevée (principalement des tissus de coton).La diversification privilégie principalement desproduits peu intensifs en main-d'œuvre (telsque les tricots et le linge de lit). L'absenced'amélioration prouve l'existence de pro-blèmes organisationnels, d'un manque dequalifications et d'une utilisation de matérielsde base peu raffinés. Le fait qu'ils se placentsur des produits peu intensifs en maind'œuvre souligne que la hausse des coûtsrelatifs du travail a engendré une perte decompétitivité-prix vis-à-vis des pays de l'Est.

Ceci illustre les problèmes d'enfermementassez importants, dont pâtissent probable-ment plus fortement le Maroc et la Tunisie, lesdeux pays qui enregistrent les niveaux d'IDEdans la production les plus élevés. Ces IDE ontrenforcé le maintien d'une gamme étroite deproduits, alors que les sociétés turques ontconsacré moins d'investissements aux besoinsspécifiques d'un produit ou d'un client. Il sem-blerait qu'il existe néanmoins une flexibilitérelative dans leur capacité à attirer de nou-veaux clients étant donnée la spécialisation enplace. La Tunisie a pu réorienter sa productionde jeans de la France et la Belgique versl'Italie ; le Maroc qui fournissait français etallemands sert maintenant les espagnols etles britanniques. L'Egypte, de la même maniè-re, change son positionnement et passe d'uneprédominance britannique à une prédominan-ce italienne. Ceci démontre que, si la gammede production est rigide, les relations com-merciales sont plutôt flexibles.

4) Stratégies exogènes et tendances poli-tiques régionales et multilatérales

(i) Stratégies de détail et de marque : déve-loppements stratégiques actuels

L'internationalisation de la vente au détail enEurope est encore limitée. Les différences enmatière de goût ou de rapport à la mode, etles structures de prix et de distribution expli-quent le nombre relativement restreint demarques bien assises au sein de l'Europe. Lesmarques qui ont eu un certain succès sontcelles qui ont su comprendre les utilisations etles espérances d'une population cible deconsommateurs bien définie, garder le contrô-le vertical de leur chaîne de valeur etemployer des systèmes d'information sophis-

tiqués. Dans un contexte de marchés saturéset de pressions croissantes sur les prix, lesdétaillants européens ont eu recours au déve-loppement global. Leur cible première étaitl'Europe, suivie, dans l'ordre stratégique, del'Amérique du Sud et de l'Asie.

Globalisation de l'approvisionnement.Multiplier les délocalisations a été une carac-téristique spécifique des chaînes industriellestransnationales dans le monde entier, où l'ap-provisionnement provient à la fois de la zonepan-euro-med et de la zone dollar. Pour lesdétaillants européens, l'Europe et tout le pan-euro-med sont des zones clefs de productionet de consommation, l'Asie est un consomma-teur dont le poids augmente progressivement,et un producteur important, tandis que lesAmériques sont des zones dont le rôle se ren-force en termes de production et de consom-mation. Il faut noter que les Etats-Unis et leJapon enregistrent des taux de pénétrationélevés comparativement à ceux de l'Europe,ce qui s'explique en partie par les différencesde niveaux de concentration.

Influence croissante de la vente au détail audétriment de la production. Les détaillantseuropéens et les marques se servent dequatre mesures principales d'approvisionne-ment : la fabrication de leur propre produit,la sous-traitance, le co-contrat et l'achat deproduit fini. Le choix de la méthode particu-lière d'approvisionnement est adaptée au caspar cas, selon la formation des détaillants. Ladécision est, la plupart du temps, basée surles critères suivants : tout ce qui crée unedifférence évidente pour le consommateurdoit rester sous le contrôle direct de lamarque ou du détaillant, tout le reste pou-vant être externalisé si c'est une source debénéfices.

Stratégies de vente au détail et de marque :principaux éléments stratégiques

Dans le domaine de la vente au détail globali-sée, certains mode de fonctionnement ontévolué et dominent maintenant le système. Leplus important est la différentiation, c'est-à-dire que les détaillants ont recherché les pro-duits qui pouvaient « enrichir la personnalitéde la marque » et qui sont donc différents deceux de leurs concurrents. En outre, la mini-misation des stocks devient un objectif crucialà mesure que l'espérance de vie des créationsdiminue avec la recherche de la différentiationet de la nouveauté. D'autres facteurs d'évolu-tion jouent, tels que la diminution des délaisde livraison, la dépendance accrue à l'égarddes activités amont, qui doivent faciliterl'adaptation aux pressions à la baisse des prixet recourir à une main-d'œuvre dont les prixsont relativement inférieurs.

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À cet égard, il faut souligner que la régionpan-euro-med a un avantage sur l'Asie etl'Europe de l'Est. La région présente un bonéquilibre entre des coûts de main-d'œuvrebas (comme en Asie), une communicationfacile (comme en Europe de l'Est), car il y apeu de différences culturelles, et des délaisde livraison courts. Par conséquent la régionest bien placée pour ce qui concerne la pro-duction dans des délais courts ou moyens.Par ailleurs, pour la production des articlesde base, les détaillants recourent à l'Asie.Dans ce contexte, il ne faut pas minimiser lerôle du taux de change dollar-euro. Pour lesfournisseurs transnationaux, la volatilitémonétaire nécessite de constituer un porte-feuille diversifié et fiable de fournisseurs desprincipaux produits pour lisser les chocséventuels.

Dans leur choix de lieux de production, lesdétaillants et les marques privilégient la proxi-mité pour la transformation et les textiles. Afinde combiner le prix et la réactivité, lesdétaillants et les marques doivent parfoisimporter des tissus d'Asie (essentiellementnon teints ou dans des nuances de base) pourles traiter ensuite dans la zone de pan-euro-med. Une pratique courante consiste égale-ment à concentrer les achats grâce à desbureaux directs d'achats centralisés, ce quipermet de réaliser des économies d'échelle etd'abaisser la taille des séries produites.

Politiques commerciales de l'UE. Dans sa ten-tative de prévenir les menaces potentiellesvéhiculées par l'élimination progressive del'AMF, la Commission européenne a adoptédes recommandations sur le futur de l'indus-trie du textile et de l'habillement. Celles-cicomprennent des mesures de politique com-merciale visant principalement à renforcer lacompétitivité du secteur du TH de l'UE, en pré-vision de l'élimination des quotas, ce qui auraégalement des impacts substantiels sur lespays en développement « vulnérables » et,parmi eux, les pays méditerranéens.

Dans ce contexte, plusieurs domaines d'actionont été suggérés : √ dans le contexte de l'agenda de Doha,l'UE soutient fortement la réduction réci-proque et significative des droits de douane,plaide en faveur d'un niveau harmonisé quiaméliorerait l'accès au marché sur l'axe nord-sud mais aussi sud-sud, et de l'élimination detoutes les barrières non-tarifaires. √ Selon la politique d'« Europe élargie »de l'UE et la 3ème Conférence interministé-rielle sur les échanges de l'Euromed, desavancées importantes dans l'intégration sud-sud pourraient être obtenues grâce à la pleineexécution des règles d'origine pan-euromedd'ici 2005.

Il faudrait également :√ offrir aux partenaires préférentiels del'UE des possibilités accrues de se procurerdes biens intermédiaires pour la fabrication devêtements qui peuvent alors être exportésvers l'UE sans perdre les préférences com-merciales ;√ concentrer les préférences commer-ciales de l'UE sur les pays les plus pauvres, enévinçant les grands concurrents ;√ explorer l'utilisation de labels pourfaciliter l'accès à l'UE des produits qui respec-tent les normes internationales concernantl'environnement ou le travail ;√ imposer des droits de propriété intel-lectuelle et lutter contre la fraude et la contre-façon ;√ examiner les moyens les plus appro-priés d'utilisation de la mention « fabriqué enEurope » pour promouvoir les produits dequalité européenne et pour offrir aux consom-mateurs une meilleure information ;√ accroître la concurrence internationale.

(ii) Le Textile et Habillement, des AMF à l'ATC… des projets non aboutis ?

En limitant l'accès des géants asiatiquesconcurrents, le système de quotas de l'AMF,initialement conçu comme un mécanisme deprotection des secteurs textile et habillementde l'UE et des USA, est devenu le principalmécanisme de sélection des industries dansles pays en développement. Après la créationde l'OMC en 1994, un accord a été signé,visant à éliminer les quotas sur les importa-tions de textiles et habillement (ATH). Cetteétape a été considérée comme un triomphepar les pays en développement, jusqu'à ceque la Chine devienne membre de l'OMC etque lui soit accordés tous les avantages del'ATH : elle pouvait alors menacer les petitsfournisseurs et la plupart des pays en déve-loppement qui demeuraient vulnérables.

Théoriquement, l'accord devait instaurer unsystème où les gains et les pertes étaientfonction des avantages comparatifs.Cependant, la Chine pourrait devenir le princi-pal gagnan, dans la mesure où sa part demarché dans le textile de l'UE pourrait passerde 10% à 12%, et de 18% à 29% sur le mar-ché de l'habillement.

Les pays offrant les coûts de main-d'œuvre lesplus bas, la production la plus efficace, et lesinfrastructures de transport et de télécommu-nication les plus développés sont susceptiblesde capter une large part de la production dansle secteur de l'habillement. Ceux qui pourrontoffrir, à la fois, les matières premières et lesvêtements finis, bénéficieront également d'unavantage certain. Les pays qui serontcapables de fournir un vaste ensemble de ser-

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vices - de la production de textile au découpa-ge, à la confection et l'emballage - seront lesplus concurrentiels et les mieux placés. Lesgéants traditionnels du textile et de l'habille-ment - Chine, Inde et Pakistan - et bientôt leVietnam ont des avantages concurrentielsdans tous ces domaines.

Agenda de la réunion de l'OMC de Doha

Les négociations multilatérales reviennentsans cesse sur la question de l'accès au mar-ché dans les secteurs des produits non-agri-coles, dont le TH. La déclaration ministériellede Doha a souligné la nécessité de réduire oud'éliminer les tarifs incriminés, dont les picstarifaires, les tarifs les plus élevés, et la pro-gressivité des tarifs, ainsi que les barrièresnon-tarifaires, en particulier sur les produitsqu'exportent les pays en développement.Dans ce contexte, les pays méridionaux, engénéral, devraient pouvoir accroître leursexportations vers les pays riches du nord,mais les bénéfices et les réactions de chacunà ces incitations ne sont pas clairement éta-blis. Dans leur déclaration, les ministres réunisà Doha ont insisté sur la nécessité de pourvoiraux besoins des pays les moins développésqui sont fortement dépendants du textile et del'habillement.

En matière de réduction des barrières tari-faires, la proposition des Etats-Unis pour lesproduits non-agricoles conduirait, de fait, à unmonde sans aucune barrière tarifaire puisqu'ily aurait une égalisation des tarifs (une formu-le suisse), autour d'un maximum de 8 % en2010, avant une deuxième vague de baisselinéaire des tarifs qui aboutirait à leur complè-te disparition entre 2010 et 2015. Elle a peude chance d'être mise en œuvre. La proposi-tion actuelle de l'Union Européenne, dans lecadre des négociations sur l'accès aux mar-chés, invite tous les membres de l'OMC, àl'exception des pays les moins avancés, àrechercher une harmonisation significative destarifs douaniers et, dans une certaine mesure,des traitements sectoriels. Ceci devrait per-mettre à l'industrie euro-méditerranéenne deconcurrencer d'autres pays dans des condi-tions similaires.

La progressivité des tarifs est évidente quandon compare les tarifs appliqués dans l'habille-ment à ceux, beaucoup moins importants, envigueur pour les produits textiles. Cette situa-tion n'encourage pas les pays en développe-ment à développer des productions à contenutechnologique plus important ou à descendreles filières de transformation pour proposerdes produits plus élaborés.

Quant aux pics tarifaires, bien que les disposi-tions de l'Uruguay Round aient été respectées,

des différences importantes subsistent dansles tarifs consolidés selon les pays et les sec-teurs. De nombreux pays présentent encoreun niveau d'avancement faible dans la conso-lidation des tarifs et/ou des tarifs consolidéssubstantiellement plus élevés que les tauxeffectivement appliqués, ce qui crée des incer-titudes considérables pour les firmes. C'estpourquoi même des coupes significatives deces derniers taux n'auraient qu'un faibleimpact sur le libre accès aux marchés.

Pour les partenaires Méditerranéens, l'échecdes négociations de Cancun a été un soulage-ment puisque leur accès préférentiel aux mar-chés européens est ainsi temporairement pré-servé, mais de court terme uniquement.

La zone Pan Euro Méd de libre-échange seranormalement en mesure d'attirer les investis-seurs en quête de main d'œuvre peu onéreu-se. Elle bénéficie en outre du recul de Cancun,qui laisse le temps à l'industrie européenned'investir plus massivement afin de consoliderl'intégration de la zone Pan Euro Med.

Cette étude met finalement en exergue uncertain nombre de conditions, qui doivent êtresatisfaites, pour améliorer le positionnementdes pays méditerranéens. (i) satisfaire aux exigences de qualité et dedélai, pour leur permettre de maintenir leurposition ;(ii) réussir les indispensables montées engamme ;(iii) améliorer leur compétitivité pour être enmesure de soutenir la concurrence internatio-nale ;(iv) créer les conditions nécessaires à unecroissance industrielle, par l'intégration dessecteurs amont du textile et de l'habillement,comme les productions des fils et fibres syn-thétiques, et de la logistique ainsi que des ser-vices. Cela leur permettraient de passer dustatut de sous-traitants de leurs partenaireseuropéens à celui de parties contractantes quipartagent un plus haut niveau de responsabi-lité dans la création de valeur ajoutée.

L'intensification des échanges est un moteurde croissance essentiel et puissant pour larégion méditerranéenne. C'est là que sesituent les plus forts gains économiquespotentiels, qui peuvent être obtenus par l'éli-mination des barrières aux échanges dans lazone. Un tel progrès devrait contribuer à assu-rer une transition réussie après l'éliminationdes quotas, parallèlement à la conclusion desaccords de Doha, qui est toujours le vecteur leplus important de croissance saine et durableet de réduction de la pauvreté.

-124-

Un second schéma de fragmentation porte

sur des secteurs dynamiques dont la

demande mondiale évolue rapidement. Il

repose sur des capacités d’investissement

importantes et fait donc appel aux capitaux

étrangers.

Les nouveaux pays adhérents de l’UE sont

globalement plus intégrés à ces schémas de

spécialisation lourde en investissements de

capitaux et de compétence et peuvent

bénéficier de l’apport de connaissances

techniques, organisationnelles et managé-

riales que proposent les entreprises étran-

gères. L’évolution des répartitions des flux

d’IDE entre les PM et le PEE durant la der-

nière décennie montre sans conteste que la

confiance des investisseurs a plus large-

ment été orientée en faveur des pays de

l’est européen. Ainsi, alors qu’en 1990, les

flux d’IDE se répartissaient entre les deux

zones pratiquement à parts égales, en

2002, les 5 PEE de notre échantillon en cap-

tent 80%.

Les équipements automobiles sont les pre-

miers secteurs concernés, surtout en Pologne

et en Hongrie. Les produits du secteur des

composants électroniques sont de plus en

plus présents dans les exportations hon-

groises et polonaises (avec respectivement

12% et 8% des exportations). Enfin, les

branches des ordinateurs et des télécommu-

nications constituent, en 2002, des exporta-

Tableau 21 : Les indicateurs de contribution au solde des PM et des PEE dans le sec-teur des composants électroniques

1990 1995 2002 1990 1995 2002Algérie -2,6 -2,1 -2,1 -3,7 -5,1 -4,8Egypte -4,8 -5,4 -6,3 -6,8 -9,6 -7,7Israël -5,8 -1,8 -1 -5,6 -6,4 -2,1Jordanie -3,6 -5,3 -5,2 0,4 -7,5 -10,6Liban -8,6 -8,9 -11,1 0,7 -4,2 -1,9Maroc 0,8 6 38,9 -4 -1,1 2,2Syrie -2,3 -4,4 -5,6 -3 -6,3 -6,2Tunisie 5 -5,5 4 -3,5 11,5 8,7Turquie -5,4 1 -0,3 -8,7 -4 -5,3Bulgarie 3,5 5,1 -9,6 -5,1Roumanie -1,8 -17,1 -4,5 -1,8Hongrie 6,4 -47,3 13,5 -5,5Pologne -4,3 -3,8 -3 1,25Tchéquie 0,6 6,3 -13,7 -15

RdM UE

Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée

Tableau 20 : Les indicateurs de contribution au solde des PM et des PEE dans le sec-teur de l’habillement

1990 1995 2002 1990 1995 2002Tunisie 49,6 61,5 69,3 71,2 39,5 13,8Maroc 48,7 67,9 65,9 34,4 8 1Turquie 43,7 66,8 64,6 49,1 45,6 33,4Egypte 2,4 7,5 17,6 6,8 14,5 32,7Jordanie 2,8 15,5 11,8 -0,1 -0,8 42,1Israël 20,5 12,4 4,2 14,3 14 -0,1Syrie 0,7 4,2 2,7 1,4 6,4 9,6Algérie -0,1 -0,4 -0,6 0 -0,5 -1,7Liban 8,8 29,6 -1,9 3,1 3,4 -2,7Bulgarie - 29,4 45,8 - 2,4 16 ;3Roumanie - 51 71,8 - 7,3 3,9Hongrie - 30,9 11,9 - 5,8 -0,06Pologne - 33,4 25,2 - 5,7 -3,1Tchéquie - 5,9 7,4 -0,5 -2,6

UE RdM

Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée

-125-

tions essentielles pour la Hongrie et la

Tchéquie, où elles représentent respective-

ment 23% et 17% des exportations et contri-

buent à plus du tiers des avantages compa-

ratifs de ces pays.

Les PM sont plus en retrait, ainsi que la

Bulgarie et la Roumanie. Les percées de la

Tunisie et du Maroc dans le secteur des com-

posants électroniques (avec les partenaires

non européens pour le Maroc et plus orien-

tées sur l’UE pour la Tunisie) sont significa-

tives d’un effort de réallocation des res-

sources vers des secteurs plus porteurs. En

2002, ils obtiennent dans ce secteur, des

avantages comparatifs révélés (indicateur

Balassa) positifs sur les marchés internatio-

naux (1,35 pour le Maroc et 1,27 pour la

Tunisie).

√ Les spécialisations des PM sur des secteurs

liés aux ressources naturelles

Nous trouvons essentiellement deux groupes

de pays :

• ceux dont l’hyperspécialisation est

fondée sur l’exploitation des ressources natu-

relles et qui valorisent leurs avantages com-

paratifs avec le partenaire commercial princi-

pal : c’est le cas notamment de l’Algérie avec

l’UE qui ne parvient pas à diversifier son

panel d’exportations ;

• et ceux qui exploitent leurs avan-

tages comparatifs agricoles et/ou énergé-

tiques hors zone : c’est le cas de la Jordanie

avec l’UE et celui du Maroc et de la Tunisie,

avec le reste du monde.

4. Plusieurs types de modèles d’ancrage à

l’UE qui n’ont pas les mêmes conséquences

en terme d’amélioration des capacités pro-

ductives

Les différents types de processus de spécia-

lisation peuvent impulser des dynamiques

différentes au sein des systèmes productifs

locaux, qui tiennent autant à la nature du

secteur qu’aux capacités des pays à intégrer

efficacement les évolutions des conditions

de production et les compétences nouvelles

qui leur permettent d’améliorer leurs

niveaux de compétitivité. Au vu de leurs

résultats en termes de compétitivité et de

leur type de spécialisation, les comporte-

ments différenciés des PM et des PEE en

fonction de leurs partenaires commerciaux

permettent de dégager deux modèles d’an-

crage à l’UE.

Une première logique engage les pays vers

une spécialisation fondée sur l’exploitation

du travail non qualifié et se caractérise

par :

• une spécialisation sur les biens de

consommation intensifs en travail non quali-

fié et portant sur des secteurs traditionnels

tels que le textile-habillement ;

• une perte globale de compétitivité ;

Tableau 22 : Les indicateurs de contribution au solde des PM et des PEE dans lesproduits liés aux ressources naturelles

1995 2002 1995 2002 1995 2002 1995 2002Algérie -6,1 -6,5 -30,6 -24,4 80 100 100 100Egypte 4,3 3,8 -13,2 -9 73 60,2 77 12,7Israël 22,7 29,7 -14,8 -24,8 15,2 -1,2 33,9 38,1Jordanie 5,5 6,6 -15,7 -12,2 51,8 14,9 43,5 16Liban 27 17,3 21,5 8 43,4 35,9 27,4 37,4Maroc 17,8 21,7 28,5 6,6 7,9 1,9 22,7 15Syrie 9,1 2,4 66,3 36,2 86,6 93,1 26,2 50Tunisie 11 1,3 1,6 -40,6 -1,4 14,2 -6,5 -25Turquie 12,7 8,1 0,1 0,9 -2,6 -3 -45,5 -51

MinérauxProduits alimentaires fraisRdMUERdMUE

Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée

-126-

• aucune montée en gamme des

exportations.

Les spécialisations sectorielles ont tendance

à figer les schémas d’allocation des res-

sources et ne permettent pas aux importa-

tions de biens d’équipement et produits

intermédiaires de jouer un rôle déterminant

sur la croissance et l’amélioration du niveau

de compétence technique.

Une seconde logique, plus dynamique du

point de vue de l’amélioration des capacités

productives, repose sur la valorisation du

capital humain et technologique, et impulse

des changements positifs sur l’intégration

des technologies nouvelles par le système

productif local. Elle présente trois caractéris-

tiques :

• une respécialisation sur les biens

finaux et/ou les biens intermédiaires intensifs

en capital humain et/ou en technologie ;

• une diversification des exporta-

tions et une adaptation à la demande inter-

nationale et surtout à la demande euro-

péenne ;

• une montée en gamme des expor-

tations avec une part plus importante des

exportations de produits à forte intensité en

technologie et/ou en capital humain.

Ce second modèle, dans le cadre de l’adhé-

sion à l’Europe, encourage le développement

des productions plus technologiques, plus

créatrices de valeur ajoutée et donc plus por-

teuses de croissance.

Les différences marquées entre les évolu-

tions des spécialisations des pays médi-

terranéens et des pays de l’est européen

suggèrent une répartition géographique

dans laquelle les premiers s’insèrent plus

particulièrement dans la première logique

alors que les seconds répondent plus à la

seconde.

Modèle d’ancrage de type 1 : une spéciali-

sation qui s’intensifie sur la valorisation

des biens finaux intensifs en travail non

qualifié

√ Le Maroc et la Tunisie : spécialisation tra-

ditionnelle avec une percée sur les compo-

sants électroniques

Entre 1990 et 2002, la Tunisie et le Maroc ne

renforcent essentiellement leurs avantages

comparatifs que sur les biens finaux intensifs

en travail non qualifié (voir figure 34).

Leurs performances globales en termes de

compétitivité sont médiocres. Il est clair que

le transfert technologique à partir des

importations de produits intermédiaires ne

s’opère pas. Il est même inquiétant de

constater que tous deux se trouvent en

situation de désavantage comparatif sur les

biens intermédiaires intensifs en travail non

qualifié (importations de produits textiles

intermédiaires, fibres et tissus, qui n’intè-

grent pas de travail qualifié), prouvant que

ces deux pays n’assurent pas de montée en

gamme dans leur principal secteur de spé-

cialisation et qu’ils restent sur des schémas

de sous-traitance passive avec des don-

neurs d’ordre européens. Dans le même

temps, les pays de l’est européen montrent

leur capacité à prendre en charge la res-

ponsabilité et l’organisation de segments de

production plus larges.

On soulignera cependant que chacun de ces

pays présente, vis-à-vis de l’UE, des avan-

tages comparatifs dans le secteur des com-

posants électroniques avec des indicateurs

de contribution au solde positifs dans les

biens intermédiaires semi-finis intensifs en

technologies et une prise de position sur les

biens finaux. Mais ils ne représentent que 5%

des CTB marocains et 8% des CTB tunisiens

en 2002.

-127-

√ La Bulgarie et la Roumanie : les principaux

concurrents des pays méditerranéens

La Bulgarie et la Roumanie sont sensible-

ment dans le même cas de figure que le

Maroc et la Tunisie, car ces deux pays tirent

leurs avantages comparatifs essentielle-

ment de la fragmentation avec les produc-

teurs européens sur les biens finaux inten-

sifs en travail non qualifié, dans l’habille-

ment pour les deux pays, et dans les équi-

pements de transport pour la Roumanie. Ils

sont globalement les principaux concur-

rents des PM, tels que la Tunisie, le Maroc

et la Jordanie, ce que confirme l’analyse

des indices de similarité des structures

commerciales (voir tableau 23).

Cependant, on remarque que la montée en

gamme que l’on observe pour les deux pays

est plus liée aux échanges avec l’UE pour la

Bulgarie que pour la Roumanie : en effet, la

Bulgarie obtient, en 2002, des CTB positifs

avec l’UE, à hauteur de 15% des CTB glo-

baux, sur les biens intermédiaires semi-

finis intensifs en capital humain et en tech-

nologie, essentiellement dans le secteur

des métaux et autres produits de base alors

que la Roumanie, comparativement au

Maroc et à la Tunisie, effectue une percée

modeste sur les pièces et composants

(i) intensifs en capital humain dans le sec-

teur des équipements de transport, pour

2% de ces CTB globaux et (ii) intensifs en

technologie dans les composants électro-

niques pour 3,5% de ces CTB.

Tableau 23 : Indices de similarité desstructures d'échanges de produitsmanufacturés

1996 2002Bulgarie/Maroc 35,4 44,2Bulgarie/Tunisie 46,3 45,3Bulgarie/Jordanie 33,9 44,4Roumanie/Maroc 45 49,3Roumanie/Tunisie 50 47,2Roumanie/Jordanie 40 40,5Source : Comtrade – Calculs : Institut de laMéditerranée

MAROC - Reste du Monde

-60

-20

20

60

100

1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

intensifs en capital humain intensifs en technologie

intensifs en trav. non qualifié

MAROC - UE

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20

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1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

intensifs en capital humain

intensifs en technologie

intensifs en trav. non qualifié

TUNISIE - Reste du Monde

-100

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1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

intensifs en capital humain intensifs en technologie

intensifs en trav. non qualifié

TUNISIE - UE

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1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

intensifs en capital humain intensifs en technologie

intensifs en trav. non qualifié

Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée

Figure 34 : Les spécialisations de la Tunisie et du Maroc sur les biens finauxmanufacturés

-128-

Globalement, ce premier modèle d’ancrage

à l’UE engendre un processus cumulatif qui

renforce la spécialisation initiale fondée sur

l’exploitation d’une force de travail non

qualifiée, seule source de croissance sans

que le système ne trouve les moyens de

réaffecter des ressources humaines et en

capital à des activités plus créatrices en

termes de valeur ajoutée. Cette hyperspé-

cialisation bloque la diffusion des technolo-

gies et des compétences qui naissent des

relations avec l’extérieur. Le modèle ne

permet pas aux positions compétitives des

PM. De plus, on voit bien que la croissance

de la part des produits manufacturés dans

les exportations de ces pays s’est accom-

pagnée :

(i) d’une concentration des exportations,

surtout à destination de l’UE ;

(ii) d’une faible adaptation à la demande

européenne et pour le Maroc d’une inadap-

tation ;

(iii) d’un niveau d’échange intra-branche

relativement bas surtout avec l’UE, en des-

sous de la moyenne méditerranéenne pour

la Tunisie et le Maroc ;

(iv) d’une régression de la part des produits

à haute et moyenne intensité technologique

et de compétence, toujours essentiellement

avec l’UE ;

(v) d’un non rapprochement des structures

d’échanges avec l’UE.

Modèle d’ancrage de type 2 : une réallocation

des ressources qui porte sur des secteurs

dynamiques dans le cadre de l’adhésion -

une spécialisation marquée par une valorisa-

tion du capital humain

Des trois pays méditerranéens qui fragmen-

tent avec l’UE, seul le cas de la Turquie sug-

gère une montée sur la chaîne de production.

Le comportement de la Turquie diffère de ses

voisins méditerranéens dans la mesure où :

• tout en conservant un niveau de

spécialisation important sur les biens inten-

sifs en travail non qualifié (textile-habille-

ment), elle dégage des CTB positifs sur les

biens intensifs en capital humain qui rejoi-

gnent ceux obtenus sur les biens agricoles

frais (voir figure 35). Sont concernés ici deux

secteurs principaux : les équipements de

transport qui en 2002 constituent 7% envi-

ron des CTB turcs, et les ordinateurs et télé-

communications qui représentent, à la même

date, 11% des CTB ;

• elle valorise ses ressources agri-

coles sur place en se spécialisant dans les

produits agricoles transformés (les

conserves, jus de fruits et autres) plus

essentiellement avec le reste du monde.

Cependant, malgré les progrès du système

industriel, la Turquie reste en-deçà des per-

Figure 35 : Les avantages comparatifs de la Turquie dans les biens finaux manu-facturés

TURQUIE - Reste du Monde

-100

-60

-20

20

60

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1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

intensifs en capital humain intensifs en technologie

intensifs en trav. non qualifié

TURQUIE - UE

-100

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20

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100

1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

intensifs en capital humain intensifs en technologie

intensifs en trav. non qualifié

Source : Comtrade – Calculs : Institut de la Méditerranée

-129-

formances des pays de l’est européen adhé-

rents comme la Hongrie et la Tchéquie.

Les pays de l’est européen nouvellement

adhérents, intégrés verticalement au systè-

me productif européen, progressent de façon

significative notamment sur l’automobile et

les ordinateurs & télécommunications.

La Pologne, spécialisée dans les biens finaux

intensifs en travail non qualifié avec l’UE,

améliore sa position sur les biens finaux

intensifs en capital humain avec ce partenai-

re dans le secteur des ordinateurs et télé-

communications (9% des CTB globaux polo-

nais en 2002), bien que la montée en gamme

de ses exportations de biens intermédiaires

manufacturés intensifs en capital humain

vers le reste du monde soit plus importante

(40% des avantages comparatifs provien-

nent d’une spécialisation sur les biens inten-

sifs en capital humain avec le reste du monde

en 2002).

Le système de fragmentation de la Hongrie

avec l’UE a permis à ce pays de développer

des secteurs intensifs en capital humain et en

technologie, qui surclassent, en 2002, les

avantages comparatifs dégagés sur les biens

finaux intensifs en travail non qualifié. On

observe, par exemple, des spécialisations

robustes avec l’UE dans les secteurs des

machines non électriques et des ordinateurs,

sur les biens finaux intensifs en technologie

et en capital humain dont les avantages com-

paratifs sont plus de quatre fois supérieurs à

ceux obtenus pour l’habillement. L’évolution

est nette sur la période puisqu’en 1992, les

biens finaux intensifs en travail non qualifié

représentaient plus de la moitié des avan-

tages comparatifs avec l’UE alors qu’en 2002,

ils n’en comptent que pour le quart, au profit

des biens finaux à fort contenu en capital

humain. On soulignera enfin que le panel des

secteurs sur lesquels la Hongrie obtient des

avantages comparatifs, s’élargit plus avec

l’UE qu’avec le reste du monde : le système

de fragmentation en place est à la fois sour-

ce de montée en gamme et à l’origine de la

diversification des points forts du pays.

La Tchéquie dispose d’un héritage industriel

important (lignite, charbon, pétrochimie,

mines, textile, automobile) et d’un système

productif à fort potentiel. Le secteur de l’au-

tomobile est son atout essentiel : les CTB

tchèques sur les biens de consommation

intensifs en capital humain dans les équipe-

ments de transport, représentent 29% des

CTB globaux avec l’UE en 2002. Malgré tout,

celui-ci se décale de façon significative vers

la production de biens automobiles intermé-

diaires. Globalement, on constate que sur

toute la période, la Tchéquie dégage des

avantages comparatifs importants sur les

biens intensifs en capital humain (39% de

leur CTB avec le RdM, 50% avec l’UE en

2002) avec une progression plus nette des

avantages sur ces biens vis-à-vis de l’UE.

Mais, on remarque également une double

spécialisation vers l’UE, sur les biens intensifs

en capital humain (30% des avantages com-

paratifs sur les biens finaux dans le secteur

des équipements de transport et 8% pour les

biens intermédiaires de ce même secteur en

2002) et sur les biens intensifs en travail non

qualifié (en fin de période, l’habillement n’est

en situation positive que vis-à-vis de l’UE).

La montée en gamme est importante margi-

nalisant les secteurs traditionnels.

Les pays qui s’intègrent plus spécifiquement

à ce modèle, les pays de l’est européen nou-

vellement adhérents de l’échantillon et la

Turquie, présentent un niveau global de com-

pétitivité plus porteur que les pays qui sui-

vent le modèle 1. Ils admettent des indices

de concentration des exportations relative-

ment faibles, bien que leurs exportations

demeurent plus concentrées avec l’UE

-130-

qu’avec les partenaires non européens. Leurs

exportations sont de plus en plus en adéqua-

tion avec la demande manufacturière euro-

péenne, surtout à partir de la fin des années

1990, bien que l’adaptation à la demande

internationale ne soit pas probante. Cela

répond à une logique d’intégration à l’UE

forte qui permet dans un premier temps, un

développement économique des pays nou-

vellement adhérents ou en voie d’adhésion

comme la Turquie, auto-centré sur l’Europe

et dans un second temps, une insertion inter-

nationale compétitive sur des secteurs tech-

nologiques. Le niveau de commerce intra-

branche évolue favorablement vers une com-

plexification des systèmes productifs et en

même temps, la part des produits à haute et

moyenne intensité de compétence et de

technologie devient importante. Enfin, les

pays concernés présentent des indices de

similarité des structures d’échange avec l’UE

plus importants.

Une réaction commune de montée en

gamme face aux barrières tarifaires et non

tarifaires du reste du monde

Outre l’Egypte et la Jordanie, l’ensemble des

PM et des PEE de l’échantillon parvient à opé-

rer une montée en gamme avec le reste du

monde selon différentes modalités. Certains

pays intensifient leurs avantages comparatifs

traditionnels avec l’UE sur le textile-habille-

ment, tout en dynamisant leurs avantages

comparatifs vis-à-vis des partenaires non-

européens. L’insertion internationale du

Maroc, de la Tunisie, de la Bulgarie ou enco-

re de la Roumanie, repose sur des spécialisa-

tions de type 1 avec l’UE et de type 2 avec le

RdM. La pénétration des marchés non euro-

péens protégés encourage les efforts sur les

biens intensifs en technologie.

La Tunisie, le Maroc et la Bulgarie valorisent

leurs avantages dans les secteurs de la chi-

mie et des composants électroniques. Leur

stratégie de développement vis-à-vis du

reste du monde repose principalement sur la

valorisation de leurs ressources naturelles.

D’une part, ils vendent leurs produits agri-

coles frais et transformés (18% des CTB glo-

baux tunisiens vis-à-vis du RdM, 14% des

CTB bulgares et 7% des CTB marocains en

2002) et d’autre part, ils développent le sec-

teur de la chimie, spécialisation grâce à

laquelle ils réalisent des progrès significatifs

dans la production de biens intermédiaires

intensifs en capital humain et en technologie.

En outre, le Maroc opère une percée impor-

tante sur les composants électroniques, sec-

teur dans lequel il est intégré à des réseaux

de production internationaux à un bon

niveau, puisque les pièces et composants

intensifs en technologie représentent, en

2002, 28% des CTB vis-à-vis des partenaires

non européens. Sur le même secteur, les per-

formances de la Tunisie et de la Bulgarie sont

plus modestes avec 4% des CTB tunisiens

pour les biens semi-finis intensifs en techno-

logie et 2% pour les biens de consommation

intensifs en capital humain et 4,5% des CTB

bulgares pour les pièces et composants

intensifs en technologie.

De même, le spectre de spécialisation de la

Roumanie avec le reste du monde est plus

large qu’avec son partenaire européen. En

effet, ce pays obtient de bons résultats sur

trois secteurs : (i) dans les équipements de

transport intensifs en travail non qualifié

dont les avantages comparatifs progressent

sur la période, (ii) dans le secteur des

machines non électriques pour les pièces et

composants intensifs en technologie (8%

des CTB roumains vis-à-vis du RdM en

2002), et (iii) surtout dans la métallurgie,

sur des biens intermédiaires semi-finis

intensifs en technologie, qui, en 2002,

représentent 32% environ des CTB rou-

mains vis-à-vis du RdM.

-131-

D’autres pays valorisent essentiellement

leurs avantages comparatifs dynamiques

avec l’Europe, tout en opérant des percées

significatives avec des partenaires non euro-

péens. C’est le cas de la Hongrie, dont les

échanges avec le reste du monde accroissent

de la part des biens intensifs en travail non

qualifié mais aussi les avantages comparatifs

sur les biens intensifs en technologie dans la

chimie, les ordinateurs et télécommunica-

tions et les pièces et composants des équipe-

ments de transport.

Enfin, la Pologne, la Turquie et surtout la

Tchéquie opèrent une montée en gamme glo-

bale avec des spécialisations de type 2 vis-à-

vis des deux partenaires commerciaux

Les avantages comparatifs turcs sur le sec-

teur textile-habillement pour les biens inten-

sifs en travail non qualifié vis-à-vis des par-

tenaires non européens diminuent quasiment

de moitié entre 1990 et 2002, passant de

46% des CTB globaux à 26%. Ce processus

est le reflet d’une réallocation des res-

sources :

(i) au sein du secteur textile, les producteurs

turcs se placent désormais en aval de la chaî-

ne textile puisque non seulement ils produi-

sent des tissus et fils et s’engagent dans la

production de fibres synthétiques (les pro-

duits textiles semi-finis représentent 8% des

exportations en 2002), mais qu’ils exportent

de plus en plus sous leurs propres marques ;

(ii) et vers essentiellement trois secteurs où

la Turquie valorise son capital humain : la

métallurgie, où la Turquie admet des avan-

tages comparatifs sur les biens intermé-

diaires semi-finis (16% des CTB globaux vis-

à-vis du RdM en 2002) ; les équipements de

transport avec une valorisation des biens

finaux et des pièces & composants (9% des

ENCADRE 3 : Impact des spécialisations sur la croissance

Le récent travail de F. Menegaldo, S. Palméro et N. Roux teste l’impact des différents typesde spécialisation sur la croissance entre 1990 et 2002 en utilisant deux méthodes économé-triques complémentaires (modèles à correction d’erreur et modèles en panel Pedroni).

La concentration des exportations a un effet négatif sur la croissance des PM et positif surcelle des PEE. Les restructurations industrielles des PEE portent sur des secteurs plus dyna-miques qui leur permettent d’obtenir des indicateurs d’adaptation positifs, ce qui n’est pas lecas des PM.

La seule source de croissance avec l’UE des PM repose sur les biens intensifs en travail nonqualifié. La croissance des PEE est plus tirée par les biens intensifs en technologie et en capi-tal humain.

Le système de fragmentation qui lie les PEE aux producteurs européens est très positif à longterme sur la dynamique de croissance de ces pays. Les partenaires extra-européens ne sontpas seulement une source de devises mais ils stimulent également la croissance.

La fragmentation entre PM et producteurs européens n’est pas globalement porteuse de crois-sance puisqu’elle ne stimule pas la montée en gamme et qu’elle ne permet pas encore uneinsertion internationale plus compétitive.

Les différents types de spécialisation ont donc des conséquences différentes en terme decroissance :

Pour les PM et les PEE en adhésion :• Spécialisation 1 avec l’UE Effet globalement négatif sur la croissance• Spécialisation 2 avec RdM La montée en gamme avec RdM n’est pas encore assez forte

pour stimuler la croissancePEE nouvellement adhérents, Turquie et Israël• Spécialisation 1 avec l’UE Effet globalement positif sur la croissance• Spécialisation 2 avec RdM La montée en gamme avec RdM stimule la croissance

-132-

CTB globaux vis-à-vis du RdM en 2002) ;

enfin, les ordinateurs et télécommunications,

biens de consommation qui représentent 2%

des CTB turcs en 2002.

Cependant, bien que la Turquie enregistre

des montées en gamme sur de nombreux

secteurs avec le RdM, son niveau relatif de

compétitivité s’est affaibli au cours de la

décennie. Les restructurations industrielles

doivent se poursuivre pour réduire ses spé-

cialisations traditionnelles et lui permettre de

se focaliser sur des biens à forte intensité

technologique. C’est ce que semblent avoir

réussi la Pologne et la Tchéquie qui valorisent

surtout avec le RdM leurs acquis technolo-

giques et leur capital humain.

Ainsi, en même temps que les avantages

comparatifs dans l’habillement à travail non

qualifié que la Pologne obtient avec l’UE bais-

sent, des spécialisations sur des biens inter-

médiaires intensifs en capital humain ou en

technologie (machines non électriques,

métaux, produits alimentaires transformés…)

avec le reste du monde, se renforcent et la

gamme des secteurs de spécialisations posi-

tives est aujourd’hui plus large avec le reste

du monde qu’avec l’UE.

La Tchéquie obéit à la même logique vis-à-vis

des partenaires non européens avec une ten-

dance à une respécialisation vers des biens

finaux intensifs en technologie (composants

électroniques pour les biens finaux, 8% des

CTB globaux tchèques vis-à-vis du RdM en

2002) et machines non électriques pour les

biens finaux (9% des CTB en 2002) et inter-

médiaires (pièces et composants : 13% des

CTB), tout en conservant l’avantage acquis

sur les biens intensifs en capital humain (17%

des avantages comparatifs sur les biens

finaux dans le secteur des équipements de

transport (automobile) et 5% pour les biens

intermédiaires de ce même secteur en 2002).

On peut avancer, en conclusion de cette

partie, qu’il existe des comportements de

spécialisation différenciés, fondés sur deux

modèles distincts d’ancrage à l’UE, qui sui-

vent (i) pour certains pays, une logique de

zone s’appuyant généralement sur un pro-

cessus de fragmentation avec l’Europe ou

avec des partenaires extra-européens,

(ii) pour d’autres, une insertion internatio-

nale plus directe qui repose sur une division

horizontale du travail. Ces divers méca-

nismes de développement n’engendrent pas

les mêmes positionnements sur la chaîne de

production et ne devraient logiquement pas

avoir les mêmes effets sur les dynamiques

de croissance.

VI- Intégration sud-sud : un rêve qui

devient réalité ?

Le commerce entre les régions méditerra-

néennes du nord et du sud a augmenté au

cours de ces dernières années. Pourtant, il

est loin d’atteindre son plein développement.

Plusieurs éléments peuvent expliquer la

situation. Le principal est que l'intégration

sud-sud est encore considérée comme mar-

ginale, avec des économies qui se font

concurrence au lieu d’exploiter leurs complé-

mentarités. Les échanges intra-zone arabe

représentent seulement 8 à 10% de la tota-

lité du commerce de la zone. On estime que

l'intégration sud-sud et la création d'un

grand marché arabe pourraient être les élé-

ments manquants du succès des accords

d'association euro-méditerranéens.

L'intégration sud-sud est non seulement

essentielle pour améliorer le potentiel com-

mercial des économies du sud avec d'autres

zones, telles que l'Union Européenne, mais

elle contribue également à leur développe-

ment et au bien-être de leurs populations.

Heureusement, quelques progrès significatifs

ont été faits dans cette direction.

-133-

1. Intégration mondiale des pays arabes :

succès et échecs

La région arabe se compose des vingt-deux

Etats membres de la Ligue arabe. Si sont

incluses l'Afrique du Nord et du Nord-Est et

l’Asie du Sud-Ouest, dans une certaine mesu-

re, les pays arabes sont étroitement liés, voire

partagent une histoire commune, mais ne

sont pas homogènes en termes de niveau de

développement économique et social. Peu de

pays ont un PIB par tête suffisamment élevé

pour les classer dans le groupe des pays à

niveau de revenu élevé, tandis que d'autres

font encore partie de celui des pays les moins

développés. Leurs degrés d’intégration mon-

diale sont également très différenciés, reflé-

tant les disparités de leurs potentiels de crois-

sance et de leurs dotations en ressources

naturelles, ainsi que les différences dans les

politiques adoptées par leurs gouvernements.

Il faut attendre les années 80 et 90, dans

certains cas, pour que les économies arabes

adoptent des politiques orientées vers le

développement des exportations. Pour les

économies faiblement diversifiées dépendant

largement des exportations de ressources

naturelles et de pétrole, les résultats de l’ou-

verture commerciale sont mitigés. A l’excep-

tion de quelques pays non exportateurs de

pétrole, tels que le Maroc, la Tunisie et

l'Egypte, et dans une certaine mesure la

Jordanie et le Liban qui ont accompli des pro-

grès dans les échanges de services, l'intégra-

tion mondiale a été conditionnée, non seule-

ment par des facteurs économiques de sous-

développement, mais également par des

contraintes politiques.

Vers une intégration arabe : le GAFTA, une

mise en chantier qui remonte aux années 50...

Depuis la création de la Ligue arabe en

1945, plusieurs tentatives de coopération et

d’intégration ont été faites par des Etats

membres. Cette coopération, au-delà d'at-

teindre des objectifs politiques, avait pour

ambition le développement de liens écono-

miques, financiers, sociaux et culturels entre

les signataires.

L'année 1981 a vu la première tentative

« sérieuse » des économies arabes de s'inté-

grer, avec la signature d’un accord de libre-

échange par la plupart des membres arabes

de la Ligue. L'accord, qui incluait la facilita-

tion et la promotion des relations commer-

ciales entre les pays membres, dans le but de

mettre en place une libéralisation progressi-

ve des échanges et de créer une union doua-

nière, a échoué et cela pour plusieurs rai-

sons. La plupart des pays de la région arabe

suivait toujours des politiques de substitution

des importations, exceptés les pays du Golfe,

et les taxes à l'importation étaient devenues

des ressources importantes pour leurs éco-

nomies. Ceci a conduit à l'adoption de poli-

tiques fiscales sans résultats probants. Les

marchés s’étaient orientés vers le secteur

public et l’attribution des ressources était

très inefficace. En conséquence, la compétiti-

vité des produits arabes était extrêmement

basse, comparée aux standards internatio-

naux. En outre, une approche produit par

produit de la libéralisation et l’absence d'un

calendrier pour l'élimination des exemptions

de taxes ont contribué à l’échec de cet

accord. Enfin, l'existence de groupes d'inté-

rêt et de lourdeurs dans les pratiques

bureaucratiques ont gêné le développement

du commerce régional arabe. En dernier lieu,

l'instabilité politique et les crises périodiques

qu’a connues le monde arabe à cette pério-

de, en plus des différences politiques entre

les économies arabes, ont empêché la mise

en place effective de l’accord (ERF, 2000).

Pendant le sommet arabe de 1996, les Etats

se sont lancés dans la création de la grande

-134-

zone arabe de libre-échange, avec l'espoir

qu'elle évolue ensuite en un marché commun

arabe. La grande zone arabe de libre-échan-

ge (GAFTA) constitue l'étape la plus récente,

et jusqu'ici la plus significative, atteinte par

les pays arabes pour obtenir un niveau signi-

ficatif d'intégration économique.

Un agenda pour sa mise en place a été

approuvé. Devant débuter en 1998, son

achèvement est prévu pour 2007. Une réduc-

tion tarifaire annuelle de 10% a été décidée

et est réellement mise en application, de

sorte que la libéralisation commerciale pour

les marchandises d'origine arabe sera totale

d’ici 10 ans.

L'accord inclut l'élimination des barrières

non-tarifaires et respecte les règles d'origine.

Tous les articles exemptés pendant la pério-

de de transition, par exemple quelques pro-

duits agricoles et industriels, seront inclus

dans le processus d’élimination des tarifs

vers la fin de cette période. En janvier 2003,

60% des échanges de produits entre les

Etats membres devaient avoir été libéralisés

(site Web de la Ligue Arabe).

Le GAFTA pourrait avoir de meilleures

chances de succès que les accords précé-

dents. Il fondera un vaste marché susceptible

d’attirer plus d'investissements arabes et

étrangers. Un dispositif qui caractérise cet

accord est la participation du secteur privé,

qui doit surveiller sa mise en place. L'Union

des Chambres Arabes doit préparer des rap-

ports sur les difficultés rencontrées par les

commerçants avec l'administration douanière

et les organismes de contrôle des différents

pays membres. Cela devrait augmenter la

transparence du GAFTA et reconnaît l’impor-

tance des initiatives privées.

Il faut noter que l'investissement arabe est

encore marqué par son taux de rendement

bas, des sorties de flux d’investissement

arabe au profit de l'Europe, des USA ou de

l’Asie, négligeant l'avantage comparatif qui

pourrait découler d’investissements intra-

régionaux, tels que des coûts de transaction

et de main-d'oeuvre faibles, etc. Les sorties

d’IDE arabes hors de la région sont une perte

d’opportunités, qui peut être recouvrée grâce

à des campagnes de promotion de l’investis-

sement et l’offre de facilités à l’investisse-

ment par les pays arabes à leurs partenaires

arabes. Le GAFTA pourrait encourager les

investisseurs arabes à privilégier leur propre

région.

L’achèvement du GAFTA aura un impact posi-

tif sur le succès des accords euro-méditerra-

néens. La conjonction des deux accords per-

mettrait à l'industrie arabe de profiter de l'ai-

de de mise à niveau prévue par le program-

me MEDA et de la disponibilité d'un marché

arabe étendu, avant d'entrer réellement en

concurrence avec les produits européens.

L’accord comporte, cependant, quelques

contraintes comme les barrières non-tari-

faires toujours en vigueur, les mécanismes

de suivi de la mise en place, les règles d'ori-

gine, le traitement des zones franches et la

compatibilité des accords bilatéraux qui exis-

tent déjà entre les Etats arabes.

Les pays arabes, n’ayant pas conclu d’accord

sur la question, ne bénéficient pas des avan-

tages traditionnellement issus de l’application

des règles d'origine. L'application des règles

d'origine et de leur cumul peut dynamiser le

commerce intra-industriel et l'intégration en

amont et en aval au sein des pays arabes.

Cela pourrait également englober l’UE, par le

jeu des accords euro-méditerranéens.

L’accord comporte aussi quelques limites. Les

échanges de services et de quelques produits

agricoles ne sont pas inclus dans le program-

-135-

me de réduction tarifaire (pendant la saison

de la moisson). Une autre limitation est la

portée réduite de l'accord en ce qui concerne

les standards et les normes techniques. Une

intégration plus poussée est nécessaire afin

d'atteindre l'objectif principal de cet accord,

tel que l'établissement des infrastructures

institutionnelles nécessaires au contrôle et à

la régulation des flux de marchandises et de

services. Le rôle de ce type d’intégration

dans l’amélioration de l’efficacité productive

et de la compétitivité au niveau régional et

global n’a pas été suffisamment souligné.

Les accords intra-régionaux arabes

En plus de ces efforts pour encourager la

coopération commerciale et économique

entre les pays arabes en général, d'autres

tentatives d’intégration ont été faites qui dif-

férent selon la région. Le Conseil de

Coopération du Golfe (GCC) a été fondé en

1981, suivi de l'Union du Maghreb Arabe

(UMA) en 1987. Un troisième groupe de pays

constitue le Conseil de Coopération Arabe. Au

delà de quelques problèmes politiques, qui

ont empêché d’atteindre les buts initialement

fixés, particulièrement dans le cas de l'UMA,

ces expériences ont montré les limites éco-

nomiques de groupements de petite taille par

rapport à de plus grands ensembles.

Le GCC est une expérience réussie qui peut

être généralisée. De substantiels progrès ont

été réalisés dans la mise en place de l'accord

de libre-échange quand l'union douanière

des pays du Golfe est entrée en vigueur, en

2003. Il existe un tarif extérieur commun de

5%, alors qu'un nombre limité d'articles sont

entièrement exempts de droits. La toute

nouvelle union douanière des pays du Golfe

trace les contours du plus grand ensemble

économique du Moyen-Orient. C'est égale-

ment un pas en avant crucial dans la créa-

tion d'un grand marché commun du Golfe et

vers l'adoption d'une monnaie unique, pré-

vue d'ici 2010.

En outre, en 2003, la Jordanie, l'Egypte, le

Maroc, et la Tunisie ont signé un accord de

libre-échange régional, le processus d'Agadir.

L'accord est l'expression d'un engagement col-

lectif à coopérer pour faire face aux défis de la

région, à travailler ensemble dans un effort

commun pour développer l'intégration régio-

nale comme vecteur de croissance écono-

mique et, finalement, comme instrument de

coopération politique et de paix. À cet égard,

il faut souligner que l'accord d'Agadir est

ouvert à tous les partenaires méditerranéens

qui ont signé des accords d'association avec

l’UE. Suite à cet accord, un marché gigan-

tesque de plus de 100 millions de personnes a

été créé, doté d’un PIB de presque 150 mil-

liards d'euros. Ceci est considéré comme une

étape importante vers la réalisation d’un

objectif commun : une zone de libre-échange

euro-méditerranéenne. En outre, pour tous les

produits industriels, les compagnies de ces

quatre pays tireront bénéfice de l'accès libre

de droits au marché de l’UE, qui compte, après

l’élargissement, plus de 455 millions de

consommateurs avec un PIB de 9 500 mil-

liards d’euros (Rexrodt, 2004).

Accords commerciaux régionaux et accords

de l’OMC : une complémentarité qui compor-

te toujours des contradictions

Dans la pratique, les règles de l’OMC se sont

avérées mal adaptées pour faire face à la

réalité des accords commerciaux régionaux

(ACR), tels que le GAFTA. La vérification et

l’évaluation de la conformité avec l’OMC des

accords régionaux, selon l’article XXIV du

GATT et l'article V du GATS, n’ont pas connu

un grand succès jusqu'ici. C'est principale-

ment dû à l'existence de polémiques de

longue date au sujet de l'interprétation des

dispositions de l’OMC servant à l’évaluation

-136-

des ACR et à des problèmes institutionnels,

résultant soit de l'absence de certaines règles

dans les accords de l’OMC, soit des incohé-

rences entre les règles existantes de l’OMC et

celles contenues dans un certain nombre

d’ACR existants. A partir de juin 2003, suite

à la soumission de propositions spécifiques

par plusieurs délégations, des discussions

informelles sur divers aspects du fonctionne-

ment du système concernant les ACR ont été

engagées. Celles-ci ont pour but de répondre

aux problèmes et de poser de nouvelles

bases en vue d’une redéfinition soutenable

des liens entre les ACR et le système multi-

latéral d’échanges.

Quelques pays se servent des ACR pour favo-

riser une intégration plus poussée de leurs

économies que celle qui est actuellement

générée via les accords de l’OMC. Ils ten-

dent, en effet, à aller au-delà des exercices

traditionnels de réduction de tarifs, en

incluant souvent des règles sur l'investisse-

ment, la concurrence, l'environnement et les

travailleurs, dont la portée dépasse celle des

règles multilatérales existantes. Face à cette

nouvelle vague d’ACR, l'évolution du système

multilatéral d’échanges est inévitable.

Quelques études montrent que si l’établisse-

ment d’ACR était régi par certains principes,

ceux-ci pourraient aider à consolider et à

accroître les bénéfices des accords commer-

ciaux préférentiels et à favoriser un système

multilatéral plus efficace. Le premier est que

les pays ne s’engagent dans un accord régio-

nal que s’ils sont disposés, tôt ou tard, à le

prolonger par un engagement multilatéral.

En second lieu, les pays pourraient favoriser

le principe de transparence, en s'assurant

qu’une information complète sur les tarifs,

les règlements et les règles d'origine de l’ACR

soit facilement disponible et accessible à tous

et que tout ces ACR soient répertoriés à

l'OMC en temps voulu. Troisièmement, en

s’accordant sur un système consultatif per-

mettant de suivre l’évolution des ACR et en

redéfinissant les règles applicables aux ACR

en cas de besoin, un lien plus efficace pour-

rait être mis en place entre les approches

régionales et multilatérales.

Dans la région arabe, onze pays sont entrés

à l’OMC et cinq autres sont en cours d’acces-

sion. Cependant, il est difficile d’évaluer dans

quelle mesures les actuels et futurs Etats

membres arabes seront pressés de tirer pro-

fit des dispositions du GATT, qui leur permet-

tent de bénéficier d’accords commerciaux

régionaux.

Il est clair que la libéralisation commerciale

véhiculée par l’OMC aura des conséquences

sensibles sur la reconfiguration du commerce

international, y compris dans la région arabe.

D'un côté, elle pourrait être complémentaire

au GAFTA, ce qui augmenterait la capacité

des pays arabes à attirer l'investissement

étranger venant de toute la région arabe.

Mais ceci nécessite, bien sûr, d’achever la

mise en place de l’ACR. D’un autre côté, elle

pourrait réduire l’intérêt de l’accès avanta-

geux accordé par leurs principaux associés

aux biens arabes, particulièrement dans

l'Union Européenne. Ceci constituera un défi

important pour le monde arabe, car la com-

pétitivité limitée des biens arabes n'aidera

pas à compenser cet effet négatif par la

conquête de nouveaux marchés.

Zone de libre-échange euro-méditerranéenne :

que des avantages ?

Bien que l'accord entre les pays méditerra-

néens du sud et l'UE s’étende aux domaines

politiques, sociaux et culturels, le champ

économique est considéré comme étant le

plus important. Les accords bilatéraux entre

les pays méditerranéens du sud et l'UE

constituent le socle du processus de

Barcelone. Ils fournissent le cadre institution-

-137-

nel de leurs relations bilatérales. Des accords

d'association ont été signés avec tous les

pays de la région du sud, sauf avec la Syrie.

En fait, la relation entre les partenaires médi-

terranéens du sud et l'UE est non seulement

fondée sur les échanges commerciaux qui se

sont noués naturellement entre les deux voi-

sins, mais également sur l'existence d’une

forme d’interdépendance qui lie les deux

groupes de pays.

Pour ce qui relève particulièrement de la

sphère économique, il apparaît que l'Union

Européenne est le principal partenaire com-

mercial des pays méditerranéens, pour les

exportations comme pour les importations.

L'Union Européenne est également une

source importante d'investissement direct

étranger pour les PM. Enfin, les rapatrie-

ments de fonds des travailleurs méditerra-

néens employés dans les Etats membres de

l’UE et le tourisme européen sont des élé-

ments clefs du développement économique

de la région.

Par ailleurs, l’UE développe ses relations

commerciales, non seulement avec les pays

méditerranéens du sud, mais aussi avec ceux

de la région de Golfe. En 1989, l'UE et le GCC

ont signé un accord de coopération ayant

pour objectif de faciliter leurs relations com-

merciales et, plus généralement, de contri-

buer à renforcer la stabilité dans cette partie

stratégique du monde. La coopération est

aussi bien politique, qu’industrielle, énergé-

tique, économique et environnementale. Elle

est fondée sur un engagement des deux par-

ties à mener des négociations sur un accord

de libre-échange entre elles. Des différences

subsistent dans le traitement réservé aux

deux régions, principalement pour ce qui est

des tarifs imposés par l'UE aux exportations

du GCC et aux conditions d’accès des four-

nisseurs de service européens, en particulier

les opérations bancaires et d'assurance, au

marché du GCC.

Cependant, les bases de l'intégration de l’UE

avec les pays du GCC sont un peu différentes

de celles qui ont prévalues pour les PM.

Taux de change, commerce et flux d’IDEdans le cadre du partenariat euro-médi-terranéen

Dirigée par Institute of Money &Banking, American University of Beirut,Liban

Pendant les deux dernières décennies, les par-tenaires méditerranéens (PM) sont passés pardifférentes étapes sur la voie de l’insertion dansles marchés mondiaux, à commencer par lanégociation et la signature d’accords commer-ciaux bilatéraux avec l’Union Européenne (UE).Ces accords avaient initialement pour objectifd’améliorer l’accès des exportations des PM auxmarchés européens. Avec la déclaration deBarcelone de 1995, la région euro-méditerra-néenne est devenue une nouvelle zoned’échange et de coopération économique. Enfait, le but de la conférence de Barcelone étaitde créer une zone de libre-échange euro-médi-terranéenne (ZLE) en 2010, qui dynamiserait lecommerce et les flux d’investissement directétrangers (IDE) dans la région.

Dans la mesure où les accords commerciauxeuro-méditerranéens peuvent générer des

flux commerciaux, susceptibles d’amplifier lesconséquences des mauvais alignements dutaux de change réel, cette étude se penchesur les effets des politiques cambiaires desPM sur les échanges euro-méditerranéens, lesIDE et la dette externe. Elle analyse égale-ment les problèmes qui peuvent surgir d’unmauvais alignement du change réel dans lecadre euro-méditerranéen.

Il apparaît que les mauvais alignements duchange se sont traduits par une réduction deséchanges et une relocalisation des IDE. Cecipeut avoir des conséquences négatives sur lapérennité des accords euro-méditerranéens,et peut causer une instabilité macroécono-mique dans la région. Etant donnés lesrégimes de change en vigueur dans les PM,ces mauvais alignements ont été amplifiésdans toute la région euro-méditerranéenneaprès la ratification des accords de Barcelone.De plus, un ancrage au dollar, dans un contex-te de dépréciation de l’euro par rapport audollar depuis son introduction en 1999, a eupour conséquence une appréciation continuedes taux de change réels moyens de la région,engendrant un impact direct néfaste sur leséchanges, les IDE et la dette externe des PM.

-138-

Indépendamment de l'importance straté-

gique de la région du Golfe, les montants des

flux commerciaux entre l'UE et le GCC sont

significatifs, étant données les vastes res-

sources en hydrocarbures de ces derniers.

Les pays du Golfe sont le cinquième plus

important marché d'exportation de l'UE : en

2002, l'UE exportaient quelques 36 milliards

d'euros vers le GCC. A son tour, le Golfe est

la source la plus importante d’importations

de pétrole de l’UE. Le pétrole brut représen-

te presque deux tiers des importations de

l’UE en provenance du GCC, tandis que les

importations tous biens confondus de l’UE se

sont élevées à environ 18 milliards d'euros

en 2002.

En termes d'investissement, les investisse-

ments européens en direction du « Golfe 8 »

(les six pays du GCC, plus le Yémen et l'Irak)

ont augmenté en 2001 s'établissant à

1,1 milliard d'euros. En outre, les investisse-

ments du « Golfe 8 » vers l'UE ont progressé

passant de 0,6 milliards d'euros en 1999 à

1,2 milliards d'euros en 2001. La stabilisation

de la situation en Irak devrait déboucher sur

une hausse substantielle des flux d'investis-

sement vers la région.

Les avantages d'une telle association dans le

long terme sont clairs, aussi bien pour les

pays du nord que du sud de la Méditerranée.

En dehors des avantages commerciaux, cette

intégration inclut le transfert de technologies,

la consolidation des réformes économiques,

une augmentation de la puissance de négo-

ciation, surtout pour les petits pays, et des

avantages d’ordre politique.

Néanmoins, les bénéfices des accords euro-

méditerranéens ne peuvent pas être considé-

rés comme acquis. En fait, les scénarios les

plus optimistes envisagent 3% d'augmenta-

tion de la production économique des PM sur

la période couvrant l’entrée en vigueur des

Puisque les PM n’ont pas de politique moné-taire indépendante, les coûts d’une plusgrande fixité vis-à-vis de l’euro sont relative-ment bas. A moyen terme, une politiquemonétaire fondée sur l’ancrage des monnaiesdes PM à l’euro, ou à un panier de monnaiesdominé par l’euro, pourrait leur permettred’importer la crédibilité de la BanqueCentrale Européenne (BCE) en matièremonétaire. Elle pourrait également amoindrirl’impact des mauvais alignements du changesur le commerce euro-méditerranéen et lesflux d’IDE. Un scénario extrême serait uneunion monétaire euro-méditerranéenne, oùles PM adopteraient l’euro.

Les résultats empiriques montrent que l’im-pact des mauvais alignements du taux dechange réel sur les exportations euro-médi-terranéennes et les IDE est probablementd’autant plus important que le nombre depays signataires de l’accord s’accroît et queles échanges s’intensifient entre les paysmembres de l’Accord d’Intégration RégionalEuro-méditerranéen (AIRE). De plus, la vola-tilité des taux de change réels bilatéraux a uneffet beaucoup plus fort sur les pays déjàmembres de l’AIRE. En fait, une dépréciationdu taux de change réel bilatéral dynamise lesIDE, en partie du fait de l’existence d’IDE quivisent à éviter certains tarifs, IDE qui peu-vent être relocalisés selon les évolutions duchange entre les PM.

Dans le cas où les pays sont ou vont entrerdans le partenariat euro-méditerranéen, lefait que la dette externe des PM est, en gran-de partie, libellée en dollars pourrait alourdirl’effet sur les bilans des mouvements dechange à mesure que le commerce euro-méditerranéen, s’intensifiera.

Enfin, cette recherche souligne que lesexportations totales, les importations et leséchanges en général ont progressé demanière constante entre l’UE et les PM quiont d’ores et déjà ratifié la déclaration deBarcelone. Les résultats étayent fortementl’idée que, pour ces PM qui ont ratifié lesaccords de Barcelone, une intégration com-merciale plus étroite se traduit progressive-ment par une meilleure intégration écono-mique avec l’UE. La situation apparaît cepen-dant assez différente lorsque est considéréela seule région méditerranéenne. Les résul-tats empiriques ne permettent pas de déga-ger une convergence des politiques monétai-re et budgétaire des PM. Des efforts supplé-mentaires sont donc nécessaires pour amé-liorer l’intégration économique et financièresud-sud.

-139-

intra-régional arabe : les exportations ont

gagné 20% par rapport à l'année précé-

dente et les importations 12%. Du fait des

divers accords commerciaux arabes pas-

sés, les termes de l'échange entre les pays

arabes ont augmenté en valeur absolue

sur la période 1997-2002, contrairement à

l’expérience de la décennie précédente. La

plupart des pays de la région ont réduit

leurs taxes à l'importation intra-régionales

de 50%. Sur cette période, les exporta-

tions totales intra-arabes sont passées de

16 milliards de dollars à 21 milliards de

dollars, soit à un taux de croissance de

6% ; et les importations de 13 milliards de

dollars à 19 milliards de dollars, ce qui

équivaut à un taux de croissance de 8%

(figure 36).

En dépit de cette augmentation en termes

absolus, le commerce intra-régional arabe

tient encore une place marginale dans le

commerce total et représente 7 à 10% de

leurs importations et exportations totales,

situation qui n'a pas sensiblement évolué

depuis les années 50. Hors exportations

pétrolières, ce pourcentage s’élève en

moyenne à 20-25% (figure 37).

accords. Par ailleurs, quelques difficultés

peuvent surgir à court terme, qui se répercu-

teront essentiellement sur la situation socia-

le, avec la progression possible du chômage,

sur le secteur de l’agriculture et sur les ser-

vices sociaux. D’autres effets négatifs sont à

souligner, comme les pertes d'emplois et le

déclin des revenus du gouvernement suite au

démantèlement tarifaire.

Pour pallier à ces problèmes, le programme

MEDA a été pensé comme un mécanisme d’at-

tribution d’une aide financière de l'UE aux par-

tenaires méditerranéens. Cet appui s'élève

presque à 1 milliard d’euros par an et est

conditionné par des réformes économiques,

sociales et politiques dans la région. Il prend

la forme de programmes d'aide sur mesure

pour chacun des associés. Le programme

MEDA 2, qui couvre la période 2000-2006,

fournit une aide financière aux pays méditer-

ranéens qui atteindra 5 350 millions d'euros.

2. Le commerce entre les pays arabes se

développe, mais reste marginal

L'année 2002 a été marquée par une aug-

mentation substantielle du commerce

Figure 36 : Exportations et importations entre les pays arabes

0

5000

10000

15000

20000

25000

1997 1998 1999 2000 2001 2002

Inter Exports(FOB)

Inter Imports (CIF)

Note : les pays arabes sont : Jordanie, EAU, Bahreïn, Tunisie, Algérie, Djibouti, Arabie Saoudite, Soudan,Syrie, Somalie, Irak, Oman, Qatar, Koweït, Liban, Libye, Egypte, Maroc, Mauritanie, Yémen.Source : Unified Arab Economic Report, 2003

Mil

lio

ns

de d

oll

ars

US

Exportations intra-zone (FOB)

Importations intra-zone (CIF)

-140-

contribué le plus fortement au commerce

intra-régional, puisque ses exportations

représentent 37% des exportations totales,

suivie par la Syrie et l’Algérie. En termes

d'importations, la part de la Turquie atteint

19% des importations totales des PM.

Cependant, le commerce intra-régional de la

Turquie avec les PM ne représente que 5% de

son commerce total (figure 38).

Entre 1997 et 2002, la part des échanges

des PM dans leur commerce total n'a pas

significativement variée, excepté pour le

Liban, dont la part a presque doublé en rai-

son de l'augmentation de ses importations

en provenance des PM de la région, parti-

culièrement de Chypre, d'Egypte et de la

Jordanie. Les importations sont, en effet,

essentielles au développement économique

du pays. Les importations principales du

En 2002, les exportations de l’Arabie Saoudite

représentent la part la plus élevée dans les

exportations totales intra-arabes (37%), en

grande majorité constituées de produits pétro-

liers. Il faut noter que les matières premières

et les produits pétroliers représentent la

majeure partie du commerce intra-arabe

(52,2% de la totalité des exportations intra-

arabes et 42,7% des importations). Nourriture

et boissons viennent ensuite et comptent pour

18% des importations totales et des exporta-

tions. Les autres principaux biens échangés

sont les produits chimiques, les produits

manufacturés et les équipements de transport.

Le commerce au sein des PM n’est pas à la

hauteur de son potentiel

Concernant le commerce intra-régional des

PM, en 2002, la Turquie est le pays qui aFigure 37 : Exportations et importations intra-zones et totales des pays arabes

0

5

10

15

20

25

30

35

1997 1998 1999 2000 2001 2002

%

Intra Arab Exports to Total ExportsIntra Arab Imports to Total ImportsIntra-Arab Exports to total non-oil exports

Source : Unified Arab Economic Report, 2003

%

Exportations intra-zone sur Exports totales

Importations intra-zone sur Imports totales

Exportations intra-zone sur Exports totales

Figure 38 : Part des PM dans leur commerce total en 1997 et 2002

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18% du total des échanges

Algérie Chypre Egypte Israël Jordanie Liban Malte Maroc Syrie Tunisie Turquie

19972002

Source : Calculs de l’ERF d’après Arab Economic Unified Report, 2003 et Direction of Trade Statistics,2004

-141-

fallacieux, car l’effet de la « taillle » de l’éco-

nomie considérée dans le commerce mondial

n’est pas pris en considération. Par exemple,

le potentiel considérable de production et de

demande de l’UE explique sa part importante

dans le commerce de ses partenaires.

Une manière de répondre à ce problème est

de neutraliser l'effet de taille en calculant

« les ratios d’intensité commerciale ». Cette

méthode a été adoptée dans une étude de

Gaulier et Unal-Kesenci. Les ratios obtenus

ont été comparés aux ratios de commerce

standards et des différences substantielles

sont apparues.

La méthode consiste à rapporter chaque flux

commercial bilatéral observé à un flux théo-

rique, qui est en fait la capacité commerciale

globale du partenaire. Le coefficient calculé

s'appelle un ratio relatif d’intensité commer-

ciale bilatérale. Une valeur supérieure à 1

correspond à un commerce bilatéral impor-

tant, tandis qu’un ratio inférieur à 1 reflète

une faible intensité des échanges.

Le calcul de l'indice d’intensité relative en

2002 pour les PM donne une image différen-

te du commerce intra-régional de celle

qu’offre la part dans les échanges. Les liens

commerciaux privilégiés qu’entretiennent la

Jordanie et le Liban avec les PM sont ici affir-

Liban sont la nourriture (20% de ses impor-

tations totales) et l'électronique (15%)

(EIU, 2002). D'autre part, la part de la

Syrie dans les échanges des PM a chuté de

17% à presque 14% de son commerce total

(figure 38).

Comme l’a montré la partie sur les

échanges, l’UE reste le principal partenaire

commercial des PM et compte pour 45% de

la totalité des échanges des PM en 2002. La

Tunisie est le pays dont les liens commer-

ciaux avec l’UE sont les plus étroits parmi

les PM. L’UE représente presque 77% de la

totalité de ses échanges en 2002, avec un

poids pour la France particulièrement élevé,

puisqu’elle lui fournit 27% de ses importa-

tions et absorbe 31% de ses exportations.

Elle est suivie par l’Italie (figure 39).

L'Egypte a augmenté la part de ses échanges

avec l’UE. Ses exportations vers l'UE ont aug-

menté de 70% entre 1997 et 2002 et ses

importations de 30%. Cette augmentation

s’est produite après que l’accord Egypte-UE

qui a été signé soit entré en vigueur.

Intensité de l'intégration

Mesurer le degré d'intégration à partir de la

part des échanges intra-régionaux dans la

totalité des échanges peut être légèrement

Figure 39: Part de l’UE dans commerce total des PM en 1997 et 2002

0

10

20

30

40

50

60

70

80% du totaldes échanges

Algérie Chypre Egypte Israël Jordanie Liban Malte Maroc Syrie Tunisie Turquie

19972002

Source : Calculs de l’ERF d’après Arab Economic Unified Report, 2003 et Direction of Trade Statistics, 2004

-142-

Stade 3 : l’ouverture des marchés augmentela concurrence et permet aux entreprises lesplus efficaces d’accroître les dimensions deleur activité, tandis que les autres disparais-sent. La structure par taille des industries serapproche ainsi d’une structure optimale. Leséconomies d’échelle résultant de ces restruc-turations peuvent donner lieu à des gainspotentiellement élevés.

Stade 4 : outre les inefficacités résultant dela dimension sous-optimale des unités deproduction, il en existe d’autres, internes,provenant d’une mauvaise allocation des res-sources humaines, physiques ou financières.Ces inefficacités s'estomperont avec le ren-forcement de la concurrence.

Le rapport sur le coût de la non-Europe dres-se un bilan très positif des effets attendus del’intégration. Au final, l’achèvement duMarché Intérieur est censé stimuler l’activité,créer des emplois, réduire les déficits tout enévitant les dérapages inflationnistes.

2) L’intégration sud-sud et la régionalisationde la Méditerranée : enjeux et limites de larégionalisation sud-sud

Jusqu’à présent les mouvements d’intégrationentre pays en développement avaient pourobjectif de construire une base industrielle etmettre en place une politique de substitutionaux importations au niveau régional. Le déve-loppement de cette stratégie de croissances’accompagnait d’une libéralisation deséchanges à l’intérieur du bloc et d’une poli-tique protectionniste envers les pays tiers.

√ Non respect des conditions essentielles

Face aux effets de détournement de fluxd'échanges, qui nuisent à la régionalisation etposent des problèmes de cohérence de l’accorden l’absence de mécanismes compensateurs,certaines règles doivent être respectées.

En premier lieu, la régionalisation doit sefaire entre partenaires naturels. Si lesfinances publiques pâtissent de la libéralisa-tion des échanges avec le principal partenai-re commercial, les effets de détournementsont réduits. Or, le projet d’intégration sud-sud concerne des pays qui ne sont pas despartenaires naturels. Les risques de détour-

Espace euro-méditerranéen et coûts dela non intégration Sud-Sud : le cas despays du Maghreb

Dirigée par CES Rabat, Maroc

L’idée de l’intégration maghrébine n’est pasnouvelle puisqu’elle existait déjà dans lesprogrammes des mouvements de libérationnationale. Après leur indépendance, plu-sieurs tentatives ont été faites par diverspays qui ont abouti, à la fin des années 80,au traité de Marrakech et la création del’Union du Maghreb Arabe (UMA).

La question centrale qui se pose est donc, celledes conséquences de cette absence d’intégra-tion, alors que cette région dispose de condi-tions optimales pour permettre l’éclosion et laréussite d’un véritable processus d’intégration.Il s’agit ici de tenter de mesurer les coûts éco-nomiques, voire politiques, du « nonMaghreb », en s’inspirant des travaux qui ontété faits en Europe au début des années 80 surles coûts de la non construction européenne.

1) Le coût de la Non-Europe

V Effets de la suppression des barrières

La suppression des barrières génère deuxpremiers types d’effets à court terme :

Stade 1 : les barrières affectant directementles échanges proviennent avant tout desretards aux postes frontières. Ces entravesétant éliminées, les coûts que supportent lesexportateurs et les importateurs s’en trou-vent réduits.

Stade 2 : les entraves dont souffre l’en-semble de la production sont, pour l’essen-tiel, celles qui limitent l’accès au marché ouréduisent la concurrence. Ainsi, les restric-tions en matière de marchés publics main-tiennent les prix intérieurs à un niveau plusélevé qu’en situation de concurrence.

V Effets de l’intégration des marchés

Il faudra plusieurs années pour que certainseffets de l’intégration des marchés seconcrétisent, par exemple ceux concernantl’innovation.

-143-

Globalement, les mouvements d’intégrationrégionale fondés sur une multiplicité desaccords bilatéraux qui apparaissent enMéditerranée du Sud n’ont produit, essentiel-lement, qu’une régionalisation institutionnel-le et n’ont pas su générer une véritable inter-dépendance économique.

Si la régionalisation sud-sud a peu d’impactsur les relations bilatérales, elle peut être,sous certaines conditions, une force dans leprojet d’intégration Euro-méditerranéen.D’une part elle permettrait aux pays du Sudde la Méditerranée de s’unifier dans leur dia-logue avec l’Europe. D’autre part, elle peutêtre un atout dès que l’hétérogénéité despays est exploitée, afin de définir une com-plémentarité dans les structures productives.Ainsi, les pays du Sud de la Méditerranéepourraient devenir des partenaires essentielspour les firmes européennes. Les pays duSud de la Méditerranée pourraient aussibénéficier de l’entrée de firmes américainesou japonaises qui cherchent à pénétrer lemarché européen. Dans un tel scénario, uneconvergence des niveaux de développementest attendue, entre les deux rives de laMéditerranée.

3) Intégration maghrébine : état des lieux

√ Atouts et contraintes de l’intégrationmaghrébine

N’importe quel projet d’intégration régionalesuppose un inventaire détaillé et exhaustifdes facteurs favorables et de blocage.

Les éléments positifs sont : (i) le facteur géographique : la proximité estune composante cruciale dans tout processusd’intégration. (ii) Le facteur historique : le Maghreb disposed’une longue et riche histoire commune. Il aconnu une unité totale ou partielle sous l’im-pulsion des diverses invasions qu’il a subi : lesvandales, les arabes, etc. Ces invasions ontrenforcé l’unité de ces pays : langue, religionculture. La colonisation française a, quant àelle, introduit dans ces pays des systèmeséconomique, social et linguistique similaires.(iii) Le facteur économique : la concurrenceexistante entre les économies des trois paysdu Maghreb (surtout entre le Maroc et laTunisie) n’exclut pas une certaine complé-

nement sont alors importants. Dans cesconditions, les pertes subies par les deuxpays peuvent contrebalancer les gains de larégionalisation.

En second lieu, les spécialisations des paysconcernés limitent les perspectives d’unerégionalisation économique fondée sur uneinstitutionnalisation des échanges. Il s’ensuitque les pays peuvent être classés selon leuravantage comparatif. Il existe deux catégo-ries de pays : ceux possédant des « avan-tages comparatifs extrêmes » et ceux affi-chant des « avantages comparatifs intermé-diaires ». Les premiers regroupent tous lespays les plus riches ou les plus pauvres,caractérisés par des dotations factoriellesintensives en capital humain ou en maind’œuvre non-qualifiée. Les effets de détour-nement sont généralement subis par les paysdont les avantages comparatifs sontextrêmes, alors que les effets de création sefont au bénéfice de ceux ayant des avan-tages comparatifs intermédiaires. L’impactglobal dépend de l’ampleur de ces deuxforces.

Enfin, l’amélioration du contexte institu-tionnel au niveau régional conduit à desrésultats surprenants. Une amélioration dela législation contractuelle internationale,en effet, agit sur l’équilibre. Les auteursconstatent une hausse de la délocalisationdans la région d’origine au détriment duSud. Le développement institutionneldécourage l’entrée de nouveaux produc-teurs de biens différenciés. Les ressourcesallouées à la conception peuvent être uti-lisées pour la production de biens intermé-diaires. Le revenu mondial augmente,ainsi que la demande pour les biens homo-gènes générant un transfert de la maind'œuvre vers les activités de productiontraditionnelle.

√ Exploitation des économies d’échelle

Selon les analyses sur les déterminants del’outsourcing ou des IDE et l’exploitation del’hétérogénéité des pays du sud, la complexi-té de la structure productive est fondamen-tale. Dans un contexte de marché étroit limi-tant l’exploitation des économies d’échelle, larégionalisation sud-sud peut se présentercomme une alternative.

-144-

lité des monnaies nationales, des pénuriesde devises, etc. La convention adoptée en1991, portant création de la BanqueMaghrébine d’Investissement et deCommerce Extérieur, n’a pas encore étératifiée par aucun des pays du Maghreb ;

* la quasi inexistence de contacts et derelations entre les différents opérateurséconomiques, les militants des O.N.G, lesreprésentants des chambres profession-nelles, etc. La lourdeur des procédures etle climat de suspicion qui règne dans lesrapports entre les administrations magh-rébines ne font qu’accentuer les entravesau dynamisme des échanges entre cespays. Par ailleurs, l’utilisation abusive, parces administrations, des procédures d’au-torisation préalable et l’imposition de res-trictions non tarifaires prouve l’absenced’une réelle volonté politique de dévelop-per le commerce intra-Maghreb.

√ Evolution des échanges intra-Maghreb

Le flux des échanges intra-Maghreb est trèsmodeste. Globalement, il ne dépasse pas3% des exportations du Maroc, de l’Algérieet de la Tunisie, ce qui constitue le plusfaible niveau des échanges extérieurs intra-zone dans le monde. Les relations écono-miques entre le Maroc, l’Algérie et la Tunisiene reflètent aucunement le potentiel dedéveloppement de leurs échanges. Certes,l’indice de complémentarité structurelleintra-Maghreb apparaît faible puisqu’il s’éta-bli à 0,852 et 0,856 respectivement en 1995et 2000, mais il se situe à un niveau quasi-ment identique à celui d’autres zones d’inté-gration, telles que l’APEC ou le MERCOSUR.Cette situation ne permet pas d'impulser unedynamique d’intégration régionale, pourtantindispensable dans un contexte internationalmarqué par les phénomènes de la mondiali-sation et de la régionalisation. Le commercedes pays du Maghreb avec certains autresPM qui ont pu développer leurs échangessud-sud comme la Jordanie, la Syrie et leLiban est aussi marginal.

4) Impact de l’intégration maghrébine : ana-lyse à partir d’un modèle d’équilibre généralcalculable et de matrices de compatibilité

Le coût de la non intégration est évalué grâceà des simulations sur le taux apparent des

mentarité, qu’il faudrait exploiter. Celle-ciapparaît à plusieurs niveaux : énergie, agri-culture, etc. Le secteur énergétique peutconstituer, d’ailleurs, l’un des axes majeursde la coopération et de la promotion de l’inté-gration : exportation du gaz et pétrole algé-riens vers le Maroc et acheminement versl’Europe à travers la Tunisie et le Maroc. Demême, les opportunités d’échanges dans ledomaine agricole sont importantes : ouvertu-re du marché algérien à l’huile d’olive tuni-sienne, aux primeurs et aux agrumes maro-cains, entre autres. L’importance du commer-ce informel entre ces pays souligne ainsil’existence d’occasions réelles d’échangesrégionaux qu’il faudrait promouvoir.

Les difficultés résident dans :(i) la faible complémentarité économique, quiest un handicap non négligeable à tout proces-sus d’intégration, puisque les économies deces pays sont plutôt concurrentes sur les mar-chés internationaux. C’est le cas en particulierdes économies marocaines et tunisiennes. (ii) Les antagonismes politiques : auMaghreb, les systèmes politiques et les choixéconomiques faits sont très différents. Ilsportent les séquelles de l’affrontement Est-Ouest. Depuis la chute du mur de Berlin et ladésintégration de l’URSS, ces divergencesont pratiquement disparu, pour laisser laplace à d’autres antagonismes liés au natio-nalisme et aux craintes hégémoniques. Cenationalisme exacerbé peut parfois créer destensions au niveau des frontières et est àl’origine de ruptures bilatérales, voire multi-latérales dans la région. (iii) Les facteurs d’accompagnement de l’in-tégration : à ce niveau plusieurs contraintesse dressent, empêchant toute avancée signi-ficative du processus d’intégration. Il s’agiten particulier : * du manque d’infrastructures ferroviaires

et maritimes. Le réseau ferroviaire entreles trois pays est complètement fermé etles liaisons maritimes sont quasimentinexistantes. Cette absence quasi totalede lignes directes de transport terrestre,ferroviaire et maritime génère des sur-coûts et réduit certainement la compétiti-vité–prix des produits échangés entre lespays du Maghreb ;

* les grandes difficultés rencontrées enmatière de financement des échangesrégionaux, en raison de la non convertibi-

-145-

més (indice d’intensité commerciale supé-

rieur à 1), un résultat qui n’apparaît pas à

partir d’un calcul simple de la part des

échanges avec les PM dans le total de leurs

échanges (9% et 12% respectivement).

L’existence d’échanges préférentiels est clai-

rement établie au sein des pays du Maghreb,

car l'intensité commerciale est supérieure

aux échanges théoriques intra-zone (plus du

double parfois). La Turquie a de bonnes rela-

tions commerciales avec la plupart des PM,

en particulier avec le Liban, Malte et l'Egypte.

L'Egypte présente des liens préférentiels

avec chacun des PM, mais l'intégration peut

être accrue, puisque le ratio d’intensité com-

merciale pour l’ensemble des PM est inférieur

à 1 (il faut noter que l'indice commercial

moyen pour les PM par rapport à un pays est

calculé comme une moyenne pondérée des

indices pour ce pays avec chaque PM). Enfin,

le commerce entre la Syrie et le Liban est

dix-sept fois plus élevé que la valeur théo-

rique intra-zone. Ce résultat doit être consi-

déré avec prudence, la part des échanges

entre la Syrie et le Liban représentant seule-

ment 2% des échanges de la Syrie.

3. Autres domaines d’intégration

Le concept d’« intégration sud-sud » a été

généralement employé en référence à un

domaine d’intégration spécifique : « l’inté-

gration commerciale », ou plus largement

« l’intégration économique ». Négliger

d'autres domaines potentiels d’intégration

constitue une limitation fortement domma-

geable à la signification de l’intégration.

Un exemple est l'intégration dans le domaine

des TIC. Bien que les pays méditerranéens

partagent la même langue, ils appliquent dif-

férentes normes quand il s’agit de l’utilisation

d’un ordinateur, de la connexion à Internet et

des télécommunications. Si l'intégration s’ac-

croissait dans ce secteur, la région pourrait

tirer bénéfice des économies d’échelle et du

nombre considérable d'utilisateurs de TIC,

pour surmonter la concurrence d'autres

régions du monde, en particulier d'Asie et

d’Asie du Sud-Est. Un autre exemple concer-

ne la Recherche et Développement. Une inté-

gration des PM dans ce domaine impliquerait

de partager l'information et permettrait de

tirer parti de l'expérience d'autres pays qui

font face aux mêmes défis et contraintes.

L'intégration en matière de R&D est envisa-

geable dans le domaine de l'eau (distillation

taxes sur les importations. L’ouverture desmarchés des pays du Maghreb se traduit parl’annulation, soit systématique, soit progres-sive, des taux de taxation sur les importa-tions. Leur annulation croisée devrait se tra-duire par une augmentation significative deces importations au détriment des importa-tions du reste du monde, ce qui conduira àune relance des transactions commercialesentre les différents pays du Maghreb et del’activité économique de chacun de ces pays.Néanmoins, l'ampleur de ce phénomène estcontrainte par la faiblesse des transactionscommerciales (des exportations comme desimportations) entre les différents pays duMaghreb. En conclusion, il apparaît clair quela non construction du grand Maghreb a uncoût en termes de croissance économique.

L’absence de toute intégration maghrébineest très dommageable et doublement pénali-sante :(i) d’ une part, au niveau interne du fait de lanon exploitation des énormes potentialités decoopération entre ces pays et de la perted'avantages que pourraient procurer uneintégration maghrébine en termes d’élargis-sement des marchés, d’attraction des inves-tissements locaux et étrangers, d'exploita-tion des complémentarités (économiesd’échelle, minimisation des coûts), d’accrois-sement de pouvoir de négociation, etc ; (ii) d’autre part, au niveau externe, cettesituation accentue l’asymétrie d’intégrationdans toute la zone méditerranéenne et peutcompromettre tout le projet euro-méditerra-néen. Ces pays doivent comprendre que lesuccès de leur arrimage à l’Europe passe parleur capacité à forger et à développer uneintégration régionale.

-146-

de l’eau, irrigation, etc.), de l’agriculture (ce

qui améliorerait la qualité des produits agri-

coles par l’utilisation de meilleurs engrais,

…), de la médecine (nouvelles médecines,

etc.). Les possibilités d’intégration en matiè-

re de R&D sont nombreuses et une intégra-

tion sud-sud améliorerait certainement sa

qualité. Une optimisation des investisse-

ments de R&D peut être réalisée en créant

des centres spécialisés dans certains sec-

teurs, qui présentent un avantage compara-

tif. Par exemple, la désalinisation de l'eau

dans les pays du Golfe, les TIC en Jordanie et

en Egypte, l'industrie des phosphates au

Maroc et en Tunisie et les produits pétrochi-

miques en Arabie Saoudite.

L'intégration dans le domaine de l'éducation

serait très bénéfique, particulièrement parmi

les pays du sud qui partagent le même arabe

écrit. On peut citer les échanges de manuels,

la formation des professeurs, la circulation

des connaissances entre les étudiants, etc.

Comme l’indique le rapport arabe du déve-

loppement humain, « cette langue commune

peut devenir un moyen pour les pays arabes

de rattraper le train de l'information ». Selon

ce rapport, le monde arabe traduit seulement

330 livres par an environ, soit 5 fois moins

que la Grèce. Tous les ans, l'Espagne traduit

autant de livres que ceux qui ont été traduits

en arabe au cours des milles dernières

années (AHDR, 2002).

L'intégration dans le domaine de l'environne-

ment est essentielle entre les pays arabes,

puisque les conflits sur les ressources parta-

gées pèsent toujours sur leur intégration glo-

bale. C’est ainsi que l'intégration au sein de la

région arabe renforcera sa position et permet-

tra que sa voix soit écoutée dans les débats.

Ces formes d'intégration ne sont pas uto-

piques, certains succès le prouvent, tel que le

projet financé par les fonds arabes pour le

développement économique et social et

d'autres donateurs arabes dans le domaine

de l'électricité, des routes et des réseaux de

transmission. La construction d’un réseau

électrique a réduit les besoins d’investisse-

ment du secteur, a diminué les coûts et son

utilisation est en croissance. Prolonger ce

réseau à tous les Etats arabes pourrait créer

un vaste marché de l'électricité, comparable

à celui de l'UE. De la même façon, relier les

routes et les chemins de fer pourrait aug-

menter les flux de marchandises et le touris-

me entre les Etats arabes.

4. Conclusion

L'intégration sud-sud formatera les réussites

de la région, elle créera des économies

d'échelle qui compensent la petite taille des

marchés internes pris un à un et favorisera

les flux d'investissement vers la région

(Femise, 2002).

Afin de tirer bénéfice des accords de libre-

échange avec l’UE et de pouvoir faire face à

la concurrence sur les marchés de l'Europe et

du monde, les pays du sud de la

Méditerranée doivent saisir les opportunités

que représente leur intégration et la traduire

en une présence efficace sur ce marché.

En dépit de ses limites, le GAFTA est une

étape dans la bonne direction à condition

qu’« il tienne ses promesses » (AHDR, 2003).

L'intégration commerciale régionale au sein

des PM a peu progressée au cours des dix

dernières années, en dépit des efforts

déployés pour promouvoir la complémentari-

té entre les accords de libre-échange bilaté-

raux et régionaux. Les accords commerciaux

entre les pays arabes n’ont pas encore porté

les fruits attendus et ils n’ont pas eu une

influence majeure sur la libéralisation du

commerce régional.

-147-

naturelles : le pétrole et le gaz pour l’Egypte,l’eau et les minerais pour la Turquie.

Il y a donc, a priori, une mosaïque d’écono-mies complémentaires, qui n’ont pas, jusqu’àprésent, réellement exploité cette complé-mentarité. L’explication est connue. Depuisau moins 50 ans, les conflits politiques per-sistants ont conduit à la dislocation de l’éco-nomie du Proche-Orient, même s'il est pos-sible de faire remonter l'origine de cettesituation à la dissolution de l’EmpireOttoman, en 1918. En conséquence, et làencore a priori, la résolution des conflits poli-tiques devrait mener, entre autres effetsimportants, à la recomposition du Proche-Orient en tant que région économiquecapable d’exploiter ses complémentarités.

L’étude démontre, à partir d'un modèle gra-vitaire, que les échanges intra-régionaux demarchandises pourraient atteindre le doubledes volumes échangés sur la période 1995-2001 (2 à 3 milliards de dollars US aujour-d’hui contre 5 à 6 milliards de dollars USaprès la normalisation des relations commer-ciales). Bien que, en valeur absolue, ceschiffres soient importants, il ne faut pasperdre de vue la perspective d’ensemble : siles échanges intra-régionaux représententaujourd’hui 5 % de la totalité des échanges,la normalisation amènerait ce taux à 10 %.Les principaux partenaires commerciaux despays de la zone demeureront donc les Etats-Unis et l’Union Européenne.

L’étude a également montré, sans surprise,qu'Israël serait le pays qui bénéficierait leplus de la normalisation, puisque seséchanges avec ses voisins seraient multipliéspar trois alors qu'ils ne représentent aujour-d’hui que 5% de la totalité des échangesd’Israël. Le fait que le Liban suive de trèsprès Israël dans la simulation n’était pas évi-dent a priori, bien que ses frontières soientdéjà ouvertes aux échanges avec les autrespays de la zone, à l’exception d’Israël. A l’ex-trême opposé, il apparaît que la Turquieexploite d’ores et déjà son potentiel commer-cial, grâce à sa politique de la « hot peace »,qui régit ses relations avec tous les pays dela zone (stratégie que la Jordanie et l’Egypten’ont pas adoptée).

Une enquête sur les dotations factoriellesrelatives des pays concernés souligne l’exis-

Le potentiel de coopération économiqueentre les pays du Mashrek, la Turquie etIsraël.

Dirigée par The Hebrew University ofJerusalem, Department of InternationalRelations, Faculty of Social Sciences,Israël

Vue d’Europe, la zone retenue dans cetterecherche coïncide plus ou moins à ce que lesspécialistes allemands et anglo-saxonsappellent le Proche-Orient (par oppositionaux plus grands espaces que sont le Moyen-Orient ou les pays d’Afrique du Nord et duMoyen-Orient). Ainsi, une attitude trop fré-quente consiste à se référer à l’histoire colo-niale et aux récits des voyageurs des sièclespassés pour dessiner une vue d’ensemble del’économie régionale. Cette tendance conduità mettre l’accent sur les points communsentre les différentes économies, comme lepotentiel touristique, le fait que la région soitle berceau de la civilisation occidentale ou lecaractère semi-aride de la zone.

Cette recherche a démontré que les écono-mies de la zone étudiée sont extrêmementdiverses avec, d’un côté, des pays à revenuintermédiaire, dont le développement estfondé sur des ressources naturelles ou lesservices et le marché domestique étroit(Syrie, Jordanie, Territoires Palestiniens,Liban) et, d'un autre côté, trois économiesémergentes, de taille moyenne et relative-ment diversifiées (Turquie, Egypte, Israël)(cf. l’hebdomadaire britannique TheEconomist). Cette dernière a, d’une certainefaçon, les caractéristiques d’une économiepost-industrielle très ouverte, basée depuisune décennie sur le développement des nou-velles technologies (hardware et software),mais aussi sur le commerce du diamanttaillé. Il s’agit, de loin, de l’économie la plusprospère de la zone selon les standards inter-nationaux et, en conséquence, d’un marchénon négligeable. Cependant, à la différencede l’Egypte et de la Turquie, Israël a unebase démographique très réduite. Si l’écono-mie égyptienne est plus diversifiée que l’éco-nomie turque, les deux pays occupent uneposition géographique stratégique, du pointde vue économique et politique, au carrefourd’importantes voies de circulation maritimes,terrestres et aériennes. Ils bénéficient égale-ment de l’abondance de certaines ressources

-148-

tence d’un avantage comparatif de l’Egyptedans l’agriculture et les produits intensifs enmain d’œuvre, d’Israël dans les produitsintensifs en capital humain, de la Jordaniedans l’exportation de produits intensifs enmain d’œuvre vers l’ensemble de la zone (àl’exception de l’Egypte), du Liban dans l’ex-portation de biens intensifs en capital versl’Egypte et la Syrie, de la Turquie et de laSyrie dans l’exportation de biens agricolesvers tous les pays de la zone (mais pas entreeux). Le potentiel d’échanges bilatéraux estprincipalement inter-industriel (légumesfrais et congelés, pétrole brut, produitspharmaceutiques, textile, équipements detélécommunication, aéronautique, fer etacier). Les possibilités d'échanges intra-industriels seraient en revanche limitées,mais concerneraient des secteurs clefs,comme le textile, l’industrie pharmaceutiqueet les télécommunications. Ces trois sec-teurs se prêtent aisément à une fragmenta-tion géographique verticale du processus deproduction.

Selon l'analyse des échanges de services,Israël a un important potentiel non exploité,puisqu'il serait susceptible d’exporter, verstoute la zone, des services de TIC(Technologies de l’Information et de laCommunication). L’Egypte, la Syrie et laTurquie ont des avantages comparatifs trèssignificatifs à exploiter dans les services defret routier et de transport de passagers. LaTurquie, l’Egypte et l’Israël ont, quant à eux,des avantages comparatifs vis-à-vis desautres pays du Mashrek dans les services defret aérien. Par ailleurs, le Liban, Israël et laJordanie peuvent aisément dépasser, pourles services financiers, le niveau d’exporta-tion actuel vers l’Egypte, la Turquie, la Syrie,et les Territoires Palestiniens. Il est égale-ment probable, au vue des différentes dota-tions factorielles relatives, qu'Israël et leLiban deviennent des centres médicauxrégionaux, et l’Egypte, la Turquie, la Syrie etla Palestine des grands exportateurs de ser-vices sanitaires vers Israël, permettant lasubstitution partielle des importationsactuelles en provenance des Philippines et deRoumanie. Les services du tourisme lié à lasanté seront principalement exportés par laJordanie, la Syrie et Israël vers les autreséconomies de la région, alors que la Jordaniepourrait se spécialiser dans les services rele-vant des soins dentaires.

La libre circulation des capitaux dans larégion devrait permettre d'accentuer la ten-dance actuelle à la délocalisation des firmesisraéliennes dans l’industrie textile, vesti-mentaire et agroalimentaire, vers laJordanie, la Turquie et l’Egypte. Toujoursselon cette étude, après la résolution totaledu conflit israélo-palestinien, la Syrie et lesTerritoires Palestiniens deviendront sûre-ment des pays d’accueil pour les IDE d’Israëldans les secteurs intensifs en main d'œuvre.Le succès d’une telle stratégie industrielledépend de la conclusion d’accords appropriésavec les Etats-Unis et l’Union Européenne,qui permettraient le cumul de valeur, à l’ins-tar des ZIQ (les Zones IndustriellesQualifiées, accords initiés par l’administrationaméricaine il y a plusieurs années pour pro-mouvoir les échanges israélo-jordaniens).

Ainsi, il apparaît que ce ne sont pas seule-ment les faiblesses des infrastructures qu’ilfaut surmonter pour faciliter l’intégrationéconomique dans la zone. La coopération ence domaine semble a priori envisageable, carquasiment dénuée de connotations politiques(c’est ce qui a permis la création des ZIQ surle territoire jordanien). De ce point de vue, ilsemble qu’au stade actuel, le type de coopé-ration volontaire le plus adapté (allant au-delà de la simple normalisation) est de natu-re sectorielle (par exemple les énergiesrenouvelables) ou fonctionnelle (comme lesquestions environnementales transfronta-lières). Des accords transfrontaliers géné-raux devraient être évités (y compris lesaccords de libre-échange, d’union douanièreet de marché commun). Ils présentent, eneffet, l’inconvénient de s’appliquer à toute lasociété, dont une partie n'a pas encore ledésir de coopérer avec l’ancien ennemi. Lapriorité doit être donnée à tous les projetsd’infrastructures conduisant à généraliserdes externalités positives, comme les projetsde partage des ressources en eau ou dejoint-venture pour entretenir les voies navi-gables communes (comme le Jourdain).

-149-

MONOGRAPHIES SUR LA SITUATION MACRO-ÉCONOMIQUE DES PM

Algérie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.151Egypte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.159Israël. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.167Jordanie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.173Liban . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.183Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.193Syrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.199Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.205Turquie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.217

-150-

-151-

naturelles en quantités mais pénalise l’équi-

libre de la balance des paiements. Les

exports sont principalement réglées en dol-

lars de même que le service de la dette, tan-

dis que les imports, provenant largement

d’Europe sont acquittées en euros (à hauteur

de 50% environ). L’appréciation forte de l’eu-

ro vis-à-vis du dollar de 2003 a donc fragili-

sé les équilibres externes du pays [1]. Seule

une diversification des partenaires et des

échanges peut permettre d’atténuer cette

faiblesse structurelle (figure 1). Selon une

étude de la banque mondiale, si l’exposition

aux chocs externes de l’Algérie pouvait être

abaissée pour atteindre celle du Mexique ou

de l’Indonésie, autres pays exportateurs de

pétrole, alors le pays pourrait obtenir des

taux de croissance de 0,5-0,7 points de pour-

centage supérieurs.

Le rythme de croissance de l’Algérie demeu-

re élevé, 4,1% en 2002 et 6,7% en 2003

mais la place du secteur privé est restreinte

et le PIB hors hydrocarbures et hors agricul-

ture ne gagne que 4,4% contre 5,3% l’an

passé. Le décollage du secteur privé que le

gouvernement tente d’impulser ces der-

nières années ne se manifeste pas et l’em-

bellie que connaît le secteur des hydrocar-

bures semble drainer toutes les forces vives

du pays. Comme, par ailleurs, les politiques

monétaire et budgétaire sont expansion-

Algérie

Tout comme l’Egypte ou la Syrie, l’Algérie a

bénéficié en 2003 et début 2004 de la haus-

se des prix du pétrole. Par ailleurs, la récol-

te agricole a été bonne ce qui a permis au

pays de relativement peu souffrir de la pro-

gression des prix des produits alimentaires.

Les performances de l’économie algérienne

sont donc favorables cette année avec une

amélioraion de l’excédent du solde externe,

des recettes fiscales et de la croissance.

Cependant, cette situation reste extrême-

ment fragile car elle est subordonnée aux

humeurs des marchés pétroliers et céréa-

liers. Sur ces derniers, un dérapage impor-

tant des prix pour 2004 n’est pas à exclure

dans la mesure où le niveau de la production

est en baisse. Les exports de marchandises

non-pétrolières sont anecdotiques, 2,7% des

exports totales contre 3,9% en 2002, elles

ont reculé de 9,4% sur la période. Elles ne

sont pas un facteur d’amortissement des

chocs intervenant dans la sphère des

échanges internationaux (prix, volume) et

susceptibles de heurter rudement l’économie

domestique.

La faiblesse de la production domestique et

des exportations non-pétrolières est caracté-

ristique d’un pays bénéficiant de ressources

Figure 1 : Structure des exportations et des importations 1/

USA16,3%

Reste duMonde20%

Japon0,2%

UE63,5%

1/ Parts moyenne sur les cinq dernières années.Source : DREE.

UE60,5%

Japon2,7%

Reste duMonde28,7%

USA8,1%

-152-

nistes, que les revenus distribués, du fait de

la croissance, s’accroissent et que les

imports sont bridées via un système de taxes

défavorable aux biens de consommation,

l’inflation repart.

Autre point délicat de la situation algérienne,

des recettes budgétaires incertaines devront

financer des engagements en rapide pro-

gression. Les répercussions budgétaires du

séisme intervenu le 21 mai 2003, et qui vont

s’étaler sur 3 ans seront plus lourdes que

prévues selon la loi de budget 2004, puisque

les premières estimations sont d’ores et déjà

dépassées. Or, les ressources budgétaires du

pays sont très largement dominées par la

fiscalité pétrolière et la manne inespérée

récoltée en 2003 peut se tarir du jour au len-

demain. Aussi les dépenses supplémentaires

seront difficiles à financer d’autant que les

autorités souhaitent réduire le poids de la

dette et de son service qui absorbe 15% des

revenus. L’aspect délicat du projet est que la

montée de l’endettement est principalement

due aux efforts d’assainissement des entre-

prises et des banques publiques qui ne sont

pas budgétés. Entre 1993 et 1997, le coût

du rachat aux banques des créances dou-

teuses des entreprises publiques a représen-

té 30% du PIB moyen et parachever l’opéra-

tion pourrait nécessiter de dégager des

montants considérables évalués à quelques

15% du PIB. La réduction de la dette néces-

site donc, en premier lieu, d’améliorer la

transparence du budget et des engagements

du Trésor et la gouvernance des finances

publiques afin d’obtenir une évaluation clai-

re de la situation financière de l’Etat et de

mettre en place des outils de gestion des

risques budgétaires induits par les engage-

ments du secteur public.

Même si le pays renoue avec la croissance

après des années de marasme économique

(1980-1994), une réduction de la pauvreté

n’est possible que grâce au développement

du secteur privé hors hydrocarbures et parti-

culièrement des activités intensives en main

d’œuvre. Le secteur des hydrocarbures et

des industries aval ne contribue que peu à la

création d’emploi (3%) bien qu’il détermine

la croissance du fait de sa part dans le PIB

(30%) et le chômage reste très élevé. Le PIB

par habitant n’a donc progressé que de 1,7%

par an en moyenne sur la période 1990-

2000, ce qui est le résultat le plus faible de la

zone, sachant qu’il a été de 1,8% pour la

Jordanie, de 8,7% pour le Liban ou encore de

5% pour la Tunisie et 4,8% pour la Syrie, loin

derrière les 8,7% des pays d’Asie de l’Est et

du Pacifique. 12% de la population vit dans la

pauvreté en 2003, selon les estimations

nationales.

La solution réside dans l’essort du secteur

privé qui enregistre une croissance de la

productivité supérieure à celle du secteur

pétrolier et qui pourrait aider à l’expansion

des exports non-pétrolières et à lisser le

cycle économique dans le cadre de l’entrée

à venir de l’Algérie à l’OMC et de l’accord

d’association avec l’UE. Ce dernier aspect de

la situation algérienne est particulièrement

délicat car la volatilité du cycle qu’a connu le

pays sur les deux dernières décennies et la

lenteur des réformes, y compris du cadre

institutionnel de l’investissement, n’encou-

ragent pas l’investissement dans le secteur

privé, ni les IDE. Le secteur bancaire contri-

bue peu à nourrir la croissance car sa posi-

tion est extrêmement fragilisée par ses liens

étroits avec les entreprises publiques insuf-

fisamment compétitives, la montée des

créances douteuses et du risque systémique

qui en découle [2]. Reste que, même si les

autorités impulsent des réformes qui vont

dans ce sens, leur mise en œuvre est freinée

par les réticences administratives qui se

manifestent à tous les échelons (Radwan,

Reiffers, 2003).

-153-

Pour 2003, la situation macroéconomique de

l’Algérie se décline de la façon suivante :

(i) Un marché des biens peu compétitif

dominé par le secteur pétrolier et les

entreprises publiques

Les exportations ont progressé en valeur

(22,5%) comme en volume (8,3%) grâce

aux évolutions du marché et des prix des

produits pétroliers tandis que les importa-

tions n’ont gagné que 8% en volume, ce qui

se traduit par une hausse de l’excédent com-

mercial qui atteint 11,6 milliards de dollars.

Le compte courant présente, quant à lui, un

excédent qui représente quelques 13,2% du

PIB. La fragilité des comptes externes pro-

vient essentiellement des échanges de ser-

vices dont le déficit s’est creusé de 1 milliard

de dollars cette année et qui pourrait croître

encore avec le processus d’adhésion à l’OMC

et leur libéralisation progressive.

Du fait de la bonne récolte agricole, les

importations de produits alimentaires ont

régressé (-2,8% en volume). Les importa-

tions de biens intermédiaires (+2% en

volume) sont essentiellement le résultat de

la croissance du secteur du BTP (70,1%

pour le ciment, et +61,3%, pour le bois,

etc.) alors que les biens d’équipement agri-

cole reculent (-16,2%) au moment même

où les autorités lancent un plan d’améliora-

tion de la productivité du secteur. Les biens

d’équipement industriels poursuivent leur

hausse relativement timide en rapport avec

la faiblesse de l’investissement tandis que

les biens de consommation industriels

enregistrent la progression la plus rapide

(23,2%). Cette tendance devrait se pour-

suivre en 2004 et probablement en 2005

sous l’impulsion des projets de reconstruc-

tion et de constructions sociales du gouver-

nement et d’extension de la capacité d’ex-

ploitation du pétrole et du gaz.

Le recul de l’investissement fixe reflète en

partie les anticipations pessimistes des

agents concernant la poursuite et l’approfon-

dissement du programme en faveur du déve-

loppement du secteur privé mis en place ces

dernières années par le gouvernement. La

situation florissante actuelle n’incite pas les

dirigeants à poursuivre des réformes qui ne

vont pas sans coûts et qui pourraient mena-

cer l’équilibre économique et social actuel.

L’évolution des exports explique que, en 2003,

le secteur des hydrocarbures affiche un taux

de croissance de 8,1% et son effet d’entraîne-

Figure 2 : Décomposition du PIB

0,3

3,25,3

2,0

-1,2

-5,7

6,3

10,0

-11,8

5,8

8,4

13,1

21,7

1,6 1,0

7,0

12,9

5,3

8,3

2,42,14,1

1,5

6,9

-15

-10

-5

0

5

10

15

20

25

Produit IntérieurBrut

ConsommationPrivée

ConsommationPublique

Investissement fixe Exportations debiens et services

Importations debiens et services

1995-1998 2001 2002 2003

Source : FMI, IFS juillet 2004.

-154-

ment sur l’économie est dû à sa part élevée

dans la valeur ajoutée, 36,5%. L’agriculture,

qui représente 10,2% du PIB, a également

enregistré de bons résultats avec une crois-

sance à 17%. Les contributions à la croissan-

ce des services et du BTP sont très honorables,

se montant à 5,8% et 5,7% de croissance res-

pectivement. Mais, pour ce qui est du BTP, son

progrès reflètent largement l’effort de recons-

truction après le séisme du 21 mai.

La croissance du secteur de l’industrie hors

hydrocarbures est de 1,2% et ce résultat est

bien meilleur qu’il n’y paraît. Ce chiffre com-

prend en effet les secteurs industriels public

et privé qui ont des évolutions très diffé-

rentes. La production industrielle du secteur

public hors hydrocarbures a reculé de 1,3%,

de même que celle des industries manufactu-

rières, notamment agroalimentaires (-20,6%)

car elle ne peut soutenir la concurrence avec

les importations et la production nationale

émanant du secteur privé. La production de

ce dernier a d’ailleurs crû de 5%, ce qui prou-

ve son dynamisme. Ces chiffres soulignent

l’urgence d’une restructuration des activités et

du mode de gestion des entreprises publiques

et les bénéfices potentiels pour l’économie

d’un désengagement de l’Etat plus rapide, en

termes d’accroissement de la productivité et

de la compétitivité.

(ii) Les conditions d’une croissance

durable en Algérie

Avec un rythme de progression des nouveaux

entrants sur le marché du travail de 1,7% par

an et une élasticité moyenne de l’emploi à la

croissance de la production de 0,5, il faudrait

des taux de croissance de 6% par an pour

voir le chômage se réduire de moitié en 10

ans (Banque mondiale, 2003). Cependant, il

est difficile pour l’économie algérienne dont

le redémarrage est depuis longtemps entra-

vé par les lourdeurs des vestiges d’un fonc-

tionnement centralisé, d’atteindre ces taux

élevés. Il est vital pour le pays d’augmenter

le contenu en emplois de la croissance, ainsi

que la productivité, qui n’a cessé de décroître

depuis la seconde moitié des années 1970, et

la compétitivité externe. Plusieurs facteurs

empêchent cela :

(i) la volatilité du cycle économique. Du

fait de l’importance des produits pétro-

liers dans les exportations, la volatilité

des termes de l’échange est une des

plus élevée au monde (tableau en

annexe). Cette volatilité s’est transmise

au PIB, a déprimé la demande interne et

l’investissement domestique comme les

IDE. Le programme de soutien à la

reprise économique adopté en 2002 se

heurte donc à un manque de réponse du

secteur privé. Si la croissance du sec-

teur hors hydrocarbures et agriculture a

été supérieure à celle du PIB global en

2002 (5,3% contre 4,1%), ce n’est pas

le cas en 2003 (4,4% cotre 6,8%) avec

le cas particulier de l’industrie dont les

résultats sont meilleurs. Il est donc

indispensable de lisser le cycle écono-

mique pour aider les entrepreneurs

domestiques et internationaux à

reprendre confiance dans une croissan-

ce future stable et durable pour l’Algérie.

(ii) La faiblesse des intrants intermé-

diaires et du capital importé. Il apparaît

que la baisse de la Productivité Totale

des Facteurs (PTF) est largement le

résultat de la baisse des importations de

ce type, intervenue après la crise de la

balance des paiements de la fin des

années 1980 et la dévaluation du dinar,

suite à la chute des prix pétroliers. Les

autorités doivent donc, encore plus for-

tement qu’elles ne le font aujourd’hui

avec le système de tarif, encourager ces

imports qui sont susceptibles de nourrir

le progrès technique.

-155-

(iii) Une allocation du capital biaisée en

faveur d’industries relativement moins

rentables causée, en partie, par des dis-

torsions de prix relatifs et un système

bancaire peu concurrentiel. Libéraliser

les importations de biens capitaux et

intermédiaires ne peut avoir des effets

positifs sur l’économie que si ces biens

sont affectés au développement des

activités les plus rentables, qui appar-

tiennent au secteur privé. Or les distor-

sions existantes du système de prix et

un secteur bancaire insuffisamment

dynamique et concurrentiel perpétuent

une allocation inefficace des ressources

qui se dirigent principalement vers les

entreprises publiques avec lesquelles

les banques entretiennent des liens

étroits. Par ailleurs, l’investissement

privé demeure déprimé par des

réformes trop lentes.

(iv) Une croissance de la productivité

similaire à celle d’autres pays exporta-

teurs de pétrole mais qui ne décolle pas

significativement, contrairement à ce

qui se produit au Venezuela ou en

Indonésie, faute de réformes structu-

relles. La croissance de la PTF a été

négative entre 1979 et 1994 du fait

d’une croissance rapide de la taille du

secteur public et d’une centralisation

excessive. Les effets d’une PTF basse et

d’une accumulation du capital ralentie,

qui n’ont pu être contrebalancés par la

hausse de la qualité de la main

d’œuvre, sont à l’origine de la baisse de

la production par travailleur.

Aujourd’hui, réaliser des gains de PTF

nécessite un accroissement du PIB hors

hydrocarbures, une ouverture aux

échanges plus large et une politique de

réforme plus décidée, notamment du

secteur bancaire, qui permettraient, de

limiter le développement de l’économie

informelle.

La conséquence des distorsions de prix, d’un

capital humain relativement moins perfor-

mant que dans d’autres économies simi-

laires, la lenteur des réformes et des privati-

sations, l’importance de l’exposition aux

chocs extérieurs serait une perte en termes

de niveau de PIB par habitant de 60%

(Banque mondiale, 2003). Une croissance

élevée est essentielle à la réduction de la

pauvreté. Reste à savoir si l’Algérie saura

tirer parti de ses avantages, à savoir des

taux d’épargne élevés, une transition démo-

graphique bien avancée avec des taux de

croissance de la population (1,62%) de

l’ordre de ceux du Maroc (1,58%) et nette-

ment inférieurs à ceux de l’Egypte (1,72%),

de la Jordanie (2,61%) ou de la Syrie

(2,32%), un rattrapage du retard du niveau

d’éducation de la population (31% d’illettris-

me, un des taux les plus élevés de la zone)

et des ressources énergétiques abondantes.

(iii) Une situation de surliquidité moné-

taire délicate à contrôler

Dans le cadre du plan de développement du

secteur privé, les autorités ont décidé d’une

baisse des taux d'intérêt. Ainsi, le taux de

réescompte est passé de 5,5%, fin décembre

2002, à 4,5% en décembre 2003 et 4% en

février 2004. Cependant, les taux débiteurs

n’ont pas varié, se situant dans une four-

chette de 6,5-9%. Cette situation, si elle

répond aux problèmes de rentabilité et de

solvabilité que connaissent les banques du

fait de leurs liens étroits avec les entreprises

publiques et le gouvernement, ne facilite pas

le développement du secteur privé qui sup-

porte, par ailleurs, des primes de risque

importantes. En définitive, si la part du sec-

teur privé dans les crédits à l’économie s’ac-

croît, cela est dû à un recul des besoins de

financements de l’Etat alors que ceux du sec-

teur public augmentent suite aux nouveaux

projets d’investissement. Malgré une

-156-

épargne importante, la contribution du sec-

teur bancaire à la croissance reste faible.

La masse monétaire au sens de M2 a crû à un

rythme de 17,2% en 2003 contre 17,3% en

2002 et 22,3% en 2001. Cette évolution est

essentiellement le fruit de l’amélioration des

réserves officielles de change et des avoirs

extérieurs nets de la banque centrale comme

des banques commerciales alors que la part

des avoirs intérieurs se réduit considérable-

ment. Le ratio des avoirs extérieurs nets sur

M2 s’élève à 68,4% en 2003 contre 9,6% en

1999. La création monétaire est impulsée par

l’état des échanges externes, comme c’est le

cas dans la plupart des pays exportateurs de

pétrole, ou pour le Maroc qui fait face récem-

ment à des flux de rapatriement des revenus

des travailleurs d’une ampleur considérable.

Ces pays soufrent d’une exposition forte à

des risques de dérapages incontrôlés des

agrégats monétaires et de l’inflation.

L’efficacité de la politique monétaire algérien-

ne est confrontée au problème de la surliqui-

dité bancaire. Le marché étant hors banque,

la banque centrale a perdu sa capacité à pilo-

ter son économie. Elle a donc mis en place de

nouveaux outils d’intervention indirecte tels

que les opérations de reprise de liquidités,

qui ont attiré 250 milliards de dinars en

décembre 2003 (127,9 milliards en 2002)

malgré la baisse des taux (0,75% en juin

2003 mais seulement 0,25% en décembre).

Les ponctions se sont faites également grâce

aux réserves obligatoires dont le taux est de

6,25% depuis décembre 2002.

Malgré l’action restrictive de la banque cen-

trale sur la croissance de la masse monétai-

re, elle n’a pu éviter un léger dérapage de

l’inflation (2,3 contre 1,4 en 2002) puisque le

programme de soutien à la relance écono-

mique s’est traduit par une offre insuffisante

pour satisfaire la demande. L’inflation reste

néanmoins compatible avec la politique de

flottement géré du change, mise en place en

1996, et qui vise la préservation de la com-

pétitivité externe via la stabilisation du taux

de change effectif réel et du différentiel d’in-

flation avec les principaux partenaires com-

merciaux. Mais, l’objectif d’inflation, fixé à

moins de 3%, risque fort d’être dépassé en

2004 puisque, fin mars et en glissement

annuel, le taux de croissance des prix attei-

gnait 5,6% et 6,43% sur le premier tri-

mestre 2004 contre 1,05% pour la même

période en 2003.

(iv) Une consolidation de la situation

budgétaire qui doit encore progresser

Par le passé, la politique budgétaire a trop

souvent été pro-cyclique et a amplifié les

évolutions conjoncturelles. L’Algérie a réussi

à assainir sa position budgétaire après le

plan d’ajustement de 1994. Elle a, par

exemple, beaucoup réduit sa dette dont l’en-

cours externe dans le total des engagements

extérieurs est passé de 98,9% du PIB en

1995 à 39,6% en 2003 et de 66,2% à

45,8%. Cependant, l’orientation de la poli-

tique en 2003 semble confirmer que briser

avec les habitudes antérieures n’est pas

chose acquise pour l’Algérie. Les dépenses

ont, en effet, augmenté plus vite que les

recettes et le fonds de régulation des

recettes qui devrait être alimenté pour com-

bler les déficits en période de baisse des

cours du pétrole a servi à combler le déficit

généré.

En 2003, les dépenses budgétaires ont aug-

menté de +13%, ce qui s’est traduit par un

déficit du solde global du Trésor de –3,61%

du PIB, contre un quasi équilibre l’an passé,

qui est largement couvert par les recettes

affectées au fonds de régulation (si celui-ci

est inclus, l’excédent se monte à 5,11% du

PIB contre 0,23% en 2002). Les ressources

-157-

sont constituées pour 76% des recettes de la

fiscalité. Elles sont principalement affectées

aux salaires (21,4% du total des dépenses),

à l’action économique et sociale (22,6%) et à

l’équipement (34,3%). Comme souligné

supra, le budget a besoin d’être révisé en

intégrant les engagements effectifs du gou-

vernement mais également les passifs des

systèmes de retraite, les coûts futurs de la

couverture sociale et les effets des opéra-

tions de renflouement éventuel des banques

publiques qui sont les facteurs principaux

d’incertitude. Reste que, à court terme, les

rigidités des engagements resteront fortes

alors que les ressources sont volatiles. Ainsi,

le déficit primaire rapporté au PIB a été plus

de deux fois plus volatil en Algérie que pour

les pays exportateurs de pétrole depuis

1975. Il existe donc une spécificité algérien-

ne qui pèse sur l’économie et ses capacités

de croissance comme de création d’emploi.

Dans l’immédiat et en attendant des

réformes de fond, la politique budgétaire doit

donc viser :

(i) à contenir les dépenses tout en évi-

tant de transmettre aux investisse-

ments les fluctuations du cycle écono-

mique afin d’équilibrer le budget ;

(ii) à mettre en place une gestion très

active de la dette qui permettrait de

convertir la dette à taux variable, dont

la part est conséquente, puisque des

taux fixes faibles sont accessibles

actuellement. Diversifier le panier de

monnaies, dominé par le dollar [3], en

laquelle elle est libellée réduirait les

conséquences néfastes des variations

des taux de change bilatéraux du dollar,

de l’Euro et du Yen ;

(iii) à poursuivre la réduction de l’éva-

sion fiscale et les privilèges de tout

ordre, entreprise qui a déjà porté ses

fruits en 2003 ;

(iv) à mettre en place des stratégies

prudentes face aux chocs positifs qui

doivent être considérés comme tempo-

raires et inciter à constituer une

épargne suffisante pour affronter

d’éventuels chocs inverses ;

(v) à limiter une contagion des fluctua-

tions des recettes pétrolières au reste

de l’économie, et notamment au PIB et

au fonctionnement du secteur bancaire,

en instaurant des règles basées sur une

gestion inter-temporelle des ressources

pour protéger les acquis de la stabilisa-

tion macroéconomique.

-158-

Volatilité de quelques indicateurs macroéconomiques : comparaison internationale

19

70

-19

80

19

80

-19

90

19

90

-20

00

19

70

-20

00

19

70

-19

80

19

80

-19

90

19

90

-20

00

19

70

-20

00

Alg

éri

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3,6

11,8

8,4

9,2

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2,6

5,8

Col

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7,8

4,1

6,6

6,4

1,8

1,6

2,9

2,3

Equat

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4,7

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20,7

21,6

5,9

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3,3

5,4

Eg

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6,2

4,5

2,1

1,6

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7,7

6,7

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2,1

5,3

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don

ésie

10,8

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15,2

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1,3

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6,5

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9,6

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3,9

3,8

3,7

Nig

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18,3

25

19,1

8,5

74

6,6

Syri

e6,3

15,5

7,1

12,4

10,3

6,7

3,3

7,8

Ven

ezuel

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48,8

33

3,3

4,8

4,5

4,2

MEN

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oyen

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4,9

2,4

5,1

4,4

5,9

4,8

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5,6

19

70

-19

80

19

80

-19

90

19

90

-20

00

19

70

-20

00

19

70

-19

80

19

80

-19

90

19

90

-20

00

19

70

-20

00

Alg

éri

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70,1

20,4

231,3

23

12,2

24

Colo

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0,1

30,0

80,0

50,1

13

10,4

5,2

10,4

Equat

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0,2

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12,4

11,9

17,1

Eg

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10,9

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Gab

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0,2

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10,1

40,3

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12,2

22,9

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0,1

20,0

40,0

40,1

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Indonés

ie0,4

10,1

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50,4

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16,1

Mex

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0,1

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Nig

er0,5

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40,2

10,4

735,3

26,5

27,7

30,5

Syri

e0,1

0,1

40,1

90,2

85,8

13

14,8

13,1

Ven

ezuel

a0,1

70,2

30,1

0,2

122,5

26,6

12,9

19,8

MEN

A m

oyen

ne

0,0

80,0

80,0

90,1

8,2

3,6

10

7,6

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mes

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par

hab

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Cro

issa

nce

annuel

le d

es t

erm

es d

e l'é

chan

ge

Source : Banque mondiale (2003).

-159-

Egypte

L’Égypte est depuis trois ans dans une phase

de ralentissement économique. La croissance

réelle du PIB oscille autour de 3% par an

alors qu’elle atteignait 5% auparavant. Une

politique budgétaire expansionniste visant à

stimuler l’économie, des dévaluations de la

monnaie propices à soutenir les exports et

une nouvelle vague de réformes annoncées

n’ont pas permis de sauver le régime d’an-

crage au dollar du change et les autorités ont

laissé flotter en janvier 2003.

Dans la première partie de l’année 2003, des

influences contradictoires s’exerçaient sur la

croissance égyptienne avec, d’un côté, un

secteur exportateur dynamisé par la dépré-

ciation de la monnaie domestique suite à sa

mise en flottement, ce qui s’est traduit par

des hausses de prix et de salaires, et, d’un

autre côté, une demande interne déprimée,

une stagnation de l’investissement, des

ventes sur le marché national déclinantes et

une hausse du chômage. Dans la seconde

moitié de l’année, en revanche, les enquêtes

montrent que les agents étaient plus nette-

ment optimistes .

Le contexte politique n’a pas ruiné ces nou-

veaux espoirs dus à la brièveté de la guerre en

Irak, la possibilité d’obtenir un soutien inter-

national, les conséquences positives de la

dévaluation de la monnaie domestique, telles

que la réduction des écarts de cotation de la

monnaie sur les marchés officiels et parallèles

ou la hausse des exports (Business Barometer,

2004). Ces anticipations positives ont été véri-

fiées pour 2003, selon les enquêtes, et persis-

tent pour la première moitié de 2004.

Cependant, la hausse de l’inflation s’accélère

et la politique budgétaire expansive mise en

place risque de nourrir ce processus même si

jusqu’ici ça n’a pas été le cas car l’économie

dispose encore de capacités de production

inexploitées. Les prévisions de croissance

pour 2004 sont d’ailleurs de 4,5% et l’infla-

tion devrait régresser autour de 3,5%. Le

chômage reste cependant élevé (9,9%) et la

pauvreté toucherait 17% de la population.

Les opinions sont cependant partagées quant

à la stratégie à suivre pour relancer l’écono-

mie. Certains sont favorables à un accroisse-

ment des dépenses publiques couplé à une

baisse des taux d'intérêt. L’accès au crédit

est certes une contrainte qui est souvent

pointée du doigt dans les enquêtes mais une

baisse des taux pourrait accentuer les pres-

sions sur le change tandis que l’arme des

dépenses publiques semble émoussée étant

donné l’ampleur du déficit, l’effet d’éviction

qu’une hausse de la dette pourrait impliquer

et le risque d’impact négatif sur l’inflation.

D’autres recommandent de se reposer sur

les exports pour dynamiser l’économie tout

en mettant en place un cadre institutionnel

qui permettrait d’attirer des investissements

étrangers. Ces entrées d’IDE pourraient sti-

muler l’investissement privé interne, qui

reste fortement déprimé, ainsi que la pro-

ductivité (estimée à moins de 1% par an) et

la compétitivité. Cette stratégie pourrait

aider à réduire le chômage et la pauvreté.

Mais, à court terme, il faudra contenir la fac-

ture salariale pour conserver la compétitivi-

té. Dans ce cas, modifier le cadre institution-

nel pour attirer les IDE ne suffit pas, il fau-

drait également réformer le système éduca-

tif et bancaire et plus résolument mener les

privatisations.

La toute première urgence est de redonner

confiance dans la politique économique et

dans les annonces de réforme du gouverne-

ment afin de limiter la volatilité du change et

susciter d’autres types d’investissement, de

-160-

portefeuille par exemple, dont l’effet d’en-

traînement sur l’économie peut être aussi

puissant que celui généré par les IDE et inci-

ter globalement les agents à investir et

consommer, à croire dans une croissance

future forte et stable.

Pour ce faire, le gouvernement doit prouver

sa capacité à alléger son poids sur l’économie

et à rendre plus flexible son budget. Par

ailleurs, la décision de laisser flotter le chan-

ge a été bien accueillie par les marchés. Elle

permet, en effet, de s’affranchir des

contraintes lourdes qu’impliquait l’ancrage au

dollar, en termes de convergence des taux

d'intérêt et des taux d’inflation notamment,

qui étaient une source de la perte de confian-

ce dans l’économie égyptienne. Enfin, la poli-

tique monétaire retrouve son indépendance

et est amenée à jouer un rôle plus important

dans la régulation de l’économie. Mais, les

autorités doivent encore définir, instaurer et

se familiariser avec un cadre de politique

monétaire, des instruments et des

contraintes particuliers, très différents de ce

qu’elles connaissaient jusqu’ici. En même

temps, il leur faut préserver les acquis de la

stabilisation macroéconomique passée et

notamment la maîtrise de l’inflation pour

rendre crédible leur action. La tâche est

colossale d’autant que le taux de dollarization

n’a cessé de grimper depuis 1999, où il attei-

gnait 17,3%, pour se porter à 27,3% en

2003, ce qui limite l’efficacité de la politique

monétaire mais reflète bien la défiance des

agents dans l’économie domestique et les

insuffisances de développement des marchés

financiers et des outils de couverture des

risques. Néanmoins, les statuts de la banque

centrale ont été révisés pour répondre à ce

défi et une réforme du système bancaire est

en cours qui tendent à placer les structures

égyptiennes sur les standards internationaux.

La situation macroéconomique et d’avance-

ment des réformes en Egypte est la suivante :

(i) un niveau d’investissement très

insuffisant

Alors que la croissance atteignait 5,5% entre

1995 et 2000, elle n’a pas dépassé les 3,5%

depuis et le taux de croissance du PIB réel

par habitant est passé de 3,4% à 1,2% par

an. Malgré les tentatives de relance de la

demande via un accroissement des com-

mandes publiques, celle-ci est restée faible,

de même que l’investissement. Les signes de

reprise sont encore timides et les entrepre-

neurs utilisent leurs stocks et les capacités

de production inemployées.

Reste que l’investissement domestique

marque un net recul depuis 1998. Il se mon-

tait alors à 21,5% du PIB alors qu’il est, en

2003, de 17,1% soit son niveau de 1995. Il

est d’ailleurs un des plus bas de la zone. Le

Liban et Israël font moins bien avec des taux

Figure 1 et tableau 1 : Distribution des investissements par agent économique 2002-2003

Private BusinessSector48%

Government32%

Public Business Secto6%

Economic Authorities13%

1/ Y compris le Canal de Suez.Source : Ministère de la Planification.

Government EconomicAuthorities

Public BusinessSector

PrivateBusinessSector

Total

Total Investments 32,1 13,3 6,4 48,1 100Total Commodity Sector 18,2 16,4 10,0 55,5 100 Agriculture, Irrigation & Fishing 46,7 1,1 0,0 52,2 100 Crude Oil & Minning 1,0 52,0 5,2 41,8 100 Manufacturing Industries & Oil Products 1,0 0,8 34,5 63,7 100 Electricity, Water & Natural Gas 26,9 15,7 0,1 57,3 100 Construction & Building 2,3 0,0 22,1 75,7 100Total Production Services 19,5 19,9 7,9 52,6 100 Transportation & Communication 1/ 23,3 23,4 7,3 46,0 100 Domestic Trade 0,0 2,0 7,4 90,6 100 Financial Services 0,9 50,7 48,4 0,0 100 Hotels and Restaurants 9,6 1,5 3,8 85,2 100Total Social Services 54,4 5,2 0,4 40,0 100 Housing and Real Estate Activities 1,9 0,0 0,0 98,1 100 Education Services 80,5 0,9 0,0 18,7 100 Health Services 69,9 5,9 0,0 24,1 100 Other Services 84,0 13,1 1,4 1,5 100Outstanding Projects 100,0 0,0 0,0 0,0 100

-161-

d’investissement de 16,7% et 16% du PIB en

2003 mais chacun est dans une situation très

particulière qui n’est pas comparable avec la

crise que connaît actuellement l’Egypte. Par

ailleurs, ces performances sont très loin der-

rière celles de la région MENA (23% en

2002), des pays à revenu moyen dont

l’Egypte fait partie (24,5% en 2003), ou des

pays du Est asiatique (33%).

L’Egypte accumule un retard qui est certaine-

ment, en partie, le résultat du manque de

souffle et de dynamisme lié à une présence

du secteur public encore beaucoup trop

importante. Ainsi, globalement, l’investisse-

ment émanant du secteur privé ne représen-

te que 48% de l’investissement total en 2003

(figure 1). Dans les secteurs du pétrole, des

mines, de l’eau et de l’électricité, le secteur

privé investit, mais la majorité des investisse-

ments sont faits par des entreprises publiques

qui assurent une très large part de la produc-

tion, voire sa totalité pour les produits manu-

facturés dans les secteurs de l’électricité et de

l’eau (Tableaux 1 et 2). Pour ce qui est des

services financiers, les investissements sont

faits en totalité par des firmes du secteur

public et la délivrance des services financiers

leur incombe à plus de 65%. C’est également

le cas dans le domaine des assurances.

La lenteur des réformes et des privatisations

empêche une modernisation des secteurs

concernés et une gestion plus rationnelle et

plus concurrentielle susceptible de favoriser

une amélioration de la qualité des services

délivrés et de l’allocation des ressources. Par

ailleurs, elle mine la confiance des agents

dans le gouvernement qui ne tient pas les

promesses faites, aussi bien dans le domaine

des privatisations que dans celui des

réformes institutionnelles. L’effet d’entraîne-

ment et de dynamisation de l’économie par

les réformes a donc été faible jusqu’ici.

Mais, la constitution d’un nouveau gouverne-

ment et le train de réformes annoncées, l’en-

trée en vigueur d’une loi portant sur la réfor-

Tableau 2 : Distribution des investissements par agent économique public/privé 2002-2003

Public Private Total Public Private Total

Total GDP 27,9 72,1 100,0 28,4 71,6 100,0Total Commodity Sector 14,0 86,0 100,0 13,6 86,4 100,0

Agriculture, Irrigation & Fishing 0,4 99,6 100,0 0,4 99,6 100,0 Mining 5,4 94,6 100,0 5,3 94,7 100,0

A) Petroleum & Products 4,4 95,6 100,0 4,4 95,6 100,0 B) Other Mining 42,8 57,2 100,0 42,7 57,3 100,0

of which Manufacturing industries 13,5 86,5 100,0 13,4 86,6 100,0A) Oil products 66,4 33,6 100,0 68,1 31,9 100,0

B) Other Manufacturing 11,2 88,8 100,0 11,0 89,0 100,0 Electricity 98,0 2,0 100,0 93,1 6,9 100,0 Water 100,0 0,0 100,0 100,0 0,0 100,0

Construction & Building 41,5 58,5 100,0 41,5 58,5 100,0Total Production Services 33,0 67,0 100,0 34,0 66,0 100,0

Transportation & Communication 16,8 83,2 100,0 16,8 83,2 100,0 Suez canal 100,0 0,0 100,0 100,0 0,0 100,0

Internal Trade 4,2 95,8 100,0 3,9 96,1 100,0 Financial Services 65,1 34,9 100,0 65,1 34,9 100,0

Insurance & Social Security 98,3 1,7 100,0 97,9 2,1 100,0 Hotels and Restaurants 1,4 98,6 100,0 1,3 98,7 100,0

Total Social Services 59,9 40,1 100,0 61,6 38,4 100,0Real estate activities 4,1 95,9 100,0 4,1 95,9 100,0A) Rent 3,3 96,7 100,0 3,2 96,8 100,0

B) Other Real estate & Business services 5,1 94,9 100,0 5,1 94,9 100,0 Government Servcies (Utilities) 100,0 0,0 100,0 100,0 0,0 100,0 Government Social Services2/ 6,4 93,6 100,0 6,3 93,7 100,0

2001/2002 2002/2003

2/ Includes education, health, social, cultural, entertainment & personal services.Source : Ministère de la Planification.

-162-

me du système bancaire semblent déjà avoir

permis de renverser la tendance et de redon-

ner au gouvernement une certaine crédibilité

et aux agents leur confiance dans les pers-

pectives de croissance. Reste que souvent, la

mise aux normes internationales de la ges-

tion bancaire entraîne une montée des

créances en souffrance qui les rend plus réti-

centes à accorder des prêts. Cette mesure,

pour indispensable qu’elle soit, risque d’in-

duire à court terme des difficultés de finan-

cement des nouveaux investissements même

si les taux d'intérêt réels sont bas.

(ii) une croissance principalement tirée

par les exportations

Avec le climat de morosité interne, ce sont les

exports qui ont fait la croissance en 2003 et

ce poste prend de plus en plus d’importance

avec une croissance annuelle moyenne entre

2002 et 1999 de 17%, qui doit beaucoup aux

exportations de produits pétroliers (+33,5%

de croissance annuelle moyenne pour une

part de 33% des exports totales). A contra-

rio, les imports ont perdu –4,9% en moyen-

ne par an sur la même période (figure 2).

La dépréciation de la monnaie, qui avait

perdu 25% de sa valeur fin décembre 2003

vis-à-vis du dollar (taux de change journalier,

-33,75% pour le taux de change acheteur fin

de période), peut avoir des conséquences

désastreuses ou bénéfiques sur l’économie

selon le jeu des élasticités-prix. Si la deman-

de d’importations égyptienne et la demande

d’exportations des partenaires commerciaux

sont très sensibles aux variations de prix,

alors la dévaluation de la monnaie peut favo-

riser un rééquilibrage du compte courant en

freinant les imports, devenues relativement

plus chères, et en dynamisant les exports.

De fait, en 2003, les exportations en valeur

ont crû de 15,2% et celles hors pétrole de

6,4%. La progression des exports est cohé-

rente avec la tendance 1999-2002 et la haus-

se des ventes des produits pétroliers, les fluc-

tuations des prix internationaux du pétrole et

les effets de la guerre en Irak (les exports de

produits pétroliers ont gagné 32,8% en 2003

mais perdu –9,6% en 2002), alors que la

hausse des exports de produits non-pétro-

liers est inférieure à sa tendance 1997-2002

(11,4% en moyenne annuelle). Les exporta-

teurs n’ont apparemment pas encore profité

de la dévaluation. Pour ce qui est des imports

en valeur, elles ont cessé de chuter (+0,9%

en 2003, -11% en 2002, -7,9% en 2001).

L’effet-prix a donc joué. Le déficit de la balan-

Figure 2 : Décomposition du PIB

5,6 5,2 5,2

-1,4

5,6

-0,3

0,9

4,5

11,6

1,1

13,7

3,85,5

2,23,7

-5,0

21,9

3,23,4

0,4

3,9

8,4

3,2 3,2

-15

-10

-5

0

5

10

15

20

25

Produit IntérieurBrut

ConsommationPrivée

ConsommationPublique

Investissement fixe Exportations debiens et services

Importations debiens et services

1998-2000 2001 2002 2003

Sources : Ministère de la planification, CBE , CAPMAS et Ministère du commerce extérieur et de l’industrie.

-163-

ce des biens s’est cependant réduit de -12%

mais l’effet « déprime de l’économie domes-

tique » est très net puisqu’il s’était déjà

contracté de -18,4% en 2001 et de -19,7%

en 2002, suite au recul des imports.

Les recettes issues de l’exploitation du Canal

de Suez se sont redressées (+22,9% contre

–1,2% l’an passé) et le tourisme a montré

une bonne résilience en 2003 (+10,9%

contre –20,7% en 2002 et une quasi-stagna-

tion en 2001). Enfin, les transferts des tra-

vailleurs a l’étrangers comme les transferts

privés n’ont pas faibli. Les bonnes perfor-

mances de ces trois postes clé de la balance

courante expliquent son excédent de 2,4%

du PIB contre 0,7% l’an passé.

Pour le premier trimestre 2004, les exports

augmentent sur le même rythme et, l’aspect

positif est que les produits pétroliers sont

moins concernés (+19%) que les produits

non-pétroliers (+44%). Mais, le tourisme et

les exports ont généré des disponibilités en

devises qui font que les imports ont pro-

gressé vivement (+38%) également, ce qui

conduit à un creusement du déficit des biens

de 46%. La balance des services marque

une hausse qui permet de couvrir ce déficit

grâce aux recettes des transports et du tou-

risme et aux transferts officiels qui sont

deux fois plus importants au premier tri-

mestre 2004 que ce qu’ils étaient en 2003 à

la même période. Au final, l’excédent du

compte courant se maintient.

L’année 2004 devrait être propice à une

croissance des exports égyptiennes, étant

donnée la croissance américaine et euro-

péenne si les prix du pétrole ne viennent pas

y mettre un frein, qui pourrait donc renforcer

le développement des exports de produits

non–pétroliers qui semble se dessiner. Cela

permettrait à l’Egypte de diversifier sa pro-

duction, ce qui est indispensable pour limiter

progressivement l’impact des chocs externes

et des variations du change sur la croissance

économique et l’emploi.

(iii) une réforme fiscale est nécessaire

Le déficit budgétaire se monte, pour 2003, à

6,1% du PIB soit le double de son niveau de

1999 (-2,9% du PIB). La dette s’accroît

encore cette année. Elle passe de 69,2% à

69,6% du PIB. Mi 2004, elle s’élève à 70%

du PIB. Il faut rappeler qu’elle n’était que de

47% du PIB en 2000. Seulement 35,6% de la

dette est externe, ce qui signifie que le

besoin de financement du secteur public pèse

considérablement sur l’économie et le déve-

loppement du secteur privé, en drainant une

large part des ressources financières dispo-

nibles. Le surplus primaire, qui mesure la

capacité à se désendetter, s’érode mais résis-

te passant de 2,4% du PIB en 1999 à 0,3%

du PIB car, bien que les taux de croissance

soient faibles, les taux d'intérêt réels restent

peu élevés. Le service de la dette absorbe

20,4% des dépenses totales, 26,9% vont aux

salaires, 9,5% à la défense, 14% seulement

aux investissements, donc des rigidités très

lourdes pénalisent le budget. Du côté des

recettes, des marges de manœuvre existent

puisque la TVA ne compte que pour 20,2%

des recettes. Cependant, encore 47,1% des

revenues ne proviennent pas de taxes, donc

sont non élastiques, et 10,1% sont des droits

de douane qui sont amenés à baisser. Le

budget doit donc impérativement être

restructuré et cela dans plusieurs domaines.

En premier lieu, il faut améliorer la maîtrise

du budget. La récession, qui a amené les

autorités à conduire une politique de relance

de plus en plus décidée, est un des facteurs

explicatifs important de la situation présente,

mais les engagements hors budget, qui sont

difficiles à contrôler et à budgéter en sont un

autre. Il est donc indispensable de les y inté-

-164-

grer afin de mener une gestion plus saine et

transparente des ressources et travailler à

retrouver une réelle flexibilité.

Deuxièmement, l’objectif prioritaire est de

conserver la confiance accordée par la popu-

lation au nouveau gouvernement en place.

La lenteur des réformes a sapé la crédibilité

du précédent. La mise en flottement de la

monnaie, qui était une décision que les auto-

rités ne pouvaient plus différer et dont les

conséquences néfastes potentielles sur l’éco-

nomie et sur l’inflation peuvent être conte-

nues si les exports réagissent bien et la

demande interne reste stable, a en fait

conduit au remplacement du gouvernement

car cela a fini de ruiner la confiance de la

population en ses dirigeants. Le nouveau

gouvernement bénéficie d’un crédit de

confiance qui semble assez élevé, il faut

maintenant qu’il le préserve et fasse ses

preuves. En cela, une réforme du budget en

faveur d’une meilleure transparence pourrait

être très profitable. Les autorités visent un

déficit de 1% du PIB pour 2005, reste à pro-

poser un projet soutenable et ce n’est pas le

cas du projet de loi pour 2005.

Troisièmement, il faut restaurer la confiance

dans la capacité du gouvernement d’amener

l’économie sur un sentier de croissance

durable. Les efforts de relance n’ont pas

porté leurs fruits et il ne serait pas avisé de

poursuivre dans cette direction maintenant.

C’est donc le bon moment pour assainir la

situation. Outre l’état de l’économie, la popu-

lation et les investisseurs le demandent. Cela

pourrait être très bénéfique, dans la mesure

où il semblerait exister une dimension auto-

réalisatrice dans une politique d’assainisse-

ment budgétaire. L’effet d’annonce, s’il est

crédible, de la mise en place d’une réforme

peut, selon sa nature, renforcer la croyance

des agents dans les capacités de croissance

future de l’économie, encourager l’esprit

d’entreprise, les investissements et contri-

buer à la reprise économique. Des privatisa-

tions, visant à mettre en place un fonction-

nement des marchés plus concurrentiel, irait

également dans ce sens. Un plan de restruc-

turation du portefeuille de la dette des entre-

prises d’Etat qui pourrait être un bon préa-

lable à leur privatisation est à l’étude et pour-

rait voir le jour en 2005.

(iv) politique monétaire et système ban-

caire : une réforme en cours très pro-

metteuse

En 2003, la politique monétaire a gardé son

orientation expansionniste. La masse moné-

taire (M2) a crû à un taux de 16,9% après

avoir gagné 15,4% en 2002 contre 10,9%

entre 1994 et 2000, période où la croissance

était plus vive et les besoins de monnaie plus

importants, ce qui a pu contribuer à créer

des pressions inflationnistes.

Ce mouvement reflète essentiellement la

croissance des avances au gouvernement

(+8,5%) et aux entreprises publiques

(12,3%) qui renvoient encore au manque de

souplesse des recettes fiscales qui n’ont pas

donné aux autorités les moyens de mener la

politique choisie. Ainsi, pendant la phase de

croissance plus forte, en 1995-1998 (5,4%

en moyenne), les avances de la banque cen-

trale au gouvernement n’étaient que de

3,9% en moyenne annuelle, mais de 19%

entre 2002 et 1999. La banque centrale a

essayé de stériliser l’effet négatif que pouvait

avoir la monétisation du déficit sur l’écono-

mie mais n’a pu empêcher l’inflation de déra-

per (figure 3).

En revanche, la progression des avances au

secteur privé reste très modeste (6,6%).

L’équilibre monnaie domestique-devises n’a pas

été sensiblement modifié suite à la dévaluation

et à la récession (78,4% en monnaie domes-

-165-

tique contre 77% en 1999). Le manque de

devises a engendré des tensions sur les mar-

chés parallèles. Ces tensions ont été aggravées

par des conditions d’obtention de prêts par les

banques, prudentes face aux incertitudes de la

situation, plus drastiques. Les autorités envisa-

gent de revoir le mode de fonctionnement du

marché interbancaire afin d’encourager le

développement de marchés des changes au

comptant et à terme, offrant ainsi des nou-

veaux instruments de couverture contre le

risque de change susceptible de déboucher sur

une harmonisation des marchés.

Depuis le début de l’année 2004, un change-

ment se dessine. La progression de M2 ralen-

tie (autour de 14% en avril 2004, alors qu’el-

le était de 19,9% en décembre 2003). Le

rythme des avances au gouvernement reste

élevé (+20% en avril) mais baisse pour celle

au secteur des affaires public (2%).

Une loi concernant le statut de la banque

centrale a été promulguée fin 2003. Elle doit

préparer la mise en place à terme d’une cible

d’inflation. Plusieurs éléments très promet-

teurs méritent d’être soulignés :

(i) la banque centrale acquiert une com-

plète indépendance instrumentale. Elle

a toute latitude pour définir les instru-

ments appropriés et mettre en œuvre

les politiques monétaire, de change et

bancaire. Les objectifs poursuivis sont

arrêtés au sein d’un Conseil, qui a été

créé récemment, et doivent être compa-

tibles avec la loi de budget et le plan de

développement social et économique

sachant que la stabilité des prix et un

fonctionnement sain du système ban-

caire sont néanmoins les missions prio-

ritaires de la banque. Préciser les rôles

des divers acteurs de la politique moné-

taire permet également de clarifier les

responsabilités respectives et donc ne

peut qu’accroître la crédibilité des enga-

gements pris.

(ii) L’indépendance instrumentale n’est

pas totale puisque la banque centrale

doit aider à financer le déficit budgétai-

re saisonnier, même si des limites ont

été mises à cette facilité. Elle peut

contribuer à hauteur de 10% de la

moyenne des ressources fiscales des

trois dernières années et les conditions

d’octroi des fonds et de remboursement

sont très clairement spécifiées. Par

ailleurs, cette facilité n’est ouverte que

dans la mesure où elle ne met pas en

péril la politique monétaire suivie. Ces

dispositions renforcent considérable-

ment la crédibilité de la banque centra-

Figure 3 : Taux d’inflation 2001-2003

Janvi

er

Févr

ier

Mar

s

Avr

il

Mai

Juin

Juill

et

Aoû

t

mbre

obre

mbre

mbre

0

1

2

3

4

5

6

2001 2002 2003

Source : Banque centrale d’Egypte.

-166-

le car elles clarifient les liens gouverne-

ment-banque et proposent un ancrage

aux anticipations des agents. Du point

de vue de l’amélioration de la discipline

budgétaire que ce type de mesure peut

engendrer, il est à noter que, si l’on fait

le calcul pour 2003, le montant des

concours prévus couvre le déficit du

budget général mais seulement 40% du

déficit du budget au sens étroit. La pres-

sion exercée sur les autorités budgé-

taires pourrait donc devenir assez lour-

de. Reste à savoir si cela aura un impact

positif sur la crédibilité de leur engage-

ment à ramener le déficit à 1% du PIB

pour l’année fiscale 2004/2005 qui est

un objectif très ambitieux, mais indis-

pensable à satisfaire car les études

montrent que c’est là un pré-requis à

une cible d’inflation tenable et crédible.

(iii) Pour changer la gouvernance, la

responsabilisation de chaque instance

doit être couplée à la transparence de

leurs actions. Un devoir de transparen-

ce vis-à-vis des différents organes du

gouvernement et, plus important, de la

population est stipulé dans cette loi. La

banque doit publier régulièrement ses

comptes ainsi que les orientations de la

politique monétaire et la stratégie

employée dans The Egyptian Journal.

Lorsqu’il n’existe plus d’ancre pour l’in-

flation, que la politique monétaire est en

plein remaniement et que des doutes

persistent sur la volonté des autorités

de restructurer et de laisser une réelle

indépendance à la banque centrale, les

niveaux d’inflation qui peuvent se déter-

miner sur les marchés sont nombreux et

dépendent largement des anticipations

des agents. Informer devient alors une

action éminemment stratégique.

Premièrement, elle explique le compor-

tement de la banque centrale et permet

aux agents d’intuiter le type d’obstacle

qu’elle rencontre, donc ses responsabili-

tés et sa crédibilité. Deuxièmement, elle

facilite l’émergence d’un consensus

quant au niveau d’inflation futur et des

facteurs transitoires ou externes qui le

déterminent. Si certains effets sont

considérés comme de très court terme

ou exogènes par les agents et donc sans

pertinence pour prévoir le niveau sous-

jacent de l’inflation alors leur impact

peut en être largement amenuisé. De

même, l’inertie qui caractérise souvent

le processus inflationniste dans les pays

en développement peut être réduite

lorsque la banque centrale parvient à

convaincre les agents que la politique

est en train de changer, qu’elle-même

se focalise sur le futur et sur les déter-

minants de l’inflation future, et que le

taux d’inflation de demain est mainte-

nant déconnecté de celui d’hier. Les

anticipations des agents ne sont alors

plus tournées vers le passé mais vers le

futur et la communication entre eux et

la banque centrale, qui les guide,

devient cruciale.

Reste que la banque centrale doit se désen-

gager complètement du système bancaire car

en étant présente dans les conseils d’admi-

nistration, elle crée un problème d’aléa moral

qui se traduit de la manière suivante : les

banques ne sont pas incitées à gérer de

manière rigoureuse leurs bilans dans la

mesure où elles savent que la banque centra-

le ne laissera pas une faillite se produire qui

pourrait mettre en danger l’ensemble du sys-

tème. Souvent, cela amène les banques à pri-

vilégier des clients avec lesquels elles entre-

tiennent des liens étroits et ayant une surfa-

ce financière importante au détriment des

PME dont la rentabilité et la solvabilité sont

moins visibles. Ce faisant, elles fragilisent leur

position et contribuent peu au développement

du secteur privé et à la croissance.

-167-

Israël

Israël a connu une phase de croissance forte

ininterrompue du milieu des années 1980

jusqu’en 2000 où l’éclatement de la bulle

sur les hautes technologies fit entrer l’éco-

nomie dans une profonde récession. Les

autorités estiment que les incertitudes poli-

tiques ont fait chuter le PIB de 6 à 8 points

et l’éclatement de la bulle technologique de

3 points de pourcentage. Les facteurs d’in-

certitude étaient nombreux cette année

avec la guerre en Irak, les élections et l’ar-

rivée d’un nouveau gouvernement au pou-

voir qui rendaient complexe l’évaluation du

respect de l’engagement de conserver un

déficit budgétaire réduit.

Néanmoins, fin 2003-début 2004, suite à la

publication du programme du gouvernement

(même s’il était très optimiste), la garantie

d’obtenir le soutien financier américain, la

conclusion rapide de la guerre en Irak et la

réouverture des négociations du processus

de paix, une reprise est apparue et les son-

dages auprès des entrepreneurs et des

consommateurs attestent un retour progres-

sif de la confiance dans l’économie domes-

tique. Dans le secteur manufacturier, les

ventes à l’export croissent et les commandes

pour l’export comme pour l’économie

domestique augmentent. Les compagnies

offrant des services pour le monde des

affaires commencent à apercevoir une

embellie après plusieurs années de réces-

sion. Les secteurs de l’hôtellerie et du touris-

me et des transport aérien et maritime se

redressent même si le transport terrestre

demeure déprimé. Le déclin qui a touché le

secteur de la construction se ralenti et un

changement de tendance est attendu pour le

second trimestre 2004. L’insuffisance de la

demande explique la baisse de l’activité plus

que les capacités d’offre.

Le gouvernement connaît pour l’instant des

difficultés importantes. Les tensions poli-

tiques et la récession ont induit des pres-

sions très fortes sur le budget avec une

baisse des recettes et une rapide croissan-

ce des dépenses de défense. Le déficit bud-

gétaire qui était déjà de 3,8% du PIB en

2002 a atteint 5,6% du PIB. Le taux d’infla-

tion est stable, mais les enquêtes sur les

anticipations d’inflation montrent qu’une

hausse est attendue, bien que 81% des

compagnies interrogées pensent que ce

taux ne sortira pas de la bande cible.

L’orientation restrictive de la politique

monétaire a été maintenue afin de restau-

rer sa crédibilité à la suite de la baisse des

taux d'intérêt fin 2001 qui a engendré une

dépréciation de la monnaie. Le chômage

s’est alourdi. Il touche, en 2003, 10,9% de

la population. Enfin, les capacités de crois-

sance futures de l’économie israélienne et

palestinienne vont dépendre des termes de

l’accord de retrait de la Bande de Gaza [5].

Le degré d’ouverture des frontières à la cir-

culation des personnes et des biens sera

déterminant pour la croissance économique

des deux pays et les dispositions actuelles

ne semblent pas favoriser ce type de gains

(World Bank, 2004).

Sur le plan macroéconomique, les orienta-

tions prises récemment auront un impact fort

mais ambigu sur les capacités de croissance

futures :

(i) la demande domestique demeure

atone et l’investissement accuse une

chute vertigineuse

La croissance du PIB israélien présente une

tendance décroissante depuis 1995. Seule

l’année 2000 apparaît comme une exception

et, depuis 2001, l’économie est entrée en

récession. En 2003, le retournement de ten-

dance est dû au dynamisme des exportations

-168-

qui décollent timidement. La chute spectacu-

laire de l’investissement se poursuit (figure 1).

Comme en attestent les enquêtes, les

entreprises semblent avoir retrouvé

confiance dans l’économie depuis la fin

2003 et cela se confirme en 2004. Les com-

mandes croissent mais l’incertitude très

forte liée à la situation politique instable

risque de peser négativement sur la concré-

tisation de ces intentions d’achat.

Les secteurs qui ont renoué avec la crois-

sance en 2003 sont ceux des chaussures et

du cuir (3,8%, -0,9% en 2002), des

moteurs et accessoires à usage électrique

(0,5% contre –2,7% en 2002) et des équi-

pements électriques, électroniques (4,4%,

-8,1% en 2002) et du matériel de transport

(3% contre 1,4% en 2002). Ceux qui voient

Tableau 2 : Evolution des indices de salaire par secteur d’activité

Total Business Agri- Con- Transport, Community,

(inc. sector culture struction Hotels storage, & Banking, Public Health, social

non- (inc. non- Business Public (inc. non- Manu- Electricity (inc. non- Trade and restaur- commu- insurance, Business admini- Educa- welfare, and other

Year Israelis) Total Israelis) sector services Israelis) facturing & water Israelis) & repairs ants nications & finance services stration tion and nursing services

1994 82,0 83,0 80,6 81,9 85,5 72,8 73,6 76,8 84,6 86,2 93,3 94,2 79,4 67,3 78,9 83,8 96,3 91,4

1995 83,8 84,6 81,0 82,1 90,4 77,0 77,1 81,2 84,9 87,1 92,3 94,4 75,9 67,5 85,2 90,5 98,5 93,0

1996 85,2 85,8 82,2 83,1 92,1 80,2 78,8 84,0 82,1 88,7 93,2 93,0 80,2 70,6 88,9 92,4 97,6 93,8

1997 87,2 88,0 85,1 86,2 92,1 83,0 83,7 86,2 85,1 90,2 94,5 95,7 86,9 73,6 88,0 92,3 97,6 93,8

1998 89,1 89,9 87,7 88,8 92,4 85,6 88,3 88,7 87,1 92,6 95,2 97,1 84,6 76,7 90,8 93,7 95,3 95,9

1999 91,4 92,1 90,8 91,9 92,5 87,9 92,9 90,7 90,5 92,2 96,3 97,7 87,9 84,6 91,8 92,9 95,1 93,7

2000 97,1 97,6 96,8 97,6 97,4 92,6 96,9 97,6 96,2 97,8 100,1 99,1 98,4 96,6 94,9 96,6 98,2 98,4

2001 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,3 100,0 100,0 100,3 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

2002b 94,0 93,8 93,3 98,4 95,7 94,8 95,3 96,7 95,2 92,8 92,9 94,3 91,6 91,3 96,8 96,1 93,7 93,8

2003 91,3 91,1 91,1 95,8 92,1 93,6 94,9 94,1 91,4 90,5 93,9 92,1 88,4 88,3 92,0 91,0 91,6 89,8

b/ Etant donné un changement dans les définitions, les données pour 2002 concernent les israéliens uni-quement sauf indications contraire.Source : Central Bureau of Statistics.

Figure 1 : Décomposition du PIB

0,2

2,61,7

-1,5

4,9

1,7

-0,9

2,73,5

-5,1

-11,2

-1,6-0,7

1,1

5,0

-13,7

-2,4 -2,1

1,3 1,3

-2,0

-10,7

6,2

-0,6

-15

-10

-5

0

5

10

Produit IntérieurBrut

ConsommationPrivée

ConsommationPublique

Investissement fixe Exportations debiens et services

Importations debiens et services

1995-1998 2001 2002 2003

Source : Bank of Israel, Main Israeli Economic Data.

Tableau 1 : Croissance de l’investissement par secteur

Leather Wood Paper Plastic Non- Electric motors Jewelry,

Mining Food, and and and Printing Chemicals and metallic and electrricity gems, Total

and beverages, leather Wood paper and & petroleum rubber mineral Basic Metal Machinery grid Transport and non-

Year quarrying & tobacco Textiles Clothing products products products publishing products products products metals products & equipment accessories Electronicsb vehicles misc. diamond

classification 13 14–16 17 18 19 20,36 21 22 23–24 25 26 27 28 29 31 32–34 35 38–39

1995 48,8 34,6 112,0 -70,0 17,5 -4,7 -17,6 -31,8 -20,2 13,5 -28,7 56,5 24,2 54,1 -29,9 25,9 -32,4 39,3 7,0

1996 -8,7 -2,1 -46,1 17,1 -50,1 17,8 56,0 -6,2 2,8 -30,1 -10,7 1,6 10,6 28,9 64,9 57,4 8,1 1,1 4,9

1997 -27,3 2,5 -36,0 -21,4 107,6 -33,6 -33,2 -11,4 -6,5 -15,2 -6,9 -15,5 -17,5 16,7 -31,8 30,8 -10,8 -69,0 -5,1

1998 -46,8 -11,8 73,4 -13,9 -68,4 -0,4 7,4 5,4 -12,3 -2,7 70,2 -3,5 19,2 -12,2 -8,7 -5,2 -4,2 -6,2 -3,5

1999 -28,1 -6,9 3,2 43,4 20,1 25,3 -23,9 6,7 -6,1 28,4 -49,8 -63,1 -5,0 -9,7 -2,9 45,8 52,5 1,8 8,2

2000 -40,3 57,4 50,6 -7,8 -37,4 -17,6 32,2 -17,9 -5,6 -0,7 -22,3 43,6 -12,5 26,8 5,1 1,0 -34,3 17,0 4,0

2001 44,9 -17,3 -44,1 -26,2 72,1 -4,1 -11,0 2,7 3,0 -26,5 -7,0 16,3 -15,4 -13,7 -22,0 -23,6 -9,6 -16,2 -16,9

2002 0,1 6,2 -12,0 -8,2 -43,1 0,5 51,9 0,1 -3,0 -5,3 -25,0 -53,0 -10,7 -19,3 -9,4 -19,3 16,9 -17,8 -8,2

2003 346,0 -18,8 -5,1 -12,3 -43,5 -28,3 -40,5 -44,0 -28,1 -6,2 -20,6 96,5 -11,4 -17,0 -15,3 -7,7 -35,2 -18,9 -5,9

b/ L’industrie électronique inclue les composants électroniques, les équipements électroniques de télé-communications les équipements de contrôle industriel et l’équipement scientifique et médical.Source : Central Bureau of Statistics.

-169-

leur croissance ralentir sont ceux de la chi-

mie et des produits pétroliers (5,6% mais

15,5% en 2002), des mines (-2,9 contre

7,9% en 2002).

L’investissement recule dans tous les sec-

teurs de manière dramatique et cela pour la

troisième, voire la quatrième année consécu-

tive. Les anticipations des entrepreneurs sont

certes favorables, mais elles ne se sont pas

encore traduites par des investissements qui

signifient un engagement de l’entreprise sur

le long terme.

La croissance du PIB devra donc reposer sur

celle des exportations. Les postes qui ont

enregistré la progression la plus vive, en

2003, sont l’agriculture (7,6%) mais son

poids dans la balance des biens est faible, les

diamants (7,9%) et les produits chimiques et

pétroliers (6,6%) qui comptent parmi les

postes les plus importants. En revanche, en

volume, ce sont le matériel de communica-

tion et médical qui fait preuve de progrès

rapides (7,2%) ainsi que les diamants

(34,9%) et les produits chimiques et pétro-

liers (4,2%). Pour ce qui est des imports, si,

en volume, on note une diminution sur tous

les postes, en valeur, les produits intermé-

diaires (6,6%) ont crû et plus spécialement

le pétrole (12,1%), le matériel de transport

terrestre (8,3%) et les biens d’équipement

durable (6%).

En 2003, le déficit courant passe de –0,2 mil-

liards de dollars US contre –1,4 milliards en

2002 grâce à la combinaison d’une diminu-

tion du déficit de la balance des biens (-2,6

vs.-3,7 billions de dollars US), une balance

des services en excédent (0,5 milliards) alors

qu’en 2002 elle était en déficit (-0,6 mil-

liards), des transferts qui se maintiennent et

un compte de capital qui redevient positif

(0,1 milliards) après avoir accusé une chute

en 2002 (-1,6 milliards mais 0,9 milliards en

2001) du fait de la baisse des IDE. Le déficit

de la balance des capitaux reflète la fuite des

capitaux intervenue en 2002 où les investis-

sements de portefeuille se sont contractés de

–1,9 milliards, comme ce fut le cas en 2001

(-1,5 milliards).

(ii) la politique monétaire de ciblage de

l’inflation est très efficace mais les sor-

ties de capitaux restent nourries

Israël mène une politique de ciblage de l’in-

flation qui a été efficace jusqu’ici. Les agents

ont correctement évalué la tendance même

s’ils avaient sous-estimé la réduction obte-

nue entre 1999 et 2001. Cette politique étant

crédible, elle a permis de réduire rapidement

le taux d’inflation qui est passé de 18% en

1991 à 1,4% en 2001. Les autorités se sont

dotées d’une politique de communication qui

leur a permis d’améliorer la transparence des

décisions prises. Sont publiés régulièrement

des enquêtes portant sur les anticipations

inflationnistes, des notes de conjoncture, de

nombreuses statistiques, des rapports

concernant la stabilité financière et l’inflation,

les prévisions du gouvernement en matière

de conjoncture économique, des recherches,

etc. Leurs outils de guidage de l’inflation sont

plutôt efficients et sauf problème épider-

mique que les agents interprètent d’ailleurs

Figure 2 : Les résultats de la politique deciblage de l’inflation

-5

0

5

10

15

20

1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Taux d'inflation Anticipations d'inflation à 12 mois

Source : Central Bank of Israel.

-170-

comme tel, l’inflation est sous contrôle (figu-

re 2). Le fait que le taux d’inflation est sys-

tématiquement inférieur à la cible pourrait

indiquer une politique monétaire trop conser-

vatrice, privilégiant le lissage des chocs pou-

vant heurter les taux de change et une

réduction très progressive des taux d'intérêt.

En 2003, dans un contexte d’appréciation de

la monnaie israélienne vis-à-vis du dollar et

de récession, le taux d’inflation a baissé. La

composante qui a le plus largement contri-

bué à ce mouvement est celle du logement (-

6,7%) qui représente 23% de l’indice. Les

anticipations d’inflation, qui étaient supé-

rieures à la cible en début d’année, ont décli-

né pour se situer au milieu de la cible après

la résolution du confit irakien, le renouvelle-

ment de l’engagement du gouvernement de

limiter le déficit, etc., seules les anticipations

d’inflation concernant le moyen terme (5

ans) se sont maintenues à des niveau plus

élevés que la cible.

Ce contexte a favorisé une baisse des taux

d'intérêt. La banque centrale les a porté, en

termes nominaux, de 9,1% fin 2002 à 4,3%

en mars 2004. En termes réels, ils sont res-

tés plus haut que prévu du fait de la baisse

de l’inflation, qui a dépassé les anticipations.

Cette réduction des taux d'intérêt s’est tra-

duite par une diminution du différentiel de

taux d'intérêt de 3 points de pourcentage à la

fin 2003, qui demeurait plus important que

celui enregistré en 2000-2001 en moyenne.

Le régime de change flexible et la liberté des

mouvements des capitaux nécessitent une

égalisation des taux de rendement réels des

placements à caractéristiques similaires faits

en Israël et à l’extérieur du pays. Les autori-

tés sont donc contraintes d’augmenter les

taux d'intérêt lorsqu’il existe un différentiel

d’inflation ou un accroissement de la prime

de risque en leur défaveur pour éviter les

sorties de fonds. La figure 3 illustre bien

cette nécessité à laquelle les autorités n’ont

pas d’autre choix que de se soumettre. Les

évolutions des taux de change compensent

donc celles de l’inflation et des taux d'intérêt

reflétant les flux de capitaux.

L’évaluation de la prime de risque attachée

aux placements en Israël a été perturbée par

les évènements intervenus en 2002 comme

en 2003, tantôt alarmants, tantôt rassurants.

Le rétrécissement du différentiel de taux

d'intérêt a donc conduit à des sorties de capi-

Figure 3 : Politique de soutien de l’investissement domestique et évolution des taux dechange

-5

0

5

10

15

20

1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003

%

-10,0

-5,0

0,0

5,0

10,0

15,0

20,0

25,0

Taux d'inflation Taux d'intérêt marché monétaireTaux d'intérêt sur les bons du Trésor Dépréciation de la monnaie par rapport au $US

Dépréciation du taux de change effectif réel

Source : Central Bank of Israel.

-171-

taux qui créent des tensions sur les taux de

change. Les pertes au titre des placements

en portefeuille ont été de –1,5 milliards en

2001, –1,9 milliards en 2002 et –0,6 mil-

liards en 2003. Les experts du FMI ne sont

pas optimistes et s’attendent à ce que les

sorties se poursuivent (FMI, 2004a). La stra-

tégie d’aide au redémarrage de l’économie

via la baisse des taux d'intérêt, qui est

rationnelle étant donné la faiblesse des

investissements, comporte des risques consi-

dérables.

La politique du nouveau gouvernement arri-

vé au pouvoir en mars 2003 a privilégié la

mise en place de conditions propices à une

croissance à long terme. Plusieurs mesures

illustrent le changement d’orientation :

(i) une réduction des dépenses a été

préférée à une hausse des taxes, ce qui

devrait impacter positivement sur le

revenu des ménages, mais celle-ci est

générale pour 2003 et demande à être

différenciée selon la stratégie choisie qui

ne semble pas encore être clairement

définie.

(ii) Entre la première et la deuxième

partie de l’année, le déficit prévu, qui de

7% a été ramené à 4% du PIB, atteste

de la volonté du gouvernement de

contenir les déficits et la dette qui se

monte à 107% du PIB en 2003. Cela est

absolument nécessaire puisque, selon

certaines études, l’impact sur les taux

d'intérêt du déficit est plus fort sur le

long terme que sur le court ou moyen

terme.

(iii) Une réforme du système de pen-

sion, de l’âge de la retraite, etc. est

envisagée qui aiderait à alléger le poids

de ce poste dans le budget ce qui affer-

mirait la crédibilité de l’engagement de

déficit restreint et de stabilité des prix.

Toutes les analyses ont, en effet, mon-

tré qu’un élément essentiel de la crédi-

bilité d’une politique de ciblage de l’in-

flation est une politique budgétaire

saine visant un déficit minimal.

(iv) Les dépenses d’investissement dans

les infrastructures ne devraient pas être

revues à la baisse, ce qui renforce la

crédibilité d’un comportement forward-

looking du gouvernement.

Mesurer la pauvreté n’est pas chose facile et

elle est souvent estimée en Israël en termes

d’écart par rapport au revenu median, mesu-

re très insatisfaisante et biaisée puisqu’elle

n’inclut pas certaines sources de revenus

potentiellement importantes telles que les

revenus non-financiers. Il est évident qu’il

est urgent d’étudier plus finement les com-

portements des ménages afin d’évaluer le

niveau de pauvreté en Israël et ses caracté-

ristiques afin d’améliorer l’efficacité de la

lutte.

Reste que la récession qu’a connue Israël

durant ces deux dernières années a été

exceptionnellement profonde et a des consé-

quences graves en termes de pauvreté. Les

tendances qui se dégagent sont alarmantes.

La récession a induit un recul du PIB par

habitant de -0,5 points en 2003 et –2,8% en

2002. Pour cette même année, 18,1% des

familles sont pauvres et ce chiffre a triplé

entre 1988 et 2001. De ce fait, 21,1% de la

population est considérée comme pauvre et

29,6% des enfants, qui sont plus exposés à

ce fléau relativement à ce qui se passe dans

les autres pays développés. Les populations

les plus touchées par la pauvreté sont les

ménages dont le chef de famille est en âge

de travailler mais n’a pas d’emploi (3,5 fois

plus de risques), mais 45% des familles

pauvres comptent un membre qui travaille.

Le nombre d’enfants par famille impacte for-

tement sur l’exposition au risque de tomber

-172-

dans la pauvreté, surtout à la suite des

coupes dans les allocations familiales déci-

dées en 2002. Cette politique n’aidera pas à

accroître le niveau d’éducation de la main

d’œuvre qui est pourtant un autre détermi-

nant clé des risques de devenir pauvre.

La population non-juive est également très

touchée par la pauvreté (44,7% de la popu-

lation) et ses chances d’en sortir sont relati-

vement plus faibles en particulier pour les

familles arabes, quelle que soit leur taille, et

cela à cause d’un taux d’emploi plus faible,

d’une participation des femmes réduites et

de salaires bas. Un nombre d’enfants élevé et

un niveau d’éducation insuffisant jouent éga-

lement en leur défaveur.

Les mesures budgétaires pour 2003 pré-

voient une réduction des transferts (une

baisse de la plupart des allocations de 4%,

des coupes dans les allocations chômage qui

ont baissé de 2 billions en monnaie locale sur

les 2 dernières années, des conditions d’éli-

gibilité plus sévères, etc.) et une lutte conte

le travail illégal qui visent à inciter les

membres des familles pauvres à trouver un

emploi. Ces mesures devaient s’accompa-

gner de nouvelles incitations directes à la

recherche d’emploi qui n’ont pas encore vu le

jour alors que le reste du programme va

immanquablement approfondir et étendre la

pauvreté.

La banque centrale (2003) recommande

d’élever encore le coût impliqué par l’emploi

d’étrangers, comme le prévoyait initialement

le budget pour 2004, de façon à le porter à

parité de celui supporté pour l’emploi d’un

israélien (soit une majoration de 40%) sauf

pour les personnels de santé. Ce type de

recommandation qui vise à établir une discri-

mination négative à l’encontre de certains

groupes du marché du travail est soutenue

par la population comme le montrent les son-

dages effectués par le Taub Center for Social

Policy Studies. Toujours selon la banque cen-

trale, il serait bénéfique d’instaurer des rete-

nues sur salaire qui ne seraient restituées

qu’au moment du départ d’Israël du tra-

vailleur étranger. Le nombre de permis de

travail délivré doit aussi être réduit et les lois

concernant les restrictions sur le nombre

d’employés étrangers, etc. doivent être

appliquées à la lettre.

Il est douteux que les gains en termes de

points de croissance d’une discrimination en

faveur de travailleurs israéliens surpasse les

pertes impliquées par l’appauvrissement

d’une population pauvre et fortement expo-

sée à le devenir ou par la perte de compéti-

tivité due à l’éviction d’une population ayant

des exigences salariales relativement plus

faible. Au delà de la croissance, quelles pour-

raient être les conséquences d’une telle stra-

tégie sur la stabilité politique et sociale de la

région ? La banque mondiale pose d’ailleurs

le problème de la nature des liens qu’Israël

devraient entretenir avec ses voisins et

montre que l’isolement est loin d’être la

panacée même si l’on se contente d’exami-

ner les implications purement économiques

du seul plan de retrait de la Bande de Gaza.

-173-

Jordanie

La dépendance énergétique de la Jordanie

aurait pu peser lourdement sur ses perfor-

mances économiques cette année, mais cela

a été partiellement évité grâce à de nou-

veaux accords pétroliers et à l’aide interna-

tionale. La perte en termes d’aide internatio-

nale se monterait à 3% du PIB [6]. L’accord

initial avec l’Irak, qui n’a pu être honoré, pré-

voyait que le pays recevrait la moitié des

quantités livrées annuellement en don (5,5

millions de tonnes) et l’autre moitié à des

conditions tarifaires très favorables. Le pays

a reporté sa demande sur l’Arabie Saoudite

avec lequel un accord a été trouvé sous le

parrainage des Etats-Unis et sur l’Egypte qui

est en mesure d’amener du gaz au port

d’Aqaba. Sa position est néanmoins fragile

car les tensions politiques restent fortes en

Irak comme en Palestine et une reprise éco-

nomique n’est probablement pas à envisager

dans le court terme malgré la résilience dont

a fait preuve l’économie.

Depuis la crise bancaire et cambiaire qui a

secoué le pays en 1989 et a entraîné une

dévaluation de la valeur de la monnaie de

50% vis-à-vis du dollar, la Jordanie, avec l’ai-

de du FMI, a remarquablement réussi à stabi-

liser sa situation macroéconomique. Il faut

rappeler que le PIB a reculé de –13,45% en

1989, que l’inflation est montée à 25,7% alors

qu’elle était à 6,61% en 1988 et quasi nulle

les deux années précédentes et que la dette

est passée de 59% du PIB en 1986 à 205%

du PIB en 1990. Deux éléments expliquent ce

succès, en premier lieu, une ouverture com-

merciale rapide qui a fait des exportations un

puissant moteur de croissance et, en second

lieu, un programme de réformes décidé.

Aujourd’hui, le taux d’ouverture de la

Jordanie est parmi les plus fort de la zone

(81,4% en 2003 contre 76,4% en 2002). La

création de Zones Industrielles Qualifiées a

dynamisé les exportations vers les Etats-

Unis, qui devraient également bénéficier de

l’entrée en vigueur en 2002 de l’accord de

libre-échange avec l’Europe. Les exportations

en valeur ont crû de 25,1% en 2001, de

15,1% en 2002 et de 7,6% en 2003.

Les réformes prévoyaient la privatisation des

entreprises publiques, la libéralisation du

commerce extérieur et des prix domestiques

et la stabilisation macroéconomique (contrô-

le de l’inflation, du déficit budgétaire, de la

dette). Celles du système financier et de

pension sont en projet. Le pays s’est forgé

une réputation de zone propice aux affaires

et relativement sure.

La croissance économique en termes réels

entre 1998 et 2002 a été une des plus éle-

vées des PM à 4,1%. Seules l’Egypte (4,5%)

et la Tunisie (4,3%) ont fait mieux. En 2003,

la croissance jordanienne s’est établie à

3,2%, ce qui est un résultat très honorable

étant donné l’ampleur du choc subit. Elle est

néanmoins pénalisée par trois facteurs : (i) le

climat politique très changeant de la région,

(ii) une réaction lente des investissements

aux conditions économiques qui, bien qu’ils

s’orientent vers des secteurs susceptibles

d’améliorer significativement la productivité,

ne permettent pas de combler le retard de

productivité et de niveau d’investissement

accumulé, (iii) des problèmes de compétitivi-

té des exports.

Les réformes n’ont cependant pas généré les

niveaux de croissance attendus et la crois-

sance n’est pas suffisamment génératrice

d’emploi. Le chômage progresse. Il était de

13,7% en 2000 et devrait se situer aux alen-

tours de 15% en 2003 comme en 2002. La

pauvreté reste élevée alors qu’elle n’existait

quasiment pas avant la crise de 1989 et est

-174-

une des préoccupations principales du gou-

vernement. Ces difficultés sont alourdies par

la nécessité d’absorber les réfugiés venant

des pays voisins.

La situation jordanienne se caractérise donc

sur le plan macroéconomique par :

(i) Les exports soutiennent la demande

face à la perte de confiance des consom-

mateurs et des investisseurs

La guerre en Irak a exercé ses effets dépres-

sifs sur la confiance des consommateurs et

des entreprises. La demande interne a forte-

ment baissé. Par ailleurs, l’indice de produc-

tion industrielle qui avait augmenté de 11,6%

en 2001 et 6,2% en 2002 a perdu -8,5% en

2003, mais se redresse en juin 2004 où il

gagne 13,7% par rapport au même mois de

l’an passé. Les services, qui représentent

71% du PIB, résistent mieux. Les prix des

produits pétroliers ont été augmenté en

Jordanie afin de contrebalancer l’absorption

des ressources budgétaires que le change-

ment d’approvisionnement a occasionné mais

cela ne sera pas sans conséquences sur la

demande interne et la compétitivité externe.

De ce fait, les exportations ont été le princi-

pal moteur de la croissance en 2003 bien

qu’elles n’aient crû que de 7,6% en valeur

contre 25,1% en 2001 et 15,1% en 2002. Ce

résultat est essentiellement dû au recul des

échanges avec l’Irak de -28,2%, ramenant la

part de ce pays dans les exports à 13% en

2003 contre 20% en 2002. Par ailleurs le

décollage des exports vers certains parte-

naires clé tels que l’Arabie Saoudite (3,8% en

2001, 10,2% en 2002 mais 3,8% en 2003)

ou la Syrie (25% en 2000, 55% en 2001,

82,2% en 2002 mais 36,9% en 2003) a été

entravé. La progression des exports vers les

Etats-Unis se maintient (53,9%, 28% des

exports) tandis que le commerce avec l’Asie

recule (-6,7%, 21,3% des exports contre

24,5% en 2002).

Parmi les principaux produits exportés, ceux

qui ont le mieux résisté sont la nourriture

(légumes 4,4%), la potasse (5,9%) et les

articles manufacturés (37,7%) alors que les

phosphates baissaient (-5,8%) ainsi que les

produits manufacturés (-17,2%) ou les pro-

duits médicaux et pharmaceutiques (-8,3%).

Ces derniers sont en nette progression pour

le premier semestre 2004 (20% et 21% res-

pectivement). Au total les exportations ont

augmenté de 48% au premier semestre.

La croissance des imports en valeur a été

soutenue pour la nourriture (28,6%), les

huiles (46,7%) essentielles à l’industrie

agroalimentaire et les produits pétroliers

(46,7%), les produits chimiques (10,6%) et

en particuliers pharmaceutiques (19,3%) et

les biens manufacturés (16,4%). La résistan-

ce de ces derniers est encourageante car elle

Tableau 1 : Nouveaux prix des carburants à compter du 1er avril 2004Produit Ancien prix Nouveau prix Augmentation en %Essence ordinaire (litre) 0,300 0,330 10,0Supercarburant (litre) 0,400 0,435 8,7Sans plomb (litre) 0,450 0,470 4,4Diesel (litre) 0,130 0,135 3,8Fuel domestique (litre) 0,130 0,135 3,8Kérosène pour RJ (litre) 0,150 0,160 6,7Fuel centrales électriques (tonne) 70,000 75,000 7,1Fuel industriel (hors Aqaba) (tonne) 82,000 88,000 7,3Fuel industriel (à Aqaba) (tonne) 85,000 91,000 7,1Bouteille de gaz domestique (tonne) 3,000 3,250 8,3

Source : DREE, 2004.

-175-

reflète la qualité de l’investissement domes-

tique. Ces tendances ont été confirmées pour

le premier semestre 2004. En particulier, la

croissance des biens manufacturés est de

50,3%, celle du matériel d’équipement et de

transport de 40%, celle des articles manu-

facturiers de 33,5% et des produits pétroliers

de 62,2%. Globalement, au premier

semestre 2004, les imports ont vivement

augmenté de 37,1% contre 14,4% en 2003

et les exports de 48% contre 7,6% en 2003.

Au premier trimestre 2004, le déficit de la

balance commerciale s’est creusé de 57%.

Finalement le compte courant enregistre un

surplus de 11,5% du PIB alors que celui-ci

n’était que de 4,7% du PIB en 2002, soit un

excédent de 771,3 millions de dinars jorda-

niens, tandis que le déficit commercial se

monte à 26,7% du PIB et celui des services

à –184,3 millions de dinars. Pour le premier

trimestre 2004, le compte courant est en

déficit du fait du creusement du déficit de la

balance commerciale.

Les besoins de financements conséquents

ont été plus que couverts par les transferts

internationaux, qui se montent à 928,7 mil-

lions de dinars, ce qui équivaut à 2,5 fois leur

niveau de 2002 (+22%), et les rapatrie-

ments des fonds des travailleurs (+7,5%) qui

s’améliorent. Les IDE qui avaient reculé sen-

siblement en 2000 (554,2 millions de dinars)

pour se monter à 64,4 millions de dinars en

2001 retrouvent le chemin de la Jordanie et

s’élèvent à 226,7 millions de DINARS en

2003. Les premiers chiffres pour 2004 mon-

trent que cette tendance se poursuit puisque,

au premier trimestre, ils atteignent 142,9

millions de dinars contre 30,3 millions au

premier trimestre 2003. L’inverse se produit

pour les investissements de portefeuille qui

passent de –173 millions à –331,8 millions

de DINARS entre 2002 et 2003, et de –48,2

millions à –192,2 millions de dinars pour les

premiers trimestres 2003 et 2004.

(ii) la crise en Irak va profondément

changer le paysage énergétique jorda-

nien.

En mai 2001, un accord, qui court sur 30 ans,

avait été passé avec l’Egypte pour 100 mil-

lions de m3 par jour. Sur cette base, fin

2001, la construction d’un nouveau tronçon

de pipeline a été entreprise qui devait faire la

liaison entre El-Arish dans le Sinaï et le port

d’Aqaba. Fin 2005, le dernier tronçon qui

devrait permettre d’amener le gaz éqyptien à

Rihab au nord de la Jordanie. Les gouverne-

Figure 1 : Décomposition du PIB

0,2

6,1

2,9

-9,0

-3,0 -2,4

4,95,6

1,7

5,84,8

-0,1

4,83,6

12,5

2,7

-2,8

1,0

-15

-10

-5

0

5

10

15

Produit IntérieurBrut

ConsommationPrivée

ConsommationPublique

Investissement fixe Exportations debiens et services

Importations debiens et services

1995-1998 2001 2002

Source : Banque centrale de Jordanie.

-176-

ments de la région voudraient étendre le

réseau à la Syrie et au Liban (2005) et

accroître la capacité du pipeline.

Malgré la possibilité de reporter les achats de

pétrole irakiens sur l’Arabie Saoudite, il est

probable que l’arrivée du gaz égyptien en

Jordanie va profondément transformer la

gestion de la dépendance énergétique du

pays. Le gaz est un produit moins coûteux

que le pétrole et pourrait d’ores et déjà per-

mettre une économie de 20% sur la facture

énergétique. De plus en plus d’installations

devraient fonctionner au gaz. C’est actuelle-

ment en partie le cas de la centrale électrique

d’Aqaba et cela pourrait s’appliquer à celle de

Rihab et de Samra qui fait l’objet d’un appel

d’offre pour sa construction. D’autres activi-

tés pourraient également substituer le gaz au

pétrole (ciment, potasse, etc.). Selon les

chiffres donnés par le ministère jordanien de

l’énergie et des ressources minérales (DREE,

2004), l’économie réalisée pourrait se mon-

ter à 50 millions de dollars US (soit 5,6% des

imports de produits pétroliers).

Etant déterminants pour la croissance jorda-

nienne, les prix domestiques des produits

pétroliers sont encore subventionnés alors

que ces pratiques ont été réduites pour

nombre de biens alimentaires. Cela induit

des effets néfastes sur les règles de la

concurrence et, dans le même temps, la pro-

tection offerte pourrait devenir difficilement

tenable à moyen terme du fait de son poids

sur le budget du gouvernement si la Jordanie

ne peut trouver auprès de ses autres fournis-

seurs des conditions d’approvisionnement

aussi avantageuses que celles accordées par

l’Irak. Se tourner vers le gaz ou l’électricité

pourrait donc être une stratégie intéressante

permettant de répondre à ces deux

contraintes. Il serait alors possible de laisser

les prix des produits pétroliers refléter plus

largement les conditions de l’offre et de la

demande sur les marchés domestiques.

(iii) la croissance est insuffisante pour

réduire le chômage et la pauvreté

Malgré les données officielles, qui font état

d’un taux de chômage de 13,5% en recul en

2003 par rapport à 2002 (15%), les estima-

tions d’organismes tels que le FMI sont

autour de 20%. La répartition par secteur des

emplois est de 82,5% dans les services, 5%

dans l’agriculture et 12,5% dans l’industrie.

Ce pays a entamé relativement tard sa tran-

sition démographique. La population se sta-

bilisera autour de 2050, ce qui représente un

retard d’une quinzaine d’années par rapport

à certains autres PM (2030-2035 pour le

Liban, la Tunisie et la Turquie) et le taux de

fertilité demeure le plus élevé de la région.

Cette situation engendre une pression relati-

vement plus importante sur les marchés du

travail. La force de travail va ainsi passer de

1,22 millions en 2002 à 2,57 millions en

2020. Ce qui signifie que l’économie devra

fournir 60 000 emplois par an sur les 5 pro-

chaines années puis 70 000 emplois par an

d’ici 2020. Par ailleurs, l’intégration des réfu-

giés vient gonfler la demande d’emplois. Les

Tableau 2 : Taux de croissance de la population 1980-2030Algérie Chypre Egypte Israël Jordanie Liban Malte Maroc Syrie Tunisie Turquie

1980-1985 6,36 2,45 5,3 3,13 6,77 3,79 1,96 5,4 7,25 4,9 4,151985-1990 5,23 2,43 4,8 3,05 5,87 3,41 2,02 4,52 6,15 4,12 3,71990-1995 4,12 2,32 4 2,93 4,87 2,83 2,02 3,55 4,61 3,13 3,11995-2000 3,15 1,96 3,51 2,94 4,11 2,29 1,86 3 3,82 2,32 2,72000-2005 2,8 1,9 3,29 2,7 3,57 2,18 1,77 2,75 3,32 2,01 2,432005-2010 2,51 1,86 3,09 2,52 3,12 2,08 1,7 2,55 2,93 1,91 2,212010-2015 2,28 1,85 2,76 2,37 2,78 2 1,71 2,4 2,63 1,85 2,022015-2020 2,08 1,85 2,5 2,25 2,52 1,92 1,73 2,27 2,41 1,85 1,862020-2025 1,91 1,85 2,31 2,14 2,32 1,85 1,75 2,16 2,24 1,85 1,852025-2030 1,85 1,85 2,16 2,05 2,17 1,85 1,78 2,07 2,11 1,85 1,85

Source : ONU.

-177-

conséquences de cette situation démogra-

phique sur le revenu disponible des ménages

est également importante puisque les taux

de dépendance sont élevés.

Le niveau de vie s’est dégradé sur la derniè-

re décennie. Ainsi, le PIB par tête (PPA) était

de 4085 dollars en 1988 et il est pour 2000

de 3966 dollars mais de 4218 pour 2002. Il

aura fallu attendre 15 ans pour retrouver le

niveau de vie de la fin des années 1980.

Même si apparemment la situation s’est

améliorée, il reste que, selon les estimations

nationales, 11,7% de la population vit au-

dessous du seuil de pauvreté contre 3%

avant la crise de 1989 (Shaban, Abu-Ghaida,

Al-Naimat, 2001). Les calculs du Ministère du

développement social jordanien (2002) sont

encore plus alarmants puisqu’il l’évalue entre

15 et 30%.

Le principal facteur qui empêche une aggra-

vation de la situation est le système d’aide

sociale mis en place par le gouvernement

mais il n’a pas renforcé la cohésion sociale,

comme on aurait pu s’y attendre. Cela est dû

à une politique de communication défectueu-

se qui amoindrit la visibilité des mesures

prises et qui pourrait avoir des effets pervers

sur les choix futurs du gouvernement.

La politique du gouvernement, qui a consisté

à remplacer les subventions aux prix domes-

tiques qui profitaient plus aux personnes

financièrement relativement plus aisées

qu’aux pauvres, n’a pas été très populaire.

C’est un exemple frappant du biais contre-

productif existant dans le système d’incita-

tion politique lorsque les interactions gouver-

nement-population sont insuffisamment

transparentes et médiatisées. Des politiques

plus équitables ne sont pas appréciées à leur

juste valeur par la population car leur action

à large spectre, donc moins ciblée, et leurs

résultats sont plus complexes à évaluer et à

jauger, tandis qu’une action qui bénéficie à

un groupe plus restreint mais dont les effets

sont plus clairement identifiés, peut plus faci-

lement susciter l’adhésion du fait d’une

meilleure visibilité. Une diffusion insuffisante

des informations et un manque d’éducation

des populations, entre autres, engendrent un

système d’incitation tel que, dans une certai-

ne mesure, le clientélisme est mieux récom-

pensé, en termes de cohésion sociale, que

des investissements parfois lourds, mais

dont les effets sont longs à se manifester et

délicats à mesurer, dans l’éducation, les

aides sociales ou la santé. Une politique de

communication plus efficace pourrait sensi-

blement améliorer la situation sociale en

Jordanie.

(iv) mais la productivité progresse et

aidera à réduire la pauvreté

La Jordanie est un des PM où le niveau d’édu-

cation de la population est le plus élevé.

Entre 1960 et 2000, le nombre moyen d’an-

nées passées à l’école pour les plus de 15 ans

a triplé passant de 2,3 ans à 6,9 ans. De

plus, 97% des enfants sont scolarisés en pri-

maire et 87% de la population échappe à

l’illettrisme. Reste que les femmes souffrent

toujours d’une discrimination négative et le

niveau d’étude détermine leur chance de

trouver un emploi. Ainsi, 11,7% de la popu-

lation féminine travaille mais plus elles sont

éduquées et plus elles ont de risques d’être

au chômage (22,6% parmi les femmes dis-

posant d’un baccalauréat et plus mais 18,4%

des femmes ayant un niveau secondaire).

Elles sont, en effet, relativement plus nom-

breuses à chercher un emploi, mais elles ont

moins de chance d’en obtenir un.

Un des défis que doit relever la Jordanie pro-

vient de l’importance des travailleurs étran-

gers (8% à 13% selon les estimations) dont

le nombre se monte quasiment au nombre

-178-

des personnes au chômage (Femise, 2004a).

Ces travailleurs occupent cependant des

emplois demandant peu ou pas de qualifica-

tions qui attirent peu les jordaniens. Ceci,

ajouté au faible niveau de chômage que

connaissent les travailleurs les moins quali-

fiés, souligne les incohérences qui existent

entre les compétences acquises pendant le

cursus scolaire et celles demandées sur le

marché du travail.

La Jordanie semble commencer à briser avec

le modèle de croissance fondé sur l’accumu-

lation du capital et du travail uniquement

puisque la productivité des facteurs, après

avoir baissé de –6,1% entre 1986 et 1993,

pour stagner entre 1996 et 2000, repart en

2001-2002 (1,7%) à un rythme presque

aussi élevé que ceui du début des années

1990. Ce mouvement présente l’avantage de

voir la compétitivité s’accroître sans que cela

nécessite de substituer du capital au travail.

Le dynamisme de la croissance économique

et des exportations, que ce bon résultat peut

soutenir, aideront à réduire la pauvreté et le

chômage directement, via les revenus que

cela génère mais indirectement également,

en amoindrissant le poids des dépenses

visant la lutte contre la pauvreté pour le gou-

vernement qui est un des PM qui, par ailleurs,

investit le plus dans l’éducation et la santé.

(v) la politique monétaire à la recherche

d’un équilibre délicat

En 2003, les avoirs sur l’étranger ont nourri

une hausse relativement forte de la masse

monétaire (M2) alors que la conjoncture ne

le justifiait pas. Ainsi, M2 a augmenté de

12,7% contre 8,8% pour une croissance de

5,3% contre 5,7% en termes nominaux et de

3,3% contre 4,8% en termes réels pour les

années 2003 et 2002 respectivement.

L’inflation a donc continué à déraper pour se

situer à 2,3% en 2003 contre 1,8% les deux

années précédentes. Les postes qui ont enre-

gistré la hausse la plus marquée sont ceux

des céréales et produits dérivés (5,3%) et de

la viande, poissons, oeufs (3,9%), alors que

celui plus général de la nourriture marque

une croissance inférieure à la moyenne

(1,8%). Autres postes qui nourrissent la

hausse de l’inflation, ceux du fuel et de l’élec-

tricité (+7,1%), des transports et communi-

cation (6,3%), de l’éducation (6,3%) et des

soins médicaux (4,3%). Les vêtements et

chaussures perdent –4%. Cette tendance se

confirme en 2004, puisque l’indice gagne

3,7% en juin par rapport à la même période

de l’an passé. La politique monétaire est

devenue progressivement plus restrictive et

en juin 2004, M2 avait progressé de 5,3%

contre 9,5% en 2003.

Le taux de dollarisation de l’économie

(23,5% de M2 représente des avoirs en devi-

se) se maintient ce qui prouve que le gou-

vernement a su jusqu’ici conserver la

confiance des agents dans la monnaie natio-

nale malgré la conjoncture politique. Les

dépôts liquides en devises ont à peine pro-

gressé plus vite que ceux en monnaie locale

(44% vs. 38,8%) tandis que ceux à terme

ont peu varié (4,1% en monnaie locale et

7,9% en devises). L’ancrage du dinar au dol-

lar joue ici un rôle essentiel car, étant cré-

Tableau 3 : Productivité de l’économie jordanienne

PIB Investissement Emploi Force de travail Capital Travail Force de travail TFP1981-1985 6,4 6,1 9,4 5,1 2,7 3,1 1,2 -0,61986-1990 -0,9 6,5 3,7 4,8 2,8 1,2 1,1 -6,11991-1995 7,0 3,6 5,4 7,2 1,6 1,8 1,7 2,01996-2000 3,1 2,8 2,9 4,1 1,2 1,0 0,9 0,02001-2002 4,6 2,6 2,6 4,1 1,2 0,8 0,9 1,7

Contributions à la croissanceTaux de croissance annuels moyens

Source : FMI, 2004b.

-179-

dible, la valeur du dinar vis-à-vis du dollar

n’est pas mise en cause, ce qui renforce l’in-

citation pour les agents de détenir la mon-

naie locale.

Cependant, comme noté plus haut, les sor-

ties de capitaux liquides (portefeuille) mon-

trent l’existence d’une défiance vis-à-vis de

l’économie, d’une part, et, d’autre part, le

poids de la contrainte d’un régime de change

fixe. Ces flux ont certainement été nourris

par la réduction du spread entre les actifs en

monnaie nationale et ceux du même type

libellés en monnaie étrangère due à la baisse

générale des taux d'intérêt jordaniens. Cette

baisse était néanmoins nécessaire car si les

taux que supportent les banques sont bas

(taux interbancaire à 2,5%, taux de refinan-

cement à 2,13%), ceux appliqués aux agents

restent élevés, 8,92% pour les prêts et

avances, 9,43% pour les découverts, par

exemple.

Bhattacharya (2003) montre que les expor-

tations jordaniennes, et plus particulière-

ment les exportations non traditionnelles,

sont sensibles aux variations de prix, d’une

part, et que plus de la moitié des chocs qui

ont affecté la production étaient d’origine

monétaire, d’autre part. Ces deux éléments

plaideraient pour un assouplissement du

régime de change et la concentration des

exportations va également dans ce sens.

Mais, l’efficacité de cette mesure dépend cru-

cialement du degré de flexibilité des salaires

réels et des prix relatifs qui ne semble pas

être très élevé eu égard à la persistance d’un

important taux de chômage, seul indice dis-

ponible du mode de fonctionnement du mar-

ché du travail même s’il est contestable.

Il faut aussi prendre en considération le fait

que l’ancrage du change a permis de stabili-

ser l’inflation et a incité les autorités à amé-

liorer la discipline budgétaire et monétaire

indispensable à sa soutenabilité dans le long

terme. Il pourrait donc être très coûteux en

termes de crédibilité de l’engagement de

mener les réformes nécessaires à la stabili-

sation macroéconomique de modifier le régi-

me d’ancrage du change.

(vi) un équilibre budgétaire fragile mais

des réformes résolues apparaissent

La politique budgétaire jordanienne se carac-

térise par une diversification des recettes

lente mais certaine et des dépenses encore

trop rigides, en partie du fait du climat d’in-

certitude qui pèse sur la région et dont la

Jordanie pâtie fortement.

Les revenus des taxes sur le commerce inter-

national sont encore une source de revenu clé

alors qu’ils sont amenés à diminuer rapide-

ment, non seulement, avec l’entrée en

vigueur des différents accords de libre-échan-

ge passés, mais également, et de manière

Tableau 4 : Taux d'intérêt 1999 2000 2001 2002 2003

Deposit rates (average)Demand 1,46 1,20 1,06 0,91 0,50Savings 4,19 3,76 2,91 1,84 0,88Time 7,89 6,55 5,19 3,97 2,75

Lending rates (average)Overdrafts 12,66 11,60 10,42 9,35 9,43Loans and advances 12,67 11,38 10,45 9,85 8,92Discount bills and bonds 13,37 12,81 11,88 10,95 10,24

Overnight interbank loans 1,03 5,75 3,88 2,88 2,13

CBJ Rediscount rate 8,00 6,50 5,00 4,50 2,50CBJ overnight deposit ate 0,50 5,63 3,75 2,75 2,00CBJ 7-day repurchase agreements 9,25 7,50 6,00 5,50 3,50

Source : Banque centrale de Jordanie.

-180-

plus cruciale, parce que la consolidation du

succès obtenu par la politique de croissance

tirée par les exportations jordaniennes le

veut. Pour 2003, ils représentent 2,9% du PIB

et 11,9% des revenus mais l’ampleur de l’ef-

fort fourni apparaît clairement à l’examen de

ce qu’étaient ces chiffres pour 1996, soit

5,6% du PIB et 19,1% des revenus. La volon-

té politique d’intégration dans le commerce

mondial est un élément de décision qui

semble particulièrement puissant en Jordanie

et cela transparaît dans les chiffres. Ainsi, la

part des droits de douane dans les revenus

gouvernementaux a quasiment été divisée

par 2 en 8 ans tandis que, en valeur absolue,

le montant des recettes des droits de douanes

a baissé, passant de 257,6 millions à 202,2

millions de dinars entre 1996 et 2003 alors

que les imports augmentaient de 33,8% et

les exports de 61,1%.

Ces chiffres attestent aussi de la progressive

diversification des sources de revenu qui ren-

force la crédibilité et la soutenabilité de la

politique d’ouverture en cours qui inclue une

composante « réformes du cadre juridique

des investissements, de la fiscalité » etc., en

vue d’attirer les IDE, dont les effets sont cru-

ciaux. D’ailleurs, ce ne sont pas les taxes sur

les revenus ou les profits qui ont remplacé

les ressources générées antérieurement par

les droits de douane, mais celles sur la

consommation qui représentaient 22,4% des

revenus en 1996 et 6,3% du PIB mais 38,7%

des revenus et 8,5% du PIb en 2003.

La fragilité du budget jordanien provient de

l’importance des recettes hors taxes et des

dons qui sont aléatoires et manquent d’élas-

ticité. Mais les autorités s’affranchissent de

cette vulnérabilité et si le poste des recettes

hors taxes représentait 45,4% des res-

sources en 1996, il a été ramené à 33,6%

des revenus en 2003. Cette évolution est

lente cependant. Par ailleurs, la dépendance

vis-à-vis de l’aide extérieure s’approfondit et

devient inquiétante. Le pays enregistre un

déficit hors aide internationale à deux

chiffres de -12% du PIB qui ne s’était plus vu

depuis la crise de 1989 (-16,8% en 1989 et

–9,7% en 1990).

L’aide est principalement bilatérale (93% en

2003) et la baisse de la part des pays arabes,

qui était de 59,9% en 2002 mais seulement

de 35,8% en 2003, a été compensée par la

hausse de celle des Etats-Unis qui passe de

27,3% en 2002 à 49,7% en 2003. La contri-

bution des Etats-Unis marque une nette pro-

gression depuis 2001, tandis que celle de

l’Union européenne recule (8,2% en 2001 vs.

3,1% en 2003).

La rigidité des dépenses se manifeste au tra-

vers des sommes absorbées par les salaires

(16,5% des dépenses totales), le système de

pension (13,6%) et les intérêts de la dette

(10,6%), soit 50,3% des dépenses cou-

rantes. Une réforme du système de pension

devrait intervenir sous peu afin de contenir la

montée de ce poste qui comptait pour 10,3%

des dépenses totales en 1995 et a gagné

3,3 points depuis. Bien plus alarmant cepen-

dant est l’influence considérable des incerti-

tudes politiques puisque les ressources affec-

tées à la sécurité et la défense, soit un quart

du budget, sont presque deux fois plus

importantes que celles imputées aux pen-

sions alors que c’est le principal moyen de

lutte contre la pauvreté du pays et que son

efficacité a été prouvée.

Un aspect très positif est que le gouverne-

ment, malgré la situation difficile, a préservé

l’investissement public, moteur de l’investis-

sement privé, qui compte pour 19,1% des

dépenses totales soit son niveau moyen sur

la dernière décennie. Il n’existe pas de don-

nées concernant les dépenses discrétion-

naires et statutaires pour la Jordanie qui per-

-181-

mettent une comparaison internationale. La

part des dépenses de capital peut donc être

considérée comme une bonne évaluation du

montant du volant de ressources discrétio-

naires dont dispose la Jordanie. Le fait que le

pays n’a pas coupé dans ces dépenses alors

même qu’il était en phase de restructuration

fiscale et budgétaire prouve qu’il a su gagner

des marges de manœuvres, notamment via

une gestion avisée de la dette.

Ainsi, les dépenses d’intérêts ont été réduites

de 8,4% en termes absolus et leur part dans

les dépenses totales s’est contractée de

3,7 points en passant de 14,3% en 2000 à

10,6% en 2003. Le poids de la dette a beau-

coup augmenté dans les années 1990 à la

suite de la dévaluation du dinars et du ralen-

tissement de la croissance. D’autant que, sur

la période, la politique budgétaire a été plu-

tôt expansionniste, seul moyen de retrouver

des marges de manœuvre face à des enga-

gements de plus en plus rigides et des res-

sources peu diversifiées.

La dette s’élève en juin 2004 à 90% du

PIB, dont 73,6% est externe. 29,4% de la

dette est en dollars US, 21,6% en yen

japonais et 20,3% en euros. La dette reste

soutenable car seulement 0,3% est à court

terme (1-5 ans) et 9,9% à moyen terme

(5-15 ans). Par ailleurs, les taux d'intérêt

fixes concernent 43,9% de la dette et sont

relativement faibles : 0-2% pour 37,5% de

celle-ci et 2-4% pour 29,6% supplémen-

taires. Les recettes des privatisations ont

permis de réduire progressivement son

montant total. Par ailleurs, le pays a béné-

ficié de rééchelonnements de sa dette, de

conversions en bonds Brady, en prêts au

développement, etc. Mais, le facteur qui a

le plus largement contribué à l’amélioration

de la situation et qui fait que la dette reste

soutenable est la croissance économique

qui a dépassé, sur la totalité de la décennie

1990, le taux d'intérêt réel de 4% (FMI,

2004b). La maîtrise rapide de l’inflation

intervenue dans la seconde moitié des

années 1990 et le ralentissement de la

croissance dû aux incertitudes politiques,

s’il devait durer, pourraient néanmoins

affaiblir l’effet positif de ce facteur obli-

geant les autorités à faire plus largement

appel à des réformes budgétaires.

-182-

-183-

Liban

Le principal problème auquel le Liban doit

faire face est son niveau d’endettement. Les

autorités s’étaient engagées à accroître le

surplus primaire qui reste le seul moyen de

se désendetter. Celui-ci est passé de 1,2% à

3,45% du PIB entre 2002 et 2003. Par

ailleurs, l’aide internationale, des accords

avec le Club de Paris et des participations de

la banque centrale et des banques commer-

ciales ont permis de restaurer la confiance et

d’abaisser les taux d'intérêt et le service de

la dette. Cependant, le Liban éprouve des

difficultés à maîtriser ses dépenses budgé-

taires qui se sont encore accrues cette

année. Aussi, si le solde primaire s’est amé-

lioré c’est uniquement le résultat d’un alour-

dissement de l’impôt. Si cette hausse des

recettes de l’impôt, due à la mise en place de

la TVA et aux efforts déployés pour rendre

plus efficaces les services fiscaux, était

nécessaire et justifiée, elle risque de peser à

court terme sur les perspectives de croissan-

ce de l’économie et sur la pauvreté [7]. En

revanche, ces mesures pourraient ne pas

avoir l’effet positif significatif escompté sur la

crédibilité de l’engagement du gouvernement

à mener une politique budgétaire saine

visant à se désendetter qui est incluse dans

le protocole d’aide du Club de Paris. Les

conséquences à terme sur la confiance des

agents et sur leurs investissements, donc sur

la croissance et l’emploi pourraient donc être

peu favorables. L’extension de l’assiette ou

l’introduction d’impôts nouveaux est, en

effet, une stratégie qui va rapidement

atteindre ses limites si les dépenses ne sont

pas contenues strictement, d’une part et,

d’autre part l’effort d’assainissement ne peut

reposer entièrement sur les agents privés.

Les tensions qui existaient entre le Président,

Monsieur Lahoud, et son Premier Ministre,

Monsieur Hariri, ont empêché la mise en

place de certaines mesures de politique éco-

nomique et de gestion de la dette. À cela

s’ajoutent la montée des partis intégristes au

moment des élections de mai et les tensions

sociales dues à la hausse des prix du pétro-

le. La situation n’est donc pas pour rassurer

les investisseurs. Alors qu’il avait rapidement

augmenté après la guerre, passant de 17,8%

en 1990 à 35,8% en 1995, le taux d’investis-

sement n’a pas cessé de baisser depuis lors.

Il se situe, en 2003, à 16,7% du PIB. Les

entrées d’IDE sont structurellement faibles,

avoisinant les 358 millions de dollars US, ce

qui place le pays au niveau de la Jordanie

(379 millions) mais très loin derrière les per-

formances sur la longue période des autres

PM (tableau 1).

La croissance reste lente et insuffisante pour

absorber les nouveaux entrants sur le mar-

ché du travail. L’effet d’éviction induit par les

besoins de fonds du gouvernement et le

Tableau 1 : Entrées d’IDE

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003

Algérie* 12 10 -59 18 5 4 7 5 6 6

Egypte 734 253 459 493 1 256 596 637 888 1 076 1 065 1 235 510 647 237

Israël 101 350 539 429 432 1 337 1 382 1 622 1 887 3 111 5 011 3 549 1 721 3 745

Jordanie 38 -12 41 -34 3 13 16 361 310 158 787 100 56 379Liban 200 250 298 249 257 358

Maroc 165 317 423 491 551 335 357 1 079 417 850 215 2 825 481 2 279

Syrie 71 62 67 176 251 100 89 80 82 263 270 110 115 150

Tunisie 76 125 526 562 566 378 351 366 668 368 779 486 821 584

Turquie 684 810 844 636 608 885 722 805 940 783 982 3 266 1 038 575

Pays Partenaires de Méditerranée 2 051 2 078 3 060 2 840 3 685 3 649 3 558 5 208 5 585 6 854 9 583 11 095 5 136 8 307

Total Monde 211 425 158 936 175 841 219 421 255 988 331 068 384 910 477 918 690 905 1 086 750 1 387 953 817 574 678 751 559 576

Pays en développement 34 689 41 696 51 108 78 813 104 920 113 338 91 502 193 224 194 055 231 880 252 459 219 721 157 612 172 033

Amérique Latine et Caraïbes 8 989 15 356 17 611 20 009 30 091 32 311 51 279 73 275 82 491 107 406 97 537 88 139 51 358 49 722

Europe centrale et de l'est 300 2 448 4 439 6 757 5 932 14 268 12 730 19 033 24 305 26 518 27 508 26 371 31 232 20 970

Asie du Sud et de l'Est (excl. Chine, incl. HK) 10 670 16 862 16 527 22 283 32 167 37 790 49226 54270 46673 68 796 101 968 55 350 33 583 43 410

Source : United Nations : World Investment Reports 1995 à 2004.

-184-

comportement prudent des banques, dont

l’activité est fortement contrainte par des

actifs constitués à 80% par des titres de

dette gouvernementale, ne peuvent que

peser sur le dynamisme de l’économie.

La dollarisation est un bon indicateur du

niveau de confiance que les agents ont dans

la valeur de la monnaie nationale à long

terme. En 2003, elle atteint 66,8%, ce qui

signifie que les agents placent leurs avoirs

dans une monnaie refuge et accumulent des

devises afin de pouvoir mener leurs activités

à l’international. Cette situation implique qu’il

est difficile pour les autorités de contrôler

l’inflation ou le niveau de croissance tout

comme l’activité des banques via les taux

d'intérêt et autres instruments frappant les

réserves ou les taux de refinancement.

Sur les plans de la stabilisation macroécono-

mique et de l’avancée des réformes, la situa-

tion du Liban se décline de la façon suivante :

(i) des bonnes performances de crois-

sance qui semblent durables mais au

prix d’un endettement externe croissant

Le Liban semble renouer avec la croissance.

En termes réels, celle-ci a baissé jusqu’en

2002, mais elle remonte en 2003 et, selon

les prévisions des experts, devrait se situer

dans une fourchette de 3-5% pour 2004 et

2005 [8] . L’indicateur de confiance est orien-

té à la hausse. Il a progressé de 10% par

mois en moyenne depuis le début de l’année

contre 6,5% l’an passé. Autre indice de la

croissance future, les ventes de ciment qui

sont en hausse depuis mars, bien qu’elles

aient perdu –8% au deuxième trimestre

2004, cette baisse fait suite à une hausse de

13,4% au dernier trimestre 2003 et de

35,7% au premier trimestre 2004 comparati-

vement à la même période l’année précéden-

te (figures 1 et 2). Ces indices d’une crois-

sance future positive et forte sont encore

confortés par la progression de 50,9% en

mars 2004 du nombre de permis de construi-

re accordés et par les flux de passagers qui

ont gagné 9% (dont arrivées, +15,1%).

Le pays semble souffrir moins d’une volatilité

importante du cycle économique que d’une

persistance des tendances passées, signe que

les anticipations des agents sont peu réac-

tives. Ainsi, autant pour le Maroc, la Syrie ou

l’Algérie, il est possible de perdre ou de

gagner 5 points de croissance d’une année sur

l’autre car ce sont des pays très exposés aux

aléas climatiques ou aux fluctuations des prix

du pétrole, autant pour le Liban la croissance

a perdu régulièrement 1 à 2 points de pour-

centage jusqu’en 2000. Les performances de

l’économie ne dépendent pas de phénomènes

exogènes sur lesquels les autorités n’ont pas

de prise. Elles proviennent, en grande partie,

des tensions politiques internes qui bloquent

les réformes ou limitent les marges de

Figure 1 : Indice de confiance

80

90

100

110

120

130

140

150

160

170

180

mar

s-93

sep-9

3

mar

s-94

sep-9

4

mar

s-95

sep-9

5

mar

s-96

sep-9

6

mar

s-97

sep-9

7

mar

s-98

sep-9

8

mar

s-99

sep-9

9

mar

s-00

sep-0

0

mar

s-01

sep-0

1

mar

s-02

sep-0

2

mar

s-03

sep-0

3

mar

s-04

indice

Indice de confiance

Source : Banque centrale du Liban.

Figure 2 : Ventes de ciment

0

50000

100000

150000

200000

250000

300000

350000

400000

déc-01

fév-

02

avr-02

juin-0

2

aoû-

02

oct-0

2

déc-02

fév-

03

avr-03

juin-0

3

aoû-

03

oct-0

3

déc-03

fév-

04

avr-04

juin-0

4

tonnes

Ventes de ciment

-185-

manœuvre concernant la restructuration de la

politique budgétaire, ou encore de l’orienta-

tion des aides internationales et de la gestion

de la dette. La capacité du pays à aplanir les

problèmes de gouvernance auxquels il fait

face régulièrement et à stabiliser ses relations

avec ses voisins détermine crucialement sur

sa croissance à long terme.

L’industrialisation du pays et sa reconstruc-

tion sont cependant rapides. Le secteur des

services, conformément aux ambitions du

pays, tient une place centrale dans l’écono-

mie. Celle du secteur agricole, relativement

faible, est du niveau de celle enregistrée en

Tunisie. Mais, ici, l’industrie, qui contribue à

20% du PIB, semble tournée essentiellement

vers la reconstruction eu égard à la place

relativement peu importante du secteur

manufacturier. Celui-ci ne représente que

47% du secteur industriel contre 55,2% au

Maroc, 54,6% en Egypte, 60,8% en Jordanie

ou en Turquie et 63,3% en Tunisie.

La comparaison des évolutions des parts des

différents secteurs dans le PIB depuis 1990

montre que la plupart des PM sont entrés

dans une phase de « tertiarisation » de leur

économie depuis 1995 et la déclaration de

Barcelone. Le secteur industriel, en cours de

restructuration et de privatisation, ne pouvait

plus jouer le rôle moteur. En revanche, l’in-

sertion croissante dans les échanges interna-

tionaux devait favoriser une montée de la

part de secteur manufacturier dont la com-

pétitivité augmentait. C’est effectivement ce

que l’on observe pour la plupart des PM sur

la période 1990-2003. Cependant, le secteur

manufacturier a parfois reculé (Liban, Maroc,

Turquie) et, comme prévu, les pays qui réus-

sissent le mieux leur transition sont ceux qui

ont su préserver ou accroître la part du sec-

teur manufacturier tout en jouant l’ouverture

(Jordanie, Tunisie).

Cette typologie des « bonnes expériences »

(tableau 2) montre que le Liban est particu-

lier car le pays a pris du retard dans les

réformes et n’a pas pu préserver ni le sec-

teur manufacturier, ni l’industrie, alors même

que sa position externe est fragile puisque la

valeur des exportations de biens ne repré-

sente que 0,4% de celle des importations,

nourries par les besoins de la « mise à

niveau » et de la reconstruction. Cette struc-

turation du PIB reflète certainement aussi la

volonté du pays de redevenir un centre

financier majeur de la zone, mais reste à

savoir pendant combien de temps encore la

situation sera tenable. L’économie dans son

ensemble s’endette de plus en plus vis-à-vis

du reste du monde.

Le déficit du compte courant participe à cet

endettement. Il s’est creusé en 2003 de

16,1%, passant de –2,5 à –2,9 billions de dol-

lars US, soit de 14,5% à 15,9% du PIB. Le

problème est que l’effort d’ajustement via

une réduction des imports impliquerait certai-

nement une profonde récession et des retards

dans la « mise à niveau ». Reste donc à déve-

lopper les exports qui tireront la croissance. Tableau 2 : Part dans la valeur-ajoutée en %

1990 1995 2003 1990 1995 2003 1990 1995 2003 1990 1995 2003Algérie 11,4 10,5 10,2 48,2 50,4 55,1 11,4 11,5 7,0 40,5 39,1 34,7Egypte 19,4 16,8 16,1 28,7 32,3 34,6 17,8 17,4 18,9 52,0 50,9 49,2Jordanie 8,1 4,3 2,2 28,1 28,9 26,0 14,9 15,1 15,8 63,8 66,8 71,8Liban .. 12,6 12,2 .. 26,9 20,0 .. 11,4 9,4 .. 60,5 67,7

Maroc 17,7 14,6 18,3 32,4 33,0 29,7 18,4 18,4 16,4 49,9 52,4 52,0Syrie 28,3 28,2 23,5 24,2 18,1 28,6 20,4 13,8 25,5 47,6 53,7 48,0Tunisie 15,7 11,4 12,1 29,8 29,0 28,1 16,9 18,8 17,8 54,5 59,6 59,8Turquie 18,3 16,4 13,4 29,8 30,0 21,9 19,5 20,6 13,3 51,9 53,5 64,7

Pays à revenu moyen à bas 16,5 13,9 .. 37,6 36,3 .. .. 22,7 .. 45,9 49,8 ..MENA 14,5 13,6 .. 38,1 38,7 .. 12,6 13,4 .. 47,3 47,7 ..Pays à revenu moyen 14,2 11,5 .. 39,0 37,4 .. .. 23,7 .. 46,8 51,1 ..Monde 5,4 4,5 .. 34,3 31,5 .. 22,2 21,3 .. 60,3 63,9 ..

Industrie dont Manufacturier ServicesAgriculture

Source : World Bank, WDI 2004 et WDI online.

-186-

Le taux de croissance des exports est en fait

extrêmement élevé. Il est de 45,8% sur

l’année 2003 avec une accélération en fin

d’année : 109,8% en décembre 2003, et

78,3% en mars 2004. En revanche, les

imports progressent moins vite, 11,2% en

2003 et 27% en mars 2004. La dépréciation,

depuis 2001, du taux de change effectif réel

montre que la compétitivité externe du Liban

se renforce. Le ratio de couverture s’est

donc amélioré passant de 16% en décembre

2002 à 20% en décembre 2003 mais le défi-

cit du compte commercial s’est approfondi

de 5,5% depuis 2002.

Par ailleurs, les fluctuations de la parité

euro-dollar US ont contribué à accroître les

besoins de financement du pays. La mon-

naie libanaise est, en effet, ancrée au dollar,

donc elle s’est dépréciée par rapport à l’eu-

ro en même temps que le dollar donc les

imports provenant de l’Union Européenne

(32%) se sont renchéries, tandis que les

exports vers l’Union (43%) ont profité d’une

compétitivité plus forte. Il est peu probable

que l’élasticité-prix de la demande d’exports

libanaise ait été suffisamment élevée pour

accroître les volumes exportés de manière à

compenser, sur une aussi courte période, la

hausse de la facture due à une demande

d’imports qui réagit généralement avec

retard à une variation de prix. Mais, selon le

FMI, en 2004, la vigoureuse hausse de la

demande de produits libanais devrait com-

penser l’impact sur le compte courant de la

montée du prix du pétrole.

Au final, les aides internationales et les

entrées de capitaux privés permettent de

couvrir les besoins de financement du pays

mais cette situation le rend extrêmement

vulnérable, en particulier à un retournement

de la confiance des investisseurs. Ainsi la

balance des paiements présente un surplus

de 3,386 millions de dollars US contre un

surplus de 1,564 millions en 2002 et un défi-

cit de –1,1689 millions en 2001. Cependant,

la dette externe continue de s’alourdir et

s’élève à 20,8 billions de dollars US en 2003

contre 19,7 billions en 2002. Par ailleurs, les

taux d'intérêt domestiques n’ont pas suivi

ceux d’autres pays et l’attractivité du Liban

s’effrite. Les incertitudes sont donc fortes

surtout depuis que la France et les Etats-Unis

ont demandé l’adoption au Conseil de

Sécurité de l’ONU d’une résolution visant à

imposer le respect « de la souveraineté, de

l’intégrité territoriale, de l’unité et de l’indé-

pendance politique du Liban ». Il est donc

essentiel pour les autorités de dynamiser l’in-

vestissement qui reste un des plus faibles

des PM, de même que les IDE.

(ii) la politique monétaire devrait voir

son efficacité s’accroître si la réforme

envisagée est entreprise réellement

La création monétaire enregistre une pro-

gression relativement rapide au Liban

(+13,2% contre +7,3% en 2002), nourrie

par les mêmes facteurs qu’en 2002, à savoir

les entrées de capitaux étrangers qui ont

gonflé les disponibilités des banques et per-Figure 2 : Imports et exports par pays d’origine

Other Europe32%

European Union9%

Other countries17%

Arab countries42%

North America,Japan and China

17%

Other countries11%

Other Europe16%

Arab countries13%

European Union43%

Source : Banque centrale du Liban, Recent Economic developments, fourth quarter, 2003.

-187-

mis le financement du déficit budgétaire.

Selon les estimations de la banque centrale,

les premières auraient compté pour 73% de

la croissance monétaire et le second pour

35%. Les crédits au secteur privé, quant à

eux, ont régressé de 0,8% alors que les

dépôts augmentaient de 11%. L’inflation est

néanmoins sous contrôle à 1,4% pour 2003.

Les agents semblent croire au redressement

de l’économie, à la consolidation des perfor-

mances du système bancaire via une restruc-

turation progressive de leurs actifs et aux

effets positifs de la politique d’amélioration

de la supervision dans le cadre des accords

de Basle II. Ce dernier processus doit débou-

cher sur une plus grande transparence, une

gestion des risques plus efficace et une

meilleure gouvernance. Cela apparaît au tra-

vers de deux indicateurs : le taux de dollari-

sation et la demande de titres du Trésor.

Le taux de dollarisation s’est, en effet, nette-

ment réduit sur les deux dernières années

puisqu’il est passé de 72,5% en 2001 à

66,2% en décembre 2003 [9] . La part de la

monnaie domestique dans l’agrégat M3

atteint aujourd’hui 35,8% contre 40,5% l’an

passé. La croissance relativement forte de M4

(de 8,78% en décembre 2003 contre 5,46%

en décembre 2001) reflète l’engouement

pour les bonds du Trésor libellés en livre liba-

naise, résultat d’une gestion active de la

dette qui a permis de restaurer les capacités

de remboursement du gouvernement.

En 2003, la baisse générale des taux d'inté-

rêt se poursuit. Depuis novembre 2002, les

ventes de bons du Trésor ont engendré une

réduction de presque 50% des taux d'intérêt

sur ces actifs quel que soit le terme [10]. La

banque centrale a abaissé modestement ses

taux directeurs et les taux sur les certificats

de dépôts à 45 jours ont perdu 235 points de

base (6,75% en 2002, 4,4% en 2003, pour le

mois de décembre) et ceux à 60 jours, 261

points de base (4,89% en décembre 2003).

Cette baisse des taux d'intérêt s’est transmi-

se au secteur bancaire. Les taux d'intérêt

préteurs ont chuté de 16,10% à 11,32% sur

les prêts en monnaie domestique et de

9,62% à 8,81% sur ceux en dollars entre

2002 et 2003. Les taux sur les dépôts ont

suivi, régressant de 9,83% à 7,79% pour

ceux en monnaie domestique, et de 4% à

3,43% pour ceux en dollars.

Cette orientation des taux permet d’impulser

un cercle vertueux de financement de la

dette. Les taux d'intérêt sur les bonds du

Trésor sont bas mais cela contribue à renfor-

cer la solvabilité du pays, ce qui abaisse le

risque attaché à ces titres et attire de nou-

veaux capitaux. Cependant, dans la mesure

où le taux de change est fixe, il convient de

préserver l’équilibre entre l’attractivité relati-

ve des titres libanais et ceux émis par

d’autres économies émergentes et frappés

d’un niveau de risque similaire. Récemment,

les sorties de capitaux se sont accélérées et

les autorités devront surveiller l’évolution des

taux d'intérêt. D’un autre côté, un loyer de

l’argent inférieur peut stimuler l’investisse-

ment. L’arbitrage est délicat. Les autorités

ont également projeté de développer les

marchés de capitaux afin de diversifier les

sources de financement et de limiter les

risques supportés par chaque agent du sys-

tème financier.

(iii) une politique budgétaire restrictive

mais insuffisamment pour enrayer l’en-

dettement

Le déficit budgétaire représente, en 2003,

14,5% du PIB soit 3,4 à 4,5 points de pour-

centage de plus que le déficit ciblé initiale-

ment (10-11,5%). Le stock de dette

publique est de 174% du PIB et le service de

la dette absorbe 78,4% des recettes budgé-

-188-

taires. Cette situation débouche sur un défi-

cit budgétaire chronique qui nécessite d’em-

prunter pour payer le service de la dette

sans pouvoir réduire son stock. Le Liban est

donc pris depuis quelques années dans une

spirale d’endettement dont il a des difficultés

à s’extraire.

Fin 2002, le pays est parvenu à convaincre

certains pays et principalement ceux du Golfe

et l’Europe de l’aider à échapper à la crise

financière qui se profilait. L’accord obtenu lors

de la Conférence de Paris II portait sur 4,4 mil-

liards de dollars dont 3,1 milliards devaient

servir à racheter la dette la plus onéreuse et à

abaisser le stock de dette, et 1,3 milliards à

constituer un fonds de financement de projets

socio-économiques. Les taux d'intérêt sont

faibles à 5% et la maturité est à 15 ans avec

une période de grâce de 5 ans. Jusqu’ici, seuls

2,4 milliards ont été débloqués.

En parallèle, des négociations ont été

menées avec la banque centrale du Liban qui

a proposé un soutien financier de l’ordre de

4,1 milliards de dollars US qui se déclinait en

1,8 milliards de livres libanaises de dette en

bonds du Trésor annulés en puisant dans les

réserves, 1,9 milliards de dollars US en

bonds du Trésor échangés contre des

Eurobonds assortis d’une maturité plus

longue, soit 15 ans et d’un taux d'intérêt de

4%, enfin le rééchelonnement de 0,4 mil-

liards dus au titre du remboursement du

principal et d’intérêts de la dette sur 5 ans,

au taux de 4%. De plus, les banques com-

merciales, auxquelles le gouvernement a

demandé de souscrire à des Eurobonds ou à

des bonds du Trésor à hauteur de 10% de

leurs dépôts en toutes monnaies, ont mis à

sa disposition 3,6 milliards de dollars US,

pour une durée de 2 ans et sans intérêt. Le

montant total de l’aide représentait alors

32% du stock total de dette. D’autres avan-

tages ont également été accordés, en termes

d’allongement de la maturité et de coût de la

dette notamment, de sorte que le coût total

de la dette est passé de 11,97% à la fin

novembre 2002 à 8,5% à la fin octobre 2003

et la part de la dette détenue par le marché

se monte à 61% contre 79% antérieurement.

Ces mesures ont considérablement consolidé

la position du pays, les taux d'intérêt sur ces

titres ont baissé et leur demande a rapide-

ment augmenté.

Mais, en contrepartie, les autorités se sont

engagées à mener une réforme de la politique

fiscale et à contrôler les dépenses courantes

et d’investissement, qui devaient se limiter

aux projets urgents ou co-financés par des

investisseurs étrangers. L’objectif final était

de dégager un excédent primaire permettant

de se désendetter sans avoir à recourir systé-

matiquement à l’aide internationale et natio-

nale. L’autre volet de la stratégie d’assainis-

sement budgétaire consistait à engager un

processus de privatisation dont les revenus

devaient contribuer à réduire la dette. La sta-

bilisation macroéconomique, la croissance et

le développement du secteur privé restaient

des objectifs prioritaires de la politique éco-

nomique globale en tant que déterminants du

niveau futur des recettes budgétaires.

Les réformes ont été très lentes en raison

des tensions politiques induites par les élec-

tions. Les dépenses globales ont augmenté

de 4,5% dépassant les prévisions de 12,7%.

Bien qu’elles aient été inférieures de 14,4% à

celles budgétées, les dépenses générales ont

augmenté de 1,8% en 2003. Les promesses

de coupes dans les dépenses hors dette n’ont

donc pas été suivies d’effets. De plus, les

paiements d’intérêts ont gagné 5,45% en

2003 et surpassent les prévisions budgé-

taires de 21,9% car les opérations de priva-

tisation dont les recettes devaient être affec-

tées à la réduction de la dette n’ont pas eu

lieu. Le coût du personnel qui est de 34,9%

-189-

des dépenses courantes demeure très

contraignant. Les dépenses d’investissement,

principalement pour de nouvelles construc-

tions, sont donc réduites à leur portion

congrue : 7% des dépenses totales.

Autre problème, les autorités tablaient sur une

progression des recettes budgétaires de 4%

plus forte que celle réalisée qui s’élève tout de

même à +15,2%. Les revenus générés par la

TVA se sont fortement accrus, prenant 37%

mais ne représentent encore que 30% des

revenus des taxes. Une nouvelle taxe de 5% a

été introduite sur les intérêts perçus.

Le déficit primaire est donc orienté favora-

blement et se monte à 10,592 milliards de

livres soit 12,7% supérieur à ce qui était

prévu initialement mais le déficit total dépas-

se de 56% la cible de la loi de budget pour

2003, même s’il recule de 8,25% par rapport

à 2002. Il faut cependant noter que les

recettes couvrent 70,6% des dépenses en

2003 contre 63,6% l’an passé et que le solde

primaire représente 29,4% des dépenses

contre 36,4% en 2002 soit 3,5% du PIB

(1,2% en 2002). Le pays a donc les capaci-

tés et les marges de manœuvre nécessaires

pour modifier sensiblement sa position bud-

gétaire. Les progrès effectués en 2003, mal-

gré les nombreux obstacles autant écono-

miques que politiques, le prouvent. Reste à

voir comment la situation politique va évo-

luer et favoriser l’émergence ou pas d’un

consensus fort sur la politique qu’il convient

de mener. En attendant un éclaircissement

de la situation, pour 2004, les autorités ne

prévoient pas de réduire les dépenses étant

donné les coupes faites sur les deux der-

nières années, la hausse des prix du pétrole,

sa volonté de préserver le pouvoir d’achat de

son personnel et de la population en général

et la qualité des services publics offerts et les

projets d’investissement entamés. Dans la

mesure où une stagnation des revenus est

anticipée, le déficit ne devrait pas s’amenui-

ser. La restructuration du secteur public

visant une amélioration de son efficacité et

de sa productivité est donc suspendue, et la

première des causes invoquée est l’instabili-

té politique de la région, mais son urgence et

sa nécessité sont soulignés. Il est dommage

que les tensions actuelles internationales

certes, mais également internes, ruinent par-

tiellement les effets extrêmement bénéfiques

qu’a eue la Conférence de Paris II. Un précé-

dent existe maintenant qui montre que sous

la pression comme avec une pression

moindre les autorités ne sont pas capables

de protéger avant tout l’intérêt supérieur du

pays et de sa population et de travailler à la

reconstruction d’une Nation. Cela pèsera sur

la croissance potentielle future et le crédibili-

té de la politique budgétaire.

(iv) amélioration de la gouvernance : le

salut vient-il de la société civile ?

En 2003, le Liban a connu son lot de scan-

dales et « affaires ». Le pays jusque récem-

ment était classé par le Groupe d’Action

Financière sur le Blanchiment des Capitaux

(GAFI) comme non coopératif dans la lutte

contre le blanchiment d’argent. En 2001, une

Commission d’enquête spéciale (SCI) a été

créée pour marquer la volonté des autorités

de briser avec les pratiques passées, mais

ses travaux ayant toujours été tenus secrets,

les effets positifs attendus sur l’image du

pays ont été faibles. D’autant que, en 2003,

bien que certains dirigeants de la banque Al-

Madina aient été convaincus de détourne-

ments de fonds et de pratiques frauduleuses,

aucun d’eux n’a été véritablement inquiété

par la Commission.

Ont suivi les accusations de détournements

de fonds public contre l’ancien Ministre de

l’Agriculture Ali Abdullah qui, après son limo-

geage du gouvernement en avril 2003, a été

-190-

mis en accusation par son successeur alors

que la justice est restée muette malgré les

preuves existantes. L’absence d’une loi sur le

financement des partis politiques au Liban a

donné lieu à de nombreuses dérives bien

illustrées par les élections partielles au Mont

Liban où Myrna Murr a bénéficié d’un soutien

illimité de sa famille. Parce que les chaînes

de télévision appartiennent à des hommes

politiques, ceux-ci s’en servent impunément

pour promouvoir leur image durant les cam-

pagnes électorales en violation flagrante de

la loi électorale ce qui amène les populations

à questionner l’indépendance de la justice

(Transparency International, 2004). Tout

récemment, les tractations qui ont été

menées pour modifier la Constitution afin de

permettre au Président Emile Lahoud de pro-

longer son mandat de trois ans alors que,

selon la loi, il ne pouvait pas se représenter

aux élections prévues en novembre et la

démission du Premier ministre Hariri ont sou-

ligné l’absence d’indépendance du pays vis-

à-vis de son voisin syrien et son incapacité à

faire ses propres choix, par exemple à réfor-

mer son économie et son service public, etc.

Plus encourageant, face à l’absence de réfor-

me du secteur bancaire et pour répondre aux

inquiétudes croissantes quant à la corruption

au sein des entreprises, une initiative privée,

menée par le Rassemblement des Dirigeants

et Chefs d’Entreprise (RDCL) vise a améliorer

la gouvernance en termes de transparence

des transactions, de diffusion et de fournitu-

re d’informations fiables et de respect des

contrats et engagements, au sein des

membres du RDCL et entre les signataires du

Code d’éthique des affaires. Souvent, c’est

en l’absence d’une législation ou d’institu-

tions efficientes que l’importance de l’intégri-

té morale et de la parole donnée deviennent

des notions extrêmement contraignantes,

assurant le bon déroulement des opérations

et évitant que naissent des conflits. Mais

cette opération va beaucoup plus loin puis-

qu’il s’agit de signer un « pacte », de prendre

un engagement formel, de construire un

réseau qui pallierait à l’absence d’un organis-

me de supervision et de contrôle. Le

Rassemblement des Dirigeant et Chefs

d’Entreprises Libanais (RDCL) avec des asso-

ciations d’entrepreneurs pourraient créer une

autorité de régulation chargée de vérifier le

respect du Code de l’éthique des affaires afin

de renforcer encore l’influence positive qu’il

peut avoir et faciliter l’adaptation des com-

portements individuels. Ce projet est inspiré

de l’expérience des banques libanaises au

moment où elles ont dû prendre en compte

les exigences de nouvelles lois (Saïdi, 2004).

Le Liban manque cruellement d’organismes

de supervision de l’activité bancaire, un sys-

tème de collecte, de centralisation, de vérifi-

cation et de diffusion d’informations concer-

nant les agents, à l’intention des banques

mais également du public. Ces structures

permettraient dans une certaine mesure de

sécuriser les transactions, de prévenir les

désaccords et le recours à la justice, de limi-

ter les risques que les banques encourent et

les primes qu’elles appliquent. Le Code

d’éthique des affaires répond à ces besoins et

si les banques s’appuient sur celui-ci et si

cette instance de supervision privée est

effectivement créée, ce pourrait être un

moyen de faciliter l’accès au crédit, de dyna-

miser la croissance et la création d’emplois.

Ce type d’initiative est à encourager puisque,

alors que le pays est en pleine reconstruc-

tion, le chômage touche quelques 10% de la

population active, sans compter les sous-

employés, ceux qui, découragés, sont sortis

du marché de l’emploi formel, etc. La réfor-

me bancaire qui était un des engagements

associés à l’accord de Paris est suspendue et

ce sont les agents privés qui ont décidé de

prendre le relais. L’intérêt majeur de cette

initiative est qu’elle émane des entrepre-

-191-

neurs eux-mêmes qui affichent ainsi leur

désir que soient enfin réalisées les réformes

promises et trop longtemps retardées. Si ce

type d’expérience se multiplie et porte ses

fruits, il serait pertinent pour des administra-

tions, telles que des municipalités en mal de

crédibilité anti-corruption, par exemple, de

s’engager aux côtés de la société civile. Alors

il serait peut-être possible d’éviter l’écueil

des réformes menées à l’échelon supérieur,

mais peu suivies aux niveaux inférieurs, et

qui explique le maigre taux de retour sur les

réformes en termes de croissance, observé

dans la zone.

-192-

-193-

Maroc

L’économie marocaine est caractérisée par

une croissance économique fortement heur-

tée et largement déterminée par des chocs

exogènes internes (sècheresses) autant

qu’externes (ralentissement de la croissance

européenne). Depuis la mise ne place du

plan d’ajustement structurel (PAS) en 1985,

le cycle économique n’a pas significativement

bénéficié des effets des réformes et de la

libéralisation en termes de lissage du cycle

économique ou de niveau de croissance.

Les secteurs des transports et communica-

tions, du BTP ou du commerce sont les seuls

à avoir enregistré une croissance significati-

vement différente sur la période 1996-2002

comparativement à 1980-1990. L’évolution

du secteur des industries manufacturières

est également encourageant car il a retrouvé

des niveaux de croissance en 1996-2002

identiques à ceux de 1980-1990 ce qui

indique que le choc de la restructuration a

maintenant été absorbé. Le secteur agricole

représente encore 16% de la valeur ajoutée

(contre 22,6% pour 1980-1990) mais ses

impacts indirects sur les performances glo-

bales de l’économie semblent s’atténuer

puisque, bien que très inégales, elles n’ont

que peu affecté la croissance sectorielle

obtenue une décennie auparavant.

Le décollage économique au Maroc est donc

très lent à se manifester or ce pays doit faire

face à des contraintes d’approfondissement

de la pauvreté et d’insuffisance de la création

d’emplois très lourdes d’autant que la pres-

sion démographique et l’arrivée de nombreux

jeunes sur le marché du travail annuellement

ne vont pas s’alléger dans l’immédiat. Le

taux de croissance annuel minimal à

atteindre pour stabiliser le chômage (autour

de 6%) n’est que rarement obtenu et, sur la

dernière décennie, souvent à cause de chocs

internes et externes contre lesquels les auto-

rités sont impuissantes.

Le pays a fait le pari de l’ouverture écono-

mique et de l’insertion internationale cepen-

dant, ses termes de l’échange se sont dété-

riorés dans la première moitié des années

1990 puis le prix des exports a certes baissé

mais moins vite que le prix des imports et la

perte de compétitivité s’est poursuivie.

L’inflation est maintenant sous contrôle, sauf

choc important. Les politiques macroécono-

miques visent la stabilisation économique

mais ont parfois été coûteuses en termes de

croissance du fait des mauvais alignements

du taux de change réel que cela a occasion-

né. Une surévaluation passagère de la mon-

naie a été un deuxième facteur qui a pesé sur

la compétitivité et a entraîné une détériora-

tion des comptes externes. Les autorités

marocaines ont besoin de trouver des

sources de financement externes afin d’allé-

ger le poids de la dette interne sur l’écono-

mie domestique et d’améliorer la profondeur

et la liquidité des marchés financiers domes-

tiques, notamment. La gestion de la dette est

très active, basée sur le rachat des titres les

plus onéreux, la négociation de nouveaux

prêts à des conditions intéressantes et une

préférence marquée pour la substitution de

la dette externe par de la dette interne afin

de s’affranchir des effets de la volatilité des

monnaies internationales. Cette stratégie a

permis de réduire son impact sur le budget,

mais entrave le développement du secteur

privé. Il serait peut-être bon de revoir le régi-

me de change actuel pour le rendre plus

flexible, tout comme l’envisage la Tunisie.

Relayer cet assouplissement du régime cam-

biaire par des mesures de nature à rendre les

ajustements de prix et de salaire plus

flexibles pourrait favoriser une réallocation

-194-

des ressources vers les activités tournées

vers l’export. Par ailleurs, la mobilité inter-

sectorielle et internationale des travailleurs

est déterminante aussi bien en termes d’évo-

lution des salaires et de compétitivité que de

chômage et de niveau de pauvreté.

Après avoir exposé la situation macroécono-

mique en 2003, un point sera fait sur la

structure et le mode de fonctionnement du

marché du travail marocain afin d’évaluer sa

flexibilité et dans quelle mesure cela peut

contribuer à obtenir les gains de productivité

nécessaires pour préserver la compétitivité

externe dans un contexte de poursuite de la

« mise à niveau ».

(i) la demande publique reste au cœur

de la croissance

En 2003, la croissance du PIB doit beaucoup à

une bonne campagne céréalière. La progres-

sion du secteur non agricole en termes

constants reste satisfaisante à un niveau de

3,1% (2,8% en 2002, 3,6% en 2000 et

2001). Les secteurs dont les performances

ont été les meilleures, hormis le secteur agri-

cole, sont le BTP (4,2%), suivi du commerce

(3,8%), des industries manufacturières

(3,4%) et en particulier des matériaux de

construction (8,4%), de la métallurgie de

base (9%) et de l’agroalimentaire (5,1%), et

enfin des transports et communications (3%).

La croissance est nourrie (i) par l’investisse-

ment qui transparaît dans les importations de

biens d’équipement (14,1%), et répond au

dynamisme du secteur du BTP et au lance-

ment d’une politique de grands travaux (loge-

ments sociaux, programme autoroutier, etc.)

et par (ii) la consommation publique à la suite

de la revalorisation salariale dans ce secteur.

L’indice de la production industrielle a cru de

3,4% en 2003, tiré principalement par les

industries agroalimentaires (5,1% en 2003

contre 1,8% en 2002), métallurgique, méca-

niques, électrique et électronique (3,4%

contre –1,3%) et de la chimie et parachimie

(5,4%). Le secteur clé du textile connaît des

difficultés profondes et le gouvernement et

les professionnels se sont rencontrés pour y

pallier. Cela a pris la forme d’aides à l’inves-

tissement (34% des projets d’investissement

industriels pour 2003 se concentrent dans ce

secteur) et à la restructuration financière du

secteur, à la réalisation de progrès tech-

niques visant à accroître la compétitivité.

Figure 1 : Décomposition du PIB

0,5

2,4

5,4 5,1

-2,5-3,4

3,8

2,3

5,46,7

11,7

6,25,2

3,7

10,2

7,9

-0,9

4,5

-6

-4

-2

0

2

4

6

8

10

12

14

Produit IntérieurBrut

ConsommationPrivée

ConsommationPublique

Investissement fixe Exportations debiens et services

Importations debiens et services

1995-1998 2002 2003

Source : Banque centrale du Maroc.

-195-

Les exportations ont marqué un net recul

malgré un taux de change effectif réel du

dirham qui est resté stable en 2002 et s’est

légèrement déprécié en 2003 (-2%) en rai-

son du maintien d’un taux d’inflation à un

niveau bas. Deux facteurs expliquent ce

résultat négatif. En premier lieu, les difficul-

tés que connaît le secteur des céphalopodes

avec une production en repli de 52,4% en

volume qui explique celui des exportations

qui perdent 37,3% en volume et 31,4% en

valeur. Dans le cadre de la politique de ges-

tion de la ressource poulpière, le Ministère de

la Pêche Maritime a étendu la période de

repos biologique jusqu’au mois d’avril pour

2004. En second lieu, l’incendie de la SAMIR

en novembre 2002 a entraîné une forte chute

de la production et les exportations de pro-

duits énergétiques ont chuté de 64,8%.

Le secteur du tourisme qui contribue crucia-

lement à l’équilibrage de la balance courante

a été rudement touché par les évènements

politiques intervenus depuis 2001 mais en

2003 la tendance au recul semble s’inverser.

Les arrivées de touristes se sont stabilisées

comparativement à 2002 (0,1%) bien que les

nuitées aient encore baissé (-1,3%).

Cependant, comparativement aux chiffres

pour mai 2003, en 2004, les arrivées de tou-

ristes ont progressé de 22% et les nuitées de

13,2%. Au total, les recettes voyages ont crû

de 0,6% en 2003 et, en mai 2004, de 5%.

Autre poste important de cette balance, les

rapatriements des fonds des travailleurs ne

faiblissent pas (4,8% au terme des 5 pre-

miers mois de 2004).

Les importations attestent du dynamisme de

l’économie puisque ce sont les biens d’équi-

pement (14,1%) et les demi-produits (8,4%)

qui progressent le plus rapidement. Au terme

des 5 premiers mois de l’année 2004, ces

tendances des imports et des exports se

confirment avec une évolution des premières

de 13,8% et des secondes de 4,7% dues à

celle des prix pétroliers et céréaliers.

(ii) la dette interne progresse et pèse

sur le développement du secteur privé

Pour l’année 2003, le déficit budgétaire s’éta-

blirait à 3,5% du PIB mais à 5% hors recettes

de privatisation alors que la loi de finances

prévoyait un déficit à 5,9%. Ce bon résultat

recouvrirait une amélioration des recettes

fiscales que ce soit les impôts directs (10%),

la TVA (8,9%) ou les recettes d’enregistre-

ment et timbre (6%). A contrario, les

recettes au titre des droits de douane conti-

nuent de régresser (-12,8%). Avec l’entrée

en vigueur en 2003 des réductions tarifaires

pour une troisième liste de produits, les

achats en provenance d’Europe, concernés

par le démantèlement tarifaire, ont augmen-

té de 47,5% et plus spécialement les biens

d’équipement industriels (20,2%), les demi-

produits (61,5%) et les biens de consomma-

tion qui ont doublé. Le manque à gagner

estimé s’élèverait à 2,3 milliards de dirhams

contre 1,5 milliards en 2002.

Si des efforts conséquents ont été entrepris

afin de réduire l’endettement global dont la

charge d’intérêt est passée de 4,4% à 4% du

PIB et le montant de 71,4% à 68,2% du PIB

en 2003, la dette interne continue de s’alour-

dir (48,2% en 2002 contre 49,7% en 2003).

La politique de gestion active de la dette qui

fait appel à des technologies de pointe, des

modélisations sophistiquées et des person-

nels hautement qualifiés a permis de déga-

ger un gain de 40 millions de dollars suite au

rachat de titres de dette relativement oné-

reuse pour un montant de 400 millions d’eu-

ros empruntés sur les marchés internatio-

naux à des taux intéressants et dans des

conditions favorables (notamment il n’a pas

été demandé de caution ce qui prouve la

confiance que les marchés attribuent au

-196-

Maroc). Reste que l’arbitrage entre l’accrois-

sement de la dette interne qui évite de sup-

porter les coûts des fluctuations des taux de

change des devises et la ponction que cela

implique sur les disponibilités financières

domestiques devient un point extrêmement

sensible car les risques d’éviction du secteur

privé sont réels.

(iii) une politique monétaire en

recherche d’efficacité

La redéfinition de la politique monétaire en

faveur d’instruments basés sur des méca-

nismes de marché au Maroc est confrontée à

trois écueils : un comportement des orga-

nismes financiers non dicté par leurs besoins

de refinancement auprès de la banque cen-

trale, le sous-développement des marchés

financiers et la levée des fonds effectuée par

le gouvernement en vue de financer la dette

qui privilégie de plus en plus les marchés

domestiques. Les banques commerciales sont

en effet « hors banque » du fait de l’abon-

dance des liquidités suite aux opérations de

privatisation et aux entrées très importantes

de fonds des travailleurs émigrés ce qui peut

engendrer des tensions inflationnistes en

affaiblissant le contrôle exercé par la banque

centrale (Femise 2004b).

En 2003, cette situation s’est reproduite. La

forte augmentation des avoirs extérieurs liée

à la privatisation de la Régie des Tabacs (14

milliards de dirhams dont 11 en devises) et la

vigueur des rapatriements des fonds des tra-

vailleurs émigrés, qui ne se dément pas, ont

créé un excédent de liquidités. La banque

centrale est intervenue sur plusieurs plans :

(i) elle n’a pas modifié les taux d'intérêt

directeurs qui avaient été réduits de 100

points de base en 2002 (3,25%) afin d’en-

courager l’investissement, dont le coût reste

raisonnable, et l’épargne ; (ii) le marché

étant devenu « hors banque » en juillet, elle

a relevé le ratio de la réserve monétaire qui

est passé de 14% à 16,5% en septembre

après une hausse de 10% à 14% en

décembre 2002 et la rémunération de ces

avoirs a été augmentée de 0,5% à 0,75% ;

(iii) une partie des recettes générées par la

privatisation de la Régie des Tabacs a été

affectée au Fonds Hassan II pour le dévelop-

pement économique et social. Reste que M3

a progressé de 8,7% et M1 de 9,6% alors

que les objectifs fixés étaient de 7,5% et

8,5% respectivement. Le manque d’efficacité

des instruments de la banque centrale se

confirme dans un contexte de renforcement

des avoirs extérieurs nets (15,1%) et des

crédits à l’économie (8,7%).

Face à la persistance de la surliquidité, la

banque centrale a mis en place deux nou-

veaux instruments d’intervention qui lui per-

mettent de régler plus finement son action :

une facilité de dépôt permanente à 24 heures

rémunérée au taux de 2,25%, placement

volontaire et libre des excédents des

banques en fin de journée, et la reprise de

liquidités à 7 jours qui se fait par voie d’ap-

pels d’offres hebdomadaires à taux variables.

L’emploi de ces outils a été efficace et le taux

moyen pondéré du marché interbancaire est

resté dans la bande qui lui est assignée (limi-

te basse donnée par le taux des facilités de

dépôt à 24 heures qui est de 2,25%).

Néanmoins, l’inflation étant sous contrôle, ce

dérapage récurrent des agrégats monétaires

n’est pas inquiétant en soi, il le devient

quand on analyse la structure des crédits dis-

tribués. Ainsi, si les crédits accordés aux

entreprises et aux particuliers ont augmenté

de 7,9%, près de la moitié de ces crédits a

été attribuée à un nombre très limité d’opé-

rateurs, l’autre moitié aux ménages.

Le fort degré d’exposition des banques, issu de

la concentration de leurs activités sur un petit

-197-

nombre de clients privilégiés, perdure malgré

l’expérience passée. Le financement des PME

par le secteur bancaire reste très insatisfai-

sant. La baisse des taux d'intérêt n’est pas

répercutée auprès de ces acteurs essentiels de

la « mise à niveau » et de l’aveu même des

banques cela est le résultat d’une évaluation

des risques qui leur est particulièrement défa-

vorable. La banque centrale cherche donc à

améliorer l’environnement judiciaire et fiscal

des entreprises et l’information financière. Un

effort est indispensable quant à la transparen-

ce et à la qualité des informations concernant

la situation des petites entreprises domes-

tiques, mais il convient avant tout de trouver

des moyens d’inciter les banques à redéployer

leurs activités. De nouvelles avancées dans le

domaine de l’ouverture du secteur bancaire

aux opérateurs étrangers aideraient à dynami-

ser la concurrence et à faire évoluer les com-

portements.

De ce point de vue, une meilleure convertibili-

té du compte de capital permettrait (i) d’atti-

rer des nouveaux intervenants sur les mar-

chés de capitaux domestiques et de limiter la

disponibilité pour les banques de titres d’Etat

dont les rendements sont parfois relativement

faibles mais sûrs ce qui les encourage à rester

crisper sur leurs positions passées, (ii) de faci-

liter, par la même occasion, le financement de

la dette interne qui est assez conséquente et

pourrait évincer le secteur privé si les sources

de financement ne sont pas multipliées, tout

en améliorant la liquidité et la profondeur des

marchés de capitaux et en limitant les risques

liés à leur développement, car plus le marché

est étroit, plus les risques de crise financière

et les chances de voir aboutir des opérations

de spéculation pure sont forts.

D’un autre côté, la stratégie des banques

impacte sur la consommation des ménages et

leur niveau d’endettement qui progressent

dans l’euphorie de la libéralisation de l’accès au

crédit pour cette catégorie de clients. Mais le

salaire réel est bas et ses perspectives de

croissance restent faibles, sauf pour un volant

de privilégiés (salariés du secteur public

notamment), puisque la maîtrise des salaires

est un élément clé de la compétitivité marocai-

ne. A long terme, cette situation risque (i)

d’accroître la fracture sociale du fait du carac-

tère fortement segmenté du marché du travail

marocain ; (ii) de peser sur les capacités de

consommation futures en alourdissant le taux

d’endettement des ménages alors que la

consommation privée a souvent été employée

pour lisser le cycle économique ; (iii) de peser

sur la compétitivité du fait de la faible flexibili-

té des salaires sur certains segments du mar-

ché du travail et de mettre en péril les équi-

libres macroéconomiques étant donné les dif-

férences de productivité des secteurs abrités et

exposés à la concurrence, le développement

rapide du secteur tertiaire et une boucle

salaires-prix impulsée largement par la hausse

du niveau de vie dans le secteur public.

La banque centrale mène donc plusieurs pro-

jets visant à sécuriser le financement des

PME. Une étude doit déboucher sur la mise

en place d’une Centrale des Bilans, équiva-

lent de la Centrale Information Client qui

concerne les particuliers. Elle aide les

banques à améliorer leur système d’évalua-

tion des risques en réduisant les éléments

subjectifs afin d’instaurer une tarification

plus juste. Elle implique les banques, mais

également les représentants des PME-PMI

dans le processus, ce qui aide à instaurer un

climat de confiance.

(iv) compétitivité et structure du mar-

ché du travail marocain : la flexibilité

doit être améliorée

La compétitivité-coûts de l’économie maro-

caine est progressivement entamée par l’ar-

rivée de nouveaux concurrents (Chine) ou

-198-

par l’impossibilité pour les autorités de

contenir plus longtemps les hausses sala-

riales. De ce point de vue, la structure, les

aspects institutionnels, et les évolutions

actuelles du marché du travail marocain pré-

sentent certaines rigidités qui sont domma-

geables à la croissance.

(i) le salariat dans le secteur public pèse sur

le mode de détermination des salaires dans

l’économie et est source de tensions infla-

tionnistes.

Ce n’est pas tant le nombre de travailleurs

du secteur public (9,8% de la population qui

travaille mais 18,5% en milieu urbain) qui

pose problème que la masse salariale que

cela représente. Il s’agit de 12,5% du PIB

en 2001 mais 16% si l’on ajoute les charges

sociales et les salaires versés aux fonction-

naires des collectivités locales et 46,9% des

dépenses globales de l’Etat en 2003. Le

recrutement des cadres explique l’alourdis-

sement de ce poste. Leur effectif a quasi-

ment doublé depuis 1990. Globalement, le

salaire brut annuel moyen a crû de 5,4%

par an entre 1990 et 2002 soit un peu plus

vite que le SMIG (5,1%), ce qui se traduit

par une hausse du pouvoir d’achat en

termes réels de 1,6% l’an. Les syndicats,

très puissants du fait des liens historiques

étroits qu’ils entretiennent avec les diri-

geants, ont obtenu des revalorisations sala-

riales conséquentes. Le problème est que

les salaires dans le secteur formel non

public sont largement influencés par les

salaires du secteur public et le niveau du

SMIG alors que ceux-ci et leurs hausses ne

tiennent que peu compte de la conjoncture

présente ou future.

Ces évolutions dans le secteur public ne peu-

vent que nourrir la consommation qui reste

un moteur puissant de la croissance écono-

mique marocaine mais avec la hausse des

niveaux de vie apparaît une demande crois-

sante pour les services, biens non-échan-

geables, qui entraîne à son tour des hausses

de salaires dans ces secteurs. Pourtant le

secteur public et celui des biens non-échan-

geables enregistrent d’habitude des niveaux

de productivité relativement plus faibles que

ceux obtenus dans le secteur des biens

échangeables ce qui, dans un contexte de

croissance de la demande et de revalorisa-

tion salariale est susceptible de créer des

pressions inflationnistes et d’affaiblir la com-

pétitivité externe de l’économie. Au Maroc,

une des sources d’inflation par les prix pro-

vient de l’importance et de la puissance du

secteur public dont la productivité est relati-

vement moins élevée.

(ii) le secteur informel souffre de rigidités

propres

Ce secteur regroupe dans une large mesure

des activités visant la survie des populations,

mais également des activités plus dyna-

miques. Cependant, l’organisation des unités

de production informelles et la structure de

ce segment engendrent des rigidités qui peu-

vent bloquer la fixation des salaires selon les

conditions de l’offre et de la demande.

Le marché du travail marocain, comme pour

la plupart des pays en développement, com-

prend plusieurs segments : le secteur formel

(public et privé) relativement plus protégé,

mieux rémunéré, dont les droits sont mieux

défendus et où la demande de travail est

supérieure à l’offre ce qui ne signifie pas for-

cément un ajustement des salaires à la bais-

se ; et le secteur informel qui devrait théo-

rique fonctionner de manière plus concurren-

tielle. Au Maroc, il apparaît que certaines

activités telles que l’artisanat présentent des

barrières à l’entrée considérables issues de la

maîtrise de pratiques traditionnelles ou de

l’existence de règles strictes implicites, ce qui

-199-

explique que les salaires puissent parfois ne

pas refléter les conditions de l’offre et de la

demande.

Une enquête récente (1999-2000) ayant

pour objet la structure du secteur informel

non agricole au Maroc souligne l’importance

de ce secteur pour l’économie. Il compte

pour 17% du PIB, représente 39% de l’em-

ploi non agricole total (mais 46,8%, si sont

exclues les administrations et collectivités

locales) et 20,3% de l’emploi total. 72,6%

des unités de production informelles sont

situées en milieu urbain et leurs activités

relèvent du secteur du commerce et de la

réparation (48,2%), de l’industrie et de l’ar-

tisanat, notamment textile et cuir (25%), des

services hors commerce (19,8%) et de la

construction (7%).

Ce secteur absorbe nombre de travailleurs

qui auraient des difficultés à trouver un

emploi ailleurs. Encore trop peu de ces enti-

tés sont dirigées par des femmes (12,4% des

patrons) alors qu’au niveau national le taux

de féminisation de la population active est de

26,6% en 2003. Cela est dû à la difficulté

qu’elles ont à trouver des fonds ou un local.

Les patrons hommes sont souvent jeunes

(35,3% ont moins de 35 ans et 53,2% entre

35 et 59 ans) et pour 33,3% seulement ont

choisi l’activité qu’ils exercent du fait de leur

connaissance d’un métier et de leur qualifica-

tion professionnelle. Ces structures comptent

le plus souvent une personne (70,5% des

unités) et relèvent de l’auto-emploi (60,1%)

et 81,4% des actifs occupés dans ce secteur

ont un lien de parenté avec le chef d’unité de

production. Par ailleurs, le taux d’analphabé-

tisme s’élève à 40,1% (contre 49% au

niveau national), mais 70,3% des actifs du

secteur informel non agricole sont sans diplô-

me ce qui est nettement plus élevé que les

chiffres obtenus au niveau national (51,3%

et des actifs et 65,9% de la population acti-

ve) et a fortiori en zone urbaine où sont en

majorité localisées les UPI (40,3% des actifs

et 46,9% de la population active en zone

urbaine) en 2003.

C’est un segment qui détermine les effets

des réformes et la forme de l’ajustement du

tissu productif aux nouvelles conditions de la

concurrence domestique et internationale. Le

succès de la mise à niveau repose sur ces

entités que les banques rechignent pourtant

à soutenir. Selon l’enquête de 1999-2000,

34,6% de ces unités de production infor-

melles déplorent un manque de liquidités

surtout dans le secteur du commerce et

réparation. Cependant, si ces unités se plai-

gnent pour 51,4% d’une demande insuffisan-

te et d’une concurrence toujours plus forte et

si 45,6% des patrons sont pessimistes quant

à leurs chances de survie, surtout dans le

secteur des services hors commerce

(55,8%), presque autant sont optimistes

(39,6%) principalement dans le secteur

industriel (46,2%) alors que ce secteur est

particulièrement concurrentiel.

(iii) Un mode de fonctionnement du marché

du travail peu flexible

Les tendances de la création d’emplois font

apparaître une précarisation de l’emploi et

des sorties du marché du travail en période

de ralentissement économique mais on ne

peut pas conclure à « l’informalisation » de

ce marché. Comme c’est le cas dans la plu-

part des pays en développement, la hausse

de l’emploi indépendant correspond à des

phases de ralentissement des opportunités

d’emploi salarié.

Au Maroc, il semble exister cependant une

certaine inertie dans ce mécanisme de

reconversion. Par ailleurs, un large volant de

la population étant sans emploi, l’élasticité

de l’offre est importante ce qui explique la

-200-

lenteur de la progression de l’emploi salarié.

Ainsi, en 2003, la population active âgée de

15 ans et plus a crû de 5% du fait essentiel-

lement des effets de la bonne campagne

agricole sur la mobilisation des aides fami-

liales en milieu rural. Le taux d’activité au

niveau national a donc progressé de 1,2

points. La création nette d’emploi de l’écono-

mie pour 2003 a représenté 4,4% de la

population occupée, mais 63,3% de cette

progression a concerné des emplois non

rémunérés. Par ailleurs, depuis 1996 le taux

d’indépendants dans l’emploi urbain est

passé de 23,2% à 25,3%. L’emploi salarié

par contre a chuté. Il s’élevait à 62,4% de

l’emploi urbain au premier trimestre 1996 vs.

60,6% en 2003 mais il se maintient aux alen-

tours de 38% au niveau national.

Autre tendance structurelle dont les effets

commencent à se faire sentir : le travail des

femmes. Chez les nouvelles générations de

femmes, la question du coût d’opportunité

de la recherche d’un emploi se pose de

moins en moins, ce qui ne veut pas dire que

les structures et le fonctionnement du mar-

ché du travail facilite leur intégration. En

2003, le taux de féminisation de la popula-

tion active en chômage a atteint 33,2%

contre 28,4% en 2002. Reste que la fémini-

sation de la population active occupée parait

être principalement le résultat des évolu-

tions enregistrées dans le secteur agricole ce

qui signifie une vulnérabilité forte de cette

population tant en termes de conditions de

travail que de rémunération, de statut et de

précarité de l’emploi. Le taux de chômage en

zone urbaine est passé de 19,6% à 19,8%

mais de 25% à 28,4% pour les femmes alors

qu’il stagnait pour les hommes (11,7%).

L’exode rural, qui reflète l’industrialisation

croissante de l’économique marocaine,

contribue au gonflement des rangs des chô-

meurs en zone urbaine (15,4% en 1990

mais 19,4% en 2003).

L’importance du chômage de longue durée

(plus de 12 mois), soit 71% de la population

active pose la question de l’efficacité des

politiques d’aide à l’emploi et de la vulnérabi-

lité des populations touchées. Enfin 42,1%

des chômeurs sont en fin d’études ou de for-

mation tandis que le chômage touche les plus

diplômés (26%, 25,7% et 29,7% respective-

ment pour ceux issus d’un deuxième cycle de

l’enseignement fondamental, du secondaire

et du supérieur). Le niveau d’éducation ne

réduit donc pas significativement la probabi-

lité d’être sans emploi. De plus, les taux de

rendement de l’éducation qui sont de 10%

par année d’étude supplémentaire et profi-

tent généralement plus particulièrement aux

femmes en milieu urbain ne s’appliquent pas

au Maroc. Si un effet positif de l’éducation

sur le niveau de salaire existe dans le secteur

formel ce n’est pas le cas dans le secteur

informel. Le recrutement dans le secteur for-

mel étant largement fondé sur des liens pri-

vilégiés entretenus avec des personnels de

ce secteur, la segmentation du marché n’inci-

te pas les populations à investir dans l’édu-

cation lorsque les perspectives d’obtenir un

emploi dans le secteur formel sont faibles.

L’amélioration du capital humain au Maroc ne

peut qu’en souffrir.

Un potentiel de création d’emploi conséquent

existe dû au développement du secteur ter-

tiaire. Ce secteur a enregistré des taux de

création d’emploi moyen annuel de 5,1% sur

la période 1983-2002. Bien qu’un net ralen-

tissement apparaisse dans la seconde moitié

de la période (7,7% pour 1983-1994 contre

1,4% pour 1995-2002), un redémarrage est

inévitable du fait de la conjugaison de plu-

sieurs facteurs structurels : l’externalisation

croissante des activités de services entrant

dans le processus de production des biens,

l’économie de main-d’œuvre due aux progrès

technologiques effectués dans les secteurs

de l’agriculture et de l’industrie, l’évolution

-201-

de la structure de la consommation plus lar-

gement tournée vers les services à mesure

que les niveaux de vie augmentent. Pour

l’instant, la croissance de la valeur ajoutée

créée par ce secteur a été identique à celle

du PIB et stagne donc autour de 31% mais

cela devrait changer.

La croissance dans ce secteur a été relative-

ment plus fortement créatrice d’emplois que

dans les autres secteurs de l’économie. D’un

point de vue qualitatif, l’emploi dans ce sec-

teur n’a pas significativement changé. Le taux

de féminisation ainsi que la part de l’emploi

salarié (15,7% en 2000 alors que dans le sec-

teur secondaire elle a gagné 10 points pour se

situer à 37%) n’ont que très peu varié. Ces

performances, apparemment encoura-

geantes, sont cependant jugées insuffisantes

par Derkaoui (2004). Le Maroc souffrirait d’un

retard en termes de nombre d’emplois dans le

secteur tertiaire qui s’élèverait à 3 millions

comparativement au Portugal. Par ailleurs, il

montre que, de 1983 à 1994, la croissance

annuelle moyenne de l’emploi dans les ser-

vices à été de 7,7% tandis que celle de la

valeur ajoutée réelle par tête était de –3,7%

contre 1,9% pour l’emploi et 2,7% pour la

productivité dans le secteur agricole et 1,7%

de croissance de l’emploi et 1,4% de la pro-

ductivité dans le secteur secondaire. En

revanche, sur la période 1994-2000, la crois-

sance annuelle moyenne de l’emploi dans le

secteur tertiaire s’est située à 1,4% tandis

que celle de la productivité s’élevait à 1,3%

contre 5,2% et –6,7% respectivement dans le

secteur agricole et 2% et 1,8% pour l’emploi

et la productivité dans le secteur secondaire.

Ces mêmes calculs pour la Turquie sur la

période 1994-1998 montre que ce pays a su

préserver la croissance de l’emploi (3,2%)

tout en améliorant la productivité considéra-

blement (+3,5%) [11] . Il en est de même

pour la Grèce qui enregistre une croissance de

l’emploi de 3,3% et de la productivité de

1,4%, soit autant que le Maroc mais en créant

plus d’emplois.

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ces

contrastes : (i) les liens étroits qui lient la

Turquie et la Grèce à l’Europe a obligé ces

pays à mettre en place un train de réformes

visant explicitement l’amélioration du jeu de

la concurrence ce qui a dynamisé les gains de

productivité. L’Egypte ou le Maroc qui sont en

retard comparativement aux deux premiers

sur ce plan enregistrent une évolution de

leurs gains de productivité semblable ce qui

étaye cette première explication ; (ii) la

structure du travail dans ce secteur qui fait la

part belle au travail à temps partiel, la péni-

bilité des emplois proposés et une probabilité

d’obtenir un travail salarié structurellement

faible, même si le niveau de salaire semble

être plus élevé dans ce secteur [12], pour-

raient être des facteurs peu incitatifs de

même que la diffusion réduite des NTI et le

développement lent de ces activités.

(iv) certaines caractéristiques institution-

nelles pourraient interférer également avec

la réduction du chômage.

Il existe au Maroc une judiciarisation crois-

sante des rapports sociaux et le règlement

des conflits ne peut pas être accéléré ou faci-

lité, ni même jugé à l’aune de sa cohérence

au regard d’un recueil de jurisprudence

puisque celui-ci n’existe pas.

Ce cadre, que les autorités ont des difficul-

tés à faire évoluer et qui laisse une marge

d’appréciation considérable aux tribunaux, a

des répercussions sur (i) l’implantation d’en-

treprises étrangères qui sont demandeuses

d’un cadre clair et précis afin de pouvoir

anticiper les coûts potentiels de gestion de

leur salariat, (ii) l’égalité des chances qui est

limitée du fait des barrières à la sortie

importantes existantes et de la masse d’in-

-202-

formations que les employeurs cherchent à

récolter avant de décider de l’embauche, ce

qui les conduit à recruter souvent dans des

cercles étroits de connaissance afin de mini-

miser les risques liés à l’embauche, (iii) les

capacités de négociation des travailleurs en

place qui sont renforcées, (iv) l’adaptation

du salariat à la conjoncture économique est

entravée à cause de l’impossibilité de procé-

der à des licenciements économiques, par

exemple, (v) la précarisation des travailleurs

qui se voient plus fréquemment offrir des

contrats à durée déterminée. Ces éléments

se répercutent sur le niveau d’emploi, sur la

contribution des entreprises à l’amélioration

et la constitution d’un capital humain et sur

les gains de productivité.

Les syndicats et l’administration sont très

actifs et leur pouvoir de négociation impor-

tant permet l’application dans le secteur privé

formel et public des réglementations en

matière de licenciements qui sont plutôt res-

trictives, mais cela renforce encore la dualité

du marché du travail où un segment est pro-

tégé tandis que le reste du secteur est sou-

mis aux libres forces du marché. Naânaâ

(2002) montre par ailleurs que le coût total

de la taxation du travail [13] a eu des consé-

quences négatives sur l’emploi dans le sec-

teur public et dans le secteur privé formel.

Agénor, Nabli, Yousef, Jensen, (2003) analy-

sent les effets des politiques de gestion de

l'emploi dans les pays exportateurs de tra-

vailleurs dans la région MENA. Leur approche

est très complète et intègre à la fois les

conséquences d'une dimiution des taxes,

d'une hausse des subventions à l'emploi, d'un

allégement de l'emploi et des salaires dans le

secteur public, d'un affaiblissement du pou-

voir de négociation des syndicats. Le résultat

final de ces options est cohérent avec la théo-

rie. Ainsi, une baisse des taxes sur le travail

non qualifié pourrait aider à créer des emplois

non-qualifiés et à limiter la substitution du

travail non-qualifié par du travail qualifié et du

capital dans le secteur formel. Les simulations

montrent, de plus, que l'évolution des coûts

relatifs du travail qualifié et non-qualifié

détermine le niveau de l'emploi qualifié et

non-qualifié et leur substitution. Une hausse

des subventions à l'emploi non qualifié et un

pouvoir de négociation moins important des

syndicats, qui permet de limiter les gains

salariaux, débouchent sur des implications

similaires Cependant, l'effet final de ce type

de mesure est ambigu et dépend crucialement

du mode de financement de ces mesures. SI

elles sont financées par l'emprunt sur le mar-

ché domestique ou par des taxes supplémen-

taires sur les ménages qui investissent, alors

l'effet d'éviction qui frappe le secteur privé

peut diminuer l'accumulation du capital, la

croissance et donc l'offre d'emploi.

Pour ce qui est du cas particulier du Maroc,

Agénor, El Aynaoui (2003) montrent qu'une

baisse de 5% du SMIG, la dépense publique,

l'investissement et les transferts aux

ménages restant identiques, pourrait favori-

ser une progression de l'emploi non-qualifié

(3,5%). Le recul de l'emploi qualifié concomi-

tante permettrait une pérennisation de cet

effet, abaisserait les salaires du travail quali-

fié et engendrerait un redéploiement de l'em-

ploi en faveur du secteur informel et agricole.

La limite de ce genre de proposition est qu'el-

le suppose un arbitrage entre la flexibilité du

marché du travail et la pauvreté. Les tra-

vailleurs dont le niveau de vie dépend du

SMIG sont nombreux aussi bien dans le sec-

teur formel (1/3) que le travail précaire à

temps partiel ou les femmes et les employés

des entreprises exposées à la concurrence

étrangère. Par ailleurs, les études montrent

que les fluctuations du SMIG et du SMAG

sont fortement corrélées positivement avec

le recul de la pauvreté.

-203-

Syrie

Dans les années 1990-1995, la Syrie a enre-

gistré des taux de croissance élevés, autour

de 5-6% du fait des découvertes de pétrole

et d’une certaine avancée dans les réformes

mais depuis lors les réformes ont beaucoup

ralenti et la croissance a décéléré. La moyen-

ne annuelle se situe donc pour 1993-2003 à

3,1% mais à 2,5% pour 2003. Pour 2003-

2007, la banque mondiale prévoit une crois-

sance un peu plus rapide à 3,9% par an en

moyenne. Cependant, avec 23,5% de la

valeur-ajoutée générée par l’agriculture,

28,5% par l’industrie et 48% par les ser-

vices, les performances économiques du

pays ainsi que les recettes budgétaires (plus

de 50%) sont chaotiques, déterminées par

les aléas climatiques et le prix des produits

pétroliers.

Pour le gouvernement, la difficulté est donc,

comme pour l’Algérie, et les pays exporta-

teurs de pétrole en général, de retrouver une

emprise sur l’économie et des capacités de

lissage du cycle. Celles-ci ne peuvent prove-

nir que du développement du secteur privé

non pétrolier et du commerce. Or les perfor-

mances en termes d’ouverture sont faibles

car fortement tributaires des relations du

pays avec ses voisins et les Etats-Unis ou

l’Europe. Ainsi, les exports de biens et ser-

vices ne représentent encore que 40,2% du

PIB pour 2003 (Jordanie 44,5%, Tunisie

48,2%) et les imports 33% (Jordanie 70%,

Tunisie 50,3%). Dans ses tentatives

d’étendre son commerce, contraintes par les

restrictions américaines accrues, la Syrie est

parvenue à finaliser un accord d’association

avec l’Europe qui pourrait être prometteur.

Reste que les taux de protection sont parmi

les plus élevés au monde et la complexité du

système ne facilite pas l’expansion du com-

merce. Enfin, les tentatives récentes pour

harmoniser les taux de change sont impor-

tantes mais ne sont qu’une étape préliminai-

re sachant, par exemple, que permettre l’ac-

cès des exportateurs aux devises nécessaires

fait défaut.

Lisser le cycle économique et les ressources

budgétaires via le développement du secteur

privé nécessite également que soient mises

en place les réformes permettant le passage

à une économie de marché. L’omniprésence

étatique dans le système productif et de dis-

tribution du crédit, un système bancaire

insuffisamment concurrentiel et les distor-

sions de prix des biens comme des res-

sources financières induites par les politiques

de subvention et le contrôle des taux d'inté-

rêt, ont engendré des biais dans l’allocation

des ressources qui pénalisent les PME. La

structure productive syrienne est donc forte-

ment dualiste caractérisée par des entre-

prises publiques relativement moins produc-

tives, mais dont le développement et la

pérennité est assurée par l’Etat et des liens

privilégiés avec les banques, et des PME

dynamiques mais peu soutenues.

Un programme de réforme a été annoncé,

notamment du système bancaire, mais qui

reste flou dans les étapes de sa mise en

œuvre aussi bien que dans sa portée exacte

et dans son articulation avec l’existant. Ceci

n’encourage pas l’investissement privé

domestique comme les entrées de capitaux.

De ce fait, même si la qualité du travail s’ac-

croît, l’amélioration de la productivité est

entravée par la difficulté à importer du pro-

grès technique et les distorsions que la taille

de l’emploi public engendre sur le marché du

travail, notamment en termes d’écart entre

les compétences acquises et celles dont les

entreprises privées ont besoin.

L’immobilisme pèse lourdement sur le niveau

de vie des populations. La croissance du PIB

-204-

par tête a été, en moyenne annuelle, de

3,6% par an entre 1995 et 1990, donc supé-

rieure aux performances des pays de la zone

MENA ou du monde. Mais elle a régressé et

se monte à 0,5% entre 2000 et 1996, soit

moins que l’ensemble de la zone ou que le

monde, alors que, pour d’autres PM, la chute

a été moindre ou la croissance a augmenté

(tableau 1). L’ajustement vers une économie

de marché pourrait avoir des conséquences

négatives sur la tendance à la hausse de la

croissance du PIB par tête qui se dessine.

La situation macroéconomique actuelle de la

Syrie se caractérise par des avancées dans

les réformes qui sont certes timides, et pâtis-

sent de la manne pétrolière dont le pays pro-

fite actuellement, mais qui touchent ou pour-

raient toucher plusieurs domaines :

(i) Les effets de l’accord d’association

avec l’Europe dépendra fortement des

réformes et mesures d’accompagnement

Selon les estimations des experts, la levée

multilatérale des barrières tarifaires et non

tarifaires pourrait accroître les importations

syriennes de l’Europe de 40% pour les

graisses animales et huiles, de 36% pour les

viandes et poissons préparés, de 25% pour

la viande, de 22% pour les préparations de

légumes et fruits, de 20% pour les céréales,

de 19% pour le sucre, de 34% pour les tapis,

de 24% pour la céramique, de 21% pour les

tissus et de 17% pour les vêtements et

accessoires. Il faut souligner que la Syrie est

le seul PM a dégager un excédent commercial

avec l’Europe.

Jusqu’ici, les facilités offertes par l’Europe

dans le cadre de l’accès préférentiel au mar-

ché européen ne sont pas pleinement exploi-

tées par les exportateurs syriens (30% seule-

ment). Il existe des différences sensibles

selon les secteurs. Pour ce qui est des pro-

duits minéraux, elles atteignent 99,6% mais

cela ne va pas aider le pays à diversifier son

économie et à gagner en productivité et en

compétitivité. Pour ce qui est des produits

non-pétroliers, par exemple du textile ou de

l’habillement, les taux enregistrés sont faibles

respectivement de 0,2% et 3,4%. l’avantage

comparatif dont le pays bénéficie reste large-

ment sous-employé et les incitations tari-

faires accordées par le gouvernement,

notamment sur les exports de produits texti-

le et alimentaires, n’ont pas été très efficaces.

La structure des exports vers l’Europe, trop

centré sur les produits pétroliers, ne permet

pas, pour l’instant, de repositionner la Syrie

sur des produits de plus haute valeur-ajoutée

ou d’impulser des montées en gamme. A

moyen terme, l’accord, ainsi que la candida-

ture du pays à l’OMC déposée en octobre

2001, pourraient contribuer à la mise à

niveau du tissu industriel syrien, comme c’est

le cas pour les autres PM. Son impact dépen-

dra néanmoins des modalités de la mise en

œuvre des termes de l’accord et de la volon-

té d’ouverture réelle du pays qui reste à

démontrer. De manière toute aussi cruciale,

les conséquences de l’accord et de l’ouvertu-

re commerciale seront fonction des mesures

d’accompagnement instaurées visant à favo-

riser les restructurations des entreprises,

encourager l’investissement et l’importation

de biens capitaux incluant de nouvelles tech-

nologies et du progrès technique, améliorer

Tableau 1 : Croissance annuelle du PIB par

habitant.

2002-1990 1995-1990 2002-1996 2000-1996Syrie 2,3 3,6 1,0 0,5Algérie 0,1 -1,6 1,2 1,3Israël 1,5 3,2 0,1 2,4Jordanie 0,4 1,0 0,1 -0,7Liban 5,6 13,5 -0,2 -0,3Egypte 1,9 0,7 2,8 3,3Maroc 0,7 -0,9 0,6 -0,4Tunisie 3,0 2,3 3,2 3,8Turquie 1,3 1,2 0,8 1,6

Pays à revenu bas et moyen 2,3 1,4 2,8 2,8MENA 1,4 0,9 1,6 1,4Monde 1,6 1,0 2,0 2,3

GDP per capita, PPP (constant 1995 international $)

Source : Banque mondiale, WDI 2004.

-205-

la flexibilité du marché du travail, et assurer

la disponibilité des devises nécessaires.

(ii) Une réforme industrielle qui doit

préparer l’économie aux conséquences

de l’épuisement des réserves pétrolières

prévu pour 2010

La croissance économique en Syrie dépend

de l’agriculture (30% du PIB et 25% de la

force de travail) et du secteur industriel (qui,

y compris le secteur pétrolier, compte pour

20% du PIB et 45% des recettes d’exporta-

tion). Le secteur industriel non pétrolier

contribue au PIB à hauteur de 14% et

quelques 30% des activités concernées,

industrie lourde, chimie, relèvent du secteur

public alors que 85% de la production est

assurée par des PME. La part du secteur ter-

tiaire dans le PIB atteint 50% mais ce chiffre

est biaisé parce que sont ici comptabilisées

les activités de commerce de détail des pro-

duits pétroliers.

Le secteur privé est essentiellement consti-

tué d’une partie de l’industrie légère, du

commerce de détail, des transports et com-

munications, de certains acteurs du secteur

touristique. Pour ce qui est des industries pri-

vées manufacturières, elles interviennent

dans les secteurs du textile et de l’agro-ali-

mentaire, du bois et des meubles. Ce sont

malheureusement des secteurs où la concur-

rence va s’intensifier avec l’arrivée de la

Chine sur les marchés mondiaux et qui, de

plus, enregistrent des taux de croissance

inférieurs à celui des échanges. Les perspec-

tives ne sont donc pas favorables d’autant

que la part des exportations de haute tech-

nologie dans les produits manufacturés est la

plus basse de la zone à 0,61% en 2002

contre 0,76% pour l’Egypte, mais 3,77%

pour la Tunisie, 11,1% pour le Maroc, 17,5%

pour les pays à revenu moyen à bas et

21,4% pour le monde.

La Syrie commence tout juste à se défaire

d’un modèle de gestion économique centrali-

sé à la soviétique. La modernisation des

entreprises publiques est à l’étude, mais

aucune privatisation n’est à l’ordre du jour.

Le programme syrien prévoit une restructu-

ration du Ministère de l’Industrie et la créa-

tion d’un Centre de la Modernisation

Industrielle qui serait chargé d’étudier les

meilleures options pour « mettre à niveau »

les entreprises d’Etat. Les autorités ont opté

pour une approche originale basée sur une

transition en douceur vers l’économie de

marché et une restructuration des entre-

prises publiques graduelles via le désengage-

ment de l’Etat dans la gestion mais non dans

le capital de l’entreprise.

La stratégie s’oriente donc vers la création

d’entreprises associant le public et le privé,

de structures où la gestion serait laissée à

des décideurs privés et serait donc guidée

par des critères d’efficacité et de capacité à

faire face à la concurrence nationale et inter-

nationale alors que le gouvernement reste-

rait propriétaire de l’entreprise. Ce type de

montage permettrait de tirer parti des modes

de gestion privilégiant l’efficacité, d’accroître

la productivité et la compétitivité tout en

n’imposant pas à l’économie un coût d’ajus-

tement lourd. Les décideurs privés auraient

une entière liberté concernant les choix

financiers dans les limites de la préservation

de l’emploi existant. Cette dernière restric-

tion constitue une contrainte extrêmement

lourde sachant que le secteur public emploie

encore 73% de la force de travail alors qu’il

ne contribue au PIB qu’à hauteur de 33%.

Par ailleurs, la concurrence venant du sec-

teur privé est encouragée. Néanmoins, les

précédentes tentatives pour développer le

secteur privé se sont heurtées à un manque

d’intégration et de cohérence des mesures

prises. Ainsi, des incitations fiscales ont été

accordées et les délais de grâce étendus, la

-206-

possession de biens immobiliers par des

étrangers pour des projets d’investissement

permise et les règles de rapatriement des

fonds assouplies. Mais, n’étant pas relayées

par un changement de mentalités et un allé-

gement des obstacles et lourdeurs adminis-

tratifs à tous les niveaux, et présentant des

incompatibilités avec d’autres articles de la

législation en vigueur, ces dispositions n’ont

pas eu l’effet dynamisant escompté.

Le programme actuel de réforme et restruc-

turation de l’économie est très ambitieux,

probablement le plus ambitieux qu’ait connu

le pays, mais ses étapes et son articulation

avec les autres politiques économiques et

dans le système existant sont floues et

sapent partiellement sa crédibilité et la

confiance que les agents sont près à y accor-

der. L’épuisement des réserves pétrolières à

brève échéance, qui pourrait causer un ralen-

tissement économique considérable, deman-

de à ce que le pas des réformes soit considé-

rablement accéléré afin que le pays puisse

utiliser les ressources générées par l’exploi-

tation de ses ressources naturelles pour pla-

cer son économie sur un sentier de croissan-

ce durable et développer un secteur privé qui

puisse prendre le relais du secteur public

pétrolier en tant que moteur de croissance et

de création d’emploi.

(iii) Un secteur bancaire qui ne contri-

bue que marginalement à la croissance

L’accumulation du capital, si elle a été très

dynamique entre 1995 et 1990 en liaison avec

le développement de l’exploitation du pétrole,

est aujourd’hui atone. La formation de capital

fixe en termes réels a perdu -5,5% entre 2000

et 1996 mais commence à se redresser. Elle

présente un taux de croissance de +19,8% en

2001 et de +3% en 2002 malgré une conjonc-

ture peu encourageante. Cela ne signifie pas

que l’allocation des ressources soit efficace et

que les projets les plus porteurs, souvent pré-

sentés par des PME, sont privilégiés.

Comme dans nombre de pays où la présence

étatique est forte, les entreprises publiques

entretiennent des liens privilégiés avec les

banques publiques et le secteur privé subit un

effet d’éviction et une discrimination négative.

Ainsi, le crédit domestique distribué par le

secteur bancaire rapporté au PIB est le plus

bas de la zone et atteint 26,7% en 2002

contre 29,1% pour l’Algérie, 109,8% pour

l’Egypte, 90,4% pour la Jordanie, 74,4% pour

la Tunisie et 72,8% pour la région MENA. La

contribution à la croissance du secteur ban-

caire est donc particulièrement faible. Par

ailleurs, il faut rappeler que la part du secteur

privé dans le crédit domestique en Syrie est le

Tableau 2 : Caractéristiques du crédit au secteur privé

1990 1995 2002 1990 1995 2002 1990 1995 2002Syrie 3,4 3,9 0,7 7,5 11,2 8,0 56,6 48,1 26,7Algérie 12,2 0,9 2,6* 44,4 5,2 6,8* 74,5 48,7 29,1*Israël 6,3 12,1 3,4 57,6 68,2 97,8 106,2 81,0 93,6Jordanie 18,5 18,3 8,6 72,3 74,4 73,5 117,9 93,2 90,4Liban 4,7 9,5 1,7 79,4 57,9 90,8 132,6 87,3 196,1Egypte 27,6 13,1 1,5 30,6 37,0 60,6 106,8 81,8 109,9Maroc 44,2 6,9 2,3 34,0 47,9 54,4 60,1 79,5 84,5Tunisie 5,9 10,4 5,4 .. 68,6 68,6 62,5 71,4 74,4Turquie 42,9 63,6 3,3 16,7 18,5 14,9 19,5 27,9 59,3

Pays à revenu bas et moyen .. .. .. 39,3 44,6 55,9 60,9 55,6 76,9MENA .. .. .. 39,5 39,3 50,2 70,4 65,1 72,9Monde .. .. .. 97,5 105,7 118,1 121,2 135,7 150,7

Claims on private sector (annual growthas % of M2)

Domestic credit to private sector (% ofGDP)

Domestic credit provided by bankingsector (% of GDP)

* : 2001Source : Banque mondiale, WDI 2004.

-207-

plus bas de la zone (8% en 2002) contre

50,2% pour les pays de MENA et 55,9% pour

les pays à revenu moyen et bas, mais 90,8%

pour le Liban, 97,8% pour Israël, 68,6% pour

la Tunisie et 73,5% pour la Jordanie. De

même, la croissance de la part des avances au

secteur privé dans M2 reste faible comparati-

vement aux voisins (tableau 2).

Les liens privilégiés existants entre les

banques publiques, d’une part et les entre-

prises publiques et le gouvernement, d’autre

part accroissent les risques systémiques. Les

prêts accordés aux entreprises publiques et

au gouvernement sont généralement d’un

montant substantiel, de plus le portefeuille

d’actifs des banques est concentré sur un

petit nombre d’acteurs, ce qui fragilise leur

activité. Reste que, en Syrie, le secteur ban-

caire est particulièrement étroit ce qui donne

une bonne idée du retard de développement

dont souffre le secteur privé et du degré d’ex-

position à une crise financière . La réforme et

la libéralisation du système bancaire et finan-

cier et des mesures concernant les modalités

de sa régulation et supervision sont en cours

. Jusqu’ici les activités bancaires et d’assu-

rance étaient un monopole d’Etat et l’ouver-

ture du secteur aux investisseurs étrangers

permettra une mise à niveau rapide grâce au

partage de leurs savoir-faire. Cependant, le

succès de cette réforme suppose :

(i) une dérégulation des taux d'intérêt

comme pré-requis au fonctionnement

selon les conditions du marché du sec-

teur. La politique monétaire syrienne est

encore fondée sur un contrôle du crédit

et les taux d'intérêt plafond applicables

au secteur public et, dans une certaine

mesure, au privé sont fixés par le gou-

vernement. La politique monétaire doit

donc également être réformée et l’enca-

drement du crédit devrait être abandon-

né en faveur d’instruments basés sur

des opérations de marché (taux d'inté-

rêt, opérations d’open-market, reprise

de liquidités, etc.). Cela aura forcément

des répercussions sur l’inflation qui est

sous contrôle (-0,9% entre 2002 et

1998 malgré un dérapage en 2003,

4,3% dû à l’afflux des avoirs étrangers),

mais ne reflète pas la réalité de la situa-

tion du fait de l’ampleur de la politique

de prix administrés.

(ii) Une restructuration des actifs et une

réforme rapide du mode de gestion des

compagnies du secteur public et des

banques publiques puisque les privati-

sations sont exclues à ce stade. Les pre-

mières doivent devenir suffisamment

compétitives pour pouvoir attirer des

capitaux étrangers ou se financer sur le

marché financier domestique qui devrait

être créé bientôt. Les secondes ne pour-

ront soutenir la concurrence avec les

nouveaux entrants que si leurs position

est consolidée et si les créances irrécou-

vrables qui pourraient dériver de leurs

liens étroits avec les entreprises

publiques sont provisionnées.

L’évaluation de la solvabilité et de la

solidité des banques sera compliquée

par la prise en compte des difficultés

que pourraient rencontrer leurs clients

privilégiés dans le futur avec les avan-

cées de la libéralisation.

La création d’un marché financier est prévue

afin de diversifier les sources de financement

aussi bien pour les entreprises domestiques

que pour permettre un financement plus aisé

de la dette, qui est très élevée (plus de 100%

du PIB). Cette mesure pourrait favoriser l’en-

trée de capitaux étrangers et limiter l’effet

d’éviction sur le secteur privé. Dans cette

perspective, les taux de change doivent être

harmonisés et la convertibilité externe amé-

liorée et, de ce point de vue, des progrès

nets ont été faits.

-208-

Reste que, pour ce qui est de la structure du

capital des nouveaux établissements ban-

caires, 49% peut appartenir à des institu-

tions non syriennes, mais aucun individu ne

doit détenir plus de 5% du capital. De plus,

la part de l’Etat syrien est fixée à 25%. Le

montage financier des projets risque donc de

s’avérer difficile et une forte présence éta-

tique pourrait réduire leur attractivité. Les

banques libanaises sont cependant particu-

lièrement intéressées puisque la réforme va

détourner d’elles nombre de syriens qui leur

confiaient jusqu’ici leurs fonds et la gestion

de leurs placements. Celles-ci, connaissant

des difficultés sur leur marché domestique,

considèrent que leur est offerte là une bonne

opportunité de diversifier leurs activités et de

bénéficier par la suite d’une entrée précoce

sur ce marché mal connu et dont le potentiel

de développement est considérable.

Une économie incapable de créer les

emplois nécessaires pour stabiliser le

taux de chômage

L’urgence des réformes apparaît très claire-

ment lorsque l’on se penche sur le niveau de

vie de la population et ses perspectives

d’amélioration via, en particulier, une offre

d’emplois accrue. Bien que la Syrie enre-

gistre des performances en termes de crois-

sance du niveau du PIB par tête relativement

bonnes, en niveau, il reste le plus bas de la

zone. En 2002, il représente 46,1% du PIB

moyen mondial par habitant, 64,5% de celui

des pays de la région MENA et 88,8% de

ceux ayant un revenu moyen à bas.

Par ailleurs, le niveau de fécondité est un des

plus haut des PM à 4%. La population croit

actuellement au taux de 2,6% par an et la

force de travail au taux de 5% par an. Les 5-

20 ans sont 400000 à 500000 (quelques 40%

de la population) et si le taux de participation

se maintient à son niveau actuel qui est de

60% alors 240000 à 300000 personnes vont

venir gonfler la force de travail chaque année

pendant encore une décennie. La Banque

mondiale estime qu’il faudrait des taux

annuels de croissance de 8% pour parvenir à

absorber ces nouveaux entrants et à réduire

le chômage qui s’élève à 11,7% en 2002,

selon les données officielles, mais à 20% si

sont comptés les sous-employés. Le challen-

ge est donc extrêmement élevé et pourrait

l’être bien plus que ces estimations ne le lais-

sent supposer puisqu’elles ne tiennent pas

compte des effets potentiels de l’exode rural

qui s’accélèrera avec l’industrialisation de

l’économie, d’une part et de la hausse du

taux de participation des femmes qui est, en

2002, de 27,6% soit le plus bas des PM

(38,1% pour la Turquie, 41,7% pour Israël).

Le gouvernement doit également trouver des

moyens de remédier aux divergences que

l’importance de l’emploi public n’a pas man-

qué de créer entre les compétences et

connaissances valorisables sur le marché du

travail auprès des entreprises étrangères

et/ou privées et celles offertes par le systè-

me éducatif et qui permettaient jusque là de

prétendre à un emploi dans le secteur public.

Enfin, la population souffre encore d’un illet-

trisme assez important : 17,1% alors que la

moyenne des pays à revenu moyen à bas est

de 10%. Cette faiblesse se double d’une dis-

crimination négative pour les femmes

puisque l’illettrisme touche 9% des hommes

contre 25,7% des femmes. Cet état de fait

pourrait gêner les progrès de la productivité

et la diffusion du progrès technique et des

nouvelles technologies et retarder les pro-

grès vers un sentier de croissance plus élevé

et basé sur l’économie de la connaissance.

Les réformes économiques doivent donc être

articulées à une réforme sociale qui permet-

te d’amoindrir leurs potentiels effets néfastes

à court terme.

-209-

Tunisie

La Tunisie a bien géré l’ouverture commer-

ciale et a su tirer parti de ses coûts de main

d’œuvre relativement bas, ce qui lui a permis

d’obtenir une croissance de 6% en moyenne

annuelle sur la dernière décennie. Si l’on se

penche sur les moteurs de la croissance et

leur évolution entre 1990-1994 et 1996-

2003 (figure 1), l’ouverture économique ne

semble pas avoir profondément modifié la

structure ou le rythme de croissance de

l’économie tunisienne. La croissance a été

tirée par l’agriculture, les mines, l’eau et

l’électricité, les services marchands et le

commerce, mais les industries manufactu-

rières croissent moins vite qu’avant les

accords de Barcelone du fait des restructura-

tions profondes qu’elles ont subi.

Les parts dans la valeur ajoutée totale des

secteurs des industries manufacturières

(+1,3 points de %), non manufacturières (-

1,6 points de %) ou de l’agriculture (-3,6

poins de %) ne se sont donc pas significati-

vement modifiées depuis 1990. Seule la

croissance du secteur des services mar-

chands (+5,4 points de %) semble vouloir se

maintenir à un niveau constant. L’agriculture

représente toujours 14% de la valeur ajoutée

totale en 2003, contre 20,3% pour les indus-

tries manufacturières et 42,9% pour les ser-

vices marchands (respectivement 17,7%,

19,1% et 37,5% en 1990). Le secteur manu-

facturier, dont la place est capitale pour le

développement économique de la Tunisie, est

de plus en plus exposé aux fluctuations de la

conjoncture internationale ce qu’illustrent les

effets du ralentissement international des

dernières années qui a fait passer son indice

de croissance moyenne annuelle de produc-

tion de 6,4% (1995-2001) à 4,7% (1995-

2003). La Tunisie doit donc rechercher des

montées en gamme et à se positionner sur

des segments qui seront moins touchés par

le démantèlement tarifaire (ce qui est le cas

du textile-habillement), à accroître la part

des exportations de biens technologiques et

à maîtriser les coûts du travail ce qui reste

possible du fait des négociations centralisées

auxquelles le gouvernement prend part.

Pour consolider et approfondir les progrès

réalisés, il faut que l’investissement reparte

(figure 2). C’est d’ailleurs un des motifs de la

volonté des autorités d’assouplir le régime de

Tableau 1 : croissance de l’indice de production industrielle1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2003-1995* 2001-1995*

1. Industries Manufacturières 5,6% 4,0% 7,9% 3,4% 2,1% 6,3% 7,3% 6,1% 8,9% 8,1% -0,6% 0,2% 4,7% 6,4%Industries agro-alimentaires 6,8% -3,7% 5,2% -1,4% 4,2% 11,9% 1,0% 9,8% 5,7% 0,2% 3,1% 3,9% 4,9% 5,4%Matière de const. céram.et verre 0,1% 8,0% 1,8% 3,6% -0,8% 1,3% 8,4% 7,2% 11,8% 7,8% 1,6% -0,1% 4,6% 5,9%Industries mécaniques et électriques 3,3% -0,5% 7,1% -0,3% 5,9% 7,4% 14,0% 11,0% 9,3% 11,5% -1,4% 7,2% 8,0% 9,8%Industries chimiques 3,9% 0,7% 12,4% 5,9% 4,7% 2,5% 7,0% 2,3% 4,6% 5,3% 1,1% -1,0% 3,3% 4,4%Textile, habillement et cuirs 9,5% 11,5% 11,4% 7,9% 0,9% 5,1% 8,2% 3,0% 12,8% 11,1% -2,4% -5,0% 4,0% 6,7%Industries manufacturières diverses 2,9% 4,6% 6,0% 0,7% -1,8% 5,7% 8,9% 5,3% 3,4% 12,3% -3,9% 2,2% 3,9% 5,5%

2. Mines -4,4% -13,8% 7,6% 26,5% 5,3% -11,0% 21,4% 6,9% 0,4% -1,2% -5,3% 5,0% 2,3% 3,2%3. Energie 1,2% -6,8% -2,4% 0,0% 4,0% 0,9% 4,1% 2,8% -1,0% -0,6% 2,7% -2,2% 1,3% 1,7%

Extraction et raffinage de pétrole - Gaz 0,1% -9,8% -5,2% -1,9% 4,7% -1,0% 3,4% 0,2% -3,8% -4,3% 1,9% -6,4% -0,7% -0,2%Production et distribution d'électricité 7,7% 2,1% 6,3% 8,8% 3,5% 7,7% 7,5% 8,9% 6,7% 7,8% 3,9% 5,4% 6,4% 7,0%Production et distribution d'eau 1,0% 8,7% 5,0% -1,7% -0,9% 2,3% 1,4% 8,8% 2,8% 2,9% 6,3% 4,0% 3,4% 2,8%

Indice d'ensemble 3,9% 0,3% 5,0% 3,1% 2,7% 4,3% 6,9% 5,3% 6,3% 5,9% 0,0% -0,2% 3,9% 5,2%

* : croissance moyenne annuelleSource : Institut national de la statistique.

Figure 1 : Dynamique des secteurs et

évolutions en cours

-0,5

0,0

0,5

1,0

1,5

-0,5 0,0 0,5 1,0 1,5

Taux de croissance annuel moyen sectoriel 1994-1990

Tau

x de

cro

issa

nce

annu

el m

oyen

sec

tori

el 2

003-

1996

IndustriesManufacturières

Transport etCommunications

Autres ServicesMarchands

Agriculture,Sylviculture et

Pêche

Institutions Financières

BTP

CommerceMines

Electricité et Eau

1/la taille des bulles est donnée par la part du sec-teur dans la valeur-ajoutée pour 2003.Source : Institut national de la statistique tunisien,calculs Institut de la Méditerranée.

-210-

change, de poursuivre la convertibilité du

compte de capital et d’adosser ces évolutions

à une nouvelle politique monétaire. Les IDE

représentent, en effet, actuellement 21,5%

de la totalité des entrées de capitaux, 10%

de la FBCF et 2,3% du PIB contre 27,7% des

entrées de capitaux étrangers, 15,5% de la

FBCF et 3,9% du PIB en 2002. Même si le

montant de ces capitaux reste faible rappor-

té au nombre d’habitants (59,3 dollar US par

habitant), ils demeurent une aide essentielle

à la « mise à niveau » et au développement

économique du pays puisqu’ils se dirigent

essentiellement vers les secteurs de l’énergie

et des industries manufacturières (40% et

35,8% du total des investissements y com-

pris de portefeuille).

Le challenge que doit maintenant relever la

Tunisie est en fait celui d’un changement de

modèle de croissance. L’insuffisance des flux

financiers externes, et plus spécifiquement

des IDE, se traduit par un transfert des tech-

nologies lent et ne facilite pas le financement

de la mise à niveau et de la dette. Du fait de

la lenteur de l’adaptation de la structure pro-

ductive, le pays est relativement mal placé

dans les échanges de services, pourtant un

secteur comparativement plus dynamique au

niveau mondial. Le décollage de la producti-

vité est pénible et le coût du travail ne per-

met pas de rivaliser avec des concurrents tels

que la Chine ou des pays d’Amérique Latine

ou d’Asie dont la valeur de la monnaie a été

dévaluée. Enfin, l’économie peut actuelle-

ment offrir un emploi à 18000 diplômés du

supérieur chaque année alors que 25000

s’inscrivent à l’agence pour l’emploi et beau-

coup ne s’y présentent pas. Leur taux de

chômage a progressé, passant de 10,1% en

2001 à 12,1% en 2002, ce qui représente

une manne inemployée.

Seul un changement de modèle de croissance

peut contribuer (i) à intégrer les jeunes de plus

en plus qualifiés qui se présentent sur le mar-

ché du travail via la mise en place d’une stra-

tégie de croissance fondée sur l’économie de la

connaissance, (ii) à élever la productivité glo-

bale des facteurs qui soutiendra la productivité

sans impliquer de substitution du capital au

travail, permettra les hausses de salaires,

nourrira la demande interne et la croissance

économique et fera reculer la pauvreté.

La situation macroéconomique présente de la

Tunisie et les réformes en cours sont les sui-

vantes :

(i) la demande interne est contenue et

les exportations restent le moteur prin-

cipal de la croissance

L’économie tunisienne a fait preuve d’une

très bonne résilience face à la succession de

chocs externes (11 septembre, conjoncture

internationale défavorable) et internes

(attentats et 4 années successives de séche-

resse) qui se sont succédés depuis quatre

ans. Fin 2001, face à une demande interne

qui croissait vivement et une détérioration

insoutenable des comptes externes, les auto-

rités ont décidé de mener des politiques

macroéconomiques restrictives. Celles-ci ont

été très efficaces, mais leur impact a été un

ralentissement considérable de la croissance

en termes réels qui est passée de 4,9% à

1,7% en 2002. De ce fait, la création d’em-

ploi a reculé (–9,1% en 2002, en 2003, elle

repart à la hausse +3,8%).

2002-2003 a connu une campagne agricole

satisfaisante et l’année prochaine semble

devoir être une bonne année également. La

Tunisie peut bénéficier de la reprise de la

demande mondiale et la hausse des prix des

matières premières, notamment du pétrole,

la pénalisera moins que certains de ses voi-

sins dans la mesure où elle possède ses

propres réserves.

-211-

Le PIB reste tiré par les exportations et le

ralentissement de la demande domestique et

des investissements a permis d’enrayer la

dégradation de la balance des paiements

(déficit de la balance commerciale de –4193,6

millions de dinars en 2001, -3769,2 millions

en 2002 contre 3696,3 millions en 2003). La

croissance de la demande publique et privée

a retrouvé des niveaux inférieurs à la crois-

sance du PIB, ce qui n’était pas le cas les trois

années précédentes et mettait en danger la

stabilité de l’économie tunisienne. En 2003,

les industries mécaniques (+14% contre

+7% en 2002) et le secteur énergétique

(13% contre 4% en 2002) tirent les exporta-

tions tandis que des secteurs traditionnelle-

ment plus dynamiques n’ont pas encore

retrouvé leur influence positive passée (sec-

teurs des matériels de transport, du textile-

habillement ou des produits pétroliers).

Les intentions d’investissement confirment la

reprise à venir dans le secteur des industries

manufacturières puisqu’elles ont marqué une

progression de 15,8% contre une baisse de -

19,8% l’an passé. Mais l’influence de la haus-

se du prix du pétrole sur la compétitivité

externe risque de conduire à revoir à la bais-

se ces chiffres prometteurs dans la mesure

où ces sondages concernent à 82,7% des

industries exportatrices.

Entre 1996 et 2000, le surplus de la balance

des services, dont les postes positifs sont

essentiellement ceux des voyages et des

rapatriements des fonds des travailleurs,

couvrait entre 70 et 80% du déficit de la

balance commerciale. Ce chiffre tombe à

62% en 2001, 58% en 2002 et 56% en

2003. En 2002, cela est dû d’une part à une

dégradation générale des échanges de ser-

vices, en particulier des voyages dont le

solde positif s’est contracté de 14,5% et n’a

pas pu être compensé par la hausse de 17%

des rapatriements des revenus des tra-

vailleurs. De même en 2003, le surplus de la

balance des services s’est réduit de 5,6% du

fait de la baisse des recettes générées par

l’activité touristique (-4,6%) et d’une pro-

gression ralentie des rapatriements des fonds

de travailleurs (+4,1%). Reste que le surplus

de la balance des paiements, après avoir

perdu presque la moitié de sa valeur entre

2002 et 2001 (-46,8%), a été multiplié par

presque 2,5 entre 2002 et 2003 (496 contre

199 millions de dinars). Par ailleurs, le déficit

du compte courant a été ramené à 2,9% du

PIB contre 3,5% en 2002.

Figure 2 : Décomposition du PIB

0,6

4,6 4,4

6,8

4,3 4,04,9

5,4 5,36,0

12,4

4,4

1,7

4,45,6

-2,2-3,5 -3,7

5,5

4,14,7

-2,1

8,7

1,7

-6

-4

-2

0

2

4

6

8

10

12

14

Produit IntérieurBrut

ConsommationPrivée

ConsommationPublique

Investissement fixe Exportations debiens et services

Importations debiens et services

1995-1998 2001 2002 2003

Source : Banque centrale de Tunisie

-212-

Le transport aérien s’est renforcé en

décembre 2003. En janvier 2004, les recettes

touristiques marquaient une progression de

10,2% et il semblerait que cette activité se

redresse. Les intentions d’investissement dans

le secteur du tourisme qui atteignent 38,7%

en 2003 contre –52% en 2002 semblent

étayer une croissance de ce secteur en 2004.

L’excédent de la balance des opérations en

capital s’est accru de 10%, sous l’effet de

deux influences contradictoires, l’une positi-

ve, les dépenses au titre du remboursement

de la dette à moyen et long terme ont été

réduites de 18,1%, l’autre négative puisque

les balances des investissements et celle des

opérations en capital se sont contractées,

perdant respectivement 34,9% (ce qui

recouvre la contraction des IDE) et 33,3%.

La politique d’austérité menée par la Tunisie

visait à réduire le dynamisme de la demande

interne afin de ne pas voir le déficit commer-

cial se creuser rapidement dans un contexte

de ralentissement économique mondial mais

elle a été très coûteuse en termes de PIB.

Cela se concrétise par un indice de la pro-

duction industrielle qui est passé d’une crois-

sance moyenne annuelle de 5,2% sur la

période 1995-2001 à 0% en 2002 et –0,2%

en 2003. Cette stagnation ne devrait pas

durer en 2004. Certains secteurs sont déjà

en train de se reprendre. C’est le cas des

industries mécaniques et électriques, des

mines et des industries agroalimentaires tan-

dis que l’extraction et le raffinage de pétrole

continuent de s’enfoncer dans la crise avec

une croissance nominale qui passe de 1,9%

en 2002 à –6,4% en 2003 du fait de la réduc-

tion de la production de certains sites clé.

Cependant, les industries manufacturières

devraient rapidement participer au retour de

la croissance. Malgré un recul de leur pro-

duction annuelle de –0,2% en 2003, au mois

de décembre 2003 et en glissement annuel,

apparaît une hausse de l’indice de leur pro-

duction (+10,8%) due principalement aux

industries mécaniques et électriques

(19,5%), agro-alimentaires (16,7%) et au

secteur du textile-habillement (10,9%).

(ii) la discipline macroéconomique : une

priorité

Des politiques monétaire et budgétaire pru-

dentes permettent de maintenir l’inflation

sous contrôle. Néanmoins, elle reste élevée

comparativement à un pays tel que le Maroc

et cela malgré un réglage de l’évolution de

M4 de plus en plus fin à mesure que les ins-

truments de politique monétaire deviennent

plus performants.

En 2003, la hausse des prix est essentielle-

ment le résultat des évolutions des postes

des transports (4,5%), de l’hygiène, de l’en-

tretien et des soins (2,7%), et enfin de l’ha-

bitation (2%). Approximativement un tiers

des produits entrants dans le calcul de l’indi-

ce des prix à la consommation sont subven-

tionnés ou encadrés et leurs prix ont crû de

3,4%, surtout pour ce qui est des produits

non alimentaires, contre 2,4% pour les pro-

duits dont les prix sont libres. Le redémarra-

ge de l’économie et la hausse progressive du

niveau de vie des populations avec l’engoue-

ment que cela crée pour des biens autres que

ceux qui satisfont les besoins primaires et

pour les services, vont occasionner une crois-

sance plus rapide des prix des seconds que

des premiers. Par ailleurs, si l’encadrement

des prix permet de préserver le pouvoir

d’achat des ménages et de lutter contre la

pauvreté, le gouvernement désire laisser les

prix refléter plus complètement les condi-

tions du marché. Ces deux mouvements de

libéralisation et de hausse des niveaux de vie

engendrent une baisse progressive de la part

des subventions aux prix des biens dans le

budget de l’Etat en termes absolus (235 mil-

-213-

lions de Dh en 2002 contre 285 millions en

1991) comme en termes relatifs (0,7%

contre 2,4% du Pib pour les mêmes années).

Les politiques monétaire et budgétaire res-

tent fortement contraintes par une des fai-

blesses structurelles de la Tunisie à savoir son

manque de devises étrangères. Cela empêche

le développement et la libéralisation des

comptes externes et des marchés financiers

domestiques qui risqueraient d’entraîner une

crise de balance des paiements. La Tunisie est

souvent amenée à emprunter pour couvrir

ses besoins de financement ce qui accroît sa

vulnérabilité. En 2003, la balance courante

est restée sous contrôle et cela se confirme

au premier trimestre 2004. Le ralentissement

de la progression du crédit à l’économie et

l’aide débloquée par la Banque Mondiale ont

aidé à ramener les réserves à un montant

équivalant à 3,2 mois d’importations, mais le

redémarrage de l’économie pourrait signifier

un retour des difficultés surtout à la lumière

du raccourcissement important de la maturité

de la dette. La partie externe de cette derniè-

re demeure obstinément élevée à 53,8% du

PIB, et le service de la dette représente enco-

re 13,1% des recettes courantes en 2003.

L’obligation de durcir la politique monétaire

afin de préserver les réserves, qui pourrait

découler de ces fragilités, aurait des consé-

quences néfastes sur le crédit domestique et

l’investissement. Le gouvernement doit donc

réduire le déficit afin de dégager les liquidités

nécessaires pour rembourser la dette sans

peser sur l’économie.

(iii) des objectif de déficit budgétaire

ambitieux

En 2002, l’objectif de ramener le déficit bud-

gétaire à 0,7% du PIB n’a pas été atteint. Un

des postes de dépenses qui a le plus pro-

gressé pendant l’année 2002, une année de

fort ralentissement économique, est celui des

traitements et salaires (7,6%) qui représen-

te 73,5% des dépenses de fonctionnement et

près de 48,6% des ressources propres. Cette

progression est la conséquence à la fois

d’une hausse des effectifs et d’une revalori-

sation des salaires incluse dans le plan quin-

quennal 2002-2006. Le poste des services

sociaux a également crû rapidement. Ce sou-

tien à la demande intérieure explique le défi-

cit et l’impossibilité pour les autorités d’at-

teindre l’objectif fixé même si celui-ci était

très ambitieux et ne prévoyait pas la suite de

chocs internes et externes de 2001.

Figure 3 : Evolution du taux d’inflation et des taux de progression de M4 et du PIB aux prix courants

Source : Banque centrale de Tunisie

-214-

Les dépenses vont à hauteur de 44,8% aux

dépenses de fonctionnement, de 35% au ser-

vice de la dette et seulement de 20,2% à l’in-

vestissement et octroi de prêts. Les dépenses

d’investissement ont progressé de 0,2% en

2002 et leur contribution au PIB a chuté de

2,2% en 2002 comme en 2003. Les choix du

gouvernement tunisien sont encore marqués

par le mode de gestion passé, qui bien

qu’ayant été considérablement assaini, privi-

légie encore, en temps de crise, l’allègement

des pressions via la hausse de l’emploi public

au détriment de l’investissement ce qui crée

des rigidités à long terme (figures 4 et 5).

(iv) réforme de la politique de change et

monétaire

Jusqu’ici la Tunisie a réussi à protéger sa

compétitivité externe en s’appuyant sur un

régime de fixation du taux de change effectif

réel. Les contrôles touchant les mouvements

de capitaux et l’absence de choc macroéco-

nomique violent ont permis de poursuivre

cette politique depuis les années 1970 mais a

occasionné des tensions récurrentes sur le

change qui ont été coûteuses en termes de

réserves de devises. La Tunisie se trouve

aujourd’hui dans une situation de manque

structurel de réserves de monnaies étran-

gères qui entrave la poursuite de son inté-

gration commerciale internationale. Une révi-

sion du régime de change est donc à l’étude.

Autre argument en faveur d’un régime de

change plus flexible : les analyses ont mon-

tré que cette politique cambiaire de ciblage

du taux de change effectif réel a été coûteu-

se dans le passé en termes de performances

de croissance. Elle a eu l’avantage indéniable

d’obliger les autorités à mettre en place des

politiques d’ajustement structurel et à amé-

liorer leur discipline budgétaire et monétaire

Figure 5 : Répartition des dépenses du budget

Source : Banque centrale de Tunisie

Figure 4 : Evolution des dépenses (en millions de dirham)

-215-

afin de rendre compatibles les politiques

macroéconomiques et la politique de change

et de réduire les tensions sur les marchés des

changes. Mais elle a également créé des

écarts entre le taux de change d’équilibre et

celui ciblé par les autorités même si ça ne

semble pas étre le cas aujourd’hui (FMI,

2003). Ceux-ci se sont répercutés sur les

décisions d’investissement et de consomma-

tion des agents. L’allocation des ressources a

donc pu se faire en faveur de secteurs relati-

vement moins rentables, dotés d’une produc-

tivité moindre, mais qui ont bénéficié, à court

terme, des distorsions de prix générées par

le mauvais alignement du change.

Enfin, la Tunisie voudrait poursuivre la

convertibilité du compte de capital qui

devient nécessaire afin de bénéficier de

sources de financement plus diversifiées et

plus importantes pour prolonger la mise à

niveau de l’économie, financer la dette sans

peser trop lourdement sur le développement

du secteur privé et, palier au manque struc-

turel de devises. Ce type de stratégie pré-

sente cependant plusieurs écueils :

(i) en régime de change fixe, même vis-à-

vis d’un panier, la libéralisation des

mouvements de capitaux peut générer

des tensions sur le change si les don-

nées macroéconomiques du pays diver-

gent de celles des pays sur lesquels la

monnaie est ancrée. Ainsi, un choc,

même temporaire, objectif, tel qu’une

sécheresse, ou subjectif, tel qu’une

incertitude sur le résultat et le déroule-

ment d’une élection, peut donner lieu à

des sorties de capitaux massives. La

banque centrale de Tunisie n’est pas

actuellement armée pour faire face effi-

cacement à ce genre de crise. Des ten-

sions sur le change peuvent se traduire

par une perte de compétitivité et un

approfondissement des déséquilibres

externes. Une crise de balance des paie-

ments n’est donc pas à exclure si le

régime de change tunisien demeure ce

qu’il est aujourd’hui. Il faut donc

(ii) la libéralisation du compte de capital

doit aller de concert avec une libéralisa-

tion des marchés financiers domes-

tiques afin d’assurer une absorption et

une affectation optimales de ces res-

sources. L’innovation financière qui

résulte généralement de ce processus

affaibli le lien existant entre les agré-

gats monétaires et l’inflation. La poli-

tique monétaire perd de son efficacité et

une nouvelle ancre nominale doit être

instaurée.

Afin de répondre à ces risques de déstabili-

sation, qui sont pourtant inhérents au déve-

loppement d’un pays et à son insertion sur

les marchés internationaux tant commer-

ciaux que financiers, le pays doit avant tout

mettre en place les garde-fous nécessaires

(amélioration de la gouvernance au sein de la

banque centrale et du gouvernement, du

fonctionnement des organismes de supervi-

sion des marchés de capitaux et de la gestion

bancaire, etc.). L’expérience a néanmoins

montré que les autorités se trouvent souvent

démunies face à une crise cambiaire, mais

que, dans une certaine mesure, un engage-

ment crédible à poursuivre la stabilisation

macroéconomique et à en accepter le prix

peut aider à limiter les incertitudes des mar-

chés donc le développement et la propaga-

tion de phénomènes épidermiques. Les

efforts antérieurs en matière de stabilisation

macroéconomique doivent donc être poursui-

vis mais, à moyen terme, le plus urgent pour

le gouvernement sera de se doter d’une nou-

velle ancre nominale.

Le gouvernement tunisien envisage actuelle-

ment de mettre en place une politique de

ciblage de l’inflation, stratégie qui est soute-

-216-

nue par les experts du FMI. Cette politique a

prouvé son efficacité pour d’autres pays en

développement. La Tunisie satisfait déjà à

certaines des conditions nécessaires à son

succès (discipline budgétaire, par exemple)

et l’inflation est sous contrôle. Il s’agirait

simplement de glisser vers un nouveau mode

de gestion de l’inflation basé sur une poli-

tique de communication large permettant de

distinguer les influences structurelles et

conjoncturelles à l’œuvre, d’établir la qualité

des interventions de la banque centrale, de

clarifier les rôles et les responsabilités res-

pectives du gouvernement et de la banque

centrale, etc. Ce ciblage serait un moyen de

tirer tous les fruits de la stabilisation macroé-

conomique établie et de maintenir un contrô-

le efficace de l’inflation, mais, infiniment plus

important, de contenir et guider une force

émergeante mais qui peut devenir rapide-

ment extrêmement puissante : les anticipa-

tions inflationnistes des agents.

-217-

Turquie

Un climat d’incertitude fort a marqué l’année

2003 pour la Turquie. Les incertitudes poli-

tiques internes et l’arrivée d’un nouveau gou-

vernement, la guerre en Irak, la hausse des

prix du pétrole et des prix des produits pri-

maires, la dévaluation de la lire turque ont

engendré à la fois des perturbations sur les

marchés financiers, une croissance rapide du

prix des facteurs de production et un alour-

dissement de la facture céréalière qui se sont

traduits par des tensions inflationnistes.

Cette configuration n’était pas, a priori, favo-

rable à la reprise économique turque, mais la

brièveté de la guerre en Irak, les bonnes per-

formances fiscales, les accords trouvés avec

le FMI ont permis au gouvernement de ras-

surer les agents et les marchés.

De ce fait, la Turquie, qui a renoué avec la

croissance en 2002 (7,8%), a vu cette ten-

dance se confirmer en 2003 (5,8%). Les pré-

visions de croissance ont été largement

atteintes. Les enquêtes montrent que les

agents sont confiants pour ce qui est du cli-

mat des affaires mais une détérioration s’est

produite depuis juillet 2003 et, en particulier,

concernant le dynamisme des marchés

domestiques. Les agents restent également

pessimistes sur le plan du volume des com-

mandes alors que c’est la demande privée

qui a soutenu le PIB en 2003. Les investisse-

ments ne semblent pas près à repartir alors

que leur chute a été considérable sur les

deux dernières années et que leur évolution

conditionnera les performances de croissance

à venir (figure 1).

Bien que la productivité globale des facteurs

soit encore insuffisante du fait d’un cycle très

chaotique qui gène l’accumulation, les ten-

dances structurelles sont favorables à une

amélioration rapide de la situation. Les sec-

teurs à forte valeur ajoutée et ceux qui faci-

Figure 1 : Résultat des enquêtes de conjoncture

50

60

70

80

90

100

110

120

130

140

General businesssituation

Exports prospects Investmentexpenditure

Total amount oforders

Amount of stocks offinished goods (*)

Total employment Volume of output Volume of goodssold in domestic

market

Volume of raw-material stocks

July 2003 May 2004 June 2004 July 2004

INDEX = 100 : A stable outlook to the economic activity by the real sector agents covered by the BusinessTendency Survey. INDEX > 100 : An optimistic outlook to the economic activity by the real sector agentscovered by the Business Tendency Survey. INDEX < 100 : A pessimistic outlook to the economic activityby the real sector agents covered by the Business Tendency Survey.Source : Central Bank of Turkey.

Figure 2 : Indices de production et de salaire horaire dans l’industrie manufacturière

60

70

80

90

100

110

120

1998Q1 1999Q1 2000Q1 2001Q1 2002Q1 2003Q1 2004Q1

Index of Production Hours Worked In Manufacturing Industry

Index of Real Wages Per Production Hour Worked In Manufacturing Industry

Source : Central Bank of Turkey.

-218-

litent l’acquisition du progrès technique (sec-

teur manufacturier, commerce, transport et

télécommunication, électricité) voient leurs

parts dans le PIB croître et absorbent la main

d’œuvre rendue disponible par l’exode rural

et la perte de vitesse de l’agriculture. De

plus, les salaires réels ont beaucoup baissé à

la suite du ralentissement économique, la

production repartant, la productivité va aug-

menter au moins dans les industries manu-

facturières (figure 2).

Le défi que doit relever la Turquie est de par-

venir à lisser le cycle économique, les crises

répétées (1994, 1999, 2001) ayant des

conséquences désastreuses sur le processus

d’accumulation. Le gouvernement a donc

adopté un train de mesures propice à remé-

dier aux faiblesses structurelles de l’écono-

mie turque. Notamment, une nouvelle poli-

tique monétaire a été instaurée et commen-

ce à porter ses fruits. La désinflation est au

cœur des préoccupations. Les engagements

des autorités doivent être tenus puisque l’ai-

de apportée par le FMI, essentielle à la repri-

se économique, est conditionnelle à l’atteinte

de critères d’inflation, de niveau des disponi-

bilités de la banque centrale, etc. Cette

contrainte est lourde mais semble rendre

crédibles les annonces des autorités en

matière de politiques monétaire et budgétai-

re. Elle contribue au respect des critères via

les comportements anticipatifs des agents,

qui s’expriment lors de la négociation des

contrats par exemple, qui ont globalement

intégré la cible comme étant crédible.

Après avoir abordé la situation économique

turque, un point sera fait sur la politique mise

en place pour réduire l’inflation.

(i) la reprise touche toutes les compo-

santes de la demande sauf la demande

publique

En 2003, c’est la demande privée, l’investis-

sement fixe et la constitution de stocks qui

ont soutenu le PIB. Pour ce qui est de la

consommation privée, les achats de biens

durables (24% en 2003 contre une croissan-

ce annuelle moyenne 1987-2000 de 8,7%)

ont marqué la progression la plus vive tandis

que celle des services n’a pas faibli (8,5% en

2002, 7,5% en 2003). L’appréciation de la

lire turque, des hausses de prix relativement

moins marquées, des taux d'intérêt en bais-

se et des offres de crédit présentant une plus

grande flexibilité (horizon étendu) et la réali-

Figure 3 : Décomposition du PIB

0,6

5,86,8

8,0

17,6

14,7

-7,5-9,2 -8,5

7,47,9

2,1

5,4

-1,1

11,1

15,8

5,86,6

-2,4

10,0

16,0

8,3

-9,1-31,5

-15

-10

-5

0

5

10

15

20

Produit IntérieurBrut

ConsommationPrivée

ConsommationPublique

Investissement fixe Exportations debiens et services

Importations debiens et services

1995-1998 2001 2002 2003

Source : Central Bank of Turkey.

-219-

sation de dépenses qui avaient été retardées

étant donné le contexte défavorable passé

sont à l’origine de ce phénomène. Les impor-

tations de biens durables, en volume, ont

progressé de 47,9% en 2003 contre 22,7%

en 2002 mais –49,4% en 2001.

Les coupes dans les dépenses publiques ont

cependant pesé sur la demande privée via

son effet indirect sur le revenu disponible.

Cela a eu l’avantage d’alléger les tensions

inflationnistes potentielles. En dehors de la

nourriture, ce qui s’explique par les varia-

tions des prix internationaux, c’est, en effet,

le poste de l’habitat qui a vu ses prix ralentir

plus lentement que les autres, exception

faite de la santé et de l’éducation.

La reprise des investissements privés

(20,3%) et le niveau élevé du rythme de

constitution de stocks (58,7%) reflètent les

anticipations optimistes des agents. Les

importations en volume de biens d’investis-

sement retracent bien la dynamique de l’in-

vestissement domestique en Turquie. Ceux-ci

ont cru de 38,3% en 2003 (11,2% en 2002)

tandis que les biens intermédiaires gagnaient

30% (23,9% en 2002). Les exportations de

biens d’investissement (42,3%), et en pre-

mier lieu de matériel de transport (57,8% en

volume), expliquent la contribution impor-

tante des exports à la croissance du PIB.

La demande publique recule, résultat de la

nouvelle politique de rééquilibrage du budget.

Afin d’éviter de compromettre la reprise, l’as-

sainissement des finances publiques est fon-

dée sur des dépenses moindres. Cependant,

si l’investissement a considérablement chuté

depuis 2002 (-11,5%), le poids des salaires

continue de progresser en 2002 et 2003

(0,7% et 0,9% respectivement). Il faudra

dans le long terme contenir ces hausses sala-

riales afin d’éviter une résurgence des pres-

sions inflationnistes et réduire les rigidités.

Pour 2004, le recul de la demande publique

devrait se poursuivre. Cela devrait avoir un

impact positif sur la demande privée et l’in-

vestissement en générant des anticipations

favorables au maintien des taux d'intérêt réel

bas et de taux de change stables et la pour-

suite de l’amélioration de la confiance des

ménages et des investisseurs.

Du côté de l’offre apparaît un potentiel de

croissance élevée important. La croissance

turque repose pour l’instant largement sur

les performances du secteur industriel et

avant tout manufacturier dont la compétitivi-

té s’est beaucoup améliorée.

La production industrielle a enregistré des

taux de croissance en termes réels de –7,5%

en 2001-2000 mais la reprise a été immé-

diate avec 9,4% de croissance en 2002 et

7,8% en 2003. Ces résultats sont dus à la

bonne tenue du secteur manufacturier

essentiellement (-8% en 2001, 10,4% en

2001 et 8,6% en 2003). Le secteur de l’élec-

tricité se tient bien également, mais il ne

représente que 0,5% de l’emploi total et aux

alentours de 1% du PIB.

Le secteur tertiaire représente 60% du sec-

teur privé, mais il est plus délicat de prévoir

son évolution. Certains pants sont encore

très fragiles (institutions financières, etc.) et

leurs contributions ne retrouveront pas leur

niveau antérieur à court terme. A contrario,

le commerce de gros (8,09% en 2003, 11%

en 2002 vs. –9,4% en 2001) et le transport

(8,35%, 6,04% vs. –5,3% pour les mêmes

années) se portent bien sachant que le com-

merce compte pour 19% de l’emploi (dont

8,4% non rémunéré) et 23% du PIB et le

transport pour 4,7% de l’emploi (2,2% non

rémunéré) et 13,5% du PIB.

Deux facteurs devraient favoriser une crois-

sance forte dans le secteur manufacturier :

-220-

(i) les gains de productivité repartent sur leur

tendance passée, (ii) l’emploi continue de

baisser tout comme les salaires réels.

Cependant, l’appréciation de la lire turque

renchérit les imports qui entrent pour une

large part dans le processus de production.

La reprise ne met donc pas en danger la com-

pétitivité externe de l’économie et les bonnes

performances à l’export devraient perdurer,

malgré une appréciation des taux de change

effectif réel calculés sur la base des prix à la

consommation comme des prix de gros

(12,1%, 7,9% respectivement en 2003). Les

termes de l’échange restent favorables avec

une hausse du prix des exports de 13,1% en

2003 contre 6% pour les imports (respective-

ment 15,4% et 13,9% en juin 2004).

Cette situation est propice à une croissance

saine car elle limite le jeu de l’effet Balassa-

Samuelson et les hausses de prix sur les

marchés domestiques. Enfin, la mise aux

normes européennes de la législation portant

sur la concurrence élimine progressivement

les incertitudes pour les entrepreneurs tant

du point de vue de l’application que de l’in-

terprétation des lois ce qui devrait avoir des

répercussions positives sur la compétitivité.

Un point à surveiller de près : les salaires du

secteur public servent de signal et détermi-

nent ceux du secteur privé or le salaire nomi-

nal des fonctionnaires a été augmenté de 5%

depuis le début de l’année 2004 et devrait

croître de 6% pour la seconde partie de l’an-

née. Le salaire minimum a quant à lui gagné

38,2% pour 2004. Le pilotage des salaires du

secteur public doit être très précautionneux

puisque les autorités doivent trouver le juste

équilibre entre (i) la nécessité de préserver la

productivité et de ne pas déprimer la deman-

de privée étant donné les effets négatifs de

l’orientation restrictive donnée à la politique

budgétaire, et (ii) ne pas compromettre les

chances d’atteindre la cible d’inflation qui

conditionne l’aide financière accordée par le

Figure 4 : Productivité, salaire réel et emploi dans le secteur manufacturier public et privé

0

25

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1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003

Salaire réel Productivité Emploi

Source : SIS, Index of Partial Productivity Per Production Hours Worked, Index of Production WorkersWorking in Manufacturing Industry, Index of Real Wages Per Production Hour Worked In ManufacturingIndustry (1997=100).

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1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003

Salaire réel Productivité Emploi

Figure 5 : Structure de l’emploi

2000 2001 2002 2003 2000 2002 2003Unpaid Family Worker 4243 4446 4142 4255 20,6 20,3 20,0Employer 1095 1128 1162 1046 5,3 5,7 4,9Self employed 5097 5042 4777 5328 24,8 23,4 25,0Regular Employee 8060 8169 8747 9027 39,2 42,9 42,4Casual Employee 2063 1712 1584 1639 10,0 7,8 7,7Total 20559 20497 20412 21295 100,0 100,0 100,0

Part dans l'emploi totalMilliers

Source : Central Bank of Turkey.

-221-

FMI, le degré de confiance des agents

domestiques et étrnagers dans le gouverne-

ment et le dynamisme de la croissance.

La crise a induit un recul du PIB par tête,

mais le rebond de la croissance et la résilien-

ce du marché du travail vont permettre de

limiter l’impact sur la pauvreté. Le PNB qui

était de 3060 dollars par tête en 1998 a

chuté à 2420 dollars en 2001 mais commen-

ce à repartir (2490 dollars pour 2002).

Comme souvent en temps de crise, les per-

sonnes occupant un emploi occasionnelle-

ment ont été amenées à sortir du marché du

travail (-2,3 points de pourcentage) mais la

part de l’auto-emploi, après avoir fléchie, se

reprend et l’emploi régulier continue sur sa

tendance à la hausse.

Par ailleurs le chômage a baissé passant de

10,6% à 9,4%. Mais, le taux de sous-emploi,

c'est à dire de personnes qui souhaiteraient

travailler plus d’heures ou ayant un emploi

mais en cherchant un autre, est de 4,6% ce

qui porte la part de la force de travail inacti-

ve à 14,1% (troisième trimestre 2003). Le

taux de participation s’est replié passant de

52,4% à 50,5% ce qui atténue les tensions

sur le marché du travail (-1,6 points pour les

hommes, -2,4 points pour les femmes). Le

taux de chômage des jeunes qualifiés est

encore très élevé à 31,8% contre 25,6% en

2002 pour le même trimestre.

Les secteurs ayant le plus créé d’emploi font

partie du secteur tertiaire, tels que le com-

merce (3,6%), le transport (5,8% contre

–2,9% en 2002), la finance (8,5%). Dans le

secteur manufacturier, qui représente 17,9%

de l’emploi total, l’emploi avait augmenté en

2002 (1%) mais stagne en 2003 (-0,1%).

Dans celui de l’agriculture (33,9% de l’emploi

total), la création d’emploi a été de 6,8%

mais la moitié des travailleurs est ici non

rémunérée.

(ii) politique budgétaire : vers un assai-

nissement

Les objectifs de la politique budgétaire privi-

légient une réduction du déficit via des

dépenses moindres et un solde primaire posi-

tif croissant afin de se désendetter et d’allé-

ger le service de la dette. Les efforts faits

sont très encourageants.

En 2003, les recettes se sont maintenues en

pourcentage du PIB comparativement à leur

niveau de 2002 (27,9%). Ce résultat doit

beaucoup à l’entrée en vigueur en 2002

d’une taxe additionnelle sur les biens et ser-

vices dont le montant pour 2003 représente

50,7% des recettes de TVA (20% en 2002) et

26,4% des revenus des taxes (10% en 2002)

soit 22,25% des recettes totales, ce qui est

une progression considérable. La diminution

des taxes sur l’achat de véhicule à moteur ou

de pétrole ne compensent pas les recettes

générées par cette taxe spéciale.

La hausse des dépenses de personnel reste

raisonnable (21,6% des dépenses contre

20,1% en 2002). L’austérité budgétaire

transparaît clairement dans l’évolution du

poste investissements qui accuse une chute

de 1 point de pourcentage passant de 6%

des dépenses à 5,1%. Enfin, les paiements

au titre du service de la dette poursuivent

leur recul. Ils représentaient 51,1% des

dépenses en 2001, mais seulement 41,8%

en 2003. La répartition entre financement

domestique et étranger demeure stable. Par

ailleurs, la part des transferts, du fait de la

crise, a beaucoup progressé entre 2001

(6,3% des dépenses) et 2003 (11,4%).

Aspect moins positif, le poids des salaires

progresse passant de 18,9% des dépenses

en 2001 à 21,6% en 2003.

Globalement, les recettes couvrent 71,6%

des dépenses contre 66,1% en 2002. Elles

-222-

représentent 27,9% du PIB tandis que les

dépenses se montent à 39% du PIB. Les

besoins de financement du gouvernement

sont donc encore considérables. Il faut néan-

moins noter que le solde primaire qui mesu-

re la capacité de l’économie à se désendetter

gagne 0,6 points de pourcentage par rapport

à 2002 à 5,2% du PIB tandis que le déficit

passe de –14% du PIB à –11,1%.

En 2003, le stock total de dette a crû de

16,6%, mais cette évolution recouvre (i) un

allégement de la dette étrangère due à des

conditions de refinancement sur les marchés

mondiaux avantageuses et une politique effi-

cace de gestion de la dette faisant appel

notamment à des swap de devises, (ii) un

alourdissement de la dette domestique de

29,7%. Le gouvernement souffre d’une rigi-

dité des taux d'intérêt réels qui entraîne un

ralentissement de la décrue des taux d'inté-

rêt nominaux et les taux à long terme restent

hauts du fait des doutes qui persistent

concernant la soutenabilité de l’orientation

budgétaire actuelle et les futures fluctuations

des taux de change et des taux d'intérêt. Par

ailleurs, la dette à court terme est lourde.

La poursuite de l’assainissement budgétaire

nécessitera (i) de revoir le système de taxe

qui est trop complexe (dans cet esprit a été

mise en place la taxe spéciale sur la consom-

mation en 2002) et pénalise les ménages à

faible revenu, améliorer son efficacité,

étendre l’assiette aux activités non encore

enregistrées, etc. (ii) de réformer le système

de pension dont l’équilibre budgétaire est

fragilisé, notamment par la rapide croissance

des dépenses de santé, et (iii) d’accroître la

transparence du fonctionnement de l’admi-

nistration ce qui est l’objet de la Public

Financial Management and Control Law, (iv)

d’introduire une certaine flexibilité des res-

sources et des dépenses via, par exemple, la

maîtrise des salaires et de la dette ce qui, par

ailleurs, est indispensable dans le cadre de la

politique de lutte contre l’inflation.

(iii) une politique de ciblage de l’infla-

tion très efficace

Le redressement rapide de l’économie turque

doit beaucoup à la nouvelle architecture de la

politique monétaire qui est relayée par le

changement d’orientation de la politique

budgétaire. La coopération des autorités

budgétaire et monétaire accroît sensiblement

la crédibilité du programme de politique

macroéconomique mis en œuvre. La maîtrise

de l’inflation est devenue la première priorité

du gouvernement. Les résultats obtenus sont

étonnants, mais beaucoup reste à faire pour

consolider l’acquis.

Une nouvelle politique monétaire visant à

réduire l’inflation rapidement a été mise en

place en 2001. Elle consiste en un ciblage

implicite de l’inflation future qui doit se trans-

former en ciblage explicite. Cette politique,

pour ambitieuse qu’elle paraisse puisque la

cible était de réduire l’inflation de 60% en 2

ans, se justifiait étant donné les caractéris-

tiques du processus inflationniste turc. Celui-

ci est, en effet, largement influencé par la

situation budgétaire, et curieusement assez

peu par l’inflation passée, mais beaucoup

plus fortement par l’inflation future anticipée

par les agents (Celasun, Gelos, Prati, 2003).

L’engagement crédible des autorités de

contenir le déficit budgétaire, le lancement

d’une nouvelle unité monétaire, la révision

du régime de change ont restauré la confian-

ce des agents en l’avenir et ont permis de

diminuer l’inflation.

Les ingrédients de la politique monétaire et

cambiaire turque sont :

(i) la mise en flottement forcée du change

le 22 février 2001 à la suite d’attaques

-223-

spéculatives répétées motivées par les

incertitudes concernant la capacité du

système bancaire à absorber les effets

désastreux sur leurs bilans de la hausse

vertigineuse des taux d'intérêt (100%)

intervenue en novembre qui visait à

faire cesser les pressions sur les

changes. Après cela, l’histoire est

connue. La crise bancaire était avérée

peu après. La concentration des enga-

gements sur quelques clients privilé-

giés, les manques de la supervision, la

fragilité extrême impliquée par des

engagements à long terme constitués

principalement par des bonds du Trésor

adossés à des refinancements à court

terme devenus extrêmement onéreux

expliquent, entre autres, l’effondrement

du système bancaire.

Les autorités ont alors préféré laisser

flotter le change, mais elles mènent une

politique d’intervention active afin de ne

pas laisser se développer sur les mar-

chés des changes des mouvements

amples qui pourraient empêcher d’at-

teindre la cible d’inflation. Leur action

ne cherche pas à s’opposer à la déter-

mination par le marché du taux de

change d’équilibre et des tendances de

long terme.

Au 1er janvier 2005, une unité monétai-

re nouvelle va être introduite et va pro-

gressivement prendre la place de l’an-

cienne monnaie. Elle s’appellera la «

nouvelle lire turque ». Six zéros seront

ôtés à la présente unité monétaire. A

terme, elle remplacera complètement

l’ancienne monnaie.

(ii) A la mi avril 2001, le programme de

transition vers une économie forte

(Transition to Strong Economy Program)

a été annoncé qui touchait la politique

budgétaire, la privatisation, la réforme

du système bancaire et les réformes

structurelles.

Le statut et le rôle de la banque centrale ont

été redéfinis à cette occasion. Un

contrat a été établi entre la banque cen-

trale et le gouvernement. La première

n’est plus tenue de financer le déficit et

la stabilité des prix devient l’objectif

prioritaire de la politique monétaire. Un

Comité pour la politique monétaire a été

créé qui est chargé de fixer la cible d’in-

flation en collaboration avec le gouver-

nement. La banque centrale doit

atteindre l’objectif fixé et, dans ce des-

sein, jouit d’une totale indépendance

instrumentale. Elle est rendue respon-

sable de toute déviation par rapport à la

cible et des sanctions peuvent en

découler. Améliorer la transparence de

la politique menée est alors devenu

indispensable pour asseoir la crédibilité

des autorités monétaires.

Depuis lors sont publiés très régulière-

ment des enquêtes sur les anticipations

d’inflation, des analyses très détaillées

de la situation courante et à venir, des

risques de dépassement de la cible et

des moteurs de la politique monétaire

suivie, etc. Le suivi strict des perfor-

mances turques en matière de politique

monétaire par le FMI accroît la transpa-

rence et la crédibilité de la politique

annoncée puisque le respect des enga-

gements détermine l’aide accordée. Une

politique de communication à large

échelle a été développée qui s’est révé-

lée très efficace ce qui souligne encore,

comme l’on prouvé nombre d’études,

que c’est là un élément clé de l’amélio-

ration de la crédibilité d’une politique de

ciblage de l’inflation.

(iii) Le taux d'intérêt à court terme devient

l’instrument de la politique monétaire.

En même temps, sont adoptés des cri-

tères de performance monétaire (un

plafond pour la base monétaire et un

plancher pour les réserves internatio-

-224-

nales nettes) et des cibles indicatives

(un plancher pour les actifs domes-

tiques nets, pour le stock de dette

externe à court terme) dans le cadre du

programme économique soutenu par le

FMI. Ceux-ci se superposent à ceux de

Maastricht qui guident la politique

macroéconomique.

Cette politique a donné des résultats positifs

rapidement, mais ceux-ci sont encore fragiles :

(i) les critères de performance ont été géné-

ralement respectés. La demande de

monnaie présente des signes d’instabilité

ce qui déstabilise l’évolution des agrégats

de monnaie. Dans un contexte de chan-

gement structurel de politique monétai-

re, ceci est normal (Monetary Policy

Report, 2004). Par ailleurs, l’adaptation

du comportement des agents au nou-

veau cadre de politique monétaire que

cela reflète peut aider à renforcer la cré-

dibilité de cette politique. Un dépasse-

ment occasionnel de la cible de masse

monétaire n’a donc rien d’alarmant.

La base monétaire a cru de 42,6% en

2003 principalement du fait de la haus-

Figure 5 : Objectifs d’assainissement monétaire choisi avec le FMI

Source : Monetary Policy Report, Central Bank of Turkey.

-225-

se de la monnaie en circulation (39,8%)

qui compte pour 70% de l’agrégat.

Cette évolution de la demande de mon-

naie résulte, d’une part, de la confiance

accrue dans la valeur de la monnaie

domestique qui encourage les transac-

tions en monnaie domestique et, d’autre

part, d’un climat des affaires favorable

(baisse des taux d'intérêt, taux de chan-

ge stable, réduction des évaluations du

risque encouru, résolution rapide du

conflit irakien, etc).

Les cibles d’inflation ambitieuses ont

toutes été atteintes. Le taux de crois-

sance mensuel ciblé pour les prix à la

consommation était fixé à 35% pour

décembre 2002, à 20% pour décembre

2003 et à 12% pour la fin 2004 alors

que l’inflation était encore début 2002 à

72,5%. Le taux réalisé est de 29,5% en

décembre 2002, 18,3% en décembre

2003 et 9,2% en juillet 2004. Des iner-

ties persistent, comme souligné plus

haut, mais les tendances actuelles lais-

sent espérer que la cible sera respectée

en 2004.

(ii) Les taux d'intérêt ont diminué grâce à la

baisse de la prime de risque. Les

spreads sur la dette souveraine offrent

des conditions de financement intéres-

santes maintenant que les incertitudes,

notamment politiques, sont aplanies

(figure 7). Les taux d'intérêt sur les

marchés domestiques présentent la

même tendance. Ainsi, les taux d’intérêt

interbancaires sont passés de 44% en

Figure 6 : Cible d’inflation et évolution des prix

Figure 7 : Evolution des spreads sur la dette souveraine

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3

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03

ov-0

3

anv-0

4

ars

-04

mai-04

juil-0

4

Crise de lacoalition

Ecevit

Campagneélectorale

Election

Brouilletemporaire

avecWashington

Source : Ecowin à partir de JPMorgan.

Source : Monetary Policy Report, Central Bank of Turkey.

-226-

janvier à 26% en décembre et les taux

d'intérêt sur les titres gouvernementaux

de 47,57% à 24,67% pour une échéan-

ce à 6 mois et de 57,39% à 29,51%

pour une échéance à 12 mois.

(iii) La lire turque s’est appréciée à partir

d’avril 2003 ce qui prouve l’optimisme

des agents concernant le redémarrage

de la croissance économique. Les IDE se

stabilisent (863 millions de dollars en

2002 contre 1063 millions de dollars en

2003) et le retournement de tendance

des investissements de portefeuille qui

affectionnent à nouveau la Turquie est

sensible (-4515 millions de dollars en

2001, -593 millions de dollars en 2002,

2569 millions de dollars en 2003).

(iv) Le taux de dollarisation est en recul, ce

qui renforce le pouvoir de pilotage de

leur économie par les autorités moné-

taires. Civcir (2002) montre que le taux

de dollarisation dépend largement du

différentiel de taux d'intérêt et des taux

de change anticipés. Le programme

d’ajustement en cours est donc jugé

crédible par les agents ce que montre le

retour des capitaux et la préférence

pour les actifs libellés en lire turque.

Les dangers qui pourraient engendrer un

retournement de la tendance actuelle à la

décrue de l’inflation, outre les chocs externes

tels que la poursuite de la hausse des prix du

pétrole ou des matières premières, par

exemple, et qu’il faut maîtriser pour instau-

rer un contrôle efficace de l’inflation sont :

(i) la rigidité des prix qui caractérise les

activités du secteur tertiaire.

Actuellement, les prix décroissent dans

tous les secteurs, puisque à la fois les

évolutions de l’inflation et des taux de

change le permettent, sauf ceux expo-

sés aux fluctuations des prix internatio-

naux du pétrole, par exemple. Ils sont

tous cohérents avec la cible d’inflation

choisie sauf ceux des services, en parti-

culier ceux du bâtiment et de la santé.

(ii) les hausses de salaire et la politique de

revenu du secteur public. La demande

privée qui connaît une vive progression,

tout comme la demande d’exportations,

pourrait accroître les pressions inflation-

nistes si la production ne s’adapte pas

assez rapidement.

(iii) les coupes dans les dépenses et une dis-

cipline monétaire plus stricte ne suffi-

ront pas pour atteindre à la fois les deux

objectifs de croissance forte et d’infla-

tion à un chiffre pour 2005. Les

réformes doivent être poursuivies en

particulier pour ce qui est du système

de pensions et de taxes, pour asseoir

sur des bases solides la discipline bud-

gétaire. La réforme du système bancai-

re doit être finalisée.

Figure 8 : Taux de change interbancaire

1000000

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0.2

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2.2

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2.2

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3.2

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4.2

003

11.0

5.2

003

13.0

6.2

003

16.0

7.2

003

18.0

8.2

003

20.0

9.2

003

23.1

0.2

003

25.1

1.2

003

28.1

2.2

003

30.0

1.2

004

03.0

3.2

004

05.0

4.2

004

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004

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6.2

004

13.0

7.2

004

15.0

8.2

004

USD Euro

Source : FXHistory, OANDA Corporation

-227-

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Notes

2ème partie:[1] : Le dinar s’est apprécié par rapport au

dollar (3%) et déprécié par rapport àl’euro (13,8%), à la livre sterling (-4,6%) et au yen (-5,2%). Sur l’année,les taux de change effectifs, réel commenominal, se sont d’abord dépréciés puisappréciés, en partie à cause du redé-marrage de l’inflation.

[2] : Le secteur privé compte pour 55,7% duPIB et 60% des dépôts bancaires mais33,1% seulement des prêts desbanques sont destinés aux entreprises.L’accès au crédit est une des principalescontraintes au développement du sec-teur privé. Si les banques privilégienttrop souvent les entreprises publiqueset imposent des conditions d’octroidrastiques aux entrepreneurs, il n’enest pas moins vrai que ces derniers ontdes capacités réduites à produire desinformations claires et fiables, desbilans prévisionnels, etc. Enfin, lasupervision défaillante n’incite pas auchangement.

[3] :50% de la dette serait libellée en dollars,selon les estimations des experts de labanque mondiale, contre 30% en eurosalors que les disponibilités générées parles exports, essentiellement des dollars,ne protègent pas la pays contre uneappréciation forte de l’Euro telle quecelle intervenue cette année.

[4] :Confrontés au manque de données entemps réel sur l’état de l’économie, TheEgyptian Center for Economic Studies aconstruit et publie régulièrement unindice de performance passée et antici-pée pour chacun des secteurs-clé del’économie, à savoir ceux du tourisme,de la construction et de l’industrie.

[5] :Les restrictions à la circulation desbiens et des travailleurs venant dePalestine concernent les mouvementsaux frontières et dans la Bande deGaza. Elles sont de trois types : (i) lesrestrictions au sein de la Bande deGaza auxquelles s’ajoutent ponctuelle-ment des couvre-feu, (ii) des limita-tions aux frontières entre Israël et laBande de Gaza et entre Israël et Gaza,(iii) les limitations aux points de passa-ge entre la bande de Gaza et laJordanie et entre Gaza et l’Egypte.

[6] :FMI (2004b).[7] :La preuve en est les achats conséquents

qui ont été faits avant sa mise en placeen prévision de la croissance de leurprix et qui ont engendré une améliora-tion très passagère de la croissanceéconomique. De même, la mise en placede la TVA a été compliquée par les choixcornéliens impliqués par la volonté deminimiser l’impact qu’elle pourrait avoirsur le niveau de pauvreté des popula-tions.

[8] :Les prévisions de l’EconomistIntelligence Unit sont de 3,1% pour2004 et 3,2% pour 2005, celles publiéesdans le World Economic Outlook de2004 sont de 3% pour ces mêmes deuxannées. Celles du FMI, en revanche,sont nettement plus élevées, soit 5% en2004 (FMI, 2004c).

[9] :Le taux de dollarisation se définit commele rapport des dépôts en monnaiesétrangères sur les dépôts en monnaiedomestique.

[10] :Ainsi les taux d'intérêt sur les bonds duTrésor à trois mois sont passés de11,18% en octobre 2002 à 5,48% endécembre 2003 et ceux à un an, de13,43% à 6,87% sur la même période.

[11] :Cette comparaison doit cependant êtreprudente car la période étant différenteet 1999-2000 ayant été marqué par deschocs internes forts au Maroc celaimpacte négativement sur les chiffrestrès sensibles à la conjoncture.

[12] :167 Dh par jour contre 124 dans le sec-teur secondaire et 100 dans le secteurde l’agriculture en 2000 selon les don-nées de la CNSS. C’est le secteur des «autres services » qui regroupe la res-tauration et l’hôtellerie, la réparation,les services fournis aux entreprises etles services personnels et domestiquesqui présentent le niveau de salaire leplus élevé (194Dh par jour) contre158Dh pour les transports, entrepôts ettélécommunication, et 151Dh pour lecommerce de gros et de détail.

[13] :Il s’agit des cotisations aux mutuelleset aux caisses de retraite pour le sec-teur public et à la CNSS pour les salariésdu secteur privé.

ANNEXE DE METHODE

Les principaux indicateurs utilisés

ÿ L’indicateur de contribution au solde également appelé indicateur d’avantage comparatif(noté CTB « Contribution to Trade Balance ») propose une représentation des spécialisations des paysfondée sur la mise en évidence de leurs points forts et de leurs points faibles. Par contre, il ne nousrenseigne pas sur la position compétitive des pays au niveau international.

kiCTB = ( )

˙˙˙

˚

˘

ÍÍÍ

Î

È

˙˙˙

˚

˘

ÍÍÍ

Î

È

+

+--- Â Âk

k

ki

ki

ki

kik

iki

ki

ki

i MX

MXMXMX

Y )()(

1000

kiX = exportation du produit k par le pays j

kiM = exportation du produit k par le pays j

Yi = PIB du pays i

Le CTB compare le solde effectif pour un produit à celui qu’il devrait représenter s’il n’y avait pas de spécialisation.C’est-à-dire que le poids de chaque produit dans les X+M du pays donne un coefficient qui est appliqué au solde globaldu pays et représente le solde théorique sans spécialisation. L’indicateur de contribution au solde CTB est obtenu par ladifférence entre le solde réel et le solde théorique. Un CTB positif est un avantage comparatif et un CTB négatif undésavantage comparatif. On ajuste les CTB pour enlever les effets de taille et rendre les indicateurs comparables. Ilssont normés par rapport à 100 et l’indicateur varie entre –100 et + 100.

ÿL’indicateur de similarité des structures de spécialisation que nous utiliserons, a été créé par leCEPII (Bensidoun I., Gaulier G. et Ünal-Kesenci D. [2001]) et propose une image complète de lasimilarité puisqu’il intègre à la fois les importations et les exportations. L’indicateur est calculé en

croisant les CTB normalisés (notés BTC~

) des pays européens avec tous les pays méditerranéens et lesPEE. L’indicateur SIMij, représente la similarité de la structure d’échange du pays i avec le référent(UE).

 --=k

jkikij BTCBTCSim~~

4

1100

Simij représente l’écart de structure de spécialisation entre les pays i et j. L’indicateur varie entre 0, dans le cas destructures de spécialisation totalement opposées, et 100 dans le cas de structures similaires.

-234-

ÿDes indices de concentration sont calculés en différenciant le partenaire UE du partenaire monde.L’indice de Herfindahl-Hirschmann permet d’avoir une mesure du niveau de la concentration desexportations d’un pays sur un petit nombre de produits :

( ) ( ) ( )( )31411/3141/314

1

2 --= Â=i

ij XXH

Hj étant l’indice du paysXi = valeur des exportations du produit iX = valeur des exportations totales du pays j314 = nombre de produits de la SITC rev 3 à 3 digit

L’indice est normalisé afin d’obtenir des valeurs comprises entre 0 et 1. Un indice de 1 correspond à la concentrationmaximale (le pays n’exporte qu’un seul produit). Plus l’indice est faible, plus la structure d’exportation est diversifiée.

ÿL’ indicateur d’adaptation à la demande (de l’UE et du reste du monde) -International TradeCenter [2000] :

ADAPT=X

X

X

Xjk

jk

ijk .

.

*.

∂∂

Avec

ijkX = exportation du produit k du pays i vers le pays j

jkX . =exportation du produit k des autres pays du monde vers le pays j

X = exportations mondiales totales

ADAPT capture les capacités des pays à adapter leurs exportations à la demande de leurs partenaires (UE et restedu monde dans notre étude). Il est positif dans le cas d’une adaptation et négatif si le pays i ne répond pas auxchangements des demandes des partenaires.

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ANNEXE 1 - Soldes commerciaux des PM

1 Soldes commerciaux - Total échanges par partenaires (en millions de dollarscourants)

Monde UE RdM

1990 1995 2002 1990 1995 2002 V990 1995 2002

Algérie 4 350 -1 426 4 403 2 498 -326 3 586 1 852 -1 100 817

Egypte -5 825 -8 295 -7 861 -1 277 -2 985 -2 043 -4 549 -5 310 -5 817

Israël -3 272 -8 994 -3 595 -2 221 -8 520 -6 215 -1 051 -474 2 621

Jordanie -1 681 -2 167 -2 250 -562 -1 132 -1 264 -1 119 -1 035 -986

Liban -1 347 -4 680 -5 103 -709 -3 059 -2 425 -638 -1 621 -2 677

Maroc -894 -3 822 -4 028 -490 -1 860 -936 -404 -1 961 -3 092

Syrie 58 -537 1 953 154 500 2 557 -96 -1 037 -604

Tunisie -1 978 -2 428 -2 648 -970 -1 317 -1 289 -1 007 -1 112 -1 360

Turquie -9 341 -14 109 -15 508 -2 002 -5 786 -4 958 -7 339 -8 323 -10 550

PM -19 930 -46 457 -34 636 -5 579 -24 485 -12 988 -14 351 -21 973 -21 649

2 Soldes commerciaux – Echanges de produits manufacturés par partenaires (enmillions de dollars courants)

Monde UE RdM

1 990 1 995 2 002 1 990 1 995 2 002 1 990 1 995 2 002

Algérie -6 134 -6 817 -7 343 -3 797 -4 644 -4 804 -2 338 -2 173 -2 539

Egypte -6 181 -5 683 -4 722 -2 403 -2 455 -2 062 -3 778 -3 228 -2 660

Israël -1 456 -6 574 185 -2 503 -8 258 -6 117 1 047 1 685 6 302

Jordanie -897 -1 588 -1 334 -379 -975 -1 178 -518 -612 -156

Liban -1 000 -3 382 -3 226 -525 -2 349 -1 849 -475 -1 034 -1 377

Maroc -2 026 -2 437 -2 608 -1 439 -1 956 -1 443 -587 -481 -1 165

Syrie -1 164 -2 650 -2 366 -430 -1 269 -691 -734 -1 380 -1 674

Tunisie -1 553 -1 487 -1 624 -1 206 -1 296 -1 244 -348 -191 -380

Turquie -5 157 -8 934 -4 794 -2 127 -5 919 -5 059 -3 030 -3 015 265

Med -25 568 -39 552 -27 832 -14 808 -29 122 -24 448 -10 760 -10 429 -3 384

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ANNEXE 2

Croissances annuelles moyennes des échanges des PM selon le partenaire

Croissances annuelles moyennes totales Croissances annuelles moyennes des produits manufacturésMonde

EXPORTATIONS IMPORTATIONS EXPORTATIONS IMPORTATIONS

9O-95 95-2002 9O-95 95-2002 9O-95 95-2002 9O-95 95-2002

Algérie -6,5% 7,3% 4,2% 0,2% Algérie 0,1% 1,9% 1,5% 1,1%

Egypte -5,2% 4,5% 2,6% 1,0% Egypte 2,6% 1,5% -2,2% -1,6%

Israël 9,6% 6,5% 12,8% 2,4% Israël 2,2% 7,1% 2,9% 2,1%

Jordanie 9,2% 9,9% 6,7% 4,9% Jordanie 10,0% 14,5% 6,5% 4,6%

Liban 15,5% 3,3% 26,4% 1,5% Liban 20,9% 2,0% -0,5% -0,4%

Maroc -0,7% 7,5% 8,1% 4,8% Maroc 2,9% 11,1% 9,6% 6,8%Syrie 11,1% 9,8% 15,3% 1,8% Syrie 15,8% 9,2% 4,1% -0,4%

Tunisie 9,4% 3,3% 7,6% 2,7% Tunisie 11,1% 3,7% -0,5% 3,1%

Turquie 10,8% 7,5% 9,9% 5,3% Turquie 13,1% 9,3% 4,4% 4,8%

PM 4,9% 6,9% 9,3% 3,3% Med 5,2% 7,8% 6,8% 2,9%

Union européenne

EXPORTATIONS IMPORTATIONS EXPORTATIONS IMPORTATIONS

9O-95 95-2002 9O-95 95-2002 9O-95 95-2002 9O-95 95-2002

Algérie -5% 7,6% 4% 0,3% Algérie 4,5% 3,2% 0,8% 0,6%

Egypte -10% -2,6% 3% -4,3% Egypte -6,0% -4,3% -4,0% -2,9%

Israël 12% 2,5% 21% -1,2% Israël 4,3% 3,0% -1,4% -1,0%Jordanie 24% 11,3% 16% 2,5% Jordanie 24,1% 16,7% 4,2% 3,0%

Liban 5% 0,0% 31% -3,1% Liban -0,6% -0,4% -4,5% -3,2%

Maroc -2% 10,1% 5% 4,9% Maroc 21,0% 14,6% 9,7% 6,8%

Syrie 19% 7,6% 17% -5,3% Syrie 9,9% -2,5% 2,9% -7,6%

Tunisie 15% 3,2% 12% 2,5% Tunisie -3,5% 4,0% -10,5% 2,9%

Turquie 24% 7,5% 24% 4,7% Turquie 5,6% 9,3% 4,0% 5,4%

PM 7% 6,1% 15% 1,4% med 13,2% 7,0% 7,7% 2,0%

Reste du monde

EXPORTATIONS IMPORTATIONS EXPORTATIONS IMPORTATIONS

9O-95 95-2002 9O-95 95-2002 9O-95 95-2002 9O-95 95-2002

Algérie -9,4% 6,7% 4,4% 0,0% Algérie 11,2% 7,9% 6,3% 4,5%

Egypte 0,3% 8,8% 2,4% 3,6% Egypte 9,7% 6,9% -1,0% -0,7%

Israël 8,7% 8,1% 6,9% 5,6% Israël 12,2% 8,6% 7,1% 5,0%

Jordanie 8,5% 9,8% 3,4% 6,0% Jordanie 20,2% 14,0% 7,7% 5,5%

Liban 20,6% 4,2% 20,5% 6,8% Liban -4,3% -3,1% 4,1% 2,9%

Maroc 2,5% 2,3% 13,5% 4,7% Maroc 2,1% 1,5% 9,2% 6,5%

Syrie 0,2% 14,3% 13,7% 6,3% Syrie 12,4% 20,0% 5,5% 5,6%

Tunisie -2,5% 3,5% -0,4% 3,2% Tunisie 29,1% 5,3% 8,0% 3,8%Turquie 2,9% 7,5% 2,7% 5,8% Turquie 7,4% 9,7% 5,4% 3,7%

PM 2,8% 7,7% 5,0% 5,0% med 13,8% 8,7% 5,2% 3,9%

-237-

ANNEXE 3Echanges par types de biens

3-1 - Biens de consommation (en millions de dollars courants)

Importations Exportations Soldes

1990 1995 2002 1990 1995 2002 1990 1995 2002

Algérie 1 619 1 811 2 421 56 48 37 -1 563 -1 763 -2 384

Egypte 1 177 2 480 1 734 348 1 210 1 545 -829 -1 269 -189

Israël 1 739 3 829 5 769 1 952 2 631 4 364 213 -1 198 -1 404

Jordanie 455 824 1 074 66 116 554 -388 -708 -520

Liban 780 2 263 1 854 122 264 241 -658 -1 998 -1 613

Maroc 648 1 150 1 848 2 979 4 270 4 829 2 332 3 120 2 981

Syrie 279 675 748 48 355 543 -231 -321 -206

Tunisie 578 580 1 626 1 303 1 249 3 794 725 669 2 168

Turquie 1 607 1 743 4 666 5 228 9 052 18 102 3 620 7 309 13 436

Monde

PM 8 882 15 355 21 739 12 103 19 195 34 008 3 221 3 841 12 269

Algérie 334 269 376 11 2 2 -323 -267 -373

Egypte 696 1 289 846 185 597 841 -511 -693 -5

Israël 1 039 1 875 2 721 1 123 1 530 2 800 84 -346 79

Jordanie 253 423 486 56 70 496 -197 -354 10

Liban 373 931 572 94 185 137 -280 -746 -435

Maroc 159 327 461 863 640 680 704 312 219

Syrie 172 292 387 38 198 329 -134 -94 -58

Tunisie 217 108 327 557 174 387 340 66 60

Turquie 1 219 703 1 573 3 657 3 366 6 048 2 439 2 663 4 475

RDM

PM 4 463 6 219 7 748 6 584 6 760 11 719 2 122 541 3 971

Algérie 1 285 1 427 1 810 45 42 32 -1 240 -1 386 -1 778

Egypte 481 1 065 736 163 557 575 -318 -508 -161

Israël 699 1 913 2 728 821 1 086 1 477 122 -827 -1 250

Jordanie 202 361 397 10 27 29 -191 -334 -368

Liban 407 1 206 1 103 28 41 31 -379 -1 165 -1 072

Maroc 489 789 1 330 2 117 3 594 4 111 1 627 2 806 2 781

Syrie 107 277 242 10 112 126 -97 -165 -116

Tunisie 361 448 1 247 737 1 057 3 371 376 609 2 125

Turquie 388 1 018 3 025 1 367 5 354 11 183 978 4 336 8 159

UE

PM 4 419 8 503 12 616 5 298 11 869 20 935 879 3 367 8 318

-238-

ANNEXE 3 (suite)Echanges par types de biens

3-2 - Biens d’équipement (en millions de dollars courants)

Importations Exportations Soldes

1990 1995 2002 1990 1995 2002 1990 1995 2002

Algérie 2 116 1 442 2 703 15 11 27 -2 101 -1 432 -2 676

Egypte 2 311 2 906 2 467 168 70 101 -2 143 -2 836 -2 365

Israël 1 710 3 844 5 922 1 306 1 861 3 349 -404 -1 983 -2 573

Jordanie 457 476 822 26 17 45 -431 -459 -777

Liban 157 689 463 8 24 37 -149 -665 -426

Maroc 1 216 1 280 1 658 32 121 96 -1 184 -1 159 -1 561

Syrie 233 806 883 2 32 20 -230 -774 -863

Tunisie 709 735 1 456 62 111 323 -646 -624 -1 133

Turquie 3 184 6 222 8 612 243 651 2 788 -2 940 -5 571 -5 824

Monde

PM 12 092 18 402 24 985 1 863 2 898 6 787 -10 229 -15 504 -18 198

Algérie 910 258 721 7 1 16 -902 -257 -705

Egypte 1 045 1 341 1 264 6 14 34 -1 040 -1 327 -1 231

Israël 1 253 2 025 3 259 1 077 1 323 2 446 -176 -702 -814

Jordanie 195 190 300 13 7 17 -182 -183 -283

Liban 91 191 126 3 11 21 -88 -180 -105

Maroc 429 253 475 7 27 20 -422 -226 -455

Syrie 123 341 341 1 4 11 -122 -337 -330

Tunisie 287 192 338 41 21 117 -246 -171 -221

Turquie 2 152 2 673 3 047 159 325 1 221 -1 993 -2 348 -1 826

RDM

PM 6 484 7 464 9 871 1 314 1 733 3 901 -5 170 -5 731 -5 970

Algérie 1 206 1 134 1 894 7 9 12 -1 199 -1 125 -1 882

Egypte 1 266 1 544 1 176 163 47 49 -1 103 -1 497 -1 127

Israël 457 1 809 2 615 218 507 846 -239 -1 302 -1 769

Jordanie 262 255 491 13 8 21 -250 -247 -470

Liban 66 484 323 5 8 11 -62 -476 -312

Maroc 787 1 017 1 160 25 92 76 -762 -925 -1 084

Syrie 110 444 508 1 25 5 -109 -418 -503

Tunisie 422 537 1 101 14 72 192 -408 -465 -909

Turquie 1 031 3 530 5 506 55 226 1 297 -977 -3 305 -4 209

UE

PM 5 608 10 755 14 774 500 995 2 509 -5 108 -9 760 -12 266

-239-

ANNEXE 3 (suite)Echanges par types de biens

3-3 - Biens primaires (en millions de dollars courants)Importations Exportations Soldes

1990 1995 2002 1990 1995 2002 1990 1995 2002

Algérie 779 951 1 123 4 892 3 817 8 677 4 113 2 866 7 555

Egypte 1 326 1 780 1 778 2 806 2 519 1 237 1 480 738 -541

Israël 3 431 4 733 7 649 509 847 2 246 -2 921 -3 886 -5 403

Jordanie 185 300 150 277 281 186 92 -19 36

Liban 61 338 309 62 79 123 1 -259 -186

Maroc 466 886 792 658 613 571 193 -273 -220

Syrie 212 178 230 1 570 2 512 4 741 1 358 2 334 4 512

Tunisie 546 197 999 472 66 638 -74 -131 -362

Turquie 4 710 5 626 8 426 998 819 1 006 -3 712 -4 808 -7 420

Monde

PM 11 715 14 989 21 456 12 243 11 552 19 426 529 -3 437 -2 030

Algérie 528 671 650 1 814 645 3 382 1 286 -26 2 733

Egypte 1 053 1 507 1 453 1 126 1 043 296 74 -465 -1 157

Israël 3 062 4 102 4 722 368 531 1 317 -2 695 -3 571 -3 405

Jordanie 171 261 117 256 215 150 85 -46 33

Liban 38 167 93 21 28 74 -17 -139 -20

Maroc 298 471 500 261 293 301 -36 -178 -199

Syrie 90 158 188 845 149 779 756 -9 590

Tunisie 423 117 711 68 32 48 -355 -84 -663

Turquie 4 412 4 209 6 779 724 421 469 -3 688 -3 788 -6 311

RDM11

PM 10 074 11 663 15 213 5 484 3 358 6 815 -4 590 -8 305 -8 398

Algérie 251 271 367 3 078 2 946 5 149 2 827 2 675 4 782

Egypte 273 260 307 1 680 1 290 889 1 406 1 029 582

Israël 369 621 2 910 130 299 911 -238 -323 -1 999

Jordanie 14 31 22 20 47 10 6 15 -11

Liban 23 122 149 41 33 25 18 -89 -124

Maroc 168 406 281 397 314 267 229 -92 -14

Syrie 122 15 29 725 2 015 3 333 603 2 001 3 304

Tunisie 123 76 208 386 25 563 263 -51 355

Turquie 298 889 993 223 331 461 -75 -558 -532

UE

PM 1 641 2 691 5 266 6 679 7 299 11 608 5 039 4 608 6 342

-240-

Annexe 4

:Im

porta

tions e

t exporta

tions in

tra-a

rabes to

tale

s (1

997-2

002) (M

illions d

e U

S $

)

Tau

x mo

yen

de C

rois. (%

)T

aux m

oyen

d

e Cro

is. (%)

19971998

19992000

20012002

1997-20011997

19981999

20002001

20021997-2001

Total

15 975,613 922,6

14 198,516 546,6

17 926,121 514,2

6,112 821,1

13 177,413 803,2

15 925,416 686,1

18 764,97,9

Algérie

230,6146,3

258,6361,3

354,0474,3

11,3361,3

260,4185,4

299,0318,2

462,6-3,1

Bahrain

555,8549,4

581,9499,8

539,8660,0

-0,7370,7

379,8398,8

426,7465,2

566,05,8

Djibouti

86,8100,6

105,4121,3

133,6140,7

11,455,7

115,9107,7

134,1138,5

160,725,6

Egypte

496,3558,3

471,5601,9

616,0736,3

5,6691,6

898,91 009,7

1 458,91 124,5

1 461,512,9

Irak571,2

302,4395,3

650,51 010,0

1 311,115,3

292,8261,1

300,8406,4

943,61 047,1

34,0Jordanie

781,8657,9

601,8608,3

960,31 044,8

5,3963,4

735,7803,0

1 091,31 161,0

1 280,54,8

KS

A6 542,2

4 852,05 120,0

6 465,46 381,4

7 938,5-0,6

1 784,41 980,5

2 205,61 673,4

1 683,21 906,4

-1,4K

oweït

406,8404,1

414,5435,3

515,3580,3

6,11 077,5

1 067,41 023,5

1 066,21 101,9

1 324,80,6

Liban314,9

323,6294,5

326,9395,4

507,55,9

691,5609,0

557,9767,4

942,8697,3

8,1Lybie

594,1445,2

335,0442,7

439,0502,4

-7,3524,7

501,3539,5

603,8535,8

742,50,5

Maroc

297,4284,1

293,1255,2

285,7316,0

-1,0890,9

663,0889,7

1 413,21 311,5

1 394,610,2

Mauritanie

3,63,1

6,13,8

8,210,2

22,672,3

41,325,5

32,852,8

67,1-7,5

Om

an979,0

1 109,61 073,2

1 155,41 118,3

1 208,93,4

1 481,81 682,2

1 581,32 042,6

1 976,42 101,4

7,5Q

atar333,3

308,4594,0

631,8711,7

773,620,9

414,2487,2

640,8652,2

538,8583,6

6,8S

omalie

131,1165,6

169,4185,2

189,6101,8

9,740,6

51,555,0

69,5127,9

180,533,2

Soudan

203,1244,5

254,9244,5

193,3318,8

-1,2406,8

530,1363,9

362,2419,0

899,50,7

Syrie

1 023,0805,0

727,2706,6

776,21 256,9

-6,7340,0

306,0318,2

407,8428,5

590,26,0

Tunisie

421,6390,0

406,3431,7

549,1639,7

6,8418,5

393,6388,9

431,7550,5

668,57,1

EA

U1 910,4

2 107,51 931,7

2 208,62 580,1

2 829,07,8

1 394,11 573,8

1 649,81 710,0

1 910,92 076,7

8,2Y

émen

92,6165,0

164,1210,4

169,1163,4

16,2548,3

638,7758,2

876,2955,1

553,414,9

Exp

orts(F

OB

)Im

po

rts (CA

F)

-241-

Annexe 5

: Com

merc

e In

tra-re

gio

nal d

ans le

s P

M, 2

002

sourc

eAZ

CH

YP

EG

Isra

ël

Jord

anie

Lib

an

Malte

Maro

cSyrie

Tunis

ieTurq

uie

Tota

l PM

UE

Monde

Alg

érie

exports

156,9

05,3

14

153,5

3,5

88

948

1369,2

11842

18635

imports

6,0

54,5

43,3

24,7

5,0

16,5

118,7

95,9

391,0

755,6

6 6

12,0

10791

Chypre

exports

4,7

13,0

2,1

2,4

22,2

528,2

843,5

imports

0,2

190,6

1,5

0,4

192,7

2 6

15,3

4083,6

Egypte

exports

12,8

7,0

18,0

34,4

70,0

21,0

33,9

73,9

48,0

107,0

426,0

2 7

99,0

4708

imports

4,8

16,0

29,0

27,9

30,9

13,0

27,3

63,8

28,3

354,0

595,0

6 6

13,0

12552

Isra

ël

exports

191,0

26,0

69,0

26,0

383,0

695,0

7 3

00,0

29347

imports

23,0

20,0

48,0

3,0

814,0

908,0

13 5

21,0

35517

Jord

anie

exports

44,3

0,8

15,9

43,6

46,9

0,2

2,2

65,8

7,2

16,7

243,5

172,4

2674,4

imports

0,1

7,7

76,1

103,9

43,0

0,3

11,2

96,9

1,6

117,9

458,7

1 5

70,2

5250

Lib

an

exports

17,3

7,0

27,6

35,3

13,2

2,1

75,6

15,9

38,1

232,1

163,7

1045,8

imports

3,1

42,2

134,4

44,1

12,8

16,6

207,2

8,8

201,8

671,0

3 0

84,0

6446,8

Malte

exports

4,1

1,3

11,4

2,9

0,3

1,0

0,2

0,1

6,0

25,7

53,0

973,0

2225,1

imports

14,9

2,4

23,4

28,3

0,2

0,9

1,5

0,3

5,1

126,7

203,6

2 7

93,9

2839,2

Maro

cexports

20,1

3,0

19,0

1,0

23,0

8,2

1,0

16,4

48,5

62,0

202,2

5 4

87,0

7772

imports

159,9

4,0

55,2

7,0

1,9

6,6

11,1

55,1

145,0

445,8

7 9

53,0

11647

Syrie

exports

127,8

144,2

43,5

75,9

148,0

0,3

12,8

11,5

460,2

1 0

24,1

3 4

78,4

6668

imports

13,4

36,7

92,2

47,8

78,4

0,1

17,3

3,3

282,2

571,3

2 1

62,3

4458

Tunis

ieexports

10,0

0,4

18,0

11,8

68,1

4,7

5,3

5,2

56,5

180,0

5 3

94,8

6874,3

imports

98,5

1,3

51,6

7,2

4,3

6,5

62,8

14,1

148,3

394,6

6 6

97,9

9526

Turq

uie

exports

503,0

321,0

833,0

114,0

183,0

115,0

132,0

257,0

117,0

2 5

80,0

18 0

60,0

34561

imports

1,1

118,0

493,0

18,0

42,0

28,0

1,0

506,0

72,0

1 2

79,1

23 1

24,0

49663

Sourc

e : U

nifie

d A

rab E

conom

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eport, 2

003 e

t the D

irectio

n o

f Tra

de S

tatis

tics, IM

F, 2

004

-242-

Annexe 6

: Ratio

d'in

tensité

com

merc

iale

des P

M, 2

002

Alg

érie

Ch

yp

reEg

yp

teIsra

el

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ieLib

an

Malte

Maro

cS

yrie

Tu

nis

ieTu

rqu

ieTo

tal P

M

Alg

érie

0,2

72,6

70

1,1

0,8

70,8

21,9

10,5

42,4

43,4

70,7

1

Chypre

0,2

0,0

4,1

0,0

0,0

0,9

0,0

0,0

0,0

0,0

0,9

Egypte

0,2

1,7

0,3

2,9

5,0

2,5

1,2

1,0

1,7

2,0

0,8

Isra

el

0,0

4,3

0,3

1,5

0,0

0,6

0,0

0,0

0,0

1,4

0,2

Jord

anie

1,2

1,4

4,3

1,8

9,7

0,1

0,6

2,7

0,4

1,3

1,3

Lib

an

0,6

8,5

8,0

0,0

8,6

4,4

0,8

4,9

1,3

2,4

2,0

Malte

0,8

0,9

2,6

0,6

0,1

0,3

0,1

0,0

0,9

2,3

0,5

Maro

c2,0

0,5

1,4

0,0

1,0

0,7

0,1

0,2

2,1

0,8

0,5

Syrie

2,8

21,2

4,5

0,0

9,0

17,4

0,0

0,9

0,5

5,1

2,4

Tunis

ie1,4

0,1

1,6

0,0

0,9

3,8

0,9

1,4

0,2

1,0

0,5

Turq

uie

1,3

0,0

1,9

1,6

1,3

2,3

2,2

0,5

1,2

0,9

0,9

-243-


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