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Raymond Duchamp-Villon (Damville 1876-1918 Cannes) La liseuse

1905 Marbre blanc, H.43 x L.24 x P.15 cm

Provenance : Galerie Louis Carré.

Expositions : Paris, Grand Palais des Champs-Elysées, Société du Salon d'automne, 18 octobre-25 novembre 1905. New-York, Brummer Gallery, Memorial exhibition of the works of Raymond Duchamp-Villon (1876-1918), 5 janvier – 9 février 1929. New-York, The Art Club of Chicago, Sculpture by Raymond Duchamp-Villon loaned by the Brummer Gallery, 28 mars – 12 avril 1929. Bibliographie : Catalogue de peinture, dessin, sculpture, gravure, architecture et art décoratif. Société du Salon d'automne, Paris, Grand Palais des Champs-Elysées, 18 octobre-25 novembre 1905, catalogue d’exposition, Paris, 1905. Camillle Mauclair, “La peinture et la sculpture au Salon d’Automne”, L’Art Décoratif, 1905, vol. 2, p. 220, (repr.). Walter Pach, Memorial exhibition of the works of Raymond Duchamp-Villon (1876-1918), New-York, Brummer Gallery, 5 janvier – 9 février 1929, brochure de l’exposition, New-York, 1929, n° 33 : “La liseuse”.

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Walter Pach (intr.), Sculpture by Raymond Duchamp-Villon loaned by the Brummer Gallery, New-York, The Art Club of Chicago, 28 mars – 12 avril 1929, brochure de l’exposition, Chicago, 1929, n° 22 : “La Liseuse”. Marie-Noël Pradel, Raymond Duchamp-Villon, thèse, Paris, 3 volumes ; vol. 1, p. 14, 48-49 ; vol. 3, catalogue n°15 : “Femme qui lit”, planche 10. Duchamp-Villon : collections du Centre Georges Pompidou, Musée national d'art moderne et du Musée des beaux-arts de Rouen, catalogue d’exposition, Paris, 1998, p. 30 (repr.)

Pionnier de la sculpture moderne avec le Cheval Majeur (ill. 7), Raymond Duchamp-Villon est un artiste autodidacte dont les premières œuvres figuratives témoignent de l’influence de l’Art Nouveau et de Rodin. Frère de Jacques Villon et de Marcel Duchamp, il abandonne ses études de médecine en 1894 pour se consacrer à la sculpture. Il inaugure en 1905 une série de portraits naturalistes avec le buste de Monsieur Duchamp et notre Liseuse, présentés au Salon d’automne. Ce mystérieux modèle n’est autre qu’Yvonne Bon, dite « La Grande Yvonne », sœur de son ami Jacques Bon, lui-même peintre et élève d’Antonio de La Gandara. Le 9 septembre 1903, Raymond Duchamp-Villon épouse cette dernière à Paris et le couple part s’installer à Neuilly. Modèle privilégié de son époux (ill. 1), Yvonne pose aussi occasionnellement pour ses beaux-frères, Marcel Duchamp (ill. 2) et Jacques Villon (ill. 3).

ill. 1 : Raymond Duchamp-Villon, Yvonne Bon à l’ombrelle ou la Promenade, Signée et datée (sur la base) ‘R. Duchamp-Villon/04’,

moulage en terre cuite et couverte d’engobe, 28 X 15 X 14,2 cm,

collection particulière en dépôt à Rouen

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ill. 2 : Marcel Duchamp, Portrait d'Yvonne Duchamp-Villon née Bon, 1907, huile sur toile,

Floride, Ringling Museum of Art

ill. 3 : Jacques Villon, La Parisienne (Yvonne Duchamp-Villon), 1904,

estampe, 24 x 16.7 cm, New-York, Museum of Modern Art

L’artiste représente sa femme, les yeux baissés, appuyant sa main sur sa joue. Perdue dans la lecture d’un livre qui lui procure visiblement grande satisfaction, elle esquisse un léger sourire. Sa sculpture émerge à demi dans la matière. Son visage lisse, soigneusement exécuté, contraste avec l’aspect brut et tourmenté de son épaisse chevelure, à peine ébauchée. Le buste et les cheveux semblent vus « au fond d’une eau calme », pour reprendre l’expression de Rodin. En dépit de sa formation d’autodidacte, le sculpteur adopte la force d’expression et la puissance de Rodin, bien qu’il n’ait eu aucun contact direct avec le maître. Notre portrait constitue un rare exemple de sculpture exécutée en marbre par Duchamp-Villon. L’artiste, qui ne fréquente aucun cours, ne s’emploie que rarement à tailler le marbre ou la pierre : c’est généralement dans le bronze que la plupart de ses œuvres trouvent leur état définitif. Pour réaliser un marbre, il fait reproduire sommairement son modèle en terre par un metteur au point avant de procéder lui-même aux détails, finitions et retouches.

La Liseuse remporte un vif succès au Salon d’Automne comme en témoigne l’article publié en 1905 dans la revue L’Art Décoratif (ill. 4). Le marbre est également exposé quelques années plus tard, à l’occasion de la rétrospective consacrée à Duchamp-Villon, organisée par la Brummer Gallery en 1929, à New-York et à Chicago.

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ill. 4 : La Liseuse de Duchamp-Villon illustrée dans la première page de l’article de Camille Mauclair, “La peinture et la sculpture au Salon d’Automne”, L’Art Décoratif, 1905, vol. 2, p. 220.

Par ses capacités d’assimilation et sa volonté d’expérimentation, Duchamp-Villon aboutit à des formules novatrices, en à peine une dizaine d’années. Après avoir emprunté les chemins de la sculpture figurative et naturaliste, il s’en dégage avec puissance. Les joueurs de football, exposés au Salon d’Automne de 1905, démontrent un intérêt certain pour l’étude du mouvement dès les premières années de sa carrière. Le milieu qu’il fréquente, propice à une émulation intellectuelle, sa curiosité d’esprit et son désir de perfectionnement vont jouer en faveur de ce renouvellement artistique. Le lyrisme impressionniste de Rodin, dont notre œuvre offre un brillant témoignage, va évoluer progressivement vers une manière plus synthétique, pour aboutir, en 1910, à une saisissante rigueur cubiste. Dès 1911, Duchamp-Villon participe avec ses deux frères aux réunions du Groupe de Puteaux, également connu sous le nom de la Section d’Or. Selon leur propre définition du cubisme, la recherche d’harmonie et de formes idéales est régie par le principe du nombre d’or de la Renaissance. L’artiste opère une première mutation avec les bustes de Baudelaire (ill. 5) et de Maggy (ill. 6) pour lesquels il fixe des types et ne retient que l’essentiel des traits en simplifiant et en géométrisant les formes du visage. Cette radicalisation des formes combinée à l’étude du mouvement donne naissance au Cheval Majeur (ill. 7), œuvre fondatrice de la sculpture moderne, qui vient souvent éclipser la production antérieure de l’artiste dont notre œuvre constitue un rare témoignage.

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ill. 5 : Raymond Duchamp-Villon, Baudelaire,

bronze, 40 x 25 x 20 cm, Paris, Musée national d’art moderne,

Centre Pompidou

ill. 6 : Raymond Duchamp-Villon, Maggy, bronze, 71 x 33 x 41 cm,

Paris, Musée national d’art moderne, Centre Pompidou

ill. 7 : Raymond Duchamp-Villon, Le cheval majeur,

bronze et patine noire, 150 x 97 x 153 cm, Paris, Musée national d’art moderne,

Centre Pompidou

Amélie du Closel