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UNE ÉTAPE CLÉ DANS LA COURSE À LA MAISON-BLANCHE · Hillary Clinton est devenue l’évidence du...

Date post: 09-Oct-2020
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* Chercheure, diplômée de Sciences Po Lyon et Paris Assas, boursière Fulbright Princeton. Co-fondatrice du site « Bully Pulpit » www.bullypulpit.fr/ Charlotte Persant* Chroniques américaines Note n° 1 - Fondation Jean-Jaurès - 21 janvier 2016 AVERTISSEMENT : La mission de la Fondation Jean-Jaurès est de faire vivre le débat public et de concourir ainsi à la rénovation de la pensée socialiste. Elle publie donc les analyses et les propositions dont l’intérêt du thème, l’originalité de la problématique ou la qualité de l’argumentation contribuent à atteindre cet objectif, sans pour autant nécessairement reprendre à son compte chacune d’entre elles. a course à la Maison-Blanche n’est pas une affaire de raison mais la rencontre entre un pays et son destin. Les yeux rivés vers l’Amérique, on a presque l’im- pression que l’élection américaine fascine plus les Français que les Américains. Les articles sur l’actualité de la vie politique américaine sont nombreux et les analyses par anticipations innombrables. Pourtant cette élection est très éloignée de notre modèle français tant par la complexité de son système électoral que par la violence des enjeux. La route vers la Maison-Blanche est longue, semée d’embûches et imprévisible tant le système politique américain est impitoyable. « You have to be a bit crazy to run for president », il faut être un peu fou pour se présenter à la présidentielle, disait Hillary Clinton lors d’une interview sur la chaîne PBS 1 . Cette élection se joue sur deux momentum politiques : les primaires qui se terminent par la convention de chaque parti et la désignation des candidats, puis l’élection générale. Dans la première étape que nous analyserons ici, ce sont les partis qui mènent la danse en choisissant le calendrier, les modalités des primaires, celles des « caucus » et une partie du programme présidentiel. Cette étape est décisive en ce qu’elle conditionne le maintien ou le retrait des candidats dans la course. Le coût des campagnes électorales et la complexité de l’organisation dissuadent très largement les petits candidats de se présenter, la règle du bipartisme domine ainsi la vie politique américaine. Les débats se font plutôt au sein des deux grands partis car ce sont les seuls à pouvoir porter jusqu’au bout une candi- dature à la présidence. L’élection américaine ne comporte qu’un tour, il n’y a pas de deuxième chance. Les primaires ne sont pas l’équivalent d’un premier tour. À ce stade, Donald Trump semble attirer toute l’attention médiatique dans le camp républicain et la France se passionne pour ce candidat quelque peu fantasque. Pourtant, il est peu probable qu’il soit désigné candidat du Parti républicain. En 2016, l’enjeu des primaires se joue effectivement du coté des républicains : qui affrontera Hillary Clinton, l’évidence du camp démocrate ? L’élection américaine : un seul tour pour gagner Le système des primaires est introduit en 1903 par le sénateur du Wisconsin Robert La Follette. Cette grande figure du mouvement réformateur eut ainsi un impact majeur sur la vie politique américaine à travers l’instauration d’un système de désignation par les États L 1. Interview diffusée le 25 juin 2004 sur PBS. LES PRIMAIRES : UNE ÉTAPE CLÉ DANS LA COURSE À LA MAISON-BLANCHE
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Page 1: UNE ÉTAPE CLÉ DANS LA COURSE À LA MAISON-BLANCHE · Hillary Clinton est devenue l’évidence du camp démocrate depuis que le vice-président Joe Biden refusa de se lancer dans

* Chercheure, diplôméede Sciences Po Lyon etParis Assas, boursière

Fulbright Princeton. Co-fondatrice du site

« Bully Pulpit » www.bullypulpit.fr/

Charlotte Persant*

Chroniques américainesNote n° 1 - Fondation Jean-Jaurès - 21 janvier 2016

AVERTISSEMENT : La mission de la Fondation Jean-Jaurès est de faire vivre le débat public et de concourirainsi à la rénovation de la pensée socialiste. Elle publie donc les analyses et les propositions dont l’intérêtdu thème, l’originalité de la problématique ou la qualité de l’argumentation contribuent à atteindre cet objectif,sans pour autant nécessairement reprendre à son compte chacune d’entre elles.

a course à la Maison-Blanche n’est pas une affaire de raison mais la rencontreentre un pays et son destin. Les yeux rivés vers l’Amérique, on a presque l’im-pression que l’élection américaine fascine plus les Français que les Américains.

Les articles sur l’actualité de la vie politique américaine sont nombreux et les analyses paranticipations innombrables. Pourtant cette élection est très éloignée de notre modèlefrançais tant par la complexité de son système électoral que par la violence des enjeux.La route vers la Maison-Blanche est longue, semée d’embûches et imprévisible tant lesystème politique américain est impitoyable.

« You have to be a bit crazy to run for president », il faut être un peu fou pour se présenterà la présidentielle, disait Hillary Clinton lors d’une interview sur la chaîne PBS1. Cetteélection se joue sur deux momentum politiques : les primaires qui se terminent par laconvention de chaque parti et la désignation des candidats, puis l’élection générale.

Dans la première étape que nous analyserons ici, ce sont les partis qui mènent la danseen choisissant le calendrier, les modalités des primaires, celles des « caucus » et une partiedu programme présidentiel. Cette étape est décisive en ce qu’elle conditionne le maintienou le retrait des candidats dans la course. Le coût des campagnes électorales et lacomplexité de l’organisation dissuadent très largement les petits candidats de se présenter,la règle du bipartisme domine ainsi la vie politique américaine. Les débats se font plutôt ausein des deux grands partis car ce sont les seuls à pouvoir porter jusqu’au bout une candi-dature à la présidence. L’élection américaine ne comporte qu’un tour, il n’y a pas de deuxièmechance. Les primaires ne sont pas l’équivalent d’un premier tour. À ce stade, Donald Trumpsemble attirer toute l’attention médiatique dans le camp républicain et la France sepassionne pour ce candidat quelque peu fantasque. Pourtant, il est peu probable qu’il soitdésigné candidat du Parti républicain. En 2016, l’enjeu des primaires se joue effectivementdu coté des républicains : qui affrontera Hillary Clinton, l’évidence du camp démocrate ?

L’élection américaine : un seul tour pour gagner

Le système des primaires est introduit en 1903 par le sénateur du Wisconsin Robert LaFollette. Cette grande figure du mouvement réformateur eut ainsi un impact majeur surla vie politique américaine à travers l’instauration d’un système de désignation par les États

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1. Interview diffusée le 25 juin 2004 sur PBS.

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plus que par le parti, qui fut progressivement adopté par tous les États. Jusqu’en 1968, lespartis disposaient d’un autre moyen de peser sur la désignation de leur candidat : l’inves-titure lors de la convention nationale du parti. Ainsi, en conservant toute la latitude dansla sélection des délégués à la convention, le parti était en mesure de déterminer le votefinal. La décision d’investir Hubert Humphrey (vice-président du Président Johnson) lorsde la convention (démocrate) de Chicago en 1968 aux dépens d’Eugene McCarthy, favorides primaires, conduit à une révision majeure du processus de sélection des délégués.

Aujourd’hui, les délégués sont élus au moment des primaires qui peuvent être fermées(seuls les électeurs affiliés à un parti peuvent voter pour un candidat de leur parti), semi-ouvertes (les indépendants peuvent voter) ou ouvertes (tous les électeurs peuvent voterpour un parti).

Aux délégués désignés par États s’ajoutent les gouverneurs des États, les membres du partides deux assemblées parlementaires, les membres du comité national, les anciens présidentset vice-présidents et les dirigeants du parti au Congrès. Ces « super délégués » sont libresde leur vote lors de la convention de leur parti et représentent environ 20 % des délégués.

Lorsque les élections primaires prennent la forme de « caucus », réunions réservées auxmembres du parti, les votes se font à main levée le plus souvent dans les salles de classes,les bibliothèques et gymnases. C’est le cas dans l’Iowa qui marque le premier caucus ducalendrier électoral. Car les États veulent organiser des primaires le plus tôt possible afinde jouer un rôle clé dans le processus d’accumulation des délégués et ainsi peser dans lanomination du candidat. Le « super Tuesday » (1er mars 2016) est le moment de cristallisationpolitique car il regroupe une dizaine d’États et correspond au moment où les candidatscapitalisent un maximum de délégués. L’enjeu de cette soirée est de voir qui émerge.

www.ncsl.org/research/elections-and-campaigns/cnv-the-canvass-vol-xx-may-2011.aspx

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Chroniques américainesNote n° 1 - Fondation Jean-Jaurès - 21 janvier 2016

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Si la campagne de désignation par les partis de leurs candidats doit être « lue comme unetrès courte mini campagne nationale qui se gagne ou se perd sur les thèmes ou stratégieseux-mêmes nationaux »2, elle n’est pas pour autant l’équivalent d’un premier tour de l’élec-tion présidentielle.

En effet, tant par la composition du collège électoral que par la stratégie électorale, lesélections primaires sont d’abord et avant tout une première étape vers la Maison-Blanche.On l’a vu, ce sont les délégués, dont le nombre varie en fonction de la population desÉtats, qui votent lors de la convention des partis. Il existe deux types de délégués : les« pledged delegates » qui ont été élus sur une liste nominative et qui doivent donc voterpour le candidat pour lequel ils se présentaient et les « unpledged delegates » qui sontlibres de leur vote lors de la convention. Au fil des mois, les candidats qui accumulent lemoins de délégués et qui deviennent donc les moins susceptibles de soulever des fondsdisparaissent dans l’anonymat.

La composition du vote lors de ces primaires est donc très spécifique puisqu’il s’agit avanttout, dans la majorité des États, de la base électorale du parti. Il ne s’agit pas d’un échantillonreprésentatif de l’électorat du pays mais au contraire de l’expression de la base la plus mili-tante, engagée et plutôt située aux deux extrémités sur l’échiquier politique. Une primairese gagne à l’extrémité de son parti politique et l’enjeu de l’élection présidentielle estde revenir plus au centre. Comparer les élections primaires à un premier tour d’électionprésidentielle revient à ignorer la composition électorale mais également la stratégie quien découle.

La candidature de Bernie Sanders, qui s’est dit lui-même « socialiste », séduit l’électoratle plus à gauche des démocrates et lui permet d’exister médiatiquement. Cependant, iln’a aucune chance de devenir président en 2016. L’art subtil de l’élection présidentielleaméricaine est de garder sa base militante tout en séduisant le centre et les indépendants.Tel un équilibriste sur un fil, le candidat à la Maison-Blanche doit séduire et convaincre leplus grand nombre. À l’issue des votes, le candidat qui emporte le plus de délégués par Étatgagne l’ensemble des délégués de cet État. Ce système est appelé le « winner takes all », le« gagnant prend tout », il rafle la mise. À partir de février, ce qui compte, c’est donc lenombre de délégués accumulés afin d’être désigné par son parti. L’enjeu de chacun descandidats jusqu’au printemps est alors d’arriver en tête des gros États et d’accumuler leplus de délégués possibles.

Ainsi, on peut considérer le vote lors des primaires comme une première étape vers laMaison-Blanche, une étape cruciale et déterminante mais en aucun cas comme unpremier tour dont le second tour serait l’élection générale. Ce ne sont ni le même corpsélectoral ni les mêmes stratégies.

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2. Vincent Michelot, Bush, l’empereur de la Maison-Blanche, Armand Colin, 2004, p. 15.

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L’enjeu de 2016 : la désignation du candidat républicain

Hillary Clinton est devenue l’évidence du camp démocrate depuis que le vice-présidentJoe Biden refusa de se lancer dans une troisième course à la présidence en octobre dernier.À ce stade, côté républicain, il ne semble pas se dégager de candidat crédible et sérieux.Donald Trump fait la course en tête des sondages face au sénateur de Floride MarcoRubio, au sénateur du Texas Ted Cruz, au neurochirurgien Ben Carson, à l’ancienGouverneur de Floride Jeb Bush, au Gouverneur du New Jersey Chris Christie, à l’ancienGouverneur de l’Arkansas Mike Huckabee, à la femme d’affaires Carly Fiorina et auGouverneur de l’Ohio John Kasich. Pourtant, le suspens reste entier. Si les primaires nesont pas l’équivalent d’un premier tour à l’élection présidentielle, les sondages ne font pasnon plus une élection. En effet, en décembre 2007, soit un an avant l’élection présiden-tielle de 2008 qui vit s’affronter Barack Obama (26 % dans les sondages de décembre2007) et John McCain, les sondages prédisaient un affrontement entre Hillary Clinton(créditée de 45 % des voix) et Rudy Giuliani (ancien maire de New York – crédité de25 % des voix). John McCain (15 %) n’était que troisième dans les sondages à cette mêmeépoque face à Rudy Giuliani et Mike Huckabee (16 % chacun).

En 2011, face à Barack Obama, les républicains désignèrent finalement Mitt Romney,crédité pourtant de 22 % des voix seulement dans les sondages de décembre, tandis queNewt Gingrich caracolait en tête avec plus de 37 %. Une rapide comparaison entre lescandidats en tête des sondages et ceux véritablement désignés lors des conventions dechacun des partis au cours des dernières élections présidentielles (2008, 2012) montrequ’à la même époque en décembre, rien n’était décidé et que les percées médiatiques nese sont pas matérialisées dans un vote pour le candidat en tête des sondages. Cela peuts’expliquer par la raison suivante : la grande inconnue de chaque élection est celle desvotants – qui va se déplacer pour aller voter ? L’enjeu des primaires est de faire voter labase électorale qui permettra de désigner un candidat très représentatif du parti et quiaura ensuite la lourde tâche de séduire l’électorat plus au centre. Une élection présiden-tielle aux États-Unis se gagne au centre. C’est pourquoi un candidat comme DonaldTrump est un risque pour le Parti républicain. L’objectif des électeurs est de voter pour lecandidat qui aura le plus de chance de gagner une majorité de suffrages indirects lors del’élection générale. Ainsi, les candidats désignés sont rarement les plus fantasques ou lesplus controversés.

Déjà candidat aux primaires républicaines en 1999, Donald Trump semble avoir quelque peugagné en crédibilité depuis. Cette évolution sera t-elle suffisante pour qu’il soit désigné ?

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Si l’on doit faire des prédictions, il est toujours intéressant de regarder par catégoriesde votants car c’est en décortiquant le vote militant que l’on peut déceler une tendanceélectorale.

En effet, un sondage publié en octobre dernier montre que parmi les électeurs républi-cains, Donald Trump semble séduire plutôt les hommes, plutôt les électeurs républicainstrès conservateurs, ceux du Sud et les moins diplômés. Il ne séduit que très peu de répu-blicains dans les États du Midwest et de l’Ouest. Ce sont Marco Rubio et Jeb Bush quisemblent séduire les minorités (afro-américaines et hispaniques) tandis que Ted Cruzattire l’électorat du Sud. Mike Huckabee semble séduire un panel d’électeurs conser-vateurs et modérés ainsi que l’ensemble des classes d’âge de plus de 30 ans. Ce qui estfrappant dans ce sondage, c’est qu’aucun candidat ne semble séduire modérémentl’ensemble des catégories. Tous attisent un refus chez une ou plusieurs catégories. Il n’ya donc pas de candidat générant un équilibre des forces. Cela fait écho à l’absence deleadership par un ou plusieurs candidats lors de ces primaires. Donald Trump ne se dégagedes autres candidats que par sa capacité à choquer. Il n’y a pas d’éléments tangiblesmontrant que sa candidature est sérieuse. Même dans son propre camp républicain il nereçoit que 45 % d’opinions favorables quant à la crédibilité de sa candidature.

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www.gallup.com/opinion/polling-matters/186080/republican-candidates-images-across-gop-segments.aspx?g_source=GOP%20nomination&g_medium=search&g_campaign=tiles

Les jeux ne sont donc pas joués et la route vers la Maison-Blanche est encore longue. Lesmeilleurs analystes américains ne se risquent à aucune prédiction. Le Professeur LarrySabato, connu pour ses prédictions électorales imparables, a écrit un excellent articleargumenté pour expliquer que si aucun candidat ne se distingue des autres, on pouvaitles classer par catégories. Il classe donc les candidats républicains en trois catégories3 : 1. ceux qui font la course en tête : Donald Trump et Ben Carson,2. ceux qui sont les plus crédibles : Marco Rubio, Ted Cruz et Jeb Bush,3. ceux qui rêvent : Carly Fiorina, Chris Christie, Mike Huckabee et John Kasich.

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3. Larry J. Sabato, Sabato’s Crystal Ball, 17 décembre 2015 (www.centerforpolitics.org/crystalball/articles/ten-factors-that-will-determine-the-next-president/ ).

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Une primaire se gagne avec une organisation capable de soulever des fonds, de mobiliserla base militante lors des portes à portes, puis des meetings.

www.nytimes.com/interactive/2016/us/elections/presidential-candidates-dashboard.html

Le New York Times propose une sélection en fonction de la capacité à soulever des fonds,la capacité à séduire l’intelligentsia du parti et les différents sondages pour les deuxpremières étapes des primaires : l’Iowa et le New Hampshire. Aucun candidat n’apparaîtclairement en tête dans l’ensemble des catégories. Si Jeb Bush est celui qui a la plusgrande capacité à soulever des fonds et à attirer les ténors du parti, c’est Ted Cruz etMarco Rubio qui caracolent en tête dans chaque catégorie. Donald Trump ne met pas lesoulèvement de fonds en tête de ses priorités et n’apparaît donc pas comme le plus capablede le faire. En réalité, il n’en a pas besoin. Il arrive cependant en tête des sondages de laprimaire du New Hampshire.

La presse est, plus que jamais lors de l’élection présidentielle, le quatrième pouvoir, celuiqui révèle les scandales et participe à ce que Larry Sabato définit comme le « feeding fenzy »,c’est-à-dire le pouvoir de la presse d’alimenter la rumeur lors des campagnes électoraleset d’influencer la vision que les électeurs se font des candidats.

Pour évaluer une candidature, il faut prendre en compte l’ensemble de ces facteurs. Unecandidature à la présidence des États-Unis, c’est avant tout une histoire, un personnageque l’on façonne et que l’on décrit à travers le temps. Le « story telling » à l’américaineconstitue une grande partie de la vie politique américaine. Il s’agit de raconter son histoirede telle sorte qu’un maximum de gens y adhère.

Un homme, un destin. George W. Bush, l’entrepreneur du Texas. Bill Clinton, issu d’unmilieu modeste d’Arkansas devenu un brillant avocat. Barack Obama, le premier afro-américain élu président par son talent oratoire exceptionnel et un parcours sans fautedepuis Chicago.

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Une campagne pour les primaires se conçoit aux États-Unis comme une « mini campagnenationale » car si un faible échantillon d’électeurs vote et si cet échantillon n’est pasreprésentatif de l’ensemble de l’électorat, il reste néanmoins intéressé par les sujetsnationaux. Cependant, la priorité des sujets varie en fonction des partis. En 2016, laquestion raciale préoccupe plus les électeurs démocrates que les électeurs républicainsou indépendants. L’immigration, le terrorisme et, de manière générale, la politique étran-gère préoccupent plus les républicains que les démocrates. La réforme de l’assurancemaladie, qui a suscité une forte opposition du Tea Party et des républicains dans leurensemble, apparaît comme un sujet majeur pour les républicains. Un sujet semble êtred’une importance cruciale pour tous : l’économie. « It’s the economy stupid », avait déclaréJames Carville en 1992. En charge de la stratégie de la campagne présidentielle de BillClinton, James Carville avait axé toute la stratégie sur l’économie car c’était déjà en 1992la préoccupation majeure des électeurs.

La campagne présidentielle de 2016 sera-t-elle centrée comme en 1992 sur l’économie ?Il est trop tôt pour le dire mais les sondages montrent que les électeurs eux, tous partisconfondus, en font une priorité. À ce stade de la campagne, les candidats débattentd’abord avec leurs adversaires du même parti politique. C’est pourquoi nous ne ferons pasici de comparaison entre les positions de Bernie Sanders et Donald Trump par exemplecar cela n’a que trop peu d’intérêt. L’enjeu d’une primaire, c’est d’abord de rassembler soncamp, convaincre qu’on est le meilleur candidat pour mener son parti à la victoire et sedémarquer des autres candidats sans s’isoler idéologiquement de sa base militante.

Les candidats républicains sont tous pour le maintien de la peine de mort, la réduction desimpôts et la liberté de porter des armes. Les fondamentaux ne sont jamais remis en causelors des élections primaires car ce sont les militants qui votent. Un candidat doit donc sedémarquer sur un positionnement plus subtil. Par exemple, l’immigration illégale est unsujet de clivage dans le camp républicain. On notera deux choses. D’abord les candidatsdes États du Sud (Ted Cruz, Marco Rubio, Jeb Bush et Mike Huckabee notamment) nesont pas sur la même ligne, il n’y a donc pas une lecture géographique à avoir sur ce sujet.Ted Cruz et Mike Huckabee dont les États sont impactés par l’immigration illégaleplaident pour qu’il n’y ait pas de légalisation pour les immigrés entrés illégalement sur leterritoire américain. Jeb Bush et Marco Rubio quant à eux plaident pour qu’il y ait unmoyen légal de leur permettre de rester sur le territoire. Donald Trump va très loin etdemande la construction d’un mur entre le Mexique et les États-Unis afin d’empêcherl’immigration illégale et préconise de renvoyer tous les immigrés illégaux dans leur paysd’origine.

La question des réfugiés syriens est également un point de rupture entre certains candi-dats. La majorité des candidats est pour l’interdiction d’accueillir des réfugiés syrienstandis que Ted Cruz et Jeb Bush sont favorables à l’accueil de familles chrétiennesuniquement. La question du réchauffement climatique est également un sujet d’opposi-tions entre les candidats républicains. Un grand nombre de candidats aux primaires doutede la responsabilité de l’homme dans le réchauffement climatique. C’est le cas de TedCruz, Marco Rubio, Donald Trump, Ben Carson et Mike Huckabee. Jeb Bush, Chris

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Christie, Carly Fiorina, John Kasich sont quant à eux opposés à toute forme de régulationet donc de contrainte.

www.gallup.com/poll/183164/economy-trumps-foreign-affairs-key-2016-election-issue.aspx?g_source=2016%20campaign%20issues&g_medium=search&g_campaign=tiles

L’enjeu d’une primaire c’est d’abord de rassembler son camp, convaincre qu’on est le meil-leur candidat pour mener son parti à la victoire et se démarquer des autres candidats sanss’isoler idéologiquement de sa base militante.

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