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Validation du protocole de la technique Essential Work of...

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres Chapitre III Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification physique des paramètres Sommaire I. Validation du protocole de la technique EWF ............................................ 58 I.1. Influence de la forme DENT rectangulaire sur les paramètres EWF ............................ 62 I.2. Gamme de longueur du ligament ................................................................................... 64 I.3. Matériaux ....................................................................................................................... 67 I.3.1. Films polyéthylène .................................................................................................. 67 I.3.2. Films polyamide...................................................................................................... 68 I.3.3. Films poly(éthylène téréphtalate) ........................................................................... 69 I.3.3.1. Zones cohésives ............................................................................................... 71 I.3.3.2. Choix des paramètres ....................................................................................... 73 I.3.3.3. Résultats ........................................................................................................... 73 I.3.4. Films polypropylène ............................................................................................... 75 II. Signification physique des paramètres EWF ............................................ 80 II.1. Propriétés mécaniques en traction du film PET extrudé bi-étiré .................................. 80 II.2. Modélisation ................................................................................................................. 82 II.2.1. Choix des paramètres............................................................................................. 82 II.2.2. Résultats................................................................................................................. 82 III. Conclusion ................................................................................................... 86 Références .......................................................................................................... 87 56
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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

Chapitre III

Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification physique des paramètres

Sommaire

I. Validation du protocole de la technique EWF............................................ 58

I.1. Influence de la forme DENT rectangulaire sur les paramètres EWF ............................ 62

I.2. Gamme de longueur du ligament................................................................................... 64

I.3. Matériaux ....................................................................................................................... 67

I.3.1. Films polyéthylène.................................................................................................. 67

I.3.2. Films polyamide...................................................................................................... 68

I.3.3. Films poly(éthylène téréphtalate) ........................................................................... 69

I.3.3.1. Zones cohésives ............................................................................................... 71

I.3.3.2. Choix des paramètres....................................................................................... 73

I.3.3.3. Résultats........................................................................................................... 73

I.3.4. Films polypropylène ............................................................................................... 75

II. Signification physique des paramètres EWF ............................................ 80

II.1. Propriétés mécaniques en traction du film PET extrudé bi-étiré.................................. 80

II.2. Modélisation ................................................................................................................. 82

II.2.1. Choix des paramètres............................................................................................. 82

II.2.2. Résultats................................................................................................................. 82

III. Conclusion ................................................................................................... 86

Références .......................................................................................................... 87

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

Avant d’étudier l’influence des paramètres microstructuraux sur les propriétés des matériaux, en particulier le comportement à rupture, il est indispensable de valider le protocole expérimental de l’essai EWF. La forme de l’échantillon, la gamme de longueur du ligament ou les types de matériaux adaptés pour la méthode EWF sont abordés dans la première partie de ce chapitre.

De plus, dans ce chapitre, nous allons aussi aborder la "signification physique" des paramètres du modèle EWF. Rappellons que dans le cas des polymères, We peut être interprété comme le travail nécessaire pour créer deux nouvelles surfaces qui est consommé pour former une striction au bout de la fissure et amorcer subséquemment une déchirure de la striction, alors que Wp est le travail dissipé pour la plasticité. Cependant, en pratique, les auteurs attribuent différentes significations aux paramètres EWF [1-20]. Certains auteurs considèrent que we représente la ténacité ou plus précisément la ténacité à la rupture du matériau [1-11]. D’après Pardoen et al [12], we est un indicateur de la résistance à la propagation de la fissure. En ce qui concerne le paramètre βwp, il est considéré comme l’énergie de déformation plastique [3,9-11,13-18]. Dans l’étude de Lach et al. [18], les auteurs considèrent que we représente la résistance à l’amorçage de fissure, et βwp la résistance à la propagation stable de fissure. Par ailleurs, certains auteurs considèrent que l’énergie totale de rupture soit constituée de deux contributions, correspondant à l’amorçage et à la propagation de la fissure. De ces deux paramètres, we apparaît comme le plus important pour la caractérisation de la rupture du matériau. C’est pourquoi, dans la deuxième partie, nous discutons de sa signification physique.

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I. Validation du protocole de la technique EWF

Les essais EWF sont réalisés avec des échantillons en DENT (i.e. double edge notched tension). Lors d’une sollicitation en traction, les valeurs de la force et du déplacement sont enregistrées. A partir des courbes force – déplacement, on distingue le mode de rupture du matériau grâce à la forme de ces courbes. Les figures 1-4 présentent schématiquement différentes formes de la courbe force – déplacement pouvant être obtenues. Dans le mode de rupture "ductile" (avec plastification complète et étendue du ligament) (Fig. 1), la courbe force - déplacement montre une charge qui décroît au-delà d’une force maximale à partir de laquelle il faut fournir de l’énergie pour que la fissure continue de se propager de manière stable. Une grande "flamme" blanche est souvent observée dans la zone du ligament de certains matériaux tels que le polyéthylène, le polypropylène, etc… ainsi que le blanchiment complet du ligament, signes de la présence d’une zone plastifiante (au sens de la dissipation d’énergie). Cette flamme se développe en avant de la fissure et la précède lors de la propagation.

Figure 1: Mode de rupture "ductile" et propagation stable de la fissure [21].

Dans le mode de rupture "semi-ductile" (Fig. 2), le matériau subit une première sous transition dite "ductile - semi-ductile" et développe une plasticité moindre. La courbe force - déplacement ainsi que la "flamme" visible sur l’éprouvette montrent que la fissure se déplace d’abord de façon stable, puis instable: au cours de l’essai, la fissure se propageant plus vite que la "zone active" qui la précède et parvenant à la traverser (Fig. 2a). Cependant, ce mode est aussi obtenu dans le cas où il n’y a pas de plastification complète bien que la fissure se propage de façon stable jusqu’à la rupture (Fig. 2b).

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

Figure 2: Mode de rupture "semi-ductile" et propagation stable puis instable de la fissure.

La figure 3a montre le mode de rupture "semi-fragile". Dans ce cas, le matériau ne développe qu’une plasticité limitée en fond de pré-fissure, et la propagation est très rapidement instable. La courbe force - déplacement montre une légère déviation à la linéarité juste avant la rupture, et on n’observe qu’une toute petite "flamme" aux bords de la pré-fissure. Enfin, le mode dans lequel la courbe force - déplacement montre une montée linéaire élastique et pour lequel on n’observe pas de "flamme" est appelé le mode de rupture "fragile" (Fig. 3b).

(a)

(b)

Figure 3: Modes de rupture "semi-fragile" (a) et "fragile" (b) et propagation rapidement instable de la fissure [21].

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

La figure 4 présente une courbe force – déplacement typique du film polyéthylène. La forme de cette courbe confirme une rupture ductile pour le film polyéthylène avec à priori une plastification du ligament. L’observation des éprouvettes pendant l’essai a indiqué la séquence des événements successifs: (i) l’ouverture et l’émoussement des extrémités initiales de la fissure (Fig. 4a), (ii) la formation de la zone plastifiée à chaque bout de fissure (la zone blanche) (Fig. 4b), (iii) la plastification complète de la longueur du ligament (Fig. 4c), (iv) le cisaillement ductile du ligament (Fig. 4d) et enfin (v) l’endommagement entier de l’éprouvette testée (Fig. 4e). On observe que la force maximale correspond toujours à la plastification complète de la section du ligament (elle atteint le maximum lorsque les deux zones plastifiées se rejoignent au milieu du ligament). Après la plastification du ligament, la striction de sa section entraîne une chute brusque de la force. Cette chute de force est suffisante pour cisailler toute la section du ligament. Ainsi, la condition requise que la plastification du ligament soit complète est toujours satisfaite.

(b) (c) (d) (a) (e)

Figure 4: Processus de déformation de l’éprouvette.

A partir des données issues des essais EWF, quelques critères ont été établis pour s’assurer que les conditions d’utilisation de la méthode soient satisfaites. D’après le calcul de Hill [22], dans les conditions de contrainte plane et pour un matériau plastique parfait (pas d’écrouissage), la valeur maximale de contrainte (σmax) est indépendante ou faiblement dépendante de la longueur du ligament, l. Dans le cas des éprouvettes en forme DENT, dans les conditions de contrainte plane, la valeur de σmax en théorie est égale 1,15 fois la contrainte d’écoulement (σy) obtenue lors des essais de traction. En général, quand la longueur du

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ligament augmente, les contraintes maximales diminuent graduellement (Fig. 5). Le critère de Hill (σmax = 1,15σy) est le critère qui permet d’assurer la plastification complète du ligament. Si ce critère n’est pas satisfait, cela devrait signifier que la plastification du ligament n’est pas complète. Cependant, pour chaque type de matériau, on observe des valeurs expérimentales plus ou moins élevées que la valeur théorique [3,5,14,15,23].

Figure 5: Variation de σmax en fonction de la longueur du ligament.

Cependant, il n’est pas facile d’évaluer le seuil de longueur de ligament à laquelle la transition de contrainte plane – déformation plane a lieu par ce critère. Pour satisfaire les deux conditions de la méthode EWF, le critère de contrainte a été proposé pour valider les données de l’essai EWF [22]. Toutes les données σmax sont considérées valables lorsqu'elle sont comprises entre à 0,9*<σmax> (la valeur moyenne de σmax) et 1,1*<σmax>. Les données en-dehors de ces limites sont éliminées. Les paramètres EWF sont déterminés par la droite tracée de l’énergie totale spécifique de rupture, wf, en fonction de la longueur du ligament, l. La valeur de we est déterminée par l’extrapolation de wf à l = 0 et la valeur de βwp est la pente de cette droite. Pour optimiser la droite de wf en fonction de la longueur du ligament et assurer la fidélité des résultats supérieure à 95%, les données qui se trouvent écartées de plus de 2 fois la valeur du standard de déviation sont éliminées (Fig. 6).

Figure 6: Exemple de la relation linéaire entre la wf et la longueur du ligament (l) dans le cas du film polyéthylène.

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

En pratique, pour obtenir des meilleurs résultats en appliquant la méthode EWF, il est impératif que les entailles des échantillons soient symétriques et alignées. Avec la géométrie DENT classique (Fig. 1-4), il est difficile d’obtenir deux encoches en V symétriques et alignées. De plus, les deux entailles sont très difficiles à aligner même avec une machine ad hoc. Ceci peut influencer les résultats. C’est la raison pour laquelle il est souhaitable d’utiliser une autre forme d’échantillon pour tester.

I.1. Influence de la forme DENT rectangulaire sur les paramètres EWF1

Afin de s’affranchir de la difficulté à aligner les 2 encoches en V sur une éprouvette DENT classique (DENT-V), des échantillons de forme DENT rectangulaire (DENT-R) ont été utilisés dans les essais EWF (Fig. 12a – cf. chapitre II). En comparaison avec les échantillons en forme DENT-V classique, le premier avantage de cette forme est que la préparation des échantillons avec des entailles symétriques et alignées est facile à réaliser. La figure 7 montre la forme des courbes force – déplacement des échantillons de type DENT-V et DENT-R. On constate que ces courbes sont similaires, signifiant que le mode de rupture n’est pas influencé quand on change la forme des échantillons. De plus, la forme des courbes ne change pas quand la longueur du ligament augmente. Cela signifie que le mode de rupture des échantillons n’est pas dépendant de la longueur du ligament.

Figure 7: Courbes force - déplacement des échantillons en forme DENT classique (DENT-V) et DENT rectangulaire (DENT-R) (les flèches montrent la direction de croissance de la longueur du

ligament) [25].

Nous avons ensuite vérifié que pour les échantillons DENT-R les conditions préalables de la méthode EWF étaient satisfaites. La figure 8 montre les critères de Hill [22] et le protocole EWF [24] pour traiter des données. On constate que les critères de Hill et le protocole EWF sont satisfaits pour la plupart des données. On observe aussi que la dispersion des valeurs de σmax dans le cas des échantillons DENT-V est plus importante que dans le cas des échantillons

1 Cette partie traite uniquement du le film polyéthylène.

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DENT-R. Le taux d’échantillons éliminés (car ne satisfaisant pas les critères EWF) est plus faible pour la forme rectangulaire (<20%) que pour la forme classique (27% - 36%).

Figure 8: Variation des valeurs de σmax en fonction de la longueur du ligament pour les échantillons DENT classique (DENT-V) et DENT rectangulaire (DENT-R).

La figure 9 présente la relation linéaire entre l’énergie totale de rupture spécifique wf et la longueur du ligament l des échantillons DENT-V et DENT-R. Les courbes wf - l obtenues pour les deux formes sont superposées. Le tableau 1 récapitule les valeurs des paramètres EWF obtenues à partir des échantillons DENT-V et DENT-R. On constate que la forme n’influence pas beaucoup les valeurs des paramètres EWF. De plus, les essais sur les deux formes d’éprouvette conduisent au même coefficient de régression linéaire R2.

Figure 9: Relation wf - l des échantillons DENT classique (DENT-V) et DENT rectangulaire (DENT-R).

Forme we (kJ/m²) βwp (MJ/m3) R² DENT-R DENT-V

49 ± 3 51 ± 3

13 ± 0,4 13 ± 0,4

0,9949 0,9947

Tableau 1: Valeurs des paramètres EWF obtenues à partir des échantillons DENT classique (DENT-V) et DENT rectangulaire (DENT-R).

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

En résumé, la forme DENT rectangulaire (DENT-R) révèle plus d’avantage que la forme DENT classique (DENT-V). Les avantages de cette forme sont (i) une préparation plus facile des échantillons avec des entailles symétriques et alignées, (ii) la satisfaction des conditions de mise en œuvre de la méthode EWF, (iii) un faible taux des échantillons éliminés, et enfin, (iv) un bon coefficient de régression linéaire R². De plus, cette forme d’échantillon n’influence presque pas non plus considérablement les deux paramètres EWF. Ainsi, on a décidé d’utiliser des échantillons DENT rectangulaire pour remplacer des échantillons DENT-V classique dans les essais EWF.

I.2. Gamme de longueur du ligament

La deuxième condition, tout aussi importante qu’on doit valider porte sur la gamme de longueur du ligament. Dans la méthode EWF, deux conditions préalables doivent être remplies: le ligament doit être complètement plastifié avant la propagation de fissure et la rupture doit se produire dans les conditions de contraintes planes [24]. Pour satisfaire ces conditions, les limitations inférieure et supérieure de la longueur du ligament sont proposées dans le protocole [24]. La figure 10 présente le domaine de validité de la méthode EWF en fonction de la longueur du ligament. La longueur du ligament (l) doit être assez petite devant la largeur totale de l’échantillon pour confiner la déformation plastique à la section du ligament et maintenir la proportionnalité du Wp et l2. De plus, la longueur du ligament doit aussi être assez grande devant l’épaisseur de l’éprouvette pour éviter la transition contrainte plane/déformation plane (i.e. éviter un mode mixte de l’état de contrainte). Toutefois, dans le cas des films minces que nous avons étudiés, le choix de la gamme de ligament a surtout pour but d’éviter les effets de bord. Ainsi, dans la littérature, il est proposé que la longueur du ligament soit inférieure au tiers de la largeur des échantillons, W, ou deux fois le rayon de la zone plastique au fond des fissures et supérieure de trois à cinq fois à l’épaisseur des échantillons, B (3B-5B ≤ l ≤ (2Rp, W/3)).

Figure 10: Domaine de validité de la méthode EWF [26]

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

Cependant, plusieurs études ont montré que ces approches restreignent trop strictement la gamme valable de longueur du ligament [3-5,9,14,16,19,22,25-28]. En ce qui concerne la limitation inférieure de la longueur du ligament (lmin ≥ 3B-5B), plusieurs études ont constaté que la transition contrainte plane/déformation plane ou l’effet de bord (pour les films minces) ne sont pas apparus au ligament que la méthode a proposée [3,5,9,15,20,26,27]. Grâce au critère de Hill [2], on a trouvé que ces effets se sont produits pour une longueur de ligament beaucoup plus élevé que cinq fois l’épaisseur de l’échantillon, par exemple à lmin ≈ 14B pour le LLDPE [3], à lmin ≈ 13-19B pour le PVC [5], ou à lmin ≈ 20B pour le PBT/PC [27]. Cela veut dire que l’estimation de lmin dépend du type de matériau.

En ce qui concerne la limitation supérieure de la longueur du ligament (lmax ≤ (2Rp, W/3) avec Rp est le rayon de la zone plastique et W est la largeur de l’échantillon) pour éviter la perturbation de la zone plastique causée par l’effet de bord, les résultats expérimentaux de plusieurs études ont aussi confirmé que cette condition était trop restrictive [5,9,14-16,30,31]. La linéarité des données dans les conditions de contrainte plane n’a pas été affectée bien que la longueur du ligament ait dépassé la limitation de W/3 [5,9,14-16,30,31]. Arkhireyeva et al. [5] ont proposé que lmax ≤ W/2 permet d’éviter l’effet de bord. De plus, la linéarité de wf en fonction de la longueur du ligament dans la zone de contrainte plane n’a pas non plus été affectée quand la longueur du ligament a dépassé la taille de la zone plastique [4]. Cependant, Melissa et al. [29] ont constaté que l’utilisation des ligaments dont la longueur était supérieure à 20mm (pour une largeur d’échantillon de 50, 110 et 220mm) a amené une différence significative dans les valeurs des paramètres EWF.

Dans notre étude, les essais EWF ont d’abord été effectués avec deux gammes de longueurs du ligament de 1mm à 8mm et de 2mm à 15mm. La dernière gamme se révèle plus avantageuse notamment parce qu’elle conduit à un nombre d’échantillons valables et à un coefficient R² plus élevés (R²>0,99). Cependant, dans cette gamme, on constate aussi que les valeurs de σmax commencent à augmenter aux petits ligaments, en particulier à l = 2mm et les données correspondantes à ce ligament sont souvent éliminées par le critère de contrainte du protocole EWF. Il faut noter que selon le protocole EWF, la longueur du ligament minimale lmin devrait être égale ou supérieure à environ 5B (≈0,5mm pour un échantillon ayant 0,1mm d’épaisseur). Cela veut dire que la limite inférieure de l’ordre de 3B à 5B ne peut être retenue. Pour cette raison, dans le protocole EWF le plus récent, 5mm est considéré comme la longueur du ligament minimale pour les films minces. Ensuite, en ce qui concerne la limitation supérieure (lmax < W/3), avec un échantillon de 35mm de largeur, la longueur du ligament maximale lmax est environ égal à W/3 (≈12mm). Comme plusieurs études précédentes dans la littérature l’ont constaté, la linéarité de la relation entre l’énergie totale de rupture spécifique et la longueur du ligament n’est pas influencée quand lmax dépasse à la limite supérieure du protocole EWF (Fig. 11).

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Figure 11: Relation wf – l du polyamide [25].

Pour la suite de notre étude, nous avons donc décidé de choisir une gamme de longueur du ligament de 5mm à 15mm. La figure 12 montre la bonne linéarité entre l’énergie totale de rupture spécifique (wf) et la longueur du ligament (l) pour tous les matériaux sauf pour les films polypropylène (le cas des films polypropylène est présenté en détail dans la partie suivante). Cela confirme que cette gamme est convenable pour tester le comportement à rupture par la méthode EWF.

Figure 12: Relation linéaire wf - l des films poly(éthylène téréphtalate), polyéthylène et polyamide.

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I.3. Matériaux

I.3.1. Films polyéthylène

Avec les conditions retenues dans les paragraphes précédents (forme DENT rectangulaire, ligament entre 5mm et 15mm), les courbes force – déplacement des films polyéthylène sont présentées dans la figure 13. On voit que ces courbes révèlent une rupture "ductile" dans ces matériaux. Ensuite, on observe aussi le blanchissement du ligament comme dans la figure 4, signifiant la plastification complète du ligament avant la propagation des fissures. Les conditions de la méthode EWF sont donc satisfaites et ce matériau est un bon candidat pour l’évaluation des paramètres EWF. De plus, on voit aussi la similarité de la forme des courbes force – déplacement en fonction de la longueur du ligament, qui montre que le mode de rupture est bien indépendant de la longueur du ligament. Ainsi, on peut utiliser cette méthode pour étudier le comportement à rupture des films à base polyéthylène.

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Figure 13: Courbes force – déplacement des films à base polyéthylène (les flèches montrent la croissance de la longueur du ligament).

La figure 14 montre les relations entre l’énergie totale spécifique de rupture (wf) et la longueur du ligament (l) des films à base polyéthylène. On voit que les relations wf – l de tous les films sont bien linéaires, signifiant que la méthode EWF marche bien. Il faut noter que sur la figure 14, les symboles noirs correspondent à trois matrices polyéthylène et les symboles blancs correspondent à leurs nanocomposites (l’ensemble de ces matériaux a été présenté dans le chapitre II).

Figure 14: Relation wf-l des films à base polyéthylène.

I.3.2. Films polyamide

Les courbes force – déplacement des films polyamide sont présentées dans la figure 15. Comme les films polyéthylène, on voit que ces courbes révèlent une rupture "ductile" dans tous les ligaments. La similarité de la forme des courbes force – déplacement en fonction de la longueur du ligament est aussi observée, et donc le mode de rupture est indépendant de la longueur du ligament. De plus, dans la figure 16, une bonne linéarité entre l’énergie totale spécifique de rupture (wf) et la longueur du ligament (l) est établie. Cela signifie que les films polyamide sont aussi de bons candidats pour la méthode EWF.

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

Figure 15: Courbes force – déplacement des films polyamide (PA/DT18 est le nanocomposite à matrice PA).

Figure 16: Relation wf – l des films polyamide (PA/DT18 est le nanocomposite à matrice PA).

I.3.3. Films poly(éthylène téréphtalate)

En qui concerne le film poly(éthylène téréphtalate), une rupture "ductile" est aussi observée (Fig. 17). En comparaison avec la forme des courbes force – déplacement des films polyéthylène et polyamide, on voit qu’il n’y a pas d’inflexion dans la courbe force – déplacement du film PET. C’est typique pour le PET, comme l'indique la littérature. De plus, on n’observe pas non plus le blanchissement du ligament au cours de la déformation à cause de l’aspect transparente de ce film. On peut donc s’interroger sur le fait que les ligaments soient bien complètement plastifiés avant la propagation des fissures.

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

Figure 17: Courbes force – déplacement du film poly(éthylène téréphtalate).

Concernant la forme des courbes, la présence du maximum semble logiquement due à un compromis entre la diminution de la section du ligament (propagation de la fissure et phénomène de striction) et l'augmentation de résistance (durcissement structural du matériau).

Une analyse de la littérature montre qu'il existe beaucoup de discussions concernant la plastification complète ou non du ligament avant la propagation de la fissure dans le cas du PET [4,28,30,32,33]. Or cette condition est requise dans le protocole formalisé (norme ESIS Technical publications 28) de l'essai EWF.

Ainsi, à l’aide d'un microscope binoculaire équipé d’une caméra, Maspoch et al [28] ont observé que l’initiation des fissures a eu lieu avant que la force n'atteigne le maximum. Comme Maspoch, Karger-Kocsis et al. [33] ont réussi à visualiser la zone plastique le long du ligament en utilisant la thermographie infrarouge et ont observé le même phénomène, mais pour les grands ligaments (la plastification complète du ligament étant observée pour les petits ligaments (l ≈ 5mm)). La même constatation est faite dans l’étude de Hashemi [32]. Au contraire, d’autres auteurs ont confirmé que la première condition de la méthode EWF était toujours satisfaite pour les films PET [29,31]. A l’aide de polariseurs croisés et d’une caméra prenant "in situ" des images des échantillons DENT, Melissa et al [29] ont mesuré les déformations par analyse d’image d’une grille gravée sur l’échantillon avant la sollicitation. Ils ont confirmé que le ligament a été complètement plastifié avant la propagation des fissures. Quelque soit la situation, une relation linéaire entre l’énergie totale spécifique (wf) et la longueur du ligament (l) a été obtenue avec un bon coefficient de régression linéaire [4,28-33]. La question se pose donc de savoir si la "première condition préalable" [24] (ligament totalement plastifié avant la propagation de la fissure) est vraiment impérative.

Afin de répondre à cette question, nous allons utiliser la modélisation des essais EWF, en utilisant le concept de "zone cohésive" couplé à des calculs par éléments finis.

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I.3.3.1. Zones cohésives

La figure 18 présente la forme de l’échantillon 2D utilisée dans la modélisation. Il faut noter qu’on modélise seulement la moitié de l’échantillon 2D grâce à la symétrie de la géométrie de ces échantillons dans les essais EWF (Fig. 18). De plus, grâce à la valeur mesurée sous le microscope optique (Fig. 19), on décide de considérer un rayon de fond d’entaille initial de 15µm.

Figure 18: Forme du demi-échantillon 2D utilisée dans la modélisation (l est la longueur du ligament; Rt est le rayon de fond d’entaille).

Figure 19: Détermination du rayon de fond d’entaille en microscope optique.

La figure 20 montre le comportement de la zone cohésive employée pour représenter la propagation de la fissure. Les zones cohésives sont en éléments finis des éléments de surface dont la relation Traction-Ouverture mime d’un point de vue mécanique le processus de rupture mis en jeu. Dans cette étude, on réalise un modèle 2D en contrainte plane. Les éléments volumiques du polymère comportent 4 nœuds. Afin de faire coïncider la discrétisation, les zones cohésives seront donc aussi des quadrangles à 4 nœuds. Le comportement des zones cohésives est régi par des lois de traction/séparation, qui sont

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

valables pour des éléments surfaciques. C’est pourquoi, bien que représentées par des éléments à quatre nœuds, seuls les plans médians de chaque zone interviennent dans le calcul.

L’enjeu principal pour obtenir un modèle fidèle à la réalité tient dans les paramètres employés dans ces lois de traction-ouverture. Ici, nous utilisons des lois de comportements bi-linéaires. Les caractéristiques de ce type de lois sont présentées ci-dessous.

Figure 20: Loi de comportement de la zone cohésive.

Pour définir complètement une telle loi, 3 paramètres sont à fixer :

• la raideur kα, qui définit le comportement élastique initial

• la contrainte Tmax, qui définit le début de l’endommagement

• l’ouverture à rupture ∆max, qui correspond à la distance au-delà de laquelle les bords de la fissure n’interagissent plus entre eux.

La partie ascendante requiert une rigidité "infinie" pour assurer la continuité des champs de déplacement. Le processus d’endommagement et la décohésion s’amorce lorsque la contrainte Tmax est atteinte. Une diminution progressive des forces de cohésion a lieu jusqu’à ce que les surfaces cohésives soient distantes de ∆max, correspondant à la création d’une fissure localement.

Il faut noter que cette forme de zone cohésive a donné lieu à des problèmes d'instabilités numériques. En effet, au cours du chargement, la partie décroissante de la zone cohésive induit une instabilité de chargement qui ne permet pas de satisfaire simultanément l'équilibre avec une décroissance de la contrainte dans la loi traction-ouverture et une augmentation monotone du déplacement sur les bords de l'échantillon. La solution retenue est de modifier la loi contrainte-ouverture en ajoutant un terme visqueux qui permet de régulariser le problème.

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

Comme la relation contrainte-ouverture de la zone cohésive évolue au cours du chargement, la réponse réelle des zones cohésive au cours de la simulation n'est pas exactement celle de la figure 20 mais peut être extraite des calculs.

En ce qui concerne le matériau polymère, nous avons utilisé un comportement élasto-plastique représentant la courbe de traction du film.

I.3.3.2. Choix des paramètres

D’une manière générale, l’énergie pour la création d’une fissure dans un film polymère n’est pas connue. Les études sur des polymères amorphes plus fragiles qui rompent par craquelage conduisent à des valeurs de Tmax voisines de la contrainte à rupture, ainsi que des ouvertures critiques de l’ordre de quelques µm, [34-36]. Cette dernière valeur constitue une valeur minimum, le film polymère pouvant vraisemblablement avoir un ∆max plus grand mais certainement pas plus petit. Nous avons donc retenu des valeurs de ∆max variant entre 10 et 60µm à ajuster en comparant simulations et expériences. Dans un premier temps, nous prenons Tmax de l'ordre de 300 à 400MPa, et ∆max entre 20 et 60µm.

Pour la raideur nous prenons dans tous les cas k = 106 MPa/mm, ceci pour avoir un comportement initial très raide. Nous nous affranchissons ainsi de l’élasticité de la zone cohésive.

I.3.3.3. Résultats

La figure 21 montre la répartition de la contrainte au fond de la fissure de l’échantillon dont la longueur du ligament est 8mm (i.e. 4mm pour la moitié de l’échantillon) pour 3 différents états d'avancement de l'essai. A l’amorçage de la propagation, le ligament n’est pas complètement plastifié (Fig. 21A), et la propagation s’amorce avant que la force n'atteigne son maximum. Cela n'est plus le cas à F = Fmax, le ligament est effectivement plastifié mais la fissure a déjà commencé à se propager (Fig. 21B). Ainsi, Fmax ne représente pas forcément l’instant où la fissure commence à se propager.

Ensuite, la figure 22 montre les courbes modélisées force-déplacement en fonction de la longueur du ligament. On constate que les formes des courbes expérimentales et modélisées sont similaires. Dans les deux cas, on retrouve l’indépendance de la forme de la courbe avec la longueur du ligament. De plus, la figure 22 montre que l’amorçage de la propagation commence avant la plastification complète du ligament.

Finalement, on peut se demander si cela remet en cause la validité de la "première condition préalable" de la méthode EWF dans le cas du PET. Toutefois, le protocole semble bien applicable (forme homothétique des courbes force-déplacement sur la figure 17, linéarité de la relation wf(l) (Fig. 23).

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

Figure 21: Avancées de la fissure : (A) Début de la propagation sans plastification complète du ligament (F < Fmax); (B) Plastification complète du ligament après la propagation de la fissure (F =

Fmax); (C): Propagation de la fissure (le noir correspond à σ < σy, la couleur correspond à σ ≥ σy).

Figure 22: Courbes force – déplacement modélisées en fonction de la longueur du ligament.

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

Comme l’ont constaté certaines études sur le PET, une relation linéaire wf – l est obtenue que cette condition (plastification complète du ligament) soit satisfaite ou non (Fig. 23). Le coefficient R² élevé (> 0,97) confirme la bonne qualité du résultat expérimental obtenu. Cela veut dire que la relation linéaire wf – l peut être obtenue dans le cas "ductile" et aussi "semi-ductile". De plus, la condition de plastification complète du ligament n’est pas associée à la forme de la courbe F(∆l), ni la propagation observée pour F = Fmax. Cependant, on constate aussi qu'une rupture ductile est nécessaire pour cette méthode.

Figure 23: Relation wf – l expérimentale du film poly(éthylène téréphtalate).

Pour conclure, l’analyse EWF est applicable au PET et les résultats obtenus pour nos échantillons seront discutés dans un prochain paragraphe.

I.3.4. Films polypropylène

Le quatrième matériau utilisé dans cette étude est le polypropylène. Grâce à la forme des courbes force – déplacement du PPn-p et son composite, on constate une rupture semi-fragile pour ces matériaux (Fig. 24). Bien que la vitesse soit diminuée jusqu'à 1mm/min, le mode de rupture de la matrice PPn-p ne change pas. Cela veut dire que ce matériau n’est pas suffisamment ductile et n’est pas un bon candidat pour la méthode EWF. En présence des charges micrométriques tel que µtalc, le composite est plus fragile que sa matrice (Fig. 24).

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

Figure 24: Courbes force – déplacement des films PPn-p et PPn-6µ-p à v = 6mm/min.

ue. Pour d'autres échantillons au contraire, les fissures se propagent normalement (Fig. 25b).

ccès. Cela signifie que ce phénomène provient des propriétés intrinsèques du matériau.

Le deuxième polypropylène utilisé dans cette étude est un polypropylène renforcé contre le choc (PPc). Au contraire du PPn-p, les films PPc extrudés ou pressés (PPc-e, PPc-p) sont macroscopiquement plus ductiles. La figure 25 présente les courbes force-déplacement des films PPc dans les essais EWF. La forme de ces courbes révèle une rupture ductile. Cependant, la méthode ne peut pas non plus être appliquée sur ce matériau à cause de l’instabilité de son mode de rupture. La forme des courbes force – déplacement n’est pas identique pour tous les échantillons et tous les ligaments. Certains présentent un comportement, qui indique un phénomène d’émoussement important en fond de fissure (Fig. 25a). L’échantillon est déformé jusqu’à la rupture, comme pour un essai de traction classiq

Pour éviter ce phénomène, on a essayé de changer la lame de la machine d’entaille pour produire une fissure ayant une extrémité plus nette (i.e. le rayon de fonde d’entaille plus petit) et d’augmenter la vitesse de l’essai (jusqu'à des valeurs très élevées, de 6mm/min à 60mm/min), mais sans su

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

Figure 25: Courbes force - déplacement du film PPc et description schématique des observations de la plasticité du ligament.

En cherchant dans la littérature pour comprendre ce phénomène, on a trouvé deux travaux abordant ce problème [37,38]. Les matériaux utilisés dans ces deux travaux sont aussi un polypropylène et un copolymère éthylène-propylène à blocs (EPBC). Dans ces travaux, les auteurs ont décrit 5 cas possibles dans l’essai EWF. Martinez et al. [38] introduisent un indicateur appelé "indice de ductilité" :

rL

dDl

= (III.1)

où DL est "indice de ductilité", dr est le déplacement à rupture et l est la longueur du ligament.

Différents cas sont discutés en fonction de DL :

• (a) Fragile (DL<0,1): La propagation instable très rapide des fissures s’instaure avant la plastification du ligament. C'est le cas du PPn-p dans notre étude.

• (b) Instabilité ductile (0,1<DL<0,15): ce cas est caractérisé par une petite déformation plastique avec un léger blanchissement près de l’entaille. Cependant, malgré la plastification dans la zone de processus de rupture, une propagation instable des fissures conduit à un comportement fragile.

• (c) Emoussement ("blunting") (1<DL<1,5): dans ce cas, la zone de processus de rupture est complètement plastifiée avant la propagation de la fissure. Après la plastification, l’extrémité de la fissure est fortement émoussée et cela empêche une propagation de la fissure.

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

• (d) Striction ("necking") (DL>1,5): aucune propagation de la fissure n’apparaît dans la section du ligament plastifiée, qui continue à se déformer plastiquement et à se comporter comme un essai de traction et à former une striction.

• (e) Propagation stable après le seuil d’écoulement ("Post-yielding") (0,15<DL<1): la fissure commence à se propager de manière stable après la plastification complète du ligament.

Les cas (c) et (d) peuvent être considérés comme deux niveaux différents d’un même phénomène. C’est aussi le cas de PPc dans notre étude. Martinez et al. [38] constate que pour appliquer la méthode EWF, le niveau de ductilité DL du matériau doit respecter :

0,15 < DL < 1

En appliquant l’équation III.1, les valeurs DL de tous les matériaux utilisés dans cette étude sont récapitulées dans le tableau 2. D’après la définition de Martinez [38], on voit que le PPn-p correspond au cas (a), signifiant que ce matériau n’est pas suffisamment ductile pour la méthode EWF. Au contraire, PPc correspond au cas (d), signifiant que ce matériau est trop ductile. C’est la raison pour laquelle les deux matériaux ne sont pas de bons candidats pour cette méthode.

Ensuite, les valeurs de DL des films polyamide et poly(éthylène téréphtalate) correspondent au cas (e), ce qui confirme qu’ils sont bien adaptés à la méthode EWF. Pour les films polyéthylène, les valeurs de DL correspondent au cas (c) ("blunting"), ce qui signifierait qu’ils ont une ductilité trop importante pour la méthode EWF. En réalité, l’application de la méthode EWF pour les échantillons de PE ne pose pas de problème. Grâce aux photos de la figure 26, on observe que le ligament est complètement plastifié et que les fissures se propagent après la plastification complète sans émoussement. Finalement, les films PE correspondent plutôt au cas où la propagation est stable après le seuil de contrainte (cas (e)). Ainsi, contrairement aux conclusion de Martinez et al., il semble que pour la méthode EWF, il suffit que le niveau de ductilité du matériau respecte la relation : 0,15 < DL < 1,5.

Matériaux Niveau de ductilité, DL Cas PE

PE/MA PE/MA/DT28

PE/PEo PE/PEo/DT28

PA PA/DT18

PET PPn-p

PPc-e, PPc-p

1,5 1,4 1,2 1,1 0,7 0,7 0,6 0,2 0,1 1,8

"Blunting" (c) "Blunting""(c) "Blunting" (c) "Blunting" (c)

"Post-Yielding" (e) "Post-Yielding" (e) "Post-Yielding" (e) "Post-Yielding" (e)

Fragile (a) "Necking" (d)

Tableau 2: Indice de ductilité DL des films polyéthylène, polyamide, poly(éthylène téréphtalate) et polypropylène.

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

Figure 26: Déformation d’un échantillon PE dans l’essai EWF.

En résumé, les résultats présentés ici montrent que l’analyse des courbes F(∆l) seule n’est pas suffisante pour caractériser la rupture. F = Fmax ne correspond pas à la condition de propagation. Cependant, des variations linéaires de wf avec le ligament l permettent d’extraire les paramètres we et βwp. Ensuite, la forme DENT rectangulaire et la gamme de longueur du ligament de 5mm à 15mm sont choisies pour l’essai EWF. Parmi les matériaux dont nous disposions, il y a seulement 3 types (les films polyéthylène, polyamide et poly(éthylène téréphtalate)) qui peuvent être caractérisés par la méthode EWF. Le tableau 3 récapitule tous les matériaux validés par la méthode EWF.

Matériau Validation EWF we (kJ/m²) βwp (MJ/m3) Indice de ductilité, DL

PE PE/MA

PE/MA/DT28 PE/PEo

PE/PEo/DT28 PA

PA/DT28 PET PP

OK OK OK OK OK OK OK OK

NON

55 ± 3 51 ± 3 40 ± 3 37 ± 7 21 ± 3 45 ± 3 37 ± 3 46 ± 5

-

12,5 ± 0,3 10,6 ± 0,3 11,7 ± 0,4 8,8 ± 0,8 3,6 ± 0,3 13,3 ± 0,4 17,1 ± 0,4 12,0 ± 0,4

-

1,5 1,4 1,2 1,1 0,7 0,7 0,6 0,2

0,1 ou 1,8

Tableau 3: Récapitulatif des matériaux adaptés à la méthode EWF.

Après la validation du protocole de la technique EWF, les essais sont effectués. La nécessité de compréhension des résultats obtenus nous demande d’abord d’étudier les significations physiques des paramètres EWF. Cela va nous aider à expliquer les résultats dans les chapitres suivants. Ainsi que nous l'avons rappelé au début de ce chapitre, on sait qu’il n’y a pas unicité dans la signification des paramètres EWF, en particulier pour we. Pour avancer sur ce sujet, les essais EWF du PET sont modélisés en utilisant le modèle de zone cohésive.

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

II. Signification physique des paramètres EWF

II.1. Propriétés mécaniques en traction du film PET extrudé bi-étiré

Les propriétés mécaniques en traction du film PET sont caractérisées dans les deux directions Md (i.e. direction d’extrusion) et Td (i.e. direction transversale). La figure 27 présente les courbes contrainte vraie – déformation vraie du film PET extrudé bi-étiré dans les deux directions Md et Td et les résultats sont récapitulés dans le tableau 4. D’abord, on constate que les modules (E) du film PET dans les deux directions Md et Td sont différents. Le module est plus élevé dans la direction Td que dans la direction Md, (pente plus élevée dans la direction Td). Au contraire, les seuils de plasticité (σy) dans les deux directions sont très proches. En ce qui concerne la rupture, on voit que la contrainte à rupture du PET dans les deux directions n’est pas considérablement différentes. Cependant, la déformation à rupture (εr) et l’énergie de rupture (i.e. aire sous la courbe contrainte – déformation, Wr) dans la direction Md est plus élevée que celle dans la direction Td. Cela signifie que le film PET est plus ductile et plus résistant à la rupture dans la direction d’extrusion (Md) que dans la direction transversale (Td).

Figure 27: Courbes contrainte vraie – déformation vraie du film PET extrudé bi-étiré dans les deux directions Md et Td.

Direction E (MPa) σy (MPa) σr (MPa) εr (%) Wr (J/m²) Md

Td

4300 ± 130 5800 ± 180

116 ± 1 114 ± 1

380 ± 40 350 ± 50

60 ± 10 30 ± 10

860 ± 60 370 ± 120

Tableau 4: Propriétés mécaniques en traction du film PET extrudé bi-étiré dans les deux directions Md et Td.

L’anisotropie dans les propriétés mécaniques en traction du film PET résulte peut-être de l’orientation de la phase cristalline dans le film. Ce phénomène est aussi constaté dans l’étude de Maspoch et al. [29]. Cela exige une caractérisation microstructurale du film, qui sera présentée dans le chapitre suivant.

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

La figure 28 montre les courbes expérimentales force – déplacement en fonction de la longueur du ligament dans les deux directions Md et Td. On observe une réponse F(∆l) "ductile" dans les deux directions. Cependant, sur la base de la partie précédente (cf. paragraphe I.3.3.3.), il s'agit de ruptures "semi-ductiles" où la plastification du ligament n’est pas complète. La similarité de la forme des courbes en fonction de la longueur du ligament dans les deux directions signifie que le mode de rupture est indépendant de la longueur du ligament. Le tableau 5 récapitule les valeurs de we et βwp. On voit que la valeur de we est plus faible dans la direction Md que dans la direction Td alors que les valeurs de βwp dans les deux directions ne sont pas différentes. Ce résultat est en accord avec celui du Maspoch [29]. Cela veut dire que l’orientation de la phase cristalline dans le film influence considérablement la valeur de we. Il faut noter que la direction de propagation des fissures est perpendiculaire à la direction de sollicitation.

Figure 28: Courbes force – déplacement expérimentales du film PET dans les deux directions Md et Td.

Direction we (kJ/m²) βwp (MJ/m3) Coefficient de régression, R²

Md

Td

17 ± 4 46 ± 5

12 ± 0,3 12 ± 0,4

0,9972 0,9940

Tableau 5: Les valeurs de we et βwp du film PET dans les deux directions Md et Td.

Afin d’interpréter ces résultats, la modélisation par éléments finis de l’essai EWF a été menée.

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

II.2. Modélisation

II.2.1. Choix des paramètres

Pour modéliser les essais EWF dans les deux directions Md et Td, il faut définir les paramètres du matériau massif et de la zone cohésive. Le tableau 6 récapitule ces paramètres. Il faut noter que les valeurs de module introduites dans la modélisation dans les deux directions sont plus faibles que les valeurs expérimentales. Cependant, on respecte toujours le rapport des modules expérimentaux dans les deux directions dans la modélisation.

Matériau massif Zone cohésive

Direction Module élastique, E

(MPa)

Seuil d’élastique,

σy (MPa)

Contrainte à rupture, σr (MPa)

Raideur, kα Tmax (MPa) ∆max (mm)

Md

Td

1100 1450

116 116

400 380

106

106300 400

0,02 0,06

Tableau 6: Définition des paramètres du matériau massif et de la zone cohésive pour la modélisation.

II.2.2. Résultats

Les figures 29 et 30 présentent les courbes force - déplacement modélisées dans les deux directions Md et Td. En ajustant les paramètres pour la zone cohésive, nous pouvons obtenir deux courbes similaires aux courbes expérimentales. Il est à noter qu’il s’agit d’une première étude plus qualitative que quantitative. Dans la figure 30, la similarité de la forme des courbes modélisées en fonction de la longueur du ligament signifie que le mode à rupture est indépendant de la longueur du ligament. Il faut noter que Md et Td sont toujours les directions de sollicitation et la direction de propagation de la fissure est toujours perpendiculaire à ces directions.

Figure 29: Courbes force - déplacement modélisées à la longueur du ligament l =12mm dans les deux directions Md et Td.

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

Figure 30: Courbes force - déplacement modélisées en fonction de la longueur du ligament.

En appliquant le traitement des données expérimentales de l’essai EWF sur les courbes modélisées, les relations entre l’énergie totale spécifique, wf

simul (obtenue à partir des courbes modélisées) et la longueur du ligament, l, sont tracées pour les deux directions Md et Td (Fig. 31). On obtient des relations linéaires entre wf

simul et l dans les deux directions, signifiant que la modélisation du modèle EWF a réussi.

Figure 31: Relation linéaire entre l’énergie totale spécifique calculée à partir des courbes modélisées (wf,

simul) et la longueur du ligament l.

Les valeurs des paramètres EWF extraites des simulations (i.e. wesimul et βwp

simul) et l’énergie de séparation (Γ0) dans la zone cohésive à l’amorçage de la propagation sont déterminées et collectées dans le tableau 7. D’abord, on constate que les valeurs modélisées de we (we

simul) dans les deux directions Md et Td sont différentes. Comme pour les données expérimentales, la valeur de we

simul dans la direction Md est plus faible que dans la direction Td. Cela signifie que la modélisation peut rendre compte qualitativement de la différence entre les deux directions Md et Td, introduite par des lois de comportement différentes du film et de la zone cohésive. Cependant, il y a encore des différences entre les valeurs modélisées et expérimentales. On voit que la valeur de we

simul dans la direction Md est plus élevée que celle expérimentale alors que la tendance est inverse dans la direction Td. Ceci illustre que

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

l’identification des paramètres du modèle doit être approfondie. Nous retiendrons ici des informations qualitatives sur l’analyse EWF.

Direction Γ0simul

(kJ/m²) Γ0

théorie (kJ/m²)

we exp

(kJ/m²) we

simul (kJ/m²)

βwp exp

(MJ/m3) βwp

simul (MJ/m3)

R² (simul)

Md

Td

10 ± 1 16 ± 1

3 12

17 ± 4 46 ± 5

23 ± 1 31 ± 1

12 ± 0,3 12 ± 0,4

1,6 ± 0,1 2,0 ± 0,1

0,9970 0,9941

Γ0simul: section au-dessous de la courbe modélisée contrainte – ouverture de la zone cohésive

Γ0 théorie = ½ Tmax*∆max avec Tmax et ∆max sont les valeurs déposées pour la zone cohésive au début de la

simulation.

Tableau 7: Valeurs des paramètres EWF et de l’énergie dissipée dans la zone cohésive.

Les résultats montrent aussi que les valeurs de wesimul dans les deux directions Md et Td

sont plus élevées que l’énergie de séparation des zones cohésives représentant la rupture. Cela signifie que l’énergie dissipée dans la zone cohésive ne correspond pas au paramètre we de la méthode EWF. Dans le modèle cohésif, l’énergie dissipée dans la zone cohésive est accumulée de u = 0 à u = δc (u est l’ouverture de la zone cohésive et δc est l’ouverture critique de la zone cohésive). Ainsi, on peut considérer que Γ0 est l’énergie de décohésion. De plus, on peut considérer que Γ0 est l’énergie dissipée pour l’amorçage de la fissure. Ainsi, la valeur de we plus élevée que Γ0 indique que le paramètre we ne correspond pas simplement à l’énergie de décohésion, ni ne définit une condition de propagation de la fissure.

Afin d’illustrer ces résultats, nous avons reporté la variation de J avec l’avancée de la fissure ∆a :

c

0

J Tn.dδ

n= ∆∫ (III.1)

(où Tn est la contrainte au fond de la fissure, ∆n est l’ouverture de la fissure et δc est l’ouverture critique de la fissure) pour chaque élément cohésif. Sa valeur varie à cause de la régularisation visqueuse employée. Cette variation est reportée en figure 32. Nous observons qu'à l’amorçage de la propagation, Jc < we. we correspondant à ∆a = 0,75mm pour la direction Md et 0,4 pour la direction Td. Ainsi, l'énergie we surestime la résistance à la rupture du film entaillé. La méthode EWF apparaît comme un test permettant de comparer la réponse en rupture de différents films polymères et ne constitue pas une mesure absolue des caractéristiques de fissuration. Ainsi, we ne correspond pas directement à un taux de

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

restitution d’énergie ou une valeur critique de J associé à l’amorçage de la propagation d’une fissure2.

Figure 32: Extension de la longueur de la fissure dans les deux directions Md et Td.

En combinant les résultats de la modélisation, il semble que we comprend non seulement l’énergie de décohésion mais aussi une part de la déformation plastique qui intervient dans la zone de processus de rupture interne.

2 Dans cet esprit, il se rapproche plus des tests de dureté, qui s’avèrent commode pour caractériser rapidement la plasticité.

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Chapitre III: Validation du protocole de la technique "Essential Work of Fracture" et signification des paramètres

III. Conclusion

La méthode EWF est actuellement une méthode très répandue grâce à sa simplicité pour caractériser le comportement à rupture des matériaux ductiles, en particulier des films polymères minces ductiles. Cependant, il existe en pratique certaines limitations. La première limitation, abordée dans différentes études, porte sur la détermination de la gamme de longueurs du ligament. Généralement, la longueur minimale du ligament est fixée pour éviter la transition contrainte plane/déformation plane, mais le critère retenu dans le protocole sous-estime cette valeur. En outre, cette transition dépend de chaque type de matériau. Toutefois, dans le cas des films minces que nous avons étudiés, le choix de la gamme de ligament a surtout pour but d’éviter les effets de bord. Nous avons constaté que le critère proposé dans le protocole pour éviter les effets de bord et portant sur la longueur maximale est très sévère. La deuxième limitation de cette méthode est liée à la condition préalable de plastification complète du ligament avant la propagation de la fissure. Il semble que cette condition ne soit pas toujours nécessaire, comme l’a montré l’étude du PET. En revanche, on peut dire que la rupture doit être "suffisamment" ductile. Comme proposé dans la littérature par Martinez et al., nous avons mis en relation la faisabilité de l’essai EWF avec l’indice de ductilité du matériau. Cet indice est le rapport entre le déplacement à la rupture (lors de l’essai EWF) et la longueur du ligament. Pour les échantillons testés, il apparaît que l’indice de ductilité doit être compris entre de 0,15 à 1,5 pour que l’essai EWF soit exploitable.

En ce qui concerne le protocole utilisé dans cette étude, la forme DENT rectangulaire pour les échantillons est validée. La gamme de longueur du ligament s’étend de 5mm à 15mm. Ainsi, seuls les films polypropylène ne satisfont pas à la limitation de la ductilité. En revanche, les films polyéthylène, polyamide et poly(éthylène téréphtalate) sont de bons candidats pour la méthode EWF. L’analyse des résultats correspondant à ces différents matériaux sera présentée dans les chapitres suivants.

La signification physique des paramètres EWF, en particulier we est partiellement élucidée. Le paramètre we ne correspond pas à la résistance à l’amorçage de la propagation de la fissure. Ce paramètre comprend non seulement l’énergie de décohésion mais aussi une part de la déformation plastique qui intervient dans la zone de processus de rupture interne. Néanmoins, la méthode EWF reste un test adéquat permettant de comparer la réponse en rupture de différents films polymères

Dans la suite, nous avons décidé d’approfondir le rôle de la morphologie (l’orientation de la phase cristalline, le taux de cristallinité, la densité des molécules liens…) dans le film PET (chapitre IV) et l’influence de la présence de particules de renfort ("charges") dans différents nanocomposites à matrice polyéthylène et polyamide (chapitre V).

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