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« Entre riz et peigne… ». Le mobilier du deuxième âge du Fer initial de l’abri 3 de...

Date post: 22-Jan-2023
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Rassegna di Archeologia 24B/2009-2013 9 CUCIURPULA: LE SITE ET LES TRAVAUX Le site protohistorique de Cuciurpula (Fig. 1) est implanté entre m 955 et 1085, sur le versant mé- ridional de la Punta di a Cuciurpula (m 1164), point de vigie sur la haute vallée du Rizzanese et les routes vernaculaires de l'estive du Cuscionu, dans le sud de la Corse. Sa découverte en 2003 a été suivie d'une visite en 2007 et d'une caractérisation (prospection et tests d'une structure bâtie et d'un abri) en 2008. A partir de 2009, les travaux effectués sur le site ont pris la forme d'une fouille programmée menée, de- puis 2010, en collaboration avec le Dipartimento di Etruscologia e di Studi Italici de l'Université de Ro- me I « La Sapienza ». Ces travaux ont permis de déterminer la fonction principale du site, un habi- tat, et la chronologie de son occupation/utilisation protohistorique, entre une phase ancienne/média- ne du Bronze final et un moment récent au sein du premier âge du Fer. Le remarquable état de conservation des archi- tectures, couplé à une extrapolation proposée à par- tir des données issues des fouilles, permet à ce jour d'inventorier et interpréter une quarantaine de constructions comme des habitations. En plus de ces éléments particulièrement structurants dans un espace lâche de 12 hectares en situation de pendage à 20 %, on recense un bâtiment circulaire (structure 22 ou «rotonde»), quelques tronçons d'enceinte, un grand nombre de terrassements de formes et destinations variées, des «cheminements aména- gés» et des centaines d'abris-sous-roche de disposi- tion et dispersion chaotiques, dont beaucoup ont probablement servi de caveaux sépulcraux. Enfin, une zone de replat au sud-est du site, dégagée de tout chaos de blocs, est interprétée comme un espa- ce anciennement dédié aux activités agricoles, ce qui est suggéré par la fréquence des meules «à va-et -vient» sur bloc mobile de granit leucocrate à cet endroit. L'attractivité de cette rupture de pente, dé- jà soulignée par la toponymie (Pian'di Monte), est renforcée par l'implantation des charbonniers du XX e siècle. Cet événement constitue le dernier acte marquant d'époque historique à Cuciurpula après le développement de l'édifice castral sommital en- tre le XIII e et le XVI e siècle, la multiplication des aires de charbonnage «traditionnelles», l'aménage- ment de constructions agropastorales passées dans la mémoire collective comme i Vaccili et i Purcili près du sommet et l'utilisation des grottes par une poignée de résistants lors du dernier conflit mon- dial. Les cinq campagnes menées entre 2008 et 2012 ont concerné les habitations 1, 3, 6, 21, les abris 1 et 2, et les « cheminements aménagés » A, B, C et D 1 . La présente contribution vise la description et le commentaire des découvertes superficielles mais spectaculaires réalisées dans la cavité 3. INTERVENTION DANS L'ABRI 3 LE CONTEXTE La prospection d'un secteur du site non encore exploré, car dissimulé entre deux masses rocheuses éloignées des axes de circulation quotidiennement utilisés par l'équipe de fouille, a permis la découver- te d'une concentration a priori «homogène» de tessons céramiques appartenant à plusieurs vases. Ces vestiges ont été repérés car ils formaient l'es- sentiel d'une coulée sédimentaire se déversant sous un bloc formant partiellement un abri (Fig. 2), pro- bablement à la suite d'une bioturbation indétermi- née mais relativement ancienne. Les tessons pré- sentent en effet un taux de fragmentation très faible – certains vases sont presque entiers – attestant d'un très léger déplacement, mais une desquama- «ENTRE RIZ ET PEIGNE…». LE MOBILIER DU DEUXIEME AGE DU FER INITIAL DE L'ABRI 3 DE CUCIURPULA (CORSE): UNE ILLUSTRATION DE LA REPRISE FUNERAIRE D'UN ESPACE DOMESTIQUE DELAISSE? Kevin Peche Quilichini 1 MILLETTI et ALII, 2012.
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Rassegna di Archeologia 24B/2009-2013 9

CUCIURPULA: LE SITE ET LES TRAVAUX

Le site protohistorique de Cuciurpula (Fig. 1) est implanté entre m 955 et 1085, sur le versant mé-ridional de la Punta di a Cuciurpula (m 1164), point de vigie sur la haute vallée du Rizzanese et les routes vernaculaires de l'estive du Cuscionu, dans le sud de la Corse.

Sa découverte en 2003 a été suivie d'une visite en 2007 et d'une caractérisation (prospection et tests d'une structure bâtie et d'un abri) en 2008. A partir de 2009, les travaux effectués sur le site ont pris la forme d'une fouille programmée menée, de-puis 2010, en collaboration avec le Dipartimento di Etruscologia e di Studi Italici de l'Université de Ro-me I « La Sapienza ». Ces travaux ont permis de déterminer la fonction principale du site, un habi-tat, et la chronologie de son occupation/utilisation protohistorique, entre une phase ancienne/média-ne du Bronze final et un moment récent au sein du premier âge du Fer.

Le remarquable état de conservation des archi-tectures, couplé à une extrapolation proposée à par-tir des données issues des fouilles, permet à ce jour d'inventorier et interpréter une quarantaine de constructions comme des habitations. En plus de ces éléments particulièrement structurants dans un espace lâche de 12 hectares en situation de pendage à 20 %, on recense un bâtiment circulaire (structure 22 ou «rotonde»), quelques tronçons d'enceinte, un grand nombre de terrassements de formes et destinations variées, des «cheminements aména-gés» et des centaines d'abris-sous-roche de disposi-tion et dispersion chaotiques, dont beaucoup ont probablement servi de caveaux sépulcraux. Enfin, une zone de replat au sud-est du site, dégagée de tout chaos de blocs, est interprétée comme un espa-ce anciennement dédié aux activités agricoles, ce qui est suggéré par la fréquence des meules «à va-et

-vient» sur bloc mobile de granit leucocrate à cet endroit. L'attractivité de cette rupture de pente, dé-jà soulignée par la toponymie (Pian'di Monte), est renforcée par l'implantation des charbonniers du XXe siècle. Cet événement constitue le dernier acte marquant d'époque historique à Cuciurpula après le développement de l'édifice castral sommital en-tre le XIIIe et le XVIe siècle, la multiplication des aires de charbonnage «traditionnelles», l'aménage-ment de constructions agropastorales passées dans la mémoire collective comme i Vaccili et i Purcili près du sommet et l'utilisation des grottes par une poignée de résistants lors du dernier conflit mon-dial.

Les cinq campagnes menées entre 2008 et 2012 ont concerné les habitations 1, 3, 6, 21, les abris 1 et 2, et les « cheminements aménagés » A, B, C et D1. La présente contribution vise la description et le commentaire des découvertes superficielles mais spectaculaires réalisées dans la cavité 3.

INTERVENTION DANS L'ABRI 3

LE CONTEXTE

La prospection d'un secteur du site non encore exploré, car dissimulé entre deux masses rocheuses éloignées des axes de circulation quotidiennement utilisés par l'équipe de fouille, a permis la découver-te d'une concentration a priori «homogène» de tessons céramiques appartenant à plusieurs vases. Ces vestiges ont été repérés car ils formaient l'es-sentiel d'une coulée sédimentaire se déversant sous un bloc formant partiellement un abri (Fig. 2), pro-bablement à la suite d'une bioturbation indétermi-née mais relativement ancienne. Les tessons pré-sentent en effet un taux de fragmentation très faible – certains vases sont presque entiers – attestant d'un très léger déplacement, mais une desquama-

«ENTRE RIZ ET PEIGNE…». LE MOBILIER DU DEUXIEME AGE DU FER INITIAL DE L'ABRI 3 DE CUCIURPULA (CORSE): UNE ILLUSTRATION DE

LA REPRISE FUNERAIRE D'UN ESPACE DOMESTIQUE DELAISSE?

Kevin Peche Quilichini

1 MILLETTI et ALII, 2012.

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tion avancée, suggérant un séjour prolongé au contact des agents érosifs de surface. Le mobilier, exclusivement céramique, a été intégralement récu-péré et étudié, sans qu'aucune excavation ne soit pratiquée. Il semble d'ailleurs qu'une fouille éven-tuelle de ce contexte soit d'emblée limitée par une puissance sédimentaire apparemment réduite. L'abri posté immédiatement au-dessus pourrait, en revanche, faire l'objet d'une caractérisation à l'ave-nir.

LES VESTIGES MATÉRIELS

Le mobilier provenant de cette portion de cavi-té inclut un Nombre Minimal d'Individus de 11 va-ses (Figg. 3- 4).

– Vase 1 (Fig. 3, n. 1; Fig. 4, a) Haut.: cm 13,5; diam. ouv.: cm 10,5; diam.

max.: cm 12,5; diam. fond: cm 7. Capacité: 1,1 litre. Description: pichet ou tasse à profil sinueux, fer-

mée, au diamètre maximale à mi-hauteur. Profil

évasé à l'ouverture, lèvre aplatie légèrement éversée vers l'extérieur. Partie inférieure tronconique légè-rement galbée. Les tranches font apparaître un co-lombinage assez régulier constitué de boudins de pâte peu étirés. Fond épais et talonné, concave sur ses deux parois. L'attache du fond et de la paroi est bien visible et remarquablement haute, avec un plan de jonction qui tend vers l'horizontal. Une an-se est appliquée en partie supérieure, à la base de l'ouverture puis au-dessus du diamètre maximal. Cette prise est constituée de 4 boudins de pâte de section circulaire juxtaposés. Un cercle incisé tracé autour de l'anse contient un registre décoratif com-posé de courtes cannelures verticales se superpo-sant au brossage (voir infra) et dont le rôle peut être lié à une volonté d'effacer les jointures de l'an-se.

Procédés de surfaçage: l'intégralité de la surface externe est traitée par un brossage2 subhorizontal d'ampleur, de direction et de profondeur assez irré-gulières. A l'intérieur, la portion de paroi située au-dessus de l'étranglement a subi un traitement iden-tique, après un lissage au doigt ou localement réali-sé à l'estèque.

Considérations préliminaires: le profil de ce ré-cipient, plus ramassé que celui des vases nn. 2-3, ainsi que la position haute de l'anse, évoquent assez bien l'idée d'un pichet. La forme est clairement in-connue à Cuciurpula, de même que dans tout le sud de la Corse, pour le Bronze final et le premier âge du Fer. En revanche, on note avec intérêt le rat-tachement de cet élément au type d'urne «IIC1» à col légèrement concave et évasé, défini par J.-L. Mi-lanini3 pour la séquence de Tappa 2 (Porto-Vecchio, Corse-du-Sud)4, et plus encore avec un récipient de la sépulture de Lugo (Zonza, Corse-du-Sud)5, dans un contexte géographique et chrono-logique voisin. Les procédés de surfaçage par bros-sage/peignage sont présents en quantités infimes dans les niveaux superficiels du site, attestant de leur diffusion à une époque qui ne semble pas anté-rieure au VIIe siècle. Concernant les rapproche-ments inter-séquence, il faut signaler la forme du fond, proche de celle observée sur le vase n. 7, le principe de circonscription de l'anse par un registre décoratif, comme c'est le cas sur le récipient n. 3, et

Fig. 1 – Localisation et plan d'ensemble du site de Cuciur-pula.

2 On considère ici qu'un brossage est un traitement superficiel réalisé au moyen d'un outil à dents souples ou muni de poils alors que le peignage est effectué avec un instrument à dents rigides.

3 MILANINI et ALII, 2008, tabl. 1. 4 Plus particulièrement à l'exemplaire monoansé n. 61 (MILANINI et ALII., 2008, fig. 11). 5 LANFRANCHI, 1971, fig. 8, n. 3.

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le surfaçage du bandeau pré-oral interne, analogue à celui des vases nn. 6-7. Il s'agit là de deux critères assez peu fréquents dans les ensembles céramiques insulaires et peuvent donc être considérés comme les marqueurs d'une certaine homogénéité culturel-le et chronologique au sein du lot concerné. La for-me et la technique d'obtention de l'anse – par juxta-position de boudins – sont particulièrement origi-nales.

– Vase 2 (Fig. 3, n. 2; Fig. 4,b) Haut.: cm 16,5; diam. ouv.: cm 16; diam. max.:

cm 18; diam. fond: cm 9. Capacité: 2,6 litres. Description: grande tasse à profil sinueux, fer-

mée, tronconique en partie inférieure, cylindrique en partie pré-orale, diamètre maximal oscillant en-tre la hauteur médiane et la ligne de tiers supérieur. Lèvre aplatie. Hauteur non parfaitement régulière et symétrie verticale assez peu assurée. Fond plat talonné plus épais en son centre. Une anse rubanée de section rectangulaire aplatie dont les petits côtés

portent des incisions obliques régulièrement espa-cées est collée en partie pré-orale et juste au-dessous du diamètre maximal. Sa face externe a été incisée de 8 traits fins verticaux et subparallèles qui ont par la suite été recoupés par 10 traits horizon-taux subparallèles pour former un motif en damier.

Procédés de surfaçage: la paroi interne est inté-gralement lissée et brunissée à l'estèque. La zone orificielle présente aussi quelques traces de raclage. La paroi externe a été lissée au doigt avant de subir quelques brossages très localisés et réalisés au moyen d'un instrument apparenté à un pinceau. Le même type d'outil a été utilisé pour surfacer le ban-deau pré-oral dans une direction horizontale. Par la suite, un instrument pectiniforme à sept dents a été employé pour réaliser des traits verticaux serrés as-sez superficiels partant de mm 5 sous l'ouverture pour aboutir à quelques centimètres au-dessus du fond. Ces registres décoratifs sont disposés de fa-çon assez régulière tous les cm 3 sur la panse.

Considérations préliminaires: la forme du vase et la dimension de l'anse trahissent une probable utilisation en tant que tasse ou autre vase à boire. Le décor particulier de l'anse peut renforcer l'idée d'un vase à caractère individuel. Le profil appartient au type «IIB2» de la typologie de Tappa 26 et est très rare, voire inconnu, au premier âge du Fer en Corse méridionale. Le décor au peigne – on insiste ici sur ces deux termes – semble caractéristique du deuxième âge du Fer dans ces régions. Les registres décoratifs de l'anse, réalisés par incision, rappellent toutefois le premier âge du Fer, notamment les courts traits placés sur les petits côtés qui évoquent le décor en «grains de riz», d'ailleurs fréquent sur tous types d'ajouts plastiques et autres dispositifs de préhension.

– Vase 3 (Fig. 3, n. 3; Fig. 4,c) Haut. cons.: cm 9; diam. ouv.: cm 13; ­diam.

fond: inconnu. Description: tasse légèrement fermée, de profil

sub-tronconique étranglé à quelques centimètres (variable) sous l'ouverture. Rebord évasé terminé par une lèvre aplatie à léger éversement externe. On suppose un fond aplati. La partie étranglée du vase est limitée par un bandeau subhorizontal large de quelques centimètres, souligné par deux incisions. Au milieu du bandeau se trouve un registre de cour-tes incisions verticales en «grains de riz» placées en file horizontale. Une anse rubanée de section

Fig. 2 – Vue de l'entrée de l'abri 3.

6 En particulier le récipient n. 52 (MILANINI et ALII, 2008, fig. 10) et dans une moindre mesure l'élément n. 56 (MILANINI et ALII, 2008, fig. 11).

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Fig. 3 – Les vases de l'abri 3.

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ovalaire allongée et assez irrégulière sur sa face in-terne est appliquée sur la paroi présentant le cintre le moins marqué, ce qui est dans ce cas probable-ment et justement dû à la pression appliquée sur le vase humide lors du collage de l'anse. L'attache su-périeure est disposée à cm 1 sous l'ouverture; l'atta-che inférieure est placée juste au-dessus du renfle-ment de la panse. Du bandeau incisé sur la paroi se détache une incision en arc de cercle délimitant la périphérie de l'anse. Y sont contenues des incisions organisées de façon radiale et prolongeant des traits incisés réalisés horizontalement sur la face externe du dispositif de préhension, de façon verticale sub-parallèle et approximativement équidistante. La file d'incisions verticales de la paroi s'arrête en passant sous l'anse, ce qui pourrait montrer, du point de vue de la stratigraphie de réalisation, que le décor a été réalisé après le raccord du dispositif de préhen-sion.

Procédés de surfaçage: la paroi interne a subi un lissage/brunissage à l'estèque; la paroi externe a été lissée au doigt.

Considérations préliminaires: il s'agit d'une tas-se, probablement destinée à contenir des liquides. Ici encore, la présence d'un décor original, de mê-me que sa petite contenance, permettent d'accor-der à ce récipient un statut probablement indivi-duel. Une nouvelle fois, la forme est intégrable à la typologie de Tappa 2, en tant qu'urne de type «IIB1». Dès lors, il est intéressant de noter que le registre décoratif décrit ici est également présent dans l'abri de Porto-Vecchio (op. cit., fig. 8, n. 18), bien que sur une forme très différente. Ce type de décor permet d'évoquer une tradition établie au cours du premier âge du Fer avec les premiers en-sembles constitués d'incisions courtes organisées en file horizontale. Comme sur le vase n. 1, l'anse est mise en valeur par un aménagement particulier du décor, disposé de façon périphérique. Cette fa-çon de faire n'est documentée, à notre connaissan-

Fig. 4 – a) vase 1; b) vase 2; c) vase 3; d) vase 7; e) vase 8.

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ce, qu'en Ligurie interne, où des registres voisins sont disposés sur des vases morphologiquement assez proches, pour une chronologie centrée sur le IIe et le Ier siècle av. J.-C.7

– Vase 4 (Fig. 3, n. 4) Haut. cons.: cm 8; diam. ouv.: cm 18; diam.

max.: cm 19; diam. fond: inconnu. Description: bol ou petite jatte à profil sinueux

(ou carène molle) fermée à col évasé non articulé et partie inférieure hémisphérique. Lèvre convexe fine éversée sur l'extérieur. Diamètre maximal sur la panse, à 4 cm sous l'ouverture. Bonne symétrie gé-nérale, en cintre comme en profil. Une cannelure horizontale unique, réalisée au moyen à pointe bi-seautée, souligne un raccord de colombin et sépare la partie inférieure de la partie supérieure juste au-dessus du diamètre maximal, répondant à un sur-creusement de la paroi interne. Un fond plat est supposé.

Procédés de surfaçage et de cuisson: paroi bru-nissée des deux côtés. Le surcreusement interne semble obtenu au moyen d'un raclage au bâtonnet. La tranche homogène bichrome (noir à l'extérieur

et rouge brunâtre à l'intérieur) pourrait trahir un contrôle des procédés de cuisson.

Considérations préliminaires: de par sa forme, mais également les caractères évidents de sa chaîne opératoire de production, cet élément tranche avec le reste de la série, même si la cannelure unique per-met d'établir un pont avec le vase n. 7. Vu la forme de l'unique tesson retrouvé pour ce récipient, on suppose l'introduction de ce fragment «tel quel» dans le dépôt pour être utilisé comme une spatule ou une cuiller, phénomène par ailleurs déjà observé sur le site. Il s'agirait donc d'un phénomène de ré-cupération d'un tesson de vase plus ancien dans le cadre d'un remploi alter-fonctionnel. La forme du vase, de même que le décor cannelé, permettent d'ailleurs d'établir de bons parallèles avec des contextes du Bronze final 2 et 3.

– Vase 5 (Fig. 3, n. 5) Haut. cons.: cm 8,5; diam. ouv.: cm 17; diam.

fond: inconnu. Description: bol ouvert parfaitement tronconi-

que, à lèvre aplatie légèrement éversée sur l'exté-rieur. Un fond plat, relativement proche des limites conservées, est fortement supposé.

Procédés de surfaçage: lissage puis brunissage horizontal réalisé à l'estèque sur les deux parois. Quelques aplats externes et internes pourraient suggérer la pratique du battage sur contre-batte.

Considérations préliminaires: ici aussi, la forme est plutôt celle d'un vase à boire. Le caractère sim-ple et ubiquiste du profil ne permet pas de proposer une hypothèse chrono-culturelle pertinente.

– Vase 6 (Fig. 3, n. 6) Haut. cons.: cm 8 (supposée cm: 9); diam. ouv.:

cm 17; diam. fond: cm 6,5 (estimation). Capacité: 1,4 litre. Description: bol hémisphérique ouvert à léger

changement d'inflexion (moins évasée) au niveau du tiers supérieur, achevé par une lèvre aplati à très léger éversement externe. Bonne symétrie générale. On suppose un fond plat légèrement talonné. Ce vestige est constitué de deux tessons recollés sur une tranche par un adhésif de couleur noire.

Procédés de surfaçage: les deux parois ont subi un lissage/brunissage. Par la suite, on a réalisé un peignage sub-vertical de la paroi externe. Cette opération montre des superpositions. A l'intérieur, le panneau constituant les deux premiers centimè-

Fig. 5 – Pointe de lance ou poignard en fer, découvert en surface.

7 GAMBARI-VENTURINO GAMBARI, 2004, fig. 9, nn. 5-6.

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tres sous l'ouverture a subi un très superficiel pei-gnage horizontal, comme cela est aussi le cas pour les vases nn. 1 et 7.

Considérations préliminaires: la forme en calot-te est fréquente à toutes les époques de la Protohis-toire insulaire. Elle est toutefois originale au sein de la séquence de l'abri 3, où cet élément constitue le seul récipient à profil strictement ouvert (avec le vase n. 5). Sa fonction peut avoir été multiple (vase à boire ou à manger, couvercle, etc.). Le peignage couvrant, ici considéré comme un surfaçage à possi-ble destination esthétique, est typique des ambian-ces du deuxième âge du Fer. Une très bonne com-paraison morphologique et technique figure au sein du dépôt funéraire de Lugo8.

– Vase 7 (Fig. 3, n. 7; Fig. 4,d) Haut.: 11,5 à cm 12; diam. ouv.: cm 13,5; diam.

max. panse.: cm 13,5; diam. fond: cm 7,5. Capacité: 1,1 litre. Description: gobelet à profil globalement tron-

conique et sinueux, ouvert mais étranglé à cm 2 sous l'ouverture. Même avec une ligne d'ouverture non parfaitement horizontale, la symétrie est globa-lement bonne. La partie supérieure est évasée et terminée par une lèvre aplatie à éversement exter-ne. Le centre de l'étranglement est souligné par une cannelure sub-horizontale relativement fine. Le dia-mètre maximal à la panse est marqué par un chan-gement d'inflexion non caréné et par deux languet-tes ovalaires à méplat transversal, l'une descendan-te, l'autre ascendante, disposées en opposition dia-métrale. La partie inférieure est tronconique galbée. Le fond est plat et fortement talonné. La jonction panse/fond a pu être observée et se trouve assez haut, comme pour les vases 1 et 11. Son plan d'atta-che est parfaitement transversal. Sa paroi interne est fortement concave, ce qui assure une transition sans rupture avec le corps du vase, comme pour le vase n. 1. La surface de pose est horizontale mais on y observe des panneaux sub-ovalaires (mm 15 de long en moyenne) légèrement enfoncés que l'on ne sait expliquer.

Procédés de surfaçage: à l'extérieur, la paroi a subi un lissage au doigt avant un peignage général de sens vertical. Sur les languettes, le peignage a été effectué selon les directions les mieux adaptées au

relief. Le bandeau formant la partie la plus large du corps du vase avait préalablement subi un brossage horizontal. La paroi interne est dans son intégralité – jusqu'au centre du fond concave – lissée au doigt mais la partie située au-dessus de l'étranglement a été brossée horizontalement. La paroi externe du fond est brossée de façon rectiligne homogène.

Considérations préliminaires: ce type de gobe-let à double dispositif de préhension par arrêt de la main est probablement un vase à boire. Comme le vase n. 3, le récipient n. 7 est rattachable à la catégo-rie «IIB1» de Tappa 2, ou à un récipient de Lugo9. Si la cannelure horizontale unique est plutôt carac-téristique des sphères productives des étapes mé-diane et terminale du Bronze final, les traitements superficiels observés ici sont typiques du second âge du Fer. Le surfaçage du bandeau pré-oral inter-ne est le même que pour les vases nn. 1 et 6. Le fait qu'il soit limité à cette partie du récipient permet un rapprochement avec des productions nord-insu-laires du IIe siècle av. J.-C., notamment de l'habitat d'I Palazzi10.

– Vase 8 (Fig. 3, n. 8; Fig. 4,e) Haut.: cm 12,5 à 13; diam. ouv.: cm 16,5; diam.

max. panse: cm 16; diam. fond: cm 10. Capacité: 2 litres. Description: gobelet/bol à profil tronconique

sinueux, évasé en partie haute et légèrement bombé en hauteur médiane. La symétrie n'est pas parfaite-ment assurée. La lèvre est aplatie et éversée vers l'extérieur. La partie basse est cylindrique, parfois légèrement galbée. Au diamètre maximal de la pan-se, voire un peu en-dessous, ont été appliqués deux boutons disposés en opposition diamétrale. On n'a retrouvé de ces éléments que leur surface d'accro-che, permettant d'observer l'absence de dispositif d'insertion mais empêchant de documenter leur forme volumétrique. Le fond est plat et non talon-né.

Procédés de surfaçage: même si la desquama-tion avancée gène considérablement la lecture des différents traitements superficiels, le vase semble dans son intégralité lissé au doigt. La paroi externe a ensuite subi un peignage vertical, du même type que celui réalisé sur le vase n. 11, limité à la partie inférieure du récipient.

8 LANFRANCHI, 1971, fig. 9, n. 1. 9 LANFRANCHI, 1973, fig. 1, n. 3. 10 PECHE-QUILICHINI - CHAPON, cds.

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Considérations préliminaires: la forme évoque celle du vase n. 8, quoique la partie inférieure soit ici plus ramassée. Le fait que cette zone unique soit couverte de larges coups de peigne verticaux per-met un rapprochement flagrant avec le vase n. 11. Le dispositif de préhension par arrêt de la main est peut-être un indice d'une fonction liée à contenant liquide.

– Vase 9 (Fig. 3, n. 9) Haut.: cm 11,5 à 12; diam. ouv.: cm 12; diam.

max. panse: cm 12; diam. fond: cm 9,5. Capacité: 1,1 litre Description: gobelet tronconique ouvert à profil

légèrement sinueux. Rebord sub-vertical terminé par une lèvre aplatie. Très bonne symétrie d'ensem-ble. Léger étranglement de profil à cm 3 sous l'ou-verture avant un renflement qui prélude une partie inférieure tronconique. Le fond est épais, d'épais-seur constante, plat et talonné. La jonction panse/fond est horizontale et en légère surélévation par rapport à la hauteur de la paroi interne du fond, ce qui est probablement dû aux procédés de régulari-sation de cette partie du vase. Deux languettes ova-laires sont appliquées en opposition diamétrale sur le diamètre maximal de la panse, soit à mi-hauteur du récipient.

Procédés de surfaçage et traces d'usage: la paroi extérieure est lissée au doigt et/ou à l'estèque, avec des traces de raclage près de l'ouverture. La paroi intérieure a subi un traitement identique. On y re-marque beaucoup de traces de grattage post-cuisson, horizontales près de l'ouverture, verticales plus bas.

Considérations préliminaires: le profil de ce go-belet est atypique, surtout à cause de son col alliant léger évasement et faible galbe. La double préhen-sion en languette, de même que l'articulation du profil, permettent d'évoquer un lien typologique avec les récipients nn. 7-8, d'où une parenté avec un vase de Lugo mentionné plus haut11. Ici encore, for-me, gabarit et dispositif de préhension permettent de suggérer sa fonction en tant que vase à boire in-dividuel. Les traces de grattage montrent que le ré-cipient a connu un usage.

– Vase 10 (fig. 3, n° 10) Haut. cons.: 4,5 cm; diam. ouv.: 10 cm; diam.

max.: inconnu; diam. fond: inconnu.

Description: partie supérieure d'un vase fermé à rebord convergent légèrement concave terminé par une lèvre aplatie à léger éversement interne.

Procédés de surfaçage: lissage au doigt à l'exté-rieur; lissage à l'estèque puis brossage horizontal superficiel à l'intérieur.

Considérations préliminaires: ce fragment ap-partient vraisemblablement à une tasse fermée ou une petite jarre dont le diamètre maximal se trouve probablement entre la hauteur médiane et la ligne du tiers supérieur. Ce type de profil est fréquent, quoique pour des homothéties volumétriques supé-rieures, au premier âge du Fer sur le site, mais pour-rait perdurer lors de la phase successive. On connaît d'ailleurs quelques exemples de perdurations à Cucuruzzu (Levie, Corse-du-Sud; Lanfranchi, 1979, fig. 1). [in nota]

– Vase 11 (Fig. 3, n. 11) Haut. cons.: cm 6,5; diam. ouv.: inconnu; diam.

max.: inconnu; diam. fond: cm 8. Description: partie inférieure d'un récipient

tronconique, légèrement galbée. Fond plat talonné par adjonction périphérique de pâte. Le collage panse/fond est bien observable. Il est disposé plus haut que l'horizontale formée par la paroi interne du fond. La zone de contact est parfaitement trans-versale à l'axe de la paroi.

Procédés de surfaçage: la paroi interne est lissée au doigt. Cette opération a laissé des traces très net-tes et des empreintes digitales à proximité de la jointure panse/fond. La paroi externe est égale-ment lissée au doigt mais a par la suite été régulari-sée par un peignage superficiel, vertical et couvrant, réalisé grâce à l'emploi d'un outil à dents larges et espacées. Ce traitement prend fin au niveau de la jonction avec le fond, légèrement au-dessus du ra-jout périphérique.

Considérations préliminaires: sur ce fragment, le caractère du peignage permet un rapprochement avec le récipient n. 8, ce qui laisse penser à un zona-ge de ce traitement sur la partie inférieure du vase. Le façonnage du talon par ajout plastique périphé-rique est une technique seulement documenté dans l'US 617 de la structure 6 (n. 1214). Elle est pour-tant fréquente dans le centre et le nord de l'île au moins à partir du IXe siècle et jusque vers le Ve siè-cle av. J.-C.

11 LANFRANCHI, 1973, fig. 1, n. 3.

UNE ILLUSTRATION DE LA REPRISE FUNERAIRE D'UN ESPACE DOMESTIQUE DELAISSE? 17

CONCLUSIONS PRÉLIMINAIRES: UN DÉPÔT FUNÉRAIRE ANNEXE DES

ALENTOURS DU IVE SIÈCLE?

Ces premières considérations permettent de conclure à une certaine homogénéité, malgré une possible pollution (n. 10), une probable récupéra-tion (n. 4), un vase dont la réparation montre une relative ancienneté d'usage (n. 6) et un dernier où figurent des traces d'usure (n. 9). Il ne faudra pas tenir compte des deux premiers éléments pour ca-ler chronologiquement ce que l'on considère donc comme un ensemble clos ou resserré sur l'échelle du temps, tant pour les aspects technologiques que pour la forme des récipients mobilisés. On note aussi que les vases nn. 1, 7 et 9 ont une contenance équivalente autour de 110 cl.

Parmi les éléments de datation les plus fiables, et en attendant l'analyse spectrométrique et le data-ge radiocarbone de la réparation du vase n. 6 (en cours), il faut mentionner la pertinence des occur-rences observées entre ce mobilier et celui issu de la séquence homogène et très fournie de Tappa 212, centrée sur les VIe/IVe siècles. Les correspondances entre les deux sites sont interprétées comme l'indi-ce de productions voisines sur l'échelle du temps. La présence d'un décor nettement apparenté aux registres d'incisions courtes permet quant à elle d'inscrire la série dans une tradition du premier âge du Fer, ici encore comme à Tappa 2, mais qui peut se prolonger jusqu'au IIIe siècle av. J.-C.13 L'autre document à fort potentiel chronologique est le sur-

façage par brossage/peignage, ici parfois clairement corrélé à une volonté de décorer les récipients (vase n. 2). Une approche synthétique préliminaire de ces procédés, centrée sur la problématique chrono-logique, a déjà été tentée14:

Souvent considéré comme un «fossile direc-teur» de cette période, le peignage ne semble effec-tivement pas antérieur au IVe s. av. J.-C. dans les séries bien datées: nécropole d'Aleria15, Castello à Luri16, Morsaja à Poggio d'Oletta17, Modria à Car-co18, Punta di u Grecu à Sartène19. L'apparition du décor au peigne semble très tardive notamment par rapport au midi de la Gaule, où ce décor est présent au VIe s., voire dès la fin du VIIe s20. L'association d'un décor peigné et d'un décor incisé (vase n. 23) a été signalée à Cucuruzzu (Levie) par F. de Lan-franchi21, dans une couche qu'il date des IVe-IIIe s. av. J-C. (op. cit., p. 82); des décors très proches mais associant peignage et cannelures sont signalés au Monte Lucciana22»23.

A Cuciurpula, la technique n'est documentée que par un tesson isolé de l'US 617 (fin du Bronze final) de l'habitation 6 et quelques éléments prove-nant des différents niveaux postérieurs à la phase 2 (début VIe siècle) de l'habitation 1. Si l'on excepte le premier contexte, les témoignages se concentrent donc vers les phases les plus récentes de l'occupa-tion du site, à une époque qui ne peut être antérieu-re à la fin du VIIe siècle.

Même si l'on suppose une constitution du dépôt dans un temps bref, la mobilisation et le croisement de l'information chronologique disponible permet-tent de proposer une diagnose à contours élargis

12 MILANINI et ALII, 2008. 13 TRAMONI-CHESSA, 1998. 14 Outre les sites mentionnés dans le corps du texte, le surfaçage au peigne ou à la brosse/au pinceau est signalé à San-

t'Anghjelu (Ajaccio; inédit), Capula (Levie; LANFRANCHI, 1978), aux Calanchi (Sollacaro; inédit), Cavaddu Biancu (Sotta; inédit), Carpalone (Porto-Vecchio; PASQUET, 1979), Tozze Bianche (Porto-Vecchio; PASQUET, 1979), au Monte Lazzu (Casaglione; WEISS, 1984); Cima à i Mori (Palasca; WEISS, 1988), Santa Mariona (Corté; inédit), Capu Mirabù (Monticello; WEISS, 1988), au Monte Bughju (Rogliano; GALUP et ALII, 1973), aux Palazzi (Venzolasca; CHA-PON-ARCELIN, cds; PECHE-QUILICHINI- CHAPON, cds; PECHE-QUILICHINI-PICCARDI, cds) et sur le site d'Aleria (JEHASSE, 1975).

15 JEHASSE, 1975. 16 NEBBIA-OTTAVIANI, 1976. 17 MAGDELEINE, 1973. 18 WEISS, 1974. 19 TRAMONI-CHESSA, 1998. 20 ARCELIN, 1971; PY et ALII, 1984. 21 LANFRANCHI, 1979, figg. 3-4 22 MAGDELEINE et ALII, 2003, fig. 28, c, d, f. 23 MILANINI et ALII, 2008, p. 143.

KEWIN PECHE QUILICHINI 18

centrée sur le IVe siècle (soit une fourchette 450-250 av. J.-C.).

Il reste à préciser la fonction de ce dépôt. Le ca-ractère exigu de la cavité, le contexte immédiat (abri 2), les affinités avec le mobilier de la tombe de Tappa 2 et la concentration de vases dont la fonc-tion est a priori au moins partiellement spécialisée – vases à boire et à verser – autorisent une interpré-tation hypothétique d'un ensemble qui serait lié à une sépulture sous abri, peut-être dans le cadre de dépositions «annexes»24, tels celles mises en évi-dence à Lugo25 et à Tappa 226. Il resterait cependant à découvrir l'éventuelle sépulture associée.

Dès lors, ce postulat pose la problématique du recrutement des vases en contexte sépulcral: les va-ses sont-ils produits spécialement pour être inté-grés dans la tombe ? Ou choisit-on au moment du décès (ou plus tard) un nombre n de récipients – par exemple dans la maison du défunt – déjà passés depuis un temps t dans l'instrumentum du quoti-dien? Le mobilier découvert fortuitement au prin-temps 2011 dans l'abri 3 de Cuciurpula apporte quelques éléments de réponse. En effet, l'un des on-ze vases porte les stigmates d'une réparation au goudron de bouleau27, prouvant ainsi son utilisa-tion préalable. Cet exemple montre assez bien le fait que des objets peuvent à un moment être ras-semblés pour former des lots reconstitués dont la spécificité ne nous apparaît donc qu'a posteriori. Les remarques effectuées pour le dépôt funéraire, pro-bablement contemporain, de Tappa 2, où la dispa-rition partielle, sur certains vases, des traces de pro-tocoles particuliers de surfaçage est corrélée à un usage prolongé plutôt qu'à une érosion post-dépositionnelle, vont dans le même sens.

LE SECOND ÂGE DU FER À CUCIURPULA: QUEL BILAN?

La présence d'un ensemble chronologiquement cohérent postérieure au développement de l'habi-tat, dont on peut fixer l'abandon vers la transition entre premier et second âge du Fer (570-500 av. J.-C.)28, après un probable hiatus d'au moins un siècle, pose la question de l'état du site après le départ des derniers occupants. La reprise d'une “activité” sur l'espace du site suppose peut-être une volonté de retour sur un lieu dont la structuration, oeuvre de proches ancêtres, devait encore être assez visible dans le paysage, ce qui est assez riche de signifi-cations, surtout si le dépôt de vases de l'abri s'insère dans le cadre d'un geste funéraire ou commé-moratif. En ce sens, la situation est assez compa-rable à celle qui peut être déduite de la synthèse de l'information archéologique disponible sur le pro-che plateau de Lévie, où les habitats de l'âge du Fer (Cucuruzzu, Nuciaresa, Saparaccia, Riccu, Cruci)29 sont abandonnées aux VIe/Ve siècles, avant une utilisation sépulcrale généralisée des abris (Lugo, Santa Catalina, Cucuruzzu)30 à partir du IVe siècle. Ces tendances pourraient donc illustrer un modèle microrégional d'organisation de l'espace à l'échelle de l'Alta Rocca, même si la possibilité d'une simple superposition spatiale sans lien avec une quelcon-que notion de souvenir ne peut en l'état être exclue. Pour revenir à Cuciurpula, on signalera que la découverte en surface d'une lame de poignard (ou pointe de lance?) en fer (Fig. 5), de typologie punique, dans le secteur le plus bas du site, montre que d'autres contextes du deuxième âge du Fer pourraient être mis en évidence à l'avenir.

24 MILANINI, 2004, p. 241. 25 LANFRANCHI, 1971; LANFRANCHI,1973. 26 MILANINI et ALII, 2008, p. 147. 27 RAGEOT et ALII, cds. 28 A ce jour, ce sont les données issues de la fouille de l'habitation 3 qui offrent les témoignages d'occupation les plus

récents à l'échelle de l'habitat. 29 LANFRANCHI et ALII, cds. 30 LANFRANCHI, 1968; LANFRANCHI, 1971; LANFRANCHI,1973.

UNE ILLUSTRATION DE LA REPRISE FUNERAIRE D'UN ESPACE DOMESTIQUE DELAISSE? 19

QUELLES AVANCÉES SUR L'ARTICULATION SYNTAXIQUE DES DÉCORS/SURFAÇAGES CÉRAMIQUES DANS LE SUD DE LA CORSE

AU PREMIER ÂGE DU FER?

La problématique d'obtention du cadre chrono-logique et matériel de l'âge du Fer de la Corse connaît depuis quelques années un net regain d'intérêt. Parmi les principaux acquis, il faut souli-gner les progrès amorcés dans la connaissance des contextes de transition avec le Bronze final dans le sud31 et ceux qui concernent les productions des IIe/Ier siècle avant notre Ere dans le nord-est de l'île32. Entre ces deux extrèmes chronologiques et géographiques, l'information reste en grande partie à produire. C'est dans ce contexte historiogra-phique que se place le dépôt de l'abri 3 de Cuciur-pula. Parmi les éléments significatifs définissant son originalité au-delà des formes, la coexistence de décors d'incisions courtes pouvant être interprétés comme une évolution des registres en “grains de riz” avec des décors et surfaçages réalisés au peigne apparaît comme une information capitale. Celle-ci montre que la composition du lot se fait au moment où les dernières expressions typiques du premier âge du Fer tendent à se raréfier alors que les traitements au peigne connaissent une forte augmentation de fréquence. Ce laps de temps, véritable charnière stylistique caractérisant l'articu-lation entre un second âge du Fer initial et un état avancé est à fixer ici autour du IVe siècle, époque caractérisée dans l'île par un climat de tension amplifié par l'extension du conflit romano-cartha-ginois33 et ses probables relents sur les sociétés insulaires et leurs sphères économico-producti-ves34. La découverte récente d'une arme punique sur le site est d'ailleurs là pour illustrer le phéno-mène, même si le témoignage reste pour l'heure isolé.

On espère développer à l'avenir les recherches sur l'évolution chronostylistique de la production potière insulaire par l'exploitation de séquences stratifiées, dont l'île manque cruellement pour ces périodes, et ainsi tenter de mieux comprendre les

dynamiques culturelles à l'oeuvre en Corse à l'aube des temps historiques.

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31 PECHE-QUILICHINI et ALII, cds. 32 PECHE-QUILICHINI-CHAPON, cds. 33 Sans vouloir amplifier l'influence des Guerres Puniques sur les groupes insulaires, il paraît tentant de mettre en

corrélation la multiplication des sites fortifiés au IIIe siècle avec le déplacement du front maritime sur les côtes orientales de Corse et de Sardaigne, surtout lors du premier conflit.

34 PECHE-QUILICHINI, cds.

KEWIN PECHE QUILICHINI 20

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UNE ILLUSTRATION DE LA REPRISE FUNERAIRE D'UN ESPACE DOMESTIQUE DELAISSE? 21

RIASSUNTO

Cuciurpula, situato nelle montagne del sud della Corsica, si inserisce nel contesto dei grandi abitati del Bronzo Finale e della prima Età del Ferro. Un'indagi-ne condotta nel 2011 in un settore ancora inesplorato, ha portato alla luce undici vasi ceramici. Lo studio della tecnica di realizzazione e delle for-

me ha messo in evidenza una cronologia omogenea incentrata sul IV secolo a.C., ovvero la prima parte della seconda Età del Ferro. Ci si interroga sulla fun-zione di questi reperti soprattutto perché sono posterio-ri di circa un secolo all'abbandono dell'abitato. Conte-stualizzandoli nel quadro culturale della Corsica meri-dionale e analizzando le tecniche stilistiche, si nota il progressivo abbandono del registro decorativo a “grana di riso” mentre comparono decorazioni e trat-tamenti superficiali realizzati con pennello o a pettine.

RÉSUMÉ Dans le cadre de la fouille du grand habitat du

Bronze final et du premier âge du Fer de Cuciurpula, situé dans les montagnes du sud de la Corse, une pros-pection menée en 2011 dans un secteur encore inexplo-ré a permis la découverte, en surface, d'un ensemble de onze vases céramiques. La mise en évidence des procédés de fabrication et

l'étude des formes montrent une chronologie homogène, centrée vers le IVe siècle av. J.-C., soit la première partie du second âge du Fer. L'existence de ce lot pose la question de sa fonction,

d'autant que sa mise en place succède d'au moins un siècle à l'abandon du village. Replacée dans le contexte culturel du sud de la Corse, l'analyse des techniques de finition et de décoration documentent certains traits particuliers assez révélateurs des évolutions stylistiques à l'œuvre dans cette partie de l'île à cette époque, no-tamment caractérisées par l'abandon progressif des registres ornementaux en «grains de riz» au profit d'ornementations et surfaçages réalisés au pinceau ou au peigne.


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