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PIB :
LE DÉBUT DE LA FIN
A quoi bon croître si les inégalités augmentent
et si l’environnement est détruit ? Le débat sur
des indicateurs alternatifs au PIB dure depuis
trente ans. La loi Sas, adoptée en avril dernier,
prévoit enfin la publication régulière de tels
indicateurs en France. Reste à s’en saisir
effectivement pour changer les priorités
de l’action publique.
51n° 350 octobre 2015 / Alternatives Economiques
G rande première le mardi 6 octobre : en parallèle au dépôt du projet de loi de finances, le gouvernement doit publier pour la première fois un rapport pré-
sentant « l’évolution, sur les années passées, de nou-veaux indicateurs de richesse, tels que les indicateurs d’inégalités, de qualité de vie et de développement durable ». Cette publication fait suite à l’adop-tion au Parlement, en avril 2015, de la proposition de loi présen-tée par la députée EELV Eva Sas, visant à prendre en compte de nouveaux indicateurs de ri-chesse dans la définition des politiques publiques. L’article unique de cette loi prévoit également « une évaluation qualitative ou quantitative de l’impact des principales réformes engagées l’année précédente et envisagées pour l’année suivante, notamment dans le cadre des lois de finances, au regard de ces indicateurs et de l’évolution du produit intérieur brut (PIB) ».
Pour comprendre les enjeux de cette innovation, il importe tout d’abord de revenir sur ce qu’est le PIB, pourquoi il occupe une place aussi centrale dans le débat public et ce qui lui est reproché. Une question profondément politique. Car le choix des indicateurs, l’analyse de leurs résultats et les leçons qui en sont tirées ne sont pas une simple question technique. Ils
doivent au contraire être placés au cœur du débat démocratique.
Une (très) brève histoire du PIBPendant plus d’un demi-siècle, le PIB
(voir encadré) et son taux de croissance ont été considérés comme le principal indicateur de progrès économique et so-cial. Elaborée dans la foulée de la crise des années 1930 et normalisée inter-nationalement au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la comptabilité natio-nale a cristallisé les représentations de
richesse et les rapports de force de l’époque.Les pays d’Europe occidentale sont alors en pleine
reconstruction. Ils bénéficient en particulier des aides apportées par les Etats-Unis à travers le plan Marshall. Les demandes d’aide doivent s’accompa-gner d’une justification chiffrée des besoins : dans
ce but, l’OECE (ancêtre de l’OCDE) développe alors un système de comptes harmonisés qui devien-dra la référence dans toutes les économies de marché.
Parallèlement, un nouveau ré-gime économique se met en place avec pour objectifs le plein-emploi et l’accès de tous à la consomma-tion de masse. Et comme moyen la
croissance économique, portée par le progrès tech-nique et les gains de productivité* qu’il engendre. L’Etat – qu’on peut qualifier de social, providence, keynésien ou encore fordiste – assume la responsa-bilité de maximiser la croissance et le niveau d’emploi via la politique économique. Tout en mettant en place les mécanismes de négociations sociales assurant une – relativement – juste répartition des fruits de cette croissance. Et en garantissant à ceux qui ne peuvent accéder à l’emploi, en raison de leur état de santé ou de leur âge, un revenu de remplacement, leur évitant de tomber dans la pauvreté. Tant que le plein-emploi a été au rendez-vous, cet objectif de croissance et son
instrument de mesure, le PIB, sont restés relativement consensuels.
Un indicateur désormais dépasséC’est avec les années 1970 que les
choses changent. Le tournant néolibéral engagé dissocie l’objectif de croissance de celui d’un partage équitable de ses fruits, avec pour corollaire une forte montée des inégalités. De nombreux indicateurs tels que l’indice de santé sociale américain ou l’indice de bien-être économique soute-nable montrent une absence de connexion entre le PIB et le bien-être individuel et collectif à compter de cette date [1]. Parallè-lement, les dommages environnementaux de la croissance, dénoncés jusque-là sans
Changer de lunettesL’omniprésence du PIB est de plus en plus reconnue
comme un handicap pour appréhender la réalité
de nos sociétés. Mais les résistances sont fortes
face au changement.
Le PIB est inapte à prendre en compte les nouvelles exigences sociales et environnementales
COMPTABILITÉ NATIONALE
Comment est calculé le PIB
Le PIB mesure la valeur monétaire de l’ensemble des biens et des services nouvelle-ment produits (et recensés) par une entité (généralement une nation) au cours d’une période donnée (généralement une année). Il s’agit donc d’une évaluation globale d’un flux monétaire. On peut le calculer de trois façons : en agrégeant la valeur ajoutée par l’ensemble des acteurs du secteur productif (y compris les administrations) ; on peut aussi comptabiliser tous les revenus issus de l’activité économique (salaires, profits, taux d’intérêt, etc.) ; ou, enfin, faire la somme les diQérentes manières de dépenser ces revenus (consommation, investissement, dépenses publiques, etc.). Ces trois façons de calculer aboutissent à la même grandeur : le PIB d’une économie.
52 n° 350 octobre 2015 / Alternatives Economiques
PIB : LE DÉBUT DE LA FIN
dossier
grande audience par les spécialistes, gagnent en visi-bilité, d’autant que leurs conséquences s’aggravent, rendant la question écologique incontournable.
Or, en raison de son mode de construction, le PIB est inapte à prendre en compte ces nouvelles exi-gences. Il fait l’objet de trois critiques majeures. Tout d’abord, il ne nous dit rien des inégalités de revenus. Pour Joseph Stiglitz, prix « Nobel » d’économie, et ses collègues membres de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social réunie à l’initiative de Nicolas Sarkozy en 2008, « le fait de ne pas rendre compte de ces inégalités explique l’écart grandissant (…) entre les statistiques agrégées qui dominent les discussions sur les actions à mener et la perception qu’a chacun de sa propre situation ».
La deuxième critique concerne le fait que le PIB, par construction, ne prend en compte que des produc-tions évaluées monétairement. Selon qu’une activité est réalisée dans un cadre monétaire ou de manière gratuite, elle est donc ou non comptabilisée dans le PIB. Le travail bénévole, le troc ou les services rendus par la nature sont absents du PIB. C’est le cas aussi des activités domestiques non rémunérées : le ménage, la cuisine, la garde d’enfant, etc., signe d’une convention datée qui laisse notamment à l’écart des activités his-toriquement attribuées aux femmes.
D’autre part, les activités sont prises en compte soit à leur prix de marché (quand elles sont marchandes), soit à leur coût de production (quand elles sont non marchandes). Or, les prix de marché ignorent les
exter nalités*, et notamment l’impact des activités sur l’environnement. Ainsi, toute activité génératrice de revenus monétaires est comptabili-sée positivement, alors qu’elle peut dégrader en réalité nos conditions de vie présentes ou futures. L’exemple est désormais connu : quand un pétrolier transporte du pétrole, le PIB aug-mente ; quand son naufrage détériore gravement l’environnement, le PIB ne diminue pas ; quand du personnel est engagé pour réparer les dommages, le PIB augmente à nouveau (sauf si ce travail est effectué par des bénévoles).
Par ailleurs, l’évaluation des activités non marchandes (comme l’éducation ou la santé) à leur coût de production ne dit rien sur leur qualité. Un accrois-sement du coût des services de santé à qualité de service égale fait croître le PIB sans améliorer notre bien-être. Inversement, le travail des enseignants n’est probablement pas toujours re-connu à sa juste valeur.
La troisième critique, et non la moindre, tient au fait que la compta-bilité nationale, par définition, ne nous dit rien de la soutenabilité de nos mo-des de vie. Le PIB ne recense que des flux (production, dépenses ou reve-nus courants) et non des stocks de ri-chesse. Certes, la dépréciation du stock
>Gains de productivité : hausse de la quantité de richesse produite dans un temps de travail donné. >Externalité : désigne les conséquences, sans
contrepartie monétaire, sur les tiers de décisions prises par une personne, une collectivité ou une entreprise. Que ces conséquences soient heureuses ou malheureuses.
[ * ]
[1] Voir à ce propos Transition écologique, mode d’emploi, par Philippe Frémeaux, Wojtek Kalinowski et Aurore Lalucq, Les Petits matins. 2014.
Marée noire à Singapour. Quand un pétrolier transporte du pétrole, le PIB augmente ; quand son naufrage détériore l’environnement, le PIB ne diminue pas.
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53n° 350 octobre 2015 / Alternatives Economiques
de patrimoine produit par les humains (ma-chines, bâtiments…) est prise en compte lorsqu’on déduit des ri-chesses créées ce qu’on appelle « l’amortisse-ment » [2]. Mais cette correction ne concerne pas le patrimoine na-turel et le patrimoine immatériel. Or, c’est bien l’ensemble de ces patrimoines qu’il faut considérer pour éva-luer la capacité d’une génération à trans-mettre à celles qui lui succéderont une qua-lité de vie au moins égale à la sienne.
Le PIB fait de la résistance
En dépit de toutes ces critiques, force est de consta-ter que le PIB domine toujours le débat public, comme si la croissance n’était jamais autant désirable que lorsqu’elle a disparu. François Hollande décla-rait encore en août dernier que « tout est lié à la crois-
sance » [3]. Cette résistance s’explique, tout d’abord, par le fait que la puissance des Etats demeure au-jourd’hui corrélée à la taille de leur économie. Le nou-veau basculement du monde vers l’Asie, observé au cours des deux dernières décennies, tient en premier lieu à la spectaculaire croissance économique de la Chine, qui lui permet désormais de rivaliser sur la
scène mondiale avec les Etats-Unis. La pour-suite de la croissance est donc perçue comme un objectif géostraté-gique majeur par les Etats, une préoccupa-tion paradoxalement accrue par le fait que nous entrons dans un monde où les pénuries de ressources vont aller croissant.
La seconde explica-tion tient au fait que le niveau de l’emploi de-meure corrélé à celui de croissance. Celle-ci est non seulement garante de hausses de salaires et de pouvoir d’achat, mais aussi de
meilleures chances de trouver un emploi ou de le conserver. Par ailleurs, la croissance du PIB est éga-lement la condition de l’équilibre des comptes so-ciaux. Comment financer les retraites ou la politique familiale si les revenus soumis à cotisations sociales stagnent ou diminuent ?
Enfin, last but not least, les logiques sociales et culturelles qui entretiennent la dépendance de nos sociétés vis-à-vis du « toujours plus » jouent un rôle central. Comme l’explique l’économiste britannique Tim Jackson [4], nos sociétés sont enfermées dans la « cage d’airain » du consumérisme : la consomma-tion non seulement répond à des besoins, mais elle
« Il faut réfléchir autrement »Eva Sas, vice-présidente de la commission des Finances
de l’Assemblée nationale
Quelles étaient vos motiva-tions en déposant une propo-sition de loi sur les nouveaux
indicateurs de richesse ?On ne renouera pas avec une croissance
forte et durable. Il faut donc réfléchir autre-
ment. Introduire de nouveaux indicateurs,
c’est adopter d’autres lunettes pour juger
les effets des politiques économiques et
budgétaires, et, au-delà, de l’ensemble de
l’action publique. La croissance est devenue
au fil du temps un objectif en soi, sans qu’on
en apprécie réellement les effets en termes
de bien-être actuel et futur. La loi adoptée
sur ma proposition entend corriger cela.
Concrètement, quel impact effectif peut-on en attendre ?Il y a, d’abord, la question environne-
mentale. Si on met en lumière l’empreinte
carbone et qu’on parvient à la calculer
avec un délai de publication raisonnable,
je pense que cela sera suivi d’effets aussi
bien dans les comportements qu’au niveau
des politiques menées. Le second sujet
concerne la dette et sa mise en relation avec
le niveau des investissements nécessaires
au maintien des infrastructures matérielles
et immatérielles indispensables à notre
bien-être. J’ajouterai, enfin, une troisième
dimension : les inégalités. Pour moi, la ré-
duction des inégalités doit être un objectif
des politiques publiques.
Quelle est la prochaine étape, maintenant que la loi entre en vigueur ?Travailler avec les services du Premier
ministre pour qu’il y ait une vraie com-
munication et un rapport fourni dès cette
année. Il faut faire comprendre que ce dont
on manque aujourd’hui en politique, c’est
d’une vision. Cela veut dire qu’on manque
de long terme. Tant que l’on aura le nez collé
au PIB trimestriel, on ne fera pas progresser
la France et les Français ne retrouveront
pas la confiance et l’intérêt dans l’action
publique. Développer des indicateurs por-
teurs de sens, c’est avoir une vision pour la
France et la faire partager.
Propos recueillis par Adeline Guéret
et Philippe Frémeaux
D. R
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ENTRETIEN
Magasin de luxe à Saint-Tropez. La consommation, tirée par celle des plus aisés, est déconnectée de la progression du bien-être
et de la satisfaction des besoins.
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54 n° 350 octobre 2015 / Alternatives Economiques
PIB : LE DÉBUT DE LA FIN
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L ’adoption de la loi Sas en avril dernier est l’aboutissement d’un long travail de cri-tique du produit intérieur brut (PIB) mené en France depuis les années 1990. Un travail
conduit au premier chef par des universitaires et des chercheurs pour qui l’économie doit avoir pour finalité non pas l’accumulation sans fin, mais la quête d’un bien-être soutenable au bénéfice de tous. Ce mouve-ment s’est notamment incarné dans les travaux menés par Dominique Méda, Patrick Viveret, Jean Gadrey ou encore Florence Jany-Catrice [1], puis dans l’action du
a également une fonction symbolique, par laquelle elle régit le rapport au monde et aux autres. L’éco-nomiste américain %orstein Veblen montrait déjà, à la fin du XIXe siècle, comment la « consommation ostentatoire » des plus aisés, censée refléter un statut social, tirait la consommation de toute la société.
Du fait de ce genre de dynamique, la consomma-tion prend aujourd’hui une forme de plus en plus déconnectée de la progression du bien-être et de la satisfaction des besoins individuels et collectifs. Une part croissante de l’activité n’est pas destinée à satisfaire les besoins du plus grand nombre, mais la production de biens et services de luxe destinés aux plus riches. Cet accès très inégal à la consommation conduit, paradoxalement, riches et pauvres à aspi-rer à une poursuite de la croissance. Les premiers, parce qu’ils craignent de perdre des privilèges réels
ou symboliques ; les seconds, parce qu’ils aspirent à sortir de leur situation et aimeraient accéder au mode de vie des plus riches.
On le voit, derrière la problématique des nouveaux indicateurs de richesse, c’est tout un modèle de socié-té qu’il s’agit de remettre en question. Le choix d’une nouvelle boussole implique de définir quelles sont nos finalités et de rechercher les meilleurs moyens d’en débattre démocratiquement [5]. C’est ce que visent les nombreuses initiatives qui s’ingénient à aller « au-delà du PIB ». Géraldine Thiry
[2] On passe alors du produit intérieur brut (PIB) au produit intérieur net (PIN).
[3] Voir sur www.lepoint.fr/bourse/francois-hollande-fait-de-la-croissance-sa-priorite-20-08-2015-1957928_81.php[4] Dans son livre (traduit en français) Prospérité sans croissance. La transition vers une économie durable (De Boeck, 2010).
[5] Voir Redéfinir la prospérité. Jalons pour un débat public, par Isabelle Cassiers (dir.), Ed. de l’Aube, 2011.
Ça bouge en FranceLa critique du PIB a d’abord été menée
par des chercheurs qui ont réussi à
susciter le débat public avant d’aboutir
il y a quelques mois au vote d’une loi.
Reste cependant à transformer l’essai.
[1] Et notamment Au-delà du PIB. Pour une autre mesure de la richesse, par Dominique Méda, coll. Champs, Flammarion, 2008 ; Reconsidérer la richesse, par Patrick Viveret, coll. Poche essai, L’Aube, 2002 ; Les nouveaux indicateurs de richesse, par Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice, coll. Repères, La Découverte, 2012.
La Commission Stiglitz a sorti la critique du PIB de la marginalité,
mais a travaillé en vase clos.
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55n° 350 octobre 2015 / Alternatives Economiques
Forum pour d’autres indicateurs de richesse (Fair) qu’ils ont créé en 2008. En réaction notamment à la mise en place cette année-là de la Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social (communément appelée Commission Stiglitz), réunie à l’initiative de Nicolas Sarkozy. Celle-ci a certes sorti la critique du PIB de la marginalité et lui a donné une première reconnaissance officielle par-delà les clivages politiques, mais, si elle rassemblait des économistes réputés, ceux-ci ont travaillé en chambre.
Sur la place publiqueLa Commission Stiglitz et l’intervention du Fair ont
mis la question des indicateurs en débat dans la so-ciété française [2]. Ainsi, dans la foulée également du Grenelle de l’environnement, le gouvernement de l’époque avait demandé au Conseil éco-nomique, social et environne-mental (Cése) d’organiser un débat public à ce sujet. « Ce débat avait débouché, en jan-vier 2010, sur la proposition d’un ensemble d’indicateurs de déve-loppement durable », rappelle André-Jean Guérin, conseil-ler au Cése. Ces indicateurs, mesurés par l’Insee, ont servi depuis lors à établir la stratégie nationale de développement durable [3]. Sans grandes conséquences pratiques cependant, faute de volonté politique suffisante au sommet de l’Etat pour les faire vivre et s’en emparer.
Des régions, et en particulier la région Nord-Pas-de-Calais, ont en revanche mis en place à cette époque des indicateurs alternatifs au PIB, associés à des consul-tations publiques, qui ont contribué à influer sur les choix en matière de transport ou de logement. Des
préoccupations portées également au niveau de l’As-sociation des régions de France (ARF) en 2012 [4].
Une loi et un rapportLe sujet est réapparu sur la scène nationale en 2013.
France Stratégie (nouveau nom de l’ex-Commissariat général du Plan), dans la foulée de son travail prospectif sur la France dans dix ans, propose de donner une suite au rapport Stiglitz. Parallèlement, Eva Sas dépose une première proposition de loi à l’Assemblée nationale en décembre. Trop ambitieuse, elle est finalement rejetée. Le gouvernement s’engage cependant à ne pas enterrer le dossier. En septembre 2014, France Stratégie propose sept indicateurs pour « mesurer la qualité de la crois-sance », tandis qu’Eva Sas dépose, fin 2014, une seconde
proposition de loi qui sera vo-tée cette fois au printemps 2015 (voir page 54).
Dès avant le vote de la loi, le Cése s’était rapproché de France Stratégie. Un groupe de travail a été constitué, ras-semblant autour des experts de France Stratégie et de membres du Cése, dont Philippe Le Clézio, très impliqué sur ce dossier, partenaires sociaux,
représentants des organisations non gouvernemen-tales (ONG), membres de l’administration et d’orga-nisations internationales, et quelques experts, afin d’établir une liste d’indicateurs phares pertinents. Une consultation citoyenne a été organisée parallèlement sur Internet et 1 000 personnes ont été interrogées dans le cadre de panels de citoyens.
Ces travaux ont abouti à la présentation, en juin der-nier, par France Stratégie et le Cése d’un tableau de bord composé de dix indicateurs [5]. Une démarche bénie of-
ficiellement par un vote du Cése fin juin. Vincent Aussilloux, chef du dé-partement Economie-finances de France Stratégie, se félicite que ce processus ait enfin pu arriver à son terme, tout en observant qu’« on n’est pas au bout de l’histoire, car il faudra éviter d’avoir des indicateurs enterrés dans un rapport. Les gouver-nements doivent s’en saisir et le Par-lement les faire vivre. » Géraldine Thiry
[2] Voir le site du Fair : www.idies.org/index.php?category/FAIR[3] Voir sur www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=dev-durable[4] Le rapport de l’Association des régions de France « Développement durable : la révolution des nouveaux indicateurs » (www.arf .asso. fr/wp-content/uploads/2012/04/rapportfinalARF.pdf) et le rapport public « Vers l’égalité des territoires. Dynamiques, mesures, politiques » (www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000131.pdf) offrent un bon panorama des nombreuses initiatives entreprises au niveau régional.
[5] Voir « Au-delà du PIB, un tableau de bord pour la France » sur www.strategie.gouv.fr/publications/dela-pib-un-tableau-de-bord-france
INITIATIVES
Ça bouge aussi ailleurs dans le monde
L’OCDE s’est emparée de la question de-puis le début des années 2000, avec no-
tamment l’organisation, dès 2004, de forums
mondiaux dédiés à la recherche de nouveaux
indicateurs. Cela a débouché sur le lancement
du Better Life Index (indice du vivre mieux) en
2013 (www.oecdbetterlifeindex.org). En 2007,
le Parlement européen (en collaboration avec
l’OCDE et le WWF) avait lui aussi organisé une
conférence internationale intitulée « Au-delà du
PIB », suivie en 2009 d’un rapport de la Com-
mission européenne sur le même sujet. En 2012,
l’ONU a chargé à son tour sa commission de
statistique d’œuvrer à de nouveaux indicateurs.
Au niveau national, le Royaume-Uni a mis
en œuvre depuis 2012 un programme de
bien-être national doté d’un tableau d’in-
dicateurs (www.ons.gov.uk/ons/guide-me
thod/user-guidance/well-being/index.html).
L’Italie, sous l’impulsion de l’Institut italien
de statistiques, a élaboré des indicateurs de
« bien-être soutenable et équitable » (www.
misuredelbenessere.it). En Allemagne, une
commission d’enquête parlementaire a pro-
posé un ensemble d’indicateurs pour publi-
cation annuelle dans un « Rapport du bien-
être ». L’Australie alimente, depuis 2002, un
tableau de bord couvrant quatre domaines
(société, économie, environnement, gouver-
nance). Enfin, en Belgique, une loi fédérale
a été votée, chargeant le bureau du Plan de
calculer de nouveaux indicateurs.
Il faudra éviter d’avoir des indicateurs enterrés dans un rapport. Les gouvernements doivent s’en saisir
VINCENT AUSSILLOUX,de France Stratégie
56 n° 350 octobre 2015 / Alternatives Economiques
PIB : LE DÉBUT DE LA FIN
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E n vue de la mise en œuvre de la loi Sas, France Stratégie et le Conseil écono-mique, social et environnemental (Cése) ont mis au point une liste d’indicateurs
alternatifs au produit intérieur brut (PIB). Au-delà des enjeux techniques concernant la fiabilité ou la disponibilité de tel ou tel indicateur, ceux-ci
reflètent une vision particulière des priorités que doit se donner la collectivité. D’où la nécessité de les mettre en débat.
France Stratégie et le Cése se sont tout d’abord donné pour mission de mesurer la qualité de la croissance. Un positionnement ambigu pour ceux qui aspirent à une remise en cause plus radicale des objectifs as-signés à l’activité économique. « Il y a à la fois une reconnaissance de la pertinence des indicateurs alterna-tifs au PIB et en même temps, dans les faits, la question de la croissance demeure prédominante », constate Cécile Renouard, philosophe, pro-fesseur à l’Essec Business School et à l’Ecole des mines de Paris.
Le discours demeure en quelque sorte : « La croissance est la condi-tion sine qua non du développement économique et social, mais on essaie aussi de regarder d’autres dimen-sions. » Comme le déplore Florence Jany-Catrice, professeure à l’uni-versité de Lille, « on peut regretter que le tableau de bord soit «complé-mentaire au PIB, laissant à celui-ci son statut d’indicateur phare ». Dans un monde où la possibilité d’un retour à une croissance forte et durable n’apparaît ni possible ni même souhaitable, au vu des li-mites physiques de la planète, on attend d’abord de ces nouveaux in-dicateurs qu’ils rendent comptent de l’évolution de la qualité de vie individuelle et collective et du ca-ractère soutenable ou non de l’ac-tivité économique, en se plaçant dans une perspective résolument post-croissance.
Des indicateurs prometteurs…Parmi les indicateurs retenus par
France Stratégie et le Cése, certains vont cependant dans le sens d’une telle démarche. Ainsi en est-il des inégalités de revenus (calculées comme le rapport entre l’ensemble des revenus des 10 % les plus riches et ceux des 10 % les plus pauvres). L’indicateur d’espérance de vie en bonne santé est également important, même si sa comparaison avec l’espérance de vie tout court serait plus parlante.
De nouveaux indicateurs, oui, mais lesquels ?Si certains des indicateurs alternatifs retenus par France
Stratégie et le Cése s’inscrivent dans une perspective
post-croissance, d’autres sont plus contestables.
Annecy. Le recours à des indicateurs subjectifs, comme l’indicateur de satisfaction à l’égard de la vie, pose problème.
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57n° 350 octobre 2015 / Alternatives Economiques
L’indicateur de consommation carbone est lui aussi un choix pertinent, préférable aux émissions de carbone, car il déduit les émissions liées aux exportations et inclut celles incombant aux biens importés. Bien que le taux de recyclage des déchets ne suffise pas à évaluer la préservation des ressources naturelles, il est un indicateur secondaire utile qui mériterait cependant d’être complété, par exemple par la part du renouvelable dans la consommation d’énergie.
… et d’autres plus contestablesOn peut en revanche contester d’autres
choix. Ainsi, le taux d’emploi a été préféré au taux de chômage. De fait, si des gens sont découragés de chercher un emploi (et quittent la population active), le taux de chômage (ratio du nombre de chômeurs sur la population active) diminue. Alors que dans la même situation, le taux d’em-ploi (ratio du nombre de personnes en emploi sur la population en âge de travail-ler) ne change pas. Pour autant, le choix du taux d’emploi n’a pas que des qualités. Comme le dit Jacques Freyssinet [1] : « Ac-croître le taux d’emploi implique, d’un côté, que l’on stimule la création d’emplois en réduisant le coût salarial et en rendant plus flexibles les conditions d’usage de la main-d’œuvre, et de l’autre, que l’on intensifie la mobilisation des sources de main-d’œuvre grâce à des incitations au travail et à des contraintes pour faire accepter les emplois disponibles. » Il faudrait donc mettre à jour cette tension autour du taux d’emploi, en l’accompagnant par exemple du taux d’em-ploi en équivalent temps plein ventilé par sexe, ce qui permettrait de juger pour par-tie de la précarité des contrats de travail.
Autre choix contestable : la satisfaction à l’égard de la vie. Elle est calculée comme la moyenne des réponses à la question : « Imaginez une échelle de onze échelons où la valeur la plus basse (0) représente la pire vie possible pour vous et la valeur la plus haute (10) représente la meilleure vie possible pour vous. Sur quel échelon vous sentez-vous personnellement à l’heure actuelle ? » Cet in-dicateur pose de nombreux problèmes. Si l’état de bien-être subjectif peut effective-ment lancer un signal au niveau individuel, il n’a guère de sens au niveau agrégé : les personnes sondées n’ont pas une compré-hension uniforme des questions qui leur sont posées et des scores identiques ne représentent pas le même état d’une per-sonne à l’autre. Par ailleurs, la satisfaction
NOUVEAUX INDICATEURS DE RICHESSE
Quels indicateurs choisir ?
Il existe aujourd’hui sur le « mar-
ché » une multitude d’indicateurs
alternatifs au produit intérieur
brut (PIB). Dans le champ social,
l’initiative la plus emblématique
est sans doute l’indice de déve-
loppement humain, proposé par
le Programme des Nations unies
pour le développement (Pnud) en
1990. Il est le fruit des travaux du
prix « Nobel » d’économie Amartya
Sen (voir http://hdr.undp.org/fr/
content/indice-de-d%C3%A9v
eloppement-humain-idh) et com-
bine le revenu réel par tête, l’espé-
rance de vie et le niveau d’éducation.
En France, l’indicateur de santé
sociale, géré par l’Insee, inclut des di-
mensions de revenu, de travail, d’em-
ploi, d’éducation, de lien social, de
logement, de santé et de justice (voir
www.insee.fr/fr/themes/document.
asp?ref_id=19243&page=dos
siers/developpement_durable/ca
drage_b.htm).
Dans le champ environnemental,
l’empreinte écologique jouit d’une
grande médiatisation (voir www.
footprintnetwork.org). Des comptes
satellites environnementaux sont
également développés par l’Insee,
dont certains ont récemment accédé
au statut de comptes nationaux.
D’autres indicateurs incluent toutes
les dimensions à la fois, comme l’in-
dice de bien-être économique ou
encore le Happy Planet Index (voir
www.happyplanetindex.org).
Ce foisonnement témoigne de la
forte demande pour d’autres mo-
des d’évaluation du progrès de nos
sociétés. En revanche, aucun de ces
indicateurs n’est parvenu à s’im-
poser. A cela plusieurs raisons. Les
grandes institutions, organisations
non gouvernementales, réseaux
associatifs ou universitaires pour-
suivent des objectifs et défendent
des valeurs distinctes et parfois
antagonistes. Les finalités de ces
indicateurs sont variées : informer
ou faire prendre conscience d’un
problème, évaluer ou orienter des
politiques, ou encore indiquer
des objectifs à atteindre.
Plus fondamentalement, quantifier
la prospérité est à la fois une question
de méthode et une question de va-
leurs. Qu’est-ce qui compte vraiment ?
Et qui en décide ? Les experts ? Les
élus ? Les citoyens ? Ensuite, se pose
la question du comment on le compte.
Les indicateurs peuvent prendre
la forme de tableaux de bord, forcé-
ment complexes et donc peu lisibles,
comme ce que proposent d’ailleurs
France Stratégie et le Cése. On peut
aussi concevoir des indicateurs à
chiJre unique comme l’indicateur de
développement humain (IDH). Ils
constituent incontestablement de
meilleurs outils de communication.
Ces derniers sont soit composites
(moyennes pondérées de diJérentes
variables), soit synthétiques (calcu-
lés au moyen d’une unité de compte
unique, monétaire ou physique). Mais
le diable se cache ici dans le mode de
pondération, forcément subjectif.
Dans un souci de « neutralité »,
certains économistes proposent de
ramener tous les éléments qui doivent
rentrer dans ce genre d’indicateur à
une valeur monétaire… ce qui est tout
sauf neutre ! Certains biens et services
ne sont pas échangés sur un marché :
leur attribuer une valeur monétaire
est donc tout aussi arbitraire que de
leur octroyer un poids explicite dans
une pondération. Ensuite, les prix de
marché eux-mêmes n’intègrent pas
les externalités (comme le coût de la
pollution). Et, quand bien même on
voudrait les prendre en compte, quel
prix donner à la perte de biodiversité,
par exemple ?
Enfin, comptabiliser dans une
simple somme la valeur monétaire
attribuée à la nature et la valeur du
capital produit par les hommes sup-
pose implicitement qu’une perte de
capital naturel serait substituable par
un gain en capital produit… Un pari
osé (et dangereux) sur le pouvoir de
la technologie [1].
Des questions qui sont donc tout,
sauf simplement méthodologiques…
[1] Voir Faut-il donner un prix à la nature ?, par Jean Gadrey et Aurore Lalucq, Les petits matins-Institut Veblen, mars 2015.
58 n° 350 octobre 2015 / Alternatives Economiques
PIB : LE DÉBUT DE LA FIN
dossier
hors contexte n’a aucun sens. Etre satisfait par rap-port à quoi ? L’éducation ? La santé ?
Il est louable de s’intéresser à ce que ressentent les citoyens, mais ce ressenti n’est pas vraiment at-teignable au moyen d’un tel indicateur. Or, celui-ci risque de se substituer au débat démocratique sur les objectifs que doit s’assigner l’activité économique. Pour Florence Jany-Catrice, « retenir comme unique indicateur de “bien-être et vivre ensemble” un indica-teur subjectif de satisfaction de vie apparaît davantage comme le fruit de lobbies que comme celui d’une réflexion raisonnée sur ce que sont bien-être et vivre ensemble ».
Choisir, enfin, le taux de diplô-més de l’enseignement supérieur parmi les 25-34 ans comme indi-cateur majeur en matière d’édu-cation est contestable. Ce choix renvoie à une vision de l’éduca-tion comme investissement dans le capital humain. Elle élude, au profit de la seule « employabili-té », les missions essentielles de l ’éducation comme l ’accès de tous à un socle commun de connaissances et de compé-
tences, ou encore l’apprentissage de la citoyenneté ou de la civilité, nécessaires à la cohésion sociale. La part des diplômés ayant plutôt vocation à aug-menter, cet indicateur est en outre quasi inutile. Sans doute vaudrait-il mieux regarder en priorité d’autres éléments sur lesquels il serait urgent d’agir, comme le pourcentage de jeunes en décrochage, par exemple [2]. Géraldine Thiry
[1] Voir son article « Taux de chômage ou taux d’emploi ? Retour sur les objectifs européens », disponible en ligne sur www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=TGS_011_0109[2] Un autre ensemble d’indicateurs est proposé par l’Idies dans Les chiffres de l’économie 2016, hors-série d’Alternatives Economiques n° 106, octobre 2015.
Quel sera, à votre avis, l’impact de la loi Sas ?De deux choses l’une, soit le gouvernement et le
Parlement profitent de cette occasion inédite pour initier un authentique et sérieux débat parlementaire sur les faiblesses structurelles de son logiciel écono-mique préféré, qui est tout entier assis sur le retour de la croissance ; soit le gouvernement et le Parle-ment font des effets de manche et continuent une petite musique, bien rôdée mais tellement éculée, autour du couple bien-être individuel et croissance.
Comment jugez-vous les indi-cateurs proposés par France Stratégie et le Conseil éco-nomique, social et environ-nemental (Cése) ?
D’abord, je me réjouis de constater qu’une telle ini-tiative ait été prise à la fois par France Stratégie et par le Cése. En outre, France
Stratégie n’a pas emprunté la voie de la monétarisa-tion, par laquelle les ressources et le patrimoine se-raient, implicite-ment, entièrement
dévolus au service de l’économie. Enfin, les indica-teurs retenus mettent sur le devant de la scène la question des inégalités, la question écologique et, potentiellement, la question du lien social.
Ces points, très nettement positifs, sont néanmoins entachés d’ombres. Entre autres, le fait que le tableau de bord du Cése soit « complémentaire au produit in-térieur brut », laissant à celui-ci son statut d’indica-teur phare. On peut aussi regretter la manière dont
« Les élites devront accepter des ruptures majeures »Les nouveaux indicateurs ne doivent pas
être pensés comme des outils périphériques,
mais comme des leviers centraux pour
changer de modèle de développement.FLORENCE JANY-CATRICE,professeure d’économie à l’université de Lille I
D. R
.
LES INDICATEURS PROPOSÉS PAR FRANCE STRATÉGIE ET LE CÉSE
Thèmes Indicateurs
Economie
Travail Taux d’emploi de la population d’âge actif
Investissement Patrimoine productif en % du PIB
Soutenabilité financière Dettes publique et privée en % du PIB
Social
Santé Espérance de vie en bonne santé à la naissance
Qualité de vie Satisfaction à l’égard de la vie
InégalitésRapport entre la masse des revenus détenus par les 10 %
les plus riches et les 10 % les plus pauvres
Education Part des diplômés du supérieur dans les 25-34 ans
Environnement
Climat Empreinte carbone au niveau de la consommation
Biodiversité Indice d’abondance des oiseaux
Ressources naturelles Taux de recyclage des déchets
59n° 350 octobre 2015 / Alternatives Economiques
la concertation a été menée : il s’est en partie agi de confirmer les intuitions des experts et des tech-nocrates.
Quels sont les principaux freins à
la prise en compte effective de ces
nouveaux indicateurs dans la déci-
sion politique en France ?
Le fait qu’il se développe, dans le monde de l’action publique, un mythe du pouvoir impersonnel dicté par l’harmonie du calcul, comme le dit le juriste Alain Supiot dans son dernier ouvrage [1]. Les élites économiques exigent que le pouvoir décisionnel fonctionne selon des modèles managériaux, préten-dument apolitiques, qui feraient advenir des Etats modernes et efficaces !
C’est pourquoi le débat autour d’autres indica-teurs de développement, de transition, de richesse reste utile. Les usages de ces indicateurs sont mul-
tiples : plaidoyers et prises de conscience, feuille de route pour infléchir les politiques publiques, espaces de débats publics, etc. Tout cela concourt à infléchir les représentations sur les maux de la croissance et sur l’urgence à agir sur le changement climatique, sur la biodiversité, sur la pollu-tion, sur les inégalités… Mais si l’on veut changer profondément les pratiques publiques et privées,
ce sont en amont les élites qui devront accepter des ruptures majeures : se départir de la croissance, ré-inventer de nouveaux modèles de développement, réenchanter ce monde dominé par l’économie, transformer les pratiques sociales…
Comme je l’écrivais déjà en 2011, si « l’élaboration de nouveaux comptes devient urgente, il faut conjoin-tement penser à ce qu’ils soient d’emblée pensés non comme des outils périphériques ou satellites, mais comme des supports centraux de nouvelles manières d’éclairer et de programmer le développement des so-ciétés et leur développement humain durable » [2]. A commencer par la question des inégalités et de la redistribution. Propos recueillis par Géraldine Thiry et Philippe Frémeaux
[1] Voir La gouvernance par les nombres. Cours au Collège de France 2012-2014, par Alain Supiot, Fayard, 2015.
[2] Dans Pour en finir avec ce vieux monde. Les chemins de la transition, par Thomas Coutrot, David Flacher et Dominique Méda, Utopia, 2011.
Plaidoyers, prises de conscience, feuille de route pour infléchir les politiques publiques..., les usages des nouveaux indicateurs sont multiples
Ce dossier a été réalisé en partenariat avec l’Ins-titut pour le développement de l’information éco-nomique et sociale (Idies), qui vient de publier son rapport annuel 2015, consacré aux nouveaux indicateurs de richesse (accessible sur www.idies.org). Une table ronde sur le sujet est organisée le 14 octobre à 11 heures dans le cadre des Journées de l’économie de Lyon (www.journee-
seconomie.org), avec Vincent Aussilloux (France Stratégie), Florence Jany-Catrice (socio-économiste), Eva Sas (députée de l’Essonne) et Géraldine Thiry (économiste).
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Les inégalités et l’écologie sont mises en avant par
les nouveaux indicateurs retenus par France Stratégie et le Cése.
60 n° 350 octobre 2015 / Alternatives Economiques
PIB : LE DÉBUT DE LA FIN
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