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Chronologie des années de guerre de Szmul Zacharie Simon Hercenberg. 1939-1945. Première partie

Date post: 10-Dec-2023
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CHRONOLOGIE DES ANNEES DE GUERRE DE SZMUL ZACHARIE SIMON HERCENBERG Chronologie établie sur la base d’archives et de commentaires. Les archives sont déposées aux Archives nationales de France, Pôle Seconde guerre mondiale, Département de l'exécutif et du législatif, 59, rue Guynemer / 90001 93383 PIERREFITTE-SUR-SEINE CEDX. Interviewé par Archimob, http://www.archimob.ch/archimob , entretien n° 2510, réalisé le 3 mars 2001. Voir http://www.archimob.ch/db/ext_res.php?no_tem_2=169 Archives : 1921 - 1947 Commentaires : 1992 - 1997 Témoignages écrits par Szmul Zacharie Simon Hercenberg. Transcrits, enregistrés, ou notés (parfois au téléphone) par Bernard Dov Hercenberg, Lozère/Yvette, France Valais, Suisse - Jérusalem, Israël. PREMIERE PARTIE : RECONSTRUCTION CHRONOLOGIQUE
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CHRONOLOGIE DES ANNEES DE GUERRE DE

SZMUL ZACHARIE SIMON HERCENBERG

Chronologie établie sur la base d’archives et de commentaires. Les archives sont déposées aux Archives nationales de France, Pôle Seconde guerre

mondiale, Département de l'exécutif et du législatif, 59, rue Guynemer / 90001 93383 PIERREFITTE-SUR-SEINE CEDX.

Interviewé par Archimob, http://www.archimob.ch/archimob, entretien n° 2510,

réalisé le 3 mars 2001. Voir http://www.archimob.ch/db/ext_res.php?no_tem_2=169

Archives : 1921 - 1947

Commentaires : 1992 - 1997

Témoignages écrits par Szmul Zacharie Simon Hercenberg. Transcrits, enregistrés, ou notés (parfois au téléphone) par Bernard Dov Hercenberg,

Lozère/Yvette, France – Valais, Suisse - Jérusalem, Israël.

PREMIERE PARTIE : RECONSTRUCTION CHRONOLOGIQUE

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Préambule : Né en 1921 à Varsovie, arrivé en France en 1922, c'est en 1939 que mon père eut ses 18 ans. C'était l'âge qui était alors requis pour déposer une demande de naturalisation française. Mais la demande que mon père déposa n'eut pas le temps d'aboutir avant l'armistice en juin 1940. Or, en novembre 1942, à Londres, après avoir essayé en vain de rentrer dans les Forces Françaises Libres, il s'engagea dans la Royal Air Force et renonça à la nationalité polonaise. Il devint alors apatride et le resta jusqu'après la guerre. C'est en pensant aux démarches qu'il aurait à faire, après les combats, lorsqu'il réitérerait sa demande de naturalisation, qu'il rassembla, pendant la guerre, les documents concernant l'activité qu'il mena dans l'Intelligence Service, entre la Suisse et la France, puis dans la Royal Air Force. C'est sur la base de ces archives que la chronologie qui suit a été établie. Elle s'arrête à la date de naturalisation française de mon père, en juin 1947. Les documents auxquels il est fait référence sont donc restés en possession de mon père. Mais avant de partir pour Londres, au printemps 1942, il avait confié ceux qu'il détenait alors à un ami parisien, Charles Gineste. Il les récupéra chez lui, après la guerre. Les documents cités dans la chronologie ci-dessous ont fait partie des papiers gardés par mes parents, à la maison, et nous ont suivis dans nos déménagements. Il y a quelques années mon père m'en confia quelques-uns. D'autres étaient restés avec ses affaires, dans son bureau. Certains, qu'il évoquait lors de nos conversations, lui semblaient perdus. Il retrouva quelques-uns d'entre eux dans son secrétaire. Ils ont été conservés là des décennies durant, sans être ouverts. Parmi eux était la dernière lettre de ma grand-mère paternelle, écrite à Pithiviers, avant sa déportation à Auschwitz. Si j'ai entrepris d'établir la chronologie des années de guerre de mon père, c'est en premier lieu parce que je voulais comprendre mon histoire et mes repères. J'étais persuadé que ceci passait par la connaissance de son combat. J'ai donc d'abord fait ce travail pour moi. Poussé par tout ce que mon père m'avait déjà raconté et montré lorsqu'il me faisait voir les nombreuses photos des missions de bombardements auxquelles il avait participé. Ces photos étaient conservées dans un tiroir à la maison. En travaillant sur cette chronologie, je me suis rendu compte combien ce dont elle parle m'a marqué dans ma façon de penser et de sentir. Puis, en progressant dans le travail, j'ai compris que je ne devais pas seulement le réaliser pour moi mais aussi pour faire connaître ce que mon père avait fait. Je voulais faire savoir la manière dont il avait assumé sa responsabilité et apporter un témoignage sur la participation d'un Juif dans la Résistance et dans la deuxième guerre mondiale. J'ai donc travaillé avec mon père pour mener ce travail à bien. J'ai commencé par composer une chronologie basée sur les archives en possession de mon père : les données relatives à ces archives sont introduites par la lettre "A". Je pense avoir utilisé tous les documents à ma disposition. Mais ce travail parut insuffisant, non seulement pour saisir le sens et le déroulement des événements mais aussi parce qu'entre la façon dont ils s'étaient passés et ce que la chronologie pouvait laisser entendre il y avait une différence. Il fallait donc compléter la chronologie par des commentaires. Ils furent réalisés à partir de 1992, lors d'entretiens enregistrés ou écrits par mon père ou pris en notes par moi. Ils sont introduits, après les renseignements provenant des archives, par la mention "Com.,". Bernard Dov Hercenberg

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N.B. Les documents reproduits ou cités ne sont en aucun cas destinés à la publication mais uniquement à l'utilisation des historiens. Si toutefois ils devaient faire l'objet d'une publication, même partielle, mon autorisation et celles des personnes concernées seraient absolument nécessaires.

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ETAPES DU PARCOURS DE SZMUL ZACHARIE SIMON HERCENBERG

DE 1921 A 1947

1921 - 1940 De Varsovie à Paris. Les premières responsabilités. A partir du Débuts de résistance à Paris. 15 juillet 1940 Deux tentatives pour rejoindre le Général de Gaulle. Début 1941 Passage en Suisse. Arrestation par la mai 1942 police suisse à Genève. Accepte de travailler avec le service de renseigne- ments suisse en France. Travaille avec l' Intelligence Service et les réseaux "Bruno" et "Kléber". 16 mai 1941 Arrêté en France en cours de mission et 10 septembre 1941 emprisonné à Besançon. 10 septembre 1941 Libération de la prison de Besançon. 21 mai 1942 Reprise des missions de renseignements à partir de la Suisse en France. 21 mai 1942 Départ de la Suisse pour Londres via juillet 1942 Gibraltar. Convoiement de deux aviateurs confiés par les services de renseignements. Juillet-août 1942 Arrivée à Londres. Tentative de rejoindre novembre 1942 les Forces Françaises Combattantes. Emissions à la B.B.C. Novembre 1942 Engagement dans la R.A.F. Cadet élève septembre 1944 naviguant. Formation en Angleterre puis au Canada comme bombardier et mitrailleur. Octobre 1944 Retour en Angleterre. Formation de juillet 1945 cameraman dans la R.A.F. Rejoint le "2nd Tactical Air Force" comme bombardier, mitrailleur et cameraman. Juillet 1945 Dissolution de son escadrille. Fonctions février 1947 diverses dans la R.A.F. Travaille dans le "Awards bureau" de "I.S.9." à Paris et est chargé de rechercher les aviateurs tombés en mission. 3 mars 1947 Démobilisation et retour à Paris.

N.B. L'interruption du rythme chronologique de mai à septembre 1941 est due à un emprisonnement à Besançon.

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Remarques préliminaires : Les citations d'archives sont en italiques et entre guillemets. Les résumés d'archives sont en écriture courante. Toutes les informations provenant d'archives sont précédées de la lettre "A". Les coquilles figurant dans les archives sont volontairement laissées dans les citations d'archives. Les commentaires de ces archives ont été faits par Simon Hercenberg après 1992. Les citations de ces commentaires sont entre guillemets, sans italiques. Toute information provenant de commentaires est précédée de la mention "C". Chaque paragraphe est suivi d'une référence entre parenthèses décrivant le document à partir duquel les informations figurant dans le paragraphe ont été extraites. Les références des archives sont données comme suit : (Doc., nature du document, lieu de son émission, date de son émission). Les références des commentaires sont données comme suit : (Com., nature du document, lieu où il fut réalisé, date de sa réalisation). "R.A.F." est l'abréviation de "Royal Air Force". "C.D.J.C." est l'abréviation de "Centre de Documentation Juive Contemporaine", (Paris). Le témoignage déposé au C.D.J.C. a été recueilli par Madame Marie Amélie Bernheim.

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1921 – 1 JUILLET 1940 :

DE VARSOVIE A PARIS.

LES PREMIERES RESPONSABILITES

1921 C. 21 avril 1921 : "Je suis né à Varsovie en 1921 et je suis arrivé en France en 1922" (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié p. 12).

1931

C. 1931 : "Divorce de mes parents." (Com., Témoignage oral, Lozère/Yvette, 9 février 1997).

1932 C. 1932 : "A la demande de mon père, en 1932, je suis allé à l'école Rotschild devenue l'école Lucien de Hirsch et j'ai fait un essai de rester avec lui et sa deuxième femme qui habitaient le quartier de Belleville." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, non daté).

1933 A. 31 juillet 1933 : Fin de scolarité à l'Ecole des Garçons 98 Avenue de la République, Paris XIe (Doc., Certificat de scolarité, Ecole de Garçons, op. cit., Paris, 11 juillet 1936). C. "Si le certificat de l'Ecole du 98 Avenue de la République date du 11 juillet 1936, j'ai quitté cette école en juillet 1933 pour aller à l'école rue Julien Lacroix, ma mère ayant déménagé au 10 rue du Pressoir, dans le XXe arrondissement" (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, non daté).

1934 A. 1934 : "Ce jeune homme qui est à la Maison Maternelle depuis 1934 Et tout en travaillant a fait ses études Pendant deux ans comme aviateur, et a obtenu son 1° degré." (Doc., Lettre de la directrice de la Maison Maternelle, Madame Angèle Koppe, 38 bis rue Manin, Paris, 16 juillet 1940).

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1935

A. 25 août 1935 : Début de son emploi comme aide-préparateur dans le magasin de produits alimentaires en gros de Mr. Benoist, 74 rue Manin. (Doc., Attestation du propriétaire du magasin, op.cit., Paris, 4 (?) septembre 1939).

1936

A. 11 juillet 1936 : Habite 152 rue du Chemin Vert (Doc., Certificat de scolarité, directeur de l'Ecole de garçons, 98 avenue de la République, Paris, 11 juillet 1936). C. "Le certificat mentionne mon ancienne adresse 152 rue du Chemin Vert alors que ma mère avait déménagé vers 1932 rue du Pressoir, Paris XXe." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, 1993).

1938

A. 25 ou 28 mars 1938 : Déclaré "apte" à l'examen médical du Ministère de l'air. (Doc., Attestation du Ministère de l'Air, Aéronautique civile, Service médical d'Examens et d'Etudes, Le Bourget, 25 ou 28 mars 1938). (Voir photo n° 4).

A. 21 juin 1938 : Photo de Simon Hercenberg. (Carte postale des ateliers "Jérome", datée au verso du 21 juin 1938). (Voir photo n° 1). C. "Je porte avec fierté l'insigne de mon club de vol à voile". (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, 6 mai 1997).

A. 19 sept 1938 : Demeure toujours à la Maison Maternelle 38 bis rue Manin. (Doc., Attestation de Madame Angèle Koppe, directrice de la Maison Maternelle, 38 bis rue Manin, Paris, 19 septembre 1938).

1939

A. Photo. Sur un terrain d'aviation, avec une autre personne, (Simon Hercenberg est à droite) auprès d'un avion "Potez type 60" immatriculé "F - AOAP" (Voir photo n° 2). C. "Avec mon ami Emile Chevalier. Près de mon Potez 60 sur lequel je volais à Villepreux. Début 1939". (Com., Témoignage écrit, verso de la photo, lieu ?, date ?). A. Photo. Sur un terrain d'aviation, auprès d'un avion "Potez type 60" immatriculé "F - AOAP". (Voir photo 3). C. "Potez 60. Avion dont j'étais copropriétaire sur le terrain de Villepreux près de Saint-Cyr. Début 1939". (Com., Témoignage écrit, verso de la photo, lieu ?, date ?).

A. Photo. Près d'un avion immatriculé "F-ANXT"(?). (Voir photo n° 4). C. "Le Bourget 1939". (Com., Témoignage écrit, au verso de la photo, sans date ni nom de lieu). "J'allais passer des examens médicaux au Bourget". Cette photo a été prise à

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l'occasion d'une visite médicale. Mais Simon Hercenberg ne volait pas au Bourget. (Com., Témoignage oral, 11 juin 1997). Voir la chronologie au 25 - 28 mars 1938. A. "Born in Poland of Polish parents, Mr. HERCENBERG has lived in France all his life. In Sept. 1939 he applied for French nationality with a view to joining the French army. Unfortunately his naturalisation was not completed at the time of the Armistice and he remains stateless, having lost his Polish nationality as a result of his having wished to join the French and not the Polish army." (Doc., Lettre de Miss Burkitt au Cdt. Devigny, portant le n° 932, sans nom de lieu, 26 mars 1947 ; voir document reproduit n° 29). C. Cette lettre émane de l'Intelligence Service et est par conséquent sans en-tête. (Comm., Témoignage oral, Lozère/Yvette, 26 octobre 1996).

C. "Je ne pouvais pas être naturalisé avant 18 ans. C'était l'âge où j'aurais pu choisir selon la loi française. Mais c'était la guerre et tout ce processus était arrêté. Ce qui fait que pendant la guerre, j'étais considéré comme apatride." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié p. 12). A. 1 septembre 1939 : A partir de cette date travaille à la Maison Maternelle du 38 bis de la rue Manin pour le ravitaillement d'un réfectoire de 200 couverts. (Doc., Attestation de Madame Angèle Koppe, directrice de la Maison Maternelle, 38 bis rue Manin, Paris, 16 juillet 1940). C. "Je ne travaillais pas à la maison maternelle. J'ai seulement participé au ravitaillement et aidé à l'organisation de ce réfectoire de 200 personnes qui avait été créé par la baronne Pierre de Guinzbourg et Angele Koppe pour les familles restées sans ressources après la mobilisation des chefs de famille." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p.1). A. 4 (?) septembre 1939 : "Je soussigné certifie que monsieur Hersenberg Simon a été employé dans ma maison en qualité d'aide préparateur et qu'il quitte son emploi pour accomplir volontairement son service militaire en raison des événements." (Doc., cf. l'attestation figurant à la date du 25 août 1935). A. 6 septembre 1939 : Certificat de bonne conduite délivré par le Commissaire de Police du quartier Amérique. "En foi de quoi, nous lui avons délivré le présent Certificat sur sa demande, pour lui servir engagement volontaire". (Doc., Certificat délivré par la Préfecture de Police du quartier Amérique, Paris, 6 septembre 1939).

1940

A. 15 janvier 1940 : Le directeur de la Maison Maternelle de Stella-Plage est mobilisé. (Doc., cf. Attestation figurant à la date de 1934).

C. Stella-Plage dans le Pas-de-Calais.

A. Janvier 1940 : "En Janvier 1940, je fus nommé par Mademoiselle Angèle KOPPE, directrice de l'œuvre de la « Maison maternelle », comme directeur d'une des maisons, sise à STELLA-PLAGE (Pas-de-Calais). Ceci, en remplacement de Monsieur M. L., qui venait d'être mobilisé. Je m'aperçus assez rapidement que cette personne avait fait des détournements au préjudice de cette oeuvre. Depuis ce jour, Monsieur L. devint naturellement mon ennemi et n'attendait qu'une occasion pour se débarrasser de moi. Cette occasion se présenta lorsque je fus arrêté le 16 mai 1941 par la Feldgendarmerie." (Doc., Déposition de Simon Hercenberg contre Monsieur M. L., Paris, 8 mars 1946).

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C. Janvier 1940 : A propos de la nomination de Simon Hercenberg comme directeur de la maison maternelle, lire : "en attendant de trouver un directeur." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 2). C. Voir à la date du 16 mai 1941, archives et commentaire. A. A partir de janvier 1940 : Dirige la Maison Maternelle de Stella-Plage où sont une surveillante générale et deux surveillantes pour 70 enfants. "Je n'ai qu'a me louer de la direction de ce jeune homme qui a été vraiment à la hauteur de sa tâche, quoique les moments ont été plus que difficile au moment de l'invasion de la Belgique ; Nous n'avions aucune relation avec Stella-Plage il a pu assurer tout le ravitaillement et charbon nécéssaire aux enfants et aux personnels, chose très difficile dans le Pas de Calais ; sa maîtrise et son courage ont maintenu le calme de tout le personnel et de nos enfants malgré le bombardement qui était à 3 et 5 kilomètres de Stella-Plage". (Doc., Attestation de Madame Angèle Koppe, directrice de la Maison Maternelle, 38 bis rue Manin, Paris, 16 juillet 1940).

C. janvier 1940 : A propos du personnel de la maison maternelle : "une vingtaine de personnes en tout pour le personnel dont une surveillante générale." (Com., Témoignage écrit et oral, Jérusalem, 11 mai 1996) A. 16 mai 1940 : Lettre d'Angèle Koppe à l'économe de la maison d'enfants de Stella-Plage pour qu'il organise l'évacuation des enfants et des membres du personnel, parmi lequel figure le nom de Simon Hercenberg. (Doc., Lettre d'Angèle Koppe, Maison maternelle, 38 bis rue Manin, Paris, 16 mai 1940).

A. 21 mai 1940 : Dirige la Maison Maternelle, Fondation Koppe. (Doc., Certificat de l' Adjoint Délégué du Maire, Mairie de Cucq, 21 mai 1940). C. Mai 1940 : A propos de la maison maternelle de Stella-Plage : "Les Allemands envahissent le nord de la France. La région de Stella-Plage est bombardée, une escadrille de la R.A.F. se trouvant près de Paris-Plage. J'expédie mon frère qui se trouvait avec moi à Paris par le dernier train qui partait d'Etaples afin de réconforter ma mère. Trois jours plus tard mon frère revient affamé. Le train avait été bombardé, les ponts coupés et les voyageurs mitraillés. Les Allemands arrivent à Stella-Plage. Un attentat contre un soldat allemand avait provoqué une décision du commandant de la place de fusiller 10 notables dont moi en tant que directeur de la maison maternelle. Cet ordre a été annulé au dernier moment. Depuis l'arrivée des Allemands, toutes les communications sont coupées. Il n'y a plus de téléphone, de poste, de trains. Je suis presque sans argent. Il faut ravitailler 90 personnes. Les fermiers vendent leurs produits au marché noir. Un oeuf passait de 0,50 à 25 francs. J'étais obligé de menacer les fermiers de faire réquisitionner leur marchandise pour obtenir un peu de ravitaillement et je fis couper des arbres dans les bois pour le chauffage." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 2-3). C. Mi-juin 1940 : A propos de la jonction Stella-Plage-Paris : "Vers la mi-juin je décide d'aller à Paris à vélo, derrière les troupes allemandes, pour chercher de l'aide, de l'argent et de retourner à Stella-Plage par les mêmes moyens." (Com., Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 4.) C. 1 juillet 1940 : A propos du rapatriement des enfants de Stella-Plage à Paris : "Angèle Koppe réussit à convaincre le préfet de Police de Paris de venir nous chercher en car (« panier à salade »). Tout le monde est rapatrié à Paris." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, 1993, p. 4.) A. 1 juillet 1940 : Rentre de Stella-Plage et habite à la Maison Maternelle 38 bis rue Manin. Y reste jusqu'au 30 septembre 1941. (Doc., Certificat de Madame Angèle Koppe, Maison

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Maternelle, 3 bis rue Manin, Paris, 20 novembre 1941 ; cachet du Commissaire de Police du XIXe le 3 décembre 1941).

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15 JUILLET 1940 – SEPTEMBRE 1940 :

DEBUTS DE RESISTANCE A PARIS.

DEUX TENTATIVES POUR REJOINDRE LE GENERAL DE GAULLE

1940

A. 15 juillet 1940 : "On 15th July, 1940, I began to organise a small resistance group". (Doc., Lettre de Simon Hercenberg à Officer Commanding, Air Ministry Unit, 77 Hallam Street, London, W.1., lettre envoyée "thro' Air Liaison Officer, M.I.9./19, War Office", lieu de rédaction ?, 17 octobre 1946 ; voir document reproduit n° 28).

C. "[Fabien de Cortès] était un ami d'enfance. Il a été mon compagnon dès le début. [...] Juste après l'appel du Général de Gaulle le 18 juin 40, nous avons voulu faire quelque chose. Ce qui fait que nous avons regroupé quelques camarades d'enfance. Nous étions à peu près six. (Charles Gineste, René Troy etc... (Doc., Lozère, 1993). Mon camarade, italien de naissance, s'appelait Fabien de Cortès. Au mois de juillet 40 nous avons décidé de faire quelque chose. Nous étions tous très jeunes avec peu de moyens et ne savions pas très bien dans quelle direction aller. Résister ! Résister à quoi et comment ? Nous nous étions fixés comme but de diffuser les bulletins de Londres. Nous écoutions tous les jours la radio de Londres. Il y avait tous les jours une émission de Londres : « Les Français parlent aux Français ». C'était les Forces Françaises Libres et nous recopions les messages donnés par la B.B.C. Et aussi les encouragements. [Pour] donner des nouvelles, surtout pour que les Français comprennent que la lutte continuait et qu'il fallait s'engager d'une façon ou d'une autre. Nous recopions certains speechs ou certains appels qui étaient faits à la radio de Londres et nous allions les coller dans Paris, sur les murs. Et ce que nous faisions pour faire voir qu'il y avait un mouvement d'opposition aux Allemands : nous déchirions les affiches allemandes. Mais de façon à ce qu'on voie qu'elles avaient été déchirées, on en laissait une partie. Je veux dire à ce sujet quelque chose de grave : on s'est aperçu à cette époque-là (juillet-août 1940) que nos affiches (que nous imprimions ou tapions avec des moyens de fortune, machine à écrire, impression avec des caractères de caoutchouc que nous trouvions dans le commerce..., étaient déchirées par les communistes. C'était l'époque où l'U.R.S.S collaborait avec les Allemands. Nos affiches étaient déchirées et remplacées par des affiches du parti communiste. Je dois dire que peu de Français le savent. Mais c'est une chose qu'il faut savoir. Donc, nous avons fait ça pendant un certain temps. De temps en temps, il nous arrivait d'être pris par des agents de police français qui fermaient les yeux au moment où on déchirait les affiches. L'affiche était parfois placée assez haut, plus haut que nous. Alors nous avions un copain assez costaud et Fabien mon ami, montait sur ses épaules et arrivait à arracher l'affiche en partie, et puis nous mettions les nôtres. Donc ça a été notre activité. Le côté comique de tout ça a été entre autres : il y avait, à cette époque-là dans Paris, des postes d'appel de police-secours d'une part et aussi des pompiers, et il y avait, sur ces bornes, une glace qu'il fallait briser pour appeler, soit la police soit les pompiers. Et nous collions des affichettes sur ces glaces. Ce qui fait que tous les matins, je ne sais pas par qui, le gouvernement avait donné l'ordre d'enlever ces affichettes, ou c'était les

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Allemands qui donnaient l'ordre. Ce qui fait que lorsqu'on grattait ces étiquettes, en général, on cassait les vitres et il y avait les pompiers qui arrivaient, ou police-secours. Là où nous mettions nos affiches, nous nous apercevions, au bout d'un certain temps, que nos affiches étaient, à leur tour, déchirées et nous trouvions à leur place, les affiches du parti communiste. Donc nous savions que c'était eux. Cela ne pouvait pas être quelqu'un d'autre. Fabien et moi nous sommes les deux seuls de notre groupe qui aient décidé de poursuivre cette aventure. Les autres se sont fatigués. C'était à Paris. Nous avons décidé de faire autre chose : de rejoindre de Gaulle. Ce qui fait que ça a mis un certain temps et nous avons fait trois essais infructueux." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié p. 7-8 ; Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, 1993, p. 4-5.)

C. Fin juillet 1940 : A propos de la tentative de passer en Espagne : " Beaucoup de fausses rumeurs et de faux tuyaux circulaient à cette époque. En particulier celui que Fabien et moi avions tenté. Il s'agissait d'un groupe qui recrutait pour le Général de Gaulle. Nous nous sommes rendus à l'adresse indiquée, qui se situait dans la cour d'un immeuble à vocation artisanale dans le XIe arrondissement, dans un local assez sommaire donnant sur une cour. Nous avons trouvé un homme qui prétendait recruter des jeunes gens pour Londres. Ces jeunes gens étaient acheminés par groupes. Si nous le désirions, nous pourrions faire parti du prochain groupe. Pour nous convaincre, il nous montra un paquet de lettres qui avaient été écrites par ces jeunes gens à leurs familles. Cela nous parut suspect et nous ne sommes pas revenus au rendez-vous proposé." (Com., Témoignage écrit, Jérusalem, 7 mai 1996). "Après avoir essayé de contacter d'autres groupes, sans succès, ceux-ci étant très rares à l'époque, nous décidons d'essayer de passer en Espagne. Un ami m'avait affirmé qu'à partir d'une petite ville proche de la frontière, dont je ne me souviens plus du nom, il y avait un petit train local qui passait en Espagne et qu'il était facile de le prendre, les contrôles étant très limités. Nous sommes donc partis à quatre, après avoir passé la ligne de démarcation en fraude, Fabien de Cortès, Emile Chevalier, Jean de Fersen et moi-même. Arrivés à la frontière espagnole nous nous sommes séparés en deux groupes. Nous avons tous été arrêtés par les gendarmes et après interrogatoires, sommés de retourner d'où nous venions. Emile Chevalier et son ami de Fersen décideront de retourner à Paris. Fabien et moi voulions tenter notre chance de trouver un bateau à Marseille. Sans succès. Nous avons donc continué jusqu'à Nice dans le même espoir mais sans plus de résultat. Il faut dire que nous disposions de peu d'argent, ce qui limitait nos chances. Après ce deuxième échec, et pratiquement à bout de ressources, il nous fallait réfléchir et gagner un peu d'argent. Une personne que nous avions rencontrée nous avait conseillé d'aller dans les régions de lavande et aussi de chercher des edelweiss en haut des montagnes, fleurs qui se vendaient cher. Cette personne a certainement abusé de notre naïveté mais nous a décidé à partir à la recherche des lieux de récolte de la lavande. C'est ainsi que nous avons pris un petit train de Nice, vers Digne et avons abouti à Valdrôme (Drôme)." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 5-7).

A. 4 août-12 septembre 1940 : A Valdrôme. (Doc., Certificat du maire de la commune de Valdrôme, Mairie de Valdrôme, 12 septembre 1940). C. 1940 : A propos de Valdrôme : "Nice petit train de montagne Sisteron- Serres arrêt de 2 jours dans une maison, où ils dormaient sur de la paille pleine de puces. En car vers Valdrôme entouré de montagnes environ 1000 mètres." (Com., Notes manuscrites, Lozère/Yvette, entre les années 1970-1980). C. 4 août - 12 septembre 1940 : A propos du séjour à Valdrôme : "Nous avons pris un petit train de Nice, vers Digne et avons abouti à Valdrôme (Drôme). Fabien et moi avons été embauchés dans une ferme en échange de la nourriture. Au bout de huit jours je fus

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remercié par la fermière car je ne gagnais pas la valeur de la nourriture pourtant frustre qu'elle nous donnait. Aussi j'ai eu la chance de trouver un emploi rémunéré dans une autre ferme pour la récolte de la lavande, et par la suite pour la distillation de la lavande qui se faisait sur place." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 7). C. "Départ après cinq à six semaines pour Saint-Claude." (Com., Notes manuscrites, Lozère/Yvette, années 1970-1980) A. 28 janvier 1941 : Carte de Albert Poulet [?] adressée de Valdrôme à Simon Hercenberg 38 bis rue Manin. A. 26 mars 1941 : Carte de Lagiés Dauphiné [?] de Valdrôme adressée à Simon Hercenberg 38 bis rue Manin. C. "Albert Poulet et Lagiès Dauphiné étaient des jeunes de mon âge avec qui j'avais sympathisé. Ils écrivent à mon adresse de Paris, ne sachant pas que Fabien et moi avions décidé de tenter de passer en Suisse. J'ai retrouvé ces cartes plus tard." (Com., Jérusalem, 7 mai 1996). C. Après le 12 septembre 1940 : A propos de l'organisation du passage en Suisse : "La récolte étant terminée, Fabien et moi décidons de tenter notre chance en Suisse où nous pourrions contacter le consul d'Angleterre à Genève. Aussi, nous allons à Saint-Claude pour trouver des tuyaux pour passer en Suisse." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 8).

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DEBUT 1941 - MAI I942 :

PASSAGE EN SUISSE.

ARRESTATION PAR LA POLICE SUISSE A GENEVE.

ACCEPTE DE TRAVAILLER AVEC LE SERVICE DE RENSEIGNEMENTS SUISSE EN FRANCE.

TRAVAILLE AVEC L'INTELLIGENCE SERVICE

ET LES RESEAUX "KLEBER" ET "BRUNO"

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C. A propos du passage en Suisse. Suite du témoignage ci-dessus : "Nous avons la chance d'être mis en contact avec un passeur à qui nous avions dit que nous n'avions pas de quoi le payer. Il accepta de nous montrer le chemin. Il nous conduisit vers un endroit qui dominait une route nationale. De l'autre côté se trouvait une montagne de mille six cents mètres, « la Dôle » dont le sommet se trouvait en Suisse. C'est ainsi que nous sommes arrivés sur le bord du lac Léman. Arrivés à Genève par auto-stop, nous nous sommes renseignés pour savoir où se trouvait le consulat anglais. Le personnel du consulat devait avoir l'habitude de recevoir des gens de notre sorte. Nous avons été éconduits, le consul étant soi-disant absent. A la sortie du consulat nous avons été arrêtés par des inspecteurs suisses qui devaient cueillir les visiteurs comme nous. Devant l'impossibilité de montrer des papiers en règle, Fabien et moi avons été conduits, après un interrogatoire par la police, à la prison Saint-Antoine qui est au centre de la ville de Genève. On nous mit, Fabien et moi, dans la même cellule. Nous méditions sur notre sort et nous élaborions un projet d'évasion tout en nous méfiant d'un système d'écoute dont notre cellule aurait pu être équipée. Au bout de quelques jours nous avons reçu la visite d'un homme qui ne déclina pas son identité et que nous avons connu plus tard. Il s'agissait de Fernand Demierre, chef de la police du canton de Genève. Aussi nous avons été aussi francs que possible en déclarant que notre but était de rejoindre le Général de Gaulle. Fernand Demierre nous informa que la Suisse avait signé un accord avec Vichy pour que les clandestins soient remis aux autorités [françaises]. Fabien étant italien et moi juif, nous étions destinés à être internés dans un camp en fonction de notre identité. Nous lui avons répondu que si tel était notre destin, le plus vite serait le mieux. Nous espérions nous échapper en cours de route. Une dizaine de jours se passa, sans autres nouvelles. Un soir, alors que nous venions de nous coucher, un gardien nous demanda de préparer nos affaires. Monsieur Demierre nous attendait ainsi qu'une voiture de police accompagnée de policiers. Monsieur Demierre nous demanda si nous connaissions Genève. A notre réponse négative, il nous proposa de faire le tour de la ville en voiture. Puis, il s'arrêta devant un immeuble moderne, nous demanda de monter jusqu'au troisième étage. Nous pensions que

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les interrogatoires allaient commencer. Nous avons été introduits dans un appartement et Monsieur Demierre nous déclara : « Vous êtes ici chez moi en attendant une décision à votre sujet. La seule chose que je vous demande, c’est de me donner votre parole d’honneur que vous ne vous échapperez pas. » Ce que je refusai. Après avoir consulté Fabien en tête-à-tête, nous avons accepté cette clause. Monsieur Demierre occupait cet appartement avec sa femme et nous avons été traités en amis. Interrogés au fil des jours nous confirmions notre désir de combattre les Allemands. Aussi, après une vingtaine de jours, Monsieur Demierre nous présenta au lieutenant-colonel Couenoux qui dirigeait le service de renseignements suisse. (Le nom du garde du corps et chauffeur du lieutenant-colonel Couenoux était Durupty, communication orale, Jérusalem, 11-05-1996). Cette entrevue eut lieu au buffet de la gare de Cornavin où nous avons été sondés sur notre personne et notre désir de combattre. Peu de temps après notre arrivée à notre rendez-vous à la gare, une personne est venue parler à l'oreille du colonel, l'informant que quelqu'un venait de téléphoner de la gare pour signaler sa présence. Cela nous donna une idée du cercle infernal dans lequel nous allions rentrer. Quelques jours après, Monsieur Demierre nous transmit la proposition du colonel de rejoindre le service de renseignements suisse, ce que nous avons accepté sans savoir où ce travail allait nous entraîner ni dans quelles conditions nous allions devoir l'exécuter. La Suisse était neutre. Comme elle désirait ne pas rentrer en confrontation avec les Allemands, elle ne pouvait pas utiliser des Suisses pour les missions dans les territoires occupés par les Allemands. Tout comme en Allemagne, la Suisse utilisait des étrangers dans notre situation pour le travail de renseignements. Il est évident que défendre la Suisse n'était pas notre préoccupation première. Aussi lorsque nous avons compris qu'il y avait un accord verbal entre la Suisse et les Anglais pour l'échange de renseignements, nous avons été plus motivés. C'est ainsi que nous collaborions avec l'Intelligence Service dont un des chefs était Monsieur Farrell, capitaine de l'armée britannique (le consul que nous cherchions à contacter à notre arrivée en Suisse) et Monsieur Demierre. Monsieur Demierre était un fervent partisan des Alliés et un agent de liaison de Monsieur Farrell." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 8-13). A. avril 1941 : Rentre en contact avec "Mr. Farrell, Vice British Consul at Geneva, Switzerland. I worked under his direction for British Intelligence in occupied France." (Doc., Lettre de Simon Hercenberg à Officer Commanding, Air Ministry Unit, 77 Hallam Street, London, W.1., lettre envoyée "thro' Air Liaison Officer, M.I.9./19, War Office", le 17 octobre 1946 ; voir document reproduit n° 28). C. Suite du récit de la prise de contacts avec l'Intelligence Service : "Après les rencontres et mises au point dont nous venons de parler vint une courte période de formation. Elle eut lieu dans la grange d'une ferme en pleine activité et qui servait de P.C. pour les activités sur la France. Cette grange était située près de Porrentruy (Jura suisse)." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 14).

A. 1 avril 1941 - 1 juin 1942 : Travaille comme agent P.1. dans le réseau "Kléber". (Doc., Attestation, Paris, 24 janvier 1947 ; voir document reproduit n° 1). A. avril 1941 - juin 1942 : Travaille comme agent P.2. dans le réseau "Bruno". (Doc., Attestation, Paris, 18 septembre 1946 ; voir document reproduit n° 2). A. 1941 : "J'ai revu à votre sujet Mr. MEYER qui a constaté qu'il avait fait une Erreur en vous remettant une attestation d'agent P 2, le réseau BRUNO n'ayant pas d'agent de cette catégorie à l'époque où vous travaillez avec lui. En conséquence, je vous ai fait faire l'attestation P 1." (Doc., Lettre de M. André, 8 rue d'Aumale, à Monsieur Hercenberg, Paris IXe, 8 février 1947).

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C. A propos du travail de renseignements effectué pour l'Intelligence Service, à partir de la Suisse : "Dans l'histoire du Service de renseignements suisse, les Anglais, tout en étant contre Vichy, avaient gardé des contacts avec Vichy pour essayer de savoir ce qui se passait en France. Parmi les Vichystes, il y avait des gens qui n'étaient pas sûrs de la victoire des Allemands, ce qui fait que certains jouaient double jeu entre Vichy et les Anglais. Un des membres du réseau de renseignements suisse avec lequel je travaillais, le capitaine Albert Meyer de l'armée française, travaillait aussi avec le réseau Kléber et Bruno. Par son intermédiaire je collaborais avec ces deux réseaux pour les renseignements militaires. A Genève il y avait tous les services de renseignements et finalement on connaissait tout le monde de vue. Si nous allions au restaurant, nous disions : le gars qui est à la table c'est un tel... Le plus cocasse de l'histoire, c'est que Monsieur Fernand Demierre qui était chef de la police à Genève avait mis sous écoute le chef de la Gestapo à Genève. Il s'appelait Kurt et recevait chez lui des agents allemands, à toute heure du jour et de la nuit. Officiellement il était agent d'assurances. Quand nous venions, avec mon camarade Fabien à Genève, entre nos missions en France pour nous détendre, nous sortions un peu le soir. Nous téléphonions tard dans la nuit à Kurt en allemand pour lui dire exactement ce qu'on pensait du nazisme. Et comme il était suivi par la police suisse, on savait exactement où il avait passé la journée, dans quel hôtel il allait, dans quel restaurant il avait mangé, etc. Nous lui disions : « alors, tu as bien mangé salopard ; tu as mangé une truite, tu étais avec une belle blonde ! » On l'a poursuivi pendant un certain temps. Le cocasse de l'histoire c'est que Kurt s'est plaint à la police suisse d'être harcelé par des terroristes." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié p. 5). C. Suite : "Ce qui est comique puisque nous lui téléphonions depuis l'appartement de Monsieur Demierre chez qui nous habitions lors de nos séjours à Genève. Kurt se sentant démasqué a demandé son transfert à Lisbonne. Sur la pression de l'Intelligence Service le Portugal refusa le séjour de Monsieur Kurt. (Com., Témoignage oral, Jérusalem, 11 mai 1996). C. A propos du travail en France et en particulier des points de chute : "Les points de chute pendant les déplacements [en France] posaient un vrai problème. Les hôtels étaient très surveillés et le couvre-feu nous obligeait à rentrer de bonne heure le soir. Pour cette raison, chaque fois que nous le pouvions, nous recherchions des points de chute lors de nos déplacements. Mais il y avait le revers de la médaille en ce qui concerne le risque que nous faisions courir aux gens qui nous hébergeaient. Ce qui fait que lorsque que Fabien ou moi nous trouvions à Paris, nous dormions chez Charles Gineste." "Madame Marthe Gineste, qui travaillait à la Maison Maternelle, où elle habitait avec Charles, avait loué au début de la guerre, un appartement au rez-de-chaussée du 12 rue Meynadier. Madame Marthe continuait de travailler à la Maison Maternelle 38 bis rue Manin qui se trouvait à quelques centaines de mètres [de l'appartement loué]. Fabien et moi nous rencontrions parfois chez Charles où nous couchions quand nos missions nous menaient à Paris. Si, au début de notre travail de renseignements Fabien et moi étions dans la même section (pour deux missions), par la suite nous fûmes séparés dans deux sections différentes." "Pour ma part on m'avait désigné la région de Dijon"... "mais je devais me déplacer dans d'autres régions"..."en particulier pour l'aérodrome de Chartres [...] et pour l'important centre de triage de chemins de fer de Saint-Pierre-des-Corps près de Tours qui a été bombardé de nombreuses fois à cause du rôle qu'il jouait dans le transport nord-sud. En passant à Tours, cela me permettait de descendre chez mon oncle et ma tante qui se demandaient ce que je pouvais bien faire dans cette région." "Lorsque Fabien venait à Dijon (les renseignements devaient se recouper), Fabien venait dormir chez moi. A Plombières-lès Dijon d'abord où j'ai loué à deux reprises des chambres (5 kms au nord de Dijon) et par la suite à Dijon même, une chambre dans un pavillon. Seul Fabien connaissait mon adresse. Histoire comique : la première chambre louée à Plombières-lès-Dijon donnait sur la voie ferrée, ce qui me permettait de contrôler les convois, mais avait l'inconvénient d'être très bruyant la nuit. Je trouvais donc une autre chambre dans le centre du village. Une

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fois, Fabien qui était de passage à Plombières-lès-Dijon vint dormir chez moi. Il va dans la chambre située le long de la voie de chemin de fer, chambre que j'avais quittée sans avoir pu en informer Fabien. Fabien pensait que j'étais en voyage et réussit à forcer la fenêtre de mon ex-chambre qui se trouvait au rez-de-chaussée. Surpris de voir que les lits n'étaient pas faits, il prend des draps qui se trouvaient dans une armoire, fait tranquillement son lit et repart le lendemain pour me raconter cette histoire lors de l'une de nos rencontres à Genève où nous nous arrangions pour être en même temps." (Doc., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, novembre 1993, p. 1-7. ; l'ordre des passages de ce texte a été modifié). C. Suite : "En général, on travaillait seul parce qu'il fallait que les choses soient le plus cloisonnées possible, qu'on ait le moins de contacts possibles entre nous. Donc, on travaillait à titre individuel. Même mon ami et moi, nous ne connaissions pas le genre de missions que nous avions. Nous savions qu'il était toujours possible de parler sous la torture, et moins nous en savions mieux c'était pour le service." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C, Paris, le 15 septembre 1992, dactylographié p. 3). C. Suite : "Le but était [d'obtenir des] renseignements militaires [sur] les mouvements de troupe, les armements, les pertes sur les fronts, les états-majors, les corps d'armées, de divisions, les régiments. La zone interdite le long des frontières comme des côtes était très dangereuse. Ne pouvaient circuler que les personnes habitant la région ou ayant des permis spéciaux. C'est dire que les départs en mission depuis la Suisse ou les retours en Suisse pour les rapports étaient très difficiles. Nos agents de liaison du côté français étaient des contrebandiers habitant des villages frontaliers. On leur permettait de prendre avec eux au retour de Suisse ce qu'ils pouvaient porter. Ils se chargeaient souvent à la limite de leurs forces. En échange ils passaient les agents, les messages codés et nous servaient de boîtes à lettres. Par le truchement d'Albert Meyer, aussi impliqué dans le SR suisse, les rapports étaient communiqués aux services spéciaux de l'EM (Etat-major) général de l'Armée en Suisse ." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 14 ; Témoignage oral, Jérusalem, 11 mai 1996). C. Suite : "La difficulté des passages en Suisse était qu'il fallait que nous traversions des régions qui étaient très contrôlées, extrêmement dangereuses. Au début, avant que les services de renseignements ne nous fassent confiance, nous devions nous débrouiller par nos propres moyens. Nous n'avions même pas d'agent de liaison pour nous aider à passer la frontière. Je me souviens d'une fois - je n'ai jamais pu retrouver l'endroit où cela s'est passé - ce devait être près de Genève. Il y avait une partie marécageuse que nous ne connaissions pas et nous avons essayé de passer en Suisse sans savoir qu'on se trouvait dans des marécages et on s'enfonçait dans l'eau sans pouvoir en sortir. Il y avait à cette époque, des rouleaux barbelés qui faisaient un mur de trois mètres de haut qu'il était pratiquement impossible à traverser, sauf si nous avions été équipés de façon spéciale. Et on ne l'était pas. On ne pouvait pas se promener avec des équipements spéciaux au cas où nous aurions été arrêtés. Finalement on a pu s'en sortir parce qu'on a trouvé un tronc mort. On a glissé l'arbre sous les barbelés comme un levier dans un sens puis dans l'autre. Seul cela n'aurait pas été possible." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C, le 15 septembre 1992, dactylographié p. 5). C. Suite : "Mon camarade et moi nous avons été envoyés en mission à plusieurs reprises. En général, nous avions des contacts sur la frontière. Souvent il s'agissait de contrebandiers qui avaient été arrêtés par les Suisses lors de passages en Suisse, ou de frontaliers qui s'étaient proposés de nous aider. Les accords étaient les suivants : après avoir emmenés des agents en Suisse, en repartant ils pouvaient emporter la valeur d'un sac à dos plein de marchandises quelconques. Ça pouvait être de l'or, des montres, où n'importe quoi. Ce qui fait que la Suisse avait établi, le long de la frontière, tout un réseau de contrebandiers qui servaient d'agents de liaison et qui, en même temps, servaient aussi de boîtes à lettres. C'est ainsi que lorsque nous étions en mission, on envoyait des rapports à ces agents qui, eux, les ramenaient en Suisse, à l'Etat-major. C'était des rapports codés,

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bien sûr. A peu près une fois par mois, ou plus si c'était nécessaire, nous revenions en Suisse pour faire un rapport à l'Etat-major. Parfois il fallait revenir plus souvent en fonction des événements. La difficulté était que, évidemment, tout le long de la frontière suisse, il y avait la zone interdite. Il était strictement interdit à quelqu'un qui n'habitait pas cette zone de s'y trouver et les contrôles étaient très importants, ce qui fait que chaque passage était vraiment un très grand danger. Non seulement sur le point de l'efficacité des renseignements que nous apportions - il fallait aussi discuter avec les gens de l'Etat-major - mais aussi pour nous. Parce que nous étions absolument épuisés après un mois de service où on changeait souvent de domicile et on dormait mal la nuit. C'était un service éreintant. Moi, personnellement, on m'avait envoyé dans la région de Dijon, parce qu'à Dijon il y avait différents Etats-majors allemands qu'il fallait que nous suivions, et il y avait aussi le deuxième centre de contre-espionnage de la Gestapo. (Doc., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, novembre 1993, p. 1). Ce qui fait que pour nous, notre mission était entre autres de suivre, de déterminer les Etats-majors allemands. Par exemple, lorsqu'il y avait une brigade, il fallait retrouver la division ; lorsqu'il y avait une division, il fallait retrouver les corps d'armée. Il fallait que nous puissions retrouver les mouvements de l'armée allemande, savoir d'où ils venaient, où ils allaient, combien ils étaient, quel armement ils avaient, ainsi de suite. Il fallait le maximum de renseignements. Il est évident que l'obtention de ces renseignements demandait toujours d'être là où on n'avait pas le droit d'aller, donc c'était extrêmement dangereux. Je me souviens avoir été envoyé à Chartres pour faire un plan de l'aérodrome (Doc., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, novembre 1993, p.2). Je l'ai fait avec une petite amie que j'ai rencontrée sur place et j'ai fait le tour de l'aérodrome, enlacé avec la fille, parce qu'il y avait sans cesse des patrouilles tout autour. En ce qui concerne justement Chartres, il y a une chose que je voulais signaler. Dans un de mes rapports, j'avais signalé une tour d'une certaine hauteur. Je l'avais vue de l'extérieur. Je ne pouvais pas rentrer sur l'aérodrome. J'avais une appréciation approximative de la hauteur de la tour." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, le 15 septembre 1992, dactylographié p. 2-3). "Quand je suis arrivé à Londres des officiers des différents Etats-Majors vinrent me voir pour me questionner sur mon travail en France et particulièrement sur cette tour signalée dans mon rapport concernant le terrain d'aviation de Chartres. A la suite de mon rapport, les Services de Renseignements avaient envoyé un avion de reconnaissance pour photographier la tour en question. Les officiers d'Etat-major me dirent : « Dans votre rapport vous indiquez une hauteur de la tour qui ne correspond pas à la réalité. La photo aérienne prise et le calcul de l’ombre par le soleil indiquent une hauteur différente de celle que vous avez indiquée. Essayez de vous souvenir. C’est très important pour nous.» J'ai répondu que les conditions dans lesquelles j'avais estimé la hauteur de cette tour ne me permettaient pas plus de précision. Je ne comprenais pas l'importance de la hauteur de cette tour. Je l'ai compris plus tard. Il s'agissait des premières tours de radar." (Com., Témoignage écrit, Jérusalem, 18 mai 1996). "Officiellement, comme couverture, j'étais représentant d'une maison de rustines pour la réparation des chambres à air." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, Paris, 15 septembre 1992, dactylographié p. 2-3) C. Mai 1941 : A propos des deux premières missions de renseignement : "Elles furent exécutées avec Fabien de Cortès. Puis nous avons été séparés dans deux sections différentes." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 15).

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16 MAI 1941 - 10 SEPTEMBRE 1941 :

ARRETE EN FRANCE EN COURS DE MISSION ET EMPRISONNE A BESANÇON

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A. 16 mai 1941 : "Je fus arrêté le 16 mai 1941 par la Feldgendarmerie à proximité de la frontière Suisse et non loin de la ville de Morteau (Doubs), alors que je me trouvais en mission pour le compte du S.R. interallié. Quelques jours plus tard, des inspecteurs du 7eme groupe de contre-espionnage Allemand de Dijon venaient prendre des renseignements sur mon compte à mon domicile, qui était à ce moment la maison Maternelle sise 38 bis, rue Manin à Paris 19e. M. L. qui à cette époque était démobilisé, avait réussi à se faire nommer directeur de cette maison; il reçut donc les policiers allemands. Mais comme Mme Juliette TERHEMBACHER et Mme AVIGNON Louise étaient toutes deux présentes à cet entretien, il n'osa pas, en leur présence, donner tous les détails à ma charge et qui risquaient, comme il l'espérait, de me coûter la vie. Il demanda donc à être convoqué à la Kommandatur, où il se présenta à deux reprises, dont une fois avec sa femme, qui confirma ses dires. C'est pourquoi, au cours d'un interrogatoire, qui eut lieu à la Gestapo de Besançon, les Allemands m'affirmèrent que : 1°- j'étais juif 2°- Que j'utilisais le nom d'emprunt de Serge BERGER. 3°- Que j'étais chef d'une organisation Gaulliste à Paris 4°- Que je menais le soir une activité suspecte à mon domicile 38 bis rue Manin. 5°- Que je portais une croix de Lorraine. J'affirme tout ceci, en me référant à une déclaration signée de la main de M. L., avec tous ses détails d'identité, qui était en possession de la Gestapo et qui me fut montrée au cours de cet interrogatoire." S. Hercenberg réussit à convaincre les Allemands de la fausseté de cette déclaration. Avant de relâcher S. Hercenberg les Allemands "lui demandèrent des explications sur [la déclaration de M.L.] et voulurent savoir si elle n'était pas influencée par une haine quelconque, mais il répondit qu'il n'avait jamais eu de différend avec moi." (Doc., Déclaration de S. Hercenberg contre M.L., Paris, 8 mars 1946). C. "En partant de Suisse pour rentrer en France on arrivait sur la route nationale qui longeait la frontière et qui était très surveillée par des patrouilles. Il fallait quitter cette route au plus tôt pour nous enfoncer dans l'intérieur du pays et prendre un transport." (Com., Jérusalem, 18 mai 1996). C. "Mme Juliette Terhembacher (ou Ferhenbacher ?, Doc. Jérusalem, 18 mai 1996) et Mme Avignon Louise étaient les deux secrétaires d'Angèle Koppe. M. L. avait été mobilisé alors qu'il dirigeait la maison de Stella-Plage et je l'avais remplacé, découvrant alors les détournements qu'il avait réalisés. Interrogé par les Allemands, au moment de mon arrestation à la prison de Besançon, il témoigna contre moi. Il était préférable que les Allemands trouvent ma véritable identité et mon domicile afin qu'ils puissent vérifier mes dires plutôt que de leur donner une identité fabriquée non vérifiable et de ce fait passer pour un espion ou un membre d'une organisation secrète. J'étais jugé par un tribunal militaire allemand." (Com., Témoignage oral, 11 mai 1996, Jérusalem)

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A. 10 mai 1941 : "Ayant réussi a faire croire aux Allemands que j'arrivais de Paris, après avoir vérifié mon identité et une enquete a l'endrois donne je suis condamne tout simplement pour m'etre rendus de la zone occupee a la zone interdite, a trois mois de prisons plus un mois de detention a la forteresse de Besancon, arrete vers le 10 Mai 1941 j'en sors le 10 septembre" (Doc., Lettre de Simon Hercenberg, Scarborough, 2 juillet 1943). C. 16 mai 1941 : "J'ai été arrêté près de Morteau par une patrouille allemande alors que je venais de Suisse pour une mission en France." "Je réussis à me débarrasser de documents compromettants." "Mon alibi étant que je travaillais comme spécialiste dans la mécanique de précision et que je cherchais du travail dans cette région d'industrie horlogère." "Les Allemands n'ont pas pu faire la preuve de mon activité. Ce qui fait que j'ai été condamné seulement pour m'être trouvé en zone interdite sans autorisation, ce qui était un moindre mal." "J'ai été condamné à quatre mois de prison, dont trois au secret pour être dans la zone interdite sans autorisation." (Com., Lozère/Yvette, septembre 1991 ; Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié p. 3 ; Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 16 ; Complément par écrit au témoignage déposé au C.D.J.C., Lozère/Yvette, 27 mars 1995, p. 3). A. 10 juin 1941 : Lettre de Charles et Marthe Gineste adressée depuis Paris à Simon Hercenberg, cellule 73 de la prison de Besançon. (Doc., Lettre datée du 3 juin, enveloppe timbrée de Paris du 10 juin 1941 ; voir document reproduit n° 4). A. 24 juin 1941 : Lettre de Charles Gineste adressée depuis Paris à Simon Hercenberg, cellule 73 de la prison de Besançon. (Doc., Lettre datée du 23 juin, enveloppe timbrée de Paris du 24 juin I941 ; voir document reproduit n° 4). A. juillet 1941 : Condamné à 4 mois à la prison de Besançon par le Tribunal de Besançon pour passage clandestin de la zone occupée à la zone interdite. (Doc., Déclaration de S. Hercenberg contre M.L., Paris, 8 mars 1946). C. "Tribunal militaire." (Com., communication orale, Jérusalem, 18 mai 1996). A. Juillet 1941 : Selon le "British Passport Control Officer, Switzerland, V. C. Farrel", début officiel de l'engagement dans les Services de Renseignements. (Doc., Attestation, Berne, 2 août 1945 ; voir document reproduit n° 3). C. "La date exacte de notre premier contact avec les Services britanniques est d'avril 1941 et non juillet 1941." cf. A. avril 1941. (Com., Témoignage oral, Jérusalem, 18 mai 1996). A. 24 juillet 1941 : Carte de "Monsieur Horace Demierre chez Prin Authumes par Pierre en Bresse, Saone et Loire" adressée à Simon Hercenberg, à la prison de Besançon, cellule 28. Texte de la carte : "Cher Cousin, J'espère que vous êtes en bonne santé et que bientôt vous aurez l'occasion de venir me voir. Je pense souvent à vous et tante Demierre aussi. Je lui ai écris et j'aurai sa réponse bientôt. Je vous ferai parvenir un paquet. Je vous embrasse en attendant. Horace." (Doc., Carte de Horace Goguel de Toux, Authumes, 8 février 1942 ; voir document reproduit n° 4 bis). C. 24 juillet 1941 : A propos d'une lettre adressée à Simon Hercenberg, à la prison de Besançon, par un ancien voisin de cellule : Ce Monsieur s'appelait Horace Goguel de Toux. Il était voisin de cellule de Simon Hercenberg. Dans la prison de Besançon ils réussissaient à échanger quelques mots par le trou qu'empruntait le tuyau de chauffage central en passant d'une cellule à l'autre, et en agrandissant cet orifice. Horace et Simon Hercenberg ne se sont jamais vus. Horace était un grand blessé de la guerre de 14-18 et fut libéré de la prison de Besançon. Simon Hercenberg lui avait demandé de donner de ses nouvelles à une « tante » habitant Genève, portant le nom de Demierre. La carte dont il est question ici faisait savoir à Simon Hercenberg, que Horace avait écrit à Demierre. [On

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remarquera que comme nom d'expéditeur Horace Gogel de Toux a écrit : "Horace Demierre"]. Pour Simon Hercenberg cela signifiait que l'information de son emprisonnement était passée aux Services de renseignements suisses. Ce monsieur Horace Goguel de Toux habitait en zone libre. Après sa libération, de son lieu d'habitation, il pouvait écrire en Suisse. La carte qu'il avait utilisée pour écrire à Simon Hercenberg était du type de celles permises pour écrire de la zone libre à la zone occupée. Elle porte la marque de la censure allemande de la prison de Besançon. A sa sortie de prison, apparemment, Simon Hercenberg écrivit à Horace et celui-ci lui répondit dans une lettre du 8 février 1942. Il signa alors de son vrai nom, Horace Goguel de Toux et proposa à Simon Hercenberg un "havre sans aucune inquiétude". (Com., Lozère/Yvette, 30 juillet 1992) A. 8 août 1941 : Lettre de Charles Gineste adressée depuis Paris à Simon Hercenberg, cellule 73 (rayé, rajouté 88) de la prison de Besançon. (Doc., Lettre datée du 5 août, enveloppe timbrée de Paris du 8 août 1941 ; voir document reproduit n° 4). A. 4 septembre 1941 : Lettre d'une amie adressée depuis Paris à Simon Hercenberg, cellule 113, (rayé, rajouté 560 et 41) de la prison de Besançon. (Doc., Lettre datée du 3 septembre, enveloppe timbrée de Paris du 4 septembre 1941 ; voir document reproduit n° 4). C. "Après avoir été enfermé au secret (donc seul) pendant trois mois dans la cellule 113 j'ai été transféré dans la cellule 41 avec deux autres prisonniers dont l'un était un mouchard et essayait de me faire parler." (Com., Jérusalem, 18 mai 1996). (cf. document reproduit n° 4).

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10 SEPTEMBRE 1941 - 21 MAI 1942 :

LIBERATION DE LA PRISON DE BESANÇON.

REPRISE DES MISSIONS DE RENSEIGNEMRNTS A PARTIR DE LA SUISSE EN FRANCE

1941

A. 1941 : Suite à son arrestation à la prison de Besançon ou de la Santé : "Insufficient evidence granted my release and I continued to carry on with my duties, working with Mr. Farrell up to July 1942". (Doc., Lettre de Simon Hercenberg à Officer Commanding, Air Ministry Unit, 77 Hallam Street, London, W.1., lettre envoyée "thro' Air Liaison Officer, M.I.9./19, War Office", lieu de rédaction ?, le 17 octobre 1946 ; voir document reproduit n° 28). A. 10 septembre 1941 : Ordre de libération de la prison de Besançon. (Doc., Ordre de libération, Besançon, 10 septembre 1941 ; voir document reproduit n° 5). C. Suite à l'emprisonnement dans la forteresse de Besançon : "Le bruit avait couru que j'avais été fusillé. D'ailleurs à la libération Albert Meyer m'a appris que j'étais sur la liste des morts du réseau Bruno" (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié, p. 5 ; Complément par écrit au témoignage déposé au C.D.J.C., Lozère/Yvette, 27 mars 1995, p. 5, note F). C. Après avoir été libéré de la forteresse de Besançon : "Je me suis présenté à un petit poste frontière qui était fermé. C'était un petit pont de pierres sur un petit cours d'eau. Mais, ce pont de pierres était fermé. Au centre il y avait des barbelés pour empêcher les gens de passer. Et, juste devant ce pont il y avait une guérite allemande. Il y avait un garde allemand, à quelques mètres de la frontière suisse. J'ai interpellé les douaniers (heureusement, je suis arrivé au moment où la sentinelle allemande était partie pour interpeller les Suisses) et leur ai demandé de me laisser passer. Je leur ai dit : « J’ai quelque chose d’important à vous dire, il faut que je puisse passer. » Et, quand je suis arrivé de l'autre côté en m'agrippant sur le muret extérieur du pont, je leur ai donné mon nom de code suisse qui était RG 12 et je leur ai dit : « Voulez-vous téléphoner à l’état-major et dire que RG 12 est là. » Le chef de la douane a téléphoné et on lui a dit : « Rejetez cet homme ; RG 12 est mort. C’est un imposteur. » Et finalement, ils m'ont dit : « On est désolé, mais c’est faux. » En attendant, l'Allemand était revenu dans la guérite et il entendait parler parce qu'il n'y avait que quelques mètres qui nous séparaient. Il voyait bien qu'il y avait quelque chose de spécial. J'ai dit : « Ecoutez, si vous m’envoyez de l’autre côté, vous m’envoyez à la mort de façon certaine ; demandez à un officier d’état-major de venir me reconnaître. » Et finalement, le chef de la douane s'est laissé amadouer. Il a téléphoné à l'état-major qui a envoyé quelqu'un pour me reconnaître. (Le lieutenant de Stouz ; Complément par écrit au témoignage déposé au C.D.J.C., Lozère/Yvette, 27 mars 1995, p. 6, note A). Effectivement, on a envoyé le chef de mon service qui m'a reconnu. Ce qui fait qu'un peu plus, c'est eux qui m'envoyaient à la mort directement. Ce sont des anecdotes. Ce sont les difficultés qu'il y avait pour passer cette frontière. En général, ça se passait de la façon suivante : nous avions différents points de passage. Lorsque nous arrivions, notre contact nous emmenait dans les bois. C'était

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toujours très difficile parce que dans les villages on connaissait tout le monde. On savait tout de suite qui était du village et qui ne l'était pas. En général, ils nous emmenaient dans un bois. Nous dormions dans le bois. On passait vers deux, trois heures du matin. A deux, trois heures du matin, notre contact venait dans le bois où nous étions et on traversait la frontière à ce moment-là. Les passages se faisaient de cette façon pour les services suisses. Chaque fois que nous passions, c'était un coup de poker parce que, comme je vous l'ai dit, tout le monde dans le village était connu. Dès qu'il y avait un visage inconnu on était repéré. Les Allemands avaient mis dans les garde-frontières allemands des gens qui restaient là en permanence, ce qui fait qu'ils connaissaient tous les gens du village et dès qu'ils voyaient quelqu'un d'inconnu, tout de suite ils lui tombaient dessus. Je me souviens d'un autre passage avec mon camarade. Nous étions très proches de la frontière. Nous avons aperçu une patrouille allemande avec des chiens. Heureusement pour nous il s'est mis à pleuvoir à ce moment-là. Nous nous sommes cachés dans un fourré. Les chiens sont passés à un mètre de nous. Mais s'il n'avait pas plu, nous aurions été pris. Cela tenait à très peu de choses. Pour passer cette zone extrêmement dangereuse, une des astuces était par exemple : une fois, un paysan était là avec sa charrette qui tirait son cheval. Je suis allé vers lui et lui ai dit : « Montez sur votre charrette. Je vais tirer le cheval. » Il ne voulait pas, bien sûr. Il disait : « Non, non, ce n’est pas la peine. » Et j'ai dû insister. Finalement, il a dû comprendre ma raison. Et j'ai traversé tout le village en tirant le cheval et la charrette. Pour moi, c'était une sécurité et je crois que lui a dû comprendre. L'état-major du service de renseignement suisse se trouvait dans le Jura suisse, près de Délémont. C'était dans une ferme dont le fermier (avait choisi de servir son pays de cette façon. C'était certainement quelqu'un qui avait toute la confiance du Service de Renseignements) (partie entre parenthèses, Com., Jérusalem, 18 mai 1996). La ferme avait une activité normale et l'état-major se trouvait dans le grenier. C'est là que nous devions aller chaque fois que nous rentrions en Suisse pour faire nos rapports, discuter les différents éléments (et confronter nos rapports avec ceux de nos collègues. Souvent les renseignements étaient recoupés par différents agents. Complément par écrit au témoignage déposé au C.D.J.C., Lozère/Yvette, 27 mars 1995, p. 6, note c). Lorsque nous repartions nous passions quelques jours à Genève pour nous reposer, reprendre un peu de force et manger à notre faim. Lorsque nous repartions nous étions aussi accompagnés par un agent du service de renseignements suisse et nous dormions près de la frontière. Ce qui s'était passé à l'aller se refaisait au retour. C'est à dire qu'il y avait un de nos contacts qui revenait avec un sac à dos chargé de ce qu'il voulait. Il pliait sous le poids parce qu'il en emmenait le plus possible. Et il nous reprenait pour traverser la frontière dans l'autre sens. Parce qu'il est évident qu'il fallait connaître tous les sentiers. Il fallait connaître la forêt par coeur. Et nous ne prenions pas les chemins - les chemins étaient trop dangereux. Ce qui fait qu'il fallait toujours passer les montagnes à travers bois, ce qui n'était pas facile. Et ne pas prendre du tout les routes. Les routes étaient trop surveillées." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié, p. 6.). A. 30 septembre 1941 : Parti définitivement de la Maison Maternelle 38 bis rue Manin. (Doc., Certificat de Madame Angèle Koppe, Maison Maternelle, 38 bis rue Manin, Paris, 20 novembre 1941). C. "Cette date est théorique. Je n'habitais plus la rue Manin depuis août 1940, mais cette adresse me servait de domicile légal. Je pouvais néanmoins y dormir occasionnellement." (Com., Témoignage écrit, Jérusalem, 18 mai 1996). A. 13 novembre 1941 : Arrêté à la prison de la santé à Paris pour "infraction à la loi sur le recrutement des juifs". (Doc., Mandat de dépôt, Paris, 13 novembre 1941 ; voir document reproduit n° 6). A. 13 novembre 1941 : Bulletin de dépôt de ses biens : « (six cents vingt deux ; une montre [...] blanc bracelet cuir [...]). » Enregistrés sous la dénomination « division 9

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cellule 41 ». (Doc., Paris, Bulletin de dépôt, Prisons de Paris, 13 novembre 1941 ; voir document reproduit n° 7). A. novembre 1941 : "Vers le mois de Novembre 41 suis de nouveau arrete a Paris par la police Française a la préfecture de police, pour infraction a la legislation anti-juive, enfermé a la Sante pendant huit jours, j'obtient une mise en liberte provisoire, condamne par la suite a six mois de prisons par defaut et a 1.200 fr d'amande par la ... chambre correctionnel de la seine, je continue mon travail pour le service," (Doc., Lettre de Simon Hercenberg, Scarborough, 2 juillet 1943). C. Novembre 1941 : A propos de l'arrestation de Simon Hercenberg à Paris : "Voulant renouveler ma carte d'identité à la préfecture de police, je suis arrêté pour infraction à la législation anti-juive : je ne m'étais pas fait recenser comme juif et je ne portais pas l'étoile." (Com., Témoignage écrit, Lozère, septembre 1993, p.16). C. Novembre 1941 : "Enfermé à la prison de la Santé. Lors de ma parution devant le juge d'instruction, je lui ai fait comprendre que j'avais été enfermé à Besançon et soupçonné d'espionnage et lui demandais s'il était possible d'obtenir une libération provisoire. Le juge me répondit qu'il était alsacien et qu'il comprenait ma situation mais qu'il lui était impossible d'obtenir une libération provisoire. Même dans ce cas là je serais arrêté à ma sortie de prison et déporté. Huit jours plus tard, je fus ramené à la préfecture de police et libéré. Condamné par la suite à six mois de prison par défaut et à 1.200 francs d'amande pour infraction à la législation antijuive. Un avocat avait été commis d'office. Celui-ci était venu voir ma mère pour lui dire que j'allais être fusillé et que seule une grosse somme d'argent pourrait me sauver. Ce que ma mère ne pouvait lui donner. Aussi a-t-elle été surprise de me voir quarante-huit heures après la visite de l'avocat. Celui-ci ne savait pas que j'avais été relâché." (Com., Complément par écrit au témoignage déposé au C.D.J.C., Lozère/Yvette, 27 mars 1995, p. 3). A. 21 novembre 1941 : Certificat de domicile au 10 rue du Pressoir à partir de cette date. (Doc., Certificat de domicile, le concierge de l'immeuble devant le commissaire de Police, Paris, 22 novembre 1941). A. 20 novembre 1941 : Date du certificat écrit par Angèle Koppe et affirmant que Simon Hercenberg vivait à la Maison Maternelle du 38 bis de la rue Manin du 1er juillet 1940 au 30 septembre 1941. (Doc., Certificat, Madame Angèle Koppe, Maison Maternelle, 38 bis rue Manin, Paris, 20 novembre 1941 ; tamponné par le Commissariat de Police du XIXe le 20 novembre 1941).

1942

A. Janvier 1942 : "I should tell you that “homologation” [with France Combatante] only begins as from January 1942, and that services rendered before that, though probably put on record in your dossiers, will not be given any consideration. This is due I understand to a decree signed by General de Gaulle which stated that “Resistance” began in January 1942. While it is obviously not the case, the decree unfortunately still stands." (Doc., Lettre de Miss Burkitt à Messieurs Hercenberg et de Cortès, I Avenue des Boufflers, Paris, 22 mars 1947). C. "Miss Burkitt faisait partie de l'ambassade britannique et était chargée d'aider les militaires démobilisés auprès des autorités françaises." (Com., Témoignage écrit, Jérusalem, 18 mai 1996).

A. 26 janvier 1942 : Lettre écrite par Simon Hercenberg à Horace Goguel de Toux, son ancien voisin de cellule à la prison de Besançon, lui annonçant sa libération. (Doc., Lettre de Horace Goguel de Toux, Authumes, 8 février 1942).

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A. 8 février 1942 : Lettre de Horace Goguel de Toux, ancien voisin de cellule de Simon Hercenberg à la prison de Besançon, lui proposant "un havre sans aucune inquiétude". (Doc., Lettre de Horace Goguel de Toux, ecrite à Authumes, 8 février 1942).

A. 1 avril 1942 : "Résistance comme Agent occasionnel des Forces Françaises Combattantes du 1.4.1942 au 30.6.1942 Réseau PAT O'LEARY." (Doc., Ministère de la défense nationale, Secrétariat d'Etat aux Forces Armées, (Terre) Direction du personnel de l'Armée de Terre; Bureau "résistance",...P.O. le Lt-Colonel Boitte, Chef du Bureau " Résistance", Paris, 26 juin 1956). C. 1 avril 1942 : A propos du Service de Renseignements de la France combattante, réseau "Bruno" à partir du 1er avril 1942 : "Le général de Gaulle ayant décrété que les réseaux de résistance ne seraient pris en considération qu'à partir du 1er janvier 1942, mon activité avant cette date n'est pas prise en considération. La raison du général de Gaulle est que la résistance ne fut vraiment structurée qu'à partir du début 1942. Le réseau « Bruno » était un service de renseignement contre les Allemands, bien que situé à l'ambassade de France à Berne". (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p.15). A. 20 avril 1942 : "Le 7 bureau du contre-espionnage Allemand de Dijon s'occupe serieusement de moi et trouve ma piste vers le 20 Avril 1942, et perquisitionne dans la maison qui me servait de P.C. a Dijon. Je suis obligé de suspendre mes activités et rentrer en Suisse ou j'emmene mon frère George a Geneve en sureté" (Doc., Lettre de Simon Hercenberg, Scarborough, 2 juillet 1943). C. "Il s'agit du deuxième bureau" (Com., communication orale, Jérusalem, 18 mai 1996). C. 2O avril 1942 : La perquisition avait eu lieu en son absence ; il en fut informé par le propriétaire du pavillon où il louait une chambre, lorsqu'il y revint. (Com., Témoignage oral, sans nom de lieu ni date). C. A propos du travail de renseignements effectué à cette époque : "Il était évidemment extrêmement dangereux d'aller se promener et de dormir dans les hôtels parce qu'il y avait souvent des contrôles dans les hôtels et dans les déplacements. C'était la grande difficulté d'avoir un endroit pour la nuit. Moi, je louais des chambres, je louais des maisons, mais pour peu de temps." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié, p. 3). C. 20 avril 1942 : A propos du travail de renseignements effectué à cette époque : "A cette époque on m'avait assigné la région de Dijon pour mon travail. Dijon était un centre important de la Gestapo, de différents états-majors et de contre-espionnage allemand. Personne ne connaissait mon adresse, dont je changeais souvent, sauf Fabien qui venait coucher chez moi quand son travail croisait le mien. Les hôtels étaient dangereux. J'avais donc prévenu les propriétaires du pavillon où je louais une chambre que mon ami (Guy était son nom à l'époque) pouvait venir dormir chez moi. J'étais à Paris lorsque Fabien m'informa qu'ayant passé chez moi, les propriétaires lui ont fait savoir que deux amis étaient venus me voir, deux grands blonds. ("Comme Fabien était le seul à connaître mon adresse, même le service [de renseignements suisse] ne la connaissait pas, j'ai tout de suite compris qu'il s'agissait de la Gestapo" Doc., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, novembre 1993, p. 6). Les indices étaient sans équivoque. Ayant des documents importants dans ma chambre, il me fallait les détruire à tout prix. Aussi je pris la résolution de revenir à Dijon. La maison étant certainement surveillée dans la journée (ce qui était le cas), je pris un train qui arrivait tard dans la nuit, ce qui me permit d'obtenir un laisser-passer (Ausweis), car il était interdit de circuler après une certaine heure. [Cela me permit d'arriver à une heure

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où la chambre n'était pas surveillée par la Gestapo.] Je brûlai les papiers dans un petit poêle qui était dans ma chambre et repartis au petit matin. [J'ai su plus tard que] la chambre avait été perquisitionnée quelque temps après. (Com., ? ; Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié, p. 3 ; Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 16-17). "Donc, le passage de Fabien à Dijon m'a sauvé la vie, mais il aurait pu être la première victime" Témoignage écrit, Lozère/Yvette, novembre 1993, p. 6-7). C. "En ce qui concerne mon activité à Dijon, j'ai eu la chance, entre autres, de manger dans un petit restaurant ouvrier où je venais régulièrement. Je sympathisais avec les gens qui étaient autour de moi. On s'asseyait tous aux mêmes tables. Il y avait parmi les gens qui étaient à côté de moi un jeune à peu près de mon âge qui était alsacien, qui parlait couramment l'allemand et qui était mécanicien dans le garage de la Gestapo, ce qui m'intéressait au plus haut point. Parce que cela me permettait d'aller le voir dans le garage, de lire les notes de service et, non seulement ça, mais même de sympathiser avec des types de la Gestapo, parce qu'il me présentait, lui, comme son ami. Ce qui fait que j'ai pu entrer là où je n'aurais pas pu entrer normalement." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié, p. 2-3). C. "Une de mes activités consistait à sympathiser avec des soldats allemands ce qui était plus facile qu'avec des officiers et aussi plus efficace sur le plan des renseignements que je recherchais. Parfois certains me demandaient des cours de français. Cette activité m'obligeait en particulier à fréquenter certains bars où ils se trouvaient. Un jour, un Français un peu éméché me prit violemment à parti alors que je discutais avec des soldats allemands. Un soldat sortit son arme et c'est à grand peine que j'évitais un drame. A un moment donné, j'habitais à Plombières-les Dijon, un village à cinq kilomètres de Dijon. Mon activité suspecte pour les Français me valait souvent une attitude agressive de la part des villageois. J'ai appris, après la Libération, que mes voisins n'osaient pas écouter la radio de Londres." (Com., Témoignage écrit, Jérusalem, 18 mai 1996). C. "J'avais réussi a emmener mon frère Georges, de cinq ans mon cadet, avec l'accord des services de renseignements" à Genève. "Mon frère fut recueilli à Genève, par une famille juive dont le père était président de la communauté juive de Genève." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié, p. 11 ; Complément par écrit au témoignage déposé au C.D.J.C., Lozère/Yvette, 27 mars 1995). A. Photo. Simon Hercenberg, (troisième à partir de la droite), son frère (premier à gauche), Fernand Demierre (second à partir de la droite), Madame Emma Demierre, et deux autres personnes. (Voir photo n° 5). A. Photo. Simon Hercenberg (au premier plan), son frère (au fond à droite), Fernand Demierre (premier à droite), Madame Emma Demierre et deux autres personnes. Le papier photo porte au verso la marque "Velox". (Voir photo n°6). C. A propos de la photo n° 5 : "Fernand Demierre, Emma, sa femme, mon frère et moi dans un parc près de Genève." Le commentaire continue en parlant des deux photos 5 et 6 : "Ces photos n'ont pas été prises le même jour ; peu de temps après l'arrivée de mon frère ? Il porte encore la veste avec laquelle il est arrivé." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, 5 juin 1997). A. Photo. Simon Hercenberg (à droite) et son frère Georges, à Genève. Le papier photo porte au verso la marque "Velox". (Voir photo n° 7). C. "Avec mon frère à Genève lors d'une de mes visites en mission". (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, 6 mai 1997). A. Photo. Simon Hercenberg (à droite) avec Fabien de Cortès. Le papier photo porte au verso la marque "Velox". (Voir photo n° 8).

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C. "Avec Fabien en Suisse ?" (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, 6 mai 1997). A. 1942 : "As the Gestapo were by now continually on the search for me and I could not be of any more use in France, it was decided and agreed with War Office to send me to the United Kingdom." (Doc., Lettre de Simon Hercenberg à Officer Commanding, Air Ministry Unit, 77 Hallam Street, London, W.1., lettre envoyée "thro' Air Liaison Officer, M.I.9./19, War Office", lieu de rédaction ?, le 17 octobre 1946 ; voir document reproduit n° 28). C. A propos de la décision de partir pour Londres : "Il est évident que notre but n'était pas de servir la Suisse qui, pour nous, avait peu d'importance. Nous voulions aller plus loin. Ce qui fait que l'accord que nous avions eu avec l'Intelligence Service, c'est que, lorsqu'ils le jugeraient opportun, ils nous permettraient de rejoindre de Gaulle en Angleterre. Finalement ils nous ont donné cet accord. Au bout d'un moment, en mai 1942, j'avais été arrêté deux fois. ("Etant recherché sous différents noms"... Doc., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 18). Les Anglais ont jugé que je pouvais rejoindre l'Angleterre si je le désirais. Les Suisses m'avaient donné la permission de rester en Suisse si j'avais voulu." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié, p. 3). C. A propos de Fabien de Cortés : "Quand je suis parti pour l'Angleterre, mon camarade ne travaillait pas tout à fait dans mon service, mais dans un service parallèle." (Témoignage oral, C.D.J.C, Paris, 15 septembre 1992, septembre, p. 7). "Mon ami Fabien avait reçu l'accord de Londres pour rejoindre l'Angleterre en même temps que moi. Mais alors qu'en mai 1942, j'avais été arrêté deux fois, Fabien, lui, ne l'avait pas encore été. Afin de ne pas perturber le travail du réseau par nos départs cumulés, il décida de reporter le sien. J'ai su par la suite qu'il avait quitté le service quelques mois après mon départ, par le réseau Pat O'Léary pour rejoindre l'Espagne. Au moment où Fabien arriva à Marseille, il y eut une vague d'arrestations dans le réseau Pat. Aussi Fabien décida d'aider ce réseau un certain temps et de retarder son départ pour l'Espagne. (Autre version : "Fabien avait voulu continuer à travailler avec le service pendant un certain temps afin de ne pas trop perturber le service avec deux départs successifs en plus des arrestations et exécutions. Au bout d'un certain temps il reçut l'accord du War Office pour venir me rejoindre en Angleterre. Il contacta le réseau Pat qui venait de subir de lourdes pertes. Aussi Fabien décida-t-il de travailler encore un peu avec lui pour convoyer des aviateurs alliés. Arrêté en cours de mission à la frontière espagnole, il est enfermé et torturé dans une prison au large de Marseille et envoyé par convoi vers l'Allemagne." Doc., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, novembre 1993). Il fut arrêté à la frontière espagnole lors d'une tentative de passer la frontière, enfermé dans une prison au large de Marseille, où il fut torturé et déporté vers l'Allemagne. Le convoi arriva à la gare de l'Est à Paris. Fabien réussit à s'évader du wagon et à se cacher chez des amis ("Nestor et Rachèle Cheret" Doc., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, novembre 1993, et oral, 4 mai 1997) dans la banlieue parisienne. Il se fit teindre en blond (il était brun), et repartit vers l'Espagne. Arrêté une deuxième fois à la frontière espagnole par la même personne qui l'avait arrêté la première fois et qui l'avait reconnu, il fut envoyé au camp de Compiègne et de là à Neuengamme. Il a été victime de son dévouement. ("S'il était passé en même temps que moi, il serait passé sans encombre" ; Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié, p. 7). Par chance, j'étais en permission à Paris lorsqu'il fut libéré. Par la suite, il collabora au groupe de I.S.9. à Paris, avec moi, pour rechercher la trace des aviateurs tombés en mission." (Com., Témoignage écrit, Jérusalem, 18 mai 1996). A. 24 avril-11 mai 1942 : Dates figurant sur le "Deposito de concentracion de miranda de ebro" au nom de "Remo Marcel" résidant à "Montreal" au "Canada". (Voir commentaire en date du 21 mai 1942).

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C. "Ce document avait été utilisé par l'Intelligence Service pour me faire sortir du camp de Miranda en Espagne. Ce document est sous un faux nom." (Com., Jérusalem, 18 mai 1996 ; cf. commentaire du 21 mai 1942). A. 7 mai 1942 : Photo de Fabien de Cortès. Au verso, elle se présente comme une carte postale. Elle porte le texte suivant : "Avec ma fraternelle affection à mon vieux Simon, en souvenir de nos tournées où régnait notre amitié la plus profonde et la plus sincère. F. de Cortès le 7mai 1942". C. "Cette photo m'a été dédicacée par Fabien à Paris ou Genève peu de temps avant mon départ pour l'Angleterre." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, 6 mai 1997).

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21 MAI 1942 - JUILLET 1942 :

DEPART DE LA SUISSE POUR LONDRES VIA GIBRALTAR.

CONVOIEMENT DE DEUX AVIATEURS CONFIES PAR LES SERVICES DE RENSEIGNEMENTS

1942

A. 21 mai 1942 : "Je quitte la Suisse le 21 Mai 42 et passe par la France « libre » pour rejoindre de Gaulle." (Doc., Lettre de Simon Hercenberg, Scarborough, 2 juillet 1943). C. "Je passai en zone libre, avec l'aide de la police suisse, sur Annemasse" (Com., Complément par écrit au témoignage déposé au C.D.J.C., Lozère/Yvette, 27 mars 1995, p. 3). A. mai 1942 : Convoiement, dans le réseau "Pat O'Leary", d'un "officier Britannique et [d'] un aviateur Polonais RAF de Geneve a Toulouse et de Toulouse a Marseille", puis "jusqu'a la frontière espagnole". Autre version : "deux aviateurs alliés de GENEVE jusquà la frontière espagnole". (Doc., Attestation, Ministère des Armées, Paris, 17 septembre 1946 ; Attestation, Bureau de recherche sur l'aide aux évadés alliés, Paris, 27 février 1946 ; voir les documents reproduits n°s 8-9). C. 21 mai 1942 : A propos du départ pour Londres : "Je partis donc de Genève, par la zone libre, en emmenant avec moi un officier britannique et un aviateur polonais. Les Services de Renseignements britanniques avaient organisé une filière de récupération des aviateurs dont les avions avaient été abattus en territoire ennemi (à cette époque, la R.A.F avait cruellement besoin d'aviateurs). Cette filière portait le nom de "réseau PAT". Son chef était un officier belge du nom de "Pat O'Leary". Il y avait un point de chute à Toulouse, où un hôtel, l'hôtel de Paris était utilisé, à cette époque, uniquement pour nos aviateurs et membres du réseau. Il y avait aussi un point de chute à Marseille, dans un appartement donnant sur le vieux port. Cet appartement était la propriété de la famille Nouveau, un des principaux membres de ce réseau. Je partis donc de Genève avec l'aide de Fernand Demierre et avec les compagnons qui m'avaient été confiés. Nous sommes passés par un cimetière qui se trouve juste à la limite de la frontière entre la Suisse et la zone libre. Je ne me souviens plus du nom de la famille dont la tombe nous servait à escalader le mur du cimetière. Pris en charge par un membre du réseau "PAT", nous fûmes conduits à Toulouse et de là à Marseille où nous sommes restés un certain temps. A Marseille nous demeurions dans l'appartement de la famille Nouveau dont le fils Jean Pierre était déjà en Angleterre et s'est illustré dans la division Leclerc. Nous ne pouvions pas sortir de l'appartement celui-ci était situé sur la Canebière. Nous pouvions suivre par les fenêtres (avec précautions) l'activité du port. De Marseille nous sommes partis vers la frontière espagnole, un autre groupe s'étant joint à nous. Je ne me souviens plus exactement du lieu de passage, mais c'était le long de l'Andorre." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 18-20). C. mai 1942 : A propos du convoiement de deux aviateurs de Genève jusqu'à la frontière espagnole : "D'ailleurs, l'organisation "Pat O'Leary", c'était sa principale activité : la récupération des aviateurs et des personnalités importantes. Lorsque j'ai passé la

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frontière vers l'Espagne j'ai eu avec moi un type qui se prétendait être un aide de camp du roi des Belges. Je n'ai jamais su si c'était vrai ou pas et il avait sur lui des bagages très lourds. Or je ne sais pas si ce gars là trimbalait simplement de l'or pour lui ; lui prétendait que c'était des documents du roi des Belges. Ce type était beaucoup plus âgé que moi ; à un moment donné il ne pouvait plus traîner ses bagages. Il disait que ses bagages étaient des documents très importants pour la Belgique alors on s'est trimbalé avec ses bagages alors que nous avions, nous, abandonné tout ce que nous avions. J'avais même une trousse de toilette que j'avais gardée avec moi que j'ai été obligé d'abandonner - je n'en pouvais plus - en passant la montagne. Donc il a fallu se trimbaler avec les bagages du gars parce qu'il nous a fait tout un cirque. Non seulement il a fallu qu'on porte ses bagages mais il a fallu aussi qu'on porte le gars parce qu'à un moment donné, vrai ou faux je n'en sais rien, ce type dit : . Il nous a fait le grand cirque. Ou bien il était vraiment à bout de forces, je ne sais pas. Et finalement, ce gars-là, on l'a porté. Comme il y avait des patrouilles qui passaient sans cesse et que les frontières n'étaient pas respectées parce que les Boches ne respectaient rien et que des fois ils faisaient des incursions même quand on était de l'autre côté, sur des territoires qui ne leur appartenaient pas, on aurait pu tomber sur une patrouille, et là nous aurions été foutus. C'est ce qui est arrivé à Fabien de Cortès." (Com., Témoignage oral, Lozère/Yvette, 13 septembre 1992 ?) "Bien qu'à cette époque (mai 1942) les troupes allemandes n'avaient pas encore occupé la zone libre, il y avait des patrouilles en civil qui contrôlaient la frontière espagnole." (Com., Jérusalem, 29 mai 1996). A. 1 juin 1942 : Arrive en Espagne. (Doc., Lettre de Simon Hercenberg, Scarborough, 2 juillet 1943). A. 1 juin 1942 : Fin de son appartenance au réseau Kléber. (Doc., voir en date du 1 avril 1941). A. 1 juin 1942 : Date à laquelle il est considéré terminer son service dans les F.F.C.I.. (Doc., Attestation du Ministère des armées, délégation F.F.C.I., Caserne de la Pépinière, Paris, 24 janvier 1947). C. "En Espagne, une partie du groupe a été arrêtée par les Espagnols et envoyée au camp de Miranda. L'Intelligence Service me remit un certificat sous un faux nom, émanant du camp de Miranda, ce qui me permit d'échapper au camp." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p.20). A. Photo de groupe. Figure au premier rang, le deuxième à partir de la droite, faisant le signe de la réussite avec son pousse pointé vers le haut. Au verso de la photo sont imprimés les mots "POSTAL" et "Regto" (?). (Voir photo n° 9). C. Commentaires au verso de la photo : a) quelques inscriptions à l'encre difficilement lisibles dont "Bar". b) au crayon : "Madrid 1942 avec un groupe de Français sortant du camp de Miranda". (Com., Témoignage écrit au verso de la photo citée ci-dessus, lieu ?, date ?). C. 10 juin 1942 : A propos du passage par l'Espagne : "Après le camp de Miranda (Com., Jérusalem, 29 mai 1996) nous avons été emmenés, vers la mi-juin, dans une pension à Barcelone. Cette pension était organisée par l'ambassade d'Angleterre et regroupait différentes personnes, militaires, aviateurs et certains civils qui avaient été acceptés par le War 0ffice. Après quelques jours dans cette pension qui se trouvait en plein centre de Barcelone, nous avons été emmenés à l'ambassade de Madrid où nous sommes restés une quinzaine de jours. L'ambassadeur à cette époque était Sir Samuel Hoare. Logés dans des locaux dans le parc de l'ambassade, nous attendions de continuer notre route sur Gibraltar. La Gestapo en civil, mais avec l'insigne de la Gestapo à la boutonnière, photographiait les allées et venues à l'ambassade, à tel point que les voitures de l'ambassade furent équipées de rideaux noirs afin que l'on ne puisse pas photographier les passagers. Suite à l'intervention de l'ambassadeur, les photographes étaient dispersés

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par la police mais revenaient peu de temps après." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993 ; Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié, p. 11 ; Doc., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, 20-21). C. A propos de l'ambassadeur Sir Samuel Hoare : "Son rôle, évidemment, en tant qu'ambassadeur, était de sauver le plus de gens possible. Nous étions échangés par les Espagnols contre des marchandises. Moi, j'ai été échangé contre du sucre, je ne sais pas, peut-être contre des boites de sardines. Malheur à ceux qui n'avaient rien à offrir. On avait la chance d'être pris en charge par les Anglais. Ce qui fait que les Espagnols relâchaient les gens au compte-goutte, au fur et à mesure de ce qu'ils pouvaient exploiter." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié, p. 4). C. 10 juillet 1942 : A propos du voyage à Gibraltar : "Je fus emmené à Gibraltar en voiture diplomatique. Nous avons été arrêtés en cours de route par la garde civile qui voulait vérifier nos identités. Après une altercation avec nos accompagnateurs, la garde finit par céder et nous laisser partir." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 22). A. 7 juillet 1942 : "Cash Payments. Date 7/7/42 Place Mission Française Amount 1/10/00". (Doc., Soldier's pay book, French forces, au nom de Hercenberg Serge). A. 10 juillet 1942 : "Arrivé à Gibraltar vers le 10 juillet 42 ou je me rends avec la mission Francais et déclare me considerer comme Francais et demande a servir comme tel." (Doc., Lettre de Simon Hercenberg, Scarborough, 2 juillet 1943). A. 15 juillet 1942 : Date supposée de l'arrestation de sa mère Clara Wengrowska. (Doc., Lettre de Simon Hercenberg, Scarborough, 2 juillet 1943). A. 16 juillet 1942 : Date de l'arrestation et de la déportation de sa mère Clara Wengrowska à Pithiviers. (Doc., Certificat, Ministère des anciens combattants et victimes de guerre, Paris, 13 novembre 1945). A. 16 juillet 1942 au 30 juillet 1942 : Date d'internement de Clara Wengrowska à Pithiviers. (Doc., Certificat, Ministère des Prisonniers, déportés et réfugiés, Direction générale des services administratifs et financiers, Direction des statistiques, Paris, adressé à "Mr. Hercenberg, R.A.F. St. Odiham ; Hants Angleterre" , 13 Novembre 1945). C. "A Gibraltar l'attente fut longue. La marine anglaise avait subi de lourdes pertes. Il fallait attendre son tour pour gagner l'Angleterre. En face de Gibraltar, à Algesiras en territoire espagnol, à peu près à une distance de cinq kilomètres, se trouvait une base de sous-marins allemands. C'était un jeu d'enfants pour les sous-marins d'attendre le départ des convois de Gibraltar et d'attaquer les convois en mer. D'autant plus que les transports de troupes étaient souvent effectués sur de vieux rafiots. Mon tour vint enfin." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, vers novembre 1993, p. 22). C. juillet 1942 : "Départ sur un vieux bateau qui était utilisé pour le transport de Londres vers l'Afrique du sud, le « Lanstephan Castle » sorti de la naphtaline à cause des évènements. Nous étions nombreux à nous entasser dans les cales, dormant sur les hamacs. Nous étions tout un groupe de Français, de Belges, et des marins anglais. Il y avait un pilote polonais qui avait été abattu deux fois et qui était revenu deux fois. Un record dans la guerre. Selon la tradition, ses affaires étaient partagées entre les membres de l'escadrille. Il fallait donc qu'il se rééquipe pour une troisième fois. Nous avons été très vite attaqués par des sous-marins. Il y avait sur le pont des canons anti-aériens et des fûts de deux cents litres d'explosif qui étaient lancés par catapulte et qui explosaient à une certaine profondeur sous l'eau. Deux bateaux de guerre anglais sont venus à notre secours. Ces bateaux nous ont escortés pendant une certaine distance et sont retournés à Gibraltar. Les sous-marins nous

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ont lâchés et nous avons pu continuer notre route en zigzag, je suppose pour éviter la route la plus dangereuse." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 22-23). C. "Nous avons mis trois semaines pour arriver en Angleterre." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié, p. 4). A. 24 juillet 1942 : Date du tampon de la poste de Pithiviers sur l'enveloppe de la lettre adressée par sa mère Clara Wengrowska à Madame Marthe : "Y a-t-il des nouvelles de ma famille. faites le moi savoir S.V.P. [à l'encre, en biais, en haut de la lettre dans un coin]. Péthiviers le 20/ Chère Madame Marthe/ Je vous écris pour vous dire que je suis à Péthiviers et je ne sais pas si je vais rester ici et je vous pris de dire à ma famille que je je suis ici depuis quelque jours chère Madame Marthe je vous pris d'aller chez ma concierge et de prendre les affaires qu'elle va vous donner je causer pas à elle de ma famille. bien le bonjour à la [changement de page] concierge je lui écrirai personnellement vous direz à ma concierge que j'ai confiance en elle parce je je n'ai rien sur moi je vous pris de me faire ce service je vous envoie le bonjour à votre fils Mme

Legrowska Je n'ai pas besoin d'argent Merci [jusqu'ici texte principal de la lettre écrit au crayon] Je suis déjà malade à force de pleurer si c'est possible faites moi le service de m'envoyer un colis pour l'argent je pense que ma fille vous en enverra et vous vous me sauverez [rajout à l'encre en bas à gauche de la lettre, de la même écriture que l'en-tête] [Sur l'enveloppe, adresse : ] Maison Maternelle Madame Marthe 38 bis rue Manin 38 bis Paris 19em [au verso, sur une languette de l'enveloppe, adresse de l'expéditeur écrite à l'encre :] Mme Wengrowski/ Baraque 12 Mle 123/ camp de Pithiviers/ (Loiret) [au verso de cette languette, côté intérieur de l'enveloppe, la languette étant déchirée et séparée de l'enveloppe :] vez-vous m'envoyer e gamelle S.V.P ar je suis dans une très mauvaise situation." (Doc., Lettre de Clara Wengrowska à Madame Marthe, camp de Pithiviers, 24 juillet 1942). C. "Cette lettre a été dictée par Clara Wengrovska à une compagne codétenue. Le français est approximatif, en particulier l'expression « ma fille » est à comprendre comme « mon fils. »" (Com., Jérusalem, 29 mai 1996).

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JUILLET 1942 - NOVEMBRE 1942 :

ARRIVEE A LONDRES.

TENTATIVE DE REJOINDRE LES FORCES FRANÇAISES COMBATTANTES.

EMISSIONS A LA B.B.C

1942

A. 1 août 1942 : "Le I Aout 42 je suis libre a Londres." (Doc., Lettre de Simon Hercenberg, Scarborough, 2 juillet 1943). A. 17 août 1942 : "Arrival in United Kingdom on 17.8.42". (Doc., Certificate of registration, Aliens Order, Londres, 1920 ?). A. 17 août 1942 : Permis d'immigration stipulant son arrivée à Londres avec l'intention de rejoindre les Forces Françaises. (Doc., Permis d'immigration, Londres, 17 août 1942 ; voir document reproduit n° 10 a-b). C. "Document établi par la police britannique à Londres sur la demande du War-Office." (Com., Jérusalem, 29 mai 1996). C. août 1942 : "Arrivés, après un voyage difficile, à Glasgow et dirigés, avec tous les nouveaux arrivants dans un centre [situé] dans un ancien collège nommé « Patriotic school » à Londres. Ce centre où je fus envoyé par Erreur (tout du moins d'après ce que l'on m'a dit avec des excuses) était destiné à filtrer les nouveaux arrivants et démasquer les espions éventuels. Moi qui avais subi les interrogatoires de la Gestapo, je fus émerveillé par le système des services de sécurité anglais. Impossible de passer à travers les mailles d'une histoire qui serait inventée. Par exemple [on vous demandait] : et ainsi de suite. L'histoire la mieux montée ne pouvait pas tenir dans le temps, car en cas de doute les interrogatoires pouvaient durer longtemps, jusqu'à la conviction de l'interrogateur de votre sincérité ou non. L'Intelligence Service vint me chercher et me logea dans un petit hôtel et me donna une solde de sous-lieutenant, étant assimilé à ce grade en attendant que je prenne une décision sur mon engagement à venir. Les services secrets me proposaient de me parachuter en France pour diriger un réseau. Les services du War Office étant très cloisonnés, les services concernant le sabotage voulaient ignorer ceux du renseignement, ce qui fait qu'un service voulait me récupérer alors qu'un autre estimait que je n'étais plus utilisable en France. (Pratiquant le vol à voile depuis l'âge de 14 ans et le vol à moteur depuis l'âge de 17 ans, Jérusalem, 29-5-1996), je rêvais de rentrer dans l'aviation, celles des Forces Françaises Libres. Aussi des difficultés que je ne soupçonnais pas allaient se faire jour. J'étais né en Pologne et arrivé en France à l'âge de un an ; je ne pouvais opter pour la nationalité française qu'à dix-huit ans, soit à la période de la guerre. Cette possibilité étant suspendue à cause des événements, je devins apatride. Les services britanniques exposèrent mon cas aux Forces Françaises Libres. Malheureusement, à un moment où les

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tensions étaient assez fortes entre de Gaulle et les Britanniques. De plus les éloges du SR britannique à mon égard ne firent que renforcer la méfiance des Français à mon encontre. Les Français me reprochaient ma collaboration avec les services britanniques, mon parcours particulier étant suspect. J'écrivis une lettre au général de Gaulle pour lui faire part de mon désir de rejoindre les F.A.F.L. (Forces Aériennes Françaises Libres), en retraçant mon parcours en France. Suite à cette lettre, je reçus une invitation à rencontrer le colonel Passy, chef du service de renseignements français et bras droit du général de Gaulle." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 24-28). A. 21 août 1942 : A écrit à Fabien de Cortès. (Doc., Lettre de Fabien de Cortès) A. 24 août 1942 : Son père Wolf Bernard Hercenberg est déporté de Drancy en Allemagne. (Doc., Certificat, Ministère des prisonniers déportés et réfugiés, Paris, 22 décembre 1945). A. 29 août 1942 : Lettre signée de Harvey annonçant qu'ils ont écrit une lettre aux F.F.C. pour présenter son cas : "Nous avons enfin pu faire le nécessaire auprès des officiers des Forces Françaises Combattantes, pour que vous leur soyez présenté. Nous leur avons écrit une lettre dans laquelle nous expliquons que vous avez rendu des services appréciables à la cause commune et que vous avez travaillé avec un de nos services suisses dans le but éventuel de regagner l'Angleterre pour vous engager aux F.F.C. Vous devrez vous présenter dans la matinée du lundi 31 courant, au numéro 10 Duke Street, qui donne sur Oxford Street, et demander le Commandant Maxwell, ou le Lieutenant Mella; vous direz que vous venez de la part du Colonel Clarke. Je pense que vous êtes ainsi assuré d'un accueil favorable. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter bonne chance." (Doc., Lettre de Harvey adressée à Simon Hercenberg, 58 Courtfield Gardens, London W.8., sans nom de lieu, 29 août 1942). C. "Lettre des Services de Renseignements britanniques" (Com., Jérusalem, 29 mai 1996). C. "Les F.F.C. désignent les Forces Françaises Combattantes, devenues par la suite les F.F.L. : Forces Françaises Libres" (Com., Jérusalem, mai 1996). A. 31 août I942 : Doit se présenter "10 Duke Street" pour être reçu par "le Commandant Maxwell ou le Lieutenant Mella". (Doc., Lettre de Harvey adressée à Simon Hercenberg, 58 Courtfield Gardens, London W.8., sans nom de lieu, 29 août 1942). C. "A notre arrivée au centre des F.F.L, chacun a reçu 10 shillings, la moitié d'une livre à l'époque. Comme la plupart d'entre nous étaient passés par les camps et les prisons, nous étions démunis de tout, parfois manquant du minimum, ne serait-ce que d'un simple mouchoir. Aussi avons nous fait demander au général de Gaulle, par des camarades qu'il avait accepté de recevoir, s'il n'était pas possible d'obtenir une petite avance pour acheter ce qui était le strict nécessaire pour nous. Après avoir exposé leurs requêtes au Général, celui-ci demanda : « Avez-vous de quoi manger ? » « Avez-vous un toit pour dormir ? » « oui, mon général ! » « Alors vous avez plus que la plupart des Français. Rompez ! » Je dois préciser qu'après le refus des F.F.L de m'accepter dans ses rangs, j'ai du rembourser les dix shillings reçus à mon arrivée. Heureusement que les services britanniques m'ont pris en charge en attendant mon incorporation dans la R.A.F. Lors de mes visites à l'état-major F.F.L situé Duke Street fin août début septembre 1942, j'ai pu voir une note signée par le général de Gaulle et affichée sur un mur : « Des incidents antisémites ayant eu lieu au sein des F.F.L, en cas de récidives je m’occuperai personnellement de ces problèmes. » (Com., Complément par écrit au témoignage déposé au C.D.J.C., Lozère/Yvette, 27 mars 1995, p. 9). C. "Les Français se méfiaient de tout ce qui venait de la part des Anglais. De Gaulle se voulait tout à fait indépendant et ne voulait pas de main mise de la part de l'Angleterre

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sur les F.F.L. Mais les F.F.L. étaient les seuls à ne pas avoir de statut officiel parmi les Alliés représentés à Londres. Légalement c'était Vichy qui représentait la France. Sauf pour les Alliés. Donc, je suis arrivé en plein milieu de la bagarre. Les Anglais ont été très chics en ce sens qu'ils ont tout à fait respecté mon désir de servir dans les F.F.L. Et les Anglais m'ont recommandé [...] chaudement à l'état-major français en leur disant que j'avais fait un certain travail en France et ils demandaient de m'accueillir convenablement. J'avais écrit à de Gaulle pour lui demander un entretien et de Gaulle m'a fait recevoir par son adjoint qui était le colonel Passy à l'époque [...]. Finalement, devant l'ambigüité des relations qu'il y avait entre les Anglais et les Français, les Français m'ont refusé. Ils m'ont dit : « Puisque vous êtes d’origine étrangère, tout ce que nous pouvons vous proposer, c’est de servir dans la Légion étrangère. » Ce que j'ai refusé. Je leur ai dit : « Non, je ne servirai pas comme étranger dans l’armée française. Si je sers à titre d’étranger, ce sera chez les étrangers, mais pas dans l’armée française. » A ce moment-là, les Anglais m'ont proposé de rentrer dans la R.A.F. Et, finalement, dans ce sens-là, ils ont été très corrects. Et tout le long de mon entraînement, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour servir dans une unité française. J'étais obstiné de servir dans une escadrille française, mais cela a été sans aucun succès. Alors de temps en temps, mon escadrille se trouvait sur le même terrain que celui où se trouvaient des Français parce qu'il y avait parfois des escadrilles de plusieurs nationalités sur le même terrain. Mais, à part ce contact, j'étais entièrement dans la R.A.F au lieu de servir dans les F.A.F.L., (Forces Aériennes Françaises Libres) ce qui était pour moi une très grande déception à l'époque." (Com., Témoignage oral C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié, p. 8-9). C. A propos de tentatives pour rejoindre une unité française pendant sa formation en Angleterre et au Canada : "J'ai côtoyé des camarades français des F.A.F.L qui souvent ont eu une attitude agressive à mon égard, ne connaissant pas mon histoire. Je portais l'uniforme de la R.A.F et avais cousu sur mes épaulettes le mot « France », ce que je n'avais pas le droit de faire. La seule fois où mon escadrille s'est trouvée sur le même terrain qu'une escadrille française c'était à Vitry-en-Artois avec le groupe Lorraine." (Com., Complément par écrit au témoignage déposé au C.D.J.C., Lozère/Yvette, 27 mars 1995, p. 8). A. Photo. Simon Hercenberg (à gauche) et trois autres personnages en habits militaires dans une salle à manger. On remarquera, sur l'épaule droite de Simon Hercenberg, la mention "France", cousue sur l'uniforme. (Voir photo n° 11). C. Au verso de la photo, au crayon : "Au mess, moi de dos, avec un Américain et deux Anglais". (Voir la photo n° 11). A. Photo. Au mess. Cette photo rappelle celle du n° 11. (Voir photo n° 11 bis, planche V). A. 21 septembre 1942 : "Je suis prié de quitter le centre d'accueil en me declerant simplement que je ne pouvais etre accepte dans les F.F.C., sans resource, je suis oblige de demander aide au service Anglais". Suite à cet événement, Simon Hercenberg écrit au Général de Gaulle pour demander à être intégré dans les F.F.C.. Il sera reçu par le Colonel Passy qui lui annoncera le refus de l'intégrer dans les F.F.C. (Doc., Lettre de Simon Hercenberg, Scarborough, 2 juillet 1943). A. 24 septembre 1942 : Lettre de Fabien de Cortès à propos d'une précédente lettre de Simon Hercenberg : "tu nous embrouilles beaucoup dans la lettre de la tante, à tel point, que nous sommes complètement désorientés et avec la lettre de Rudy qui est arrivée derrière, nous nous faisons beaucoup de souci à ton sujet. Si tu écris de nouveau, sois plus clair... Nous avons cru comprendre que tu ne serais pas dans le même emploi que Freddy et Rudy ; j'en suis très désolé pour toi." Apprend à Simon Hercenberg l'arrestation de sa mère à Pithiviers et les circonstances de l'arrestation. Il annonce à Simon Hercenberg que sa mère a été arrêtée et

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internée au camp de Pithiviers. Ne l'a pas encore annoncé à Georges [Hercenberg resté à Genève]. Laisse le soin à [Simon] de juger s'il faut l'apprendre à Georges. Demande à [Simon] son avis sur la question. Jusqu'au moment du départ de Fabien, la mère de [Simon] restait en contact avec Charles. Il lui annonce aussi que 13 membres d'un réseau sont "à l'hopital" et que lui Fabien, doit momentanément arrêter son activité. (Doc., Lettre de Fabien de Cortès à Simon Hercenberg, Genève, 24 septembre 1942). C. A propos des lettres de Simon Hercenberg à Fabien de Cortès : "La nécessité de coder tous les messages rendait les lettres difficilement compréhensibles." (Com., Témoignage oral, Lozère/Yvette, 12 septembre 1992). C. "Freddy et Rudy étaient deux amis hollandais connus à Genève. Freddy Hecht était rentré dans l'aviation hollandaise et Rudy Blatt dans un groupe de commando hollandais. Le fait que mon sort n'avait toujours pas été déterminé inquiétait mes amis à Genève." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1996). A. 24 septembre 1942 : Fabien habite à Genève 7 rue Claparède (Doc., Lettre de Fabien de Cortès à Simon Hercenberg, Genève, 24 septembre 1942). C. 24 septembre 1942 : A propos d'une lettre de Fabien de Cortès annonçant l'arrestation de ma mère Clara Wengrofska et demandant s'il fallait en parler à mon frère Georges Hercenberg : "Je n'ai pas eu le temps d'avoir plus de détails parce que Fabien a certainement été arrêté... il y a eu un trou là...Fabien a été arrêté à deux reprises." (Com., Témoignage oral, le 12 septembre 1992). L'arrestation d'une partie du réseau a fait que "les opérations de l'Intelligence Service ont dû être ralenties." (Com., Témoignage oral, Lozère/Yvette, le 12 septembre 1992) A. 26 septembre 1942 : Date d'enregistrement d'un discours donné à la B.B.C. sur le thème "Youth". (Doc., Formulaire de la B.B.C., Londres, 7 octobre 1942 ; voir document reproduit n° 11 a-b). A. Sans date : Dactylogramme qui est probablement celui du texte enregistré à la B.B.C. le 26 septembre 1942. (Doc., Texte sur papier pelure, deux pages, sans nom de lieu ni date ; voir document reproduit n° 12 a-b). C. Voir commentaire à la date du 9 novembre 1942. A. 7 octobre 1942 : Date figurant sur sa carte "Aliens Order, 1920. Certificate of registration" [page de garde]. Sur la première page : "Issued at Aro 1 London on 9th October 1942 [...] Address of Residence 106 Oaklley Rd Chelsea Arrival in United Kingdom on 17. 8. 42 Address of last Residence outside U.K. Gibraltar" A. 19 octobre 1942 : Date figurant sur sa carte du "Petit club français" à Londres. La carte porte le N° 96. (Doc., Carte de membre du "Petit club français", Londres, 19 octobre 1942 ; voir document n° 13). C. 19 octobre 1942 : A propos du « petit club français » : « Le petit club français était un club où les gens des Forces Françaises Libres se rencontraient. Ma carte porte le n° 96, donc nous n'étions pas très nombreux. Nous nous retrouvions le soir et je me retrouvais là avec toute l'équipe qui parlait à la radio, dont Maurice Schumann entre autres. Les gens devaient savoir ce qu'ils allaient dire le lendemain parce qu'il est évident qu'on ne pouvait pas dévoiler des choses secrètes. Il fallait toujours trouver quelque chose pour encourager les gens à lutter, à résister et donc on devait inventer les histoires les plus invraisemblables. Ce qui fait que les petits textes que j'ai fait pour la B.B.C. étaient faits dans ce sens-là, simplement pour encourager, pour que ceux qui écoutaient en France sachent qu'il y avait des gens qui se battaient. Chacun faisait office de barman à tour de rôle, ainsi je me suis fait servir par Maurice Schumann". (Com., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 12 septembre 1992).

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C. "Au Petit club français, il y avait une carte de Paris accrochée au mur. Chacun plantait une épingle à tête de couleur à l'endroit de son domicile parisien. Curieusement, presque toutes les épingles étaient situées dans le XVIe arrondissement. Certains membres avaient empruntés les noms des stations de métro de cet arrondissement (Passy). J'habitais rue Manin. J'ai donc planté mon épingle dans le XIXe arrondissement. Ce qui a provoqué une réaction d'un membre du club : « enfin quelqu’un qui n’habite pas le XVIe » ". (Com., Complément par écrit au témoignage déposé au C.D.J.C., Lozère/Yvette, 27 mars 1995, p. 9). A. 21 octobre 1942 : Ecrit au Général de Gaulle pour lui expliquer sa situation et lui demander d'être accepté dans l'armée française. (Doc., Lettre de Simon Hercenberg, Scarborough, 2 juillet 1943 ; Doc., Lettre du Lieutenant Colonel Passy à Serge Hercenberg, Etat-Major Particulier du Général de Gaulle, Londres, 30 octobre 1942). A. 30 octobre 1942 : Lettre du Lieut. Colonel Passy au sujet de la lettre écrite par S. Hercenberg au Général de Gaulle. Le Lieut. Colonel Passy annonce à Simon Hercenberg qu'il le recevra. (Doc., Lettre du lieutenant colonel Passy à Serge Hercenberg, Etat-Major Particulier du Général de Gaulle, Londres, 30 octobre 1942 ; voir document reproduit n° 14). A. 30 octobre 1942 : Habite chez Hecht, 155 Sussex Gardens, W.2., [Londres]. (Doc., Lettre du Lieutenant Colonel Passy à Serge Hercenberg, Etat-Major Particulier du Général de Gaulle, Londres, 30 novembre 1942). A. 4 novembre 1942 : Lettre du lieutenant colonel Passy suite à un entretien qu'il a eu avec Serge Hercenberg le matin même. Il lui confirme que n'étant pas encore naturalisé et pouvant être revendiqué par les autorités polonaises, la France ne pourrait l'engager que dans la Légion Etrangère. (Doc., Lettre du lieutenant colonel Passy à Serge Hercenberg, Londres, 4 novembre 1942 ; voir document n° 15). A. Simon Hercenberg refuse les explications données par le colonel Passy et espère réintégrer un jour les F.F.C. (Doc., Lettre de Simon Hercenberg, Scarborough, 2 juillet 1943). C. 4 novembre 1942 : "Suite à ma lettre au Général de Gaulle, j'ai été convoqué par le colonel Passy pour un entretien. Le colonel était assisté par le capitaine Wibault. Je fus interrogé sur mon activité en France. Le climat était assez tendu. Sentant une certaine suspicion à mon égard, suite à certaines remarques désagréables, je répondis que je n'avais pas de leçon de patriotisme à recevoir. Le principal reproche qui m'était fait était d'avoir servi les Anglais au lieu des Français, comme s'il suffisait à l'époque de rentrer dans le premier centre de recrutement pour s'engager. De plus, ma collaboration avec le réseau « Bruno », par le truchement de mon ami Albert Meyer qui lui, travaillait avec les Américains n'arrangea pas mes affaires. De Gaulle était très strict sur rôle joué par la résistance française, le cadre devant être maintenu avant toute chose. L'après-guerre prouva que sur ce plan là en tout cas, il avait raison. J'avais été informé par l'Intelligence Service que je pouvais rencontrer certaines difficultés et que je devais prendre certaines précautions au cas où les services français me retiendraient. Aussi, j'avais pris soin de téléphoner d'un centre d'accueil des F.F.L, à un ami hollandais, Freddy Hecht, pour lui demander de prévenir mes amis au cas où je ne l'aurais pas appelé à une certaine heure. Je savais que le téléphone de ce centre était écouté. C'était une façon de me garantir contre des surprises désagréables. Après notre entretien, le colonel Passy me proposa la Légion étrangère. Je répondis qu'étranger pour étranger, je préférais servir chez des étrangers et pas dans l'armée française.

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Les suspicions à mon égard de la part des Français me furent confirmées par la suite par un de mes amis, Gabriel Vacher, que j'avais rencontré en Espagne, alors qu' il sortait du camp de Miranda. Nous avions fait ensemble une partie de la route vers l'Angleterre sur le même bateau. Plus tard, j'ai rencontré Gabriel Vacher dans le métro à Londres. Il était en uniforme de l'armée de terre, accompagné d'une autre personne. Je suis allé le saluer. Gabriel me répondit sèchement, se limitant à une réponse très formelle. Je le revis seul, à Londres, quelque temps plus tard, et lui demandais les raisons de son attitude. Il me répondit que j'étais catalogué comme une personne dangereuse dont il fallait se méfier. Dans le métro, il était accompagné d'un membre du Service de Renseignement français. Gabriel avait été enrôlé dans un service de sabotage et allait être parachuté en France. Suite à l'impossibilité de servir dans les Forces Françaises Combattantes selon mon désir, les services britanniques me laissèrent le choix soit de rejoindre ma famille aux USA, soit de prendre un emploi en Angleterre ou de rentrer dans l'armée anglaise. Mon désir était de rentrer dans la R.A.F, ce qui n'était pas facile pour un étranger. Le règlement de la R.A.F exigeait la nationalité britannique, sauf pour les alliés dont les escadrilles étaient intégrées dans la R.A.F. De plus, les Anglais me firent remarquer que les Polonais dont le gouvernement légal était à Londres pouvaient me revendiquer comme Polonais et m'enrôler dans l'armée polonaise. Il me fallait donc un papier des autorités polonaises spécifiant qu'elles renonçaient à me réclamer comme polonais. Heureusement les polonais avaient déjà assez de juifs dans leur armée et je n'ai pas eu trop de difficultés à obtenir ce papier de l'attaché militaire. Surtout quand je lui ai dit que je préférais servir chez les papous que dans l'armée polonaise." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 28-32). A. 4 novembre 1942 : Habite chez Hecht, 155 Sussex Gardens, W.2., Londres. (Doc., Lettre du Lieutenant Colonel Passy à Serge Hercenberg, Etat-Major Particulier du Général de Gaulle, Londres, 4 novembre 1942). A. 9 novembre 1942 : Date d'enregistrement d'un discours donné à la B.B.C. sur le thème : "Un étudiant parisien rallie la F.F.C." (Doc., Formulaire de la B.B.C., Londres, 10 novembre 1942 ; voir document n° 16 a-b). A. Sans date : Dactylogramme d'un texte qui pourrait être celui enregistré à la B.B.C. le 9 novembre 1942. (Doc., Texte sur papier pelure, deux pages, sans nom de lieu ni date ; voir document reproduit n° 17 a-b). A. Sans date : Dactylogramme d'un texte qui ressemble en partie à celui cité ci-dessus. (Doc., Texte sur papier pelure, sans nom de lieu ni date ; voir document reproduit n° 17 c). A. Sans date : Deux autres textes, se présentant d'un façon identique à ceux cités aux dates du 26 septembre et 9 novembre 1942, et qui sont donc probablement des textes destinés à être lus à la B.B.C., figurent dans les archives de Simon Hercenberg. L'un porte sur la bataille de Stalingrad et les "petits avions appelés « boites d’allumettes »" utilisés par les Alliés dans cette bataille. (Doc., Texte sur papier pelure, deux pages, sans nom de lieu ni date ; voir document reproduit n° 18 a-b). L'autre porte sur les différents avions employés par la R.A.F. (Doc., Texte sur papier pelure, deux pages, sans nom de lieu ni date ; voir document reproduit n°19 a-b). C. Septembre-novembre 1942 : "La B.B.C. me demanda de parler dans le cadre de l'émission intitulée : « Les Français parlent aux français ». Après une deuxième émission, la B.B.C. me proposa de m'embaucher comme correspondant de guerre (cela, bien sûr, avant mon engagement dans la R.A.F.). (Com., Complément par écrit au témoignage déposé au C.D.J.C., Lozère/Yvette, 27 mars 1995, p. 9) ce que je refusais voulant à tout prix rejoindre une unité combattante." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, 32-33).

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10 NOVEMBRE 1942 - 4 OCTOBRE 1944 :

ENGAGEMENT DANS LA R.A.F.

CADET ELEVE NAVIGUANT.

FORMATION EN ANGLETERRE PUIS AU CANADA COMME BOMBARDIER ET MITRAILLEUR

1942

A. 10 novembre 1942 : Convoqué au "Euston Combined Recruting Centre, Royal Air Force" "with reference to your application for enlistment into the Royal Air Force Volunteer Reserve". (Doc., Convocation, Euston Combined Recruiting Center, 10 novembre 1942). A. 23 novembre 1942 : Enrôlement dans la R.A.F. "Date of enlistment 23rd November 1942 Branch of Air Force in which enlisted R.A.F.V.R." (Doc., Royal Air Force, Brief statement of service and certificate of discharge of Hercenberg, sans date). A. 23 novembre 1942 : "Date of Attestation" figurant sur son "Airman's service book", p. 2. (Doc., Royal Air Force, Airman's service book, ouvert le 23 novembre 1943 ; voir document n° 20 a-b). A. 23 novembre 1942 : A cette date est inscrit au grade de "AC 2". (Doc., Royal Air Force, Airman's service book ; voir document n° 20). C. 23 novembre 1942 : A propos du grade : grade de simple soldat. (Com., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 8 septembre 1992). A. 23 novembre 1942 : A la rubrique "Name, Address, and Relationship of Person to be informed of casualties" inscrit en haut, "mother Living in Paris" et en bas "Friend, Mr. F Hecht c/o Dutch Club 23 Hyde Park London W.1." (Doc., Royal Air Force, Airman's service book, 23 novembre 1942 ; voir document n° 20). C. 23 novembre 1942 : A propos de l'indication "mère" comme personne à prévenir : "J'ai marqué « mother ». A l'époque je ne savais rien. La seule chose que je remarque c'est ça, si tu veux, voilà ce que j'avais donné comme indication alors que je ne savais rien." (Doc., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 8 septembre 1992.) A. 23 novembre 1942 : Date à laquelle il rejoint la R.A.F. N° d'immatriculation : 1811904. Engagé dans R.A.F.V.R., qualifié comme "Air Gunner" le 8 septembre 1944. Libéré comme interprète. (Doc., Lettre de Simon Hercenberg, Scarborough, 2 juillet 1943 ; Doc., Royal Air Force, Airman's Service Book, 23 novembre 1942 ; Doc., Paris, The Royal Air Forces Association, 12 Rond-Point des Champs-Elysées, Paris VIIIe, 23 mai 1951 ). A. novembre 1942 : "I joined the R.A.F. in November 1942, volunteering for aircrew duties. I was sent to Canada for training and returned to this country in October, 1944,

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being posted to N° 1 F.P.U. and sent to the Continent for operational duties up to July 1945." (Doc., Lettre de Simon Hercenberg à Officer Commanding, Air Ministry Unit, 77 Hallam Street, London, W.1., lettre envoyée "thro' Air Liaison Officer, M.I.9./19, War Office", lieu de rédaction ?, 17 octobre 1946 ; voir document reproduit n° 28.) C. 23 novembre 1942 : "Avec l'aide des Services de Renseignements britanniques, je me suis enfin intégré dans la R.A.F. Après les classes communes à tous les appelés de la R.A.F., je suis accepté dans les « cadets », comme élève naviguant, ce qui me permet entre autres de retrouver des groupes de Français, entraînés par la R.A.F., tout en portant l'uniforme français des F.A.F.L. (Forces Aériennes Françaises Libres). Ces groupes étaient composés, en plus des Anglais, de Français, Belges, Hollandais, Polonais et même d'un Luxembourgeois qui, faute d'aviation luxembourgeoise, avait été détaché dans une unité belge. Il avait l'avantage de passer ses permissions chez la Grande Duchesse du Luxembourg dont la résidence était à Londres. Pour ma part, étant dans une situation hybride, je devais rechercher les clubs réservés en général aux nationaux de chaque pays. Ceux qui voulaient bien m'accepter, les Canadiens, étaient assez accueillants. Sans compter les invitations dans les familles anglaises. Vint une période d'examens médicaux et techniques où à chaque étape certains d'entre nous étaient éliminés et retournés comme rampants, épreuve que tout le monde redoutait. (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p. 33-34). A. Photo. Photo de groupe. Est au premier rang, le troisième à partir de la droite. Sur la photo, tampon de photographe : "Walkers Studios Ltd, St Thomas Street, Scarborough" (Voir photo n° 10). C. "Unité de l'Ecole des Cadets où je viens d'être admis, distinguée par la ceinture blanche et le triangle blanc sur le képi. Ceux qui ont déjà le diplôme, [ils portent une] aile [sur leur uniforme], veulent tenter leur chance comme pilote. Il y a deux français F.A.F.L. au deuxième rang." (Com., Témoignage écrit au verso de la photo, lieu ?, date ?). A. Photo. En uniforme français. (Au verso, la photo porte le tampon : "Seamans studios, 32 Saint Nicholas Cliff, Scarborough"). (Photo n° 12). C. "Lors d'une partie de mes cours à Scarborough, (Angleterre) il y avait un certain nombre de Français dans mon unité de cadets, détachés par les F.A.F.L. pour leurs formations. Ils étaient en uniformes français. Un de mes camarades m'avait prêté son uniforme pour me faire photographier. A défaut de pouvoir rejoindre une escadrille française, j'en avais au moins l'illusion." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, 6 mai 1997). C. 23 novembre 1942 : A propos de toute la période de l'entraînement en Angleterre : "Une partie de l'entraînement se faisait en Angleterre. Mais en ce qui concerne les exercices de bombardement, on ne pouvait pas les faire en Angleterre parce que l'Angleterre, c'est pas très grand. Toutes les escadrilles en partaient et on ne pouvait pas interférer avec les missions. Ce qui fait que pour les exercices de bombardement et de mitraillage je suis parti au Canada. Mais j'ai fait une partie de l'entraînement en Angleterre : I.T.W. « Initial Training Wing" à Harrogate. C'est là que nous avons fait tous les cours techniques. Ce n'est qu'après qu'on partait au Canada ou aux Etats Unis pour apprendre à bombarder, à mitrailler. Les cours élémentaires de pilotage étaient faits en Angleterre à Sywel. Enrôlé dans la R.A.F. le 23 novembre 1942, Simon Hercenberg commença son entraînement peu de temps après. "Ça se passait de la façon suivante : d'abord tu rentrais dans la R.A.F. comme tu rentrais dans l'armée ou dans la marine. Il y avait un tronc commun. Tu faisais ce qu'ils appellent « les classes » qui étaient les mêmes pour tout le monde. Après, en fonction de ta demande tu passais des examens pour être sélectionné pour tel ou tel truc que tu désirais... Tu passais ces examens avant d'être accepté comme cadet élève navigant et là tu suivais des cours avec des examens successifs. Ce qui fait que sur cent types au départ qui étaient acceptés, il n'y en avait que quinze qui finissaient

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comme navigants soit pour des raisons d'inaptitude physique soit pour avoir obtenu des notes trop faibles aux examens ou exercices. Sur ces quinze pour cent tout le monde voulait être chasseur, ce qui était l'aristocratie. Mais il est évident que, pour être chasseur il fallait des qualités tout à fait exceptionnelles d'une part et d'autre part on avait besoin de peu de chasseurs par rapport à tout le reste. Parce qu'il fallait des pilotes, des second pilotes, des mécaniciens, des radios, des navigateurs, toutes sortes de spécialités qui faisaient partie du personnel navigant. Donc tu étais sélectionné en fonction des besoins du moment. Ce qui a été terrible pour les pilotes, c'est ceux qui ont été sélectionnés à la fin comme pilotes de planeurs parce que pilote de planeur tu ne volais qu'une seule fois. Quand tu descendais c'était fini. Une bonne partie s'est cassé la gueule en atterrissant. La plupart n'a fait qu'une seule mission." (Com., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 8 septembre 1992.) C. 1942 : A propos de toute la période anglaise : "Les escadrilles alliées étaient privilégiées. En particulier, elles pouvaient habiter, lors de transferts, à Londres, dans une résidence de luxe nommée « Allied Squadron » à « Abbey Lodge ». Cette résidence donnait sur « Regents Park ». Quand j'avais une permission, comme je n'avais pas assez d'argent pour aller à l'hôtel, je ne pouvais aller que dans des clubs militaires. Et comme je ne pouvais pas aller dans ceux réservés pour la France, parce que je n'étais pas dans les Forces françaises, j'avais le choix entre les clubs anglais ou les clubs canadiens à Londres. C'était des clubs militaires. Aussi confortables qu'ils aient été évidemment, ça n'avait rien à voir avec un hôtel. C'était pour les militaires. C'était à des prix abordables, où on pouvait manger, se doucher. Je ne disposais que de ma paye... on avait vraiment très peu d'argent." (Com., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 8 septembre 1992)

1943 A. 15-18 janvier (1943 ?) : Participe à une pièce de théâtre sous le nom de "Sgt. Pierre Cartier" (Doc., Programme de la Représentation, Harrogate, 15-18 janvier [1943 ?] ; voir document reproduit n° 21 a-b, montrant les deux faces du programme). A. 15-18 (?) janvier 1943 : Comptes-rendus dans la presse anglaise concernant la pièce de théatre ci-dessus. Quatre découpes différentes figurent dans les archives de Simon Hercenberg. Aucune n'est datée et une seule porte un nom de journal, celui du "Daily Telegraph". (Doc., Découpe de journal avec l'indication "Daily Telegraph Reporter", sans date ; voir document reproduit n° 21 c). C. "La pièce « Men in Shadow » de Mary Hayley Bell avait eu un grand succès à Londres [où elle avait été jouée par des professionnels ; Com., Témoignage oral, téléphone, 2 juin 1997]. La R.A.F. a repris cette pièce [à Harrogate, où elle fut jouée par des amateurs, dont Simon Hercenberg ; Com., Témoignage oral, ibidem] dans le cadre de son "Benevolent Fund" qui était un fond d'entraide de la R.A.F. Elle l'a faite jouer par des membres de la R.A.F. La pièce se situe dans une ferme sur la côte française où la Résistance française cache des soldats anglais. Dans la pièce, sous le nom de Pierre Cartier - qui fut l'un de mes noms d'emprunt - je joue le rôle d'un résistant français appelé "Moy". Les services de sécurité de la R.A.F. avaient exigé que mon véritable nom n'apparaisse pas. Les textes communiqués à la presse et reproduits par celle-ci sont ceux de la R.A.F." (Com., Jérusalem, 1 juin 1996). A. 8 février 1943 : "J'ai enfin reçu des nouvelles de votre ami. Ce n'est pas grand chose, mais en tout cas c'est réconfortant. Il paraît qu'il a abandonné son projet de passer la frontière, et, reste dans le pays qu'il a adopté sain et sauf*, et travaillant toujours. [annotation au crayon : ] * au moins au dernier contact, premiers décembre. C. Holding" (Doc., Lettre de C. Holding adressée à un "Cher ami", lettre à en-tête du "War Office (Room 900) Whitehall, S.W.1.", 8 février 1943).

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C. 8 février 1943 : A propos de Holding : Holding était le contact de Simon Hercenberg à l'Intelligence Service. Il était officier des services de renseignements, chargé de la France. Simon Hercenberg lui avait demandé de lui donner des renseignements sur Fabien de Cortès qui aurait dû le rejoindre en Angleterre. Mais il s'était fait arrêter et déporter. "Je me suis aperçu par la suite qu'ils m'avaient menti. Fabien avait été arrêté. Et simplement, ils n'ont pas voulu le dire." (Com., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 12 septembre 1992) A. 14 février 1943 : Mention "N.V.C." à la rubrique « medical clasification » dans son "Airman's Service Book". (Doc., Royal Air Force, Airman's service book). C. 14 février 1943 : A propos de "N.V.C." : « Night vision classification ». Il s'agit d'un examen final pour sélectionner ceux qui avaient une bonne vision de nuit ce qui n'était pas le cas de tout le monde. C'était mon cas et j'avais été sélectionné pour les vols de nuit." (Doc., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 8 septembre 1992.) A. 20 mars 1943 : Manifestation de solidarité nationale à Kingsway Hall, London W.C.2 Intitulé du programme : "France combattante Association Les Français de Grande-Bretagne 20 mars 1943 1000e Jour de la lutte du Peuple Français pour sa libération". C. 20 mars 1943 : A propos de la manifestation à Kingsway Hall : Simon Hercenberg y assiste. (Com., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 8 septembre 1992 ; Com., Témoignage oral, Lozère/Yvette, 30 août 1992). A. 30 juin 1943 : Première enveloppe conservée envoyée par Georges Hercenberg depuis Genève à Simon Hercenberg à Londres. (Voir document reproduit n° 22 a-b). Elle est adressée à "Monsieur Serge Croix-Rouge française bureau Messages 25 Belgrave Square Londres". Elle porte le cachet de la poste de Genève avec l'indication partiellement lisible : "Pla" [...]. Différents numéros sont portés sur l'enveloppe. Le nom de l'expéditeur, au verso de l'enveloppe est : "Fernand Georges C/o Les Hauts Crêts Cologny Genève". Elle porte, collée au recto et au verso, les marques des censures anglaise (" P.C. 90 opened by examiner 747") et allemande. La marque de la censure allemande est difficilement lisible. Elle se laisse déchiffrer par celle figurant au verso d'une autre enveloppe, du 25 avril 1944 (voir document partiellement reproduit n° 22 c). On lit : d'une part "Oberkommando der Wehrmacht geprüft" à côté de l'insigne de la Wehrmacht et d'autre part "Geöffnet" D'autres enveloppes adressées depuis Genève par Georges Hercenberg à Simon Hercenberg à Londres de façons similaires à celle de l'enveloppe du 30 juin 1943 sont datées des : 15 juillet 1943 (voir document reproduit 22 d-e), 8 mars 1944, 6 avril 1944 et 6 janvier 1945. Sur une enveloppe, datée du 25 avril 1944 on ne voit pas de nom d'expéditeur (voir document partiellement reproduit n° 22 c). Trois autres enveloppes, toutes de Georges Hercenberg, ne peuvent être datées, car les timbres ont été enlevés. Certaines enveloppes portent les deux censures, anglaise et allemande, d'autres la censure anglaise seulement. Sauf exception, les lettres qui étaient dans ces enveloppes ne sont pas conservées. C. 30 juin 1943 : A propos de la lettre de Georges Hercenberg : "La Croix Rouge ne connaissait pas l'identité de Simon Hercenberg. Elle distribuait les messages aux soldats selon des noms d'emprunt. (« Serge », Com., Complément par écrit au témoignage déposé au C.D.J.C., Lozère/Yvette, 27 mars 1995, p. 9). Mais comme mon périple en Angleterre était très mouvementé - je ne restais jamais plus de 3 mois au même endroit, et parfois les départs étaient précipités- cette correspondance était hachée, et je ne pouvais l'avoir que lorsque je revenais à Londres. Ce qui n'était quand même pas très souvent. Donc il y a eu des trous énormes dans la correspondance. Ces lettres souvent portent la trace de la censure à la fois anglaise et allemande et je n'arrive pas à comprendre comment les Allemands ont pu intercepter ces lettres du fait qu'elles partaient de Suisse. Alors je ne sais pas à quel endroit elles étaient interceptées mais en tout cas les marques des Allemands sont évidentes et ces lettres étaient lues par les uns comme par les autres. Donc

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on ne pouvait dire grand chose." (Com., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 12 septembre 1992). "J'ai envoyé des lettres d'Angleterre en Suisse, là aussi, je ne sais pas par où çà passait." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié, p. 11). A. 2 juillet 1943 : Est à Scarborough. (Doc., Lettre de Simon Hercenberg, Scarborough, 2 juillet 1943). A. 27 septembre 1943 : Enveloppe postée à Londres adressée à "Cadet S. Hercenberg 1811904 R.A.F. Station, Sywell, Northampton". Elle contient une lettre de Holding qui lui fait part de son anxiété au sujet de son "ami" [Fabien de Cortès]. "Je sais qu'il est parti pour venir ici ; mais nous n'avons aucunes nouvelles de lui, et ne savons pas où il est". (Doc., Lettre de C. Holding adressée à un "Cher ami", lettre du 27 septembre postée à Londres le 28 septembre 1943). A. 25 novembre 1943 : Lettre de Georges Hercenberg à Simon Hercenberg dans laquelle il parle des "géôliers" de sa mère et de l'insupportable pensée de pouvoir ne jamais la revoir. (Doc., Lettre de Georges Hercenberg à Simon Hercenberg, Genève, 25 novembre 1943).

A. 1 décembre 1943 : Début de la période passée au Canada (Doc., Royal Air Force, service and release book). C. "Après une période de travail intense d'entraînement, appelée I.T.W (Initial Training Wing), nous avons été désignés pour partir au Canada et aux U.S.A. de façon à continuer l'entraînement dans les spécialités dans lesquelles nous étions sélectionnés. Après une période de cours, d'examens, de vol, que j'ai eu la chance de faire avec des Français, Belges, en plus des anglais, le groupe a été désigné pour partir pour le Canada, de façon à procéder à notre formation finale. Nous avons été tout d'abord envoyés à Manchester dans un parc et logés dans des tentes, en attendant un bateau. En plus de l'inconfort des tentes, le brouillard et la pluie faisaient partie de notre quotidien. C'était une période où la marine alliée avait subie de lourdes pertes. Les sous-marins allemands contrôlaient les grandes voies maritimes. Les départs étaient rares et l'ennui dominait nos journées. Enfin un départ fut annoncé mais mon nom ne figurait pas sur la liste des partants alors que nombre de mes camarades y figuraient. J'allais voir le commandant pour lui faire part de ma déception de ne pas faire partie de cette liste et lui expliquai mon parcours et ma hâte de combattre. Mais il n'y eut rien à faire. En bon Anglais, il ne connaissait que le règlement et je devais attendre mon tour. Quelques jours après le départ de ce groupe, je revis des cadets qui en avaient fait partie. Ils m'expliquèrent que le bateau avait été coulé et seules quelques personnes avaient pu être sauvées. Il faut dire que ces convois étaient particulièrement visés car il s'agissait des futurs équipages de la R.A.F. Enfin mon tour vint. Je partis sur le « Queen Elizabeth » paquebot impressionnant, transformé pour les transports de troupes. Une véritable tour de Babel s'y trouvait, composée d'Américains, de Belges, de Polonais, de Tchèques, de Hollandais et de Français, bien sûr. Toutes les armes étaient confondues, en partance pour leurs entraînements spécifiques. Nous sommes arrivés à New-York et de là un train emmena les cadets de la R.A.F. vers Moncton, dans le nouveau Brunswick, au nord-est du Canada, près du Golfe du Saint Laurent. Le voyage avait duré deux jours et demi, avec arrêt dans des petites gares où on pouvait descendre et faire des achats dans les magasins près de la gare. Je ne fus jamais aussi populaire auprès de mes camarades, car il fallait parler français chez les commerçants. Les exercices de tirs à la mitrailleuse et de bombardements, en plus des cours techniques, des vols et entraînements sur simulateurs se succédaient à un rythme effréné. Les bombardements se faisaient sur des cibles sur le lac de Toronto et sur l'estuaire du Saint Laurent (soixante kilomètres de large à l'embouchure). Ils étaient notés avec des moyennes éliminatoires. On avait droit à trente mètres d'écart dans les bombardements.

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("Les Américains avaient surtout des missions de bombardement lourd ; cela s'appelait des forteresses volantes. Ils avaient un système qui s'appelait : « Carpet bombing » : tout ce qui était dans un rectangle désigné était à bombarder. Nous, nous avions une approche totalement différente du bombardement. A tel point que les gens redoutaient beaucoup plus les Américains que les Anglais." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1995, dactylographié, p. 11 ; Complément par écrit au témoignage déposé au C.D.J.C., Lozère/Yvette, 27 mars 1995). Et les tirs à la mitrailleuse se faisaient dans une manche à air tirée par un avion, ce qui comptait était le nombre d'impacts. J'ai coupé le câble de cette manche à air à deux reprises. Chaque élève avait des balles de couleurs différentes ce qui permettait d'apprécier le tir de chacun après l'exercice. Au cours de permissions, j'ai pu faire la connaissance de notre famille américaine, la sœur de ma mère, Mrs Plotsky, devenue Plat. Ils habitaient une propriété au large de New-York, à la campagne. L'oncle avait une affaire de boulangerie industrielle. Et les cousins, deux filles et un garçon, continuaient leurs études. Heureusement, j'avais retenu l'adresse et nous avions correspondu depuis l'Angleterre. Les retrouvailles furent émouvantes. Ma tante n'avait pas revu sa sœur depuis son départ de Varsovie. Je n'avais pas d'autres informations à donner, si ce n'est que mes parents avaient été arrêtés, sans connaître le tragique dénouement de leurs sorts. Les permissions étaient trop courtes pour que je puisse faire le tour du reste de ma famille, des cousins de ma mère. Des cousins avaient une chaîne de magasins portant le nom de "Wenga". Un autre cousin était pianiste et s'appelait "Moore". Un autre avait une cafétéria. Au cours d'une autre permission j'ai pu retrouver les Guinsbourg qui logeaient dans un trois pièces à New-York, après avoir quitté leur hôtel particulier de l'avenue d'Iéna à Paris. Pendant ma permission j'ai été reçu royalement par eux et des amis à eux, Monsieur et Madame Gugenheim, qui habitaient un grand appartement à Park Avenue, avec maître d'hôtel français et personnel."(Doc., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, septembre 1993, p.34-40).

1944 A. 29 février - 2 septembre 1944 : Exercices de "Air Bomber" et de "A.G" [Air gunner] enregistrés à "Unit No. 1 Bombing and Gunnery School, JARVIS, Ont." et à "No. 1 Air Observer School, MALTON, Ontario". (Doc., Royal Canadian Air Force, "Flying Log Book for Aircrew other than Pilot", pour les premières pages voir document reproduit n° 23 a-b). C. 29 février-26 mai 1944 : A propos de "Air Observer School" et de son enseignement sur les missions d'observation : "A un moment donné, j'ai été envoyé dans cette école d'observation qui se trouve à Malton, Ontario, qui était près de Toronto : "N°1 Air Observer School". "Et là, c'était un exercice de reconnaissance de nuit "Night map reading". Je n'ai pas eu de chance puisque j'ai été sélectionné pour les bombardements de nuit, à cause de la vision particulière que j'avais la nuit. Donc j'étais surtout spécialisé là-dedans. (Com., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 8 septembre 1992) C. A propos des missions d'observation et de leur préparation dans le « Briefing room » : "Quand l'état-major a choisi un but de bombardement [,..], on envoie des observateurs sur place, qui prennent des photos, déterminent comment approcher ce but pour donner des directives aux escadrilles. Avant de choisir un lieu on envoie souvent des observateurs [...]. Quand un bombardement est décidé, les équipages sont appelés dans une pièce qui s'appelle « Briefing Room »". (Com., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 8 septembre 1992). "Là, il y avait un officier des Services de Renseignements qui nous donnait tous les détails de la mission que nous allions accomplir. Si possible avec des photos, parfois avec des maquettes et parfois, simplement avec un dessin pour connaître l'objectif que nous devions attaquer. C'était très important d'avoir des photos pour que les équipages puissent reconnaître exactement ce que nous avions à faire. Après cela nous allions prendre quelque chose au mess puis partions en mission. Mais dès qu'une mission était déterminée, cela se passait dans un temps très court. Le terrain

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était hermétiquement fermé. Personne ne pouvait entrer ou sortir. Toutes les communications téléphoniques étaient interrompues pour qu'il ne puisse pas y avoir de fuites. Nous étions prévenus très peu de temps avant les missions. Donc, les missions de reconnaissance étaient très importantes, parce que plus on avait de détails sur les objectifs à atteindre, plus les bombardements pouvaient être efficaces." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1992, dactylographié, p. 11). C. A propos des missions d'observation : "L'observateur est souvent envoyé après le bombardement pour prendre des photos, pour voir quels sont les dégâts qui ont été causés et voir l'efficacité du bombardement car les fumées et explosions ne permettaient pas d'avoir une idée exacte des dégâts causés." (Com., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 8 septembre 1992.) C. 29 février-26 mai 1944 : Suite de l'enregistrement concernant "Observer School" à propos du rôle du bombardier : "Le bombardier était chargé de faire les derniers calculs et les corrections avant bombardement. On avait un appareil où il fallait faire les calculs au dernier moment parce que c'est des choses qu'on ne pouvait pas faire avant dans ce sens que nous n'avions pas les renseignements météo qu'on a maintenant. Il fallait déterminer beaucoup de choses nous-mêmes : la pression atmosphérique, l'altitude, la direction du vent, parfois des vents contraires, ce qui donnait une certaine dérive. En fonction des calculs que nous faisions, on donnait les corrections au pilote et nous déterminions le moment du bombardement. A ce moment-là le bombardier était chargé de l'opération c'est-à-dire du bombardement lui-même. C'est lui qui appuyait sur une espèce de poire qui lâchait les bombes. Parfois il fallait revenir sur le but et refaire un tour. Parfois, dès que l'opération était terminée, on rendait l'autonomie au pilote qui recevait les indications du navigateur pour retourner à la base. Dans nos calculs il fallait prendre en considération la pression atmosphérique, la dérive, la température et les corrections magnétiques. Le plus difficile était de se concentrer sur son boulot en voyant - le bombardier en général était couché dans le nez de l'appareil – toute la « flack » qui te tirait dessus. Tu voyais les trucs qui montaient vers toi et il ne fallait pas te laisser distraire par le feu d'artifice qu'il y avait. Il fallait rester calme et continuer à calculer juste. Le pilote était au-dessus. Nous communiquions avec un interphone. On ne pouvait pas se parler de bouche à oreille dans ce sens qu'on n'entendait rien. Le pilote appliquait les corrections que le bombardier lui donnait. Le nez de l'avion était en plexiglas. Du poste de bombardier il y avait une visibilité totale. On voyait beaucoup plus que le pilote lui-même. Le pilote avait une vue horizontale, mais le bombardier avait une vue verticale, vers le sol. Cette vue était nécessaire pour le bombardement. Pas avec les moyens d'aujourd'hui. Parce que j'ai vu la guerre du Golfe. Ils envoyaient un rayon sur le but et puis la bombe suivait la trajectoire du rayon. Il n'y avait plus aucune Erreur possible. Tandis que nous, le vent jouait, la température jouait, la pression atmosphérique jouait, ce qui fait que parfois pour toucher un truc il fallait l'arroser de je ne sais combien de bombes. Quand le bombardement était terminé, le navigateur donnait la correction pour le chemin du retour. Mais il y avait la « flack », la défense anti-aérienne allemande. Pour arriver à définir notre position il fallait qu'ils tirent au moins trois coups : pour déterminer notre direction, notre altitude et notre vitesse. Ce qui fait que lorsque nous étions attaqués il fallait constamment changer de cap pour essayer de déjouer la défense anti-aérienne, il fallait changer d'altitude. C'était tout un jeu de cache-cache qui dépendait de la densité de la défense aérienne. Il y avait des endroits où la densité était très grande et là on avait peu de chances de s'en sortir. Tout le long de la côte il y avait une ceinture d'une cinquantaine de kilomètres de large, d'une densité tout à fait particulière. Lorsque nous partions, que nous arrivions à passer cette ceinture, la « flack » nous attendait au retour. Ils savaient à peu près à quel moment on reviendrait. Le tout pour nous était de déjouer leur attention, de changer de cap, ce qui n'était pas toujours facile parce qu'on revenait toujours au même endroit. On revenait à notre terrain, à notre base. Nous étions aussi limités du point de vue de l'essence. Il fallait calculer en fonction de nos réserves d'essence parce qu'à ce moment-là il n'y avait pas de ravitaillement en vol. Il fallait que tu reviennes avec tes propres réserves. Il fallait essayer de rester dans une certaine marge de sécurité. Maintenant, si l'avion était touché

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mais qu'il pouvait continuer à se traîner d'autres problèmes se posaient dans ce sens que notre vitesse à ce moment-là était réduite, la consommation était plus grande. Du point de vue aérodynamique, tout dépendait de la façon dont l'avion avait été touché. Là c'était un coup de pot, si tu arrivais ou si tu n'arrivais pas. Mon avion a été touché une fois. Les formations étaient déterminées à l'avance. Parfois plusieurs formations se retrouvaient en un point déterminé où elles se regroupaient et parfois c'était une seule escadrille qui avait une mission à accomplir. La règle générale était que lorsque l'avion qui était devant était descendu, tu devais prendre sa place. C'est-à-dire que tu te rangeais dans la formation en prenant sa place de façon à ce que la formation garde une certaine cohérence. Une fois un bombardier lourd a été touché et il est revenu à la base en se traînant lamentablement -je ne me souviens plus si c'était un quadrimoteur. Les manoeuvres ne marchaient plus très bien, des commandes avaient été touchées. Quand le bombardier s'est posé, la queue a touché en premier le sol, la queue s'est cassée. Dans la queue il y avait un mitrailleur. Les cabines de mitrailleurs étaient commandées par un système hydraulique. C'est-à-dire que tu avais juste la place du siège du mitrailleur. Pour sortir du poste de mitrailleur il fallait faire tourner la tourelle pour pouvoir rejoindre le reste de l'équipage. La queue a cassé. Et le type était coincé dans son poste de mitrailleur. Le reste de l'avion a continué. Il a explosé. Tous les types sont morts carbonisés. Le seul type qui s'est sauvé, finalement, c'était le mitrailleur qui était dans la tourelle arrière. Il a compris qu'il se passait quelque chose d'anormal mais il était coincé, il ne pouvait pas voir ce qui se passait derrière. C'est le seul type qui s'en est sorti." (Com., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette,, 8- 13 septembre 1992) A. 21 avril 1944 : "This is to certify that Hercenberg , P. has qualified as Air Bomber (Arm) with effect from April 21st 1944" "Unit N° 1 B G School" (Doc., Royal Canadian Air Force, "Flying Log Book for Aircrew other than Pilot", à la page "Certificates of Qualification" ; voir document reproduit n° 23 a). A. 10 mai 1944 : Enveloppe adressée à "L.A.C.S. Herauberg N° 9 B. G School, Mont Joli P.Q." par le Bureau de l'attaché militaire, Ottawa. A. 1 septembre 1944 : Canada, Mont-Joli, Ecole de Bombardement et de Mitraillage. (Doc., Ottawa, Délégation française, Bureau de l'attaché militaire et de l'air, Le Commandant de Mac Mahon, Attaché Militaire et de l'Air près de la Délégation Française au Canada, à L.A.C. S. Herauberg, Ecole de Bombardement et de Mitraillage à Mont-Joli, 1 septembre 1944 ; voir document reproduit n° 24). A. 1 septembre 1944 : Démarches par le commandant de Mac Mahon pour faire rentrer Simon Hercenberg dans les F.F.C. à son arrivée à Londres. (Doc., Lettre du commandant de Mac Mahon à S. Herauberg, Ottawa, 1 septembre 1944 ; voir document reproduit n° 24). A. 8 septembre 1944 : "This is to certify that Sgt. Hercenberg has qualified as air gunner duty with effect from 8 sept 44". (Doc., Royal Canadian Air Force, "Flying Log Book for Aircrew other than Pilot", à la page "Certificates of Qualification" ; Voir document reproduit n° 23 a). (Doc., "Royal Air Force Brief Statement of service and certificate of discharge of,... Signed Air Commodore, Air Officer i/C Records", sans date). A. 8 septembre 1944 : "The above airman qualified as Air Gunner on 8th Sept. 1944 attaining the rank of Flight Sergeant." (Doc., R.A.F., Air Commodore, Air Officer i/c Records, sans date, Londres ?).

A. 4 octobre 1944 : Fin de la période passée au Canada. (Doc.,Royal Air Force service and release book, Certificate of service and release,).

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OCTOBRE 1944 – 11 JUILLET 1945 :

RETOUR EN ANGLETERRE.

FORMATION DE CAMERAMAN DANS LA R.A.F.

REJOINT LE "2nd TACTICAL AIR FORCE" COMME

BOMBARDIER, MITRAILLEUR ET CAMERAMAN

1944

A. Octobre 1944 - juillet 1945 : "Was sent to Canada for training and returned to this country in October 1944, being posted to n° 1 F.P.U. and sent to the Continent for operational duties up to July 1945." (Doc., Lettre de Simon Hercenberg à Officer Commanding, Air Ministry Unit, 77 Hallam Street, London, W.1., lettre envoyée "thro' Air Liaison Officer, M.I.9./19, War Office", lieu de rédaction ?, 17 octobre 1946 ; voir document reproduit n° 28.) A. 14 octobre 1944 : "Royal Air Force Physical fitness test record card ...Rank ASGT Age at First Test 21 Height 5' 6'' Record of Tests Swimming .Able to swim 10-100 yards 18.10.44. Date 14.10 44. Station Harrogate Physical Fitness 57 Category Good" A. Date précise inconnue supposée au retour de sa formation au Canada : Formation de cameraman dans la "Film Production Unit" de la R.A.F. avant de rejoindre l'"operational flying section of the Belgian Unit to cover operations and sorties from the air." (Doc., Attestation, No° 1 Film Production Unit, R.A.F., Stanmore Park, Middlesex, sans date ; Voir document reproduit n° 25). C. A propos de la formation de cameraman : "Formation de cameraman faite en Angleterre au studio « Pinewood ». Formation supplémentaire faite après celle de bombardier. Il y avait des missions de reconnaissance faites avant et après les bombardements." (Com., Témoignage oral, Lozère/Yvette, sans date). A. Photo. Avec une caméra. (Voir photo n° 14). C."Un des appareils utilisés pour filmer par la R.A.F." (Com., Témoignage au verso de la photo, lieu ?, date ?). C. "Nous étions intégrés dans un groupe dénommé « 2nd T actical Air Force » créé pour le débarquement." (Com., Témoignage écrit, à propos du programme de la soirée d'adieux de son unité en juin 1945, Lozère/Yvette, mai 1997).

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C. Avril-septembre 1944 : A propos des formations de cameraman et de bombardier : une fois que tu avais signé tu ne pouvais plus faire marche arrière, tu ne pouvais pas dire à un moment donné : je ne veux plus faire ça. C'était le conseil de guerre. Ce qui fait que tu avais des types qui à un moment donné ont eu une prise de conscience, et ont jeté les bombes dans la mer... C'était leur façon d'échapper au problème. Finalement, la R.A.F. a été obligée de mettre des systèmes de prises de vues automatiques qui étaient couplés avec les bombes et il y avait aussi des prises de vues où toute la mission était filmée pour avoir un aperçu du bombardement. Mais souvent ça ne suffisait pas car au moment où on bombardait il y avait les flammes, la fumée. Ce qui fait qu'on voyait à peu près ce qui s'était passé. Mais pour avoir une idée exacte il fallait envoyer par la suite un avion d'observation qui lui filmait le résultat, une fois que tout était éteint. C'est à ce moment-là qu'on se rendait compte vraiment de ce qui avait été touché. Ce qui fait que moi j'ai fait quelques missions comme ça, de photos. II y avait aussi de rares missions où j'étais à la fois bombardier et photographe. En général, les prises étaient déclenchées automatiquement mais la qualité n'était pas la même que celle obtenue par une prise de vues manuelle. Cette prise de vues était effectuée depuis le nez de l'appareil. L'opérateur était couché à plat ventre dans l'avion, toutes les baies étaient complètement vitrées avec du plexiglas ce qui donnait une transparence totale. Je photographiais avec un appareil manuel qui n'était pas très lourd, qui pesait peut-être deux kgs, un kg et demi. On avait des films infrarouges qui permettaient de photographier la nuit. Je n'ai pas fait que des missions de nuit. Mais j'étais sélectionné pour les missions de nuit. C'est-à-dire que lorsqu'il y avait des missions de nuit on choisissait particulièrement les gars qui avaient une bonne vision de nuit par rapport aux autres mais on ne faisait pas que ça." Question (Les questions sont posées par Dov Hercenberg) : "Dans les missions, il t'arrivait d'être à la fois et bombardier et photographe ? " Réponse : "Oui. Enfin c'est pas photographier, c'est filmer carrément. C'est un film, pas une photo. Ah! c'était organisé comme ça parce qu'il fallait prendre si tu veux, le plus de détails possibles, tu comprends, de l'approche, du départ et ainsi de suite." Question : "En général, tu opérais comme bombardier ou comme photographe ? " Réponse : "Comme bombardier". Question : "Et de temps en temps comme bombardier et comme photographe et de temps en temps comme photographe seul ? " Réponse : "Oui." Question : "Et quand tu opérais comme photographe seul, ça voulait dire ?... que c'était une mission de reconnaissance, ou que quelqu'un d'autre avait assumé la mission de bombardement au préalable ?" Réponse : "Oui. Parce que la mission de reconnaissance se passait en général en deux temps. Lorsque l'état-major avait sélectionné un but parce qu' ils avaient des renseignements, quand c'était possible, ils envoyaient un gars sur place pour filmer. Ces photos étaient montrées aux équipages avant de partir. Ce qu'il fallait aussi déterminer c'était les points de repère aux environs, c'est-à-dire les points d'eau, par exemple les rivières, les voies de chemin de fer, les lignes électriques. C'était de très bons repères pour nous. De très bons repères aussi étaient les contours des parties boisées parce qu'elles avaient une forme particulière. Donc il y avait différents éléments qui nous servaient de repères. Quand l'état-major avait le temps de préparer les choses à l'avance, parfois il préparait une maquette d'après les photos qui avaient été prises." Question : "En tout cas, dans ces missions, tu n'étais pas aux commandes de l'avion ?" Réponse : "Non. Mon rôle était second pilote. C'est à dire au cas où il serait arrivé quelque chose au pilote, j'avais une formation suffisante pour ramener l'appareil. Question : "Ça t'est arrivé ?" Réponse : "Non. Mais si le pilote avait été atteint et ne pouvait pas continuer, il fallait bien que quelqu'un le remplace." Question : "Mais le pilote était seul ? Il n'y avait pas un copilote ?" Réponse : "Non. Je n'avais pas le titre de copilote. Mais j'étais capable de ramener l'appareil. Il n'y a que dans les gros bombardiers qu'il y a un copilote. Chez les Américains surtout. Ils avaient ce qu'ils appelaient des forteresses volantes. C'était le titre exactement qu'on donnait à leur truc. Je crois qu'à bord, ils avaient douze gars. Les « Forteresses volantes » étaient pressurisées ce qui n'était pas notre cas. Nous devions porter le masque à oxygène à partir de 2.500 mètres. Ils avaient un mitrailleur en haut de l'avion, un en dessous, un dans le nez, un dans la queue et un de chaque côté. Ils avaient un navigateur, un mécanicien volant. Dans ces gros trucs ils étaient douze types. Là il y avait un second pilote. A l'époque, les plus grosses bombes qu'on pouvait emmener c'était dix tonnes. Mais une seule bombe de dix tonnes. En général, dans les bombardements où on éclairait la nuit, on lançait des fusées, c'était un espèce de container, attaché à un

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parachute, c'était du phosphore et ce truc se consumait, mettait un certain temps à descendre. Ça éclairait comme en plein jour. Ça faisait à peu près un million de bougies." Question : "Pour bombarder la nuit, vous utilisiez toujours ça ?" Réponse : "Pas toujours, mais souvent. Quant on était arrivé au but, parfois, il y avait des types qui avaient comme mission d'envoyer ces containers qui éclairaient l'opération. "Question : "Mais, dans le nez de ton avion, il n'y avait pas de mitrailleur ? " Réponse : "Non. Il y en avait dans les bombardiers lourds, mais moi je n'étais pas dans les bombardiers lourds." Question : "Tu étais dans les moyens ?" Réponse : "Oui. La R.A.F. avait deux types de bombardiers lourds. Ils avaient les Lancaster, ils avaient les Wellington." Question : "Et toi, tu volais dans quoi ?" Réponse : "Deux types d'avion. Il y en avait un qui s'appelait Boston et un Mitchel. C'était des bimoteurs. C'était des bombardiers moyens. Les avions étaient séparés en trois groupes : il y avait les chasseurs, les bombardiers moyens, et les bombardiers lourds. Les bombardiers lourds c'était ceux qui allaient le plus loin pour les bombardements massifs. Dix tonnes. Ça commençait à bien faire ! [début de la face n°2 de la cassette]. Les Américains avaient des forteresses volantes. Ils volaient à très haute altitude. Ils avaient un système de bombardement qui s'appelait « carpet bombing », c'est-à-dire le tapis. Ils dessinaient un rectangle. Tout ce qu'il y avait dans ce rectangle était à nettoyer. Ce qui fait que les gens avaient beaucoup plus peur des Américains que de la R.A.F. Parce que la R.A.F. avait un bombardement qui était beaucoup plus précis où les gens prenaient aussi beaucoup plus de risques. Mais les Américains avaient cette technique de bombardement, « carpet bombing » et à ce moment là ils nettoyaient tout dans un rectangle, tout était à foutre en l'air. Les Américains étaient surtout dans le bombardement lourd, dans les forteresses volantes. Nous, nous avions plus de chasse et de bombardement moyen. Parfois il y avait des missions qui étaient conjointes entre la R.A.F. et l'U.S. Air Force. C'était en fonction des buts à atteindre. Mais disons que nous, en bombardement moyen, on n'avait pas besoin de voler aux altitudes auxquelles eux volaient. Et puis c'était peut être une question de tactique aussi, je n'en sais rien. Question : "Mais comment se fait-il que tu aies pu prendre avec toi des photos ? C'était pas toi qui les développait j'imagine ?" Réponse : "Non. C'était des photos de notre unité. Les photos des missions auxquelles notre unité a participé." Question : "Comment ça se fait qu'il y en a que tu as pu garder ?" Réponse : "J'ai pu les garder parce que ces photos circulaient librement entre nous. C'était des photos de notre unité. La seule chose, c'est que ces photos sont tirées sur un papier du ministère de l'air et que ces photos ont un droit de copyright." Question : "J'imagine que ceux qui les utilisaient, c'était les services de renseignements ?" Réponse : "Oui, mais comme c'est nous qui les prenions, quant on tirait une photo on n'en tirait pas qu'une ! On tirait plusieurs photos, ce qui fait que dans notre unité, nous avions les photos de toutes les missions auxquelles nous avions participé, nous, en tant qu'unité. Alors les autres c'est autre chose. Chaque unité avait les siennes." Question : "Est-ce que lorsque vous survoliez le continent vous pouviez être en contact avec Londres ?" Réponse : "Non. Absolument pas. Sauf en cas d'urgence absolue. Il y avait un silence radio parce que nous étions écoutés. C'était ça aussi la grande difficulté. Il y avait le silence radio, sauf pour le commandant de l'escadrille en cas de nécessité qui pouvait donner des ordres aux avions de son escadrille. Mais sinon, il y avait un silence radio." Question : "Techniquement, vous auriez pu parler avec Londres ?" Réponse : "Avec la tour de contrôle, oui." Question : "C'est-à-dire que la tour de contrôle était assez puissante pour émettre jusqu'au lieu où vous vous trouviez ?" Réponse : "Oui. Les systèmes de radio étaient assez développés à l'époque. Il y avait dans tous les avions ce qu'on appelait des « dinghy », des bateaux pneumatiques. Ça faisait un paquet carré, quand ça tombait à la mer, ça se gonflait automatiquement. J'ai un camarade dont l'escadrille avait été envoyée au Japon. Il a dérivé sur un « dinghy » pendant quinze jours. Et il a été récupéré. Dans ces « dinghy » nous avions des boites de secours, qui contenaient des pastilles pour dessaler l'eau, ce qui nous permettait de survivre pendant un minimum de temps et il y avait une radio. A ce moment-là, la radio qu'on utilisait, c'était la radio gonio, c'est à dire qu'il y avait un point qui émettait et il y avait deux points qui captaient et le point de convergence était là où se trouvait la personne. Il y avait comme un moulin à café avec une espèce d'antenne. Tu tournais le moulin à café, qui transmettait une position, et nous étions entendus à Londres. Le moulin à café permettait de signaler notre position même si nous étions légèrement blessés ou commotionnés. La R.A.F. avait

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organisé des équipes qui s'appelaient « Air sea rescue ». Elles utilisaient des hydravions qui étaient destinés à repêcher les aviateurs tombés en mer quand ils pouvaient sans trop de danger aller chercher les gars des « dinghy ». Mais quant le type était trop loin, ou quand ça présentait un trop grand danger, à ce moment-là, la R.A.F. émettait sur les ondes allemandes et signalait qu'il y avait un aviateur qui était tombé à tel endroit, à telle position. Parce qu'ils préféraient que le gars soit prisonnier plutôt que de le laisser périr en mer. Les Allemands venaient le chercher. Et ça c'est arrivé aussi plusieurs fois. J'ai encore là-haut des boîtes en plastique, des boîtes légèrement concaves dans lesquelles il y avait des réserves qui pouvaient nous permettre de tenir 15 jours : des pastilles qui nous servaient de nourriture, des espèces de vitamines et puis il y avait même un rasoir que j'ai là-haut d'ailleurs, encore, un petit rasoir minuscule. Parce que si tu tombais en territoire ennemi, il fallait te débarrasser des bottes fourrées et ces bottes étaient conçues de telle façon que tu pouvais les découper à un certain endroit et on ne voyait plus tellement que c'était des bottes, c'est à dire que le haut foutait le camp. Dans les uniformes que nous avions, il y avait deux boutons qui étaient truqués : tu mettais un bouton sur l'autre, et sur un bouton il y avait un point lumineux qui tournait et qui te donnait l'indication du nord. Nous avions sur nous aussi de l'argent des pays qu'on survolait. Par exemple, en Allemagne nous avions des marks, ce qui nous permettait éventuellement d'essayer de se sauver. D'ailleurs il y a un certain nombre de types qui ont été descendus et qui ont réussi à rejoindre l'Angleterre, en particulier par l'organisation « Pat O’Leary » dont c'était la principale activité : la récupération des aviateurs et des personnalités importantes. [la suite de ce texte, qui concerne le passage de la frontière espagnole avec un personnage belge figure à la rubrique "Commentaires", à la date du passage de la frontière espagnole, avril-mai 1942]. Question : "Dans les missions, quel était le pourcentage de gars qui tombaient ?" : Réponse "C'était très variable. Je peux te dire que dans la R.A.F il y a eu 50.000 navigants de tués. Quand tu penses qu'un chasseur est tout seul, que nous, dans le bombardement moyen, nous étions quatre, ça fait pas mal d'avions. Quant une mission était annoncée, elle l'était très peu de temps à l'avance, pour des raisons de sécurité. Ceux qui étaient de service devaient être prêts en permanence. Nous étions appelés. Et à ce moment là, la base était fermée. On fermait toutes les issues. Plus personne ne pouvait ni rentrer ni sortir. Les télécommunications téléphoniques étaient coupées sauf celle du commandant." Question : "50.000 navigants tués ... si tu divises par quatre, ça représente plus de 10.000 appareils descendus ?" Réponse : "Non, mais il y avait aussi les lourds, dans les lourds on pouvait être 6 ou 8 ..." Question : "Ça fait à peu près 8000 appareils de descendus ? Combien y avait-il d'avions ?" Réponse : "Je ne sais pas. Nous ne le savions pas. Nous ne savions rien. Lorsqu'il y avait une mission, il fallait qu'on aille au « briefing room » c'est-à-dire là où on nous donnait les détails de la mission qui nous attendait et après nous allions au « mess » manger quelque chose et à ce moment-là on se regardait, on se disait, qui de nous ne reviendra pas ? Parce que évidemment, ça n'arrivait pas chaque fois mais c'était très souvent qu'il y avait des manquants. Et ce qui était terrible dans cette situation c'est la soudaineté de la mort. Quand tu as quelqu'un qui est malade ou qui a un problème, tu le vois partir tout doucement mais là, c'était soudain, d'un seul coup, tu voyais le gars qui était devant toi partir en fumée, et fini. Alors, psychologiquement, c'était très éprouvant. Oui, ça fait pas mal d'avions, oui. Un autre détail terrible : une fois j'étais sur une base où il y avait des types qui avaient été désignés pour les planeurs. A un moment donné, comme il fallait des pilotes de planeurs, on dit hop, tant de pilotes, vous passez comme planeurs ; t'avais pas le choix. Et il y avait des gars qui s'entraînaient sur les planeurs en vue du débarquement. Le planeur était remorqué par un bombardier. Il fallait un avion assez fort pour remorquer le planeur. Il était remorqué par les deux ailes. Sous les ailes il y avait deux taquets et il y avait un câble qui allait à la queue de l'avion et c'était remorqué comme ça. Le bombardier l'emmenait à une certaine hauteur, le planeur après lâchait les câbles qui retenaient le planeur et il fallait qu'il atterrisse sur le terrain, et un gros planeur comme ça c'est très peu manœuvrable, c'est vraiment très lourd. En terme de métier, on disait qu'il descend comme un fer à repasser. Donc sur ce terrain il y a priorité absolue au planeur, parce qu'un planeur, lorsqu'il était lâché, il fallait qu'il descende, il ne pouvait pas attendre. Et une fois, il y a eu un avion de la R.A.F. qui est passé, qui nous a demandé un atterrissage d'urgence. Le gars avait des problèmes. Et on lui a refusé le droit d'atterrir parce qu'il y avait un planeur qui pouvait arriver d'un moment à l'autre. Et le

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gars, il a explosé un peu plus loin simplement parce qu'on n'a pas pu lui donner l'autorisation d'atterrir. C'est un gars qui avait un problème technique, certainement. L'avantage de l'aviation par rapport aux autres armées, c'était que c'était tout ou rien. Dans la plupart des cas tu t'en sortais ou pas du tout. Bien que dans mon escadrille il y avait un gars, qui figure sur la photo de la soirée d'adieux de notre unité, complètement défiguré. C'était le seul survivant de son avion. L'avion a été touché, brûlé. Il a eu la face complètement brûlée et il est aveugle par dessus le marché. Alors là, je me demandais si ça valait le coup de s'en tirer à ce prix-là. Mais en général, pour nous c'était tout ou rien. Alors c'était un avantage. Il y avait très peu d'estropiés." (Com., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 13 septembre 1992). A. 24 novembre 1944 : "En réponse à votre lettre relative à votre demande de naturalisation Française, le Consulat Général de France à Londres, instruit de cette affaire, me fait savoir que vous ne pourrez formuler une nouvelle demande que lorsque vous serez de nouveau domicilié en France..." (Doc., A propos de la demande de naturalisation de S. Hercenberg, Lettre du Colonel Coustey, Commandant des Forces Aériennes Françaises en Grande-Bretagne, à Sergent S. Herrenberg, Grand Hôtel de la R.A.F., Harrogate, (Yorks), Paris, 24 novembre 1944). A. 24-25 novembre 1944 : Habite Grand Hôtel de la R.A.F. Harrogate, Yorks. (Doc., cf. lettre du 24 novembre 1944). A. 11 décembre 1944 : Délivrance d'un certificat de dépor-tation de Hercenberg Wolf Bernard. (Doc., Certificat, Ministère des Prisonniers déportés et réfugiés, Paris 22 décembre 1945).

1945

A. 1 avril au 9 avril 1945 : Autorisation pour un "compassionate/ Leave". Au verso, à la main : "6 Place Vendôme". (Doc., Permission émanant de la "2nd Tactical Air Force Movement Order", sans nom de lieu, 1 avril 1945).

A. 19 avril à 16 (h) 35 1945 : "Unit moving. Vitry-Melsbroek" (Doc., Royal Canadian Air Force, "Flying Log Book for Aircrew other than Pilot"). C. "Melsbroek est le terrain d'aviation de Bruxelles." (Com., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 8 septembre 1992). A. 20 avril à 16 ( h) 45 1945 : "Moving Melsbroek-Gilze-Rijen" (Doc., Royal Canadian Air Force, "Flying Log Book for Aircrew other than Pilot"). C. "Gilze-Rijen se trouve en Hollande, entre Breda et Tilburg." (Com., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 8 septembre 1992). "Gilze-Rijen est la dernière base où je me suis trouvé après Vitry-en-Artois et Melsbroek que nous avons successivement occupés. Le nord de la Hollande était encore occupé par l'armée allemande. La R.A.F. larguait des containers contenant des vivres. La population occupée était dans une situation proche de la famine." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, 17 septembre 1996). A. 8 mai 1945 : Autorisation pour un "Leave by Air for a period of fourteen days from 8th May 1945". "Next of Kin Mrs. Cheret (Friend) 20, Rue Franklin, Pantin, Seine, France". Le document porte au recto le tampon des services de sécurité de la Royal Air Force" et au verso celui de la police de l'aéroport de Paris-le-Bourget. (Doc., Permission émanant de la "2nd Tactical Air Force Movement Order", sans nom de lieu, 8 mai 1945.).

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A. 11 juillet 1945 : "ROYAL ALBERT HALL [...] WEDNESDAY, JULY 11 th, 1945, AT 7 p.m [...] MEMORIAL TRIBUTE to the JEWISH MARTYRS of NAZI OPPRESSION YEHUDI MENUHIN and the NATIONAL SYMPHONY ORCHESTRA [...] Under the auspices of the WOMEN'S APPEAL COMMITTEE FOR JEWISH WOMEN AND CHILDREN AND THE WORLD JEWISH CONGRESS, BRITISH SECTION [...] The greater part of these funds has been devoted to the training and settlement of these women and children in Palestine [...] Thus, thousands of our people have been saved [...] in the Jewish National Homeland. PROGRAME KADDISH...Ravel [...] After the performance of this Jewish traditional Memorial Prayer the audience is kindly requested to refrain from applause." (Doc., Extraits du Programme d'une soirée de commémoration au Royal Albert Hall, Londres, 11 juillet 1945). C. 11 juillet 1945 : A propos du concert du Royal Albert Hall : Le prix des places de ce concert était très élevé. Les fonds ramassés étaient destinés au soutien des oeuvres juives. Simon Hercenberg ne pouvait pas se permettre d'y assister. Mais, présent à l'entrée du Royal Albert Hall, quelqu'un est venu vers lui pour lui offrir un billet. Il fut placé dans une loge d'honneur, auprès de hautes personnalités dont l'aumônier juif des forces américaines. (Doc., Témoignage oral, Lozère/Yvette, 31 juillet 1992).

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JUILLET 1945 - 27 NOVEMBRE 1946 :

DISSOLUTION DE SON ESCADRILLE.

FONCTIONS DIVERSES DANS LA R.A.F.

TRAVAILLE DANS LE "AWARDS BUREAU" DE "I.S.9." A PARIS,

CHARGE DE RECHERCHER LES AVIATEURS TOMBES EN MISSION

1945 A. juillet 1945 : Date à laquelle se termine sa fonction de caméraman dans la R.A.F., qui avait débutée en octobre 1944 : "Posted to n° 1 F.P.U. and sent to the Continent for operational duties up to July 1945." (Doc., Lettre de Simon Hercenberg à Officer Commanding, Air Ministry Unit, 77 Hallam Street, London, W.1., lettre envoyée "thro' Air Liaison Officer, M.I.9./19, War Office", lieu de rédaction ?, 17 octobre 1946 ; voir document reproduit n° 28.)

C. A propos des fonctions occupées par Simon Hercenberg après la dissolution de l'escadrille : A la dissolution de l'escadrille, chacun devait occuper une fonction à terre. S. Hercenberg a été 1/ en charge d'un magasin de chaussures 2/ sur un terrain d'aviation, adjoint au service de renseignements 3/ dans un groupe de transport qui ravitaillait les unités en France. Il allait de Londres au Bourget et passait par les villes de Dijon, Bron (près de Marseille) Bordeaux, Paris, et revenait en Angleterre... "Je n'avais pas grand chose à faire ; je faisais simplement partie de l'équipage". Par gentillesse, celui-ci le laissait au Bourget à l'aller, et le reprenait au retour, 3 ou 4 jours plus tard. Une fois, l'avion s'était écrasé dans le sud de la France. L'avion fut porté disparu pendant 48 heures. L'équipage sain et sauf fut récupéré par un autre avion. S. Hercenberg les rejoignit après avoir craint d'être ou bien porté disparu avec eux ou de devoir passer en conseil militaire pour avoir quitté son poste sans permission. (Com., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 8 septembre 1992). A. 20 ou 23 août 1945 : Autorisation pour un "compassionate leave" pour une période de 21 jours à partir du 23 août, chez "Cheret 20 rue Franklin Pantin Seine France". (Doc., Permission, Air Ministry, Londres, 15 juillet 1945 ; Tampon de Newhaven du 20 août 1945). A. entre 3 et 18 août (?) 1945 : Retour en Angleterre (Doc., Document anglais paraphé à Paris et concernant le retrait de devises, 3 et 18 août 1945.)

A. 7 août 1945 : Courrier qui lui est adressé au Grand Hôtel, R.A.F. Harrogate, York, et l'informant que sa demande de naturalisation ne pourra être "utilement examinée qu'aprés

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[son] retour définitif en France". (Doc., Lettre du Consul de France à Newcastle-on Tyne, 7 août 1945). A. 7 août 1945 : "In August, 1945, I became redundant aircrew and classified as u/t Interpreter." (Doc., Lettre de Simon Hercenberg à Officer Commanding, Air Ministry Unit, 77 Hallam Street, London, W.1., lettre envoyée "thro' Air Liaison Officer, M.I.9./19, War Office", lieu de rédaction ?, 17 octobre 1946 ; voir document reproduit n° 28.) C. 8 septembre 1945 : Inscrit au grade de "T/F/SGT" Flight sergent, sergent chef. (Doc., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 8 septembre 1992). A. novembre 1945 : Habite R.A.F. station, Glatton, Nr. Peterborough, Northants.

1946

A. février 1946 : "In February 1946 I was attached to M.I.9. War Office and posted to I.S.9 (Awards Bureau) Paris, where I fulfilled the duty of investigator. This Unit closed down on the 4th October" (Doc., Lettre de Simon Hercenberg à Officer Commanding, Air Ministry Unit, 77 Hallam Street, London, W.1., lettre envoyée "thro' Air Liaison Officer, M.I.9./19, War Office", lieu de rédaction ?, 17 octobre 1946 ; voir document reproduit n° 28.) "On becoming redundant as aircrew he was recomended for Interpreter duties and reclassified as Aircraftman 2nd Class, but retaining the rank of Sergeant. He was employed in Paris investigating claims for rewards and compensations made by French Nationals for help rendered to Allied Aircrews. He carried out these duties to the entire satisfaction of his superiors. He speaks fluent French and German." (Doc., Royal Air Force, Brief statement of service and certificate of discharge of... signed Air Commodore, Air Officer i/c Records, sans date).

C. « I.S.9. » est une section de l'Intelligence Service. Elle était chargée de retrouver la trace des aviateurs tombés en cours de mission et d'aider les personnes qui avaient subies des représailles allemandes pour avoir assisté ces aviateurs. L' « I.S.9. » avait des unités de recherche dans tous les pays qui avaient été occupés. Les personnes de ce service travaillant sur la France étaient soit des membres de l'Intelligence Service ou des réseaux liés à l'Intelligence Service qui avaient travaillé en France. En ce qui me concerne, après la dissolution de mon escadrille, j'ai occupé différents postes au sol, dont à la section de l' « I.S.9. », à Paris." (Com., Témoignage oral, Jérusalem, 11 mai 1996). C. L'entrée au service de M.I.9. et la relation entre cette nouvelle fonction et le retour de Fabien de Cortès : "Alors que j'étais en permission à Paris, où je logeais, à l'hôtel Moderne rue Scribe, [...] Madame Marthe Gineste m'informa que Fabien était de retour à Paris, (nous ne savions rien les uns des autres), libéré du camp de Neuengamme. A Paris, il retrouve des survivants du réseau « Pat », dont certains travaillent avec un service anglais, extension de l'Intelligence Service, sous le sigle de M.I.9.. Fabien rejoint ce groupe qui se trouve dans un hôtel au début de la rue de Valois, juste à côté de la Comédie Française. [..]. J'ai réussi à me faire muter au service M.I.9. rue de Valois à Paris pour enquêter sur les aviateurs disparus et j'ai rejoint Fabien de Cortès pour six mois." (Doc., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, novembre 1993, p. 8-12). C. février 1946 : A propos de la recherche de la trace des aviateurs disparus : "dernière activité avant démobilisation" (Complément par écrit au témoignage déposé au C.D.J.C., Lozère/Yvette, 27 mars 1995, p. 9). La recherche de la trace des aviateurs perdus avait aussi pour but de "reconstituer l'histoire des équipages qui avaient été descendus." Le bureau de ce service était près du Palais Royal. S. Hercenberg faisait partie d'un groupe d' "investigateurs" qui parcourait la France pour essayer de retrouver la trace des aviateurs. Il disposait d'une jeep et d'un chauffeur du nom de Charlie. (Com., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 12 septembre 1992.)

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C. "Un jour j'ai vu arriver dans mon bureau deux paysans français qui avaient entendu qu'il y avait certaines récompenses, qu'on distribuait aussi des décorations. Je ne donnais pas les décorations, mais je proposais les décorations en fonction des services que les gens avaient rendus. Et ces deux braves paysans étaient venus pour réclamer. Ils avaient entendu que, dans un village voisin, il y avait des gens qui avaient été récompensés. J'ai dit : Parce que, quand les aviateurs récupérés arrivaient en Angleterre, ils faisaient un rapport, eux aussi, sur ce qui c'était passé depuis qu'ils avaient été obligés de sauter, qu'ils avaient été abattus, et un rapport sur tous les parcours. Ils m'ont donné leurs coordonnées et j'ai cherché dans les dossiers et, effectivement, j'ai trouvé un rapport les concernant. Mais pas tout à fait dans le sens où ils le disaient. Les deux types avaient effectivement récupéré un aviateur. Ils l'avaient dépouillé de tout ce qu'il avait sur lui. Nous avions de l'argent selon le pays où nous allions. En France, des francs. En Allemagne, des marks. On avait un peu d'argent pour pouvoir se débrouiller. Nous avions des chronomètres suisses qui, à l'époque, étaient une rareté. Si le type avait un parachute, les gens en étaient friands parce que c'était des parachutes en nylon. Les femmes s'en faisaient des chemisiers et toutes sortes de choses. Ce qui fait que ce type a été complètement dépouillé de ce qu'il avait. J'ai dit aux deux paysans : « J’ai une récompense à vous donner, mais pas forcément celle que vous croyez. » Et ces deux types sont partis en vitesse." (Com., Témoignage oral, C.D.J.C., Paris, 15 septembre 1995, dactylographié p. 10). C. C'est aussi à cette époque qu'est venu le contacter un officier polonais prétendant connaître l'existence de camps de travail de prisonniers en Russie, où les dits prisonniers mouraient au travail. Il voulait qu'un officier anglais, S. Hercenberg, l'accompagne en Russie pour lui montrer l'existence des dits camps. L'intelligence service n'a pas donné suite, selon ce que S. Hercenberg sait. (Com., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 12 septembre 1992.) A. 8 mars 1946 : Déposition de Simon Hercenberg contre M. L. (Doc., Déposition de Simon Hercenberg, Paris, 8 mars 1946). Voir la retranscription de cette déposition à la date du 16 mai 1941. A. 6 mai 1946 : Distinction signée du maréchal Bernard Law Montgomery attribuée à Simon Hercenberg. (Doc., voir document reproduit n° 26). A. 4 juin 1946 (?) : "1811904 Sgt S. Hercenberg, R.A.F. is authorised to travel in France on official business for I.S.9 (Awards Bureau) c/o HQ BAS (F). He will use Jeep N° M- 4282620 driven by Monsieur C. Rainero. We request that they be given all possible assistance in the execution of their duty, in the obtaining of food, accomodation, petrol and any necessary repairs. Sgt Hercenberg is authorised to carry civilians for whose custody and good faith he is entirely responsible." (Doc., Section britannique I.S.9. Awards bureau HQ. B.A.S. France B.A.O.R., 4 juin 1946 [date ?]). A. 6 septembre 1946 à 15 heures : Invitation par les ambassadeurs de Grande Bretagne et des Etats-Unis au cinéma Gaumont-Palace : "Il vous sera remis un diplôme accordé aux Parisiens qui ont participé activement à l'hébergement et à l'évasion de soldats et d'aviateurs alliés pendant l'occupation allemande en France." C. 6 septembre 1946 : A propos des cérémonies : "je ne me suis pas dérangé pour ces cérémonies. Une décoration devait m'être donnée par les Américains et par les Anglais. Enfin je n'y suis pas allé ni à l'une ni à l'autre." (Doc., Témoignage oral, enregistré, Lozère/Yvette, 8 septembre 1992) A. 10 septembre 1946 : Arrangement, pour Messieurs de Cortès et Hercenberg, d'une introduction auprès du Colonel Devigny. (Doc., Notice signée de Miss. Burkitt, sans nom de lieu, 10 septembre 1946.)

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A. 18 septembre 1946 : Date de l'attestation de service dans le réseau "Bruno" de la France Combattante (Doc., Attestation, Ministère des Armées, France Combattante, Services Spéciaux de l'E.M. de l'Armée en Suisse, Poste SR. Guerre "Bruno", 1939-1945,, Organe Liquidateur, 18 septembre 1946). A. 28 septembre 1946 : "The a/m airman has been cleared from this unit and is proceeding to UK on demobilisation." (Doc., I.S. 9 (Awards Bureau) c/o HQ BAS (F), sans nom de lieu, 28 septembre 1946). A. 4 octobre 1946 : L'unité de I.S.9. à laquelle il était attaché depuis février 1946 ferme : "This Unit closed down on the 4th October 1946, and I was sent back to the U.K. Release action is now being taken as I am due for release." (Doc., Lettre de Simon Hercenberg à Officer Commanding, Air Ministrehy Unit, 77 Hallam Street, London, W.1., lettre envoyée "thro' Air Liaison Officer, M.I.9./19, War Office", lieu de rédaction ?, 17 octobre 1946 ; voir document reproduit n° 28). A. 14 octobre 1946 : Date portée sur sa carte de "Sergeants' Mess, Air Ministry Unit London, W.1". A. 17 octobre 1946 : Lettre de S. Hercenberg à l' "Officer Commanding, Air Ministry Unit" pour lui demander de l'aider à obtenir la nationalité française : "As from the date of my release, therefore, I am stateless, it is my wish to return to Paris where I want to make my home. As I desire to take up French citizenship, I have the honour to request that this matter may be concluded before my release is effected, and that my case be submitted to the appropriate authority in Air Ministry for action." (Doc., Lettre de Simon Hercenberg à Officer Commanding, Air Ministry Unit, 77 Hallam Street, London, W.1., lettre envoyée "thro' Air Liaison Officer, M.I.9./19, War Office", lieu de rédaction ?, 17 octobre 1946 ; voir document reproduit n° 28). A. 24 octobre 1946 - 7 novembre 1946 : Voyage en France. (Doc., Permission signée du Wing Commander, Air Liaison Officer, 22 octobre 1946). A. 6 novembre 1946 : "carte d'identité française d'étranger" "n° 0023 délivré à Paris le 6.11 46" "valable jusqu'au 6 février 1947", et selon une autre date jusqu'au "14 novembre 1947". "The present certificate is issued for the sole purpose of providing the holder with identity papers in lieu of a national passport. It is without prejudice to and in no way affects the national status of the holder. If the holder obtains a national passport this certificate ceases to be valid and must be surrendered to the issuing authority." (Doc., Certificat d'identité délivré par "H.M Chief Inspector Immigration Branch, Home Office, 10, Old Bailey, London, E.C.4.", 19 novembre 1946). A. 7 novembre 1946 : Lettre de Maître Elie Kamoun, avocat à la cour d'Appel adressée à "Pierre" au sujet de la libération de son client, "Monsieur de R.". Il remercie "Pierre" pour "l'aide précieuse que vous m'avez apportée, notamment avec le concours des Autorités américaines." (Doc., Lettre, Paris, 7 novembre 1946). C. "De R. était un résistant qui avait parlé sous la torture. A la demande de son avocat, Maître Elie Kamoun, je l'ai rencontré dans sa cellule à la prison de la Santé." (Com., date ?, lieu ?). A. 15 Novembre 1946 : "Present residence in the United Kingdom c/o A. West, 35A, Linden Garden, London, W.25» (Doc., Certificat d'identité délivré par "H.M Chief Inspector Immigration Branch, Home Office, 10, Old Bailey, London, E.C.4.", 19 novembre 1946). A. 19 novembre 1946 : Visa français valable jusqu'au 15 février 1947. (Doc., cf. ci-dessus).

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A. 20 (?) novembre 1946 : Dernière date portée sur son carnet de "Sergeants' mess, Air ministry unit, London, W.1.". A. 21 novembre 1946 : "1/ Sgt HERCENBERG S. [ ?] The above-named airman served in the R.A.F.V.R. from 23-11-42 to 21-11-46 [...] The above N.C.D. have served in the R.A.F. as an air gunner. In addition to his aircrew duties he has been employed in Paris investigating claims for rewards and compensations made by French Nationals for help rendered to allied aircrews. He carried all these duties to the entire satisfaction of his section. He speaks fluent French and German. 21-11-46. Signature of Officer Commanding [ ] Bill [ ]." (Doc., Royal Air Force, Certificate of service and release, feuillet daté du 21 novembre 1946.) A. 21 novembre 1946 : Voyage de Euston à Lytham. (Doc., Royal Air Force Route, 21 novembre 1946). A. 21 novembre 1946 : Départ de Victoria Station pour Paris (Doc., War Department Railway Warrant, 21 Novembre 1946). A. 22 novembre 1946 : Fin du service dans la R.A.F. (Doc., Paris, H.Q. Medloc (R.A.F. element) British Army Staff, Flight Lieutenant for Squadron Leader, commanding, 13 décembre 1946). "Release group n° 47." (Doc., Lettre de Simon Hercenberg à Officer Commanding, Air Ministry Unit, 77 Hallam Street, London, W.1., lettre envoyée "thro' Air Liaison Officer, M.I.9./19, War Office", lieu de rédaction ?, 17 octobre 1946 ; voir document reproduit n° 28.) A. 22 novembre 1946 : Date figurant sur le "release book" comportant : "Release authorisation", "clearance certificate". "Food Ration Card for 14 days commencing 23 11 46." (Doc., Royal Air Force, Service and Release Book). A. 22 novembre 1946 : Lettre de Monsieur "D. F." qui vient de sortir de prison. "Je tiens à vous remercier sincèrement de votre intervention, et d'avoir mis mon avocat Maître Kamoun en relations avec les autorités américaines." Lettre adressée à "Monsieur", sans indication de prénom ni de nom de famille. C. "Sur les conseils de l'I.S.9., maître Elie Kamoun était entré en contact avec moi au sujet de son client Monsieur de R., un résistant qui avait été condamné à une peine de prison parce qu'il avait parlé sous la torture. A la demande de Maître Kamoun j'ai obtenu le droit de visiter Monsieur de R. dans sa cellule de la prison de la Santé. Convaincu que les circonstances des faits qui lui étaient reprochés n'avaient pas été pris en considération, convaincu aussi de la véracité des explications données par Monsieur de R. et conscient que personne ne peut dire avec certitude ce qu'il ferait dans de pareilles circonstances, je suis intervenu auprès des autorités concernées pour le faire libérer." (Com., Témoignage écrit, Lozère/Yvette, 17 septembre 1996). A. 27 novembre 1946 : Embarque à Newhaven et débarque à Dieppe (Doc., Certificat d'identité délivré par "H.M. Chief Inspector Immigration Branch, Home Office, 10, Old Bailey, London, E.C.4", 27 novembre 1946.) A. 29 novembre - 7 mars 1946 : Réceptions de rations de tabac ratifiées par la Mairie du XIXe arrondissement de Paris (Doc., "Royal Air force, Service and release book").

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3 MARS 1947 - 6 JUILLET 1947 :

DEMOBILISATION. RETOUR A PARIS

1947

A. 3 mars 1947 : Libération de la R.A.F. (Doc., Record office R.A.F. Ruislip, Middlessex, lettre adressée à "Finestae, 12 Rue Neynadien, Paris 19c, France", 4 juin 1947). A. 3 mars 1947 : Libération alors qu'il servait comme Interprète, au rang de "Aircraftman, 2nd Class Sergent". "On becoming redundant as Aircrew he was recommended for Interpreter duties and reclassified as Aircraftman 2nd Class, but retaining the rang of sergeant" (Doc., R. A. F., Brief statement of service and certificate of discharge of R.A.F., Air Commodore, Air Officer i/c Records, Londres ?, non daté). (Doc., pour une partie de l'information, cf. Royal Air Force, Airman's service book, p. 1). A. 3 mars 1947 : "Certified true statement of service Ex temporary flight sergeant S S Hercenberg (1811904) Enlisted Royal Air Force: 23 Nov 42 Released Class: 'A' 3 Mars 47 Trade on Release: Interpreter" (Doc., Ministry of defence R.A.F Personnel Management Center Innsworth Gloucester GL3 1 EZ, DM Mansfield for Director Personnel Management (Airmen) Royal Air Force, décembre 1978). A. 4 mars 1947 : Début de réquisition d'un appartement au 21 rue Meynadier par le Préfet de la Seine "pour le Directeur des Services de Guerre et du Logement", destiné à "Monsieur Hercenberg 12 rue Meynadier" (Doc., Lettre à Hercenberg, de la "Direction de services de Guerre", Paris, 9 juin 1947). C. "Après ma démobilisation, je n'avais nulle part où aller. Charles Gineste m'a offert l'hospitalité. J'ai habité chez lui pendant plusieurs mois en attendant de trouver autre chose. Il était très difficile de trouver un appartement. Il fallait donner un pas de porte important au locataire qui partait ainsi qu'au propriétaire ou au gérant. Tout le monde voulait profiter de la bonne aubaine. Bien entendu, il était encore plus difficile d'acheter un appartement pour quelqu'un qui n'avait pas d'argent, ce qui était mon cas. Donc la seule alternative était de faire réquisitionner un appartement vide. J'étais sur la liste des personnes prioritaires, mais tout le monde était à la recherche d'un logement vide ce qui fait qu'il était très difficile d'en dénicher un, chacun étant très discret à ce sujet. Grâce aux connaissances de Madame Marthe Gineste, j'ai pu localiser un appartement vide au rez-de-chaussée du 21 rue Meynadier et réussi à le faire réquisitionner après pas mal d'aléas." (Doc., témoignage écrit, Lozère/Yvette, novembre 1993, p.7-8.) A. 26 mars 1947 : Lettre de Miss Burkitt au commandant Devigny. Elle lui expose l'histoire de Simon Hercenberg, son action pendant la guerre, sa situation apatride et son désir d'obtenir la nationalité française. Elle suggère que le commandant Devigny écrive une lettre témoignant des activités pro-françaises et pro-alliées de Simon Hercenberg et qu'il l'aide ainsi dans ses démarches pour obtenir la nationalité française. (Doc., Lettre de Miss Burkitt au commandant Devigny, sans nom de lieu, 26 mars 1947 ; voir document reproduit n° 29). C. Cette lettre émane de l'Intelligence Service et est par conséquent sans en-tête. (Doc., Témoignage oral, Lozère/Yvette, 26 octobre 1996).

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A. 15 avril 1947 : Habite chez Mr. Gineste, 12 rue Meynadier, Paris. (Doc., Lettre du commandant Devigny, Paris, 15 avril 1947 ; voir document reproduit n° 30). A. 15 avril 1947 : Réponse négative du commandant Devigny à la demande de Miss Burkitt de délivrer un papier reconnaissant les activités pro-françaises et pro-alliées de Simon Hercenberg pour l'aider à obtenir la nationalité française. Il argumente ce refus du fait que Simon Hercenberg a servi "dans une organisation étrangère". (Doc., Lettre du commandant Devigny à Hercenberg, Ministère de la Guerre, Paris, 15 avril 1947 ; voir document reproduit n° 30). A. 30 juin 1947 : Naturalisé français. (Doc., Sous direction des naturalisations, Paris, 30 juin 1947). A. 6 juillet 1947 : Parution du décret de naturalisation au journal officiel. (Doc., Journal officiel, p. 6365, 6 juillet 1947). C. "J'avais réuni une grande partie des documents me concernant après mon retour en France dans le but d'obtenir la nationalité française." (Doc., Témoignage, lieu ?, date ?).

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T A B L E D E S M A T I E R E S 1 - 2 Préambule. 3 Etapes du parcours. 4 Remarques préliminaires sur la chronologie.

Chronologie :

6 - 10 1921 - 1 juillet 1940. 11 - 13 I5 juillet 1940 - septembre 1940. 14 - 18 Début 1941 - mai 1941. 19 - 21 16 mai 1941 - 10 septembre 1941. 22 - 28 10 septembre 1941 - 21 mai 1942. 29 - 32 21 mai 1942 - juillet 1942. 33 - 38 Juillet 1942 - novembre 1942. 39 - 46 10 novembre 1942 - 4 octobre 1944. 47 - 52 Octobre 1944 – 11 juillet 1945. 53 - 57 Juillet 1945 - 27 novembre 1946. 58 - 59 3 mars 1947 – 6 juillet 1947.


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