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Contribution à l'histoire des états de Savoie: Le Countea de Nissa

Date post: 11-Nov-2023
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1 Contribution à l’histoire des Pays des Etats de Savoie Le Countea de Nissa Notre histoire depuis le début est sujette à d’énormes falsifications mise en place par la France qui a toujours lorgné ce territoire. Il fallait créer un roman, une fable historique pour nous laisser croire que nous étions français. Du type : « Nos ancêtres les Gaulois, Vercingétorix, puis Clovis et le Vase de Soisson, etc.... Commençons par le préambule... Les ancêtres des Ligures n’avaient pas d’écriture, mais ils savaient raconter des histoires en les gravant sur des rochers, et les alentours du mont Bego (Vallée des merveilles) en sont la preuve. Il a été dénombré plus de 40 000 gravures sur l'ensemble du site dont au moins 35 000 pétroglyphes pré-protohistoriques. Elles sont gravées sur plus de 4 000 pierres ou "dalles". Parfois associées entre elles, parfois seules, une étude statistique est en cours pour essayer de comprendre si les agencements sont fortuits ou si certaines séquences se répètent. Dans ce dernier cas nous serions peut-être en présence d'une sorte de code de communication, de pré-écriture. On distingue cinq catégories de gravures : les corniformes, les armes et outils, les figures anthropomorphes, les figures géométriques et pour finir les figures non représentatives. Certaines représentations sont très fréquentes comme les corniformes, les poignards... d'autres sont uniques comme la gravure dite "du Sorcier". On peut donc estimer que les hommes ont gravé sur les roches du mont Bego sur une période comprise entre 2000 et 1000 ans avant J.-C, il y a donc plus de 4000 ans. « La plupart des gravures piquetées de la région du mont Bego daterait de l'âge du Bronze ancien et aurait été exécuté entre 1800 et 1500 avant notre ère » Henry de Lumley (Institut de Paléontologie Humaine de Paris). Il est certain que la civilisation du Bego fut une des premières sociétés agro-pastorale établie dans la Countéa qui possédait l’art de réaliser des machines agricoles outillées tirées par des équipages de bœufs. Et les règles de répartitions des terres, et des ressources qu’ils établirent subsisteront encore durant plusieurs siècles.
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1

Contribution à l’histoire des Pays des

Etats de Savoie

Le Countea de Nissa

Notre histoire depuis le début est sujette à d’énormes

falsifications mise en place par la France qui a toujours lorgné ce

territoire. Il fallait créer un roman, une fable historique pour

nous laisser croire que nous étions français. Du type : « Nos

ancêtres les Gaulois, Vercingétorix, puis Clovis et le Vase de

Soisson, etc....

Commençons par le préambule...

Les ancêtres des Ligures n’avaient pas d’écriture, mais ils

savaient raconter des histoires en les gravant sur des rochers, et

les alentours du mont Bego (Vallée des merveilles) en sont la

preuve. Il a été dénombré plus de 40 000 gravures sur l'ensemble

du site dont au moins 35 000 pétroglyphes pré-protohistoriques.

Elles sont gravées sur plus de 4 000 pierres ou "dalles". Parfois

associées entre elles, parfois seules, une étude statistique est en

cours pour essayer de comprendre si les agencements sont

fortuits ou si certaines séquences se répètent. Dans ce dernier

cas nous serions peut-être en présence d'une sorte de code de

communication, de pré-écriture. On distingue cinq catégories de

gravures : les corniformes, les armes et outils, les figures

anthropomorphes, les figures géométriques et pour finir les

figures non représentatives. Certaines représentations sont très

fréquentes comme les corniformes, les poignards... d'autres sont

uniques comme la gravure dite "du Sorcier". On peut donc

estimer que les hommes ont gravé sur les roches du mont Bego

sur une période comprise entre 2000 et 1000 ans avant J.-C, il

y a donc plus de 4000 ans. « La plupart des gravures piquetées

de la région du mont Bego daterait de l'âge du Bronze ancien et

aurait été exécuté entre 1800 et 1500 avant notre ère » Henry de

Lumley (Institut de Paléontologie Humaine de Paris).

Il est certain que la civilisation du Bego fut une des premières

sociétés agro-pastorale établie dans la Countéa qui possédait l’art

de réaliser des machines agricoles outillées tirées par des

équipages de bœufs. Et les règles de répartitions des terres, et

des ressources qu’ils établirent subsisteront encore durant

plusieurs siècles.

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Quelques propos sur l’Antiquité...

Nice, la ville fut fondée par les Grecs au troisième Siècle avant JC

qui établissaient des comptoirs ou des escales le long des côtes

méditerranéennes. Certes mais avant les Grecs, les Ligures

occupaient déjà le terrain construisant des cabanes de branches

aux milieux d’enceintes fortifiés que l’on appelle Castellaras dont

il reste des traces justement sur le point le plus haut de

Cemenelum, la colline du Monastère, mais aussi beaucoup plus

loin jusqu’à Sospel et Fontan-Saorge(et même en Provence vers le

plateau de Caussols).

La vie des établissements Grecs était entièrement conditionnée

par les dispositions des habitants à l’égard des nouveaux venus.

Faute de connaître assez les indigènes, on s’est fait durant

longtemps une idée fausse des colonies Marseillaises de Provence

(nom donnés aux comptoirs Grecs).

La côte entre Marseille et Gènes était le refuge d’une ethnie

distincte, nettement séparée des Gaulois et par ses mœurs et par

sa langue et qui devait résister longtemps aux influences

voisines. Strabon (64 avantJC-21 après JC) distingue des

Salyens et des Ligures, en leur donnant le Var pour frontière.

D’autres passages montre que par cette distinction, il veut

seulement indiquer que le pays entre le Var et la Macra étant

resté exclusivement ligure, les Tribus à l’Ouest du Var s’étaient

au contraire, peu à peu abâtardies au contact des Gaulois,

jusqu'à mériter le nom de Celto-Ligures que voulaient leur

donner les géographes de la nouvelle école (les Celtes ne sont

arrivés, dans le Pays Niçois, qu'en 400 avant notre ère dans la

Roya et se sont mélangés aux Ligures en un siècle, vers 300

avant notre ère, ce qui fait qu'il y eut aussi des Celto-Ligures sur

notre territoire: ils allaient jusqu'en Ligurie actuelle ou l'on

trouve des pierres levées et aussi le plateau des druides à

Baiardo).

Dion Cassius (155-235) cite les Ligures Chevelus comme ayant

résistés aux Romains jusqu’en 23 avant JC. Pline (les tribus

ligures furent définitivement vaincues en 13 avant notre ère) : «

Ligurum celeberrimi ultra Alpes Salluvii, Deciates, Oxybii. » Les

Ligures Chevelus habitaient la région de Monaco avec pour limite

le Var à l’Ouest et à l’Est le pays des Ingauni dont la capitale

était Albenga. Les Oxybiens et les Déciates étaient

respectivement campés les premiers, entre l’Argens et Antibes,

les autres entre Antibes et le Var. Les Salyens avaient eux

comme territoire entre Marseille et l’Argens.

Tous les auteurs anciens, Diodore, Strabon, Tite-Live, Polybe ont

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vanté les qualités des Ligures. Ils étaient de petites tailles ; ils

habitaient la montagne, où ils avaient conservé une vie assez

primitive.

Ils étaient surtout pasteurs et bûcherons, vivant des produits de

leurs troupeaux et de la chasse.

Ils cultivaient peu les plaines, mais préféraient avoir leurs

champs prés de leur Oppida des sommets ; le sol y était très peu

productifs et difficile à défoncer avec les instruments grossiers

dont ils disposaient. Cette vie pénible avait fait d’eux une race

résistante, tout à la fois maigre, souple, agile et très robuste.

Diodore et Strabon ont vanté l’énergie des femmes. Les hommes

faisaient des soldats d’élites, armées à la légère, ils se déplaçaient

rapidement, harcelant l’ennemi, montrant beaucoup de hardiesse

dans le combat. Certains étaient Marins et se déplaçaient par

tout temps dans d’étroites barques, n’hésitant pas à attaquer les

navires marchands.

Une tradition remontant à l'Antiquité veut que le nom de Nikaia

ait été donné à l'implantation, à la suite d'une victoire militaire

des Massaliotes sur les Ligures, jusque-là seuls habitants de ces

régions (Nikaia signifiant, en grec, "celle par qui est arrivée la

victoire"). Cependant, le toponyme Nice/Nis/Nic... est assez

répandu entre l'Italie et l'Espagne et ne semble avoir aucun lien

avec la déesse grecque Niké. Aucune source ne fait état d'une

bataille entre Grecs et Ligures à l'origine de la fondation de

Nikaia.

Au début du IIe siècle av. J.-C., les peuples ligures de la région,

les Déceates et les Oxybiens, lancent des attaques répétées

contre Antipolis et Nikaïa. Les Grecs de Marseille, font appel à

Rome, comme ils l'avaient déjà fait quelques années plus tôt

contre la fédération des Salyens (premières attaques des

Romains en - 237). En -154 av. J.-C. le consul Quintus Opimius

défait les Déceates et les Oxybiens et prend Aegythna, oppidum

des Décéates. Les territoire « conquis » par les Romains sur les

populations indigènes sont donnés aux Phocéens et administrés

par l'intermédiaire de ses implantations, Antipolis et Nikaïa.

La pacification ne se fit pas sans excès 12 ans de guerre

d’extermination entre 25 et 13 avant JC. En cas de résistance les

oppida et les grottes fortifiées où s’étaient réfugiés les

populations furent incendiés ou enfumées.

Les quelques chroniques de l’époque racontent que des groupes

entiers préféraient se jeter du haut des falaises plutôt que de se

rendre ou se soumettre, d’autres se livrèrent au meurtre de leur

propre lignée plutôt que de voir les membres de c celle-ci tomber

vivant entre les mains des Romains.

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Ainsi, au cours de quatre batailles principales (25, 16 14 et 14

av. JC), Octave Auguste et ses généraux soumettent ces

peuplades rebelles, achevant l’unification du vaste Empire

romain, instaurant ainsi la Pax Romana. A partir de ces

nouvelles régions pacifiées, Auguste crée la province des Alpes-

Maritimes, ayant pour capitale Cemenelum (Cimiez à Nice).

Pour célébrer ces victoires l’Empire Romain et le Sénat de Rome

édifient à la Turbie le Trophée d’Auguste au point culminant de

la nouvelle voie Julia. Sa construction s’achève en –7, -6 avant

Jésus-Christ.

L’édifice, qui porte la marque des ouvrages impériaux, a

certainement été conçu par un disciple de Vitruve, célèbre

architecte romain.

Remarque : A l’origine, le « trophée » fait partie du rite guerrier

romain. Il est constitué des armes du vaincu accrochées à un

arbre à la façon d’un mannequin. Le vainqueur l’offre aux dieux

qui lui ont permis la victoire. Vous pouvez d’ailleurs admirer

deux représentations de ces trophées de chaque côté de la

dédicace à Auguste. Le texte initial de la dédicace à Auguste,

gravée sur les plaques du mur ouest, reprend les noms de toutes

les peuplades vaincues.

Suivant la lecture que l’on fait de l’inscription, on peut voir les

noms de 44 à 49 peuplades. Elles travailleront d’ailleurs comme

esclaves à la construction du Trophée. Les Romains proprement

dit n’occuperont que la façade littorale pour sécuriser la Voie

Julia, en fait ils confieront le reste du pays, haut et moyen, aux

natifs « romanisés ».

Mais Rome n’avait plus rien à craindre et les Ligures respecteront

leur engagement. Ils comprenaient que leur (relatif) petit îlot de

résistance alpin au sein d’un Empire grandissant, n’avait plus de

raison d’être. Mieux même, ils chercheront à tirer profit de la

collaboration qui s’établit entre les deux peuples en s’engageant

notamment, dans les armées romaine.

La réputation du guerrier ligure n’était plus à faire et depuis des

siècles, les légionnaires l’avaient appris à leur dépend (guerres

italiques, puniques, ligures,....). Incomparables fantassins, pas

cavaliers mais très bons tirailleurs, « leurs hoplites et gens de

traits sont excellents » (Strabon). « Contrairement aux Gaulois, le

guerrier ligure était digne de confiance et savait faire preuve

d’initiative. On se disputait leur concours » (Salluste).

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En raison de la pression démographique et des difficultés

rencontrées par les familles pour nourrir tous leurs membres à

partir d’un sol des plus ingrats, le mercenariat devient une

activité propice à augmenter les possibilités d’emploi dans les

vallées alpestres et apennines.

Les Romains en tirent très vite les conséquences et remplacent la

légion stationnant à Cimiez par une seule cohorte d’auxiliaires

ligures de 500 hommes à laquelle est associée une autre cohorte

nautarum (de marins) rattachée à Fréjus mais basée à Nice, pour

la surveillance de la zone côtière.

Les anciens pirates ligures ont trouvé là matière à reconversion !

Il est probable aussi, que les centuries de Briançonnet et de

Glandèves « s’indigénisent » assez vite avant de disparaître.

Mais si les débouchés pour les besoins locaux semblent limités, il

faut savoir que de nombreux auxiliaires seront recrutés pour les

théâtres d’opération extérieurs à partir de la région et incorporés

au sein de cohortes ou de légions: ce sont les fameuses cohortes

dites pérégrines (terme qui donnera naissance à celui de pèlerin).

En particulier, au moins quatre cohortes seront ainsi formées

pour aller combattre en Africa ou en Mauretania contre les

Berbères, toujours prompts à se soulever.

Sous Caracalla, la pleine citoyenneté romaine est étendue à tous

les provinciaux libres. Les Bérétins, Chanencs ou Pennois

deviennent donc des « Romains » mais en fait, cela ne modifiait

en rien leurs dures conditions de vie. Pour l’anecdote, la

possibilité de porter trois noms leur est ainsi offerte : un prénom,

un nom de famille ou gentilice (souvent celui de leur bienfaiteur

ou protecteur) et un surnom ou « cognomen » (souvent le plus

utilisé et le seul passant à la postérité).

Un des plus célèbres ligures fut « Pertinax » Publius Helvius

Pertinax (latin : Imperator Caesar Publius Helvius Pertinax

Augustus), né le 1er août 126 à Alba (Piémont) et assassiné le 28

mars 193, c’est un empereur romain, qui régna de janvier à mars

193, à qui l’on doit cette citation : « J’aime mieux gouverner avec

équité une république pauvre que d’acquérir des richesses par

des voies tyranniques et déshonorantes ».

La terre, l’eau, la végétation, les pierres et les rochers, nous

révèlent peut-être mieux que la mémoire et même les ouvrages,

une sorte de passé peut-être inscrit au plus profond de nous-

mêmes, de notre ADN ou notre hérédité. C’est peut-être de ce

temps-là que remonte notre ressentiment contre Marseille.

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Toujours est-il que notre lointain passé Ligure est largement

passé sous silence car il nous rapprocherait d’une certaine

Italianité.

A la fin de l’empire Romain, s’écoule une période trouble

d’invasion, seul le Trésor de Cimiez, permet de faire quelques

hypothèses. Le trésor de la compagnie de l’eau aurait été mis au

jour le 7 Janvier 1883, sur la propriété des Garin de Coconato,

(Parc des Arènes de Cimiez) lors de travaux réalisé pour la

construction du canal de Nice.

Ce petit pécule contient des monnaies émises de Gordien III

(238-239) à Salonin Monnaie de Milan (émise au milieu de

l’année 259).

Le trésor de la compagnie de l’eau aurait été constitué après 259.

Mais on y trouve aussi des monnaies frappées par Antênor et les

Mérovingiens de Marseille. Ce qui aurait tendance à prouver que

même détruite par l’invasion des Lombards vers 574¬575, le site

de Cemenelum et la colline de Cimiez ne furent pas abandonné.

-617 : Nice adhère à la Ligue Génoise, pacte fédéral liant toutes

les villes du golfe ligurique (golfe de Gênes) contre les rois de

Lombardie. Selon l’antique usage du municipe, chaque cité

formait comme une sorte de République, s’administrait elle-

même et pourvoyait à sa défense comme à sa subsistance.

736-737 Charles Martel mène une expédition militaire contre les

Provençaux rebelles aux Francs. Il s’allie aux Lombards et les

provençaux s’allient eux aux Sarrasins. Les populations elles

paieront un lourd tribu à chaque camp, et les massacres seront

nombreux comme en Aquitaine.

759 : Sous l’égide de Thibaud, neveu de Charles Martel, la ville

de Nice obtient trois Syndics pour son administration civile et un

podestat pour son administration judiciaire ; elle conserve son

ancien municipe, élit son Conseil et ses magistrats, rend la

justice, vote les impôts par corps de cité et non par capitation.

Elle ne relève d’aucun seigneur particulier et ne peut être aliéné

du domaine royal. Les trois Syndics représentent les nobles, les

marchands et les artisans.

813 Une razzia Sarrasine ravage Nice.

Rareté des documents pendant cinq siècles...

Victime des incursions sarrasines, le littoral perd ses habitants

qui choisissent des sites quasi inaccessibles de l’arrière-pays où

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ils vivent dans les mêmes conditions que les Ligures avant

l’arrivée des Romains. Entre 663 et 999, on ne retrouve aucun

nom d’évêque à Nice ; aux IXe et Xe siècles, rien ne permet

d’affirmer (ou de nier) la présence d’habitants sur le site de

l’ancienne ville grecque.

A la fin du IXe siècle, la situation s’aggrave car les Sarrasins

s’installent dans le massif des Maures, au-dessus du golfe de

Saint-Tropez (forteresse de la Garde-Freinet). De cette base, ils se

livrent à des incursions dans la Provence.

Selon la légende, en plus des invasions, le pays aurait connu un

grand séisme, qui aurait déclenché d’importants glissements de

terrains dans les vallées, coupant ainsi une partie des

populations. Interrompant les chroniques tenues par le clergé.

Ainsi pour l’évêché de Glandèves, après les quatre premiers

évêques, jusqu’au fin du VIe siècle, la liste des évêques du

diocèse de Glandèves (situé en amont d’Entrevaux) comporte un

vide qui dure jusqu'en 991, année à laquelle apparaît un Guigo

ou Guigues. L'évêché de Glandèves comprenait le Val

d'Entraunes, l'ancienne viguerie de Guillaumes, à l'est la rive

droite du Cians, à l’ouest les vallées du Coulomb et de la Vaïre,

au sud il englobait les communes des vallées de la Gironde et de

l'Estéron jusqu'au Var.

-999 : L’un des tout premiers documents de l’Histoire de Nice

indique que Milon (ou Miron) et Odile sont podestats de la ville,

cette dernière se qualifie de « vicomtesse de Nice ».

-1012 : Odile et Milon gouvernent Nice, mais la cité est devenue

municipe ; elle nomme ses magistrats et dispose de la liberté de

juridiction.

-1075 : la société niçoise s’organise en Commune ; deux autres

pouvoirs émergent après le déclin de l’autorité des podestats de

la ville, ceux de l’évêque et du monastère de Saint-Pons.

-1108: Nice proclame son indépendance. Le Municipe est

définitivement établi, la ville nomme ses magistrats et dispose de

la souveraineté.

1117-1152 : Les évêques de Nice perdent peu à peu leur pouvoir

temporel au profit de la commune ; dès 1144 les consuls de Nice

exercent le pouvoir. En 1150, Nice, qui s’est allié avec Gênes,

proclame de nouveau son indépendance.

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Quand nous disons que Nice n’a jamais fait partie de la Provence,

nous entendons dire qu’elle n’a jamais été considérée comme en

faisant partie intégrante, et que même au temps où elle était

réduite par la force des armes sous l’obéissance des Comtes de

Provence, elle conserva son autonomie.

La commune de Nice prit évidemment naissance au moment de

la dissolution de l’empire de Charlemagne. A peine la commune

exista-t-elle, que le génie naturel des habitants, la voix du sang,

si l’on peut parler ainsi, se fit entendre au cœur du peuple, et

Nice s’unit à Gènes. Elle eut les mêmes lois.

Datta dans son récent travail sur les libertés de la commune de

Nice, dit « qu’on ne sait si Nice a emprunté ses lois à Gènes, ou,

si c’est Gènes qui les a empruntés à Nice, ou plutôt si les

Conseils des deux communes ne se sont pas entendu pour

adopter la même législation. » Le citoyen qui transportait sa

demeure à Gènes n’était pas considéré comme absent. Les objets

demeurés invendus dans les encans publics étaient expédiés à

Gènes. Les monnaies étaient les mêmes. Les rapports

commerciaux et civils étaient continuels. À cette époque

commençait le pouvoir des Comtes de Provence, établis sur la

rive droite du Var. Nice constituée en République chercha son

point d’appui à Gènes, plutôt qu’en Provence, chez un peuple

d’origine commune. C’est ce qu’il résulte de sa législation même.

En 1162 l’empereur Frédéric Barberousse investit Béranger dit le

jeune, du Comté de Provence. Celui-ci convoqua à Aix les

feudataires, les gouverneurs et les consuls des villes soumises à

sa domination. Béranger suivant la politique de son maître,

ennemi acharné des républiques italiennes, convoqua aussi les

magistrats de Nice. Les Niçois refusèrent d’obéir, et Nostradamus

nous apprend que le refus de ces fiers républicains fut formulé

avec arrogance. « En 1664, Béranger envoya des ambassadeurs

signifier aux magistrats de Nice, qu’il prétendait exiger d’eux foi

et hommage. Mais ces citoyens pleins d’amour pour la liberté

dont ils avaient arboré la bannière répondirent : « que depuis

plusieurs siècles leur ville était libre, qu’elle ne dépendait

nullement des Comtes de Provence, et ne reconnaissait d’autre

souverain que l’empereur ».

Cette réponse décida Béranger à la guerre ; mais sachant qu’il

avait à faire à une population belliqueuse et à une ville fortifiée, il

mit deux ans à se préparer et en 1166 il investit la ville de Nice

avec une nombreuse armée. « La place réduite aux abois ne

pouvait plus résister ; mais tous les citoyens jurèrent de

s’ensevelir sous les ruines de la ville !

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Les troupes provençales escaladèrent les remparts, ayant le

Comte à leur tête ; « ce prince, emporté par son désir de

vengeance, s’avança imprudemment au plus fort de la mêlée ;

bientôt percé par une flèche, il tomba noyé dans son sang au

pied de ces mêmes murailles qu’il avait juré de détruire. Au bruit

de sa mort, l’épouvante se mit parmi les assaillants : repoussé de

tout côté, ils levèrent le siège en toute hâte, se sauvèrent au-delà

du Var, abandonnant presque tous leurs bagages. C’est ainsi que

cette victoire inespérée sauva la ville de Nice d’un grand désastre

et rétablit dans toute sa force le gouvernement républicain et

l’autorité consulaire. »

Mai 1176 : Le roi Alphonse Ier d’Aragon (cousin de Raimond

Béranger), aidé par les Grimaldi de Gênes et de Monaco, se porte

vers Nice et encercle la ville par terre et par mer. Les Niçois sont

contraints de négocier mais refusent d’ouvrir les portes de la

ville. Alphonse d’Aragon est contraint de confirmer tous les droits

et privilèges des Niçois en ces termes : « Nous leur accordons et

confirmons le consulat avec toutes ses justices et sentences tant

des causes criminelles que pécuniaires et civiles ; le pouvoir

perpétuel d’élire leurs Consuls et magistrats ; nous leurs

confirmons les coutumes, us, privilèges qu’ils ont eu et qu’ils

auront ; en même temps ceux que possède ou peut posséder

ladite université ou quelqu’un des citoyens de ladite Ville de Nice.

» ; la générosité n’étant pas gratuite en politique, les Niçois

versèrent en compensation 25 000 sous melgoliens et en

promirent plus deux mille autres, durant dix ans, jusqu’à que la

paix soit rétablie, ils ne seront plus tenus de fournir des hommes

pour la guerre. Cette charte capitale est aujourd’hui conservée

aux archives municipales de Nice.

-1177 : Les Niçois concluent une alliance avec Pise.

-1205 : Les consuls de Nice rédigent et promulguent les Statuts

de la ville déclinés en 228 articles.

-1210 : Pierre d’Aragon (frère du défunt Alphonse) se rend à Nice

et confirme le traité de 1176.

-1215 : Les Niçois, conduits par le premier consul Miron Badat,

rejettent de nouveau le comte de Provence (rejectis etiam

comitibus provinciae), rétablissent le gouvernement consulaire

plein et entier et proclament de nouveau l’indépendance de la

cité.

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-1216 : Les seigneurs prêtent fidélité au comte de Provence ; Nice

n’envoie pas de députation.

-1246 : En la chapelle Saint-Lambert, « noble homme Salmon »,

juge et viguier de Nice remet aux Consuls les lettres patentes de

Charles d’Anjou et Béatrix de Provence par lesquelles ils

renouvellent le Traité de 1176. Profitant du départ du comte de

Provence pour la croisade, les Niçois se révoltent, refusent sa

suzeraineté et rétablissent le gouvernement consulaire.

-1353 : Les Niçois établissent leurs statuts qu’ils font approuver

à titre perpétuel et inaliénable par la reine Jeanne. En outre, elle

s’engage à ne plus faire aucune aliénation sans le consentement

des communes. Enfin elle accorde aux communes le droit de se

défendre et de repousser la force par la force « impune defendere

».

-1367 : La reine Jeanne confirme les droits et privilèges de Nice.

De fait Nice est une citée république libre et elle met toute son

énergie à le rester. Elle inspire de nombreuses communes de

l’arrière-pays qui malgré une féodalité encore présente rachète

privilèges et franchises aux derniers petits seigneurs. Il est à

noter que le servage proprement dit a disparu depuis le XIème

Siècle.

Après le décès de Louis d’Anjou en 1384 et l’assassinat de

Charles de Duras roi de Sicile et de Hongrie en 1386, les tuteurs

de leurs héritiers se disputèrent la Provence ; les Niçois avaient

choisi Ladislas de Duras, car son père leur avait conservé toutes

les franchises municipales.

En 1388, la Maison d’Anjou, branche cadette de la Maison de

France, envoya une puissante armée commandée par le sénéchal

de Marles pour réduire Nice. Mais Ladislas et sa tutrice la reine

Marguerite, assiégés dans Gaète, ne pouvaient protéger Nice des

Angevins. Marguerite donc donna l’autorisation aux émissaires

niçois de traiter selon leurs souhaits. Le comte de Beuil,

gouverneur de Nice, après l’avis du grand Conseil, négocia avec le

comte de Savoie.

L’armée angevine campait déjà devant Saint-Paul de Vence,

quand le Comte de Savoie (le Comte Rouge) arrivant par les cols,

établit son camp à Saint-Pons. Une assemblée plénière des

habitants fut convoquée, et après avoir délibéré “a tiertia usque

ad vesperas” (de la 3ème heure jusqu’aux vêpres) les Niçois

décidèrent de traiter avec le comte de Savoie.

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L’accord de « Protectorat » passé avec la Maison

de Savoie est connu sous la dénomination de

Dédition.

Leurs délégués se rendirent à Saint-Pons et établirent avec le

nouvel allié une charte déclinée en 34 articles. En échange de sa

protection, les Niçois accordaient un protectorat conditionnel au

Comte de Savoie. La charte était signée pour trois ans, pour le

cas où le roi Ladislas aurait la possibilité de revenir aider

militairement Nice ; passé ce délai, la charte de dédition serait

renouvelée. Les principaux articles de la charte indiquent que

jamais le comte ni ses successeurs ne pourraient céder Nice à

quiconque et encore moins au roi de France ou à la Maison

d’Anjou ; que Nice conserverait ses franchises et privilèges,

qu’elle en obtiendrait de nouveaux, que sa place forte ne pourrait

être livrée qu’avec l’accord de ses chefs militaires, que divers

privilèges juridiques régaliens lui seraient conservés, ainsi que

diverses autres dispositions garantissant les droits des Niçois. Il

était précisé qu’en cas de violation de la charte, les Niçois

pourraient se révolter sans être taxés de rebelles. La Charte fut

renouvelée trois ans plus tard, et Nice demeura liée

volontairement aux chefs de la Maison de Savoie jusqu’en 1860.

La dédition n’eut donc pas pour objet de fonder un “comté de

Nice” ; aucun article ne fait mention d’une telle volonté, ni même

ne décline ce terme (Les "terres Neuves de Provence" deviendront

le "Comté de Nice" en 1526).

Plus tard les "Savoie" employèrent cette appellation d’honneur

dans leurs titulatures, sans qu’aucune lettre patente officielle ne

légalise l’érection du Pays de Nice en “comté”, formalité

impérative en droit féodal (en fait, il n'y eut jamais de Comte de

Nice, le Comté était une entité administrative comme le Canton

en Suisse ou les Comtat Venaissin en Vaucluse).

L’identité niçoise existait depuis longtemps et la République

consulaire niçoise de 1108 avait établi les statuts de la ville:

celle-ci se gouvernait elle-même et passait des traités. La dédition

à la Savoie n’eut que deux objets : échapper à la domination de la

Maison d’Anjou, au roi de France et à tout autre féodal, tout en

conservant et augmentant les franchises et libertés des Niçois.

-1436 : Entre les factions rivales, les Caïs (qui désirent

l’inféodation à la Provence) et les Grimaldi (fidèles à la Savoie),

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l’instabilité politique s’installe à Nice. Le gouverneur Nicod de

Menthon, trop autoritaire, est détesté ; Jeanne Verani, femme du

peuple, sonne le tocsin avec la cloche du couvent des Carmélites

et les Niçois se soulèvent.

-1437 : Le gouverneur de Nice réduit la révolte. 41

condamnations à mort dont 26 par contumace sont prononcées.

45 citoyens sont condamnés à diverses peines. Les libertés

communales sont suspendues et les archives de la ville

confisquées, en particuliers le « Livre Rouge » où sont inscrit tous

les privilèges de Nice.

-1438 : Les privilèges communaux sont rétablis en faveur de Nice

contre le paiement d’une forte amende de 6 000 florins. Les

archives municipales sont restituées.

-1440 : Le duc de Savoie rend le « Livre Rouge » aux Niçois.

-1481 : Louis d’Anjou lègue ses droits sur la Provence à Louis XI.

-1483 : Le comté de Provence est réuni à la couronne de France

et le Var marque désormais la limite du Royaume. Les Etats d’Aix

en 1487 déclarent « la Provence réunie pour jamais à la couronne

de France ».

Le XV siècle constitue à cet égard une période fort intéressante,

car il correspond à la véritable entrée de la région niçoise dans le

monde moderne — -entrée manifestée par la création en 1614

d'une cour souveraine, le Sénat de Nice, dont la première tâche

sera de mettre fin à l'indépendance excessive manifestée par le

comte de Beuil, Annibal Grimaldi, dernier représentant à Nice

d'une féodalité disposant d'un pouvoir politique effectif.

Cette constatation d'un constant amoindrissement des libertés

locales reviendra sans cesse au cours de notre étude.

I. — Les institutions municipales

Le régime municipal niçois, dérivé de l'organisation traditionnelle

des communautés provençales, repose sur la distinction des

citoyens en quatre classes {classe ou gradi) : nobles, marchands,

artisans et laboureurs. Sont considérés comme nobles ceux qui

sont tels par naissance, par privilège légal ou par concession du

prince et vivent noblement. Les anoblis sont tenus de présenter

leurs lettres de noblesse au conseil de ville pour éviter toute

discussion.

13

La classe des marchands se compose des bourgeois qui vivent

des revenus de leurs biens, tiennent boutique ou exercent la

profession de procureur ou de notaire sans pourtant être

docteurs en droit.

Sont réputés artisans les apothicaires (mais non les chirurgiens,

considérés comme marchands), les peintres et sculpteurs, les

tailleurs, les savetiers, les tanneurs, les fourreurs, les maçons,

les menuisiers, les chaudronniers, etc.

La quatrième classe comprend le reste de la population : non

seulement les paysans, mais aussi les pêcheurs et les ouvriers

agricoles.

Il faut noter que cette répartition — dont nous ne chercherons

pas ici à savoir dans quelle mesure elle reflète une réalité sociale

— n'était pas immuable ; ainsi, le 28 juin 1654, le conseil

confirme l'élection de Clément Bonfiglio comme conseiller

marchand, bien qu'il ait autrefois siégé comme représentant de la

classe des artisans.

Le système de nomination des officiers municipaux est

réglementé par un rescrit d'Amédée VIII donné le 16 juillet 1435,

un rescrit de la duchesse régente Blanche donné le 1er mai

1492, et des règlements pris par la ville elle-même. Pris à la suite

de désordres provenant de l'accaparement par les nobles de la

majorité des offices, le rescrit d'Amédée VIII consacre la division

des citoyens en quatre classes, établit que, selon la coutume

jusque-là observée, la ville aura quatre syndics, un assesseur et

quarante conseillers qui seront élus annuellement par huit

électeurs désignés par le précédent conseil, et devront être

citoyens niçois. On élira également chaque année quatre arbitres,

quatre regardateurs, et un trésorier ou clavaire.

Ce Système est complété en 1492, à la suite de graves

émeutes, par la Duchesse Blanche qui règle le régime

électoral: Désormais, ce n'est plus le choix des électeurs

qui décide, mais le tirage au sort, Per sortes sèu per

brevia, non per vocès.

Le mode d'élection en usage au XV° siècle est le suivant : les

électeurs des conseillers et des officiers municipaux sont au

nombre de huit, deux de chaque classe ; ils sont eux-mêmes élus

par les syndics, conseillers et officiers de l'année qui s'achève.

Pour cela, le lundi de Pentecôte, on fait des bulletins blancs à

l'exception de deux sur lesquels on inscrit le mot elector.

Le secrétaire les mélange dans un sac puis les fait tirer en

14

commençant par le premier syndic, le premier défenseur des

privilèges et les conseillers nobles jusqu'à ce que soient sortis les

deux bulletins portant le mot elector ; ceux qui les ont tirés

seront les électeurs des conseillers et officiers nobles pour

l'année suivante. On procède ensuite de même pour désigner les

électeurs des trois autres classes. Après avoir juré dans les

mains du préfet de procéder honnêtement à l'élection des

conseillers et officiers, les électeurs se retirent avec le secrétaire

de la ville dans le local des archives et y désignent les syndics,

les défenseurs des privilèges, les conseillers, le trésorier, les

arbitres et les regardateurs. Chacun vote pour deux candidats

(sauf pour le trésorier pour lequel on ne désigne qu'un nom) de

sa classe ; les bulletins sont déposés dans quatre sacs distincts,

un pour chaque classe et le premier nom extrait de chaque sac

est celui de l'officier élu.

1536 : Le trésor français confisque tous les biens des Niçois

situés en Provence. En août, le duc de Savoie, accompagné d’un

fort parti de Niçois, se rend à Aix ; ces derniers brûlent en place

publique tous les titres relatifs aux droits que les anciens comtes

de Provence prétendaient avoir sur Nice.

-1538 : Mai-juin. Congrès de Nice où se retrouvèrent le pape Paul

III, François Ier et Charles Quint. Le duc de Savoie demande aux

Niçois de loger le pape et de recevoir le souverain ; craignant une

mainmise étrangère sur la ville, les Niçois refusent, lui rappelant

vertement qu’ils sont maîtres chez eux en vertu des dispositions

de l’acte de dédition de 1388 ; le duc s’incline.

Les guerres contre la France...

1543 : Les Français avec leurs alliés Turcs assiègent Nice. Après

une énergique résistance et malgré le célèbre fait d’armes de

Catarina Ségurana, la ville-basse se rend le 22 août. Le château

résiste jusqu’à l’arrivée des troupes de Charles-Quint et de

Charles III de Savoie. Les assaillants lèvent le siège le 8

septembre.

1544 : Ayant subi des revers militaires, Charles-Quint

abandonne Charles III. La Savoie ainsi que le Piémont occidental

sont envahis par François Ier ; le Piémont oriental est sous

tutelle espagnole ; il ne reste aux Savoie qu’Aoste, Asti, Cuneo,

Nice, Ivrea et Verceli.

15

1557 : 10 août. Le duc Emmanuel-Philibert de Savoie,

commandant les troupes de Charles-Quint, écrase les troupes

françaises à Saint-Quentin ; les drapeaux pris à l’ennemi sont

exposés à Nice

-1559-1560 : Les habitants de Nice sont exempts de l’impôt dit «

du tasso », c’est-à-dire de l’impôt foncier direct. On construit le

palais Royal (agrandi en 1650) et on installe le premier collège de

Nice. Construction du fort du Mont-Alban et de la citadelle de

Villefranche, le château de Nice est puissamment fortifiée.

-1563 : 7 février. Emmanuel-Philibert fixe sa capitale à Turin.

-1571 : 7 octobre. Trois galères armées par la Savoie, où servent

de nombreux Niçois et Sospellois, participent à la victoire navale

de Lépante.

-1574 : On construit à Nice le palais communal. Les travaux

durent six ans.

-1577 : Le duc de Savoie confirme les droits et privilèges des

Niçois.

-1579 : Emmanuel-Philibert de Savoie achète le comté de Tende

à Henriette du Maine (anciennement apanage des Doria et des

Lascaris) et l’intègre au Comté de Nice.

-1612 : 22 janvier. Création du port franc de Nice pat Charles-

Emmanuel Ier. Un document daté de 1612 est très probablement

le premier prospectus publicitaire édité à Nice. Ce documents

commerciale énumère toutes les marchandises que l’on peut

trouver à Nice : « Huile d’olives, viande fraîche et salée, vins

rouge et blanc, câpres, oranges, citrons, amandes, eau de fleurs,

essence de citron, marjolaine, anchois, fostet, bois de

construction, marbre, térébenthine, gomme, résine, safran, colle,

cire blanche, savon… » Certains de ces produits étaient rares et

très appréciés à l’époque.

-1621 : 8 janvier. Le comte de Beuil, dernier féodal du Comté, qui

tente de livrer le Pays de Nice à la France, est exécuté pour haute

trahison et ses biens sont confisqués par le duc de Savoie.

-1623 : 10 mars. Le Conseil de Nice, sollicité à cet effet, refuse

d’instaurer l’Inquisition.

-1629 : 11 mars. Les troupes de Provence franchissent le Var,

commandées par le duc de Guise et le maréchale d’Estrées ; le 14

16

elles attaquent Nice puis refluent ; Richelieu leur ordonne de

tenir les positions. La peste, amenée par l’armée, se déclare dans

le Comté qui en outre a subi d’importants dégâts.

-1690: expédition des troupes du roi de France (Louis XIV) qui

durera jusqu'en 1695 et aboutira, après un siège long et difficile

à la destruction du donjon (sous le quel étaient amassées les

réserves de munitions et de poudre).

-1705 : Avril. Les troupes françaises mettent de nouveau le siège

devant Nice. Après un bombardement ayant réuni plus de 200

bouches à feu, le château se rend le 5 janvier 1706 et le Comté

est occupé ; la ville est contrainte d’engager l’argenterie des

églises pour payer une première indemnité de 15 000 livres.

Louis XIV ordonne de détruire entièrement les fortifications du

château et ajoute à ses titres celui de comte de Nice.

-1706 : 8 septembre. Les troupes de Louis XIV sont écrasées

devant Turin par l’armée Piémontaise commandée par Victor-

Amédée II de Savoie et son cousin Eugène de Savoie-Carignan.

(Superga o la mouort)

-1720-1724 : De graves désaccords fiscaux interviennent entre

les Niçois et l’intendant Royal Zoppi qui tente d’imposer des

mesures violant la charte de dédition. Nice se soulève et

l’intendant s’enfuit à Turin ; il est destitué.

-1744 : Guerre de succession d’Autriche. La France avait décidé

d'anéantir les troupes piémontaises, considérées comme un

danger dans leurs repaires. Louis XV avait déjà tenté d'entrer

dans le Piémont, au siège de Cuneo et aux batailles de la Madone

de l'Olmo ou de Bassignana, mais sans succès. En 1747, il

ordonna donc d'en finir avec le roi Charles-Emmanuel III de

Sardaigne. Il manda une armée forte de 150 régiments

d'infanterie, 75 escadrons de cavalerie et 2 brigades d'artillerie,

sous le commandement de Louis Charles Armand Fouquet de

Belle-Isle, chevalier de Belle-Isle, et du marquis de las Minas,

lesquels ne réussirent pas à s'entendre sur les priorités : Belle-

Isle voulait menacer Turin, l'espagnol préférait viser Gênes. Au

début, prévalut le plan de Las Minas, mais les Piémontais

bloquèrent les montagnes méridionales et c'est la traversée des

Alpes selon l'idée de Belle-Isle qu'affronta un corps d'armée de 50

bataillons d'infanterie, 15 de cavalerie avec de nombreux canons.

L'armée se divisa en deux colonnes, l'une progressant vers le

Mont-Cenis, pour viser Exilles, l'autre visant Fenestrelle en

17

passant par l'Assietta. Trente deux bataillons français en

affrontent 13 piémontais. (Dont des Savoisiens et quelques

Nissarts). Les Français tentèrent d'ouvrir une brèche dans les

fortifications de l'Assietta, mais leurs divers assauts furent

repoussés.

De même au Grand Serin les envahisseurs n'avaient pas plus de

succès. L'héroïsme du chevalier de Belle-Isle, qui voulut

entraîner ses troupes en prenant lui-même un étendard, ne lui

apporta que la mort : après un coup de baïonnette, une balle eut

raison de lui. La mort de leur commandant n'arrêta pas les

Français : le commandant piémontais, le comte de Bricherasio,

décida alors d'envoyer 7 bataillons vers le Grand Serin, craignant

de ne pouvoir plus tenir l'Assietta longtemps. Il ordonna donc au

comte de San Sebastiano, qui commandait la redoute la plus

avancée de la Testa de l'Assietta, de s'en retirer et de rejoindre le

Grand Serin. Mais, selon la légende, le comte de San Sebastiano

n'obéit pas à cet ordre et résista héroïquement aux assauts sur

son poste, décidant ainsi de la victoire, malgré les cinq heures

d'assauts répétés des Français.

Le lendemain, le décompte des morts était de 5 000 français

contre seulement 77 piémontais. Les troupes françaises, défaites,

s'en retournèrent en France.

L'année suivante, par le Traité d'Aix-la-Chapelle le Piémont obtint

les territoires autour du Lac Majeur et du Tessin, parvenant ainsi

à l'extension géographique qu'il devait conserver jusqu'en 1860.

Nice est occupé par les Français et les Espagnols en 1744, 1747

et 1748. La légende dit qu’une colonne d’Espagnol tentant de

rejoindre la France à partir de la Stura, (Col de Fer) en passant

par le Col de Pal se perdit dans le brouillard au dessus d’Auron

et la plupart chutèrent d’une falaise, là où est située la Croix de

La Bercia. Certains survécurent et formèrent une petite colonie

d’où les noms de lieux locaux : Las Donas, Las Nabinas, El Rio,

et La Cruz de la Bercia.

-1749: Charles-Emmanuel III ordonne de creuser le port Lympia.

Les travaux dureront 7 ans. Le roi accorde sa protection à tout

étranger désirant s’installer à Nice, pour y travailler.

-1792: La France entre en guerre contre l’Autriche et le Piémont.

Le 22 septembre la Savoie tombe aux mains des Français ; le

29, les troupes révolutionnaires qui ont envahi le Comté

occupent Nice évacuée dans la confusion par les forces royales

(commandée par le vieux général de Courten), malgré la

résistance des milices niçoises commandée par De Orestis et

18

Michaud. La ville est livrée au pillage par les brigands et les

forçats libérés.

-1793: 31 janvier, soit dix jours après l’exécution de Louis XVI, le

Comté de Nice est annexé à la France après un semblant de

consultation, alors que les forces royales occupent encore une

partie du territoire (un tiers seulement des communes a opté

pour l’annexion, dans des conditions de légalité on ne peut plus

douteuses). Le but avoué est de « libérer » les Niçois, mais le

discours du conventionnel Lasource ne laisse aucun doute sur

les véritables intentions française « … Plusieurs motifs sollicitent

cette réunion : premièrement l’intérêt national : là finissent les

Alpes et vous avez voulu, en réunissant la Savoie, mettre cette

barrière entre vous et le despote de Turin ; deuxièmement,

l’intérêt commercial : il y a à Villefranche, qui n’est qu’à une

demie-lieue de Nice, un port très beau, très commode, qui dans

la guerre que nous aurons avec l’Angleterre, nous sera infiniment

utile. Avec la Sardaigne, la Corse, Villefranche, Marseille et

Toulon, nous serons maîtres de la Méditerranée…C’est donc une

clef dont il faut se hâter de s’emparer… »

L’annexion est un coup de force à peine déguisé. Néanmoins,

l’acte officiel français qui sanctionne le fait est d’une importance

capitale : « La Convention déclare à l’unanimité qu’elle accepte,

au nom du peuple français, le vœu émis par le peuple souverain

du ci-devant Comté de Nice, et qu’en conséquence, il fera partie

intégrante du territoire de la République ». Ainsi, la Convention

Nationale et par voie de conséquences la Ière République

française reconnaissent officiellement une double qualité aux

Niçois, celle de peuple, et celle de peuple souverain…

Un autre fait important est à relever : lors du vote truqué pour

l’annexion du Comté à la France, Châteauneuf-de-Contes,

Cuébris, et Puget-Théniers, votent Non, et demandent que le

Comté de Nice soit érigé en république indépendante.

-1793-1794 : Les troupes royales et les régiments niçois se

battent courageusement dans le Comté de Nice contre les

envahisseurs français ; néanmoins il est entièrement occupé en

mai 1794. La résistance à l’occupant s’organise dans les

montagnes et les célèbres « Barbets » infligent des pertes aux

troupes françaises. Dans le Comté, la population s’ingénie à

ignorer ou à détourner les lois françaises par une résistance

passive.

19

Les témoignages que nous a laissés André Gastaud est

révélateur.

Durant la première période française (1792-1814) les populations

de la Countéa de Nissa ont été réfractaires à l’introduction d’une

nouvelle législation car en effet : elles possédaient avant

l’invasion : des privilèges communaux, des avantages dans la

gestion des biens communs et des biens d’usages car la propriété

privée n’y était pas prépondérantes, mais aussi des structures

d’aide sociales aux plus défavorisés efficaces, sans parler de

l’exercice des libertés démocratiques, religieuses et

philosophiques.

Avec l’arrivée du Corps Expéditionnaire Français ; une grande

partie du personnel politico-administratif avaient fui, comme une

partie de la population d’ailleurs, et les Français constatèrent sa

carence. Les cadres de l’armée française étant surtout requis

pour des taches répressives ne suffisant pas à assurer le

fonctionnement vital des structures de la société; on fit appel à

des éléments extérieurs venus de Grasse, Toulon et Marseille

pour suppléer aux besoins.

Il faut dire que l’administration coloniale mise en place par

Barras et sa « Société des Colons Marseillais » cherchait plus à

s’enrichir personnellement avec la complicité du Général Garnier

qu’à administrer les affaires courantes de la partie du Comté

contrôlée par les troupes d’occupations. Un certain nombre de

Niçois qui jusqu’à présent ne participaient pas à la vie de la cité y

trouveront leur compte, en profitant de la situation.

Il en est même qui feront carrière bien après la Libération (celle

de 1814) ; mais étonnamment l’histoire se répète parfois.

Le cas d’André Gastaud est significatif...

Ce représentant de la petite bourgeoisie a commencé sa carrière

dès l’irruption des troupes françaises à Nice, en Septembre 1792.

Né à Nice en 1755, André Gastaud était commis de boutique puis

négociant. Ce fils de vermicellier (pâtes alimentaires) a adhéré

immédiatement à la Révolution. Membre de la Société des Amis

de la Liberté et de l’Egalité peu après sa création, organisation

occulte monté et dirigée par le consul de France à Nice. Gastaud

fait rapidement au sein de cette organisation ses classes

politiques. Il appartient à l’Assemblée « nationale » des Colons

Marseillais et espère devenir représentant du peuple dès la mise

en place du département des Alpes-Maritimes en 1793.

Administrateur de celui-ci, André Gastaud est aussi membre du

20

Conseil de Surveillance jusqu’au 20 Novembre 1794. En ventôse

de l’an trois, au moment de la réaction thermidorienne, animée à

Nice par le tristement célèbre Beffroy et son complice Chiappe

venus de Paris, son nom est inscrit sur la liste des suspects

comme « terroristes et buveur de sang ». Incarcéré d’abord à Nice,

il est transféré quelques jours après en compagnie d’autres

jacobins comme Tiranty et Chabaud) au Fort Carré d’Antibes.

Libéré quelques jours avant la fin de la convention

thermidorienne (tout s’achetait) ; il est choisi par le marseillais

Barras pour assumer la fonction de commissaire du directoire

exécutif du département, seul élément permanent et inamovible

de l’administration de ce dernier.

Sa position dans l’appareil bureaucratique départemental le

met dans une position stratégique pour profiter des tractations

concernant en partie les biens nationaux issus de la confiscation

des biens des réfugiés niçois dans le Piémont et des biens des

congrégations religieuses confisquées.

Il en fera d’ailleurs profiter ses protecteurs et ses relations

augmentant ainsi le nombre de ses obligés. (Début du système

maffieux et clientéliste).

Après le rappel de Beffroy, André Gastaud a donc élargi son

influence sur le département. Il dresse un tableau apocalyptique

de la situation afin de régler leur compte aux « Vendémiairistes »

qui l’ont persécuté.

Le ton de son rapport est très alarmiste « dans l’ex Comté de

Nice, les lois (françaises) sont presque partout méconnues par

ignorance ou négligée par mauvaise fois » le Quisling niçois ne

tiens pas compte que plus de 80 % de la population ignore la

langue française.

Gastaud se présente aussi comme une victime, un bouc

émissaire persécuté par la réaction et les contre-révolutionnaires

de l’An III : » Tout ami de la République était un terroriste, les

braves défenseurs de la patrie pour le prix de leurs services

étaient qualifiés de terroristes. » Gastaud qui s’adresse à la

bourgeoisie parisienne fer de lance de la politique révolutionnaire

et qui n’a jamais mis les pieds dans les Etats de Savoie y va de

son couplet « Le système scolaire est déficient car l’instruction

publique a été négligée. Le Français langue unique de la

République connaît une emprise médiocre dans la vie

quotidienne des Nissarts. L’institution scolaire est confiée à des

prêtres (fanatiques ou ignorant – NdR style l’Abbé JP Papon ? ...

sans oublier l'abbé Grégoire de triste renommée) qui méprisent

ou ignorent les principes de la république. Ils utilisent le latin ou

l’Italien dans leur enseignement. » Mais ce qui préoccupe le plus

21

André Gastaud dans ces correspondances de l’An IV c’est la

résistance des Barbets : » ...Tout est désorganisé, sauf la haine

des Royalistes (Ceux qui sont fidèles à la couronne de leur pays ;

La Savoie) et tous ceux qui n’aiment pas la République. Il n’y a

que très peu de patriotes en place... Le seul moyen afin d’obtenir

une prompte organisation des autorités dans les communes de

montagnes est d’empêcher que le royalisme ultramontain y

domine et que le barbérisme nous détruise.»

Gastaud est alerté par l’évidente insécurité des routes et des

chemins ou les intérêts français ne peuvent circuler que sous

escortes armées ainsi que par l’inexécution des lois (réquisitions

et conscription) car le barbérisme paralyse par la terreur, l’action

de l’administration française. D’autres tiendront le même

discours concernant les lois et l’administration du gouvernement

de Vichy de 1940 à l’été 1944.

André Gastaud qui a figuré parmi les abonnés méridionaux au «

Tribun du Peuple » de Gracchus Babeuf (le premier à dénoncer le

populicide Vendéen), tourne sa veste lors de la découverte de la

Conspiration des Egaux qu’il considère alors comme « une

calamité publique ».

Lâche et opportuniste ; il utilise sans vergogne un leitmotiv de la

propagande du directoire ; l’amalgame entre Babouvistes-

Royaliste (Ancêtre de l’amalgame Hitléro-trotkyste de 1945). Il

écrit : » On est frappé d’imagination lorsqu’on lit les pièces

trouvées chez Babeuf. Les écrits que cet homme faisait circuler

dans toute la République prouvent assez sa scélératesse. Je ne

crois pas qu’il y ait des partisans dans ce département. Si ce

n’est parmi ceux, qui, quoique d’une opinion peut-être

totalement contraire à la sienne veulent le désordre et l’anarchie

pour rentrer dans les projets de rétablir la monarchie... »

En encourageant la répression anti-babouvisme André Gastaud

devient l’inventeur du « Modérantisme Clientéliste Niçois ».

Il est dorénavant un véritable chef de clan qui a mis en place

une véritable faction dévoué entièrement à sa personne. (Comme

quoi l’histoire de la politique française à Nice se répète.)

Les valeurs républicaines sont désormais ignorées et afin de

s’enrichir sans scrupules ; il spécule ouvertement sur les biens

nationaux dont la vente est sources d’un trafic inouï.

La révolution est trahie sur l’autel de la corruption généralisée.

Cette situations renforce la détermination des populations du

Comté de Nice à résister à l’envahisseur

On surnomme alors certains cantons de l’arrière-pays

montagneux « les petites Vendées ».

Pour André Gastaud le canton de Roquebillière est : » le repaire

22

de tous les brigands que vomit le Piémont par le passage de la

vallée d’Entraigues ». Cette commune est dénoncée comme le lieu

de convergence de centaines de réfugiés nissarts qui reviennent

au pays pour venir grossir les rangs des Barbets.

L’autorité départementale assure donc une force armée

conséquente afin de garantir la sécurité des « habitants paisibles

de ces contrées. »

Il s’agit la plupart du temps des habitants qui choisissant de

collaborer avec l’ennemi ont obtenu des responsabilités

administratives.

Devant la pression certains comme le commissaire du canton de

Roquebillière écriront : « ...Je n’ai d’autre parti à prendre que de

quitter les fonctions de ma place ou de m’attendre à être

massacré. ».

Ironie de l’histoire bien plus tard à partir de la fin de 1943, un

certain nombre de responsables du S.O.L (Service d’Ordre

Légionnaire de la Révolution Nationale du Maréchal Pétain) de

nombreux villages de notre arrière-pays écriront le même type de

courrier à leur responsable niçois.

Que ce soit dans le Val de Blore ou dans la Tinée, de grosses

unités de Barbets de plus d’une centaine d’hommes se forment,

descendent des maquis, frappent, et se dispersent à nouveau.

Selon Gastaud : » Le mal est à son comble » et la situation laisse

présager une nouvelle guerre avec le Piémont. Les Barbets en

veulent surtout aux républicains car « pour ne pas êtres

dépouillés par ces bandits peut-être stipendiés, il faut se dire

émigrés et n’être accompagné d’aucun qui puisse être reconnu

appartenir à l’armée (française) ou être l’ami ou partisan de

français ».

Ainsi André Gastaud reconnaît que les Barbets ne sont pas des

Bandits de Droit Commun quelconques mais bien des patriotes

livrant une guerre de libération nationale sur leur propre sol et

choisissant des cibles précises. Une force armée salvatrice est

demandée au Directoire « pour éviter la formation d’une nouvelle

Vendée » car le nombre et l’audace des Barbets croit de jour en

jour. Même Buonaparte s’en inquiète : » les Barbets désolent nos

communications. Ce ne sont plus des voleurs isolés. Ce sont des

corps organisés de quatre cents à cinq cents hommes... »

Un des fait les plus marquants sera l’embuscade tendue par les

Barbets au dessus du Col de Tende au Général Dujard et à son

escorte de quarante soldats. Malgré une défense efficace et la

venue en renfort du poste voisin de Ciais, l’arrivée de plus de

deux cents Barbets clos le combat. Le général Dujard est tué,

23

ainsi que son aide de camps, son secrétaire, un officier d’artillerie

ainsi qu’un nombre indéterminé de soldats français.

L’émotion est à son comble dans le camp français, un

commerçant jacobin de Nice, Antoine Bassi se lance alors dans

une campagne de propagande effrénée contre les résistants

niçois. Il invente même les principes de la guerre de contre-

guérillas telle qu’elle sera appliquée dans la guerre d’Algérie. Il

écrit : «il y a un grand nombre de jeunes gens de ces contrées qui

se sont accoutumées à cette vie errante et vagabonde et se sont

endurcis au crime...excités par leur chef et entretenus par leurs

parents qui les aident.. »

Les partisans de la République lui semblent une minorité

menacée « ...il en est parmi les habitants de ces montagnes, dont

l’intérêt ou l’inclination pourrait les attacher à la république ;

mais leur nombre ne peut balancer celui des parents ou amis des

Barbets... »

Pour mettre un terme à ce fléau, Bassi propose une solution

pionnière pour l’époque : « la colonisation par des familles bien

françaises du Comté de Nice en corrélation étroite avec la

déportation massive des populations rebelles jugées

inassimilables ».

Je ne m’étendrais pas plus sur ces glorieuses pages d’histoire de

la guerre de résistance populaire menée contre l’occupant

français. Qui utilisa tous les concepts militaires que l’on

retrouvera plus tard utilisés par la république française lors des

conflits de la « Décolonisation » de l’Indochine, en passant par

Madagascar et l’Algérie. Mais revenons à la carrière d’André

Gastaud ; il sera, bien entendu, un des principaux acteurs de la

répression mais parfois avec lucidité ; il note dans un de ces

rapports : La motivation essentielle des Barbets est la défense

des franchises villageoises ancestrales ébranlées par l’intrusion

de la modernité étatique ; les barbets sont dans l’arrière-pays

niçois « comme des poisons dans l’eau ». Ils bénéficient de l’appui

de l’ensemble des populations autochtones qui leur fournissent

renseignements et ravitaillement. L’attitude des populations et le

Barbérisme sont la conséquence de l’invasion militaire. Selon les

chroniques militaires françaises, cette guerre populaire prolongée

dans nos montagnes durera de 1793 à 1805. Il faut comprendre

aussi quelle furent les conséquences de l’administration

révolutionnaire française sur les structures sociales de la

Countéa et pourquoi les rangs des Barbets furent essentiellement

composés de paysan, bergers et artisans.

Les "monti granatici" (ou frumentari), monts-de-piété en

semences étaient de véritables «banques de céréales", des

24

établissements prêteurs de grain que l’on avait obligation de

retourner après la récolte. Ils étaient présents en Italie depuis la

fin de l’an 400 et la plus ancienne connue qui continue d'exister

est la "Frumentario Mous" de Foligno, qui remonte à 1488.

(Sardaigne) Le but de ces institutions était d'endiguer, de fait, la

spéculation sur les semences au détriment des agriculteurs

pauvres, et de leur assurer le blé et l'orge nécessaire pour les

semailles et leur survie. Cette institution existe alors aussi dans

le Comté de Nice, on en trouve la trace dans plusieurs villages

dont Lantosque, Valdeblore, Lucéram ; elles sont souvent le fait

des Confréries. En 1698, création, vraisemblablement par les

pénitents blancs d'un " monte granatico " qui va fonctionner à

Saint-Colomban.

C'est une sorte de mont-de-piété du grain. Son but est de prêter

aux paysans qui n'en ont plus, du blé, du seigle, de l'orge, avec

lors de la restitution, la prise d'un petit intérêt en poids de grain.

Les buts principaux des confréries étaient de rassembler les

Catholiques afin de pratiquer et développer la prière, faire

pénitence et charité sous-toutes ses formes : l’assistance aux

malades, l’enterrement des indigents et l’ensevelissement des

morts surtout en période de peste. Dans leurs statuts

apparaissaient des exigences morales telles que l’entraide envers

les malades pour les blancs, et l'aide aux funérailles des pauvres

et des condamnés pour les noirs.

Comme nous l’avons vu précédemment les confréries de

pénitents possèdent des statuts depuis le XIVème siècle. La

confrérie recréait une société qui se voulait idéale dans la mesure

où elle était gouvernée, de droit, non pas par une élite sociale

comme l’était la communauté d’habitants de l’époque mais par

ses propres élus.

Aux XVIIème et XVIIIème siècles, les confréries sont encore

quasiment indépendantes du clergé paroissial.

Elles résistent au contrôle du clergé et considèrent qu’elles ne

doivent rendre des comptes qu’à elles-mêmes. C’est cette

autonomie par rapport à l’église et à la société qui a toujours

caractérisé l’organisation de la confrérie. La confrérie accordait le

droit de vote à tous ses membres quelles que soient leurs

origines sociales.

Dans la plupart des localités une confrérie au moins gérait un «

Mont Granitique » ou « Mont Frumentaire ». Toutes ces

institutions sociales et populaires furent misent à bas lors de

l’occupation française de 1792 et jusqu’à la Restauration Sarde.

En effet, le droit Français Révolutionnaires vendit aux enchères,

25

réservées à l’élite révolutionnaire fortunée, tous les biens des

Confréries privant ainsi le peuple pauvre du Comté de tous les

systèmes d’aide sociale dont ils bénéficiaient jusqu’alors. Cette

confiscation du bien commun et public au bénéfice d’une

nouvelle classe de spéculateurs étrangers et souvent en uniforme

provoqua la misère sur nos terres. Contrairement à ce que

voudraient faire croire certains historiens ce n’est pas seulement

par fidélité à l’église catholique ou a la couronne de Savoie

qu’une majorité de paysans et de petits artisans prirent la

montagne et les armes contre l’occupant français et ses armées

révolutionnaires ; mais bien pour des conditions objectives qui

touchaient au nouveau régime qu’on tentait de leur imposer.

Les Niçois seront pourchassé et persécutés au delà des Alpes,

presque Ethniquement, puisque, dés l’occupation française du

Piémont et de la Ligurie, il sera fait appel aux populations pour

les dénoncer et ne pas les héberger. Les premiers voyageurs

étrangers qui passerons dés la chute de Napoléon par nos

vallées, décrirons un pays de ruines, dont les chemins sont

défoncés, les ponts et de nombreuses maisons détruites et une

population réduite à la misère.

1814 : 19 mai. Le roi Victor-Emmanuel 1er rentre à Turin. Le 21

mai toutes les lois, décrets et règlements édictés par l’autorité

française sont abrogés par le roi de Sardaigne. Le 30 mai le traité

de Paris restitue Nice à Victor-Emmanuel. L’ordre ancien est

rétabli, Nice retrouve son Sénat, son Consulat de la Mer. 3

consuls et 18 conseillers gèrent la ville.

Mais les joies de la libération ne vont pas tarder

à se dissiper.

-1818 : Le comté de Nice est territorialement amputé et perd le

marquisat de Dolceaqua et le territoire de Pigna. Il subit de plus

un déclassement en devenant simplement « la province de Nice ».

Le règne de Charles-Albert constitue une période charnière dans

l’histoire de l’Etat savoisien. Entre tradition et modernité, entre la

préservation de l’alliance dynastique de pays divers et le rêve

italien cet Etat a hésité et cherché à concilier l’inconciliable. Au

regard de son importance dans la législation gouvernementale, le

Pays Niçois occupe une place marginale par rapport aux autres

régions du royaume que nous avons pu évaluer à 6,2%2. Mais il

convient de souligner que pendant les quatre premières années

du règne de Charles-Albert, la ville de Nice et son arrière pays

26

bénéficieront d’un rang quantitativement supérieur à celui de la

Ligurie, sans parler de la Savoie et de la Sardaigne.

Voyons quels sont les thèmes qui témoignent de cette attention

particulière pour un espace peuplé seulement d’environ 200 000

habitants.

Toujours d’après la législation, en octobre 1833 le gouvernement

se préoccupa d’améliorer « le bon fonctionnement » des œuvres

pieuses hors la ville mais sujettes à la juridiction du sénat de

Nice. Par conséquent le roi marquait sa volonté de contrôler

directement la gestion des organismes laïcs aux fonctions

principalement religieuses dans l’ensemble du Pays Niçois.

Etait ce parce que ces institutions faisaient souvent office de

mont de piété ?

Auquel cas une telle directive de la part de Turin se comprendrait

aussi par l’intention de mieux évaluer les disponibilités

monétaires rurales du pays.

Une autre disposition prise dans le domaine de l’éducation en

septembre 1834 témoigne d’une volonté de consentir le

particularisme local plutôt que seulement d’en prendre acte. « La

paternelle sollicitude de SSRM en ce qui concerne l’éducation et

l’instruction de la jeunesse l’avait persuadé de l’opportunité de

prescrire des dispositions spéciales grâce auxquelles on puisse

obtenir dans la division de Nice tout le bien qui doit dériver de la

pleine observance des dispositions relevant de ce très important

objet, et, malgré l’éloignement de cette division de la capitale,

nous ne manquons pas de moyens sûr et rapide de découvrir et

de faire cesser les abus qui s’y introduiront, Sa Majesté a daigné

par les patentes royales du 26 du mois d’août en cours établir

dans la ville de Nice un Consiglio di riforma et de lui confier la

charge d’inspecter tous les collèges et écoles de cette division,

comme tout ce qui pourrait être en relation avec le protomedicato

».

La spécificité locale change ici de forme : elle se trouve

modernisée ce qui, en ces années du XIXe siècle, revient à dire

assimilée par l’Etat, sinon bureaucratisée.

Les patentes royales du 30 juin 1835 constituent un événement

dans la série des actes sur le Pays Niçois puisqu’elles clôturent la

période des faveurs en décidant pour la première fois de réduire

les franchises du port. « SM abroge quelques articles de l’édit

royal du 12 mars 1749 et ordonne que soit observées au sujet

des étrangers de ce comté les lois en vigueurs dans les autres

parties des états royaux ». Certes, il ne faut pas exagérer ce

fléchissement puisque les franchises du port perdurant sur la

plupart des denrées, la contrebande sur le littoral d’Antibes à

27

Menton tant sur les tissus et le sucre que sur le tabac, continua

d’alimenter les profits maritimes les plus conséquent au moins

jusqu’en 1840. Le mouvement des courriers était en 1845

quotidien de Nice à Turin par la poste à cheval. Mais la « tournée

» des piétons entre Nice et des villages du moyen pays occidental

comme Gilette, Roquestéron, Puget-Théniers, Utelle ou Clans

n’était plus que bi-hebdomadaire. Les départs se faisant de la

ville tous les lundis et jeudi à cinq heures du soir, et les arrivées

les mêmes jours à trois heures de l’après-midi, il fallait donc au

mieux trois jours pour informer certaines communautés des

nouvelles du chef-lieu, compte tenu des dimanches chômés, et

une journée de plus pour qu’elles reçoivent les nouvelles de la

capitale. Hors du réseau des grandes villes, à l’échelle de la

région, la centralisation perdait nécessairement en efficacité et

demeurait finalement encore assez éloignée vers le milieu du

siècle.

-1848 : 10 février. Le roi Charles-Albert accorde une constitution

à ses Etats, « le Statuto » ; Nice pavoise. Cette charte dite « Code

Albertin » instaure un système représentatif censitaire. Le Sénat

de Nice entérine les dispositions de la loi sur les communes qui

permet l’élection de chaque conseil (divisionnaire et provincial)

plus démocratiquement. La liberté de presse est assurée. Mais

cette année voit aussi le déclassement administratif du Sénat de

Nice, qui devient Cour d’Appel et le Consulat de la mer supprimé

; ces mesures sont la suite logique de la transformation du

Comté en province ; le premier pouvait administrer et censurer

les lois par l’intermédiaire de son Sénat ; la seconde devait obéir

à l’Etat sarde tout puissant. Il convient cependant de noté que la

portée juridique de l’article 4 du Code Albertin est capitale pour

juger de la validité des actes importants ultérieurs. Il stipule que

« les traités qui emporteront des conséquences sur les Finances

ou les modifications de territoires de l’Etat n’auront d’effets

qu’après l’approbation des chambres.

Au bout du compte, les initiatives de l’Etat pour animer l’activité

montagnarde concourent aux prémices d’une homogénéisation

du Pays niçois avec la ville-port et chef-lieu politique (résidence

de l’intendant aux charges administratives, du sénat aux

compétences judiciaires, et du gouverneur aux responsabilités

militaires) pour l’arrière pays une perte d’autonomie difficilement

supportable.

-1851 : 13 et 14 mai. A l’annonce de la suppression prochaine de

la franchise dont jouit le port, de violentes émeutes éclatent à

Nice ; la rupture avec le royaume de Sardaigne est envisagée. La

28

proclamation suivante, rédigée à la Chambre d’Agriculture et de

Commerce, est affichée à l’Hôtel de Ville

Les meneurs des émeutiers comme Avigdor, Carlone et d'autres

adressèrent une lettre au roi de Sardaigne signé le 14 mai 1851

défendant les droits et franchises du peuple Niçois issus du

"Contrat d'Union de 1388 par lequel le Comté de Nice se donna

librement à la Maison de Savoie" contre "tout acte portant

atteinte à ses droits et franchises, dont il réclame le

rétablissement et la conservation dans toute leur intégrité".

Allant jusqu’à menacer l'Etat Sarde de revendiquer

l'indépendance de Nice ! : "Le Peuple de Nice rappelle le

Gouvernement Sarde à la foi des traités [..] A défaut: Le Peuple

de Nice plaçant le droit au-dessus de la force, serait réduit à

considérer le contrat d'annexion comme rompu par le

Gouvernement lui-même, et à revendiquer son indépendance"

Les meneurs de l’insurrection, Avigdor et Carlone, sont arrêtés

ou en fuite. Les Niçois furieux mutilent la statue de Charles-Félix

et plus précisément le doigt qu’elle pointe vers le port. (Cette

statue amputée de son doigt est toujours au port de Nice).

4 juillet. La loi de réforme douanière est néanmoins votée à

Turin. La franchise dont jouissait le port de Nice est supprimée.

La loi entrera en vigueur le 31 décembre 1853. les Niçois se

détachent peu à peu de la Maison de Savoie, car Nice a connu en

peu de temps de nombreux déclassements administratifs et

brimades économiques : le Comté est devenu simple province, le

marquisat de Dolceaqua lui a été retiré, le Sénat et le Consulat

de la Mer ont été supprimés, l’arsenal a été construit à La Spezia,

on a refusé à Nice la ferme des jeux, le monopole de l’importation

du sel vers le Piémont a été abolie, le réseau routier est

insuffisamment développé… Mais plus encore c’est surtout le fait

que l’on veut imposer au Niçois le principe d’un état moderne

centralisé dont la capitale est Turin avec son administration, ses

fonctionnaires et ses directives. Nice ne s’est jamais considéré

comme une province des Etats de Savoie, mais comme le

territoire d’une confédération librement associée.

1858 : 20,21 juillet. Cavour rencontre Napoléon III à Plombières,

il s’engage à lui céder la Savoie si la France aide Victor-

Emmanuel II à chasser les Autrichiens d’Italie.

-1859 : 24 janvier. Un traité secret est passé entre le roi de

Sardaigne et la France, qui prévoit l’annexion de Nice par

l’Empire français en échange de l’aide que celui-ci lui portera

contre les Autrichiens en Italie. Ce traité est illégal à deux titres :

il est en contradiction formelle avec l’article 4 du Code Albertin

29

de 1851 car il n’a pas été ratifié par les chambres de Turin ;

d’autre part, le roi de Sardaigne, en vertu de la charte de dédition

et des accords suivants, n’a nullement le droit de disposer de

Nice à sa guise.

-1860 : 14 mars. Nouveau traité secret signé entre Napoléon III et

Victor-Emmanuel II. La France consent que l’unité italienne se

fasse autour de la Sardaigne qui, en compensation, lui remettra

Nice et la Savoie. Ce traité est illégal comme le précédent pour les

mêmes raisons. 24 mars : publication officielle de traité de Turin.

-25 mars : Garibaldi est élu député de Nice. Il tentera de

s’opposer à l’annexion à la France.

-27 mars : le roi Victor-Emmanuel II signe un manifeste (publié

le 1er avril) par lequel il délie officiellement les Niçois et les

habitants du Comté de leur serment de fidélité à sa personne et à

sa dynastie. A cette date, la charte de 1388 étant caduque, le

Pays de Nice retrouve légalement son indépendance en même

temps que sa pleine souveraineté. Cet acte qui abroge tout lien

de droit entre la maison de Savoie et Nice, et par voie de

conséquence tout lien de droit entre cette dernière et la

Sardaigne, établit incontestablement l’indépendance de Nice.

15 et 16 avril : le plébiscite se déroule dans des conditions

frauduleuses à tous les niveaux, depuis sa préparation, son

organisation jusqu’à son déroulement : pressions de

l’administration et du clergé sur les électeurs, présence de

troupes d’occupation, achats de votes par dons ou promesses

d’avantages, subornations, listes électorales falsifiées, non

inscription sur ces listes de la plus grande partie des électeurs,

inscription frauduleuses de Provençaux, absence d’isoloirs et de

bulletins « non », impression d’Aigles, emblème de Nice sur les

bulletins « oui », absence de vérificateurs impartiaux, trois

canonnières françaises au large de Nice, etc.

-29 mai et 11 juin : Les chambres sardes approuvent le traité

d’annexion, acte illégal du fait que le Pays de Nice n’était pas

juridiquement une province sarde, mais une entité souveraine

liée au seul chef de la Maison de Savoie personnellement,

jusqu’au 27 mars 1860, date à laquelle ce dernier avait renoncé à

ses droits. 15 et 22 juin La protestation officielle de Garibaldi au

parlement de Turin hypothèque pour toujours le plébiscite

truqué de 1860. Après être intervenus au Parlement avant même

le vote sur la ratification du traité du 24 mars 1860 qui cédait

Nice et la Savoie à la France, les deux députés de Nice, Garibaldi

et Laurenti-Roubaudi avaient adressé leur démission au

président de cette assemblée. Le texte de cette lettre est capital

30

puisqu’en droit, il constitue la protestation officielle de la

représentation nationale niçoise après le plébiscite frauduleux.

En voici la teneur :

« Monsieur le Président, « Vu le résultat du vote du comté de

Nice, qui a eu lieu le 15 courant, sans aucune garantie légale, en

violation manifeste de la liberté et de la régularité du scrutin et

des promesses solennelles stipulées dans le traité de cession du

24 mars ; « Attendu, qu’un tel vote s’est déroulé dans un pays

qui nominalement appartenait encore à l’Etat sarde et qui était

libre de choisir entre celui-ci et la France, mais qui se trouvait en

réalité complètement aux mains de cette dernière puissance,

occupé militairement et soumis à toutes les influences de la force

matérielle, comme nous le prouvent sans contestation possible

les témoignages de la Chambre et du pays ; « Attendu que le

présent vote s’est déroulé avec de très graves irrégularités, mais

que l’expérience du passé nous refuse toute espérance de voir

ordonné une enquête à ce sujet ; « Nous soussignés, croyons de

notre devoir de déposer notre mandat de représentants de Nice,

en protestant contre l’acte de fraude et de violence perpétré, en

attendant que le temps et les circonstances permettent à nous et

à nos concitoyens de faire valoir avec une réelle liberté nos

droits, qui ne peuvent être amoindris par un pacte illégal et

frauduleux » Giuseppe Garibaldi – Laurenti-Roubaudi

La protestation officielle de la représentation nationale niçoise en

1860 est capitale, car juridiquement elle réserve les droits de

Nice pour l’avenir. En effet, en d’autres circonstance, la France et

la communauté internationale, se basant sur une semblable

protestation ont annulé une annexion illégale faites par la force.

Après la désastreuse guerre de 1870, initiée par Napoléon III

contre la Prusse, l’Empire Allemand fut proclamé à Versailles ; le

nouvel empire, comme on le sait, annexa des provinces

françaises occupées, et la France vaincue, fut contrainte

d’accepter cette perte de territoire lors signature de l'armistice.

Néanmoins, le 17 février 1871 devant le parlement français

réfugié à Bordeaux, M. Emile Keller, au nom des députés du

Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Meurthe et Moselle, protesta

contre l’annexion de l’Alsace et la Lorraine par l’Allemagne afin

de préserver les droits de ces populations et de la France.

Quarante-sept ans plus tard, à la fin de la guerre de 1914-1918,

quelques heures seulement après l’armistice signé le 11

novembre, l’Assemblée nationale française se réunit en séance

extraordinaire ; la séance fut ouverte à 14 H 45, et les députés

réclamèrent immédiatement à la communauté internationale le

31

retour des provinces perdues lors de la précédente guerre.

Il est très intéressant de noter sur quelles bases légales s’est

appuyée cette réclamation : on exhuma le procès-verbal de la

protestation du député Keller qui dormait dans les archives

depuis quarante-sept ans, on le relut en séance, et cet acte suffit

à établir juridiquement les droits de la France sur ces territoires.

Après l’annexion, la Liberté Niçois est confisquée, les bâtiments

de l’ancien Sénat transformés en prison, la langue Niçoise est

bannie, la Cour d’Appel est supprimée, l‘Université également ;

l’ancien Pays de Nice est fondu dans le département des Alpes-

Maritimes.

Voici un témoignage :

Celui de Jean-Baptiste Joseph Marie (1799-1874) dit « Jospeh »,

second marquis de La Penne,

Il est inexact de prétendre que Joseph, qui opta pour la

nationalité italienne (nous citons), « en voulut à ses anciens

sujets de ne pas l’avoir suivi dans ce choix ». On ne peut lui

prêter ce sentiment. En effet, la cession du Comté de Nice et de

la Savoie à la France fut comme chacun sait, le résultat d’un

accord passé entre le roi de Sardaigne et Napoléon III, orchestré

par Cavour. C’était le prix que consentait à payer le premier

contre une aide militaire du second pour conquérir la péninsule.

Ce qui fut fait après que les troupes françaises victorieuses des

Autrichiens, eurent rempli leur engagement. Mais ce

marchandage alarma nombre de gouvernements européens dont

ceux d’Angleterre et de Russie, toujours très sensibilisés aux

projets expansionnistes français depuis l’aventure bonapartiste.

Pour calmer le jeu un référendum populaire est organisé, le

premier du genre à notre connaissance et à cette échelle. Bien

entendu, il n’était pas question qu’un résultat « négatif » remette

en cause les acquis. Aussi, c’est l’armée française déjà en place

sur son nouveau territoire, donc à la fois juge et partie, qui s’en

occupa matériellement. Cette parodie de consultation donna le

résultat escompté : « un plébiscite à 95% de oui » pour la France !

Le système a fait école depuis sous certains régimes

totalitaires.... Donc, nos ancêtres pennois n’ont pas eu le choix.

Ce qui ne veut pas dire qu’une liberté effective d’expression eut

fait basculer le scrutin en faveur de l’Italie ! Loin de là, mais ceci

est une autre histoire (*). Quant à Joseph quels sont les éléments

qui motivèrent sa décision de prendre la nouvelle nationalité

italienne ? Etait-ce un libre choix ? La réponse est facile et

concerne directement le patrimoine pennois :

32

Les autorités impériales françaises n’avaient pas fait mystère de

leur intention, coutumière depuis la Révolution et le Premier

Empire, de placer ses nationaux dans la nouvelle administration

et aux postes clefs de tout organe de quelque importance

(presse,....) en y associant certains locaux ayant déjà fait

opportunément allégeance, pour préserver les formes. En bref, la

situation et l’avenir de nos élites étaient en péril extrême. Mais

Cavour avait tout prévu. Il réservait à ceux qui optaient pour

l’Italie nouvelle, un destin des plus fructueux aux plus hauts

postes de son administration, de sorte que leurs pertes soient

largement compensées,.... y compris celle des biens fonciers.

C’est la voie que choisirent nombre de Nissarts et Joseph leur

emboîta le pas. Mais qu’advint-il de leurs propriétés qu’ils

abandonnaient ? Déclarées biens vacants, des simulacres de

ventes aux enchères « publiques » furent organisés au profit pour

l’essentiel, des nouveaux administrateurs. Ainsi se développa

une bourgeoisie foncière de substitution en grande partie

d’origine française.

Cependant, ces spoliations liées aux désordres du changement

de statut vont se tarir et bientôt cesser. La sécurité des biens

appartenant à des étrangers est maintenant assurée ;

développement du tourisme et des résidences de villégiature

oblige !

Joseph donc, avait fait le choix parfaitement respectable et très

compréhensible de privilégier son avenir matériel en adoptant la

nationalité italienne. Or au bout de quelques années, il apprit

que son domaine pennois avait été « oublié » par la vague de

dépossessions qui affecta la plupart de ses compatriotes ex-

Nissarts. De cela, il en était sans doute redevable aux Pennois ou

pour le moins, à leur silence complice. Car une dénonciation

aurait vraisemblablement suffit pour que le « bien vacant »

change de main, même si le beau-frère Léotardi par son

engagement politique était sur place pour veiller au grain ! Donc

tranquillisé sur ce point, le marquis revient à La Penne en 1869.

En conséquence, et contrairement à ce que prétend la légende, il

n’eut pas à « racheter son bien », mais simplement à régulariser

sa situation de propriétaire auprès de la nouvelle administration

française, en payant peut-être, un arriéré d’impôt.

L’occasion manquée : Louis-Gonzague Arson (1814-

1865).

Depuis 1848, l'espérance d'autonomie a reçu une forme

moderne, constitutionnelle : les Savoyards l'ont alors définie ;

33

l'occasion est fournie par la guerre civile en Suisse, celle du

Sonderbund (novembre 1847), la promulgation d'une

constitution fédérale (1848) et les polémiques des journaux

français dans les Alpes du Nord et du Sud : admission de la

langue maternelle au Parlement, fixation d'un cens convenable,

représentation permanente du territoire ; voilà les trois

conditions. Auguste Carlone écrit alors dans L'Echo : "Si la

Savoie et Nice sont destinées à devenir l'Irlande de l'Italie, Eh

bien ! Nous aurons aussi des Repealers ! La guerre d'Italie et ses

conséquences raniment les polémiques ; la réflexion sur la forme

à donner aux nouvelles structures du comté les développe ; les

conseils de neutralisation du pays niçois ne manquent pas,

solution politique et économique au différend franco-italien :

Louis Désambrois de Névache (1807-1874) un des rédacteurs du

Statuto, ancien gouverneur, ambassadeur à Paris (1854-1860)

est un partisan de cette solution. Au début de l'année 1860,

Arson bataille encore comme il le fait depuis de longs mois dans

sa Gazette contre l'idée de la réunion de Nice à la France ; il est

élu au conseil municipal. L'éditorial, court, du 17 mars informe

d'abord les Niçois de l'envoi de la délégation municipale au roi,

pour présenter en fait le nouveau projet : « La junte municipale a

délibéré d'envoyer à Sa Majesté le roi Victor Emmanuel II, une

adresse pour le prier de ne pas consentir à la cession ni à

l'échange de la ville et du comté de Nice, ou tout au moins, s'il

est nécessaire de donner satisfaction à la France, de faire en

sorte que ladite ville et ledit comté soient neutralisés, sous la

suzeraineté de la Maison de Savoie, et conformément aux

conditions qui pourront être arrêtées par les grandes puissances

auxquelles appartient le droit et incombe le devoir de veiller au

maintien de la paix et de l'équilibre de l'Europe. »

Le lendemain, dans l'éditorial du 18 mars, Arson confirme, par

une explication titrée : « Ce que voudrait dire Nice neutralisée ». «

Nice neutralisée voudrait dire qu'elle aurait une organisation

indépendante, et que, par conséquent elle n'aurait plus à

supporter que des impôts insignifiants votés par les

représentants de la population. Nice neutralisée et placée sous la

protection des grandes puissances de l'Europe, n'aurait pas

besoin d'armée ; et par conséquent plus de conscription. Nice

neutralisée et indépendante pourrait jouir si elle le jugeait utile à

ses intérêts de tous les avantages d'un port franc, du libre

échange, de la vie à bon marché, de la liberté pour tous, d'une

sécurité garantie par l'Europe entière, et par conséquent d'une

affluence d'étrangers incomparablement plus considérable qu'à

présent, laquelle alimentant toutes les branches de l'industrie et

du commerce, multiplierait les richesses et assurerait la

prospérité et le bonheur du pays. »

34

Mais son projet est bien fixé ; le 5 avril, dix jours avant le

plébiscite, il donne, dans son éditorial, de larges extraits d'un

mémoire qu'il a adressé à Cavour, lequel, d'ailleurs, n'aurait pas

finalement une opinion éloignée de la sienne ; la neutralisation «

est le talisman seul capable d'aplanir toutes les difficultés, de

combler tous les vœux, de sauvegarder tous les intérêts et de

calmer toutes les appréhensions ». L'aveu est renouvelé. Mais il

va plus loin et montre que sa solution permet le développement

d'une ville libre et cosmopolite, ce dernier caractère entraînant

un espoir d'enrichissement que la société hivernante, faite en

grande partie d'étrangers, laisse imaginer ; et culturellement, «

Nice aurait encore le mandat de servir de liaison à la race franco-

latine », comme entre d'autres ethnies le font ailleurs, Lugano,

Trieste, Cracovie. Nice serait alors un espace de relations

européennes : « Nice aurait de plus des chances de devenir

chaque hiver le rendez-vous de la diplomatie européenne qui,

sous prétexte de jouir des bienfaits de son climat exceptionnel,

aurait l'occasion de traiter sans bruit les affaires les plus

sérieuses de la politique sur ce terrain neutre, où ne rencontrant

que des autorités exerçant le pouvoir sous forme municipale,

forme qui n'a rien de gênant pour des étrangers, quels qu'ils

soient, chacun pourrait se considérer chez lui. On peut même

affirmer déjà qu'il y a une tendance dans ce sens parmi nos

hôtes dont plusieurs, très haut placés, ont remis la proposition

qu'il fût crée à Nice un organe de politique international. » Ainsi

Nice aurait pu devenir le Centre d’une Future SDN.

10 Années plus tard, le 8 février 1871 Nice plébiscitait

le NON à la France !

Lors des élections législatives du 8 février 1871 dans le pays de

Nice, le raz-de-marée séparatiste emporta tout. A peine passés 10

ans d'annexion, la ville de Nice donna 16 514 voix aux quatre

candidats séparatistes et seulement 900 au préfet Dufraisse

candidat français qui malgré ses fraudes avérées et des moyens

importants, fut littéralement balayé. Sur le territoire du Pays de

Nice, Garibaldi obtint 13 984 voix sur 29 428 suffrages exprimés,

soit 47,51 %, Picon, Bergondi et Borriglione, autres candidats

séparatistes, 12 550, soit 42,64 % alors que le préfet Dufraisse se

contentait de 2894 voix, soit 9,83 % ! Le lendemain du vote, les

dépouillements terminés, Joseph André titra dans le Dirrito: «

Vive Nice !!! »; dans un long éditorial, il écrivait entre autre : «

...Nice a parlé ! Mais non la Nice des Piétri et des Pillet (Piétri

envoyé par Napoléon III avait truqué le plébiscite de 1860 et

Pillet, consul de France à Nice avait beaucoup intrigué à Nice

35

pour favoriser l'annexion) mais la Nice de Ségurane et de

Garibaldi ! Le citoyen Dufraisse a renié Garibaldi car il est le chef

du parti séparatiste, Nice à l'unanimité a voté Garibaldi, donc,

citoyen Dufraisse, et selon votre propre logique, Nice est

séparatiste et ne reconnaît pas l'infamie de 1860 ! Ce vote

magnifique est un plébiscite ! ».

Le préfet Dufraisse, ulcéré et refusant de tenir compte de la

volonté populaire légalement exprimée par les urnes, décida le 10

février de suspendre le Dirrito. Cela provoqua plusieurs jours

d'émeutes et la répression sanglante « des baïonnettes dans les

torses niçois » dont témoigna Henri Sappia dans « Nice

Contemporaine » ainsi que le journal Anglais « The Times ». Le

coup de grâce fut donné par l'assemblée de Bordeaux qui

invalida injustement la victoire séparatiste du Peuple Niçois dont

Jousé Garibaldi était le symbole. Les chefs du parti séparatiste

furent invalidés, poursuivis, poussé au suicide ou écartés. Une

loi de circonstance fut votée pour interdire la création de partis

indépendantistes. La France a soustrait entre autre de l'histoire

de Nice cet épisode significatif, afin de mieux instituer la version

officielle du plébiscite voté à plus de 90 % pour le « rattachement

» à la France en 1860.

Que nous apporta l’Annexion frauduleuse.

Pierre Louis CAIRE (1841-1929) dans son livre intitulé «

Annexion de Nice en 1860 » et publié par les cahiers de

l’annexion (France Europe Edition) le prévoyait déjà :

Sic : « Nous n’irons pas jusqu’à enquêter pour savoir si à Nice ce

bien être apparent ne cache pas une situation différente ; si par

exemple, les capitaux immenses du Crédit Foncier et d’autres

instituts qui font des avances aux constructeurs, ne constituent

pas un danger, si les sociétés étrangères au pays qui

accaparèrent les terrains pour en faire monter les prix n’ont pas

engrangé à leur profit le bénéfice qui au fil des années aurait du

revenir aux propriétaires du pays ; nous n’enquêterons pas non

plus sur ces louvoiements afin de retenir les étranger un jour de

plus, sur cette apparence de cité en liquidation, de carnaval en

permanence. Tout ceci n’est-il pas un peu humiliant ? »

Ces phrases décrivent parfaitement le système imposé par la

France à la Countéa de Nissa, système qui a contribué à la

paupérisation de sa population et à sa colonisation.

Ce système construit sur la spéculation foncière et immobilière

ainsi que l’industrie touristique et ses corollaires : les spectacles

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« folkloriques », les grandes attractions sportives (Grand Stade

Allianz Riviera, Tour de France, Jeux de la Francophonie etc.),

perdure encore de nos jours.


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