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Contribution à l’histoire des Pays des
Etats de Savoie
Le Countea de Nissa
Notre histoire depuis le début est sujette à d’énormes
falsifications mise en place par la France qui a toujours lorgné ce
territoire. Il fallait créer un roman, une fable historique pour
nous laisser croire que nous étions français. Du type : « Nos
ancêtres les Gaulois, Vercingétorix, puis Clovis et le Vase de
Soisson, etc....
Commençons par le préambule...
Les ancêtres des Ligures n’avaient pas d’écriture, mais ils
savaient raconter des histoires en les gravant sur des rochers, et
les alentours du mont Bego (Vallée des merveilles) en sont la
preuve. Il a été dénombré plus de 40 000 gravures sur l'ensemble
du site dont au moins 35 000 pétroglyphes pré-protohistoriques.
Elles sont gravées sur plus de 4 000 pierres ou "dalles". Parfois
associées entre elles, parfois seules, une étude statistique est en
cours pour essayer de comprendre si les agencements sont
fortuits ou si certaines séquences se répètent. Dans ce dernier
cas nous serions peut-être en présence d'une sorte de code de
communication, de pré-écriture. On distingue cinq catégories de
gravures : les corniformes, les armes et outils, les figures
anthropomorphes, les figures géométriques et pour finir les
figures non représentatives. Certaines représentations sont très
fréquentes comme les corniformes, les poignards... d'autres sont
uniques comme la gravure dite "du Sorcier". On peut donc
estimer que les hommes ont gravé sur les roches du mont Bego
sur une période comprise entre 2000 et 1000 ans avant J.-C, il
y a donc plus de 4000 ans. « La plupart des gravures piquetées
de la région du mont Bego daterait de l'âge du Bronze ancien et
aurait été exécuté entre 1800 et 1500 avant notre ère » Henry de
Lumley (Institut de Paléontologie Humaine de Paris).
Il est certain que la civilisation du Bego fut une des premières
sociétés agro-pastorale établie dans la Countéa qui possédait l’art
de réaliser des machines agricoles outillées tirées par des
équipages de bœufs. Et les règles de répartitions des terres, et
des ressources qu’ils établirent subsisteront encore durant
plusieurs siècles.
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Quelques propos sur l’Antiquité...
Nice, la ville fut fondée par les Grecs au troisième Siècle avant JC
qui établissaient des comptoirs ou des escales le long des côtes
méditerranéennes. Certes mais avant les Grecs, les Ligures
occupaient déjà le terrain construisant des cabanes de branches
aux milieux d’enceintes fortifiés que l’on appelle Castellaras dont
il reste des traces justement sur le point le plus haut de
Cemenelum, la colline du Monastère, mais aussi beaucoup plus
loin jusqu’à Sospel et Fontan-Saorge(et même en Provence vers le
plateau de Caussols).
La vie des établissements Grecs était entièrement conditionnée
par les dispositions des habitants à l’égard des nouveaux venus.
Faute de connaître assez les indigènes, on s’est fait durant
longtemps une idée fausse des colonies Marseillaises de Provence
(nom donnés aux comptoirs Grecs).
La côte entre Marseille et Gènes était le refuge d’une ethnie
distincte, nettement séparée des Gaulois et par ses mœurs et par
sa langue et qui devait résister longtemps aux influences
voisines. Strabon (64 avantJC-21 après JC) distingue des
Salyens et des Ligures, en leur donnant le Var pour frontière.
D’autres passages montre que par cette distinction, il veut
seulement indiquer que le pays entre le Var et la Macra étant
resté exclusivement ligure, les Tribus à l’Ouest du Var s’étaient
au contraire, peu à peu abâtardies au contact des Gaulois,
jusqu'à mériter le nom de Celto-Ligures que voulaient leur
donner les géographes de la nouvelle école (les Celtes ne sont
arrivés, dans le Pays Niçois, qu'en 400 avant notre ère dans la
Roya et se sont mélangés aux Ligures en un siècle, vers 300
avant notre ère, ce qui fait qu'il y eut aussi des Celto-Ligures sur
notre territoire: ils allaient jusqu'en Ligurie actuelle ou l'on
trouve des pierres levées et aussi le plateau des druides à
Baiardo).
Dion Cassius (155-235) cite les Ligures Chevelus comme ayant
résistés aux Romains jusqu’en 23 avant JC. Pline (les tribus
ligures furent définitivement vaincues en 13 avant notre ère) : «
Ligurum celeberrimi ultra Alpes Salluvii, Deciates, Oxybii. » Les
Ligures Chevelus habitaient la région de Monaco avec pour limite
le Var à l’Ouest et à l’Est le pays des Ingauni dont la capitale
était Albenga. Les Oxybiens et les Déciates étaient
respectivement campés les premiers, entre l’Argens et Antibes,
les autres entre Antibes et le Var. Les Salyens avaient eux
comme territoire entre Marseille et l’Argens.
Tous les auteurs anciens, Diodore, Strabon, Tite-Live, Polybe ont
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vanté les qualités des Ligures. Ils étaient de petites tailles ; ils
habitaient la montagne, où ils avaient conservé une vie assez
primitive.
Ils étaient surtout pasteurs et bûcherons, vivant des produits de
leurs troupeaux et de la chasse.
Ils cultivaient peu les plaines, mais préféraient avoir leurs
champs prés de leur Oppida des sommets ; le sol y était très peu
productifs et difficile à défoncer avec les instruments grossiers
dont ils disposaient. Cette vie pénible avait fait d’eux une race
résistante, tout à la fois maigre, souple, agile et très robuste.
Diodore et Strabon ont vanté l’énergie des femmes. Les hommes
faisaient des soldats d’élites, armées à la légère, ils se déplaçaient
rapidement, harcelant l’ennemi, montrant beaucoup de hardiesse
dans le combat. Certains étaient Marins et se déplaçaient par
tout temps dans d’étroites barques, n’hésitant pas à attaquer les
navires marchands.
Une tradition remontant à l'Antiquité veut que le nom de Nikaia
ait été donné à l'implantation, à la suite d'une victoire militaire
des Massaliotes sur les Ligures, jusque-là seuls habitants de ces
régions (Nikaia signifiant, en grec, "celle par qui est arrivée la
victoire"). Cependant, le toponyme Nice/Nis/Nic... est assez
répandu entre l'Italie et l'Espagne et ne semble avoir aucun lien
avec la déesse grecque Niké. Aucune source ne fait état d'une
bataille entre Grecs et Ligures à l'origine de la fondation de
Nikaia.
Au début du IIe siècle av. J.-C., les peuples ligures de la région,
les Déceates et les Oxybiens, lancent des attaques répétées
contre Antipolis et Nikaïa. Les Grecs de Marseille, font appel à
Rome, comme ils l'avaient déjà fait quelques années plus tôt
contre la fédération des Salyens (premières attaques des
Romains en - 237). En -154 av. J.-C. le consul Quintus Opimius
défait les Déceates et les Oxybiens et prend Aegythna, oppidum
des Décéates. Les territoire « conquis » par les Romains sur les
populations indigènes sont donnés aux Phocéens et administrés
par l'intermédiaire de ses implantations, Antipolis et Nikaïa.
La pacification ne se fit pas sans excès 12 ans de guerre
d’extermination entre 25 et 13 avant JC. En cas de résistance les
oppida et les grottes fortifiées où s’étaient réfugiés les
populations furent incendiés ou enfumées.
Les quelques chroniques de l’époque racontent que des groupes
entiers préféraient se jeter du haut des falaises plutôt que de se
rendre ou se soumettre, d’autres se livrèrent au meurtre de leur
propre lignée plutôt que de voir les membres de c celle-ci tomber
vivant entre les mains des Romains.
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Ainsi, au cours de quatre batailles principales (25, 16 14 et 14
av. JC), Octave Auguste et ses généraux soumettent ces
peuplades rebelles, achevant l’unification du vaste Empire
romain, instaurant ainsi la Pax Romana. A partir de ces
nouvelles régions pacifiées, Auguste crée la province des Alpes-
Maritimes, ayant pour capitale Cemenelum (Cimiez à Nice).
Pour célébrer ces victoires l’Empire Romain et le Sénat de Rome
édifient à la Turbie le Trophée d’Auguste au point culminant de
la nouvelle voie Julia. Sa construction s’achève en –7, -6 avant
Jésus-Christ.
L’édifice, qui porte la marque des ouvrages impériaux, a
certainement été conçu par un disciple de Vitruve, célèbre
architecte romain.
Remarque : A l’origine, le « trophée » fait partie du rite guerrier
romain. Il est constitué des armes du vaincu accrochées à un
arbre à la façon d’un mannequin. Le vainqueur l’offre aux dieux
qui lui ont permis la victoire. Vous pouvez d’ailleurs admirer
deux représentations de ces trophées de chaque côté de la
dédicace à Auguste. Le texte initial de la dédicace à Auguste,
gravée sur les plaques du mur ouest, reprend les noms de toutes
les peuplades vaincues.
Suivant la lecture que l’on fait de l’inscription, on peut voir les
noms de 44 à 49 peuplades. Elles travailleront d’ailleurs comme
esclaves à la construction du Trophée. Les Romains proprement
dit n’occuperont que la façade littorale pour sécuriser la Voie
Julia, en fait ils confieront le reste du pays, haut et moyen, aux
natifs « romanisés ».
Mais Rome n’avait plus rien à craindre et les Ligures respecteront
leur engagement. Ils comprenaient que leur (relatif) petit îlot de
résistance alpin au sein d’un Empire grandissant, n’avait plus de
raison d’être. Mieux même, ils chercheront à tirer profit de la
collaboration qui s’établit entre les deux peuples en s’engageant
notamment, dans les armées romaine.
La réputation du guerrier ligure n’était plus à faire et depuis des
siècles, les légionnaires l’avaient appris à leur dépend (guerres
italiques, puniques, ligures,....). Incomparables fantassins, pas
cavaliers mais très bons tirailleurs, « leurs hoplites et gens de
traits sont excellents » (Strabon). « Contrairement aux Gaulois, le
guerrier ligure était digne de confiance et savait faire preuve
d’initiative. On se disputait leur concours » (Salluste).
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En raison de la pression démographique et des difficultés
rencontrées par les familles pour nourrir tous leurs membres à
partir d’un sol des plus ingrats, le mercenariat devient une
activité propice à augmenter les possibilités d’emploi dans les
vallées alpestres et apennines.
Les Romains en tirent très vite les conséquences et remplacent la
légion stationnant à Cimiez par une seule cohorte d’auxiliaires
ligures de 500 hommes à laquelle est associée une autre cohorte
nautarum (de marins) rattachée à Fréjus mais basée à Nice, pour
la surveillance de la zone côtière.
Les anciens pirates ligures ont trouvé là matière à reconversion !
Il est probable aussi, que les centuries de Briançonnet et de
Glandèves « s’indigénisent » assez vite avant de disparaître.
Mais si les débouchés pour les besoins locaux semblent limités, il
faut savoir que de nombreux auxiliaires seront recrutés pour les
théâtres d’opération extérieurs à partir de la région et incorporés
au sein de cohortes ou de légions: ce sont les fameuses cohortes
dites pérégrines (terme qui donnera naissance à celui de pèlerin).
En particulier, au moins quatre cohortes seront ainsi formées
pour aller combattre en Africa ou en Mauretania contre les
Berbères, toujours prompts à se soulever.
Sous Caracalla, la pleine citoyenneté romaine est étendue à tous
les provinciaux libres. Les Bérétins, Chanencs ou Pennois
deviennent donc des « Romains » mais en fait, cela ne modifiait
en rien leurs dures conditions de vie. Pour l’anecdote, la
possibilité de porter trois noms leur est ainsi offerte : un prénom,
un nom de famille ou gentilice (souvent celui de leur bienfaiteur
ou protecteur) et un surnom ou « cognomen » (souvent le plus
utilisé et le seul passant à la postérité).
Un des plus célèbres ligures fut « Pertinax » Publius Helvius
Pertinax (latin : Imperator Caesar Publius Helvius Pertinax
Augustus), né le 1er août 126 à Alba (Piémont) et assassiné le 28
mars 193, c’est un empereur romain, qui régna de janvier à mars
193, à qui l’on doit cette citation : « J’aime mieux gouverner avec
équité une république pauvre que d’acquérir des richesses par
des voies tyranniques et déshonorantes ».
La terre, l’eau, la végétation, les pierres et les rochers, nous
révèlent peut-être mieux que la mémoire et même les ouvrages,
une sorte de passé peut-être inscrit au plus profond de nous-
mêmes, de notre ADN ou notre hérédité. C’est peut-être de ce
temps-là que remonte notre ressentiment contre Marseille.
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Toujours est-il que notre lointain passé Ligure est largement
passé sous silence car il nous rapprocherait d’une certaine
Italianité.
A la fin de l’empire Romain, s’écoule une période trouble
d’invasion, seul le Trésor de Cimiez, permet de faire quelques
hypothèses. Le trésor de la compagnie de l’eau aurait été mis au
jour le 7 Janvier 1883, sur la propriété des Garin de Coconato,
(Parc des Arènes de Cimiez) lors de travaux réalisé pour la
construction du canal de Nice.
Ce petit pécule contient des monnaies émises de Gordien III
(238-239) à Salonin Monnaie de Milan (émise au milieu de
l’année 259).
Le trésor de la compagnie de l’eau aurait été constitué après 259.
Mais on y trouve aussi des monnaies frappées par Antênor et les
Mérovingiens de Marseille. Ce qui aurait tendance à prouver que
même détruite par l’invasion des Lombards vers 574¬575, le site
de Cemenelum et la colline de Cimiez ne furent pas abandonné.
-617 : Nice adhère à la Ligue Génoise, pacte fédéral liant toutes
les villes du golfe ligurique (golfe de Gênes) contre les rois de
Lombardie. Selon l’antique usage du municipe, chaque cité
formait comme une sorte de République, s’administrait elle-
même et pourvoyait à sa défense comme à sa subsistance.
736-737 Charles Martel mène une expédition militaire contre les
Provençaux rebelles aux Francs. Il s’allie aux Lombards et les
provençaux s’allient eux aux Sarrasins. Les populations elles
paieront un lourd tribu à chaque camp, et les massacres seront
nombreux comme en Aquitaine.
759 : Sous l’égide de Thibaud, neveu de Charles Martel, la ville
de Nice obtient trois Syndics pour son administration civile et un
podestat pour son administration judiciaire ; elle conserve son
ancien municipe, élit son Conseil et ses magistrats, rend la
justice, vote les impôts par corps de cité et non par capitation.
Elle ne relève d’aucun seigneur particulier et ne peut être aliéné
du domaine royal. Les trois Syndics représentent les nobles, les
marchands et les artisans.
813 Une razzia Sarrasine ravage Nice.
Rareté des documents pendant cinq siècles...
Victime des incursions sarrasines, le littoral perd ses habitants
qui choisissent des sites quasi inaccessibles de l’arrière-pays où
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ils vivent dans les mêmes conditions que les Ligures avant
l’arrivée des Romains. Entre 663 et 999, on ne retrouve aucun
nom d’évêque à Nice ; aux IXe et Xe siècles, rien ne permet
d’affirmer (ou de nier) la présence d’habitants sur le site de
l’ancienne ville grecque.
A la fin du IXe siècle, la situation s’aggrave car les Sarrasins
s’installent dans le massif des Maures, au-dessus du golfe de
Saint-Tropez (forteresse de la Garde-Freinet). De cette base, ils se
livrent à des incursions dans la Provence.
Selon la légende, en plus des invasions, le pays aurait connu un
grand séisme, qui aurait déclenché d’importants glissements de
terrains dans les vallées, coupant ainsi une partie des
populations. Interrompant les chroniques tenues par le clergé.
Ainsi pour l’évêché de Glandèves, après les quatre premiers
évêques, jusqu’au fin du VIe siècle, la liste des évêques du
diocèse de Glandèves (situé en amont d’Entrevaux) comporte un
vide qui dure jusqu'en 991, année à laquelle apparaît un Guigo
ou Guigues. L'évêché de Glandèves comprenait le Val
d'Entraunes, l'ancienne viguerie de Guillaumes, à l'est la rive
droite du Cians, à l’ouest les vallées du Coulomb et de la Vaïre,
au sud il englobait les communes des vallées de la Gironde et de
l'Estéron jusqu'au Var.
-999 : L’un des tout premiers documents de l’Histoire de Nice
indique que Milon (ou Miron) et Odile sont podestats de la ville,
cette dernière se qualifie de « vicomtesse de Nice ».
-1012 : Odile et Milon gouvernent Nice, mais la cité est devenue
municipe ; elle nomme ses magistrats et dispose de la liberté de
juridiction.
-1075 : la société niçoise s’organise en Commune ; deux autres
pouvoirs émergent après le déclin de l’autorité des podestats de
la ville, ceux de l’évêque et du monastère de Saint-Pons.
-1108: Nice proclame son indépendance. Le Municipe est
définitivement établi, la ville nomme ses magistrats et dispose de
la souveraineté.
1117-1152 : Les évêques de Nice perdent peu à peu leur pouvoir
temporel au profit de la commune ; dès 1144 les consuls de Nice
exercent le pouvoir. En 1150, Nice, qui s’est allié avec Gênes,
proclame de nouveau son indépendance.
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Quand nous disons que Nice n’a jamais fait partie de la Provence,
nous entendons dire qu’elle n’a jamais été considérée comme en
faisant partie intégrante, et que même au temps où elle était
réduite par la force des armes sous l’obéissance des Comtes de
Provence, elle conserva son autonomie.
La commune de Nice prit évidemment naissance au moment de
la dissolution de l’empire de Charlemagne. A peine la commune
exista-t-elle, que le génie naturel des habitants, la voix du sang,
si l’on peut parler ainsi, se fit entendre au cœur du peuple, et
Nice s’unit à Gènes. Elle eut les mêmes lois.
Datta dans son récent travail sur les libertés de la commune de
Nice, dit « qu’on ne sait si Nice a emprunté ses lois à Gènes, ou,
si c’est Gènes qui les a empruntés à Nice, ou plutôt si les
Conseils des deux communes ne se sont pas entendu pour
adopter la même législation. » Le citoyen qui transportait sa
demeure à Gènes n’était pas considéré comme absent. Les objets
demeurés invendus dans les encans publics étaient expédiés à
Gènes. Les monnaies étaient les mêmes. Les rapports
commerciaux et civils étaient continuels. À cette époque
commençait le pouvoir des Comtes de Provence, établis sur la
rive droite du Var. Nice constituée en République chercha son
point d’appui à Gènes, plutôt qu’en Provence, chez un peuple
d’origine commune. C’est ce qu’il résulte de sa législation même.
En 1162 l’empereur Frédéric Barberousse investit Béranger dit le
jeune, du Comté de Provence. Celui-ci convoqua à Aix les
feudataires, les gouverneurs et les consuls des villes soumises à
sa domination. Béranger suivant la politique de son maître,
ennemi acharné des républiques italiennes, convoqua aussi les
magistrats de Nice. Les Niçois refusèrent d’obéir, et Nostradamus
nous apprend que le refus de ces fiers républicains fut formulé
avec arrogance. « En 1664, Béranger envoya des ambassadeurs
signifier aux magistrats de Nice, qu’il prétendait exiger d’eux foi
et hommage. Mais ces citoyens pleins d’amour pour la liberté
dont ils avaient arboré la bannière répondirent : « que depuis
plusieurs siècles leur ville était libre, qu’elle ne dépendait
nullement des Comtes de Provence, et ne reconnaissait d’autre
souverain que l’empereur ».
Cette réponse décida Béranger à la guerre ; mais sachant qu’il
avait à faire à une population belliqueuse et à une ville fortifiée, il
mit deux ans à se préparer et en 1166 il investit la ville de Nice
avec une nombreuse armée. « La place réduite aux abois ne
pouvait plus résister ; mais tous les citoyens jurèrent de
s’ensevelir sous les ruines de la ville !
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Les troupes provençales escaladèrent les remparts, ayant le
Comte à leur tête ; « ce prince, emporté par son désir de
vengeance, s’avança imprudemment au plus fort de la mêlée ;
bientôt percé par une flèche, il tomba noyé dans son sang au
pied de ces mêmes murailles qu’il avait juré de détruire. Au bruit
de sa mort, l’épouvante se mit parmi les assaillants : repoussé de
tout côté, ils levèrent le siège en toute hâte, se sauvèrent au-delà
du Var, abandonnant presque tous leurs bagages. C’est ainsi que
cette victoire inespérée sauva la ville de Nice d’un grand désastre
et rétablit dans toute sa force le gouvernement républicain et
l’autorité consulaire. »
Mai 1176 : Le roi Alphonse Ier d’Aragon (cousin de Raimond
Béranger), aidé par les Grimaldi de Gênes et de Monaco, se porte
vers Nice et encercle la ville par terre et par mer. Les Niçois sont
contraints de négocier mais refusent d’ouvrir les portes de la
ville. Alphonse d’Aragon est contraint de confirmer tous les droits
et privilèges des Niçois en ces termes : « Nous leur accordons et
confirmons le consulat avec toutes ses justices et sentences tant
des causes criminelles que pécuniaires et civiles ; le pouvoir
perpétuel d’élire leurs Consuls et magistrats ; nous leurs
confirmons les coutumes, us, privilèges qu’ils ont eu et qu’ils
auront ; en même temps ceux que possède ou peut posséder
ladite université ou quelqu’un des citoyens de ladite Ville de Nice.
» ; la générosité n’étant pas gratuite en politique, les Niçois
versèrent en compensation 25 000 sous melgoliens et en
promirent plus deux mille autres, durant dix ans, jusqu’à que la
paix soit rétablie, ils ne seront plus tenus de fournir des hommes
pour la guerre. Cette charte capitale est aujourd’hui conservée
aux archives municipales de Nice.
-1177 : Les Niçois concluent une alliance avec Pise.
-1205 : Les consuls de Nice rédigent et promulguent les Statuts
de la ville déclinés en 228 articles.
-1210 : Pierre d’Aragon (frère du défunt Alphonse) se rend à Nice
et confirme le traité de 1176.
-1215 : Les Niçois, conduits par le premier consul Miron Badat,
rejettent de nouveau le comte de Provence (rejectis etiam
comitibus provinciae), rétablissent le gouvernement consulaire
plein et entier et proclament de nouveau l’indépendance de la
cité.
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-1216 : Les seigneurs prêtent fidélité au comte de Provence ; Nice
n’envoie pas de députation.
-1246 : En la chapelle Saint-Lambert, « noble homme Salmon »,
juge et viguier de Nice remet aux Consuls les lettres patentes de
Charles d’Anjou et Béatrix de Provence par lesquelles ils
renouvellent le Traité de 1176. Profitant du départ du comte de
Provence pour la croisade, les Niçois se révoltent, refusent sa
suzeraineté et rétablissent le gouvernement consulaire.
-1353 : Les Niçois établissent leurs statuts qu’ils font approuver
à titre perpétuel et inaliénable par la reine Jeanne. En outre, elle
s’engage à ne plus faire aucune aliénation sans le consentement
des communes. Enfin elle accorde aux communes le droit de se
défendre et de repousser la force par la force « impune defendere
».
-1367 : La reine Jeanne confirme les droits et privilèges de Nice.
De fait Nice est une citée république libre et elle met toute son
énergie à le rester. Elle inspire de nombreuses communes de
l’arrière-pays qui malgré une féodalité encore présente rachète
privilèges et franchises aux derniers petits seigneurs. Il est à
noter que le servage proprement dit a disparu depuis le XIème
Siècle.
Après le décès de Louis d’Anjou en 1384 et l’assassinat de
Charles de Duras roi de Sicile et de Hongrie en 1386, les tuteurs
de leurs héritiers se disputèrent la Provence ; les Niçois avaient
choisi Ladislas de Duras, car son père leur avait conservé toutes
les franchises municipales.
En 1388, la Maison d’Anjou, branche cadette de la Maison de
France, envoya une puissante armée commandée par le sénéchal
de Marles pour réduire Nice. Mais Ladislas et sa tutrice la reine
Marguerite, assiégés dans Gaète, ne pouvaient protéger Nice des
Angevins. Marguerite donc donna l’autorisation aux émissaires
niçois de traiter selon leurs souhaits. Le comte de Beuil,
gouverneur de Nice, après l’avis du grand Conseil, négocia avec le
comte de Savoie.
L’armée angevine campait déjà devant Saint-Paul de Vence,
quand le Comte de Savoie (le Comte Rouge) arrivant par les cols,
établit son camp à Saint-Pons. Une assemblée plénière des
habitants fut convoquée, et après avoir délibéré “a tiertia usque
ad vesperas” (de la 3ème heure jusqu’aux vêpres) les Niçois
décidèrent de traiter avec le comte de Savoie.
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L’accord de « Protectorat » passé avec la Maison
de Savoie est connu sous la dénomination de
Dédition.
Leurs délégués se rendirent à Saint-Pons et établirent avec le
nouvel allié une charte déclinée en 34 articles. En échange de sa
protection, les Niçois accordaient un protectorat conditionnel au
Comte de Savoie. La charte était signée pour trois ans, pour le
cas où le roi Ladislas aurait la possibilité de revenir aider
militairement Nice ; passé ce délai, la charte de dédition serait
renouvelée. Les principaux articles de la charte indiquent que
jamais le comte ni ses successeurs ne pourraient céder Nice à
quiconque et encore moins au roi de France ou à la Maison
d’Anjou ; que Nice conserverait ses franchises et privilèges,
qu’elle en obtiendrait de nouveaux, que sa place forte ne pourrait
être livrée qu’avec l’accord de ses chefs militaires, que divers
privilèges juridiques régaliens lui seraient conservés, ainsi que
diverses autres dispositions garantissant les droits des Niçois. Il
était précisé qu’en cas de violation de la charte, les Niçois
pourraient se révolter sans être taxés de rebelles. La Charte fut
renouvelée trois ans plus tard, et Nice demeura liée
volontairement aux chefs de la Maison de Savoie jusqu’en 1860.
La dédition n’eut donc pas pour objet de fonder un “comté de
Nice” ; aucun article ne fait mention d’une telle volonté, ni même
ne décline ce terme (Les "terres Neuves de Provence" deviendront
le "Comté de Nice" en 1526).
Plus tard les "Savoie" employèrent cette appellation d’honneur
dans leurs titulatures, sans qu’aucune lettre patente officielle ne
légalise l’érection du Pays de Nice en “comté”, formalité
impérative en droit féodal (en fait, il n'y eut jamais de Comte de
Nice, le Comté était une entité administrative comme le Canton
en Suisse ou les Comtat Venaissin en Vaucluse).
L’identité niçoise existait depuis longtemps et la République
consulaire niçoise de 1108 avait établi les statuts de la ville:
celle-ci se gouvernait elle-même et passait des traités. La dédition
à la Savoie n’eut que deux objets : échapper à la domination de la
Maison d’Anjou, au roi de France et à tout autre féodal, tout en
conservant et augmentant les franchises et libertés des Niçois.
-1436 : Entre les factions rivales, les Caïs (qui désirent
l’inféodation à la Provence) et les Grimaldi (fidèles à la Savoie),
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l’instabilité politique s’installe à Nice. Le gouverneur Nicod de
Menthon, trop autoritaire, est détesté ; Jeanne Verani, femme du
peuple, sonne le tocsin avec la cloche du couvent des Carmélites
et les Niçois se soulèvent.
-1437 : Le gouverneur de Nice réduit la révolte. 41
condamnations à mort dont 26 par contumace sont prononcées.
45 citoyens sont condamnés à diverses peines. Les libertés
communales sont suspendues et les archives de la ville
confisquées, en particuliers le « Livre Rouge » où sont inscrit tous
les privilèges de Nice.
-1438 : Les privilèges communaux sont rétablis en faveur de Nice
contre le paiement d’une forte amende de 6 000 florins. Les
archives municipales sont restituées.
-1440 : Le duc de Savoie rend le « Livre Rouge » aux Niçois.
-1481 : Louis d’Anjou lègue ses droits sur la Provence à Louis XI.
-1483 : Le comté de Provence est réuni à la couronne de France
et le Var marque désormais la limite du Royaume. Les Etats d’Aix
en 1487 déclarent « la Provence réunie pour jamais à la couronne
de France ».
Le XV siècle constitue à cet égard une période fort intéressante,
car il correspond à la véritable entrée de la région niçoise dans le
monde moderne — -entrée manifestée par la création en 1614
d'une cour souveraine, le Sénat de Nice, dont la première tâche
sera de mettre fin à l'indépendance excessive manifestée par le
comte de Beuil, Annibal Grimaldi, dernier représentant à Nice
d'une féodalité disposant d'un pouvoir politique effectif.
Cette constatation d'un constant amoindrissement des libertés
locales reviendra sans cesse au cours de notre étude.
I. — Les institutions municipales
Le régime municipal niçois, dérivé de l'organisation traditionnelle
des communautés provençales, repose sur la distinction des
citoyens en quatre classes {classe ou gradi) : nobles, marchands,
artisans et laboureurs. Sont considérés comme nobles ceux qui
sont tels par naissance, par privilège légal ou par concession du
prince et vivent noblement. Les anoblis sont tenus de présenter
leurs lettres de noblesse au conseil de ville pour éviter toute
discussion.
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La classe des marchands se compose des bourgeois qui vivent
des revenus de leurs biens, tiennent boutique ou exercent la
profession de procureur ou de notaire sans pourtant être
docteurs en droit.
Sont réputés artisans les apothicaires (mais non les chirurgiens,
considérés comme marchands), les peintres et sculpteurs, les
tailleurs, les savetiers, les tanneurs, les fourreurs, les maçons,
les menuisiers, les chaudronniers, etc.
La quatrième classe comprend le reste de la population : non
seulement les paysans, mais aussi les pêcheurs et les ouvriers
agricoles.
Il faut noter que cette répartition — dont nous ne chercherons
pas ici à savoir dans quelle mesure elle reflète une réalité sociale
— n'était pas immuable ; ainsi, le 28 juin 1654, le conseil
confirme l'élection de Clément Bonfiglio comme conseiller
marchand, bien qu'il ait autrefois siégé comme représentant de la
classe des artisans.
Le système de nomination des officiers municipaux est
réglementé par un rescrit d'Amédée VIII donné le 16 juillet 1435,
un rescrit de la duchesse régente Blanche donné le 1er mai
1492, et des règlements pris par la ville elle-même. Pris à la suite
de désordres provenant de l'accaparement par les nobles de la
majorité des offices, le rescrit d'Amédée VIII consacre la division
des citoyens en quatre classes, établit que, selon la coutume
jusque-là observée, la ville aura quatre syndics, un assesseur et
quarante conseillers qui seront élus annuellement par huit
électeurs désignés par le précédent conseil, et devront être
citoyens niçois. On élira également chaque année quatre arbitres,
quatre regardateurs, et un trésorier ou clavaire.
Ce Système est complété en 1492, à la suite de graves
émeutes, par la Duchesse Blanche qui règle le régime
électoral: Désormais, ce n'est plus le choix des électeurs
qui décide, mais le tirage au sort, Per sortes sèu per
brevia, non per vocès.
Le mode d'élection en usage au XV° siècle est le suivant : les
électeurs des conseillers et des officiers municipaux sont au
nombre de huit, deux de chaque classe ; ils sont eux-mêmes élus
par les syndics, conseillers et officiers de l'année qui s'achève.
Pour cela, le lundi de Pentecôte, on fait des bulletins blancs à
l'exception de deux sur lesquels on inscrit le mot elector.
Le secrétaire les mélange dans un sac puis les fait tirer en
14
commençant par le premier syndic, le premier défenseur des
privilèges et les conseillers nobles jusqu'à ce que soient sortis les
deux bulletins portant le mot elector ; ceux qui les ont tirés
seront les électeurs des conseillers et officiers nobles pour
l'année suivante. On procède ensuite de même pour désigner les
électeurs des trois autres classes. Après avoir juré dans les
mains du préfet de procéder honnêtement à l'élection des
conseillers et officiers, les électeurs se retirent avec le secrétaire
de la ville dans le local des archives et y désignent les syndics,
les défenseurs des privilèges, les conseillers, le trésorier, les
arbitres et les regardateurs. Chacun vote pour deux candidats
(sauf pour le trésorier pour lequel on ne désigne qu'un nom) de
sa classe ; les bulletins sont déposés dans quatre sacs distincts,
un pour chaque classe et le premier nom extrait de chaque sac
est celui de l'officier élu.
1536 : Le trésor français confisque tous les biens des Niçois
situés en Provence. En août, le duc de Savoie, accompagné d’un
fort parti de Niçois, se rend à Aix ; ces derniers brûlent en place
publique tous les titres relatifs aux droits que les anciens comtes
de Provence prétendaient avoir sur Nice.
-1538 : Mai-juin. Congrès de Nice où se retrouvèrent le pape Paul
III, François Ier et Charles Quint. Le duc de Savoie demande aux
Niçois de loger le pape et de recevoir le souverain ; craignant une
mainmise étrangère sur la ville, les Niçois refusent, lui rappelant
vertement qu’ils sont maîtres chez eux en vertu des dispositions
de l’acte de dédition de 1388 ; le duc s’incline.
Les guerres contre la France...
1543 : Les Français avec leurs alliés Turcs assiègent Nice. Après
une énergique résistance et malgré le célèbre fait d’armes de
Catarina Ségurana, la ville-basse se rend le 22 août. Le château
résiste jusqu’à l’arrivée des troupes de Charles-Quint et de
Charles III de Savoie. Les assaillants lèvent le siège le 8
septembre.
1544 : Ayant subi des revers militaires, Charles-Quint
abandonne Charles III. La Savoie ainsi que le Piémont occidental
sont envahis par François Ier ; le Piémont oriental est sous
tutelle espagnole ; il ne reste aux Savoie qu’Aoste, Asti, Cuneo,
Nice, Ivrea et Verceli.
15
1557 : 10 août. Le duc Emmanuel-Philibert de Savoie,
commandant les troupes de Charles-Quint, écrase les troupes
françaises à Saint-Quentin ; les drapeaux pris à l’ennemi sont
exposés à Nice
-1559-1560 : Les habitants de Nice sont exempts de l’impôt dit «
du tasso », c’est-à-dire de l’impôt foncier direct. On construit le
palais Royal (agrandi en 1650) et on installe le premier collège de
Nice. Construction du fort du Mont-Alban et de la citadelle de
Villefranche, le château de Nice est puissamment fortifiée.
-1563 : 7 février. Emmanuel-Philibert fixe sa capitale à Turin.
-1571 : 7 octobre. Trois galères armées par la Savoie, où servent
de nombreux Niçois et Sospellois, participent à la victoire navale
de Lépante.
-1574 : On construit à Nice le palais communal. Les travaux
durent six ans.
-1577 : Le duc de Savoie confirme les droits et privilèges des
Niçois.
-1579 : Emmanuel-Philibert de Savoie achète le comté de Tende
à Henriette du Maine (anciennement apanage des Doria et des
Lascaris) et l’intègre au Comté de Nice.
-1612 : 22 janvier. Création du port franc de Nice pat Charles-
Emmanuel Ier. Un document daté de 1612 est très probablement
le premier prospectus publicitaire édité à Nice. Ce documents
commerciale énumère toutes les marchandises que l’on peut
trouver à Nice : « Huile d’olives, viande fraîche et salée, vins
rouge et blanc, câpres, oranges, citrons, amandes, eau de fleurs,
essence de citron, marjolaine, anchois, fostet, bois de
construction, marbre, térébenthine, gomme, résine, safran, colle,
cire blanche, savon… » Certains de ces produits étaient rares et
très appréciés à l’époque.
-1621 : 8 janvier. Le comte de Beuil, dernier féodal du Comté, qui
tente de livrer le Pays de Nice à la France, est exécuté pour haute
trahison et ses biens sont confisqués par le duc de Savoie.
-1623 : 10 mars. Le Conseil de Nice, sollicité à cet effet, refuse
d’instaurer l’Inquisition.
-1629 : 11 mars. Les troupes de Provence franchissent le Var,
commandées par le duc de Guise et le maréchale d’Estrées ; le 14
16
elles attaquent Nice puis refluent ; Richelieu leur ordonne de
tenir les positions. La peste, amenée par l’armée, se déclare dans
le Comté qui en outre a subi d’importants dégâts.
-1690: expédition des troupes du roi de France (Louis XIV) qui
durera jusqu'en 1695 et aboutira, après un siège long et difficile
à la destruction du donjon (sous le quel étaient amassées les
réserves de munitions et de poudre).
-1705 : Avril. Les troupes françaises mettent de nouveau le siège
devant Nice. Après un bombardement ayant réuni plus de 200
bouches à feu, le château se rend le 5 janvier 1706 et le Comté
est occupé ; la ville est contrainte d’engager l’argenterie des
églises pour payer une première indemnité de 15 000 livres.
Louis XIV ordonne de détruire entièrement les fortifications du
château et ajoute à ses titres celui de comte de Nice.
-1706 : 8 septembre. Les troupes de Louis XIV sont écrasées
devant Turin par l’armée Piémontaise commandée par Victor-
Amédée II de Savoie et son cousin Eugène de Savoie-Carignan.
(Superga o la mouort)
-1720-1724 : De graves désaccords fiscaux interviennent entre
les Niçois et l’intendant Royal Zoppi qui tente d’imposer des
mesures violant la charte de dédition. Nice se soulève et
l’intendant s’enfuit à Turin ; il est destitué.
-1744 : Guerre de succession d’Autriche. La France avait décidé
d'anéantir les troupes piémontaises, considérées comme un
danger dans leurs repaires. Louis XV avait déjà tenté d'entrer
dans le Piémont, au siège de Cuneo et aux batailles de la Madone
de l'Olmo ou de Bassignana, mais sans succès. En 1747, il
ordonna donc d'en finir avec le roi Charles-Emmanuel III de
Sardaigne. Il manda une armée forte de 150 régiments
d'infanterie, 75 escadrons de cavalerie et 2 brigades d'artillerie,
sous le commandement de Louis Charles Armand Fouquet de
Belle-Isle, chevalier de Belle-Isle, et du marquis de las Minas,
lesquels ne réussirent pas à s'entendre sur les priorités : Belle-
Isle voulait menacer Turin, l'espagnol préférait viser Gênes. Au
début, prévalut le plan de Las Minas, mais les Piémontais
bloquèrent les montagnes méridionales et c'est la traversée des
Alpes selon l'idée de Belle-Isle qu'affronta un corps d'armée de 50
bataillons d'infanterie, 15 de cavalerie avec de nombreux canons.
L'armée se divisa en deux colonnes, l'une progressant vers le
Mont-Cenis, pour viser Exilles, l'autre visant Fenestrelle en
17
passant par l'Assietta. Trente deux bataillons français en
affrontent 13 piémontais. (Dont des Savoisiens et quelques
Nissarts). Les Français tentèrent d'ouvrir une brèche dans les
fortifications de l'Assietta, mais leurs divers assauts furent
repoussés.
De même au Grand Serin les envahisseurs n'avaient pas plus de
succès. L'héroïsme du chevalier de Belle-Isle, qui voulut
entraîner ses troupes en prenant lui-même un étendard, ne lui
apporta que la mort : après un coup de baïonnette, une balle eut
raison de lui. La mort de leur commandant n'arrêta pas les
Français : le commandant piémontais, le comte de Bricherasio,
décida alors d'envoyer 7 bataillons vers le Grand Serin, craignant
de ne pouvoir plus tenir l'Assietta longtemps. Il ordonna donc au
comte de San Sebastiano, qui commandait la redoute la plus
avancée de la Testa de l'Assietta, de s'en retirer et de rejoindre le
Grand Serin. Mais, selon la légende, le comte de San Sebastiano
n'obéit pas à cet ordre et résista héroïquement aux assauts sur
son poste, décidant ainsi de la victoire, malgré les cinq heures
d'assauts répétés des Français.
Le lendemain, le décompte des morts était de 5 000 français
contre seulement 77 piémontais. Les troupes françaises, défaites,
s'en retournèrent en France.
L'année suivante, par le Traité d'Aix-la-Chapelle le Piémont obtint
les territoires autour du Lac Majeur et du Tessin, parvenant ainsi
à l'extension géographique qu'il devait conserver jusqu'en 1860.
Nice est occupé par les Français et les Espagnols en 1744, 1747
et 1748. La légende dit qu’une colonne d’Espagnol tentant de
rejoindre la France à partir de la Stura, (Col de Fer) en passant
par le Col de Pal se perdit dans le brouillard au dessus d’Auron
et la plupart chutèrent d’une falaise, là où est située la Croix de
La Bercia. Certains survécurent et formèrent une petite colonie
d’où les noms de lieux locaux : Las Donas, Las Nabinas, El Rio,
et La Cruz de la Bercia.
-1749: Charles-Emmanuel III ordonne de creuser le port Lympia.
Les travaux dureront 7 ans. Le roi accorde sa protection à tout
étranger désirant s’installer à Nice, pour y travailler.
-1792: La France entre en guerre contre l’Autriche et le Piémont.
Le 22 septembre la Savoie tombe aux mains des Français ; le
29, les troupes révolutionnaires qui ont envahi le Comté
occupent Nice évacuée dans la confusion par les forces royales
(commandée par le vieux général de Courten), malgré la
résistance des milices niçoises commandée par De Orestis et
18
Michaud. La ville est livrée au pillage par les brigands et les
forçats libérés.
-1793: 31 janvier, soit dix jours après l’exécution de Louis XVI, le
Comté de Nice est annexé à la France après un semblant de
consultation, alors que les forces royales occupent encore une
partie du territoire (un tiers seulement des communes a opté
pour l’annexion, dans des conditions de légalité on ne peut plus
douteuses). Le but avoué est de « libérer » les Niçois, mais le
discours du conventionnel Lasource ne laisse aucun doute sur
les véritables intentions française « … Plusieurs motifs sollicitent
cette réunion : premièrement l’intérêt national : là finissent les
Alpes et vous avez voulu, en réunissant la Savoie, mettre cette
barrière entre vous et le despote de Turin ; deuxièmement,
l’intérêt commercial : il y a à Villefranche, qui n’est qu’à une
demie-lieue de Nice, un port très beau, très commode, qui dans
la guerre que nous aurons avec l’Angleterre, nous sera infiniment
utile. Avec la Sardaigne, la Corse, Villefranche, Marseille et
Toulon, nous serons maîtres de la Méditerranée…C’est donc une
clef dont il faut se hâter de s’emparer… »
L’annexion est un coup de force à peine déguisé. Néanmoins,
l’acte officiel français qui sanctionne le fait est d’une importance
capitale : « La Convention déclare à l’unanimité qu’elle accepte,
au nom du peuple français, le vœu émis par le peuple souverain
du ci-devant Comté de Nice, et qu’en conséquence, il fera partie
intégrante du territoire de la République ». Ainsi, la Convention
Nationale et par voie de conséquences la Ière République
française reconnaissent officiellement une double qualité aux
Niçois, celle de peuple, et celle de peuple souverain…
Un autre fait important est à relever : lors du vote truqué pour
l’annexion du Comté à la France, Châteauneuf-de-Contes,
Cuébris, et Puget-Théniers, votent Non, et demandent que le
Comté de Nice soit érigé en république indépendante.
-1793-1794 : Les troupes royales et les régiments niçois se
battent courageusement dans le Comté de Nice contre les
envahisseurs français ; néanmoins il est entièrement occupé en
mai 1794. La résistance à l’occupant s’organise dans les
montagnes et les célèbres « Barbets » infligent des pertes aux
troupes françaises. Dans le Comté, la population s’ingénie à
ignorer ou à détourner les lois françaises par une résistance
passive.
19
Les témoignages que nous a laissés André Gastaud est
révélateur.
Durant la première période française (1792-1814) les populations
de la Countéa de Nissa ont été réfractaires à l’introduction d’une
nouvelle législation car en effet : elles possédaient avant
l’invasion : des privilèges communaux, des avantages dans la
gestion des biens communs et des biens d’usages car la propriété
privée n’y était pas prépondérantes, mais aussi des structures
d’aide sociales aux plus défavorisés efficaces, sans parler de
l’exercice des libertés démocratiques, religieuses et
philosophiques.
Avec l’arrivée du Corps Expéditionnaire Français ; une grande
partie du personnel politico-administratif avaient fui, comme une
partie de la population d’ailleurs, et les Français constatèrent sa
carence. Les cadres de l’armée française étant surtout requis
pour des taches répressives ne suffisant pas à assurer le
fonctionnement vital des structures de la société; on fit appel à
des éléments extérieurs venus de Grasse, Toulon et Marseille
pour suppléer aux besoins.
Il faut dire que l’administration coloniale mise en place par
Barras et sa « Société des Colons Marseillais » cherchait plus à
s’enrichir personnellement avec la complicité du Général Garnier
qu’à administrer les affaires courantes de la partie du Comté
contrôlée par les troupes d’occupations. Un certain nombre de
Niçois qui jusqu’à présent ne participaient pas à la vie de la cité y
trouveront leur compte, en profitant de la situation.
Il en est même qui feront carrière bien après la Libération (celle
de 1814) ; mais étonnamment l’histoire se répète parfois.
Le cas d’André Gastaud est significatif...
Ce représentant de la petite bourgeoisie a commencé sa carrière
dès l’irruption des troupes françaises à Nice, en Septembre 1792.
Né à Nice en 1755, André Gastaud était commis de boutique puis
négociant. Ce fils de vermicellier (pâtes alimentaires) a adhéré
immédiatement à la Révolution. Membre de la Société des Amis
de la Liberté et de l’Egalité peu après sa création, organisation
occulte monté et dirigée par le consul de France à Nice. Gastaud
fait rapidement au sein de cette organisation ses classes
politiques. Il appartient à l’Assemblée « nationale » des Colons
Marseillais et espère devenir représentant du peuple dès la mise
en place du département des Alpes-Maritimes en 1793.
Administrateur de celui-ci, André Gastaud est aussi membre du
20
Conseil de Surveillance jusqu’au 20 Novembre 1794. En ventôse
de l’an trois, au moment de la réaction thermidorienne, animée à
Nice par le tristement célèbre Beffroy et son complice Chiappe
venus de Paris, son nom est inscrit sur la liste des suspects
comme « terroristes et buveur de sang ». Incarcéré d’abord à Nice,
il est transféré quelques jours après en compagnie d’autres
jacobins comme Tiranty et Chabaud) au Fort Carré d’Antibes.
Libéré quelques jours avant la fin de la convention
thermidorienne (tout s’achetait) ; il est choisi par le marseillais
Barras pour assumer la fonction de commissaire du directoire
exécutif du département, seul élément permanent et inamovible
de l’administration de ce dernier.
Sa position dans l’appareil bureaucratique départemental le
met dans une position stratégique pour profiter des tractations
concernant en partie les biens nationaux issus de la confiscation
des biens des réfugiés niçois dans le Piémont et des biens des
congrégations religieuses confisquées.
Il en fera d’ailleurs profiter ses protecteurs et ses relations
augmentant ainsi le nombre de ses obligés. (Début du système
maffieux et clientéliste).
Après le rappel de Beffroy, André Gastaud a donc élargi son
influence sur le département. Il dresse un tableau apocalyptique
de la situation afin de régler leur compte aux « Vendémiairistes »
qui l’ont persécuté.
Le ton de son rapport est très alarmiste « dans l’ex Comté de
Nice, les lois (françaises) sont presque partout méconnues par
ignorance ou négligée par mauvaise fois » le Quisling niçois ne
tiens pas compte que plus de 80 % de la population ignore la
langue française.
Gastaud se présente aussi comme une victime, un bouc
émissaire persécuté par la réaction et les contre-révolutionnaires
de l’An III : » Tout ami de la République était un terroriste, les
braves défenseurs de la patrie pour le prix de leurs services
étaient qualifiés de terroristes. » Gastaud qui s’adresse à la
bourgeoisie parisienne fer de lance de la politique révolutionnaire
et qui n’a jamais mis les pieds dans les Etats de Savoie y va de
son couplet « Le système scolaire est déficient car l’instruction
publique a été négligée. Le Français langue unique de la
République connaît une emprise médiocre dans la vie
quotidienne des Nissarts. L’institution scolaire est confiée à des
prêtres (fanatiques ou ignorant – NdR style l’Abbé JP Papon ? ...
sans oublier l'abbé Grégoire de triste renommée) qui méprisent
ou ignorent les principes de la république. Ils utilisent le latin ou
l’Italien dans leur enseignement. » Mais ce qui préoccupe le plus
21
André Gastaud dans ces correspondances de l’An IV c’est la
résistance des Barbets : » ...Tout est désorganisé, sauf la haine
des Royalistes (Ceux qui sont fidèles à la couronne de leur pays ;
La Savoie) et tous ceux qui n’aiment pas la République. Il n’y a
que très peu de patriotes en place... Le seul moyen afin d’obtenir
une prompte organisation des autorités dans les communes de
montagnes est d’empêcher que le royalisme ultramontain y
domine et que le barbérisme nous détruise.»
Gastaud est alerté par l’évidente insécurité des routes et des
chemins ou les intérêts français ne peuvent circuler que sous
escortes armées ainsi que par l’inexécution des lois (réquisitions
et conscription) car le barbérisme paralyse par la terreur, l’action
de l’administration française. D’autres tiendront le même
discours concernant les lois et l’administration du gouvernement
de Vichy de 1940 à l’été 1944.
André Gastaud qui a figuré parmi les abonnés méridionaux au «
Tribun du Peuple » de Gracchus Babeuf (le premier à dénoncer le
populicide Vendéen), tourne sa veste lors de la découverte de la
Conspiration des Egaux qu’il considère alors comme « une
calamité publique ».
Lâche et opportuniste ; il utilise sans vergogne un leitmotiv de la
propagande du directoire ; l’amalgame entre Babouvistes-
Royaliste (Ancêtre de l’amalgame Hitléro-trotkyste de 1945). Il
écrit : » On est frappé d’imagination lorsqu’on lit les pièces
trouvées chez Babeuf. Les écrits que cet homme faisait circuler
dans toute la République prouvent assez sa scélératesse. Je ne
crois pas qu’il y ait des partisans dans ce département. Si ce
n’est parmi ceux, qui, quoique d’une opinion peut-être
totalement contraire à la sienne veulent le désordre et l’anarchie
pour rentrer dans les projets de rétablir la monarchie... »
En encourageant la répression anti-babouvisme André Gastaud
devient l’inventeur du « Modérantisme Clientéliste Niçois ».
Il est dorénavant un véritable chef de clan qui a mis en place
une véritable faction dévoué entièrement à sa personne. (Comme
quoi l’histoire de la politique française à Nice se répète.)
Les valeurs républicaines sont désormais ignorées et afin de
s’enrichir sans scrupules ; il spécule ouvertement sur les biens
nationaux dont la vente est sources d’un trafic inouï.
La révolution est trahie sur l’autel de la corruption généralisée.
Cette situations renforce la détermination des populations du
Comté de Nice à résister à l’envahisseur
On surnomme alors certains cantons de l’arrière-pays
montagneux « les petites Vendées ».
Pour André Gastaud le canton de Roquebillière est : » le repaire
22
de tous les brigands que vomit le Piémont par le passage de la
vallée d’Entraigues ». Cette commune est dénoncée comme le lieu
de convergence de centaines de réfugiés nissarts qui reviennent
au pays pour venir grossir les rangs des Barbets.
L’autorité départementale assure donc une force armée
conséquente afin de garantir la sécurité des « habitants paisibles
de ces contrées. »
Il s’agit la plupart du temps des habitants qui choisissant de
collaborer avec l’ennemi ont obtenu des responsabilités
administratives.
Devant la pression certains comme le commissaire du canton de
Roquebillière écriront : « ...Je n’ai d’autre parti à prendre que de
quitter les fonctions de ma place ou de m’attendre à être
massacré. ».
Ironie de l’histoire bien plus tard à partir de la fin de 1943, un
certain nombre de responsables du S.O.L (Service d’Ordre
Légionnaire de la Révolution Nationale du Maréchal Pétain) de
nombreux villages de notre arrière-pays écriront le même type de
courrier à leur responsable niçois.
Que ce soit dans le Val de Blore ou dans la Tinée, de grosses
unités de Barbets de plus d’une centaine d’hommes se forment,
descendent des maquis, frappent, et se dispersent à nouveau.
Selon Gastaud : » Le mal est à son comble » et la situation laisse
présager une nouvelle guerre avec le Piémont. Les Barbets en
veulent surtout aux républicains car « pour ne pas êtres
dépouillés par ces bandits peut-être stipendiés, il faut se dire
émigrés et n’être accompagné d’aucun qui puisse être reconnu
appartenir à l’armée (française) ou être l’ami ou partisan de
français ».
Ainsi André Gastaud reconnaît que les Barbets ne sont pas des
Bandits de Droit Commun quelconques mais bien des patriotes
livrant une guerre de libération nationale sur leur propre sol et
choisissant des cibles précises. Une force armée salvatrice est
demandée au Directoire « pour éviter la formation d’une nouvelle
Vendée » car le nombre et l’audace des Barbets croit de jour en
jour. Même Buonaparte s’en inquiète : » les Barbets désolent nos
communications. Ce ne sont plus des voleurs isolés. Ce sont des
corps organisés de quatre cents à cinq cents hommes... »
Un des fait les plus marquants sera l’embuscade tendue par les
Barbets au dessus du Col de Tende au Général Dujard et à son
escorte de quarante soldats. Malgré une défense efficace et la
venue en renfort du poste voisin de Ciais, l’arrivée de plus de
deux cents Barbets clos le combat. Le général Dujard est tué,
23
ainsi que son aide de camps, son secrétaire, un officier d’artillerie
ainsi qu’un nombre indéterminé de soldats français.
L’émotion est à son comble dans le camp français, un
commerçant jacobin de Nice, Antoine Bassi se lance alors dans
une campagne de propagande effrénée contre les résistants
niçois. Il invente même les principes de la guerre de contre-
guérillas telle qu’elle sera appliquée dans la guerre d’Algérie. Il
écrit : «il y a un grand nombre de jeunes gens de ces contrées qui
se sont accoutumées à cette vie errante et vagabonde et se sont
endurcis au crime...excités par leur chef et entretenus par leurs
parents qui les aident.. »
Les partisans de la République lui semblent une minorité
menacée « ...il en est parmi les habitants de ces montagnes, dont
l’intérêt ou l’inclination pourrait les attacher à la république ;
mais leur nombre ne peut balancer celui des parents ou amis des
Barbets... »
Pour mettre un terme à ce fléau, Bassi propose une solution
pionnière pour l’époque : « la colonisation par des familles bien
françaises du Comté de Nice en corrélation étroite avec la
déportation massive des populations rebelles jugées
inassimilables ».
Je ne m’étendrais pas plus sur ces glorieuses pages d’histoire de
la guerre de résistance populaire menée contre l’occupant
français. Qui utilisa tous les concepts militaires que l’on
retrouvera plus tard utilisés par la république française lors des
conflits de la « Décolonisation » de l’Indochine, en passant par
Madagascar et l’Algérie. Mais revenons à la carrière d’André
Gastaud ; il sera, bien entendu, un des principaux acteurs de la
répression mais parfois avec lucidité ; il note dans un de ces
rapports : La motivation essentielle des Barbets est la défense
des franchises villageoises ancestrales ébranlées par l’intrusion
de la modernité étatique ; les barbets sont dans l’arrière-pays
niçois « comme des poisons dans l’eau ». Ils bénéficient de l’appui
de l’ensemble des populations autochtones qui leur fournissent
renseignements et ravitaillement. L’attitude des populations et le
Barbérisme sont la conséquence de l’invasion militaire. Selon les
chroniques militaires françaises, cette guerre populaire prolongée
dans nos montagnes durera de 1793 à 1805. Il faut comprendre
aussi quelle furent les conséquences de l’administration
révolutionnaire française sur les structures sociales de la
Countéa et pourquoi les rangs des Barbets furent essentiellement
composés de paysan, bergers et artisans.
Les "monti granatici" (ou frumentari), monts-de-piété en
semences étaient de véritables «banques de céréales", des
24
établissements prêteurs de grain que l’on avait obligation de
retourner après la récolte. Ils étaient présents en Italie depuis la
fin de l’an 400 et la plus ancienne connue qui continue d'exister
est la "Frumentario Mous" de Foligno, qui remonte à 1488.
(Sardaigne) Le but de ces institutions était d'endiguer, de fait, la
spéculation sur les semences au détriment des agriculteurs
pauvres, et de leur assurer le blé et l'orge nécessaire pour les
semailles et leur survie. Cette institution existe alors aussi dans
le Comté de Nice, on en trouve la trace dans plusieurs villages
dont Lantosque, Valdeblore, Lucéram ; elles sont souvent le fait
des Confréries. En 1698, création, vraisemblablement par les
pénitents blancs d'un " monte granatico " qui va fonctionner à
Saint-Colomban.
C'est une sorte de mont-de-piété du grain. Son but est de prêter
aux paysans qui n'en ont plus, du blé, du seigle, de l'orge, avec
lors de la restitution, la prise d'un petit intérêt en poids de grain.
Les buts principaux des confréries étaient de rassembler les
Catholiques afin de pratiquer et développer la prière, faire
pénitence et charité sous-toutes ses formes : l’assistance aux
malades, l’enterrement des indigents et l’ensevelissement des
morts surtout en période de peste. Dans leurs statuts
apparaissaient des exigences morales telles que l’entraide envers
les malades pour les blancs, et l'aide aux funérailles des pauvres
et des condamnés pour les noirs.
Comme nous l’avons vu précédemment les confréries de
pénitents possèdent des statuts depuis le XIVème siècle. La
confrérie recréait une société qui se voulait idéale dans la mesure
où elle était gouvernée, de droit, non pas par une élite sociale
comme l’était la communauté d’habitants de l’époque mais par
ses propres élus.
Aux XVIIème et XVIIIème siècles, les confréries sont encore
quasiment indépendantes du clergé paroissial.
Elles résistent au contrôle du clergé et considèrent qu’elles ne
doivent rendre des comptes qu’à elles-mêmes. C’est cette
autonomie par rapport à l’église et à la société qui a toujours
caractérisé l’organisation de la confrérie. La confrérie accordait le
droit de vote à tous ses membres quelles que soient leurs
origines sociales.
Dans la plupart des localités une confrérie au moins gérait un «
Mont Granitique » ou « Mont Frumentaire ». Toutes ces
institutions sociales et populaires furent misent à bas lors de
l’occupation française de 1792 et jusqu’à la Restauration Sarde.
En effet, le droit Français Révolutionnaires vendit aux enchères,
25
réservées à l’élite révolutionnaire fortunée, tous les biens des
Confréries privant ainsi le peuple pauvre du Comté de tous les
systèmes d’aide sociale dont ils bénéficiaient jusqu’alors. Cette
confiscation du bien commun et public au bénéfice d’une
nouvelle classe de spéculateurs étrangers et souvent en uniforme
provoqua la misère sur nos terres. Contrairement à ce que
voudraient faire croire certains historiens ce n’est pas seulement
par fidélité à l’église catholique ou a la couronne de Savoie
qu’une majorité de paysans et de petits artisans prirent la
montagne et les armes contre l’occupant français et ses armées
révolutionnaires ; mais bien pour des conditions objectives qui
touchaient au nouveau régime qu’on tentait de leur imposer.
Les Niçois seront pourchassé et persécutés au delà des Alpes,
presque Ethniquement, puisque, dés l’occupation française du
Piémont et de la Ligurie, il sera fait appel aux populations pour
les dénoncer et ne pas les héberger. Les premiers voyageurs
étrangers qui passerons dés la chute de Napoléon par nos
vallées, décrirons un pays de ruines, dont les chemins sont
défoncés, les ponts et de nombreuses maisons détruites et une
population réduite à la misère.
1814 : 19 mai. Le roi Victor-Emmanuel 1er rentre à Turin. Le 21
mai toutes les lois, décrets et règlements édictés par l’autorité
française sont abrogés par le roi de Sardaigne. Le 30 mai le traité
de Paris restitue Nice à Victor-Emmanuel. L’ordre ancien est
rétabli, Nice retrouve son Sénat, son Consulat de la Mer. 3
consuls et 18 conseillers gèrent la ville.
Mais les joies de la libération ne vont pas tarder
à se dissiper.
-1818 : Le comté de Nice est territorialement amputé et perd le
marquisat de Dolceaqua et le territoire de Pigna. Il subit de plus
un déclassement en devenant simplement « la province de Nice ».
Le règne de Charles-Albert constitue une période charnière dans
l’histoire de l’Etat savoisien. Entre tradition et modernité, entre la
préservation de l’alliance dynastique de pays divers et le rêve
italien cet Etat a hésité et cherché à concilier l’inconciliable. Au
regard de son importance dans la législation gouvernementale, le
Pays Niçois occupe une place marginale par rapport aux autres
régions du royaume que nous avons pu évaluer à 6,2%2. Mais il
convient de souligner que pendant les quatre premières années
du règne de Charles-Albert, la ville de Nice et son arrière pays
26
bénéficieront d’un rang quantitativement supérieur à celui de la
Ligurie, sans parler de la Savoie et de la Sardaigne.
Voyons quels sont les thèmes qui témoignent de cette attention
particulière pour un espace peuplé seulement d’environ 200 000
habitants.
Toujours d’après la législation, en octobre 1833 le gouvernement
se préoccupa d’améliorer « le bon fonctionnement » des œuvres
pieuses hors la ville mais sujettes à la juridiction du sénat de
Nice. Par conséquent le roi marquait sa volonté de contrôler
directement la gestion des organismes laïcs aux fonctions
principalement religieuses dans l’ensemble du Pays Niçois.
Etait ce parce que ces institutions faisaient souvent office de
mont de piété ?
Auquel cas une telle directive de la part de Turin se comprendrait
aussi par l’intention de mieux évaluer les disponibilités
monétaires rurales du pays.
Une autre disposition prise dans le domaine de l’éducation en
septembre 1834 témoigne d’une volonté de consentir le
particularisme local plutôt que seulement d’en prendre acte. « La
paternelle sollicitude de SSRM en ce qui concerne l’éducation et
l’instruction de la jeunesse l’avait persuadé de l’opportunité de
prescrire des dispositions spéciales grâce auxquelles on puisse
obtenir dans la division de Nice tout le bien qui doit dériver de la
pleine observance des dispositions relevant de ce très important
objet, et, malgré l’éloignement de cette division de la capitale,
nous ne manquons pas de moyens sûr et rapide de découvrir et
de faire cesser les abus qui s’y introduiront, Sa Majesté a daigné
par les patentes royales du 26 du mois d’août en cours établir
dans la ville de Nice un Consiglio di riforma et de lui confier la
charge d’inspecter tous les collèges et écoles de cette division,
comme tout ce qui pourrait être en relation avec le protomedicato
».
La spécificité locale change ici de forme : elle se trouve
modernisée ce qui, en ces années du XIXe siècle, revient à dire
assimilée par l’Etat, sinon bureaucratisée.
Les patentes royales du 30 juin 1835 constituent un événement
dans la série des actes sur le Pays Niçois puisqu’elles clôturent la
période des faveurs en décidant pour la première fois de réduire
les franchises du port. « SM abroge quelques articles de l’édit
royal du 12 mars 1749 et ordonne que soit observées au sujet
des étrangers de ce comté les lois en vigueurs dans les autres
parties des états royaux ». Certes, il ne faut pas exagérer ce
fléchissement puisque les franchises du port perdurant sur la
plupart des denrées, la contrebande sur le littoral d’Antibes à
27
Menton tant sur les tissus et le sucre que sur le tabac, continua
d’alimenter les profits maritimes les plus conséquent au moins
jusqu’en 1840. Le mouvement des courriers était en 1845
quotidien de Nice à Turin par la poste à cheval. Mais la « tournée
» des piétons entre Nice et des villages du moyen pays occidental
comme Gilette, Roquestéron, Puget-Théniers, Utelle ou Clans
n’était plus que bi-hebdomadaire. Les départs se faisant de la
ville tous les lundis et jeudi à cinq heures du soir, et les arrivées
les mêmes jours à trois heures de l’après-midi, il fallait donc au
mieux trois jours pour informer certaines communautés des
nouvelles du chef-lieu, compte tenu des dimanches chômés, et
une journée de plus pour qu’elles reçoivent les nouvelles de la
capitale. Hors du réseau des grandes villes, à l’échelle de la
région, la centralisation perdait nécessairement en efficacité et
demeurait finalement encore assez éloignée vers le milieu du
siècle.
-1848 : 10 février. Le roi Charles-Albert accorde une constitution
à ses Etats, « le Statuto » ; Nice pavoise. Cette charte dite « Code
Albertin » instaure un système représentatif censitaire. Le Sénat
de Nice entérine les dispositions de la loi sur les communes qui
permet l’élection de chaque conseil (divisionnaire et provincial)
plus démocratiquement. La liberté de presse est assurée. Mais
cette année voit aussi le déclassement administratif du Sénat de
Nice, qui devient Cour d’Appel et le Consulat de la mer supprimé
; ces mesures sont la suite logique de la transformation du
Comté en province ; le premier pouvait administrer et censurer
les lois par l’intermédiaire de son Sénat ; la seconde devait obéir
à l’Etat sarde tout puissant. Il convient cependant de noté que la
portée juridique de l’article 4 du Code Albertin est capitale pour
juger de la validité des actes importants ultérieurs. Il stipule que
« les traités qui emporteront des conséquences sur les Finances
ou les modifications de territoires de l’Etat n’auront d’effets
qu’après l’approbation des chambres.
Au bout du compte, les initiatives de l’Etat pour animer l’activité
montagnarde concourent aux prémices d’une homogénéisation
du Pays niçois avec la ville-port et chef-lieu politique (résidence
de l’intendant aux charges administratives, du sénat aux
compétences judiciaires, et du gouverneur aux responsabilités
militaires) pour l’arrière pays une perte d’autonomie difficilement
supportable.
-1851 : 13 et 14 mai. A l’annonce de la suppression prochaine de
la franchise dont jouit le port, de violentes émeutes éclatent à
Nice ; la rupture avec le royaume de Sardaigne est envisagée. La
28
proclamation suivante, rédigée à la Chambre d’Agriculture et de
Commerce, est affichée à l’Hôtel de Ville
Les meneurs des émeutiers comme Avigdor, Carlone et d'autres
adressèrent une lettre au roi de Sardaigne signé le 14 mai 1851
défendant les droits et franchises du peuple Niçois issus du
"Contrat d'Union de 1388 par lequel le Comté de Nice se donna
librement à la Maison de Savoie" contre "tout acte portant
atteinte à ses droits et franchises, dont il réclame le
rétablissement et la conservation dans toute leur intégrité".
Allant jusqu’à menacer l'Etat Sarde de revendiquer
l'indépendance de Nice ! : "Le Peuple de Nice rappelle le
Gouvernement Sarde à la foi des traités [..] A défaut: Le Peuple
de Nice plaçant le droit au-dessus de la force, serait réduit à
considérer le contrat d'annexion comme rompu par le
Gouvernement lui-même, et à revendiquer son indépendance"
Les meneurs de l’insurrection, Avigdor et Carlone, sont arrêtés
ou en fuite. Les Niçois furieux mutilent la statue de Charles-Félix
et plus précisément le doigt qu’elle pointe vers le port. (Cette
statue amputée de son doigt est toujours au port de Nice).
4 juillet. La loi de réforme douanière est néanmoins votée à
Turin. La franchise dont jouissait le port de Nice est supprimée.
La loi entrera en vigueur le 31 décembre 1853. les Niçois se
détachent peu à peu de la Maison de Savoie, car Nice a connu en
peu de temps de nombreux déclassements administratifs et
brimades économiques : le Comté est devenu simple province, le
marquisat de Dolceaqua lui a été retiré, le Sénat et le Consulat
de la Mer ont été supprimés, l’arsenal a été construit à La Spezia,
on a refusé à Nice la ferme des jeux, le monopole de l’importation
du sel vers le Piémont a été abolie, le réseau routier est
insuffisamment développé… Mais plus encore c’est surtout le fait
que l’on veut imposer au Niçois le principe d’un état moderne
centralisé dont la capitale est Turin avec son administration, ses
fonctionnaires et ses directives. Nice ne s’est jamais considéré
comme une province des Etats de Savoie, mais comme le
territoire d’une confédération librement associée.
1858 : 20,21 juillet. Cavour rencontre Napoléon III à Plombières,
il s’engage à lui céder la Savoie si la France aide Victor-
Emmanuel II à chasser les Autrichiens d’Italie.
-1859 : 24 janvier. Un traité secret est passé entre le roi de
Sardaigne et la France, qui prévoit l’annexion de Nice par
l’Empire français en échange de l’aide que celui-ci lui portera
contre les Autrichiens en Italie. Ce traité est illégal à deux titres :
il est en contradiction formelle avec l’article 4 du Code Albertin
29
de 1851 car il n’a pas été ratifié par les chambres de Turin ;
d’autre part, le roi de Sardaigne, en vertu de la charte de dédition
et des accords suivants, n’a nullement le droit de disposer de
Nice à sa guise.
-1860 : 14 mars. Nouveau traité secret signé entre Napoléon III et
Victor-Emmanuel II. La France consent que l’unité italienne se
fasse autour de la Sardaigne qui, en compensation, lui remettra
Nice et la Savoie. Ce traité est illégal comme le précédent pour les
mêmes raisons. 24 mars : publication officielle de traité de Turin.
-25 mars : Garibaldi est élu député de Nice. Il tentera de
s’opposer à l’annexion à la France.
-27 mars : le roi Victor-Emmanuel II signe un manifeste (publié
le 1er avril) par lequel il délie officiellement les Niçois et les
habitants du Comté de leur serment de fidélité à sa personne et à
sa dynastie. A cette date, la charte de 1388 étant caduque, le
Pays de Nice retrouve légalement son indépendance en même
temps que sa pleine souveraineté. Cet acte qui abroge tout lien
de droit entre la maison de Savoie et Nice, et par voie de
conséquence tout lien de droit entre cette dernière et la
Sardaigne, établit incontestablement l’indépendance de Nice.
15 et 16 avril : le plébiscite se déroule dans des conditions
frauduleuses à tous les niveaux, depuis sa préparation, son
organisation jusqu’à son déroulement : pressions de
l’administration et du clergé sur les électeurs, présence de
troupes d’occupation, achats de votes par dons ou promesses
d’avantages, subornations, listes électorales falsifiées, non
inscription sur ces listes de la plus grande partie des électeurs,
inscription frauduleuses de Provençaux, absence d’isoloirs et de
bulletins « non », impression d’Aigles, emblème de Nice sur les
bulletins « oui », absence de vérificateurs impartiaux, trois
canonnières françaises au large de Nice, etc.
-29 mai et 11 juin : Les chambres sardes approuvent le traité
d’annexion, acte illégal du fait que le Pays de Nice n’était pas
juridiquement une province sarde, mais une entité souveraine
liée au seul chef de la Maison de Savoie personnellement,
jusqu’au 27 mars 1860, date à laquelle ce dernier avait renoncé à
ses droits. 15 et 22 juin La protestation officielle de Garibaldi au
parlement de Turin hypothèque pour toujours le plébiscite
truqué de 1860. Après être intervenus au Parlement avant même
le vote sur la ratification du traité du 24 mars 1860 qui cédait
Nice et la Savoie à la France, les deux députés de Nice, Garibaldi
et Laurenti-Roubaudi avaient adressé leur démission au
président de cette assemblée. Le texte de cette lettre est capital
30
puisqu’en droit, il constitue la protestation officielle de la
représentation nationale niçoise après le plébiscite frauduleux.
En voici la teneur :
« Monsieur le Président, « Vu le résultat du vote du comté de
Nice, qui a eu lieu le 15 courant, sans aucune garantie légale, en
violation manifeste de la liberté et de la régularité du scrutin et
des promesses solennelles stipulées dans le traité de cession du
24 mars ; « Attendu, qu’un tel vote s’est déroulé dans un pays
qui nominalement appartenait encore à l’Etat sarde et qui était
libre de choisir entre celui-ci et la France, mais qui se trouvait en
réalité complètement aux mains de cette dernière puissance,
occupé militairement et soumis à toutes les influences de la force
matérielle, comme nous le prouvent sans contestation possible
les témoignages de la Chambre et du pays ; « Attendu que le
présent vote s’est déroulé avec de très graves irrégularités, mais
que l’expérience du passé nous refuse toute espérance de voir
ordonné une enquête à ce sujet ; « Nous soussignés, croyons de
notre devoir de déposer notre mandat de représentants de Nice,
en protestant contre l’acte de fraude et de violence perpétré, en
attendant que le temps et les circonstances permettent à nous et
à nos concitoyens de faire valoir avec une réelle liberté nos
droits, qui ne peuvent être amoindris par un pacte illégal et
frauduleux » Giuseppe Garibaldi – Laurenti-Roubaudi
La protestation officielle de la représentation nationale niçoise en
1860 est capitale, car juridiquement elle réserve les droits de
Nice pour l’avenir. En effet, en d’autres circonstance, la France et
la communauté internationale, se basant sur une semblable
protestation ont annulé une annexion illégale faites par la force.
Après la désastreuse guerre de 1870, initiée par Napoléon III
contre la Prusse, l’Empire Allemand fut proclamé à Versailles ; le
nouvel empire, comme on le sait, annexa des provinces
françaises occupées, et la France vaincue, fut contrainte
d’accepter cette perte de territoire lors signature de l'armistice.
Néanmoins, le 17 février 1871 devant le parlement français
réfugié à Bordeaux, M. Emile Keller, au nom des députés du
Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Meurthe et Moselle, protesta
contre l’annexion de l’Alsace et la Lorraine par l’Allemagne afin
de préserver les droits de ces populations et de la France.
Quarante-sept ans plus tard, à la fin de la guerre de 1914-1918,
quelques heures seulement après l’armistice signé le 11
novembre, l’Assemblée nationale française se réunit en séance
extraordinaire ; la séance fut ouverte à 14 H 45, et les députés
réclamèrent immédiatement à la communauté internationale le
31
retour des provinces perdues lors de la précédente guerre.
Il est très intéressant de noter sur quelles bases légales s’est
appuyée cette réclamation : on exhuma le procès-verbal de la
protestation du député Keller qui dormait dans les archives
depuis quarante-sept ans, on le relut en séance, et cet acte suffit
à établir juridiquement les droits de la France sur ces territoires.
Après l’annexion, la Liberté Niçois est confisquée, les bâtiments
de l’ancien Sénat transformés en prison, la langue Niçoise est
bannie, la Cour d’Appel est supprimée, l‘Université également ;
l’ancien Pays de Nice est fondu dans le département des Alpes-
Maritimes.
Voici un témoignage :
Celui de Jean-Baptiste Joseph Marie (1799-1874) dit « Jospeh »,
second marquis de La Penne,
Il est inexact de prétendre que Joseph, qui opta pour la
nationalité italienne (nous citons), « en voulut à ses anciens
sujets de ne pas l’avoir suivi dans ce choix ». On ne peut lui
prêter ce sentiment. En effet, la cession du Comté de Nice et de
la Savoie à la France fut comme chacun sait, le résultat d’un
accord passé entre le roi de Sardaigne et Napoléon III, orchestré
par Cavour. C’était le prix que consentait à payer le premier
contre une aide militaire du second pour conquérir la péninsule.
Ce qui fut fait après que les troupes françaises victorieuses des
Autrichiens, eurent rempli leur engagement. Mais ce
marchandage alarma nombre de gouvernements européens dont
ceux d’Angleterre et de Russie, toujours très sensibilisés aux
projets expansionnistes français depuis l’aventure bonapartiste.
Pour calmer le jeu un référendum populaire est organisé, le
premier du genre à notre connaissance et à cette échelle. Bien
entendu, il n’était pas question qu’un résultat « négatif » remette
en cause les acquis. Aussi, c’est l’armée française déjà en place
sur son nouveau territoire, donc à la fois juge et partie, qui s’en
occupa matériellement. Cette parodie de consultation donna le
résultat escompté : « un plébiscite à 95% de oui » pour la France !
Le système a fait école depuis sous certains régimes
totalitaires.... Donc, nos ancêtres pennois n’ont pas eu le choix.
Ce qui ne veut pas dire qu’une liberté effective d’expression eut
fait basculer le scrutin en faveur de l’Italie ! Loin de là, mais ceci
est une autre histoire (*). Quant à Joseph quels sont les éléments
qui motivèrent sa décision de prendre la nouvelle nationalité
italienne ? Etait-ce un libre choix ? La réponse est facile et
concerne directement le patrimoine pennois :
32
Les autorités impériales françaises n’avaient pas fait mystère de
leur intention, coutumière depuis la Révolution et le Premier
Empire, de placer ses nationaux dans la nouvelle administration
et aux postes clefs de tout organe de quelque importance
(presse,....) en y associant certains locaux ayant déjà fait
opportunément allégeance, pour préserver les formes. En bref, la
situation et l’avenir de nos élites étaient en péril extrême. Mais
Cavour avait tout prévu. Il réservait à ceux qui optaient pour
l’Italie nouvelle, un destin des plus fructueux aux plus hauts
postes de son administration, de sorte que leurs pertes soient
largement compensées,.... y compris celle des biens fonciers.
C’est la voie que choisirent nombre de Nissarts et Joseph leur
emboîta le pas. Mais qu’advint-il de leurs propriétés qu’ils
abandonnaient ? Déclarées biens vacants, des simulacres de
ventes aux enchères « publiques » furent organisés au profit pour
l’essentiel, des nouveaux administrateurs. Ainsi se développa
une bourgeoisie foncière de substitution en grande partie
d’origine française.
Cependant, ces spoliations liées aux désordres du changement
de statut vont se tarir et bientôt cesser. La sécurité des biens
appartenant à des étrangers est maintenant assurée ;
développement du tourisme et des résidences de villégiature
oblige !
Joseph donc, avait fait le choix parfaitement respectable et très
compréhensible de privilégier son avenir matériel en adoptant la
nationalité italienne. Or au bout de quelques années, il apprit
que son domaine pennois avait été « oublié » par la vague de
dépossessions qui affecta la plupart de ses compatriotes ex-
Nissarts. De cela, il en était sans doute redevable aux Pennois ou
pour le moins, à leur silence complice. Car une dénonciation
aurait vraisemblablement suffit pour que le « bien vacant »
change de main, même si le beau-frère Léotardi par son
engagement politique était sur place pour veiller au grain ! Donc
tranquillisé sur ce point, le marquis revient à La Penne en 1869.
En conséquence, et contrairement à ce que prétend la légende, il
n’eut pas à « racheter son bien », mais simplement à régulariser
sa situation de propriétaire auprès de la nouvelle administration
française, en payant peut-être, un arriéré d’impôt.
L’occasion manquée : Louis-Gonzague Arson (1814-
1865).
Depuis 1848, l'espérance d'autonomie a reçu une forme
moderne, constitutionnelle : les Savoyards l'ont alors définie ;
33
l'occasion est fournie par la guerre civile en Suisse, celle du
Sonderbund (novembre 1847), la promulgation d'une
constitution fédérale (1848) et les polémiques des journaux
français dans les Alpes du Nord et du Sud : admission de la
langue maternelle au Parlement, fixation d'un cens convenable,
représentation permanente du territoire ; voilà les trois
conditions. Auguste Carlone écrit alors dans L'Echo : "Si la
Savoie et Nice sont destinées à devenir l'Irlande de l'Italie, Eh
bien ! Nous aurons aussi des Repealers ! La guerre d'Italie et ses
conséquences raniment les polémiques ; la réflexion sur la forme
à donner aux nouvelles structures du comté les développe ; les
conseils de neutralisation du pays niçois ne manquent pas,
solution politique et économique au différend franco-italien :
Louis Désambrois de Névache (1807-1874) un des rédacteurs du
Statuto, ancien gouverneur, ambassadeur à Paris (1854-1860)
est un partisan de cette solution. Au début de l'année 1860,
Arson bataille encore comme il le fait depuis de longs mois dans
sa Gazette contre l'idée de la réunion de Nice à la France ; il est
élu au conseil municipal. L'éditorial, court, du 17 mars informe
d'abord les Niçois de l'envoi de la délégation municipale au roi,
pour présenter en fait le nouveau projet : « La junte municipale a
délibéré d'envoyer à Sa Majesté le roi Victor Emmanuel II, une
adresse pour le prier de ne pas consentir à la cession ni à
l'échange de la ville et du comté de Nice, ou tout au moins, s'il
est nécessaire de donner satisfaction à la France, de faire en
sorte que ladite ville et ledit comté soient neutralisés, sous la
suzeraineté de la Maison de Savoie, et conformément aux
conditions qui pourront être arrêtées par les grandes puissances
auxquelles appartient le droit et incombe le devoir de veiller au
maintien de la paix et de l'équilibre de l'Europe. »
Le lendemain, dans l'éditorial du 18 mars, Arson confirme, par
une explication titrée : « Ce que voudrait dire Nice neutralisée ». «
Nice neutralisée voudrait dire qu'elle aurait une organisation
indépendante, et que, par conséquent elle n'aurait plus à
supporter que des impôts insignifiants votés par les
représentants de la population. Nice neutralisée et placée sous la
protection des grandes puissances de l'Europe, n'aurait pas
besoin d'armée ; et par conséquent plus de conscription. Nice
neutralisée et indépendante pourrait jouir si elle le jugeait utile à
ses intérêts de tous les avantages d'un port franc, du libre
échange, de la vie à bon marché, de la liberté pour tous, d'une
sécurité garantie par l'Europe entière, et par conséquent d'une
affluence d'étrangers incomparablement plus considérable qu'à
présent, laquelle alimentant toutes les branches de l'industrie et
du commerce, multiplierait les richesses et assurerait la
prospérité et le bonheur du pays. »
34
Mais son projet est bien fixé ; le 5 avril, dix jours avant le
plébiscite, il donne, dans son éditorial, de larges extraits d'un
mémoire qu'il a adressé à Cavour, lequel, d'ailleurs, n'aurait pas
finalement une opinion éloignée de la sienne ; la neutralisation «
est le talisman seul capable d'aplanir toutes les difficultés, de
combler tous les vœux, de sauvegarder tous les intérêts et de
calmer toutes les appréhensions ». L'aveu est renouvelé. Mais il
va plus loin et montre que sa solution permet le développement
d'une ville libre et cosmopolite, ce dernier caractère entraînant
un espoir d'enrichissement que la société hivernante, faite en
grande partie d'étrangers, laisse imaginer ; et culturellement, «
Nice aurait encore le mandat de servir de liaison à la race franco-
latine », comme entre d'autres ethnies le font ailleurs, Lugano,
Trieste, Cracovie. Nice serait alors un espace de relations
européennes : « Nice aurait de plus des chances de devenir
chaque hiver le rendez-vous de la diplomatie européenne qui,
sous prétexte de jouir des bienfaits de son climat exceptionnel,
aurait l'occasion de traiter sans bruit les affaires les plus
sérieuses de la politique sur ce terrain neutre, où ne rencontrant
que des autorités exerçant le pouvoir sous forme municipale,
forme qui n'a rien de gênant pour des étrangers, quels qu'ils
soient, chacun pourrait se considérer chez lui. On peut même
affirmer déjà qu'il y a une tendance dans ce sens parmi nos
hôtes dont plusieurs, très haut placés, ont remis la proposition
qu'il fût crée à Nice un organe de politique international. » Ainsi
Nice aurait pu devenir le Centre d’une Future SDN.
10 Années plus tard, le 8 février 1871 Nice plébiscitait
le NON à la France !
Lors des élections législatives du 8 février 1871 dans le pays de
Nice, le raz-de-marée séparatiste emporta tout. A peine passés 10
ans d'annexion, la ville de Nice donna 16 514 voix aux quatre
candidats séparatistes et seulement 900 au préfet Dufraisse
candidat français qui malgré ses fraudes avérées et des moyens
importants, fut littéralement balayé. Sur le territoire du Pays de
Nice, Garibaldi obtint 13 984 voix sur 29 428 suffrages exprimés,
soit 47,51 %, Picon, Bergondi et Borriglione, autres candidats
séparatistes, 12 550, soit 42,64 % alors que le préfet Dufraisse se
contentait de 2894 voix, soit 9,83 % ! Le lendemain du vote, les
dépouillements terminés, Joseph André titra dans le Dirrito: «
Vive Nice !!! »; dans un long éditorial, il écrivait entre autre : «
...Nice a parlé ! Mais non la Nice des Piétri et des Pillet (Piétri
envoyé par Napoléon III avait truqué le plébiscite de 1860 et
Pillet, consul de France à Nice avait beaucoup intrigué à Nice
35
pour favoriser l'annexion) mais la Nice de Ségurane et de
Garibaldi ! Le citoyen Dufraisse a renié Garibaldi car il est le chef
du parti séparatiste, Nice à l'unanimité a voté Garibaldi, donc,
citoyen Dufraisse, et selon votre propre logique, Nice est
séparatiste et ne reconnaît pas l'infamie de 1860 ! Ce vote
magnifique est un plébiscite ! ».
Le préfet Dufraisse, ulcéré et refusant de tenir compte de la
volonté populaire légalement exprimée par les urnes, décida le 10
février de suspendre le Dirrito. Cela provoqua plusieurs jours
d'émeutes et la répression sanglante « des baïonnettes dans les
torses niçois » dont témoigna Henri Sappia dans « Nice
Contemporaine » ainsi que le journal Anglais « The Times ». Le
coup de grâce fut donné par l'assemblée de Bordeaux qui
invalida injustement la victoire séparatiste du Peuple Niçois dont
Jousé Garibaldi était le symbole. Les chefs du parti séparatiste
furent invalidés, poursuivis, poussé au suicide ou écartés. Une
loi de circonstance fut votée pour interdire la création de partis
indépendantistes. La France a soustrait entre autre de l'histoire
de Nice cet épisode significatif, afin de mieux instituer la version
officielle du plébiscite voté à plus de 90 % pour le « rattachement
» à la France en 1860.
Que nous apporta l’Annexion frauduleuse.
Pierre Louis CAIRE (1841-1929) dans son livre intitulé «
Annexion de Nice en 1860 » et publié par les cahiers de
l’annexion (France Europe Edition) le prévoyait déjà :
Sic : « Nous n’irons pas jusqu’à enquêter pour savoir si à Nice ce
bien être apparent ne cache pas une situation différente ; si par
exemple, les capitaux immenses du Crédit Foncier et d’autres
instituts qui font des avances aux constructeurs, ne constituent
pas un danger, si les sociétés étrangères au pays qui
accaparèrent les terrains pour en faire monter les prix n’ont pas
engrangé à leur profit le bénéfice qui au fil des années aurait du
revenir aux propriétaires du pays ; nous n’enquêterons pas non
plus sur ces louvoiements afin de retenir les étranger un jour de
plus, sur cette apparence de cité en liquidation, de carnaval en
permanence. Tout ceci n’est-il pas un peu humiliant ? »
Ces phrases décrivent parfaitement le système imposé par la
France à la Countéa de Nissa, système qui a contribué à la
paupérisation de sa population et à sa colonisation.
Ce système construit sur la spéculation foncière et immobilière
ainsi que l’industrie touristique et ses corollaires : les spectacles