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"Développement de l'architecture domestique en pierre à Mayotte (XIIIe-XVIIe siècle)", in...

Date post: 02-Mar-2023
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Développement de l’architecture domestique en pierre, à Mayotte, au XIII e -XVII e siècle Martial PAULY Professeur certifié d’histoire L’architecture en pierre, employant des techniques de construction originaires du Moyen-Orient et des régions littorales indiennes du Sind et du Gujerat, a connu une large diffusion dans les échelles commerçantes du sud- ouest de l’océan Indien. Nécessitant un savoir-faire et des chaînes opératoires complexes, cette technologie a d’abord été réservée, dans les cités swahili de la côte orientale africaine, aux édifices prestigieux (mosquées, sépultures et palais 1 ) puis aux habitations des populations aisées (wa-ungwana). Si les cités-États swahili sont fondées entre le VIII e et le XIII e siècle, les habitations qui les composent n’ont longtemps été construites qu’en bois, comme le témoigne encore en 1331 le voyageur arabe ibn Battuta. Les résultats de l’archéologie ont permis de dater des XIII e -XV e siècles la mutation du tissu urbain des cités swahili, aboutissant à 1 . Le plus ancien édifice construit en pierre connu sur la côte swahili est, à ce jour, la mosquée de Shanga, X e siècle (Horton 1996).
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Développement de l’architecture domestique en pierre, à Mayotte, au XIIIe-XVIIe siècle

Martial PAULY

Professeur certifié d’histoire

L’architecture en pierre, employant des techniques de constructionoriginaires du Moyen-Orient et des régions littorales indiennes du Sind et duGujerat, a connu une large diffusion dans les échelles commerçantes du sud-ouest de l’océan Indien. Nécessitant un savoir-faire et des chaînesopératoires complexes, cette technologie a d’abord été réservée, dans lescités swahili de la côte orientale africaine, aux édifices prestigieux(mosquées, sépultures et palais1) puis aux habitations des populations aisées(wa-ungwana). Si les cités-États swahili sont fondées entre le VIIIe et leXIIIe siècle, les habitations qui les composent n’ont longtemps étéconstruites qu’en bois, comme le témoigne encore en 1331 le voyageur arabeibn Battuta. Les résultats de l’archéologie ont permis de dater des XIIIe-XVe

siècles la mutation du tissu urbain des cités swahili, aboutissant à

1 . Le plus ancien édifice construit en pierre connu sur la côte swahili est, à ce jour, lamosquée de Shanga, Xe siècle (Horton 1996).

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l’apparition de quartiers aisés d’habitations en pierre. Cette mutationarchitecturale des cités commerçantes est un phénomène de grande ampleurobservé dans tout l’arc swahili, de l’archipel de Lamu à Kilwa, et intégrantl’archipel des Comores et le littoral nord de Madagascar où des citésanciennes ont été découvertes. À Mayotte, cependant, les preuves del’existence de cités anciennes ayant développé des quartiers d’habitations enpierre ont longtemps fait défaut ou alors il s’agissait de découvertesrattachant ces vestiges au seul XVIIe siècle : Mtsamboro (Liszkowski 2000).Nos recherches archéologiques sur le site d’Acoua, au nord-ouest de l’île ontpermis d’exhumer un ancien quartier de notables, avec demeuresaristocratiques en pierre se développant au cours des XIIIe-XVIIe siècles.Nous verrons, après avoir rappelé le contexte régional et exposé nos résultatsarchéologiques à Mayotte, en quoi ces découvertes permettent d’éclairerl’époque des chefferies pré-shirazi (XIIIe-XVe siècle) que les chroniquesnous rapportent être celle des Fani.

L’habitat en pierre des élites swahili a été particulièrement bien décrit cesdernières décennies grâce aux recherches archéologiques anglo-saxonnes etfrançaises entreprises dans les anciennes échelles commerciales de la côtekenyane et tanzanienne : Gedi, Pemba, Shanga, Kilwa (Laviolette 2000,Pradines 2002 et 2004, Horton 1996, Kirkman 1974). Le témoignage d’ibnBattuta en 1331, qui, lors de sa visite à Mombasa et Kilwa, n’évoque quel’existence de maisons en bois, ne correspond pas au tableau proposé parl’archéologie puisque les principaux monuments de Kilwa (la grandemosquée, le complexe palatial Husuni Kubwa et le caravansérail maritimed’Husuni N’Dogo) datent du sultan Al Hasan bin Sulaiman (1310-1335), etsont donc contemporains du séjour de Battuta à Kilwa2. Les missionsarchéologiques françaises à Gedi (Pradines 2000, 2002) ont permisd’éclaircir cette question en datant du XIIIe siècle l’apparition des premièreshabitations en pierre dans cette cité. Avant cette date, seules les mosquées etles sépultures emploient cette technologie de construction. À Gedi, le XIVe

siècle voit la généralisation massive de ce mode de construction : les niveauxarchéologiques sondés à Gedi livrent pour cette période de nombreusesstructures d’habitations avec murs en pierre (surtout des moellons de corailliés par un mortier de chaux corallienne et des sols enduits d’une couche demortier de chaux). Ces transformations architecturales de l’habitat aiséobservées à Gedi et confirmées sur la plupart des sites swahili contribuent àl’apparition des villes de pierre, décrites plus tard lors des explorationsportugaises du début du XVIe siècle : ces villes impressionnent fort les2 . La véracité du séjour de Ibn Battuta à Kilwa est aujourd’hui fort discutée par les

chercheurs.

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Portugais tel Duarte Barbosa qui rapporte les descriptions de « bellesdemeures en pierre, bien bâties, avec beaucoup de fenêtres » (Dames 1918).Ce processus d’urbanisation, lorsqu’il n’est pas annihilé par des destructionsviolentes3, se poursuit aux siècles suivants : Stone Town sur l’île deZanzibar, fondée au début du XIXe siècle par les Omanais étant l’exemple leplus connu.

Le nord de Madagascar a entretenu des échanges commerciaux soutenusavec la côte swahili dès le Xe siècle comme en témoigne la large diffusiondes marmites malgaches en chloritoschiste ou stéatite retrouvées dans lescités-États swahili. Le site de Mahilaka, au fond de la baie d’Ampasindava,au nord-ouest de Madagascar est la plus importante échelle anciennemusulmane de la grande île ; plusieurs campagnes archéologiques (Vérin1975, Radimilahy 1998, Wright & Radimilahy 2005) ont permis de repérerses phases d’occupation couvrant les XIe-XIVe siècles durant lesquelles denombreuses constructions sont réalisées : enceintes, mosquées, demeures/entrepôts où des marchands originaires de la côte swahili et du Moyen-Orient devaient séjourner. Toutefois, cette échelle commerciale décline, vers1400, sans doute suite à l’appauvrissement des sols après plusieurs siècles deculture et élevage sur essarts — Kilwa connaît, elle aussi, après 1330, undéclin que Sutton attribue à un ralentissement du grand commerce et de lademande en or du fait de l’effondrement démographique consécutif à lapandémie de peste bubonique (Sutton 1998) —. Au XVe siècle, et peut-êtredès le XIVe siècle, d’autres échelles commerciales succèdent à Mahilaka : lesétablissements antalaotra des baies de Mahajamba (Nosy Manja) et de Boina(Kingany) à la côte nord-ouest, et l’échelle de Vohémar à la côte nord-est(Vérin 1975). La flotte portugaise commandée par Tristan da Cunha quiexplore la côte ouest de Madagascar en 1506 signale en effet l’existenced’une ville de pierre sur un petit îlot (il s’agit de nosy Manja) commandantl’accès à la baie de Mahajamba et où vit « un roi maure ». Les autreslocalités découvertes par l’expédition ne sont construites qu’en végétalcomme l’échelle de Asada incendiée la même année (Grandidier 1902,1903).

Les Comores, jalon inévitable du commerce maritime entre la côteswahili et les échelles commerçantes du nord de Madagascar présentent lesmêmes évolutions urbaines : l’archéologie révélant l’existence d’anciennescités, certes, de taille plus modeste que leurs voisines africaines oumalgaches, mais ayant développé, elles aussi, des quartiers aisésd’habitations en pierre.

3 . Kilwa est en effet pillée par les Portugais en 1505, puis abandonnée en 1512.

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La Grande Comore, réputée aujourd’hui pour ses médinas (Moroni,Itsandra, Iconi, etc.) n’a que peu révélé par l’archéologie l’ancienneté decelles-ci, faute, pour l’heure actuelle, d’opérations archéologiques dans cesanciens cœurs urbains. Toutefois, l’usage de la pierre pour la construction estavéré avant le XVIe siècle par l’existence d’édifices ayant conservé desinscriptions datées du XVe siècle : mosquée de Moroni 830H/1427-28(Blanchy & Vérin 1997), mosquée de Mbeni 875H/1470-714. Enfin, le sitede Mbachile (Wright 1984) présente dans ses niveaux les plus récents (XVe-XVIe siècle) des fragments de corail appartenant à une constructionindéterminée.

L’île de Mohéli, sur sa côte septentrionale, présente un site urbainremarquable, Mwali Mdjini (Chanudet 1989), présentant une occupationcontinue du IXe au XVIIIe siècle, et où, à partir des XIIIe-XIVe siècles, sontconstruits de nombreux édifices (mosquées, sépultures, et grandes demeuresaristocratiques protégées à l’intérieur de l’enceinte urbaine). Tout comme àAnjouan et à Mayotte, l’emploi de l’architecture en pierre à Mohéli estaccompagné par l’apparition d’une nouvelle typologie céramique annonçantla culture matérielle de l’époque des sultanats shirazi (seconde moitié du XVe

siècle5).L’île d’Anjouan a bénéficié de plusieurs campagnes archéologiques

(Vérin 1967, Wright 1992), révélant dans plusieurs localités l’usage à unepériode ancienne de l’architecture en pierre. Le site de Sima, sur la pointeouest de l’île, tout comme Mwali Mdjini à Mohéli, présente une occupationremontant au IXe siècle. Un terrassement au bulldozer, lors de lamodification du tracé d’une route, a fait apparaître plusieurs niveauxd’occupation dont les plus récents, datés des XIVe-XVe siècles, contiennentdes fragments de corail et mortier signalant la proche présence deconstructions en pierre. Non loin, la mosquée shirazi a pu être fouillée ettrois phases de construction ont été révélées. Plus loin, les vestiges d’unedeuxième mosquée plus ancienne (XIIe siècle ?) existerait, comme entémoigne son ancien bassin aux ablutions sculpté dans un bloc dechloritoschiste (Hébert 2000), tandis que les alentours comportaient denombreux monticules de décombres, signes d’anciennes constructions enpierre (Barraux 1961). La cité de Domoni, sur la côte orientale d’Anjouanprésente une occupation tout aussi ancienne que Sima. La mosquée shirazi aété étudiée : quatre phases de construction successives ont été identifiées

4 . Il s’agit ici en l’occurrence d’une inscription aujourd’hui perdue que comportait lemonument funéraire d’Inyehele, fondateur du village de Mbéni (Damir et al. 1985).

5 . Nous renvoyons à la partie développée en annexe pour la datation de l’établissementdes sultanats shirazi.

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(Wright 1992). Tout comme la mosquée de Sima, celle-ci est attribuée auxpremiers sultans shirazi (XVe siècle). Cependant, l’ancienneté du tissu urbainde Domoni n’a pu être établie, mais une inscription aujourd’hui perdueattribuerait la construction du premier palais en pierre au fani Othman, ditKalichi Tupu, en 672H/1274. Notons, enfin, que l’île d’Anjouan, par saposition, ses ressources et son accessibilité, a connu de nombreuses escalesde navires européens au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Les relations devoyages qui nous ont été transmises nous fournissent des descriptionsintéressantes sur ces villes de pierre, notamment Mutsamudu où relâchaientles navires européens6.

L’île de Mayotte, la plus orientale de l’archipel des Comores a longtempsété perçue comme n’ayant jamais développé de cités en pierre, faute dedécouverte archéologique. En effet, si la construction en pierre ne semblaitavoir été employée que pour les mosquées et les sépultures, aucun des sitesexplorés par les équipes successives de chercheurs n’avait permis de mettreau jour des vestiges d’habitations en pierre comparables à celles de la côteafricaine ou encore des autres îles de l’archipel. Plusieurs raisons peuventêtre évoquées pour comprendre cette lacune : la principale est qu’à Mayotte,tout comme à Mohéli, les anciens sites urbains ont été très tôt abandonnés àla suite des troubles du XVIIIe siècle. En un siècle, l’île a en effet connu uneffondrement démographique majeur contribuant à l’abandon de la grandemajorité des localités de la Grande Terre, y compris Tsingoni, la capitale dusultanat qui fut déplacée vers 1790 sur l’îlot de Dzaoudzi. Les causes de cestroubles sont multiples : dès 1680, des conflits dynastiques opposent leslignages aristocratiques mahorais ; à partir des années 1740 et jusqu’auxannées 1790, le sultanat anjouanais tente de s’imposer sur celui de Mayotteen envoyant des expéditions militaires ; enfin, des années 1790 à 1820,Mayotte, tout comme les autres îles de l’archipel, subit les razzias des piratesbetsimisaraka et sakalava venus chercher des esclaves. La réoccupation deces localités dans la seconde moitié du XIXe siècle et l’urbanisationcroissante de celles-ci depuis un demi-siècle ont contribué à ensevelir sousles constructions modernes les ultimes vestiges de ces anciennes cités. Il enest ainsi de l’ancienne cité de Mtsamboro, au nord-ouest de Mayotte,pourtant indiquée en 1843, sur la carte de Jehenne, sous la mention « ruinesde l’ancienne capitale »7. Son suivi archéologique n’a été effectué qu’en1996 à l’initiative de Liszkowski (2000), qui, après avoir relevé les derniers

6 . John Pike, le subrécargue du navire anglais Rochester, nous fournit en 1704 ladescription précise, avec croquis, d’une habitation aristocratique à Moutsamoudou(Sauvaget 2000).

7 . Archives départementales de Mayotte.

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vestiges observables dans les ruelles du quartier historique de Mjikura,effectua un sondage lui permettant de découvrir une portion d’un ensembleurbain daté du XVIIe siècle8. Si Mtsamboro apparaît dans les chroniquescomme une bourgade d’importance au moment de l’installation de princesshirazi au XVe siècle9, les vestiges exhumés dans le quartier de Mjikura nepermettent pas d’affirmer l’existence d’une urbanisation ancienne antérieureau sultanat shirazi (XVe siècle).

Les IXe-XIIe siècles ont longtemps été mieux connus par l’archéologieque les siècles ultérieurs susceptibles d’avoir vu le développement de sitesurbanisés. À Mayotte, le site de Dembeni (IXe-XIIe siècle) n’a livré aucuneconstruction maçonnée10. L’absence de mosquée ou d’inhumation sur le sitede Dembeni11 laisse sans réponse la question de l’islamisation des8 . La datation relative de ces vestiges urbains a été fournie grâce à l’association de ceux-

ci avec des importations européennes (pipes hollandaises, verre de bouteille du XVIIe

siècle). Mtsamboro est très certainement la ville décrite par Davis en 1599, lors de l’escaledu navire Middlenburgh. On apprend effectivement à plusieurs reprises dans les sourceseuropéennes que le principal ancrage à Mayotte est situé au nord-ouest de l’île.

9 . Les principales structures archéologiques encore visibles aujourd’hui appartiennent àun édifice de taille importante que la tradition rapporte être un ancien palais : il forme unebutte de décombres sur laquelle des habitations modernes ont été construites, des arasesde murs sont identifiables. Un alignement de colonnes basaltiques couchées est encorevisible, la tradition y voit la couverture d’un souterrain reliant le palais à la mosquée duVendredi, mais il s’agirait davantage des restes d’un escalier monumental caractérisant lespalais (pangahari) comoriens. Ce palais daterait de la fin du XVe siècle, à l’époque où leshirazi Othman s’établit à Mtsamboro après avoir épousé la fille du chef Mwalimou Poro.

Mtsamboro reste alors la capitale du sultanat jusqu’au déplacement de celle-ci àTsingoni. Jouissant de sa position de port de commerce, Mtsamboro reste une citéd’importance où résidait un wazir, représentant local du sultan. Sur la plage de Jiva,voisine de Mtsamboro, quelques tessons de typologie Agnoundrou ont été repérés lorsd’une prospection que nous avons réalisée en 2008. Ces artefacts suggèrent uneoccupation plus ancienne de la baie de Mtsamboro.

10 . Bien que la technologie de production de chaux soit attestée pour cette époque commeen témoigne la découverte d’un four à chaux austronésien à Bagamoyo, mais ici, il s’agitde chaux très fine destinée à la consommation du bétel (Allibert 1984). L’absence deconstruction à Dembeni s’expliquerait par son ancienneté : en effet, les constructions sontelles-mêmes très rares pour les IXe-XIe siècles sur la côte swahili. Elle peut aussi résulterd’une présence protomalgache, dont la civilisation privilégie les matériaux périssablespour la construction. Il nous a cependant été possible en 2007, lors de prospections nousayant conduit à localiser en arrière mangrove l’ancienne plage qui, jadis, servait de port ausite de Dembeni (avec de nombreux tessons des IXe-XIIe siècles, éparpillés sur cettelangue de sable), de signaler un alignement pierreux en grande partie submergé par lescolluvions et suggérant l’existence d’une structure archéologique en pierre dont lafonction n’a pu être élucidée à cette heure.

11 . Allibert (2003) suggère que les marmites en chloritoschiste aient fait fonction d’urnescinéraires servant à recueillir les sanies des défunts après crémation.

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« Dembéniens » quand, paradoxalement, la nécropole contemporaine deBagamoyo, en Petite Terre, a livré des sépultures de rite musulman datéesdes IXe-XIIIe siècles (Allibert 1984, Courtaud 1999). L’emploi del’architecture en pierre est toutefois révélé ponctuellement à Mayotte par desdécouvertes archéologiques. En effet, certaines traces ténues suggèrentl’emploi de murs maçonnés dès le XIIe siècle : sépultures de Koungou(Liszkowski 2007) où des dalles sont liées entre-elles par un mortier dechaux et rempart maçonné de Majikavo (X-XIIe siècles)12. Si de nombreusesmosquées anciennes ont été recensées, leur datation est très incertaine : lesplus anciennes pourraient remonter au XIVe siècle13, mais beaucoup semblentdater du sultanat shirazi14. En réalité, seule la construction de la mosquéeshirazi de Tsingoni est aujourd’hui bien datée de 1538 grâce à uneinscription conservée dans son mihrab15. Nous manquions alors dedécouvertes permettant de dater et comprendre le processus d’urbanisationayant conduit à la constitution de cité en pierre, telle Mtsamboro au XVIIe

siècle. Les cités de Mayotte avaient-elles connu les mêmes évolutionsarchitecturales que leurs voisines régionales dès le XIVe siècle ? Cetteurbanisation révélée pour le XVIIe siècle résulte-t-elle de l’établissement dusultanat ou s’agit-il d’un processus dont l’origine est plus ancienne ? Nosrésultats archéologiques à Acoua ont permis d’apporter une réponse préciseà ces problématiques.

12 . Ce site est connu de longue date, ses dépotoirs possèdent de grandes accumulations decoquillages de la famille des arcas consommés ici en abondance. À l’ouest dupromontoire sur lequel s’est développé ce site, un rempart est bordé d’un fossé que l’ondevine en grande partie comblé. Une fouille de ce fossé fournirait à l’avenir unechronologie plus certaine de l’occupation de Majikavo.

13 . La fouille du puits de la mosquée de Polé (Liszkowski 2000) a permis d’associer dumobilier céramique de facture locale (typologie Polé) à un grès chinois du XIVe siècle.Cependant, nos résultats à Acoua ont permis de reconnaître formellement du XIVe siècle(par datation 14C du niveau associé), la typologie Acoua/Kaweni alors qu’aucun tesson detypologie Polé n’a été découvert sur ce site. De même, le puits de Polé présente destessons de la phase Chingoni (XVe-XVIIIe siècle) mais aucun tesson de typeAcoua/Kaweni, « fossile directeur » du XIVe siècle. Soit deux typologies radicalementdifférentes coexistent à Mayotte au XIVe siècle, soit il faut reconsidérer la datation de latypologie Tsoundzou-Polé (la typologie Tsoundzou de Wright est voisine de la typologie« Polé »). Notre avis est que cette typologie apparaît à l’extrême fin du XVIIIe siècle : lepuits de Polé daterait davantage des débuts de la phase Chingoni, la présence du tessonchinois de type « bare-circle » étant à rattacher à cette phase que nos travaux à Acoua fontdébuter à la charnière XIVe-XVe siècle.

14 . Une campagne de recherche visant à étudier et à dater ces édifices religieux serait fortutile à l’avenir pour comprendre la diffusion de l’islam à Mayotte.

15 . Voir en annexe l’étude de cette inscription.

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Acoua est un village du nord-ouest de Mayotte, au fond d’une baie dumême nom encadrée par un cirque montagneux. D’après son étymologie, lenom Acoua (« Haqwa » en transcription arabe ou « Akoa » en transcriptionmalgache) viendrait de l’austronésien kouala « baie profonde, estuaire »16.Les habitants d’Acoua appartiennent aujourd’hui au groupe linguistiquemalgache sakalava, mais rien n’atteste qu’il en ait toujours été ainsi : latradition orale est étrangement muette pour l’époque antérieure aux razziasmalgaches, il est fort probable que le village actuel d’Acoua n’ait été fondéqu’au début du XIXe siècle.

Nos prospections archéologiques dans la baie d’Acoua ont permis derepérer plusieurs sites archéologiques. La plus ancienne de ces localités,Acoua-Antsiraqua Boira, est un ancien village occupé du Xe au XVIIe siècle.Bien que quelques fosses à chaux aient été repérées sur ce site, aucuneconstruction en pierre n’y est présente, aucune mosquée ancienne n’estsignalée. Associées à des tessons communs de type Majikavo et Agnoundroudes Xe-XIIIe siècles, quelques importations ont été retrouvées : sgraffiato,chloritoschiste, mustard ware hadrami17 illustrant l’intégration de cettepremière communauté au commerce régional.

Le second site de la baie d’Acoua, le plus important, est une ancienne citésituée au lieu-dit Agnala M’kiri, léger promontoire encadré par des coursd’eau et, du côté de la baie, par une plaine marécageuse18. Sa superficiedépasse les quatre hectares dont une grande partie est délimitée à l’intérieur

16 . Information communiquée aimablement par Jean-Claude Hébert.17 . Les travaux de Hardy-Guilbert (2004) sur l’ancien port hadrami Al Shihr ont précisé

la diffusion de la mustard ware à la charnière du XIIIe-XIVe siècle.18 . Le quartier Agnala M’kiri (la mosquée de la forêt) est aujourd’hui en majeure partie

submergé par l’urbanisation actuelle du village d’Acoua : nos fouilles ont accompagné laconstruction d’habitations récentes sur une parcelle encore épargnée par l’urbanisation.Ailleurs, nous avons ponctuellement réalisé des observations archéologiques lors dechantiers de construction à l’intérieur des limites de l’ancienne cité ; le tracé du rempartest aujourd’hui acquis : il défend plus de trois hectares, mais, à l’évidence, certainsquartiers n’étaient pas protégés par cet ouvrage. La fonction symbolique de cet enclosn’est pas à exclure : il matérialiserait l’opposition entre l’espace civilisé villageois, oùrésident les élites islamisées, et la campagne, demeure des esprits et des esclavesemployés aux travaux agricoles. L’exclusion de certains quartiers de l’enceinte traduirait,comme sur la côte swahili, la hiérarchie sociale et l’inégale intégration des groupes dansla communauté villageoise. La construction du rempart a pu être datée de manière fiablepar l'analyse 14C d'un prélèvement de charbon de bois conservé dans le mortier desmaçonneries de cet ouvrage défensif et ayant servi à la calcination de la chaux. L'analyse14C a ainsi fourni la date très précoce du XIe siècle ( Age 14C BP 955 +/- 25 ans, âgecalibré 1022-1157, date la plus probable 1038, Lyon-5795) attestant d'une part de lamaîtrise de la construction maçonnée à Mayotte à cette haute époque, et d'autre part del'existence d'un pouvoir local fort (chefferie?) capable de réaliser un tel ouvrage.

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d’un enclos urbain maçonné. L’occupation humaine y débute dès la phaseAgnoundrou, repérée sur l’extrémité méridionale du site19 : un prélèvementde charbon extrait de la première strate d'occupation a permis de dater du Xe

siècle cette première installation humaine20. Un niveau de sol incendié avecprésence de trous de poteau et associé à un tesson de sgraffiato a été observélors d’une coupe stratigraphique dans ce secteur. Paradoxalement, la zonefouillée du quartier des notables, à quelques dizaines de mètres, n’a livréaucun niveau d’occupation antérieur au XIVe siècle. Pourtant, l'espacedélimité par le rempart du XIe siècle couvre déjà plusieurs hectares: ainsidonc, si au Xe-XIe siècle, le site Agnala M’kiri n'est encore qu'un hameaucomparé à Antsiraqua Boira -la principale localité de la baie d’Acoua- cettehiérarchie spatiale s'inverse au XIe siècle lorsque le site Agnala M'kiri croitrapidement et se dote d'un rempart21.

Le secteur fouillé que nous avons appelé « quartier des notables » est, luiaussi, situé à l’extrémité sud de l’ancienne cité : il s’agit d’une parcelle envoie d’urbanisation. Des travaux dans les abords immédiats de la zonefouillée ayant fait resurgir des moellons de corail en abondance, l’anciennetrame urbaine révélée à la fouille n’est donc qu’une portion d’un plus vastequartier composé d’habitations aisées en pierre. Hormis le rempart quidélimite la cité, il n’existe pas, ailleurs dans la cité, de traces d’anciennesconstructions en pierre. On en déduira que l’extrémité sud de la cité abritaitles résidences des élites et que les autres quartiers étaient exclusivementconstruits en matériaux périssables (révélés dans nos sondages par uneépaisse couche de terre noire mêlée à des tessons des XIVe-XVIIIe siècles).

19 . Rares sont les sites archéologiques de Mayotte qui présentent une continuitéd’occupation entre la période archaïque et la période classique. On peut citer commeAcoua les sites de Mjini Dembeni et de Mitseni. Dans les autres sites classiques, lestessons d’époque archaïque sont très peu nombreux.

20 . Niveau d'occupation daté par l'analyse 14C de prélèvements de charbon de bois: Age14C BP 1110 +/- 30 ans, âge calibré 887-990 ap. J.-C., dates les plus probables 901 ou 917ap. J.-C., Lyon-5796.

21 . Cette modification de l’organisation spatiale est particulièrement frappante lorsquel’on considère que seul le site Agnala M’kiri développe l’architecture en pierre (rempartdu XIe siècle, habitations aisées en pierre des XIVe -XVIIe siècles, mosquée). Cettetransformation des paysages durant l'époque archaïque et au début de la période classique,avec transfert des lieux de pouvoir et adoption par les élites d’un mode de vie « arabisé »employant l'architecture en pierre, nous renseigne sur les transformations socioculturellescaractérisant la société des Xe-XIVe siècles. Si l'on y reconnaît la chronologie admise deschefferies fani (au XIIIe-XIVe siècle), la présence d'un rempart dès le XIe siècle repousse àcette haute époque l'existence d'un pouvoir local organisé, qui s'il n'est pas encore celuides fani correspond peut-être à celui des beja évoqué dans les chroniques .

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Bien qu’arasée en grande partie au bulldozer il y a plusieurs décennies, lastratigraphie de la zone fouillée atteint par endroit 1,60 m de profondeur. Sixphases d’occupations ont été identifiées, couvrant les XIVe-XVIIIe siècles :les trois plus anciennes sont des niveaux du XIVe siècle22, livrant unetypologie céramique originale : la typologie Acoua (fig. 2)23, fossile directeurdu XIVe siècle, caractérisée par des formes à carène proéminente (avecassemblage en deux temps), décorées d’une double rangée de points à labase du col — souvent réalisée avec un bâtonnet dont l’extrémité est taillée« en fourche » — et de décors en relief disposés sur l’inflexion de la carène,soit des boules ou mamelons, soit des côtes (parfois les deux, en alternance).Ces reliefs se rencontrent systématiquement par paire pour les tessons lesplus anciens, puis sont généralement triples pour les plus récents.

Les premières phases d’occupation du XIVe siècle ont livré des structuresd’habitations dont les élévations étaient en végétal ; l’une d’elles est associéeà un four domestique à sole demi-circulaire. La densité des constructions yapparaît déjà importante. Dans les niveaux ultérieurs (XIVe-XVe siècle),l’aménagement des sols des habitations consiste en une épaisse couche desable tandis que des solins (parfois maçonnés) servaient de support auxéléments en bois des élévations. Les arases d’un édifice, aux murs maçonnésen pierre et corail, orienté nord-sud, mais, hélas, tronqué par le déblais de laroute moderne, ont été repérées. Il se rattache à ces premières phasesd’occupation : un de ses murs portant des traces de chauffe l’associe à unecouche de cendre datée du XIVe siècle par analyse 14C. Sa pérénité et sonorientation nous font suggérer qu'il pourrait s'agir ici d'une mosquée. Durantces premières phases d’occupation, la parcelle étudiée présente doncquelques constructions en pierre entourées de constructions en végétal dontcertaines emploient des soubassements maçonnés.

L’ancienne trame urbaine des XVe-XVIIe siècles est aujourd’hui la mieuxconnue24. Ces niveaux d’occupation voient la construction de deux grandesdemeures aristocratiques en pierre. La fouille a permis d’étudier la majeurepartie de l’une de ces habitations. Celle-ci a une emprise au sol supérieure à200 m² ; la seconde, partiellement fouillée car elle se prolonge sous uneparcelle voisine, présente néanmoins une distribution des pièces identique.

22 . Datation obtenue par analyse 14C de charbons provenant de ces couches : Age 14C BP625 +/- 30 ans, âge calibré 1302-1378, Lyon-4473.

23 . Ou « Kaweni » selon la première appellation de Wright. Nous préférons l’appellationAcoua dans la mesure où le site éponyme de Kaweni est aujourd’hui perdu et qu’Acouaest le premier site à fournir la sériation et datation de cette typologie.

24 . Les niveaux du XIVe siècle n’ont en effet été étudiés qu’à l’occasion de sondagesponctuels, faute de temps et de moyen pour un chantier de fouille réalisé bénévolement.

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Quelques mètres entre ces habitations laissent entrevoir un passage étroit detype ruelle avec sol en terre battue.

L’analyse des maçonneries de ces grandes demeures (présence de coupsde sabre ou de chaînages) nous amène à identifier plusieurs étapes deconstruction révélant les évolutions architecturales qui ont contribué à laformation d’un tissu urbain dense de type médina (fig. 1 et 3) : autour d’un

Fig. 1. Acoua Agnala M’Kiri : restitution de l’évolution de la trame urbaine

XIVe-XVIIe siècle

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Phase Acoua tardif

Phase Chingoni ancien

Phase Chingoni, première hypothèse de restitution

Phase Chingoni, deuxième hypothèse de restitution

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Fig. 2. Céramique commune de typologie « Acoua », XIVe siècle

Phase Acoua ancien

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Phase Acoua

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Phase Acoua (suite)

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Phase Acoua tardive

premier édifice rectangulaire se sont développées deux grandes habitations.Chacune d’elles est délimitée par un mur d’enclos avec appareil en grosmoellons de basalte irréguliers liés par un mortier de chaux. Appuyéescontre cet enclos, se répartissent différentes ailes d’habitations en pierre ouen matériaux périssables distribuées autour d’une cour intérieure. Dans l’uned’elles, nous avons retrouvé une salle avec banquettes maçonnées (baraza) ;ailleurs, des structures légères en végétal (suggérées par les pierres decalage) s’appuyaient contre le mur d’enclos ; enfin, des traces de foyerstémoignent d’activités culinaires.

Cette première phase d’occupation est, dans une deuxième étape deconstruction, remaniée par la création d’une aile noble d’habitation: celle-ciest composée d’une succession de petites pièces donnant sur un espace plusvaste permettant de communiquer avec la cour intérieure. L’une de cespièces fait usage de latrine ou du moins de pièce d’ablution avec une fosserécupérant les eaux usées (un usage comme ufuko recueillant les eaux de la

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toilette mortuaire n’est pas à exclure). Ces pièces ont leur niveau de solsurélevé par rapport à celui de la cour par une épaisse couche de latérite25. Lesol de ces pièces était laissé en terre battue à l’exception de la plus grande oùun enduit de sol à base de mortier de chaux a été découvert. Cette piècetraitée avec plus de soin ne communiquait avec l’extérieur que parl’intermédiaire d’une autre pièce et disposait d’un accès à un petit réduit dedeux mètres carré. Tous les murs intérieurs étaient revêtus d’une ou plusieurscouches d’enduit de mortier de chaux. Les angles des ouvertures étaientdécorés par un chanfrein réalisé en enduit de chaux. L’étroitesse de cespièces (la plus grande n’excédant pas 7 m²) nous laisse supposer del’existence d’une toiture en terrasse (de nombreuses dalles rectangulairestaillées dans le corail appartenant à cette toiture ont été retrouvées à la fouilledans les décombres ainsi que quelques clous forgés d’une vingtaine decentimètres de longueur).

Au côté opposé de la cour intérieure, la fouille a révélé les structuresd’une dépendance, appuyée contre le mur d’enclos et construite en matériauxpérissables. Cette dépendance, si l’on se réfère à la description d’unehabitation aisée anjouanaise fournie par John Pike en 1704 (Sauvaget 2000),correspondrait traditionnellement aux communs où logeaient les esclavesdomestiques. À l’extérieur du mur d’enclos contre lequel ils s’appuient, deuxcoffrages maçonnés rectangulaires et enduits de mortier de chaux ont étédécouverts, il s’agit probablement de sépultures maçonnées. Ces habitations,par de nombreux aspects — la salle au baraza, le soin apporté à laconstruction de l’aile noble d’habitation, l’existence de sépultures sur leterrain domestique, ancien privilège des nobles (Blanchy 2003) —- signalentl’origine aristocratique de leurs anciens propriétaires. La chronologie de cesoccupations couvre en partie l’époque du sultanat shirazi, mais les niveauxles plus anciens datés du XIVe siècle, ainsi que les premiers aménagementsde ces grandes habitations sont à rattacher à l’époque des chefferies fani(XIIIe-XVe siècle). Nous serions donc ici en présence de résidencesprincières pré-shirazi fani dont l’occupation se poursuit durant les premierssiècles du sultanat.

Les niveaux d’occupation des grandes demeures en pierre sont associés àune typologie de céramique nouvelle abandonnant définitivement les décorsen relief de la typologie Acoua : il s’agit de la typologie Chingoni qui couvre

25 . C’est cet apport de matériaux qui explique l’excellente conservation des vestigesantérieurs.

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Fig. 3. Acoua, fouille du quartier des notables, relevé des structures archéologiques

(M. Pauly & C. Leroy, SHAM, fouilles 2006-2008)

structures maçonnéesXIVe siècle

étapes de constructionXVe siècle

étapes de constructionXVIe-XVIIe siècle

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désormais les XVe-XVIIe siècles26. L’ultime phase d’occupation qui voitl’abandon de ces habitations présente un mobilier céramique sensiblementpeu différent de la phase Chingoni : la céramique à engobe rouge y estdavantage représentée. Durant cette phase, les demeures sont abandonnées ettombent en ruine ; pourtant, dépotoirs et trous de poteaux de cette phased’abandon attestent d’une occupation diffuse qui se maintient sur ce siteencore quelque temps. Cet abandon s’effectuerait au cours du XVIIIe siècle(et peut-être dès la fin du XVIIe siècle).

La fouille du quartier des notables d’Acoua a permis de révéler l’emploide la construction en pierre pour les habitations dès le XIVe siècle. À cetteépoque, il n’est pas rare de voir des maisons employer pour les fondations deleurs élévations en bois des murets maçonnés (solin). Enfin, la phased’occupation Chingoni voit le développement dès le XVe siècle de grandesdemeures aristocratiques en pierre, dont le plan et le confort sont amélioréstout au long des XVIe-XVIIe siècles. L’effondrement de la civilisationclassique à Mayotte au XVIIIe siècle se traduit sur ce site par la ruine de ceshabitations en pierre (sans relever toutefois de traces de destructionsviolentes) et l’abandon progressif de cette localité.

La fouille a aussi permis de reconnaître les évolutions typologiques de lacéramique commune pour les XIIIe-XVIIe siècles. Il est à noter plusieursruptures typologiques remarquables : au XIIIe siècle, les décors séculairesconstitués d’impressions de coquillage arca et les incisions géométriques enchevrons s’estompent pour des formes épurées où apparaissent les premiersajouts de décors en relief. Ces décors caractérisent désormais le XIVe

26 . Les côtes de la typologie Acoua semblent prolongées dans la typologie Chingoni parde simples incisions épousant l’inflexion de la carène. Cette nouvelle typologie apparaîten stratigraphie immédiatement après la typologie Acoua, et daterait donc des XIVe-XVe

siècles. Une typologie céramique originale apparaît plus tard dans les niveaux du XVIIe

siècle : il s’agit de plats à pâte noire recouverte d’un engobe noir ou, plus souvent, rouge.La lèvre est souvent saillante et, sur de nombreux exemplaires, elle est pincée pour formerà l’intérieur un rebord permettant de poser un couvercle. Quelquefois, sur la lèvre estrajouté un engobe noir. Cette céramique rappelle étrangement la poterie Dembeni rougegraphitée, dont la production a pourtant cessé au XIe siècle. Kirkman a trouvé une poteriesemblable au Fort Jésus de Mombasa pour les niveaux du XVIIe siècle et elle est aussiabondante à Soulou (Liszkowski 2004), où elle est associée à des monnaies de la secondemoitié du XVIIe siècle. On ne saurait donc y voir une parenté directe avec la poterie del’époque Dembeni.

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siècle27, ils sont abandonnés au profit des décors de la phase Chingoni auXVe-XVIe siècle. Au XVIIe siècle, une typologie originale observée sur lacôte swahili apparaît (à engobe noir ou rouge) et côtoie les décors Chingoniélaborés aux XVe-XVIe siècles (carènes incisés, ou simplement sans décor).La poterie à engobe est toujours employée malgré l’effondrement de lacivilisation classique au XVIIIe siècle.

On conclura donc que les cités de Mayotte, tout comme celles del’ensemble régional, connaissent le même processus d’urbanisationconduisant au développement de quartiers aisés d’habitations en pierre, et ce,dès le XIVe siècle. Cette mutation du tissu urbain n’est donc pas, à Mayotte,la résultante culturelle de l’installation du sultanat shirazi qu’elle précèdelargement, mais caractérise déjà l’époque des chefferies fani pendantlaquelle les élites islamisées, prospérant du commerce régional, introduisentl’architecture domestique en pierre. L’analyse onomastique des patronymesde ces fani à partir des listes transmises par la tradition orale révélait déjàl’islamisation de ces chefs ainsi que leur origine arabo-swahili et, parfois,malgache antalaotra (Allibert 1984 et 2000). La diffusion dans l’océanIndien occidental de l’architecture domestique étant un phénomène degrande ampleur, résultant de la vitalité des échanges culturels accompagnantles circuits commerciaux, il est difficile, pour Mayotte, de trancher pour uneéventuelle acculturation de sa population ancienne ou pour l’arrivée denouveaux groupes humains originaires de la côte africaine swahili ou derivages plus lointains (sans doute que les deux hypothèses se valent). Il esttoutefois clairement envisageable que l’époque des chefferies fani (XIIIe-XVe

siècle) est celle qui voit désormais l’influence grandissante du littoral swahilisur le mode de vie des chefferies fani. L’établissement du sultanat lors del’arrivée du clan shirazi à la fin du XVe siècle s’impose donc à une sociétédont les élites revendiquent, dès la fin du XIIIe siècle, les idées et la culturematérielle de l’aire arabo-swahili.

27 . On en retrouve des similaires à Mohéli dans les sites de transition des XIIIe-XVe

siècles, ainsi qu’à Sima à Anjouan où nous en avons observé lors de notre visite sur cesite. Des décors en relief avec boules ont été signalés dans les échelles antalaotramalgaches (Vérin 1975), tandis que les décors à côtes sont présents dans des sitesprinciers des hauts plateaux malgaches tel Fanongoavana (Rasamuel 1984). Un apportmigratoire lié à la traite des esclaves malgaches vers les Comores via les échellesantalaotra n’est donc pas à exclure dès le XIVe siècle. Il expliquerait en partie l’essordémographique observé à Mayotte pour les XIVe-XVe siècles et attesté par l’augmentationrapide du nombre des localités de cette période.

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DOCUMENT ANNEXE

Les inscriptions de la mosquée shirazi de Tsingoni

En 2005, lors du colloque organisé par le Conseil général de Mayotte etinvitant les chercheurs du CEROI autour du thème de l’origine du peuplementde Mayotte, j’ai eu l’occasion de présenter une découverte réalisée cettemême année dans la mosquée shirazi de Tsingoni. Il s’agit d’un texte enarabe gravé sur deux plaques de corail (porites) de 15 cm sur 30 cm dedimensions, scellées dans chaque piédroit du mihrab de la mosquée deTsingoni. Ces inscriptions commémorent la réalisation du mihrab, en l’année1538, par le troisième sultan de Mayotte, ‘Issa ibn Mohamed. La traductionde ces inscriptions permettait de mettre un terme à des décennies decontroverse, puisqu’elle apportait un jalon fiable et définitif pour daterl’établissement du sultanat shirazi à Anjouan et à Mayotte.

Origine d’une controverse

Cette controverse venait principalement du fait que les auteurs nes’accordaient pas sur la date portée par cette inscription, les uns plaçantcelle-ci au XVe siècle, les autres au XVIe siècle. On peut aisément dire qu’ily avait autant de dates avancées que d’auteurs. C’est dans cette mêmeinscription qu’Alfred Gevrey avait puisé les renseignements présentés dansson Essai sur les Comores, datant de 944 de l’Hégire la construction de lamosquée par le sultan ‘Issa. Il convertit maladroitement cette date en 1566du calendrier chrétien, y ajoutant simplement la date de l’Hégire (622) etomettant que les années musulmanes lunaires sont plus courtes que lesannées chrétiennes solaires. Cette date erronée de 1566 fut par la suitereprise par de nombreux auteurs (de Urbain Faurec à Jean Martin).Confronté aux renseignements généalogiques fournis par les chroniqueslocales, l’établissement du sultanat coïnciderait alors avec le début du XVIe

siècle, ce qui rejoignait le point de vue avancé depuis les écrits de cadi Omar

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Aboubacar28, selon lequel les princes shirazi arrivèrent dans l’archipel peuaprès les Portugais. Or, dès les années 1930, deux chroniqueurs comoriens,l’Anjouanais Saïd Ahmed Zaki (1927, commenté par Allibert 2000) et leMahorais Mkadara ben Mohamed réfutèrent la chronologie avancée parGevrey, s’appuyant sur l’année 844 de l’Hégire (1440/41) comme date deconstruction de la mosquée de Tsingoni29. Partant de là, Saïd Ahmed Zakiétablit une chronologie des règnes des premiers shirazi se déroulant dans lapremière moitié du XVe siècle, plaçant l’arrivée des premiers shirazi autourde 1400. L’inscription de Tsingoni étant perdue dès cette époque30, ils’avérait impossible encore récemment de trancher pour une date plusqu’une autre bien que certaines informations aient davantage accrédité ladate de 944 de l’Hégire31.

En l’absence des inscriptions originales, recouvertes depuis l’époque deGevrey par une couche d’enduit consécutive à une énième « restauration »masquant toujours plus les décors du mihrab, il restait impossible auxchercheurs de démêler « le vrai du faux » dans cette controverse qui auraitpu rester anecdotique si ces inscriptions ne détenaient pas à elles seulesl’unique moyen de dater l’établissement du sultanat shirazi à Anjouan et àMayotte.

Analyse des inscriptions

Les inscriptions, en 2005, nettoyées de leur gangue d’enduit étaientredevenues visibles depuis moins d’une dizaine d’années. Cette opération aprobablement accompagné le rafraîchissement des peintures du mihrab. Au

28 . Il existe plusieurs versions du manuscrit du cadi Omar Aboubacar. Le princeSaïd Husseini était le détenteur du manuscrit original que Guy Cidey fit traduire et publiersous le titre de Chronique arabe de Maorè. Dans celle-ci, la date de construction de lamosquée de Tsingoni n’est pas indiquée, alors que, dans les versions des fonds Poirier etFinaz, la date 844H est ajoutée (Cidey 1997 : 22).

29 . On sait que Mkadara ben Mohamed de Mtsamboro recopia en 1931 la versionswahili du manuscrit du cadi Omar Aboubacar, traduite dans cette langue par S. OmarS. Hassani (Cidey 1997 : 4). Il offrit en 1931 aux autorités françaises sa chronique enswahili, dont la traduction détenue par Cornu fut remise à Allibert, qui la publia en 1984.

30 . Faurec (1941), lors de sa mission ethnographique de 1936, et qui reprend les écrits deGevrey, pense en effet que l’inscription est visible sur le fronton de la mosquée !

31 . Notamment les sources européennes du XVIIe siècle confrontées aux généalogieslivrées par les chroniques (Allibert 2000).

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fait de la controverse à leur sujet, j’ai pu alors soumettre ces inscriptions àmes collègues arabes qui purent les déchiffrer et en fournir la traduction32.

L’inscription de droite, détenant le début du texte, est relativement bienpréservée ; seul un mot est lacunaire : il s’agit, dans la date, du jour de lasemaine pendant lequel le mihrab fut inauguré33. Cette première inscription aété réalisée par un lettré connaissant très bien l’art de la calligraphie : lesmots sont bien formés suivant le style coufique de base et les lignes sontrégulières. À l’inverse, la deuxième inscription, dont certains passages sontdavantage détériorés, a été réalisée de toute évidence par une deuxièmepersonne maîtrisant mal la calligraphie : de nombreuses irrégularités etmaladresses apparaissent dans la formation des mots et des lignes ; le mot deliaison « و » apparaît deux fois de suite. On comprendra donc sa plus grandeillisibilité et le nombre de mots lacunaires. Paradoxalement, la dernière lignelaisse apparaître les mêmes qualités calligraphiques que la premièreinscription. Si ces constatations attestent de l’existence de deux auteurs pources inscriptions, les dimensions identiques de celles-ci et la continuité dutexte gravé laisse entendre qu’elles sont probablement toutes deuxcontemporaines.

Transcription en arabe moderne

طان عيسى ابنل السالمحراب بنى هذا[lacune] السلطاب محمد يوم

دةع عشر في شهر ذي القبعالر ا

Relevé des inscriptions

) أربعة? سنة الجمعة بعد(و أربعني و تسعة مئة للهجرة[courte ligne lacunaire]

على صاحبها أفضل الصالة يّةلنبواو السالم

32 . Il s’agit de Hakim Bouktir et Assia Daghor-Alaoui, qu’ils soient ici vivementremerciés pour leur contribution indispensable à ce travail de recherche.

33 . On peut tout de même, sans se tromper, deviner qu’il doit s’agir d’un vendredi اجلمعة,bien que la conversion de la date nous fournit pour ce jour un dimanche ; il faudraitcomprendre l’origine de ce décalage de deux jours entre ces calendriers.

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Traduction

Ce mihrab a été construit par le Sultan ‘Issa34 fils / du sultan Mohamed, lejour de [lacune] / du quatorzième jour de dhi lqi’da

de l’année du Vendredi [après ?] [mot illisible ; peut être shura35, شر ?],quatre / quarante et neuf cent [944] de l’Hégire / [courte ligne lacunaire] surcelui qui l’a accompli les meilleures prières / et le salut.

L’apport historique

Il va de soi que cette inscription met un terme à la controverse sur ladatation de la mosquée de Tsingoni, ou du moins de son mihrab, puisquec’est bien la réalisation de celui-ci, l’élément le plus important de lamosquée tant du point de vue architectural (puisqu’il porte une décorationtrès élaborée) que du point de vue religieux (en indiquant aux fidèles ladirection de la Mecque). L’année de construction est indiquée en touteslettres. Si une altération du chiffre quarante existe, le début visible du mot etson emplacement dans la phrase imposent cette lecture. À l’inverse, lescentaines, à l’origine de la controverse, sont parfaitement lisibles. C’est doncindiscutablement bien l’année 944 de l’Hégire qui est indiquée. La34 . Il est néanmoins possible de lire sur l’inscription « علي », Ali, à la place du nom

,« عـيـسى » ‘Issa, puisque le sin y présente une graphie très proche du lam avec unepremière barre très haute, tandis que deux points diacritiques présents sous le alifmaqsûra permettent une lecture en [ya], à moins que la queue du « ن » ait contraint legraveur à repousser à la fin du nom les points diacritiques du « ي ». Ce détail nous paraîtd’une grande importance car une tradition recueillie par Aujas (1911) à Tsingoni rapporteque le fils de Ma Tsingo et de l’Arabe se prénommait Fauméali (Mfalume Ali), « premierbeja du pays », et nous amènerait à pencher en faveur de la lecture « Ali ».

35 . Cette partie de l’inscription est difficile à déchiffrer du fait de la mauvaise maîtrise dela calligraphie du graveur. Il s’agit ici certainement du complément (le mois ?) à la dateprésentée selon le calendrier nairuzi. Sans certitude, on pourrait y lire « l’année duVendredi après [la fête] d’Ashura ». La fête d’Ashura (ou Shura en mahorais), célébrée ledixième jour du premier mois de l’année solaire est un temps fort pour les communautéspersanes shiites mais aussi ibadites. Le quatorzième jour de dhi lqi’da correspond au 14avril 1538, soit effectivement trois mois après la célébration de la fête d’Ashura si l’on seréfère au calendrier solaire nairuzi. Reste, pour confirmer cette hypothèse, à savoir si lecalendrier solaire nairuzi et le calendrier lunaire musulman étaient indépendants l’un del’autre, auquel cas, la fête d’Ashura se déroulerait en dehors du mois de Muharram, lepremier mois de l’année musulmane.

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concordance avec le calendrier nairuzi a pu être vérifiée : l’année 944H étaitbien une année du Vendredi du cycle septennal nairuzi36. Cette inscriptionatteste de l’utilisation des deux calendriers à cette date.

Comme évoqué plus haut, le mihrab a ainsi été inauguré le 14 avril 1538,et place, par conséquent, le règne du sultan ‘Issa au deuxième quart du XVIe

siècle. Le cadi Omar Aboubacar précise que la mosquée de Tsingoni futédifiée par ‘Issa au moment où celui-ci, quittant Mtsamboro, ville de samère, fit de Tsingoni la capitale du sultanat de Mayotte après le décès de sonpère, Mohamed ibn Hassan, sultan d’Anjouan et de Mayotte37. Cettenouvelle datation confrontée aux informations généalogiques données par leschroniques rend possible d’envisager l’arrivée de la première génération deprinces shirazi durant la deuxième moitié du XVe siècle38.

Une indication du XVIIIe siècle confirme cette datation. Elle nous estfournie par la relation de voyage de Robert Orme, un Anglais faisant escale àAnjouan le 15 août 1754 (Allibert 1991 ; et cité par Hébert 1998 : 46), où ilnous apprend que l’arrivée des « Arabes » qui dirigent le pays (il fautentendre, par là, les shirazi) remonte à environ 300 ans. Son informateurs’exprimant en années musulmanes, il faut donc convertir ces 300 années en291 années chrétiennes. C’est donc autour des années 1460-70 qu’il fautdater l’alliance matrimoniale conclue par les princes shirazi Hassan etAthumani avec l’aristocratie fani des îles d’Anjouan et de Mayotte. Cetteestimation rejoint donc celle déduite grâce à l’inscription de Tsingoni.

On ne peut au final qu’infirmer l’idée véhiculée depuis les écrits de cadiOmar Aboubacar selon laquelle les Portugais ont précédé les shirazi dansl’archipel. La découverte de l’archipel par les Portugais s’effectuant dans lespremières années du XVIe siècle (1506 pour la première mention de l’île parle capitaine de Kilwa, 1507 pour le passage au large de celle-ci de la flotte

36 . Hébert, dans une communication personnelle, a pu vérifier cette concordance à partirde l’ouvrage de Ginzel.

37 . Nos relevés d’architecture de la mosquée dévoilent la possible existence d’unemosquée antérieure remaniée sous le règne du sultan ‘Issa. Piri Reis, en 1521, signale eneffet la présence de musulmans chaféites à Chinkuni (Tsingoni) (Allibert 1988).

38 . Ces informations permettent donc de situer le règne de Mohamed ben Hassan durantla première moitié du XVIe siècle. Celui-ci, fils du shirazi Hassan (ibn Mohamed ?) avait,après une lutte fratricide, conquis le sultanat d’Anjouan, puis, ayant épousé Jumbé Amina,fille du premier sultan shirazi de Mayotte, Athumani/Uthman ibn Mohamed (ou ibnHassan ?) et dont la mère était la fille du chef de Mtsamboro (Mwalimou Poro), il héritadu sultanat de Mayotte, qu’il transmit ensuite à son fils ‘Issa. Il n’existe donc, selon leschroniques, que deux générations de sultans shirazi avant le règne du sultan ‘Issa. Lesrègnes de ses aïeux Hassan et Athumani, fondateurs des sultanats shirazi d’Anjouan et deMayotte, par alliance matrimoniale avec les fani les plus puissants, sont alorsprobablement contemporains de la dernière moitié du XVe siècle.

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d’Albuquerque et de da Cunha), on conçoit mal trois générations de sultansshirazi se succéder dans un intervalle si court. Si cela pouvait s’admettre dutemps où Gevrey avançait la date de 1566 pour dater le règne d’Issa, celanous paraît difficilement tenable à la lumière de notre nouvelle datation.

L’inscription de Tsingoni, en tant que jalon chronologique, permetdésormais d’élaborer une périodisation fiable à l’intérieur de la périodeclassique: la fin du XVe siècle constituant avec certitude le terminus antequem de l’époque des chefferies fani et marque l’avènement du sultanatshirazi à Anjouan et à Mayotte.

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