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Éduquer une nouvelle génération d'étudiants. Les transferts de connaissances et de normes de...

Date post: 09-Dec-2023
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Perspectives chinoises 2013/1 (2013) Au nom de l'État : Interactions entre administrateurs locaux et citoyens ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Amy Liu Mei Heung et David Zweig Éduquer une nouvelle génération d'étudiants Les transferts de connaissances et de normes de Hong Kong vers la Chine continentale ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Amy Liu Mei Heung et David Zweig, « Éduquer une nouvelle génération d'étudiants », Perspectives chinoises [En ligne], 2013/1 | 2013, mis en ligne le 01 mars 2016, consulté le 02 mars 2016. URL : http:// perspectiveschinoises.revues.org/6495 Éditeur : Centre d'Études Français sur la Chine contemporaine http://perspectiveschinoises.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://perspectiveschinoises.revues.org/6495 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. © Tous droits réservés
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Perspectives chinoises2013/1  (2013)Au nom de l'État : Interactions entre administrateurs locaux et citoyens

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Amy Liu Mei Heung et David Zweig

Éduquer une nouvelle générationd'étudiantsLes transferts de connaissances et de normes deHong Kong vers la Chine continentale................................................................................................................................................................................................................................................................................................

AvertissementLe contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive del'éditeur.Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sousréserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue,l'auteur et la référence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législationen vigueur en France.

Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'éditionélectronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV).

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Référence électroniqueAmy Liu Mei Heung et David Zweig, « Éduquer une nouvelle génération d'étudiants », Perspectiveschinoises [En ligne], 2013/1 | 2013, mis en ligne le 01 mars 2016, consulté le 02 mars 2016. URL : http://perspectiveschinoises.revues.org/6495

Éditeur : Centre d'Études Français sur la Chine contemporainehttp://perspectiveschinoises.revues.orghttp://www.revues.org

Document accessible en ligne sur : http://perspectiveschinoises.revues.org/6495Ce document est le fac-similé de l'édition papier.© Tous droits réservés

Durant des siècles, les étrangers ont essayé de changer la Chine,mais comme l’ont montré de nombreuses études, ce n’est pas unetâche aisée (2). Les organisations et les normes chinoises résistent

aux pressions externes de changement car de nombreux acteurs clés sesentent beaucoup plus à l’aise dans les modes traditionnels d’interactionet avec la répartition actuelle de pouvoir et d’autorité. La réforme des ins-titutions universitaires chinoises a toujours été difficile (3), notammentaprès 1978 (4), car l’État chinois considère les universités comme l’institu-tion clé permettant d’assurer la loyauté de la jeunesse chinoise au sys-tème de valeurs dominant et aux structures politiques existantes.L’éducation a également un rôle de socialisation de la population, d’uni-fication idéologique du pays et de préparation des hauts dirigeants aptesà réconcilier les préceptes du communisme avec ceux de l’économie demarché (5).

Il n’en reste pas moins que, comme le montre cet article, depuis 1997 etla rétrocession de Hong Kong à la Chine, l’ancienne colonie britannique etl’actuelle Région administrative spéciale (RAS) ont été à la pointe d’untransfert de valeurs plus universelles vers le continent, en grande partie àtravers ses institutions universitaires. Ce transfert s’opère de trois manièresprincipales : (1) en créant sur le continent de nouvelles institutions univer-sitaires qui permettent de transmettre de nouveaux modes de pensée etdes valeurs plus progressistes aux étudiants et aux administrateurs de dif-férentes filières universitaires telles que les médias, la politique, le secteurmédical ou la formation juridique ; (2) en formant dans les universités deHong Kong des étudiants chinois qui reviennent travailler et enseigner surle continent ; et (3) en permettant aux étudiants de Chine continentaleformés à Hong Kong ou en Occident de « stationner » aux « portes » dela Chine, dans un environnement intellectuel plus libre, à partir duquel ilspeuvent transmettre au continent des valeurs et des méthodologies de re-cherche occidentales.

Cet article s’attache à analyser ces trois modes de transfert à travers desétudes de cas et des données issues d’enquêtes.

Les deux voies d’enracinement d’institutionsétrangères dans un environnement chinois

Pour l’ancien Premier ministre Zhao Ziyang, la Chine ne pouvait réussir samutation qu’en mettant en œuvre les réformes dans ce qu’il appelaitdes « environnements restreints » (xiao huanjing). Alors que les macro-ef-forts de changement se heurtent à l’opposition radicale des forces conser-vatrices dans les milieux dirigeants, si des micro-modèles de réformepeuvent faire la preuve de leur efficacité, ils sont susceptibles d’inciter d’au-tres groupes à adopter des politiques ou des programmes similaires. Les ef-forts pour établir des zones économiques spéciales durant l’ère des réformesse fondaient sur cette perspective (6). Cela correspond à la politique du Particommuniste chinois (PCC) sur l’expérimentation des politiques etles « points d’essai » (7). Ainsi, les réussites peuvent être copiées tandis que

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1. Des parties de cet article ont déjà été publiées dans deux numéros du Xinbao caijing yuekan(Revue mensuelle d’économie de Hong Kong). Voir « Gang gui pai: xuezi huiguo diaocha – XiangGang ban jiaoyu chanye huode haoping » (Retour de Hong Kong : étude sur les étudiants de retourau pays – bonne évaluation du secteur de l’éducation hongkongais), n° 393, décembre 2009, p. 6-15 ; et « Xiang Gang zuowei neidi jiaoyu de chuangkou », (Hong Kong : vitrine de l’éducation chi-noise), n° 381, décembre 2008, p. 10-16.

2. Jonathan D. Spence, To Change China: Western Advisers in China, 1620-1960, New York, PenguinBooks, 1980 ; et Randall E. Stross, The Stubborn Earth: American Agriculturalists on Chinese Soil,1898-1937, Berkeley (CA), University of California Press, 1986.

3. Marianne Bastid, « Servitude or Liberation? The Introduction of Foreign Educational Practices andSystems to China since 1840 », in Ruth Hayhoe et Marianne Bastid (éd.), China’s Education andthe Industrialized World: Studies in Cultural Transfer, Armonk (NY), M. E. Sharpe, 1987.

4. Zhang Weiying, Daxue de luoji (La logique de l’université), Pékin, Peking University Press, seconde édi-tion, 2006. Zhang a mené la réforme de l’université de Pékin qui s’est soldée par un échec en 2003.

5. Wing-Wah Law, « Citizenship, citizenship education, and the state in China in a global age », Cam-bridge Journal of Education, vol. 36, n° 4, 2006, p. 597-628.

6. Joseph Fewsmith, Dilemmas of reform in China: Political conflict and economic debate, Armonk(NY), M.E. Sharpe, 1994, et Ezra Vogel, Deng Xiaoping and the Transformation of China, Cambridge(MA), Belknap Press of Harvard University Press, 2011.

7. Sebastian Heilmann, « Policy Experimentation in China’s Economic Rise », Studies in ComparativeInternational Development, vol. 43, n° 1, janvier 2008, p. 1-26 ; et Sebastien Heilmann, « Fromlocal experiments to national policy: The origins of China’s distinctive policy process », The ChinaJournal, n° 59, janvier 2008.

perspectives c h i n o i s e sArticle

Éduquer une nouvelle génération

d'étudiants Les transferts de connaissances et de normes de Hong Kong vers la Chine continentale

AMY L IU MEI HEUNG ET DAVID ZWEIG

RÉSUMÉ : Depuis 1997, toutes les universités de Hong Kong ont activement influencé le système universitaire en Chine. Plusieursvoies ont été empruntées : l’établissement d’une université indépendante ou le regroupement de quatre facultés existantes en Chine,la formation à Hong Kong de nombreux étudiants chinois qui, une fois diplômés, retournent sur le continent ou encore la constitutiond’un pôle, aux portes de la Chine continentale, à partir duquel les universitaires peuvent influencer leurs collègues de l’autre côté dela frontière. Cet article montre comment ces différentes méthodes opèrent le transfert d'une nouvelle série de normes universitairesdominantes à Hong Kong vers la Chine continentale (1).

MOTS-CLÉS : éducation internationale, retour des chercheurs en Chine, études à l'étranger, transfert de valeurs.

les échecs n’ont qu’un impact limité (8). Cependant comme le souligne Heil-mann, la question-clé demeure « comment encourager les changementsinstitutionnels malgré l’inertie et l’opposition massives qui bloquent les ré-formes structurelles et inhibent le développement économique dans denombreuses économies politiques sans essayer d’imposer des modèlesétrangers et ignorer ainsi les spécificités des contextes locaux » (9).

Au contraire, la diffusion des études sur l’innovation nous apprend que lesnouvelles organisations doivent être compatibles avec les normes exis-tantes, faute de quoi elles seront difficiles à reproduire (10). Cependant, si lanouvelle organisation ne propose aucune norme ou valeur organisationnellenouvelle, et n’offre qu’une part d’innovation limitée aux communautés lo-cales, pourquoi consacrer du temps et des efforts au changement ?

Comment construire ces « environnements restreints » ? Faut-il créer uneinstitution totalement nouvelle qui, bien qu’elle possède une cohérence in-terne, risque l’isolement et pourra être attaquée par la société ou des orga-nisations extérieures dont elle remet les valeurs  en cause  ? Ou faut-ilréformer une institution existante déjà intégrée dans la société chinoise,mais prendre le risque que les opposants à la réforme restés dans l’organi-sation luttent contre les nouvelles normes introduites (11) ? Les deux univer-sités évoquées ci-dessous ont suivi ces deux stratégies dans leurs effortspour changer le système éducatif chinois.

Bien que la Fondation Li Ka-shing (la LKSF) ait créé l’Université de Shantouen 1991, les Hongkongais n’ont, dans un premier temps, fourni que peu d’ef-fort pour influencer la direction de l’école. Ce n’est qu’après une donationmajeure en 2002 qu’ils furent invités à rejoindre l’établissement et à intro-duire des réformes, faisant de l’Université de Shantou (STU) un exempled’institution réformée de l’intérieur par des acteurs extérieurs. Le secondcas, celui d’United International College (l’UIC), illustre les efforts de l’Uni-versité baptiste de Hong Kong (HKBU) pour créer en Chine une nouvelleinstitution indépendante dont la réussite serait susceptible de devenir unmodèle pour d’autres institutions (12).

Transformer l’Université de Shantou : le pouvoir del’argent de Hong Kong

La LKSF est l’une des fondations hongkongaise les plus actives pour l’amé-lioration de la qualité de l’éducation sur le continent. En 2008, elle a dépenséla somme colossale de 8,4 milliards de dollars US – dont 11 % en directionde l’étranger, et, pour les 89 % restant, environ deux tiers en Chine conti-nentale et un tiers à Hong Kong. Les donations concernent le domaine dela santé (42 %) et de l’éducation (46 %), car le père de Li Ka-shing est mortde la tuberculose quand il était très jeune – la famille n’ayant pas les moyensde se payer un médecin – et la pauvreté a empêché le jeune Li de recevoirune éducation (13).

Les conseillers hongkongais qui travaillent à STU revendiquent des succèsmajeurs en termes de programmes et de procédures administratives inno-vantes, suite à une injection massive de fonds en 2002 (14). Dans le mêmeesprit que Zhao Ziyang, l’ancien chef de file des réformes, Li Ka-shing a de-mandé dans un courrier personnel au gouvernement chinois l’adoption depolitiques spéciales pour créer une « petite université, mais une immenseplateforme ». Depuis, la LKSF est devenue « un catalyseur de changementsconstructifs », et un « ingénieur de la réforme éducative » (15).

Les réformes ont été appliquées à quatre départements, tous administréspar des Hongkongais – trois conseillers habitent à Hong Kong et font levoyage toutes les semaines, tandis qu’un autre qui est né à Hong Kong mais

a enseigné en Australie, vit sur place, à Shantou. Les filières concernées sontles Écoles de droit, de journalisme, de design et de médecine.

L’École de médecine, qui s’inspire de l’Université chinoise de Hong Kong(CUHK), a l’un des programmes les plus prestigieux du continent. Un pre-mier cycle de cinq ans a été introduit en 2002, mais la plupart des étudiantseffectuent un cursus de sept ans (Master of Arts). Le programme, axé sur lapratique, permet aux étudiants de travailler en milieu hospitalier dès ledeuxième semestre de leur première année. Ils travaillent aussi à la cam-pagne par groupe de 18 à 20 étudiants.

Le département de médecine de STU a créé un programme de soins pal-liatifs pour les patients atteints de cancer dans 20 villes chinoises, avec descamionnettes mobiles et des petits bureaux pour recevoir les patients enphase terminale. En collaboration avec l’Université chinoise de Hong Kong,le département a également créé des cliniques clés en main pour opérer lacataracte – une décision prise par Li Ka-shing en personne – car la cataractenécessite peu de soins postopératoires et le processus de rétablissementpeut être surveillé par téléphone. L’École de médecine dispose de cinq hô-pitaux d’enseignement à Shantou, et elle prévoit de mettre en place un pro-gramme pour les hôpitaux et les administrateurs de santé publique.

Le vice-président de l’université, un Chinois qui a travaillé pendant 20 ansà l’Université de Calgary, s’est efforcé de transformer l’université en interneet par la base, en renforçant le poids des enseignants par un système parti-cipatif. « Pour transformer l’université étape par étape, il faut un systèmede gouvernance et des programmes de qualité, comme à Hong Kong » (16).Il reconnaît cependant une forte résistance. « Les meilleures universités ontdu très bon personnel, des élèves et anciens élèves brillants, des finance-ments et une bonne réputation, et tout le monde est écouté », mais le côtéchinois à STU « ne comprend tout simplement pas, ils ne saisissent pas l’im-portance d’avoir des procédures régulières, de l’équité et une organisationjuste ». C’est un problème commun à de nombreuses universités chinoises.

Une question fondamentale demeure : quel est le lieu du pouvoir institu-tionnel ? Après 20 années passées dans un pays démocratique comme leCanada, le vice-président tenait à transférer l’autorité du secrétaire du Particommuniste vers le corps enseignant. Il ne fait pas de doute qu’un tel chan-gement a été facilité par le fait que le vice-président contrôlait une partimportante du budget de l’université. Et bien que le secrétaire du Parti com-muniste se soit déclaré très ouvert d’esprit, le vice-président lui a an-noncé : « lorsque mon travail sera terminé, vous aurez moins de pouvoir ».

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8. David Lampton (éd.), Policy Implementation in Post-Mao China, Berkeley, University of CaliforniaPress, 1987, Introduction.

9. Sebastian Heilmann, « Policy Experimentation in China’s Economic Rise », op. cit., p. 26.

10. Everett M. Rogers, « Attributes of Innovations and their Rate of Adoption », in Everett M. Rogers(éd.), Diffusion of Innovation (5ème éd.), New York, Free Press, 2003, p. 219-66.

11. David Zweig, « Foreign Aid, Domestic Institutions, and Entrepreneurship: Fashioning ManagementTraining Centres in China », Pacific Affairs, vol. 73, n° 2, juillet 2000, p. 209-32.

12. Ces recherches sont le résultat direct d’entretiens et d’observations. D. Zweig et A. Liu se sontrendus à l’UIC pour y mener deux jours d’entretiens intensifs, tandis que D. Zweig a effectué levoyage jusqu’à Shantou. Les auteurs ont rencontré des enseignants, du personnel et des respon-sables des institutions lors de leurs visites à Hong Kong ou sur le campus de Shantou. Sur les deuxcampus, les auteurs ont organisé plusieurs réunions thématiques avec les étudiants et le corpsenseignant.

13. Anthony B. Chan, Li Ka-shing: Hong Kong’s elusive billionaire, Toronto, Macmillan Canada, 1996.

14. Entretien à Hong Kong avec un cadre supérieur de l’Université de Shantou, janvier 2009. La Fon-dation s’est engagée à verser 5,3 milliards de dollars HK supplémentaires pour soutenir STU, dont3,6 milliards ont été versés en 2010. Voir www.la lksf.org/en/project/education/stu (consulté le11 octobre 2012).

15. Entretien à Hong Kong avec un cadre supérieur de l’Université de Shantou, janvier 2009.

16. Entretien avec le président de STU à Hong Kong en 2009.

Article

Une assemblée des enseignants de la faculté dotée d’un comité des ensei-gnements, d’un comité de discipline académique et d’un comité des troi-sièmes cycles a été établi sous le contrôle des professeurs. Les politiques nepeuvent pas être modifiées selon le bon vouloir du président ou du secré-taire du Parti, et ce sont les professeurs, et non les administrateurs, qui for-ment la majorité des membres du conseil.

Cependant, comme c’est souvent le cas avec les aides extérieures, la du-rabilité est un problème majeur. La meilleure solution, selon le vice-prési-dent, est de faire en sorte que les administrateurs adhèrent aux nouvellespolitiques.

Nous sommes profondément conscients de l’importance de la « du-rabilité » ; nous discutons constamment des moyens de laisser unhéritage. Nous essayons de graver dans le marbre les changementset de faire évoluer les mentalités de nos collaborateurs en Chine etdes étudiants... Il faut que les personnes sur place adhèrent au pro-gramme, qu’elles travaillent avec vous, vous devez donc les inciter àlaisser leur culture traditionnelle de côté. Parfois nous changeons lecomportement des personnes, et pas juste la façon dont elles pen-sent, parce que nous avons besoin qu’elles nous suivent (17).

Cette transformation radicale a été rendue possible par de puissantsmoyens financiers.

L’un des problèmes majeurs des organisations étrangères en Chineconcerne la moindre qualification des administrateurs locaux par rapportau personnel de Hong Kong. De manière générale, les universités de HongKong sont très bien administrées à tous les niveaux. Anna Wu, conseillèrepour l’École de droit, considère qu’il existe un manque de personnel bienformé « qui peut travailler à la base pour faire avancer les choses et assurerla continuité [...] C’est pourquoi il a été nécessaire de renforcer la gestion,et même les qualifications des secrétaires de département » (18).

Là aussi, le financement a joué un rôle critique. L’université a envoyé laplupart de ses cadres supérieurs dans des programmes EMBA (ExecutiveMaster of Business Administration) en Chine, et notamment à l’École supé-rieure Cheung Kong, fondée par Li Ka-shing. Selon le vice-président, cetteformation a fait de ces administrateurs des personnes capables de résoudredes problèmes plutôt que des « opposants systématiques ». L’université aégalement invité la société de conseil McKinsey pour améliorer la gestion.

L’université est devenue fortement « internationalisée » avec de nom-breux liens à l’étranger centrés autour de Hong Kong. L’internationalisationconsiste à adopter de nouveaux standards et de nouvelles normes, et àavoir des caractéristiques particulières, et la LKSF donne aux réformateursla capacité de faire avancer ces changements. À travers la LKSF, l’universitédispose d’un réseau d’universités partenaires en dehors de Chine continen-tale, composé d’autres bénéficiaires de la Fondation. Le directeur du Bureaudes affaires étrangères est l’un des administrateurs à avoir fait preuve d’uneattitude positive en reconnaissant que bien que la réforme repose sur despersonnes extérieures, le système éducatif chinois a gêné sa mise en œuvre.

Il est difficile d’obtenir la permission d’organiser des programmesconjoints, notre volonté se heurte à de nombreuses complexités bu-reaucratiques. Nous avons un programme de « double diplôme »avec l’École de médecine de l’Université de Toronto. Le ministère del’Éducation nous pose des problèmes, et le gouvernement provinciala établi des lignes directrices difficiles à suivre.

Sous l’influence de Hong Kong, l’École de droit de STU tente d’innover.Bien que l’expertise d’Anna Wu porte plutôt sur le système de la commonlaw, elle a établi un programme sur « les mécanismes alternatifs de résolu-tion des conflits », comprenant l’arbitrage, la médiation et la négociation,autant de compétences utiles aux formations interculturelles. « C’est unchangement positif pour la société. C’est un programme unique en songenre, accrédité à Hong Kong par le Centre d’arbitrage international, et lepremier à être accepté par la Chine continentale ». En juillet 2007, l’Écolea délivré ses quatre premiers diplômes de premier cycle à des étudiants endroit, qui ont également reçu un Master of Arts (MA) en common law del’Université de Hong Kong, ce qui leur permet de travailler pour des cabinetsd’avocat, notamment Deacons et Baker Mackenzie.

Le programme de stage d’été de l’École de droit a permis d’introduire unebonne dizaine d’étudiants dans des institutions juridiques de la RAS. SelonMme Wu, l’expérience de Hong Kong incite les étudiants à faire le lien entreles deux systèmes dans leur tête.

Hong Kong fonctionne comme un gigantesque incubateur qui ouvreles esprits [...] Les étudiants doivent se livrer à des activités caritativesdurant un week-end, en apportant une aide juridique, en travaillantpour une cour des petites créances (*), ou en aidant la Commissionindépendante contre la corruption ou de nombreuses autres institu-tions juridiques.

De nombreux indicateurs reflètent le succès de ces efforts. Le programmed’arbitrage de l’École de droit est accrédité par l’Association internationaled’arbitrage et de médiation de Hong Kong (Hong Kong International Arbi-tration and Mediation Association) ; en 2008, il attendait l’accréditation del’Institut d’arbitrage du Royaume-Uni (Chartered Institute of Arbitration) (19).En 2006, 14 diplômés et anciens élèves sur 30 ont réussi l’examen nationaldu Barreau à leur premier essai, ce qui fait de l’École de droit la meilleurede Chine (le taux de réussite au niveau national se situe autour de 15 %).L’un des juges d’un des groupes spéciaux de l’Organisation mondiale ducommerce est issu de l’École de droit de STU. Quant au département demédecine, ses étudiants se situent en 2005 au troisième rang parmi 170écoles de médecine pour l’examen national à l’issu duquel sont délivrés lespermis d’exercice de la médecine, et au quatrième rang en 2006. Ils ont éga-lement remporté le deuxième prix d’excellence d’éducation supérieure.

United International College

L’United International College (l’UIC) est une coentreprise entre l’Univer-sité baptiste de Hong Kong (HKBU) et l’Université normale de Pékin (BJNU),située sur le campus délocalisé de cette dernière, dans la zone économiquespéciale de Zhuhai, dans la province du Guangdong. C’est la première insti-tution enseignant les arts libéraux(**) en Chine, et tous les cours sont dis-pensés en anglais. Les étudiants reçoivent un diplôme universitaire de HKBU(et un certificat du ministère de l’Éducation à Pékin). Le Conseil des sub-ventions universitaire du gouvernement de Hong Kong (UGC) certifie que

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17. Idem.

18. Entretien avec Anna Wu Hung-yuk, Hong Kong, 2009.

* Note du traducteur : il s’agit, dans les pays de common law, d’un tribunal dont la juridiction estlimitée aux plaintes civiles entre individus.

19. Entretien avec un cadre supérieur de STU, décembre 2008.

** Note de l’éditeur : disciplines littéraires dans le système universitaire anglo-saxon.

Amy Liu Mei Heung et David Zweig – Éduquer une nouvelle génération d'étudiants

les programmes de l’UIC répondent aux normes de Hong Kong, ce qui a étéfait en 2008. Contrairement aux universités du continent, où les étudiantssuivent à 90 % des cours d’éducation professionnelle, l’UIC n’est soumisequ’à un quota de 50 % (10 % de moins que HKBU), ce qui lui permet d’avoirun véritable programme de culture générale.

Selon l’actuel président de l’UIC, Ng Ching-fai, qui était président de HKBUau moment de la création de l’UIC, le concept moteur de l’institution estla  «  diversification  » (20). Il estime que l’éducation sur le continent esttrop « étriquée », c’est un système éducatif centré sur les examens qui,selon ses mots, « est encore plus horrible que celui de Hong Kong ». Maiscomme les examens garantissent une certaine équité, le ministère hésite àles remplacer. Ainsi, la réforme de l’éducation en Chine nécessite une diver-sification des intervenants en invitant des universités étrangères en Chine.En fournissant simplement les terrains, les universités de Chine continentalepeuvent importer une expertise étrangère à peu de frais. Les autres aspectsde la « diversification » comprennent des règles indiquant que les profes-seurs doivent se rendre tous les jours sur le campus et recevoir régulière-ment des étudiants dans leurs bureaux, une pratique rare en Chinecontinentale. Comme à Hong Kong, le corps enseignant gère les comités etle conseil de l’UIC, assure le président Ng, ils est le véritable dépositaire del’autorité académique. Les offres d’emplois sont ouvertes au public, etchaque département est responsable de l’embauche. Les promotions sontégalement contrôlées par l’UIC, mais il n’y a pas de quotas pour les promo-tions du ministère de l’Éducation à Pékin.

Le président Ng explique qu’en 1997, durant la crise financière asiatique,il a proposé que les universités s’installent en « offshore » sur le continentet exportent leur méthode d’enseignement, plutôt que de simplement fairevenir des étudiants chinois à Hong Kong. L’ancienne secrétaire permanentepour l’Éducation, Fanny Law, l’a encouragé dans cette voie. Mais il contesteque HKBU soit sur le continent pour l’argent ; le coût des professeurs et desinstallations, comme les bibliothèques, fait qu’il est difficile de faire des pro-fits. Il souligne plutôt la formidable opportunité de développement pour laplateforme éducative de HKBU. En outre, HKBU ne peut utiliser aucun fi-nancement alloué par l’UGC, il a donc emprunté 150 millions de dollars HKdu « Fonds pour la formation continue » de HKBU, de l’argent rapporté parl’enseignement proposé aux citoyens de Hong Kong.

Un formidable sentiment d’opportunité est présent parmi les cadres su-périeurs. Edmund Kwok Siu-tong, le vice-président exécutif, a constaté uneforte demande des étudiants de Chine continentale pour les services édu-catifs fournis par les universités de Hong Kong.

Près de 630 000 candidats du Guangdong passeront l’examen d’en-trée à l’université (National Higher Education Entrance Examination)cette année, mais le nombre de places disponibles dans les universitésprestigieuses de la province ne peut pas répondre à la demande [...]Les universités de Hong Kong doivent s’efforcer d’exporter leurs ser-vices éducatifs au-delà du territoire, et diriger des institutions sur lecontinent constitue un moyen efficace d’atteindre cet objectif (21).

Le lieu du pouvoirLe rôle du PCC sur le campus était l’un des problèmes clés de l’UIC. Tandis

que l’université, comme d’autres écoles en Chine, doit coordonner ses pro-grammes avec le ministère de l’Éducation et le bureau provincial de l’édu-cation, son président n’est pas directement responsable devant le secrétairedu Parti de l’université. En fait, il n’y a pas de comité du Parti ; et selon le

président Ng, le représentant du PCC sur le campus n’a pas de réel pouvoir.À l’origine, il ne devait y avoir aucun représentant du PCC sur le campus,mais l’UIC a craint que sans bureau du PCC, le ministère de l’Éducation neles suspecte d’essayer de fonctionner par eux-mêmes. De plus, « si l’UICétait réellement dirigée par le secrétaire du Parti, l’institution n’aurait aucuneraison d’être. En quoi serions-nous différents des autres universités chi-noises ? » (22).

Il a tout de même fallu se battre pour en arriver là. Comme se souvientl’un des professeurs, l’école a dû repousser la tentative d’introduire un se-crétaire du Parti zélé. Au printemps 2005, BJNU a envoyé deux responsablesà l’école, l’un en tant que secrétaire général de l’université et l’un en tantque vice-président, qui devait être le secrétaire du Parti. Cependant, per-sonne n’avait informé ce dernier qu’il n’aurait aucune réelle autorité. Cen’est que lorsqu’il a assisté à la première réunion du Conseil, qui s’est dé-roulée entièrement en anglais, une langue qu’il ne parlait pas, qu’il s’estrendu compte que personne ne lui demandait sa permission. Il a alors faitvaloir que puisqu’il était secrétaire du Parti et que la réunion ne pouvait passe dérouler sans sa participation active, elle devait se tenir en mandarin. Àce moment, le président Ng l’aurait pris à part pour lui promettre de luifaire un résumé à l’issue de la réunion, avant de poursuivre en anglais.Lorsque le secrétaire du Parti a donné suite par courrier au président Ng, eninsistant pour que l’école soit dirigée par le secrétaire du Parti du PCC, leprésident a annoncé à BJNU que cet homme ne pouvait pas prétendre rem-plir ses fonctions, car il ne parlait pas un mot d’anglais. Il a été remplacé auposte de secrétaire du Parti par le secrétaire général, qui joue un rôle discret,se concentrant principalement sur le travail de la Ligue de la jeunesse com-muniste, dont la plupart des étudiants chinois sont membres.

Programmes innovantsIl est possible que la première innovation de l’UIC ait été d’importer le

système éducatif de Hong Kong dans sa totalité en Chine. Selon l’un desprofesseurs :

Très rapidement, nous avons obtenu de bons résultats. Les parentsdes élèves ont compris les avantages d’une éducation en anglais. Parailleurs, tous les professeurs enseignent ; même les professeurs lesplus réputés passent beaucoup de temps avec les élèves, contraire-ment aux universités du continent où les professeurs de renom pas-sent peu de temps dans une salle de classe. Ici, la notoriété ne faitpas de différence (23).

En regardant attentivement certains programmes, on constate des inno-vations similaires à celles de STU.

Le département des sciences environnementales délivre un diplôme deformation ISO (Organisation internationale de normalisation). L’industriemanufacturière chinoise étant étroitement liée au marché mondial, il y aune forte demande d’auditeurs et d’inspecteurs ISO sur le continent. Il sem-ble pourtant que seul le ministère de la Protection environnemental organiseles programmes d’évaluation environnementale grâce auxquels on peut ob-tenir les accréditations ISO. L’UIC est donc la première université du conti-

80 p e r s p e c t i v e s c h i n o i s e s • N o 2 0 1 3 / 1

20. Entretien personnel d’Amy Liu avec le président Ng Ching-fai.

21. Gary Cheung, « Grooming talent », South China Morning Post, 20 avril 2009.

22. Entretien avec un professeur titulaire, l’UIC, Zhuhai, mars 2011.

23. Entretien avec un professeur titulaire, l’UIC, Zhuhai, mars 2011.

Article

nent à proposer ce programme. L’un des grands avantages de ce cours op-tionnel est qu’il permet de délivrer des accréditations et de trouver rapide-ment un emploi. Après ce cours, les étudiants n’ont qu’à suivre uneformation de deux semaines avant de pouvoir délivrer la norme ISO sur leterritoire chinois. Par ailleurs, grâce à l’accord de partenariat économiquerenforcé (CEPA), une fois que les étudiants ont fini leur matière de spécia-lisation et le cours d’évaluation environnementale, ils peuvent passer le testdes auditeurs à Hong Kong, ce dernier étant valable sur le continent et dansla RAS.

La comptabilité est la filière la plus populaire à l’UIC. La doyenne del’École de commerce, elle-même professeur de comptabilité, dispose d’unexcellent réseau dans la région, ce qui permet à l’école de proposer lesmeilleurs stages, de très bons postes à ses diplômés, un excellent pro-gramme de tutorat et des conférences de très haut niveau. Les étudiantsreconnaissent également la qualité de ce programme : les quatre grandesentreprises de comptabilité recrutent sur ce campus, et comme les profes-seurs de l’UIC ont travaillé à Hong Kong, il y a toujours des postes pour lesdiplômés. Les parents, qui sont conscients de cela, poussent les étudiantsà suivre cette filière. Contrairement aux étudiants en journalisme interna-tional, l’UIC était le premier choix de la plupart des étudiants en compta-bilité. Troisièmement, le programme est bien connu dans le delta de larivière des Perles, où les entreprises reconnaissent la valeur de « l’expé-rience Hong Kong », que les étudiants peuvent obtenir, même en ayantétudié sur le continent. Enfin, les étudiants acquièrent de bien meilleurestechniques de présentation à l’UIC que dans la plupart des autres écoles,principalement parce qu’ils parlent couramment anglais, une langue qu’ilsdoivent absolument maîtriser pour travailler dans des joint ventures enChine ou à Hong Kong.

Cette qualité des compétences de présentation des élèves a été confirméepar leurs résultats dans le concours organisé à Pékin par la société des comp-tables agréés de Hong Kong (Quality Program Case Competition). Après êtrearrivés seconds en 2009, ils ont remporté le titre en 2010, et une deuxièmeéquipe de Hong Kong est arrivée quatrième. La compétition étant en anglais,les étudiants de l’UIC ont un avantage certain.

En 2009, le département de comptabilité de l’UIC a été le premier pro-gramme de Chine continentale à être accrédité par l’Institut des expertscomptables agréés de Hong Kong (HKICPA pour Hong Kong Institute of Cer-tified Public Accountants). Après avoir obtenu leurs diplômes, les étudiantsdeviennent automatiquement membres du HKICPA, et après trois ansd’exercice, ils peuvent passer un examen et devenir eux-mêmes expertscomptables agréés de Hong Kong. Le programme est également reconnupar les experts comptables agréés d’Australie depuis 2007.

Un groupe de discussion constitué d’étudiants en comptabilité et en jour-nalisme international a montré l’étendue des changements normatifs parlesquels sont passés certains étudiants. En discutant avec eux, on a l’im-pression d’être dans un vrai campus, comme il y en a partout dans le monde,où les étudiants discutent librement et échangent leur point de vue. Commel’explique l’un d’eux, « nous tolérons mieux les opinions différentes ». Cetteattitude a été forgée grâce au programme WPE (« Whole Person Educa-tion », « Éduquer l’individu dans son intégralité ») de HKBU qui comprenddes cours d’apprentissage expérientiel, de sensibilisation environnementale,d’intelligence émotionnelle, de gestion de l’adversité, de développement ex-périentiel, de vie universitaire et de culture du sport. Les étudiants doiventégalement se livrer à des activités bénévoles à l’étranger pour qu’ils aienttous une expérience internationale.

Cependant, comme le dit l’un des étudiants en journalisme, ce boulever-sement des valeurs est « à double tranchant », parce qu’après avoir étudiéavec des professeurs étrangers dans un environnement libre, les étudiantsdoivent mettre leurs nouvelles valeurs en sourdine s’ils veulent faire carrièredans les médias chinois contrôlés par le pouvoir politique. Une étudiantene voulait même pas partir étudier à l’étranger parce qu’elle craignait dedevenir « une réfugiée politique », tandis qu’une autre a admis qu’avantd’aller à l’UIC, elle n’avait aucune conscience politique et qu’elle ne savaitpas ce qu’il s’était passé le 4 juin. Elle vivait, selon ses mots, « dans une cageprotégée ».

Le département de journalisme est conscient de cette contradiction. Unprofesseur témoigne : « Nous leur apprenons qu’ils vivent dans une Chineen pleine mutation, ils peuvent donc choisir d’être du côté de la réforme,mais ces opinions doivent être fondées sur une approche analytique ; ilsdoivent comprendre le monde dans lequel ils vivent ». Les étudiants com-prennent cette situation ; comme l’explique l’un d’eux : « Si nous devonstravailler pour un groupe de média en Chine, nous devrons nous adapter àla situation, mais en notre for intérieur, nous connaissons la vérité ».

Ainsi, les individus qui veulent réussir, tout comme les institutions étran-gères qui veulent s’intégrer quelque peu à la réalité chinoise, doivent fairedes concessions.

Les étudiants ont également développé un point de vue international.« Nous avons presque tous une perspective internationale ; nous pensonsde manière indépendante et nous avons soif de nouveauté et d’excitation »,confie l’un d’eux. Certains étudiants, dont les parents ont les moyens, envi-sagent de faire leur « service volontaire » du programme WPE en Afrique.Les étudiants se moquent de leurs anciens camarades de lycée qui ne peu-vent pas comprendre pourquoi ils font un stage à l’étranger « sans êtrepayés ».

Problèmes avec l’environnement extérieur

En tant que nouvelle organisation étrangère qui explore des territoires in-connus en Chine, l’UIC est confronté à des difficultés. Selon un cadre supé-rieur, « le chemin n’a jamais été de tout repos », les règles bureaucratiques,les forces gouvernementales extérieures et même le partenaire de l’UIC, BJNU,entrave la bonne marche des activités quotidiennes. Pour certains professeurs,le ministère de l’Éducation se désintéresse du succès de l’école. Même le ma-nuel scolaire officiel, qui célèbre les cinq ans de l’UIC, explique que « malgréune approbation spéciale du ministère de l’Éducation, l’UIC a eu du mal à sefaire accepter à cause de son caractère innovant ». Un responsable du minis-tère de l’Éducation, qui a effectué une visite en 2008, semblait se couvrir ensoulignant qu’l’UIC était « seulement un programme pilote » (24).

De fait, les problèmes sont survenus assez tôt. N’ayant reçu une approba-tion formelle qu’en juillet 2007, l’UIC n’a eu qu’une demi-journée pour sé-lectionner ses étudiants sur les listes nationales. Les administrateurs ontenvisagé de reculer l’ouverture d’une année, mais ils ont continué – qui sa-vait ce qu’il pouvait arriver l’année prochaine ? Face à cette détermination,le ministère a reculé les dates d’inscription de quelques jours. De même,lorsqu’ils ont voulu doter l’école de la personnalité juridique (faren) chinoise,pour signer des contrats avec les professeurs et gérer les affaires dans la lé-galité, la situation a été complexe :

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24. UIC 5th Anniversary, Five Years of Exploration and Innovation, Zhuhai, United International College,2010, p. 14.

Amy Liu Mei Heung et David Zweig – Éduquer une nouvelle génération d'étudiants

Nous avons été bringuebalés pendant six mois. Tout le monde se ren-voyait la balle et refusait de prendre la responsabilité. Nous voulionscommencer les cours, mais nous n’avions pas d’existence légale.HKBU a dû engager tous nos professeurs. Même lors de l’ouvertureofficielle de l’école en octobre 2005, nous n’avions toujours pasd’existence légale (25).

La promotion du corps enseignant est problématique. Le ministère del’Éducation fixe le nombre de professeurs titulaires, associés ou assistantsque les universités publiques peuvent promouvoir. Mais l’UIC n’est pas sou-mis à ces quotas et détermine seul le nombre de promotions. Le bureau del’Éducation du Guangdong aurait contesté cette situation, en qualifiant l’UICde « phénix » débarquant en Chine depuis l’étranger. Deuxièmement, l’UICest soumise à des contraintes à cause de son caractère privé. Bien que l’ins-titution ait des liens étroits avec le bureau du programme Fulbright à HongKong, elle ne peut pas obtenir de chercheur Fulbright à plein temps ; le mi-nistère les réserve aux universités publiques placées sous son autorité. Lesprogrammes de l’UIC en sciences politiques et les relations internationalesutilisent donc le programme Fulbright pour les chercheurs séniors afin defaire venir deux personnes pendant six semaines ; de même, chaque se-maine, des chercheurs Fulbright de Hong Kong viennent pour des séminairesde trois heures.

Troisièmement, le personnel enseignant a moins d’avantages que les pro-fesseurs d’autres universités de Zhuhai. Tous les professeurs des zones éco-nomiques spéciales reçoivent des primes, car la vie dans les ZES est pluschère que dans les autres régions de Chine. Mais la faculté de l’UIC ne reçoitaucune prime. De même, les Chinois du continent qui reviennent au paysaprès leurs études pour enseigner, les fameuses « tortues de mer » (hai guipai), ont de meilleurs logements, des bourses d’étude pour leurs enfants etun accès à des fonds de démarrage pour leurs recherches ; mais les « tortuesde mer » de l’UIC n’ont aucun de ces avantages. Comme le fait remarquerl’un des professeurs, « le gouvernement considère que nous ne faisons paspartie de la famille, nous sommes des citoyens de seconde zone ».

Les étudiants de l’UIC n’ont pas le même traitement que les autres étudiantsdes universités du continent. l’UIC a remplacé les cours de marxisme-léni-nisme par des cours de culture nationale (guo qing) ; mais les étudiants quin’ont pas suivi de cours de marxisme-léninisme ne peuvent pas entrer dansles programmes de second cycle du continent. Ironiquement, si les étudiantspassent la partie de l’examen de service civil certifiant leur connaissance dumarxisme, ils peuvent tout de même travailler pour le gouvernement chinois ;mais s’ils ne suivent pas un cours universitaire officiel sur le marxisme, lesportes des programmes de second cycle chinois leur restent fermées. Parconséquent, un nombre significatif d’étudiants talentueux dans ces formationsprésentent leur candidature à HKBU ou dans d’autres institutions en dehorsde Chine continentale, ce qui est peut-être le but du ministère de l’Éducation.Il n’en reste pas moins que le départ de ces étudiants constitue une pertepour la Chine.

Les projets de collaboration étroite avec BJNU n’ont pas abouti, et les rela-tions sont devenues houleuses après l’établissement de l’UIC. Au départ, lamoitié du corps enseignant de l’UIC devait venir de BJNU, mais aucun pro-fesseur de BJNU n’avait un niveau d’anglais suffisant selon les critères de l’UIC.Deuxièmement, l’UIC avait prévu de réduire ses coûts en utilisant la biblio-thèque de BJNU, mais l’espace limité de la bibliothèque de BJNU a contraintl’UIC d’avoir ses propres installations. Enfin, étant donné que 20 000 étudiantssont logés sur le campus de BJNU, l’espace est une préoccupation de tous les

instants. Aujourd’hui, BJNU convoite le campus de l’UIC et attendrait la findu contrat (qui doit encore durer 25 ans) pour récupérer les terrains et lesinstallations.

L’une des idées proposées serait d’incorporer l’UIC à l’Université de Zhuhai.Si elle devenait une université locale au sein du système éducatif chinois,les contraintes externes pourraient disparaître. Cependant, cela ferait dis-paraître la spécificité de l’UIC en même temps que les nombreuses difficul-tés que pose son fonctionnement sur le continent.

Le futur

L’expérience de STU semble être plus durable que celle d’UIB. Les pochesprofondes et l’excellente réputation de la fondation Li Ka-shing ont soutenucet effort. La résistance interne a apparemment été vaincue par l’injectionde fonds en 2003. Par ailleurs, l’environnement extérieur semble moins hos-tile à STU, bien que les deux institutions doivent toutes deux affronter lesobstacles bureaucratiques posés par le bureau de l’Éducation du Guangdonget le ministère de l’Éducation à Pékin. Cependant, malgré l’opinion affirmantqu’il est plus difficile de transformer des vieilles institutions plutôt que decréer des petits environnements totalement nouveaux, la réforme de STUpar un groupe de Hongkongais semble avoir été couronnée de succès. Leprésident a pu apporter des modifications profondes à la gouvernance in-terne ; et il est intéressant de noter que les deux écoles ont su faire barrageau secrétaire du Parti communiste.

Alors que le financement de Shantou n’a pas posé de problèmes, l’expé-rience de l’UIC est menacée par des difficultés financières. L’UIC doit rever-ser 8 % de ses revenus annuels à HKBU pour rembourser le prêt, 15 % àBJNU pour le loyer et les frais d’utilisation de la « marque » (respectivement10 et 5 %) (26) et entre 50 et 60 % à ses salariés, ce qui laisse peu d’argentpour acheter des livres et de nouveaux équipements. C’est pourquoi les fraisd’inscription augmentent chaque année, atteignant 60 000 yuan pour l’an-née scolaire 2011-2012. L’UIC, ne pouvant ou ne voulant pas augmenterses salariés, ne parvient pas à s’assurer l’engagement à long terme de sonpersonnel. Les règles de titularisation sont assez opaques ; les décisions fi-nales dépendent des cadres supérieurs qui usent de ce pouvoir à leur guise.De même, de nombreux cadres moyens, qui sont de la région, ne restentpas longtemps, ce qui crée un vide dans la mémoire institutionnelle et com-plique la vie des étudiants autant que des nouveaux enseignants en quêtede conseils utiles.

82 p e r s p e c t i v e s c h i n o i s e s • N o 2 0 1 3 / 1

25. Entretien avec un professeur titulaire, l’UIC, Zhuhai, mars 2011.

26. Vivian Kwok, « Colleges set aside mainland projects: Universities lose steam in cross-border race »,South China Morning Post, 26 juillet 2010, p. 1-2.

Article

Pourcentage des fonds du projet Pourcentage des personnes interrogées

100 % 17

75-99 % 12

50-74 % 14

25 – 49 % 24

Moins de 25 % 33

Tableau 1 – Pourcentage des fonds de projets cléstransférés de Hong Kong vers la Chine continentale

Source : Entretiens avec des Chinois du continent à Hong Kong, 2001-2, et 2004.Notes : N= 51, certaines personnes n'avaient pas de projets ou ont choisi de ne pas répondre.

Enfin, la direction de l’UIC est plus visionnaire qu’à l’université de Shantou.En 2011, certains membres de la faculté étaient assez gênés par la démis-sion imminente du vice-président Kwok, qu’ils considéraient comme le di-rigeant ayant le plus de « vision » (27). Ils estimaient que le président Ng,membre de l’Assemblée nationale populaire, et le vice-président Zee, membrede la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC), « man-quaient d’engagement vis-à-vis d’une conception humaniste de l’éducationavec un apport étranger ». Ils pensent que les deux dirigeants refusent deprendre des risques, ou de « jouer avec les limites de ce qui est autorisé ». Levice-président Kwok en revanche, demandait souvent aux membres de la fa-culté d’organiser des programmes innovants de manière discrète, plutôt quede demander la permission. Comme l’a remarqué l’un des professeurs, bienqu’« il ne puisse rien avoir de semblable en Chine », l’engagement en faveurd’un enseignement humaniste à l’UIC pourrait disparaître.

Toujours est-il que le modèle choisi par HKBU, la mise en place de pro-grammes ou d’institutions transnationales en Chine, fait école. L’Universitéde Nottingham possède un campus à Ningbo, tandis que Liverpool a établiune université à Suzhou en partenariat avec la prestigieuse Université XianJiaotong de Xi’an. Les Américains commencent aussi à venir, l’Université deNew York (NYU) a notamment ouvert un campus à Shanghai. Ironiquement,tandis que les controverses sur l’utilisation des fonds du Conseil des sub-ventions universitaires de Hong Kong (UGC) obligent les universités deHong Kong à reconsidérer les projets de développement de campus sur lecontinent (28), le reste de la planète commence à s’y installer.

Aux portes de la Chine continentale : leschercheurs chinois à Hong Kong

Les chercheurs chinois formés à l’étranger ont été nombreux à obtenir despostes dans des universités de Hong Kong (29), car les salaires, les installationsde recherche, les financements, et la liberté universitaire sont bien meilleurssur le territoire que dans n’importe quelle université du continent. Pour en-quêter sur ce phénomène, D. Zweig et son équipe ont procédé à des entretiensindividuels avec 24 chercheurs chinois qui travaillaient à Hong Kong. En 2004,en effectuant une recherche à partir des noms écrits en pinyin, D. Zweig atrouvé 401 chercheurs universitaires enseignant à Hong Kong, tandis que Liua estimé que 450 chercheurs enseignaient dans les huit universités du terri-toire (30). L’ensemble des 401 chercheurs a été contacté par courriel pour par-ticiper à une enquête en ligne. Les informations tirées des réponses des 70professeurs qui ont participé à l’enquête ont été combinées avec les premiersentretiens à Hong Kong, créant ainsi la base de données pour cette étude (31).

Dans ce groupe, une majorité travaillait à Hong Kong depuis plus de 10ans, et 47 d’entre eux avaient le statut de résident permanent (32). La plupartont été formés dans les meilleures universités occidentales : sur les 41 per-sonnes pour lesquelles nous disposons d’informations, huit ont étudié àl’Université de Toronto, quatre à Princeton, trois au MIT, quatre à Columbia,cinq à l’Université de Colombie britannique, trois dans l’Université de l’Étatde l’Ohio, et quatre en Californie. Parmi les chercheurs, 66 % sont des pro-fesseurs titulaires ou associés (11 % sont titulaires), 56 % ont été diplômésaux États-Unis, et 19 % ont obtenu leur doctorat au Canada.

En tant qu’universitaires de haut niveau, ils collaborent activement avecla Chine continentale et s’efforcent d’attirer ses meilleurs étudiants. De fait,Hong Kong encourage les projets de collaboration entre ses universitaireset les chercheurs du continent. Le Conseil des subventions pour la recherchede Hong Kong (RGC) et la Fondation de Chine pour les sciences naturelles

(NSFC) proposent des financements pour promouvoir des projets entreHong Kong et le continent. C’est pourquoi une partie importante des fondsde recherche levés par des universitaires de Hong Kong vont en Chine (Ta-bleau 1). L’une des personnes interrogées a clairement exprimé sa volontéde consacrer une grande partie de ses fonds de recherche à des dépensesen Chine ou à des collègues chinois, car il avait « de la sympathie pour leursituation. Si vous regardez les dépenses point par point, nous n’avons pasbesoin de dépenser de l’argent pour des vols vers l’Amérique, donc nouspouvons dépenser plus d’argent en Chine » (33). Les chercheurs chinois àHong Kong avaient le désir d’améliorer les conditions de recherche de leurscollègues restés sur le continent (34). En outre, les chercheurs chinois à HongKong interrogés étaient de plus en plus impliqués dans l’enseignement, larecherche, l’organisation ou la participation à des conférences sur le conti-nent. Plus récemment, via le « Plan 1000 talents » commencé en 2008, plusd’une dizaine de Chinois travaillant à Hong Kong ont fait partie des « 1000chercheurs talentueux », et ils passent deux à trois mois par an sur le conti-nent grâce à ce programme (35).

Les différents modes d’interaction des Chinois du continent basés à HongKong et aux États-Unis (Tableau 2) montrent que les universitaires basés àHong Kong ont plus d’échanges avec le continent que ceux basés aux États-Unis (36). En utilisant six critères (détaillés dans le tableau 2), nous avons cal-culé que le niveau moyen d’interaction pour les universitaires de Chinecontinentale aux États-Unis était de 1,5 contre 2,9 pour les chercheurs ducontinent basés à Hong Kong.

Il est clair que la proximité géographique joue un rôle majeur, Pékin etShanghai étant respectivement situés à quatre et deux heures d’avion. Enoutre, les universités de Hong Kong encouragent fortement leurs collabo-rateurs à travailler avec leurs collègues du continent. Il convient tout demême de noter que l’enquête en ligne a été effectuée avant la plus récentevague d’intérêt pour la Chine dans de nombreuses universités américaines.

Formation des étudiants de Chinecontinentale à Hong Kong

À la vieille du transfert de souveraineté, les responsables universitaires deHong Kong se réjouissaient de pouvoir récupérer les meilleurs élèves du

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27. «  Prof. Edmund Kwok–a UICer at all times  », http://uic.edu.hk/en/index.php?option=com_content&task=view&id=1211&Itemid=217 (consulté le 13 avril 2011).

28. Vivian Kwok, « Colleges set aside mainland projects », art. cit.

29. Liu Mei-heung, Zhong Gang jiaoyu da ronghe: bei shang nan xia (L’intégration de l’éducation deHong Kong et de la Chine : du Sud vers le Nord), Hong Kong, Ya dian wenhuan qiye youxian gongsi,2007.

30. La recherche a été conduite par Han Donglin, à l’époque étudiant en doctorat à HKUST, et quioccupe actuellement un poste de professeur associé à l’Université du peuple à Pékin.

31. Voir David Zweig, « Parking on the Door Step », Center on China’s Transnational Relations, Docu-ment de travail n° 3, HKUST, www.cctr.ust.hk/research/working_paper.html (consulté le 20 sep-tembre 2012).

32. Il est nécessaire de vivre à Hong Kong pendant plus de sept ans pour prétendre au statut de rési-dent permanent.

33. Zweig, « Parking on the Doorstep », art. cit.

34. Entretien à Hong Kong avec un professeur à HKUST, 2007.

35. Entretien à Hong Kong avec un professeur à HKUST, mai 2012. Pour une analyse de ce plan misen place par le département de l’organisation du PCC, voir David Zweig et Wang Hui-yao, « CanChina Bring Back the Best? The Communist Party Organizes China’s Search for Talent », The ChinaQuarterly (à paraître).

36. En 2004, nous avons cherché des universitaires basés aux États-Unis en divisant les universités amé-ricaines en trois groupes de 100 universités. Elles ont ensuite été divisées en fonction de la taille deleur dotation. Nous avons sélectionné 20 universités dans chaque groupe, recherché dans les sitesinternet de ces 60 universités les noms des professeurs en pinyin, puis nous leur avons demandé departiciper à une enquête en ligne. Sur les 756 professeurs contactés par courriel, 94 ont répondu.

Amy Liu Mei Heung et David Zweig – Éduquer une nouvelle génération d'étudiants

continent. Les parents hongkongais n’encourageant généralement par leursenfants à choisir une carrière qui n’est pas financièrement lucrative, les bonsassistants de recherche dans de nombreuses disciplines étaient très deman-dés sur les campus de Hong Kong, surtout si le recrutement se limitait auxétudiants locaux. Deuxièmement, en 1997, les universités du continentétaient loin de figurer parmi les plus prestigieuses du monde (37) ; des dizainesde milliers d’étudiants chinois issus des meilleures universités du continentpartaient finir leurs études en Occident (38). Malgré l’inquiétude de voir lesChinois du continent inonder les universités de Hong Kong, les administra-teurs universitaires ont décidé de déployer une stratégie visant précisémentà les attirer.

Un mécanisme d’inscription avorté, 1997-99

À la vieille du transfert de souveraineté de Hong Kong vers la Chine, cer-tains administrateurs universitaires de la RAS ont fait preuve d’un excès dezèle pour attirer les étudiants de Chine continentale. Afin de protéger HongKong du flot massif d’étudiants du continent, les procédures pour obtenirun visa étudiant à Hong Kong prenaient de nombreux mois. Les candidatsacceptés à la fin du printemps et au début de l’été, au moment de la publi-cation des résultats en Chine, ne pouvaient pas arriver à temps pour la ren-trée, à l’automne. De plus, ces étudiants talentueux passaient rarement plusd’une année dans les universités de Hong Kong, considérées comme untremplin avant de poursuivre un cursus en Occident, laissant les chercheurssans assistants pour leurs travaux de laboratoire ou de recherche. Plusieursuniversités ont donc proposé un programme au ministère de l’Éducation àPékin par lequel les départements des universités de Hong Kong réservaientun nombre de places fixes aux étudiants de premier cycle des meilleurs dé-partements de Chine continentale, lesquels sélectionnaient 5 % de leursélèves les plus brillants pour les envoyer à Hong Kong ; ces étudiants étaientsi bons que les procédures pouvaient commencer avant l’examen final. Unefois nominés, ces étudiants ne pouvaient soumettre leur candidature à au-cune autre université dans le monde. Par ailleurs, les départements deHKUST ne pouvaient pas refuser les étudiants sélectionnés, car ces dernierss’engageaient à ne pas présenter leur candidature ailleurs.

Ce programme a été très controversé ; certains professeurs estimaient quec’était aux universités, et non aux bureaucrates de Chine continentale, desélectionner leurs étudiants. Les départements de sciences sociales crai-gnaient en outre que seuls les étudiants ayant un profil politiquement cor-rect soient sélectionnés (39). Par ailleurs, les bourses de cycle supérieur à Hong

Kong permettaient de gagner plus de 15 000 HKD par mois, trois fois le sa-laire d’un professeur de Chine continentale ; laisser des responsables conti-nentaux contrôler l’accès à une telle manne pouvait par conséquentencourager les trafics d’influence. Enfin, les étudiants du continent perdaientleur liberté de choix en posant leur candidature dans une seule institution.

Cependant, le climat sur les campus des universités était assez hostile,avec une tendance à dénigrer les liens avec le continent. Un départementayant décidé d’adhérer à ce dispositif avait reçu l’assurance qu’il pouvait re-jeter des candidats ; mais lorsqu’il a essayé de le faire, il a été contraint parun vice-président d’accepter plusieurs étudiants rejetés. Un autre départe-ment qui avait refusé de rejoindre le programme a été publiquement accusépar le président de l’université d’être « anticommuniste » – une étiquettedifficile à porter en 1997. Le département a remplacé le coordinateur chargédes seconds cycles, mais l’année suivante, la faculté a insisté pour que lesdépartements de Chine continentale proposent cinq étudiants, parmi les-quels l’université pouvait sélectionner une recrue pour passer un entretien.En fait, l’un des professeurs a fait le voyage à l’Université de Pékin pour fairela sélection. Mais finalement, le programme a été interrompu au bout dedeux ans à cause de l’hostilité qu’il a suscité dans les universités de HongKong.

Évolution des points de vue sur les étudiants deChine continentale à Hong Kong

Au lendemain de la crise financière asiatique de 1997 et de coupes dansles budgets de l’éducation, les universités de Hong Kong ont développé denombreux programmes auto-financés. Mais étant donné la demande limitéeà Hong Kong et la progression de la demande d’éducation supérieure liée àl’enrichissement des ménages sur le continent, les universités de la RAS ontvu dans la Chine continentale une nouvelle source de clients disposant demoyens. Comme l’a remarqué Glenn Shive, « il y a eu un changement subtildes mentalités qui sont passées du précepte “trouvons les meilleurs étu-

84 p e r s p e c t i v e s c h i n o i s e s • N o 2 0 1 3 / 1

37. Ce ne fut qu’en 1998, à l’occasion du 100ème anniversaire de l’Université de Pékin, que l’ancienprésident Jiang Zemin a lancé la formule d’« universités de niveau international » et promis demobiliser les fonds pour relever ce défi.

38. En 1997, environ 26 % des étudiants de Chine continentale qui entamaient un programme desecond cycle entraient dans des universités étrangères. David Zweig, Internationalizing China: Do-mestic interests and global linkages, Ithaca (NY), Cornell University Press, 2002, p. 177.

39. Une lettre de recommandation du département de sciences politiques de l’Université de Xiamenindiquait à propos d’un étudiant, que ses capacités « théoriques » (lilun shang) étaient faibles,mais qu’il avait d’excellentes capacités « organisationnelles » (zuzhi). Ces « premiers de la classe »ne font pas nécessairement les spécialistes en sciences sociales les plus ouverts d’esprit.

Article

HK % U.S. %

Recherches en collaboration avec des chercheurs du continent 66,3 43,6

Organisation de séminaires et de minicours en Chine 67,3 48,9

Formation d'étudiants du continent 63,3 29,8

Publication d'articles scientifiques sur le continent 38,3 17

Édition d'ouvrages en collaboration avec des chercheurs du continent 16,3 13,8

Conseil auprès d'entreprises chinoises ou étrangères en Chine 5,1 5,3

Nombre total de personnes interrogées 98 94

Tableau 2 – Modes d'interaction avec la Chine continentale à Hong Kong et aux États-Unis

Source : Entretiens avec des universitaires chinois du continent à Hong Kong, 2001-2, et 2004. Les Chinois du continent aux États-Unis ont été interrogés en 2004.Note : Le score correspond au pourcentage de professeurs ayant sélectionné ce mode. Il était possible de sélectionner plus d'un mode.

diants chinois et Hong Kong payera” à l’idée “trouvons de bons élèves chi-nois qui ont eux-mêmes les moyens de payer” pour faire leurs études uni-versitaires à Hong Kong » (40).

Le nombre d’étudiants du continent désirant étudier à Hong Kong a for-tement augmenté après 2002, et plus particulièrement après septembre2005, lorsque la nouvelle politique migratoire de Hong Kong a autorisé lesétudiants à rester après leurs études. Le gouvernement a également relevéles quotas d’étudiants du continent dans les programmes de deuxième ettroisième cycles et augmenté la part des étudiants de premier cycle « nonlocaux » de 2 % en 2002 à 10 % en 2005. La réaction a été immédiate –en 2006, 50  000 étudiants ont présenté leur candidature pour 1 400places (41). Le gouvernement de Pékin a également approuvé une nouvellepolitique permettant aux universités de Hong Kong et de Macau de recrutersur le continent des étudiants finançant eux-mêmes leurs études. Pour at-tirer les étudiants chinois les plus doués, les universités de Hong Kong ontproposé des dizaines de bourses chaque année, et après le diplôme, les étu-diants ont eu la possibilité d’effectuer un second cycle ou de travailler àHong Kong, et de devenir résidents permanents après sept ans.

Les programmes de deuxième et troisième cycles à Hong Kong ont été unexcellent tremplin pour les Chinois désirant poursuivre leurs études à l’étran-ger. Les professeurs de Hong Kong titulaire d’un doctorat d’une universitéétrangère prestigieuse peuvent facilement recommander leurs étudiants auxmeilleures écoles du monde. En 2010, les étudiants chinois représentaient40 à 80 % des étudiants de second cycle à Hong Kong selon les universités,et parmi les 10 000 étudiants de Chine continentale dans les universités deHong Kong, la moitié effectuait des études de deuxième et troisième cy-cles.

Quels sont les avantages de poursuivre des études à Hong Kong plutôt qu’àl’étranger ? Est-ce que des études à Hong Kong garantissent l’obtention d’unemploi en Chine continentale ? Est-ce que les étudiants de Chine continentalerecommandent à leurs collègues d’étudier à Hong Kong ? Les réponses à cesquestions nous permettront d’évaluer le rôle de Hong Kong en tant que centrede formation d’une nouvelle génération d’étudiants de Chine continentale.

À Hong Kong, les étudiants chinois peuvent bénéficier d’une éducationinternationale en anglais, tout en restant proches de leurs familles, amis oufiancés. Tandis qu’un rapport de 2007 annonçait que seulement 2 % desétudiants de Chine continentale à Hong Kong retournaient chez eux (42), desentretiens avec des étudiants de Chine continentale à la HKUST effectuésen 2009 suggèrent qu’après l’obtention de leur master, environ un tiers desétudiants avait l’intention de passer un doctorat à l’étranger, un tiers voulaitrester à Hong Kong, et un tiers souhaitait rentrer chez eux. Pour le premiergroupe, Hong Kong reste un tremplin pour aller en Occident, tandis que lesecond groupe adopte une stratégie de migration apparue après la libérali-sation des politiques migratoires du gouvernement de la RAS (43).

Enquête sur les étudiants de Chine continentalerevenus de Hong Kong

Pour évaluer le rôle de Hong Kong dans la formation des étudiants chinoisde retour chez eux, le Centre pour les échanges académiques (CSCSE pourChinese Service Center for Scholarly Exchange), sous l’égide du ministèrede l’Éducation chinois, a effectué une enquête avec le soutien du Centrechinois sur les relations transnationales (CCTR pour Center on China’s Trans-national Relations) à HKUST. Le CSCSE détient la liste la plus fiable d’étu-diants retournés sur le continent, ces derniers ayant besoin de cet organismepour valider leurs diplômes. Il dispose donc de leur adresse. En 2007, une

40. Glenn Shive, « Mainland Students in Hong Kong Universities: New Visa Policies Will Help HongKong Become a Regional Hub for Higher Education », AmCham, septembre 2005, p. 28.

41. Près de 1 400 étudiants continuent d’être admis chaque année. Xinhua News Agency, « HongKong universities recruit over 1,400 mainland students  », Hong Kong, 21 juillet 2010,http://news.xinhuanet.com/english2010/china/2010-07/21/c_13408010.htm (consulté le 11 oc-tobre 2011).

42. « 2 percent Mainland Graduates Return from HK », Jiang Zhenying’s Chinese Scholars Update,août 2007.

43. Mazzarol et Soutar ont établi que le projet de migration après le diplôme est un facteur clé demotivation pour faire des études à l’étranger. T. Mazzarol et G. N. Soutar, The Global Market forHigher Education, Chelthenham, Edward Elgar, 2001.

Amy Liu Mei Heung et David Zweig – Éduquer une nouvelle génération d'étudiants

Niveau d'étude 2001-02 2002-03 2003-04 2004-05 2005-06 2006-07 2007-08 2008-09 2009-10 TOTAL

Premier cycle (UG) 536 (24 %) 633 (29 %) 842 (34 %) 1284 (39 %) 2007 (47 %) 2973 (52 %) 3658 (54 %) 4348 (56 %) 4562 (54 %) 20843 (48 %)

Second cycle (TPG) 241 (11 %) 101 (5 %) 121 (5 %) 63 (2 %) 50 (1 %) 55 (2 %) 55 (1 %) 39 (1 %) 35 (1 %) 760 (2 %)

Second cycle recherche (RPG) 1469 (65 %) 1459 (67 %) 1547 (62 %) 1972 (59 %) 2254 (52 %) 2693 (47 %) 3018 (45 %) 3324 (43 %) 3830 (45 %) 21566 (50 %)

TOTAL 2246 2193 2510 3319 4311 5721 6731 7711 8427 43169

Tableau pour le graphique 1 – Nombre d'étudiants de Chine continentale à Hong Kong

Graphique 1 – Étudiants de Chine continentale àHong Kong, 2001-2010

9000

8000

7000

6000

5000

4000

3000

2000

1000

0

2001-2002

2002-2003

2003-2004

2004-2005

2005-2006

2006-2007

2007-2008

2008-2009

2009-2010

UG

PG (TPG + RPG)

TOTAL

Source : http://cdcf.ugc.edu.hk/cdcf/searchStatisticReport.do (consulté le 12 octobre 2012), pourdifférentes années.Notes : UG = Undergraduate (premier cycle) ; TPG = Taught Post-Graduate students (qui suivent descours second cycle), contrairement aux RPG, Research Post-Graduate students, qui sont des étudiantsen second cycle de recherche. Tous les RPG à Hong Kong bénéficient d’un soutien financier intégral. Cechiffre ne comprend que les TPG financés par le Conseil des subventions universitaires (UGC), le nombreréel de TPG peut donc être bien plus important. Seules les données pour 2001-2002 comprennent tousles étudiants non locaux, notamment ceux qui ne sont pas du continent, mais il y avait très peud'étudiants non locaux qui n'étaient pas de Chine continentale à l'époque.

N o 2 0 1 3 / 1 • p e r s p e c t i v e s c h i n o i s e s 85

équipe de recherche du CSCSE a essayé de contacter tous les étudiants re-venus de Hong Kong de leur liste – soit environ 2 000 noms. Après avoirtrouvé 1 000 d’entre eux, le CSCSE leur a envoyé un questionnaire auto-administré avec une enveloppe de réponse. Au bout du compte, le CSCSE areçu 218 questionnaires complétés (un taux de réponse de 22 %). Cettepartie de l’article s’attache à analyser les données de cette étude.

Caractéristiques de l’échantillon de populationL’âge moyen des personnes interrogées était de 30,5 ans, 40 % entre

25 et 29 ans, et 35 % entre 30 et 34 ans. Près de 56 % d’entre eux ontobtenu un master, tandis que 39,5 % ont passé un doctorat, ce qui suggèrequ’ils auront un rôle majeur dans les secteurs de l’éducation et de la re-cherche scientifique en Chine continentale (Tableau 3). La majorité – 77 %– est revenue depuis 2005, 35 % en 2006, 24 % en 2007 et 18 % en2005 (44). Étant revenus depuis peu de temps, ils commencent à peine à trou-ver leur voie professionnelle sur le continent. Les femmes représentent 52 %du groupe, et 55 % des personnes interrogées sont mariées. Concernant lemilieu social, 21,7 % sont des enfants de cadres moyens, 32,7 % sont issusd’un foyer d’intellectuels, et 5 % sont des enfants de chefs d’entreprise (45).

44. Ceux qui étaient inscrits au CSCSE au cours des années précédentes avaient probablement dé-ménagé au moment de l’enquête ; la majorité était donc revenue depuis peu, ce qui a probable-ment biaisé quelque peu notre échantillon.

45. Pour une étude détaillée des implications des classes sociales des étudiants de Chine continentaleà Hong Kong, voir Mei Li et Mark Bray, « Social Class and Cross – Border Higher Education: Main-land Chinese Students in Hong Kong and Macau », Journal of International Migration and Inte-gration, vol. 7, n° 4, automne 2006, p. 407-24.

Article

Diplôme plus élevé obtenu %

Premier cycle 3,6

Master 56,4

Doctorat 39,6

Sexe

Homme 48

Femme 52

Source de financementa. Bourse complète octroyée par le côté chinois 4,3b. Bourse complète octroyée par HK 59,1c. Bourse partielle octroyée par HK 4,3d. Entièrement dépendant des parents 20,7e. Financement personnel, mais un salaire contribue à payer les frais 2,9f. Frais payés par les parents et les étudiants 8,2g. Autre 0,5

Expérience professionnelle avant le départa. Travail à temps complet ou partiel 43,8b. Pas d'expérience professionnelle 55,7

Niveau de satisfaction par rapport à l'emploi actuela. Très satisfait 12,3b. Satisfait 38,4c. Moyen 35,2d. Relativement insatisfait 13,2e. Très insatisfait 0,5

Lieu d'étude Nombre %a. HKU 51 23,2b. CUHK 31 14,6c. HKUST 30 13,6d. City University 36 16,4e. Université baptiste 19 8,6f. Université Lingnan 3 1,4g. Université polytechnique 45 20,5h. Université Shue Yan 3 1,4

Statut maritala. Marié 55b. Célibataire 43,6c. Autre 1,4

Expérience professionnelle à Hong Konga. Plein temps 14,2b. Temps partiel 9,6c. Pas d'expérience professionnelle 75,8

Retour à l'ancienne unité de travaila. Oui 25,5b. Non 65,7c. Pas de réponse 8,8

Origines familialesa. Cadre supérieur 0,5b. Cadre moyen 21,7c. Ouvrier 23d. Paysan 14,8e. Intellectuel 32,7f. Petite entreprise familiale 3,2g. Entreprise privée 1,8h. Militaire 0,5i. Autre 1,8

Spécialisation %a. Médecine chinoise 1b. Médecine occidentale 4,4c. Ingénierie/sciences appliquées 25,1d. Droit 12,1e. Sciences naturelles 13,5f. Commerce et gestion 23,2g. Sciences sociales et humaines 7,2h. Arts et sciences humaines 12,6

Tableau 3 – Caractéristiques des étudiants revenus en Chine dans notre étude

Source : Enquête du CSCSE, 2007.Note: N = 218

Ville % Ville %

Pékin 31 (26) Xi'an 1,8 (4)

Shanghai 21 (14) Hangzhou 4,1 (8)

Shenzhen 16 (11) Jinan 2,3 (3)

Canton 11 (13) Nankin 2,3 (3)

Tianjin 2,7 (4) Autre 7,8 (14)

Tableau 4 – Répartition géographique des étudiantsrentrés de Hong Kong

Source : Enquête du CSCSE, 2007.Note : Les chiffres entre parenthèses correspondent au pourcentage du nombre total d'institutionsuniversitaires ou scientifiques, les autres chiffres correspondent au pourcentage dans la population active.

86 p e r s p e c t i v e s c h i n o i s e s • N o 2 0 1 3 / 1

Mais il y a aussi de nombreux enfants de paysans (14,8 %) et d’ouvriers(23 %) qui ont fait preuve de mobilité sociale.

D’autres caractéristiques clés affectent leurs vies après leur retour sur lecontinent. Environ 56 % n’avaient pas d’emploi sur le continent avant dese rendre à Hong Kong, et 14,2 % ont travaillé à plein temps à Hong Kongavant leur retour, ce qui a compliqué leur recherche d’emploi en Chine. Lemanque d’expérience professionnelle obtenue à Hong Kong signifie qu’unefaible partie de l’éthique professionnelle propre au territoire a été transférée,bien que les étudiants de Chine continentale travaillent déjà plus dur quela plupart des Hongkongais. Par ailleurs, 56,4 % étaient membres d’un partipolitique – au moins 50 % étaient membres du PCC – ce qui reflète les ré-cents efforts de recrutement du PCC sur les campus des universités.

Une majorité des étudiants se sont installés à Pékin, et plus de la moitiéà Pékin ou Shanghai (Tableau 4). Nous ne savons pas où ils sont nés, maisils ont pu aller dans les villes les plus prisées de Chine. Par ailleurs, 27 %du groupe s’est installé dans le delta de la rivière des Perles, dans la pro-vince du Guangdong et sa capitale, Canton, ce qui témoigne des liens uni-versitaires forts entre le Guangdong et Hong Kong.

Contributions faites à la Chine continentaleL’une des plus grandes contributions de Hong Kong à la formation des

étudiants de Chine continentale est d’ordre financier. Les universités duterritoire ont versé une bourse complète à 60 % d’entre eux, tandis que4,3 % ont reçu des financements partiels – une contribution très signifi-cative à l’éducation des futures élites chinoises. Comparativement, seuls

31 % des étudiants chinois rentrés du Japon et enregistrés auprès duCSCSE à Pékin ont reçu un tel traitement de faveur du gouvernement oudes universités japonaises (46). Parmi les étudiants de Chine continentale àHong Kong, 21 % dépendaient entièrement de leurs parents, et 8,2 % ontpartagé le coût de leurs études avec eux.

Rôle des différentes universitésLes étudiants de Chine continentale sont largement répartis dans les uni-

versités de Hong Kong. Le nombre étonnement élevé d’étudiants à PolyU(l’Université Polytechnique) (Tableau 3) s’explique par la stratégie très actived’établissement de liens avec le continent rapidement déployée par PolyU.La sélection des écoles est liée à leur spécialisation. L’Université de HongKong (HKU) attire le plus grand nombre d’étudiants (23,2 %), et principa-lement sa faculté de droit, dont 30 % des étudiants de Chine continentalede HKU suivent les cours. À HKUST, 44 % des étudiants de Chine continen-tale étudient l’ingénierie et les sciences appliquées. PolyU a principalementdes étudiants en ingénierie (41 %) et en sciences naturelles (36 %). Dansl’ensemble, c’est à HKU que la répartition des étudiants est la plus équili-brée, avec des inscriptions dans toutes les disciplines à l’exception de la mé-decine chinoise.

Les financements varient en fonction des universités (Tableau 5). Le mi-nistère de l’Éducation ne finance que les étudiants à HKU, ce qui est sur-

46. Han Donglin et David Zweig, « Guoji yiminde kuaguo lianxi: jiyu liu Ri hai gui de shizheng yanjiu »,(Migrants internationaux et relations transnationales : étude empirique sur les citoyens revenusdu Japon), Guoji guancha (Observateur international), vol. 5, n° 113, 2011, p. 67-74.

Amy Liu Mei Heung et David Zweig – Éduquer une nouvelle génération d'étudiants

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CUHK HKU HKUST HKBU City U Lingnan Poly U

Financement complet par le gouvernement de Chine continentale 0 18,40 % 0 0 0 0 0

Bourse complète de Hong Kong 76,70 % 63,30 % 82,10 % 42,10 % 41,20 % 33,30 % 54,80 %

Bourse partielle de Hong Kong 0 6,10 % 3,60 % 0 5,90 % 0 7,10 %

Financement des parents 16,70 % 8,20 % 7,10 % 42,10 % 41,20 % 33,30 % 21,40 %

Financement personnel – mi travail, mi étude 0 2,00 % 0 0 5,90 % 0 2,40 %

Parents / étudiant 6,70 % 2,00 % 7,10 % 15,80 % 5,90 % 0 11,90 %

Tableau 5 – Qui paye pour les étudiants de Chine continentale des universités de Hong Kong ?

Source : Enquête du CSCSE, 2007.Note: N = 218

Rang des universités en

Chine continentale

CUHK HKU HKUST HKBU City U Lingnan Poly UMoyenne

cumulative

1 – 2 6,50 % 15,70 % 13,30 % 10,50 % 0 0 11,10 % 10,70 %

3 – 6 12,90 % 27,50 % 36,70 % 15,80 % 11,10 % 0 15,60 % 21,90 %

7 – 12 32,30 % 52,90 % 53,30 % 26,30 % 16,70 % 0 20,00 % 37,20 %

13 – 25 51,60 % 62,70 % 70,00 % 42,10 % 30,60 % 33,30 % 33,30 % 53,10 %

26 – 50 61,30 % 74,50 % 76,70 % 52,60 % 50,00 % 0 42,20 % 66,80 %

51 - 150 64,50 % 92,20 % 83,30 % 57,90 % 66,70 % 0 55,60 % 79,60 %

150 - 500 83,90 % 96,10 % 90,00 % 94,70 % 86,10 % 66,70 % 91,10 % 100 %

Total 31 51 30 19 36 3 45

Tableau 6 – Quantité et qualité des étudiants de Chine continentale dans les universités de Hong Kong

Source : http://rank2007.netbig.com/cn/rnk_1_0_0.htm (consulté le 12 octobre 2012).Note : Les chiffres des tableaux sont des pourcentages cumulés. / * de Chine continentale

prenant étant donné l’héritage colonial de l’université. Parmi les 123 étu-diants entièrement financés, 64 % effectuent leurs études dans les trois uni-versités de recherche de Hong Kong – l’Université chinoise de Hong Kong(CUHK), HKUST et HKU. Parmi ces écoles, HKUST finance entièrement 86 %des étudiants de Chine continentale, CUHK offre un soutien partiel ou com-plet à 77 %, et HKU une exonération complète ou partielle des frais à 71 %des étudiants de Chine continentale (47). Là aussi, PolyU finance ses étudiantsà un niveau comparable, avec un soutien complet ou partiel pour 63 % desétudiants du continent, tandis que l’Université baptiste de Hong Kong(HKBU) et City University financent moins de la moitié de leurs étudiantschinois. Il ne fait pas de doute que pour HKBU et City University, ces étu-diants, dont les familles ont les moyens d’envoyer leurs enfants étudier endehors du continent, sont générateurs de revenus.

Les étudiants formés à Hong Kong ont un très bon niveau. Nous avonsclassé les universités de Chine continentale fréquentées par les étudiantsavant leur départ en groupes de niveau sur une échelle de 1 à 7, puis nousavons évalué le niveau des étudiants recrutés par les universités de HongKong (Tableau 6). HKUST a les meilleurs étudiants, suivie par HKU, les deuxinstitutions accueillant les étudiants issus des 12 meilleures universités ducontinent – un groupe assez restreint. CUHK ne s’en tire pas aussi bien quel’on pourrait le penser, tandis que malgré l’argent dépensé, PolyU n’attirepas des étudiants aussi bons que HKBU, qui a pourtant plus tendance à leslaisser payer eux-mêmes leurs études.

Les avantages tirés d’études faites à HongKong

Est-ce que les étudiants considèrent que leur éducation sur le territoire aété bénéfique à leur carrière ? Nous pouvons répondre à cette question en

examinant comment les étudiants perçoivent leur apprentissage et s’ils onteu du mal à trouver un emploi à leur retour.

Interrogés sur l’utilité de leurs études à Hong Kong, 58 % estiment qu’ilsont pu « apprendre une nouvelle technologie ou une méthodologie de re-cherche qu’ils ont utilisée par la suite en Chine continentale ». Cette réponseappuie l’argument selon lequel les étudiants recherchent « un bien rare »disponible en Occident et qui leur ouvrira des opportunités à leur retour enChine, créant ainsi « un avantage comparatif » qui encourage un mouvementmigratoire inverse (48). Les autres avantages de Hong Kong sont : « améliorerses chances d’obtenir un emploi dans une entreprise étrangère ou de HongKong  » (17,8  %), ou  «  disposer d’avantages spéciaux lors du retour  »(10,7 %). En d’autres mots, ils sont partis pour mieux vivre à leur retour.

Sur 14 raisons proposées pour avoir choisi Hong Kong plutôt que l’étran-ger, les six premiers choix regroupent plus de 80 % des raisons choisies. Lesréponses mettent en lumière deux aspects des études à Hong Kong : (1) lemélange de culture et d’éducation chinoise et occidentale, et (2) la proxi-mité géographique avec la Chine continentale (49). Hong Kong offre aux Chi-nois du continent une fenêtre sur le monde dans un environnement familier.Ainsi, 15,8 % déclarent qu’ils ont pu à Hong Kong « acquérir une éducationoccidentale dans un environnement culturel chinois », 18,9 % qu’ils ont pu

88 p e r s p e c t i v e s c h i n o i s e s • N o 2 0 1 3 / 1

47. Dans son étude effectuée en 2002-2003, Li Mei a établi que 97,7 % des étudiants de Chine conti-nentale recevaient une bourse, mais ils avaient déjà tous effectué un premier cycle et ils n’auraientpas pu à l’époque étudier à Hong Kong sans financement. Mei Li et Mark Bray, « Cross BorderFlows of Students for Higher Education: Push-pull Factors and Motivations of Mainland ChineseStudents in Hong Kong and Macau », Higher Education, vol. 53, n° 6, 2007, p. 803-04.

48. David Zweig, Chung Siu Fung, et Wilfried Vanhonacker, « Rewards of Technology: Explaining China’sReverse Migration », Journal of International Migration and Integration, vol. 7, n° 4, novembre2006, p. 1-33.

49. Parallèlement à la coexistence de l’Orient et de l’Occident et à la proximité géographique, Li etBray ont également montré que l’« identité culturelle » et les bourses constituent des motivationsimportantes pour partir étudier à Hong Kong. Li et Bray, « Cross Border Flows », art. cit., p. 806.

Article

Premierchoix

Deuxièmechoix

Troisièmechoix

Score ajusté

1. Pour pouvoir comprendre l'intégration de la culture occidentale et chinoise 35 51 21 349 (19,0 %)

2. Pour bénéficier d'une éducation occidentale dans un environnement chinois 48 11 19 292 (15,9 %)

3. Pour disposer facilement d'informations internationales 29 37 25 281 (15,3 %)

4. Parce que Hong Kong est un « avant-poste étranger près de la Chine » 35 27 16 272 (14,8 %)

5. Parce que Hong Kong distribue de bonnes bourses 18 23 27 186 (10,1 %)

6. Pour obtenir une éducation occidentale tout en restant dans son unité de travail 16 4 3 95 (5,2 %)

Total 181 153 111

Tableau 7 – Pourquoi étudier à Hong Kong (plutôt qu'ailleurs) ?

Source : Enquête CSCSE, 2007.Note : Score ajusté : Premier choix = 5, Deuxième choix = 3, Troisième choix = 1.

Temps passé à chercher un emploi Étudiants revenus de HK Étudiants revenus du Japon Étudiants revenus du Canada

Arrangé avant le retour 53,50 % 51,70 % 25,70 %

Moins de 3 mois 24,9 % (78,3 %) 28,4 % (80,1 %) 47 % (72,7 %)

3-6 mois 16,1 % (94,5 %) 1,2 % (92,3 %) 20,3 % (93,0 %)

Plus de 6 mois 1,8 % (100 %) 7,7 % (100 %) 7,0 % (100 %)

Tableau 8 – Temps passé à chercher un emploi, résultats des trois études

Source : Enquête CSCSE, 2007.Note : Les chiffres entre parenthèses correspondent au pourcentage cumulé.

comprendre les modes d’intégration de la culture occidentale et chinoise,tandis que 15,2 % disent avoir pu obtenir facilement des informations desources internationales.

Ces jeunes personnes souhaitant également être près de leur famille, deleurs amis et de la Chine, la situation géographique de Hong Kong incitefortement à venir y étudier, particulièrement pour ceux de la province duGuangdong. Certains appréciaient même le fait de pouvoir bénéficier d’uneéducation occidentale tout en continuant à travailler pour leur entreprise.Les raisons de leur retour suggèrent que la plupart de ceux qui ont choisiHong Kong voulaient rester près de chez eux. Lorsqu’on leur demande pour-quoi ils sont rentrés en Chine, 10,5 % se sentaient responsables de leurs pa-rents, tandis que 12,7  % affirmaient que leur mari/femme ou petitami/petite amie voulait qu’ils reviennent.

Évaluer l’expérience Hong Kong

Parmi les personnes revenues de Hong Kong travaillant dans le domaineuniversitaire ou celui de la recherche, 40 % voyaient dans la possibilité de pu-blier dans des revues internationales le principal avantage de leur départ. Avecla compétition acharnée des universités de Chine continentale pour obtenirun statut international, savoir se faire publier à l’étranger renforce « le capitaltransnational » des étudiants(51). De même, avoir étudié à Hong Kong améliorela compétitivité universitaire en Chine (20,4 %), enrichit le profil universitaire(17,9 %), augmente l’intérêt des étudiants pour les cours (14,5 %). Ces ré-ponses reflètent l’importance du bénéfice individuel tiré d’études à Hong Kong(mais aussi les bénéfices qui découlent d’études à l’étranger en général).

Étudier à Hong Kong peut faciliter la recherche d’un emploi sur le conti-nent, ce qui peut être mesuré par l’expérience de la recherche d’emploi. Bienque nous ne puissions pas comparer l’expérience de ce groupe à celle d’étu-

diants diplômés sur le continent, nous pouvons présenter les sentiments sub-jectifs et objectifs des personnes interrogées sur leur recherche d’emploi, etcomparer leur expérience avec celle des personnes revenues d’autres pays.

Nous avons demandé aux anciens étudiants s’ils avaient eu des difficultésà trouver un emploi (mesure subjective) et combien de temps cela leur avaitpris (mesure objective). Dans l’ensemble, ils n’ont pas eu trop de mal à trou-ver un emploi en Chine continentale. Sur une échelle de 1 à 5, allant de « pasdu tout difficile » à « extrêmement difficile », 40,2 % ont choisi « pas dutout difficile », tandis que 27 % ont choisi l’option suivante, estimant qu’ilsavaient éprouvé « peu de difficultés ». Les deux dernières catégories, « ex-trêmement difficile » et « difficile », représentent 12,7 % des réponses.

La mesure objective – la quantité de temps passé à chercher un emploiaprès le retour – correspond aux évaluations subjectives. Le tableau 8 mon-tre que 78,3 % des personnes interrogées ne répondraient pas à la catégoriesans emploi selon les critères de l’OIT (52), et avant six mois, 94 % avaienttrouvé un emploi. Comparé aux étudiants revenus du Japon et du Canadadont les réponses ont été collectées dans d’autres enquêtes (53), les étudiants

N o 2 0 1 3 / 1 • p e r s p e c t i v e s c h i n o i s e s 89

50. Bien que nous n’ayons pas inclus le fait d’être membre du Parti communiste chinois dans la ré-gression multiple, la relation directe entre le fait d’être membre du PCC et la recherche d’emploiest très significative à p. 3.

51. David Zweig, Stanley Rosen, et Chen Changgui, « Globalization and transnational human capital:Overseas and returnee scholars to China », The China Quarterly, vol. 179, septembre 2004, p. 735-757.

52. Selon l’Organisation internationale du travail, une personne est sans emploi si elle ne trouve pasd’emploi durant une période supérieure à trois mois.

53. Les résultats de ces études ont été publiés dans deux rapports : David Zweig, « A Limited Engagement:Mainland Returnees from Canada », Research Report, Asia-Pacific Foundation of Canada, 19 décembre2008, www.asiapacific.ca/fr/research-report/limited-engagement-mainland-returnees-canada(consulté le 20 septembre 2012) ; et David Zweig et Han Donglin, The Role of Mainland Studentsand Trainees in Sino-Japanese Relations: A Preliminary Report, Center on China’s Transnational Relations– document de travail n°16, HKUST, 2006. Les deux études ont été menées en collaboration avec leCentre pour les échanges académiques (CSCSE), sous l’égide du ministère de l’Éducation (Pékin).

Amy Liu Mei Heung et David Zweig – Éduquer une nouvelle génération d'étudiants

Coefficientsstandardisés

T Sig.

B Std, Error Beta

(Constante) -1,099 1,958 -0,561 0,576

Sexe 0,169 0,184 0,075 0,917 0,361

Âge 0,03 0,022 0,136 1,354 0,178

Mode d'étude 0,619 0,209 0,243 2,961 ,004***

Source de financement -0,008 0,011 -0,062 -0,756 0,451

Statut marital 0,314 0,179 0,152 1,75 ,083*

1ère raison donnée pour aller étudier à HK -0,114 0,06 -0,153 -1,911 ,058*

2ème raison donnée pour aller étudier à HK -0,053 0,047 -0,089 -1,116 0,267

Emploi à plein temps ou à temps partiel à HK avant le retour -0,058 0,135 -0,036 -0,434 0,665

Retour à l'ancienne entreprise 0,008 0,004 0,154 1,772 ,079*

Durée de la recherche d'emploi 0,528 0,107 0,408 4,93 ,000***

Satisfaction de l'emploi actuel 0,255 0,106 0,198 2,395 ,018**

Dernier mois de salaire à HK -0,009 0,004 -0,177 -2,023 ,045**

Plus haut diplôme 0,102 0,205 0,05 0,501 0,617

Spécialité à HK -0,004 0,011 -0,031 -0,37 0,712

Temps passé à HK 0,008 0,032 0,02 0,252 0,802

Nombre d'années depuis le retour -5 0,001 0,004 0,039 0,969

Recommande d'aller étudier à HK -0,003 0,01 -0,03 -0,28 0,78

Tableau 9 – Explication à variables multiples de la difficulté perçue de la recherche d'emploi sur le continent (50)

Source : Enquête CSCSE, 2007.Notes : Mode d'étude regroupe auto-financement, financé par le gouvernement ou financé par l'unité de travail. p<.10 = *, p<.05 = **, p<.01 = ***

Coefficients non standardisés

revenus de Hong Kong ont bien mieux réussi à organiser leur recherched’emploi avant leur retour au pays que ceux revenus du Canada ; en revance,il y a très peu de différences entre les échantillons de Hong Kong et duJapon. Il est relativement plus facile de trouver un emploi en rentrant deHong Kong que du Canada, mais la situation est à peu près identique pourles étudiants qui reviennent du territoire par rapport à ceux qui reviennentdu Japon (54).

L’analyse à variables multiples permet d’identifier les facteurs les plus per-tinents qui influencent la recherche d’emploi. Premièrement, plus le derniermois de salaire à Hong Kong est élevé, plus la recherche d’emploi sur lecontinent a été facile (Tableau 9). Ces découvertes appuient l’argumentselon lequel les étudiants sont mieux préparés s’ils ont travaillé à pleintemps à l’étranger avant leur retour. Cependant, le gouvernement de HongKong n’a que récemment permis aux étudiants de Chine continentale detravailler à Hong Kong avant leur retour.

Le mode d’étude (type de financement)est important, principalementparce que ceux qui sont venus à Hong Kong avec le soutien de leur unitéde travail pouvaient retrouver leur emploi, et n’ont donc pas eu à en cher-cher un. Le fait que la « première » et la « seconde » raison pour venir àHong Kong soient liées à la difficulté perçue de trouver un emploi suggèreque de nombreux étudiants ont adopté une bonne stratégie en allant àHong Kong. Les résultats suggèrent également que ceux qui étaient préparésà apprendre une nouvelle compétence et ont réussi à le faire ont plus faci-lement trouvé un emploi à leur retour, ce qui illustre encore une fois l’hy-pothèse du « bien rare ».

Quand on leur demande si leur expérience à Hong Kong a été importantepour leur travail sur le continent, 29,8 % répondent qu’elle a été « extrê-mement importante », tandis que 37,6 % sélectionnent le deuxième choixsur une échelle de 1 à 5. Ainsi, plus des deux tiers considèrent leur expérienceà Hong Kong comme ayant été déterminante pour leur travail sur le conti-nent  ; seulement 6,5 % la considèrent comme « pas très importante »ou « pas du tout importante ». Si on les interroge sur les raisons spécifiquespour lesquelles ils ont tiré parti de leur séjour à Hong Kong, 24,3 % dési-gnent les compétences en matière de recherche, 19,6% mettent en avantles compétences pédagogiques, 19,1 % apprécient le meilleur accès à l’in-formation, tandis que 17,9 % estiment qu’étudier à Hong Kong a amélioréleur compétitivité. Pourtant, ils ne sont pas si enthousiastes par rapport àl’expérience dans son ensemble, car seulement 18,2 % « recommandentfortement » à leurs collègues de se rendre à Hong Kong pour étudier outravailler, une vaste majorité (72,3 %) « recommande » simplement l’ex-périence. Enfin, 8,2 % « recommandent modérément d’aller à Hong Kong »(bu tai tuijian).

Un pays, deux systèmes de valeurs ?

Cette recherche s’appuie principalement sur l’hypothèse que les études àl’étranger peuvent influencer le système de valeurs (jiazhiguan) des étudiants.Dans les enquêtes, les étudiants rentrés du Japon et du Canada avaient unevision plus progressiste du système international et de la place de la Chinedans ce système par rapport à leurs camarades issus des classes moyennesn’ayant pas séjourné à l’étranger (55). Reste à savoir s’ils ont intégré les normesuniversitaires ouvertes et transparentes de Hong Kong et s’ils les ont intro-duites sur le continent. Sont-ils là-bas des vecteurs de transmission de nou-velles valeurs ?

Nous avons demandé aux étudiants de comparer le système de valeursuniversitaire à Hong Kong et en Chine continentale. Parmi les personnes in-terrogées, 53 % estiment que les systèmes de valeurs sont « totalement »ou  «  plutôt  différents  », tandis que 13  % estiment que les systèmessont « totalement » ou « relativement identiques ». Parmi ceux qui perçoi-vent des différences entre les systèmes (Tableau 10), 57,4 % disent suivrela voie hongkongaise dans leurs recherches ou leur enseignement sur lecontinent. Notons que seulement 4/54 (7,5 %) « adhèrent totalement »aux normes occidentales, ce qui montre que la pression à se conformer estpuissante en Chine. Pourtant, plus de la moitié (31/54) suivent ces valeurset les transfèrent activement en Chine.

Quelles sont ces valeurs (Tableau 11) ? Ils mettent au-dessus de toutla « liberté universitaire » (23,8 %), bien qu’ils n’insistent pas sur ce pointdans les questions précédentes. Ils ont également changé d’attitude vis-à-vis de la nature scientifique des travaux ou de la méthodologie de recherche(19,7 %). Les chercheurs de Chine continentale font en effet souvent desrecherches et interprètent les données pour prouver leurs théories, tandisque la tradition occidentale considère que le rejet d’hypothèses équivaut àapprofondir l’analyse. Les anciens étudiants mettent l’accent sur l’« indé-pendance dans la recherche » (15,4 %) – bien que l’on ne sache pas si celasignifie une indépendance vis-à-vis de leur superviseur – ainsi que sur l’éga-lité dans la compétition pour les fonds de recherche (10,2 %) (56). Enfin, lespersonnes interrogées accordent une importance à la « propriété intellec-

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54. Plus de 25 % des personnes revenues du Japon dans notre enquête de 2006 ont trouvé un emploidans une entreprise japonaise en Chine grâce à leurs compétences linguistiques en japonais. Maisen comparaison, les facilités en anglais des étudiants revenus du Canada ne constituent pas unavantage si important.

55. Han Donglin et David Zweig, « Images of the World: Studying Abroad and Chinese Attitudes to-wards International Affairs », The China Quarterly, n° 202, juin 2010, p. 290-306.

56. C’est une question qui soulève les passions dans la communauté scientifique de Chine continen-tale. Voir Yigong Shi et Yi Rao, « China’s Research Culture », Science, vol. 329, n° 5996, 3 septembre2010, p. 1128.

Article

Fréquence % Cumulé

1 (Adhésion totale aux normes de HK) 4 7,4 7,4

2 27 50,0 57,4

3 14 25,9 83,3

4 3 5,6 88,9

5 (Aucune adhésion aux normes de HK) 1 1,9 90,7

Pas de réponse 5 9,4

Total 54 100 100

Tableau 10 – Adhésion aux normes éducatives de Hong Kong sur le continent, parmi les universitaires pour quiles deux systèmes diffèrent

tuelle » (9 %), l’égalité dans la relation entre un professeur et son élève, unsystème de promotion équitable (6 %), des évaluations anonymes (5 %),et la garantie de ne pas se faire voler le fruit de son travail par les profes-seurs.

Conclusion

Hong Kong a contribué à bien des égards au développement des institu-tions éducatives en Chine continentale. La RAS a envoyé d’éminents uni-versitaires et des professionnels dans les universités du continent, et danscertains cas révolutionné les filières et les programmes avec un certain suc-cès. La prise de risque, l’innovation, l’abondance de financements ont étédes facteurs d’approfondissement de ce processus. Deuxièmement, les uni-versités de Hong Kong ont utilisé leurs moyens financiers et leurs relationsà l’étranger pour attirer les meilleurs étudiants de Chine, venant grossir lesrangs des chercheurs, professionnels et étudiants formés sur le territoire ; iln’en reste pas moins que leur nombre a été de façon surprenante assez li-mité à cause de l’esprit de chapelle dont a fait preuve Hong Kong dans unpremier temps et des difficultés pour immigrer dans la RAS. Enfin, de nom-breux Chinois formés à l’étranger se sont installés à Hong Kong et ont par-tagé financements de recherche, résultats et nouvelles méthodologies avecleurs collègues du continent.

Les étudiants de Chine continentale veulent aller à Hong Kong, bienqu’ils soient une majorité à préférer les meilleures universités américaineset britanniques, c’est pourquoi l’objectif affiché de devenir une « plate-forme éducative en Asie de l’Est » n’est possible que si le gouvernementde la RAS investit suffisamment d’argent. Non seulement Hong Kong peutrenforcer sa compétitivité par rapport aux villes de Chine continentale,comme Pékin ou Shanghai, en attirant, en formant et en gardant sur leterritoire les meilleurs étudiants de ces villes. Mais en intégrant les valeursuniversitaires occidentales dans les universités de Chine continentale,Hong Kong peut réduire le fossé normatif avec la Chine, assurer sa propre

liberté universitaire et améliorer la qualité de l’éducation supérieure surle continent.

Avec la progression de l’intégration de l’ancien territoire colonial avec laChine, nous pensons que Hong Kong va accentuer son engagement sur lecontinent, particulièrement dans la province du Guangdong, où l’impact surles universités de Zhuhai, Shantou, et Canton a été le plus fort. Comme nousl’avons vu, une grande part des étudiants qui s’établissent à Canton aprèsleur retour travaille dans le monde universitaire. Mais il n’est pas certain queHong Kong soit capable d’améliorer les institutions universitaires relative-ment faibles de la province du Guangdong. De plus, les administrateurs deHong Kong continuent d’inciter les chercheurs à établir des partenariatsavec les meilleures écoles à Pékin, Shanghai, Nankin, Xi’an et Canton.

L’expérience hongkongaise a créé un excellent modèle que tous s’efforcentde suivre, particulièrement pour la gestion des universités en Chine. Commenous l’avons mentionné dans cet article, Nottingham, Liverpool et NYU ontou auront bientôt des campus en Chine en collaboration avec des universitéslocales. Quoi qu’il en soit, les liens entre Hong Kong et les universités ducontinent sont forts, ce qui contribue à renforcer le rôle du territoire dansle développement universitaire de la Chine.

z Traduit par Camille Richou.

z Liu Mei Heung, Amy, est rédactrice en chef adjointe du South China

Morning Post, service chinois. Elle est conseillère au Centre pour les

politiques sur l’environnement, l’énergie et les ressources à

l’Université des sciences et technologies de Hong Kong.

Morning Post Centre, 22 Dai Fat Street, Tai Po Industrial Estate,

New Territories, Hong Kong ([email protected]).

z David Zweig est doyen adjoint à l’École des sciences humaines et

sociales, professeur de chaire en sciences sociales, et directeur du

Centre pour les politiques sur l’environnement, l’énergie et les

ressources à l’Université des sciences et technologies de Hong Kong.

HKUST, Clearwater Bay, Kowloon, Hong Kong ([email protected]).

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Amy Liu Mei Heung et David Zweig – Éduquer une nouvelle génération d'étudiants

Type de changementPremier aspect

Deuxièmeaspect

Troisièmeaspect

Score ajusté

Soutien à la liberté universitaire 36 10 13 223 (23,8 %)

Méthodologie de recherche scientifique 24 18 11 185 (19,7 %)

Indépendance dans la recherche 16 17 13 144 (15,4 %)

Égalité dans la compétition pour les fonds de recherche 9 15 6 96 (10,2 %)

Propriété intellectuelle 9 11 6 84 (9,0 %)

Relations équilibrées entre les professeurs et les étudiants 7 9 15 77 (8,2 %)

Système de promotion équitable 3 11 7 55 (5,9 %)

Recommandations justes 4 5 11 46 (4,9 %)

Les professeurs à HK ne s'attribuent pas la réussite des étudiants 2 2 5 21(2,2 %)

Tableau 11 – Influence des études à Hong Kong sur les valeurs des étudiants

Source : Enquête CSCSE, 2007.Notes : Score ajusté : Premier choix = 5, Deuxième choix = 3, Troisième choix = 1.


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