Date post: | 01-Mar-2023 |
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MIREILLE GAGNON
ÉVOLUTION CULTURELLE ET
INSTITUTIONNALISATION DE LA WICCA AU
QUÉBEC DE 1990 À 2010
Thèse présentée
à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l‘Université Laval
dans le cadre du programme de doctorat en Science des religions
pour l‘obtention du grade de de Philosophiae Doctor (Ph.D.)
FACULTÉ DE THÉOLOGIE ET DE SCIENCES RELIGIEUSES
UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC
2013
© Mireille Gagnon, 2013
Résumé
Comment penser l‘institutionnalisation religieuse à l‘ère de la dérégulation du croire? Qui
plus est, du point de vue de mouvances religieuses alternatives, partagent une déesse,
quelques traditions et sont dépourvues d‘un dogme commun?
À travers l‘exemple de la Wicca et à l‘aide d‘une approche néo-institutionnaliste, nous
proposons un schéma basé sur les principes d‘isomorphisme, axé sur des vecteurs clés de
transformation des « nouveaux mouvements religieux ». Parmi les vecteurs externes,
l‘enregistrement, l‘incorporation, et la prestation de services à la collectivité contribuent à
ancrer la Wicca dans le « champ religieux » délimité par la régulation publique. À l‘interne,
la diffusion des courants et des pratiques, puis l‘arrivée d‘enfants structurent une
communauté spirituelle.
La Wicca se situe à l‘interface d‘une dynamique qualifiée de multiévolutive asychronique.
Au Québec depuis les années 1960, la Wicca est une forme de sorcellerie contemporaine
initialement pratiquée en petits groupes d‘adultes indépendants, principalement
anglophones. Elle était peu impliquée dans les activités de type communautaire, et les
groupes avaient peu ou pas d‘interactions avec la société environnante. Avec le temps,
surtout au cours des années 1990 à 2010, la Wicca au Québec s‘est transformée de l‘apport
de pratiquants bilingues et francophones, puis de pratiquants dits « solitaires ». Passant par
l‘apparition de bulletins païens allant à réseaux de communications entre les divers groupes
et par la création de quelques centres communautaires, temples et organismes parapluie ce
ne sont là que quelques exemples de transformation au sein de la Wicca québécoise et
canadienne.
iii
Remerciements
Entreprendre une recherche de cette envergure demande de la collaboration et du support
de la part de plusieurs personnes sur le plan de la collecte de donnée, du support moral et
financier. Pour y arriver, plusieurs personnes se sont impliquées et m‘ont aidé à amener ce
projet à terme.
Premièrement, je tiens à remercier ma directrice de recherche, Mme Pauline Côté, qui a
accepté d‘entreprendre la direction d‘un deuxième projet sur la Wicca. Sa franchise, sa
curiosité ainsi que les encouragements multiples qu‘elle a prodigués au cours de cette
recherche ont permis de mener à bien cette thèse. J‘aimerais également remercier Marisol
Charbonneau pour avoir donné des conseils, des suggestions, des pistes de recherche et de
me prêter son divan lors de mon passage à Montréal lorsque j‘assistais des rituels ou des
conférences. Un merci est aussi lancé à Patrick Bellavance pour son aide avec l‘insertion du
questionnaire sur une page web. C‘était un travail dont il fallait surmonter quelques
problèmes techniques, mais qui s‘est avéré fort utile et très apprécié. À Dre
Lucie
Marie-Mai Dufresne, de l‘Université d‘Ottawa, qui, toujours de manière sympathique, m‘a
encouragé à poursuivre les recherches sur ce sujet en français, qui a été une source
d‘information utile et qui a prodigué de nombreux conseils ainsi que son amitié. À
Marie-Françoise Guédon qui avait officialisé brièvement en tant que codirectrice.
Deuxièmement, j‘aimerais remercier ceux et celles sans quoi ce travail n‘aurait pas été
possible : les wiccains et les païens du Québec et du réseau pancanadien. Qu‘ils soient
propriétaires de boutiques ésotériques (physiques et virtuelles), éditrices de bulletins
locaux, membres des centres communautaires tels que le MPRC et de l‘Avalon Center, ils
étaient toujours ouverts à mes questions et accueillants. Un remerciement chaleureux est dû
également aux membres du Gaïa Gathering pour m‘accepter parmi eux lors des
conférences, même si je ne suis pas païenne. Leur générosité a été fortement appréciée.
Ceci va de même pour les divers groupes de discussions wiccaines et païennes canadiennes
et les membres de covens qui ont permis la distribution du questionnaire auprès de leurs
iv
membres. Un merci particulier à tous les individus qui ont participé à la recherche ainsi que
les membres des communautés païennes à travers de la province. Tous ces participants
ainsi que tous les wiccains que j‘ai pu rencontrer et que je ne peux nommer afin de
conserver leur anonymat lors de mes participations aux diverses activités des communautés
wiccaines du Québec et du Canada, ont contribué, directement ou indirectement, à ce
travail. Plusieurs individus m‘ont accueillie, certains chez eux, ouvertement et
chaleureusement, partageant leurs histoires et leurs idées, poussant toujours la réflexion
vers des avenues non explorées auparavant, ce que j‘ai énormément apprécié.
Un remerciement spécial est mentionné à l‘intention de la propriétaire de la boutique
Treadwell à Londres en Angleterre, qui m‘a accueillie chaleureusement et m‘a été d‘une
aide précieuse durant mon séjour à Londres.
Un gros merci à Catherine Lachance qui a fait une première révision et correction de la
thèse. La tâche était ardue, mais très appréciée.
En dernier lieu, et non le moindre, je tiens à remercier mes parents, ma fille et mes sœurs
qui m‘ont supportée physiquement, moralement et financièrement, au cours de mes
recherches. Sans leur aide, la poursuite de mes études, et du terrain en soi, aurait été
impossible, ce dont je suis extrêmement reconnaissante.
Finalement, je remercie la FQRSC, pour m‘avoir octroyé une bourse d‘études qui a permis
d‘avancer dans la recherche.
Table des matières
Résumé ................................................................................................................................... ii Remerciements ...................................................................................................................... iii Table des matières ............................................................................................................... vii
Liste des figures ..................................................................................................................... xi Introduction : Vers une nouvelle identité wiccaine? Les germes d‘une institutionnalisation
polymorphe ............................................................................................................................. 1 Chapitre 1 : Évolution culturelle et intégration sociopolitique de la Wicca ......................... 17
Partie I – Concepts de base et éléments de changements ................................................. 19
1.1 Quelques courants de changements culturels religieux .......................................... 19
1.1.1 Le paganisme et le néo-paganisme ...................................................................... 19 1.1.2 Les religions de la nature ..................................................................................... 20
1.1.3 La Wicca .............................................................................................................. 22 1.1.4 La Wicca au Canada : les défis de l‘inculturation ............................................... 31
Partie II – L‘expression sociale du croire, et la problématique de l‘institutionnalisation 35 1.2 L‘explication du changement culturel religieux ..................................................... 35
1.2.1 Le fonctionnalisme sociologique ou l‘impasse sur le changement ...................... 37 1.2.2. Le néo-institutionnalisme et l‘explication du changement culturel : la théorie des
champs .......................................................................................................................... 39 1.2.3 Les processus de structuration ou la dynamique du champ ................................. 40 1.2.4 Les principaux vecteurs d‘institutionnalisation ................................................... 41
Partie III – Méthodologie : stratégies de découverte et techniques d‘enquêtes ................ 51
1.3 L‘étude de cas et les questions de recherche .......................................................... 51 1.3.1 Observation participante ...................................................................................... 52 1.3.2 Entretiens avec des témoins privilégiés ............................................................... 54
1.3.3 Enquêtes par questionnaire .................................................................................. 57 1.3.4 Analyse documentaire portant sur les communautés québécoises et canadiennes
...................................................................................................................................... 58 1.3.5 Résultats anticipés ................................................................................................ 61
Chapitre 2 : La régulation publique et la religion au Canada. Quelle place pour la Wicca et
les wiccains? ......................................................................................................................... 65 2.0 L‘enregistrement à titre d‘organisme de bienfaisance : incidence et portée ............... 66
2.0.1 Critère du bien commun ...................................................................................... 68
2.0.2 Critère des fins de bienfaisance ........................................................................... 68
2.0.3 Critère d‘avancement de la religion ..................................................................... 70
2.1 Les différentes possibilités d‘incorporation et d‘existence juridique ......................... 72 2.1.0 L‘organisme à but non lucratif -- Canada ............................................................ 72 2.1.1 En common law—pan canadienne ...................................................................... 74 2.1.2 Sociétés et institutions religieuses dans les provinces canadiennes .................... 75 2.1.3 Au Québec : Église, corporation religieuse, communauté religieuse .................. 76
2.2 La régulation des aspects sociaux du culte ................................................................. 80 2.2.1 Rites de passage : Acquisition des droits de célébration ..................................... 80 2.2.2 Décès et sépulture ................................................................................................ 89
viii
2.3 Un cas d‘application de la loi : les services de direction spirituelle au sein d‘un
établissement public. ........................................................................................................ 91
2.3.1 L‘aumônerie ........................................................................................................ 91 2.4 Conclusion .................................................................................................................. 97
Chapitre 3 : L‘image et les perceptions de la Wicca et de la sorcellerie dans la jurisprudence
canadienne ............................................................................................................................ 99 3.0 La religion et le droit au Canada .............................................................................. 100
3.0.1 Charte canadienne des droits et libertés ............................................................ 101 3.0.2 Principes généraux ............................................................................................ 104
3.1 Le contentieux entourant la Wicca dans la jurisprudence canadienne ..................... 105 3.1.0 Le corpus de décisions ...................................................................................... 105 3.1.1 Droit des personnes et de la famille .................................................................. 107
3.1.2 Code criminel .................................................................................................... 121 3.1.3 Les droits de la personne ................................................................................... 125
3.2 Images et perceptions relatives à la Wicca et à la sorcellerie dans les décisions
judiciaires ....................................................................................................................... 137
3.2.1 Wicca ................................................................................................................. 138 3.2.2 « Sorcière », « Sorcier », Witch, Sorcerer ......................................................... 139
3.2.3 « Chasse aux sorcières », Witch hunt ................................................................ 145 3.2.4 Autres expressions associées ............................................................................. 146
3.3 Y-a-t-il une évolution de l‘image et des perceptions de la sorcellerie dans les
décisions judiciaires? ...................................................................................................... 147 3.3.1 Avant 1990 ........................................................................................................ 147
3.3.2 De 1990 à 2000 ................................................................................................. 148
3.3.3 Après 2000 ........................................................................................................ 151
3.4 Conclusion ................................................................................................................ 152 Chapitre 4 : Socio-démographie de la Wicca ..................................................................... 155
4.0 Enquête par questionnaire ........................................................................................ 155 4.2 Caractéristiques socio-démographiques ................................................................... 156 4.3 Auto-identification ................................................................................................... 163
4.4 Auto-perceptions de la Wicca .................................................................................. 166 4.4.1 Question portant sur la perception .................................................................... 166
4.4.2 Question portant sur la définition ...................................................................... 174 4.5 Les itinéraires religieux ............................................................................................ 177 4.6 Le rassemblement du culte et l‘animation de la collectivité wiccaine ..................... 185
4.6.1 Communautés physiques ................................................................................... 186
4.6.2 Communautés virtuelles .................................................................................... 188 4.6.3 Communautés en général .................................................................................. 191 4.6.4 Organismes et institutions ................................................................................. 193
4.7 Les objets de culte et les textes fondamentaux ........................................................ 195 4.7.1 Accessibilité des objets de cultes et des matériaux premiers ............................ 196 4.7.2 Accessibilité des textes fondamentaux et des sources écrites ........................... 198
4.8 Formation ................................................................................................................. 201 4.9 Perception et utilisation du terme « clergé » ............................................................ 202
4.9.1 Définitions ......................................................................................................... 202 4.9.2 Applicabilité à la Wicca .................................................................................... 204
ix
4.9.3 Nécessité du recours à la « chose » clergé. ........................................................ 207
4.9.4 Le clergé : une spécialisation contre rémunération? .......................................... 210
4.9.5 Quels sont les attributs exclusifs et les savoirs réservés? .................................. 213 4.10 Aumônerie .............................................................................................................. 214 4.11 Droits et libertés ...................................................................................................... 216 4.12 Synthèse .................................................................................................................. 222
Chapitre 5 : Pratiques culturelles et spiritualité alternative : une description approfondie du
milieu de vie wiccain .......................................................................................................... 225 5.0 Le milieu de vie wiccain : rappel des questions de recherche .................................. 225 5.1 L‘image d‘ensemble ................................................................................................. 225
5.1.1 Rituels publics .................................................................................................... 226 5.1.2 Conférences païennes ........................................................................................ 230
5.1.3 Les boutiques ..................................................................................................... 237 5.1.4 Observations en Angleterre : quelques éléments de comparaison avec le terrain
de Québec ................................................................................................................... 240
5.2 Culture, savoirs et communications au sein des communautés québécoises et
canadiennes ..................................................................................................................... 242 5.2.1 Sources imprimées des communautés ............................................................... 242
5.2.2 Analyse des divers sites Internet ........................................................................ 254 5.2.3 Littérature païenne ............................................................................................. 263
5.3 Conclusion ................................................................................................................ 268
Chapitre 6 : Synthèse : Vers un schéma d‘institutionnalisation multiévolutive
asynchronique ..................................................................................................................... 269
6.0 Éléments d‘intégration socio-politique ..................................................................... 270
6.1 Évolution culturelle ................................................................................................... 271
6.1.1 Identification des courants de changements culturels religieux ........................ 272 6.1.2 Retour sur la problématique de l‘institutionnalisation ....................................... 272
6.1.3 Individualisation et normalisation des pratiques : clé du changement religieux
.................................................................................................................................... 273 6.2 Les vecteurs d‘institutionnalisation de la Wicca québécoise .................................... 274
6.2.1 Forces institutionnalisantes à l‘intérieur de la Wicca ........................................ 274 6.2.2 Forces institutionnalisantes à l‘extérieur de la Wicca ....................................... 287
6.3 Exemples de succès et d‘échecs d‘institutionnalisation ........................................... 293 6.3.1 Covens ............................................................................................................... 293 6.3.2 Regroupements et associations d‘individus ....................................................... 295 6.3.3 Conférences païennes, forums et socialisation .................................................. 297
6.3.4. Communautés ................................................................................................... 300 6.4 Modèle d‘institutionnalisation multiévolutive asynchronique ................................. 302
Conclusion .......................................................................................................................... 307
Bibliographie ...................................................................................................................... 317 Annexe A : How We did it. ................................................................................................ 339 Annexe B : Millenial Gaïa .................................................................................................. 344 Annexe C : Dépliant de l‘Église Wiccane du Québec ........................................................ 346 Annexe D : Lettre du PFPC ................................................................................................ 349
Annexe E : Dépliant du Young Pagan Circle ..................................................................... 351
x
Annexe F : Gaïa Gathering ................................................................................................. 353
Annexe G : Dépliant du Centre de ressource païenne de Montréal/Montreal Pagan
Ressource center (CRPM/MPRC) ...................................................................................... 356 Annexe H : Conférences païennes de Montréal ................................................................. 359 Annexe I : Liste des thèmes pour l‘analyse de Wyntergreene ........................................... 367 Annexe J : Crescent Moon School of Magic and paganism .............................................. 368 Annexe K : You have a Pagan Student in Your School. A Guide for Educators .............. 371
Annexe L : Dépliant du coven Nothern Cougars ............................................................... 376 Annexe M : Questionnaire ................................................................................................. 381 Annexe N : Description du rituel de Mabon ...................................................................... 402 Annexe O : La charge de la Déesse et du Dieu cornu ........................................................ 406
Liste des figures
Figure 1 : Schematic of External and Internal Factors ......................................................... 48 Figure 2 : Le diamant de l‘institutionnalisation et des isomorphismes ................................ 51
Figure 3 : Orientation sexuelle des répondants ................................................................... 158 Figure 4 : Provenance des répondants ................................................................................ 159 Figure 5 : État civil des répondants .................................................................................... 161 Figure 6 : Endroits d‘approvisionnement en objets de cultes et matériaux ........................ 197 Figure 7 : Éléments de réponses relatifs à la rémunération d‘officiants ou de célébrants
wiccains ...................................................................................................................... 212
Figure 8 : Éléments de réponses : motifs à l‘appui de l‘engagement dans les services
d‘aumônerie ................................................................................................................ 214
Figure 9 : Protection de la liberté de conscience et de religion des wiccains ..................... 220 Figure 10 : Schéma de l‘institutionnalisation multiévolutive asynchronique ..................... 303 Figure 11 : Schéma de l‘institutionnalisation multiévolutive asynchronique avec exemple
.................................................................................................................................... 304
Introduction : Vers une nouvelle identité wiccaine? Les
germes d’une institutionnalisation polymorphe
Air I Am.
Fire I Am.
Water, Earth
And Spirit I Am
« Air I Am » par Andras Corban Arthen
Depuis que nous avons commencé à faire des recherches sur le terrain dans les milieux
païens en 2001 au Québec et au Canada, les mêmes questions font surface lorsque nous
mentionnons le sujet de la sorcellerie auprès d‘individus dans la population générale : « Les
sorcières existent-elles vraiment? » « Vous n‘avez pas peur qu‘elles vous jettent des
sorts? » « N‘est-il pas dangereux d‘être avec elles? » « Quelle est la chose la plus
extraordinaire que vous ayez vue? » Bien qu‘une part d‘inquiétude s‘installe initialement
dans leurs propos, ce sentiment fait vite place à de la curiosité. Les préjugés négatifs
relativement à la sorcière tendent à se réorganiser au fur et à mesure de la discussion,
faisant passer la sorcière du monde fictif et imaginaire à un monde concret et contemporain.
Malgré une certaine ignorance de la population générale à leur sujet, on observe toutefois
un vif intérêt en ce qui les concerne sur la place publique. Pour plusieurs, la sorcière est une
figure historique, marginale, politique et magique. La sorcellerie appartient effectivement
au mystérieux, à l‘enchantement, à l‘inconnu et aux jeux de pouvoir. Malgré cela, elle est
bien ancrée dans la réalité sociale et pragmatique des sociétés occidentales comme le
Québec et le Canada.
Pourquoi choisir la Wicca?
Passée la curiosité naturelle pour l‘exotisme traduite dans les propos qui précèdent,
curiosité que nous avons également ressentie au départ, le phénomène ne manque pas de
poser de véritables énigmes sur le plan sociologique. Pour notre part, il s‘est d‘abord agi
2
d‘une question scolaire à laquelle notre mémoire de maîtrise1 a été consacrée, soit celle en
lien avec la nature même de la Wicca au Québec. Cette recherche avait été faite entre 2001
et 20032. Déjà, une certaine stabilisation de la pratique commençait à se faire sentir, ne
serait-ce qu‘à travers des questionnements soulevés dans la mouvance même parmi les
personnes les plus actives sur les sites de discussion. Des questions se rapportant à la nature
de la Wicca, et à son rôle dans la société québécoise, formulées alors de manière on ne peut
plus classique pour les besoins de l‘enquête. Religion ou spiritualité, que se passe-t-il au
fond? Le mémoire a permis d‘établir que les pratiquants entretenaient un rapport au monde
qui relève du religieux, et ce, malgré la présence de pratiques solitaires, de syncrétisme
religieux et l‘absence de dogme central (Gagnon, 2008a, p. 114). Pour autant, la Wicca s‘y
dessinait telle une minorité religieuse aux structures inédites, floues et non familières en
comparaison des religions connues et présentes dans la sphère publique. D‘où l‘intérêt
d‘explorer le processus d‘institutionnalisation dans le cadre de la présente recherche.
Avant de poursuivre plus loin, il sera bon de revoir quelques concepts de base de la Wicca,
afin d‘établir un cadre de référence utile pour la thèse.
Qu‘est-ce que la Wicca?
Comme décrit dans notre mémoire de maîtrise, il existe au sein de la Wicca, beaucoup de
liberté dans la pratique3. En son plus petit dénominateur commun, la Wicca consiste à
porter un culte à la double polarité de la divinité, soit la Déesse et le Dieu cornu4. La
Déesse est la figure la plus importante de la sorcellerie wiccaine. L‘association entre la
figure de la Déesse et celle de la terre-mère nourricière est fortement utilisée et exploitée.
Elle est la force créatrice de la vie, ainsi que sa force destructrice. Elle est la source des
1 Le mémoire de maîtrise était un travail de nature ethnographique, expliquant ce qu‘est la Wicca au Québec,
les éléments de base de la pratique publique, l‘historique de la sorcellerie au Québec, ainsi que des données
provenant du terrain. 2 Le mémoire a été publié quelques années plus tard, en 2008 par Edwin Mellen Press.
3 Le développement de ce qui suit, les concepts de base de la Wicca, reprend pour l‘essentiel un extrait du
mémoire de maîtrise (Gagnon, 2008a, pp.22-35). 4 Il est à noter qu‘il existe différentes vues à ce sujet. Certains des pratiquants considèrent la Déesse et le Dieu
comme étant deux entités distinctes prenant diverses formes, alors que d‘autres les considèrent comme étant
deux aspects d‘une même entité. D‘autres pratiquants ont une approche plus polythéiste en établissant une
distinction entre les divers dieux et déesses, ou encore ont exprimé une approche où ces figures
représentatives sont absentes.
3
pouvoirs magiques, et représente le principe féminin de la « Force Divine ». En tant
qu‘astre, elle est représentée sous trois formes associées aux aspects de la lune, soit la fille
ou maid (croissant de lune), la mère (pleine lune) et l‘aïeule (lune décroissante). Le Dieu-
Cornu, de son côté, est le principe masculin de la « Force Divine » et est représenté par
l‘astre du jour, le soleil. Il est le seigneur des bois, de la chasse, des animaux, de la vie et de
la mort. Il est souvent représenté comme étant mi-homme et mi-animal, avec des cornes de
cerf sur la tête ou encore sous la forme de Pan. Les bois sont associés à son domaine, soit
celui de la forêt. De plus, le Dieu-Cornu représente la sexualité, la vitalité, la logique et la
force (Guiley, 1989, pp. 163-164).
L‘un des attraits de la Wicca est l‘absence d‘intermédiaire entre le pratiquant et ses déités.
Le pratiquant est en lien direct avec eux puisque les dieux (ou la nature divine) sont
inhérents à toutes choses. Les adeptes sont, par conséquent, des représentants vivants des
déités sur terre. En acceptant ce rôle, les wiccains doivent par conséquent être responsables
de leurs actes et doivent travailler plus fort à leurs croyances, à leurs pratiques et à leurs
actions dans la vie mondaine.
Dans la Wicca, il y a 21 cérémonies de base, soit 13 Esbats5et 8 Sabbats, lesquelles
constituent le calendrier wiccain connu sous le nom de la roue de l‘année wiccaine (Wheel
of the Year). Les quatre grands sabbats (Samhain, Imbolc, Beltane et Lughnasadhou
Lammas) sont des fêtes agraires et les petits sabbats, basés sur les solstices et les équinoxes,
sont des fêtes solaires (Yule, Ostara, Midsummer, Mabon).6 Puisque la Wicca suit le cours
5 L‘Esbat est une célébration de la descente de la lune, laquelle se tient à toutes les pleines lunes. Cette
cérémonie transfère les pouvoirs de la lune (la Déesse) à la terre. C‘est à ce moment que les rituels sont les
plus aptes à réussir, car les énergies sont très fortes et positives. Cette cérémonie a lieu treize fois par année
car le calendrier wiccain est un calendrier lunaire. 6 La première fête est le Yule (21 décembre), qui marque la nuit la plus longue de l‘année. Par la suite, c‘est
l‘Imbolc (1er février) qui est la fête des chandelles, qui célèbre l‘arrivée des premiers signes du printemps. Le
21 mars marque la cérémonie de l‘Ostara, l‘équinoxe du printemps. Beltane (1er mai) est une fête qui a pour
thème la fertilité. Vient le temps du solstice d‘été Midsummer (21 juin). C'est le jour le plus long de l‘année,
une journée où les mariages wiccans se célèbrent (lorsqu‘il y en a). Cette cérémonie est suivie d‘un grand
sabbat, le Lugnasadh ou Lammas (1er août), qui marque la première moisson. Le Mabon, l‘équinoxe
d‘automne, marque la deuxième moisson (21 septembre). Finalement, l‘une des fêtes les plus connues dans le
monde est le Samhain ou l‘Halloween (31 octobre). C‘est le nouvel an pour le calendrier wiccain.
4
de la nature, ces cérémonies fournissent l‘occasion de se mettre en harmonie avec
l‘environnement.
En ce qui a trait aux lois, toutes les notions (religieuses, magiques et philosophiques) sont
acceptées dans la mesure où elles respectent la loi principale. Cette loi est connue sous le
nom de Wiccan Rede, laquelle exhorte les pratiquants à une liberté responsable : « An ye
harm none, do what ye will. ». À cette loi s‘ajoute la loi du triple retour, qui implique que
tout ce que nous faisons nous revient par trois fois. Ensemble, ces principes s‘avèrent un
moyen efficace d‘accorder une grande liberté d‘action tout en limitant les actions néfastes.
La réincarnation est aussi un concept fondamental de la Wicca7. Les wiccains conçoivent
que lors de la mort, l‘essence de la personne passe par huit étapes8. À la première étape, la
personne est dépouillée de son enveloppe corporelle et la conscience devient un corps
astral. Il atteint par la suite un état intermédiaire qui est le Summerland où cette conscience
se prépare et se développe afin de passer à une autre incarnation. Ce qui reste est
l‘individualité de cette personne. Lorsque prête et que la réincarnation va avoir lieu, cette
individualité accumule les matériaux de base dans le but de créer une nouvelle enveloppe
corporelle. La dernière étape est celle de la réincarnation physique, soit la naissance.
Au niveau de la gestion de la pratique, il n‘y a pas de dogme central reconnu par tous. Il
n‘existe pas d‘autorité centrale ou de hiérarchisation entre les covens 9 et les traditions. Par
contre, à l‘intérieur d‘un coven wiccain, il existe une forme de hiérarchie qui est associée à
l‘expérience et aux degrés d‘initiation du membre. Les initiations situent le pratiquant dans
une hiérarchie verticale (néophyte à grande-prêtresse10
). L‘expérience de ce dernier, c‘est-
à-dire les techniques et les exercices acquis par la pratique solitaire ou par l‘intermédiaire
d‘un coven, situe l‘adepte sur une échelle horizontale (peu d‘expérience à beaucoup). Nous
pouvons donc retrouver au sein d‘un coven des néophytes, des prêtresses, des
7 Bien qu‘il soit important, il n‘est pas souvent expliqué ou développé dans la littérature ou sur Internet.
Certains wiccains n‘y adhèrent pas. 8 Nous résumons ici l‘explication donnée dans le Witches’ Bible de Janet et Stewart Ferrar (1996),
pp.118-121. Il existe d‘autres versions ailleurs, mais c‘est la version la plus complète que nous ayons trouvé. 9 Groupe fermé de 13 personnes ou moins, de préférence en nombre égal d‘hommes et de femmes, avec une
grande-prêtresse à la tête du groupe. 10
Le féminin est utilisé ici pour simplifier l‘écriture, mais ces rôles sont également pris par des hommes. Ceci
va également pour le terme prêtresse et prêtre.
5
grandes-prêtresses ainsi que des aînées11
. Habituellement, les dirigeants du coven sont la
grande-prêtresse et le grand-prêtre. Ils agissent en tant que guides pour ceux et celles qui
poursuivent leur cheminement.
Au sein d‘un coven, les néophytes commencent leur cheminement dans la Wicca. Pendant
un an et un jour, ils suivent un entraînement pour acquérir les bases qui leur seront
nécessaires pour devenir prêtresses. Lorsque la personne est jugée prête par la grande-
prêtresse du coven, elle passe par l‘initiation du premier degré. Cette initiation transforme
sa fonction de néophyte à prêtresse, lui permettant de célébrer des rituels magiques. C‘est à
ce moment qu‘elle pourra recevoir ses outils de travail wiccains et les consacrer (bénir).
Elle ne peut être initiée que par une personne du deuxième ou du troisième degré12
.
Après une autre période d‘études et de travail (au minimum une année et un jour), la
prêtresse, lorsque jugée prête par la grande-prêtresse du coven, subira l‘initiation lui
conférant le deuxième degré, soit celui de grande-prêtresse13
. Ce grade lui confère le
pouvoir d‘initier à son tour les adeptes vers le premier et le deuxième degré. Elle a
maintenant la possibilité de quitter son coven et de créer son propre coven avec la
permission de la grande-prêtresse. Son coven devient alors un coven fille, gardant un lien
avec son coven original. Elle peut créer et diriger un bosquet (grove) représentant une cour
externe du coven. Dans ce bosquet, elle peut former les néophytes ainsi que tenir des rituels
publics.
Parmi les grandes-prêtresses, il y en a une, la « Maiden », qui est choisie pour assister la
grande-prêtresse du coven dans ses fonctions concernant les rituels. Il y a aussi le
« Summoner », c.-à-d. le messager, poste principalement occupé par un homme. Il est le
messager confidentiel du coven et de la grande-prêtresse. Il est celui envoyé lorsqu‘il y a
des communications avec d‘autres covens. Il peut aussi agir en tant qu‘escorte (Farrars,
1996, p.182).
11
En règle générale, les covens wiccains ont trois degrés d‘initiation. Il y a toutefois quelques covens qui se
dotent de plusieurs degrés supplémentaires. 12
L‘initiateur peut être un homme ou une femme. Tout dépendant des traditions, ce rôle est tenu par un
homme si l‘initié est une femme et inversement si l‘initié est un homme. 13
Grand-prêtre ou magus chez l‘homme.
6
Après une autre période de temps déterminée par la grande prêtresse du coven (ou coven
parent dans le cas où la grande prêtresse aurait décidé de fonder son propre coven), la
grande prêtresse peut aller de l‘avant avec la troisième initiation. Cette initiation, connue
sous le nom du grand rite ou rite sublime, confère l‘indépendance totale de la grande-
prêtresse vis-à-vis du coven parent. Elle peut exécuter les initiations des trois niveaux ainsi
que fonder un coven totalement indépendant de son coven original. Éventuellement, si au
moins trois covens sont créés par des prêtresses qu‘elle aura initiées, elle pourra porter le
nom de Witch Queen14
.
Le coven wiccain traditionnel est mixte et tente idéalement d‘avoir un nombre égal
d‘hommes et de femmes. Bien que la tradition gardnérienne indique que le coven devrait
être composé de treize personnes, cela n‘est pas toujours le cas. Les covens peuvent
compter trois personnes et plus. Le problème qui peut survenir lorsqu‘un groupe est trop
nombreux est qu‘il soit difficile de travailler sur un plan plus personnel. Il est donc
possible, à ce moment, de voir à la création d‘un nouveau coven.
Les pratiquants solitaires, pour leur part, ne répondent en général à personne, sauf à eux-
mêmes. Lorsqu‘ils se sentent prêts, ils se consacrent au cheminement qu‘ils désirent
entreprendre par un rituel de dévouement (dedication). Ils peuvent plus tard dans leur
cheminement décider de procéder à l‘auto-initiation, se conférant ainsi le titre de prêtresse.
Le déroulement et la tradition empruntés sont laissés au choix du pratiquant.
À l‘instar d‘autres religions, la Wicca établit et célèbre des rites de passage. On y retrouve
le Wiccaning (baptême), le Handfasting (le mariage) et le Requiem (funérailles). En ce qui
concerne le baptême, il est à noter qu‘aucun parent n‘est tenu de soumettre ses enfants au
rituel15
. Ils peuvent le faire s‘ils y tiennent vraiment, mais cela ne veut pas dire que l‘enfant
soit lié pour le futur à la pratique de la Wicca. L‘enfant choisira idéalement, une fois adulte,
son propre cheminement spirituel. Le mariage consiste, en général, en un échange de vœux
14
Elle peut dorénavant porter une jarretelle sur laquelle sont posés des petits badges ou insignes indiquant le
nombre de covens fille qui sont issus de sa tradition. 15
Les parents qui choisissent ce rituel le considèrent plus comme un moyen d‘assurer une forme de protection
à l‘enfant.
7
qui peut être à vie ou renouvelable après une certaine période de temps16
. Finalement, en ce
qui concerne le requiem, il n‘y a ni format ni méthode uniforme. Chaque groupe procède de
manière différente pour signaler le départ de l‘un de ses membres, soit par inhumation, soit
par crémation.
Qui dit sorcellerie, dit magie. Du moins, c‘est l‘association commune. De fait, la magie est
une pratique accessoire à la Wicca. Elle sert principalement à la manipulation de l‘énergie.
La magie est protéiforme et s‘alimente à plusieurs sources : magie kabbalistique, magie
égyptienne, magie verte, magie naturelle, blanche, noire ou rouge17
. La magie n‘est pas
exclusivement la propriété d‘une tradition. Chaque tradition est éclectique dans une certaine
mesure, ce qui permet, par exemple, à des pratiquants d‘une tradition celtique d‘intégrer
l‘utilisation de la magie kabbalistique à leur pratique religieuse. Cependant, tous les
wiccains n‘usent pas de magie.
Dans la Wicca, selon la tradition et l‘endroit, il y a l‘option d‘exécuter les rituels et la
magie à nu (Skyclad : vêtu de nuage) ou vêtu. Paradoxalement, ce recours à la nudité est
une innovation attribuée à Gardner, le fondateur de la Wicca publique, lequel pratiquait le
naturisme. Plusieurs raisons sont aujourd‘hui fournies afin d‘expliquer le choix de cette
option. Pour certains, c‘est le moyen le plus efficace de créer et de libérer l‘énergie
psychique puisqu‘il n‘y a pas de barrière physique susceptible d‘empêcher la circulation de
l‘énergie. Pour d‘autres, la pratique à nu permet à l‘adepte de se révéler en tant que
personne, car il ne peut pas se cacher derrière des masques que procurent les vêtements.
Certains adeptes choisissent cette option, car ils veulent se présenter à leurs déités telles que
lorsqu‘ils ont été créés. D‘autres y voient un côté pratique. Puisque souvent ils travaillent
avec plusieurs personnes dans un endroit restreint, à l‘intérieur d‘un cercle magique, où
sont posées des chandelles, la pratique à nu permettrait d‘éviter des accidents. Il est à
16
Par exemple, les vœux peuvent être pris pour un an, comme pour une période d‘essai. S‘ils décident de
poursuivre plus longtemps, les conjoints renouvellent leurs vœux pour une période indéterminée. 17
En ce qui concerne les couleurs de la magie, pour la majorité des pratiquants, ces termes sont inexacts,
puisque la magie n‘a pas de ―couleur‖. Elle est neutre et représente les intentions de la personne qui la
pratique. Par conséquent, si une personne a de mauvaises intentions lorsqu‘elle utilise la magie, cela serait
considéré comme de la magie noire. Par contre, si ses intentions sont bonnes, elle sera considérée comme
étant blanche.
8
retenir que c‘est une option qui n‘est pas exercée par tous les covens. Il y a également des
solitaires qui choisissent ce mode de travail, à leur discrétion. À noter que durant les rituels
publics, la pratique à nu n‘est pas exercée18
.
L‘un des aspects importants que l‘on retrouve dans les rituels wiccains est le cercle
magique. Le cercle magique est un espace sacré et purifié dans lequel se déroulent les
rituels et les cérémonies. Il est un espace entre deux mondes, soit le monde humain et
l‘Autre monde. Il permet aux hommes d‘avoir accès à l‘Autre monde. Ce cercle garde
éloignés toutes les mauvaises énergies et les esprits malins. C‘est un endroit où les dieux,
les esprits et les gardiens des tours sont invités (et non pas ordonnés) à prendre part au
rituel. Par sa forme ronde, le cercle symbolise la perfection, l‘unité, la matrice de la Déesse,
la création du cosmos et le cycle de la vie : la naissance, la maturation, la mort et la
régénération.
Habituellement, un autel est placé au centre du cercle et, selon la tradition à laquelle
appartiennent les pratiquants, est orienté soit vers le nord ou le nord-est. Le cercle peut être
tracé physiquement par un dessein, par des chandelles ou par quelconque moyen de
délimitation. Le cercle peut aussi être dressé en une sphère d‘énergie ou être tracé
symboliquement à l‘aide d‘une baguette. Un soin est accordé à laisser une ouverture, une
porte, par laquelle les officiants et les participants peuvent entrer et sortir du cercle sans
perturber les forces présentes. Cette porte se retrouve généralement à l‘est du cercle.
Ces éléments et concepts de base en place, jetons un regard rapide sur la création de la
Wicca. Certaines des traditions contemporaines qui la composent ont fait leur apparition en
Grande-Bretagne, à la faveur d‘un changement législatif notable à l‘effet de décriminaliser
la pratique de la sorcellerie. Les origines publiques de la Wicca sont attribuées à Gerald
Brousseau Gardner19
(1884-1964) en 1951. Bien que des pratiques de sorcellerie existaient
18
Exception faite de certains festivals païens où l‘option d‘être nu ou à moitié nu au rituel peut être acceptée. 19
Par le passé, les débats autour de la paternité de Gardner en ce qui concerne la création de la Wicca ont fait
couler beaucoup d‘encre. A-t-il créé la Wicca? A-t-il repris et rendu publique une pratique secrète déjà en
place en Angleterre? Plusieurs hypothèses circulent. Incontestablement Gardner est celui qui a fait connaître
la pratique de la Wicca dans les médias et dans l‘espace public, notamment grâce à ses publications. Qui plus
est, les pratiquants actuels du monde entier se revendiquant wiccains, même s‘ils ne sont pas issus de sa
lignée directe, le reconnaissent comme le fondateur de la pratique dans sa forme publique.
9
à l‘époque, Gardner est celui qui a exposé la Wicca au public après la substitution du
Fradulent Medium’s Act à la loi contre la sorcellerie, Witchcraft and Vagrancy Act de 1736
(Hutton, 1999, p. 242). En même temps paraissaient deux ouvrages phares de la mouvance
écrits par Gardner, soit Witchcraft Today et The Meaning of Witchcraft (Adler, 1986, p. 46;
Hutton, 1999, p. 206). Gardner a fondé un premier coven et a procédé à plusieurs
initiations20
. Ces initiés ont diffusé la Wicca non seulement en Grande-Bretagne, mais
également à travers le monde, principalement aux États-Unis et au Canada. Les covens en
ligne directe avec Gardner sont surnommés les British Traditional Wicca (BTW)21
.
En somme, la Wicca est une religion22
de la nature. Elle incorpore à sa pratique magique
des croyances religieuses : un culte dédié à la Déesse et au Dieu cornu (et ce sous plusieurs
aspects23
), ainsi que des croyances et des pratiques appartenant à d‘autres religions ou
spiritualités. Outre ce qui précède, il s‘agit d‘une religion sans dogme ou texte sacré central
et commun à tous24
. De plus, elle n‘a pas de chef unique, ou encore de représentant
religieux reconnu par tous les membres. Pratique destinée initialement aux adultes, depuis
le baptême public de la Wicca par Gerald B. Gardner en 1951, on voit apparaître après
quelques décennies de nouvelles générations de pratiquants, dont les parents eux-mêmes
sont wiccains ou païens. Suite à l‘immigration vers le Canada et les États-Unis de certains
membres des covens britanniques dans les années soixante, la Wicca s‘est fait un nid en
Amérique du Nord. C‘est ainsi que la mouvance se manifeste par la tenue de rituels publics
au Canada et au Québec il y a un peu moins de vingt-cinq ans florissants.
20
Pour de plus ample renseignements, voir notre chapitre consacré à la création et à la diffusion de la Wicca
dans La Wicca au Québec : portrait d’une religion de sorcellerie contemporaine, pp. 11-17, ainsi que
l‘ouvrage de Ronald Hutton Thriumph of the Moon, dans lequel il consacre un chapitre à Gardner. 21
Ce terme est majoritairement utilisé par les covens et les individus vivant en Amérique du Nord afin de
faire une distinction entre les pratiques anglaises et les autres. 22
Pour les besoins de cette recherche, la religion renvoie à un ensemble de croyances et de pratiques, plus ou
moins organisé, relatif aux mystères de la vie et de l‘existence, expliqués soit en termes d‘un conflit de forces,
soit en rapport avec la cosmobiologie soit en rapport avec une réalité supraempirique transcendante (dérivé de
Laburthe-Tolra et Warnier, 1992, p.187; Campiche et Bovay, 1992, p.35). 23
Divers panthéons sont mobilisés. Certains groupes se concentrent sur les déités celtes, d‘autres
gréco-romaines, égyptiennes, scandinaves, amérindiennes, etc. Souvent, on voit un mélange de tous ces
panthéons. 24
Il existe aujourd‘hui plus de cent cinquante traditions différentes à travers le monde, disposant de concepts
et de pratiques qui leur sont propres, mais qui conservent cependant des éléments de base facilement
reconnaissables entre eux tels que ceux nous avons mentionnés.
10
L‘absence d‘intermédiaire entre le pratiquant et ses déités est dans la Wicca un postulat de
base. Chaque pratiquant est théoriquement prêtresse ou prêtre. Par conséquent, tous sont
investis d‘autorité et sont imputables de leurs croyances. Ceci est d‘autant plus visible chez
les pratiquants solitaires. Parallèlement à l‘implantation de covens, la pratique solitaire a
pris de plus en plus d‘importance au sein de la mouvance wiccaine, et ce, particulièrement
au Québec au cours des années 1990. Cette pratique a vu sa popularité augmenter grâce à
Scott Cunningham, auteur de quelques ouvrages sur la Wicca et la pratique solitaire,
lesquels ont permis à plusieurs individus isolés de se vouer à cette religion même si,
traditionnellement, l‘identité et la pratique étaient transmises uniquement par les covens.
Cet aspect de « pratique solitaire » a modifié la perception que les wiccains ont de leur
croyance et a grandement modifié leur action sur l‘espace public. Par exemple, dans les
années 1990, les rituels publics à Montréal étaient organisés par les covens locaux. Dans les
années 2000, ce sont des regroupements de divers individus, pratiquants solitaires et
covens, qui organisent les événements publics. En revanche, la pratique des covens est
résolument collective et discrète. Offerte au public de manière sélective à l‘occasion de
festivals ou de rituels, elle en est une de virtuosité, de charisme et de tradition. Dans la
lignée gardnérienne, à titre d‘exemple, le niveau le plus élevé d‘initiation est conféré aux
femmes, c.-à-d. les grandes-prêtresses. Aujourd‘hui, ces covens traditionnels cohabitent
avec des covens éclectiques, des cercles unisexes, femmes ou hommes seulement (quoique
ces derniers soient plus rares), des covens virtuels, sans compter les autres formes de
covens possibles, ainsi donc qu‘une grande présence de pratiquants solitaires.
Grâce à une prolifération d‘ouvrages sur la Wicca par ses pratiquants ainsi que les quelques
travaux académiques, les éléments de base de la culture wiccaine sont un peu mieux cernés.
Cependant, les rapports de la mouvance avec la loi, le droit et les politiques publiques sont
à ce jour méconnus et peu documentés. Se pose une première question sur laquelle nous
avons voulu travailler : Quels sont les grands paramètres de l‘existence publique de la
Wicca au Canada et au Québec?
Lorsqu‘un groupe religieux cherche à se faire reconnaître légalement auprès des autorités
publiques, il cherche non seulement à faire prévaloir ses droits, mais aussi à bénéficier des
11
avantages liés à une telle reconnaissance comme la libre pratique de sa religion sans
discrimination. Cela va de soi, semble-t-il, lorsque l‘on parle de religions dites
traditionnelles telles que le christianisme, le judaïsme ou encore l‘islam. Mais qu‘arrive-t-il
dans le cas d‘une religion qui se transforme au gré des courants de pensée, qui intègre des
notions de magie et d‘ésotérisme, où la femme, la nature et le syncrétisme sont privilégiés?
Pour plusieurs observateurs, l‘existence publique de la Wicca ne fait pas l‘unanimité.
Certains participants craignent les visées de pouvoir sur toute la mouvance d‘une entité
légalement reconnue; d‘autres, le contrôle de leur pratique et l‘imposition d‘un modèle de
culte reconnu par le gouvernement25
. En même temps, plusieurs font valoir l‘utilité d‘un
interlocuteur reconnu afin de défendre des droits et des libertés, de fournir des services
collectifs et de répondre à des besoins et à des demandes exprimées par les membres. Il
s‘en trouve encore pour déplorer la perte de liberté et de spontanéité actuelle. En général, il
règne une forte appréhension face aux pouvoirs et aux autorités de tous ordres dans le
milieu païen, et ce, même envers les autorités de l‘intérieur de la mouvance si elles ne sont
librement consenties.
Il se greffe ici une seconde question. Comment chaque composante de la mouvance
négocie-t-elle son statut et sa place dans l‘espace public et dans la sphère publique? Ce jeu
de « position initiale » et de « position souhaitée » des uns et des autres est au cœur du
débat suscité par l‘implantation de la Wicca.
La résolution partielle de ces deux questions renvoie à la même problématique, celle de
l‘institutionnalisation. Dans cette thèse, nous y aurons recours afin de décrire en profondeur
les défis posés à cette mouvance religieuse alternative en quête d‘authenticité spirituelle, de
crédibilité sociale et de reconnaissance publique.
Parmi les diverses pratiques de sorcellerie et les divers groupes païens qui existent à
l‘intérieur de la mouvance païenne, la Wicca se démarque dans l‘espace public quant au
nombre de ses pratiquants et à l‘organisation de l‘action collective. C‘est ce rôle qui amène
25
Cette crainte provient de l‘idée que si le gouvernement reconnaissait une forme légale d‘église ou de temple
wiccain, celle-ci serait imposée comme étant le seul et unique modèle permettant l‘obtention d‘une
reconnaissance.
12
en partie la Wicca à passer d‘une pratique discrète à celle d‘une religion sur la place
publique, tout en voulant maintenir une certaine réserve. Les médias sous diverses formes
(télévision, films, livres, Internet) ont grandement contribué à cet effet de notoriété en
amenant la sorcière sur nos écrans. En revanche, la notoriété augmente la visibilité des
pratiques de sorcellerie contemporaine. Elle attire les curieux de tout ainsi que ceux et
celles qui sont en quête d‘une pratique qui correspond à leurs attentes. Éventuellement, elle
contribue involontairement à l‘augmentation du nombre de pratiquants adultes, rendant la
sorcellerie de plus en plus connue et accessible ou — du moins, — la sort un peu plus des
placards à balai. Au Canada, lors des recensements gouvernementaux, la population qui se
déclarait païenne en 1991 totalisait 5 530 personnes. Dix ans plus tard, Statistiques Canada
enregistrait plus de 21 000 personnes faisant partie de ce groupe26
. Lors de discussions avec
des membres de la Fédération païenne du Canada, il semblerait qu‘un nombre additionnel
de 20 000 à 25 000 de personnes, n‘ayant pas déclaré leur appartenance, devrait être ajouté.
Ces chiffres traduisent bien une nette augmentation dans la population wiccaine, sinon la
popularité de l‘adhésion. Au Québec, on estime qu‘il y a 600 wiccains dans la province27
.
Cette augmentation du nombre de pratiquants amène non seulement un accroissement des
défis internes déjà présents (par exemple la gestion de membres de covens), mais également
l‘apparition de nouveaux défis auxquels les wiccains tentent de remédier à leur façon
comme l‘éducation religieuse des enfants et la création de lieux publics pour les rituels de
la communauté. Plusieurs questions se posent et font l‘objet de discussions. Des objets et
des sujets de discussions associés à d‘autres formes religieuses se retrouvent sur la
plateforme wiccaine. Des termes tels que « clergé », « église », « aumônerie », « école » et
« centre de ressources » font tour à tour leur apparition dans les débats et les discussions
des wiccains et des païens québécois et canadiens. Ces échanges et les mesures qui en
26
« Religion, groupes d‘âge et sexe pour la population, pour le Canada les provinces, les territoires, les
régions métropolitaines de recensement et les agglomérations de recensement, recensements de 1991 et
2001 », Ottawa : Statistique Canada, 17 juin, 2003.catalogue #97F00222XCB01002. Il est important de noter
ici que les termes de « païens », « Wicca » et « sorcière » sont souvent utilisés alternativement par la même
personne, car elle peut se voir vêtir de toutes ces identités. 27
Bien que les statistiques ne soient pas très précises en ce qui concerne la population générale, il y a
beaucoup plus de païens que de wiccains dans la province. Cela dépend également de la définition et de
l‘utilisation du terme « Wicca » par les pratiquants, ce qui est différent parmi les anglophones et les
francophones. On peut estimer à près de deux ou trois milles païens dans la province, mais moins du tiers sont
wiccains.
13
découlent leur donnent accès à une plus grande intégration au tissu social environnant
comme la création d‘une communauté, la tenue de rituels publics, la participation à des
festivals païens, la possibilité de se doter de lieux de culte ou encore de rassemblements, de
transmettre leurs savoirs et leurs techniques à d‘autres dans des écoles propres à leurs
croyances. Ce sont là des éléments que l‘on retrouve dans les autres religions qui partagent
la même scène culturelle, sociale et politique que les wiccains au Québec.
C‘est justement dans cet espace public que jouent les différentes forces
institutionnalisantes. En 50 ans de présence en sol québécois et canadien, la Wicca est
passée d‘une pratique de quelques covens anglophones dans les salons de pratiquants à des
covens anglophones, francophones, bilingues, des pratiquants solitaires performant des
rituels publics, ouvrant des écoles de sorcellerie, développant et créant des communautés,
des festivals, des boutiques, des associations et des fédérations, des conférences et des
services d‘aumônerie. Que se passe-t-il? Pour des mouvements comme la Wicca, qui est
basée sur un système non centralisé du culte, et où le syncrétisme religieux est permis et
accepté, la quête d‘une reconnaissance publique s‘accompagne forcément d‘un débat
portant sur le développement de la lignée croyante, sur les rapports appropriés face au
monde extérieur. Comment la mouvance se transforme-t-elle? Quelles motivations sous-
tendent son évolution dans le temps? L‘institutionnalisation est-elle souhaitée par tous les
membres? L‘institutionnalisation en cours menace-t-elle certaines visions ou conceptions
de la continuité du groupe?
Dans les prochains chapitres, nous présenterons une description des différents éléments qui
contribuent à l‘institutionnalisation de la Wicca au Québec. Dans un premier temps, les
aspects théoriques seront abordés. La Wicca a changé, s‘est transformée et a évolué
rapidement au cours des dernières décennies. Il faut se donner des bases théoriques pour les
aborder. À la lumière de diverses approches théoriques sur la question de
l‘institutionnalisation, un schéma général de transformation sera esquissé, qui combinera
les principaux vecteurs internes et externes de changement. Dans un deuxième temps, les
questions touchant l‘intégration socio-politique de la Wicca seront traitées. Lorsque l‘on
parle de religion sur la place publique, on se confronte d‘emblée aux questions de droits, de
14
normes économiques, politiques, sociales et législatives. Que cela touche la mise sur pieds
d‘organismes, la célébration d‘un mariage ou encore l‘offre de services d‘aumônerie dans
les prisons, les lois et les règlements émis et appliqués par les autorités publiques
contribuent à la transformation et entraînent l‘intégration de la mouvance au sein de la
société. Ces normes vont avoir une incidence sur les activités publiques et privées des
pratiquants.
L‘un des milieux où l‘on peut observer l‘application de ces normes et l‘évolution de la
perception publique de la Wicca et de la sorcellerie est la jurisprudence canadienne : quels
sont les droits pour les minorités religieuses et quelle est la condition des wiccains à cet
égard? Ce sont là deux aspects abordés dans le troisième chapitre. Un survol de la
jurisprudence portant sur divers mots-clés en lien avec la Wicca y permettra notamment de
brosser un portrait de l‘évolution de l‘image de la sorcellerie auprès de diverses instances.
Par la suite, nous aborderons dans les quatrième et cinquième chapitres les éléments
touchant la socio-démographie et l‘évolution culturelle de la Wicca au Québec. Tout
d‘abord, les résultats d‘un questionnaire rempli par divers pratiquants à travers la province
seront donnés. Ce long questionnaire se concentre sur les enjeux de l‘institutionnalisation,
avec une attention particulière aux questions liées au clergé et à l‘aumônerie dans les
prisons, en passant par des questions descriptives de la population wiccaine telles l‘auto-
identification, les itinéraires religieux, les perceptions d‘objets et les croyances
personnelles. Les réponses sont révélatrices de positions face aux enjeux de
l‘institutionnalisation, de perceptions par rapport aux changements qui se produisent et
d‘anticipations du développement de leur religion. S‘y retrouvent des questions sur les
notions de communautés, d‘organismes et d‘institutions du milieu ou de l‘environnement,
ainsi que sur les problèmes liés à la formation et à l‘accessibilité aux outils nécessaires à la
pratique rituelle.
Un questionnaire n‘est toutefois pas le seul moyen pour obtenir de l‘information sur les
sources et les vecteurs de changements auprès des wiccains. Puisque la Wicca existe à la
fois dans le monde tangible et intangible, il convient de colliger l‘information disponible
dans ces deux mondes. Les analyses de la littérature communautaire québécoise et
15
canadienne et les observations participantes réalisées lors de rituels et de conférences
publics seront complétées par celle des sites Internet d‘importance dans le milieu. Le
contexte culturel et la disponibilité de l‘information et des ressources dans le monde
anglophone réduisent ces possibilités au plan virtuel. Toutefois, du côté des francophones,
et surtout en région, le cyberespace devient un outil essentiel, tant pour l‘information, la
socialisation que pour sa pratique. Comme il sera démontré, la question de la langue
devient en fait un enjeu important dans le développement de la Wicca au Québec.
Finalement, dans le chapitre six, un modèle d‘institutionnalisation multiévolutive
asynchronique, se basant sur l‘ensemble des données recueillies, sera présenté. Par
l‘analyse des vecteurs de transformation et d‘homogénéisation à l‘intérieur de la Wicca
québécoise, on parvient à établir un schéma qui a pour but de rendre compte de la
complexité de la nature même de cette religion et de son évolution. Il va sans dire que la
transformation et les préoccupations de certains membres des communautés par rapport à
l‘institutionnalisation ne sont probablement pas, à première vue, aussi importantes que cela
puisse paraître dans l‘ensemble et pour l‘ensemble du milieu. Néanmoins, les mécanismes
sont présents et en marche, et la fréquence et l‘accumulation de tous les éléments de
transformation préfigurent l‘institutionnalisation. Le modèle tente d‘expliquer les
changements qui amènent un groupe religieux vers des formes institutionnalisées. De plus,
la possibilité de témoigner de ces changements pendant qu‘ils se produisent au sein d‘une
communauté est une occasion de voir tous ces éléments en marche, car plus souvent
qu‘autrement, les modèles sont créés après que l‘institutionnalisation ait eu lieu. On a une
forme au départ et une autre à la fin et on en tire des conclusions.
Dans le cas de la Wicca québécoise, on a l‘opportunité de voir ce qui fonctionne et ce qui
ne fonctionne pas, de déceler les tensions majeures évidentes de celles qui le sont moins et
de connaître les perceptions internes et contradictoires face à ces changements. La vague de
transformation institutionnalisée a pris cette religion d‘assaut à différents moments et de
diverses façons. Il nous tarde d‘en démêler les courants.
Chapitre 1 : Évolution culturelle et intégration
sociopolitique de la Wicca
We are the flow, we are the ebb,
We are the weavers, we are the web.
We are the weavers, we are the web,
We are the spiders, we are the thread.
We are the spiders, we are the thread,
We are the witches back from the dead.
Chant par Shekhinah Mountainwater
Depuis 50 ans, nous voyons au Québec le développement de mouvements culturels qui se
réapproprient les pratiques, les croyances et les référents de religions préchrétiennes (p. ex.
magie, sorcellerie, paganisme) dans un contexte moderne. La Wicca constitue, parmi les
mouvements regroupés sous l‘appellation de néo-paganisme28
, celui qui a la plus grande
influence sur la culture populaire en Amérique du Nord. Bien que plusieurs ouvrages
anglophones documentent les développements américains et anglais, la question des
néo-paganismes a été peu traitée au Québec. Les quelques études existantes privilégient les
dynamiques liées au sexe et au genre. Il en est ainsi des travaux de Lucie Dufresne sur la
sorcellerie féministe québécoise (Dufresne, 1999, pp. 203-209) et sur les groupes
féministes vouant un culte à la Déesse dans la région de l‘Outaouais (thèse de doctorat,
2004, Université d‘Ottawa), ainsi que de la mémoire de maîtrise de Shelley Rabinovitch
portant sur l‘existence du néo-paganisme et de la sorcellerie au Canada (Rabinovitch, 1992,
Carleton University), sans oublier les articles pionniers d‘Ève Gaboury sur la sorcellerie
féministe à Montréal (1998, pp. 91-105). En outre, Marisol Charboneau a consacré son
mémoire de maîtrise aux particularités du paganisme à Montréal (thèse 2008, Université
d‘Ottawa). Le mémoire de maîtrise de Sian Reid se concentre sur l‘image de la sorcière
28
Le terme « paganisme » est un terme général englobant une variété de traditions différentes qui n‘ont pas
nécessairement de dogme central, mais qui sont cependant dotées de la vision d‘un sacré émanent dans la
nature ainsi que dans toute forme de vie (Higginbotham, 2003, p. 1; Reid, 2002b, pp. 168-169).
18
dans l‘espace public des médias de la région d‘Ottawa entre 1980 et 1990 (Reid, 1992,
Carlton University).
Toutefois, ces travaux ne suffisent pas à rendre compte de manière synthétique de la réalité
wiccaine actuelle au Québec et au Canada, c‘est-à-dire un milieu où le syncrétisme
religieux est encouragé et où la présence d‘une autorité religieuse toute puissante est
critiquée, voire découragée, ce qui invite le chercheur à jeter un regard nouveau sur les
liens tissés entre la société, la religion et l‘autorité publique. Cette problématique pourrait
être d‘autant plus révélatrice des modalités actuelles du changement religieux et culturel,
d‘autant plus qu‘elle se rapporte à un groupe divisé sur la question même de
l‘institutionnalisation. En effet, divers groupes wiccains au Québec et au Canada se
trouvent présentement à un moment charnière, comme témoignent plusieurs débats actuels
autour de demandes récentes, présentes ou à venir de reconnaissances légales et publiques
de leurs croyances auprès des institutions gouvernementales provinciales et fédérales. La
teneur de ces débats, les options envisagées, les choix effectués et les contraintes assumés
ou refusés font l‘objet de cette thèse.
Au cours de la dernière décennie, nous avons été témoins de la montée de la popularité de
la sorcellerie et de la Wicca dans les médias (films et émissions de télévision) et sur la
place publique (organismes, boutiques, Journée de la fierté païenne). Malgré cela, la Wicca
reste encore méconnue du public général en tant que mouvement culturel à référence
religieuse. Il est donc important de pouvoir aborder et identifier les diverses notions et
pratiques qui lui sont associées. La première partie de cette thèse se penchera sur ces
questions. Nous présenterons également les principaux schémas explicatifs du changement
culturel religieux. L‘approche du néo-institutionnalisme (DiMaggio et Powell, 1983), ainsi
que le schéma évolutif de Richardson (Richardson, 1985, p. 172) serviront d‘ailleurs de
base au développement d‘un modèle d‘institutionnalisation mieux adapté à la réalité des
minorités religieuses telle que la Wicca. Dans la deuxième partie de la thèse,
l‘identification des divers vecteurs de transformation et d‘institutionnalisation sera
présentée. Puisque peu d‘ouvrages et peu de ressources traitent de ce sujet au Québec, une
collecte de données originales s‘avère nécessaire. Par conséquent, la dernière partie sera
19
consacrée à la méthodologie employée pour ce faire, soit les stratégies de découvertes et les
techniques d‘enquêtes.
Partie I – Concepts de base et éléments de changements
1.1 Quelques courants de changements culturels religieux
Afin de mieux comprendre les processus d‘institutionnalisation en cours au sein des
wiccains canadiens et québécois, il importe de passer en revue les concepts de base ainsi
que quelques théories qui tentent de rendre comptent du changement religieux. Il est
d‘abord nécessaire de présenter brièvement les mouvances culturelles religieuses dans
lesquelles s‘inscrit la Wicca.
1.1.1 Le paganisme et le néo-paganisme
Du point de vue étymologique, les termes « païens » et « paganisme » font référence au
terme latin paganus lequel désigne « les habitants de la campagne » (Higginbotham, 2003,
p. 7). Dans les religions chrétiennes, ce terme était utilisé pour distinguer ce qui était
chrétien de ce qui ne l‘était pas. Dans son sens actuel, ce terme fait référence au
mouvement du renouveau païen du XXe siècle. Bien que la majorité des païens
d‘aujourd‘hui habitent les milieux urbains, cette appellation se rattache aux liens qu‘ils
entretiennent avec la nature et la représentation romantique qu‘ils en ont.
Revendiquer la qualification de « néo-païen » ou de « païen » relève d‘une question de
préférence chez les adeptes (Reid, 2002 b, pp. 168-169). Les personnes rencontrées sur le
terrain s‘identifient par l‘utilisation du vocable « païen ». Le plus souvent, les spécialistes
vont ajouter le préfixe « néo » afin de désigner ces groupes. Si les adeptes mettent l‘accent
sur la continuité de l‘identité païenne, les seconds soutiennent qu‘il s‘agit d‘une
reconstruction moderne de l‘idéal païen (Pearson, Roberts et Samuel, 1998, pp. 1-2).
Comme le souligne Reid, les païens ont une vision holistique du monde et croient que tous
les éléments de l‘univers sont reliés entre eux et investis d‘une énergie (Reid, idem). Au
20
sens strict comme au sens large, une définition sociologique claire du paganisme a été
dressée sous la plume de Michael York. Pour ce dernier : « any religious perspective which
honours the natural as the sacred itself made tangible, as immanent holiness, is pagan. ». Il
ajoute :
My further argument, however, is that nature or the material world is not
the whole of the sacred in the full pagan view of things. The human and
the preternatural29
are as divine as the phenomenal world of nature. In
other words, in its full scope, paganism is, or at least embraces, naturism,
humanism and animism of some sort. (York, 2000, p. 7)
Cette définition de paganisme par York est celle que nous reprenons dans le cadre la
présente recherche.
1.1.2 Les religions de la nature
Catherine Albanese a popularisé le terme de « religion la nature » (Nature religion). Pour
elle, il s‘agit d‘une construction sociale contemporaine comportant un ensemble de
croyances, de comportements et de valeurs dont la nature occupe symboliquement le centre
(Albanese, 1990, pp. 6-8). Toutefois, le concept de « religion de la nature » ne se limite pas
à cette simple expression. Il permet d‘inclure les idées de « resacralisation », de
réorientation de la nature externe et d‘incarnation physique (Pearson, Roberts et Samuel,
1998, pp. 1-2; Pearson, 2000, pp.8-11). Il s‘agit en outre d‘un terme pratique pour analyser
les religions panthéistes situées au-delà et en deçà d‘un contexte institutionnel et vues
comme source de divinité (Davy, 2006, p. 79; Beyer, 1998, p. 11). Cette dénomination
regroupe les pratiques wiccaines, païennes et chamaniques. Davy poursuit en indiquant que
la religion de la nature :
[…] refers to religious traditions in which nature is the milieu of the sacred,
and within which the idea of transcendence of nature is unimportant or
irrelevant to religious practice. By this definition, contemporary paganism
and shamanic traditions are both expressive of nature religion, but not
exhaustively defined by nature religion. People who practise nature religion
venerate the natural world, not in the sense of worship, but in terms of
29
Micheal York entend par preternatural tout ce qui est autre que l‘ordinaire, l‘explicable et le naturel. Dans
cette perspective, il n‘y a pas connotation d‘hiérarchique entre l‘humain et l‘autre (York, 2003, p. 91).
21
feeling deep respect for the power of ―other-than-human persons‖ within the
―more-than-human world‖. (Davy, 2006, pp. 79-80)
C‘est cette perspective de sacralisation émanant de la nature qu‘on retrouve dans les
milieux wiccains nord-américains. De son côté, Peter Beyer voit dans cette notion de nature
une réflexion de la nature comme étant un symbole de la contre-structure30
: « Today‘s
expressions of nature religion can be seen as an analogous counter-structural reflection,
critique and confirmation of contemporary social normality, namely global society with its
dominant instrumental systems. » (Beyer, 1998, p. 18). Or, la Wicca a historiquement été
perçue comme une religion de fertilité. Elle est d‘ailleurs encore considérée comme telle en
Angleterre. Bien que la nature soit présente et fasse partie intégrante de la théologie
wiccaine (cycle des saisons, lien agraire, vénération de dieux et de déesses emblématiques,
pratique dans les milieux naturels, etc.), cette prépondérance semble avoir été acquise lors
de son importation en sol nord-américain dans les années 1960. C‘est du moins la thèse
soutenue par Viviane Crowley. Selon elle, c‘est à Doreen Valiente, l‘une des grandes-
prêtresses de Gerald B. Gardner, fondateur de la Wicca moderne, qu‘on doit la
transformation de la Wicca. Initialement religion de fertilité, elle devient une religion de la
nature (Crowley, 1998, p. 174; Greenwood, 2005, p. 22). Valiente, une auteure prolifique
sur le sujet de la sorcellerie et de la Wicca, souligne également l‘existence d‘un trait de
vitalité dans cette importation : « The concern is not so much with literal fertility as with
vitality, and with finding one‘s harmony with Nature. » (Valiente, 1973, p. 135).
En Amérique, l‘apport des mouvements écologiques et féministes, ainsi que celui des
religions amérindiennes, a stimulé cette transformation. Comparativement à son pendant
anglais, la nature semble davantage présente dans la pratique de la Wicca canadienne. Sur
le terrain, une différence perceptible existe entre les pratiquants de l‘Angleterre (surtout
ceux de Londres) et ceux du Canada (surtout ceux de la région de Montréal). Au cours des
diverses discussions que nous avons eues sur le sujet, les wiccains anglais réfèrent à la
Wicca comme étant une religion de fertilité alors que les wiccains canadiens parlent de
30
Il élabore le concept d‘anti-structure de Victor Turner. Un symbole contre-struturel est: « an idea which
stresses the oppositional aspect which can be extended to the realm of personal religious experience » (Beyer,
1998, p. 18).
22
religion de la nature. Les comportements adoptés lors des rituels ou des festivals païens
diffèrent également. Les wiccains et les païens canadiens tentent de minimiser les impacts
humains sur la nature en recyclant, en utilisant des objets compostables, etc., tandis que les
païens et les wiccains anglais ne s‘en préoccupent pas outre mesure. L‘impact sur
l‘environnement ne semblait pas être une de leurs priorités. Pour eux, il s‘agit d‘abord et
avant tout d‘un culte de la fertilité.
1.1.3 La Wicca
1.1.3.1 Présentation générale
Il importe tout d‘abord de souligner que la Wicca n‘est pas un groupe marginal. La Wicca
est plutôt une religion de la nature, un courant spirituel alternatif. Elle est fermement ancrée
dans la société. Ses membres font partie intégrante de celle-ci. Ils y puisent les divers
éléments nécessaires à leur évolution. Outre ses référents propres, la Wicca se nourrit et
s‘inspire de la culture commune et cherche en même temps à transformer les éléments de
base de cette culture générale afin qu‘ils reflètent, entre autres, sa propre vision du monde.
Elle ne se retrouve donc pas en marge ni n‘est exclue des activités et des plans de la société
dans laquelle elle s‘insère.
Définir la Wicca n‘est pas une entreprise simple. La définition peut se faire sur des bases
étymologiques, scientifiques ou personnelles. Dans la première catégorie se retrouvent pour
la plupart des notions proposées par des intellectuels de la mouvance. Dans, The
Encyclopedia of Witches and Witchcraft, Rosemary Ellen Guiley note que le mot « Wicca »
provient du vieil anglais « wicce » qui veut dire « sorcière ». L‘auteure fait aussi référence
au terme « wican » qui signifie « to bend », c‘est-à-dire l‘action de plier (Guiley, 1989,
p. 363). De plus, elle croit que plusieurs sorcières utilisent ce terme parce qu‘il n‘est pas
affublé d‘une connotation péjorative. Margot Adler propose une définition similaire en
mentionnant que wicce est la forme féminine, et wicca la forme masculine, et que le terme
wic signifie « to bend or to turn » (Adler, 1986, p. 11). Donc, pour Adler, une sorcière
serait une personne qui a la capacité de manipuler, de changer et de soumettre la réalité. Ce
23
type de définitions se retrouve un peu partout dans la littérature sur le sujet ainsi que sur
Internet.
Pour sa part, Diane Purkiss soutient que la Wicca est : « an invented religion which draws
syncretically on a variety of histographically specific versions of ―ancient‖ Pagan religion.
[...] no one person is in charge of the process, so modern witchcraft is not a unified set of
belief; every interpretation is subject to reinvention by others. » (Purkiss, 1996, p. 31). La
définition que donne James W. Baker dans White Witches : Historic Fact and Romantic
Fantasy abonde dans le même sens. Pour lui : « Modern Wicca is not a survival of an
ancient tradition, but rather the modern syncretization of a number of old and new elements
that never ever co-existed, much less were united. » (Baker, 1996, p. 178)31
. Pour Shelley
T. Rabinovitch : « Witches (also called Wiccans) are a subset of Neo Paganism, followers
of a Goddess and a God in what they view as a pre- or non-Christian religion from the
British Isles. » (Rabinovitch, 1992, p. 76). Cette définition a l‘avantage de faire référence à
l‘origine moderne de la Wicca. Pour Ève Gaboury, la Wicca (ou sorcellerie nouvelle) : « est
la remise en valeur d‘usages religieux anciens qui laissent une place de choix à l‘expression
―féminine‖ du sacré. » (Gaboury, 1998, p. 93).
La Wicca peut également être reconnue comme étant une religion alternative, puisqu‘elle
offre une alternative aux religions établies. Selon Stephen Stein, une religion alternative
signifie : « that the communities under discussion are not prevalent or dominant in society.
Implicit in these categories is the notion that those who join such groups have chosen to do
so as a protest against mainstream religion. » (Stein, 2003, p. 5). Bien que la majorité des
membres que nous avons rencontrés sur le terrain n‘ont pas choisi la Wicca pour protester
contre les religions majoritaires (dans ce cas-ci, les catholiques romains ou les protestants),
plusieurs membres, surtout au sein des groupes féministes, adoptent néanmoins cette
position. Cette position est-elle implicite? Pour l‘instant, il semble que tel soit le cas pour
31
Nous pouvons ressentir un certain dédain dans cette dernière définition, mais l‘idée semble la même que la
première, soit celle d‘une religion inventées à partir d‘éléments de diverses religions dans le but de
reconstituer une religion de la nature datant de l‘époque pré-chrétienne.
24
certains, cela dit, cette situation peut être amenée à changer avec la présence des deuxième
et troisième générations de wiccains n‘ayant jamais appartenu à une Église.
Sur le plan de l‘identité subjective, les membres ne semblent pas tous d‘accord sur la
référence religieuse. Pour l‘instant, il semble que bien qu‘elle soit considérée comme un
mode de vie et une spiritualité par certains wiccains à cause de son aspect hautement
individualiste, une majorité (cela inclut les wiccains et les païens académiques) la considère
comme étant une religion.
Par ailleurs, l‘autoréférence des pratiquants diffère généralement d‘une part, par l‘accent
qu‘ils mettent sur l‘ancienneté du culte ou des rituels et, d‘autre part, par le fait qu‘ils aident
à développer un mode de vie compatible avec leurs idéaux. Ainsi, pour Gerina Dunwich, la
Wicca : « is a positive, shamanistic nature religion with two main deities honoured and
worshipped in Wiccan rites: The Goddess in her triple aspects of Maiden, Mother and
Crone, and her consort the Horned God. » (Dunwich, 1996, p. 10). Pour beaucoup de
wiccains fréquentés en cours d‘études, la Wicca a outrepassé sa fonction de religion pour
devenir simplement un mode de vie.
Parmi les principaux éléments de caractérisations tirés des études antérieures et de nos
recherches, il en ressort que, pour nous, la Wicca est une religion de la nature, dépourvue
de structures centrales ou dominantes communes, qui est pratiquée de façon individuelle ou
en groupe, dotée de croyances, de normes morales et de codes d‘éthiques, et qui voue un
culte à la Déesse dans sa triple forme (Maiden, Mother and Crone) et au Dieu cornu en tant
que figures emblématiques de la nature et des cycles saisonniers. Pour les pratiquants, la
manipulation des énergies et des forces naturelles et cosmiques vise l‘amélioration de soi
(et par conséquent, de son entourage). La raison du choix de cette définition, bien que très
large, est qu‘elle permet d‘avoir une définition avec laquelle nous pouvons travailler,
puisqu‘elle englobe les éléments essentiels de la pratique et de la croyance.
1.1.3.2 La question de la communauté wiccaine
Depuis les deux dernières décennies, la notion de communauté est omniprésente dans le
milieu païen et wiccain. Certaines d‘entre elles s‘identifient en tant que communauté dans
25
la région de Montréal, d‘autres parlent de la grande communauté canadienne ou encore
utilise le terme de communauté pour signifier l‘ensemble des wiccains, qu‘ils partagent ou
non un lieu géographique. Ainsi, cette notion peut poser problème, surtout si on associe
l‘idée traditionnelle de communauté à celle d‘un groupe physique occupant un certain
espace géographique déterminé et dont les membres entretiennent divers types de relations
entre eux. En effet, les frontières géographiques ne sont plus les critères nécessaires pour
établir une communauté (Dawson, 2004, p. 81; Ellis, Oldridge et Vasconcelos, 2005,
p. 150; Komito, 2001, p. 116), laquelle devient alors une communauté virtuelle (Brasher,
2001, p. 8) ou sentie. Par exemple, on peut parler d‘une communauté gaie ou lesbienne en
l‘absence de territoire ou de lieu délimité (Berger, 1999, p. 66).
Si la communauté est un lieu sécuritaire et qui se veut sécurisant (Bauman, 2001, p. 144),
celle-ci peut par conséquent exister à l‘extérieur des limites géographiques, voire même
dans le monde virtuel d‘Internet. Brian McKenna utilise d‘ailleurs, le terme de
« communauté » dans le sens où les personnes partagent quelque chose en commun et
possèdent une identité commune (McKenna, 1998, p. 399). Cela peut s‘appliquer aux
wiccains et aux païens qui créent sur le web des communautés basées sur leurs intérêts et
leurs expériences, et non selon sur leur appartenance biologique, ethnique ou géographique
(Berger, 1999, p. 67; Berger et Ezzy, 2004, p. 186).
Avec la notion de communauté vient aussi celle des frontières. Des frontières existent dans
le but de déterminer qui fait partie de la communauté et qui en est exclu. Comme le
remarque Reid : « The concept of community hinges on the notion of boundaries, which in
Paganism tend to be both porous and ephemeral. » (Reid, 2002a, p. 55). La communauté
wiccaine possède des frontières. En effet, elle détermine d‘une certaine manière qui est
wiccain et qui ne l‘est pas. Lorsque l‘on observe les communautés virtuelles, cette frontière
perméable admet donc la possibilité d‘une communauté égalitaire, entre autres par
l‘utilisation de pseudonymes et par le recours à l‘anonymat (Dawson, 2004, p. 80), tel que
l‘observe Eileen Barker :
In these electronic networks there is no preordained status distinguishing
participants and deciding who can say what. Pseudonyms can be used and
26
new personalities assumed – neither sex nor age need be revealed. Even the
boundary between ―them‖ and ―us‖ may be ignored. It is here that, rather
merely receiving ―The Truth‖ in the form of Wisdom and instructions, there
is a genuine possibility for there to be a community of equals. (Barker, 2005,
p. 76)
Toutefois, ce n‘est pas là le fait d‘un organisme central. Plusieurs personnes revendiquent
une identité ou se rattachent librement à la mouvance wiccaine (Berger et Ezzy, 2004,
p. 177). Par conséquent, les critères d‘inclusion et d‘exclusion deviennent nébuleux et la
frontière floue. Cela vaut autant pour les communautés virtuelles que pour les
communautés géographiques. Malgré tout, il existe des frontières claires et déterminées en
fonction des degrés initiatiques et des formes d‘engagements (Reid, 2002a, p. 55) : les
« covens », les cercles, les temples, les « groves » et autres petits groupes de travail en sont
des exemples. Il existe aussi des communautés basées sur l‘espace géographique (p. ex. :
communauté de Montréal, les West Island Pagans), sur l‘affiliation traditionnelle (p. ex : la
British Traditional Wicca [BTW], la Gardnerian tradition, la Faery tradition) et sur le cadre
institutionnel public (p. ex : le Green Man tradition dans les prisons fédéraux) (Reid, 2002a,
p. 56). En outre, la scolarisation des païens et des wiccains favorise l‘émergence d‘une
intelligence dont le noyau se situe dans la capitale nationale, Ottawa. S‘y est créé une
communauté dont le noyau est constitué d‘une élite à la fois intellectuelle et académique.
Ainsi, le concept de communauté chez les wiccains et les païens se détermine davantage
par des intérêts communs et des projets plutôt que par une position dans la société. Comme
le remarque Helen Berger lors de son enquête sur le terrain en Nouvelle-Angleterre : « For
Witches, the community replaces the church, central organization or denomination of other
religious groups, it is the larger group within which covens and solitary practitioners define
themselves. A chant commonly heard at Wiccan rituals states: ―We are a circle within a
circle with no beginning and no ending‖.32
» (Berger, 1999, p. 66).
Parallèlement à cette notion, se trouve celle de communitas, celle du culte ou du rituel
festif. Elle recoupe les conférences, moots et les festivals païens, comme l‘a remarqué et
32
Ce chant est d‘ailleurs repris par les communautés de Montréal et par les pratiquants solitaires de la région
de Québec.
27
souligné Shelley T. Rabinovich lors d‘une conférence donnée en Nouvelle-Écosse dans le
cadre de la Gaïa Gathering de 2006. Pendant quelques jours, les wiccains et les païens issus
de diverses régions du Canada se rassemblent en grand nombre. Des activités, des
rencontres et des discussions ont lieu, et des rituels se déroulent. Pendant ces quelques
jours, la communauté se vit. Aux fins de cette thèse, le terme « communauté » sera
appliqué aux regroupements wiccains au sens où l‘entend Bauman, Berger et Rabinovitch,
c‘est-à-dire un lieu sécuritaire dans laquelle se retrouve des pratiquants de coven et
solitaires qui partagent des intérêts communs et qui va au-delà de la communauté physique.
Quelques composantes significatives du regroupement seront suivies dans leur parcours
évolutif. Auparavant, il convient de préciser quelques repères socio-culturels de la
mouvance.
1.1.3.3 Genèse de l’identité wiccaine
Comme il a été mentionné, certains groupes wiccains se posent présentement des questions
relativement à l‘institutionnalisation de leurs croyances. À la base, ils sont fortement
opposés à toutes formes d‘organisation institutionnalisée englobante. Dans les années 1950,
la Wicca se pratiquait initialement en petits groupes (covens ou cercles), idéalement
composés de 13 personnes ou moins, en nombre égal d‘hommes et de femmes. Les covens
avaient à leur tête une grande-prêtresse. Les divers covens avaient peu de contacts entre
eux. Les rares contacts établis se passaient par messagers. Dans les années 1970 et 1980, la
pratique en solitaire est devenue possible grâce à la dispersion de l‘enseignement, à
l‘immigration des membres au Canada et aux États-Unis et à la publication de grimoires en
Amérique du Nord. Bien que peu appréciée au départ par les gens appartenant à un coven,
la possibilité de la pratique solitaire a gagné en popularité grâce à la parution du livre de
Scott Cunningham A Guide for a Solitary Pratitionner en 1988. Des tensions se font sentir.
Pour ces wiccains, bien qu‘une hiérarchie institutionnalisée existe sous la forme de covens,
elle est le fruit d‘un choix de s‘initier à une tradition telle que vécue ou pratiquée dans ce
contexte. Sans renier quoi que ce soit, ils ont opté pour autre chose, et à leur manière. Pour
le reste, la question de l‘institutionnalisation pose toujours problème puisqu‘elle est liée à
l‘idée de contrôle par une institution dominatrice. Du côté des initiés en covens, la question
28
cruciale reste toujours l‘authenticité de la pratique. L‘indépendance d‘esprit, l‘absence d‘un
dogme commun à tous et la liberté de personnaliser sa pratique sont au cœur de la Wicca et
doivent être respectées. Tous s‘entendent là-dessus. Aussi, ce consensus recouvre des
variations dans la pratique wiccaine. Signalées par la présence des solitaires, elles vont
s‘intensifier avec l‘ajout des groupes féministes et écologiques.
Bien que nécessaire pour diverses raisons, le processus d‘institutionnalisation d‘un
mouvement tend à changer le caractère du groupe (Roberts, 1990, p. 154). Le fait que le
milieu néo-païen valorise la liberté d‘expression du culte, la simple idée de fournir une
norme à respecter confronte les membres aux dilemmes inhérents à la normalisation.
L‘ouvrage intitulé Pagan Book of Living and Dying, publié en 1997, illustre clairement ce
propos. Habituellement, il n‘y a pas de norme ni même de rituel directement associé aux
décès dans la communauté wiccaine. Chaque groupe et chaque individu marquent le
passage à sa manière. Un groupe de personnes, dont Starhawk et Macha Nightmare, ont
cependant rédigé cet ouvrage afin de mieux guider les mourants et leurs proches dans le
processus de la mort. D‘autres ouvrages comme A Book of Pagan Prayers de Ceisiwr
Serith (2002), Pagan Protocol de Lady S. Alabaster (2006), ou encore celui portant sur le
handfasting (mariage païen) Handfasted and Heartjoined: Rituals for Uniting a Couple’s
Hearts and Lives de Lady Maeve Rhea (2001), existent. Ce dernier est d‘ailleurs l‘ouvrage
de base par excellence pour toutes personnes qui célèbrent le handfasting wiccain à
Montréal. Ces ouvrages peuvent formaliser certaines pratiques, même si les auteurs
mentionnent que ces guides servent d‘exemples et qu‘ils n‘ont pas à être suivis à la lettre.
Les lecteurs peuvent s‘inspirer de ces écrits pour créer leurs propres rituels ou prières sans
prendre les leurs. Toutefois, qu‘ils le veuillent ou non, des wiccains, surtout néophytes,
s‘inspirent directement de ces ouvrages et les appliquent fidèlement en les citant comme
sources d‘inspiration à d‘autres wiccains.
Dans le processus d‘institutionnalisation de la mouvance, plusieurs dilemmes proviennent à
la fois de l‘intérieur et de l‘extérieur. Bien qu‘il semble que les néo-paganismes prennent de
plus en plus de place dans l‘espace public, il ne s‘agit là que d‘une minorité de gens qui en
font partie. Cette position de minorité religieuse amène les wiccains à réfléchir à ce qui
29
constitue une majorité et une minorité. Par exemple, il y a eu formation d‘organismes dans
le but à la fois de traiter avec les autorités publiques ou les institutions gouvernementales et
de dispenser des services à l‘ensemble de la communauté païenne. Du nombre, citons la
Pagan Federation/Fédération païenne du Canada (PFPC), Officers of Avalon, Pagan
Pastoral Outreach (PPO) et Gaïa Gathering. Mais qu‘est-ce que la communauté païenne et
qui parle pour qui? Au nom de quoi? Un autre dilemme apparenté tient au fait que la
Wicca, le groupe majoritaire de cette minorité païenne, tente de faire entendre sa voix pour
être considérée comme une religion au même titre que les autres grandes religions. Alors
que, certains wiccains ne veulent pas s‘engager dans un processus d‘institutionnalisation et
justifient leur position en indiquant que les autorités publiques pourraient prendre les
normes d‘un groupe et les appliquer à tous les autres groupes wiccains qui s‘identifient
comme tels33
. Cette crainte a d‘ailleurs été soulevée lorsque la Wiccan Church of Canada
(WCC) a tenté d‘obtenir ce statut en Ontario. Dans un tel cas, selon les critiques contre
l‘institutionnalisation, une minorité peut devenir, une menace pour la majorité.
1.1.3.4 Un renouvellement générationnel?
L‘une des pressions internes qui entraînent nombre de modifications est la présence de la
nouvelle génération. Initialement, la Wicca s‘adressait à un public adulte. Cela prévaut
encore aujourd‘hui. Les enfants et les personnes d‘âge mineurs n‘ont pas le droit de
participer à des rituels wiccains à moins que leurs parents ou leurs tuteurs soient présents au
rituel et donnent leur consentement. Néanmoins, la venue des enfants force plusieurs
wiccains à revoir certains aspects de leurs pratiques. La Wicca est une pratique qui permet à
chaque personne de choisir la voie spirituelle qui lui convient et qui l‘oblige à en accepter
les conséquences. La Wicca est également associée à la notion de « vieille religion » qui
unit toute une communauté. Une tension existe donc entre ces deux visions de la Wicca et
est de plus en plus apparente depuis que des enfants commencent à être élevés dans le
milieu wiccain (Berger, 2006, p. 144). De plus, la présence d‘enfants au sein de la
33
Il n‘y a pas encore d‘ouvrage qui traite de ce sujet en particulier. Mais ces informations et ces inquiétudes
proviennent de diverses discussions tenues avec les païens lors de l‘enquête sur le terrain entreprise dans le
cadre de la recherche menée au niveau de la maîtrise et du doctorat entre 2001 et 2007.
30
communauté amène les parents wiccains à faire des choix quant à leur éducation. Cette
tendance a acquis une telle importance que les auteures ontariennes Shelley Rabinovitch et
Meridith Macdonald ont consacré tout un chapitre au sujet des enfants et de leur éducation
par des parents païens (Rabinovitch et Macdonald, 2004, pp. 120-170). Pour les wiccains,
la religion ne doit pas être imposée à une autre personne. Par conséquent, plusieurs
questions ont été soulevées dans le milieu relativement à la manière d‘éduquer les enfants
sans leur imposer des croyances. La situation devient encore plus difficile lorsqu‘un couple
est composé d‘un parent wiccain et d‘un autre de confession chrétienne. Pour répondre à
ces préoccupations, plusieurs ouvrages et guides pratiques à l‘intention des parents ont été
écrits et publiés depuis les années 198034
.
L‘influence de cette nouvelle génération a également des répercussions sur l‘identité
wiccaine. Les parents païens craignent que leurs enfants soient victimes de discrimination
(Berger, 2006, pp. 156-157). Ce phénomène s‘est déjà produit dans certaines écoles de
Montréal35
. Les membres de la deuxième génération vont commencer à mettre l‘accent sur
ce qui est semblable plutôt que sur ce qui est différent. Par conséquent, certains parents
veulent que leur religion soit légitimisée ou encore reconnue au même titre que les autres
religions (Wilson et Barker, 2005, pp. 308-309). Cela sous-tend que la Wicca pourrait
devenir plus conservatrice, ce que constate d‘ailleurs Berger :
The growth in the number of children being born to adherents is forcing a
decentralized community to start to rethink and redefine itself. Witchcraft
and neopaganism, which grew out of counterculture, are becoming more
conservative. Tradition, continuity, and restrained sexuality become more
important as children enter the circle. (Berger, 2006, pp. 156-157)
34
Ashleen O'Gaea a écrit quelques livres tel que « Family Wicca : Practical Paganism for Parents and
Children », « Raising Witches: Teaching the Wiccan Faith to Children ». Kristin Maddin a écrit « Pagan
Parenting ». Starhawk, Diane Baker et Anne Hill ont écrit« Circle Round: Raising Children in Goddess
Traditions ». Raine Hill « Growing up Pagan: A Workbook for Wiccan Families ». Ce ne sont là que quelques
ouvrages. 35
Par exemple, un cas nous a été expliqué lors de la 2e conférence païenne de la communauté de Montréal.
Cela impliquait une fille allant à une école privée, qui lorsque demandé de parler de leur appartenance
religieuse dans le cours, a exprimé le fait qu‘elle était une sorcière ainsi que ces parents. L‘école concernée
par cet aspect a appelé la famille et la fille avait été retirée des cours le temps que le problème se règle. La
famille a dû expliquer leur croyance, fournir des documents et faire venir une personne de la communauté
pour confirmer et expliquer la pratique aux dirigeants de l‘école. Une fois rassuré, l‘élève a pu retourner à
l‘école.
31
La présence de la nouvelle génération fait pression sur le format et la pratique de la Wicca.
Comment et avec quels effets? C‘est ce que nous voudrons analyser dans la thèse.
1.1.4 La Wicca au Canada : les défis de l’inculturation
Les questions d‘organisation interne, de personnalité juridique et d‘image publique sont
loin de monopoliser l‘attention des wiccains, ni même celle des plus engagés
collectivement d‘entre eux36
. Elles sont tout de même au centre des débats internes à la
communauté et sont décisives quant à l‘issue de l‘institutionnalisation de la Wicca.
1.1.4.1 Vers une (re) structuration de la Wicca?
Au moment où la Wicca a été connue du public, sa structure de base s‘appuyait sur le
coven. Comme on l‘a mentionné, le temps et l‘immigration des membres en Amérique du
Nord on fait en sorte que la forme de pratique a été modifiée. Les covens restent le modèle
préféré et idéalisé37
. En raison de la popularité sans cesse croissante de la Wicca et de
l‘arrivée de mouvements féministes et écologiques, le nombre de pratiquants solitaires,
non-associés aux covens, augmente. Cet amalgame de la présence accrue sur l‘espace
public (livres, filmes, émissions de télévision) de la Wicca et la recherche d‘une alternative
religieuse répondant au besoin spirituel de l‘individu, amène plusieurs personnes à explorer
la Wicca. Le nombre de ces pratiquants est tel qu‘ils forment désormais le groupe le plus
important, ce qui ajoute donc une tension de plus dans le processus d‘institutionnalisation
wiccaine. À cause de l‘importance du nombre de solitaires, un débat est en cours depuis les
années 1980 sur l‘admissibilité de la pratique solitaire au sein des wiccains. Pour les gens
de coven, une personne ne peut être wiccaine si elle n‘a pas d‘abord été initiée dans un
coven. Les pratiquants solitaires formuleront divers arguments pour défendre leur identité
wiccaine. Cette problématique est, entre autres, liée au concept de limites (boundaries), car
avec la popularité de la mouvance, il devient important pour les membres d‘être en mesure
de déterminer qui est wiccain, et qui ne l‘est pas. Par conséquent, cette position favorise les
36
Ce qui semble préoccupé principalement leur attention sur le plan publique, sont les questions
d‘organisation et de gestion des divers activités, festival, rencontres, ainsi que les questions d‘ordre pratiques,
tel que ce qui a trait aux rituels et des demandes de conseils. 37
Il est intéressant de noter la formation de covens même dans le monde virtuel (p. ex. « Second Life »).
32
membres appartenant à un coven ou à une tradition donnée puisqu‘il n‘y a pas de corps
central favorisant la détermination du statut identitaire. Bien qu‘aujourd‘hui les pratiquants
solitaires soient tolérés dans la communauté païenne en général, la question est sensible et
reste encore vivement débattue, comme le démontrent les séances sur la Wicca tenues dans
le cadre de la conférence Gaïa Gathering au Canada38
.
1.1.4.2 La question de la langue
La Wicca est issue de l‘Angleterre; la langue principalement utilisée est l‘anglais. Bien
qu‘en Angleterre, aux États-Unis et au Canada anglais cela ne pose pas de problème, au
Québec, la situation est toute autre. Une pression linguistique se fait sentir sur les wiccains
francophones. En effet, leur accès aux ressources essentielles est limité comparativement à
celui des anglophones. Contrairement aux anglophones qui disposent de centaines de livres
sur la Wicca et de milliers de sites Internet, sans compter tous les appuis communautaires
existants, les francophones jouissent de peu de ressources. À ce jour, seuls quelques
ouvrages ont été publiés en français. Parmi ceux-ci, aucun ne consiste en un ouvrage de
base sur la Wicca, et deux sont des traductions de livres de Scott Cunningham39
. En outre,
le vocabulaire utilisé dans la traduction n‘est pas adapté à la Wicca. Le lexique a été
emprunté au catholicisme à l‘origine40
.
Dans le vocabulaire français, il n‘existe aucun équivalent pour certains termes cruciaux de
la théologie wiccaine. Il en est ainsi du simple concept de « Maiden, Mother, Crone »
servant à identifier les trois aspects de la Déesse qui n‘a aucune correspondance en français.
La « Maiden » n‘est pas nécessairement une vierge ou une jeune fille. De même, le terme
« Crone », ne réfère pas nécessairement à une vieille ou à une veuve. Dans le concept
anglais, la Déesse conserve sous chacun de ces aspects une identité sexuellement active.
L‘adjectif « wiccan » est aussi problématique lorsqu‘on le traduit en français. Certains vont
38
Ces séances consistent à réunir dans une même salle tous les membres de la conférence qui se considèrent
wiccains pour discuter des questions qui les préoccupent. Depuis 2005 que la conférence existe et le débat de
coven/solitaire est toujours d‘actualité. Il est à noter que dans la salle se trouvent de grandes-prêtresses et de
grands-prêtres de covens, des ainés, des néophytes, des wiccains solitaires ainsi que des wiccains initiés dans
des covens. 39
Les livres de Cunningham sur la Wicca sont considérés comme des versions très diluées des théories et des
pratiques de la Wicca. 40
Par exemple, les mots « So mote it be » vont être traduits par « Ainsi soit-il » ou « Qu‘il en soit ainsi ».
33
en faire une traduction directe de l‘anglais en utilisant le terme « wiccan », comme l‘Église
wiccane du Québec, alors que d‘autres vont préférer le terme « wiccain »41
. Si un pratiquant
« wiccain » n‘est pas anglophone ou bilingue, il lui devient très difficile de pratiquer sa
religion, faute d‘avoir accès aux outils nécessaires. Cette situation soulève d‘ailleurs une
autre question quant à l‘identité wiccaine. Une personne n‘ayant pas les outils de base de la
Wicca et ne pouvant pas avoir accès à l‘information peut-elle encore se dire wiccaine?
Même le terme de « pagan friendly42
» n‘existe pas en français. Pour l‘instant, les
pratiquants unilingues francophones tentent de mettre la main sur ce qu‘ils peuvent. Pour
cette raison, Lucie Marie-Mai DuFresne nous a révélé, lors de la Gaïa Gathering de mai
2007, son intention de créer un lexique francophone sur la Wicca et le paganisme. Il est vrai
que les diverses ressources de la communauté de Montréal déploient d‘énormes efforts
pour fournir des services et des renseignements bilingues afin de rejoindre le plus de
membres possible. Toutefois, ces mesures touchent peu les personnes qui habitent à
l‘extérieur de la région montréalaise. Cette problématique est loin d‘être résolue, et ce,
malgré les améliorations remarquées depuis les huit dernières années. Néanmoins, la
question de la langue s‘est retrouvée au cœur de la conférence païenne canadienne de la
Gaïa Gathering de mai 2008 tenue à Ottawa43
. Il convient de souligner que si, au Québec,
c‘est le français qui est problématique, le même problème existe pour les wiccains habitant
d‘autres pays où l‘anglais n‘est pas la langue officielle comme c‘est notamment le cas en
Allemagne, au Brésil et en Russie.
1.1.4.3 Les obstacles à la création de communautés
Avec la popularité grandissante de la Wicca et des néo-paganismes se pose la question de
l‘action collective. Dans certaines régions du Québec, l‘idée de créer une communauté est
41
Ce terme est privilégié dans cette présente recherche, puisqu‘il est une meilleure traduction du terme, mais
également pour montrer les différences que nous retrouvons parmi les pratiquants québécois. De plus, le
mémoire de maîtrise a été écrit en utilisant le terme « wiccan ». 42
Dr. Lucie Marie-Mai DuFresne de l‘Université d‘Ottawa, qui s‘intéresse à la problématique du français
dans la Wicca et le paganisme canadien, suggère la création du terme « païenophile » pour traduire le terme
« pagan friendly ». 43
Il faut mentionner que ce n‘est qu‘à la première conférence tenue à Edmonton en 2005, que le problème a
été souligné à la communauté anglophone de à l‘extérieur de la province. Pour plusieurs wiccains, ce fut une
surprise. Ils n‘avaient pas réalisés le déséquilibre qui existait à ce qui a trait à la langue au sein de la
communauté canadienne.
34
très difficile, voire impossible. Souvent il n‘y a pas assez de païens, et parfois, s‘il n‘y a pas
d‘infrastructure en place (local, transport adéquat, etc.) ou encore que les rares de membres
présents ne s‘entendent pas, le projet est voué à l‘échec. Tel est le cas pour la communauté
de la ville de Québec. Dans la province, l‘une des communautés qui est très présente et qui
prend de l‘expansion est celle de Montréal. Cette communauté est établie depuis les
années 196044
.
En 2002, à Montréal, on a vu les débuts des conférences portant sur la notion de
communauté. Ces conférences consistaient en des réunions où les discussions étaient axées
sur la vie générale de la communauté païenne, les problèmes de langues,
d‘institutionnalisation, de communication avec les médias et les difficultés avec les
membres de la communauté. Dans d‘autres grandes villes canadiennes (Toronto et Ottawa),
des efforts ont également été déployés afin d‘organiser des rencontres pour leur
communauté géographique. En 2003, des wiccains, des druides et des personnes d‘autres
appartenances païennes ont amorcé des travaux en vue de tenir une conférence
pancanadienne à l‘intention des païens. La première de ces conférences a été tenue à
Edmonton, en mai 2005 : elle portait le nom de Gaïa Gathering (The Canadian National
Pagan Conference). Depuis lors, se posent des questions de fond ayant
l‘institutionnalisation pour dénominateur commun. La structure et l‘organisation collective
(l‘identité, le culte, les célébrations) : les ressources et les services communs, la
responsabilité et l‘imputabilité envers la collectivité et pour la collectivité, le statut
associatif, la personnalité juridique. Ces questions sont constamment débattues. Bien que ce
soit encore qu‘une minorité de païens qui participent et qui se penchent sur ces questions,
de plus en plus de wiccains et de païens s‘en préoccupent.
L‘institutionnalisation de la mouvance wiccaine renvoie à des situations d‘interaction
complexes et enchevêtrées. Il en est ainsi de la question de la reconnaissance des
communautés et des regroupements païens. Elle se pose non seulement par rapport aux
autorités publiques, mais également par les wiccains et pour les païens eux-mêmes. Qui
44
Il faut se rappeler que le bassin d‘anglophones est plus grand à Montréal et que quelques immigrants
wiccains anglais et états-uniens sont venus s‘y installer, ce qui favorise l‘établissement de diverses traditions
et une base à la création de réseaux internes et externes.
35
plus est, les mêmes personnes sont souvent responsables de tout. Après quelque temps,
voire quelques années, elles ne peuvent plus maintenir le rythme. Lorsque ces moments
arrivent dans les grandes communautés, comme celle de Montréal45
, il est possible de
trouver un groupe de personnes pour reprendre les rênes et donner un nouveau souffle à la
communauté, créant un nouveau cycle. Pour les petites communautés, cela signifie souvent
la fin d‘une activité de groupe. Certains membres peuvent tenter, pendant une courte
période de temps, de travailler ensemble et de maintenir la communauté géographique et
virtuelle. Mais dans la plupart des cas, ils se retrouvent de nouveau seuls et isolés cherchant
du soutien où ils le peuvent. Cela est le cas pour la communauté de la ville de Québec.
Les défis de l‘action collective posés par la ritualisation, la langue et l‘organisation
communautaire ne sont pas les seuls auxquels font face les wiccains canadiens. Ils sont
toutefois importants puisqu‘ils permettent d‘identifier, sur le plan du microcosme, certains
éléments d‘institutionnalisation de la Wicca présentement à l‘œuvre.
Partie II – L’expression sociale du croire, et la problématique de
l’institutionnalisation
1.2 L’explication du changement culturel religieux
Plusieurs tentatives d‘explication du changement culturel et religieux, plus particulièrement
des phénomènes d‘institutionnalisation, sont susceptibles d‘être mobilisées. L‘ambition de
la présente thèse repose davantage sur la description en profondeur de processus inédits que
sur l‘élaboration d‘outils conceptuels. Cela étant dit, nous avons choisi d‘explorer dans
cette section les mérites respectifs de deux types de théories de nature à orienter le travail
de description et d‘analyse, soit les théories fonctionnalistes et néo-institutionnalistes. Par
la suite, un schéma simple, adapté au processus d‘évolution des nouveaux mouvements
religieux, sera inclus dans la boîte à outils. Ce schéma va nous permettre de visualiser les
45
Depuis le début de nos recherches sur le terrain à Montréal dans le cadre de notre maîtrise, il y a plusieurs
cycles en jeu. Pour les activités publiques, c‘est aux deux ans qu‘un changement se produit entre des
personnes avec le sens d‘organisation et l‘expérience de faire des rituels. Il y a souvent une période de près de
six mois de transition, où des wiccains, souvent solitaires, tentent d‘organiser des activités publiques avec
plus ou moins de succès.
36
lignes de force du changement religieux des dernières décennies dans lequel s‘inscrit la
mouvance wiccaine.
Dans les pays occidentaux, la sécularisation est ce qui a le plus marqué l‘univers religieux.
Elle aurait modifié la place qu‘occupe la religion dans le milieu politique (Beyer, 1994,
p. 70). La sécularisation soustrait une partie de la société à l‘autorité des institutions
religieuses (Berger, 1971, p. 174) et réorganise le travail de la religion (Hervieu-Léger,
1999, p. 62). Elle devient ainsi une agente du changement. Comme le mentionne Peter
Berger : « la sécularisation entraîne une situation nouvelle pour l‘homme moderne. »
(Berger, 1971, p. 201). Du moment où l‘État commence à supplanter la religion en tant
qu‘agent social et autorité, les textes fondateurs des grandes traditions religieuses perdent
en plausibilité (Berger, 1971, p. 183; Lyotard, dans Augé, 1994, p. 35; Lemieux, 1996,
pp. 66-67; Wilson et Barker, 2005, p. 291). D‘un autre côté, la sécularisation a mis
l‘expérience personnelle à l‘avant-plan. La primauté de l‘expérience amène ce que Marc
Augé appelle une « crise de l‘altérité » (Augé, 1994, p. 87), c‘est-à-dire que le langage de
l‘identité l‘emporte sur celui de l‘altérité.
En conséquence de ce double mouvement, on remarque une transformation de l‘imaginaire
religieux et politique (Lemieux, 1996, p. 86), et ce au bénéfice des groupes centrés sur
l‘expérience personnelle sur le plan religieux et spirituel. Les expériences religieuses les
plus en lien avec le monde sécularisé ont été favorisées. Parmi elles, les pratiques magiques
et occultes tenant le rôle d‘agences thérapeutiques distanciées du monde (Dobbelaere,
2002, p. 158). En font partie la Wicca et les autres formes de paganisme.
Cette sécularisation se voit accompagnée par la montée du phénomène du pluralisme
religieux. La religion devient une option, et une opinion parmi d‘autres (Berger et
Luckman, 1967, p. 123). Un marché concurrentiel se met en place entre les diverses
entreprises religieuses (Berger et Luckman, 1967, p. 117; Dobbelaere, 2002, p. 157).
L‘adhésion à une institution créatrice d‘un univers de croyances devient le fait d‘un choix.
Par la modernité, l‘individu détermine lui-même sa propre croyance (Berger, 1971, p. 239).
Ce n‘est plus la société qui va la déterminer pour lui, mais l‘individu. La privatisation des
pratiques religieuses et spirituelles, dans un contexte de globalisation, permettre alors de
37
renouveler l‘influence de la religion sur le public en général et vice versa (Beyer, 1994,
pp. 71-72).
Dans le but d‘affiner l‘analyse de ce vaste processus, Karel Dobbelaere identifie trois types
de sécularisation : la sécularisation « sociétale », la sécularisation organisationnelle et la
sécularisation individuelle (Dobbelaere, 2002, pp. 24-25). La sécularisation « sociétale »
fait référence au fait que les institutions religieuses perdent leur place sur le premier plan de
la société. La sécularisation organisationnelle a trait à la place ou au rôle social de la
religion46
. Finalement, la sécularisation individuelle réfère au comportement individuel.
Elle sert à mesurer le degré de son « intégration normative » (normative intégration) au sein
d‘un corps religieux (Dobbelaere, 2002, pp. 24-25).
1.2.1 Le fonctionnalisme sociologique ou l’impasse sur le changement
Dans l‘optique du fonctionnalisme, une société est un système composé d‘un ensemble de
membres qui partagent des valeurs communes. C‘est par là qu‘elle est intégrée. La société
fonctionne en autant que sont agencés des besoins et des rôles, qu‘ils sont régulés
(coordonnés) et harmonisés. Les normes et les valeurs constituent la fonction d‘intégration.
Ces éléments tendent à se stabiliser et à maintenir un équilibre entre eux, ainsi qu‘avec le
système, afin d‘assurer le bon fonctionnement de la société (Curtis et Lambert, 1981, p. 64;
Hagedorn, 1981, p. 11). Dans ce contexte, la religion et les innovations religieuses sont
considérées en tant qu‘éléments de la société, lesquels doivent fonctionner ensemble afin de
maintenir l‘équilibre de celle-ci.
L‘une des critiques les plus couramment adressées au fonctionnalisme est son incapacité
d‘expliquer le changement. Il postule des besoins invariants (p. ex : besoin d‘intégration
comblé par la religion). Un autre des principaux défauts de l‘approche fonctionnaliste est le
fait qu‘elle suppose que les sociétés sont aussi bien organisées que des machines
46
Dans ses mots, « expresses change occurring in the posture of religious organization (…) in matters of
beliefs, morals and rituals, and implies also a study of the decline and emergence of religious groups. »
(Idem, p.25).
Par intégration normative, Dobbelaere entend la mesure par laquelle l‘individu s‘intègre selon les normes
établies.
38
(Ogmundson, 1981, pp. 138-139). Elle suppose également que toutes les composantes de la
société doivent y être intégrées et interreliées afin de survivre et d‘atteindre l‘équilibre
(Tolbert et Zucker, 1994, pp. 4-5), sans compter le fait qu‘elle présuppose que toutes les
composantes ont un objectif commun. Cela est discutable, car ce ne sont pas toutes les
composantes de la société qui sont bien organisées, rationnelles ou encore intégrées à la
société. Certaines de ces composantes restent en marge. Comme il a été soulevé par Mary
Douglas au sujet des diverses critiques contre l‘approche fonctionnaliste, ce ne sont pas
tous les individus ou les groupes qui sont prêts à sacrifier leurs intérêts personnels et
collectifs pour le bien commun (Douglas, 1986, p. 18)47
. Assumer le contraire suppose une
société idéalisée où tous travaillent vers un même et seul objectif au-delà de l‘intérêt
individuel.
À la rigueur, comme l‘a perçu Mary Douglas, le fonctionnalisme isole ce dont il ne peut
rendre compte et en fait une marge de la société « fonctionnelle » ou encore une
contre-culture. Un peu comme si ces mondes évoluaient en vase clos alors qu‘ils sont
supposément reliés de façon organique. Dans le fonctionnalisme sociologique, le
changement est absent48
. Les choses évoluent vers l‘intégration sociale. En sociologie des
religions, la figure exemplaire de cette perspective est celle qui va de la secte à l‘église. La
religion elle-même ne change pas, non plus que les individus. Des phénomènes comme la
Wicca sont hors de propos. Puisque le changement fait partie de la nature intrinsèque de la
Wicca, une autre approche doit être utilisée.
47
Dans son analyse de la notion d‘institution selon l‘approche fonctionnalise qu‘elle surnomme
Durkheim-Feck, Mary Douglas souligne que l‘un des éléments contributoires à la naturalisation des
classifications sociales est la recherche de stabilité. Il semble que pour le fonctionnalisme, l‘équilibre et la
stabilité sont les buts ultimes de l‘institution. Une fois en place, l‘institution confère non seulement une
identité, mais également une forme de légitimation à un groupe (Douglas, 1986, p. 46). 48
Cette notion fonctionnaliste d‘institution dégage l‘impression qu‘une fois atteinte et stable, il existe peu de
place à l‘innovation et au changement à l‘intérieur de celle-ci. Un air de finalité se fait sentir. Dans cette
logique, il semble que si l‘individu occasionne un changement à cette stabilité, le résultat serait la fin de la
présente institution et la création d‘une nouvelle, plutôt qu‘une transformation de l‘institution initiale. Mais
comme le remarque Douglas, l‘individu est au centre du changement et participe au cycle de vie d‘une
institution, même s‘il doit sacrifier une partie de son individualisme pour le bien du tout (Douglas, 1986,
p. 108).
39
1.2.2. Le néo-institutionnalisme et l’explication du changement culturel :
la théorie des champs
Pour ce qui est d‘expliquer le changement religieux dans une perspective globale,
l‘approche néo-institutionnaliste paraît prometteuse. Plus souvent utilisé en sociologie des
organisations, ce néo-institutionnaliste a été élaboré par DiMaggio et Powell dans The Iron
Cage Revisited (1983). L‘approche permet d‘envisager les principaux vecteurs de mise en
forme des organismes émergents dans la société. Ces auteurs reprochent, entre autres, le fait
que le modèle weberien de la routinisation n‘est plus applicable au monde des affaires
actuel puisqu‘il y a homogénéisation des entreprises sans qu‘il n‘y ait nécessairement une
augmentation de l‘efficacité de la bureaucratisation (DiMaggio et Powell, 1983, p. 147;
Berger, 1999, pp. 101-102). D‘ailleurs DiMaggio et Powell identifient quatre étapes de
structuration.
The process of institutional definition, or « structuration », consists of four
parts: an increase in the extent of interaction among organizations in the
field; the emergence of sharply defined interorganizational structures of
domination and patterns of coalition; an increase in the information load
with which organizations in a field must contend; and the development of a
mutual awareness among participants in a set of organizations that they are
involved in a common enterprise. (DiMaggio et Powell, 1983, p. 148)
Pour en arriver à ce processus de structuration, DiMaggio et Powell proposent trois
mécanismes alternatifs de transformation et d‘homogénéisation d‘un organisme. Il y a tout
d‘abord l‘isomorphisme49
coercitif qui provient des influences et des pressions politiques,
entre autres, ainsi que des réglementations gouvernementales. Vient ensuite l‘isomorphisme
mimétique qui structure les zones d‘incertitude relativement aux buts et aux solutions du
développement par l‘imitation des organismes performants à l‘œuvre dans un même champ
d‘activité. Finalement, il y a l‘isomorphisme normatif qui est associé à une
professionnalisation du milieu par l‘éducation, les écoles et les organismes professionnels
(DiMaggio et Powell, 1983, p. 150; Berger, 1999, pp. 101-102). Il est important de retenir
49
L‘isomorphisme est un processus qui contraint une unité sociale à ressembler à d‘autres unités, dans une
population donnée, qui font face aux mêmes conditions environnementales (DiMaggio et Powell, 1983,
p. 149).
40
que ces trois variantes de l‘isomorphisme s‘opèrent de façon simultanée et influencent, à
divers degré, les entités émergentes dans la société. Il convient de se rappeler que
l‘isomorphisme est un terme abstrait utilisé pour nommer les forces qui concourent à
l‘institutionnalisation. Ces éléments posent des dilemmes et offrent des possibilités sujettes
à débat dans le groupe.
1.2.3 Les processus de structuration ou la dynamique du champ
1.2.3.1 Isomorphisme coercitif
L‘isomorphisme coercitif réfère principalement aux pressions du droit et de la loi, des
politiques et de l‘administration publique. À titre indicatif, les modèles de constitution et
les critères de reconnaissance forcent les organismes demandeurs à adapter leurs
vocabulaires et leurs structures afin de se conformer aux critères administratifs et
juridiques. Des structures vont se surimposer (plus ou moins démocratiques ou égalitaires,
du moins sans signification immédiate au plan interne, lesquelles peuvent rendre difficile
de maintenir certaines croyances et pratiques fondamentales (DiMaggio et Powell, 1983,
p. 151). La démonstration de la thèse néo-institutionnaliste en application au champ
religieux a été faite par Côté (2003). Il en ressort qu‘un même groupement religieux se voit
doté de structures, de capacités juridiques et d‘un statut différencié par rapport aux autres
religions suivant le pays dans lequel il s‘opère.
On peut faire valoir que la portée de ce modèle est limitée quand il s‘agit d‘un mouvement
culturel. Comme le remarque Helen Berger en rapport précisément à la Wicca,
l‘isomorphisme coercitif, dans ses effets, ne touche qu‘une infime partie de la population
(Berger, 1999, p. 103). Cela ne veut pas pour autant dire que les effets de l‘isomorphisme
coercitif soient négligeables. Puisque les statuts et les privilèges octroyés par les instances
gouvernementales peuvent être retirés, les groupes détenteurs de ces statuts vont chercher à
les maintenir en s‘assurant qu‘aucune de leurs activités ne remet en cause les acquis. Par
conséquent, les groupes sont sensibles aux impacts des publicités négatives (idem), que cela
soit du fait d‘une activité de leur groupe ou de tout autre individu qui se réclame de
l‘identité wiccaine. Tous actes ou propos, négatifs ou positifs, provenant d‘individus se
41
réclamant de cette identité pourraient avoir des incidences directes sur la conservation de
leur statut.
1.2.3.2 Isomorphisme mimétique
Il est certain que les lois et les règlements tendent à homogénéiser les organismes. Cela
facilite la gestion sur le plan gouvernemental (DiMaggio et Powell, 1983, p. 152). De fait,
les groupes wiccains qui cherchent à se structurer se verront incités, voire contraints,
d‘imiter les structures d‘autres groupes religieux, majoritairement des groupes protestants,
qui ont obtenu un statut officiel auprès des gouvernements.
Cependant l‘isomorphisme mimétique ne se limite pas à l‘emprunt des structures
d‘organismes extérieurs actifs dans le même champ. Il en serait de même pour les rituels et
les pratiques.
1.2.3.3 Isomorphisme normatif
L‘isomorphisme normatif provient principalement de la professionnalisation à l‘intérieur de
l‘organisme en développement (DiMaggio et Powell, 1983, p. 152). Du moment où
apparaît une division du travail, où le groupement doit coordonner ses activités et se
projeter dans la durée, il devient perméable aux normes de spécialisation et de
professionnalisation du champ religieux et de la société. Un exemple de spécialisation
interne a trait à la désignation d‘un clergé. Pour ce qui est de la professionnalisation, on
pense à la formation d‘avocats, d‘infirmières, d‘enseignants consacrés au service de leurs
semblables.
1.2.4 Les principaux vecteurs d’institutionnalisation
Si ces théories peuvent aider à mieux comprendre le phénomène d‘institutionnalisation
sociale, il s‘agit aussi ici de comprendre et de rendre compte de la conformité des
groupements en émergence à la périphérie du champ religieux. Pour ce faire, un détour par
les ressorts de l‘institutionnalisation religieuse s‘impose. Il faut également faire en sorte
42
d‘envisager la conjonction des pressions externes et internes au groupement avec les
trajectoires d‘institutionnalisation aboutie et non aboutie qui en résultent.
1.2.4.1 Notion d’institutionnalisation en rapport avec le phénomène religieux
En théorie, l‘institution est plus qu‘une simple organisation. C‘est une réalité presque
entièrement normative. Pour cette raison, elle semble aller de pair avec la religion.
L‘institution établit un lien cohérent entre trois composantes : une norme englobante de
régulation, des pratiques sociales et un principe de légitimation.
À des degrés divers, trois définitions tirées de disciplines différentes tissent ce lien entre ces
trois composantes. Du côté des sciences politiques, l‘utilisation du concept
d‘institutionnalisation est fréquente. Dans le Dictionnaire de la science politique et des
institutions politiques, la définition suivante est présentée : « L‘institution désigne tout un
ensemble d‘actions ou de pratiques organisées de façon stable. » (Hermet, Badie, Birnbaum
et Braud, 2000, p. 129). Cette définition s‘inspire notamment d‘Eisenstadt qui explique plus
précisément ces ensembles d‘actions et de pratiques. Selon lui, l‘institution se présente
comme étant une :
[…] entité dont le principe régulateur organise la plupart des activités de
ses membres dans une société ou une collectivité et selon un modèle
organisationnel défini qui est étroitement lié soit aux problèmes
fondamentaux, soit aux besoins de cette société, de ce groupe ou de cette
collectivité, ou à quelques-uns de ses buts. Dans cette acception, le
concept d‘institutionnalisation vise les processus et les entreprises qui
tendent à organiser les modèles sociaux de façon stable. (Idem, p. 129)
Cette définition d‘Eisenstadt nous permet d‘avoir une idée plus précise des fonctions d‘une
institution et des objectifs visés par le processus d‘institutionnalisation sous la forme
privilégiée de la norme englobante.
D‘un autre côté, l‘institution est, comme le note James Hunter, une construction artificielle
de l‘homme. Il explique ainsi la position du sociologue et philosophe allemand Arnold
Gehlen lorsqu‘il traite du processus d‘institutionnalisation :
43
While institutions exist as a stable background to human experience, there
is also a foreground – the zone of life in which the individual makes
deliberate and purposive choices. Institutionalization occurs when an
aspect of the foreground of human experience becomes habitualized and
routinized so as to become a part of the background. (Hunter, 1983,
pp. 3-4)
Cette composante référant aux pratiques sociales est essentielle si on veut se situer
pleinement sur le terrain de l‘institutionnalisation. En effet, on peut voir le lien entre
l‘avant-plan et l‘arrière-plan comme le jeu entre l‘instituant et l‘institué.
Sur cet aspect, Helen Berger note la nécessité d‘actualiser Weber en raison de ses
présuppositions : « He (Weber) views magicians as manipulators of demons, not as
worshippers of deities. Although today‘s Neo-Pagans and Witches are magical
practitioners, they are also members of a religion that forms groups to worship. » (Berger,
1999, p. 101). Toutefois, la plupart de ces phénomènes de routinisation du charisme et de
routinisation se vivent en covens. On se retrouverait donc dans ce cas avec un « avant-
plan » magique et un « arrière-plan » religieux, ce dernier davantage perceptible par le
public, correspondrait en quelque sorte au charisme de fonction. Dans le milieu néo-païen,
la routinisation s‘opère ainsi de plusieurs façons : publication d‘ouvrages portant sur des
notions de base par certains auteurs qui sont lus par la collectivité, tel que les ouvrages de
Starhawk; distribution de chants et de rituels organisés lors de festivals, de rituels publics
ou encore par Internet; création de certains services pour une communauté locale et
création de centres communautaires.
Si nous regardons le concept d‘institutionnalisation du point de vue de l‘anthropologie
française, nous trouvons la description donnée par G. Augustins qui mentionne qu‘une
institution désigne : « tout ce qui, dans une société donnée, prend la forme d‘un dispositif
organisé, visant au fonctionnement ou à la reproduction de cette société, résultant d‘une
volonté originelle (acte d‘instituer) et d‘une adhésion, au moins tacite, à sa légitimité
supposée. » (Augustins, 1994, p. 378). Par conséquent, s‘il devient nécessaire, tel que
l‘indique Augustins, que cette entité établisse certaines normes, valeurs et pratiques, elle
44
doit faire en sorte de s‘assurer de l‘adhésion et de l‘identification des membres. Cette
nécessité serait d‘autant plus grande lorsqu‘il est question d‘une communauté.
En somme, selon ces définitions, l‘institutionnalisation est un processus qui sert, entre
autres, à régulariser de façon « stable » les pratiques et les activités légitimes d‘un groupe
donné. Mais qu‘en est-il de ce concept lorsque nous abordons la question des rapports entre
les religions, les mouvements religieux et les courants spirituels? Quelle serait son utilité
particulière dans ce contexte? Plusieurs chercheurs ont tenté à leur façon d‘aborder la
question. D‘ailleurs, certains utilisent d‘autres termes pour désigner ce processus. Gerhard
Lenski parle « d‘organisation sociale » ou de « cristallisation des status » (Lenski, 1970).
Cette acception correspond assez largement à la notion de « champ religieux » pour
laquelle existent des variantes historiques (Poulat, 1981), sociologiques (Bourdieu, 1971) et
politico-juridiques (Powell et DiMaggio, 1983; Côté, 2003).
Reste le problème sérieux de la dynamique interne du champ. Nous avons vu au début du
chapitre la primauté de la place tenue par la sécularisation organisationnelle et individuelle
au-dessus de la sécularisation sociétale. Dans ce contexte, la perte d‘emprise des religions
instituées sur des fidèles considérés acquis d‘une part, et leur statut d‘agences
thérapeutiques, d‘autre part, ouvre le champ aux initiatives religieuses. En même temps, au
Québec, l‘instituant (le vécu religieux ou spirituel autre ou alternatif) est plus cadré qu‘il y
a cinquante ans par la loi et le droit. Comment retracer les diverses trajectoires et les
différents cheminements? Pour commencer, peut-on s‘en remettre à une définition
« canonique » de la religion quand la réalité sociale de cette dernière tend à s‘effriter et que
les groupements religieux institués et émergents se disputent parfois le « label » religion?
Une première position consiste à retravailler en profondeur le concept et à l‘épurer. C‘est la
piste empruntée par Danièle Hervieu-Léger (1993, p. 119) : « ... une ―religion‖ est un
dispositif idéologique, pratique et symbolique par lequel est constituée, entretenue, développée et
contrôlée la conscience (individuelle et collective) de l‘appartenance à une lignée croyante
particulière ». Le noyau religieux est ramené à l‘appartenance à une lignée croyante
particulière. La définition contourne l‘épineux problème du contenu des croyances. En
effet, après le « problème dieu » solutionné par Durkheim lui-même, plusieurs sociologues
45
de la religion ont tenté de sauver la définition du maître en se rabattant sur la notion de
sacré (Stark, 2001, p. 102; Yinger, 1957, p. 9). D‘autres chercheurs ont tenté d‘intégrer la
dynamique du champ religieux dans le concept même de religion. Cette approche, chez
Stark notamment, a le désavantage de prendre parti dans le débat social (et parfois
politique) sur l‘utilisation du « label » religion (Bellah, 1964, p. 359; Berger et Luckman,,
1967, p. 56; Beyer, 1994, p. 6; Geertz, 1973, p. 90). D‘autres, tel que Martin Southwold,
prenant le bouddhisme en exemple, indiquent que chercher à définir ce qu‘est une religion
ne va que mener l‘opération à la ruine, puisque la religion est : « a compound of diverse
elements » (Southwold, 1978, p. 362). Il ajoute à cette idée, qu‘une seule exception à la
règle est suffisante pour réfuter une définition qui se veut universelle (Idem, p. 367). Par
conséquent, il voit plutôt la religion comme étant composée : « of a variety of forms of
behaviour which tend to be produced in respond to diverse individual and social
requirements; but these forms of behaviour, though they have in this sense diverse origins,
have marked affinities one with another which tend to lead to their coalescence into a
moderately coherent system. » (Idem, p. 371). Tout ceci est inclus dans la définition
d‘Hervieu-Léger. Mais comment les « choses religieuses » prennent-elles forme?
Une seconde position vient relayer la première. Elle est également post-durkheimienne.
Plutôt que de s‘attaquer au concept de religion, elle vise l‘actualisation du processus
d‘institutionnalisation :
The prospects for a different interpretation of religion‘s social significance
improved in the latter half of the twentieth century with the development of
theoretical perspectives such as phenomenology, symbolic interactionism,
ethnomethodology, exchange theory and post-structuralism. This was
because, in their different ways, they tended to soften the dualities of self
and society, the one and the many, the micro and the macro, and so on. A
range of different arguments converged on the idea that the ―individual‖ and
―society‖ were only abstractions from a reality that was more complex and
perplexing. In particular, the apparently separate entities were shown to be
mutually constitutive in the sense that individuals constructed social
collectivities and cultural meanings, and, conversely, social and cultural
configurations shaped the properties of individuals. (Beckford, 2003, p. 199)
46
Beckford soulève un point capital : la tendance est de vouloir simplifier une réalité souvent
plus complexe. Les ramifications de la pratique diversifiée, les structures complexes et les
croyances peu connues de ces groupes et mouvements contre-culturels vont êtes souvent
mises de côté, étant trop compliquées et pas assez universelles à première vue, pour être
classées dans une définition générale de religion. Ainsi, l‘avènement des groupes et des
mouvements contre-culturels est rarement pris en compte et souvent rejeté comme n‘étant
pas de vraies religions, ni même une « secte ». La détermination de ce qu‘est une religion
dépend de plusieurs facteurs, et les définitions des fonctionnalistes de type Stark éludent la
difficulté. Dans les termes de Beckford :
In fact, all these theorists50
work within a neo-durkheimian logic of
individuality and collectivity. Yet, there is also a less communal; less
solidary way of interpretating the relations between individual and
collectivity in what Ulrich Beck call ―second modernity‖. I suggest that this
line of reasoning has the potential to cast religious movements in a
theoretically interesting light and that, conversely, a careful study of
religious movements could help to treat the usefulness of Beck‘s theorising.
The starting point is the process of « individualization » has become
institutionalised (Beck et Beck-Gernsheim, 2002). But, far from heralding
either the disintegration of society or the formation of solidary communities
of resistance, the structural individualisation that characterises second
modernity societies actually facilitates a form of societal integration rooted
in standardization. (Beckford, 2003, p. 177)
Cette perspective de Beckford est celle de l‘individualisation structurale. De ce point de
vue, il devient possible de retracer le comment et le pourquoi de l‘institutionnalisation sous
l‘angle privilégié de la standardisation (et de normalisation) des pratiques culturelles
religieuses. L‘individualisation est, selon Beckford, la clé du changement religieux puisque
les forces et les pressions ont agrandi le contexte du marché religieux, ce qui facilite le
choix individuel (Beckford, 2003, p. 210). Ainsi, l‘institutionnalisation n‘a pas à affecter
tout le groupe dans son entier de la même façon et de le transformer en religion organisée
de façon générale. Elle peut se faire au niveau du microcosme en fonction des besoins de
l‘individu ou d‘un groupe à l‘intérieur du mouvement. Cette approche donne une plus
grande maniabilité à la notion d‘institutionnalisation des croyances ou groupes religieux, et
50
Il fait référence ici à Kevin Hetherington, Maffesoli, Mellor et Shilling.
47
reflète davantage les tendances que l‘on peut dégager dans la société actuelle, dont la
Wicca fait partie.
1.2.4.2 Formation, transformation et déformation : le modèle de Richardson
Hervieu-Léger et Beckford ont en commun d‘avoir étudié les nouveaux mouvements
religieux. Néanmoins, ils ne se sont pas arrêtés à décrire systématiquement les processus
d‘institutionnalisation dans leur complexité. C‘est la tâche que s‘est donné James T.
Richardson. Son approche intègre les facteurs internes et externes de transformation des
mouvements culturels de type religieux et comprend aussi un scénario de transformation
brusque et inattendue appelée « déformation ».
En voici le diagramme :
48
Schematic of External and Internal Factors
Impacts on Form of Religious Movement Organizations
Figure 1 : Schematic of External and Internal Factors51
L‘approche de Richardson puise à la sociologie politique des nouveaux mouvements
sociaux, adaptée à la sociologie des nouveaux mouvements religieux. On y repère
l‘importance prise par la notion de mobilisation des ressources, une aptitude cruciale à
l‘étape de l‘émergence et du déploiement de l‘innovation religieuse. Le schéma incorpore
une dimension temporelle et sociétale. Pour ce qui est de la dimension temporelle, les
repères sont constitués de la « soupe primitive » et d‘une configuration organisationnelle
passée à un certain stade. La dimension sociétale est au cœur du processus. Ce sont les
51
Source : James T. Richardson, 1985, p. 172.
DIFFUSE SOCIETAL AND CULTURAL
CONTEXT
Original set of ideas, Economic
needs of
beliefs and practices organization
(minimal)
INITIAL ORGANIZATION PATTERN
FOCUSED SOCIETAL AND CULTURAL CONTEXT
Internal economic pressures (family development; growth of bureaucracy
capital expansion; need for new members : rising expectations of new
members)
External economic pressures (general economic conditions; tax laws;
solicitation regulations, etc.)
Other internal pressures (ideology or theology)
Other external pressures (public opinion; state regulations)
SUBSEQUENT ORGANIZATIONAL PATTERNS
49
vecteurs ou facteurs d‘institutionnalisation pertinents, internes et externes. Dans la logique
de Richardson, un organisme évolue continuellement en vertu d‘une série de pressions
internes et externes. Bien que l‘on puisse y voir les traces de l‘approche fonctionnaliste, sa
logique est plus compréhensive et dynamique puisqu‘elle prend en compte la configuration
et l‘imbrication des divers facteurs internes et externes les plus susceptibles de toucher de
manière significative les groupements religieux non traditionnels et moins
institutionnalisés. Divers parcours sont possibles. Ainsi, le scénario de la transformation
répond soit à une adaptation graduelle à l‘environnement, soit à une évolution prévisible
des doctrines ou des modes de gouvernement de la part du groupe. Il inclut les processus
connus de routinisation du charisme et de changements doctrinaux liés au passage des chefs
et à l‘apparition de courants divergents au sein d‘une même lignée croyante. Toutefois, le
schéma intègre des défis courants de structuration et d‘organisation collective répertoriés
parmi les nouveaux mouvements religieux (financement autonome, augmentation des
membres, passage des générations et socialisation, etc.). Le schéma de Richardson prévoit
une rétroaction des configurations du mouvement en réponse aux impacts spécifiques de
l‘environnement social et culturel (Richardson, 1985, pp. 166-171) de la modernité avancée
(p. ex. : l‘impact des mesures de protection de l‘enfance et de protection des
consommateurs).
Par ailleurs, le schéma de Richardson inclut la possibilité d‘une « déformation », un peu à
l‘image d‘un développement anarchique ou incontrôlé. Une déformation est le fait d‘une
diversion considérable de ressources commandée par un défi « environnemental » de taille.
Plusieurs pressions externes au groupe (économiques, gouvernementales, d‘opinion
publique etc.) concourent à des évolutions ou changements dont les résultats sont
imprévisibles pour le groupe (Côté et Richardson, 2001, p. 12). Côté et Richardson ont
illustré ce dernier cas de figure en référence à des groupes religieux émergents frappés de
plein fouet par la controverse sociale, notamment The Family et, dans un tout autre genre,
les Témoins de Jéhovah.
Finalement, le schéma permet de conserver la trace des processus d‘institutionnalisation
aboutis comme non aboutis. Ces derniers restent dans la mémoire collective ou individuelle
50
par la transmission orale, l‘enregistrement par l‘écrit, par les débats internes et les
recherches de solutions; ils ne sont pas sans effets.
Le schéma de Richardson, avec ce qui précède, servira de base pour la description des
processus d‘institutionnalisation de la Wicca. Question de le souligner à nouveau, à l‘instar
d‘autres mouvances religieuses, la Wicca n‘est pas un groupe unifié ou local. Elle s‘étend
dans plusieurs pays et compte déjà plus de 150 traditions différentes, sans compter les
pratiquants solitaires. Il faut donc considérer que l‘amorce est variable, que
l‘institutionnalisation ne se fera pas partout en même temps, et que le résultat ne sera pas le
même pour tous les membres wiccains. Il ne faut pas présumer non plus que
l‘institutionnalisation se fait de manière unilatérale ou uniforme. Le modèle doit ainsi
prendre en compte, d‘une part, des diverses pressions d‘isomorphismes qui contribuent à la
transformation de la Wicca et; autre part, les logiques de l‘individualisation structurelle
évoquées par Beckford, l‘ensemble des facteurs étant susceptibles d‘être spécifiés et mis en
lien suivant une adaptation du schéma de Richardson
51
Institutionnalisation
Institutionnalisation
Wicca
Isomorphisme :
- Coercitif
- Normatif
- Mimétique
Sur les individus et sur les
regroupements
- Normalisation des
pratiques
- Stabilisation des pratiques
-Standardisation
Différents groupements : covens, associations, pratiquants solitaires,
écoles de sorcellerie, bulletin, etc
Externe
Interne
Lois et règlements
Champs religieux
Figure 2 : Le diamant de l‘institutionnalisation et des isomorphismes
Partie III – Méthodologie : stratégies de découverte et
techniques d’enquêtes
1.3 L’étude de cas et les questions de recherche
Afin de saisir la nature et l‘ampleur du phénomène d‘institutionnalisation au sein des
Wiccains, plusieurs stratégies de collectes de données ont été élaborées et combinées dans
la présente enquête. Puisque le processus d‘institutionnalisation ayant trait à ce courant n‘a
pas fait l‘objet de réflexions ni n‘a été documenté de manière approfondie à ce jour, le
travail sur le terrain s‘avère indispensable. La thèse se penche principalement sur
52
l‘institutionnalisation. Elle soulève les questions suivantes : quels sont les impacts des
normes coercitives des autorités publiques sur ce processus au sein des communautés
wiccaines québécoises? Comment ceux et celles qui perçoivent les transformations dans
leurs communautés, ou encore sont des agents d‘institutionnalisation, abordent-ils cette
situation et qu‘en pensent-ils?
Afin de parvenir à saisir la nature et l‘ampleur du phénomène d‘institutionnalisation au sein
des wiccains, plusieurs stratégies de collecte de données ont été élaborées. Puisque le
processus d‘institutionnalisation ayant trait à ce courant n‘est ni réfléchi ni documenté en
profondeur à ce jour, le travail sur le terrain s‘avère indispensable. Pour cette présente
recherche, le terrain a commencé en avril 2003 jusqu‘en mai 201152
, se présentant
principalement aux activités publiques des communautés de Montréal et Québec, ainsi qu‘à
des événements à l‘extérieur de la province (Alberta, Manitoba, Nouvelle-Écosse, Ontario
et l‘Angleterre). Partant de l‘observation directe des rituels jusqu‘à l‘analyse des articles de
bulletins païens locaux, il sera possible d‘amasser une gamme d‘indices liés à des
dimensions du processus d‘institutionnalisation et permettant de mieux situer les wiccains
dans la dynamique culturelle et religieuse canadienne.
1.3.1 Observation participante
L‘une des techniques d‘enquête les plus importantes de la présente recherche est
l‘observation participante. L‘observation participante est un outil essentiel pour recueillir
des données. Qu‘il s‘agisse d‘assister à des rituels ou des conférences, de se rendre dans les
boutiques spécialisées, les centres communautaires ou les centres de ressources, rien ne
peut remplacer les observations et les interactions directes avec les individus. Non
seulement cette méthode permet-elle l‘établissement de contacts avec des informateurs
potentiels, mais elle contribue également à créer une atmosphère facilitant le travail de
collecte de données auprès des informateurs. Organisés en faisceaux, ces éléments
permettent d‘éventuellement déceler les différents vecteurs d‘institutionnalisation à
l‘œuvre.
52
À noter que des observations et notes du terrain précédent pour la recherche de maîtrise (2001 à 2003) sont
également prises en compte et utilisé.
53
Rituels publics
La présence à des rituels publics permet d‘observer comment certains éléments
d‘institutionnalisation sont véhiculés au sein des diverses communautés. De plus, les détails
sur l‘environnement physique, les paroles échangées, les comportements, les attitudes et les
mouvements des individus, ou encore sur les odeurs et les fragrances utilisées, sont autant
d‘indices favorisant une connaissance approfondie du milieu. Bien que la diversité des
rituels et des pratiques soient caractéristiques des wiccains du Québec, qu‘en est-il des
régularités et des constantes? La disposition et l‘utilisation de l‘autel, des chants, les types
de rituels (structurés selon les pratiques de covens traditionnels ou autres formats plus
démocratiques), sont-ils reconnaissables et familiers aux pratiquants? Est-ce que certaines
personnes détiennent une autorité plus grande et jouissent d‘une forme de reconnaissance
au sein de la communauté? Ce ne sont là que quelques questions qui pourront trouver
réponse grâce à l‘observation.
Pour la présente recherche, nous avons assisté à 47 rituels publics pour les sabbats 53
(quatre
Yule, six Imbolc, sept Ostara, six Beltane, trois Litha, quatre Lammas, neuf Mabon, huit
Samhain), trois pour les esbats, dix rituels d‘ouverture de conférences54
, huit rituels de
fermeture de conférences et deux petits rituels fait sur le vif par de petits groupes lors de
discussion. Une description détaillée des divers rituels assistés n‘est pas l‘objectif de cette
présente recherche. Notre but est d‘observer les différents vecteurs d‘institutionnalisation
qui sont véhiculés à ces événements55
.
Conférences païennes
L‘observation participante se fait également lors des conférences et colloques païens
organisés par les diverses communautés, principalement celles de Montréal (entre de 20 à
30 personnes) et la Gaïa Gathering (en moyenne 120 à 150 personnes). Du nombre des
53
Parfois, nous étions présents parfois à deux ou trois rituels différents dans la même journée, par exemple
soit l‘un par un groupe francophone, un en anglais, ou parfois un premier à Montréal et un deuxième à
Québec. Ces données exclus la présence aux événements en Angleterre. 54
Ceci comprend les conférences hors ayant lieu dans les autres provinces canadiennes. 55
Néanmoins, une description d‘un rituel détaillé, dont l‘autorisation a été donné par les prêtresses présente
au rituel, est placé à l‘annexe N.
54
diverses séances proposées, il y en a toujours une qui traite spécifiquement de la Wicca.
Lors de celle-ci, on parle souvent, surtout depuis les trois dernières années, des questions
d‘institutionnalisation, d‘éducation des enfants dans un milieu païen, des services offerts à
la communauté et de sa constitution, entre autres. De plus, cette conférence particulière, le
Gaïa Gathering, permet aux divers chercheurs universitaires païens canadiens de s‘exprimer
et de partager avec leurs communautés les résultats de leurs travaux. Bien que ce colloque
soit canadien et se tienne dans une province différente chaque année56
, plusieurs Québécois
s‘y rendent et reviennent au Québec avec des suggestions et des idées à implanter au sein
de leur communauté.
Observations en Angleterre
Un stage à Londres, de mai à septembre 200557
, nous a permis d‘observer divers
événements païens. Parmi ceux-ci, on compte deux rituels publics tenus par la Pagan
Federation, six rencontres thématiques en présence de conférenciers invités58
, une
célébration du solstice d‘été avec les druides à Stonehenge, ainsi qu‘un petit festival païen,
le « Pentacle Camp », activité d‘une durée d‘une fin de semaine dans la forêt anglaise tenue
par les membres fondateurs du Pentacle Magazine59
. Ces activités nous ont permis de faire
plusieurs rencontres et d‘avoir de nombreuses discussions avec des membres de coven
wiccain, de groupes de magie cérémonielle ou d‘autres groupes païens. Les observations
qui proviennent de ce terrain sont développées dans le chapitre cinq.
1.3.2 Entretiens avec des témoins privilégiés
Les entretiens semi-dirigés et des contacts courriels seront essentiels afin de saisir
l‘évolution de la communauté ainsi que pour jeter un regard sur les notions d‘institution et
d‘autorité que véhicule l‘informateur wiccain. Le simple fait qu‘on parle en 2012, de
communauté païenne à Montréal alors qu‘il y a trente ans cette notion n‘existait pas,
56
En 2005, Edmonton; 2006, Halifax;2007, Winnipeg; 2008, Ottawa; 2009, Vancouver; 2011, Montréal. 57
Le stage avait lieu à INFORM (Information Network on Religious Movements), au London School of
Economics, à Londres en Grande-Bretagne. 58
Ces derniers avaient lieu dans un local au Devereux Pub appelé The Moot With No Name, ainsi que dans
une librairie de livres usagés spécialisée dans les ouvrages sur la Wicca et la magie appelée Treadwells. Voir
leur site Web : http://www.treadwells-london.com/index.html. 59
L‘un des plus importants bulletins païens indépendants de l‘Angleterre.
55
démontre qu‘une plus grande attention doit être accordée à cet aspect. De plus, avec
l‘avènement d‘Internet, la notion de communauté déborde les frontières physiques et
englobe les communautés virtuelles. Examiner cette notion de communauté à travers les
narrations individuelles de l‘institutionnalisation devient essentiel afin d‘appréhender les
abords de l‘individualisation structurelle. Ce point est d‘autant plus important lorsque nous
nous mettons à comparer les informateurs francophones aux informateurs anglophones
puisqu‘il existe en effet un réel décalage au chapitre du temps et des ressources entre les
pratiquants francophones et anglophones. Puisque la Wicca est une pratique anglo-saxonne,
les anglophones et les personnes bilingues de Montréal ont été en contact beaucoup plus tôt
(au moins 20 à 30 ans) que les francophones des autres régions du Québec avec ce courant
culturel religieux. Comme il a été mentionné plus tôt, il n‘existe que quelques livres
traduits en français à l‘intention des pratiquants, ce qui réduit l‘accessibilité à la Wicca pour
les francophones.
Vu la superficie de la province, le budget limité et les horaires chargés, les occasions de
procéder à des entretiens en personne ont été plus rares que prévu. En outre, les difficultés
d‘agencer les horaires des informateurs qui sont pour la plupart très chargés étant donné
leur implication dans les communautés. Néanmoins, il a été possible de procéder à quelques
entretiens forts intéressants par l‘utilisation de moyens de communication comme le
téléphone, le clavardage et les courriels60
. Ces techniques ont permis de faciliter les
échanges avec certains d‘entre eux61
.
Au total, six entretiens semi-dirigés et enregistrés62
ont été menés auprès de témoins-clés.
Parmi eux, un entretien n‘a pas été considéré63
. Deux d‘entre eux ont eu lieu par
clavardage, dont une avec Scarlet – propriétaire du Crescent School of Magic, Mélange
60
Comme mentionné dans les chapitres précédents, l‘utilisation du clavardage et des courriels permet de
conserver une version écrite de l‘entretien. 61
À la demande de certains informateurs, certaines opinions et positions personnelles n‘ont pas été
divulguées. 62
Par divers moyens, tel que la sauvegarde de la séance de clavardage, des échanges courriels ou par
enregistrement sur disque. Les entretiens téléphoniques ont été pris à la main au long de la conversation. 63
Un entretien en personne a été fait avec le président de l‘Église wiccane de Québec. Malheureusement, il
n‘a pas voulu que nous utilisons les informations de cet échange. En respectant son choix, il est mentionné ici
simplement à titre indicatif. Par conséquent, ce qui a été dit lors de cet entretien reste confidentiel.
56
magique, membre du CUPS, fondatrice du bulletin WynterGreen et prêtresse de son coven
consacré au travail d‘aumônerie – et l‘autre entretien avec la co-créatrice du bulletin
« Montreal Pagan Grove Newsletter ». Les autres entretiens ont été menés auprès de
propriétaires de boutiques virtuelles par téléphone et par échanges de courriels.
À ceux-ci s‘ajoutent quelques échanges menés par courriel auprès d‘individus impliqués
dans le travail d‘aumônerie dans des prisons fédérales, entre autres, en Ontario et
Colombie-Britanique. Ces individus ont fait partie du PFPC et ont contribué à la mise sur
pied du PPO (Pagan Pastoral Outreach). Les échanges ont pris la forme de mini-
questionnaires auxquels s‘ajoutaient des questions de relance à la lumière des réponses
fournies.
Outre ces entretiens avec des informateurs clés (créateurs de bulletins, fondateurs d‘écoles
de sorcellerie ou propriétaires de boutiques ésotériques), de nombreuses conversations
informelles ont été engagées avec tous types de participants lors de nos recherches sur le
terrain. Ceux-ci étaient parvenus à divers niveaux de leur parcours spirituel et étaient plus
ou moins impliqués dans les communautés. Ces entretiens ont eu lieu soit lors de nos
déplacements vers des rituels et conférences64
, lors de rencontres-café avec quelques
individus, soit dans un café ou au domicile d‘un ou d‘une pratiquante. Ces conversations
ont été d‘une aide précieuse pour comprendre les préoccupations des pratiquants québécois
ainsi que pour nous apporter un éclairage sur leurs points de vue relativement à l‘un ou
l‘autre aspect du phénomène de l‘institutionnalisation de la Wicca. Plusieurs de ces points
de vue rejoignent d‘ailleurs les résultats de l‘enquête par questionnaire.
Nous avons également pu réutiliser les deux entretiens que nous avons eus lors de nos
travaux de maîtrise, puisque certains d‘entre eux contenaient des informations pertinentes à
la présente recherche.
64
Nous étions parfois accompagnés par des wiccaines de Québec.
57
1.3.3 Enquêtes par questionnaire
À l‘étape de la collecte des données, nous aurons recours à l‘enquête par questionnaire.
Grâce à celle-ci, nous tenterons de cerner l‘opinion générale des wiccains québécois sur les
enjeux liés à l‘institutionnalisation. Une autre enquête sera axée sur l‘organisation de
l‘aumônerie païenne dans les prisons. Les questions sont dirigées et semi-dirigées,
permettant ainsi d‘aller chercher une grande variété de renseignements nécessaires, tant sur
le plan socio-démographique que sur l‘opinion personnelle de l‘informateur relativement à
divers sujets.
L‘enquête par questionnaire a été menée de septembre 2008 à janvier 2009. Le
questionnaire était bilingue afin de rejoindre les individus qui pratiquent tant en anglais
qu‘en français65
. Nous avons distribué 25 questionnaires papier lors de trois rituels publics
du Mabon à Montréal en septembre 2008. Nous avons également remis quatre copies en
main propre à des wiccains rencontrés durant cette période dans la ville de Québec. À la fin
de septembre, nous avons converti le questionnaire en format PDF et l‘avons publié en
ligne sur Internet66
pour permettre aux personnes des différentes régions de la province d‘y
avoir accès, ou de donner l‘occasion à ceux qui n‘ont pas pu recevoir de copie papier de
répondre aux questions au moment qui leur convenait. Le lien vers le questionnaire a été
envoyé à 13 groupes de discussions et sites Internet païens et wiccains québécois,
s‘adressant autant à un public francophone qu‘anglophone. De plus, 14 personnes ont été
jointes par l‘entremise du site Witchvox67
. Nous leur avons demandé par courriel si elles
voulaient participer à l‘enquête. Le cas échéant, nous leur avons transmis le lien vers le
questionnaire ou nous leur avons envoyé le questionnaire directement.
65
Voir annexe M : Questionnaire. 66
Ceci a été possible avec l‘aide de Patrick Bellavance, qui a pu héberger le site avec le questionnaire ainsi
que créer des liens vers les outils nécessaires pour enregistrer sur pdf leurs réponses. Il a également ajouté un
lien vers mon mémoire de maîtrise qui avait été déposé en ligne sur le site de l‘Université Laval, afin que les
participants puissent y avoir accès. 67
Witchvox est un site américain qui publie des articles sur tout ce qui est païen et lié à la sorcellerie, et sur
tout sujet qui peuvent les intéresser, notamment la Wicca. C‘est également un annuaire et un réseau de contact
entre individus, groupes ou covens. Ils ont des pages Webs classées selon les pays, les provinces ou les états,
ce qui facilitent le contact avec des individus qui habitent au Québec.
58
En tout, le taux de réponse des questionnaires papier complétés s‘élevait à 32,0 % soit 8
questionnaires sur 25 distribués. Pour la version en ligne, 13 questionnaires ont été remplis.
Trois autres copies virtuelles ont été reçues, mais leurs réponses ont été mal enregistrées.
Par conséquent, ces questionnaires n‘ont pu être utilisés. Nous avons tenté de rejoindre les
répondants pour qu‘ils puissent nous retourner le questionnaire rempli, sans succès. De
plus, certaines personnes n‘ont pas pu avoir accès au questionnaire en raison des problèmes
techniques avec le questionnaire ou encore des problèmes de compatibilité avec les
ordinateurs MacIntosh. En fin de compte, un total de 21 questionnaires complétés ont été
retournés68
. Le taux relativement faible de réponses au questionnaire peut être dû à
plusieurs facteurs : temps alloué à la collecte des réponses insuffisantes, publicité
insuffisante, étape d‘enregistrement des questionnaires trop complexe en format PDF,
problème de compatibilité avec la version en ligne, nombre de copies papiers insuffisant ou
encore oubli des répondants de retourner le questionnaire69
. Dans le cadre de cette
recherche, cela représente un petit échantillon estimé à 3,5 % si on estime qu‘il y a 600
wiccains dans la province.
1.3.4 Analyse documentaire portant sur les communautés québécoises et
canadiennes
1.3.4.1 Sources imprimées des communautés
Les bulletins d‘information et autres journaux païens permettent d‘avoir accès aux discours
« indigènes » et aux préoccupations des communautés païennes et wiccaines. Parfois les
articles du WynterGreene, un bulletin de la communauté païenne montréalaise, abordent
explicitement les questions mêmes de la communauté et de l‘institutionnalisation. De plus,
ce bulletin s‘est ouvert à la communauté canadienne depuis l‘été 2006, offrant la possibilité
aux gens de l‘extérieur de la province d‘écrire et d‘introduire leurs idées et points de vue.
L‘analyse de son contenu apparaît essentielle à la mesure des facteurs de transformation de
la communauté montréalaise. Fait important, cette revue est bilingue, c‘est-à-dire, qu‘elle
68
Cinq questionnaires nous sont parvenus après la date limite, dont certains au cours de l‘été 2010. Ils n‘ont
malheureusement pas été pris en compte. 69
Il nous arrive de rencontrer certains pratiquants après la date limite de collecte de données par questionnaire
qui se rappelaient avoir rempli le questionnaire, mais ne pas l‘avoir envoyé ou l‘avoir perdu.
59
contient des articles en français et en anglais. La communauté wiccaine francophone
risque-t-elle de s‘éclipser ou va-t-elle conserver sa voix dans le mouvement?
1.3.4.2 Sites Internet
L‘un des meilleurs véhicules d‘information et d‘opinions pour les wiccains du Québec est
Internet. Que cela soit sous forme de sites, de groupes de discussions, de forums ou de
blogues, les wiccains communiquent leurs états d‘âme. Les questions d‘institutionnalisation
et de formation de communautés physiques sont des sujets de discussion qui sont soulevés
de manière récurrente. Comme on pourrait s‘y attendre, les questions portant sur la nature
même de la Wicca, de la magie et de l‘identité (Berger et Ezzy, 2004, p. 176) tiennent une
place importante dans ce processus de discussions, car définir ce qu‘est la Wicca et qui est
wiccain s‘avère essentiel pour établir les limites de l‘identité du pratiquant, mais aussi de la
communauté en soi. Par conséquent, ces divers moyens virtuels constituent une source
importante d‘information permettant de garder le pouls de ce qui se passe à l‘échelle
provinciale et nationale.
1.3.4.3 Littérature païenne
Une autre source pertinente d‘information est la littérature païenne académique et non
académique. Comme l‘ont démontré les résultats issus de notre recherche effectuée dans le
cadre du diplôme de maîtrise, les païens et les wiccains sont des lecteurs avides. Depuis les
dix dernières années, les ouvrages portant notamment sur la magie, la sorcellerie, la Wicca,
le chamanisme et le paganisme ont vu leur nombre augmenter en flèche. Dans les
années 1970 et 1980, les ouvrages sur ces sujets se faisaient plus rares, tandis
qu‘aujourd‘hui on en trouve presque partout au Québec et au Canada. Cela est également le
cas pour les bulletins locaux ou les revues telles que Magie Blanche70
.
De plus, certains wiccains ont produit et continuent de produire de la littérature académique
sur le paganisme. Depuis 1985, le bulletin The Pomegranate publie quatre fois par année
70
La revue Magie Blanche est une revue abordant tout ce qui touche la magie bénéfique, les rituels
ésotériques et les divers outils pour les pratiques magiques divers, mais positives.
60
des articles divers sur les questions liées aux paganismes. Les auteurs de ces articles sont
des païens universitaires ou non universitaires, ou simplement des universitaires non
païens. Dans la communauté montréalaise, le bulletin bilingue local WynterGreene est
devenu le véhicule d‘information de tout ce qui concerne les thèmes ou les activités publics
de la communauté. Bien que WynterGreene ne soit pas le premier bulletin de Montréal, il
est néanmoins un élément essentiel dans le développement de la communauté locale.
L‘important ici est de voir ce qui est lu, ce qui n‘est pas lu, ce qui se retrouve dans les
bibliothèques personnelles des wiccains et ce qu‘ils aimeraient avoir comme ouvrages.
L‘idée est de mieux voir et comprendre le monde dans lequel évoluent les informateurs.
Retrouve-t-on les ouvrages de base sur la Wicca? Des ouvrages anthropologiques?
Historiques? Sociologiques? Féministes? Mythologiques? S‘agit-il majoritairement
d‘ouvrages portant sur la magie ou y a-t-il une recherche d‘information plus complète et
englobante du monde païen et de ses théa/théologies? S‘agit-il plutôt de discours internes
ou externes à la mouvance païenne? Le but de l‘analyse documentaire dans son ensemble
est d‘obtenir des indications sur la teneur et la prégnance du thème de l‘institutionnalisation
et de tracer une éventuelle démarcation des préoccupations de l‘élite communautaire et des
pratiquants.
1.3.4.4 Recherche documentaire et sources d’archives
Afin de cibler les organismes wiccains qui se sont formés et qui se sont déclarés aux
autorités appropriées, il faut procéder à des vérifications dans les registres des entreprises
du gouvernement provincial et organismes de bienfaisance du gouvernement fédéral. Pour
ceux qui s‘y trouvent, il serait intéressant et important de voir sous quelles formes
administratives les divers groupes wiccains s‘enregistrent auprès des autorités publiques.
Est-ce que les groupes s‘adaptent aux normes des gouvernements, basées sur les religions
chrétiennes, afin d‘obtenir certains avantages et privilèges, ou est-ce que les groupes
préfèrent s‘enregistrer en tant qu‘organismes sans but lucratif afin de conserver une certaine
fluidité identitaire?
61
1.3.4.5 Analyse de la jurisprudence canadienne et québécoise
Lorsqu‘un groupe gagne en popularité, il est à prévoir qu‘il fera tôt ou tard l‘objet de
litiges, surtout en raison du fait que la sorcellerie revêt une image négative dans la mémoire
collective de la population canadienne. Depuis les années 1980, il est effectivement
possible de retrouver dans la jurisprudence canadienne et québécoise plusieurs cas où il est
mention des termes « Wicca », « sorcellerie », witch, paganism. En examinant l‘évolution
de l‘utilisation des divers termes associés à la Wicca dans la jurisprudence, tant en anglais
qu‘en français, on peut voir une évolution de l‘identité wiccaine revendiquée et octroyée
par les tribunaux (Beaman, 2000). En analysant les utilisations faites de ces termes, il nous
sera possible de voir comment et à quel moment la Wicca cesse d‘être associée à l‘image
folklorique et commence à être traitée comme un courant religieux par les autorités
judiciaires et administratives.
1.3.5 Résultats anticipés
La présence des pressions internes et externes, les problématiques ainsi que les diverses
formes d‘institutionnalisation qui sont en marche sont toutes des éléments qui contribuent
au processus. La Wicca, qui est une religion de la nature et qui n‘a pas de structure unifiée,
a, par « définition », tendance à vouloir éviter l‘institutionnalisation. De plus, comme le
remarque Peter Beyer lorsqu‘il soulève la question des religions de la nature, la plupart de
ces groupes sont polythéistes et accentuent l‘expression individualiste des pratiquants.
Toutefois, ces individus présupposent que ce qu‘ils font est similaire, au chapitre du but et
de la fonction, à ce que font les autres membres du même milieu (Beyer, 1998, pp. 19-20).
Nous vérifierons cette idée lors des recherches sur le terrain.
Chez les wiccains, les concepts de transformation, de changement, de mobilité, de fluidité
et de souplesse sont très importants. Que ce soit pour la transformation d‘énergie, du soi, de
l‘environnement ou des idées, le changement est au cœur de la Wicca. On le voit d‘ailleurs
par son évolution et son développement depuis les vingt dernières années ainsi que par
l‘entremise des diverses problématiques existant à l‘intérieur de la Wicca au Québec. Or,
62
cette fluidité identitaire semble être mise en cause puisque certains groupes parmi eux ont
décidé de former des églises et de s‘enregistrer auprès des autorités publiques.
L‘institutionnalisation du mouvement est perçue et crainte par la majorité des wiccains71
.
Une minorité regarde cette possibilité autrement, non pas comme une fin à leurs croyances
et pratiques, mais plutôt comme une avenue possible pour assurer la survie et le maintien
de la Wicca. Les tenants et les aboutissants de ce débat sont éclairants quant aux
possibilités et aux limites du changement à l‘ère de l‘individualisation structurale notée par
Beckford (2003, p. 177).
L‘un des meilleurs exemples de la transformation opérée dans la Wicca canadienne est
celui de la CWABC (Congregationalist Wiccan Association of BC). Le fondateur de cette
Église explique et commente, lors d‘une des conférences du Gaïa Gathering, les raisons qui
ont motivé la création de l‘Église ainsi que sa conception de ce qu‘est une religion
officiellement reconnue. En voici l‘extrait :
We have organized ourselves with the fond hope that when the founding
members die we will be buried with Wiccan religious ceremonies presided
over by our own clergy, and that our children, who have been named in
ceremonies in the church, married by our clergy and themselves become
active lay members and clergy, will carry the church along into the future.
Religion is a whole life commitment. Not a ―phase of your life‖ consumer
option, but something that lives through a life from birth to death and
beyond. Building a community of young adults centred on party-hearty
activities with lots of enthusiastic sex in the bushes is one thing but it‘s not a
religion. Helping people to live from a values centre as children, youth,
young adults through old age, understanding all of the passages of life and
sharing them together – this is much more satisfying. (Wagar, 2007, p. 3)
La différence avec la forme d‘origine de la Wicca se voit par l‘utilisation de termes tels que
« clergé », « église », « membre laïc » et « religion ». De plus, l‘importance accordée aux
enfants et aux générations futures ne figure pas dans les concepts originaux de la Wicca,
qui était principalement un culte de fertilité à l‘intention des adultes voulant vivre
l‘expérience du mystère. Comment la situation se présente-t-elle au Québec?
71
Sur le terrain, ce sentiment était exprimé dans les trois-quarts des conversations personnels tenu à ce sujet
ainsi que quelques fois lors des conférences.
63
Hypothèses
Il ressort de recherches antérieures (Berger, 1999, Charbonneau, 2008; DuFresne, 2004,
Gagnon, 2008a; Rabinovitch, 1992) que le mode de fonctionnement et la structure de la
Wicca ne correspondent pas à un modèle familier à l‘administration et aux autorités
publiques. Il est raisonnable de penser que l‘isomorphisme coercitif et surtout normatif
jouera pleinement.
Ceci étant, une première sous-hypothèse est à l‘effet la suivante : l‘institutionnalisation
d‘une mouvance telle que la Wicca ne s‘avère pas nécessairement être la transformation
d‘un tout vers une seule forme institutionnalisée du tout, mais donne plutôt cours à des
transformations parallèles de diverses parties d‘un ensemble vers une institutionnalisation
différée de ces diverses parties lesquelles, en retour, exercent des pressions externes et
internes sur ses diverses composantes dans un cycle continu de transformations et de
déformations.
Une deuxième sous-hypothèse à vérifier, consiste à la teneur et la portée de
l‘individualisation structurale. Il est raisonnable de penser qu‘elle aura une incidence
notable sur les trajectoires d‘institutionnalisation. Par la suite, l‘effet de
l‘institutionnalisation sera-t-il ou non le même au Québec au sein des pratiquants
francophones et anglophones? Il est permis d‘en douter puisque la notion même de Wicca
est différente pour ces deux groupes. Selon les observations faites lors des recherches sur le
terrain, le terme « Wicca » ne semble pas signifier la même chose. Lorsqu‘on parle à un
anglophone, « Wicca » signifie les pratiques d‘origine gardnérienne communément
appelées les « British Traditions » (BTW72
). Lorsque l‘on s‘adresse à un francophone,
« Wicca » semble associé à une pratique de sorcellerie païenne d‘inspiration wiccaine.
Ajoutons à cela les craintes associées aux formes institutionnalisées de leur appartenance
religieuse précédente qui font en sorte que les francophones sont plus critiques face aux
institutions. Par conséquent, il est raisonnable d‘anticiper que les francophones résistent
72
British Traditional Wicca.
64
davantage à la notion d‘institution que les anglophones. Il sera possible notamment de
vérifier cette hypothèse au chapitre 4 grâce aux réponses issues du questionnaire.
Avant de procéder aux données de terrains pour vérifier ces hypothèses, il advient de
vérifier d‘autres éléments qui influent l‘institutionnalisation d‘une minorité religieuse, telle
que les aspects touchant les lois et les droits.
Chapitre 2 : La régulation publique et la religion au
Canada. Quelle place pour la Wicca et les wiccains?
Air moves us, Fire transforms us,
Water Shapes us, Earth Heals us.
And the balance of the Wheel goes round and round,
And the balance of the Wheel goes round...
Par Cathleen Shell, Cybele, Moonsea et Prune
La question des rapports entre la régulation publique et la religion au Canada,
éventuellement de la Wicca, peut s‘avérer fort complexe à démêler. On s‘attachera ici à en
délimiter les principaux points d‘application du point de vue des administrés et non de celui
des justiciables. Du point de vue d‘administrés qui découvrent un certain nombre de règles
de la vie en commun en même temps qu‘ils essaient de trouver et éventuellement de se
négocier une place dans l‘ordonnancement établi. Qu‘il s‘agisse de l‘état civil (sécularisé
au Québec il y a moins d‘une génération), de l‘encadrement des familles et des personnes,
de l‘établissement d‘un lieu de culte ou encore de l‘acquisition de terrains pour
l‘inhumation des fidèles, les dispositions en vigueur témoignent encore de l‘importance des
religions et des spiritualités établies dans la vie sociale. La Loi sur les fabriques et la Loi
sur les cimetières non catholiques (respectivement chapitres F-1 et C-17 des Lois refondues
du Québec) en sont des exemples. On pense aussi à la création d‘œuvres particulières.
Quelles possibilités d‘action collective s‘offre-t-il aux collectivités naissantes, nommément
aux wiccains, en matière d‘association? De culte? Quelles sont les démarches
incontournables à effectuer auprès des administrations et institutions publiques à cet égard?
Avec quels résultats? Au plan individuel, par ailleurs, de quelles possibilités d‘exercer sa
religion ou de vivre selon sa conscience et ses préceptes un wiccain dispose-t-il au sein de
certaines institutions d‘utilité et de service public?
À l‘aide des témoignages et des observations effectuées dans la mouvance wiccaine, nous
voulons illustrer les voies par lesquelles les spiritualités émergentes peuvent prétendre à
66
l‘existence et à la reconnaissance sociétale. Comment en somme, à travers leurs contacts
avec les diverses administrations, les spiritualités émergentes s‘inscrivent dans le champ
d‘application de la loi pour se trouver assimilées, bon gré, mal gré, à une religion?
En raison de la nature de leurs activités, la Wicca et les mouvements païens au Canada et au
Québec se trouvent à faire face à plusieurs niveaux de réglementation. Le présent chapitre
fera d‘abord ressortir le cadre légal et réglementaire qui régit diverses fonctions de
coordination prises en charge par les collectifs d‘innovation spirituelle; les responsabilités
assumées par leurs agents de même que la vie collective et personnelle des croyants. Le
tout sera compris et illustré en référence au contexte particulier de la Wicca.
Il importe d‘abord de déterminer sous quels juridictions publiques, domaines de régulation
et secteurs d‘activités les diverses instances administratives et gouvernementales
appréhendent ce que l‘on conçoit, en sociologie, comme relevant du phénomène religieux.
Ce faisant, on s‘attachera à décrire les diverses formes de reconnaissance institutionnelle à
la portée des groupes wiccains; les formes possibles de la personnalité collective à solliciter
et à adopter en quelque sorte. Par la suite, les aspects sociaux du culte seront abordés en
lien avec la célébration de rites de passage (mariage, funérailles) au sein de la collectivité
wiccaine. Enfin, on s‘attardera à un cas particulier de régulation dite de l‘assistance
spirituelle, à savoir l‘aumônerie en institution carcérale et hospitalière.
2.0 L’enregistrement à titre d’organisme de bienfaisance :
incidence et portée
Il n‘existe pas, au Canada, de pouvoir ou de compétence de régulation de la religion en tant
que telle; ni exclusive, ni partagée. Plutôt, la régulation passe par les fonctions régaliennes
et les missions publiques.73
Il en est ainsi, au chef de l‘imposition des revenus, de la
mention de « charities » recouvrant les œuvres de bienfaisance. Diverses dispositions
constitutionnelles fondent les compétences fédérale et provinciales à réguler, généralement,
l‘enregistrement des sociétés au motif fiscal. Ce sont les articles 91 (3) et (29) au niveau
73
(…) the federal parliament in Ottawa is given the exclusive power, inter alia, to enact criminal laws, while
the provincial parliaments are given the exclusive power to regulate (within the respective provinces),
charities, marriages, property and civil rights, and education. (Côté et Gunn, 2005, p. 10).
67
fédéral, de même, les articles 92 (2) et 92 (11) au niveau provincial (Loi constitutionnelle,
1867). Quel rapport cet objet de la loi entretient-il avec l‘activité religieuse et spirituelle?
Un rapport ancien et étroit, précédant l‘instauration de l‘État-providence, dans le cadre
duquel la puissance publique confiait ou laissait en grande partie les missions de secours et
d‘assistance sociale, outre les soins de santé et l‘enseignement publics, aux mains de
diverses collectivités et communautés religieuses. Des mesures d‘exonération fiscale ont de
la sorte été prises et appliquées en contrepartie de l‘organisation et de la prestation
« d‘œuvres de bienfaisance » dédiées et rendues bénévolement à la collectivité (Côté et
Gunn, 2005, pp.737-738).
Pour autant, les associations entre religion, bien commun et services publics ne vont plus de
soi, sans parler du fait que l‘État assume des missions et responsabilités publiques dont les
charges s‘accroissent. Par ailleurs, le terme « religion » n‘est pas explicitement mentionné
dans la Loi constitutionnelle du Canada, 1867 et 1982 ni dans aucun texte de loi fédérale,
exception faite de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1, article 2 a (Horwitz,
1996, p. 6). Quelles distinctions existe-t-il présentement au chapitre de l‘enregistrement
d‘un organisme charitable? De quelles normes d‘application les instances
gouvernementales, tant fédérales que provinciales, usent-elles en la matière? Quelle
incidence comportent-elles sur une mouvance telle que la Wicca? Disons d‘emblée que
l‘incidence et la portée de l‘enregistrement au motif fiscal sont essentiellement les mêmes
au fédéral que dans les provinces (Phillips, 2001, p.319 et p. 337). Nous détaillerons ainsi
les dispositions fédérales en consacrant une dernière section à une particularité émanant de
la loi québécoise.
Au palier fédéral, l‘Agence du revenu du Canada et les tribunaux déterminent ce qu‘est ou
n‘est pas un organisme charitable en tenant compte de critères énumérés74
(Phillips, 2001,
p. 317; Ogilvie, 2003, p. 210-211), des fins et des activités poursuivies par l‘organisme. Et
parmi ces motifs, dans un réseau de notions associées, se trouve l‘avancement de la
religion.
74
Voir le dépliant de l‘ARC « L'enregistrement d'un organisme de bienfaisance aux fins de l'impôt sur le
revenu ».
68
2.0.1 Critère du bien commun
La notion de bien commun ressort en partie, mais non exclusivement à l‘enregistrement des
organismes de bienfaisance. Nous la retrouvons dans des documents concernant l‘impôt et
la constitution d‘œuvres de bienfaisance de l‘Agence du revenu du Canada Le bulletin
d‘interprétation IT-496R, Loi de l’impôt sur le revenu Organisation à but non lucratif de
l‘Agence du revenu du Canada (ARC) mentionne ce qui suit en ce qui a trait au bien
commun, en l‘occurrence, le bien-être social : « En général, assurer le bien-être social
signifie aider les groupes défavorisés ou contribuer au bien commun et au bien-être général
de la collectivité. » (ARC, 2001, p. 2).
2.0.2 Critère des fins de bienfaisance
En ce qui a trait aux fins de bienfaisance, les fonctionnaires ont recours à une classification
en quatre catégories issues de la common law (ARC, CPS-024, 2006; Broder, idem) :
- les fins de soulagement de la pauvreté;
- les fins de l‘avancement de l‘éducation;
- les fins de l‘avancement de la religion;
- autres fins profitant à la communauté, que la loi reconnaît comme des fins de
bienfaisance (ARC, 2006, p. 2)75
2.0.2.1 Organisme de bienfaisance enregistré
Sous ce vocable se trouvent les organismes, tant séculiers que religieux, qui exercent les
types d‘activités mentionnés plus haut et qui sont repris dans le guide L’enregistrement
d’un organisme de bienfaisance aux fins de l’impôt sur le revenu, le T4063-01 (F).
Nonobstant la généralité de l‘expression, on peut y voir, dans la section concernant
l‘avancement de la religion, un accent particulier mis sur le fait que l‘organisme se
distingue en toutes lettres par l‘existence en son sein d‘un « culte théiste ».
L‘avancement de la religion
Cette fin vise la promotion des enseignements spirituels d‘une religion donnée
et le respect des doctrines et des observances spirituelles sur lesquelles
s‘appuient ces enseignements. Il doit y avoir un élément de culte théiste, le
75
Voir aussi Commissioners for Special Purposes of Income Tax c. Pemsel, 1891, CanLII, 21 (ON C.A.),
section 97.
69
culte d‘un ou de plusieurs dieux au sens spirituel. Il ne suffit pas de prêcher la
morale ou l‘éthique pour être admissible. (Canada, T4063 (F) Rév. 08 p. 9)
Par conséquent, le terme de « religion » implique ici qu‘il doit y avoir une forme de
divinité, voire de déité (chrétienne ou non), à laquelle un culte est voué. De plus, il faut que
la collectivité visée constitue une religion au sens d‘observances rituelles et non tout
simplement qu‘elle soit dotée d‘un système éthique, moral et de croyances. Ce critère
déterminant, comme le souligne Ogilvie, a été établi par la jurisprudence des cours
canadiennes (Ogilvie, 2003, pp. 210-211). Une exception notable a trait au bouddhisme.
Bien que ne correspondant pas à cette définition, le bouddhisme est néanmoins considéré
comme étant voué à l‘avancement de la religion. On s‘interroge toutefois de savoir si cette
définition, hormis quelques exceptions, est appliquée de manière cohérente par les autres
instances lorsqu‘il est question de collectivités à caractère religieux qui prétendent au statut
d‘organisme de bienfaisance (Ogilvie, 2003, p. 211; Phillips, 2001, p. 338; Bromley, 2000,
p. 9). Même si cela était le cas, la logique de l‘exonération fiscale lie le privilège à la
poursuite d‘œuvres de bienfaisance au profit du bien commun, étant entendu que ce statut
confère le privilège de recevoir des dons et d‘émettre des reçus aux fins d‘impôt.
2.0.2.2 Organismes de bienfaisance religieux
Dans les commentaires au sujet de la politique de l‘ARC, les organismes de bienfaisance
religieux sont définis comme suit : « Un organisme de bienfaisance religieux est une
communauté religieuse ou un ordre religieux. »76
. Cette définition est plutôt large puisqu‘il
convient tout d‘abord de déterminer et de définir ce qu‘est une communauté religieuse ou
un ordre religieux. Bien que ce commentaire s‘adresse avant tout aux organismes établis
depuis 1977 ou qui sont issus de ces organismes après 1977, il donne une idée de certains
critères requis pour l‘ARC pour les exemptions concernant le T3010 — 1 (Déclaration de
renseignements des organismes de bienfaisance enregistrés).
76
Commentaire au sujet de la politique, CPC-016, 9 mars 2000 (révisé le 17 octobre 2003), section définition.
Bien que ce commentaire porte sur l‘exemption de l‘obligation de produire des parties de la Déclaration de
renseignements des organismes de bienfaisance enregistré, il donne néanmoins un aperçu de ce qui
correspond à la définition d‘organisme de bienfaisance religieux.
70
Il est important de noter ici que lors de l‘enregistrement des organismes auprès du
gouvernement fédéral, c‘est l‘organisme lui-même qui indique s‘il est de nature religieuse
ou non. Les fonctionnaires vérifient alors s‘il correspond à la catégorie aux « fins de
l‘avancement de la religion ». Le gouvernement fédéral ne décide pas si un organisme est
religieux ou non. Plutôt, il vérifie la conformité de la déclaration d‘activités soumise avec
le renvoi au critère de l‘avancement de la religion. Il en découle que tous les organismes de
bienfaisance religieux ainsi reconnus sont des organismes de bienfaisance enregistrés. Par
contre, cette reconnaissance peut ne pas être conférée par l‘examinateur du dossier s‘il est
possible de démontrer, par exemple, que les activités peuvent être nuisibles à la
collectivité77
.
2.0.3 Critère d’avancement de la religion
À cet égard, l‘énoncé de politique de l‘ARC stipule ce qui suit :
Du point de vue de la bienfaisance, l‘avancement de la religion signifie la
promotion des enseignements spirituels d‘une association religieuse donnée
et le respect des doctrines et des observances spirituelles sur lesquelles
s‘appuient ces enseignements. Il doit y avoir un élément de culte théiste,
c‘est-à-dire le culte d‘un ou de plusieurs dieux au sens spirituel. (CSP-R06)
Nous reviendrons sur cet élément de culte afin de déterminer ce qu‘englobe la personnalité
juridique « organisme de bienfaisance ». Pour l‘heure, il importe seulement de souligner la
marque des religions traditionnelles dans cette relation privilégiée, établie sous Pemsel,
relativement aux notions d‘avancement de la religion, d‘organisme de bienfaisance et de
bien commun (Broder, 2002, p. 5; Bromley, 2000, pp. 1-2)78
.
Divers auteurs ont fait état de cette proximité pour en noter l‘incongruité. Il est notamment
fait référence à l‘affaire Re Morton Estate, jugée en 1941, suivant laquelle les lois
canadiennes présument d‘emblée que les religions fournissent un bien commun (Bromley,
2000, p. 10).
77
Voir la CPS-024 de l‘ARC, Lignes directrices pour l’enregistrement d’un organisme de bienfaisance :
satisfaire le critère du bienfait d’intérêt public, Annexe B (qui utilise l‘exemple de l‘Église de la Scientologie
pour présenter une contestation à la présomption de l‘existence d‘un bénéfice conféré). 78
Bien que datant de plus de 110 ans, la jurisprudence fait toujours référence à cette affaire.
71
Par ailleurs, le lien entre « religion » et « organisme de bienfaisance » ne va pas
nécessairement de soi. Jurisprudences britannique et canadienne à l‘appui, Phillips entend
démontrer que toutes les religions autoproclamées ne se qualifient pas en tant
qu‘organismes de bienfaisance auprès de l‘ARC, même lorsque leurs buts sont présumés
répondre au bien commun alors que, par ailleurs, le statut d‘organisme de bienfaisance (et
l‘exonération fiscale) est maintenu en faveur de religions dont on ne connaît pas les œuvres
de bienfaisance dans la société. L‘auteur fait mention de l‘affaire britannique de Gilmour c.
Coats, sur laquelle s‘appuie l‘ARC lorsqu‘elle doit statuer sur certaines demandes
d‘enregistrement (Phillips, 2001, pp. 322-323). Bromley ajoute qu‘il devrait être nécessaire
de prouver légalement l‘aspect du bien commun dans certains cas (Bromley, 2000, p. 10).
Néanmoins, selon Jim Philips, les tribunaux canadiens cherchent peu à justifier le lien entre
la religion et la notion de bien commun, comme si cette relation était nécessaire et devait
être tenue pour acquise. Comme il le mentionne :
[…] I note that the courts have been shy about articulating why it is that
religion per se provides a public benefit. Most cases deal with whether some
particular purpose advances religion; thus there is ample case law on what
might call the infrastructure of religion. (…) But I do understand that
infrastructure is hardly the essence of religion that must be located in beliefs
and practices. One would therefore assume that if the law of charity accepts
the utility of religion it would do so on the basis that all religious beliefs and
practices have public benefit. And that must be an assumption – a matter not
to be proved but, if I may excuse the expression, to be taken on faith.
(Phillips, 2001, pp. 320-321)
Si on se réfère aux politiques et lignes directrices concernant l‘enregistrement d‘un
organisme de bienfaisance (CPS-024), on remarque que les organismes qui veulent se
prévaloir de ce statut doivent non seulement faire partie d‘une des quatre catégories issues
de la common law précédemment mentionnée, mais doivent également « être établis pour
conférer un bénéfice tangible au public dans son ensemble ou à une composante suffisante
du public » (ARC, CPS-024, 2006). Dans les discussions sur ce dernier point, il est
mentionné qu‘il subsiste une présomption de l‘existence d‘un bénéfice conféré aux
organismes religieux établis puisqu‘ils sont traditionnellement reconnus « comme profitant
à la collectivité ». Malgré cela, il est possible que cette présomption soit contestée si le
72
caractère de bienfaisance de l‘organisme est remis en question ou s‘il existe des preuves qui
compromettent ce statut79
.
En tout état de cause, la Wicca ne ressort pas à la catégorie « organisme de bienfaisance, ni
enregistré, ni religieux.
2.1 Les différentes possibilités d’incorporation et d’existence
juridique
La délimitation de ce qu‘est un organisme religieux, voire un organisme de bienfaisance
religieux, atteste des couches de sédimentation successives du droit. Le terme a pu
permettre d‘inclure ou d‘exclure différentes identités religieuses en voie de constitution,
étant entendu que des privilèges non négligeables s‘y rattachaient. Il ne faut pas pour autant
méconnaître la grande diversité du champ associatif, y inclut le fait des possibilités offertes
à l‘action collective sous d‘autres chefs. Une association peut ainsi être incorporée ou
contractuelle. Elle ne serait même pas tenue de se déclarer tant il se trouve qu‘en l‘absence
de toute existence juridique, ladite association peut être un « sujet de droit » (Cumyn et
Tricart, 2010, p.52). Néanmoins, une distinction s‘impose entre les organismes à but
lucratif et à but non lucratif. Nous évoquerons brièvement ici cette dernière figure
puisqu‘elle représente un pan d‘institutionnalisation de la Wicca dans son ensemble.
2.1.0 L’organisme à but non lucratif -- Canada
La Pagan Federation | Fédération païenne du Canada a été fondée en 1994. Elle a été
incorporée à titre d‘organisme à but non lucratif en vertu de la Loi sur les corporations
canadiennes, partie II, en 199880
.
À l‘époque, un choix a été fait par les responsables de la Fédération de ne pas présenter de
demande à l‘Agence de Revenu du Canada aux fins d‘être admis à l‘enregistrement à titre
d‘organisme de bienfaisance. Aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu, les deux statuts
79
D‘ailleurs, des preuves du bienfait d‘intérêt public sont également exigées lorsqu‘un organisme s‘enregistre
auprès de l‘ARC. 80
Une loi fédérale a été adoptée en juin 2009, dotant les associations incorporées d‘un régime juridique
complet et autonome. (Cumyn et Tricart, 2010 :14). Il s‘agit de la Loi canadienne sur les organisations à but
non lucratif, L.C. 2009, c.23, sous laquelle sont graduellement prorogées les associations, telles la Fédération
paienne, incorporées sous l‘ancienne.
73
sont, de fait, exclusifs81
. Il est permis d‘en inférer que ce dernier statut, qui exige de
l‘organisme d‘être établi et exploité exclusivement à des fins de bienfaisance, soit
correspondait moins aux buts propres de la Fédération, soit que la Fédération ne désirait pas
présenter une demande à l‘ARC au risque de ne pas être admise à l‘enregistrement. À noter
que les avantages d‘un statut ou l‘autre sont similaires à certains égards. Ainsi, les OSBL
sont habituellement exonérés de l‘impôt sur le revenu quoiqu‘ils puissent être assujettis à
l‘impôt sur les revenus de la propriété, s‘il y a lieu, ou sur les gains en capital. Par contre,
les OSBL exploités aux fins du bien-être social (ce qui serait le cas de la Fédération82
) ne
peuvent délivrer de reçus officiels de dons aux fins de l‘impôt. Néanmoins, ceci ne
constitue pas une restriction, ni même un inconvénient pour nombre d‘associations qui,
telles la Fédération, sont à l‘œuvre dans le tiers secteur. En fait, la coordination des dons et
du bénévolat constitue l‘un parmi quatre des objets généralement poursuivis par ce type
d‘associations, les autres étant la « production sociale et solidaire de biens ou de services »,
« la représentation collective et la défense des droits » et encore « l‘autoréglementation »
(Cumyn et Tricart, 2010, p.29 et p.41). Ceci recoupe assez bien les buts déclarés de
l‘organisme parapluie wiccain. À cet égard, une des représentations de la Fédération
païenne du Canada documentée, en lien avec le propos de la thèse, a eu trait à une demande
de clarification adressée à la Ministre de la Justice et Solliciteur général de l‘époque (2001),
au sujet de l‘application possible, aux pratiquants de la religion wiccaine, de l‘article 365 à
la partie IX du Code criminel relatif à la pratique de la magie et de la sorcellerie (voir
l‘Annexe D).
2.1.0.1 Organisme sans but lucratif et association personnifiée au Québec
Au Québec, du point de vue fiscal, il est possible qu‘un groupe s‘enregistre en formant un
organisme à but non lucratif (OSBL), connu aussi sous le terme « d‘association
81
http://www.cra-arc.gc.ca/tx/nnprft/menu-fra.html (visité le 14 mars 2013) 82
‗The PFPC was formed in 1994 and incorporated in 1998. Our purpose is to improve and protect the
reputation of Pagans and Paganism in Canada , by:
-Providing practical, accurate and effective information about Paganism to the public, the media, public
bodies and government agencies.
-Providing contact among Pagan groups and seekers.
-Fostering interaction and dialogue among the various branches of Canadian Paganism, both Anglophone and
Francophone.‘ Source: http://www.pf-pc.ca/ (visité le 14 mars 2013).
74
personnifiée ». Ce type d‘association assure l‘existence d‘une première organisation
légalement constituée et ce, que cette dernière évolue éventuellement ou non en corporation
religieuse. Au moins trois personnes (demandeurs et administrateurs provisoires de
l‘association) sont requises pour l‘obtention d‘une telle reconnaissance, de même que des
renseignements de base au sujet du type d‘activité poursuivi par le groupe. Le critère du
bien commun ne s‘applique pas à cette catégorie, du moins il ne vise pas le public en
général, mais plutôt une collectivité délimitée.
2.1.1 En common law—pan canadienne
S‘agissant désormais des buts plus larges poursuivis par les collectifs, soit le bien-être
social et la représentation collective, une figure répandue en common law est celle de
l‘institution religieuse basée sur l‘association volontaire, c‘est-à-dire que l‘autorité dont
jouit une organisation religieuse sur ses membres découle du consentement contractuel
mutuel en ce qui a trait à la doctrine et à la discipline du groupe constitué (Ogilvie, 2003,
pp. : 215-216). C‘est la raison pour laquelle de nombreux groupes religieux émergents se
sont dotés au fil du temps d‘un statut associatif pan canadien de ce type, indépendamment
de tout autre aspect. Beaucoup de petites collectivités protestantes et non chrétiennes ont
sollicité de se constituer de la sorte « aux fins d‘autoréglementation » (Cumyn et Tricart,
2010, p.41) par l‘introduction d‘une loi privée au Parlement fédéral ou provincial (Côté,
1993, p.63). La réalité multiculturelle de la société canadienne a ainsi amené les instances
législatives et judiciaires à utiliser des termes tels que « organisation religieuse »,
« institution religieuse » et « société religieuse ».
Parmi celles-ci se trouve une église (Wiccan Church of Canada [WCC], constituée en tant
qu‘association de common law pan canadienne. Ce type d‘incorporation s‘assimile en
plusieurs points à celui de corporation religieuse qu‘il est possible de solliciter au plan
provincial à ceci près qu‘il n‘implique pas l‘existence d‘ordres religieux ou de
communautés de vie religieuse à l‘instar du catholicisme. C‘est donc un statut d‘association
volontaire au motif religieux ouvrant à tout le moins la possibilité d‘offrir, sur base
75
volontaire, la dispensation d‘assistance spirituelle là où des services d‘aumônerie sont déjà
prévus; si et dans la mesure de l‘accord des services publics visés.
2.1.2 Sociétés et institutions religieuses dans les provinces canadiennes
À travers le Canada, il est permis d‘observer une grande diversité de catégorisation des
collectivités : église, société, institution, corporation et association. La plupart sont visées
par des lois régissant la propriété de biens pour des fins religieuses83
.
Ces appellations ont été adoptées et semblent reliées, selon les observations d‘Ogilvie, à
trois contextes spécifiques (Ogilvie, 2003, pp. 209-210) :
1- L‘observance rituelle, le culte et l‘enseignement spirituel;
2- La propriété foncière, la production agricole, l‘enseignement et la gestion
immobilière au nom de la collectivité;
3- La revendication des privilèges, des bénéfices et des exemptions déjà reconnus
en droit aux ministres du culte ou aux collectivités religieuses dûment
constituées84
.
Le premier contexte permet aux sociétés religieuses de poursuivre des activités telles que
des rites, des rituels ou encore des enseignements spirituels au sein d‘une communauté.
Pour ce faire, l‘organisation en congrégations et l‘habilitation de ministres religieux
désignés pour célébrer les mariages constituent des éléments recherchés pour l‘obtention de
ce statut. Or, cette habilitation relève de la compétence provinciale.
Depuis 2004, certains groupes, tel que le CWABC (The Congregationalist Wiccan
Association of BC), ont déjà procédé à l‘incorporation. D‘ailleurs le CWABC a élaboré, en
mai 2007, un document expliquant les raisons qui l‘ont poussé à se structurer de la sorte
83
Chaque province ou chaque législature utilise sa propre terminologie : en Alberta : Religious Societies’
Land Act, R.S.A.1980, cR-14 ; en Colombie Britannique Trustee (Church property) Act, R.S.B.C. 1996,
c.465;au Manitoba Religious Societies’ Act, R.S.M. 1987, c. R-70; Nouvelle-Écosse Religious and Charitable
Corporation Property Act, R.S.N.S, 1989, c.394 et Religious Congregations and Societies Act, R. S. N.S.,
1989, c, 395; en Ontario Religious Organizations’ Land Act, R.S.O., 1990, c.R-23, et en Saskatchewan
Religious Societies’ Land Act, R.S.S., 1978, c.R-19. 84
Voir Olgivie qui mentionne principalement la question de l‘exemption pour la conscription par l‘État, des
ministres reconnus, notamment parmi les membres de l‘Église du Christ. Ce qui a été discuté dans l‘affaire
Bien c. Cooke, [1944] 2 D.L.R. 187 (Sask. K.B.) (Olgivie, 2003, p. 210).
76
ainsi que les méthodes employées dans le but d‘aider les autres groupes intéressés par le
processus à atteindre les mêmes objectifs (voir l‘Annexe A).
La possibilité de posséder une propriété foncière au nom d‘une communauté est une
deuxième motivation qui pousse certains groupes à obtenir la reconnaissance, et ce que ce
soit pour l‘établissement d‘un temple, d‘une église, d‘un centre communautaire ou d‘une
école.
À cet effet, un groupe de l‘Alberta a obtenu un statut en 2007. La Congregationalist Wiccan
Assembly of Alberta (CWAA) a vu le jour et compte maintenant deux temples dans cette
province.
2.1.3 Au Québec : Église, corporation religieuse, communauté religieuse
Dans cette partie, il sera question des différentes formes sous lesquelles les groupes à
caractère religieux peuvent être dotés d‘une existence juridique au palier provincial,
essentiellement la propriété et les droits civils. Ce sont là diverses options dont ces derniers
sont susceptibles de se prévaloir, entre autres, pour officier généralement auprès de leur
communauté de fidèles et pour promouvoir leurs enseignements auprès des intéressés.
Il faut réitérer ici que toute ou l‘ensemble de la mouvance wiccaine n‘entre pas en contact
avec l‘une ou l‘autre administration publique pour les motifs évoqués ci-dessus. Plutôt, il
s‘agit d‘initiatives particulières prises dans l‘un ou l‘autre lieu. Parmi celles-ci, on a déjà
fait état d‘une église (Wiccan Church of Canada [WCC], constituée en tant qu‘association
de common law pan canadienne. Au palier provincial, nous venons de relever deux cas
aboutis d‘incorporation. Au Québec, on fera ci-dessous état d‘une tentative infructueuse de
s‘associer, faute d‘un appui suffisant de la collectivité, pour fonder l‘Église Wiccane du
Québec [ÉWQ]).
On trouve la mention du terme « église » dans la Loi sur les corporations religieuses (C -
71) appliquée par le Registraire des entreprises du Québec (REQ). Une église se définit
77
comme étant un ensemble de personnes formant une société religieuse85
. De plus, nous y
retrouvons la définition de « congrégation », laquelle réfère à « Un ensemble de religieux
faisant partie d‘une communauté religieuse »86
. En soi, ces définitions restent assez
générales, ce qui permet d‘y inclure une foule de regroupements. Néanmoins, les critères
requis n‘étant pas déterminés, il est fort probable qu‘il s‘agisse d‘une acception restrictive
du catholicisme ou des religions traditionnelles, du moins en ce qui a trait aux
congrégations et aux communautés.
Par conséquent, un groupe peut se constituer en corporation religieuse selon la Loi sur les
corporations religieuses (L.R.Q., c C -71). Il est possible de recouvrir à cette loi afin de :
« constituer une corporation privée ayant pour objet d‘organiser, d‘administrer et de
maintenir une église, une congrégation ou une œuvre dont les fins sont la charité,
l‘enseignement, l‘éducation, la religion ou le bien-être »87
. Le dossier de requête doit
comprendre les pièces suivantes88
:
1- Une demande de lettre patente d‘au moins trois requérants;
2- Un rapport de recherche de nom;
3- Les règles et constitutions de l‘église, de la congrégation ou de l‘œuvre;
4- La déclaration assermentée d‘un requérant confirmant ces règles et
constitutions;
5- S‘il n‘y a pas d‘autorité religieuse dont les requérants relèvent ou si l‘église ou
la congrégation ou l‘œuvre n‘est pas régie par des règles et des constitutions, ces
faits doivent être affirmés solennellement;
6- Un certificat de bonne conduite obtenu auprès de la Gendarmerie royale du
Canada, de la Sûreté du Québec ou d‘un corps de police municipal au Québec;
7- Une lettre ou un autre type de document définissant la philosophie de la
corporation religieuse.
Une fois constituée, une corporation religieuse peut exercer tous les pouvoirs conférés à
une personne morale tels que :
a) gratuitement ou à titre onéreux, acquérir des biens et les aliéner;
b) faire de nouvelles constructions;
85
L.R.Q. c. C-71 section 1(c). 86
Ibid. section 1(a). 87
L.R.Q., chapitre C-71, Loi sur les corporations religieuses, article 2. 88
Ces critères ont été confirmés auprès du Registraire des entreprises du Québec.
78
c) placer ses fonds soit en son nom, soit à titre de dépositaire et
d‘administrateur;
d) aider toute personne, y compris ses membres, poursuivant une fin
similaire à l‘une des siennes, lui céder tout bien, gratuitement ou non, lui
faire des prêts et garantir ou cautionner ses obligations ou engagements;
e) établir et maintenir des cimetières et ériger des caveaux dans ses
chapelles pour y déposer la dépouille mortelle de ses membres, de ses
bienfaiteurs ou de toute personne ayant quelque relation avec la
corporation, en se conformant à la Loi sur les inhumations et les
exhumations (chapitre I -11);
f) pourvoir à la formation, à l‘instruction, à la subsistance et à l‘entretien
de ses membres, des personnes à son service et de celles qui ont quelque
relation avec elle89
.
En ce qui a trait à la situation des wiccains, former une corporation religieuse est possible.
C‘est d‘ailleurs sous le type d‘OSBL qu‘un groupement wiccain francophone, l’Église
wiccane du Québec, a tenté de se constituer sans succès90
. L‘utilisation du terme
« église »91
dans le nom a provoqué des remous au sein de la communauté au début de son
existence. Pour désamorcer l‘opposition, les administrateurs ont fait valoir aux membres
qu‘ils ne faisaient que reprendre la terminologie du Registraire des entreprises du Québec
(REQ), stipulant qu‘une église est un ensemble de personnes formant une société
religieuse92
. Une autre source de contrariété ou d‘irritation est venue s‘ajouter de la part de
certains, soit l‘existence de frais d‘incorporation en tant qu‘association, de même que de
frais à encourir pour la conservation du statut. L‘engagement financier requis des membres,
qui plus est d‘une durée indéterminée, a été jugé ne pas concorder avec les principes de
certains membres de la communauté.
Outre les cas mentionnés ci-dessus, qu‘en est-il de la personnalité juridique, s‘il y a lieu,
des divers regroupements wiccains observés sur le terrain? Et quels types de personnalité
juridique, partant de là, d‘identité les regroupements wiccains semblent-ils favoriser?
Divers organismes de la mouvance wiccaine figurent au registre des entreprises du Québec.
Des boutiques physiques (« Mélange magique » et « Charmes et sortilèges ») sont
89
L.R.Q. Loi sur les corporations religieuses, C-71, article 8. 90
Voir annexe C – Dépliant de l‘ÉWQ. 91
Ils utilisent ce terme dans le même sens que dans la Loi sur les corporations religieuses (L.R.Q., c C -71),
tout en lui conférant les fonctions et les statuts propre à un OSBL. 92
Loi sur les corporations religieuses, section 1 (c).
79
enregistrées en tant qu‘entreprise. Les boutiques virtuelles sont, quant à elles, sont
enregistrées en tant que service informatique (« La boutique ésotérique de l‘étoile
éternelle ») soit en tant qu‘entreprise individuelle ayant comme activité la fabrication
d‘objets d‘artisanat (« Les artefacts du scarabée »). D‘autres entités existent juridiquement
en tant qu‘associations. Il en est ainsi de la West Island Pagan Association93
de Montréal et
de la conférence nationale païenne du Canada (Gaïa Gathering). Ce statut rend possible une
levée de fonds aux fins de couvrir la tenue de la conférence annuelle.
En ce qui a trait à la personnalité juridique, toutes ont, au Canada et au Québec, le statut
d‘entreprises et non celui d‘églises, de temples ou d‘organisations religieuses94
. Pour
l‘instant, il semble qu‘au Québec l‘enregistrement en tant qu‘église ou organisme religieux
soit inexistant. Selon les observations faites sur le terrain, peu de covens sont prêts à
procéder à ce type d‘enregistrement.
Une autre raison expliquant le peu de groupes ou de covens enregistrés auprès des autorités
publiques est que le besoin de s‘enregistrer auprès de ces instances provinciales ou
fédérales ne se fait pas ressentir. Il semble ne pas y avoir d‘obstacle lorsqu‘il est question
des autres formes d‘activités économiques touchant des biens et des services. Or, dès qu‘il
est question de services spirituels ou religieux, les individus ne semblent pas penser qu‘ils
sont nécessaires.
Un autre aspect qui peut expliquer le peu d‘engouement pour l‘incorporation est le fait que
ce ne sont pas tous les gens qui comprennent le vocabulaire juridique ou les méthodes pour
devenir un organisme religieux. Lorsqu‘un groupe ou un coven veut s‘incorporer, cela
provoque beaucoup d‘incertitude. L‘incertitude devient alors potentiellement un facteur
majeur du changement et de l‘homogénéisation (DiMaggio et Powell, 1983, p. 151).
Sur quoi s‘appuie l‘octroi du statut de la part des autorités? Même si un groupe remplit tous
les critères, il est toujours possible que le registraire refuse sa demande d‘enregistrement.
93
Enregistré sous ce nom jusqu‘en 2009. Maintenant, les activités de l‘association se déroulent au Centre
Avalon (Avalon Center). Également connu et enregistré sous le nom Avalon Naturel, il existe depuis 2006 en
tant qu‘entreprise individuelle. 94
West Island Pagan Association a eu cette activité économique inscrite à son dossier jusqu‘en 2009.
80
Néanmoins, il ne semble pas y avoir de clause ni de critère s‘apparentant au fait de devoir
démontrer l‘existence du groupe pendant une certaine période de temps afin d‘obtenir une
reconnaissance dans cette catégorie. Il s‘agit là d‘un critère usuel de refus dans les pays
autoritaires (comme la Russie) ou exerçant un contrôle plus serré de l‘innovation religieuse
(p. ex : l‘Autriche et l‘Allemagne).
2.2 La régulation des aspects sociaux du culte
Bien que l‘idée d‘organisation à grande échelle puisse avoir une incidence sur les membres
d‘une communauté, le plus important est souvent ce qui touche les gens sur le plan
personnel et social. Qu‘il s‘agisse de la possibilité d‘officier ou de célébrer un mariage ou
des funérailles, d‘obtenir une sépulture, de régler des différends familiaux ou de composer
avec un divorce, la croyance de même que l‘expression religieuse et spirituelle s‘inscrivent
dans une société civile aux rapports codifiés par les pouvoirs publics.
2.2.1 Rites de passage : Acquisition des droits de célébration
2.2.1.1 Mariage
Les notions de religion, de lois et de rites de passage sont souvent intimement liées au
mariage. Au Québec des distinctions existent entre le mariage civil, le mariage religieux et
l‘union civile. Le mariage civil nécessite au préalable la vérification de l‘âge95
, de
l‘identité, des liens familiaux96
et de l‘état civil des époux. En ce qui concerne le mariage
religieux, les documents nécessaires varient selon le groupe religieux, mais la cérémonie est
soumise aux mêmes règles que le mariage civil97
. Ces mêmes règles du mariage civil
régissent également l‘union civile, à la différence près que l‘âge permis pour l‘union civile
est de 18 ans et que les processus de dissolution de l‘union diffèrent de ceux du mariage
civil (Justice Québec, 2008b).
95
Au Québec, l‘âge autorité pour le mariage est de 16 ans avec le consentement des parents ou des tuteurs, ou
de 18 ans sans consentement. (Justice Québec, 2008a). 96
Le célébrant doit vérifier qu‘il n‘existe pas de lien familial interdit par la loi. (Justice Québec, 2008a). 97
Les individus divorcés ou veufs doivent fournir les documents attestant de cet état.
81
Ce dernier élément de processus de dissolution de l‘union est important, car les époux
doivent être célibataires, divorcés ou veufs afin de ne pas contrevenir à l‘article 293,
paragraphe 1 du Code criminel canadien, c‘est-à-dire à l‘article concernant la polygamie98
.
La célébration d‘un mariage sans l‘obtention de l‘autorisation préalable requise par le
gouvernement provincial constitue un délit. Ogilvie note d‘ailleurs que, selon l‘article 294
du Code criminel, une personne peut se voir infliger une peine allant jusqu‘à deux ans
d‘emprisonnement pour avoir procédé illégalement à une célébration de mariage. Il stipule
toutefois que la situation peut être corrigée si le « célébrant » obtient les enregistrements
requis par l‘administration provinciale (Ogilvie, 2003, p. 174).
Chez les wiccains, la question du mariage ou du handfasting99
est emblématique de
l‘attitude vis-à-vis de l‘institutionnalisation. Elle est suivie par les responsables sur la
question sensible de la polygamie (le « polyamour » dans le langage wiccain), sans pour
autant que la croyance soit abandonnée (voir le chapitre 3). Quant aux conséquences sur la
structuration de la mouvance, l‘incorporation est superflue pour certains puisqu‘en vertu de
certaines lois provinciales, une personne peut obtenir le statut de célébrant temporaire pour
la célébration d‘un mariage ou d‘une union civile. Pour d‘autres, la célébration du mariage
devient une raison supplémentaire de chercher à obtenir un statut d‘organisme enregistré.
98
Cet article ce lit comme suit : Infraction aux droits conjugaux
« 293. (1) Est coupable d‘un acte criminel et passible d‘un emprisonnement maximal de cinq ans quiconque,
selon le cas :
a) pratique ou contracte, ou d‘une façon quelconque accepte ou convient de pratiquer ou de contracter :
(i) soit la polygamie sous une forme quelconque,
(ii) soit une sorte d‘union conjugale avec plus d‘une personne à la fois, qu‘elle soit ou non reconnue par la loi
comme une formalité de mariage qui lie;
b) célèbre un rite, une cérémonie, un contrat ou un consentement tendant à sanctionner un lien mentionné aux
sous-alinéas a)(i) ou (ii), ou y aide ou participe. » (Code Criminel, L.R.C. 1985, C-46, art. 293). 99
Le handfasting est le terme utilisé chez les wiccains et les païens pour signifier l‘union entre deux
personnes. Contrairement à plusieurs religions traditionnelles, la durée du handfasting est déterminée par le
couple. Ce n‘est pas nécessairement un contrat à vie. Par exemple, un couple peut choisir d‘être ensemble
pour une durée d‘un an, cinq ans ou dix ans. Par la suite, il peut décider de renouveler son union. L‘idée
derrière cette pratique est que les wiccains estiment que les personnes changent avec le temps et que la
relation dans le couple peut, après un certain temps se voir modifier, se détériorer ou encore s‘améliorer. Par
conséquent, ils peuvent établir des buts réalisables pour le couple qui peuvent toujours être renouvelés s‘ils
désirent poursuivre leur relation avec leur partenaire. Il existe quelques ouvrages sur le sujet rédigés par des
païens, tel que Handfasted and Heartjoined. Ritual for Uniting a Couple’s Hearts and Lives de Lady Maeve
Rhea qui est utilisé par plusieurs Montréalais.
82
Comme mentionné précédemment, la question du mariage et de l‘union civile relève des
administrations provinciales. Seul le certificat de mariage prescrit a une portée juridique.
Les questions de croyances et de religion ne concernent que le groupe en question et non la
célébration en tant que telle. C‘est l‘acte de mariage qui importe pour le gouvernement
provincial : c‘est ce document qui fixe les obligations mutuelles des époux et qui doit être
signé en présence d‘un mandataire du pouvoir public. Par conséquent, l‘administration peut
mandater des membres d‘un clergé, par exemple, pour faciliter le processus
d‘enregistrement du mariage. Chaque province a ses propres critères de désignation. Les
critères pour devenir célébrant au Québec seront expliqués en détail ci-dessous, tout comme
ceux de la Colombie-Britannique et de l‘Alberta, deux des seules provinces canadiennes où
des célébrants païens ont été autorisés à célébrer des mariages. Ces deux provinces sont
également les seules qui ont des églises wiccaines ayant obtenu le statut d‘église ou de
temple.
Au Québec
Au Québec, selon le document de Justice Québec, Le célébrant (Justice Québec, 2009), une
personne autorisée à célébrer le mariage ou l‘union civile doit faire partie d‘une des
catégories suivantes :
Les greffiers et les greffiers adjoints de la Cour supérieure qui ont été
nommément désignés à cette fin;
Les notaires habilités à recevoir des actes notariés;
Les maires, les membres des conseils municipaux ou des conseils
d‘arrondissements ainsi que les fonctionnaires municipaux désignés par
le ministre de la Justice, mais seulement sur le territoire défini dans leur
acte de désignation.
Le gouvernement offre aussi la possibilité à certaines personnes de célébrer le mariage ou
l‘union civile même si elles ne font pas partie des catégories mentionnées ci-dessus. Pour
ce faire, elles doivent se rendre au palais de justice pour se procurer un formulaire
83
d‘autorisation100
. Les critères de sélection n‘exigent pas que la personne appartienne à un
groupe religieux quelconque. Ils prévoient plutôt que la personne101
:
1. Soit de citoyenneté canadienne ou ait le statut de résident permanent au Québec;
2. Soit majeure;
3. Doit être capable d‘exercer pleinement tous ses droits civils;
4. Ne doit pas avoir été déclarée coupable d‘un acte criminel au cours des trois
dernières années, ou d‘une infraction possible de procédures sommaires dans
l‘année précédant la demande de désignation;
5. Doit parler français ou anglais;
6. Doit s‘engager à suivre les conditions liées à la célébration du mariage ou de
l‘union civile.
Présentement au Québec, il n‘existe pas de célébrant ni de « clergé » wiccain officiel. Dans
la province quatre wiccaines offrent néanmoins leurs services en tant que clergé sur
Witchvox.
En Colombie-Britannique
Le cas de la Colombie-Britannique sera traité ici, car il s‘agit de l‘une des premières
provinces à avoir accordé le statut de représentant religieux à un groupe de wiccains, The
Congregationalist Wiccan Association of British Columbia (CWABC)102
, établi en 2004. Ce
statut confère au groupe le droit de célébrer légalement des mariages ou des handfastings.
Auparavant, ceux et celles qui désiraient un mariage wiccain en Colombie-Britannique
devaient procéder à un mariage civil avant de faire le handfasting. Par conséquent,
l‘obtention de ce statut leur permet de ne faire qu‘une seule cérémonie au lieu de deux.
Avant de s‘attarder aux critères utilisés, il convient de préciser les définitions juridiques
dont ils découlent. Ainsi le Marriage Act [RSBC 1996] chapitre 282, article 1, prévoit que :
―religious body‖ means any church, or any religious denomination, sect,
congregation or society;
100
Le formulaire à remplir est le SJ-893 « Demande de désignation à titre de célébrant pour un mariage ou
une union civile ». 101
Le célébrant, Justice Québec, publication générale, dernière mis à jour : 11 novembre 2009. 102
Il est à noter que le CWABC n‘est pas un coven. Il s‘agit d‘une association d‘individus et de temples. À
l‘heure actuelle, seuls cinq temples en font partie.
84
―religious representative‖103
means a person duly authorized to solemnize
marriage according to the rites and usages of the religious body to which the
person belongs and includes a person registered under section 2 (7);
La partie 2(7) a trait à l‘enregistrement des représentants religieux aux fins de la célébration
du mariage :
2(7) The chief executive officer may register a person as a religious
representative if the chief executive officer is satisfied that :
(a) the doctrines of a religious body do not contemplate a religious
representative for the religious body, and
(b) the appropriate governing body of the religious body has
designated a person to act in the place of a religious representative to
perform all the duties imposed by this Act on a person solemnizing a
marriage, other than solemnizing the marriage, in respect of marriages
performed according to the rites and usages of the religious body104
.
Par conséquent, ces définitions, permettent d‘inclure les groupes ou covens wiccains.
L‘article 3 consiste en les prérequis à la désignation au titre d‘un représentant du
gouvernement provincial105
. Si la demande est faite par un groupe, la confession à laquelle
103
Le terme « représentant religieux » a été introduit dans le projet de loi 26, Marriage Act suite à un débat
sur l‘utilisation des termes « clergé » et « ministre », jugée comme étant trop restreinte et pas assez inclusive.
L‘idée est de démontrer l‘aspect multiculturel des citoyens de la province. De plus, ce terme se veut assez
large pour d‘inclure les religions qui n‘ont pas de célébration de mariage conventionnel comme c‘est le cas
pour la religion Baha‘i et certaines religions amérindiennes. (Official report of Debate of Legislation
Assembly, Monday June 1st, 1992 Legislation Session, 1st session, 35
th parliament, Vol.3 #22, pp. 2007-
2009.) 104
Marriage Act [RSBC 1996] Chapitre 282, section 2.
105 Qualifications for registration Marriage Act [RSBC 1996] Chapitre 282, article 2
3 (1) A person must not be registered as a religious representative unless the chief executive officer
is satisfied as follows:
(a) that the person is a religious representative ordained or appointed according to the rites
and usages of the religious body to which he or she belongs, or is by the rules of that
religious body deemed an ordained or appointed religious representative because of some
earlier ordination or appointment;
(b) that the person
(i) is, as a religious representative, in charge of or officiating in connection with a
congregation, branch or local unit in British Columbia of the religious body to which he or
she belongs, or
(ii) is a resident in British Columbia who was formerly in charge of or officiating in
connection with a congregation, branch or local unit in British Columbia, has been
85
appartient le requérant doit être située dans la province et depuis au moins 5 ans, soit en
Colombie-Britannique, soit au Canada. Le groupe doit également démontrer qu‘il a été
reconnu aux fins de la célébration d‘un mariage dans au moins une autre province et qu‘il
possède une église ou une congrégation établie dans la province. Les requérants doivent
également présenter106
:
1— La certification de l‘acte de société (s‘il s‘agit d‘un OSBL enregistré);
2— Un échantillon des procès-verbaux des cinq dernières années;
3— La constitution et les règlements du groupe;
4— Un exemple de la cérémonie de mariage;
5— Une liste de noms de personnes proposées en tant que représentant religieux;
6— L‘ordination ou la nomination de chaque représentant.
La Congregationalist Wiccan Association of British Columbia (CWABC) était associée à la
Congregationnalist Wiccan Association, un OSBL enregistré au Canada. Depuis 1993,
l‘Aquarian Tabernacle Church of Canada107
qui offre des services similaires à ceux offerts
par le CWABC, en plus de ceux d‘aumônerie dans les prisons et les hôpitaux, existe
également dans cette même province. Cette dernière a ses racines aux États-Unis.
superannuated or placed on the supernumerary list, or is a retired religious representative in
good standing of the religious body to which he or she belongs;
(c) that the person is, as a religious representative, recognized by the religious body to
which he or she belongs as authorized to solemnize marriage according to its rites and
usages;
(d) that the religious body to which the person belongs is sufficiently well established, both
as to continuity of existence and as to recognized rites and usages respecting the
solemnization of marriage, to warrant, in the opinion of the chief executive officer, the
registration of its religious representatives as authorized to solemnize marriage.
(2) If a religious representative is in British Columbia temporarily, and, if resident and officiating in
British Columbia, might be registered under subsection (1) as authorized to solemnize marriage, the
chief executive officer may register the person as authorized to solemnize marriage during a period to
be set by the chief executive officer.
(3) A certificate of registration issued under subsection (2) must state the period during which the
authority to solemnize marriage may be exercised. 106
Renseignements tirés du site du PFPC et auprès du bureau de Vital Statistics Ministry of Health, situé à
Victoria, Colombie-Britannique. 107
Le Aquarian Tabernacle Church of Canada cherche à donner un place autour duquel les membres de la
communauté wiccaine peuvent se rassembler qu‘ils appartiennent ou non à un coven ou un groupe. Pour eux,
la structure d‘un coven ou d‘un petit groupe ne suffissent pas à répondre aux besoins d‘une communauté
élargie. Ce groupe offre des services de célébrant pour le handfasting et autres rites de passage ainsi que de
clergé pour l‘aumônerie dans les prisons et les hôpitaux. Voir leur site Internet : http://www.atccanada.org/
86
En Alberta
L‘Alberta est mentionnée ici, car elle compte également deux organismes voués à la
formation d‘un clergé pour célébrer, entre autres, des mariages ou des handfastings. Ces
organismes sont le Covenant of Gaïa Church of Alberta (COGCOA) et le The
Congregationalist Wiccan Assembly of Alberta (CWAA). Le COGCOA est établi depuis
1991108
et le CWAA depuis 2007.
Il convient d‘abord de remarquer qu‘on retrouve plusieurs occurrences des termes
« d‘associations religieuses » (religious bodies) et « sociétés religieuses » (religious
societies) dans les divers textes de loi provinciale, mais ce n‘est que dans le document
concernant l‘incorporation des sociétés religieuses qu‘une définition générale est donnée.
A religious society is a group such as the congregation of a church or a
religious denomination. A religious society must incorporate to take title of
land to be used for a church building or burial ground. Under the Religious
Societies’Land Act, incorporation permits the religious society to hold land not
in excess of 320 acres. (Service Alberta, 2009).
Cette définition reste vague. On remarque néanmoins la présence du terme « congrégation »
et ainsi que des termes « église » et « confession religieuse ». Cette définition indique
également les raisons principales pour lesquelles un groupe religieux doit s‘incorporer,
c‘est-à-dire pour la possession d‘un terrain en vue de la construction d‘une église ou d‘un
cimetière. Ce qui n‘est pas clairement mentionné dans les divers documents, ce sont les
exigences minimales pour obtenir cette incorporation, tel que le nombre d‘années
d‘existence du groupe avant l‘incorporation ou le nombre minimum de membres qui
composent la « congrégation ».
Il ressort clairement que les concepts utilisés proviennent principalement des concepts
judéo-chrétiens qui marquent les origines des articles de lois canadiens, ce qui ne reflète
pas nécessairement la réalité des minorités religieuses ou spirituelles actuelles. Néanmoins,
108
Ils sont incorporés depuis 1992.
87
ces concepts ont été repris, ajoutés et adaptés au vocabulaire des wiccains, comme on peut
l‘observer dans les explications de l‘utilisation du terme « ministre » par la COGCOA109
.
Contrairement à la Colombie-Britannique, il n‘y a pas de définition proprement dite dans le
Marriage Act110
, de ce qu‘est une association religieuse. Même dans le Religious
Societies » Land Act il n‘y a pas de définition sur cet aspect. Il en existe néanmoins une
acception dans le concept de mariage exposé dans le préambule de la loi :
WHEREAS marriage is an institution the maintenance of which in its purity
the public is deeply interested in;
WHEREAS marriage is the foundation of family and society, without which
there would be neither civilization nor progress;
WHEREAS marriage between a man and a woman has from time immemorial
been firmly grounded in our legal tradition, one that is itself a reflection of
long standing philosophical and religious traditions; and
WHEREAS these principles are fundamental in considering the solemnization
of marriage; (Marriage Act 2000).
Plusieurs analyses peuvent être tirées de ces quatre paragraphes en ce qui concerne le
concept du mariage, mais cela n‘est pas le but de notre travail. Ce qui nous intéresse en
revanche est l‘interprétation et l‘application possible que ce préambule peut avoir sur
certains concepts que l‘on retrouve dans la population wiccaine générale, tel que les unions
entre individus homosexuels. Si la loi commence avec le principe que le mariage ne peut
être contracté qu‘entre un homme et une femme, cela peut devenir un obstacle pour les
groupes religieux ouverts aux unions homosexuelles qui veulent s‘enregistrer en Alberta.
Deuxièmement, si on regarde de près les lois régissant l‘obtention du statut de célébrant
pour solenniser les mariages, on remarque certaines particularités. En Alberta, pour qu‘une
personne puisse solenniser un mariage, elle doit, soit faire partie d‘un clergé enregistré
109
Ils définissent le terme « minister » ainsi : « To us, "minister" is a professional certification just like
"lawyer" or "doctor." It is not a religious title like priest or bishop. We chose the title "minister" because its
literal meaning is "one who serves." » COGCOA, 2005/12/21, http://www.cogcoa.ab.ca/ministers/.(consulté
la dernière fois 2012-08-21). 110
Marriage Act, R.S.A. 2000, c. M-5.
88
selon le Vital Statistics d‘Alberta, ou soit être une commissionnaire déléguée par le
gouvernement d‘Alberta aux termes du Marriage Act111
. L‘article 4 du Marriage Act
énonce les prérequis pour devenir un membre du clergé enregistré auprès de la province,
tandis que les articles 8 et 9 énoncent ceux pour commissionnaire délégué. Si un organisme
religieux veut que son clergé célèbre des mariages ou handfasting dans le cas de la Wicca,
il doit répondre à plusieurs critères et fournir les divers documents requis énoncés dans le
formulaire Reg3262 « Application for Registration by a Religious Body to Perform
Marriage Ceremonies »112
. Pour être reconnu, l‘organisme doit présenter ses
enregistrements d‘incorporation, indiquer depuis combien de temps il est en opération en
Alberta de façon continue, et fournir sa constitution, sa charte et ses dispositions en ce qui
concerne « l‘ordination » ou le congédiement de ses ministres ou des membres de son
clergé. L‘organisme doit également fournir :
- Une liste des sacrements religieux, y compris la cérémonie du mariage;
- L‘énoncé de mariage proposé remis au couple lors de la cérémonie;
- L‘adresse des rencontres régulières de l‘organisme ainsi que son calendrier;
111
Les prérequis sont indiqués comme suit :
4(1) Subject to this section, the Director may register as a person authorized to solemnize marriage any person
whose name is submitted to the Director by the governing authority of the religious body to which the person
belongs.
(2) No person shall be registered unless the religious body to which the person belongs is sufficiently well
established, both as to continuity of existence and as to rites and usages respecting the solemnization of
marriage, to warrant, in the opinion of the Director, the registration of its members of the clergy as persons
authorized to solemnize marriage.
(3) No person shall be registered unless it appears to the Director that
(a) the person is an adult and resident in Alberta,
(b) the person has been ordained or appointed according to the rites and usages of the religious body to
which the person belongs or is, by the rules of that religious body, deemed ordained or appointed,
(c) the person is recognized by that religious body as entitled to solemnize marriage according to its rites and
usages, and
(d) the person
(i) is in charge of or officiating in connection with a congregation, branch or local unit in Alberta of the
religious body,
(ii) having been formerly so in charge of or officiating in connection with a congregation, branch or local
unit in Alberta, has been superannuated or placed on the supernumerary list, or
(iii) is a retired member of the clergy in good standing of the religious body, though not in charge of or
officiating in connection with a congregation, branch or local unit.
(4) Notwithstanding subsection (3), in the case of a person who is in Alberta temporarily and who, if the
person were resident and officiating in Alberta, could be registered under this section, the Director may
register the person as authorized to solemnize marriage during a period to be fixed by the Director, in which
case the certificate of registration shall state the period so fixed. 112
Voir le formulaire de Service Alberta à l‘adresse
http://www.servicealberta.gov.ab.ca/pdf/Forms/reg3262.pdf .
89
- Les noms et les adresses des membres113
ou des croyants ayant 18 ans et plus qui
habitent dans la province;
- Les noms, les adresses et les numéros de téléphone des ministres ou membres du
clergé qui habitent dans la province et qui seront enregistrés pour célébrer les
mariages;
- Les noms, les adresses et les numéros de téléphone des représentants élus de
l‘organisme enregistrés auprès du Vital Statistics, ainsi que les procès-verbaux et les
documents qui confirment leur statut de représentant114
.
Tous ces documents serviront à déterminer si une corporation religieuse peut ou non
célébrer des mariages. Par conséquent, les groupes religieux ou spirituels qui n‘ont pas une
structure similaire aux groupes judéo-chrétiens peuvent avoir de la difficulté à satisfaire à
certains de ces critères.
Autres provinces
À notre connaissance, il n‘existe pas à ce jour d‘organisme officiel offrant un clergé
wiccain légalement reconnu par l‘autorité publique provinciale dans les autres provinces. Il
y a toutefois eu des tentatives en ce sens. En Ontario, la Wiccan Church of Canada (WCC)
en est un exemple. Son statut n‘a cependant pas encore été obtenu. Pour l‘instant ceux et
celles qui veulent obtenir la permission de célébrer légalement des mariages passent par
l‘enregistrement en tant que célébrant pour des unions civiles ou s‘associent à des
organismes interconfessionnels de l‘Ontario tels que le All Seasons Church et le All
Seasons Wedding. Ces derniers ne limitent pas leurs services à la province de l‘Ontario.
2.2.2 Décès et sépulture
La question de l‘appropriation et de l‘utilisation de terrains par les institutions religieuses
est soulevée lorsqu‘il est question de sépulture. Il existe plusieurs sources tirées de lois qui
régissent ces aspects, et ce tant aux niveaux provincial, fédéral que municipal. Au Québec,
la législation applicable en l‘espèce comprend la Loi sur les corporations religieuses
(C -71), la Loi sur les inhumations et exhumations (I -11), ainsi que la Loi sur les cimetières
113
Il faut un minimum de 100 membres. 114
Voir le formulaire de Service Alberta à l‘adresse
http://www.servicealberta.gov.ab.ca/pdf/Forms/reg3262.pdf.
90
non catholiques (C -17). Cette dernière stipule principalement qu‘aucun cimetière non
catholique ne peut être établi sans que le terrain ne soit approuvé par le ministre de la Santé
et des Services sociaux115
, ce qui peut avoir une incidence sur les décisions futures
concernant l‘établissement d‘un nouveau cimetière ou le remplacement d‘un cimetière
existant.
Dans la Loi sur les corporations religieuses (C -71), l‘article 8, alinéa e, énonce que l‘un
des pouvoirs attribués aux corporations religieuses est celui « d‘établir et maintenir des
cimetières et ériger des caveaux dans ses chapelles pour y déposer la dépouille mortelle de
ses membres, de ses bienfaiteurs ou de toute personne ayant quelque relation avec la
corporation, en se conformant à la Loi sur les inhumations et les exhumations (chapitre 1-
11) ».
Cette dernière loi énonce les conditions de disposition d‘un corps ainsi que le lieu
d‘inhumation. Dans la partie 1, chapitre 1, article 3, il est mentionné « qu‘aucune
inhumation ne doit être faite ailleurs que dans un cimetière légalement établi, sauf les cas
autrement prévus par la loi ». De plus, lorsqu‘il est question d‘incinération, seul le
traitement réservé au corps est mentionné. Rien ne précise les restrictions quant à la
disposition des restes. Il ne semble donc pas y avoir pour l‘instant d‘obligation à disposer
les cendres dans un cimetière.
De plus, à l‘article 5 de cette même partie, il est fait mention que seule l‘Église catholique
romaine a autorité sur la désignation de l‘endroit d‘inhumation d‘une personne dans le
cimetière paroissial.
Il appartient à l‘autorité catholique romaine seule de désigner dans le
cimetière la place où chaque personne de cette croyance doit être inhumée;
et, si cette personne ne peut être inhumée d‘après les règles et les lois
canoniques, selon les jugements de l‘ordinaire, dans la terre consacrée par
les prières liturgiques de cette religion, elle reçoit la sépulture dans un terrain
réservé à cette fin et attenant au cimetière.
115
L.R.Q., chapitre C-17, partie 1 (dernière mise à jour le 1er août 2008).
91
Bien que l‘autorité en la matière soit attribuée à la religion catholique, l‘article prévoit
l‘existence d‘un espace réservé pour les personnes ayant une autre appartenance religieuse.
Or, c‘est justement sur ce point que la loi C-17 intervient lorsqu‘il est question de groupes
non catholiques. Bien que les wiccains ne disposent pas de rites de sépulture particuliers et
qu‘ils ne semblent pas préoccupés par cette question en ce moment, la loi pourrait
techniquement leur permettre d‘établir un cimetière païen.
2.3 Un cas d’application de la loi : les services de direction
spirituelle au sein d’un établissement public.
2.3.1 L’aumônerie
Dans le système canadien, les services d‘aumônerie ont été pendant longtemps la chasse
gardée des religions chrétiennes. Ceux-ci ont dû voir leurs contraintes s‘amenuiser et
s‘ouvrir aux diverses alternatives religieuses afin de répondre plus adéquatement à la
situation actuelle d‘une société multiculturelle. Que ce soit dans les milieux carcéraux,
militaires ou hospitaliers, les services d‘aumônerie doivent maintenant composer avec des
équipes d‘employés et de bénévoles provenant de diverses confessions religieuses afin de
répondre aux besoins de leurs clientèles. Des groupes de travail interconfessionnels voient
donc le jour et des changements sont apportés aux lois et règlements. Puisqu‘il existe des
païens et wiccains qui œuvrent dans le domaine de l‘aumônerie, il devient important
d‘examiner les dispositions qui régissent les divers services.
2.3.1.1 Dans les prisons
Les services d‘aumônerie offerts dans les institutions correctionnelles existent tant dans les
institutions gérées par le gouvernement fédéral que par le gouvernement provincial. Ceci
découle de l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique de 1867 qui a créé une séparation en
matière de justice entre les paliers provincial et le fédéral. D‘ailleurs, les dispositions de
1867 touchant les prisons fédérales et provinciales, 91 (28) et 92 (6) de même, la procédure
et l‘administration de la justice, dans la province, le 92 (14), au fédéral, 91 (27) en son
témoin. Un an plus tard, en 1868, l’Acte des pénitenciers a été adopté. Le gouvernement
92
fédéral a ainsi la juridiction des pénitenciers pour les personnes ayant reçu des sentences de
deux ans plus un jour. Le gouvernement provincial est quant à lui responsable des détenus
ayant des sentences de deux ans et moins. Ce point est important, car les services
d‘aumônerie ne connaissent pas les mêmes problèmes selon le type d‘institution et la durée
de la sentence116
. Aux fins de cette recherche, nous avons principalement axé nos efforts
sur le système fédéral, puisque c‘est à ce niveau que l‘on retrouve le plus de païens et de
wiccains dans les services d‘aumônerie. Cela ne veut pas dire que les institutions
provinciales ne sont pas assujetties à des lois et à des règlements, mais simplement que
c‘est au niveau des institutions fédérales que les wiccains sont le plus impliqués.
En 2010, le Service correctionnel du Canada (SCC) gérait 57 établissements ayant divers
niveaux de sécurité; et gère entre leurs murs plus de 13 500 détenus en 2009-2010 (SCC,
2010, p. 19)117
. Le SCC se doit d‘offrir des services d‘aumônerie aux détenus afin de
respecter ses engagements nationaux et internationaux en matière de droits des détenus au
chapitre de la religion (SCC, Services d‘aumônerie, 24-01-2005). Ces services doivent
notamment répondre aux exigences prévues à la section 2 de la Charte canadienne des
droits et libertés ainsi qu‘à :
a) L‘article 75 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté
sous condition (LSCMLC), 1992, ainsi qu‘aux articles 98 à 101 de cette
même loi (SCC, 2002, p. 1) :
75. Dans les limites raisonnables fixées par règlement pour assurer la
sécurité de quiconque ou du pénitencier, tout détenu doit avoir la possibilité
de pratiquer librement sa religion et d‘exprimer sa spiritualité.
98 à 101. Dans la mesure du possible, le Service doit veiller à ce que soit mis
à la disposition du détenu, exception faite des objets interdits, ce qui est
raisonnablement nécessaire pour sa religion ou sa vie spirituelle, y compris
116
Pour en savoir davantage sur les services correctionnels, voir le chapitre de Mireille Gagnon « Old
Structures, New Faces : The Presence of Wicca and Neo-Paganism in Canadian Prisons Chaplaincy » dans
Religion and Diversity in Canada, L. Beaman et P. Beyer dir., Vol. 16, collection : Religion and Social Order,
Brill: Leiden (Pays-Bas), pp. 149-173. 117
Le SCC a également la responsabilité de 16 centres correctionnels communautaires, 84 bureaux de libertés
conditionnelles et 4 pavillons de ressourcement autochtones comptant au total de 19 968 détenus en 2009-
2010. Departmental Performance Report, 2006-2007, CSC.
93
[...] le régime alimentaire particulier imposé par la religion ou la vie
spirituelle du détenu [...]
b) Dans le Protocole d’entente entre le Comité interconfessionnel de
l’aumônerie et le Service correctionnel du Canada, il est fait mention des
divers énoncés concernant les besoins religieux des détenus (voir SCC,
2002, pp. 1-2)
c) L‘article 18 de la Déclaration universelle des droits de l‘homme (1948) :
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.
d) Les articles 41 et 42 de l‘Ensemble de règles minima pour le traitement
des détenus de l‘Organisation des Nations Unis (ONU) qui énonce les
droits religieux des détenus.
41. 1) Si l‘établissement contient un nombre suffisant de détenus appartenant
à la même religion, un représentant qualifié de cette religion doit être nommé
ou agréé. Lorsque le nombre de détenus le justifie et que les circonstances le
permettent, l‘arrangement devrait être prévu à plein temps.
2) Le représentant qualifié, nommé et agréé selon le paragraphe 1, doit être
autorisé à organiser périodiquement des services religieux et à faire, chaque
fois qu‘il est indiqué, des visites pastorales en particulier aux détenus de sa
religion.
3) Le droit d‘entrer en contact avec un représentant qualifié d‘une religion ne
doit jamais être refusé à aucun détenu. Par contre, si un détenu s‘oppose à la
visite d‘un représentant d‘une religion, il faut pleinement respecter son
attitude.
42. Chaque détenu doit être autorisé, dans la mesure du possible, à satisfaire
aux exigences de sa vie religieuse, en participant aux services organisés dans
l‘établissement et en ayant en sa possession des livres d‘édification et
d‘instruction religieuse de sa confession. (Haut-Commissariat des Nations
Unies aux droits de l‘homme, 2000)
De plus, conformément à ces lois, le SCC doit, dans la mesure du possible, fournir un
service d‘aumônerie à tout prisonnier qui en fait la demande. L‘aumônier doit être apte à
servir de guide pour les diverses orientations religieuses et spirituelles. Par conséquent,
selon le SCC, le rôle de l‘aumônier consiste à offrir : « une orientation spirituelle aux
membres de toutes les traditions religieuses ». Ils sont guidés dans leur ministère par un
94
code de conduite. En général, les aumôniers doivent manifester leur présence dans les
établissements, c‘est-à-dire :
- diriger et coordonner les services religieux et l‘administration des
sacrements aux détenus;
- créer, coordonner et assurer des activités religieuses;
- faire comprendre à la collectivité les besoins et les préoccupations des
personnes touchées par le système de justice pénale, et sensibiliser la
collectivité au rôle qu‘elle doit jouer en ce qui concerne la réconciliation;
- recruter des bénévoles pour le travail en milieu carcéral et leur donner
une formation;
- intégrer les services d‘aumônerie à la vie des établissements en
collaborant régulièrement avec les employés et en assistant à des
réunions. » (SCC, Rôles des aumôniers)
Actuellement, au Canada, des services d‘aumônerie sont offerts dans les prisons aux païens
et aux wiccains par le Pagan Pastoral Outreach118
, la Aquarian Tabernacle Church of
Canada et la Wiccan Church of Canada en association avec les groupes interconfessionnels
d‘équipe d‘aumônerie. Ces groupes travaillent majoritairement en Ontario et en Colombie-
Britannique, mais aussi au Québec dans la région de Montréal. Il existe également des
wiccains qui offrent ce service soit de façon indépendante; soit par l‘entremise d‘un
organisme formateur interconfessionnel pour l‘aumônerie tel que l‘Association canadienne
pour la pratique et l‘éducation pastorales (ACPEP).
2.3.1.2 Dans les Forces armées canadiennes
La Loi constitutionnelle, 1867, prévoit une disposition sur la milice, le service militaire et le
service naval, et la défense du pays où s‘intègre l‘aumônerie (soit à l‘article 91 (7)). Les
Forces armées canadiennes doivent notamment permettre de répondre aux besoins religieux
et spirituels de leurs membres. Par conséquent, elles offrent un service d‘aumônerie119
.
118
Il est à noter que la Pagan Federation/Fédération païenne Canada a offert pendant 10 ans des services
d‘aumônerie. Elle n‘offre plus ce service particulier. Pour répondre à la demande, elle a créé, en 2003, le
Pagan Pastoral Outreach qui prend en charge toutes les demandes en matière de services d‘aumônerie des
trois secteurs (prisons, hôpitaux et militaires). 119
Une description historique de la création du service d‘aumônerie dans les Forces se retrouve dans le
document publié par la Défense nationale intitulé Précis d’information Manuel de la branche des services de
l’aumônerie des forces, 2003, pp. 1-1 à 1-6.
95
Dans les documents militaires de la division des Finances et des services du ministère de la
Défense nationale, le chapitre 33, volume 1 des Ordonnances et règlements royaux
applicables aux Forces canadiennes est consacré à l‘aumônerie militaire. L‘institution
militaire adopte une approche pragmatique en ne définissant pas les termes « religion » et
« spiritualité », que ce soit dans les politiques, les règlements ou même dans le glossaire du
guide Les religions au Canada. Bien qu‘aucune définition ne soit donnée au chapitre 33,
une certaine classification religieuse existe néanmoins. Celle-ci se divise en cinq grandes
catégories contenant chacune une nomenclature de confessions et/ou sous-divisions :
protestants, catholiques romains, juifs, autres religions ou croyances et aucune religion.
Dans l‘introduction du guide du service de l‘aumônerie intitulé : Les religions au Canada,
se trouvent les obligations du service militaire à offrir des services d‘aumônerie à divers
groupes religieux.
En vertu de la Chartre canadienne des droits et libertés ainsi que de la Loi
canadienne sur les droits de la personne, la politique des Forces canadiennes
est de procéder à des aménagements selon les besoins religieux
fondamentaux de ses membres120
.
Cet aspect est expliqué dans les politiques provisoires sur l‘accommodement religieux au
sein des Forces. D‘ailleurs, l‘application de cette politique est analysée dans l‘article de
Côté et Gunn dans l‘illustration du cas hypothétique d‘un soldat juif qui décide d‘observer
plus sérieusement la voie orthodoxe de sa foi (Côté et Gunn, 2005, pp. 58-60). Ils
concluent que le soldat peut voir ses besoins religieux accommodés et reconnus par les
militaires. Ceci vaut d‘autant plus que le jugement Amselem est venu depuis établir en
jurisprudence le critère de la croyance sincère (Syndicat Northcrest c. Amselem, 2004 CSC
47, [2004] 2 RCS 551).
En discutant au cours des dernières années avec certains wiccains militaires, nous avons pu
constater que les avis étaient partagés face au traitement de leur religion au sein des forces
armées. Une wiccaine a mentionné avoir été heureuse et surprise de voir, lors de son
120
Les religions au Canada, Direction Droits de la personne et diversité (DDPD), Ottawa, mars 2003,
http://www.forces.gc.ca/hr/religions/engraph/religions00_e.asp.
96
inscription dans les forces121
, qu‘une case pour la Wicca était prévue dans les choix de
religion. Elle a été heureuse de pouvoir l‘indiquer. D‘un autre côté, lors du Gaïa Gathering
de 2008, un militaire a mentionné que même s‘il avait la possibilité de demander un
aumônier wiccain, ce ne sont pas toutes les bases qui offrent ce service. En outre, il a
mentionné qu‘il a toujours l‘inquiétude d‘être transféré dans une base moins accueillante
s‘il insiste trop.
2.3.1.3 Dans les centres hospitaliers
En vertu de la Loi constitutionnelle, 1867, la compétence en matière d‘administration des
hôpitaux et des hospices de charités, à l‘exception des hôpitaux de marine, se retrouve sous
l‘article 92 (7). Bien que déconfessionnalisée, l‘aumônerie des centres hospitaliers reste
encore la chasse gardée des religions chrétiennes. Il y a néanmoins davantage d‘ouverture à
l‘inclusion des différentes confessions et alternatives religieuses. Dans les Lois refondues
du Québec, au chapitre S-4.2 concernant la Loi sur les services de santé et les services
sociaux, l‘article 100 indique ceci :
Les établissements ont pour fonction d‘assurer la prestation de services de
santé ou de services sociaux de qualité, qui soient continus, accessibles,
sécuritaires et respectueux des droits des personnes et de leurs besoins
spirituels et qui visent à réduire ou à solutionner les problèmes de santé et
de bien-être et à satisfaire les besoins des groupes de la population. À cette
fin, ils doivent gérer avec efficacité et efficience leurs ressources humaines,
matérielles, informationnelles, technologiques et financières et collaborer
avec les autres intervenants du milieu, incluant le milieu communautaire, en
vue d‘agir sur les déterminants de la santé et les déterminants sociaux et
d‘améliorer l‘offre de services à rendre à la population. De plus, dans le cas
d‘une instance locale, celle-ci doit susciter et animer de telles
collaborations.122
Cette loi jumelée avec l‘article 7123
du Règlement sur l’organisation et l’administration des
établissements oblige les établissements de services de santé à accommoder les besoins en
121
Ceci a eu lieu lors d‘une discussion informelle sur le chemin de retour d‘un rituel d‘Ostara à Québec en
2008. 122
L.R.Q., Chapitre S-4.2, dernière mise à jour 1er
août 2012. 123
Il se lit comme suit :
97
matière religieuse et spirituelle des bénéficiaires. Par conséquent, les équipes
interconfessionnelles des centres hospitaliers québécois tentent d‘offrir des services pour
toutes les personnes qui le demandent, peu importe leur confession124
.
Du point de vue du Pagan Pastoral Outreach, les païens désireux d‘œuvrer dans le milieu
de l‘aumônerie hospitalière le font à l‘un ou l‘autre titre énuméré125
:
a) Community Clergy – formally recognized ‗priesthood‘ of a religious
tradition, authorized by a religious organization;
b) Pastoral Visitor for a particular faith tradition – recommended (and
usually trained as well) by the local religious community;
c) Hospital Pastoral Volunteer – often trained by the hospital chaplaincy
but requiring an official letter of recommendation from their faith
community. These volunteers work for the chaplaincy (not their own faith
communities) and visit with any patient (of any faith) who wishes spiritual
support.
Il est à noter que tous les païens hospitalisés ne se prévalent pas du service. De fait, la
plupart ne déclarent pas leur appartenance à la religion wiccaine ou païenne lors de
l‘admission.
2.4 Conclusion
La question de la religion et des lois au Canada est très vaste et très complexe. Ce chapitre
n‘a fait qu‘effleurer le sujet afin d‘en donner un aperçu et de vérifier l‘incidence normative
probable et effective sur les groupes païens et wiccains canadiens.
Le conseil d'administration d'un centre hospitalier ou d'un centre d'hébergement public ou
privé visé à l'article 177 de la Loi doit adopter un règlement portant sur l'organisation de
services de pastorale dans l'établissement. À cette fin, le conseil d'administration doit
conclure une entente avec les autorités religieuses concernées, selon l'appartenance
religieuse des bénéficiaires hébergés. (L.R.Q., c.S-5, r.5, 1er
août 2012)
124 Il est question maintenant d‘intervenants et d‘intervenants en soins spirituels plutôt qu‘aumôniers.
125 Pagan Pastoral Outreach, http://www.ppo-canada.ca/hospital/visitation.htm. (Consulté la dernière fois
2012-08-21)
98
Qu‘il s‘agisse du respect des droits et libertés de la Charte ou de la Constitution
canadienne, la définition de ce qui constitue une religion est absente. Il semble que même si
les gouvernements veulent respecter la diversité religieuse des citoyens, leurs critères de
sélection pour autoriser, par exemple l‘enregistrement d‘une corporation religieuse, restent
plutôt vagues et généraux comme l‘a décrit Jim Philips dans son article (Phillips, 2001,
p. 338). Si on se penche sur les critères exigés par le REQ pour enregistrer une église, il
semble à première vue que tout groupe peut faire une demande. Toutefois, les critères de
sélection qui permettent au ministère d‘octroyer le statut d‘église ne sont pas mentionnés ni
expliqués lorsque l‘on questionne le registraire.
La question des aumôneries est encore récente pour les wiccains et les païens. Néanmoins,
on voit se manifester de plus en plus de bénévoles désireux d‘œuvrer dans ce milieu et de
faire partie de groupes de travail interconfessionnels. Par ailleurs un nombre croissant de
détenus choisit la Wicca et le paganisme comme religion126
.
Du point de vue des administrés, en conclusion de ce chapitre, la régulation publique ne
semble pas avoir provoqué une « déformation » de la Wicca au sens évoqué par Côté et
Richardson pour d‘autres mouvements religieux minoritaires ou controversés. Peut-on
penser à une transformation? C‘est très certainement plausible en considération ne serait-ce
que des services d‘aumônerie.
126
Le nombre de détenu choisissant la Wicca est passé de 25 personnes en 2001 à 67 personnes en 2007
(Gagnon, 2008b, p.162).
Chapitre 3 : L’image et les perceptions de la Wicca et de
la sorcellerie dans la jurisprudence canadienne
We will never,
Never lose our way
To the Well, Of Her Memory
And the Power of Her living flame
It will rise…. It will rise again
Par Starhawk et Rose May Dance
La Wicca s‘est rapidement fait connaître dans les années 90, surtout grâce à la popularité
sans cesse croissante d‘Internet. Communautés païennes, associations professionnelles,
fédérations, églises, ne sont que quelques exemples de l‘essor des organismes wiccains et
païens. Selon Statistique Canada, les groupes païens, y compris la Wicca, se situent parmi
les religions qui ont connu la plus grande augmentation du nombre d‘adhérents entre 1991
et 2001. Au Canada, la population païenne et wiccaine auto-identifiée auprès de Statistique
Canada était située à 5 530 en 1991 et 21 080 en 2002. Au Québec, cette population
représentait 210 personnes en 1991 et 1 330 en 2001127
.
À l‘instar d‘autres minorités controversées, ces mouvements sont d‘emblée appréhendés sur
le mode de l‘exotisme, de la survivance et de la superstition. Créature de fantaisie,
personnalité peu crédible et dépourvue de sérieux, caractère instable, personnage
potentiellement malfaisant : voilà quelques traits associés à la sorcière dans l‘imaginaire
public. Cette perception des sorcières et de la Wicca se retrouve-t-elle dans la jurisprudence
canadienne? Par ailleurs, comment l‘image et les perceptions judiciaires ont-elles évolué
avec l‘avènement des droits et libertés, consacrés dans la Charte canadienne des droits et
libertés et la diversification culturelle de la société canadienne dont fait partie la Wicca?
Pour répondre à ces questions, nous avons choisi une double démarche. Premièrement au
Canada, dans le cadre de contentieux spécifiques impliquant des membres de la Wicca,
nous nous sommes efforcés de comprendre la place des pratiques et des croyances de la
127
« Religion, groupes d‘âge et sexe pour la population, pour le Canada les provinces, les territoires, les
régions métropolitaines de recensement et les agglomérations de recensement, recensements de 1991 et
2001 », Ottawa : Statistique Canada, 17 juin, 2003.catalogue #97F00222XCB01002. Il est à noter que les
questions concernant l‘appartenance religieuse sont posées au dix ans.
100
Wicca dans la décision des juges128
. Deuxièmement au Canada, pour ce qui a trait à
l‘ensemble des décisions judiciaires recensées portant mention d‘un certain nombre de
termes associés à l‘univers de la Wicca ou de la sorcellerie, délimités plus loin, nous avons
procédé à une brève analyse thématique afin d‘en cerner les perceptions afférentes.
Les deux corpus couvrent des textes tant en langue anglaise qu‘en langue française. Ce
détail est important afin de saisir les nuances dans l‘appréhension du phénomène. Il importe
également de voir si la perception de la sorcière et de la Wicca qu‘ont les tribunaux a
évolué dans le temps. C‘est pourquoi l‘analyse thématique s‘attachant aux perceptions
générales de la Wicca a porté sur des décisions rendues au cours des trois dernières
décennies (1990 à 2010). La période est essentiellement la même pour ce qui touche le
contentieux judiciaire récent entourant la Wicca. Une ne recherche avancée de
jurisprudence a permis de constater qu‘aucune décision n‘impliquant spécifiquement de
Wiccains n‘avait été rendue dans les juridictions québécoises. Par la suite, il s‘est avéré
qu‘aucune des autres décisions recensées dans les diverses juridictions canadiennes n‘avait
été rendue par un tribunal d‘appel. Enfin, parmi une quinzaine de décisions pertinentes
rendues en première instance, trois ensembles de décisions ont été délimités et analysés
dans le droit canadien, à savoir les matières familiales, le droit criminel et les droits de la
personne.
3.0 La religion et le droit au Canada
Au chapitre précédent, nous avons vu de quelle manière divers lois et règlements régissent
les aspects de la vie des collectivités religieuses et spirituelles. Mais qu‘en est-il des
dispositions plus générales touchant l‘ensemble des personnes, y inclus en lien avec les
questions de croyance et de religion? Surtout, comment le droit canadien et les wiccains
évoluent-ils de part et d‘autre de la régulation étatique sur des questions qui les
confrontent? C‘est ce e nous chercherons à montrer à grands traits en commençant par
évoquer brièvement les normes à partir desquelles la dynamique d‘évolution se met en
branle.
128
De par l‘effort de délimitation de la liberté de religion – in concreto (Multani) - puis in abstracto en
référence aux « valeurs canadiennes fondamentales »Bruker c. Markovitz, [2007] 2 R.C.S 567.
101
3.0.1 Charte canadienne des droits et libertés
Depuis près de trente ans, l‘incontournable de la jurisprudence canadienne est la Loi
constitutionnelle de 1982, notamment la section de la Charte canadienne des droits et
libertés129
. Quelques éléments importants à mentionner en ce qui a trait aux religions et aux
minorités religieuses y trouvent. Comme le signalent Côté et Gunn : « The 1982 Charter of
Rights and Freedom established Canada‘s first written constitutional guarantees of
fundamental freedoms, including rights related to religion or belief, expression, association,
and equality. » (Côté et Gunn, 2005 : 695). Il importe donc de souligner certaines
dispositions dudit document.
En premier lieu, la Loi constitutionnelle de 1982 contient un préambule qui comprend,
outre la référence au droit, une mention de reconnaissance de la suprématie de Dieu :
« Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de
Dieu et la primauté du droit »
La formulation de ce préambule est empreinte d‘un lobbying efficace de la part de divers
groupes évangéliques chrétiens (Ogilvie, 2003, p. 105; Egerton, 2000, p. 104). L‘existence
même de ce préambule est néanmoins le fruit d‘une histoire tumultueuse qui s‘est déroulée
en 1980 et 1981. Initialement retiré par les libéraux de Trudeau, il a été réintégré dans la
version finale par ces mêmes libéraux (Egerton, 2000, p. 106). Selon Ogilvie, la référence à
Dieu était une tactique visant à garantir le soutien des Canadiens de l‘Ouest à la Loi
constitutionnelle (Olgivie, 2003, p. 105). Pour Egerton, les libéraux ont été motivés à
ajouter ce préambule pour des raisons politiques bien plus que par assentiment ou pour
céder à la pression de groupes évangéliques.
The constitutional reference to God had come as a result of political
calculation, not from any conversion on the part of Trudeau or the Liberals
to the philosophical or theological convictions expressed by Conservatives
such as Jack Epp and David Crombie, let alone the Evangelical Fellowship
of Canada. (Ergerton, 2000, p. 107)
129
Incluant l‘annexe B de la Loi de 1982, sur le Canada (R.U.) 1982, c.11 dans L.R.C. (1985) App II, no 44
102
Ce ton donné au préambule cède toutefois à la substance d‘un document séculier.
D‘ailleurs, deux articles de la Charte des droits et libertés offrent des garanties explicites
aux citoyens canadiens. L‘article 2a protège la liberté de conscience et de religion tandis
que l‘article 15130
, garantit l‘égalité et interdit la discrimination sous plusieurs motifs, dont
la religion.
Ces articles, qui garantissent notamment la liberté de conscience et de religion, sont assortis
d‘une clause générale de limitation131
. La jurisprudence de la Cour suprême du Canada en
ce qui a trait à la limitation de la liberté de conscience et de religion fait l‘objet de l‘article
de Côté et Gunn mentionné précédemment. Les auteurs constatent, entre autres, que le test
d‘Oakes132
, utilisé essentiellement pour déterminer s‘il y a violation des droits de la
130
La section 15 de la Charte concernant le droit à l‘égalité, se lit comme suit :
(1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même
protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des
discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les
déficiences mentales ou physiques.
(2) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire les lois, programmes ou activités destinés à
améliorer la situation d'individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine
nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences
mentales ou physiques.
131 La section 1 se lit comme suit :
La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne
peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la
justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. 132
Le test d‘Oakes est un test élaboré par le juge en chef Dickson durant le cas de R. c. Oakes, en 1986. Ce
test est appliqué lorsqu‘il y a démonstration que l‘une des provisions de la Charte a été violée. Le test est
encore utilisé aujourd‘hui mais avec quelques modifications. En voici les détails originaux :
1- Une prépondérance des probabilités doit être appliquée, car « la preuve hors de tout doute
raisonnable imposerait une charge trop lourde à la partie qui cherche à apporter une restriction à un
droit, puisque des concepts comme « le caractère raisonnable », « le caractère justifiable » et « une
société libre et démocratique » ne se prêtent pas à l‘application d‘une telle norme » R. c. Oakes,
[1986] 1 R.C.S. 103, 1986 IIJCan 46 (C.C.S.)
2- Pour établir qu‘une restriction est raisonnable et que sa justification peut se démontrer dans le
cadre d‘une société libre et démocratique, il faut satisfaire à deux critères fondamentaux :
a. L‘objectif que doivent servir les mesures qui apportent une restriction à un droit garanti par la
Charte doit être suffisamment important pour justifier la suppression d‘un droit ou d‘une liberté
garantis par la Constitution. La norme doit être sévère afin que les objectifs peu importants ou
contraires aux principes d‘une société libre et démocratique ne bénéficient pas d‘une protection. Il
faut à tout le moins qu‘un objectif se rapporte à des préoccupations sociales, urgentes et réelles dans
une société libre et démocratique, pour qu‘on puisse le qualifier de suffisamment important.
103
personne aux termes de la Charte de 1982, a été un instrument important pour ce qui est de
la décision en matière religieuse. Côté et Gunn rappellent également l‘inclusion d‘une
clause dérogatoire à la Charte de 1982, l‘article 33, lequel permet à la législature fédérale et
aux législatures provinciales de passer outre la protection des libertés fondamentales, y
compris la « liberté de conscience et de religion » (Côté et Gunn, 2005 : 695). En somme,
l‘exercice de la liberté de conscience et de religion peut être suspendu ou restreint par le
pouvoir public; il n‘est pas absolu.
Quelle est et quelle a été la portée de ces garanties? Qu‘augurent-elles pour la Wicca et les
wiccains? Trois décisions marquantes de la Cour suprême du Canada peuvent servir à un
balisage sommaire de la question aux fins de cadrer le contentieux des droits de la personne
pour ce qui touche éventuellement aux wiccains : Big M, Amselem et Singh Multani. La
première dans l‘ordre chronologique, Big M a explicitement fait référence à la nécessité de
protéger les minorités de la tyrannie de la majorité. Amselem jette les bases d‘une
conception subjective et personnelle de la croyance dans le traitement judiciaire. Quant à
Singh Multani, il s‘en dégage une approche pondérée relevée par une instance
internationale reconnue de promotion des droits de la personne (OSCE|BIDDH, 2007 ,
p.67.), laquelle permet de relativiser la controverse autour des « accommodements
raisonnables ».
La référence à ces décisions permet de camper les principes généraux dérivés de
l‘interprétation de la liberté de conscience et de religion, la portée de la liberté de
conscience et de religion ainsi que les développements advenus sur la question des
accommodements raisonnables. Sur le premier et le dernier point, il est admis que la portée
donnée à la Charte canadienne, sur les dispositions en cause, s‘étend à toutes les lois
b. En deuxième lieu, la partie qui invoque l‘article premier doit démontrer que les moyens choisis
sont raisonnables et que leur justification peut se démontrer. Cela nécessite l‘application d‘une sorte
de critère de proportionnalité qui comporte trois éléments importants.
i. Les mesures doivent être équitables et non arbitraires.
ii. Le moyen choisi doit être de nature à porter le moins possible atteinte au droit en
question.
iii. Il doit y avoir proportionnalité entre les effets de la mesure restrictive et l‘objectif
poursuivi (R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, 1986 IIJCan 46 (C.C.S.) ).
104
provinciales des droits de la personne faisant mention de la liberté fondamentale de
conscience et de religion (Lampron, 2011 : 6/6). Ce point est important puisque les
éléments de contentieux dont nous disposons se rapportent tous à l‘application de lois
provinciales.
3.0.2 Principes généraux
Au titre des principes généraux, on note que la liberté de religion protège autant les
convictions religieuses que le droit de les manifester (Lampron, 2011 : 6/7 en référence
notamment à Big M). Fait non dénué d‘intérêt, ce principe fut aussi affirmé dans le Renvoi
relatif aux conjoints de même sexe, 2004, loc. cit.. Il serait acquis à ce jour que la
conscience et la religion bénéficient d‘une co-protection (loc.cit.), s‘agissant des
expressions de la conscience individuelle (Amselem dans Lampron, 2011 : 6/8).
Par ailleurs, si Big M est constamment citée en raison de sa définition large de la liberté de
religion, Amselem ne l‘est pas moins pour ce qui est de circonscrire la conviction religieuse
protégée, au double critère de la religion personnelle et de la croyance sincère (Lampron,
2011 : 6/8). Les convictions religieuses sont affaire personnelle, de religion personnelle
(Lampron, 2011 : 6/9). Elles ont trait à l‘épanouissement spirituel et aux croyances
profondes. Elles sont ce que l‘individu considère être de sa spiritualité et de ses obligations
religieuses (Lampron, 2011 : 6/10). La croyance sincère est une croyance de bonne foi,
laquelle peut imposer à l‘individu une certaine obligation ou pratique (Lampron, 2011 :
6/12). Il n‘en reste pas moins une limite intrinsèque à la croyance ou au comportement
religieux protégés, à savoir qu‘outre de faire la preuve d‘une foi spirituelle et d‘une
croyance sincère, l‘individu doit démontrer « que l‘atteinte à ses convictions religieuses est
plus que « négligeable ou insignifiante » (Lampron, 2011 : 6/14).
Enfin, mentionnons que dans l‘arrêt Multani, rendu en 2006, la rhétorique de
l‘accommodement a été dans une certaine mesure intégrée dans le « processus de
justification d‘une atteinte à un autre droit ou liberté fondamental que le droit à l‘égalité »
Lampron, 2011 : 6/21-22). En théorie, ceci voudrait dire qu‘une institution devrait se
justifier davantage de porter atteinte à la liberté de religion, du moins que, dans les cas où
105
l‘institution cause atteinte à celle-ci, elle doive démontrer qu‘elle subit une contrainte
excessive Lampron, 2011 : 6/24).
3.1 Le contentieux entourant la Wicca dans la jurisprudence
canadienne
3.1.0 Le corpus de décisions
En tant que pratique de sorcellerie païenne, on trouve des références à la Wicca à dix-sept
reprises dans la jurisprudence canadienne depuis 1992 : Gay c. Kingston (1992); R. c.
Reddick (1996); R. c. Koehn (1998); Alberta (Director of Child Welfare) c. M.K.B. (1999);
R. c. McMurray (2000); W. (D.J.A.) c. T. (G.D.) (2000); Tall c. Queen (2005); Bolduc c.
Bolduc, (2006); Ontario Public Service Employees Union c. Ontario (Ministry of
Community and Social Services) (2006); M.O. c. K. J. (2007); Gill c. Red River
Cooperative Ltd. (2007); Wild c. Langara College and others (2009); Schumilas c. Porter-
Schumilas, (2009); Langara College(Re) (2010); MP c. Hôpital A (2010); Hayes c.
Vancouver Police Board and Other (2010); Dahlquist-Gray and another c. Hedley (No. 2)
(2012). Dans ces affaires, la Wicca n‘est pas toujours présentée de façon négative. Au
contraire, la Wicca semble être présentée sans plus d‘explication ou d‘élaboration et n‘est
pas d‘emblée associée à des conditions dangereuses.
Du corpus ci-haut délimité, huit décisions ont été retenues aux fins d‘analyse du
contentieux : quatre décisions en matière familiale, trois relatives à la législation des droits
de la personne et une en matière criminelle. Cette dernière cause, avec les deux domaines
de litige ci-indiqués, permet d‘appréhender l‘essentiel d‘une dynamique somme toute
récente et peu élaborée. Les justiciables sont des pratiquants wiccains directement
impliqués dans les recours et concernés par les décisions. Sur le plan jurisprudentiel, les
décisions n‘en sont que de première instance. Néanmoins, elles portent sur les mêmes
106
catégories d‘objets et ont été sélectionnées, puis analysées, dans la perspective d‘illustrer
les effets d‘institutionnalisation de part et d‘autre. 133
Outre ces décisions, il importe de mentionner Reference re : Section 293 of the Criminal
Code of Canada, 2011 BCSC 1588 (CanLII) en provenance de la Cour suprême de
Colombie-Britannique. Cette décision très médiatisée portait sur la polygamie. Le rapport
avec notre objet d‘études ressort du fait qu‘un prêtre wiccain, détenant une licence
provinciale pour exercer ses fonctions de prêtrise134
, Sam Wagar, de la CWABC
(Congregationalist Wiccan Association of British Columbia.), a été admis en tant que
témoin en Amicus Curiae afin d‘expliquer la position de la Wicca sur ce qu‘il est convenu
d‘appeler le « polyamour ». Nous y faisons d‘emblée brièvement référence avant que
d‘aborder un premier contentieux spécifique, celui en matière familiale. Le témoignage de
Wagar permet de documenter l‘expression d‘une certaine philosophie wiccaine sur la
question des rapports entre adultes consentants, dans le cadre protégé d‘une cour de justice,
mais dont il est fondé de penser qu‘elle puisse paraître osée à plusieurs. Sous la plume de
Wagar on peut lire ceci : « All acts of love and pleasure are acts of praise of the Goddess.
This specifically includes all non-coercive sexual orientations. » [464]. Le prêtre explique
ensuite que les diverses formes de sexualité entre adultes consentants sont vues comme
sacrées. Il ajoute que dans les communautés wiccaines et païennes cet aspect, jumelé avec
d‘autres principes tel que le Wiccan Rede, admet la présence de relations impliquant plus de
deux individus. Il émet par ailleurs l‘opinion que la proportion d‘individus pourvus de
« minority sexual tastes » y serait plus élevée que dans la population générale. [466]. Pour
autant, le prêtre se conformera à l‘interdit lui étant posé par la loi de marier plus de deux
personnes, sous peine de se voir retirer l‘autorisation de célébrer. Il écrit assumer
l‘obligation pratique qui lui est ainsi faite de ne pas pouvoir agir en concordance avec ses
croyances religieuses lorsqu‘il est approché par des personnes engagées dans une relation
polygame ou « polyamorous » [467].
133
Parmi les cas cités plus haut, quelques-uns d‘entre-eux ne seront pas retenu pour l‘analyse, par exemple
ceux de Gill c. Red River Cooperative Ltd. (2007) et Ontario Public Service Employees Union c. Ontario
(Ministry of Community and Social Services) (2006), la Wicca est mentionnée, soit en énumération parmi
d‘autres religions ou encore en tant que référence à des décorations d‘halloween. À noter que, parmi il n‘y en
a aucun provenant du Québec ou des provinces des maritimes. 134
C‘est-à-dire l‘autorisant d‘officier à des mariages selon le Marriage Act, R.S.B.C. 1996, c.282.
107
3.1.1 Droit des personnes et de la famille
En ces matières, la gestion publique du pluralisme religieux a énormément évolué avec
l‘avènement de la Charte canadienne des droits et libertés, ne serait-ce que par effet indirect
(Côté, 2001 : 109-110). De la fin des années 80 à celle des années 90, en gros, plusieurs
enjeux liés à la socialisation religieuse dans le cadre familial, ou extra-familial en cas de
séparation des conjoints, ont été portés jusqu‘au plus haut tribunal du pays. Invoquant les
garanties de la Charte, des parents (Témoins de Jéhovah) contestèrent avec succès diverses
restrictions faites de leurs droits d‘accès (Young c. Young, [1993] 4 RCS 3) ou ayant trait à
l‘éducation religieuse des enfants (S. (L.) c. S. (C.) [1997] 3 RCS 1003). Si ces deux
décisions paraissaient marquantes, du moins pour ce qui est des Témoins de Jéhovah, il
restait à savoir comment et jusqu‘à quel point elles l‘étaient dans le fin détail de la
dynamique des normes religieuses, familiales et étatiques.
Dans la foulée, deux spécialistes du droit civil québécois ont fait le point sur le contentieux
concernant le choix de la religion, l‘éducation et la pratique religieuse des enfants
(Landheer-Cieslak et Saris, 2003). De leur étude, on peut envisager une certaine
convergence entre le droit public canadien, la common law et le droit civil québécois autour
de la norme du meilleur intérêt de l‘enfant (2003 : 718). Il y est plus précisément évoqué le
fait que le pluralisme juridique serait contrôlé par le prisme de l‘intérêt de l‘enfant (2003 :
708). Aussi, nous y puiserons les quelques axes de compréhension et de comparaison du
contentieux en matière familiale entourant la Wicca, même si aucune décision n‘a pu être
recensée à jour au Québec. Essentiellement donc, le droit étatique dans son ensemble vise
d‘abord à protéger l‘enfant et à arbitrer les conflits entre parents/ex-conjoints (2003 : 707).
La protection de l‘enfant se dit de tout ce qui touche à son meilleur intérêt. Ceci inclut
l‘éducation et la pratique religieuse des mineurs. En dernière analyse, on retient que les
effets d‘une normativité religieuse, quelle qu‘elle soit, serait ou sera admise dans la mesure
où elle rejoint le meilleur intérêt de l‘enfant (2003 : 708). Pour autant, il n‘existe pas
d‘autonomie religieuse des collectivités religieuses; l‘autonomie religieuse, la liberté
religieuse, sont celles d‘individus (2003 : 706). Un autre point crucial est que le contrôle de
la normativité religieuse éventuellement exercé par le juge en est un portant sur les effets
108
des comportements parentaux sur les enfants. Il serait indirect en somme. Néanmoins, le
contrôle est redevable d‘une analyse concrète des situations en cause. Et règle générale,
l‘intervention sera justifiable de la part du juge étatique en autant qu‘un préjudice sur
l‘enfant puisse être caractérisé (2003 : 712). Ceci vaut-il lorsque des Wiccains sont
impliqués?
3.1.1.1 Le contentieux en matière familiale.
Quatre décisions ont été retenues pour analyse. L‘ensemble permet d‘appréhender le
traitement opéré de questions relatives aux droits de garde et d‘accès aux enfants suivant un
divorce ou une séparation des parents, ou encore celles du retrait de la garde d‘enfants,
autorisée par les lois de protection de la jeunesse et de la santé publique, d‘un milieu
familial jugé dangereux. Dans tous les cas, au moins un des parents est wiccain.
1- Gay c. Kingston [1992] A.J. 1171
Faits :
Dans cette affaire issue de l‘Alberta le requérant, un père, sollicite la levée des restrictions
d‘accès à l‘enfant. La mère s‘est vue confier la garde légale au procès. Son avocat objecte à
la demande sous trois motifs : a) de juridiction, puisque le père n‘a pas la garde de l‘enfant,
b) qu‘il ne serait pas dans le meilleur intérêt de l‘enfant que le père ait l‘accès à l‘enfant,
car, selon la mère, le père appartient à une religion non-orthodoxe et controversée c) les
motivations en cause, lesquelles ne seraient pas tant l‘accès à l‘enfant que de s‘assurer une
prise sur la mère. Enfin, pour le cas où l‘accès est accordé, qu‘il s‘agisse d‘un accès
supervisé en sorte que le père soit empêché d‘exposer l‘enfant à ses croyances religieuses.
Question posée :
Quel est le meilleur intérêt de l‘enfant?
Témoignages et arguments :
À l‘interrogatoire, le père a déclaré faire partie d‘un groupe de Wicca. Il nie avoir participé
à, ou avoir eu connaissance d‘actes susceptibles d‘être considérés controversés. Le père
109
décrit les éléments principaux de sa croyance et de sa pratique. Il fait ressortir la nature
polythéiste de sa croyance. Il procède à la description de quelques sorts de son usage,
lesquels, selon l‘interrogatoire. Le père poursuit sa description en soulignant le fait qu‘il ne
voue pas un culte à un diable ou à un « maître de l‘enfer », qu‘il n‘est pas engagé dans des
rituels sinistres ou inhabituels. Il déclare ne pas participer à des cérémonies religieuses à
grand déploiement. Au contraire, il affirme pratiquer à la maison, seul, et avoir recours à la
méditation pour « s‘améliorer » soi-même. Finalement, le père indique ne pas avoir
l‘intention d‘élever son fils dans sa croyance étant donné sa conviction à l‘effet que chaque
individu doit poursuivre sa propre foi. Ceci étant, il indique qu‘il ne répondra pas aux
questions de l‘enfant à ce sujet avant l‘âge de 12 ans. De l‘autre côté l‘avocat de la
répondante invoque la cause Boris c. Boris [1992] W.D.F.L. (1992) à titre de précédent
portant prohibition de discuter de religion avec l‘enfant. l. Ce précédent ferait autorité et
permettrait à la cour, il est avancé, d‘imposer une restriction semblable dans le cadre des
dispositions d‘accès.
Décision :
L‘objection portant sur la juridiction n‘est pas retenue. Si le père n‘est pas le gardien légal
de l‘enfant tel que défini dans le Domestic Relations Act, R.S.A.1980, C -37, le juge ne voit
dans la loi un aspect qui restreigne le père d‘avoir accès à l‘enfant.
Lee droit d‘accès est accordé au père. Ce qu‘il a vu et entendu porte le juge à conclure, en
référence notamment à l‘usage de sorts pratiqué par le père, que cela ne diffère pas
tellement des prières et des rituels de groupes religieux conventionnels. Le juge se pose
alors la question de savoir si les croyances en cause seraient tellement différentes de la foi
hindoue ou encore de diverses croyances des amérindiens.
Selon le juge, le fait que le père appartient à une religion non-orthodoxe n‘est pas contraire
aux intérêts de l‘enfant. Sur ce dernier point, le juge écrit que la défenderesse n‘amène
aucune preuve susceptible d‘étayer un risque ou un préjudice encouru par l‘enfant. Il relève
que la mère entretient une perception très négative face à la croyance en la Wicca. Il note
également que la défenderesse n‘a fait montre d‘aucune connaissance particulière en ce qui
110
concerne la Wicca. Sur cette base, le juge avance ne pas pouvoir tirer de conclusions face
aux croyances du père.
Le juge n‘accepte pas l‘idée qu‘il soit contraire au meilleur intérêt d‘un enfant d‘avoir des
contacts avec un père détenant les croyances religieuses décrites.
Le juge perçoit la mère comme étant surprotectrice. Il dénote de l‘hostilité dans son
attitude, sans qu‘elle vise vraiment le père. D‘un autre côté, il ne perçoit pas d‘hostilité de
la part du père envers la mère. En l‘absence de preuve lui ayant été présentée à cet effet, il
écrit devoir rejeter comme non fondé l‘argument suivant lequel le père chercherait l‘accès
pour des motifs non honorables.
En ce qui concerne les restrictions à l‘accès, le juge mentionne qu‘aucune preuve n‘a été
faite que le père n‘était pas un bon parent. Il indique donc qu‘il n‘y avait aucune raison
pour que l‘accès soit supervisé.
Pour les mêmes raisons ayant trait à la preuve, le juge ne voit pas la nécessité d‘accéder à
demande du parent gardien de prévoir un accès supervisé dans le cas de l‘autre parent.
À propos de l‘empêchement de parler de religion, le juge souligne encore qu‘une telle
injonction peut n‘être justifiable que si elle s‘impose dans le meilleur intérêt de l‘enfant, ce
qui n‘est pas le cas en l‘instance. Il ajoute que le test précité ne sert pas à établir si les
croyances du père sont approuvées par l‘autre parent ou par la cour. Il relève sur ce point
d‘autres décisions citées par la défenderesse, telle Moseley c. Moseley (1989), comme allant
à l‘encontre de l‘article 2a de la Charte canadienne des droits et libertés. Enfin, il en réfère
à la définition large de la liberté de croyance et de religion donnée par la Cour Suprême du
Canada dans R. c. Big M Drug Mart Ltd. (1985), 18 C.C.C. (3d) 385.
En conclusion, le juge écrit : « The applicant in this matter will not be restrained from
discussing his religion with the child or exposing him to his religious practice. As discussed
above, I cannot find that it is contrary to the child's interests in any way to be exposed to
the type of beliefs and practices described in the evidence. »
2- Alberta (Director of Child Welfare) c. M.K.B., 1999 ABPC 30 (CanLII).
111
Faits :
Un recours est intenté par la direction de la protection de la jeunesse en retrait permanent de
la garde visant deux enfants âgés respectivement de 8 et de 5 ans et demi.
Des allégations de comportement sexuel inapproprié sur la personne des enfants ont été
portées par la travailleuse sociale contre la mère et son mari. Ce dernier n‘est pas le père
biologique des enfants.
Les parents soutiennent de leur côté que le directeur de la protection a failli à sa mission
d‘assistance prescrite par loi en refusant de fournir au couple les ressources adéquates. Les
pères biologiques des enfants ne sont pas dans l‘environnement et ne contribuent pas à leur
bien-être ou à leur éducation.
Question posée :
Le juge doit déterminer si les enfants ont besoin de protection au sens de la loi. Il doit
également déterminer la mesure dans laquelle la garde temporaire ou permanente des
enfants par les parents est envisageable et ce, de façon sécuritaire.
Témoignages et arguments :
Depuis 1992, les enfants ont été portés à l‘attention du service de protection de la jeunesse.
Les signalements étaient reliés à la négligence, à des abus physiques et au chantage émotif
de la part de la mère. En 1995, une entente de soutien a été dressée entre la mère et le
Département de la famille et des services sociaux. Dans cette entente, le service convient de
mesures pour aider la famille, tout spécialement la mère et son nouveau mari, à prendre
soin des enfants. Même avec le soutien du service, la mère a de la difficulté à jongler avec
les exigences de la famille et du travail. De plus, le fils a été diagnostiqué d‘un trouble de
l‘attention. La mère perçoit elle-même qu‘elle peut être un danger pour ses enfants. Les
enfants sont pris en charge par une famille d‘accueil.
112
Plusieurs exemples de négligences et d‘abus ont été présentés en cour par divers témoins
experts, des travailleurs sociaux, la famille d‘accueil, les parents eux-mêmes et d‘autres
intervenants.
Un seul petit paragraphe fait mention de la Wicca, laquelle survient dans le cadre du
témoignage de la mère. La mère indique qu‘elle est wiccaine et souligne que les enfants
n‘ont participé qu‘à un rituel de lumière, qu‘ils ont aimé. Elle n‘émet aucune inquiétude
quant à des dommages éventuels découlant de sa pratique du paganisme, que cela soit avec
ou sans les enfants. Le juge relève que la cour n‘a pas eu de preuve en ce qui concerne les
pratiques spirituelles de la Wicca, la sorcellerie ou le paganisme qui pourrait l‘amener à
croire que les enfants sont en danger à cause de ces pratiques.
Décision
En ce qui concerne le besoin de protection :
Le juge relève que la cour n‘a pas eu de preuve en ce qui concerne les pratiques spirituelles
de la Wicca, la sorcellerie ou le paganisme qui pourrait l‘amener à croire que les enfants
sont en danger à cause de ces pratiques. Par ailleurs, les preuves concernant la détresse
émotionnelle et psychologique des enfants sont jugées très convaincantes. Le juge
considère que le fait que le beau-père prenne son bain avec les enfants (âgés de 6 et 3 ans et
demi) et ce, en dépit d‘un historique d‘abus sexuels, constitue une preuve d‘irresponsabilité
et d‘immoralité de sa part. Le beau-père pourrait ne pas être aussi innocent qu‘il le prétend.
De plus, le manque de supervision exercé par les parents, les pratiques parentales (ex :
brûler le doigt pour montrer que c‘est dangereux de jouer avec le feu), le caractère
colérique du beau-père et l‘état émotionnel de la mère contribuent à la mauvaise perception
qu‘a le juge face au couple.
Le juge pense que les enfants sont à risque. Après l‘analyse de la preuve et des
circonstances, le juge considère que les parents ne sont pas aptes à prendre soin des enfants.
L‘insensibilité et le peu de considération témoigné par le couple eu égard aux abus vécus
par les enfants amènent le juge à penser que les enfants ne feront qu‘entretenir le rôle de
victimes pour le reste de leur vie. Par conséquent, le juge trouve que les parents sont
113
incompétents et ne peuvent prendre soin des enfants, et ce malgré la thérapie continue
suivie par eux. Les enfants ne peuvent donc pas retourner aux parents dans l‘immédiat.
En ce qui concerne la garde temporaire ou permanent des enfants :
À la lumière de tout ce qui a été présenté sans compter l‘indifférence du couple face aux
commentaires émis par les témoins, le juge est d‘avis que les enfants sont entre de
meilleures mains s‘ils restent dans la famille d‘accueil. Il ne voit aucun bénéfice pour les
enfants, même un risque pour eux si les parents se voient accorder l‘accès. Il se dit
conscient de la détresse émotionnelle susceptible d‘être causée aux parents par la décision,
mais il cherche ce qui est pour le meilleur intérêt des enfants.
Les parents perdent la garde.
Rien d‘autre n‘est mentionné au sujet de leurs croyances ou pratiques spirituelles.
3- W. (D.J.A.) c. T. (G.D.), 2000 SKQB 388 (CanLII),
Faits :
Dans cette cause en provenance de la Saskatchewan, des parents de jumeaux âgés de cinq
ans et demi au moment de la séparation sollicitent tous deux d‘être le foyer permanent des
enfants. Ces derniers ont habité avec la mère depuis leur naissance jusqu‘en avril 2010. La
mère, 26 ans, travaille dans le domaine de la restauration rapide pour suppléer à l‘assistance
sociale. Au moment de l‘affaire, elle vivait avec un conjoint de fait. Le père, 26 ans, est
assistant gérant dans la compagnie familiale. Il s‘est marié avec une femme éducatrice
spécialisée pour enfants, laquelle était déjà mère d‘un enfant autiste de 4 ans.
En mai 2000, le père introduit une demande à l‘effet de voir désigner sa demeure comme
résidence principale des enfants. Il fait valoir que sa maison est grande et peut facilement
accommoder les enfants. Sur ordre intérimaire, le tribunal lui accorde le statut de résidence
principale en attendant le jugement. Toutefois, considérant les difficultés entre les parties,
114
le statut quo est maintenu. Les enfants devaient rester avec la mère en attendant le
jugement.
Question posée :
La cour doit statuer sur le meilleur intérêt des enfants et déterminer les modalités de la
garde.
Témoignages et arguments :
Dans sa requête, l‘avocat du père fait état de craintes nourries par ce dernier à l‘endroit du
conjoint actuel de la mère des enfants. Il est fait mention de ce que le couple reconstitué
encourage et soutient les enfants sur tous les plans. Par ailleurs, le père dit jouir de liens
familiaux étendus, et prévoir être le gestionnaire principal de l‘entreprise lorsque son
grand-père prendra sa retraite.
Plusieurs arrangements ont été convenus entre les parents à divers moments depuis la
séparation. Ils ont porté tant sur les questions de garde partagée, de soutien parental
mensuel que d‘éducation des enfants. Avec la perspective du déménagement de la mère
pour un travail dans une autre ville, les difficultés entre les parents se sont accrues.
Le tribunal a fait préparer un rapport d‘expertise. La psychologue devait établir le besoin
des enfants et dessiner un portrait du père, de la mère, et du conjoint de fait de la mère.
Dans son rapport, la psychologue émet des réserves à l‘endroit du comportement du
conjoint de la mère. Le conjoint disciplinerait les enfants en administrant notamment la
fessée. La mère déclare être intervenue auprès de lui, suite à quoi ce dernier aurait modifié
son comportement. La psychologue rapporte des instances de violence verbale à effet
négatif sur les enfants. Le dit conjoint a suivi une formation d‘une journée portant sur la
gestion de la colère et prévoit en suivre une autre d‘un durée de cinq jours. La psychologue
indique qu‘il a beaucoup à apprendre en ce qui a trait à l‘éducation des enfants. D‘autres
témoignages portant allégation d‘abus psychologiques de sa part ont été entendus.
115
Incidemment, c‘est dans le rapport d‘expertise concernant cette fois la mère qu‘une
référence est faite à son appartenance religieuse (la Wicca). Au bénéfice de la cour,
l‘experte remet un document décrivant les croyances générales de la Wicca. La
psychologue mentionne que les enfants sont néanmoins exposés aux notions du
christianisme malgré le fait que la mère soit wiccaine. Les enfants savent qu‘elle est
wiccaine, mais ne seraient pas impliqués dans la pratique. La mère s‘est dite d‘avis qu‘une
connaissance de base du christianisme sera utile aux enfants afin qu‘ils puissent faire leur
propre choix en temps opportun.
Décision
En ce qui concerne la résidence primaire :
En prenant en compte tous les éléments présentés, le juge décide que la résidence primaire
serait avec le père. Il est d‘avis que le comportement agressif et abusif du conjoint de la
mère est néfaste pour les enfants. Selon le juge, il n‘y a pas de risque d‘abus à la résidence
du père.
En ce qui concerne la garde :
Les parents auront la garde partagée tel que convenu aux ententes précédentes.
En ce qui concerne l’accès :
Puisqu‘aucun accord sur les modalités d‘accès n‘est intervenu entre les parents, le juge
décide d‘accorder l‘accès spécifique à la mère. Par conséquent, l‘accès aux visites est divisé
entre les parents, avec alternance quant aux fêtes religieuses telles que Pâques et Noël.
Aucune mention n‘est faite à la Wicca.
En ce qui concerne le soutien parental :
116
Le père accepte de ne pas recevoir un montant pour le soutien parental de la part de la
mère. Le juge mentionne qu‘il gagne un revenu confortable lui permettant de couvrir les
frais.
4- Bolduc c. Bolduc, 2006CANLII28099 (C.S.ON)
Faits :
Monsieur est ontarien et Madame, d‘origine cubaine. Ils se sont rencontrés et mariés à
Cuba en 1998. En 1999, Madame vint rejoindre son mari en Ontario. Tout allait bien du
côté financier. En raison des nombreux voyages exigés par son travail, Monsieur a quitté
son emploi en 2002. En 2003, le couple fait l‘acquisition d‘une maison en prévision de la
naissance de leur fille. Monsieur décide de s‘inscrire à des cours à l‘université à temps
partiel. Il indique qu‘il aimerait poursuivre ses études à temps plein alors que Madame
s‘attendrait à ce qu‘il retourne au travail à temps plein.
Après la naissance de l‘enfant, la mère est diagnostiquée d‘une dépression post-partum. Qui
plus est l‘enfant, affectée d‘allergies multiples et de problèmes respiratoires, requiert des
soins attentifs. Le couple vit des difficultés financières du fait que pour diverses raisons,
Monsieur n‘est pas parvenu à retrouver du travail. De son côté, Madame se voit dans
l‘obligation de reprendre le travail dans un magasin de grande surface pour pallier au
manque de ressources financières. Monsieur suit des cours à distance depuis le foyer et
s‘occupe de l‘enfant. Suite à la vente de la maison, le couple va vivre temporairement avec
la famille de Monsieur. La mère continue son emploi, lequel l‘amène loin du foyer familial.
Finalement, en 2004, Madame reçoit un avis de divorce. Son état psychologique s‘aggrave.
En octobre 2004, une garde par intérim fût octroyée au père, la mère se voyant accorder le
droit d‘accès à la fillette à raison de deux jours semaine de son choix. Le père devra
s‘occuper de véhiculer l‘enfant. En janvier 2005, la mère reçoit l‘ordonnance de verser une
pension alimentaire pour l‘enfant. Le climat continue de se détériorer entre les parents
malgré la séparation.
Questions posées :
117
La cour doit déterminer à qui elle doit confier les droits de garde. En plus, elle doit régler la
question du droit d‘accès dans le meilleur intérêt de l‘enfant.
Incidemment, la cour doit se poser la question du partage des frais de déplacement pour
l‘accès à l‘enfant puisque les parents vivent éloignés de près de 200 km.
Témoignages et arguments :
Le rapport de la représentante du Office of The Children » s Lawyer recommande que
chacun des parents ait la garde partagée, la résidence primaire étant celle du père. Dans son
rapport, elle relève que les parents ne s‘entendent pas sur plusieurs points, entre autres la
nutrition, la religion, les besoins médicaux et émotionnels de l‘enfant.
Décision
En ce qui concerne la garde partagée :
Le juge dit douter que la garde partagée fonctionne en l‘instance, un droit partagé effectif
nécessitant le respect entre les parents. Il constate trop de différences entre les parents,
principalement sur les questions de religion, d‘éducation et de soin médicaux. Parmi ses
commentaires, le juge note que Monsieur n‘est pas convaincu de la stabilité émotive de
Madame en dépit de l‘aide qu‘elle a trouvée et des efforts fournis par elle pour maintenir un
emploi et payer la pension alimentaire. Il relève que le père est réticent face aux pratiques
religieuses de Madame (la Wicca). Durant l‘interrogatoire, Madame a indiqué vouloir la
meilleure éducation possible pour sa fille, même si cela était dans une école catholique. Le
juge écrit avoir perçu un manque de sincérité dans le ton de sa voix et dans sa façon de
s‘exprimer. Il est d‘avis que les questions d‘éducation religieuse et d‘éducation de l‘enfant,
en général, poseront problème entre les parents.
Le juge écrit également avoir perçu une certaine animosité de la mère envers le père et
envers les parents de ce dernier. Le juge remarque avoir noté une instabilité de l‘état de la
mère dans ses sautes d‘humeur lors du contre-interrogatoire. Il en réfère également à son
langage comme à la marque d‘un tempérament bouillant.
118
L‘environnement du père et les soins prodigués par lui à sa fille sont relevés par le juge. Par
ailleurs, il voit dans les déménagements constants de la mère depuis le divorce, et dans le
fait qu‘elle ne tente pas de trouver un emploi plus proche de sa fille, le signe que les soins
qu‘elle pourrait prodiguer à l‘enfant sont incertains.
En vue des divers éléments, le juge décide d‘octroyer la garde au père et désigne la
résidence de ce dernier comme la résidence primaire de l‘enfant.
En ce qui concerne l’accès :
Le juge est impressionné par le fait que la mère reconnaisse qu‘il est dans le meilleur intérêt
de sa fille de rester chez son père. Prenant en compte les déplacements de la mère, le juge
ordonne une division du temps d‘accès au courant de l‘année avec une note faisant
référence à l‘appartenance religieuse du père. « Because her father and his parents wish to
raise her in the Catholic faith, Avienda shall spend every Easter weekend (including Good
Friday) with her father, even if it falls on a weekend for which the mother is entitled to
access. » [76]
En ce qui concerne les frais de transports pour l’accès :
Le juge décide que les dépenses du transport pour les visites seront divisées entre les deux
parents.
En ce qui concerne le soutien parental :
Le juge maintient que la mère doit payer le soutien parental, y inclus les arrérages.
Le juge ne fait aucune autre mention quant à l‘éducation religieuse de l‘enfant.
3.1.1.2 Analyse
À la lumière de l‘ensemble de ces décisions en matière familiale, nous remarquons que la
Wicca ne semble pas être un facteur déterminant dans la décision d‘accorder ou non à un
parent wiccain la garde et/ou l‘accès à leurs enfants. En général, il semble que la question
119
de la sécurité des enfants soit l‘une des préoccupations principales dans la prise de décision
du juge.
Dans le cas Gay c. Kingston, le père, qui est wiccain, s‘adresse au tribunal afin d‘avoir
accès à son enfant et ce, même s‘il en n‘a pas la garde légale. Dans son témoignage, il
donne une explication sur la Wicca et ses pratiques à la satisfaction du juge. La question
des dangers potentiels soulevés par la répondante est jugée non fondée et par conséquent
l‘accès est accordé au père.
Cet élément de danger associé à la Wicca est également mis de côté par le juge L.T.L.
Cook-Stanhope qui a déclaré, du moins en ce qui a trait aux faits en cause dans l‘affaire
Alberta (Director of Child Welfare) c. M.K.B., que la Wicca ne semble pas poser un danger
pour l‘environnement des enfants.
[202] Addressing concerns that Mrs. B. is a pagan and that her children
participate in pagan rituals, Mrs. B. indicated that the children were involved
in only one pagan ritual involving "light", and that they had been excited and
happy with it. She voiced no concerns about the possibility of anything
damaging arising from her practise of paganism with or without her children.
This court heard no evidence about spiritual practises concerning Wicca,
witchcraft or paganism which would lead to any conclusions that the F.
children were endangered by the same in the care of the parents.135
Il est intéressant de noter ici l‘association faite entre la Wicca, la sorcellerie et le
paganisme. Est-il possible que lorsqu‘elle est associée au paganisme, la sorcellerie perde
ses attributs négatifs? Là où la sorcellerie évoque initialement une notion péjorative, le
paganisme semble en être dépourvu. Par conséquent, l‘association du paganisme à la
sorcellerie pourrait alors soustraire une partie de ses attributs négatifs. Il est également
possible que, puisque cette affaire a été jugée en 1999, la perception de la Wicca ait évolué
vers quelque chose de positif, ou tout au plus vers quelque chose de moins menaçant136
.
Manifestement, le fait que le juge mentionne que la cour ne voit pas là un danger démontre
135
Alberta (Director of Child Welfare) c. M.K.B., 1999 ABPC 30 (CanLII). 136
Cet aspect chronologique est abordé dans la partie suivante concernant l‘évolution du concept de sorcière.
120
soit l‘innocuité de la pratique de la mère, soit l‘absence de considération de l‘appartenance
religieuse de l‘autre partie comme facteur significatif dans le choix de la garde parentale.
En 2000, dans W. (D.J.A.) c. T. (G.D.), la mère des enfants est également wiccaine. Dans
un paragraphe rédigé à titre d‘experte-conseil en psychologie de la Cour, madame Linda
Tholl donne une courte explication quant à la croyance et aux pratiques de la mère ainsi
qu‘au sujet de l‘exposition des enfants à cette croyance. Son rapport mentionne en outre le
fait que la mère est consciente des stéréotypes négatifs associés à l‘identité de sorcière,
d‘où la raison pour laquelle elle ne se dévoile pas en tant que telle en public. Madame Tholl
précise également avoir fait des recherches sur ce sujet et conclut qu‘aucun danger n‘est
associé à la Wicca. Elle a également ajouté en annexe une bibliographie sur la Wicca pour
le bénéfice de la cour137
.
Ce qui est intéressant dans l‘affaire Gay c. Kingston est le fait que le père mentionne qu‘il
n‘exposera pas son enfant à sa croyance avant au moins l‘âge de 12 ans, afin qu‘il
comprennent et soit en mesure de faire son propre choix, alors que le juge lui en donne la
permission. La position du père est commune parmi les parents wiccains rencontrés sur le
terrain. D‘ailleurs, la mère dans le cas W. (D.J.A.) c. T. (G.D.), exprime cette même
position. À la différence du père dans Gay c. Kingston, nous sommes informés que la mère
dans ce cas-ci éduque ses enfants à propos des autres religions, ce qui comprend la religion
catholique. Elle explique que ceci est dans le but qu‘ils aient les notions de base afin de
faire leur propre choix plus tard. Cette idée de ne pas imposer un cheminement religieux à
l‘enfant est un des éléments internes propre à la Wicca. L‘idée derrière ceci est que tout
individu est libre de déterminer sa propre voie spirituelle et religieuse. L‘imposition de sa
croyance sur un autre individu n‘est pas acceptée dans le milieu wiccain. Le prosélytisme
ne fait pas partie des pratiques. De point de vue wiccain, la Wicca n‘est pas pour tout le
monde. Pour eux, chaque individu y arrive en découvrant leur propre voie. Une des idées
derrière cela, est le fait que selon eux, il ne faut pas imposer sa volonté sur une autre
personne. De ce fait en découle l‘idée qu‘il ne faut pas imposer sa religion sur une autre
personne. Ceci m‘a été mentionné à plusieurs reprises sur le terrain. C‘est cette position qui
137
W. (D.J.A.) c. T. (G.D.), 2000 SKQB 388 (CanLII), [7] paragraphe 4.
121
se reflète dans l‘attitude des parents wiccains dans l‘affaire Gay c. Kingston et l‘affaire W.
(D.J.A.) c. T. (G.D.),
L‘affaire Bolduc c. Bolduc de 2006 CanLII 28099 (ON C.S.) [paragraphe 53], représente
enfin une instance de normalisation de la Wicca dans la jurisprudence. Il y est fait
notamment mention du fait que madame est une sorcière de la « foi » Wicca (Wicca
faith)138
. Le simple fait d‘une association entre les termes « Wicca » et « Faith » tend à
traduire une évolution au niveau des représentations. L‘utilisation du terme « foi » pourrait
signaler que, en dix ans, il s‘est opéré un changement notable dans la perception de la
pratique de la Wicca au sein de la population ainsi qu‘au sein du milieu judiciaire. La
Wicca, autrefois perçue comme une simple pratique d‘art mystique, est devenu une
croyance. Bien que le terme « foi » ne soit pas nécessairement approprié pour décrire la
Wicca, il exprime néanmoins une forme d‘assimilation de ses croyances et pratiques à
l‘univers religieux.
3.1.2 Code criminel
Sous la partie IX : « Infractions contre les droits de propriété », il est stipulé à l‘article 365
(modifié en 1985) :
365. Affecter de pratiquer la magie, etc. — Est coupable d‘une infraction
punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire
quiconque frauduleusement, selon le cas :
a) affecte d‘exercer ou d‘employer quelque magie, sorcellerie,
enchantement ou conjuration;
b) entreprend, moyennant contrepartie, de dire la bonne aventure;
c) affecte par son habileté dans quelque science occulte ou magique, ou
par ses connaissances d‘une telle science, de pouvoir découvrir où et
comment peut être retrouvée une chose supposée avoir été volée ou
perdue.
138
Bolduc c. Bolduc, 2006 CanLII, 28099 (ON C.S.) [paragraphe 53].
122
Le titre de la partie et l‘économie générale de la disposition signalent qu‘à toutes fins
pratiques, c‘est la fraude et non la sorcellerie et la magie qui sont visés. On ne note aucune
poursuite spécifique sous a) au Canada.
3.1.2.1 Une cause en la matière
Le cas suivant en est un où il n‘est pas clair que l‘individu lui-même soit wiccain, mais il
est certain que la littérature portant sur la Wicca a été utilisée par lui afin de perpétrer les
divers actes criminels, notamment l‘abus sexuel sur des mineurs.
R c. McMurray, 2000 O.J. No. 1717
Faits :
Un Ontarien condamné en 1990 sous cinq chefs d‘accusation d‘agression sexuelle répétée
s‘étendant sur une période d‘un an sur la personne de mineurs âgés entre 14 et 16 ans au
moment des faits. K. M., lui-même âgé de 26 ans à l‘époque, a plaidé coupable aux cinq
chefs.
Questions posées :
La cour doit déterminer quelle est la sentence à imposer.
La cour doit également évaluer quel est le risque posé par le prévenu. Selon ce risque, une
demande sera faite à l‘effet de faire déclarer M. un délinquant à contrôler (partie XXIV,
art.752ss CC).
Procédure :
En représentation sur sentence, une suggestion commune est faite par les parties à l‘effet
d‘imposer une peine de 4 ans d‘emprisonnement en considération des facteurs aggravants
de l‘affaire.
123
Fait inhabituel, deux témoins (victimes) ont été entendus en preuve en dépit du plaidoyer de
culpabilité. Le juge écrit avoir pu se faire lui-même une opinion sur les faits entendus plutôt
que de s‘en être remis aux seules représentations des avocats.
Le juge écrit avoir l‘intention de suivre la recommandation des parties au sujet de la peine à
imposer. Il en explique les raisons du fait de l‘impact sur les jeunes victimes. Il réfère
longuement, en particulier, à l‘impact sur une des victimes mis en preuve devant lui.
Décision :
« Therefore on the basis of those findings I find that this accused was a drug trafficker, a
predator, a child molester, a bully, a coward, and cunning, conniving, manipulating
individual, driven by his perverted lust for young boys. I find that he was totally self-
absorbed. »
M. est condamné à une peine de quatre ans d’emprisonnement.
À l‘appui de la peine prononcée, le juge évoque pas moins de sept circonstances
aggravantes : l‘impact sur les jeunes hommes, l‘âge des victimes, le caractère sexuel des
offenses, le motif d‘auto-gratification, l‘absence de remords ou de compassion manifesté
par le prévenu, la manipulation dont il a usé et enfin la violence avec laquelle il a commis
ses actes.
M. se voit également désigner délinquant à contrôler.
Du témoignage d‘une des victimes, auquel réfère par le juge, il ressort entre autres que
l‘accusé avait utilisé certains passages de livres sur la Wicca comme moyen de contraindre
à des rapports sexuels au prétexte de l‘augmentation des niveaux d‘énergie disponible pour
les sorts. Pour autant, si à un moment le juge qualifie les faits dont il a connaissance de
preuves de la commission d‘actes diaboliques (par. 3), à aucun moment il ne fera référence
à la Wicca dans sa décision.
124
3.1.2.2 Analyse
L‘affaire est intéressante du fait que, en aucun moment, M. soit identifié comme étant
wiccain. Malgré ce fait, la littérature qu‘il a utilisée pour perpétrer ses actes criminels était
des ouvrages sur la Wicca. Il est exact que la Wicca est très permissive en ce qui a trait aux
actes sexuels et explicite au sujet de l‘énergie magique qui en résulte, mais c‘est
habituellement entre adultes consentants et dans un contexte particulier de rituels.
Cette affaire a été portée à notre attention, en cours de terrain. À quelques reprises, des
avertissements ont été émis par divers membres de la communauté païenne de Montréal et
d‘ailleurs à l‘endroit des individus qui usurpaient l‘identité wiccaine afin de tirer profit de
la situation de pouvoir que cela leur donnait. Ces avertissements étaient faits par
l‘entremise de divers médiums, entre autres, de groupes de discussions. De l‘avis de
plusieurs, ces individus annonçaient qu‘ils formaient ou faisaient partie d‘un coven qui
recherchait des prêtres et prêtresses. Ils mettaient l‘emphase sur la pratique magique
sexuelle. Des mises en garde sont lancées contre ces individus qui usent de leur position de
pouvoir et de contrôle pour forcer les membres de leur groupe à des relations ou des actes
sexuelles non consentants. On signale que des cas comme celui de M., qui implique des
mineurs, abuse du coup non seulement les victimes, mais également la communauté
wiccaine qu‘ils représentent ou feignent de représenter. Par conséquent nous avons vu
apparaître, à divers moment et dans les divers médiums de communication communautaires
à l‘époque, des appels à la prudence et des avertissements contre des comportements ne
respectant pas l‘éthique païenne et wiccaine. Divers suggestions sont alors amenées afin de
pouvoir déceler une situation potentiellement dangereuse, que cela soit face à la sexualité
ou encore face à l‘abus de pouvoir en soi. Avec la présence accrue de pratiquants solitaires
depuis les années 1990, davantage d‘individus se recherchent un coven auquel appartenir,
qu‘il soit d‘une lignée traditionnelle ou non. La nature ouverte, non-hiérarchique et
décentralisée de la Wicca donne l‘occasion à certains individus d‘exploiter le milieu. Par
conséquent, en réponses à ces abuseurs, tel que M., les communautés, les organismes et les
125
individus païens se mobilisent en lançant ces messages d‘alertes et conseils sans toutefois
imposer leur volonté139
.
Pour clore l‘examen du contentieux relié d‘une manière ou d‘une autre à des adeptes de la
Wicca, il nous reste à aborder un petit groupe de décisions récentes découlant de recours
exercés par des Wiccains portant sur des allégations de discrimination à leur endroit.
3.1.3 Les droits de la personne
Quelle est et quelle a été la portée des garanties offertes par la Charte? En ce qui touche
éventuellement aux Wiccains, trois décisions marquantes de la Cour suprême du Canada
peuvent servir à un balisage sommaire de la question aux fins de cadrer le contentieux des
droits de la personne : Big M, Amselem et Singh Multani. La référence à ces décisions
permet de camper les principes généraux dérivés de l‘interprétation de la liberté de
conscience et de religion, la portée de la liberté de conscience et de religion ainsi que les
développements advenus sur la question des accommodements raisonnables. Sur le premier
et le dernier point, il est admis que la portée donnée à la Charte canadienne, sur les
dispositions en cause, s‘étend à toutes les lois provinciales des droits de la personne faisant
mention de la liberté fondamentale de conscience et de religion (Lampron, 2011 : 6/6). Ce
point est important puisque les éléments de contentieux dont nous disposons se rapportent
tous à l‘application de lois provinciales.
3.1.3.1 Le contentieux en matière de droits de la personne
Il s‘avère important de regarder les décisions en matière des droits de la personne en ce qui
concerne principalement la discrimination portant sur la religion. L‘une des préoccupations
des wiccains sur le terrain est la discrimination en raison de leur appartenance religieuse.
Dans ces cas, le juge doit déterminer s‘il y a discrimination ou non.
1- Wild c. Langara College and others (2009) BCHRT (CANLII)
139
Des articles tel que celle fait par Patti Wigington, une grande-prêtresse de l‘Ohio a écrit sur le site de
About.com : Patti Wigington, http://paganwiccan.about.com/
http://paganwiccan.about.com/od/wiccanandpaganrituals/a/Warning_Signs.htm.
126
Faits :
Sally Wild, une femme âgée de 24 ans, dépose une plainte contre Langara College, un
établissement d‘enseignement du niveau collégial, professionnel et universitaire (deux
premières années), pour discrimination au motif de ses croyances. Wild est wiccaine.
La plaignante dépose également une demande de divulgation et demande d‘avoir
l‘opportunité de faire d‘autres soumissions dans l‘avenir contre le collège.
Les représentants du collège demandent à ce que la plainte soit rejetée.
Question posée :
Est-ce qu‘il y a eu discrimination?
Témoignages et arguments :
Sally Wild, laquelle déclare être wiccaine depuis 10 ans, s‘est inscrite dans un programme
d‘« Integrative Energy Healing Certificate » au sein du collège. Les cours sont dispensés
dans un lieu de retraite. Un formulaire de consentement et de renonciation a été complété
par Wild au début du programme, signalant les conditions du cours et prévoyant la
déclaration des problèmes et conditions médicales des personnes désireuses de s‘inscrire.
Rien n‘est porté au formulaire par Madame sous cette rubrique.
Au tribunal, Wild avance que lors de la première retraite, une des professeures aurait tenu
des propos inappropriés au sujet des sorcières. Par ailleurs, durant son séjour au collège,
plusieurs instructeurs émettent des inquiétudes face au comportement de Wild, entre autres,
vocabulaire inapproprié, comportements bruyants et dérangeants, émission de
commentaires à l‘effet qu‘elle procèderait à de l‘auto-mutilation, et non-conformité au
Code d‘éthique du collège. Invoquant de craintes pour sa sécurité et celles des autres, le
directeur décide de la retirer du programme.
Après une enquête interne par le collège, Wild est réadmise au programme. Quelques mois
plus tard, elle porte plainte, alléguant que le collège et deux de ses instructrices eu des
127
comportements discriminatoires à son égard en matière de services, au motif de sa religion
et de ses handicaps selon la section 8 du Code des droits de l‘homme de la province. Le
tribunal exige alors qu‘elle fournisse de l‘information en ce qui a trait aux allégations.
Après plusieurs reports de délai, le tribunal reçoit de l‘information relevant un handicap lié
à un don ancestral d‘intuition et de perception. La plaignante ajoute plusieurs amendements
à sa plainte initiale, dont des éléments à l‘effet qu‘elle souffre d‘un trouble de l‘attention.
Le collège dépose à son tour une application pour que la plainte soit rejetée selon le Code,
article 27 (1) (b), (c) et (d). Cinq mois plus tard, après que le Tribunal eut terminé ses
soumissions, mais avant qu‘il n‘émette une décision, Wild fait savoir qu‘elle entend
soumettre de nouvelles preuves pour une éventuelle contre-expertise. Deux semaines plus
tard, elle dépose une requête en divulgation des lettres du collège concernant son
comportement. Elle demande également qu‘un ordre soit émis lui permettant de faire
d‘autres soumissions regardant de nouvelles preuves. Toutefois, en contravention aux
règles de procédure du tribunal, elle avait omis d‘inclure une soumission à sa demande.
Décision
En ce qui concerne la demande de divulgation :
La demande de divulgation est refusée. Le juge mentionne le fait que depuis le mois de mai
la plaignante était au courant de l‘existence de la documentation. De plus, la demande a été
faite deux mois après que la requête du collège pour le rejet de la plainte eût été complétée.
Le juge refuse également la possibilité de soumettre de nouveau des soumissions futures
concernant une lettre puisqu‘il juge que l‘information qui y est contenue n‘est pas
pertinente.
Le juge considère la demande déposée par le collège au rejet de la plainte. Il juge que la
plainte a peu de chances de réussir au vu du manque de preuve fournie par Wild.
En ce qui concerne la discrimination :
128
La plaine est rejetée pour les raisons suivantes :
1- En ce qui concerne la discrimination au motif de la lignée ou de l‘héritage ancestral
(en l‘occurrence, don d‘intuition), le juge considère qu‘il n‘y a pas assez
d‘information ou de preuves à l‘appui des allégations formulées.
2- En ce qui concerne la discrimination au motif du handicap physique, bien que Wild
affirme avoir été physiquement, émotionnellement et spirituellement troublée et
handicapée par un don présenté en tant que « Gifted Disability », rien ne permet de
l‘étayer. La plaignante a fourni des rapports psychiatriques invalides parce que
datés, lesquels ne comportaient en outre aucune information portant sur un handicap
physique quelconque. Le juge conclut qu‘avec l‘information qui lui a été soumise, il
n‘entrevoit pas de possibilité raisonnable de succès de la plainte.
3- En ce qui concerne la discrimination au motif du handicap mental : Les allégations
de Wild sont basées sur le fait que son « don ancestral d‘intuition » lui cause divers
symptômes dont l‘anxiété, les maux de têtes et les sautes d‘humeur. Elle mentionne
également souffrir d‘ADDH. Les répondants soumettent que ni le « don ancestral
d‘intuition » ni les symptômes invoqués ne constituent un handicap mental. Pour sa
part, le juge relève qu‘aucune information n‘a été fournie à cet effet au service visé
du collège chargé des demandes d‘accommodement. Le juge souligne qu‘un
étudiant souffrant d‘un handicap quelconque doit faire une demande auprès du
« Disabilities Service Departement » de l‘établissement scolaire et fournir les
documents à l‘appui. Wild ne l‘a pas fait. Par conséquent, le DSD ne pouvait fournir
l‘information nécessaire au directeur et aux instructeurs du programme. Pour ces
raisons, le juge conclut ne pas entrevoir de possibilité raisonnable de succès de la
plainte à ce motif.
4- En ce qui concerne la discrimination au motif de la religion, des allégations sont
portées par la plaignante à l‘égard des commentaires d‘une instructrice, lors de la 2e
retraite. L‘instructrice aurait passé le commentaire que les gens ont de la difficulté
avec les individus qui sont différents mais que la société avait beaucoup évolué par
rapport au passé où on avait tendance à brûler les sorcières. L‘instructrice en
question a soumis ne pas avoir été au courant, à ce moment, du fait que Wild était
129
wiccaine, ni qu‘elle portait un symbole religieux l‘identifiant en tant que telle. Le
directeur de l‘établissement a soumis que, à ce moment, il ignorait l‘appartenance
religieuse de Sally Wild, ainsi que ses problèmes de santé physique et mentale. Le
juge de son côté relève que dans son affidavit, la plaignante réitère avoir mentionné
son implication avec la Wicca dès le début du programme. Or, il note que ces
mentions sont absentes du formulaire d‘inscription. Par ailleurs, l‘affidavit de la
plaignante ne précise pas à qui elle aurait parlé de sa croyance et le plus important
selon le juge, quand et comment elle en aurait discuté avec l‘instructrice, hormis le
commentaire allégué. Sur la base de ces éléments, le juge conclut à l‘absence de
possibilité raisonnable de succès de la plainte à ce motif.
En conclusion, la demande des répondants pour le rejet de la plainte est acceptée.
2- Hayes c. Vancouver Police Board and Other (2010) BCHRT 324 (CANLII)
Faits :
Peter Hayes, un Britanno-Colombien de Vancouver, porte plainte pour discrimination en
emploi à l‘encontre du Service de police de Vancouver au motif de la religion et de
l‘orientation sexuelle selon les sous-sections 8 (services) et 13 (emploi) du Code provincial
des droits de l‘homme. Puisque le tribunal a déjà passé une décision sur la question de
l‘emploi, le présent cas va se concentrer sur la question touchant la sous-section des
services.
Faisant suite au refus de permis, le plaignant adresse une lettre au Service à l‘effet de
connaître les raisons du refus et d‘obtenir le rapport complet à l‘appui de la décision. Dans
cette lettre, il allègue qu‘en cours d‘entretien, le policier aurait émis des remarques sur la
couleur de ses vêtements, sa religion et ses préférences sexuelles.
130
Trois semaines et demi après le refus du permis, une lettre en faveur de M. Hayes est reçue
par le policier. Elle est signée par le révérend Headworth, du World Tree Ministry140
. Ce
dernier y fait référence à des préjugés manifestes à l‘encontre des communautés païennes,
wiccaines et druidiques et sollicite une reconsidération de la décision. Le policier répond
qu‘il ne voit pas motif à changement. Il ajoute qu‘aucune mention des termes « Druide » ou
« Wicca » n‘est intervenue en cours d‘entretien et dans le rapport. Il signale que le refus
s‘est fondé sur l‘information à sa disposition à l‘époque, et non sur le mode de vie choisi
par M. Hayes.
Questions posées :
Est-ce que la religion ou l‘orientation sexuelle ont été des facteurs amenant le chef de la
police à refuser au plaignant le permis de chauffeur de limousine?
Le BDSM141
est-il une orientation sexuelle protégée par le Code?
Advenant le cas où l‘orientation sexuelle est protégée par le code, l‘orientation de M. Hayes
est-elle celle d‘un « Lifestyler »?
Témoignages et arguments :
La plainte concerne une demande d‘obtention de permis de chauffeur de limousine,
laquelle, à Vancouver, doit faire l‘objet d‘une évaluation de la part de la direction des taxis
aux Services de la Police de Vancouver.
140
World Tree Community Services, Ministry and Seminary Ltd. est un organisme interconfessionnel, établi
depuis 1950 à Nanaïmo Colombie-Britannique. Il offre des services de célébrants à divers groupes tels que les
Druides, les Wiccains et les premières nations. 141
BDSM est un acronyme pour « Bondage » (ligotage) et Discipline, Dominance et Soumission, Sadisme et
Masochisme. « Bondage » indique une préférence à ligoter son partenaire ou encore être ligoté. Discipline
indique une préférence pour recevoir ou donner des fessées, des coups de canes ou d‘autres items. La douleur
n‘est pas nécessairement présente. Le plaisir est ce qui en résulte. La dominance et la soumission s‘entendent
en théorie, dans ce contexte, d‘un rapport de pouvoir consentant. Un partenaire, le dominant prend un rôle de
domination face à l‘autre qui lui est soumis. Certains individus s‘identifient en tant que dominant ou soumis à
titre exclusif. Quelques- uns sont versatiles, c‘est-à-dire qu‘ils peuvent prendre l‘un des deux rôles sans
s‘identifier clairement à une des catégories. Le sadisme indique une préférence pour causer de la douleur
(autant physique que psychologique) alors que masochisme indique une préférence pour la recevoir. Les
choses peuvent aller jusqu‘à l‘humiliation, parfois publique. La douleur est considérée comme source
d‘érotisme.
131
Au témoignage, il s‘avère difficile de départager les versions. Le plaignant allègue qu‘au
cours d‘un entretien tenu avec le policier à la suite du refus du permis, lorsqu‘il en demanda
les raisons, la question de son code vestimentaire est venue sur le tapis. Il allègue que le
policier avait commencé par dire que lui, Hayes, était impliqué dans un « sex cult called
Gor », ce que Hayes perçoit comme ridicule en affirmant que cela n‘existait pas à
Vancouver. Hayes affirme avoir ajouté qu‘il porte du noir tout le temps, que les païens
portaient souvent des robes noires, mais que cela voulait en aucun cas dire qu‘il faisait
partie d‘une secte dangereuse. Sur ce point Hayes réitère qu‘il est païen. Il indique
également être bisexuel et « polyamoureux ». Il ajoute qu‘il est impliqué dans le BDSM. À
ce sujet, il dit noter une corrélation ou une « nature symbiotique » entre le paganisme et le
BDSM. En outre, Hayes allègue que le policier aurait évoqué en entrevue le problème du
recrutement potentiel de nouveaux membres. Hayes soutient l‘avoir informé du fait que les
païens ne font pas de recrutement.
De son côté, le policier soutient avoir fondé la décision de refus sur le résultat de ses
recherches. En l‘occurrence, il vérifie les rapports de police et encore le dossier de
conduite. Dans le cas de M. Hayes, la trace de quatre incidents différents récoltés en cours
d‘enquête l‘auraient amené à percevoir un danger potentiel pour les futurs clients. Rien
d‘autre. Par conséquent, il était peu enclin à un changement de décision au moment de
passer Hayes en entrevue. Il affirme par ailleurs ne pas avoir tenu compte de l‘appartenance
religieuse de Hayes lors de la demande de révision d‘application de permis. Sur le sujet de
son entretien avec le plaignant suite au refus du permis, il reconnaît l‘échange sur l‘habit
vestimentaire, non pas tant pour ce qui a trait à la couleur, mais au style vestimentaire
requis pour correspondre au profil de l‘emploi convoité. Il déclare avoir également fait
mention au plaignant des incidents notés à son dossier. Par contre, le policier soutient
n‘avoir rien évoqué de raisons de refus ayant trait à un culte ou à « Gor ». Il l‘avait noté
parmi ses références lors de sa recherche, sans savoir ce que cela aurait voulu dire. Il se
souvient d‘avoir parlé avec M. Hayes d‘une référence trouvée à la relation « maître-
esclave ». Il n‘avait selon ses dires jamais entendu parler de ce type de relation en 29 ans de
carrière.
132
Décision
En ce qui concerne le permis de chauffeur :
Le juge passe en détail les lois et les actes concernant l‘émission de permis pour les
limousines. Il mentionne que le policier doit, en guise de préparation, faire une recherche
de références ou d‘antécédents afin de déterminer si la personne requérant un permis en est
dépourvue et si elle est de bonnes mœurs puisque les passagers peuvent être des enfants et
des femmes.
S‘appuyant sur les raisons mentionnées, sur les témoignages et les documents lui ayant été
soumis, le juge conclut que Hayes n‘a pas établi, tel que mentionné à l‘article 8 du Code,
que sa religion ou son orientation sexuelle étaient des facteurs dans la décision du service
de police de lui refuser l‘octroi d‘un permis de chauffeur.
En ce qui concerne le BDSM :
Le juge commence par tenter de cerner ce qu‘est le BDSM et ce qu‘est un BDSM
Lifestyler142
. Pour ce faire il fait appel à un témoin-expert. Le témoin explique le terme et
mentionne la nature consentent des pratiques sexuelles. Le juge procède à une description
des divers éléments mentionnée par ce témoin-expert. Le juge indique que M. Hayes se
décrit en tant que païens et en tant que BDSM Lifestyler. Par la même occasion, le juge
assume sans décider, pour les besoin de ce tribunal, que M. Hayes appartient à un groupe
protégé par le code au motif de sa religion et de son orientation sexuelle.
Le juge conclut, eu égard à la preuve fournie au tribunal, que l‘orientation sexuelle et la
religion de M. Hayes n‘ont pas été un facteur dans la décision. Par conséquent, il ne devient
pas nécessaire de la part tribunal d‘examiner la question de savoir si le BDSM est une
orientation sexuelle protégée par le Code, et si c‘est le cas, si M. Hayes fait partie de ce
groupe protégé.
La plainte est déclarée injustifiée et rejetée en référence à l‘article 37(1) du HRCBC.
142
Un « lifestyler » est quelqu‘un qui vit sa pratique sexuelle dans tous les aspects de sa vie. Ce n‘est pas la
pratique occasionnelle de diverses activités du type BDSM.
133
3- Dahlquist-Gray and another c. Hedley (No. 2), 2012 BCHRT 50 (CanLII)
Faits :
Une plainte est déposée par un couple lesbien pour discrimination au motif du lieu
d‘origine, de l‘appartenance religieuse, de l‘état civil et de l‘orientation sexuelle. La plainte
vise une voisine dont il est allégué qu‘elle aurait publié et affiché du matériel
discriminatoire à leur endroit.
Les plaignantes sont un couple lesbien wiccain. K., d‘origine américaine, a reçu sa
résidence permanente canadienne et est la cible principale des discriminations. K. est
mariée à une wiccaine canadienne. Elle est artiste. Il est allégué que H., leur voisine, a
monté une campagne de publicité négative (affiches, articles) faisant usage de diffamation
et de discrimination dans le but d‘inciter la population locale au boycottage des œuvres et
de l‘exposition de K.
Question de « représailles » exercées après le dépôt de la plainte.
Diverses tentatives de médiation assistée par le tribunal ont échoué. Sur une période de
plusieurs mois, suivant les tentatives de médiations, le tribunal a reçu divers documents par
fax, courriels et lettres de la part de Madame H. Tous ces documents portant des
annotations manuscrites au caractère accusateur à l‘endroit des plaignantes et du tribunal.
H. aurait également laissé de nombreux messages téléphoniques au tribunal indiquant
qu‘elle ne voulait pas être rejointe pour aller en cour. Elle aurait retourné l‘enveloppe
originale portant la demande d‘amendement des plaignantes. Elle aurait inscrit des
commentaires sur l‘enveloppe, entre autres, aux fins de rectifier les termes exacts utilisés
par elle (les termes « Lesbian American Wiccen ») tout en adressant des insultes au
tribunal. Elle aurait continué de laisser des messages désobligeants sur le répondeur du
tribunal pendant plusieurs mois.
À la date prévue de l‘audition, H. ne s‘est pas présenté au tribunal. Après avoir accordé une
période d‘attente, toujours sans sa présence, le juge décide de poursuivre.
134
Témoignages et arguments :
Le juge revoit les antécédents de la relation entre les voisines. Il remonte le fil des actes
reprochés dans la plainte à septembre 2009, soit au moment où K. sollicite l‘autorisation
d‘exposer ses œuvres dans l‘un des parcs de la ville. H. débute sa campagne d‘affichage. Le
message en est essentiellement qu‘il convient de ne pas soutenir l‘art de cette personne,
s‘agissant d‘une « American Wiccen Lesbian » voulant se remplir les poches avec l‘argent
des Canadiens. À cela s‘ajoute qu‘il ne faut pas remplacer Dieu par une « goddess-loving
American Wiccen Lesbian » [35]. Au vu de la preuve portée à sa connaissance, le juge
établit que H. est bien l‘auteur des propos allégués.
Le juge examine ensuite la question d‘éventuelles représailles exercées ou dommages
causés par H. envers K. ou le couple suite au dépôt de la plainte en discrimination.
Le juge tente de voir l‘impact causé par les affiches créées et distribués par H. Il est allégué
que les affiches auraient amené la perte d‘emploi de M., l‘épouse de K. Même allégation au
sujet de la perte d‘inscriptions à l‘école d‘art de K. Les parents d‘élèves ne se seraient pas
sentis à l‘aise de les voir associés à de la publicité autour de « crimes haineux ». Selon le
témoignage des plaignantes, les affiches ont également eu un impact sur le couple.
H. ne s‘étant pas présentée, le juge n‘a pu considérer de soumission en son nom.
Décision
En ce qui concerne la discrimination :
Le juge fonde sa décision sur l‘article 7 (I) (a) du Code, lequel interdit la publication de
propos discriminatoires.
Le juge mentionne qu‘en tant que wiccaines, que couple marié et en tant que lesbiennes, K.
et M. sont protégées par la clause de prohibition contre la discrimination dans le Code au
motif de la religion, du statut matrimonial et de l‘orientation sexuelle. Pour ce qui est de K.,
d‘origine états-unienne, s‘ajoute la protection au motif du lieu de naissance (place of
origin).
135
Le juge indique qu‘en l‘occurrence, les plaignantes appartiennent à un groupe (les
sorcières) historiquement vulnérable. Selon lui, il ressort que H. avait des intentions claires
de nuire au couple dans divers sphères de leur vie en les attaquant sur les éléments établis
en preuve et en incitant les autres membres de la communauté à agir sur la base de ces
accusations. Il en conclut que par l‘acte de publication des affiches, H. a tenu des propos
discriminatoires ou avec l‘intention de discriminer contre les plaignantes au motif de la
religion, de l‘état matrimonial et de l‘orientation sexuelle.
Le juge détermine que la plainte de discrimination est fondée. Il ordonne à H. de cesser
toute activité semblable ou similaire à ce qu‘elle a déjà commis. [66].
Le juge ordonne également le versement d‘une compensation financière de H. à K. pour la
perte de salaire encourue suite au retrait d‘élèves de son école d‘art. À défaut de preuve y
liant directement H., le juge refuse d‘attribuer un montant pour la perte d‘emploi de M.
Le juge ordonne par ailleurs à H. le paiement d‘un montant de 5 000 $ à chacune des
plaignantes pour insulte à leur dignité et enfreinte à leur respect personnel en vertu de
l‘article 37 (2) (d) (iii) du Code. Enfin, le juge ordonne à H. le paiement d‘un montant de
1 000 $ à chacune en raison de son comportement inapproprié dans le courant de la plainte
ainsi qu‘envers le tribunal.
La question des représailles est jugée non fondée. Les plaignantes n‘ont pas apporté de
preuve liant H. aux actes allégués contres elles après leur dépôt de la plainte. Cette partie de
la plainte est rejetée.
3.1.3.2 Analyse
Les décisions relatives à ce contentieux nous paraissent claires et leur incidence sur les
Wiccains, faciles à comprendre. Les wiccains ou les païens se doivent de démontrer qu‘il y
a eu discrimination à leur endroit au motif de la religion ou à un autre motif en lien avec le
premier.
136
Dans l‘affaire Wild c. Langara, bien qu‘il soit mentionné que la plaignante est wiccaine, on
peut s‘étonner du peu d‘explication donnée par elle quant à sa croyance et à ses pratiques
en lien à la Wicca. Elle se concentre plutôt sur ses déficiences physiques et mentales, dont
son don « d‘intuition ». Aucune preuve n‘a été apportée au juge face à la discrimination
ressentie.
Ce flou entourant les croyances et les pratiques peut également être relevé dans l‘affaire
Hayes c. Vancouver Police Board and Other. À noter qu‘il est mentionné que M. Hayes est
païen, sans spécifier quelles pratiques particulières (Asatru, Heathen, Druid, Wicca, etc.) et
qu‘il a un style de vie associé au BDSM. La seule mention spécifique à la Wicca est dans la
lettre du révérend Headworth qui avait écrit en défense de Hayes et qui n‘ajoute rien à la
cause en cours. Ce révérend est un membre de l‘organisation interconfessionnelle World
Tree Community Services, Ministry and Seminary Ltd. situé à Nanaïmo, Colombie-
Britannique depuis 1950. Il s‘agit d‘un organisme basé sur les principes d‘un monde
conscient de la planète avec une perspective sur la Nature. Par conséquent, il offre des
services de célébrant à divers groupes tels que les Druides, les Wiccains, les Gaïans
(approche en lien avec les concepts de Gaïa la terre-mère) et les premières nations. Leur but
est d‘offrir des services et d‘aider au développement des communautés et non de faire du
prosélytisme pour un groupe ou un autre. Le fait que Hayes ait demandé une lettre pour sa
cause en tant que païen à un organisme interconfessionnel, semble indiquer qu‘il se
cherchait un « corps organisationnel » pour appuyer sa position et défendre ses droits. Est-
ce que dans sa vision cela avait plus de poids légal que s‘il avait demandé à un membre de
sa communauté païenne? Est-il un pratiquant solitaire? Avait-il accès à d‘autres ressources
païennes? Peut-être. Mais dans la décision, il n‘y avait pas d‘indication à ce regard. Étant à
Vancouver, où la communauté païenne est assez grande, il aurait pu s‘adresser, par exemple
à la PFPC ou encore aux Officers of Avalon, dont certains membres païens font partie du
corps policier de la ville.
À la lumière de ce cas, il est possible de voir qu‘une certaine importance est accordée par
l‘individu à la présence d‘un corps institutionnalisé. En absence de tel corps, il semble que
le wiccain ou le païen (solitaire ou en coven) se sente légitimé de s‘adresser à des
137
organismes tels que la World Tree Community Services afin d‘avoir une certaine
représentation de sa croyance.
Par ailleurs, l‘affaire de Dahlquist-Gray and another c. Hedley, démontre que leurs droits
et libertés sont respectés si les preuves amenées appuient les accusations de discrimination
à l‘encontre des wiccains. Dans cette affaire, la discrimination n‘était pas seulement au
niveau des croyances religieuses, mais également de l‘orientation sexuelle, de l‘état
matrimonial et du lieu d‘origine. Il est clair que les plaignantes étaient victimes de
discrimination et que cette discrimination a eu des effets sur le travail et la vie personnelle
du couple. D‘ailleurs, même le juge de ce tribunal reconnaît que les sorcières étaient
historiquement la cible de crimes haineux et que la répondante usait de cet aspect pour
inciter les gens à agir contre les plaignantes wiccaines.
L‘image et à la perception de la sorcière font précisément l‘objet de la section suivante.
3.2 Images et perceptions relatives à la Wicca et à la sorcellerie
dans les décisions judiciaires
Ce bref aperçu du contentieux nous a permis d‘analyser l‘appréhension qu‘ont les tribunaux
canadiens de la Wicca ainsi que du traitement qui lui est réservé lorsqu‘elle constitue un
élément porté à la connaissance des tribunaux parmi les faits en cause. L‘examen du
contentieux aura également servi à documenter l‘institutionnalisation de la Wicca du point
de vue des justiciables : dans une certaine mesure, leur appropriation des recours à leur
disposition, l‘attitude adoptée face à la sanction du droit, la réception ou la portée des
décisions judiciaires dans la collectivité wiccaine.
La présente section vise à documenter les images et perceptions de la Wicca, mais plus
largement celles de la sorcellerie telles qu‘elles ressortent d‘une analyse de contenu
thématique sommaire des décisions judiciaires canadiennes. Pour ce faire, une recherche
d‘occurrence d‘utilisation de divers mots-clés dans les deux langues officielles a été
effectuée dans la jurisprudence canadienne disponible sur Canlii entre 1990 et 2010. Au
138
total, 543 occurrences ont été répertoriées sous les mots-clés : « Wicca », « sorcier »,
« sorcière », witch, sorceror, « chasse aux sorcières », witchhunt.
En ce qui a trait à la Wicca proprement dite, on présentera d‘abord les images et
perceptions résiduelles en ce sens qu‘elles sont présentes au contentieux judiciaire sans
avoir été déterminantes dans la décision.
3.2.1 Wicca
Dans l‘affaire de R. c. Reddick de 1996, entendue devant la cour d‘appel de l‘Ontario, le
juge reprend les critères et les éléments de preuve présentés et utilisés par le juge de
première instance afin de déterminer le « mauvais caractère » de l‘appelant. Ces deux
critères déterminants étaient en l‘occurrence la pratique et l‘association à la Wicca : « of an
unusual occult group and genuinely believed that Robert had to be removed from his family
and brought up as a Wiccan » et le fait que l‘appelant semblait avoir des tendances
pédophiles. Le juge de la cour d‘appel est en outre d‘avis que le juge du tribunal a
adéquatement utilisé et évalué les allégations concernant le caractère de l‘appelant. Par
conséquent, l‘appartenance à un « groupe occulte inhabituel » a été perçue comme un
élément aggravant du comportement. Bien que le juge reconnaisse que le juge du tribunal
ait eu tort sur certains points de droit, il ne considère pas que le « mauvais caractère » de
l‘appelant, établi en première instance, constitue une erreur de jugement. Cela tranche avec
l‘image plutôt neutre ressortie du contentieux analysé. On peut en déduire que l‘image de la
Wicca n‘est pas simplement préconçue, mais plutôt forgée par l‘examen des faits en cause.
Par ailleurs, dans l‘affaire R c. Koehn, bien que l‘appartenance religieuse de l‘accusé ait été
l‘objet de quelque débat, le juge a réitéré sa position comme suit : « However, early on the
Crown made it clear that there was no evidence that Wiccan played any part in Jeremy‘s
demise, and I will not refer to it again143
. » En somme, bien qu‘il y ait eu mention
d‘allégations négatives par la famille et la police à l‘endroit de l‘appartenance du mis en
cause, la Wicca s‘est révélée accessoire à l‘établissement du caractère de l‘accusé et a, par
conséquent, été écartée de la considération par le juge.
143
R. c. Koehn, 1998 CanLII 6780 (C.-B. C.S.).
139
Dans l‘affaire de Tall c. Queen, un appelant wiccain a invoqué avec succès l‘accès à des
soins médicaux alternatifs fournis par des gens appartenant comme lui à des religions autres
que les traditions judéo-chrétiennes. Dans la décision rendue, la Wicca fut simplement
mentionnée comme étant l‘une des religions et spiritualités alternatives et holistiques dont
l‘incidence des croyances relativement à la relation entre l‘homme et la nature touche les
soins du corps et le traitement des maladies. La Cour écrit :
Mr. Tall states that he purchases the vitamins, supplements, herbs, bottled
water and organic foods in conformity with his religious and/or spiritual
beliefs concerning the nature of illness and relationship between mankind
and nature. He adds that as part of a broad group, which includes many
people from the religions of Buddhism, Hinduism, Taoism Shinto,
shamanism (e.g. First Nations beliefs), Wicca as well as contemporary
Western esotericism and so on. 144
Les croyances de l‘appelant ne sont pas délimitées et le tribunal ne souligne pas le fait que
l‘appelant soit wiccain.
Finalement, dans l‘affaire M.O. c. K. J. (2007) ABPC 176, [paragraphe 52], le juge invoque
le précédent créé ans l‘affaire Gay c. Kingston145
[1992] A.J. 1171, où : « the Court found
that there was no basis to deny access to the father because he was an adherent of Wicca, an
unusual and unorthodox religion. The Court stated that prima facie it is in the best interests
of all children to have contact with their parents. ». En l‘espèce, le juge mentionne que la
Wicca est assimilée à une religion même si cette dernière est « inhabituelle et non-
orthodoxe ». Ces exemples illustrent à tout le moins une forme de diffusion, d‘acceptation
et d‘intégration du terme « Wicca » dans le vocabulaire des tribunaux, voire dans
l‘interprétation judiciaire.
3.2.2 « Sorcière », « Sorcier », Witch, Sorcerer
La délimitation et l‘analyse des images et des perceptions relatives à la Wicca ne sauraient
s‘arrêter aux seuls termes de « Wicca » et « wiccain ». Les substantifs et adjectifs
144
Tall c. La Reine, 2005 TCC 765 (CanLII). 145
Cette décision concerne une garde partagée. La mère de l‘enfant voulait interdire la garde au père parce
qu‘il était wiccain. Le juge n‘a pas vu cette appartenance à la religion wiccaine comme étant un problème et a
accordé au père l‘accès à l‘enfant.
140
« sorcier », « sorcière », sorcerer et witch146
sont de loin les termes les plus fréquemment
repérés dans les décisions judiciaires, et ce, sans qu‘il ne s‘agisse nécessairement d‘affaires
ayant trait à la religion ou à la spiritualité. L‘usage est varié, allant de la mention anodine à
l‘insulte, en passant par la moquerie et le dénigrement. Ces termes ne sont pas
nécessairement associés à la pratique de la sorcellerie en soi, mais visent plutôt à traduire
les opinions et positions par une expression imagée les divers acteurs impliqués. Relever
les diverses utilisations permet de se forger une idée des caractéristiques associées à la
sorcellerie qui circulent devant les tribunaux canadiens. Même si ces caractéristiques ne
reflètent pas nécessairement la position d‘un juge ou d‘un avocat en particulier, elle nous
renseigne au sujet de perceptions contemporaines couramment associées à la pratique de la
sorcellerie.
Dans les décisions judiciaires recensées, le terme « sorcier » relève souvent de l‘évidence
de sens commun ou se trouve associé à l‘idée de la facilité. Il est employé dans des
expressions populaires telles que « ce n‘est pas sorcier » ou « cela n‘a rien de sorcier ».
Dans la majorité des 21 cas recensés, ces expressions réfèrent au fait que la situation, le
travail à faire ou encore les instructions à suivre pour accomplir un travail demandé ne sont
pas difficiles à comprendre147
. En fait, elles sont si faciles à comprendre par voie
146
Un premier constat s‘impose lorsque l‘on cherche à établir l‘occurrence et l‘utilisation du terme witch dans
la jurisprudence canadienne, en raison des nombreux cas d‘orthographe fautive ou encore de la confusion
entre ce terme et le pronom relatif which. Depuis 1985, 53 de ces cas ont été recensés au Québec, trois dans
les Territoires, deux au niveau des cours fédéraux, deux en Ontario, deux en Alberta, deux en Saskatchewan,
un au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse et six en Colombie-Britannique ; 68 cas d‘orthographe
fautive sur 286 cas répertoriés avec le terme witch. 147
R. c. Bain, 1992 CanLII (C.C.S.) [paragraphe 180]; Centre hospitalier Ste-Jeanne d’Arc c. Syndicat
canadien de la fonction publique, local 2885, 1995 IIJCan 3492 (QC A.G.); Cadbury Schweppes Inc. c.
Aliments FBI Ltée, [1999] 1 R.C.S. 142, 1999 IIJCan 705 (C.C.S.); R. c. Singh, 2001 IIJCan 18107 (QC C.S.);
S.E.P.B. section locale 57 (FTQ) c. Commission scolaire Marie-Victorin, 2002 IIJCan 32218 (QC A.G.);
Université de Montréal c. Productions Playground Inc., 2003 IIJCan 21412 (QC C.S.); Syndicat des
travailleurs et travailleuses du centre hospitalier Notre-Dame-de-la-Merci c. Centre hospitalier Notre-Dame-
de-la-Merci, 2003 IIJCan 52734 (QC A.G.); Colbert c. The Queen, 2004 CCI 571 (IIJCan); Syndicat des
travailleuses et des travailleurs du centre de santé Tulattavik c. Centre de santé Tulattavik de l’Ungava, 2005
IIJCan 50430 (QC A.G.); Syndicat des Cols Bleus Regroupés de Montréal, Section Locale 301 c. Montréal
(Ville), 2005 IIJCan 32006 (QC A.G.); L.M. c. Compagnie A, 2007 QC CRT 526 [paragraphe77]; Nguyen c.
CPShips Ltd., 2008 QC C.S. 3817 [paragraphe 83]; Droit de la famille - 081670, 2008 QC C.S. 3119
[paragraphe 72]; Protection de la jeunesse — 106700 , 2010 QCCQ 17389 [paragraphe 236]; Directeur des
poursuites criminelles et pénales c. Brisebois, 2009 QCCQ 5895 [paragraphe 43]; Ikon Solutions de bureau
inc. c. Docu-Plus Conseillers en gestion de documents inc., 2009 QCCS 123 [paragraphe 81]; R. c. Careau,
2008 CanLII 48939 (QC CM) [paragraphe 69]; Centre de santé et de services sociaux des Sommets c.
Syndicat des employés en soins infirmiers et cardio-respiratoires (CSN), 2008 CanLII 1955 (QC SAT);
141
d‘implication qu‘il n‘est pas besoin de les deviner. Puisque la divination est l‘une des
activités du sorcier, il est donc évident que l‘utilisation de l‘expression « ce n‘est pas
sorcier » sert à évoquer l‘aspect élémentaire d‘une situation.
Cette propriété du sorcier de s‘adonner à l‘art divinatoire est aussi invoquée dans certains
cas pour rendre compte de l‘impossibilité d‘une personne à établir certains événements ou à
déceler certains éléments essentiels sans que celle-ci ait recours à des dons surnaturels ou à
la maîtrise des arcanes. L‘affaire R. c. Pozniak, illustre une telle référence directe : « Le
policier n‘est pas un devin, ce n‘est pas un sorcier, il ne peut deviner ce qui se passe dans la
tête de l‘accusé148
». Il y a donc supposition que le sorcier puisse faire de la télépathie ou
puisse deviner ce qu‘une personne peut penser, à tout le moins que son activité ne relève
pas du rayon de la connaissance objective ou factuelle du policier. L‘aspect de la divination
est aussi présent dans l‘expression « apprenti-sorcier », mais mobilisé dans une opposition
de l‘initié à l‘amateur. Dans l‘affaire EMCO Ltée c. Jonction Rapide Inc., le fait qu‘une
personne soit réduite à deviner quelque chose sans pour autant posséder les connaissances
nécessaires et se voit donc obligée de jouer les « apprentis-sorciers » est ainsi exposé :
[132] En fait, la preuve révèle que monsieur Jalbert, qui en était à sa
première expérience avec ce type de joint et qui n‘avait qu‘une
connaissance sommaire de la propriété des gaz à diverses températures, a
été laissé à lui-même. Sans supervision, ni aide technique spécialisée, il en a
été réduit, en tout respect, à jouer un peu le rôle d‘un apprenti-sorcier.149
Cette notion se retrouve également dans l‘affaire C.S.S.T. c. Québec (Ville) où lors de la
séance de questions, le témoin a répondu : « Ça, vous me demandez de jouer à l‘apprenti
sorcier150
. » Il est clair que dans ce cas, l‘utilisation du terme fait allusion au pouvoir de
divination. Le témoin indique au procureur qu‘il ne peut pas répondre avec exactitude à la
question qui lui est posée. Par conséquent, il lui répond qu‘il ne peut pas deviner la réponse
et emploie donc le terme « d‘apprenti-sorcier » pour démontrer son ignorance en la matière.
Bernier c. Caisse populaire Desjardins de la Mitis, 2006 QCCRT 442 [paragraphe 57]; Baril c. Industrielle
compagnie d’assurance sur la vie, 1991 CanLII 3566 (QC CA) [paragraphe 6] et Pacific Coast Coin
Exchange c. Ontario Securities Commission, 1977 CanLII 37 (CSC), [1978] 2 RCS 112 [page 130]. 148
R. c. Pozniak, [1994] 3 R.C.S. 310, 1994 IIJCan 66 (C.C.S.). 149
EMCO Ltée c. Jonction Rapide Inc., 2005 IIJCan 20876 (QC C.Q.). 150
C.S.S.T. c. Québec (Ville), 2004 IIJCan 45558 (QC C.Q.).
142
On retrouve cet usage dans deux autres affaires : President and Fellows of Harvard College
c. Canada (Commissaire aux brevets) (C.A.) et Syndicat des communications graphiques,
section locale 41-m c. Le Journal de Montréal151
. Dans l‘affaire R. c. Bain, un autre emploi
est recensé en lien avec la procédure de la sélection du jury : « Il convient toutefois de
souligner que les parties qui essaient de façonner le jury au moyen du processus de
sélection sont des apprentis sorciers152
». En d‘autres mot, les parties ne sauraient prédire ni
maîtriser un processus complexe dont l‘issue échappe aux initiateurs.
Contrairement à l‘image du sorcier, somme toute ambivalente, celle de la sorcière, ou
witch, est négative. L‘un des schèmes les plus répandus se rattache à l‘accusation de
sorcellerie. Dans ce contexte, cette image découle de sentiments de méfiance envers la
personne en cause. À cette image, se greffe tour à tour le discrédit porté à une personne
perçue comme excentrique et l‘attribution de motifs troubles, voire d‘une capacité de nuire.
La simple qualification de « sorcière » dénote d‘emblée un stigmate, soit l‘évocation de
traits physiques ou psychologiques stéréotypés : couleur des cheveux153
, mauvaise
hygiène154
, viellesse155
, ou encore un caractère indomptable, imprévisible, instable et
dangereux. On retrouve 23 occurrences du genre156
.
151
President and Fellows of Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets) (C.A.), [2000] 4 C.F.
528, 2000 IIJCan 16058 (C.A.F.); Syndicat des communications graphiques, section locale 41-m c. Le
Journal de Montréal, 1995 IIJCan 887 (QC A.G.). 152
R. c. Bain, [1992] 1 R.C.S. 91, 1992 IIJCan 111 (C.C.S.). 153
A. (L.) c. L. (A.), 2002 IIJCan 8670 (QC C.S.); Protection de la jeunesse — 09181, 2009 QCCQ 12496. 154
N. K. c. M. E. S., 2005 CanLII 11147 (QC C.S.); Droit de la famille — 092108, 2009 QCCS 3970
(CanLII). 155
Protection de la jeunesse — 111659, 2011 QCCQ 10738 (CanLII). 156
Voir dans Padgham c. Padgham, 1990 CanLII 824 (BC C.S.); Gannon c. Canadien Pacifique Ltée, 1993
IIJCan 355 (T.C.D.P.); R. c. Dixon, 1994 CanLII 1260 (BC C.A.); B.B. v. D.F., 1995 CanLII 3842 (ON C.J.);
Hayer c. Punjabi, 1996 CanLII 2196 (BC C.S.); A.(P.) c. A.(F.), 1997 CanLII 1303 (BC C.S.); R. c.
Tuchscherer, 2001 IIJCan 10663 (QC C.Q.); A.(L.) c. L.(A.), 2002 IIJCan 8670 (QC C.S.); Goncalves v.
Martens, 2002 BCSC 878 (CanLII); B. S. L. c. S. A. J., 2003 SKQB 498 (CanLII); K. c. Miazga, 2003 SKQB
384 (CanLII); Law Society of Upper Canada c. G.N., 2003 CanLII 48013 (ON L.S.H.P.); S. L., Re, 2003
IIJCan 17790 (QC C.Q.); Z. P., Re, 2003 IIJCan 52125 (QC C.Q.); F. M. P. c. A. A.-An., 2005 CanLII 17249
(QC C.S.); N. K. c. M. E. S., 2005 IIJCan 11147 (QC C.S.); Board of Trustees of Common Lands c. Tanner,
2005 NSSC 245 (CanLII); Cameron c. MacGillivray, 2005 CanLII 47695 (ON C.S.) [paragraph 46]; A. R.
(Re), 2006 CanLII 52795 (ON C.C.B.) [paragraphe 5];J.S.R. c. L.C.H.R., 2006 BCSC 1777 (CanLII)
[paragraphe 42];R. c. Kambulow, 2006 ONCJ 331 (CanLII) [paragraphe 63]; V.F. c. M.F.1, 2007 CanLII
3881 (ON C.S.);Toussaint c. Entraide bénévole Kouzin Kouzin de Montréal - Métropolitain, 2007 QCCRT
378 (CanLII) [paragraphe 38]; Centre de santé et de services sociaux de Sept-Îles c. S.G., 2008 QCCQ 2381
(CanLII).
143
En ce qui concerne les traits de caractère, un avocat a ainsi décrit les sautes d‘humeur
d‘une plaignante : « She was occasionally a ―witch‖ and would fly into rages157
»,
redoublant de la sorte l‘instabilité émotive de la personne par d‘une aptitude à voler. Bien
que l‘envolée sur un balai soit le mode de locomotion caractéristique de la sorcière dans
l‘imaginaire occidental, il reste à déterminer si cette dernière a l‘apanage des accès de
colère. À moins qu‘il ne s‘agisse plutôt d‘une humeur changeante auquel cas la femme
mauvaise tient toujours de la sorcière. Une autre interprétation est possible : la femme
fragilisée perd son vernis « civil » et risque de redevenir sorcière158
.
On recense par ailleurs plus de 44 cas où le terme « sorcellerie » ou witchcraft est
mentionné en lien avec des intentions et des pratiques nuisibles, c‘est-à dire dont l‘objectif
est de porter préjudice ou de causer du tort à autrui. Dans l‘affaire Krahn c. Krahn, 2001
C.-B. C.S. 1186 (CanLII) [paragraphe 10], l‘accusation de pratique de la sorcellerie est
assortie de celle de pratiques sataniques. Dans trois cas159
, la sorcellerie est associée aux
pratiques vaudous ou obeah160
. Plus les pratiques présumées sont lointaines ou exotiques,
plus la sorcellerie paraît menaçante et sa réalité englobante. On relève de telles mentions
devant les tribunaux ou commissions responsables des questions d‘immigration et ayant à
rendre des décisions relativement à des demandes d‘asile, provenant principalement de
157
Beaumont c. Bertrand, 2000 BCSC 415 (CanLII). 158
On retrouve d‘autres utilisations des termes de « sorcière » ou « sorcellerie », dans les jugements, tant en
français qu‘en anglais, pour décrire une image sur une carte (Parkolub and Hu c. Canada Revenue Agency,
2007 PSLRB 64 (CanLII) [paragraphe 118]; Stréliski c. Digital Shape Technologies Inc., 2007 QCCS 6326
(CanLII) [paragraphe 24], un costume d‘Halloween (R. c. Sergueeva, 2008 ONCJ 182 (CanLII) [paragraphe
11]), le nom d‘une sorte de poisson le « witch flounder » (la plie grise) ( Kelly & Trinity Sea Products Ltd. c.
Attorney General for Canada, 2007 NLTD 127 (CanLII) [paragraphe 5] ; Canada (Procureur général) c.
Hijos, 2007 FCA 20 (CanLII) [paragraphe 6], du « witching hour » (R. c Houben, 2006 SKCA 129 (CanLII)
[paragraphe 20], le nom d‘une machine de construction « ditch witch » (Decision No. 1713/06, 2006
ONWSIAT 2741 (CanLII)), le titre d‘une satire (Rioux c. Leclair, 2006 PSLRB 12 (CanLII) [paragraphe 32],
le nom d‘un sentier « le sentier de la sorcière » (Desbiens c. Marcellin, 2007 QCCQ 6492 (CanLII)
[paragraphe 5] ou le nom d‘un club « Club de motoneiges des Sorciers de l‘Ile d‘Orléans » (Saint-François-
de-l’Île-d’Orléans (Municipalité) (Re), 2008 CanLII 15372 [QC C.P.T.A.Q.]). 159
X (Dans la situation de), 2006 QC C.Q. 12461 (CanLII) [paragraphe 10]; R. c. Moïse, 1999 CanLII 13215
[paragraphe 5] ; R.c.Pinnock, 2007 CanLII 13943 (On C.S.) [paragraphe 32]. 160
L‘Obeah, ou Obi, est une pratique de sorcellerie folklorique provenant de l‘Afrique centrale et de l‘Afrique
occcidentale. Elle se retrouve également dans les pays de l‘Amérique centrale. La pratique du Obi est
similaire au vaudou et au santaria.
144
ressortissants de pays africains comme le Nigéria et la Tanzanie161
. Ces décisions visent
tant des hommes que des femmes. Il est important de souligner, que dans ces demandes,
les demandeurs tentaient d‘expliquer qu‘ils ne pouvaient pas retourner dans leurs pays
d‘origine par crainte d‘être persécutés en raison de leur pratique de la sorcellerie. Parmi
ces demandes, la moitié ont été accueillies, que ce soit pour une réévaluation de la
demande d‘asile ou tout simplement pour l‘octroi de l‘asile. Ceux qui ont vu leur demande
refusée ne sont pas parvenus à démontrer l‘existence d‘un risque réel s‘ils devaient
retourner dans leur pays d‘origine.
Sous l‘aspect de l‘objet de croyance, la sorcière reste, d‘un point de vue extérieur un
personnage fictif, infréquentable. Y croire dénote soit une instabilité mentale, soit un
climat familial, culturel ou social malsain. Le lien entre l‘instabilité mentale et la croyance
aux sorcières ou à la pratique de sorcellerie se retrouve dans dix cas sur 287 cas
mentionnant de sorcière ou witch162
. Cette croyance est souvent perçue comme un
indicateur de l‘état de détresse ou de désordre mental de la personne soumise à
l‘évaluation d‘un expert, ce qui laisse entrevoir que dans certains cas, il y a une certaine
propension, de la part des spécialistes et des juges, à réduire la croyance à la sorcellerie à
un état pathologique, voire nocif :
Pour la juge Lucie Rondeau de la cour du Québec dans l‘affaire C. (L.-A.) (Re) :
La croyance à la présence de sorcières, la prétention qu‘une tante paternelle
ait jeté un sort à l‘enfant, le visionnement de films d‘horreur et les propos
tenus par l‘enfant tant à son procureur qu‘aux intervenants démontrent un
161
Mhando c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 422 (CanLII) [paragraphes
4, 7, 9, 14, 24 et 28]; Osaru c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1656
(CanLII) [paragraphe 3]; Ashiru c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 6
(CanLII) [paragraphe 13]; Mwakotbe c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2006 CF 1227
(CanLII); Aguebor c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 64 (CanLII)
[paragraphe 2]; X (Re), 2006 CanLII 61435 (C.I.S.R..) [paragraphe 1]; Ajayi c. Canada (Citoyenneté et de
l’Immigration), 2007 CF 594 (CanLII) [paragraphe 16]; Ayodejioyelami c. Canada (Citoyenneté et de
l’Immigration), 2007 CF 579 (CanLII) [paragraphes 1-2]. 162
R.N. (Re), 2003 CanLII 54090 (ON C.C.B.) [paragraphe 12]; D.C. (Re), 2003 CanLII 54111 (ON C.C.B.)
[paragraphe 2];C. (Re), 2005 CanLII 57823 (ON C.C.B.) [paragraphe 6]; H.M. (Re), 2006 CanLII 3891 (ON
C.C.B.) [paragraphe 34]; S.A. (Re), 2007 CanLII 35526 (ON C.C.B.); H. (Re), 2007 CanLII 19775 (ON
C.C.B.) [paragraphe 5]; V.F. (Re), 2008 CanLII 39595 (ON C.C.B.) [paragraphe2]; R.M. c. Hôpital A, 2008
QCTAQ 61052 [paragraphe 14], MP c Hôpital A, 2011 QCTAQ 4405 (CanLII), JM (Re), 2010 CanLII 41583
(ON CCB).
145
climat de vie suffisamment inquiétant pour justifier la prolongation des
mesures d‘urgence163
.
Le scepticisme, voire l‘inquiétude exprimée par la juge face à la croyance en l‘existence de
sorcières va de soi, quoiqu‘il fasse paradoxalement écho aux allégations de sorts jetés. Il
en va autrement dans l‘affaire Dans la Situation de S. (N.), où la sorcière est reléguée au
rang de monstre et de vampire164
dans la conclusion du rapport du psychologue.
Il est à noter que dans ces deux cas, les intervenants cherchaient à établir l‘état
psychologique fragile et l‘environnement malsain d‘un enfant. L‘image de la sorcière est
alors utilisée, entre autres, par l‘enfant lui-même pour décrire ses peurs. Il n‘est pas
difficile d‘extrapoler et de dire que, pour lui, l‘image initiale de la sorcière provient
simplement de contes pour enfants où la sorcière est mauvaise et mal intentionnée. Par
conséquent, il n‘est pas étonnant qu‘elle soit reléguée au rang d‘autres créatures
« imaginaires ». Néanmoins, bien que les professionnels expriment leurs opinions sur
l‘aspect symbolique de la chose, ils semblent exclure deux points : a) l‘instrumentalisation
de ce type de créatures par l‘enfant pour verbaliser des craintes et des émotions réelles et
indicibles, ou encore pour traduire un état émotif et psychologique troublé; b) la possibilité
d‘une pratique contemporaine de la sorcellerie.
Les sorcières existent et font partie intégrante de la société. Elles ne sont pas conformes
aux représentations folkloriques et conduisent aussi leurs enfants à la garderie avant de se
rendre au bureau ou au campus. Malgré la présence dans la société canadienne de certaines
pratiques et croyances contre-culturelles « exotiques », la sorcière de l‘imagerie populaire
n‘est pas la sorcière que l‘on retrouve couramment dans les communautés païennes.
3.2.3 « Chasse aux sorcières », Witch hunt
163
C. (L.-A.) (Re), 2001 IIJCan 17134 (QC C.Q.). 164
Dans la Situation de S. (N.), 2003 IIJCan 10643 (QC C.Q.) Il est à noter également, à titre informatif,
qu‘une sous-culture vampire canadienne existe et que les gens qui en font partie ne sont pas des monstres
pour autant.
146
Parmi tous les termes et expressions du champ sémantique délimité, ceux de « chasse aux
sorcières » et de witch hunt sont de loin les plus couramment relevés. Depuis 1985, dans
plus de 94 des cas répertoriés au Canada et dans les provinces, divers intervenants et
acteurs sociaux de diverses administrations y ont recours. Il est clair que ces individus font
référence aux inquisitions européennes durant l‘époque de la Renaissance où tous les
moyens étaient utilisés pour fabriquer des preuves et recueillir les aveux d‘une personne
accusée de sorcellerie, innocente ou coupable. L‘expression « chasse aux sorcières » est
devenue synonyme d‘abus de pouvoir et de parodie de la justice. On l‘utilise encore pour
mettre l‘accent sur une forme de conspiration contre un individu ou encore pour décrire
l‘atmosphère de suspicion qui entoure une personne. Ainsi, dans l‘affaire LeFrançois c.
Canada (Procureur général), 2008 QCCS 3222 (CanLII) [paragraphe 36] : « Le
demandeur décrit l‘atmosphère de chasse aux sorcières qui a entouré sa suspension et le
simulacre d‘audition qu‘on lui a infligé le 4 mars 2004 devant le ministre. ». Parfois, cette
expression est aussi utilisée pour signaler une limite à ne pas franchir sous peine de tomber
sous l‘inquisition. L‘affaire Asad c. Kinexus Bioinformatics, 2008 BCHRT 293 (CanLII)
[paragraphe 727] en fournit une illustration : « He said that Kinexus‘ objective was to
ensure that Mr. Asad was not discriminated against and that there was ―no witch hunt‖
against Ms. Stoute. »
Il existe encore plusieurs exemples de l‘utilisation de cette expression. Ces deux cas, nous
permettent de voir que l‘utilisation courante du terme « chasse aux sorcières » ou witch
hunt, décrit une situation de harcèlement envers une personne et ne constitue pas une
référence directe à la sorcellerie ou à la Wicca. Il est évident que l‘utilisation de ces
expressions est plutôt métaphorique.
3.2.4 Autres expressions associées
Dans le prolongement de l‘image négative présentée précédemment, il est possible de
trouver des références à la sorcellerie pour désigner le caractère prescient et manipulateur
de certaines opérations exercées dans le cadre d‘une fonction ou d‘un emploi comme dans
l‘affaire I.R.I. Services Ltd. c. Stuart, ou encore le caractère volatile de l‘individu tel que
l‘on trouve dans Beaumont c. Bertrand et al. Dans le premier cas, il y a mention du terme
147
witch doctor par le juge lorsqu‘il fait référence à ce qui a été dit au sujet des comptables en
cause dans l‘affaire Miles c. Clark (1953) : « Accountants are the witch doctors of the
modern world, and they too are apt to deal in unrealities ...165
». Dans cette optique, le
propre des witch doctors est de travailler avec l‘irréalité ou le monde irréel, ce qui
implique que par-delà le monde réel, ils peuvent manipuler des forces et des réalités
invisibles à d‘autres, voire les concrétiser. Dans deux autres cas, soit les affaires R. c.
Waranuk, 2007 YKTC 82 (CanLII) [paragraphe 52] et H.M.Q. c. Waranuk, 2008 YKSC
49 (CanLII) [paragraphe 10], le terme witch doctor possède une connotation très péjorative
puisqu‘il est utilisé pour dépricier quelqu‘un.
3.3 Y-a-t-il une évolution de l’image et des perceptions de la
sorcellerie dans les décisions judiciaires?
Dans la section précédente, plusieurs variantes de l‘image de la sorcière ont été passées en
revue. La question qui subsiste est de savoir s‘il est possible de déceler une évolution de la
perception de la sorcière dans les décisions judiciaires entre 1990 et 2010.
3.3.1 Avant 1990
Pour des raisons découlant de la nouveauté relative du terme, les références à la Wicca
dans les décisions canadiennes rendues avant 1990 sont inexistantes. La pratique
elle-même était à l‘époque peu connue et peu publicisée. Les cercles de pratiquants existent
depuis les années 1960 au Canada et découlent de l‘immigration des premiers de wiccains
anglais. Par ailleurs, une croissance massive des mouvements féministes et dianiques166
californiens a permis à la pratique de s‘installer sur la côte ouest canadienne durant les
années 1970 et 1980. Néanmoins, sur le plan public, l‘appartenance à la Wicca était
discrète et les ouvrages et les références portant sur la pratique étaient peu publiés et peu
165
I.R.I. Services Ltd. c. Stewart, 1992 CanLII 674 (C.-B.C.S.). 166
La tradition dianique, créé par Z. Budapest aux État-Unis, est une pratique éclectique de la Wicca qui se
concentre principalement sur la Déesse, plutôt que sur l‘équilibre des forces entre le Dieu Cornu et la Déesse.
Bien que la Déesse occupe la place principale, le dieu est reconnu, mais comme étant simplement le
partenaire de celle-ci et est invoqué au besoin. Il y a un pourcentage plus élevé de pratiquantes lesbiennes
dans cette tradition. Il y a malgré tout, des hommes qui sont impliqués dans la tradition.
148
connus. De plus, avant les années 1990, la pratique solitaire était mal vue au sein des
cercles païens. Pour bon nombre de wiccains, on ne pouvait être un adepte reconnu que par
l‘initiation à une tradition donnée au sein d‘un cercle (coven)167
. Par conséquent, peu de
gens faisaient partie de la Wicca ou étaient enclins à dévoiler leur appartenance à cette
religion par crainte de subir des représailles.
Si les références à la Wicca sont absentes, il n‘en va pas de même de celles aux pratiques
occultes, à la magie ou encore à la sorcellerie. Elles laissent entrevoir des attitudes de
distanciation allant de la méfiance à l‘accueil réservé suivant le fait que, d‘une part, les
croyances et les pratiques cultuelles contemporaines se font connaître, et que, d‘autre part,
les tribunaux commencent à statuer sur un certain nombre de litiges en matière familiale
(garde d‘enfants) où la religion d‘un parent est mise en cause par l‘autre partie, soit parce
qu‘elle révèle ses mœurs et son mode de vie ou parce qu‘il y a un conflit entre les parents
au sujet de l‘éducation religieuse des enfants.
3.3.2 De 1990 à 2000
Au début des années 1990, la méfiance caractérisait l‘opinion publique. Dans l‘affaire
Athanasopoulos c. Nitz, le mauvais caractère de la mère est imputé en partie à ses intérêts
pour la sorcellerie. Le juge R.B.Harvey mentionne :
With regard to the plaintiff, I find there is some support for his concern that
historically the defendant has been involved in witchcraft, attended black
masses and may have an interest in the occult. In this regard, he objects
during access to the child being exposed to such activities and friends of the
defendant having involvement in such activities. The defendant, at
discovery, admitted she had attended black masses and "dabbled in it" (the
occult) but qualified such evidence at trial as simply expressing an interest in
exploring the subject168
.
La sorcellerie n‘est pas vue de façon favorable puisqu‘elle est associée dans cette affaire à
des messes noires. En outre, l‘avocat insiste sur le manque de sérieux de la mère
puisqu‘elle a avoué faire des « incursions » (dabble in) dans les arts occultes. Le fait que
l‘avocat tente de soulever un doute de la sorte sur le caractère de la mère donne raison aux
167
Généralement à l‘une des trois grandes traditions wiccaines : le gardnérien, l‘alexandrien et le seax-wicca. 168
Athanasopoulos c. Nitz, 1993 CanLII 960 (C.-B. C.S.).
149
inquiétudes du père. Il est évident que peu choses sont encore connues à ce sujet et que
certains stéréotypes trouvent écho au tribunal.
C‘est durant la deuxième moitié des années 1990, en 1996 plus précisément, que
l‘utilisation du terme « Wicca » arrive devant les tribunaux dans une affaire concernant la
garde d‘un enfant en Colombie Britannique (Krahn c. Krahn). Il est à noter que la majorité
des cas faisant mention de la Wicca étaient des affaires de garde d‘enfant où l‘un des
parents était wiccain.
La question de l‘éducation religieuse et spirituelle est probablement l‘un des aspects les
plus délicats lorsque vient le temps de décider de la garde d‘enfants en cas de divorce ou de
séparation. Comme l‘indique Ogilvie : « The fundamental principle of the common law in
relation to custody and access cases, including those in which religious factors are involved
is that decisions should be based on the paramount consideration of the best interests of the
child. » (Ogilvie, 2003, p. 368). Ogilvie poursuit en mentionnant que dans certains cas, les
tribunaux provinciaux estiment qu‘un enfant de parents non mariés prend automatiquement
la religion de la mère. Ogilvie précise toutefois qu‘en l‘absence d‘une telle disposition,
c‘est l‘intérêt supérieur de l‘enfant qui déterminera son éducation religieuse. Dans le cas du
Québec, les deux parents conservent leurs droits et obligations sur l‘éducation des enfants,
et ce peu importe la personne qui a obtenu la garde (Kirouack, 2012, 32/10)169
. Ceci va de
même pour ce qui touche la question de l‘éduction religieuse.
Dans le cas où les parents appartiennent à des croyances ou des confessions différentes, les
tribunaux ne prennent pas de position à savoir si une religion est meilleure qu‘une autre.
In situation where each parent subscribes to a different faith or
denomination, or where there is a conflict between a religious and a secular
parent, or some other conflict of views between the parents about the nature
of religious upbringing for the child, the courts have stated that they also will
not consider whether one religion is better than another for the child, the
courts have stated that they also will not consider whether one religion is
better than another for the child, or make inquiry into relative merits of
different religions on a doctrinal basis. (Ogilvie, 2003, p. 371).
169
Voir D.W.c.A.G. [2003] RJQ 1411 (C.A.)
150
Encore là, nous pouvons voir que ce n‘est pas la nature de la religion qui est en cause, mais
plutôt l‘accent accordé à l‘intérêt supérieur de l‘enfant, ce qui est souligné dans l‘affaire
Krahn c. Krahn où la mère est wiccaine. Son appartenance n‘a pas été retenue contre elle.
La même approche est adoptée dans l‘affaire Alberta (Director of Child Welfare) c. M.K.B.
de 1999 où le tribunal ne considère pas que la croyance de la mère en la Wicca puisse être
nocive ou dangereuse en soi pour l‘enfant. C‘est aussi dans cette affaire que l‘on trouve une
première association entre le paganisme et la Wicca. Le facteur d‘association est
significatif, car cette équation vient atténuer le côté péjoratif perçu de la sorcellerie. Il y a
lieu de se demander si le fait qu‘une religion ou une croyance se trouve en lien avec la
nature soit vu plus positivement que lorsqu‘une religion ou une croyance est associée à la
pratique de la haute magie cérémonielle. L‘association de la sorcellerie et des arts occultes
semble introduire les notions de mœurs troubles et de caractère manipulateur de la part
d‘une personne qui cherche à dominer les forces et son environnement. L‘association avec
la nature, par ailleurs, induit une notion de préservation et de respect de son environnement.
Il est possible qu‘inconsciemment, toutes choses étant égales par ailleurs, les acteurs
judiciaires font écho à la culture ambiante et reçoivent plus favorablement l‘association
entre la Wicca et le paganisme, que celle entre la Wicca et les arts occultes. Bien qu‘une
certaine ignorance perdure quant à la nature de la Wicca, il reste que l‘appartenance du
parent wiccain ne joue pas nécessairement en sa défaveur lorsqu‘il est question de garde
d‘enfants.
Il est à noter que c‘est au cours de cette décennie que la Wicca a connu sa plus forte hausse
de popularité comme nous l‘avons mentionné au début de ce chapitre. Le recensement fait
par Statistique Canada indique une augmentation de 15 550 (281,2 %) au Canada et de
1 120 (533,3 %) au Québec entre 1991 et 2001. Abstraction faite des individus se réclamant
de l‘identité wiccaine, on observe en général une augmentation de l‘intérêt et des créations
artistiques relativement au concept de la sorcière. Les émissions de télévisions, les films,
les reportages, les ouvrages littéraires (fiction et non-fiction) et Internet commencent à
traiter de plus en plus de la sorcellerie, mettant la Wicca et la magie blanche au cœur de la
question. De plus, des associations païennes comme la PFPC (Pagan Federation/Fédération
païenne du Canada) se créent et commencent à effectuer des représentations auprès
151
d‘instances gouvernementales ciblées, notamment l‘aumônerie des prisons, afin de se faire
connaître et de contrer les stéréotypes négatifs associés à la sorcellerie. Une grande
préoccupation semble être d‘établir une distinction par rapport au satanisme. Même si la
mention de ce sujet est rare dans la jurisprudence canadienne, ces pratiques demeurant
ultra-minoritaires. Il n‘empêche que l‘information commence graduellement à circuler par
l‘entremise de divers intervenants sociaux dont des experts de la cour, comme des
psychologues et des travailleurs sociaux, des avocats, des parties et des témoins.
3.3.3 Après 2000
Des changements sont perceptibles à partir de l‘an 2000. On pourrait en inférer qu‘ils
traduisent l‘état du contentieux dressé en début de chapitre. A titre d‘exemple, dans
l‘affaire W. (D.J.A.) c. T. (G.D.), le témoin expert, la psychologue Mme Tholl170
, inclut
dans son rapport171
, au bénéfice de la cour, de la documentation au sujet de la Wicca.
Madame Tholl n‘y exprime aucune inquiétude en soi quant à la pratique wiccaine de la
mère. Cette absence d‘inquiétude est soulignée par le fait que l‘appartenance religieuse de
la mère n‘est pas mentionnée à nouveau et ne semble pas avoir d‘incidence sur la décision
du juge en ce qui a trait à la garde des enfants.
Dans l‘affaire Tall c. La Reine (2005), la Wicca est mentionnée dans une liste de religions
non conventionnelles qui adoptent pour la plupart une approche naturelle de la guérison.
Cette insertion de la Wicca dans la liste par l‘appelant qui n‘est pas wiccain démontre sa
vision du monde et de l‘association qu‘il fait, car la Wicca se voit attribuer le titre de
religion, alors que dans les autres affaires, ce statut de religion est plutôt nébuleux. Cela ne
veut pas dire que la cour estime pour autant qu‘il s‘agisse d‘une religion. Néanmoins,
l‘association thématique à d‘autres mouvements païens ou religions de la nature continue à
faire surface. C‘est surtout à partir de 2002 que les termes « paganisme » et de « païens »
170
Au moment de la décision, Madame Tholl ne semblait pas avoir d‘expertise relativement aux mouvements
religieux. Son expertise se concentre sur le counseling familial. 171
Appendice B de son rapport.
152
commencent à être utilisés plus fréquemment, sans pour autant qu‘ils ne soient perçus de
façon positive172
.
L‘affaire Bolduc c. Bolduc de 2006 CanLII 28099 (ON C.S.) [paragraphe 53], représente
enfin une instance de normalisation de la Wicca dans la jurisprudence. Il y est fait
notamment mention du fait que madame Bolduc est une sorcière de la « foi » Wicca (Wicca
faith)173
. Le simple fait d‘une association entre les termes « Wicca » et « Faith » tend à
traduire une évolution au niveau des représentations. L‘utilisation du terme « foi »
démontre qu‘en dix ans il s‘est opéré un changement notable dans la perception de la
pratique de la Wicca au sein de la population ainsi qu‘au sein du milieu judiciaire. La
Wicca, autrefois perçue comme une simple pratique d‘art mystique, est devenu une
croyance. Bien que le terme « foi » ne soit pas nécessairement approprié pour décrire la
Wicca, il exprime néanmoins une forme d‘assimilation de ses croyances et pratiques à
l‘univers religieux.
3.4 Conclusion
L‘histoire de la sorcellerie, de la Wicca et de la jurisprudence canadienne n‘en est encore
qu‘à ses premiers balbutiements. Que ce soit par l‘invocation des protections offertes par la
Charte des droits et libertés ou par la voie d‘une évolution dans l‘application du Code
criminel, il importe aux wiccains de s‘assurer que leurs droits et leurs croyances soient
respectés.
Le passage de représentations négatives vers des représentations plus neutres se fait
lentement. Il faut dire que, dans la plupart des cas, les croyances du wiccain ne sont pas
directement remises en question. En fait, dans la logique de la procédure judiciaire, elles
sont instrumentalisées par la partie adverse en relation avec le témoignage de vie et de
bonnes mœurs de l‘ex-conjoint ou encore du nouveau partenaire de ce dernier. Si on
examine le corpus des affaires de divorce, c‘est davantage le milieu de vie qui détermine
172
M. K. T. c. T. G. T., 2004 SKQB 162 (CanLII); Baryluk c. Warner Bros. Entertainment Inc., 2005 CanLII
41383 (ON C.S.) ; S.(L.L.) c. G.(E.), 2002 ABPC 88 (CanLII) ; Asashi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté
et de l’Immigration), 2005 CF 102 (IIJCan); Tucker c. Canada, 2003 CF 1008 (IIJCan) ; E. R., Re, 2003
IIJCan 50109 (QC C.Q.). 173
Bolduc c. Bolduc, 2006 CanLII, 28099 (ON C.S.) [paragraphe 53].
153
l‘issue du jugement plutôt que les mœurs. Qui plus est, lorsque le jugement et les aptitudes
parentales entrent en ligne de compte, le facteur décisif se révèle être l‘inaptitude du parent
à discerner une situation potentiellement dangereuse ou encore de pouvoir adéquatement
subvenir aux besoins de l‘enfant. Plus souvent qu‘autrement, la question de la Wicca est
écartée, car elle ne contribue aucunement à la situation présentée devant les tribunaux. Par
exemple, dans l‘affaire criminelle R c. Koehn174
, un portrait de l‘accusé est dressé en
mentionnant, entre autres, son appartenance à la Wicca. Malgré cet effort pour discrédité le
caractère de l‘accusé, ce détail n‘avait pas de poids et n‘a donc pas été retenu comme
élément de décision du tribunal puisqu‘il n‘avait rien à voir avec le déroulement des
événements entourant la mort du fils de sa femme.
Que peut-on conclure quant aux représentations et au traitement judiciaire de la Wicca? Peu
de choses si ce n‘est l‘amorce d‘une tendance vers la normalisation. Le corpus de décisions
reste maigre.
À l‘avenir, certains développements récents au sujet d‘autres minorités religieuses
pourraient avoir une incidence sur le traitement de la Wicca. Le port du kirpan175
en fait
partie. L‘athame, une lame à double tranchant très utilisée dans les rituels wiccains,
pourrait-elle être bannie? Pourra-t-on s‘objecter à la présence d‘enfants à ces rituels? Cela
reste à voir.
Il ne faut pas non plus oublier que des associations comme la PFPC et les Officers of
Avalon travaillent beaucoup en vue de diffuser une image positive des groupes païens et
d‘expliquer en quoi consistent les diverses pratiques païennes. Est-ce que la scolarité et
l‘urbanisation des pratiquants, jumelé aux intérêts environnementaux normalisent l‘identité
wiccaine, les rendant ainsi moins menaçant aux yeux des tribunaux et de la population
générale? C‘est possible. Il incombe alors de vérifier si ces éléments sont effectivement
contributoires à une image positive de la Wicca, et c‘est, entre autres, par l‘entremise des
données du terrain que nous pourrions vérifier si c‘est le cas.
174
R c.Koehn, 1998 Canlii 6780 (C.-B.C.S.) section 117,1998-03-05. 175
Une série de comparutions en cour sur 5 ans dont la dernière est : Multani c. Commission scolaire
Marguerite-Bourgeoys, 2006 CSC 6 (IIJCan).
Chapitre 4 : Socio-démographie de la Wicca
We all come from the goddess, and to her we shall return.
Like a drop of rain flowing to the ocean.
We all come from the goddess, and to her we shall return.
Like a drop of rain flowing to the ocean.
Hoof and horn, hoof and horn, all that die shall be reborn.
Horn and grain, horn and grain, all that fall shall rise again.
We all come from the goddess, and to her we shall return.
Like a drop of rain flowing to the ocean.
Sage and crone, sage and crone, wisdoms gift shall be our own.
Crone and sage, crone and sage, wisdom is the gift of age.
We all come from the goddess, and to her we shall return.
Like a drop of rain flowing to the ocean.
Par Z. Budapest (avec le « Hoof and Horn » de Ian Corrigan)
Ce chapitre présente et analyse les données permettant d‘approcher une partie du monde
vécu et perçu individuellement par les wiccains québécois en lien avec
l‘institutionnalisation religieuse au sens large. Le chapitre 5 fournira par ailleurs une
description approfondie de l‘évolution culturelle de la mouvance.
4.0 Enquête par questionnaire
Comme mentionné au chapitre 1, nous tentons de cerner l‘opinion générale qu‘ont les
wiccains québécois sur les enjeux de l‘institutionnalisation par l‘utilisation d‘un
questionnaire. Une attention particulière est portée à l‘organisation de l‘aumônerie païenne
dans les prisons. Les questions sont dirigées et semi dirigées, ce qui permet d‘aller chercher
une grande variété de renseignements nécessaires tant sur le plan socio-démographique que
sur l‘opinion personnelle de l‘informateur relativement aux sujets abordés.
Afin de comparer l‘incidence de différents vecteurs d‘institutionnalisation au sein de la
population de pratiquants francophones et anglophones au Québec, tant en ce qui a trait à
leur idée de ce qu‘est la Wicca qu‘en ce qui a trait à leurs perceptions et à leurs applications
de différents éléments institutionnalisant, le questionnaire a été divisé en six rubriques : les
156
renseignement généraux, l‘itinéraire religieux, les communautés (physiques et virtuelles),
l‘accessibilité des matériaux nécessaires à la pratique, le clergé et les droits et les libertés.
Ces rubriques vont également servir de points de repère à la présence de divers éléments
d‘institutionnalisation au sein de la Wicca québécoise. Il est à noter que les réponses aux
questionnaires sont reproduites ici comme elles ont été données, sans que des corrections
n‘aient été apportées à la grammaire, au style ou à la forme.
4.2 Caractéristiques socio-démographiques
L‘âge des répondants du questionnaire varie entre 19 et 56 ans; la moyenne d‘âge s‘établit à
39 ans. Lors de nos recherches de la maîtrise entre 2001 et 2003, la moyenne d‘âge était de
29 ans (Gagnon, 2008a, p. 72). Cette différence peut s‘expliquer par le fait que les
répondants sont maintenant plus âgés176
, ou simplement que ceux et celles qui ont accepté
de répondre se retrouvaient dans cette catégorie d‘âge. Sur le terrain, on rencontre au
Québec plus de gens dans la mi-trentaine et la quarantaine qu‘il y a 10 ans. Cela laisse
croire que les gens poursuivent le cheminement religieux qu‘ils ont choisi. D‘ailleurs,
parmi les répondants, huit répondants affirment pratiquer la Wicca depuis plus de 10 ans,
dont cinq depuis plus de 16 ans. Pour près d‘un quart des répondants, on compte entre six et
neuf ans de pratique, alors que six des participants pratiquent depuis trois à cinq ans177
. Une
seule personne pratique depuis moins de deux ans. Il en ressort donc une certaine stabilité
dans la pratique.
L‘une des caractéristiques de la Wicca est la forte présence féminine (Berger, 1999, p. 37;
Berger, Leach, Shaffer, 2003, p. 28; Gagnon, 2008a, p. 72). Cet aspect se confirme lorsque
l‘on assiste à des rituels publics ou autres événements publics178
. D‘ailleurs, parmi les
répondants au questionnaire, 18 sont des femmes. La présence des hommes n‘est pas pour
autant négligeable. En moyenne, dans les événements publics, la répartition des sexes se
situe autour de 60 % de femmes contre 40 % hommes. À la question de l‘identité sexuelle,
la catégorie « Autre » avait été incluse au questionnaire pour fournir une option à ceux et
176
En 2001, la fourchette d‘âge variait 19 à 51 ans, ce qui diffère peu de celle de la présente recherche. La
différence s‘établit maintenant par le nombre de pratiquants âgés de 40 ans et plus. 177
Parmi les répondants, un seul n‘a pas répondu. 178
Il convient de se rappeler que lors d‘événements publics, il n‘y a pas que des wiccains, mais également des
gens appartenant à d‘autres branches de pratiques païennes similaires.
157
celles qui se considèrent éventuellement ni homme, ni femme, qui revendiquent les deux
genres ou encore un autre genre179
non considéré habituellement dans les questionnaires180
.
Aucun répondant ne s‘est cependant prévalu de cette option. Le motif de l‘inclusion de
cette catégorie tenait au fait de la rencontre sur le terrain de quelques individus
inconfortables avec les catégories usuelles, qui se considéraient être de deux genres ou
encore qui étaient en processus de changement de sexe. Par conséquent, le choix
identitaire « Autre » aurait permis de prendre en compte non seulement la perception du
genre actuel de l‘individu, mais également de faire appel à sa définition de l‘identité
sexuelle idéale. Cet aspect peut sembler à première vue superflu et peu important, mais
avec le temps, la définition de l‘identité sexuelle d‘une personne se transforme et les
frontières sont plus floues qu‘il y cinquante ans. À cet égard, Helen A. Berger avait parlé de
gendered self et de la réticence qu‘ont certains répondants de la Wicca à indiquer leur
identité sexuelle (Berger, 1999, p. 37).
Partant du postulat que la Wicca est ouverte à la diversité et à la liberté de choix de ses
participants, il nous semblé important de saisir le mieux possible les nuances de
l‘orientation sexuelle des répondants. Il en ressort que 17 d‘entre eux se considèrent
hétérosexuels, trois bisexuels et une personne homosexuelle.
179
On peut y inclure les transgenres, les transsexuels, les androgynes, les trigenres (qui inclut le genre neutre),
ou autres possibilités de genres identitaires. 180
Il est à noter que dans le Pagan Census mené aux États-Unis par Helen A. Berger et Andras Corbin Arthen
entre 1993 et 1995, le questionnaire comprend simplement la mention du genre « sexe » et un espace à
remplir plutôt qu‘un choix fixe, ce qui permet au répondant d‘indiquer son identité au lieu de se voir imposer
un choix identitaire. (Berger, Leach et Shaffer, 2003, p. 242).
158
Figure 3 : Orientation sexuelle des répondants
Bien que la majorité des répondants sont hétérosexuels, on trouve toutefois une bonne
proportion de personnes homosexuelles ou bisexuelles. Même si ce n‘est pas l‘un des
objectifs de cette thèse d‘analyser les diverses implications des rôles de l‘identité et de
l‘orientation sexuelle, il est néanmoins intéressant de noter la présence de celles-ci dans la
Wicca et le monde païen contemporain.
En ce qui a trait à la langue, 15 des répondants ont indiqué le français comme langue
maternelle, et six l‘anglais. Fait notable, 19 des répondants maîtrisent une autre langue.
Ainsi, le deux tiers des anglophones sont bilingues (anglais-français), alors que tous les
répondants francophones se sont déclarés bilingues (anglais-français). Seuls deux
répondantes anglophones sont unilingues. Pour la majorité de ceux qui maîtrisent une autre
langue, l‘anglais est représenté à 78,9 %, suivi du français à 21,1 % et de l‘espagnol à
15,8 %. Deux des répondants anglophones ont mentionné maîtriser une troisième langue
autre. La présence du bilinguisme parmi les francophones démontre en partie le besoin
d‘accessibilité aux informations concernant la pratique. À plusieurs reprises sur le terrain,
Orientation sexuelle des répondants
Hétérosexuelle
81%
Homosexuelle
5%
Bisexuelle
14%
Autre
0%
159
les divers individus ont mentionné le fait qu‘ils ont dû apprendre l‘anglais afin de pouvoir
chercher de l‘information sur la Wicca.
Souvent, lorsqu‘il est question de sorcellerie, l‘idée subsiste, dans la population générale au
Québec, à l‘effet que les sorciers et les sorcières habitent en marge de la société ou encore
dans des villages isolés. Toutefois, la Wicca et la mouvance païenne se retrouvent plus
souvent qu‘autrement dans des centres urbains. Un peu plus de la moitié des répondants
réside à Montréal. On remarque, cependant, que les répondants proviennent de diverses
régions de la province : deux de la Montérégie, deux de Laval et deux du Saguenay Lac-St-
Jean. On retrouve respectivement une personne à Québec, à Lanaudière et en Estrie.
Figure 4 : Provenance des répondants
Étant donné l‘ampleur du territoire provincial, il est clair qu‘il aurait été difficile d‘avoir
des répondants provenant physiquement des 17 régions du Québec. Néanmoins, il a été
02- Saguenay-Lac-St-Jean
9,5 % 03- Québec
4,8 %
05- Estrie 4,8 %
06- Montréal 57,1 %
13- Laval 9,5 %
14- Lanaudière 4,8 %
16- Montérégie 9,5 %
Provenance régionale des répondants
02- Saguenay-Lac-St-Jean03- Québec
05- Estrie
06- Montréal
13- Laval
14- Lanaudière
16- Montérégie
160
possible de rejoindre des répondants en provenance de sept de ces régions181
grâce, entre
autres, à la disponibilité du questionnaire en ligne. Si l‘on compare la provenance des
répondants actuels à celle délimitée par l‘enquête effectuée lors de notre maîtrise, on
remarque que la Wicca et le paganisme commencent à se faire connaître au-delà des
frontières urbaines montréalaises. En 2001, 30 des 39 répondants (77 %) provenaient de
Montréal, quatre de Québec (10 %), 3 de Montérégie (8 %) et une personne respectivement
en Estrie er dans l‘Outaouais (3 %) (Gagnon, 2008, pp. 71-72).
Si on examine le profil scolaire des répondants, on remarque que neuf des répondants ont
un diplôme universitaire. De ce nombre, le tiers serait détenteur d‘une maîtrise. On
remarque également que six des répondants ont un diplôme d‘études collégiales, quatre ont
un diplôme d‘études secondaires et deux détiennent des diplômes d‘études professionnelles
ou des certificats universitaires dans divers domaines. Comparativement au Québec, selon
le recensement de 2006 de Statistique Canada pour la population âgée de 25 à 64 ans182
,
22,9 % des Québécois ont un diplôme universitaire, 17,5 % ont un diplôme collégial,
18,1 % ont un diplôme d‘études professionnelles et 21,1 % ont un diplôme d‘études
secondaires. Les répondants sont des gens instruits puisque plus du trois-quart des
répondants ont un diplôme d‘études post-secondaires. En outre, six d‘entre eux
poursuivaient leurs études au moment de l‘enquête.
En ce qui a trait à la profession, deux des répondants travaillent dans le domaine de
l‘enseignement, des arts ou de la santé. Parmi les répondants, cinq occupent un poste
administratif alors que trois travaillent dans le milieu de la vente. Finalement, il y a
respectivement une personne qui travaille dans les domaines de l‘ingénierie, de l‘édition, de
l‘informatique et dans la fonction publique. Il est à noter que deux des répondants cumulent
deux emplois et que deux autres en ont trois.
181
Malheureusement, certains des questionnaires reçu, n‘ont pas été pris en compte à cause des problèmes
informatiques au niveau de l‘enregistrement des données provenaient de la région de l‘Outaouais. Il est à noté
que cette région compte plusieurs pratiquants wiccains, mais peu de gens ont répondu au questionnaire. 182
Scolarité, Recensement 2006, http://www12.statcan.ca/census-recensement/2006/dp-pd/hlt/97-
560/pages/page.cfm?Lang=F&Geo=CD&Code=24&Table=1&Data=Dist&Sex=1&StartRec=1&Sort=2&Dis
play=All.
161
Les caractéristiques socio-démographiques des membres peuvent être lues comme autant
d‘ancrages de la mouvance wiccaine dans la société environnante et servir d‘élément
d‘appréciation, parmi d‘autres, de son institutionnalisation relative. On peut déjà noter la
stabilité et la durée de l‘engagement spirituel. S‘y ajoute une valorisation certaine du capital
culturel, notamment scolaire, alors que la question de l‘orientation sexuelle traduit une
distanciation critique des répondants par rapport aux conventions sociales. Si l‘on tient en
compte l‘état civil de ceux-ci, on remarque qu‘un peu plus de la moitié déclarent être en
union libre, soit onze répondants, alors que cinq sont célibataires, trois sont mariés et deux
sont divorcés.
Figure 5 : État civil des répondants
À première vue, la prédominance des conjoints de fait peut surprendre. Cependant, cette
statistique semble plus naturelle quand on sait que le mariage conventionnel selon les rites
wiccains a longtemps représenté un obstacle juridique de taille. Dans notre échantillon, ce
résultat touche un peu plus de la moitié des francophones et les tiers des anglophones.
2.4%
1.4% 5.2%
0.0% 1.0%
État civil
célibataire / single
marié(e) / married
conjoint de fait /living partners
veuf (veuve) /widow
divorcé / divorced
162
Toutefois, quand on observe l‘état civil de la population du Québec en général en
comparaison avec celle des autres provinces, on remarque qu‘au Canada c‘est le Québec
qui a le plus haut taux de couples en union libre, soit à 34,6 % des familles. Même si le
Québec compte à lui seul 44,4 % des couples en union libre au pays183
, il reste que le
pourcentage relativement élevé ressortant de l‘enquête indique également ici une
distanciation par rapport aux conventions sociales
Un autre vecteur potentiel d‘institutionnalisation à l‘interne est la présence d‘enfants. Une
question de l‘enquête visait à recueillir cette information. Parmi les répondants, six ont
déclaré avoir des enfants. De ce nombre, la majorité, soit le deux-tiers a déclaré n‘avoir
qu‘un seul enfant, alors qu‘une personne a deux enfants, et une autre quatre. Afin d‘établir
dans quelle mesure cette seconde génération a eu une incidence sur leur pratique, une
question demandait aux répondants s‘ils ont eu leurs enfants avant ou après avoir
commencé à pratiquer la Wicca. Les deux tiers ont répondu avoir eu des enfants après avoir
débuté la pratique de la Wicca. Une question cherchait également à cerner dans quelle
mesure l‘arrivée des enfants avait modifié la façon de pratiquer la Wicca. Pour la moitié des
répondants, l‘arrivée des enfants a eu une incidence, tandis que pour le tiers cela n‘a rien
changé. Une personne n‘a pas répondu. Parmi ceux dont la pratique aurait subi des
modifications, une des répondantes mentionne ceci : « Je dois souvent abréger mes rites. Je
la fais garder pour les cérémonies plus longues mais de façon générale, je pratique quand
elle dort. » (QIF003, P1, Q10.4.1). Il est à mentionner que cette personne avait un enfant de
moins d‘un an au moment de répondre au questionnaire. Une autre indique s‘être tournée
vers une pratique plus communautaire à cause de son fils : « I decided to move from being
a solitary to joining the community so my son could meet people that believed the same
thing as us. » (QPF002, P1, Q10.4.1). Bref, on perçoit ici deux types de changements.
L‘une cherche à gérer le temps dévolu à sa pratique, alors que la deuxième cherche un
appui externe qui facilite l‘intégration de son enfant, à travers un cadre externe, la
communauté, qui vient valider ses croyances et pratiques.
183
Selon les statistiques de Statistique Canada, Recensement de 2006 : Portrait de famille : continuité et
changement dans les familles et les ménages du Canada en 2006 : Provinces et territoires « Série analyse » du
Recensement de 2006.
163
Enfin, pour pouvoir cerner si d‘autre facteurs externes au répondant sont susceptibles d‘être
porteurs d‘institutionnalisation, on a été demandé aux parents wiccains s‘ils avaient déjà
consulté des ouvrages consacrés aux enfants et à la Wicca ou au paganisme. Les deux tiers
affirment avoir effectivement consulté des ouvrages de cette nature. Certains ont mentionné
des titres dont Family Wicca d‘Ashleen O‘Gaea, d‘autres, le livre de Starhawk, Diane
Baker et Anne Hill Circle Round : Raising Children in Goddess Traditions. Il a également
été question de livres de Scott Cuningham, bien que ce dernier n‘ait pas écrit d‘ouvrages
spécifiquement sur le sujet. L‘une des répondantes a également mentionné avoir assisté à
des ateliers (QIF002, P1, Q10.5.1).
Outre le profil socio-démographique, l‘enquête cherchait à cerner l‘affirmation de
l‘appartenance des participants sur la place publique, leur perception de la Wicca en général
et de son rôle dans la société ainsi que des opportunités comme les difficultés particulières
rencontrées par la Wicca au Québec. Ces questions nous permettaient potentiellement
d‘appréhender la portée de vecteurs d‘institutionnalisation internes ou externes à la Wicca.
4.3 Auto-identification
Afin de déterminer le niveau d‘affirmation auto-identitaire, une question portait sur
l‘affirmation ou l‘affichage de l‘appartenance à la Wicca en public. Par le terme
« affirmer », nous entendons le fait de dévoiler son identité à un individu de son entourage.
Le terme « afficher » quant à lui s‘applique au port de bijoux, d‘objets ou autres symboles
d‘identification wiccains.
À la question de l‘affirmation publique de l‘identité, douze des répondants ont indiqué
« oui », trois « non » alors que six ont affirmé ne pas se dévoiler à leurs proches.
Parmi les réponses positives, on retrouve les commentaires suivants :
Je ne sens pas de contraintes venant de ma famille, mes amis, mon travail
ou mes autres activités. Et je ne veux pas garder cet aspect de moi secret.
(Q632, P1, Q11)
164
Je ne cache pas ma religion aux autres, mais je ne le crie pas sur les toits.
Ça fait partie de moi et c‘est tout. (QIF006, P, Q11)
I believe it is part of who I am and I am very honest and open about who I
am. (Q602, P1, Q11)
I like to promote awareness and diminish discrimination. I don‘t feel the
need to hide. I don‘t shove it in people‘s faces, but I don‘t hide it either.
(Q636, P1, Q11)
Je ne le crie pas sur les toits (QIF002, P1, Q11)
L‘idée de « ne pas le crier sur les toits » revient dans quatre des commentaires laissés par
les répondants, qu‘ils aient répondu par la négative ou par l‘affirmative. De plus, parmi
ceux-ci, six des répondants ne cachent pas leur identité et ils expliquent leur appartenance
religieuse si on leur en fait la demande. « Je ne le cache pas, mais je ne l‘annonce pas à tue-
tête non plus. Si l‘on me le demande, je dis la vérité. » (Q603, P1, Q11)
En général, les répondants qui n‘affirment pas leur appartenance invoquent la
méconnaissance et l‘ignorance de ce qu‘est la Wicca pour expliquer de leur position.
Mes amis proches le savent, mais je ne m‘affiche pas pour la simple et
bonne raison que les gens ne connaissent pas [….] (QIF003, P1, Q11).
Je n‘adhère pas en totalité à la neutralité Wicca, je préfère le terme
paganiste païenne. Pour les gens moins informés, j‘utilise par contre le
terme wicca. (Q638, P1, Q11)
Curieusement, pour cette dernière personne, il semblerait que la Wicca soit une
identification davantage connue du public, alors que le paganisme se révèlerait une notion
beaucoup plus large qui engloberait la Wicca.
Pour expliquer de leur discrétion, d‘autres mentionnent des motifs d‘ordre privé :
I answered ―No‖. Close friends know my involvement but I do not
consider this to be ―public‖. (QIM008, P1, Q11).
Ça ne regarde personne. (QPF003, P1, Q11)
165
Par ailleurs, la raison serait un milieu de travail peu propice.
Je ne l‘affiche pas au travail, c‘est un domaine malgré tout assez fermé et
les commentaires occasionnels sur les religions ne m‘y encouragent pas.
(QIF007, P1, Q11)
Les gens avec qui je travaille sont plutôt conservateurs. Mes amis proches
le savent mais c‘est tout. (IF004, P1, Q11)
Mais je ne suis pas Wicce aux yeux de l‘armée, car mon dossier n‘aurait
pas été accepté comme tel. (Q614, P1, Q11)
À la lecture de ces commentaires, il est possible de commencer à cerner quelle catégorie
d‘individus dévoilent le plus souvent leur appartenance. Une question cherchait à savoir
avec qui plus précisément l‘identité wiccaine était partagée. Il est à noter tout d‘abord le
haut taux de réponse à cette question, soit 18. Parmi les répondants, 16 l‘ont dit à leurs
amis. La famille arrive au second rang avec 13 des répondants qui ont dévoilé leur
appartenance à leur famille. Un peu plus de la moitié en ont informé des collègues, alors
que cinq l‘ont déclaré à des représentants de l‘autorité publique.
D‘après l‘analyse, il semblerait que les Wiccains s‘affichent afin de se reconnaître entre eux
plutôt que pour s‘affirmer auprès de leur entourage. On remarque ainsi que 15 des
répondants portent un objet ou symbole quelconque en public. Quels sont les objets les plus
usuels et les lieux privilégiés pour l‘affichage de l‘identité wiccaine? Parmi les réponses
obtenues, trois répondants ont dit qu‘ils portaient en tout temps au moins un objet ou un
bijou184
. Une personne a mentionné qu‘elle n‘en porte pas du tout faute de goût pour la
chose (Q601, P1, Q11.2). Il convient de noter que deux des individus n‘ont pas répondu à
cette question. En ce qui concerne les lieux d‘affichage de l‘identité, 15 individus portent
un bijou à la maison, dix au travail, 16 lors d‘événements publics, et un peu moins de la
moitié en portent à d‘autres moments.
En somme, en observant le niveau global de l‘affirmation et de l‘affichage publics des
répondants, on s‘aperçoit que 12 répondants affirment totalement leur appartenance de leur
184
Ces objets ou bijoux peuvent être des pendantifs, des bagues, des boucles d‘oreilles, ou talisman portant le
pentagramme, des symboles celtiques, une représentation de la déesse sous les trois formes (lune croissante,
plein lune et lune décroissante.)
166
sphère privée, surtout à des amis et aux membres de la famille, et ce principalement lors
d‘événements et à la maison. D‘un autre côté, dans la sphère publique, trois personnes vont
affirmer partiellement leur appartenance, soit publiquement ou soit symboliquement. De ce
nombre, le deux-tiers vont s‘afficher symboliquement, mais n‘affirmeraient pas leur
appartenance en public, alors que le tiers vont l‘affirmer publiquement, mais ne porteront
aucun signe distinctif.
4.4 Auto-perceptions de la Wicca
À la fin de la première partie du questionnaire, une série de quatre questions ciblait la
perception qu‘ont de la Wicca ceux qui s‘adonnent à cette pratique. Comment la nature de
la Wicca, son rôle en société et le propre rôle du wiccain sont-ils envisagés? Qui plus est, il
convenait de vérifier la manière de définir la Wicca afin de déterminer si, selon une de nos
hypothèses, les francophones ont une vision différente de celle des anglophones.
4.4.1 Question portant sur la perception
Pour commencer, on a demandé aux répondants si la Wicca jouait un rôle dans la société. Il
en ressort que 15 des répondants pensent que la Wicca joue effectivement un rôle dans la
société; trois d‘entre eux pensent qu‘il n‘en est rien, alors que trois n‘ont aucune opinion
sur cette question.
Deux éléments se dégagent relativement à son rôle social : l‘écologie (et la nature) de
même que son influence bénéfique sur la société. Ces vues sont partagées par près de la
moitié sept des répondants. Qu‘il s‘agisse de favoriser le respect de la nature, l‘être-en-
harmonie avec la nature ou le retour à la nature, les répondants sont convaincus que la
Wicca conscientise les gens aux questions environnementales. En voici quelques
exemples :
Je crois que oui. Malgré que ce sont les Wiccans qui jouent un rôle. Et
chaque Wiccans vit la Wicca différemment donc influence la société de
façon différente. Avec le tournant vert, le bio et tout ce qui se rapporte à
l‘environnement de plus en plus présent, la Wicca est (d‘après moi) plus
en vogue. (QIF003, P1, Q12)
167
Oui. Le fait de respecter la nature, l‘environnement et d‘effectuer des
rituels de paix et d‘amour ne peuvent qu‘être bénéfiques pour la
collectivité et la société. (QIM005, P1, Q12)
Je crois que la Wicca peut aider la société actuelle par ses valeurs
tournées vers la nature. (Q614, P1, Q12)
Il est évident que pour eux, la Wicca est une religion fondée sur la nature; c‘est elle qui
amène ses adeptes à s‘attribuer ce rôle de gardiens. Il est à noter que le fait qu‘il y ait tant
d‘abus et de pollution dans le monde actuel amène les wiccains à proposer ce rôle de
défenseurs de la nature, car la nature est leur temple qui permet, entre d‘autre médium,
d‘établir un lien direct avec les divinités. Par conséquent, si l‘environnement est détruit,
leur temple l‘est aussi, à l‘instar de plusieurs formes de manifestations divines.
Cet aspect est également soulevé par l‘un des répondants qui ne croient pas que la Wicca
joue un rôle dans son ensemble, mais qui estiment que les questions de l‘environnement et
de la nature jouent un rôle sur le plan individuel.
La Wicca devient donc la voie qu‘empruntent certains adeptes pour exprimer une
préoccupation environnementale souvent absente des grandes religions. Cet aspect recèle
également l‘importante notion d‘équilibre. Pour assurer la survie de l‘espèce, il faut
préserver les ressources primaires. Or, si ces ressources sont affectées, la survie est
menacée. Ce point semble encore plus présent dans les réponses données dans ce
questionnaire que dans celles fournies aux questions du questionnaire élaboré lors de nos
recherches de maîtrise. La question de l‘influence sur la société provient principalement du
fait que les actes posés par les wiccains peuvent influencer la société et les communautés
qui les entourent.
À quelques part oui, puisqu‘il s‘agit d‘une pensée très libre, contrairement
à la croyance populaire au Québec que toutes les religions sont
dictotriales. Je pense également que cette spiritualité amène à une
réflexion sur nos actes en général. De plus, elle prône l‘équilibre dans
tous les domaines, chose qui manque beaucoup dans notre société, les
dépressions en étant selon mon humble opinion un signe. (QIF009, P1,
Q12).
168
Wicca is an important religion that many people are discovering because
it connects spirituality with nature, helps the individual to understand at a
deep non-verbal level the sacredness of nature and why we must all try
and live in as ecologically friendly manner as possible. It also re-connects
people to their world in a gentle way. I believe that disassociation from
the world and nature is a cool cause of depression. So Wicca can bring
peace and healing on a spiritual [level] (QPF002, P1, Q12)
Un troisième élément digne de mention est la perception du rôle de la Wicca en tant que
moteur de la diffusion des idées et de la conscientisation des esprits. Cet élément a été
mentionné par six des répondants.
Yes, we are a spiritual path and all spiritual paths (assuming they cause
no harm) are important each path speaks to some people and helps them
to understand who they are better. (Q602, P1, Q12)
Yes, like any religion, it helps form the minds and intentions of it‘s
practioners/believers and the decisions et actions the make et take in
society. » (Q636, P1, Q12)
Yes. Reawakening the spiritual nature of humanity. (QPF001, P1, Q12)
Le quatrième élément en importance est la transmission de valeurs morales mentionné par
cinq des répondants. Parmi les autres composantes du rôle social de la Wicca tel que le
conçoivent les répondants, on retrouve, avec une importance équivalente, les fonctions
usuelles dévolues aux autres religions, la question de popularité qui normalise à leur yeux
la pratique, et la réponse à un vide ou un besoin spirituel, grâce à l‘intégration des notions
de paix et de guérison que ne peuvent satisfaire les religions traditionnelles (notamment les
religions chrétiennes).
Je crois que la Wicca joue de plus en plus un rôle dans notre société, car
les religions « traditionnelles » (christianisme en particulier) ne répondent
pas toujours à nos besoins spirituels. J‘ai moi même été élevée par une
athéiste, mais j‘ai développé une soif spirituelle qui a été étanchée par la
Wicca. (QIF004, P1, Q12)
Oui. Beaucoup de gens se sont rapprochés de la nature et de leur personne
profonde et ont trouvé en la Wicca ce qu‘ils ne trouvent pas dans d‘autres
religions. (Q638, P1, Q12)
169
D‘ailleurs, cet élément de la transmission des valeurs morales est mentionné par un des
répondants qui ne croit pas ou ne savent pas si la Wicca joue un rôle.
Difficile à dire parce que cette religion n‘est pas assez organisé. Il est très
difficile de regrouper des Wiccains pour se mobiliser à une cause.
Cependant, de façon individuelle, nous contribuons à préserver du mieux
que l‘on peut la Terre en recyclant, compostant et jardinant. De façon plus
ésotérique, nous contribuons par nos prières et nos intentions à sa survie.
Religion qui prône la liberté, la tolérance, le respect. Une seule loi « Fais
ce que tu veux si ne blesse personne » (y compris toi même) ex. si tu
fumes, tu te fais du mal. Un Wiccain ne fume pas, mange bien, fais de
l‘exercice, de la méditation, respecte la nature et les autres ainsi que leurs
idées. Elle n‘est ni patriarcale, ni matriarcale, nous croyons en la dualité
male et femelle des dieux. (QIF001, P1, Q12)
Je ne sais pas. Elle joue un rôle pour moi et pourrait inculquer de
merveilleuses valeurs à notre société, mais je ne suis pas très au courant
de la Wicca à l‘extérieur de ma pratique personnelle et de mes contacts.
(QIF006, P1, Q12)
Certains répondants ont écrit que l‘image de la Wicca est encore trop floue pour la société,
mais qu‘elle joue néanmoins un rôle dans la recharge symbolique de fêtes telles
qu‘Halloween ou l‘Action de Grâces.
Ceux qui estiment que la Wicca ne joue pas de rôle dans la société sont au nombre de deux.
Ces derniers attribuent ce fait à la faible popularité, du courant. Les autres éléments qui
ressortent de façon égale sont la non-reconnaissance de la Wicca par les autorités et sa
relative nouveauté.
Pas encore. Cela fait à peine quelques décennies que la Wicca existe, et
encore moins de temps depuis qu‘on la connaît au Québec. C‘est une
religion encore trop minoritaire pour jouer un rôle significatif au sein de
la société québécoise. (Q603, P1, Q12)
Au Québec la Wicca n‘est pas reconnue par les autorités
gouvernementales et religieuses. (Q604, P1, Q12)
No -- not at this present time. (QIM008, P1, Q12)
170
Comme mentionné au début de cette section, trois des répondants ne savent pas si la Wicca
a un rôle à jouer. Ils estiment que la Wicca joue un rôle sur le plan individuel, mais qu‘en
tant que groupe, ce n‘est pas nécessairement le cas. Cela représente la moitié des aspects
mentionnés par tous les répondants de cette catégorie. « Je l‘ignore. les wiccains, oui, la
Wicca, je ne suis pas sûre. » (IF007, P1, Q12)
La question du rôle dévolu à la Wicca a été approfondie par le biais de l‘action des
wiccains eux-mêmes dans la société actuelle. Cinq points principaux en ressortent.
Premièrement, plusieurs répondants estiment que leur rôle en société ne diffère pas de celui
des autres individus. Cette perception est au moins aussi répandue que celle relative aux
notions de responsabilité et de préservation écologique de la « Terre Mère » et de la
diffusion d‘informations sur la Wicca. Près de dix des répondants, sont de cet avis. Pour
eux, leurs croyances ne sont pas à la source de leur implication sociale.
J‘en parle, j‘explique ce que c‘est et qu‘il faut protéger notre Terre Mère.
Nous ne faisons pas de propagande pour avoir des adeptes mais s‘il y en
aurait beaucoup plus, il y aurait beaucoup plus de tolérance dans la
société, puisque c‘est une religion de tolérance et de respect (QIF001, P1,
Q13).
Je ne crois pas que mon rôle soit différent en fonction de ma religion.
(QIF007, P1, Q13).
Je n‘envisage pas mon rôle en tant que Wiccain dans notre société, car je
considère ma spiritualité très personnelle et je ne partage mes croyances
qu‘avec quelques ami (e) s très proches (et mon conjoint). (QIF004, P1,
Q13)
One has little to do with the other in my opinion. My role in today‘s
society would still be the same regardless of my faith [...] (QIM008, P1,
Q13)
Deuxièmement, au moins le tiers des répondants indique ressentir une responsabilité envers
leur environnement social.
Au jour le jour je suis une citoyenne comme tout le monde, mais parfois
je me vois comme une bienfaitrice pour l‘humanité/la planète, à petit
échelle bien sûr. (Q632, P1, Q13).
171
Mon rôle est le même que celui de mes concitoyens et concitoyennes. Par
contre, j‘essaie de sensibiliser les gens à être plus écologiques et de
recycler quand cela est pertinent. (Q603, P1, Q13).
Dans un troisièmement temps, les répondants sont un peu moins nombreux à exprimer leurs
préoccupations à l‘égard de trois autres aspects : le fait que la Wicca est une démarche
personnelle, le fait qu‘ils se perçoivent comme un exemple à suivre dans la société (à
travers leurs actions), et enfin, le sentiment d‘avoir la responsabilité de conscientiser ou
d‘éclairer leur entourage sur des valeurs spirituelles ou écologiques.
Je suis simplement un personne normale à la recherche de l‘harmonie,
l‘équilibre et la paix intérieure. Le fait d‘être Wiccan est d‘abord et avant
tout un choix personnel qui par ce choix apporte indirectement un rôle
dans la société. Par exemple, du fait de respecter la nature, le recyclage
est alors de mise et cela rapporte invariablement à la société. Il est donc
important d‘envisager ce rôle avec sérieux et implication. Le recyclage
est évidemment uniquement une facette. (QIM005, P1, Q13)
Pour ma part, jai eu beaucoup de difficulté à avoir accès à l‘information
pertinente sur la Wicca. Donc mon rôle à moi, est d‘aider ceux et celles
qui voudraient en savoir plus ou même s‘instruire pour devenir Wiccan.
Ainsi je crois que j‘aide la cause du Wiccan. (QIF003, P1, Q13)
Près du quart des répondants estiment que leur rôle tient principalement à la croissance
personnelle ainsi qu‘à l‘appui d‘autres personnes dans leurs efforts en vue de devenir de
meilleures personnes.
Mon rôle est d‘agir en interaction avec les autres selon la droiture que la
Wicca me dicte (et mes propres valeurs) afin de les influencer à aller vers
une plus saine façon de vivre. (QIF006, P1, Q13).
Par contre, je crois que la Wicca m‘aide à être une meilleure personne, ce
qui a un certain impact sur la vie des autres (et donc de la société)
(QIF004, P1, Q13)
Finalement, le cinquième point est le fait que quatre répondants conçoivent d‘emblée leur
participation dans la communauté païenne comme l‘accomplissement d‘un rôle social.
Wicca is not a big organized religion but rather a grass-roots spirituality,
people meetig in small groups to practice, celebrate and inspire each
other. There are no churches, no bible, no pope, no money! So it may
172
seem that it is not reality a religion but it is. Wicca is the religion of the
people that joins us heart to heart creating peace in small circles that can
resonate out into larger circles. My personal role is as a teacher and
ressource person for Wiccans in my community. (QPF002, P1, Q13)
I am Clergy should anyone need me. I teach. I am available if anyone has
any questions. (Q636, P1, Q13).
Lorsque nous élevons nos cônes de pouvoir185
, il y en a toujours un peur
[peu pour] la communauté (guérison, bien-être, etc.) cette énergie aide et
contribue au mieux-être des gens et de la terre (j‘aime y penser). (Q649,
P1, Q13)
Bien que moins souvent citées, même si elle s‘avère centrale dans la spiritualité, vient chez
d‘autres l‘idée d‘un enchaînement naturel : le simple fait de poursuivre la voie de la Déesse
détermine le rôle qu‘ils jouent dans la société. « I am a daugther of the goddess and my
actions matter. » (Q602, P1, Q13). Il y a également, les aspects touchant la santé, la
promotion de la tolérance et la défense des droits et libertés. Ces trois derniers aspects sont
ceux qui ressortent le moins.
Permettre [p] lus de tolérance, apporter un renouveau pour les
connaissances en physiothérapie, lithothérapie, pour les médecines
oubliées. (QPF007, P1, Q13)
I am an advocate for the Earth. I talk through my actions. I am a healer. I
am a teacher. (Q602, P1, Q13)
Il s‘agit de démystifier religions « païennes » et aider les miens à vaincre
la peur de se dévoiller puisque nous avons droite à notre liberté religieuse.
(Q614, P1, Q13)
Afin de poursuivre l‘examen des perceptions, une question ciblait les plus grandes
difficultés rencontrées par les wiccains au Québec. Selon les réponses obtenues et ce, peu
importe la langue des répondants, l‘une des plus grandes difficultés invoquées par le tiers
des répondants fut celle de faire face aux préjugés de la population québécoise. Parmi ces
185
Le cône de pouvoir auquel cette personne fait référence est produit par des chants répétitifs ou des danses
rythmiques lors d‘un rituel. L‘énergie générée est alors dirigée vers le centre du cercle (l‘autel de préférence)
ainsi que vers les endroits jugés nécessaires. En cas de surplus résiduel d‘énergie, il est fortement encouragé
de retourner ce surplus vers la terre en touchant le sol de ses mains.
173
préjugés on fait état de l‘amalgame – notamment avec le satanisme (mentionné par trois
répondants) – et de l‘ignorance de la Wicca (mentionné par cinq répondants).
Fear of society‘s attitude towards us, and a general prejudice based on lack
of understanding, i.e.- being branded as Satanists. (PF001, P1, Q15)
Les préjugés qui font croire que le Wicca est une forme de « religion du
diable ». (IF004, P1, Q15)
Unfortunately there are still prejudices against Wiccans, people seeing us as
a cult or devil-worship. (PF002, P1, Q15)
L‘opinion public. Les Wiccains sont considérés comme des sorcières et ce
terme reste un peu tabou. Aussi, la possibilité de lieu de culte/gathering.
(638, P1, Q15)
Parmi les répondants qui habitent à l‘extérieur de la région de Montréal, le tiers indique que
l‘une des principales difficultés est celle de trouver et de rencontrer d‘autres wiccains ou
païens, ainsi que les problèmes rencontrés avec les membres d‘autres groupes religieux plus
traditionnels.
La difficulté de se rencontrer, il n‘y a pas vraiment de temple puisque la
nature est notre temple. (IF001, P1, Q15)
D‘abord, vivant en région, c‘est d‘être capable de rencontrer d‘autres
wiccans. Mais aussi, il peut être difficile d‘avoir un dialogue avec les
catholiques intégristes. (614, P1, Q15)
La plus grande embûche est inévitablement le manque de pratiquant avec qui
échangé. Malgré l‘avènement d‘Internet, il demeure difficile d‘entrer en
contact avec des gens ayant des intérêts similaires. Il est encore plus difficile
de trouver un coven ou des groupes communautaires Wiccan qui sont
sérieux. (IM005, P1, Q15)
En importance, la troisième difficulté rencontrée est celle du manque de renseignements ou
d‘ouvrages en français. Comme mentionné au premier chapitre, il existe peu d‘ouvrage en
français, sans compter que les textes « canons » de la Wicca n‘ont pas été traduits dans
cette langue. Cela soulève pour les pratiquants francophones la question de l‘accessibilité
aux notions de base de leur pratique ainsi qu‘à d‘importants concepts dont on ne trouve pas
174
trace dans le vocabulaire en français. Cet aspect est souligné tant par les francophones que
par les anglophones.
Having lived here a little over a year I find it hard to answer this given the
fact that I‘m in Montreal I have found more diverse community, and
resources the these that were available to me on PEI but over all I would say
maybe adequate French reading materials. (602, P1, Q15)
D‘avoir peu de documentation en Français. (IF002, P1, Q15)
The issue of language -- a lot of the texts that are considered integral are not
available in French. The very words and terms will sometimes carry
different meanings such as the term ‗Wiccan‘. (IM008, P1, Q15)
Trouver des ouvrages fiables dans notre langue maternelle, de trouver un
coven hors la grande métropole, la communication. (IF009, P1, Q15)
Parmi les autres difficultés rencontrées, il y a celles avec les religions judéo-chrétiennes,
l‘influence négative des émissions de fiction de la télévision ou le cinéma, l‘individualité
ainsi que la perception du peu de reconnaissance et d‘acceptation par les autorités.
L‘individualité; plusieurs petits groupes fermés et beaucoup de solitaires.
(649, P1, Q15)
Nous sommes pratiquement invisibles parce que nous ne sommes pas
reconnus ni acceptées. (604, P1, Q15)
L‘une des répondantes a mentionné le fossé qui existe entre les deux langues dans la
province comme étant l‘une des difficultés rencontrées.
L‘histoire du Québec et de la guerre entre ses deux langues officielles, parce
qu‘en ce moment, il y a un fossé dans la communauté selon la langue. Hors
en europe, malgré le nombre de langues utilisées, ce fossé n‘existe pas.
(IF007, P1, Q15)
4.4.2 Question portant sur la définition
La Wicca signifie deux choses différentes pour les francophones et les anglophones du
Québec, tant sur le plan de sa pratique que de sa nature en elle-même. Du moins, c‘est ce
que l‘on remarque sur le terrain. Pour cette raison, et afin d‘explorer cette hypothèse, il a
été demandé aux répondants de définir, dans leurs mots, ce qu‘est la Wicca. La présentation
175
des réponses obtenues dans la langue originale permettra d‘illustrer ces différences. Il est à
noter que même si l‘individu s‘est initialement identifié anglophone ou francophone,
certaines de leurs réponses sont parfois rédigées dans l‘autre langue.
Voici ce qu‘ont répondu les anglophones186
:
A spiritual practice, a community of kindred spirits, a set of beliefs. (PF001,
P1, Q14)
Wicca is an organic religion that allows the practitionner to connect with the
Divine in Nature and in him/her self. (PF002, P1, Q14)
Une ouverture d‘esprit sur ce qui nous entoure, la nature, les animaux, la
différence […] (PF003, P1, Q14)
A nature based polytheistic spiritual path. Where everything is connected.
(602, P1, Q14)
As a living et evolving religion of self et nature. It‘s definition will vary
from one individual to another. (636, P1, Q14)
Les francophones de leur côté ont définit la Wicca comme suit :
Religion qui prône la liberté, la tolérance, le respect. Une seule loi « Fais ce
que tu veux si ne blesse personne » (y compris toi même) ex. si tu fumes, tu
te fais du mal. Un Wiccain ne fume pas, mange bien, fais de l‘exercice, de la
méditation, respecte la nature et les autres ainsi que leurs idées. Elle n‘est ni
patriarcale, ni matriarcale, nous croyons en la dualité male et femelle des
dieux. (IF001, P1, Q14)
Vivre en harmonie avec les cycle de la Terre. Vénérez le Dieu Cornu et la
Déesse. C‘est un mode de vie où nous sommes axés sur l‘environnement et
les autres. (IF003, P1, Q14)
Une croyance en la balance des éléments, qu‘ils soient divins (Lord and
Lady), ou terrestres (jour et la nuit, mâle et femelle, lune et soleil, mort et
naissance, été et hiver, etc.). (IF004, P1, Q14)
Un mode de vie philosophique, une croyance qui se définit par notre vision
personnelle. La Wicca est avant tout un mode de pensé au cœur duquel
186
À noter que l‘une des répondantes a demandé de l‘appeler pour donner sa réponse, car elle était trop
difficile à écrire. Il a été difficile de la joindre de quelque manière que ce soit.
176
repose le respect de la terre, de la nature, mais aussi l‘utilisation de la magie.
(IM005, P1, Q14)
Tradition païenne moderne découlant de pratiques anciennes, surtout
celtiques, et basée sur la transformation de l‘énergie (c.-à-d. magie). (632,
P1, Q14)
Une résurgence moderne d‘un culte très antique, un retour vers les énergies
de la terre dans un plus gran amour et respect de la terre. (604, P1, Q14)
La Wicca est une retour aux sources, une base et un équilibre naturel. Une
reconnexion avec nos racines, la nature et nous. (649, P1, Q14)
Une religion de respect et de compréhension envers les autres humains, soi-
même et le monde le bien-être, l‘avenir et la cohésion de ces trois éléments.
(IF006, P1, Q14)
Une tradition païenne initiatique. (IF007, P1, Q14)
La Wicca est une sous-catégorie de religion de sorcellerie néo-païenne. Elle
est fortement basée sur la pratique de la magie cérémonielle, la croyance à la
dualité divine masculine et féminine, et à la nature cyclique du passage des
saisons. (603, P1, Q14)
If by Wicca, you mean ‗Paganism‘ and my particular beliefs... I believe that
the model of creation is a duality. I believe that creation itself is divine and
we, by extension, are equally divine -- no more nor less than anything else in
creation. We are are all part of a whole. Paganism recognizes this point.
(IM008, P1, Q14)
Comme une spiritualité prônant l‘équilibre, la réflexion et le respect de toute
chose. (IF009, P1, Q14)
Une « avenue » spirituelle inspirée des Druides Celtes mais plus ouverte
incluant des divinités appartenance à d‘autres cercles religieux/panthéons.
(638, P1, Q14)
C‘est une croyance animiste qui accepte la présence de plusieurs dieux dans
son panthéon. C‘est une religion de la nature qui remet à jour les rites et
croyances « païennes ». Nous sommes moralement guidé par le « Rede
Wiccan » et la loi du triple retour. (614, P1, Q14)
Plusieurs thèmes récurrents ressortent du propos des répondants anglophones : la nature et
l‘environnement, l‘idée de connectivité ou de posséder une vision holistique du monde
parmi le tiers des répondants anglophones. La référence à soi est également présente.
177
Chez les francophones, les thèmes de la nature et de l‘environnement ressortent également
chez sept des répondants mais à ceux-ci se greffe celui de la nature polythéiste de la Wicca
(dans la moitié des définitions) avec un accent mis sur la dualité des divinités. De surcroît,
pour cinq des répondants francophones, il est clair que la Wicca est la reconstruction ou la
résurgence d‘une religion païenne ancienne. Les thèmes de la tolérance et du respect sont
exprimés par le tiers des répondants francophones. Dans cette même proportion, on
retrouve le souci de soi et la réflexivité autour desquels les répondants semblent axer l‘objet
de la Wicca.
On note également que les répondants qualifient la Wicca tantôt de religion, tantôt de
spiritualité. Cette ambiguïté sur la nature de la Wicca était présente lors de l‘enquête de
2001.
4.5 Les itinéraires religieux
L‘itinéraire religieux du répondant importe dans la mesure où il permet de réfléchir tout à la
fois à la manière dont il a connu la Wicca, ainsi qu‘aux processus cognitifs et aux sources
d‘autorité qui ont guidé le répondant vers l‘identification à une religion païenne.
Pour la moitié des répondants anglophones, le premier contact avec la Wicca a été établi
par l‘entremise de livres, alors que pour le tiers d‘entre eux, il a été initié par des amis. Pour
onze francophones, le contact initial par l‘entremise de livres. Par ailleurs, le tiers des
francophones mentionnent avoir découvert l‘existence de la Wicca par Internet et
seulement trois personnes ont connu la Wicca par l‘entremise d‘amis. Il est à noter
qu‘aucun répondant anglophone n‘a connu la Wicca par Internet. Globalement, abstraction
faite de la langue maternelle, le deux tiers des répondants ont connu la Wicca par des livres.
Bien que les amis soient la deuxième source de connaissance initiale, aucun répondant n‘a
connu la Wicca par l‘entremise d‘un membre de sa famille. Cela indique notamment que
les répondants appartiennent à une première génération de pratiquants, un trait maintes fois
validé par la rencontre d‘individus adultes sur le terrain. Quelques personnes ont été
introduites à la pratique ou à d‘autres formes de paganisme par l‘entourage familial. Elles
178
faisaient l‘exception. Par contre, un nombre croissant de pratiquants ont de jeunes enfants
et adolescents, et ces derniers participent à des activités pour jeunes, tel que le Young
Pagan Circle de Montréal187
. Étant donné qu‘ils n‘ont pas l‘âge minimal requis pour
répondre au questionnaire, ils n‘ont pas été approchés.
L‘une des sous-hypothèses de la recherche veut qu‘Internet joue un rôle important dans la
diffusion de la Wicca au Québec. En effet, lorsque les répondants francophones ont fait
mention de leur contact initial, le tiers a indiqué qu‘il s‘agissait d‘Internet. Aucun
répondant anglophone ne le mentionne. À première vue, cela semble indiquer qu‘Internet
joue principalement un rôle d‘introduction pour les répondants francophones, rôle
davantage dévolu à l‘entourage pour les répondants anglophones Cela pourra maintenant
être exploré davantage grâce aux réponses aux questions qui suivent.
Parmi les répondants, le quart mentionnent d‘autres sources de contact initial avec la
Wicca : la nature, les magasins — le Mélange Magique ou Charmes et sortilèges à
Montréal — ou encore les cours sur la magie et la sorcellerie suivis au niveau collégial.
D‘autres ont indiqué la visite du Montreal Psychicshow ou encore la participation à des
jeux de rôle grandeur nature188
. Un répondant francophone mentionne que son contact
initial a été établi suite à une série de coïncidences et d‘événements fortuits, alors qu‘une
répondante anglophone a mentionné qu‘il a découlé de sa participation à un atelier de
Starhawk.
Néanmoins il n‘empêche que le contact initial, peu importe la langue des répondants, a
principalement été établi par l‘entremise de livres. Cette situation peut être problématique si
on considère l‘indisponibilité d‘ouvrages de base mentionnée précédemment.
Si les moyens ayant permis le contact initial avec la Wicca varient, l‘attrait pour la Wicca
est également diversifié. Premièrement, 17189
des répondants indiquent que les croyances
associées à la Wicca comptent parmi les sources d‘attrait. La deuxième source d‘attrait en
187
Voir annexe E : dépliant du Young Pagan Circle. 188
Les jeux de rôle grandeur nature (elfes, trolls, nains, sorciers, chevaliers, etc.), selon le tableau ou l‘époque
mis en scène, réfèrent à des manifestations théâtrales vécues dans un cadre naturel propice, par exemple en
forêt. Les individus se costument et incarnent un personnage convenu pendant la durée des festivités. 189
Il convient de mentionner que les répondants pouvaient donner plus d‘une réponse.
179
importance est la magie (12 répondants), suivie de la figure de la déesse (11 répondants).
La proximité de la Wicca et de la sorcellerie a été mentionnée par neuf des répondants.
Absents des choix de réponse, mais indiqués dans la section « Autre », la nature et
l‘environnement semblent détenir une place importante pour le tiers des répondants. Parmi
les autres sources d‘attrait se trouvent la mythologie, l‘équilibre des dieux, la possibilité
d‘être créatif ainsi que celle de se doter d‘outils de développement personnel et de
connaissance de la médecine naturelle. Ainsi, huit des répondants ont sélectionné
l‘ensemble de ces dernières réponses.
Sur le plan de l‘itinéraire religieux, on remarque que dix des répondants proviennent du
milieu catholique romain. Ce qui reflète les résultats obtenus lors de la recherche à la
maîtrise (Gagnon, 2008, p. 80). Il n‘est donc pas surprenant que de de nombre, neuf
d‘entre-eux soient francophones, car la province est majoritairement francophone et
catholique.
Si on consulte les autres réponses données à cette question, il est intéressant de noter le fait
que quatre des répondants mentionnent deux affiliations religieuses précédentes alors
qu‘une personne en mentionne trois. Deux individus n‘ont pas répondu à la question. Parmi
les autres religions indiqués, quatre personnes note qu‘à part égale qu‘ils ont été
précédemment athés, païens ou tenants de l‘occultisme (druidisme, kabbale, autres formes
de sorcellerie). Deux ont été bouddhistes, alors qu‘une personne a mentionnée avoir été
hindouistes, une autre protestante et une autre a pratiqué d‘autres formes de christianisme.
Finalement, dans la catégorie « Autres », deux individus ont indiqué qu‘ils avaient été
agnostiques ou avaient leur « propre religion » (IF006, P2, Q4).
Lorsque l‘on se penche sur les raisons pour lesquelles les répondants ont délaissé leurs
anciennes appartenances, on remarque que neuf de ceux-ci mentionnent que leur
appartenance précédente ne répondait pas à leurs besoins.
J‘ai d‘abord fait l‘apostasie par simple désaccord avec la religion catholique
romaine. Je trouvais que ma place n‘était pas dans celle-ci. Ensuite, une fois
l‘apostasie effectuée, j‘ai fait la recherche d‘une religion qui me conviendrait
et la Wicca fût celle qui rencontra mes critères. (IM005, P2, Q4)
180
Found a new path that addressed my beliefs better. (IM008, P2, Q4)
Elle ne me correspondait pas et j‘ai toujours été attirée par la magie depuis
mon enfance. (IF009, P2, Q4)
D‘autres raisons invoquées révèlent que quatre des répondants n‘étaient pas en accord avec
les pratiques ou les positions de leur ancienne affiliation190
. « I never felt confortable. I
disagreed with some of the practices "in the name of Jesus/God". » (636, P2, Q4). « Ne me
rejoins pas. Je n‘aime pas la façon qu‘a l‘Église catholique de voir la femme. Mais ceux qui
y croit on le droit. » (IF003, P2, Q4). D‘ailleurs, cette idée de la position et du traitement de
la femme dans l‘ancienne appartenance des répondants est avancée par trois de ceux-ci.
Certains indiquent le fait que leur religion précédente était trop patriarcale (deux
répondants) ou était trop autoritaire, intolérante et limitée (deux répondants).
Catholism did not resonate with me and Hinduism became too restrictive and
patriarcal. (PF002, P2, Q4)
C‘est une religion qui impose ses règles, qui fait passer l‘amour de Dieu
avant toute chose dans ses commandements, totalement patriarcale, les
femmes n‘y ont pas leur place à moins d‘être des servantes. Marie est la
seule survivante des anciennes religions depuis que l‘homme a dénigré la
femme. (IF001, P2, Q4)
Parmi les autres motifs de la désaffiliation se trouvent la lourdeur des religions du livre
(une personne) et les influences positives de la Wicca (huit personnes). Une répondante a
affirmé ne pas avoir tout à fait quitté son ancienne appartenance, mais l‘avoir plutôt adaptée
à sa croyance actuelle.
Je n‘ai pas renié le catholicisme. Pour ce qui est de la sorcellerie, j‘ai
seulement appris à changer mes termes pour la Wicca, qui se rapprochait le
plus de mes croyances. (614, P2, Q4)
Sur le terrain, le syncrétisme se pratique à divers degrés, entre les diverses religions
étudiées et fréquentées par les wiccains. À maintes reprises, des individus ont fait état du
fait qu‘ils conservent des éléments de leur ancienne appartenance, par exemple,
190
Cet aspect est également souligné par Kevin Marron dans Witches, Pagans & Magic in the New Age, 1989,
p. 101.
181
l‘émergence d‘un groupe mélangeant le christianisme à la Wicca dont les adeptes
s‘identifient en tant que wiccains chrétiens (Christian Wicca).
La frontière entre les identités religieuses et spirituelles semble poreuse, et ce, même si
certains apostasient de la religion catholique afin de faire une démarcation nette. La Wicca
est une religion initiatique, ce qui implique que ses membres sont initiés aux mystères de la
pratique par un coven ou par eux-mêmes. Néanmoins, les modalités de l‘initiation varient
grandement, ce qui explique diverses pratiques de démarcation. Ainsi, les deux tiers des
répondants anglophones ont été initiés. Parmi ceux-ci, la moitié se sont eux-mêmes initiés à
la Wicca alors que l‘autre moitié a été initiée par un coven et s‘est initiée elle-même.
« Initiation » means to begin something. I‘ve chosen to dedicate myself to
my chosen path early on but I do not consider this to be the same as an
Initiation. The moment I began to study and practice, both solo and as
part of a group, I was « Initiation » my practice. (IM008, P2, Q6)
I self-initiated and was also initiated by a coven later on. (PF002, P2, Q6).
Du côté des répondants francophones, deux ont été initiés en coven alors que neuf individus
se sont initiés eux-même. Deux répondants mentionnent qu‘ils attendent le bon moment :
« J‘attends le bon moment avant de m‘initier. Ça ne presse pas. Je préfère que ce soit fait
avec ma bonne conscience et une bonne préparation. » (IF009, P2, Q 6), alors que trois des
répondants considèrent que cela n‘est pas nécessaire. Deux répondants ont inscrit « Autre »
à cette question. Une seule personne a fait les deux. Le fait qu‘il existe peu de covens en
dehors de la région de Montréal rend l‘initiation par coven plus difficile, d‘où la forte
présence de pratiquants solitaires au Québec.
Je me suis auto-initié puisqu‘il n‘y a pas de coven au Saguenay lac St-
jean. De plus, je suis wicce ecclectique, ce qui ne m‘associe à aucun
penseur. (614, P2, Q6)
Lors de nos recherches précédentes sur le terrain entre 2001et 2003, nous avons remarqué
que l‘itinéraire du répondant pouvait influencer sa pratique de la Wicca (Gagnon, 2008a,
pp. 96-97). Nous avons également constaté que les personnes initiées dans un coven avaient
tendance à avoir une pratique plus ritualisée que les pratiquants solitaires. L‘un des
182
éléments utilisés pour en arriver à cette conclusion était le respect du calendrier wiccain
connu sous le nom de la « Roue de l‘année ». Ce calendrier marque les célébrations
importantes de la Wicca, lesquelles se tiennent aux solstices et aux équinoxes. Ces
célébrations sont connues sous le nom de Sabbat. À l‘occasion des pleines lunes, elles
prennent le nom d‘Esbat. L‘observance exacte des sabbats et des esbats devient un
indicateur de la ritualisation de la pratique. D‘ailleurs, lors de nos précédentes recherches
sur le terrain, ceux qui avaient une pratique religieuse plus institutionnalisée, tel que le
catholicisme romain qui accorde une plus grande importance à l‘observance des rituelles,
avaient tendances à accorder également une importance aux dates du calendrier wiccain,
que cela se fasse de façon consciente ou inconsciente (Gagnon, 2008a, p. 106). Lors de nos
présentes recherches sur le terrain, dix des répondants ont indiqué qu‘il était important pour
eux d‘observer les dates du calendrier wiccain.
Very important as I connect with the changing aspects of the God and
Goddess through the wheel of the year, which brings me a deeper
realization of divinity. (PF002, P2, Q7)
C‘est important puisque c‘est la base des célébrations. Nous célébrons la
nature et ses manifestations, les pleines lunes, les équinoxes, les solstices,
les changements de saison. Cependant, avec la modernité, certains
ajustements doivent être faits. Dans notre cercle, nous célébrons le samedi
soir le plus près d‘un Sabbat ou d‘un Esbat. (IF001, P2, Q7)
Yes, I celebrate the wheel of the year. It helps me also to be very aware of
where I am in my own life and where I am heading, and of the cyclical
nature of all things. (602, P2, Q7)
Fait étonnant, neuf des répondants ont mentionné l‘importance de souligner les sabbats et
esbats en même temps que la nécessité d‘adapter le calendrier selon leurs besoins.
Oui et non. J‘aimerais observer toutes les dates importantes telles que
Sahmain mais je ne suis pas assez « dévouée ». La vie moderne fait
intrusion... mais plus dernièrement, je ressens un réel besoin d‘observer
les rituels. J‘aurais juste besoin de créer un espace sacré permanent au
lieu de tout garder dans un coffre (ce qui rend les choses plus difficiles).
(IF004, P2, Q7)
Les fêtes qui composent la roue de l‘année sont pour moi importantes.
Cependant, elle ne sont pas nécessairement signe de rituel. Certaines fêtes
183
sont souvent fêtées dans la simplicité sans la présence de la magie. Le
côté spirituel est plus important pour moi que le côté magique. (IM005,
P2, Q7)
How precise is precise? I will observe the Wheel of the Year in different
ways depending on the year and who I may or may not be practicing with.
I acknowledge the passing year in various ways but I always
acknowledge it. (IM008, P2, Q7)
Je pense qu‘il est important de s‘arrêter pour les sabbats, de réfléchir à ce
que le monde nous donne par le sacrifice du Dieu/fertilité de la déesse.
Par ce fait même, c‘est également une bonne occasion de faire un bilan
sur notre vie depuis le dernier cycle. Toutefois, tout comme l‘initiation, ce
doit être fait lorsque l‘on se sent prêt. (IF009, P2, Q7)
Toutefois pour deux d‘entre eux, le respect exact du calendrier n‘est pas nécessaire, tant
que les célébrations en soi sont observées ou encore s‘ils en ont besoin.
Les éléments qui ressortent le plus parmi les diverses réponses données à la question sur
l‘observation précise des dates du calendrier wiccains sont le fait que le moment exact n‘est
pas obligatoire (dix répondants) et que l‘observation du calendrier permet, sur le plan
personnel, de célébrer les changements de la vie (sept répondants). Il s‘agit également d‘un
moment de réflexion (cinq répondants), d‘un moment pour célébrer la nature (cinq
répondants) et les cycles solaires (cinq répondants), sans compter que le calendrier est une
base sur laquelle se fier pour les célébrations (quatre répondants). Plusieurs observent que
cela permet de créer un lien avec les déités (trois répondants) et rend la pratique plus
spirituelle (deux répondants). Il est à signaler qu‘il n‘y avait pas de différence majeure entre
les pratiquants anglophones et francophones, ni entre le fait d‘habiter dans la région de
Montréal ou non.
Dans les milieux païens et wiccains, il n‘est pas rare pour un individu de revendiquer plus
d‘une identité. Wiccain, sorcière, païen ou autre deviennent, dans certains cas, des identités
utilisées en alternance pour marquer une appartenance à divers groupes de personnes. Outre
la validation de ce trait, l‘enquête cherchait à explorer des différences éventuelles entre
anglophones et francophones sur cette question. Une question ciblait l‘identification, et
demandait aux répondants comment ils s‘identifiaient (en tant que wiccain, sorcière, païen
184
ou autre). Il convient de mentionner que les personnes interrogées pouvaient indiquer plus
d‘une catégorie.
Certains des répondants se sont prévalus des choix offerts. Six répondants ont indiqué
s‘identifier aux trois identités (wiccaine, sorcière et païenne). De plus, deux individus ont
également choisi les trois identités en ajoutant également une réponse dans la catégorie
« Autre ». D‘autre part, deux ont déclaré utiliser deux identités, soit celle de sorcière et un
autre, soit celle de sorcière et de païenne. La majorité des répondants (12 répondants) n‘ont
sélectionné qu‘un seul choix : païenne (quatre personnes), wiccaine et sorcière (à trois
personnes pour chacune des identités) et autre (deux répondants).
En analysant les données, on s‘aperçoit que trois des anglophones se réclament de l‘identité
wiccaine, alors que six des francophones s‘identifient comme tel. L‘identité de « sorcière »
est prise par les francophones, soit six personnes, alors que cinq anglophones se
l‘approprient. D‘ailleurs, huit francophones utilisent également le terme « païen », alors que
ce terme est utilisé par trois des anglophones.
À première vue, les femmes anglophones se considèrent plutôt sorcières et païennes que
wiccaines, bien que la moitié d‘entre elles déclinent également cette identité. Parmi
celles-ci, certaines se disent simplement différentes (PF003, P2, Q8), ou encore spirituelles
et sorcières. (601, P2, Q8).
Comparativement aux femmes anglophones, l‘ensemble des femmes francophones qui
vivent à l‘extérieur de la région de Montréal se considèrent plus comme étant wiccaines que
celles qui habitent la région de Montréal (cinq répondantes). Le tiers de celles-ci se
considèrent également sorcières et païennes, tandis que trois des femmes francophones se
considèrent uniquement païennes. Ces mêmes femmes ont tendance à s‘identifier sous une
seule affiliation (deux-tiers d‘entre-elles), alors que la moitié de celles qui habitent
Montréal se réclament de plusieurs. Parmi les femmes francophones de Montréal, le tiers
s‘identifient à la Wicca et se disent également sorcières et païennes. Cela est probablement
dû au fait que plus d‘information et de ressources sont mises à leur disposition, ce qui leur
permet d‘avoir une meilleure appréhension des différences éventuelles entre chacun des
185
courants d‘affiliation. Du côté des hommes francophones, l‘identité wiccaine ne semble pas
être considérée comme le premier choix. Sorciers, païens et même magiciens cérémoniels
ont été mentionnés et sélectionnés, mais non wiccains.
Les différences observées entre les répondants anglophones et francophones semblent être
reliées en partie à la localisation. Parmi les répondants, ils semblent que les francophones
n‘habitant pas la métropole ont davantage tendance à utiliser le terme « wiccain » que les
anglophones. Cela est probablement attribuable au fait que le concept et la définition même
de Wicca sont différents dans les deux langues, comme nous l‘avons constaté lorsque nous
leur avons demandé de définir la Wicca. Les distinctions entre les diverses catégories
identitaires sont plus claires au sein des répondants anglophones. Par conséquent, il n‘est
pas surprenant que dans cet échantillon ce ne sont pas tous les répondants qui s‘identifient
en tant que wiccains191
.
4.6 Le rassemblement du culte et l’animation de la collectivité
wiccaine
Une section du questionnaire portait sur les rassemblements du culte et les éventuels lieux
d‘animation communautaire. Les rassemblements et l‘animation de la collectivité mettent
en présence les divers éléments de création de la culture wiccaine en même temps que s‘y
exercent les vecteurs d‘institutionnalisation des pratiques. Mais de quelle collectivité ou
communauté s‘agit-il pour les répondants? La communauté physique ou la communauté
virtuelle? Qu‘offrent le milieu communautaire et les rassemblements du culte aux
participants? Jusqu‘à quel point les communautés virtuelles sont-elles importantes pour le
wiccains québécois? Pour dresser un portrait de cet aspect, trois séries de questions ont été
regroupées dans cette partie : la première porte sur les communautés physiques, la
deuxième sur les communautés virtuelles et la troisième sur les communautés en général.
191
Il est à noter que les rituels publics sont ouverts aux pratiquants païens de diverses traditions, pas
seulement aux wiccains.
186
4.6.1 Communautés physiques
L‘accès à une communauté physique païenne se mesure à l‘expérience des wiccains
montréalais (six des répondants), lesquels bénéficient de réseaux de contacts et
d‘infrastructures mis en place au cours des cinquante dernières années. Ce milieu
communautaire offre à ses membres plusieurs activités et services. 17 des répondants ont
mentionné que leurs regroupements ou leurs communautés de prédilection offrent des
activités comme des rituels publics, et proposent des cours (15 personnes), des ateliers (11
personnes) et des festivals (dix personnes). En plus de ces activités, des services sont
offerts aux membres. Parmi les répondants, huit mentionnent de plus des services comme
des rites de passage, le réseautage avec des covens ou d‘autres wiccains, des forums de
discussions, des activités sociales (brunchs, conférences païennes), des communications et
de l‘information (centre de ressources, ouvrages, podcasts). À la question visant à
déterminer s‘ils participent aux activités, et le cas échéant, dans quelle mesure ils le font,
deux-tiers ont dit qu‘ils participent à ces activités, quatre ont dit qu‘ils n‘y participent pas,
une personne a indiqué « oui et non », et deux n‘ont pas répondu. Bien qu‘il y ait
participation aux activités, il reste à déterminer si les répondants utilisent les services
offerts par la communauté. Il en ressort que 12 répondants utilisent les services, cinq ne les
utilisent pas, alors que quatre n‘ont pas répondu. De plus, questionnés à savoir s‘ils se
déplacent pour participer aux événements organisés par d‘autres communautés, un peu plus
de la moitié ont répondu par l‘affirmative. Cela indique qu‘ils sont prêts à sortir de leur
région afin de nourrir un besoin créé par l‘absence de ces activités et services à l‘échelle
locale.
Outre les activités offertes à travers le Québec, il nous a semblé important de recueillir des
données sur la perception relativement aux manquements observés dans les régions. Nos
observations sur le terrain nous ont permis de dégager l‘impression que, mis à part
Montréal, très peu d‘activités sont offertes aux wiccains de la province. Ce constat trouve
écho auprès de plusieurs répondants; cinq d‘entre eux affirment que tout se trouve à
Montréal.
187
Il n‘y a qu‘un groupe de sorcellerie dans ma région (Saint-Jean-sur-
Richelieu). Sinon, le plus près c‘est Montréal. (649, P3, Q8)
À Montréal, on peut trouver tout ce qu‘on cherche. (638, P3, Q8)
Il n‘y a pas de groupe de former dans ma région et les activités sont
toujours dans les grands centres tel qu‘à Québec ou Montréal. (614, P3,
Q8)
Une autre proportion dit manquer de tout (trois personnes). « Il n‘y a pas services dans la
région. Il y en a dans une autre ville de l‘Estrie mais ce ne sont que des femmes et je
préfère la mixité. » (IF001, P3, Q8). « Hum… pas mal tout en ce qui a trait au Saguenay lac
St-Jean… À Québec, il manque une stabilité. » (IF009, P3, Q8). Par contre, trois
mentionnent ne pas savoir ce qui leur manque.
Les deux éléments explicités quant au manque ont trait à l‘absence de cours et de festivals
païens (deux personnes respectivement). « Des cours en personne. J‘offre des cours virtuel
mais sans plus. » (IF003, P3, Q8). « Festivals sont manquants... ils existent en Ontario ou
BC ou USA mais sont très rares au Québec. » (IF004, P3, Q8). « Il y a plusieurs groupes et
activités publiques dans ma région. Par contre, il serait agréable d‘avoir à nouveau un
festival païen dans la région de Montréal. » (603, P3, Q8). Parmi les « autres réponses », on
observe les questions liées à la communication et aux interactions, l‘absence et/ou le peu de
rituels en français, le besoin d‘aide professionnelle ou sociale, le temps disponible et le
manque d‘encadrement juridique.
More advanced discussions. More available clergy for rites. More
interaction or intercommunication between established covens. (636, P3,
Q8)
We don‘t have legal handfasting. (PF002, P3, Q8)
Service d‘aide en cas de discrimination. (IM005, P3, Q8)
Parmi les questions posées relativement aux communautés physiques, nous avons demandé
aux répondants s‘ils participent ou non aux activités et aux événements tenus par les
diverses communautés païennes de la province. En analysant les réponses données, on
remarque qu‘un peu plus de la moitié des répondants participent à divers rassemblements
188
du culte, à des rituels et à des formations qui se déroulent dans leur région administrative
respective. On s‘aperçoit, entre autres, que parmi les répondants qui participent aux
activités, dix d‘entre-eux proviennent de Montréal. Cela n‘est pas étonnant puisque la
majorité des activités ont lieu dans cette région. Du côté des répondants anglophones, cinq
indiquent qu‘ils participent à ces activités, et ils habitent principalement à Montréal (quatre
répondants). Des deux répondantes n‘habitant pas Montréal, l‘une participe à des activités
communautaires ainsi délimitées, l‘autre non. Chez les répondants francophones, cinq
personnes indiquent qu‘ils se rassemblent pour le culte et fréquentent les milieux
communautaires wiccains (le tiers des hommes et quatre femmes). Tel que nous le
présumions, une bonne proportion des répondants qui habitent à l‘extérieur de Montréal (le
tiers) ne prennent pas part à des activités communautaires dans leur région.
4.6.2 Communautés virtuelles
Les communautés virtuelles peuvent être un prolongement des communautés physiques ou
encore une communauté qui n‘existe que dans le monde virtuel d‘Internet. Ces
communautés offrent des services (information, consultations, aide, cours) et des biens par
l‘intermiédiare des boutiques virtuelles. Elles mettent davantage l‘accent sur la
communication, que ce soit par l‘écrit (clavardage, blogueues, textes, groupes de
discussions), par l‘oral (avec des logiciel tel que Skype et Messenger) ou par le visuel
(discussions vidéo et univers 3D), ou encore par la combinaison des trois. Avec
l‘avènement d‘Internet et l‘anonymat offert par ce médium, les activités et les réseaux de
communication en ligne deviennent importants pour la pratique des wiccains québécois, du
moins, si on se fie aux observations faites sur le terrain. Vérification faite auprès d‘eux par
le questionnaire, quinze répondants font partie d‘une ou de plusieurs communautés
virtuelles. De ce nombre, le tiers n‘habite pas Montréal et quatre sont francophones. Une
personne a mentionné ne pas avoir l‘Internet (638, P3, Q16). Ces chiffres ne sont guère
surprenants si on considère que, pour plusieurs pratiquants francophones, l‘accès à une
communauté virtuelle représente souvent le premier contact avec d‘autres personnes
s‘adonnant aux mêmes activités. Fait notable, parmi les répondants qui font partie d‘une
communauté virtuelle, deux-tiers proviennent de Montréal. En outre, dans cette région, il
existe déjà une plus grande concentration de covens, de groupes et de pratiquants solitaires
189
qu‘ailleurs dans la province. Cela prouve l‘importance d‘Internet partout, à la base même
de l‘affiliation. Nous avons également tenté de déterminer l‘incidence des communications
virtuelles sur les pratiquants au moyen d‘une série de questions.
L‘importance et l‘utilisation d‘Internet dans la pratique des wiccains québécois sont les
premiers éléments à vérifier. Parmi les répondants, treize d‘entres-eux ont mentionné
qu‘Internet est avant tout un outil donnant accès aux courants de spiritualité wiccaine et à
l‘information de base. Parmi ceux qui ont répondu à la question et qui habitent Montréal,
quatre sont des femmes anglophones, huit sont des femmes francophones ainsi que tous les
hommes francophones. Parmi ceux n‘habitant pas cette région, la moitié sont des femmes
anglophones et deux-tiers sont des femmes francophones. On s‘aperçoit donc, que peu
importe l‘endroit où habite le répondant, l‘accès à l‘information par Internet se révèle
crucial à l‘accès à la spiritualité et au développement de la pratique.
Recherches pour des sorts (spells), pour de l‘information sur les sabbats et
autres rituels, pour rechercher des cours de magie ou Wicca dans ma
région. (IF004, P3, Q16)
Ça ma permis de trouver une foule de documents traduit en français.
(IF002, P3, Q16)
Très importante elle nous rassemble. Nous permet d‘avoir accès à
l‘informations et a grandir en tant que Wiccan. (IF003, P3, Q16)
Je vais chercher certaines informations qui ne se trouvent pas dans mes
livres sur Internet. (IF006, P3, Q16)
L‘Internet a été d‘une importance capitale puisqu‘il m‘a permis
initialement d‘accéder à de l‘information gratuitement. Par la suite,
l‘Internet m‘a permis de découvrir des organisations en ligne, des
boutiques, des fabriquants païens, etc. Sans Internet, ma progression
spirituelle n‘aurait probablement pas été aussi rapide. (IM005, P3, Q16)
Le tiers des répondants mentionnent par ailleurs que l‘utilisation d‘Internet leur donne le
sentiment d‘appartenir à une plus grande communauté. Six des répondants utilisent
l‘Internet comme outil de réseautage, dont la moitié des femmes francophones et tous les
hommes francophones n‘habitant pas Montréal. Parmi ceux et celles habitant la métropole,
le quart des femmes anglophones et une femme francophone font référence à cet aspect.
190
Toutefois, on remarque que l‘impression d‘appartenir à une plus grande communauté est
présente avant tout parmi les répondantes (sept des femmes), qu‘elles habitent ou non la
métropole. Les hommes n‘ont pas mentionné ce fait.
Les groupes auxquels je participe actuellement ont tous pour but de se
rencontrer physiquement. L‘Internet est une sources d‘information, de
contacts et de référence à condition de faire le ménage dans ce qu‘on y
trouve. Comme source d‘inspiration, il est important, mais aussi et surtout
comme moyen de communication avec d‘autres membres de la
communauté. (IF007, P3, Q16)
Very important — links to events as well as information, and a sense of a
larger global community. (PF001, P3, Q16)
Ça permet de sortir de l‘isolement, également de partager sur nos
connaissances. (IF009, P3, Q16)
La communication avec d‘autres wiccains et la collecte d‘information sur les activités sont
également des points importants mentionnés par cinq personnes. Il est à noter que trois
personnes qui ont mentionné la recherche d‘information sur les activités proviennent de la
région de Montréal, d‘où l‘importance des rassemblements physiques émanant du milieu
communautaire.
I learn things that are interesting in these communities, they can be a
resource for info if I have questions, they are a way to know what
activities, workshops, rituals, etc. are available in my area or the
communities I am part of. (602, P3, Q16)
It is a means of communication events and sharing information. Many of
my coven members live in other countries. (636, P3, Q16)
Trois autres éléments mentionnés par les répondants vont dans le même sens, dans une
proportion de quatre personnes par élément : Internet rassemble les membres, permet la
recherche des offres de cours ou de formations et donne ainsi la possibilité de rencontrer
d‘autres entre personnes.
Les groupes auxquels je participe actuellement ont tous pour but de se
rencontrer physiquement. L‘Internet est une source d‘information, de
contacts et de référence à condition de faire le ménage dans ce qu‘on y
trouve. Comme source d‘inspiration, il est important, mais aussi et surtout
191
comme moyen de communication avec d‘autres membres de la
communauté. (IF007, P3, Q16)
D‘autres éléments mentionnés dans un plus faible pourcentage sont la participation aux
forums en mode lecture seulement (deux personnes), la possibilité de se développer au
niveau spirituel (deux personnes) et la découverte d‘organisation (une personne).
Des individus rencontrés au fil des travaux sur le terrain ont affirmé avoir participé à des
rituels virtuels. Qu‘en est-il des répondants? Et de quelle activité s‘agit-il? Une petite
proportion de répondants (trois personnes) dit s‘adonner à des rituels virtuels en compagnie
d‘autres wiccains ou païens. L‘activité se déroule en mode clavardage; une personne
utiliserait les forums. Une autre indique utiliser un programme de monde virtuel tel que
Second Life192
. Notons par contre que de l‘avis d‘une répondante qui ne participe pas au
rituel virtuel, Internet va à l‘encontre de ce qu‘est la Wicca, puisque la Wicca est « an
embodied religion » (601, p3, Q16 et17).
4.6.3 Communautés en général
L‘idée de reconnaissance entre semblables et d‘exclusivité des membres est associée à la
notion de communauté. Qui fait ou ne fait pas partie de celle-ci est déterminé par les
membres. Ils tracent en établissent des frontières. Les divers regroupements à l‘étude sont-
ils exclusivement wiccains dans leur composition? Sont-ils ouverts à d‘autres formes de
pratiques néo-païennes? Sur le terrain les dites communautés semblent se fondre avec la
communauté païenne générale. Afin d‘en avoir une idée plus claire, une question sur
l‘ouverture aux autres païens a été posée. Dans une grande proportion, 18 répondants ont
affirmé que c‘était le cas. Cela reflète les observations faites sur le terrain. Cependant, trois
des répondants n‘ont pas répondu à la question. Cela s‘explique probablement en raison du
fait que les pratiquants vivant à l‘extérieur de la région montréalaise connaissent peu ou pas
l‘existence des autres pratiques païennes de leur région ou encore qu‘ils ne savent pas les
192
Second Life est un monde virtuel en 3 dimensions, où l‘individu se créer un avatar et utilise cet avatar pour
interagir avec d‘autres individus (sous formes d‘avatars). Ils peuvent faire du commerce, possèder des
trerrains virtuels, construire et bâtir tout infrastructure qu‘ils désirent (par exemple : commerces, salle de
cours, maison, temples, bars.). Plusieurs groupes religieux y ont une présence et prodigue des cours, des
rituels et célébrations.
192
reconnaître. Par conséquent, il se peut également que la distinction entre les diverses
pratiques ne soit pas si clairement perçue si on considère que le concept de Wicca diffère
entre les francophones et les anglophones.
Au sein d‘une province francophone, il important de relever la langue dans laquelle se
déroulent les échanges entre les participants. En ce qui concerne les communautés
physiques, onze répondants indiquent que leurs communautés sont bilingues; trois ont
répondu qu‘elles sont francophones, alors qu‘autant de répondants indiquent l‘anglais
comme langue usuelles à l‘intérieur de leurs regroupements. Qutres personnes n‘ont pas
répondu à la question. Du côté des communautés virtuelles, neuf des répondants indiquent
qu‘elles sont bilingues, quatre indiquent qu‘elles sont anglophones, et trois mentionnent
qu‘elles sont francophones. Le taux d‘absence de réponse se situe à près de 25,0 % (cinq
personnes).
À la question visant à connaître l‘importance respective accordée aux communautés
physiques et virtuelles sur une échelle de 1 à 5, onze des répondants ont indiqué que les
communautés physiques sont très importantes, une personne indique qu‘elles sont assez
importantes, six disent qu‘elles sont importantes, une personne mentionne qu‘elles sont peu
importantes, et deux estiment qu‘elles ne sont pas importantes. En comparaison, quatre
répondants ont dit que les communautés virtuelles étaient primordiales, alors que six
mentionnent qu‘elles sont assez importantes. Trois personnes les jugent importantes, alors
que quatre les jugent peu importantes et trois pas importantes. Une seule personne n‘a pas
répondu à la question. Bien que l‘échantillon de répondants soit petit, ceux-ci accordent
plus d‘importance aux communautés physiques qu‘aux communautés virtuelles, et ce,
même à l‘extérieur de la région montréalaise. Cela est probablement dû au fait qu‘un besoin
de rencontrer d‘autres individus pour partager leur pratique ce fait ressentir. Néanmoins, on
remarque que les communautés virtuelles demeurent importantes pour eux. Il serait
intéressant de voir l‘importance accordée à Internet et à son utilisation par les wiccains et
les païens sur une plus grande échelle afin de déterminer si ces données sont
représentatives.
193
4.6.4 Organismes et institutions
Lorsqu‘il est question de l‘institutionnalisation de la Wicca, des questions concernant la
nature et le statut de diverses entités et manifestations, révélées dans le cadre des enquêtes
orales et documentaires, sont soulevées. Qu‘en est-il d‘abord de la notoriété des
associations et des fédérations constituées au Canada et au Québec auprès des participants?
Lorsqu‘on leur demande s‘ils connaissent des associations wiccaines ou païennes dans leur
région, 18 personnes répondent par l‘affirmative. De ce nombre, deux-tiers proviennent de
Montréal. Lorsque la question est reprise, mais cette fois-ci pour les organismes de
l‘extérieur de cette région, le deux tiers affirment en connaître. Bien que ces questions
étaient assorties du choix de réponse « oui » et « non », un espace dans lequel les
répondants pouvaient énumérer les organismes et associations qu‘ils connaissent et élaborer
sur ceux-ci était prévu. Parmi les plus connus et les plus recensés, on retrouve le PFPC
(Pagan Federation/Fédération païenne du Canada), situé à Ottawa, la Wiccan Church of
Canada (WCC) de Toronto, Reclaiming, Cercle de Lune (Montréal) et l‘Aquarian
Tabernacle Church. Parmi les réponses données dans l‘espace prévu à cette fin, quatre
d‘entre-eux mentionnent les lieux où siègent ces groupes, mais ne connaissent pas leur
nom, tandis que sept des répondants de Montréal pouvaient en nommer plusieurs.
D‘ailleurs, huit des répondants font partie de ces associations. Les festivals et les
conférences font partie des activités organisées ou parrainées par les associations,
fédérations ou communautés. La notoriété de ces dernières peut être indirectement évaluée
de cette manière. Une question cernait particulièrement la connaissance de l‘un ou l‘autre
des festivals et conférences suivants : Gaïa Gathering, Wiccanfest et Kaleidoscope. Le but
était d‘établir dans quelle mesure les répondants connaissaient les activités de
regroupements païens en faisant fi des frontières provinciales, et de déterminer si la
publicité interne du réseau païen les rejoignait. Les réponses obtenues permettent de
conclure que treize des répondants connaissent ces manifestations. De ce nombre, neuf ont
déjà participé à l‘une des trois (six à Kaleidoscope, cinq à Gaïa Gathering, deux à
194
Wiccanfest). Certains ont mentionné d‘autres festivals tel que Awakening Isis193
(deux
personnes), alors que d‘autres ont indiqué ne plus ressentir le besoin de participer à ce type
d‘événements deux personnes). Cinq répondants ont déclaré connaître ces conférences et
festivals, mais ne pas avoir encore eu la chance d‘y participer faute de disponibilité ou
encore en raison de l‘éloignement du lieu de l‘événement.
Pour ceux qui ont participé à ce type d‘événements, l‘étude a voulu vérifier l‘incidence de
la participation sur leur pratique ainsi que les répercussions sur leur communauté régionale.
Un peu moins de la moitié des répondants ont répondu à la question (onze personnes).
Parmi ceux-ci, cinq ont signalé que la participation à ces événements leur a permis
d‘approfondir leurs connaissances de la spiritualité Wicca et de mieux l‘intégrer au cours
de leur existence.
Every year I learn something new and my life changes a little bit. (636,
P3, Q14)
Ça m‘a aidé à mieux la comprendre et la vivre au quotidien. (604, P3,
Q14)
D‘autres indiquent que cela les encourage à participer un peu plus à des activités de groupe,
et même à s‘impliquer davantage dans leur communauté.
Ça m‘a fait connaître la vie en communauté agrandie, mais je n‘assiste
pas souvent aux événements publics. (632, P3, Q14)
Yes. It encouraged me to go from Solitaire to participate in the larger
community. (PF001, P3, Q14)
La Wicca est bien meilleure en communauté. (IF009, P3, Q14)
Oui, car j‘y ai vécu beaucoup de choses tant en groupe
qu‘individuellement. (649. P3, Q14)
Pour d‘autres, l‘apport réflexif et de conscientisation semble être le bénéfice ressenti de leur
participation.
193
Ce festival a remplacé le festival Terre-Eau tenu pendant huit ans en Estrie. Awakening Isis se déroulait
dans l‘Outaouais.
195
Oui, puisque la spiritualité se doit d‘être évolutive et de bénéficier du
savoir que les autres peuvent nous apporter. (IM005, P3, Q14)
Ça a nourri mes réflexions et m‘a aidé à approfondir ma « foi ». (614, P3,
Q14).
Deux individus ont mentionné que leur participation n‘avait apporté aucun changement à
leur façon de vivre la Wicca. Néanmoins, l‘un de ces répondants a souligné l‘opportunité de
rencontrer de nouvelles personnes.
4.7 Les objets de culte et les textes fondamentaux
Que ce soit au Québec, au Canada ou en Angleterre, nous avons, au cours de l‘enquête sur
le terrain, eu à plusieurs reprises l‘occasion de constater l‘existence de positions diverses
sur la question de l‘utilisation ou de la place des outils de travail dans la Wicca. Pour
certains, ils sont essentiels, tandis que pour d‘autres, ils sont facultatifs. La baguette,
l‘athame, les coupes, les herbes, les encens, ne sont que quelques-uns des objets qui aident
le wiccain à pratiquer son art. D‘ailleurs, selon les réponses obtenues à partir du
questionnaire, treize des répondants ont mentionné que les outils et costumes n‘étaient pas
nécessaires à la pratique. Il semble que pour certains, sans être essentiels, ces outils les
aident comme support visuel, voire même esthétique. « Non, mais cela est davantage
plaisant avec les outils rituels même si ceux-ci ne sont que des supports visuels facultatifs »
(IM005, P4, Q2).
Néanmoins, la question de la nature essentielle de ces objets se pose parfois de façon très
concrète hors du contexte de l‘expression de préférences d‘ordre culturel ou artistique. Il en
est ainsi de l‘accommodement éventuel des pratiques en milieu carcéral. Dans ces milieux,
pour des questions évidentes de sécurité auprès des détenus, des outils tel que l‘athame et
les épées sont interdits. Ce qui est requis, ou du moins doit être accessible, selon le Manuel
sur la satisfaction des besoins religieux et spirituels du SCC (Section 3, pp. 163-165), ce
sont des chandelles et d‘autres éléments pour dresser un autel (qui peut être dressé sur
n‘importe quelle surface plate), tel que de l‘encens, une coupe pour y mettre de l‘eau ou du
jus et un petit bol de sel. Comme indiqué dans le manuel, à moins que des questions de
196
sécurité particulières soient soulevées, l‘accessibilité à des cartes de tarots, des bijoux pour
rituels, des pierres, des baguettes de bois, doit être possible. Ces mesures prisent dans ces
milieux indiquent qu‘il n‘est pas nécessaire d‘avoir tous les objets pour pouvoir pratiquer sa
religion.
En partant du principe qu‘une religion non institutionnalisée n‘a pas de lieu de culte
déterminé, comme une église, il y a de fortes chances pour que les pratiquants aient un autel
chez eux. L‘autel est au cœur de la pratique wiccaine. Il s‘agit non seulement du lieu où se
trouvent les objets et les symboles utilisés pour le rituel, mais également d‘un lieu où peut
se travailler la magie et qui représente les déités (Magliocco, 2001, p. 9). Comme le
mentionne Beezley, l‘autel est l‘endroit où les humains et les déités établissent, forgent et
maintiennent leur relations (Beezley, 1997, p. 93; Pike, 2001, p. 59). Par conséquent,
puisque chaque wiccain est en contact direct avec les déités, l‘autel devient en quelque sort
une forme d‘outil de communication avec l‘autre monde. Bien qu‘il soit facultatif, le fait
d‘avoir un autel permet de mieux concentrer l‘énergie du pratiquant sur le travail à faire.
Lors d‘un rituel wiccain, l‘autel est généralement situé au centre d‘un cercle à l‘intérieur
duquel se tiennent tout le travail et les célébrations, et ce peu importe l‘endroit étant donné
que, pour les wiccains, les déités sont de nature immanente. Par conséquent, l‘autel peut
être dressé à n‘importe quel endroit : en plein air, à l‘intérieur d‘une maison, dans un coin
du salon ou dans un temple. Les autels peuvent prendre différentes de formes et être de
différentes tailles. Le choix et la disposition des objets de culte dépendent du besoin des
utilisateurs et des circonstances du culte. Puisqu‘il existe une prédominance de pratiquants
solitaires dans la province, nous avons cherché à savoir voir si cela avait effectivement une
incidence sur l‘aménagement du culte. Nous leur avons donc demandé s‘ils possédaient un
autel à domicile afin de vérifier cet aspect. Parmi les répondants, 17 ont répondu par
l‘affirmative.
4.7.1 Accessibilité des objets de cultes et des matériaux premiers
Comme mentionné au début du chapitre, les boutiques sont l‘un des fournisseurs des objets
de cultes et des matériaux utilisés par les wiccains. Ces boutiques sont rares dans la
province. Ainsi, certains pratiquants façonnent leurs objets, tandis que d‘autres les achètent,
197
d‘où l‘intérêt de se renseigner sur leur accessibilité. Il s‘avère que 16 des répondants n‘ont
pas de difficulté à trouver les objets et matériaux nécessaires. À l‘inverse, trois ont dit avoir
de la difficulté à se les procurer. Une seule personne n‘a pas répondu.
Figure 6 : Endroits d‘approvisionnement en objets de cultes et matériaux
Comme l‘illustre ce graphique, 20 répondants (95,2 %) se procurent au besoin leurs
matériaux dans les boutiques locales, tandis que le tiers s‘approvisionne dans des boutiques
se trouvant à l‘extérieur de leur région. Parmi les acheteurs, onze passent des commandes
par Internet. De plus, 17 des répondants déclarent que leurs matériaux et objets sont de
fabrication artisanale. Il est peu surprenant de constater que 16 des répondants disent aller
chercher leurs matériaux dans la nature. L‘aspect écologique et artisanal de la pratique
ressort de ces réponses.
00%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Endroits où les wiccains québécois se procurent les outils et les matériaux pour leur pratique
Dans la nature
Fabrication artisanale
Boutiques locales
Boutique à l'extérieur de larégion
Commandes par Internet
Autres
198
4.7.2 Accessibilité des textes fondamentaux et des sources écrites
Bien que la Wicca ne soit pas une religion doctrinale fondée sur des sources écrites, il
existe néanmoins un ensemble variable d‘ouvrages de base apparentés à des « textes
canons » dont un initié ne peut avoir fait l‘économie. Ces textes sont principalement
disponibles en anglais. Néanmoins, afin d‘apprécier le rôle ou le statut de ces ouvrages de
base dans la constitution de l‘identité wiccaine, il importait d‘en connaître la diffusion et la
notoriété parmi les wiccains québécois.
Une première question a porté sur l‘accessibilité des ouvrages portant sur la Wicca dans sa
langue maternelle. Une majorité de répondants (11 personnes) a mentionné que ce n‘était
pas un problème. Il est à noter que tous les anglophones ont de la facilité à avoir accès à des
ouvrages de base puisque ceux-ci sont rédigés en anglais. Parmi les neuf répondants
francophones194
qui habitent hors de la région de Montréalle deux-tiers ont indiqué avoir de
la difficulté à trouver de l‘information dans leur langue. Parmi eux, c‘est surtout la
disponibilité de la documentation en français sur la Wicca qui pose problème (trois
personens). La question de la qualité de l‘information est également signalée (trois
personnes).
Il y a beaucoup de livres écrits (Français et Anglais) mais les livres sont
tous les mêmes avec différents mots, les bons livres sont rares. (649, P4,
Q6)
Good stuff is always hard to find. Most of it superficial + dogma based
(i.e. what colour of candle to use). (601, P4, Q6)
D‘ailleurs, le quart des francophones mentionnent qu‘Internet leur permet de combler un
peu ce manque mais il leur faut sélectionner rigoureusement le contenu.
Mais dernièrement en fouillant sur le net, j‘ai réussi à trouver de bons
trucs, je vais les imprimer bientôt. Sinon, j‘achète ce qui me semble
pertinent, même s‘il m‘arrive souvent de me tromper. (IF009, P4, Q6).
Mais grâce à l‘Internet c‘est moins pire mais encore la faut savoir faire le
tri. (IF003, P4, Q6)
194
Il convient de mentionner que tous les francophones qui ont répondu au questionnaire utilisent ces deux
langues.
199
L‘accès à la documentation est essentiel au développement de la spiritualité pour les
Wiccains. Étant donné que les ouvrages de base sont plus souvent qu‘autrement offerts en
anglais, on peut se demander si les pratiquants francophones connaissent les textes
fondamentaux et les autorités reconnues au sein de divers courants de la Wicca. La liste qui
suit a été constituée de celles-ci et présentée aux personnes interrogées dans le but
d‘évaluer la notoriété des auteurs :
a) Gerald B. Gardner
b) Viviane Crowley
c) Doreen Valiente
d) Raymond Buckland
e) Janet et Steward Farrar
f) Starhawk
g) Scott Cunningham
h) Autres
a) Gerald B. Gardner
Le « père fondateur » de la Wicca contemporaine est connu par 20 des répondants. Il serait
lu par neuf d‘entre eux alors que le tiers indique posséder de ses ouvrages.
b) Viviane Crowley
L‘une des grandes prêtresses de Gardner, ayant une très forte influence sur la Wicca
contemporaine, est connue par 17 des répondants. Parmi eux, huit indiquent avoir lu et
posséder les ouvrages de Viviane Crowley.
c) Doreen Valiente
L‘une des premières grandes prêtresses de Gardner, Doreen Valiente a grandement marqué
la littérature wiccaine. La charge de la déesse 195
(Guiley, 1989, pp. 56-57; Belham-Payne,
2002, pp.278-279) est l‘une de ses principales contributions. Elle a aussi laissé son
empreinte dans les rituels. Deux tiers des répondants la connaissent de nom, tandis que six
des répondants ont lu et possèdent ses ouvrages. Il semble que la faible distribution de ses
195
Une première version de la charge a été écrite en 1954, peu de temps après son initiation dans le coven de
Gardner en 1953. Une version trasuite en français se retrouve à l‘annexe O.
200
ouvrages au Québec peut avoir contribué au fait que sa notoriété soit moindre que celle de
Viviane Crowley. Il est arrivé à quelques reprises que les pratiquants francophones utilisent
une version traduite de la charge de la déesse sans savoir qui en était l‘auteur.
d) Raymond Buckland
Un des auteurs ayant introduit la Wicca aux États-Unis, Buckland a créé son propre
courant, la Seax-Wicca. Il est connu par onze des répondants québécois. Il est lu par six
d‘entre eux, et quatre affirment posséder ses ouvrages.
e) Janet et Steward Ferrar
Les Ferrar ont écrit plusieurs ouvrages sur la Wicca, dont deux livres assemblés connus
sous le nom de Witches Bible. Onze des répondants connaissent les écrits du couple; tandis
six les ont lus et cinq ont en mains leurs ouvrages.
f) Starhawk (Miriam Simos)
Connue sous le nom de Starhawk, Miriam Simos a nourri la Wicca nord-américaine de son
militantisme féministe. Elle a également fondé la pratique connue sous le nom de
Reclaiming laquelle est présente, entre autres, dans la région de Montréal. Ces ouvrages
sont connus par les deux tiers des répondants. De plus, près de la moitié des répondants (10
personnes) possèdent et ont lu les œuvres de Starhawk.
g) Scott Cunningham
Cet auteur a introduit la notion du pratiquant solitaire. Ses ouvrages figurent parmi les
premiers à avoir été traduits en français. Ce sont souvent les premiers livres dont disposent
les néophytes n‘appartenant pas à un coven. Ils sont souvent perçus comme étant une
introduction à la pratique, car la matière concernant la Wicca y est très diluée en
201
comparaison de ce qui est pratiqué dans des covens. D‘ailleurs, 17 des répondants
connaissent cet auteur, douze l‘ont lu et 15 possèdent ses œuvres196
.
h) Autres
Parmi les noms d‘auteures mentionnés dans cette catégorie on note : Margot Adler, Ronald
Hutton, Helen Berger, S. Mogliocco, J. Salomansen, Graham Harvey, Kerr Cuhulain,
Christopher Penczak et Ann Moura.
4.8 Formation
Outre la lecture des textes, quelles voies emprunte la socialisation des Wiccains? Quels
sont les agents privilégiés? Une première question ciblait la part prise par la formule
« cours ». Un peu plus de la moitié (onze personnes) ont suivi au moins un cours, alors que
neuf n‘en ont pas suivi. Une seule personne n‘a pas répondu à la question.
Parmi les répondants qui ont suivi un cours, trois ont fréquenté une école de sorcellerie.
Internet a également été la source des activités de formation puisque quatre des répondants
ont suivi un cours197
par ce moyen, alors que trois d‘entre eux ont été socialisés par un
coven. Parmi les autres moyens mentionnés par six des répondants figurent les camps d‘été
de sorcellerie (PF002, P4, Q8.1), les boutiques de Montréal (IF004, P4, Q8.1), le Wiccan
Sacred Circle Network (PF002, P4, Q 8.1), ainsi que des ateliers et séminaires (636, P4,
Q8.1) dont certains tenus dans des institutions d‘enseignement comme des collèges et
universités (Ottawa et Concordia) (603, P4, Q8.1et 636, P4, Q8.1).
196
L‘écart peut piquer la curiosité. Bien qu‘aucun commentaire n‘ait été exprimé sur ce dernier point dans le
questionnaire, lors de nos recherches sur le terrain et dans le cadre de diverses discussions portant sur le sujet
des textes, certaines personnes nous avaient indiqué que : a) elles avaient acheté initialement le livre, mais ne
l‘avaient pas encore lu; b) elles avaient commencé à le lire, mais trouvaient que l‘information était trop
superficielle; c) elles possédaient une version en français, mais la traduction n‘étaient pas adéquate et elles ont
cessé de le lire faute d‘incompatibilité avec les concepts d‘origine et en raison de l‘utilisation de termes
propres au christianisme. 197
Aucune précision n‘a été donnée quant à la nature de la formation, c‘est-à-dire que les répondants n‘ont
pas indiqué s‘ils ont suivi un cours par le biais d‘une école virtuelle ou par un coven qui offre des cours en
ligne ou simplement un cours donné par un individu ou un organisme offrant divers services, y compris de la
formation sur divers sujets en lien avec le paganisme et la Wicca.
202
4.9 Perception et utilisation du terme « clergé »
Depuis les dix dernières années, que ce soit de façon positive, négative ou neutre,
l‘utilisation du terme « clergé » est devenue courante au sein des communautés wiccaines
canadiennes. L‘augmentation de la fréquence de l‘utilisation se manifeste également à
travers les publications et sur Internet. Puisqu‘il s‘agit d‘un concept emprunté à d‘autres
religions, les notions et les définitions varient selon les pratiquants, à l‘instar des
connotations qui y sont associées. Cette notion demeure néanmoins capitale puisqu‘elle se
trouve au cœur de l‘institutionnalisation de la Wicca.
4.9.1 Définitions
Une première question visait à établir la signification du terme « clergé » pour les
répondants. Si plusieurs thèmes ressortent des réponses, le contenu essentiel réfère à un
groupe à part. Ainsi, une portion significative des répondants (huit personnes) associe le
terme à un groupe de personnes, d‘initiés ou de prêtres qui desservent soit une communauté
ou une congrégation (six personnes), qui sont spécialistes d‘une religion (trois personnes),
et qui représentent une religion (deux personnes)
Ensemble de prêtres qui servent les dieux. (IF001, P5, Q1)
Clergy in a Wiccan contact [context] means people who are advanced
enough to be a support to the greater community. (PF002, P5, Q1)
Pour être clergé, il faut d‘abord être initié dans un couvent traditionnel,
par la suite, il faut vouloir donner à la communauté par exemple en
faisant des rituels publics. (604, P5, Q1)
A body of people representing a religion... often seen as an intermediary
between you and the divine. (IMI008, P5, Q1)
A spiritual leader who specializes in some spiritual field and is available
to serve the community in that field. (636, P5, Q1)
Pour plusieurs, ce terme est également associé à l‘idée de hiérarchie (cinq personnes) telle
que véhiculée par les Églises chrétiennes (cinq personnes).
Une hiérarchie au sein d‘un groupe. (649, P5, Q1)
203
Hiérarchie établie dans une communauté religieuse. (638, P5, Q1)
Un échelon au dessus d‘un coven. (IM005, P5, Q1)
C‘est un terme associé au rôle de Haut (e) prêtre (sse) organisant un rituel
de groupe, où à l‘ensemble de gens ayant une grande influence dans la
communauté. (632, P5, Q1)
Un groupe de personne qui donne une cohésion dans la spiritualité en
cause. Sauf que ça sonne un peu trop église aussi. (IF009, P5, Q1)
Je le réfère à l‘église catholique, même si je sais que ce ne leur est pas
exclusif. (IF006, P5, Q1)
Il s‘agit d‘un terme découlant de l‘institution catholique pour désigner nos
représentants religieux. (614, P5, Q1)
I associate it with christian clergy. I have a hard time applying it to
anything pagan. (602, P5, Q1)
L‘idée de hiérarchie, sans parler de l‘évocation des religions institutionnelles, suscite
également quelques réserves pour près du cinquième des répondants.
En somme, on peut déterminer que pour les répondants à ce questionnaire, la notion de
clergé est un terme :
Qui un terme ne s‘applique pas ou n‘existe pas pour la Wicca;
Qui existe, mais de façon temporaire (par exemple la durée d‘un rituel);
Qui réfère à un groupe d‘individus qui partagent leurs connaissances;
Qui réfère à ceux qui célèbrent les mariages, les funérailles, les baptêmes, etc.;
Qui réfère à un groupe de personnes payées pour leurs services donnés et leurs
connaissances de la religion;
Il est clair que l‘acception du terme de « clergé » varie d‘une personne à l‘autre. Le fait
qu‘une grande association soit faite avec les institutions chrétiennes témoigne en outre de la
pression externe ressentie par les pratiquants. Par conséquent, on peut supposer que pour
plusieurs, le terme « clergé » réfère à un rôle ou à un statut particulier. Mais comment ce
statut est-il perçu relativement à l‘expérience spirituelle individuelle? En outre, dans quelle
204
mesure la notion de clergé est-elle jugée en affinité ou en adéquation avec la pratique
rituelle constituée de la Wicca?
4.9.2 Applicabilité à la Wicca
La question de la pertinence de la notion de clergé relativement à la pratique rituelle de la
Wicca a, de fait, été posée séparément. Elle permet également de mesurer indirectement la
perception de la légitimité d‘une division des statuts ou des rôles. Parmi les répondants, 11
individus croient que le terme « clergé » s‘applique à la Wicca, alors que sept individus n‘y
voient pas d‘application. Deux individus ont mentionné que ce terme s‘applique, et ne
s‘applique pas alors qu‘un seul individu n‘a pas répondu à cette question. Il semble donc
que les avis sont plutôt partagés en ce qui concerne cette question qui touche de près celle
de l‘institutionnalisation. Il semble par ailleurs que les femmes (10 personnes) ont
davantage tendance à appliquer la notion de clergé à la Wicca que les hommes (une
personne). C‘est le cas pour les deux tiers des femmes anglophones et la moitié des femmes
francophones.
À cette question d‘application du terme de « clergé » à la Wicca, nous avons demandé aux
répondants d‘expliquer leur position que cela s‘applique ou non à la Wicca. Parmi les
explications, sept des répondants indiquent que ce terme s‘applique, mais sans l‘aspect
hiérarchique.
Ça peut s‘appliquer mais il n‘y a pas de hiérarchie, il n‘y a que du respect
pour les plus anciens. (IF001, P5, Q2)
Dans le sens que dans un coven il y a une prêtresse... mais sans plus. Tous
sont égaux. (IF002, P5, Q2)
Sans qu‘il y aie une hiérarchie mondiale, il y a somme toute un clergé
dans les covens. (638, P5, Q2)
En outre, sept répondants mentionnent dans leurs commentaires que les titres appropriés à
utiliser, à la place de celui de clergé, sont ceux de prêtresses, prêtres, grandes-prêtresses et
grands-prêtres. Cela s‘ajoute à l‘idée que chacun est un célébrant ou un officiant à part
entière au temple de la nature. Cette idée a été exprimée par quatre répondants.
205
J‘imagine que cela pourrait s‘appliquer puisque les couvents Wicca ont
des « high priests », mais le mot « clergé » a une connotation péjorative
pour moi (IF004, P5, Q2)
Sûrement que oui, mais je ne m‘y résout pas. Pour moi la Wicca c‘est la
liberté et mon église c‘est le monde et sa nature. (IF006, P5, Q2)
For me I think I would have a hard time applying this to paganism it
conjures up ideas of a male hierarchical system to which I don‘t
subscribe. (602, P5. Q2)
En l‘absence de terminologie, je comprends qu‘on utilise ce genre de
terme, mais je préfère les termes prêtres et prêtresse. (614, P5, Q2).
On est tous prêtres pour nous-mêmes, donc en théorie, les pratiquants
seraient le clergé. Je n‘ai aucune idée de la manière d‘appliquer ce terme-
là dans la Wicca, j‘évite de l‘utiliser. (IF007, P5, Q2)
Bien qu‘il existe des différences à l‘égard du terme de « clergé », cinq des répondants
l‘utilisent dans le même sens que les institutions religieuses chrétiennes, mais en
l‘appliquant aux covens ou encore pour désigner un célébrant temporaire pour des rituels.
Exists in Wicca, but not as Catholic, might be ordained in some Paths
(druidism), but can simply be a temporary title for a ritual or Festival
period. (PF001, P5, Q2)
Nous avons des officiants tous les Covent qui pratiquent certains rituels.
(PF003, P5, Q2)
Dans un rituel, il y a le clergé au centre et les participants autour, autant
en Wicca que dans d‘autres traditions. (632, P5, Q2)
Pour d‘autres, il semble que pour être considéré comme un clergé, il ne suffit pas
simplement d‘être prêtresse (huit personnes), mais il faut également avoir des
connaissances et de l‘expérience (deux personnes).
To be « clergy » the Wiccan must become a preist of [or] preistess and
have many years of experience in spiritual mentoring and in their own
practice. This is the same as any other religioins clergy, you can‘t just
read a book and be a preist. (PF002, P5, Q3)
Parce que ce n‘est pas tous les initiés qui peuvent devenir représentant
et/ou mentor. (614, P5, Q3)
206
Pour trois réondants, ce sont les connotations péjoratives qui font en sorte qu‘ils ne veulent
pas inclure le mot « clergé » dans leur vocabulaire, ou encore qu‘ils croient que ce soit une
mauvaise idée de l‘appliquer.
Ceci ne s‘applique pas puisque la Wicca est pratiquée majoritairement en
solitaire ou en coven. Cependant, il existe des églises Wicca qui sont
présentes dans divers pays et qui tentent de créer un clergé ou un
organisme quelconque qui pourrait générer les divers coven. Ceci est à
mon avis une très mauvaise idée puisqu‘il est dangereux de tomber dans
le piège créé par d‘autres religions. (IM005, P5, Q2)
D‘autres raisons pour inclure le terme à la pratique sont également données par cinq
répondants, allant du besoin de partage de connaissances au soutien spirituel. De plus, il a
été fait mention de l‘incertitude quant à l‘application de ce terme à la Wicca ou encore à
l‘association de la Wicca à la notion de liberté de pratique.
Cette divergence de points de vue quant à l‘applicabilité de la notion de clergé à la pratique
rituelle semble être le prolongement des modalités du rite (en solitaire ou en coven). Elle se
dessine, par ailleurs, en ce qui a trait à la propre perception de soi en tant qu‘autorité
spirituelle dans la cosmologie wiccaine et au positionnement face à une division actuelle ou
éventuelle des rôles. En ce qui a trait au second point, deux personnes sont d‘avis que
l‘accession au clergé ne peut se faire que par l‘initiation dans un coven. « Pour être clergé,
il faut d‘abord être initié dans un couvent traditionnel, par la suite, il faut vouloir donner à
la communauté par exemple en faisant des rituels publics. » (604, P5, Q1). Pour trois
répondants, la pratique de la Wicca va de pair avec le sacerdoce universel. Partant de cette
divergence de position, la question de l‘applicabilité du terme à l‘ensemble des wiccains a
été posée. Il en ressort que pour 17 des répondants, ce terme ne s‘applique pas à l‘ensemble
des wiccains.
Comment interpréter ces réponses? Bien que les avis soient partagés quant à l‘applicabilité
de ce terme à la Wicca, il semble que de façon générale, le terme « clergé » ne s‘applique
pas à tous les wiccains. Il y a donc une distinction entre la pratique, l‘expérience et les
individus qui la pratiquent. Que ce soit parce que ce terme véhicule des idées de supériorité
ou d‘autorité (cinq personnes), qu‘il s‘applique à une élite au sein d‘un groupe (trois
207
personnes), qu‘il insiste sur la possession d‘une certaine expérience ou de certaines
connaissances de la pratique (deux personnes) ou encore qu‘il ne s‘applique tout
simplement pas aux solitaires (une personne), il semble y avoir une perception que seuls
quelques individus au sein de la population wiccaine peuvent se voir qualifier du titre de
« clergé ».
4.9.3 Nécessité du recours à la « chose » clergé.
En soi, le terme clergé est « étranger » au vocabulaire païen. Son emploi peut être un
indicateur d‘institutionnalisation. Avec le temps et le rayonnement, il se peut qu‘une
division des statuts et des rôles à l‘intérieur des courants, avec les débats que cela
comporte, s‘opère ou l‘influence sociétale se fasse davantage sentir. Pour s‘en faire une
idée, le questionnaire a demandé aux répondants s‘il était nécessaire ou utile pour la Wicca
d‘être dotée d‘un clergé aux fins de la reconnaissance par les autorités publiques en place.
À notre surprise, un peu plus de la moitié des répondants (onze personnes) ont répondu par
l‘affirmative. Ce qui est largement au-dessus de nos estimations étant donné les positions
sur la question de la reconnaissance par les autorités publiques observées sur le terrain et
véhiculées dans les groupes de discussions virtuels.
Par conséquent, certains vont commencer à parler de clergé alors que ce terme n‘appartient
pas au vocabulaire wiccain. Bien que dans les « covens » traditionnels (gardnarien,
alexandrien) une hiérarchie existe198
, ce n‘est pas pour autant dire un clergé.
À l‘appui de la perméabilité à l‘influence sociétale cristallisée par la notion de clergé, les
arguments « pragmatiques » sont les plus répandus : ce statut peut être utile pour le
gouvernement (cinq personnes) ou permettre d‘agir à titre de porte-parole auprès des
autorités (quatre personnes).
It helps both with validity and accountability. Also give authorities
someone to consult if necessary. (636, P5, Q9)
198
La structure habituelle consiste en la présence d‘une grande-prêtresse, d‘un grand-prêtre, de prêtres et de
prêtresses de 1er
et de 2e degré ainsi que de néophyte.
208
Un clergé est en quelque sorte un porte parole. En plus, même si l‘effet
hiérarachique est plus ou moins l‘fun (seul terme trouvé…) ça montre au
gens qu‘on a une structure, dons ils y voient une certaine importance.
(même si ils peuvent…) (IF009, P5, Q9)
N‘étant pas reconnue, cela reste une philosophie de vie... Une hiérarchie
est utile, car les autoritées ont besoin de voir une structure. (IF002, P5,
Q9)
Le clergé peut représenter la communauté dans plusieurs situations
publiques et même légales. (632, P5, Q9)
À l‘appui de leur refus de chercher la reconnaissance et de faire entériner socialement un
statut de clergé parmi les courants de la Wicca, les répondants invoquent la volonté de ne
pas se conformer (deux personnes) ainsi que le désaccord avec l‘idée d‘une hiérarchie qui
dicte les règles (deux personnes) ou qui pourrait faire en sorte d‘empêcher une diversité de
pratiques néo-païennes (une presonne).
Les croyances sont une chose. Les autorités publiques doivent rester
laïques et n‘ont pas besoin de reconnaître ou non une religion. On a le
droit de prier comme on le veut du moment que l‘on n‘oblige personne à
en faire autant. (PF003, P5, Q9)
We don‘t need to be recognized by public authorities. It doesn‘t change
what we do. (PF002, P5, Q9)
Je ne crois pas que la Wicca peut être représentée par un seul clergé vu
les différences d‘opinions et les nombreuses différentes façons de
pratiquer la Wicca (IF004, P5, Q9)
La Wicca n‘a pas à se conformer aux exigences des religions mieux
connues afin de se faire reconnaître. Ce serait trahir l‘esprit du
néopaganisme. (603, P5, Q9)
Par ailleurs, le rôle le plus couramment associé à la notion de clergé est celui d‘officiant
reconnu des mariages aux fins de l‘enregistrement auprès de l‘état civil. Dans le contexte
spirituel wiccain, cela réfère à la célébration des handfastings. Comme mentionné au
chapitre deux, pour qu‘un mariage soit légal au Québec, il doit être officialisé par un
célébrant reconnu par le gouvernement provincial, et ce même si la personne ayant cette
autorisation n‘est pas membre d‘un clergé quelconque. Qu‘en est-il alors de la perception
209
du statut de clergé à cette fin auprès des wiccains québécois? Parmi les répondants, douze
répondants ont indiqué que la présence d‘un célébrant ayant le statut de clergé n‘était pas
requise pour le handfasting, cinq ont dit le contraire, alors que deux personnes ont répondu
ne pas savoir. Une seule personne s‘est abstenue de répondre.
Parmi tous les répondants, neuf mentionnent que le rituel peut être célébré par n‘importe
quel wiccain étant donné que tous sont prêtresses ou prêtres.
All Wiccans can celebrate the rituals the way they want, they don‘t have to
be officiated by a High Priestess. (PF002, P5, Q4),
Car le « clergé » implique la reconnaissance des pair. Mais tout pratiquant
pourrait réaliser le rituel. Ce n‘est qu‘une question de validité. (614, P5, Q4)
Non pour moi le handfasting peut être dirigé par une grande prêtresse en
apprentissage. (IF003, P5, Q4)
Néanmoins, six des répondants mentionnent que l‘obtention de ce statut permet de rendre la
cérémonie officielle. D‘autre part, cinq répondants signalent que le statut de clergé n‘est
pas nécessaire. Bien que l‘enjeu soit très récent dans les discussions, on peut noter que près
du quart des personnes interrogées avalisent la reconnaissance sociale recherchée ou
conférée à travers l‘officialisation d‘un statut de clergé parmi les courants wiccains.
Diverses autres réponses ont été données par cinq répondants. On y retrouve pêle-mêle le
fait que « clergé » est un titre un peu prétentieux (IF001, P5, Q4), que la présence d‘un
officiant reconnu à titre de membre d‘un clergé donne plus de puissance à l‘événement
(632, P5, Q4), ou encore que seule l‘énergie de la cérémonie est suffisante pour sceller
l‘union aux yeux des dieux (IF009, P5, Q4).
D‘ailleurs, seuls deux des répondants ont déclaré avoir eu recours à un membre du clergé
pour la célébration du handfasting ou de tout autre rituel important. Un autre point
intéressant est le fait que parmi tous les répondants, trois personnes ont reçu une formation
de clergé pour célébrer ce type d‘événements.
210
4.9.4 Le clergé : une spécialisation contre rémunération?
Une question qui reste épineuse parmi les wiccains et certains païens est celle de la
rémunération des services auprès de la collectivité. L‘idée que les
« dons/habiletés/connaissances » que possède un individu ne devraient pas être monnayés
sous peine d‘encourager le profit et de mener éventuellement à des abus de confiance et de
pouvoir existe. La question de la rémunération pour les services rendus par un membre du
clergé a été posée aux répondantss. Les réponses sont plutôt partagées, et ce, peu importe la
langue des répondants. Presque la moitié d‘entre eux, soit onze personnes, sont d‘avis que
non, alors que neuf mentionnent le contraire. Une personne a répondu à la fois « oui » et
« non ».
Dans leurs commentaires, un peu plus du tiers des répondants estiment qu‘une somme
devrait être versée pour couvrir les frais associés au temps, aux déplacements et au matériel
requis sans plus.
It‘s a fair exchange of time and service, for a reward. (PF002, P5, Q7)
La Wicca se veut d‘abord gratuite. Cependant, je suis conscient qu‘une
personne peut être rémunéré pour certains services. Par exemple, il serait
normal pour une personne de demandé une somme équitable pour être
présent et dirigé un rituel de handfasting. Cela dit, le fait de jouer un rôle
peut tout aussi s‘effectuer dans le don et le partage de la collectivité.
(IM005, P5, Q7)
I consider myself to Wiccan clergy and I don‘t take money for what I do
except to cover expenses. If someone pays me for my Wiccan services
then I become their employee and I don‘t think Goddess and myself as a
priestess are for sale. (PF002, P5, Q7)
Les « clergés » que je connais ne demandent pas d‘argent pour eux mais
quelques dollars pour payer les dépenses ex : certificats et autres. (649,
P5, Q7)
Six personnes considèrent qu‘une rémunération devrait être rattachée au service en tant que
tel, en sus de la couverture des frais.
211
Je crois que tout service devrait être rémunéré, que ce soit donné par un
membre d‘un clergé Wicca ou non (IF004, P5, Q7)
Parce qu‘ils dévouent leur temps et leur énergie pour d‘autres personnes.
(632, P5, Q7)
Especially if the cover supplies have to travel, or take time off a paying
job to perform the ritual. (636, P5, Q7)
[…] je réponds comme s‘il s‘agissait de quelqu‘un reconnu légalement,
parce que je ne saurais pas trop comment les interpréter autrement) la
personne qui se fait reconnaître légalement et fourni les documents y
passe sans doute beaucoup de temps et d‘argent, et il est normal d‘en
repayer le coût. On ne peut pas demander à quelques personnes de tout
faire pour des dizainnes d‘autres sans moyenner un échange. (IF007, P5,
Q7)
Comme on peut voir à travers ces quelques réponses, l‘idée que la religion et l‘argent ne
devraient pas faire ménage ou encore que de tels services devraient être des dons ou
gratuits représente des éléments mentionnés par cinq personnes. D‘ailleurs, si on regarde le
tableau suivant, on peut voir les éléments qui préoccupent nos répondants.
212
Figure 7 : Éléments de réponses relatifs à la rémunération d‘officiants ou de célébrants
wiccains
Mises à part les questions de couverture de frais et autres, la possibilité de l‘échange de
services ou de procéder comme les autres religions représente les réponses de trois
personnes.
Comme pour les autres religions, un don serait le bienvenu. C‘est un juste
retour. (614, P5, Q7)
Au même titre que les prêtres catholiques, La Wicca devrait alors être
reconnu comme religion. (638, P5, Q7)
Dans la catégorie « Autres », cinq personnes ont notamment mentionné comme réponse :
« cela revient au coven s‘ils veulent ou non rémunérer un clergé » (603, P5, Q7); « l‘idée de
monnayer leur savoir s‘approche d‘une secte » (IF001, P5, Q7); « le concept de clergé n‘est
0% 2% 4% 6% 8% 10% 12% 14% 16% 18% 20%
Gratuité /dons
Échange de services
Doit être rénuméré
Peut être rénuméré
Couvrir frais/temps/déplacements
Ne doit pas payer
La religion et l'argent doivent être séparés
Comme toute autre religion
Autres
Éléments de réponses concernant la rémunération du clergé wiccain
213
pas utilisé de la même façon par les païens » (IM008, P5, Q7). On peut donc voir que,
parmi nos répondants, la question reste sensible, mais qu‘en somme, il semble se dégager
une position favorable quant au remboursement des frais encourus à l‘occasion d‘une
cérémonie. En ce qui a trait aux services rendus, ils devraient relever du don.
4.9.5 Quels sont les attributs exclusifs et les savoirs réservés?
Outre la question des rôles (célébrants/participants à un rituel) en lien avec la notion de
clergé, la question du statut auprès de la collectivité d‘un groupe exclusif de par ses
attributs se pose indépendamment. Une telle notion trouve-t-elle écho dans les courants de
la Wicca? La réponse à cette question dépend de certains facteurs. L‘appartenance à un
coven paraît être depuis longtemps un gage de légitimité pour la revendication du statut de
prêtre ou de prêtresse (par extension, de membre d‘une classe sacerdotale délimitée). Or,
l‘avènement d‘Internet et des communautés virtuelles, en plus des possibilités
d‘autoformation de la part de prêtres et de prêtresses, changent la donne du point de vue des
pratiquants solitaires ou de l‘extérieur des covens. De plus en plus d‘individus vont se
« procurer une formation de clergé » par Internet. Quelle est la validité de cette formation
virtuelle selon par nos répondants? A-t-elle la même valeur que celle associée à une
formation donnée par un coven?
Selon les réponses obtenues, douze des répondants soutiennent que ce type de formation
n‘est pas valide. Ils sont quatre à croire le contraire. De plus, six des répondants indiquent
que tout dépend de la situation. Parmi les réponses, cinq mentionnent le fait que la
formation serait meilleure en personne. Le pourcentage des répondants étant d‘avis que ce
ne sont pas toutes les formations données qui sont valides est le même. D‘autres éléments
sont énumérés par trois personnes respectivement, comme la nécessité du côté pratique de
la formation le fait, que seuls les covens peuvent être source de validité ou encore le fait
que cela équivaut à tous les autres types d‘enseignement. L‘idée qu‘Internet est une source
peu fiable, malgré ses capacités en tant que source d‘information, est évoquée par certains
répondants. Pour l‘instant, il ne semble pas y avoir de formation virtuelle visant les niveaux
supérieurs au statut de prêtre et de prêtresse.
214
4.10 Aumônerie
S‘il est une fonction ou un service accréditant un tant soit peu la notion de clergé auprès des
wiccains c‘est bien le travail d‘aumônerie. Que ce soit dans les prisons ou les hôpitaux, la
sollicitude est nécessaire auprès des personnes captives et vulnérables. Les wiccains
croient-ils devoir s‘engager de la sorte? Au nom de quoi? D‘emblée, 18 répondants
affirment que l‘aumônerie relève de l‘engagement moral des Wiccains. Seuls deux disent
ne pas ressentir ce type d‘obligation.
Figure 8 : Éléments de réponses : motifs à l‘appui de l‘engagement dans les services
d‘aumônerie
Parmi les personnes favorables à l‘aumônerie, le tiers considère que c‘est un travail dans
lequel elles peuvent s‘engager aider quelqu‘un ou pour faire du bien.
215
Why not? People will always turn to others for support. Someone who is
more ‗active‘ and is there to provide these services will be appreciated by
those who share the beliefs but may not be as active in their own practice.
(IM008, P5, Q10)
Because there are Wiccans in prisons, hospitals and the armed forces.
Because they can help and serve, like any other minister. (636, P5, Q10)
I think in these situations it is very good for the individual to be able to be
"ministered to" by someone of her/his spiritual path should they require it.
(602, P5, Q10)
Malgré la position favorable relativement au travail d‘aumônerie, à peine un peu plus du
quart des répondants sont déjà impliqués dans ce type d‘activités, ou connaissent quelqu‘un
qui en offre. La Pagan Federation/Fédération païenne du Canada a été identifiée à titre
d‘organisme pourvoyeur de ce type de services199
. La question posée concernant si les
wiccains devraient s‘engager dans le travail d‘aumônerie a généré des réponses
intéressantes. Trois répondants estiment que si cela répond à un besoin ou à des demandes
exprimées, ils n‘y voient pas d‘objections. L‘idée que c‘est un service à offrir est émise par
deux des répondants, car ils considèrent qu‘ils ont le droit d‘avoir accès à ce type de
services. Cinq répondants croient que ce service permet de guider d‘autres wiccains ou
païens sur leur voie sans toutefois verser dans le prosélytisme. D‘ailleurs, l‘une des
répondantes justifie sa position à la fois pour et contre le travail d‘aumônier en soulignant
son inquiétude relativement au prosélytisme.
Bonne question... je crois que les prisonniers, les gens malades et les gens
dans les forces armées devraient avoir ACCES à cette forme de religion
(la Wicca) sans être sujets à des préjugés. Mais j‘ai toujours été contre le
travail d‘aumônerie qui me fait plutôt penser aux missionaires qui
forçaient les gens à se convertir... (IF004, P5, Q10)
La comparaison avec les autres religions, qu‘elle soit négative ou positive, ne s‘arrête pas
là. Plusieurs individus cherchent à acquérir les mêmes droits que ceux accordés à ces
religions. Cela est exprimé par quatre des répondants qui croient que les wiccains ont droit,
au même titre que les autres religions aux services d‘aumônerie.
199
Bien que depuis plusieurs années ce soit le PPO (Pagan Pastoral Outreach) qui offre ce type de services.
216
Nous avons d‘ailleurs cherché à savoir si certains des répondants effectuent du travail
d‘aumônerie. Parmi ceux-ci, trois ont indiqué qu‘ils offrent des services d‘aumônerie dans
les milieux hospitalier, scolaire et militaire ainsi que dans leur communauté. Certains
mentionnent les difficultés reliées à ce type de travail, surtout lorsque ce travail s‘effectue
dans le cadre d‘une religion autre que la sienne comme cette personne qui fait du travail
d‘aumônerie dans les Forces, mais pas en tant que wiccaine :
Pour donner mon exemple, il m‘est arrivé de donner un point de vu
chrétien à des personnes qui croyait à la magie, c‘est très déchirant sur le
point de vue personnel. J‘aurais aimé les guidés, mais j‘étais obligé
d‘avoir un discourt différent. (614, P5, Q10)
Parmi ceux qui n‘offrent pas de services d‘aumônerie, le tiers des répondants indique qu‘ils
seraient ouverts à l‘idée d‘en offrir si, pour quelques-uns d‘entre eux, une formation
adéquate leur était fournie. On s‘aperçoit également que parmi ces derniers, trois disent ne
pas posséder les habiletés nécessaires pour ce faire. D‘autres motifs évoqués pour ne pas
faire ce type de travail sont le fait d‘avoir déjà célébré un handfasting bénévolement
(IF001, P5, Q11) ou encore la volonté de vivre sa spiritualité seul ou en privé (IM008, P5,
Q11)
4.11 Droits et libertés
Afin d‘explorer davantage l‘incidence des vecteurs d‘institutionnalisation externes sur
l‘évolution future de la spiritualité wiccaine, cette enquête a d‘une part tenté de cerner
l‘opinion des wiccains sur la question d‘une reconnaissance collective, d‘autre part, la
représentation forgée de leurs droits et libertés en tant que wiccains dans la société.
Une première question ciblait l‘attitude des pratiquants envers la nécessité de disposer
d‘une entité officielle aux fins de représentation de la communauté wiccaine. Un peu plus
de la moitié, onze répondants, ont dit ne pas en ressentir le besoin, tandis que neuf ont
manifesté un avis contraire. Encore une fois, une personne a répondu « oui » et « non ». On
voit ici qu‘en dépit de fortes réserves envers les organisations collectives officielles, l‘idée
d‘une entité institutionnalisée semble faire son chemin.
217
Les commentaires accompagnant les réponses méritent qu‘on s‘y arrête. Parmi les
arguments évoqués par les opposants à l‘émergence d‘une entité officielle figurent le fait
que la Wicca serait trop diversifiée pour se résumer en une seule entité (cinq personnes), la
non-pertinence d‘avoir à se doter d‘un corps représentatif (quatre personnes), ainsi que le
danger potentiel d‘abus de pouvoir au sein d‘une telle structure (quatre personnes).
I thinks it would be tricky to gather enough wiccans/pagans/witches, etc.
(period) together with similar enough views, that it would merit having a
church like structure where they would feel that all of their views/beliefs
were represented and honoured. (602, P6, Q1)
Encore une fois, je ne crois pas que la Wicca peut être représentée par un
seul clergé/église/association vu les différences d‘opinions et les
nombreuses différentes façons de pratiquer la Wicca. (IF004, P6, Q1)
Il en existe déjà beaucoup et plusieurs se contredisent. Avoir seulement
une entité pourrait créer de la jalousie des « powertrip ». (649, P6, Q1)
La Wicca est un processus qui se doit d‘être vécu d‘abord par soi, ensuite
avec la collectivité. Cependant, je suis conscient que de telles entités
pourraient s‘avérer utiles pour d‘autres croyants. Personnellement, je
crois que la mise en place de telle entité implique plusieurs dangers, tels
que la mise en place d‘une certaine « dictature » qui n‘est justement pas
présente et prisée par plusieurs. (IM005, P6, Q1)
D‘autres éléments relevés dans une même proportion renvoient aux difficultés de
mobilisation des wiccains et des païens, au fait que ce type d‘organisations existe déjà, à
l‘existence d‘une possibilité de stagnation, et à l‘homogénéisation de la pratique.
Plus il y aura une autorité officielle pour définir la Wicca, lus elle
deviendra limitée et cessera d‘évoluer. La question de définition reviendra
inévitablement pour savoir qui est représenté et qui ne l‘est pas. Une
association défendant et représentant les minorités religieuses en général
me paraît plus appropriée qu‘une association défendant une seule branche
du paganisme. Cela éviterais l‘exclusion de ceux qui rentre plus ou moins
dans les définitions. Il existe déjà de ces associations. (IF007, P6, Q1)
Une fois de plus, ceci rendrait la Wicca plus omogène, ce qui va à
l‘encontre de l‘esprit du néopaganisme. (603, P6, Q1)
There are influential spokespersons, like Starhawk, speaking on our
behalf, without needing to be « official body ». (PF001, P6, Q1)
218
On relève encore la volonté de ne pas vouloir copier les modèles des groupes déjà
institutionnalisés (deux personnes), d‘affirmer une pratique individuelle (deux personnes)
ou encore de proposer un modèle sur un conseil des aînés (une personne)200
.
Du côté des tenants d‘une entité officielle aux fins de représentation de la communauté
wiccaine, les motifs de reconnaissance de la part des autorités publiques (cinq personnes) et
l‘existence et la visibilité sociale, publique et moins stigmatisantes (quatre personnes) sont
relevés.
La communauté Wicca est assez élevée, un tel avancement permettrait à
certains de se dégêner ou de se sentir plus libre d‘être. (638, P6, Q1)
It helps both with validity and accountability. Also give authorities
someone to consult if necessary. (636, P6, Q1)
Je pense que plusieurs Wiccains ont peur de s‘afficher en public et une
telle organisation pourrait les sécuriser davantage. (632, P6, Q1)
Les motifs de cohésion et de mobilisation des pratiquants sont également évoqués (trois
personnes) dans la même proportion que ceux de la représentation collective aux fins
d‘accessibilité à certains services publics.
Ça permettrait d‘avoir des services gratuits dans les villes comme une
salle de réunion, un journal local et choses du genre, et ça permettrait de
s‘impliquer en tant que groupe reconnu ce qui permettrait de mobiliser
des Wiccans et des volontaire pour un but commun, ex. nettoyer une
berge, demander aux élus d‘en faire plus pour la récupération, le
compostage, aider une communauté etc. C‘est la force d‘un groupe qui est
plus fort qu‘un individu seul. (IF001, P6, Q1)
It just makes sense -- for the same reasons everything else has
representation. At the very least, it will help represent the individual
people making up the group. (IM008, P6, Q1)
200
Un conseil des aînés est composé d‘individus ayant acquis une grande expérience dans la pratique.
Habituellement, un conseil est en lien avec un coven. Un conseil n‘a pas de pouvoir en soi sur les pratiquants
et ne sont pas leur chefs ni leur dirigeant. Ils sont surtout présents pour les conseiller sur divers aspects de
leurs pratiques et de leur théologie.
219
D‘autres réponses en faveur d‘une reconnaissance auprès des autorités consistent, entre
autres, en l‘idée de pouvoir détenir les mêmes droits que les autres groupes religieux et de
promouvoir la religion.
La question des droits et des libertés donne un autre aperçu de l‘existence sociale vécue et
souhaitée de la part des Wiccains. La question suivante leur a été posée : « En tant que
wiccain, croyez-vous disposer des mêmes droits et privilèges que les croyants ou
pratiquants d‘autres religions? » En fait, cette question au sujet des droits semblables aux
autres les interpelle. Près du trois quart des répondants (15 personnes) estiment qu‘ils
disposent des mêmes droits et libertés que les croyants des autres religions, alors que cinq
personnes pensent que tel n‘est pas le cas. Il n‘y a qu‘une personne de répondants qui se
sont abstenus de répondre à cette question.
Pour approfondir cet ordre d‘idée, l‘enquête a tenté d‘établir dans quelle mesure les
wiccains estiment que leur liberté de conscience et de religion était protégée dans divers
aspects de leur vie.
220
Figure 9 : Protection de la liberté de conscience et de religion des wiccains
Comme l‘illustre ce graphique, il semble que les répondants estiment que leur liberté de
conscience et de religion est généralement respectée et protégée. Sans contredit, les
répondants estiment que leur liberté de conscience et de religion est davantage protégée
dans leur vie privée que dans leur milieu de travail. Cette affirmation se réflétait sur le
terrain lors des discussions avec divers individus. Par ailleurs, ce sont majoritairement les
répondants habitant la région de Montréal (11 personnes) qui se sentent le plus respectés
dans leur milieu de travail et sur la place publique. Le tiers de ceux en région se sentent
plus vulnérable dans leur milieu de travail. À l‘inverse, lorsqu‘il est question de la place
publique201
, ils se sentent plus protégés (sept personnes).
Une autre question tentait de déterminer si les répondants avaient déjà été confrontés à des
préjugés ou à de la discrimination en raison de leur identité wiccaine. Un peu plus de la
201
On entend par place publique les lieux à l‘extérieur du domicile et du milieu de travail qui sont partagés et
utilisés avec les autres membres de la société.
00%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
À votre lieude travail
Sur la placepublique
Dans votrevie privée
Autresendroits
La liberté de conscience et de religion est-elle protégée?
oui
non
oui et non
pas de réponse
221
moitié ont indiqué ne pas avoir vécu ce type de situation. Par ailleurs, plus du tiers des
répondants ont indiqué avoir vécu une forme ou une autre de discrimination.
Si on observe les commentaires chez cinq des répondants, l‘expérience ou la crainte du
préjugé se démarquent, trois personnes indiquent avoir été victimes d‘insultes et de
harcèlement, deux personnes de taquineries allant jusqu‘à la perte d‘un emploi (une
personne).
J‘étudiai (voilà quelque années) quand un collèque a vue mes livres, il
m‘a traité de lunatique. Il m‘a dit que je ne pouvais pas sérieusement
croire à ces machins là que c‘était des farces d‘enfants. (PF001, P6, Q4)
Not in my present job but in a previous one, I was discriminated against
by some stauch baptist and born again christians who were opposed to me
reading cards for some of the other staff members, though they saw
nothing wrong with reading their bibles all of the time in front of
everyone. (602, P6, Q4)
I was harassed by a co-worker who‘s daugther wanted to study Wicca.
(PF002, P6, Q4)
On a déjà rejetté ma candidature à devenir cadet au sens d‘un corp
policier parce que le caporal de recrutement avait des doutes envers mes
convictions religieuses. C‘est la seule fois que mon identité religieuse
m‘ait causé du tort. (603, P6, Q4)
En ce qui a trait au milieu de travail, perçu par tous comme le milieu le moins propice à
l‘existence sociale de la spiritualité wiccaine, la discrétion et la divulgation sont deux
attitudes adoptées en proportion égales. La situation reste délicate.
À mon identité religieuse de manière personnelle, non, mais j‘en ai
entendu à l‘égard des minorités religieuses en général et quelques autres
religions en particulier. Je n‘ai jamais signalé mon appartenance
religieuse à mon travail. (IF007, P6, Q4)
J‘ai eu plutôt des gens intéressés à en savoir plus. (IF001, P6, Q4)
Je n‘ai pas été confrontée à des préjugés, car je n‘en parle pas... mais si je
me déclarais Wicca, je crois bien que les gens me verraient d‘une façon
différente et que je serais confrontée à ces préjugés. C‘est pourquoi j‘ai
répondu oui et non à la question précédente... ma liberté de conscience et
222
de religion est officiellement protégée... mais je ne voudrais pas vraiment
la tester en me déclarant Wicca (IF004, P6, Q4)
D‘autres vont jusqu‘à camoufler leur identité religieuse afin de pouvoir travailler sans faire
face à de la discrimination.
Pour servir les gens, j‘ai du me présenter comme catholique (je suis qu‘en
même baptisé), car je n‘aurais pas été accepté comme wicce par manque
de pratiquant au sein des Forces Canadiennes et le manque de
reconnaissance par mes paires. (614, P6, Q4)
4.12 Synthèse
Bien que l‘échantillon de cette recherche soit petit, il permet néanmoins de dresser un
portrait des pratiquants de la Wicca dans la province. Selon le questionnaire cette religion
est principalement pratiquée par des femmes éduquées, hétérosexuelles, bilingues, ayant en
moyenne 39 ans et vivant en union de fait. Malgré ce portait, on remarque une
augmentation de la présence de diverses orientations sexuelles202
, d‘hommes et de jeunes
familles. Il est clair que cela ne peut que représenter ceux et celles qui ont rempli et
retourné le questionnaire à temps.
Comme, on peut le constater grâce aux des résultats de ce questionnaire, la Wicca au
Québec est porteuse de plusieurs vecteurs d‘institutionnalisation. On remarque également
qu‘en plus de porter un regard critique sur la question de l‘institutionnalisation, les
pratiquants sont aussi impliqués directement ou indirectement, à différents niveaux, dans
leur développement institutionnel. La diversité de positions se reflète dans la diversité des
approches et des points de vue exprimés.
Premièrement, on s‘aperçoit qu‘il existe quelques différences entre les pratiquants
francophones et anglophones quant à leur conception de la Wicca. De plus, les répondants
francophones, surtout ceux vivant à l‘extérieur de la métropole de Montréal, ont tendance à
utiliser plus souvent le terme « Wicca » pour faire référence à diverses formes de
202
La question de l‘orientation sexuelle n‘avait pas été adressée lors du questionnaire fait pour la maîtrise. À
cette époque, cela ne semblait pas avoir une incidence quelconque, mais plusieurs répondants en ont fait la
remarque. L‘acceptation des diverses orientations sexuelles au sein des pratiquants wiccains observés sur le
terrain, a permis l‘introduction de cette catégorie à la présente recherche.
223
sorcellerie, que les répondants anglophones pour qui son utilisation est plus restreinte. Nous
croyons que cela s‘explique entre autres, en raison de la disparité qui existe en ce qui a trait
à la disponibilité des objets de cultes, des textes fondamentaux et des services
communautaires pour les habitants de Montréal et ceux des régions. D‘ailleurs, comme
nous l‘indiquent les réponses obtenues, cette accessibilité à la Wicca se reflète également
dans les point de contacts. Ainsi, les répondants anglophones semblent avoir un premier
contact avec la Wicca à travers des livres et des amis, alors que pour les répondants
francophones, ce contact se fait principaleament par Internet. Cela explique la différence
observée dans le choix de l‘identité exprimée sur la place publique : wiccaine pour les
francophones; sorcière païenne pour les répondants anglophones.
Deuxièmement, la question du clergé, bien qu‘encore très polarisée, soulève des indicateurs
potentiels d‘institutionnalisation. Qu‘il soit question de son utilisation, de son acceptation
au sein des individus et de son applicabilité à la Wicca, le terme « clergé » fraye son
chemin dans le vocabulaire des répondants. Par exemple, le fait qu‘au Québec nul n‘a
besoin d‘être membre d‘un clergé pour officialiser un mariage, amène plusieurs d‘entre-eux
à chercher le statut de célébrant pour procéder au handfasting. Les questions pragmatiques
de l‘existence d‘un tel corps « religieux » ne sont pas toujours vues comme nécessaires;
pratique selon certains pour des questions de représentativité, mais non nécessaire pour
d‘autres répondants. Sans compter l‘aspect de la rémunération du clergé, qui semble encore
être une question épineuse.
Avec l‘utilisation du terme « clergé » vient également la notion du travail d‘aumônerie.
Bien que nous ayons un petit échantillon de répondants, l‘ouverture de ceux-ci vers le
travail d‘aumônerie est intéressante. À première vue, il peu sembler qu‘un grand
pourcentage de répondants est impliqué dans le mileu. Si l‘échantillon avait été plus
grande, les résultats à ce niveau aurait été plus petit203
. Il ne faut pas oublier également
qu‘avec l‘augmentation de la popularité de la Wicca, les demandes pour des services
203
À noter que le questionnaire a été répondu sur une base volontaire, par conséquent, les individus les plus
engagés dans leur communauté ont plus tendence à remplir le questionnaire.
224
propres à eux augmentent également. Du coup, plus de formation se développe et se créer
afin de faire un service spécialisé, tel que nous verrons dans le prochain chapitre.
Malgré la position initiale face aux organismes et institutions, on remarque, dans un
troisième temps, que de plus en plus de répondants connaissent et/ou s‘impliquent au sein
de divers organismes païens, conférences païennes ou encore associations païennes. Cela
accroît la possibilité de solidifier certains vecteurs d‘institutionnalisation au sein des
communautés et des pratiquants solitaires ainsi que d‘en créer de nouveaux. Néanmoins,
une crainte persiste parmi les répondants quant à l‘idée de la création d‘un corps
organisationnel représentatif des wiccains et païens.
Finalement, la question du respect des droits et libertés semble être principalement une qui
est positive parmi les pratiquants québécois. Certains répondants semblent indiquer qu‘ils
ont les mêmes droits et libertés que ceux des adeptes d‘autres religions et qu‘ils sont
généralement respectés. Ils disent toutefois craindre les préjugés et la discrimination,
surtout en milieu de travail.
Chapitre 5 : Pratiques culturelles et spiritualité
alternative : une description approfondie du milieu de vie
wiccain
We are a circle,
Within a circle,
With no beginning,
And never ending.
Par Rich Hamouris
5.0 Le milieu de vie wiccain : rappel des questions de recherche
Les rituels, les rencontres, les conférences et les festivals, la culture littéraire et artistique
qui animent les wiccains attestent d‘un milieu de vie riche et stimulant. Quels en sont les
principaux traits? Quelles influencent sont-elles marquantes? Quels en sont les motifs
récurrents? De plus en plus fréquemment, des chants sont repris et répétés par diverses
communautés lors de leurs rituels publics, traversant même la barrière linguistique. Le fait
que la spiral dance initiée par Starhawk sur la côte ouest états-unienne dans les
années 1980 se retrouve dans presque tous les rituels publics de la région de Montréal
démontre que ces aspects se propagent entre les individus et les groupes (Berger, 1999,
p. 103; Pike, 2001, p. 5). Même l‘art en soi est imité et diffusé. Par exemple, l‘image de la
déesse Gaïa204
; elle est représentée tour à tour sous les traits d‘une femme enceinte de la
terre, épanouie, souriante, ou encore en tant que femme aux formes amples et généreuses
telle la statuette de Willendorf (voir Dufresne, 2004). Les formes restent diverses; il
n‘empêche que certaines sont récurrentes et davantage répandues au cœur des diverses
activités wiccaines.
5.1 L’image d’ensemble
Vue les diverses dimensions existantes de la culture wiccaine et païenne au Québec, il
s‘avère utile d‘identifier et d‘analyser ces composantes. Passant des pratiques rituelles, aux
conférences, des boutiques aux ouvrages posséder par les pratiques et des activités autant
204
Voir annexe B – Statuette du Millennia Gaïa.
226
dans le monde physique que le monde virtuel, nous allons examiner ces différentes facettes
afin d‘avoir une vue d‘ensemble de ce qui est de la Wicca sur la place publique québécoise.
5.1.1 Rituels publics
Depuis 2003, nous avons participé à plus d‘une quarantaine de rituels publics205
au Québec,
au Canada et en Angleterre. Ceux-ci comprennent des rituels de sabbat (solstices et
équinoxes) et d‘esbat (pleine lune). S‘y greffent aussi des rituels lors des conférences, des
festivals ou rassemblements particuliers. Le nombre de participants à ces rituels varie en
moyenne de trois à quelques centaines d‘individus.
En général, les rituels se déroulent comme suit : Une première étape est la préparation des
lieux du rituel, par un nettoyage et une purification (la sauge est souvent utilisée à cette
étape). Un autel est installé (soit au nord ou nord-est). L‘autel peut être une table ou
simplement une nappe ou couverte sur le sol. Les items206
pour les besoins du rituel sont
placés sur de l‘autel207
. Par la suite les participants au rituel sont invités à former un cercle
autour de l‘autel. Souvent à cette étape les organisateurs prennent quelques moments pour
que les participants puissent se « grounded » soit par méditation guidée, soit par mode oral
tel que la vocalisation du « UM » en groupe. Le cercle est par la suite tracé, soit par les
membres organisateurs du rituel, soit par la participation de tous ceux présent. Une fois le
cercle tracé, il y a invitation des gardiens des tours (un pour chaque point cardinal) les
invitant à assister au rituel. Une fois les quatre gardiens invités, une invitation est lancée à
la déesse et au dieu-cornu les invitant à se présenter au rituel par l‘entremise de la prêtresse
et du prêtre qui officialise le rituel. Selon l‘événement célébré une explication et une
description sur cet événement sont alors données. Si un travail magique est de mise, c‘est
l‘un des moments où il est fait. Afin de consolider le travail ou encore pour monter de
l‘énergie pour des fins propice au rituel en question, des chants et des danses sont
205
À noter que ces rituels étaient des rituels publics. Ces rencontres comprennent d‘autres rituels présidés par
les divers membres païens des communautés, comme les druides, les asatruars, les heathens, voire d‘autres
mélanges comme un rituel druidique discordien qui s‘est déroulé lors de la cérémonie de fermeture du Gaia
Gathering à Ottawa. 206
Habituellement on retrouve des chandelles, un athame (couteau à lame double tranchante), l‘eau, encens,
sel, coupes, items pour le travail magique ou pour le rituel selon le sabbat approprié. La variété d‘item est tel
que nous ne pouvons pas tous les nommer. 207
Les items pour le festin à la fin du rituels sont souvent placé sous l‘autel, question de gagné de la place.
227
exécutés208
. Lorsque l‘énergie semble avoir atteint son point culmulant, tous les participants
dirigent leur énergie vers l‘autel et tout surplus est retourné à la terre en déposant les mains
sur le sol. Une fois terminé, il y a une bénédiction du vin et du pain209
par les célébrants du
rituel. La coupe210
est alors passée à un individu dans le cercle et fait le tour des participants
jusqu‘à ce qu‘il revient au point de départ. Le même traitement est fait pour le pain. À ce
moment les gens s‘assoient sur le sol et prennent le temps de faire un petit festin avec les
objets qui ont passé. C‘est également à ce moment que les nouvelles ou les activités à venir
sont annoncées. Une fois terminé, tous le monde se lève et les officiants remercient les
dieux et les gardiens pour leur présence et les invitent à retourner à leur monde dans l‘ordre
inverse de l‘invocation initiale. Le cercle est alors ouvert et les officiants remercient les
participants de leur participation.
Au fil du temps et dans le cadre de nombreuses recherches sur le terrain, nous avons pu
observer une variété de façons de dresser un autel, de tracer un cercle, d‘inviter les déités et
les gardiens des tours, de créer de l‘énergie, de faire de la magie. La créativité dans
l‘exécution du rituel est encouragée, et les changements de dernière minute ont également
leur place. À titre d‘exemple, les autels peuvent être dirigés soit vers le nord soit vers l‘est.
Ils peuvent être chargés, composés de plusieurs items utiles ou décoratifs, ou encore être
dépouillés et minimalistes. Le cercle, tel que décrit dans l‘introduction, peut être tracé par
ceux qui célèbrent le rituel. Le périmètre en est délimité avec le doigt, l‘athame ou une
branche. Ce travail s‘accompagne de l‘incantation propice. Le cercle peut également être
créé par le recours aux paroles et aux gestes des participants au rituel. Par exemple, lors du
rituel d‘ouverture du Gaïa Gathering à Montréal211
, les participants forment un cercle
autour de l‘autel, une personne commence en disant : « De mon cœur à ton cœur le cercle
est créé212
». Pendant qu‘il prononce ces paroles, le pratiquant prend la main de la personne
à sa gauche, amène cette main vers son cœur et, par la suite, la dirige vers le cœur de cette
208
Lors de rituels où il y a beaucoup de personne présent, il y a souvent le « Spiral dance » qui est performé. 209
À noter que cela peut être également du jus ou de l‘hydromel et que le pain peut être accompagné de fuits,
légume ou autre aliment. 210
Si la coupe vient à être vide, il est remplit afin que tous peut en prendre. 211
Ce rituel n‘était pas purement wiccain 212
Une particularité de ce rituel est que cette phrase devait être dite en français par les anglophones et en
anglais par les francophones : « From my heart to your heart the circle is cast ».
228
autre personne tout en la regardant. La deuxième personne, se tourne alors vers la personne
à sa gauche et répète ce processus, tenant toujours dans sa main droite, la main gauche de la
personne à sa droite. Ainsi une chaîne d‘individus se tenant par la main se crée jusqu‘à ce
que la dernière personne donne sa main à l‘individu qui a commencé le cercle. Ce n‘est
qu‘un exemple parmi tant d‘autres.
Hormis les différences de méthodes et de styles, ces éléments de base reconnaissables
créent un sentiment de familiarité lors d‘un rituel public213
. Par conséquent, ces éléments
similaires permettent aux individus qui participent à ces rituels publics de façon régulière
de se reconnaître et de tisser des liens avec d‘autres membres de la communauté. Ces
actions créent en outre une atmosphère chaleureuse et sécurisante où l‘individu peut
retrouver d‘autres personnes partageant les mêmes affinités sans craindre de regards
désapprobateurs. Lors d‘un rituel public, il n‘est pas rare d‘observer la toute première
manifestation culturelle ouverte en groupe d‘individus qui pratiquent déjà depuis quelques
années214
. Les éléments rituels de base favorisent la reconnaissance des pratiquants entre
eux. Ils permettent d‘aider l‘individu à se sentir à l‘aise et à s‘intégrer dans la communauté
locale. On peut donc voir à l‘œuvre, dans le tracé du cercle, un exemple de cette force
interne d‘institutionnalisation qu‘est le rituel.
Une autre composante remarquable du rituel public qui va dans le même sens est le chant.
Le chant aide à créer une atmosphère familière et conviviale. Quelques chants utilisés lors
de rituels publics sont présentés dans la présente thèse. Ce sont parmi les plus couramment
utilisés, non seulement dans la communauté montréalaise, mais également ailleurs. Qu‘ils
émanent de groupes, de covens ou encore qu‘ils aient été composés par des individus de
diverses communautés, les chants créent facilement un lien et rendent les courants familiers
aux pratiquants individuels. La Wicca étant avant tout une tradition orale, le chant, de par
213
À ne pas oublier que les rituels publics ne sont pas tous wiccains. Les rituels publics s‘adressent souvent à
un public païen élargi. Néanmoins, le format utilisé dans repose majoritairement sur le format du rituel
wiccain. Les individus adaptent le rituel à leur façon de faire. Par exemple, lors de l‘appel des tours, certains
lèvent une main en direction de la tour en question (nord, sud, est ou ouest) et tracent un pentagramme en
faisant la salutation, alors que d‘autres vont avoir les deux mains dans les airs ou encore au niveau de leurs
hanches les paumes ouvertes, alors que d‘autres encore resteront simplement debout dans la direction donnée. 214
Dans la plupart des cas, ce sont des néophytes de la pratique ou encore des gens qui viennent d‘emménager
dans la ville.
229
son accessibilité et sa circulation, est une composante-clé du rituel en même temps qu‘une
force motrice de l‘institutionnalisation au plan interne. Durant toutes les années pendant
lesquelles nous avons mené nos recherches sur le terrain, très peu de rituels publics n‘ont
pas comporté de chants215
. Le chant est utilisé non seulement pour rassembler l‘énergie des
participants pour le travail à accomplir lors du rituel, mais également pour contribuer aux
incantations et donner le rythme au rituel. Dans tous les types d‘événements publics
(comme les festivals et les conférences), la transmission et la diffusion des enseignements,
des histoires et des traditions païennes et wiccaines passent de façon privilégiée par le
chant.
Lors d‘un rituel les chants sont habituellement courts et composés de quelques phrases
répétées tout au long du travail à accomplir. Certains chants empruntent des mélodies
connues, comme l‘air de « Frère Jacques », ou ont simplement un air monotone. Cela peut
aller de la simple récitation répétitive des noms de la Déesse à des compositions plus
élaborés. Tout dépend de la situation. Il arrive que les chants soient créés sur place pour
contribuer à un travail magique ou pour créer l‘énergie et l‘atmosphère nécessaires au
rituel. Ils sont parfois absents du rituel pour des motifs extérieurs au culte. Sur le terrain, au
Québec, les chants observés étaient pour la plupart en anglais. D‘ailleurs, à Montréal, après
l‘un des rituels francophones auxquels nous avons assisté, nous avons demandé au prêtre216
officiant pourquoi il n‘y a pas eu de chants à son rituel public. Il a tout simplement répondu
ne pas en connaître en français. Peu de temps après, à la fin d‘un autre rituel public bilingue
à Montréal, la prêtresse officiante au rituel public a été approchée217
. Nous lui avons
demandé si, puisqu‘elle est bilingue, elle connaissait des chants en français. Nous lui avons
également fait état des propos concernant le maigre répertoire francophone. Nous lui avons
demandé si elle connaissait des sources et pouvait nous indiquer où chercher. Elle nous a
dit qu‘il existe plusieurs chants en français, et que cela n‘était pas un problème puisqu‘il est
215
Les quelques fois où aucun chant n‘avait été utilisé, les participants ont noté des difficultés à créer de
l‘énergie pour le rituel, sans compter qu‘ils avaient l‘impression qu‘il y avait un manque et que le rituel n‘était
pas complet. 216
Il était le président de l‘Église Wiccane du Québec. 217
Ces deux rituels publics ont eu lieu dans le local au-dessus de la boutique du Mélange Magique. J‘étais
également accompagnée de deux sorcières wiccaines de Québec qui sont venues à Montréal pour ces
occasions. Lors du deuxième rituel mentionné, j‘étais également accompagné de deux étudiants non-païens.
230
toujours possible d‘en composer sur-le-champs. Par la suite, elle a fait une démonstration
en créant sur place quatre chants avec des mots-clés que nous avions choisis. Comme elle
nous l‘a fait remarquer, la Wicca est une tradition orale avant d‘être une tradition écrite. Par
conséquent, les chants deviennent un médium privilégié pour transmettre cette tradition et
partager les valeurs des wiccains.
Les chants sont également un moyen de réaffirmation de l‘appartenance et de l‘identité
commune. D‘ailleurs, lors de la première conférence pancanadienne Gaïa Gathering, dont il
sera question ci-dessous, il a été décidé de composer un hymne pour la conférence218
. Cet
hymne est maintenant chanté chaque année lors de la conférence, ce qui permet aux
nouveaux participants de se familiariser avec la communauté païenne canadienne. Cet
hymne est un bon exemple d‘éléments cultuels émergents et fédérateurs.
5.1.2 Conférences païennes
Pour cette recherche, les conférences visées étaient principalement celles de Montréal, aussi
connues sous le nom de Montreal's Pagan Community Conference (MPCC), en plus des
conférences Gaïa Gathering219
.
5.1.2.1 Montréal
Dans la foulée du succès remporté par les conférences ontariennes220
, les conférences de la
communauté païenne de Montréal221
ont débuté au cours du printemps et de
l‘automne 2003. La première conférence a eu lieu sur le campus Loyola de l‘Université de
Concordia222
alors que celle de novembre 2003 s‘est tenue au Centre de ressources
païennes de Montréal (MPRC/CRPM)223
, au deuxième étage de la boutique « Mélange
218
Voir annexe F : Gaïa Gathering 219
Gaia Gathering, une conférence pancanadienne, est pris en considération puisque des Québécois y
participent. 220
La Ottawa Pagan Conference et la Southern Ontario Regional Conference (SORCery). 221
À noter que la conférence est composée de membres de diverses pratiques païennes, qui appartiennent ou
non à un coven ou à une petite communauté de croyances et pratiques qui leurs sont propres (druides, asatru
wicca, etc.). 222
Voir WynterGreene, Imbolc 2005, « The Montreal Pagan Community Conference ». 223
Voir l‘annexe G : Dépliant du Centre de ressources païennes de Montréal/Montreal Pagan Ressource
Center (MPRC/CRPM).
231
magique »224
. Une troisième conférence s‘est déroulée un an et demi plus tard, soit le 23
avril 2005225
. Une quatrième s‘est tenue le 17 novembre 2007 au Centre écossais de
Verdun226
.
Le but de ces conférences était et demeure de créer et de resserrer les liens entre wiccains et
favoriser le réseautage entre les divers membres organisateurs de la communauté païenne
de Montréal, soit les grandes-prêtresses et les grands-prêtres de covens, les groupes païens
locaux et les organisations hôtes. Parmi les individus présents aux conférences observées se
trouvaient des membres de divers organismes païens, comme la PFPC (Pagan
Federation/Fédération païenne du Canada), la PFI (Pagan Federation International), l‘Église
Wiccane du Québec, ainsi que des membres de la communauté d‘Ottawa et les individus
qui composent la communauté montréalaise.
Les conférences durent en moyenne une journée. Selon le cas, mais surtout lors de la
troisième et de la quatrième conférence, une structure se dégage : l‘accueil, le rituel
d‘ouverture, l‘ouverture de la conférence et la présentation des participants. Viennent
ensuite plusieurs présentations et ateliers suivis de discussions. Vers la fin de la conférence,
un résumé et un retour sur les discussions sont présentés. Une assemblée générale est tenue,
suivie d‘un rituel de clôture. Ainsi prend fin le rassemblement.
Lors de ces conférences, les thèmes abordés touchent divers points d‘intérêts particuliers de
la communauté montréalaise. Ainsi, la première conférence portait sur la manière de
construire une communauté et un réseau. La deuxième fut consacrée à une discussion sur
les modalités d‘incorporation d‘un groupe en tant qu‘organisme sans but lucratif (OSBL)
au Québec, ainsi que les différentes structures et organisations collectives envisageables.
Lors de la troisième conférence, plusieurs thèmes ont été abordés : la durée de vie des
OSBL, la notion de communauté païenne montréalaise, l‘utilisation du cyberespace pour
construire la communauté, le sexe et le paganisme, ainsi que la notion de parentalité
224
Nous avons manqué la première conférence, en raison d‘un conflit d‘horaire. Voir l‘annexe H pour
l‘annonce de la conférence et des thèmes abordés. 225
Celle de 2004 n‘a pas eu lieu. Voir l‘annexe H. 226
Voir l‘annexe H.
232
païenne. La quatrième conférence a porté sur les questions de la langue et de la liturgie.
L‘objectif était de se doter d‘outils pour mieux connaître et comprendre la diversité païenne
de Montréal, notamment les aspects linguistiques, familiaux et générationnels (les jeunes en
particulier) afin d‘adapter l‘utilisation du langage sacré.
L‘observation des conférences a permis d‘être au cœur, littéralement, de processus en
émergence, et de les relier en partie à des interactions concrètes et à des initiatives en cours.
Parmi les suites et les retombées des projets envisagés lors des quatre conférences, on
compte : la création de bases de données contenant une liste d‘artistes, de représentants
auprès des médias, de groupes païens locaux227
, de sites Internet, de conférences
canadiennes, de festivals païens, de groupes de discussions virtuelles228
, d‘associations
païennes étudiantes, du Centre de ressources païennes de Montréal et de la West Island
Pagan Association en tant qu‘OSBL. Par ailleurs, la West Island Pagan Association s‘est
dotée d‘un centre qui permet non seulement d‘offrir l‘accès à des ouvrages de référence et
d‘intérêt pour les païens, mais également de se doter d‘un lieu où peuvent se réunir divers
groupes, entre autres les jeunes païens, pour diverses activités, qu‘il s‘agisse de rituels ou
simplement de discussions avec des individus ayant les même affinités229
.
Grâce à ces conférences, nous avons pu remarquer qu‘au fil du temps, non seulement les
suggestions et les idées sont prises et misent en application, mais également que des liens
se sont effectivement tissés entre les divers groupes et individus de la communauté. Un
réseau s‘est également mis en place pour appuyer la communauté et l‘aider à surmonter
divers problèmes, comme des documents pour aider les parents païens, des porte-parole
dans les écoles qui parlent de la Wicca et du paganisme, un réseau pour aider et signaler les
cas d‘abus de diverses natures (comme des conseils relativement aux dangers d‘Internet
pour les jeunes), la question du burn-out des individus organisateurs dans la communauté,
ainsi que des services d‘entraide pour les communautés locales (par exemple des collectes
227
C‘est-à-dire ceux qui tiennent des activités publiques, pas nécessairement des covens. Cela peut inclure des
cercles, la Montreal Pagan Brunch, des associations et des centres de ressources. 228
Cela peut inclure des groupes utilisant les services de Yahoo groupes pour l‘envoi de communications par
courriel, ou encore, des blogues et des groupes Facebook. 229
Ce type d‘idée avait été effleuré lors de la deuxième conférence en 2003.
233
de dons). Tous ces éléments constituent des vecteurs d‘institutionnalisation internes qui
contribuent à façonner la communauté publique de la Wicca montréalaise.
5.1.2.2 Gaïa Gathering
En 2004, un groupe de païens de diverses traditions, issu de diverses région du Canada, ont
eu l‘idée de créer une conférence païenne nationale. Les interactions entre les organisateurs
se faisaient pour certains en personne, tandis que pour d‘autres, elles se faisaient par
courriel et par groupes de discussions. Cela a permis à ces gens de rejoindre les diverses
communautés et les différents réseaux païens auxquels ils appartiennent afin de réaliser leur
projet. En mai 2005, durant la longue fin de semaine de la fête de la Reine230
, a eu lieu la
première conférence à Edmonton, Alberta. La Canadian National Pagan Conference, appelé
également Gaïa Gathering, se veut un lieu de rassemblement et de discussions entre les
païens de diverses traditions. L‘un des buts de cette conférence est de savoir ce qui se fait
dans les autres provinces par les divers groupes païens afin de créer un réseau direct et
interpersonnel entre ces divers groupes et individus. Cette conférence a lieu chaque année
durant la même fin de semaine, mais à des lieux différents à travers le pays : Edmonton
(2005), Halifax (2006), Winnipeg (2007), Ottawa (2008), Vancouver (2009)231
, Guelph
(2010)232
et Montréal (2011)233
. Bien que ce colloque soit canadien et se tienne dans une
province différente chaque année, plusieurs Québécois s‘y rendent et reviennent au Québec
avec des suggestions et des idées à mettre en œuvre au sein de leurs communautés
respectives.
Les conférences ont habituellement lieu sur les campus universitaires, puisqu‘ils permettent
d‘avoir accès à des logements à prix modique pour les participants de la conférence ainsi
qu‘à de nombreuses salles pour les conférences. De plus, l‘accessibilité et la proximité des
230
Au Québec, ce congé est également connu sous le nom de fête de Dollar ou de la fête des patriotes. Elle se
tient autour du 24 mai. 231
Au moment où cette conférence a eu lieu, nous avions entamé le travail de rédaction. En outre, nous avions
terminé nos recherches sur le terrain. Pour ces raisons, nous n‘avons pu y assister. 232
C‘est cette ville qui avait remporté la mise en candidature, mais finalement, la conférence a été annulée
pour diverses raisons. 233
Montréal s‘est présentée à la dernière minute pour remplacer la ville de Guelph.
234
logements au site de conférence permettent aux personnes étant à mobilité réduite ou
encore aux exposants portant plusieurs objets avec eux de s‘y rendre facilement.
Dans le cadre de cette conférence, des salles d‘exposition d‘œuvres païennes sont prévues
et aménagées. Elles comprennent des kiosques de marchands, de représentants de boutiques
païennes, d‘artisans et d‘artistes païens, locaux ou pancanadiens.
En général, et ce depuis la première conférence, le déroulement des conférences est le
suivant :
- Vendredi : Accueil et inscriptions234
. En début de soirée, se tient le rituel
d‘ouverture235
de la conférence.
- Samedi : Conférence de l‘invité spécial en avant-midi, suivie d‘une série de
conférences dans diverses salles (selon le panel). En soirée, il y a de l‘animation,
une présentation de photos, une projection de films païens ou une prestation d‘un
groupe de musique païen.
- Dimanche : Diverses conférences et discussions en avant-midi et en après-midi.
Banquet et animation en soirée.
- Lundi : Assemblée générale. Rituel de clôture de la conférence. Départ des
participants et organisateurs.
Les conférences et les panels revêtent diverses formes236
. Il y a toujours une série de
conférences académiques où des étudiants ou des professeurs païens et non-païens (dont
certains sont wiccains) font des présentations en lien avec leurs recherches ou avec le thème
de la conférence; à titre indicatif la notion de communauté, les difficultés de pratiquer en
français, la liturgie ou encore les droits et les libertés des païens. Ces présentations et
séances de discussions sont faites dans le format habituel des conférences académiques. Ce
volet académique semble être important pour les organisateurs puisqu‘il est repris chaque
année.
234
Il est à noter que les participants peuvent procéder à une pré-inscription, ou encore s‘inscrire directement
sur les lieux soit pour une partie de la conférence, ou pour l‘ensemble de l‘événement, y compris les activités
supplémentaires comme les spectacles ou le buffet. 235
À certains endroits, il y en avait deux. Un petit en milieu d‘après-midi pour souligner l‘ouverture, et un
grand en fin de soirée avec la majorité des inscrits pour ouvrir officiellement la conférence. 236
Toutes les présentations et tous les ateliers sont enregistrés, avec la permission des présentateurs et
conservés dans les archives de la conférence afin d‘être accessibles à tous ceux qui en font la demande,
surtout les étudiants ou les chercheurs qui travaillent sur les sujets et les thèmes abordés par ces conférences.
235
Parallèlement au volet académique, une autre série de conférences plutôt informelles a lieu,
souvent sous la forme d‘un panel interactif (questions/réponses ou opinions) ou de tables
rondes de type consultatif. Ces dernières invitent divers membres de diverses communautés
à partager leurs expériences sur certains sujets comme les difficultés rencontrées en tant
que parents païens, les questions liées à l‘environnement, le rôle social à assumer en tant
que païens, les questions liées au clergé et à l‘église, l‘éthique païenne, le paganisme au
sein des militaires, etc. Des ateliers sont tenus sur diverses techniques, tant artistiques
(chants, musique païenne, exposition d‘œuvres, etc.) que cultuelles (confection et
décoration d‘autel, organisation de festival, art des rituels publics, etc.).
Lors de certaines conférences, se sont également tenues des séances de discussion (tables
rondes) divisées selon les grandes traditions, soit la Wicca, le druidisme237
et l‘Ásatrú238
.
Durant ces discussions, les participants se sont regroupés selon leurs traditions respectives
et ont discuté des questions qui les préoccupent. Pour note part, nous avons assisté à celles
consacrées à la Wicca, qui avait lieu durant les séances du samedi après-midi. Les
discussions portaient souvent sur la question du rapport entre pratiquants solitaires et
pratique « traditionnelle » en coven. Les personnes issues de régions géographiques
éloignées et isolées où il n‘y a pas de coven ont défendu leur droit de s‘identifier en tant
que wiccains. D‘un autre côté, certaines personne appartenant à un coven ont fait valoir que
certaines règles doivent être respectées pour être reconnu en tant que wiccain, par exemple
avoir été initié par un coven de lignée wiccaine239
et pratiquer nue240
. D‘autres critères sont
237
Le druidisme est une pratique celtique polythéiste qui a connu un renouveau au XXe siècle. Ils s‘inspirent
des pratiques païennes modernes, des sociétés secrètes ainsi que des traditions des anciens druids, notamment
par le biais des ouvrages archéologiques. Il y a en générale trois ordres soit celles des Bardes (poètes et
musicians), celles des Ovates (guérisseurs, magie et divinations) et les Druides (rituel, cérémoniel, culture et
jugement). C‘est une croyance plutôt centré sur la philosophie et sur les forces de la nature. À l‘opposé de la
Wicca, qui se concentre autour des aspects de la lune, les druids se concentrent sur les aspects du soleil et les
fêtes solaires qui conincide presque avec les sabbats wiccains. 238
En somme l‘Ásatrú est une religion polythéiste en lien avec les croyances et les dieux norses (Thorr, Odin,
Freya, Aesir et Vanir), pratiqué anciennement par les tribus germaniques nord-européennes. Les pratiques se
concentrent autour de neuf vertues, soit : « le courage, l‘honneur, la vérité, la fidélité, l‘hospitalité, le travail
assidu, la persévérance, l‘autodiscipline et la confiance en soi ». (SCC, 2005, p.194) 239
Cela fait référence aux lignées surnommées BTW (British Tradition Wicca), initiées et influencées par
Gerald B. Gardner (entre autres, Gardnérien et Alexandrian). Par conséquent, les membres initiés peuvent
remonter leur héritage initiatique à l‘un de ces covens mères. 240
Cette pratique s‘appelle également la pratique skyclad, qui signifie être habillé de nuages ou du ciel.
236
ou ont par ailleurs été évoqués. En 2002, une informatrice exprimait ceci lors d‘une
discussion portant sur les différentes pratiques wiccaines : « If they cast circles and do
something to the 4 directions…and use the 4 elements plus spirit and pentagrams it‘s
wicca. » (200211LFE)
Au cours des premières années de notre recherche, entre 2004 et 2006, nous avons pu
observer que ce qui dérange les initiés de coven n‘est pas tant le fait qu‘il existe des
pratiquants solitaires, mais plutôt le fait que ceux qui s‘auto-initient et qui ont lu quelques
livres se réclament de l‘identité wiccaine au lieu de tout simplement s‘identifier en tant que
sorcière ou sorcier. Ceux et celles qui ont déjà été initiés dans un coven mais qui pratiquent
maintenant seuls pour diverses raisons, font toutefois exception à cette règle. D‘un autre
côté, les pratiquants solitaires qui se réclament de l‘appellation wiccaine indiquent que leur
cheminement est aussi valable, et ce, même s‘ils n‘ont pas tous accès à un coven. L‘absence
de coven amène ceux-ci à trouver d‘autres sources de formation et d‘information. Certains
solitaires ont indiqués que le seul contact qu‘ils ont avec la Wicca se fait à travers des
ouvrages qu‘ils trouvent et qu‘ils commandent, ainsi qu‘au moyen de l‘information glanée
sur Internet. Plusieurs mentionnent à cet effet le manque de ressources valides disponibles.
Leur seule source de renseignements se trouve souvent sur les sites traitant de la « Wicca »,
et ces informations sont incomplètes241
.
Plusieurs autres aspects ont été discutés lors de ces tables rondes thématiques autour de la
Wicca, mais la question qui en émerge est celle de la définition de l‘identité wiccaine.
Malgré l‘idée générale de la perméabilité des frontières identitaires wiccaines et de la
diversité de pratiques promulguées, il devient évident qu‘il existe, pour un certain nombre
de pratiquants, des notions d‘inclusion et d‘exclusion à faire valoir relativement à
l‘appartenance. Il est donc possible d‘entrevoir par ces discussions l‘action de vecteurs
internes d‘institutionnalisation qui poussent à un questionnement et à une normalisation
éventuelle de l‘identité.
241
Il est à noter que depuis ces premières conférences, beaucoup plus d‘informations et d‘ouvrages wiccains
sont disponibles aux pratiquants solitaires, et ce tant en anglais qu‘en français.
237
5.1.3 Les boutiques
Lors de nos recherches sur le terrain effectuées dans le cadre de notre mémoire de maîtrise,
il nous est clairement apparu que les boutiques ésotériques constituent des bases
importantes à l‘établissement d‘un réseau de communications dans une communauté, en
plus d‘être une source d‘information (Gagnon, 2008a, p. 112; Berger, 1999, p. 77). Ces
boutiques ésotériques vendent non seulement des livres, des outils de magie, de l‘encens,
des huiles, des bijoux et d‘autres articles utiles aux divers types de pratiques magiques ou
ésotériques, mais elles deviennent également des points d‘information pour tout ce qui a
trait aux païens et aux autres pratiques similaires non païennes242
. De plus, ces boutiques
sont également un endroit où des individus ou des groupes locaux peuvent afficher leurs
activités (cours, conférences, rituels publics, etc.), leurs bulletins d‘information, leurs
annonces communautaires et leurs services. Même si ces boutiques ne sont pas wiccaines,
elles contribuent à la création et la solidification des liens qui existent dans les
communautés.
Il va sans dire que dans la province de Québec, la ville de Montréal est celle qui a le plus de
boutiques ésotériques ou encore pour certains, médiévales243
. L‘une des plus vieilles et des
plus grandes est Le mélange magique (Magical Blend) qui existe depuis 1991. Cette
boutique offre non seulement de la marchandise utile aux diverses pratiques, mais
également des ouvrages ainsi qu‘un espace disponible pour la communauté qui est loué au
MPRC/CRPM, à des consultants d‘arts divinatoires et à une école de sorcellerie. Il faut
signaler que c‘est au sein du Mélange magique que nous retrouvons également l‘école de
sorcellerie Crescent Moon School fondée en 1994244
. De plus, cette boutique possède son
propre atelier pour la fabrication de produits comme des chandelles, de l‘encens et des
huiles. Elle offre des services tant aux anglophones qu‘aux francophones. Bien qu‘il existe
une prépondérance d‘ouvrages anglophones dans la boutique, il y a néanmoins quelques
242
On retrouve parfois de l‘information provenant de groupes ésotériques, de sociétés dites secrètes ou de
groupes à tendance Nouvel-Âge. 243
Certains préfèrent cette référence en région pour éviter les discriminations et les attaques contre leur
personne ou encore pour diminuer la peur de la population générale locale relativement à ce sujet (entretien
avec le propriétaire du Scarabée, 7 avril 2008). 244
Entretien avec Scarlet, 22 octobre 2008, ex-employée et nouvelle propriétaire de la boutique depuis 2011.
238
ouvrages en français. Malgré le peu de traduction des ouvrages vers le français, la boutique
semblent être en mesure de subvenir au besoin des francophones. Il existe également la
boutique Charmes et Sortilèges qui s‘adresse, pour sa part, aux pratiquants francophones en
offrant, en plus de la marchandise, un espace pour des rituels ou d‘autres services offerts en
français.
D‘autres boutiques ont ouvert et fermé leurs portes au cours des vingt dernières années245
.
Peu ont eu une existence aussi lorsque que Le Mélange magique. D‘ailleurs, selon la
propriétaire actuelle, l‘une des raisons de la longévité de la boutique est liée au fait qu‘en
1994, les propriétaires de l‘époque ont décidé de commencer à vendre leurs articles par
Internet en créant une page web pour la boutique
Avec l‘avènement d‘Internet et des sites web, plusieurs personnes optent pour la création
d‘un espace de vente virtuel. Comme pour le Mélange magique et Charmes et sortilèges,
cette option permet d‘accroître le rayonnement auprès de la clientèle. Certaines boutiques
n‘opèrent que dans l‘espace virtuel, mais il s‘agit d‘une minorité. À travers le Québec,
quelques boutiques physiques ont encore ouvert leurs portes au public, car on estime que le
lieu peut influencer directement les clients. Le décor, la lumière, les sons, les parfums, les
autres clients, les animaux246
, etc. sont tous des éléments qui contribuent à l‘atmosphère et
à l‘expérience du client.
D‘un autre côté, les boutiques virtuelles miseraient sur l‘intégration d‘éléments comme de
la musique et des photos de leurs produits afin de simuler l‘expérience. L‘intégration de
symboles, de couleurs, d‘imageries et de référents païens ou ésotériques à leur site
permettrait d‘en dépasser la nature commerciale.
La notion de confort semble essentielle aux wiccains en quête d‘outils et de savoirs. Dans
un premier temps, elle militera même en faveur de la boutique ésotérique virtuelle. Dans un
commerce physique, certains individus peuvent se sentir mal à l‘aise ou encore intimidés
par l‘environnement, sans parler de la nature des objets ou des documents qu‘ils
245
Parmi celles-ci mentionnons Metamorphosis, Le magasin du Wicca, La librairie Nouvel Âge et Le
Pentagramme. 246
Dans quelques boutiques, des chats se promènent librement.
239
recherchent. Lors de nos entretiens avec certains wiccains, quelques-uns ont fait mention de
l‘inconfort et de la crainte initiale d‘être jugés par les autres clients présents dans la
boutique. Bien qu‘à Montréal la présence publique des diverses communautés païennes et
wiccaines tend à atténuer la sensation d‘inconfort, celle-ci persiste en région, surtout lors de
premières visites247
. Selon une propriétaire de la boutique virtuelle L’étoile éternelle, la
nature intimidante de l‘espace commercial physique s‘estomperait dans le cadre d‘un
commerce virtuel :
Quand nous pénétrons dans un commerce ésotérique, nous changeons de
vibration. Nous voyons enfin une atmosphère autre que celle du
scepticisme rationalisme. En ayant un commerce virtuel, cela permet aux
gens gênés de pouvoir voir eux aussi quel sorte d‘énergie que cela peut
dégager. Aussi nous n‘avons pas le stress causé par l‘achalandage des
commerces physiques ni de la mauvaise énergie des regardes que les
autres nous porte en nous regardant d‘un air bizarre. (200812ASPFF)
Comment et dans quelle mesure l‘espace virtuel joue-t-il sur le processus
d‘institutionnalisation? Les boutiques en ligne permettent de s‘en faire une idée. Parmi les
responsables de diverses boutiques québécoises virtuelles rejointes, deux ont accepté de
collaborer à l‘étude. L‘une est située à Québec248
, l‘autre en Abitibi249
. Des entretiens
téléphoniques ainsi que des échanges par courriel ont été faits avec les propriétaires. Nous
avons en outre exploré leurs sites web.
De nos entretiens250
sur la question des boutiques virtuelles, il ressort que ce type de
boutique : 1) garantit l‘anonymat des clients251
; 2) amène les gens à poser des questions
qu‘ils n‘oseraient pas poser en présence d‘autres individus; 3) permet aux gens qui vivent
dans des lieux isolés de se procurer le matériel nécessaire à leur pratiques. La boutique
virtuelle requiert également moins d‘investissement financier (locaux, personnel,
247
Ces observations proviennent de nos visites sur les lieux; elles recoupent également de nombreuses
conversations avec des wiccains et sorcières néophytes. 248
Ouverte depuis 2002. Voir le site à l‘adresse : http://www.etoileeternelle.com/boutique/ 249
Ouverte depuis 1998 Voir le site à l‘adresse : http://www.artefactsduscarabee.com/boutique/ 250
Entretien téléphonique avec le propriétaire de la boutique Les artefacts du Scarabée le 7 avril 2008 (2
heures), et l‘échange par courriel avec la propriétaire de la boutique ésotérique L’étoile éternelle, Annie St-
Pierre, 4 décembre 2008. 251
L‘anonymat semble capital pour le propriétaire du Scarabée; il en a fait mention à plusieurs reprises lors de
notre entretien. Il évoque de même l‘existence de « la chasse aux sorcières dans les régions ».
240
inventaire, etc.) et favoriserait le marché « de niche ». Ces boutiques offrent en effet des
objets, des outils, des pierres et des bijoux nécessaires à diverses pratiques. Certains de ces
articles sont fabriqués par les propriétaires.
Outre les affaires en ligne, ces boutiques animent des forums et des bloguues de partage
d‘expériences et d‘informations sur les produits vendus ou encore sur divers sujets en lien
avec les pratiques magiques et ésotériques. Elles agiraient comme de microréseaux
d‘affinités. Selon un propriétaire, les boutiques, par le biais notamment du blogue,
permettent : « d‘établir des contacts des gens qui vivent la même chose » (entretien avec le
propriétaire du Scarabée, 7 042 008), ce qui constituerait un réel besoin. Toujours selon
lui : « Il faut arrêter d‘avoir peur et il faut apprendre à parler aux autres. » Le but est
d‘autant plus louable que souvent, ces forums sont les seuls contacts qu‘ont les pratiquants
entre eux :
Malheureusement ces regroupements (covents) sont très rares au Québec.
Il s‘agit souvent de groupe très fermés. Donc les contacts que nous avons
se situent beaucoup sur des forums sur le web. (Entretien avec Annie St-
Pierre, 4 décembre 2008).
À leur échelle et à leur manière, les boutiques virtuelles distribuent des objets rituels,
animent des microréseaux de pratiquants et créent un lien entre les adeptes dispersés
Dans ces deux cas, bien que ces boutiques aient des clients du Québec et que leur base
d‘exploitation soit localisée au Québec, il semble que la majorité de la clientèle provienne
de pays européens (France et Belgique). Cela indique la présence d‘une offre assez
diversifiée au bénéfice de la population wiccaine et païenne québécoise. Il n‘en irait pas
nécessairement de même dans la francophonie mondiale.
5.1.4 Observations en Angleterre : quelques éléments de comparaison
avec le terrain de Québec
La présente étude des phénomènes d‘institutionnalisation à l‘œuvre au sein de la Wicca au
Québec et au Canada a privilégié plusieurs angles, en plus de la perspective temporelle des
recherches sur le terrain effectuées au début des années 2000. En cours de route, en 2005, il
nous a été possible d‘observer pendant un certain temps les pratiques wiccaines dans un
241
autre espace en lien avec les premiers, soit l‘Angleterre. La Wicca « publique », telle qu‘on
la connaît aujourd‘hui dans notre contrée, y tire ses origines.
Qu‘en ressort-il au plan de l‘institutionnalisation? Plusieurs similarités sont notables entre
les communautés publiques du Québec et de Londres : les services d‘aumôneries, les
conférences, la création de réseaux entre les divers membres de la communauté par voie
électronique, les annonces durant les rituels publics, les publicités dans les bulletins et les
revues païennes ainsi que les annonces par l‘entremise de boutiques païennes locales.
L‘observation de part et d‘autre de l‘océan nous avons permis de relever plusieurs
différences marquées entre les pratiques cultuelles.
Pour commencer, il semble qu‘en Angleterre, l‘influence de la haute magie ou de la magie
cérémonielle soit davantage présente dans la pratique publique de la Wicca. À plusieurs
reprises, nos interlocuteurs se sont réclamés de cultes de la fertilité tandis qu‘au Québec, on
réfère à ces pratiques comme étant de l‘ordre d‘une religion de la nature. L‘importance de
l‘environnement et du respect à accorder à celui-ci est ce qui prévaut au Québec et au
Canada comme en témoignent, lors de la tenue festivals et de conférences, l‘utilisation de
toilettes compostables, de coutelleries compostables de même que le recours à d‘autres
méthodes de recyclage et de réduction de l‘empreinte écologique. L‘influence des pratiques
amérindiennes est aussi un élément qui distingue les pratiques québécoises des pratiques
anglaises. La musique, la façon de se déplacer autour d‘un cercle, les diverses techniques
de travail, la façon de voir le monde sont en quelque sorte teintées par ces influences252
. Il
semble également que l‘on retrouve un plus grand nombre de pratiquants solitaires au
Québec qu‘en Angleterre. Cela peut s‘expliquer par plusieurs facteurs comme la
géographie, la langue et le nombre de covens accessibles à l‘extérieur des grandes villes.
Naturellement, les groupes de l‘Angleterre ne s‘identifient pas comme appartenant à la
BTW (British Traditional Wicca). En Amérique du Nord, cet accent mis par certains
groupes sur l‘appellation BTW témoigne d‘un besoin d‘identification. En outre, aux yeux
252
De diverses conversations informelles avec des pratiquants québécois, il en ressort qu‘une bonne majorité
d‘entre-eux revendiquent un ancêtre d‘origine amérindienne, que cette origine soit répertoriée ou non.
242
des pratiquants, elle atteste de l‘appartenance aux lignées anglaises qui sont un gage
d‘autorité et d‘authenticité wiccaine.
En comparaison, les observations effectuées en Angleterre permettent de cerner la diversité
dans l‘approche de la pratique publique et individuelle des pratiquants, ainsi que les
différences perçues dans l‘utilisation de concepts de la Wicca (culte de fertilité et religion
de la nature). Ces éléments permettent également d‘appréhender l‘apport des cultures
autochtones, locales et régionales à l‘institutionnalisation des pratiques rituelles.
5.2 Culture, savoirs et communications au sein des
communautés québécoises et canadiennes
Les publications issues des milieux québécois, bien que peu nombreuses, ont influencé
plusieurs aspects des communautés locales. Que ce soit sous la forme de bulletins, de
monographies ou de petits recueils, ces documents véhiculent des orientations de vie. Il en
est de même du contenu des communications publiées sur divers sites Internet consacrés à
la collectivité wiccaine et païenne. On y trouve peu d‘information sur la manière d‘exécuter
sa pratique. En y regardant de plus près, néanmoins, on constate qu‘ils diffusent toute une
culture faite de conseils pratiques : le savoir-vivre, le savoir-faire et le savoir-être du
pratiquant wiccain et païen. Quels sont les motifs récurrents s‘il est possible d‘en dégager?
Que révèlent-ils à propos des évolutions en cours?
5.2.1 Sources imprimées des communautés
Comme mentionné au premier chapitre, les bulletins d‘information et les autres journaux
païens permettent d‘avoir accès au discours « indigène » et aux préoccupations des
communautés païennes et wiccaines. Peu de bulletins païens ou wiccains ont été produits
au Québec, sauf dans la région de Montréal depuis 1991. Ces bulletins ont souvent été créés
par de petits groupes d‘individus, issus ou non de covens locaux et vendus majoritairement
dans les boutiques locales253
. Comme nous l‘a mentionné Scarlet, l‘une des créatrice d‘un
bulletin local, lors d‘un entretien, il y avait là un vide à combler dans la communauté, mais
253
Dans les derniers temps, le WynterGreene offrait également l‘envoi postal et une accessibilité partielle par
Internet.
243
surtout un besoin de partager l‘information et d‘être tenu au courant des activités
collectives :
[…] providing news to the people who are not Internet savvy, and also to
provide a venue for writiers on pagan subjects. many people depended on
8 Sabbats to know what was going on wen and to see the classifieds for
who had what groups etc. then of course are the news of events, the book
reviews, and the interesting research. the issues had a theme and
sometimes that theme hit very important subjects: sex et the Craft,
Technology et Today‘s Paganism, Men‘s Spirituality, etc. (201008SFE)
L‘un des premiers bulletins créé était composé d‘une page recto-verso, publiée en date de
juin 1991. Les auteurs n‘avaient pas encore trouvé de nom pour leur bulletin qu‘ils ont
temporairement nommé Name of Grove Here. Ce nom et format ont été repris pour un
deuxième numéro publié le 2 août 1991. Les deux numéros portaient principalement sur les
rituels publics et s‘ouvrent sur des annonces de groupes locaux et de boutiques spécialisées.
Un troisième numéro, publié le 23 septembre 1991, porte l‘intitulé « Montreal Grove ». Les
auteurs y sollicitent toujours des suggestions de noms pour le bulletin. Le numéro 3
comptait trois pages. Outre l‘information sur les rituels passés et à venir, on y retrouve un
article, des demandes de contributions et l‘annonce de la création d‘un nouveau magazine
païen francophone254
.
Ce magazine francophone n‘a jamais vu le jour. Celui qui en avait fait l‘annonce est plutôt
devenu l‘un des éditeurs du numéro suivant du bulletin intitulé Dragon » s Breath.
Contrairement à son prédécesseur, Dragon » s Breath comptait de huit à douze pages et
ressemblait davantage à un magazine. On y retrouvait des articles, un éditorial, la
présentation d‘outils pour des rituels, des annonces d‘activités et des annonces classées.
Suite à la parution de deux numéros, Dragon » s Breath est devenu The Montreal Pagan
Community Newsletter. Après une pause de six mois, le bulletin reparaît en décembre 1992
sous un nouveau nom, le Montreal » s Pagan Newsletter. Ce dernier bulletin de huit pages
aurait publié au moins 21 numéros tirés à près de 200 exemplaires255
(2002100LFE) dont le
254
Une invitation à cet effet a été lancée au mois d‘août 1991. Le nom proposé du magazine était, Le chêne.
La voix païenne (feuille d‘invitation bilingue, août 1991). 255
Entretien avec Linda, en novembre 2002, la co-créatrice du bulletin.
244
dernier en juin 1995. Ce bulletin est passé d‘un format de quatre pages à un de huit pages et
reprend les mêmes éléments que sa version précédente. Dans le numéro intitulé
Imbolc 1994, il est fait mention pour la première fois de la possibilité de contribuer aux
frais de production du bulletin à hauteur de 0,50 $ par numéro ou 5 $ pour un abonnement
annuel (Montreal Pagan Newsletter, 1994, p. 2). C‘est d‘ailleurs dans le numéro 21 du
bulletin, publié en juin 1995, que paraît un premier article en français. Par la suite, comme
mentionné, il y a eu pendant quelques années le bulletin bilingue 8 Sabbats 256
qui a publié
son dernier numéro en 2001.
Depuis 2003, un autre bulletin bilingue est très actif dans la mouvance wiccaine et
païenne : le WynterGreene257
. Ce bulletin a vu le jour pour combler le vide laissé par les
bulletins précédents. Sa création est portée par des ambitions d‘animation communautaire
et des invitations à contribution sur des sujets païens, des recherches en cours, ou même des
sujets de préoccupations courantes (201008SFE)258
.
Depuis 2003, le WynterGreene a produit 33 numéros, à raison de huit numéros par année en
2003-2004, six numéros en 2005, quatre numéros en 2006-2007, deux numéros en 2008259
et un numéro en 2009260
. Ce bulletin compte en moyenne de 20 à 24 pages et comporte des
articles, des revues de littérature ainsi que des annonces d‘activités et de conférences. Il est
géré, administré et écrit par des bénévoles, ce qui explique la variation du nombre de
numéros produits annuellement. Puisque initialement la parution du bulletin était prévue
autour des jours de sabbats261
, chacun était identifié au nom du sabbat approprié (p.ex. :
256
Nous n‘avons malheureusement pas pu mettre la main sur une copie de ce bulletin, ce qui nuit à son
analyse. Nous l‘avons donc mentionné ici pour souligner la continuité de l‘existence d‘un bulletin
communautaire. 257
Le WynterGreene est une entité portée au registre des entreprises du Québec en tant qu‘association qui
produit et publie une revue à but non lucratif. La fondatrice du bulletin fait partie de nos informateurs-clés. 258
Tous les numéros ne sont pas des numéros thématiques. Parmi les 33 numéros recensés de WynterGreene,
20 sont consacrés à un thème. 259
En 2008, le manque de bénévoles et l‘horaire trop chargé des administrateurs en charge du bulletin a fait
en sorte que seul deux numéros ont pu être publiés. 260
Au moment de la rédaction de ce chapitre, il n‘y avait plus de publication du WynterGreene. Le dernier
numéro est paru en 2009. Un autre numéro a été prévu, mais il semble qu‘une question de temps et de
disponibilité des bénévoles n‘a pas permis sa parution. Aucune autre parution n‘a étéfaite depuis. 261
Simle rappel : le calendrier wiccain comporte huit sabbats suivant les équinoxes et les solstices : Imbolc (2
février), Ostara (21 mars), Beltane (1er mai), Midsummer (21 juin), Lughnasadh (1er août), Mabon (21
septembre), Samhain (31 octobre) et Yule (21 décembre).
245
Imbolc, Ostara, Beltane, Samhain, etc.). À partir de 2006, la décision fut prise de publier
quatre fois par année et de faire coïncider les dates de parution avec les saisons (p.ex. :
printemps).
En accord avec les préoccupations environnementales des païens, le bulletin était imprimé,
entre 2003 et 2005, sur du papier à 60 % post-consommation et à partir de 2006, sur du
papier pré-consommation recyclé à 100 %. Du coup, le bulletin change d‘apparence,
passant d‘un papier brun à un papier blanc. Le prix s‘est également ajusté avec le temps
passant de 1 $ en 2003, à 2 $ en 2005. Le prix laisse entrevoir que le but du magazine n‘est
pas le profit; il vise plutôt à servir à la collectivité tout en recouvrant ses coûts. Ces choix
reflètent et recoupent les mêmes valeurs que celles exprimées dans le cadre de l‘enquête par
questionnaire.
Bien que le bulletin porte un nom anglais, le souci du bilinguisme paraît avoir été une
constante pour les administrateurs. Des contributions d‘auteurs francophones auraient été
souvent sollicitées. Le bulletin comporte des articles originaux en anglais ainsi qu‘en
français. Toutefois, les articles ne sont pas traduits d‘une langue vers l‘autre et le rapport
moyen entre le nombre d‘articles en anglais et en français est du simple au triple.
Questionnée à ce sujet, la fondatrice du magazine mentionne :
I always asked those who were French to contribute in their own
language. We tried to be as bilingual as possible. (…) but again mostly
because the French community is either smaller or less inclined to be in
the public. Also most of the available literature is in English. So most are
bilingual anyways. (201008SFE)
Le fait que la communauté wiccaine et païenne francophone soit plus petite, jumelé au fait
que les pratiquants québécois sont bilingues262
restreint le bassin d‘auteurs francophones
prêts à s‘afficher en tant que tels. La pratique publique de la Wicca, sur le terrain, reflète
ces données de base. Il y a effectivement moins de rituels et d‘activités publiques en
français. Il faut ajouter à cela, que nombre de francophones, surtout ceux vivant à
l‘extérieur de l‘Île de Montréal, ne savent pas l‘existence du WynterGreene en tant que
262
Cet aspect est ressorti dans les résultats du questionnaire comme on l‘a vu dans le chapitre précédent.
246
magazine bilingue. Par conséquent, ils ne peuvent pas penser pouvoir y contribuer263
.
Néanmoins, il semble que les administrateurs actuels du WynterGreene tiennent à ce que le
bulletin reste bilingue et qu‘il contienne des articles en français.
Depuis sa création, ce bulletin a subi quelques transformations. Il a débuté en tant que « Le
bulletin de la communauté païenne montréalaise » (WynterGreene, 2004, couverture), pour
devenir « Le magazine païen du Canada » (WynterGreene, 2009, couverture). Cet
élargissement notable du lectorat et de la couverture n‘est pas étranger, entre autres, à sa
présentation à la communauté païenne canadienne à l‘occasion des conférences nationales
Gaïa Gathering. Il en est de même en est-il de sa distribution à l‘extérieur de la province
depuis 2005. L‘autoprésentation de WynterGreene est en soi révélatrice du changement
survenu en de cinq ans.
Ainsi, en 2004 :
WynterGreene est un bulletin sans but lucratif bilingue264
publié huit fois
par année près des sabbats, au service de la communauté païenne du
Grand Montréal. WynterGreene publie les contributions de chacune et
toutes les traditions païennes, mettant l‘emphase sur les nouvelles et
opinions provenant de Montréal et ses environs. (p. 2)
Et en 2009 :
WynterGreene est un magazine sans but lucratif bilingue publié quatre
fois par année, au service de la communauté païenne Canadienne.
WynterGreene publie les contributions mettant l‘emphase sur les
nouvelles et opinions provenant du Canada. (p. 2)
Bien que les intérêts portés par le bulletin se veulent toujours être ceux de la communauté
de Montréal, WynterGreene fait dorénavant écho à ceux de l‘ensemble des communautés
païennes au Canada. Son réseau de distribution s‘est étendu; il compte trois points de
distribution à Montréal et un point de distribution à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Lors de
263
Faits observés lors de diverses rencontres informelles avec des wiccains et des païens de l‘extérieur de
Montréal. 264
D‘ailleurs, le bilinguisme du bulletin était l‘un des aspects important auquel tenait la fondatrice
(201008SFE).
247
notre entretien avec la fondatrice, nous lui avons demandé si elle s‘inquiétait du fait que le
contenu soit moins centré sur les intérêts de la communauté de Montréal. Ses
préoccupations ne vont pas en ce sens :
Um... no. I would actually love to see national issues. My concern is
regarding management. Other provinces have a poor history of managing
their magazines. The organization or quality falls apart after a few years.
WynterGreene has a rep for quality without leaning on advertising and
becoming a « commercial magazine. » (201008SFE).
Ce n‘est donc pas tant le contenu qui inquiète la fondatrice pour l‘avenir du WynterGreene,
mais plutôt la gestion et le contrôle de la qualité. Des collaborateurs d‘autres provinces se
sont ajoutés depuis déjà quelques années. Bien qu‘elle ait confié les rênes du bulletin à une
autre personne peu après sa création, la fondatrice veut s‘assurer qu‘il soit toujours produit
à Montréal afin d‘en assurer la survie. Le fait que le bulletin soit produit par des bénévoles
représente également une menace constante, car le cadre administratif et le personnel ne
peuvent pas être assurés, et ce, malgré les efforts déployés par l‘équipe actuelle.
L‘irrégularité de la parution des numéros dénote cette fragilité. Comme dans d‘autres
milieux, les bénévoles cumulent les engagements au sein de la communauté et d‘autres
organismes, en plus de leur emploi rémunéré et de leurs obligations familiales. Si une ou
deux personnes clés se retrouve en surcharge et ne peut pas s‘occuper du bulletin, la
production des numéros à venir est compromise, comme ce fut le cas en 2008 et au début
de 2009265
.
265 Dans le dernier numéro recensé de WynterGreene, soit celui de l‘été 2009, le comité directeur a publié un
message à cet effet. Voici le début de ce message situé dans un encadré à la page trois :
As some of you may have noticed, WynterGreene had a not-so-brief break in publishing
last year. This current issue was originally slated to go out in June 2008, and here it is a
year later. There are several reasons behind this, but mostly shifts in work schedules and
commitment priorities of some of the key people involved in putting out WynterGreene is
responsible, and replacement volunteers for these key roles have been hard to come by.
Many folks seem too balk when they realise the amount of commitment involved for one
of our volunteer ―staff‖ position.
Unfortunately, changing schedules and priorities among volunteers are common
stumbling blocks in any volunteer-run organization. However, since WynterGreene is
248
L‘analyse raisonnée et empirique du processus d‘institutionnalisation, à laquelle est
consacrée la présente thèse, cible ici de manière systématique, par ce bulletin, le contenu
des communications largement diffusées au sein de la collectivité wiccaine et païenne
montréalaise. L‘objectif est de repérer les données du processus d‘institutionnalisation qui
s‘en dégagent dans le but de les comparer, par recoupement de points de vue, aux tracés
obtenus lors de l‘observation, de l‘enquête par questionnaire et des entrevues d‘élites. Le
reste du chapitre fera brièvement état des informations disponibles sur quelques sites
spécialisés et groupes de discussion en vogue au sein de la mouvance.
L‘analyse du contenu des communications a porté sur les articles principaux tirés de onze
numéros de WynterGreene266
. Au total neuf articles étaient en français et 33 en anglais. De
ces articles, 222 segments composés d‘une ou de deux phrases maximum ont été retenus en
lien avec la thématique de l‘institutionnalisation.
Dans le cadre de cette démarche, cinq procédés usuels ont été utilisés (Paillé et Mucchielli,
2008) :
1. Lecture flottante des articles : Le but est la familiarisation avec le corpus, ainsi que
l‘apprentissage de la langue, du sens des mots et des expressions usuels de la culture
wiccaine;
2. Analyse thématique : Une analyse thématique suit la lecture libre du verbatim
sélectionné. Les thèmes en émergent par agrégation (idem, p. 167);
3. Analyse des occurrences significatives : Mise en relief des thèmes évoqués (usage et
récurrence : fréquence absolue et relative des thèmes pris séparément, thèmes associés
et thèmes opposés);
100% volunteer-based, the results are much more dramatic than an organization with paid
―staffer‖ to hold down the fort during times of volunteer shortages.
The WynterGreene ―staff‖ is still not back to 100%, however our plan is to start
publishing again with the issues we already had planned. Naturally any advertising
contracts and subscriptions will be honoured and extended accordingly. Following this
one, our next issue will be in the fall and will focus on the role of ritual. (…)
Les raisons évoquées dans le message ont d‘ailleurs été mentionnées lors de l‘entretien avec la fondatrice.
266
Le choix de ces numéros correspond à ceux dont les sujets sont en lien avec la présente recherche. D‘autres
numéros auraient pu être ajoutés, mais nous ne détenions pas les premiers volumes de 2003. Au total,
WynterGreene a publié 34 numéros de 2003 à 2009.
249
4. Analyse qualitative contextuelle : Une fois les thèmes dégagés, recensés et compris
dans le texte, il s‘agit d‘éclairer plus largement le sens des mots, expressions ou
énoncés du corpus par une mise en rapport avec les éléments factuels du processus
d‘institutionnalisation établis par ailleurs (observations directes, entrevues, documents
d‘archive) (idem : 39-40);
5. En référence au contexte, repérage des thèmes absents, omis ou tus.
L‘identification à priori de la thématique pertinente a retenu les thèmes clés ci-dessous. Les
thèmes ont été délimités en tant que mots, expressions ou énoncés qui dénotent ou
connotent l‘évolution de l‘organisation sociale de la Wicca : présentation de soi, normes,
pratiques rituelles et structures d‘autorité collective dans les rapports du groupement avec le
public et avec les instances publiques. On s‘attend à les retrouver soit tels quels, soit sous la
forme de termes synonymes, dérivés ou apparentés267
. Chaque thème fait brièvement
mention de la synthèse du contenu extrait, des occurrences significatives et du contexte
ainsi que du poids relatif du thème au sein du corpus analysé :
1. Présentation de soi : L‘auto-référence à la Wicca et au paganisme en tant que religion
au même titre que les autres est prévalent à 13,3 %268
dans les articles269
. Que cela soit
au niveau de l‘auto-perception (24,1 %), de la comparaison avec d‘autres mouvements
religieux (14,5 %) ou encore de la mise sur un même pied d‘égalité (16,9 %) et de la
référence au groupe en tant que religion (12,0 %), ces attitudes donnent aux lecteurs un
sentiment de validité et de légitimité souvent associé aux standards et aux normes
d‘institutions externes. Cela est souvent appuyé par les diverses références aux rôles des
wiccains et de la Wicca dans la société (32,5 %).
2. Représentations dominantes (mythes, croyances dogmes) : Ici, les thèmes attendus sont
principalement, et de manière prépondérante, ceux de la Wicca en tant que religion de
267
Au fil de l‘analyse, le découpage des thèmes s‘est révélé adéquat en cela que les expressions regroupées
ont fait sens l‘une avec l‘autre et l‘une par l‘autre. La liste des thèmes de départ est fournie à l‘annexe I. Les
termes synonymes, dérivés ou apparentés et les termes rajoutés au fil de l‘analyse sont marqués en couleur. 268
À noter que les mêmes segments peuvent se retrouver sous divers thèmes et sont donc compris dans le
résultat de chacun des thèmes qui leur sont associés. 269
À noter que les résultats concernent les articles contenus dans l‘échantillon seulement et non à l‘ensemble
des articles du bulletin.
250
la Nature. Cette idée est implicitement et explicitement exposée dans 3,6 % des
segments, surtout lorsque l‘auteur débat de la nature même de la Wicca.
3. Représentations en mode mineur (spiritualité alternative) : Ici, les thèmes
principalement anticipés, de l‘ordre du complément ou de l‘adjuvant aux
représentations précédemment délimitées, renvoient aux mentions de la Wicca en tant
que spiritualité alternative (8,6 %).
4. Pratique rituelle : Plusieurs mentions de pratiques rituelles sont à prévoir dans le
contenu des articles : descriptions de rituels ou encore transcriptions de formules
élaborées en cours de rituels. Bien que, dans la mouvance wiccaine, chacun soit
encouragé à développer ses propres rituels, on se rend compte que plusieurs d‘entre-eux
sont tirés de supports écrits, que ce soit de livres ou sur le web. Ces emprunts, souvent
réitérés avec quelques variantes, forment le noyau des rituels et des pratiques
individuelles et collectives. Les descriptions et les transcriptions des personnes en
autorité deviennent en fait des modèles d‘imitation et d‘émulation pour les autres
membres de la communauté. Qui plus est, en principe, la signification à conférer à ces
pratiques tient également une place importante dans le discours d‘autorité. Mentionnons
que de la totalité des segments sélectionnés, 8 % font référence aux pratiques rituelles.
Le mariage ou handfasting est l‘une des pratiques les plus mentionnées (44 %). Sans
que cela ne soit descriptif, plusieurs discussions sur la légalité du rituel, du célébrant et
de sa signification prévalent parmi les segments de ce thème. Le mariage n‘est toutefois
pas le seul rituel mentionné. Les rites de passages pour les garçons et les filles
reviennent dans 12 % des segments. L‘utilisation des descriptions et l‘insertion de
formules de rituels dans certains articles composent les autres éléments de ce thème.
5. Autorité : Pris au sens d‘autonomie, le thème de l‘autorité ponctue les discours de la
Wicca et du paganisme. Le fait d‘être soi-même et d‘être sa propre autorité en lien avec
les déités est l‘un des attraits majeurs de la Wicca, ce qui se reflète dans 5,1 % de
l‘ensemble des segments. S‘y greffe, pour ce qui est des collaborateurs de
WynterGreene, l‘autorité personnelle de l‘auteur (43,8 %). La présence d‘une courte
251
biographie à la fin de l‘article accorde par ailleurs, l‘octroi d‘un statut unique à l‘auteur
ou à l‘auteure dans la communauté et au sein d‘une toile étendue de païens (56,3 %).
6. Formation : Ce thème ressort à 4,5 % dans les segments. Il est important de le noter, car
il est en lien avec la notion d‘autorité. La source de la formation (livre, coven, Internet,
école, etc.) va déterminer de façon indirecte l‘autorité reconnue par les membres de la
communauté. D‘ailleurs, plusieurs segments se concentrent sur les livres comme étant
l‘une des sources de formations (4,1 %), alors que 7,1 % mentionnent les covens.
Contre toutes attentes, les écoles de sorcelleries ne sont pas mentionnées dans les
articles, et ce, même si elles sont présentes dans la publicité du bulletin.
7. Éthique/Morale : Bien que plus subtils dans les articles, l‘éthique et les codes de
conduite sont présents et en ressortent. Comment être un bon wiccain ou païen devient
un thème qui permet de déterminer des frontières et pose des standards de vie que
plusieurs de la communauté vont suivre. Ceci représente une forme de normalisation
interne du groupe. Que cela soit par la récitation de loi interne de la Wicca ou encore en
faisant allusion aux valeurs tenu par les wiccains, l‘éthique et la moralité est un thème
qui fait surface dans 5,3 % des segments.
8. Socialisation : Sous la forme anticipée de références à l‘éducation et au parenting, ce
thème est potentiellement important et significatif, car il se greffe logiquement à l‘un
des vecteurs clés de l‘institutionnalisation au plan interne, celui de la transmission
familiale. Un simple survol de WynterGreene témoigne d‘emblée d‘un souci de
« l‘éducation des générations suivantes » dans 2,1 % des segments. Si diverses
approches sont promues au fil des articles, les suggestions offertes et les outils rendus
accessibles à tous dans ses pages signifient la mise en place d‘orientations, de lignes
directrices et de normes de conduite à l‘intention des pratiquants actuels et futurs.
9. Portée et diffusion de la culture wiccaine : Internet a été un facteur majeur de
développement de la Wicca, tant en ce qui a trait à la popularité des croyances, à
l‘accessibilité des pratiques et à la structure réticulaire déployée. De simple outil
d‘information au soutien d‘un coven entièrement virtuel en 3D, cette technologie a
252
transformé la pratique. Une référence au rôle d‘Internet et de la technologie est donc à
prévoir en ce sens dans les articles de WynterGreene. D‘ailleurs, 9,4 % des segments
sont associés à ce thème. De plus, un numéro complet a été dédié à la question
d‘Internet et de la technologie. Par exemple, un numéro complet a été consacré à
Internet et à la technologie (Midsummer 2005, # 24). Or, dans l‘ensemble des articles et
des segments, les mentions de réseautages virtuels représentent 40,7 % des segments
associés à ce thème. En plus de cet aspect virtuel, il y a plusieurs occurrences sur les
questions de pratiques et de formations de réseaux communautaires (47,5 %).
10. Culture, communications : À première vue, ce thème peut sembler loin de l‘objet qu‘est
l‘institutionnalisation. On doit cependant s‘attendre à le relever dans les publications
sous le vocable « question linguistique ». La question linguistique a été maintes fois
relevée sur le terrain comme étant une préoccupation centrale pour les pratiquants
francophones de la Wicca au Québec. Les questions d‘accessibilité aux textes
fondateurs wiccains dans leur langue, les barrières culturelles et l‘expression de soi
identitaire font en sorte qu‘au Québec, la Wicca se pratique différemment chez les
francophones et chez les anglophones. Pour plusieurs raisons, les francophones s‘en
remettent davantage aux textes écrits pour leur pratique. La question linguistique
apparaît comme un enjeu de l‘institutionnalisation pour ces derniers. La Wicca est
également perçue et définie différemment selon les milieux linguistiques d‘observation.
Par conséquent, ce thème ressort à 4,5 % lors de la lecture des articles du
WynterGreene. Les segments élaborant des difficultés de la traduction du matériel
anglophone vers le français sont quelques fois abordés (14,3 %). Évidemment, comme
on vient de le mentionner, la question d‘accessibilité des sources est effectivement un
facteur important (35,7 %) qui est discuté tant dans les articles anglophones que
francophones. Par ailleurs, l‘expression du soi identitaire est présente dans la moitié des
segments.
11. Organisation : Les thématiques de l‘institution et de l‘organisation sont étroitement
liées. Par conséquent, toute référence au domaine de l‘administration, de la gestion, de
la coopération, de la coordination et du contrôle d‘une collectivité concrète délimitée
253
tels que religion organisée, association, structure, clergé et hiérarchie (ou absence de
ceux-ci) est incluse. C‘est d‘ailleurs le thème qui ressort le plus parmi les segments
(22,8 %). Parmi les concepts mentionnés de ce thème, trois aspects se démarquent des
autres, soit l‘idée de communauté (26,8 %), les questions de structures d‘une
organisation (14,8 %) et de clergé (10,6 %).
12. Notion de changement : L‘idée de transformation et de changement revient de temps à
autre dans le corpus du WynterGreene. La Wicca n‘est plus ce qu‘elle était dans les
années 50 en Angleterre, ou encore dans les années 80 au Québec. Tout ce qui dénote
ou connote le changement fournit potentiellement des indices sur les contenus et
l‘évolution de la pratique avec le temps. Il est donc essentiel de repérer ce thème en lien
direct avec le processus d‘institutionnalisation. D‘ailleurs, ce thème revient dans 17,6 %
des segments. Il se rapporte aux changements dans la société environnante, dans les lois
ou dans la communauté païenne, ainsi qu‘aux multiples incidences du changement sur
la vie des wiccains. L‘un des aspects les plus souvent mentionnés a trait à l‘influence
d‘Internet.
13. Normes gouvernementales : La présence de ce terme ou de ses dérivés dans le discours
public des wiccains et des païens est fortement anticipée. De fait, ces normes
apparaissent comme un vecteur externe clé du processus d‘institutionnalisation. Le fait
qu‘on y fasse référence dans 8,8 % de l‘ensemble des segments permet d‘observer
l‘émergence du thème des normes en tant que limites, sources de contraintes,
d‘opportunités, de choix à effectuer ou d‘orientations à prendre, ce qui servira
d‘indicateur du poids relatif (en rapport avec les sources internes) de
l‘institutionnalisation éventuelle de la communauté. Dans les segments qui
correspondent au thème des normes gouvernementales, on mentionne dans 36,4 % des
cas, la reconnaissance par les instances gouvernementales, et ce, d‘un point de vue
positif ou négatif. Plusieurs articles se concentraient également sur des questions de
droits et de lois (23,6 %) et cherchaient à les expliquer afin que les lecteurs puissent les
comprendre. Les instances gouvernementales en soi sont largement discutées (40,0 %
des segments de ce thème).
254
14. Institution : C‘est le cœur de la thèse. La présence de ce terme et de ses dérivés dans les
articles était fortement anticipée. Or, dans les segments analysés, l‘occurrence du terme
« Institution » se situe à 3,2 %. D‘un autre côté, en tenant compte des segments dont le
contenu fait référence à l‘idée d‘institution ou aux institutions en soi, 14,0 % sont à
situer dans le champ sémantique de l‘institution.
Par recoupement, on peut voir que ces thèmes reflètent les thèmes abordés lors des
conférences païennes de Montréal. Il en est de même du Gaïa Gathering. Les
préoccupations des collaborateurs de WynterGreene, à tout le moins, témoignent d‘un
travail semblable des courants wiccains et païens par les forces institutionnalisantes.
5.2.2 Analyse des divers sites Internet
L‘un des meilleurs véhicules d‘information et d‘opinions pour les wiccains du Québec à
l‘heure actuelle est Internet. D‘ailleurs, depuis les années 2000, quelques guides et
ouvrages sur le paganisme et la technologie virtuelle ont été publiés afin d‘aider le païen à
se familiariser avec Internet et son environnement virtuel270
. Des cehrcheurs se sotn
également penché sur la question et les liens qui existent entre le cyberespace et le
paganisme (Berger, 2004, pp. 175-188; Cowan, 2005; Dawson, 2004, pp. 75-89) Que ce
soit sous la forme de sites web, de réseaux sociaux comme Facebook, de groupes de
discussions, de forums ou de blogues, les wiccains y communiquent leurs états d‘âmes et
leurs intérêts. Depuis le début des années 1990, le nombre de sites Internet consacrés à la
question wiccaine a augmenté de façon exponentielle, surtout en langue française. Là où, en
1998, Lucie Marie-Mai Dufresne notait l‘existence d‘un seul site francophone (Dufresne,
1998, p. 204), et nos recherches antérieures, menées entre 2001 et 2003, tiraient 3 500
résultats d‘une recherche par mots-clés sur Google en français (Gagnon, 2008a, p. 56), on
remarque qu‘en 2011, le même moteur de recherche et le même mot-clé renvoient à plus de
14 millions de sites271
.
270
Voir, entre autres, le livre de Lisa McSherry Virtual Pagan. Exploring Wicca and Paganism through the
Internet, 2002. 271
Tous les sites ne renvoient pas nécessairement à des unités valides et en opération. Les doublons ne sont
pas rares, et certains sites peuvent être inactifs, et ce, même s‘ils sont toujours affichés sur la toile.
255
Si l‘on se fie aux chapitres précédents, le déploiement d‘un espace public animé de
discussions sur les affaires communautaires wiccaines est à prévoir sur la plateforme
virtuelle. Les questions portant sur la nature même de la Wicca, de la magie et de l‘identité
y tiendraient une place prépondérante (Berger et Ezzy, 2004, p. 176). De fait, les questions
d‘institutionnalisation et de formation de communautés physiques constituent des sujets de
discussions récurrents en cours d‘étude. Les sites recensés représentent autant de facettes de
la culture vivante et des communications entre les membres de la communauté virtuelle.
Quels arrimages sont repérables entre les nœuds des relations virtuelles et les lieux de
rassemblement de la communauté? Entre les lieux virtuels et la place occupée par la
communauté et ses membres dans la société habitée?
5.2.2.1 Sites informatifs
La quête d‘information est la raison la plus souvent évoquée de l‘utilisation d‘Internet par
les pratiquants québécois. Les sites de type informatif proposent aux visiteurs des pages de
contenus descriptifs consacrés aux différentes traditions (voies) wiccaines et païennes, aux
déités, à la magie, aux symboles et aux autres éléments jugés utiles par le propriétaire du
site. Illustrations à l‘appui, diverses techniques et outils d‘apprentissage sont également
abordés. On y retrouve de même des rubriques d‘intérêts particuliers portant notamment sur
l‘homosexualité dans le paganisme, le handfasting et l‘éducation des enfants. Un espace est
souvent prévu pour les nouvelles païennes.
Quelques thèmes récurrents ressortent de l‘observation des sites québécois repérés. Parmi
ceux-ci : la disponibilité d‘ouvrages et d‘information en français272
, les lieux de formation
en ligne ou en personne, les définitions de la Wicca, les antécédents historiques et les
diverses influences et finalement, ce qui est le plus recherché, les descriptions détaillés
d‘outils, de recettes, de rituels et rites273
. À en juger par le contenu, ces sites sont pour la
plupart adressés aux néophytes. Les sites qui comportent des articles plus approfondis et
272
Certains visiteurs recherchent particulièrement de l‘information qui correspond à l‘expérience québécoise
ou nord-américaine. 273
Cela a pu être établi grâce aux diverses discussions informelles que j‘ai eu sur le terrain au cours de mes
recherches depuis 2001, ainsi que par les documents que nos interlocuteurs ont imprimés à partir de ces sites
pour les intégrer à leur grimoire ou pour les essayer lors d‘un rituel public.
256
qui sont développés autour de thèmes tels que l‘expérience vécu en coven, les questions sur
la formation de néophytes, approfondissement de thèmes touchant les croyances, les
connaissances pratiques des herbes et des cristaux répondent aux pratiquants un peu plus
avancés dans leurs pratiques.
Règle générale, ces sites ou pages présentent une communication unidirectionnelle avec
leurs visiteurs, c‘est-à-dire que le visiteur reçoit cette information et l‘intègre sans pouvoir
interagir avec celle-ci. L‘influence de ce type de sites ne peut donc se mesurer que dans la
mesure où il vient ajouter des notions à la connaissance déjà acquise du visiteur. Si le
visiteur ne trouve pas ce qu‘il recherche, l‘influence du site est nulle et n‘apporte rien de
plus à son visiteur. À l‘inverse, si le visiteur y trouve des données utiles, il les intègre à ses
connaissances et à ses pratiques, et les partage éventuellement avec sa communauté.
5.2.2.2 Sites personnels
Par « sites personnels », on entend, les sites web créés par des individus à partir de leurs
intérêts propres sur des questions liées à la Wicca. La consultation de ces sites permet
d‘explorer la manière dont l‘individu perçoit et projette son identité en tant que wiccain, les
liens virtuels qu‘il a tissés ou ceux qu‘il souhaite afficher auprès du public intéressé par son
« univers ».
Un des éléments communs à ces sites est la description que donne le propriétaire de son
expérience personnelle. Les rubriques renvoient couramment au cheminement spirituel, à
l‘initiation à la pratique ainsi qu‘aux intérêts pour d‘autres pratiques et notions similaires
Par ses descriptions, l‘initié se revendique tout à la fois comme issu d‘une lignée
pratiquante et détenteur d‘une base d‘autorité personnelle face au visiteur du site.
Outre des expériences personnelles, on retrouve souvent sur ce type de sites des références
aux intérêts personnels du propriétaire (cristaux, chats, nature, etc.), ainsi que ses
descriptions de rituels, de pratiques magiques, de fabrication d‘outils magiques et de
sabbats. S‘y ajoutent parfois leurs propres œuvres littéraires (poèmes, chants et
incantations), ou encore leurs propres œuvres d‘art ou travaux d‘artisanat. Les auteurs de
ces pages vont souvent ajouter des liens vers d‘autres sites wiccains ou païens, ce qui
257
permet d‘établir un réseau de contacts ainsi que de montrer leur connaissance de l‘existence
d‘autres individus ayant des intérêts similaires, notamment ésotériques. Certains vont
également intégrer des liens vers des sources littéraires de type académique, surtout
anthropologiques. Or, les nouvelles technologies de communication changent la donne en
ce qui a trait à la portée et à l‘influence de l‘autorité personnelle. De nombreux sites
personnels québécois ont migré ou se sont vus remplacer par des comptes Facebook,
MySpace ou autres plateformes de réseaux sociaux dotés de blogues et de forums consacrés
à divers aux sujets associés à la Wicca. Cela ne signifie pas pour autant un plus grand
déploiement d‘activités. Par contre, ces nouvelles plateformes interactives portent mieux et
plus loin la voix (et la voie) personnelle du pratiquant expérimenté et sage auprès de
visiteurs néophytes ou de pratiquants solitaires. L‘interaction peut alors avoir une incidence
directe sur l‘autorité puisqu‘une confirmation quasi immédiate de la communauté morale et
émotionnelle se produit à travers l‘échange d‘expériences et les visites de l‘auditoire.
La multiplication de microsites ainsi configurés est une bonne mesure d‘autopromotion de
soi dans le cyberespace et de revendication d‘une certaine autorité personnelle auprès d‘une
communauté, fusse-t-elle virtuelle.
5.2.2.3 Sites covens
De plus en plus de covens se dotent d‘une page web. Ces sites vont d‘une simple page
annonçant l‘existence d‘un coven à un site de présentation plus élaboré indiquant la nature
de celui-ci, les dates des activités ou des rituels, ainsi que la manière de les contacter. Règle
générale, ce type de sites contient moins de renseignements divers que les autres déjà
mentionnés. Les covens se veulent plus discrets dans le cyberespace tout comme dans
l‘espace public. Néanmoins, une personne intéressée à développer la voie avec cette
communauté restreinte pourra se sentir interpellée par la présence d‘éléments importants
sur le site comme la tradition du coven, les liens avec des covens-mères ou covens-filles, sa
258
structure, ses objectifs et ses méthodes d‘enseignements comme le Inner Path Coven de la
région montréalaise274
.
5.2.2.4 Groupes de discussions, forum et blogues
Dès les débuts d‘Internet, les premiers réseaux de contacts se sont établis par des systèmes
de Babillards électroniques. Sur ces pages web, les gens pouvaient communiquer avec tout
le monde ou laisser des messages à des individus en particulier. Les babillards ont précédé
les groupes de discussion. L‘un des premiers babillards électroniques à Montréal a été le
The Magickal Hourglass. Ce babillard présentait de l‘information concernant divers aspects
des paganismes publics connus à l‘époque, et ce, non seulement dans le monde virtuel,
mais également dans le monde réel. C‘est par l‘affichage de publicités dans les bulletins
locaux qu‘ils informaient les lecteurs de l‘existence de sphères païennes virtuelles et les
invitaient à y participer. D‘ailleurs, dans l‘une de leurs publicités parues dans le Montreal
Pagan Newsletter de printemps 1993, il est fait mention de trois autres réseaux amateurs
internationaux : le IceNet, le WWIVnet et le Pagan Information Network (PIN) (Lovecraft,
1993, p. 5).
À l‘aube des années 90, à l‘époque où se sont tenus les premiers rituels publics, les
participants éventuels communiquaient entre eux par téléphone. À la fin des années 90 et au
début de 2000, les groupes de discussions ont commencé à se multiplier. Pour la
communauté de Montréal, en particulier, les groupes de discussions comme ceux de
« Yahoo! Groups » ont permis de communiquer avec un plus grand nombre de personnes
simultanément à l‘aide de listes de distribution. Lorsque l‘accès à Internet et son utilisation
se sont généralisés, les communautés de Montréal ont commencé à recourir de façon plus
fréquente aux groupes de discussions virtuels. Cela permettait aux gens d‘échanger et de
participer plus aisément à la vie communautaire tout en restant anonymes275
.
274
Voir leur site Internet à l‘adresse : http://www.innerpathcoven.ca/ (dernière visite : 4 mars 2012). 275
Cette question d‘anonymat a changé avec le temps. Au départ, presque tous les participants avaient un
pseudonyme qu‘ils utilisaient durant les activités publiques en ligne. À force de se rencontrer lors de rituels
publics ou d‘autres activités communautaires, les pratiquants ont commencé à utiliser leur vrai nom dans les
groupes de discussions.
259
Depuis les trois dernières années, certains groupes de discussions ont été fermés et
quelques-uns ont migré sous un autre nom276
. D‘autres ont fusionné leurs listes afin de
faciliter la communication au sein de la communauté277
. Nous avons observé qu‘il existe
également un mouvement vers les blogues, les forums et les réseaux sociaux. Pour
plusieurs, il s‘agit d‘un moyen plus économique d‘être présents sur le web, alors que pour
d‘autres, il s‘agit d‘une question de gestion de temps. Il est plus facile et plus économique
de tenir une page de Facebook que l‘intégralité d‘un site web.
Les choses se présentent différemment avec le blogue. Un blogue ou « carnet » est un site
web qui fait office de journal intime. Le propriétaire du carnet le rédige en ouvrant ses
pages au public; il publie de courts textes de réflexion, d‘opinions ou d‘humeur auxquels
les visiteurs éventuels peuvent réagir en laissant des commentaires. Toute l‘information
reste sur le site du blogue, contrairement aux groupes de discussions dont le contenu des
échanges est dirigé par un modérateur dans le compte de courriel de chacun des membres
de la liste. Les interventions sur l‘un ou l‘autre sujet s‘affichent par ordre chronologique
décroissant. Une table des matières est souvent affichée afin que le visiteur puisse parcourir
les différentes entrées et interfaces du carnet. Ces blogues peuvent contenir des images, de
la musique ou toute autre information que le propriétaire du carnet juge pertinente.
Sous la forme qu‘on leur connaît, les forums font également partie du réseau de
communications virtuelles de la Wicca. Au cours de la période étudiée, les thèmes
récurrents ont été l‘acquisition du savoir-faire et l‘identification des endroits où se procurer
des outils, des herbes et d‘autres objets de pratique. Côté échanges, certains vont explorer et
partager leurs idées relatives aux mythes, aux croyances ou encore à l‘histoire des diverses
déesses et dieux. Un peu à la manière du site personnel, le forum278
permet de faire valoir
son autorité et de juger de sa propre notoriété. Les participants sollicitent des conseils ou de
276
Tel fut le cas pour l‘un des groupes de discussions de la ville de Québec. 277
En 2005, il y avait au moins trois groupes de discussions pour la région de Montréal qui comptaient plus
ou moins les mêmes membres. Par conséquent, lorsqu‘il y avait un événement, certains individus recevaient
plus d‘une fois l‘invitation. 278
L‘un des problèmes avec les forums québécois est qu‘ils se retrouvent souvent inactifs après un an ou
deux, et ce, même si de nouveaux fils de discussions sont commencés. Néanmoins, il s‘agit d‘une méthode
pour rejoindre un bassin de population ayant les mêmes intérêts.
260
l‘information à l‘égard desquels ils anticipent des réponses basées sur l‘expérience. Le
résultat de l‘échange va déterminer l‘autorité et la validité du forum et des gens qui
l‘opèrent279
.
5.2.2.5 Réseaux de contacts
Parmi la multitude de sites proposés pour établir des liens entre païens et wiccains, des
répertoires sont de plus en plus nombreux et consultés. Ces sites contiennent des annuaires
comportant des liens vers d‘autres pratiquants. Par exemple, Witches » Voice, un site
états-unien connu aussi sous le nom Witchvox, présente un annuaire par pays, états,
provinces ou autre division géopolitique de pays. Une fois la région voulue sélectionnée, en
l‘espèce le Québec, le site classe dans différentes catégories les contacts qui se sont inscrits
à son annuaire. Parmi ces catégories de contacts, on retrouve des groupes (c‘est-à-dire des
covens, des militants, des familles, des groupes d‘adultes, des groupes d‘adolescents, des
étudiants), des organisations (des boutiques, des membres du clergé, etc.) et des individus
(c‘est-à-dire des militaires païens, des adultes, des adolescents). Un de ces sites répertorie
même des groupes virtuels et des forums280
. Un autre site canadien se veut être un point de
convergence entre les divers membres des communautés wiccaines canadiennes. Le
TheWicca.ca281
dresse également un annuaire par provinces, proposant des catégories
similaires à celles de Witches’ Voice. De plus, ce site contient des pages consacrées aux
wiccains canadiens qui ont marqué les communautés canadiennes depuis le début de la
pratique au pays ainsi qu‘une page permettant de consulter les articles de presse
internationaux concernant la Wicca.
Les avantages de ces sites ne se limitent pas qu‘aux réseaux. Ils répertorient des services en
lien avec les préoccupations quotidiennes concrètes du visiteur wiccain. À titre d‘exemple,
notons le partage de ressources et de conseils sur la vie de famille, les écoles, l‘éthique,
279
Ces individus ne sont pas nécessairement et initialement des personnes ayant une notoriété quelconque ou
qui sont des acteurs sociaux importants dans une communauté locale donnée, mais la création d‘un forum
peut leur permettre d‘acquérir une certaine notoriété. 280
Voir leur site à l‘adresse : http://www.witchvox.com/vn/hm/caqc.html. 281
Voir leur site à l‘adresse : http://www.thewicca.ca/ .
261
l‘environnement et la défense des droits. Ce faisant, ils ouvrent une perspective sur l‘action
de plusieurs vecteurs d‘institutionnalisation externes et internes.
Il est à retenir que l‘efficacité de ces sites pour établir des réseaux de communications
dépend de la mise à jour des informations par les membres qui y sont inscrits. Puisque la
tâche incombe à ces derniers et non aux propriétaires du site, il arrive souvent que les liens
ne soient plus actifs ou que les gens aient changé de réseaux en oubliant de retirer ou de
modifier leur information282
.
5.2.2.6. Sites d’écoles de sorcellerie
L‘examen des divers vecteurs d‘institutionnalisation et des éléments d‘isomorphisme
normatif se doit d‘inclure les cours donnés dans les écoles de sorcellerie. Bien que les
covens forment leurs membres, les écoles de sorcellerie sont des lieux vers lesquels les
pratiquants solitaires doivent se tourner pour parfaire leur formation.
Ces méthodes de formation deviennent un lieu d‘entraînement de spécialistes ou de
professionnels. Bien que dans la Wicca il n‘existe pas, en général, de formation normalisée
pour devenir prêtresse ou prêtre, la BTW (British Traditional Wicca) a tenté d‘en établir une
(Berger, 1999, p. 103). D‘ailleurs, des écoles se fondent à travers le Québec et le pays, où
les pratiquants wiccains apprendnent les rudiments de la pratique wiccaine ou de la pratique
magique, comme la Crescent Moon School of Magic and Paganism de Montréal. Bien que
ce genre d‘établissements n‘officialise pas qui est wiccain et qui ne l‘est pas, il permet
néanmoins de déterminer à l‘intérieur d‘une communauté qui détient les connaissances et
les méthodes de base associées à la pratique et à l‘identité wiccaine ou païenne.
Que ces écoles soient physiques ou virtuelles, le but de celles-ci est la transmission de
savoirs à d‘autres pratiquants, c‘est-à-dire de notions et de techniques acquises par des
praticiens expérimentés. Au Québec, les écoles sont peu nombreuses. Deux sont situées à
Montréal. La Crescent Moon School of Magic and Paganism a été fondée en 1994. L‘école
282
L‘inactivité de certains liens et adresses s‘est notamment révélée lors de la recherche de répondants au
questionnaire.
262
a accueilli ses premiers étudiants en 1995 (201008SFE). L‘école offre des cours sur quatre
niveaux, dont des cours d‘introduction, des cours sur divers aspects de la musique et des
chants rituels, sur l‘éthique de la magie, sur la magie pratique, les symbolismes, les arts
rituels, le counseling ainsi que sur divers aspects psychologiques (p. ex : la gestion du stress
et la méditation). Aux niveaux plus élevés, ils abordent les questions et les pratiques de
divinations, de charmes, de potions, la liturgie, etc.283
. Par ailleurs, la boutique Charmes et
sortilèges offre également des cours à sa clientèle francophone. Encore une fois, ces cours
se donnent à Montréal. Les gens en région ont peu accès à ce type de formation.
Outre les boutiques et les écoles physiques, on trouve quelques écoles virtuelles de
sorcellerie et de Wicca. À première vue, ces dernières permettraient de répondre aux
besoins des gens en région. Néanmoins, la plupart de ces écoles enseignent en anglais et
sont hébergées à l‘extérieur de la province. Une exception notable est le Collège wiccan de
Québec. En activité depuis 2005, ce collège offre une série de cours en ligne284
. Quelques
individus offrent également de la formation, sans pour autant publiciser leurs services ni
proposer de programme préétabli.
Au chapitre de la normalisation de la formation et de l‘apprentissage, quelques constats se
dégagent. Les écoles virtuelles, bien que présentes, s‘adressent, au Québec, à quelques
individus285
. Par ailleurs, à moins que l‘individu ne soit bilingue et n‘habite un centre
urbain, peu d‘options lui sont offertes, les écoles physiques étant rares et limitées à la
région montréalaise.
5.2.2.7 Sites d’associations et d’organismes enregistrés
Quelques associations païennes sont présentes sur Internet. À titre d‘exemple, mentionnons
la PFPC (Pagan Federation/Fédération païenne du Canada), la PPO (Pagan Pastoral
Outreach) ou encore la CUPS (Concordia University Pagan Society). La présence virtuelle
283
Voir l‘annexe I et le site de l‘école pour une description de l‘école et de son syllabus : http://www.mtl-
magicalcircle.ca/crescentmoon/index.html. 284
Malheureusement, nous avons observé lors de nos recherches sur le terrain que peu de pratiquants
semblent connaître le collège. Parmi ces derniers, les tentatives qu‘ils ont faites pour le joindre sont
demeurées sans réponse. 285
Lors de nos recherches sur le terrain, nous avons abordé la question avec divers individus et très peu
avaient mentionné connaître ou avoir participé à des cours en ligne sur la Wicca, la sorcellerie ou la magie.
263
sert principalement à publiciser leurs buts et activités (p. ex. : création d‘organisation
communautaire païenne, assurer la diffusion d‘information concernant les paganismes,
offrir des services d‘aumônerie, aider à offrir des services conseils juridiques, proposer ses
services en tant que porte-parole) ainsi qu‘à de donner de l‘information générale aux
visiteurs du grand public comme auprès des membres et organismes qui s‘inscrivent dans la
mouvance païenne. De par le statut revendiqué et obtenu en tant qu‘organisme fédérateur,
ces sites deviennent en quelque sorte l‘image publique et officielle du paganisme286
au
Canada.
Ces associations, pour la plupart enregistrées auprès d‘une instance gouvernementale, se
sont conformées aux normes et règles en vigueur afin de pouvoir obtenir leur statut et
poursuivre leurs activités. On constate de ce fait la pression externe de normalisation.
5.2.3 Littérature païenne
Lors de nos recherches sur le terrain, il est apparu évident que les wiccains et les païens
lisent énormément. Ce trait se manifeste par l‘étendue et la composition de leur
bibliothèque personnelle, il s‘est également dégagé des réponses obtenues lors des enquêtes
par questionnaires de nos recherches de maîtrise et de la présente recherche. Depuis les dix
dernières années, le nombre d‘ouvrages sur la magie, la sorcellerie, la Wicca, le
chamanisme, le paganisme, a augmenté en flèche. Là où les ouvrages étaient plus rares,
dans les années 1970 et 1980, ils sont aujourd‘hui presque partout au Québec et au Canada.
Cela est également le cas pour les bulletins locaux et les revues comme Magie Blanche.
Les livres circulent entre les pratiquants, sans compter que les centres de ressources,
comme le MPRC et le Avalon Center, offrent à leurs visiteurs la possibilité de lire sur place
ou encore d‘emprunter des ouvrages de leurs bibliothèques.
L‘important ici du point de vue de l‘institutionnalisation est de voir ce qui est lu, ce qui ne
l‘est pas, ce qui se retrouve dans les bibliothèques personnelles des wiccains et ce qu‘ils
286
Nous indiquons ici « paganisme » plutôt que Wicca, puisque la plupart de ces organismes s‘identifient
ainsi et incluent les diverses pratiques païennes, notamment la Wicca.
264
aimeraient acquérir comme ouvrages. Y retrouve-t-on des ouvrages de base sur la Wicca?
La religion et la mythologie? Les arts divinatoires, la spiritualité et la magie? Des ouvrages
anthropologiques? Historiques? Sociologiques? Féministes? S‘agit-il plutôt de discours
internes à la mouvance païenne? Existe-t-il un fond commun de références? Si oui,
comment s‘établit-il?
Auprès des pratiquants francophones, on trouve habituellement les ouvrages standards
portant sur la magie blanche comme ceux d‘Eric Pier Sperandio. De même, on note la
présence de quelques ouvrages d‘autorité publiés et traduits en français comme ceux de
Scott Cunningham et de Kerr Cuhulain, ainsi que les écrits de Starhawk et des Farrar287
. Il
y a tout lieu de penser que, s‘ils étaient disponibles en français, les textes fondateurs de
Gardner, de Crowley, de Valiente et de Buckland s‘y retrouveraient aussi, créant ainsi un
fond commun de référence parmi les pratiquants. Par ailleurs, on remarque beaucoup
d‘ouvrages axés sur l‘ésotérisme (par exemple : les textes rosécruciens, de la Golden Dawn,
de la théosophie), la mythologie (sur les dieux, les mythes), la divination (les runes, le
tarot) et la pratique de haute magie ou magie cérémonielle (magie cabbalistique, magie
pratique, magie verte). Parmi les pratiquants de quarante ans et plus, on trouve également
quelques ouvrages portant sur la déesse (archéologiques et anthropologiques tels que les
œuvres de Marija Gimbutas) et sur la mouvance de spiritualité féministe tel que les
ouvrages de Naomie Goldeberg, Wendy Griffin, Denise Boucher et Diane Stein. Quelques
différences notables se font jour entre les ouvrages consultés par les francophones, les
bilingues et les anglophones.
Chez les pratiquants bilingues et anglophones, on retrouve généralement un plus grand
nombre d‘ouvrages. Les sujets de prédilection varient : l‘ésotérisme et la haute magie pour
les francophones, et la Wicca pour les pratiquants bilingues et anglophones. Le registre des
sources est plus étendu parmi les pratiquants à l‘aise dans les deux langues. Ainsi, les livres
portant sur la Wicca, la sorcellerie, la haute magie et le féminisme, avoisinent des ouvrages
plus académiques axés sur l‘ethnologie, l‘histoire, l‘anthropologie, l‘archéologie et les
287
Le peu d‘ouvrages traduits en français est mentionné également par Marisol Charbonneau qui a fait ses
recherches sur le terrain à Montréal dans le cadre de ses études de maîtrise à l‘Université d‘Ottawa
(Charbonneau, 2008, p. 119).
265
mythologies. Enfin, le répertoire est plus vaste. Outre les ouvrages fondateurs de la
tradition, on note la présence d‘ouvrages thématiques divers portant notamment sur les
herbes, les cristaux ou d‘autres sujets utiles à l‘enrichissement de la pratique.
Avec Internet, plusieurs ouvrages sont désormais disponibles en ligne. Par conséquent,
l‘examen des sources écrites de la pratique n‘y revêt pas la forme physique tangible d‘un
parcours des rayons de bibliothèques personnelles. Lorsqu‘il est question de pratique
personnelle, dans un contexte où de nombreux wiccains pratiquent en solitaire, Internet
favorise la diffusion et l‘adoption de certains arts, rites et pratiques au moyen de grimoires,
de liturgies et de chants. À cet égard, Internet a une incidence considérable sur une certaine
forme d‘institutionnalisation, soit la normalisation. En effet, il est désormais facile
d‘accéder aux grimoires, de retrouver certains liturgies et chants – dont certains sont
compilés, écrits et notés pour la première fois –, et de se les approprier. Ces sources de
pratique sont objectivées : elles sont soit gravées sur un disque, enregistrées sur une clé
USB ou imprimées, en plus d‘être accessibles depuis les tablettes électroniques et les
liseuses.
Une autre source littéraire païenne288
est constituée de périodiques réunissant des auteurs
universitaires ou non. Certains wiccains ont produit et continuent de produire de la
littérature académique sur le paganisme. Depuis 1997, le bulletin The Pomegranate The
International Journal of Pagan Studies est publié quatre fois l‘an289
; des articles portant sur
des questions d‘intérêts divers rédigés par des auteurs académiques païens et non païens,
ainsi que par des païens non universitaires. Ces écrits proviennent tant des États-Unis, de
l‘Angleterre que du Canada. Les aspects historiques (chasse aux sorcières, pratiques
anciennes), archéologiques (par exemple les théories de Marija Gimbutas), l‘analyse de
l‘actualité sur les mouvements païens contemporains ou la pertinence de certains textes
fondateurs de l‘anthropologie (Murray, Frazer, etc.), ainsi que la recension des diverses
pratiques et des courants de la spiritualité païenne contemporaine ne sont que quelques-uns
des thèmes abordés dans le bulletin. Sous la rubrique « Recension », diverses publications
288
Originalement en papier puis sous format électronique. 289
Maintenant publié deux fois par année; mais leur dernier numéro date de 2010 (vol 12, no 2)
266
touchant de près ou de loin la question des paganismes sont discutées. The Pomegranate a
également été à l‘origine du groupe de discussions virtuels Journal of Pagan Studies, lequel
s‘ouvre sur les questions du paganisme contemporain.
Un dernier pan de la littérature païenne actuelle est constitué de guides pratiques. On y
traite de la reconnaissance des droits, de questions d‘éthique et de déontologie, des
difficultés rencontrées par les pratiquants homosexuels ou transgenres, ou encore de la vie
en coven. Fait significatif en matière d‘institutionnalisation, en l‘occurrence d‘un mode de
vie, ces ouvrages centrés sur les divers aspects personnels de la vie du pratiquant wiccain se
sont multipliés sur le marché au cours des dernières années290
. Des livres de ce type,
consacrés à la famille, sont à signaler. Ils proposent des rituels ainsi que des activités à
mener en tant que famille wiccaine. Ils prodiguent des conseils sur les manières de faire
face à certaines situations difficiles concernant l‘éducation des enfants et l‘interaction les
écoles et avec les enseignants. Le ton employé relève moins de celui de l‘injonction que de
l‘avis et de la suggestion (avenues et solutions possibles). La vie en société n‘est pas
négligée pour autant. Des publications portent sur le paganisme dans le milieu des affaires
ainsi que sur les difficultés rencontrées par le païen dans la vie de militaire.
D‘autres thèmes font surface dans des ouvrages sur la question du clergé païen291
, sur le
paganisme dans le milieu des affaires ou encore sur les difficultés de la vie de militaire en
tant que païen. Ces ouvrages, élaborés sous forme de guides ou de témoignages, sont pour
la plupart écrits par des individus qui ont vécu ces expériences et qui cherchent à les
partager pour des lecteurs susceptibles d‘avoir vécu ou de vivre présentement ces mêmes
difficultés. Certains de ces guides s‘adressent à des pratiquants solitaires qui cherchent à se
doter d‘outils pour acquérir des rôles souvent associés à la pratique en coven. Bien que ces
ouvrages soient majoritairement écrits par des pratiquants des États-Unis, ils sont
disponibles dans les boutiques du Québec et peuvent, par conséquent, influencer les
pratiquants qui les acquièrent.
290
Il est difficile d‘avoir une idée de l‘ordre de grandeur des publications sur ce sujet. 291
L‘auteur Kevin M. Gardner a d‘ailleurs rédigé quelques ouvrages au sujet du clergé au sein de la Wicca et
du paganisme.
267
Hormis la diversité des sources et des thèmes abordés, l‘examen des ouvrages révèle
surtout un changement perceptible quant à la portée et à la visée de la culture wiccaine. Elle
devient le savoir-faire de la Wicca et reste en vitrine, pendant que le savoir-être et le
savoir-vivre s‘élaborent et s‘installent. Les livres d‘introduction à la pratique de type
« 101 » sont toujours là. Or la publicité du mouvement, sa diffusion et l‘avènement de la
parentalité ont amené des pratiquants beaucoup plus expérimentés dans le cheminement à
prendre ou à reprendre la plume afin de développer leurs idées face aux nouvelles situations
vécues. Par ailleurs, des situations associées aux différences auparavant vécues dans
l‘ombre, telle l‘homosexualité, prennent un relief nouveau par l‘effet conjugué du nombre
d‘individus se réclamant de l‘identité païenne et de la publicité. Les questions d‘identité et
d‘orientations sexuelles (homosexualité, bisexualité et transgenre) ont pris de l‘ampleur sur
la place publique depuis les quarante dernières années. De prime abord, la diversité
d‘orientations sexuelles cadre bien avec la culture de tolérance des pratiquants. Pour
certains, néanmoins, les choses se compliquent lorsqu‘il est question de jouer un rôle lors
des rituels, car la Wicca est principalement basée sur la question de dualité et d‘équilibre
entre les forces masculines et féminines. Par conséquent, depuis quelques années, des
ouvrages qui traitent de ces questions font leur apparition sur les rayons des libraires. Finies
la couleur des chandelles ou la manière de dresser un autel. La question qui se pose
désormais est de savoir comment agir correctement et concrètement dans certaines
situations, comment s‘adapter aux nouvelles réalités, et comment interpréter sa
théo/théalogie dans un univers social élargi.
Du fait de la popularité et du caractère public de la pratique, l‘action des vecteurs externes
sur la vie personnelle des pratiquants passe beaucoup par les livres, et ce, malgré le fait que
la Wicca soit très ancrée dans une tradition orale. À travers les livres, ou encore sur les sites
Internet, s‘instaure, entre les pratiquants, un partage de connaissances, d‘expériences, de
normes et de solutions apparemment éprouvées et applicables en matière de droits
individuels ou d‘adaptation au milieu professionnel, social ou scolaire. Cela peut être le cas
seulement si le wiccain récepteur de ces notions décide d‘appliquer ces solutions proposées
268
et que le résultat escompté est atteint. Ces ouvrages introduisent alors une forme
d‘isomorphisme mimétique dans l‘environnement de leurs lecteurs.
5.3 Conclusion
Grâce à l‘ensemble de ces stratégies de collectes de données et des résultats obtenus, les
contours du phénomène d‘institutionnalisation de la Wicca québécoise se dessinent.
Quelques éléments de pression interne et externe se font sentir auprès des wiccains à divers
niveaux. En effet, les wiccains québécois s‘expriment sur les enjeux liés à
l‘institutionnalisation par divers moyens, et mènent des débats dans l‘espace public afin de
réfléchir à leurs conditions de vie et de pratique. À travers les discussions portant sur le
statut à accorder à un clergé wiccain (s‘il y a lieu) sur l‘établissement d‘organisations
officielles, sur les nécessités du réseautage virtuel, sur le rôle d‘Internet dans la vie
familiale et sur l‘éducation des enfants, se tissent des réseaux normatifs et s‘élaborent les
règles du savoir-être, du vivre-ensemble et de l‘existence en société.
Chapitre 6 : Synthèse : Vers un schéma
d’institutionnalisation multiévolutive asynchronique
We are an old people,
We are a new people,
We are the same people,
Stronger than before.
Par Morning Feather et Will Shepardson
L‘être humain est en état de transformation continue. Bien qu‘il reste essentiellement le
même, il apprend, il se transforme, il évolue, et cela se reflète dans ses interactions avec
tout ce qui l‘entoure, ce qui inclue les religions, les spiritualités et les institutions.
Pour sa part, la Wicca recèle en son sein une position contre l‘institutionnalisation de sa
pratique. La diversité, la fluidité, l‘adaptabilité, la liberté et la spontanéité ne sont que
quelques caractéristiques prisées par ses pratiquants. L‘image associée aux institutions
comme étant des entités immuables, rigides, homogènes et qui exercent un contrôle sur
leurs membres ressort des divers commentaires et positions des wiccains québécois. Par
conséquent, il est clair que pour plusieurs d‘entre eux, l‘institutionnalisation de la Wicca est
un objectif à éviter afin de préserver l‘état actuel des choses. Néanmoins, il ne s‘agit pas
d‘une perception partagée par tous les membres, puisque certaines manifestent une
acceptation du phénomène.
Comme mentionné dans le premier chapitre, Max Weber a proposé les concepts de
« domination du charisme » et de « routinisation du charisme ». Helen Berger a
adroitement souligné les limites de l‘application de la notion weberienne à la Wicca,
laquelle ne répondait pas davantage au schéma de la routinisation du charisme personnel
qu‘à celui de fonction. En fait, l‘exemple de la Wicca permet à Berger de restreindre la
portée du concept weberien de charisme en ciblant ses préoccupations « sociales », à savoir
la spontanéité et la créativité. Elle présente trois distinctions propres à la Wicca :
First, much of the routinization of Wicca has occurred through the sharing of
information in books and journals and on the Internet rather than through the
systematization of charisma by disciples. Second, the individuals who are
attempting to form churches or umbrella organizations justify their
leadership based on their administrative skills, not their religious purity.
270
Third, it is not the magical qualities of charisma that are being routinized but
the spontaneity and creativity of religious expression. (Berger, 1999,
pp. 101-102)
C‘est ce que l‘on constate sur le terrain au Canada et au Québec. Ce n‘est pas le charisme
de Gerald B. Gardner (1884-1964), en Angleterre, qui a amené les gens d‘ici à la pratique
de la Wicca; les personnes y étaient déjà attirées avec ou sans lui. Il n‘a que présenté le
nom de la pratique sur la place publique dans les années 1950. Ce sont les ouvrages sur le
sujet et surtout Internet qui ont fait croître la popularité de la Wicca depuis la fin des
années 1990. Le charisme a peu de place sur Internet. C‘est plutôt la popularité du nom de
la personne et sa notoriété, telles qu‘elles ressortent des résultats des recherches effectuées
sur Internet, qui font autorité. Il faut également ajouter la mise sur pied d‘organismes cadres
constitués comme la PFPC, qui viennent ajouter à cet aspect de routinisation. Certains
membres ont une plus grande habileté avec le langage administratif que d‘autres. Ce n‘est
pas parce qu‘ils sont « plus wiccains » qu‘ils se démarquent. Si on observe l‘évolution des
rituels publics au Québec, on constate qu‘une forme de routinisation se produit, mais celle-
ci n‘est pas en lien avec le charisme puisque ce sont rarement les mêmes personnes qui
organisent et dirigent les rituels. Or, des éléments de la communauté restent et se
normalisent, principalement les chants et les danses des rituels. Alors qu‘autrefois il y avait
une grande diversité, les pratiquants sur la place publique adoptent de plus en plus les
mêmes chants qui marquent en quelque sorte l‘identité de la communauté. Par conséquent,
il faut revoir les modèles d‘institutionnalisation et de transformation des groupes religieux
afin qu‘ils reflètent la réalité de notre société actuelle, notamment en ce qui a trait à la part
qui revient à la spontanéité et à la créativité.
6.0 Éléments d’intégration socio-politique
À travers les divers éléments exposés tout au long des chapitres, l‘intégration
socio-politique de la Wicca québécoise à la société générale se donne à voir. Premièrement,
la conformité aux lois assure un certain aspect d‘homogénéisation avec la toile religieuse et
spirituelle du pays. Ces éléments, qu‘ils soient des critères d‘incorporation ou encore des
formes d‘enregistrement permises et reconnues, créent des pressions sur la Wicca. Cette
dernière se plie aux normes en la matière, causant ainsi une transformation de ses propres
271
formes initiales. Que cela soit dans la structure (église, association, OSBL), la terminologie
(p. ex : inclusion du terme « clergé ») ou les types d‘activités (p. ex : services
d‘aumônerie), la Wicca publique s‘insère dans le champ religieux.
Par ailleurs, la jurisprudence en matière familiale (surtout dans les cas concernant la garde
des enfants) témoigne d‘une amorce de la normalisation de la Wicca auprès des
intervenants sociaux et des autorités publiques. Autant, dans les années 1990, la Wicca était
perçue de façon négative et pouvait contribuer à la stigmatisation du justiciable, autant que
dans les années 2000 à 2010 cette perception en est une plus neutre auprès des acteurs
juridiques. Le plus grand intérêt pour la sorcellerie, la magie blanche et la Wicca dans la
culture générale et les divers médiums médiatiques et sociaux (émissions de télévisions,
films, reportages, ouvrages littéraires, Internet.) contribue également à ce processus.
Mais les transformations qui proviennent de l‘extérieur de la pratique ne sont pas les seules
à contribuer à l‘intégration sociale des courants de la Wicca. Des facteurs et des pressions
internes agissent également sur le fonctionnement et l‘évolution de la pratique dans le sens
de la normalisation.
6.1 Évolution culturelle
Depuis son dévoilement public en 1951 en Angleterre par Gerald B. Gardner, la Wicca a
subi plusieurs transformations. Elle évolue toujours vers de nouvelles formes. Avec le
temps, plusieurs éléments se sont greffés à la pratique, tels que l‘écologisme, le mouvement
féministe et les pratiques appartenant à d‘autres religions ou spiritualités comme les sweat
lodges292
amérindiens. De plus, avec les mouvements féministes, la publication d‘ouvrages
concernant le paganisme, l‘utilisation d‘Internet et une popularité grandissante dans la
culture générale poussent la Wicca à passer d‘une pratique cachée à une pratique plus
publique et commune. Ajoutons à cela, l‘inclusion des enfants et de la pratique familiale,
l‘accessibilité vers une autre langue et la possibilité de la pratique virtuelle. Du coup, la
292
C‘est une loge, sous le principe d‘un sauna, habituellement utilisé dans les traditions amériendiennes, afin
de purifier le corps et l‘esprit afin de les préparer au travail spirituel.
272
Wicca se transforme, restant pour certains la même, mais en état continuel de
transformation.
6.1.1 Identification des courants de changements culturels religieux
Dans le premier chapitre, nous avons identifié quelques courants de changements culturels,
tels ceux de la religion de la nature, du paganisme, du néo-paganisme et de la Wicca. Grâce
aux données d‘observation de terrain et aux résultats du questionnaire, il devient possible
de départager l‘influence de l‘implantation nord-américaine sur le plan de l‘identification
individuelle du pratiquant, de même, pour l‘identification de l‘ensemble des croyances
ayant la nature au centre de ses préoccupations. Comme indiqué dans cet ouvrage,
l‘incorporation de la sacralisation de la nature aux pratiques wiccaines, particulièrement
jumelée aux mouvements écologiques, est ce qui caractérise la Wicca. Passant d‘une
religion de la fertilité (Gardner) à une religion de la nature, cette transformation de la Wicca
témoigne d‘emprunts culturels, ainsi de que l‘influence de pratiques de spiritualités
« autochtones » qui agissent comme vecteurs externes de transformation.
6.1.2 Retour sur la problématique de l’institutionnalisation
L‘institutionnalisation est un processus qui sert, entre autres, à régulariser de façon
« stable » les pratiques et les activités légitimes d‘un groupe donné. Dans le cas de la Wicca
québécoise, il y a des facteurs externes au mouvement, mais il existe également des
pressions à l‘intérieur de celui-ci. Bien qu‘une mesure d‘institution interne indépendante
existe sous la forme de coven, il existe parallèlement des formes non institutionnalisées
comme la pratique en solitaire. Ces deux formes de pratique coexistent et interagissent
entres elles.
Par l‘entremise de la Wicca, il est possible de voir diverses étapes du processus
d‘institutionnalisation. Première étape, le résautage : il y a, depuis les années 1990, une
augmentation des liens entre les divers organismes païens (covens, solitaires, moot,
festivals, etc.) afin de mettre sur pied des activités ouvertes à toutes les diverses pratiques et
traditions païennes (Ásatrú, Druids, Wicca, Heathen). Deuxième étape, l‘organisation : on
observe la création de divers organismes cadres tel que la PFPC (Pagan
273
Federation/Fédération païenne du Canada), la PPO (Pagan Pastoral Outreach), les Officers
of Avalon, la Gaïa Gathering (Conférence païenne Canadienne). Troisième étape, la
communication : de plus en plus d‘information sur les pratiques païennes et wiccaines
circule, et ce, encore plus avec l‘arrivée d‘Internet. Alors que dans les années 1970 il était
difficile de se procurer des ouvrages sur le sujet, on peut maintenant les retrouver dans les
librairies populaires et spécialisées, les bibliothèques universitaires et municipales, Internet
et les musées. Par conséquent, un défrichage de cette information est fait par certains
membres de la communauté, et des suggestions sont apportées à l‘ensemble. Dernière
étape, la diffusion des idées : par l‘entremise des conférences, des festivals, des bulletins et
autres médiums, des discussions ont lieu sur la situation actuelle au Canada et au Québec,
les processus d‘institutionnalisation, leurs droits et libertés ainsi que sur leur avenir. Il faut
retenir le fait que ces étapes ne se sont pas nécessairement déroulées dans cet ordre, et que
les processus se développent de manière indépendante et simultanée. L‘une des raisons qui
expliquent cette situation est que les mêmes gens se retrouvent dans divers grands
organismes et mènent plusieurs actions sur un même front. Par ailleurs, il importe de garder
à l‘esprit que la mouvance elle-même est travaillée par des enjeux d‘institutionnalisation
sur lesquels on débat ferme. Les transformations structurelles donnent cours à une
réflexion, ces deux éléments se conjuguant pour produire des trajectoires
d‘institutionnalisation aboutie — ou non aboutie — sur lesquelles on se penchera un peu
plus loin en fin de chapitre.
6.1.3 Individualisation et normalisation des pratiques : clé du changement
religieux
La primauté de l‘expérience personnelle a su trouver sa place au sein de la société
québécoise de plus en plus sécularisée, permettant par le fait même le développement de la
Wicca au Québec ainsi qu‘une croissance du pluralisme religieux. Dès lors, l‘individu, et
non la société, détermine sa propre croyance. On a pu constater que, parmi les éléments
présentés dans les différents chapitres, l‘individualisation de la pratique religieuse transpire
dans la Wicca québécoise. L‘individu joue un rôle important dans la transformation de
celle-ci de par ses choix et ses actions. Par conséquent, la diversité fait partie intrinsèque de
274
l‘identité contemporaine de la pratique; elle reflète l‘individu et non l‘ensemble des
pratiquants. Comme on l‘a indiqué dans le premier chapitre, l‘institutionnalisation n‘affecte
pas tout le groupe dans son entier de la même façon et en même temps.
Cependant, bien que la diversité soit présente de façon continue, on peut s‘apercevoir que
certaines parties de l‘ensemble se stabilisent dans le domaine de l‘espace public. À
Montréal par exemple, les participants à des rituels publics reviennent de plus en plus aux
mêmes chants lors de rituels, ou encore ils vont intégrer la spiral dance à une plus grande
fréquence, ce qui en, quelque sorte, vient marquer l‘identité publique de la communauté. La
spontanéité et la créativité sont toujours présentes, mais une forme de stabilité se manifeste
de par l‘utilisation d‘éléments communs et familiers de pratiques rituelles.
6.2 Les vecteurs d’institutionnalisation de la Wicca québécoise
6.2.1 Forces institutionnalisantes à l’intérieur de la Wicca
Dans les différents chapitres, il a été possible de percevoir les divers vecteurs
institutionnalisants qui agissent à l‘intérieur de la Wicca québécoise. Des tensions entre
l‘intégration des nouvelles générations et des cercles pour adultes, entre les pratiquants
solitaires et ceux de covens, entre la région et la métropole, entre le français et l‘anglais, ne
sont que quelques-unes d‘entre elles. Ces tensions internes contribuent grandement aux
transformations des individus et des communautés dans le sens de l‘institutionnalisation,
sans nécessairement tomber dans les catégorisations des isomorphismes.
6.2.1.1 Jeu de forces autour de l’institutionnalisation
Tensions entre les nouvelles et les anciennes générations
En général, la présence d‘une nouvelle génération dans la communauté wiccaine n‘est pas
nécessairement vécue ou appréhendée comme une source de tensions. La tension réside lors
de rituels. Habituellement, les cercles sont réservés aux membres d‘âge adulte, soit à partir
de 18 ans. D‘ailleurs, la pratique ne s‘adressait à l‘origine qu‘aux adultes. Cela dit, les
membres ont des enfants et les communautés cherchent de plus en plus la manière de les
intégrer sans imposer leurs croyances. C‘est pour cette raison que certains covens et cercles
275
acceptent d‘inclure les jeunes dans leur cercle ou, du moins, dans leurs activités. Certains
individus considèrent néanmoins que la pratique ne peut qu‘être réservée aux adultes.
Comme on l‘a vu dans les réponses données au questionnaire, l‘intégration des nouvelles
générations a entraîné certaines modifications notables dans la pratique. Il y a des créations
de cercles pour jeunes. Les rituels sont raccourcis. Il y a des covens qui ne pratiquent plus
la nudité en rituel (skyclad) et des traditions qui sont maintenant des traditions familiales.
Pour les rituels publics, certains arrangements sont faits lorsque possible, par exemple la
désignation de quelques individus pour surveiller les jeunes pendant la tenue du rituel ou la
création d‘ateliers pour les jeunes lors des festivals. Dans certains cas, les jeunes ont le
droit de participer avec l‘autorisation parentale (ou du tuteur) et du groupe qui anime le
rituel. La présence de ceux-ci amène à certains parents la motivation nécessaire de trouver
ou de créer une communauté, pour ainsi partager avec des gens aux croyances similaires.
L‘ensemble des besoins en lien avec une nouvelle génération crée des tensions avec ceux
des collectifs existants désireux de réserver la pratique uniquement aux adultes.
En outre, des innovations sont apparues en réponse à l‘adaptation à la vie quotidienne et
sociale et à l‘émergence d‘une nouvelle génération : il en est ainsi du wiccaning (baptême)
et des rites de passages vers la vie adulte. Les jeunes païens suscitent également des
changements du fait de leur intérêt et de leurs curiosités. D‘ailleurs, un cercle pour les
jeunes païens de 10 à 18 ans a été créé à Montréal en 2000 par Meri Fowler afin de
permettre aux jeunes d‘explorer divers concepts païens et wiccains. Depuis 2011, il existe
maintenant un cercle pour les plus jeunes de 5 à 9 ans. Il est à noter qu‘un document en
anglais provenant de la Colombie-Britannique qui a été créé en 1998 par une collectivité de
jeunes des milieux secondaires et universitaires. Le A Pagan Teen Survival Guide élaboré
par le Silver Spiral Collective est un document de 82 pages abordant les diverses questions
que peuvent avoir les jeunes sur le paganisme et la Wicca, tant sur l‘histoire des traditions
et les différences entres elles que sur le questionnement identitaire. De telles nitiatives
contribuent dans un premier temps au changement puis à une certaine normalisation de la
pratique auprès des jeunes, permettant ainsi une intégration dans les communautés païennes
dans leur ensemble.
276
Forces et tensions solitaires/coven
Depuis la sortie du livre de Scott Cunningham sur la pratique solitaire de la Wicca, la
popularité de cette forme de pratique s‘est vue propulser sur la scène des pratiques
néo-païennes. Du coup, il devient possible d‘être une sorcière wiccaine sans passer par un
coven; l‘individu peut alors se consacrer à la Wicca de son propre chef, de façon autonome.
Comme on l‘a vu dans les résultats du questionnaire et les observations sur le terrain, cette
possibilité a favorisé la popularisation de la pratique en Amérique du Nord, surtout auprès
des gens habitant les régions, ce qui a eu pour effet de créer des tensions entre les wiccains
de coven et les solitaires. Bien qu‘avec le temps ces tensions sont devenues moins fortes,
elles sont néanmoins encore présentes et exercent une influence sur les communautés
publiques. Des tensions de cet ordre étaient manifestes lors des premières conférences de
Gaïa Gathering (2005 et 2006) ainsi que dans le développement des traditions. Ces tensions
touchent à la question identitaire et ont amené certains wiccains à vouloir élever une
barrière afin de distinguer ce qui est Wicca de ce qui ne l‘est pas, ainsi que d‘identifier ceux
qui appartiennent à un coven de ceux qui sont des pratiquants solitaires. Les solitaires ont
été souvent critiqués comme étant moins forts dans leur magie, plus éclectiques et moins
connaisseurs des pratiques et des traditions. Si on en réfère aux échanges observés lors des
conférencesle simple fait de ne pas être initié dans un coven empêcherait, selon les
membres de covens, de se prévaloir de l‘identité wiccaine.
Bien que cette démarcation soit moins présente dans les depuis 2008, les tensions générales
entre les deux types de pratiques semblent à l‘arrière-plan des préoccupations publiques des
wiccains. Elles sont malgré tout encore présentes dans les discours et les opinions de
certains membres de diverses communautés, tant dans la province qu‘à l‘extérieur. Grâce
aux observations sur le terrain et aux commentaires émis par les répondants, on remarque
que ces barrières servent également à distinguer ce qui est issu de la lignée directe avec
Gardner ce qui ne l‘est pas par l‘utilisation, entre autres, de l‘appellation BTW (British
Traditional Wicca).
Tensions entre les régions et la métropole
277
Sans qu‘il ne s‘agisse d‘un vecteur direct d‘institutionnalisation interne, des tensions se font
sentir entre les gens habitant les régions et ceux issue de la métropole. De toute évidence, la
métropole de Montréal possède beaucoup de ressources de nature à soutenir et à alimenter
la pratique des wiccains et des païens. Montréal se caractérise par le plus grand nombre de
covens, de wiccains et de païens de la province. Bien que les tensions ne semblent pas
apparentes, on remarque que dans les propos des gens des régions, le sentiment de détenir
moins de liberté d‘expression religieuse en public les importune plus que pour leurs
contreparties à Montréal. D‘une part, le fait qu‘ils ont peu ou pas d‘accès directs à des biens
et des services amène les pratiquants de la région à adapter leur pratique et à créer
davantage leurs outils (athame, chandelles, par exemple), surtout en matière de documents
écrits et d‘accessibilité aux ouvrages sources. D‘autre part, l‘utilisation et la dépendance à
l‘information en ligne font en sorte que les pratiques développées sont éclectiques et, de ce
fait, n‘assurent pas nécessairement la transmission d‘une tradition particulière, ce qui
contribue aux tensions entre les solitaires et les pratiquants appartenant à un coven. De
même, cette inaccessibilité, comme on a pu le voir dans le questionnaire, accentue les
différences qui existent dans la conception même de ce qu‘est la Wicca. Les définitions ne
sont pas les mêmes et, par conséquent, l‘auto-identification en tant que wiccain devient
source de tension au sein des communautés plus traditionnelles, tel que soulevé lors des
conférences païennes. Au premier coup d‘œil, il y a plus de wiccains à Montréal, alors que
dans les régions, on parlerait plutôt de sorcières païennes éclectiques utilisant l‘étiquette de
la Wicca. Après vérification, il semble que cette observation soit juste. La présence de
covens de lignée gardnérienne et d‘autres traditions dérivées dans la région montréalaise
accentue grandement cette répartition démographique.
Tensions linguistiques : la place du français et de l’anglais
D‘origine anglo-saxonne, la Wicca est avant tout une religion qui se pratique en anglais.
Comme mentionné tout au long de la thèse, les traductions sont peu nombreuses et souvent
de piètre qualité, basant la traduction sur un vocabulaire catholique à défaut d‘un
vocabulaire adéquat correspondant. Cela fait en sorte que la façon de définir la Wicca
parmi les anglophones et les francophones ne sera pas la même, comme on a pu le voir
278
dans les réponses données au questionnaire. Cette diversité dans les définitions crée des
tensions entre les deux communautés linguistiques de la province, notamment en ce qui a
trait à la question de l‘auto-identification. Cette tension semble toutefois davantage reliée à
l‘accessibilité de l‘information, comme les textes « canons » de la Wicca qu‘à des tensions
créées par les individus eux-mêmes. À plusieurs reprises, des commentaires ont été émis
sur le terrain par des anglophones mentionnant le fait que ce n‘est pas la faute des
francophones s‘ils ne sont pas au fait de ce qu‘est vraiment la Wicca, puisqu‘ils n‘ont pas
accès aux ouvrages « canons » ou aux covens traditionnels. Par conséquent, ils n‘ont accès
qu‘à des versions diluées de la pratique publiées par les maisons d‘édition. Vue le peu de
tirage en raison du marché potentiel, des pressions provenant du milieu de l‘édition sont
donc mises sur le dos du pratiquant qui veut approfondir sa pratique dans sa langue,
l‘enjoignant, consciemment ou non, à apprendre l‘anglais pour y parvenir.
Malgré cela, des efforts d‘intégration des pratiquants francophones sont faits dans la
communauté. Que ce soit dans les bulletins locaux, les rituels publics ou les conférences,
les francophones sont acceptés, bien que ceux-ci se font parfois rares ou qu‘ils ne savent
pas que ces services sont disponibles. Plusieurs individus bilingues de la province tentent
néanmoins d‘offrir des traductions dans la langue de Molière des ouvrages, des bulletins,
des chants, des rituels, des grimoires et des sites Internet.
Ces tensions linguistiques viennent façonner la pratique et les communautés québécoises,
car elles doivent faire face à cette dualité identitaire. Cela est également exprimé lors des
conférences pan-canadiennes Gaïa Gathering qui, avec des efforts, font une place pour les
francophones, tant dans la documentation et les conférences que durant les rituels. On
mentionne ici que c‘est avec effort, car cette dualité de pratique se voit très peu dans le
reste du Canada. Ils doivent se faire rappeler la présence des francophones parmi les
pratiquants puisqu‘ils ne sont pas habitués à leur présence (quand on compare par exemple
avec les pratiquants provenant de Montréal).
279
6.2.1.2 Normalisation
À l‘intérieur même de la Wicca, il existe des vecteurs d‘institutionnalisation. De ce point de
vue, les processus de normalisation et de stabilisation des pratiques ont été privilégiés. La
normalisation provient principalement de la professionnalisation à l‘intérieur de la
mouvance wiccaine. C‘est par la création de normes et de méthodes de formation qu‘il y a
formation de spécialistes ou de professionnels.
Des clergés se forment (par exemple la CWABC et la WCC), les réseaux d‘information
deviennent plus nombreux et plus rapides, diverses stratégies de légitimisation auprès des
autorités publiques sont recherchées et utilisées, le nombre de membres augmente et la
professionnalisation rendue possible par les écoles prend de l‘ampleur (Berger, 1999,
p. 104). Tous ces aspects contribuent aux pressions menant à la routinisation du
mouvement.
On retrouve également le cas des écoles, des centres de formation et des cours indépendants
tel que mentionnés dans les chapitres précédents. Ces institutions sont ancrées dans une
logique d‘entreprise et se retrouvent sous la gestion de quelques individus. Si on regarde
dans les débuts de la communauté, la formation était principalement assurée par le coven.
Petit à petit, avec la popularisation de la pratique individuelle, certains membres
appartenant à des coven (ou ayant déjà été membres), ont commencé à donner des cours sur
la magie, les cristaux, les herbes, etc. Avec l‘avènement d‘Internet et des réseaux de
communication, le contact avec les élèves potentiels a permis de faire certaines publicités
par l‘annonce de cours sur des babillards électroniques et de groupes de discussions, ou
même par l‘entremise de boutiques ésotériques. Une demande grandissante de formation à
l‘extérieur du contexte de coven se fait, amenant la création d‘écoles de sorcellerie et de
services de formations par l‘entremise de boutiques comme la boutique « Charmes et
sortilèges » pour les francophones.
Parmi les groupes et les activités wiccains, on perçoit des vecteurs d‘institutionnalisation à
travers les observations faites sur le terrain ainsi que dans les réponses des sujets
280
interviewés, entre autres, par l‘imitation de la forme d‘un rituel ou la réutilisation d‘un
chant. En voici quelques exemples.
6.2.1.2.1 Chants, danses, rituels, festivals,
En ce qui a trait à l‘établissement et à la stabilisation des pratiques, les rassemblements de
types festivals et conférences jouent de façon notable sur la forme et le contenu des rituels,
des chants et des danses. Comme on a pu le constater sur le terrain, les chants et les danses
sont repris lors des rituels publics. Par exemple, les chants inscrits au début de chaque
chapitre de la thèse sont ceux que l‘on retrouve le plus souvent lors des rituels tenus à
Montréal depuis 2001. Plusieurs de ces chants proviennent des communautés de l‘extérieur
de la province. Ils ont été appris lors de festivals au Canada, aux États-Unis, ou encore ils
ont été amenés par des wiccains en provenance de l‘extérieur. L‘appropriation et la
répétition créent une forme de stabilisation reconnaissable sur la place publique par les
membres. Il en va de même pour les danses, tel que la spiral dance provenant du
mouvement Reclaiming de Starhawk. Cette danse est une façon de créer et de faire monter
l‘énergie lors du rituel. L‘expérience de l‘individu lors de son utilisation devient garante de
son efficacité et, par la même occasion, sert à le renforcer dans la pratique générale de la
communauté. Avec des activités de plus en plus publiques parmi les diverses communautés
wiccaines à travers le pays (festivals, conférences, journée de la fierté païenne), la
transmission des éléments ayant fait leur preuve en groupe profitera aux individus.
6.2.1.2.2 Conférences
Lors des conférences Gaïa Gathering, la CWABC distribue de l‘information quant à la
nature, au format et à la gestion associative. Il s‘agit d‘un travail en amont de la requête
effective auprès des autorités destiné à asseoir la légitimité des activités le temps venu.
Certains temples de la Colombie-Britannique et de l‘Alberta ont imité ce genre de
processus afin de se faire reconnaître. La présence de Québécois aux conférences païennes
canadiennes ainsi qu‘aux autres festivals à travers le pays les mets en contacts avec des
formes institutionnalisées et des techniques de gestion qui sont, non seulement plus
nombreuses, mais également propres aux mouvements païens. On réfère ici moins aux
membres individuels qu‘à des personnes faisant office « d‘animateurs communautaires ».
281
Lors de ces événements, les informations se transmettent et les expériences d‘organisation,
bonnes et mauvaises, se partagent. Cette transmission d‘information donne les éléments
nécessaires sur lesquels peuvent se baser de futurs organismes au Québec.
Il s‘agit d‘une piste empruntée par certains organismes déjà présents dans la province et qui
participent à ces conférences, tels que le CRPM (Centre de ressources païenne de Montréal)
et le Avalon Center. Lors de la conférence Gaïa Gathering de 2011, des membres du CRPM
ont présenté le Centre et son historique lors d‘un panel. À la fois enseignants et apprenants,
ils ont expliqué leur fonctionnement pour ceux qui seraient intéressés à mettre sur pied un
centre de ressources. L‘organisme fonctionne grâce à la présence de bénévoles et occupe un
espace laissé en don par la boutique Le Mélange Magique depuis août 2000. Le Centre de
ressources maintient une présence sur Internet et permet aux visiteurs de le suivre sur
Twitter, Facebook, blogue et podcast. Le Centre sert de librairie, entre autres, sur tous
sujets magiques, païens et d‘occultisme293
. Il donne également de l‘information concernant
les activités de la communauté montréalaise (rituels, rencontres, brunchs, événements,
ateliers, etc.) et les activités canadiennes et internationales. Il reste à savoir si, parmi
l‘auditoire de la conférence, des individus ou des communautés se sont inspirés de cet
exemple et l‘ont appliqué dans leur communauté.
Comme on peut le voir par ces deux exemples, les conférences agissent comme des
vecteurs d‘institutionnalisation interne à la fois sur les individus et les communautés dont
elles informent la structure.
6.2.1.2.3 Internet
Il a été fait mention de l‘influence qu‘a Internet sur la pratique wiccaine au Québec dans cet
ouvrage. L‘influence d‘Internet est manifeste sur la création de réseaux de communications
et de communautés, la maintenance des communautés, la diffusion d‘information et la
tenue de rituels. La disponibilité et la diversité des informations présentes sur le net,
comme les rituels, les grimoires, les forums, les groupes de discussions et les autres
293
Selon les ouvrages laissés en don au centre.
282
références, pour être virale, n‘est pas que virtuelle suivant une culture d‘expérimentation
bien caractéristique.
Ce réseau de communication virtuel a contribué et continue de contribuer au
développement des communautés publiques wiccaines et païennes québécoise, que cela soit
de façon positive ou non. À l‘instar des conférences, Internet devient une plateforme par
laquelle les vecteurs d‘institutionnalisation sont transmis, aidant ainsi à la création de
formes institutionnalisées nouvelles et diverses. À l‘image de l‘option « copier-coller »
utilisée en d‘informatique, l‘information qui est tirée d‘un individu, d‘une communauté ou
d‘un groupe, en personne ou virtuellement, et qui semble fonctionner, est reprise et adaptée
aux besoins locaux de ces utilisateurs. Que cela concerne la façon de tenir un rituel, le
choix des chants utilisés, les formes de rencontres sociales (p. ex. forums, moot, brunch,
conférences, etc.) ou l‘organisation de la tenue d‘événements publics (p. ex : journée de
fiertés païennes), tous ces éléments viennent contribuer à la stabilisation du mouvement par
une transmission virtuelle parallèle à une transmission de personne à personne.
6.2.1.2.4 Les livres et les bulletins
Parmi les éléments internes qui normalisent les pratiques se rangent d‘emblée les livres et
les bulletins. L‘analyse du WynterGreene a permis de cerner la circulation et l‘évolution de
concepts donnés dans une communauté. Ce qui a été soulevé, par l‘entremise des thèmes
dévoilés par les articles du bulletin, sont les sujets et les préoccupations qui circulent au
sein des communautés de Montréal en matière d‘institutionnalisation. Ces préoccupations
ont permis d‘identifier les divers éléments de normalisation qui ont lieu au sein de celles-ci.
Par conséquent, le bulletin en soi est un vecteur d‘institutionnalisation puisqu‘il est le
véhicule de transmission de ces éléments.
Cela est également applicable aux livres et aux textes que l‘on retrouve dans les
communautés wiccaines et païennes au Québec. On a déjà mentionné l‘existence de textes
« canons », c‘est-à-dire les ouvrages de Gardner ainsi que les textes d‘autres individus
importants dans la transmission de la tradition et de la pratique. Ces textes maintenant
publiés servent d‘ouvrages de base à la pratique, les grimoires personnels des pratiquants.
Or, comme mentionné, très peu de ces ouvrages ont été traduits vers le français. Ces livres
283
sont devenus des sources d‘inspiration pour la création et la publication de nombreux autres
ouvrages, principalement des guides sur l‘initiation de base à la pratique294
: comment
fabriquer ses outils, officier à des cérémonies telles que le handfasting ou des funérailles,
éduquer adéquatement ses enfants. On a vu qu‘en dépit des mises en garde à l‘effet que ces
textes ne sont que des suggestions, plusieurs individus viennent à s‘y fier et à reprendre tel
quel ce qu‘ils trouvent dans les ouvrages. Par conséquent, une autorité est octroyée à
l‘œuvre et à son auteur qui deviennent des vecteurs de normalisation et de transformation
de la pratique. Puisque les individus, surtout les pratiquants solitaires, se basent beaucoup
plus sur les ouvrages que sur une tradition transmise oralement, c‘est par ceux-ci que les
graines d‘institutionnalisation peuvent être semées. La reprise des descriptions de rituels et
de leur application lors de rituels publics ou privés en sont des exemples.
6.2.1.2.5 L’initiation et la formation
Outre les œuvres littéraires, la question de formation et d‘éducation dans le but de former
des pratiques dans la communauté pour la communauté est l‘élément de normalisation le
plus évident. Le milieu d‘enseignement généralement conçu comprend, dans le cas qui
nous occupe, les lieux d‘initiation à la pratique en communauté et les lieux ou activités de
formation « exotériques », destinés à un membership plus large et diversifié.
Le coven est une première forme d‘établissement d‘enseignement, puisque ses membres
reçoivent une formation lors de leur séjour au sein de celui-ci. La tradition à laquelle
appartient le coven dicte alors le type d‘enseignements qui y est prodigué. Les covens dit
traditionnels ou de lignée gardnérienne sont des exemples de stabilisation d‘un noyau de
pratiquants d‘une lignée particulière. Ils ne cherchent pas pour autant à normaliser la
mouvance wiccaine en général. De par leur structure hiérarchique, les individus et les
covens filles295
doivent se soumettre aux règlements internes à la tradition. C‘est le coven
294
Souvent le terme « Wicca 101 » est utilisé pour marquer le fait que ces ouvrages s‘adressent à des
néophytes. 295
Ce sont de nouveaux covens fondés par des membres d‘un coven ayant atteint un niveau élevé (soit 2e ou
3e degré selon le coven). Ceux-ci quittent le coven et fondent une nouvelle branche et deviennent plus ou
moins indépendants du coven-mère (selon la tradition), restant dans une même logique de fonctionnement et,
pour la plupart, suivant les mêmes règles que dans le coven initial quant au comportement des membres, de la
formation, de l‘initiation et de la structure du coven.
284
qui sélectionne ses membres et qui a le pouvoir d‘exclure ou d‘expulser un membre si une
personne ne respecte pas les règles de vie élaborées par le coven296
. L‘élaboration de règles
de vie communes à l‘intérieur d‘une tradition, peut se refléter dans la communauté publique
générale par l‘utilisation des outer courts. Les outer courts sont un cercle externe du coven
dans lequel le néophyte et futur membre reçoit une formation dans la lignée du coven. Cette
formation et le progrès du candidat au cours de son séjour dans le outer court va déterminer
s‘il est ou non compatible avec la tradition choisie. S‘il y a réussite, l‘initiation vient
marquer la conclusion de la première étape de sa formation, permettant ainsi d‘approfondir
ses notions et pratiques à l‘intérieur de la tradition. Dans le cas où il y a non-compatibilité,
l‘individu se voit refuser l‘accès au inner court et retourne alors dans la population générale
avec ses acquis de la formation reçue dans le outer court.
La transmission des connaissances vers l‘extérieur du coven peut se faire, comme on l‘a
vue dans le chapitre 5, par l‘entremise des écoles de sorcellerie. De fait, ce qui est sous-
entendu dans ce partage de connaissances est l‘autorité octroyée à un individu ou à un
organisme dispensateur. Cette autorité n‘appuie pas sur une vision du monde sa capacité à
s‘imposer aux autres, mais se fonde plutôt sur la maîtrise et la notoriété de la pratique et des
activités. Par exemple, l‘école Crescent Moon School of Magic and Paganism poursuit ses
activités depuis 1995. Offrant initialement des cours dans un salon qui étaient donnés par la
fondatrice de l‘école, Scarlet, l‘école compte maintenant au moins neuf enseignants. Les
cours sont dispensés dans une salle louée au « Mélange magique ». Il existe quatre niveaux
de programme sur une durée de plusieurs semaines pour chaque niveau. Des cours virtuels
ont été élaborés pour le premier niveau. L‘école offre des services répon0dant à un besoin
dans la communauté anglophone. Pendant ce temps, plusieurs individus ont suivi une
formation dans cette institution et sa réputation s‘est bâtie. Bien qu‘elle ne soit pas la seule
source de formation dans la région, elle est de plus en plus connue et avec chaque étudiant
qui en « gradue », une norme « flexible297
» dans la pratique vient s‘installer, surtout auprès
de pratiquants solitaires. Il reste à voir si à moyen terme une uniformisation des
296
À noter que l‘étude a porté seulement sur les activités publiques et non sur les aspects privés dans les
milieux de covens. 297
Nous utilisons ici le terme « flexible », car peu importe les normes de l‘école, il y a toujours promotion de
l‘adaptation aux besoins et aux particularités de l‘individu qui va l‘intégrer dans sa pratique.
285
connaissances et des pratiques sera détectée au sein de la communauté anglophone et si
cette dernière sera transmise aux pratiquants francophones.
Comme on l‘a soulevé, bien que la réussite de ces cours n‘octroie pas nécessairement un
statut identitaire propre à la Wicca, elle donne néanmoins une idée de la connaissance et de
la capacité du pratiquant. Par exemple, si un individu mentionne qu‘il a complété le
premier niveau à l‘école Crescent Moon School of Magic and Paganism, on peut s‘attendre
à ce que l‘individu connaisse les rudiments de base de la magie, tandis qu‘un individu de
niveau quatre aurait les capacités de faire de l‘aumônerie et de prendre un rôle de
leadership dans la communauté. La confirmation de la validité de l‘enseignement reçu va
résider premièrement dans l‘expérience de l‘individu en soi et, deuxièmement, dans
l‘exécution et l‘efficacité perçue par les autres pratiquants qui seront témoins des actions
posées et des connaissances exprimées.
Comme on l‘a vu, la formation se donne également par l‘entremise des ateliers ou des cours
dispensés par divers individus et groupes de façon indépendante des écoles de sorcellerie. Il
n‘y a pas de norme établie en ce qui concerne l‘enseignement et la formation. L‘individu
peut être autodidacte ou suivre des cours et des ateliers lorsqu‘ils sont disponibles, ou
encore s‘inscrire à une école dont la matière ne consiste qu‘en des enseignements portant
sur la magie, la Wicca ou le paganisme. Que cela se fasse au moyen de la formation au sein
d‘un coven, de cours offerts par des membres de communautés sous forme d‘ateliers ou de
cours offerts dans le cadre du programme d‘une école de sorcellerie, de cours par Internet
ou de formations de croissance personnelle, une formation est donné selon des normes
établies et selon l‘expérience de l‘enseignant ou de l‘organisation, qu‘elle soit ou non
inscrite dans une tradition donnée.
Bien que les pratiques diffèrent d‘un individu à l‘autre et qu‘une acceptation générale de
ces différences existe et soit encouragée, il se fait néanmoins une gradation des opinions sur
l‘enseignement donné suite à divers facteurs, notamment l‘efficacité de l‘étudiant, le statut
social de l‘enseignant et sa propre performance, la tradition auquelle appartient
l‘enseignant, l‘expérience de ce dernier, etc. À plusieurs reprises au cours de nos dix années
286
de recherche sur le terrain, il nous a été donné d‘entendre des commentaires comme :
« Cette école est bonne. », « Une telle est un bon prof. », « Il faut éviter de suivre des cours
à telle place, puisqu‘ils ne suivent pas des standards éthiques appropriés. », « Les cours par
Internet ne sont pas aussi valides que ceux donnés en personne. », etc. Ces divers
commentaires et opinions exprimés nous indiquent qu‘il existe une forme de normes
attendues parmi les wiccains québécois en ce qui concerne la transmission de
connaissances, et qu‘il semble que l‘initiation jouit d‘un statut prestigieux à part.
6.2.1.2.6 L’accroissement, la publicité et le passage des générations
D‘autres éléments concourent à la régulation et à la stabilisation du culte et des pratiques.
L‘augmentation de la population wiccaine au Québec amène avec elle l‘implantation
physique de la communauté. D‘ailleurs, la présentation du film Goddess Remembered au
cours de 1990 par le Concordia Women » s Centre à l‘Université Concordia a été l‘un des
points de départ pour la tenue de rituels publics à Montréal. Depuis, les besoins de trouver
un lieu de rituel public accessible (non seulement à la portée de tous, mais également pour
les personnes à mobilité réduite), à un coût modique et répondant aux critères nécessaires
amènent des problèmes. Il a même été fait mention lors de discussions informelles avec des
membres de la communauté montréalaise, que pour la tenue de rituels publics extérieurs,
par exemple dans un parc, les organisateurs de l‘événement devaient se procurer un permis
de la ville leur donnant le droit de tenir une activité folklorique dans un lieu public. Il
s‘ensuit que l‘idée d‘avoir un lieu ou un bâtiment appartenant à la communauté et
accessible à la grande communauté païenne de Montréal a été mentionnée lors de diverses
discussions avec des individus, ainsi que lors des conférences de la communauté
montréalaise.
Bien que rien de tel n‘ait été établi à ce jour, il y a néanmoins quelques centres locaux qui
ont débuté ce type de processus, tel que le Avalon Center de la West Island Pagan
Association. Ces derniers ont loué une salle au deuxième étage d‘un bâtiment et, avec le
temps ont agrandi, comptant maintenant trois salles et occupent presque tout l‘étage. Cela
leur donne la possibilité de tenir des activités pour les groupes de jeunes païens, des cours
287
et des ateliers, de tenir des rituels, d‘offrir des services comme une librairie et des services
de guérisons, etc.
L‘exemple de ce centre démontre les transformations qui s‘opèrent dans la communauté.
Ce n‘est plus une question d‘accommoder l‘absence d‘un lieu propice pour la pratique
publique, mais plutôt le besoin de renseigner et d‘informer les générations futures, de
maintenir et de créer des liens de réseautages et une ouverture vers la vie publique de sa
religion. Les diverses composantes de la communauté, autrement disparates, indépendantes
et isolées, viennent se greffer et s‘associer avec un point, tel que ce centre, pour contribuer
à leur tour, de diverses manières et à divers degrés, à la vie communautaire et à sa
transformation, tout en restant indépendantes. Ce type de centre n‘est pas exclusivement
wiccain, mais plutôt païen. Néanmoins, l‘implication de divers wiccains dans les activités
de la grande communauté païenne amène des éléments qui peuvent influencer dans une
direction ou une autre les actions des individus concernés.
6.2.2 Forces institutionnalisantes à l’extérieur de la Wicca
Maintenant que les forces internes ont été abordées, il faut considérer les forces
institutionnalisantes externes de la Wicca. Celles-ci ont une influence sur la transformation
de la pratique dans l‘espace public ainsi que sur le fonctionnement des organismes qui se
créent dans le milieu païen. De plus, des pressions sociologiques se font sentir auprès des
membres de la communauté païenne, notamment auprès des jeunes qui fréquentent les
institutions scolaires publiques. Cela a mené à la rédaction de documents informatifs sur le
paganisme pouvant être distribués aux institutions d‘éducation, tel que le document créé en
1998 par Cecylyna Dewr aux États-Unis298
.
6.2.2.1 Isomorphisme coercitif
Pour suivre la logique de l‘autorité publique et du champ religieux, qu‘en est-il des
éléments externes qui renvoient au façonnement juridique, administratif et
gouvernemental? Qu‘il s‘agisse des lois et règlements qui touchent la création
298
Voir annexe J : You Have a Pagan Student in Your School. A Guide For Educators.
288
d‘organismes ou des normes établies régissant la tenue d‘une célébration, la pratique de
rites de passage, les pressions et les exigences de conformité s‘exercent sur les
regroupements païens et wiccains, les amenant à modifier leur vision du monde.
6.2.2.2 Définition institutionnelle de la religion par les autorités publiques
Tout ce qui a trait à la réglementation concernant l‘établissement des églises, la
reconnaissance comme organisme de bienfaisance et religieux, le droit de célébrer les
mariages est de l‘ordre de l‘isomorphisme normatif. Il influe sur certains aspects de la
pratique. Des critères issus de la jurisprudence, de la loi et des règles administratives
s‘appliquent à la reconnaissance d‘un groupe comme une entité religieuse ou un organisme
de bienfaisance afin qu‘il puisse bénéficier d‘un avantage fiscal, par exemple le fait que ce
type d‘organisme doit répondre au critère de bienfaisance ou de l‘avancement de la
religion. Ainsi, il a été possible de voir que certaines de ces normes et certains de ces
critères ont eu pour conséquence d‘amener des individus et des covens à modifier leur
conception de structures d‘organisation interne et leur terminologie pour intégrer des
termes tels que « clergé », « congrégation » et « église » afin d‘obtenir le statut voulu. Il y a
même eu la création de covens conçus spécifiquement dans le but de procurer des services
« pastoraux » à l‘ensemble de la communauté comme les covens de la tradition Black
Forest que nous aborderons un peu plus loin.
6.2.2.3 La loi et les droits
Dans le deuxième chapitre, nous avons discuté longuement des lois et des règlements
touchant de près ou de loin les wiccains et la structure de la communauté païenne. La
portée du cadre juridique ne s‘étend pas seulement à la création d‘un organisme.
L‘encadrement touche aussi l‘acquisition des droits pour célébrer les rites de passage
importants comme le handfasting et les décès, le choix de sépulture, le droit à un service
d‘aumônerie (dans les milieux hospitaliers, militaires ou carcéraux) et les droits entourant
la garde des enfants lors de divorces.
En ce qui a trait au mariage, le Québec a un pas d‘avance sur les autres provinces en
permettant aux individus de se procurer une licence temporaire pour être célébrant, ce qui a
289
pour effet de diminuer la pression exercée sur les individus ou les groupes relativement à
l‘institutionnalisation pour obtenir ce droit. Néanmoins, cela n‘empêche pas certains
individus de se procurer par Internet des licences pour cette occasion ou même de faire
partie d‘un organisme pancanadien de clergés multiconfessionnels. Là où la pression peut
s‘exercer et demande des ajustements, c‘est lorsqu‘un groupe veut obtenir ce type de
permis de façon permanente. Il doit alors se conformer aux règlements établis par l‘autorité
publique concernée.
6.2.2.4 Aumônerie
Parmi les droits de la personne incarcérée, les droits à l‘égard de l‘égalité et de la liberté de
conscience et de religion comportent une obligation d‘accommodement par les institutions
carcérales. Plusieurs détenus deviennent des païens et des wiccains une fois incarcérés. Par
conséquent, ils vont demander à ce que leurs droits de pratiques soient respectés. Dans le
cas des prisons fédérales en Ontario, les autorités publiques ont initialement fait appel en
1991 à un coven qui travaille dans l‘espace public provincial, la Wiccan Church of Canada
(Gagnon, 2008b, p.160). Ces membres offrent des services d‘aumônerie. À partir de ce
moment, il y a eu développement et évolution des services d‘aumônerie offerts au pays. Ce
travail est également effectué par la PFPC (Pagan Federation/Fédération païenne du
Canada) et la Pagan Pastoral Outreach. Dans un guide consacré à l‘accommodement
religieux dans les prisons, des entrées consacrées aux pratiques wiccaines et païennes sont
dorénavant intégrées à celles des autres religions. Bien que ce type de travail ne soit
accompli que par quelques organismes, plusieurs individus s‘y vouent.
Le cas de l‘aumônerie est parlant à plus d‘un titre. Il se situe comme au confluent de
l‘isomorphisme normatif, de l‘isomorphisme mimétique et du processus de normalisation
propre aux regroupements wiccains. Le travail d‘aumônerie aurait commencé en réponse à
un besoin exprimé par des membres de la communauté. Par la suite, tirant parti d‘exemples
externes et d‘expériences initiales tant bonnes que mauvaises, un ensemble de méthodes, de
règles et de codes de conduite a été établi. Enfin, une formation est offerte à l‘interne,
laquelle s‘inspire en partie de « pratiques exemplaires » mises en œuvre par des organismes
290
spécialisés dans le travail d‘aumônerie. L‘exigence qu‘ont certaines institutions comme les
centres de détentions de respecter les droits et les libertés des individus a amené les
communautés à se doter d‘un service qui n‘existait pas auparavant au sein de la pratique
wiccaine.
Aujourd‘hui, il y a des programmes de formations d‘aumônier pour les milieux carcéraux,
militaires et hospitaliers, suivant les modèles existant dans chacun de ces milieux. Cela
n‘est pas le propre du Canada. On retrouve ces services d‘aumônerie païens et wiccains aux
États-Unis, en Angleterre et en Australie.
6.2.2.5 Temple déjà établi usant des définitions institutionnelles de la religion par les
autorités publiques
L‘exemple de la CWABC (The Congregationalist Wiccan Association of BC), existant
depuis 2004299
, fournit des éléments pertinents d‘isomorphisme mimétique. Ces temples se
sont conformés aux règles et aux définitions des autorités publiques de la Colombie-
Britannique. Ils sont devenus des entités incorporées aux fins de l‘officialisation légale des
mariages et autres sacrements. À ses débuts, la CWABC a eu des difficultés à mettre sur
pied et à maintenir les temples qui lui étaient associés. Certains d‘entre eux ont ouvert et
d‘autres se sont dissous. La rétention des membres était parfois difficile, mais il semble que
le temple a su passer à travers ces difficultés. Aujourd‘hui, la CWABC compte trois
temples, tous autonomes, mais liés par le respect du code d‘éthique et de la charte établis
par la société300
. La CWABC a également établi des règles par lesquelles les filiales de sa
société ne sont pas complètement autonomes, comme l‘émission de reçus de dons, les
échanges avec les autorités publiques, les questions touchant l‘ensemble des temples,
l‘ordination des membres du clergé, le travail d‘aumônerie et la possession de propriétés
299
D‘ailleurs, il y a eu plusieurs tentatives auparavant, dont la création d‘une église nationale en 1991, the
Congregationalist Witchcraft Association of Canada (CWA-C), avec des membres en Ontario, en
Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique. Voir http://www.thewicca.ca/articles/sam-wagar/cwa-bc.php. 300
Ces documents reflètent les formats que l‘on retrouve dans les règlements d‘incorporation provinciale (tel
que le droit de vote, les frais de membres, la structure minimale de gestion, les droits de propriétés, les
vérifications financières, etc.), mais intègrent également des éléments de fabrication « maison » propre à la
Wicca et au paganisme comme les termes utilisés, l‘expérience minimale requise pour être clergé, les règles
liées aux comportements, les questions relative à l‘initiation, les types de formations, les règles d‘exclusions,
etc.
291
immobilières301
. Les temples sont chapeautés par un conseil provincial et un conseil
général, tous deux ayant leur propre fonctionnement au sein de l‘organisme. Les officiers
du conseil provincial se basent essentiellement sur un modèle d‘association qui est
composé d‘un président, d‘un vice-président, d‘un secrétaire et d‘autres postes. Dans leur
cas précis, le conseil est constitué de six membres : le président, le vice-président
(coordinateur de festivals et, lorsque nécessaire, officier pour les questions d‘éthiques), le
Pursewarder (le trésorier), le Summoner (la personne qui s‘occupe du clergé et des
inscriptions des membres), le Public Information (la personne qui est en fait un poste
concernant la relation publique de la société) et le scribe (le secrétaire).
La présence de la CWABC aux conférences païennes et à d‘autres événements
pancanadiens lui a donné l‘opportunité de partager son expérience d‘institutionnalisation
avec les autres païens présents. Le fait qu‘elle a à la disposition des membres de la
communauté païenne canadienne les informations nécessaires pour la création d‘un
organisme similaire, a permis à d‘autres de les émuler ou même de suivre ses pas. Pour
l‘instant, il ne semble pas y avoir de groupes au Québec qui se sont inspirés de ce modèle.
Toutefois, même s‘il y avait peu de gens du Québec lors des conférences où cette
information était diffusée. Un temple s‘est formé en Alberta (CWAA). Il est fort possible,
qu‘à l‘avenir, la popularité grandissante de la conférence se traduise par une participation
québécoise plus marquée.
Un exemple d‘institutionnalisation non-aboutie au plus haut niveau est celui de l‘Église
Wiccane du Québec. Cette dernière se voulait une église pour les pratiquants francophones.
L‘un des premiers gros obstacles repérés fut l‘utilisation du terme « église », comme
mentionné au deuxième chapitre. À la résistance interne au projet soulevée par le nom s‘est
ajouté l‘irritant des « frais d‘inscription » pour les membres, frais destinés à couvrir les
coûts d‘incorporation. Lier la pratique à l‘argent a souvent eu un écho défavorable auprès
des pratiquants. Il faut ajouter à cela l‘inexpérience de certains membres fondateurs ainsi
qu‘un autre problème interne, soit la rétention des membres dans l‘église. Dans ce cas
particulier, le manque d‘expérience de la pratique aurait été un élément décisif auprès des
301
Voir la Charte de la CWABC : http://www.cwabc.org/?cat=23.
292
pratiquants francophones302
. Les quelques rituels publics en français tenus par l‘église, ainsi
que le site Internet, peu développé, n‘ont pas su attirer les membres escomptés. Bien que la
Wicca ne se concentre pas autour de personnages charismatiques, il semble que la création
d‘organismes conformes aux normes gouvernementales nécessite une certaine dose de
charisme de la part des initiateurs, du moins la notoriété publique et la reconnaissance de
leur art auprès des membres, afin d‘en assurer le succès.
6.2.2.6 Isomorphisme mimétique
Les traces les plus appuyées d‘isomorphisme mimétique sont redevables de la personnalité
juridique dont voudront se doter divers courants ou regroupements wiccains. De fait, les
groupes wiccains désireux d‘obtenir un certain niveau de reconnaissance légale doivent
majoritairement se conformer aux normes d‘organisation prévues par les autorités
publiques dans les secteurs associatifs et corporatifs. Ce faisant, soit ils chercheront à se
structurer à l‘image d‘autres groupes religieux connus d‘eux dans le champ. Ces groupes
sont majoritairement des groupes protestants dont on estime qu‘ils ont obtenu leurs statuts
avec succès; soit ils se verront incités, voire contraints, d‘emprunter les structures d‘autres
groupes religieux. Ainsi, en est-il de l‘utilisation du terme « Congregationalist », par les
fondateurs de la CWABC. Au Québec, la tentative d‘instituer une certaine fédération
religieuse n‘a pas abouti pour des raisons internes au mouvement, et non faute de modèles
religieux d‘emprunt. Les centres de ressources existent principalement sur des modèles
d‘organismes à buts non lucratifs. De fait, parmi les organismes païens et wiccains déjà
enregistrés ou incorporés, on retrouve majoritairement des centres de ressources, des
maisons d‘édition et des boutiques. Quelques individus offrent des services particuliers
(services d‘infographie, services de pratiques Shiatsu ou de Reiki, fabriquants de bijoux ou
de produits naturel, etc.) sur un plan d‘affaires en tant qu‘entreprises à but lucratif. Là où
des services généraux à la collectivité sont offerts comme officier à un rituel public,
prononcer une conférence communautaire, organiser et présider certaines activités de
rassemblement (brunchs, clubs de livres, projections de films païens, cercles pour hommes,
foires, etc.), ils le sont à titre bénévole par des individus appartenant — ou non — à des
302
Suite à des rituels publics, plusieurs commentaires ont été émis à ce propos par d‘autres pratiquants
présent. Ce qui a eu pour effet une réduction de nombre de participant.
293
covens, sans nécessairement faire partie d‘un organisme communautaire quelconque. Ces
types d‘activités empruntent aux organismes communautaires à l‘extérieur du paganisme
dans lesquels certaines personnes ont déjà œuvré par le passé et ont décidé de reproduire
dans le contexte de leurs communautés païennes.
6.3 Exemples de succès et d’échecs d’institutionnalisation
Afin de se forger un jugement global sur le processus d‘institutionnalisation, on se doit sans
doute de considérer l‘ensemble des observations disponibles. En effet, un éventuel constat
global dressé dans le sens de la normalisation et de la stabilisation des pratiques peut
donner une image univoque et simplifiée du parcours effectué dans la mouvance wiccaine.
C‘est la raison pour laquelle nous avons opté pour la mise en parallèle de tracés
d‘institutionnalisation tentée, aboutie ou interrompue pour chacune des formes privilégiées
de regroupements païens identifiés. On traitera tour à tour des covens, des regroupements et
des associations d‘individus dans l‘espace communautaire public ainsi que des conférences
païennes et des bulletins.
6.3.1 Covens
6.3.1.1 Cas d’institutionnalisation sociale aboutie
Au Québec, il existe plusieurs covens303
. Quelques covens ont des activités spécifiquement
publiques, alors que d‘autres restent principalement sur le plan privé en ce qui concerne
leurs activités. Parmi les covens ayant des activités publiques, le Northern Cougars, créé en
2003 comme branche de la tradition Black Forest fondée par Silver Ravenwolf aux États-
Unis en 1990304
, se démarque. Le coven de Montréal a obtenu sa charte en 2005 au sein de
la tradition305
. L‘organisation de la tradition est complexe, comptant plus d‘une vingtaine
de covens en Amérique du Nord ayant divers niveaux de gestion organisationnelle, allant
303
À noter qu‘il est difficile d‘avoir un nombre exact de coven, puisqu‘il ne s‘affiche pas nécessairement
publiquement. 304
Ce coven s‘identifie comme étant de la Wicca euro-celtique, de la sorcellerie shamanique et du mysticisme
est-asiatique. Ce coven se réclame d‘ailleurs d‘une lignée de covens gardnériens. 305
On parle ici d‘une charte interne à la tradition et non avec le gouvernement. Voir annexe K : Dépliant du
coven Northern Cougars et site Internet à l‘adresse : http://www.mtl-magicalcircle.ca/BFC/aboutus.htm ainsi
que le site du Black Forest Clan à l‘adresse : http://whitestagseminary.homestead.com/bfcfaq.html.
294
d‘une représentation locale, nationale et internationale. Diverses instances ont été créées
afin de régler des problèmes possibles à l‘interne ainsi que pour en faciliter la gestion en
vue de la croissance de la tradition.
Le coven montréalais, toujours actif, concentre ses activités sur la prestation de services
comme la formation professionnelle d‘un clergé destiné à œuvrer auprès de la communauté
païenne et wiccaine du Québec. Par conséquent, le coven n‘accepte à l‘entrée que des
membres réputés expérimentés dans la pratique de la tradition dont ils se réclament. En ce
sens, il est un agent de normalisation. Une formation de quatre ans au sein du coven est
exigée ainsi que des frais pour couvrir les coûts reliés à la formation et à la production de
documents nécessaires. Le coven fonctionne selon le modèle du coven-mère, tel
qu‘expliqué à l‘introduction, et comporte un système de fonctionnement à trois degré. Cette
structure et ces normes en place contribuent à la stabilisation d‘un corps clérical au sein
d‘une tradition.
Comme on peut voir, le coven s‘est inscrit dans une tradition déjà existante qui a fait ses
preuves avec le temps. Cette façon facilite son fonctionnement et son intégration aux
exigences des autorités publiques. Bien que, dans la communauté, l‘idée de former un
clergé spécialement pour les sacrements est vue par certains comme étant superflue. En
effet, ils y voient un dédoublement. Pour eux, tous les wiccains sont prêtresses ou prêtres
et, par conséquent, peuvent procéder à ce type d‘activités. Malgré cette opinion, le coven
semble fonctionner et maintenir ses activités, créant ainsi une base potentielle de clercs
pour l‘ensemble de la population païenne de la province.
6.3.1.2 Cas d’institutionnalisation sociale refrénée
De temps à autres, les covens (anglophones et francophones), participent à la vie publique
en organisant des rituels ou d‘autres activités. À travers les décennies, ils ne se sont ainsi
manifestés en public que de façon cyclique306
. Ils tiennent, pour la majorité, leurs activités
en privé, et entre eux. Ce simple fait témoigne d‘un souci de refréner l‘institution sociale de
la Wicca, ou du moins, de lui préférer le vécu communautaire et réservé d‘une tradition
306
À Montréal, ce cycle semble être aux quatre ans.
295
wiccaine particulière. Par ailleurs, au plan interne, l‘incidence recherchée en termes de
normalisation ou de stabilisation des pratiques semble tendre vers la vie en coven307
et la
transmission des connaissances à l‘intérieur de ceux-ci. Les membres de ces covens
peuvent être personnellement impliqués dans divers aspects de la vie communautaire
wiccaine, mais peu ont, pour l‘instant, fait connaître leurs services, de l‘ordre de la
formation et de l‘information, si ce n‘est que par la création d‘une outer court, une sorte de
noviciat.
6.3.2 Regroupements et associations d’individus
À part les covens, il existe des regroupements d‘individus appartenant ou non à des covens,
et des pratiquants solitaires qui prennent les rênes et tentent de créer des organismes dans
l‘espace public au sein des divers communautés païennes. Il existe même des
regroupements de professionnels païens, par exemple, les Officers of Avalon, et des groupes
d‘avocats.
6.3.2.1 Cas d’institutionnalisation aboutie
Plusieurs exemples peuvent être inclus dans cette section, notamment les centres de
ressources païennes déjà mentionnés, tel que le Avalon Center (fondé en 2008) et le CRPM
(fondé en 2000). Dans les deux cas, ces organismes ont été mis sur pied par un ensemble
d‘individus appartenant à diverses traditions wiccaines et païennes comptant plusieurs
d‘années d‘expériences dans leurs pratiques. Tous deux répondent à des besoins
d‘information, de réseautage et de services dans la communauté et fonctionnent maintenant
depuis plusieurs années.
Le CRPM fonctionne sur une base de bénévolat et de dons en nature. Malgré des difficultés
de constance de disponibilité de bénévoles, le centre réussit à maintenir ses activités. Il
organise et soutient divers événements qui ont lieu dans la région, qu‘ils soient en anglais
ou en français.
307
À noter que le coven est vue comme étant une famille. Par conséquent, bien que les divers individus ne
vivent pas physiquement ensemble, ils passent beaucoup de temps ensemble, que cela soit pour de la
formation, du travail magique ou pour la préparation de rituels.
296
Le Avalon Center fonctionne également sur la base de contributions volontaires. De la
sorte, il peut offrir des cours par des instructeurs, et certains services exigent des frais. Le
centre est également devenu un lieu où les jeunes païens peuvent se rencontrer et échanger
sur les sujets qui les concernent et les intéressent.
Ces deux centres agissent sur la normalisation et la stabilisation des pratiques en
fournissant, pour commencer, un lieu central, sécuritaire et ouvert à tous, ainsi qu‘en
offrant des services répondant aux besoins de l‘ensemble du groupe, que cela concerne
l‘information et l‘accès à la littérature sur des sujets touchant la Wicca et le paganisme. Ils
sont, comme nous l‘avons mentionné à quelques reprises, des lieux d‘échange, de partage
et de réseautage entre les divers membres, ainsi que des lieux offrant des cours ou encore
des liens vers de la formation amenant la professionnalisation de la pratique.
À noter que l‘on peut inclure dans cette catégorie les associations païennes étudiantes des
universités et collèges comme la CUPS (Concordia Student Pagan Society) qui fonctionne
depuis 1996. Cette association d‘étudiants rassemble des membres appartenant à diverses
traditions païennes qui sont soit pratiquants solitaires ou issus de covens. Cette association
étudiante offre des ateliers, tient des rituels et encourage la discussion sur divers aspects des
pratiques païennes. Elle a également une présence sur le net afin de maintenir le contact
avec ses membres et les tenir informés des activités à venir. Cette association est toujours
active au sein de l‘Université Concordia.
6.3.2.2 Cas d’institutionnalisation sociale non aboutie
L‘un des exemples démontrant une tentative de création d‘un organisme débuté autour de
2004 est celui de l‘Église wiccane du Québec. À quelques reprises, nous avons exposé les
éléments qui ont contribué aux difficultés rencontrées par les initiateurs du projet. Nous
avons identifié, parmi ceux-ci, l‘utilisation volontaire et autorevendiquée du terme
« église » par les initiateurs. Pour plusieurs pratiquants francophones, la mouvance
wiccaine ne saurait se retrouver sous le terme « église », même définie dans les visées
d‘incorporation comme un « regroupement de personnes animées d‘une même foi »308
.
308
Voir leur site internet à l‘adresse : http://eglisewiccannequebec.tripod.com/.
297
L‘association automatique faite par plusieurs avec l‘institution de la religion catholique a
fait le reste. Les promoteurs de l‘Église wiccaine ont dû à plusieurs reprises défendre leur
choix terminologique309
. Il faut ici noter, qu‘à l‘encontre des deux autres centres ci-haut
mentionnés, l‘Église wiccane du Québec tentait de se constituer à titre d‘association sans
but lucratif. À ce titre, les buts envisagés étaient la formation d‘un milieu de recherches et
de discussions sur la Wicca en français ainsi que la tenue de rituels publics en français dans
la région de Montréal. En raison des exigences gouvernementales relatives aux
associations, des frais pour maintenir le statut étaient exigés aux futurs membres.
Contrairement aux deux centres qui offrent une diversité de services à l‘ensemble de la
communauté, les services proposés par l‘église ressemblaient plus à une association
étudiante pour païens qu‘à des activités et fonctions associées à une « église » tel que la
célébration de sacrement offert par un clergé.
Du point de vue des associations étudiantes, la McGill Pagan Association (MPA) de
l‘Université McGill a connu plusieurs tentatives de mise en marche. Elle avait une présence
au sein de l‘université en 1993, a vu sa première tentative à ce statut s‘effondrer lorsque des
problèmes de gestion interne parmi les membres de l‘exécutif ont conduit à sa fin en 1998.
Quelques années plus tard, en 2003, l‘association renaît de ses cendres et le statut
d‘association étudiante lui est octroyé. Elle a été en fonction jusqu‘en 2007-2008.
6.3.3 Conférences païennes, forums et socialisation
6.3.3.1 Cas d’institutionnalisation aboutie
Au cours de nos recherches sur le terrain, nous avons observé l‘apparition de plusieurs
activités de stabilisation et de normalisation institutionnalisantes au sein des communautés
provinciales. Parmi les cas qui ont abouti, on compte la création de conférences païennes
dans la région de Montréal en 2002. Se basant sur des modèles crées par leur contrepartie
en Ontario, ces conférences ont permis le rassemblement et la socialisation des païens de la
région. Ces conférences s‘adressaient tant aux anglophones qu‘aux francophones, et à
309
À plusieurs reprises lors de différents rituels publics, le président de l‘ÉWQ a mentionné cette
problématique lors de nos échanges.
298
toutes les variétés de pratiques païennes. Bien qu‘elle ne soit pas tenue de façon régulière,
la conférence semble survivre et proposer un lieu pour les échanges de pratiques
exemplaires et de discussions concernant les problématiques rencontrés dans sa
communauté. Plusieurs organisateurs de ces conférences, sont également impliqués dans
d‘autres activités de la communauté comme le bulletin WynterGreene, les centres
communautaires, les boutiques et certains covens. Bien que la forme et la gestion de cette
conférence ne semblent pas tout à fait définies, elle se poursuit néanmoins, entre autres, par
l‘entremise de groupes de discussion et de blogues.
6.3.3.2 Cas d’institutionnalisation non-aboutie
On introduira ici le cas des réseaux de discussions et d‘animations communautaires. Il est à
souligner que les principales difficultés dans la communauté sont l‘absence de réseaux
d‘animations communautaires et d‘individus s‘impliquant dans la communauté, et la
surcharge de ceux impliqués, causant des épuisements. Malgré les bonnes intentions et la
volonté d‘offrir des services à la communauté, la charge revient souvent « sur le dos » de
quelques individus. Entre le travail, la famille, les études, le travail de coven (si la personne
fait partie d‘un coven), la mise sur pied des services comme les bulletins, des activités
spécifiques, les rituels publics et le maintien des réseaux de communication (virtuels ou
non), la charge et la pression exercée sur ces individus augmentent. À la longue, ceux-ci se
retrouvent souvent vidés d‘énergie et ne peuvent plus assurer la continuité de ces activités.
En conséquence, les rituels ne se font plus au niveau local et communautaire, les sites et les
groupes de discussion sur Internet cessent leurs activités et des projets sont abandonnés.
Cette situation était principalement visible au début de nos recherches sur le terrain. Entre
2001 et 2007, il y a eu plusieurs incarnations, surtout à Montréal, parfois co-existantes.
Auparavant, par exemple dans les années 1990, la communication se faisait principalement
soit par liste téléphonique, soit par l‘entremise de bulletins locaux. Au début de l‘an 2000,
la nouveauté de l‘accessibilité et de l‘utilisation d‘Internet par un plus grand nombre de
pratiquants a permis la transition des listes téléphoniques vers des envois groupés par
courriel d‘invitation et d‘annonce d‘activités. De plus en plus, certains groupes, covens et
individus locaux, ont créé des sites web. Ces sites demandaient un investissement d‘énergie
299
majeur pour ceux qui n‘étaient pas non-familiers avec la technologie. Une grande rotation
de ces réseaux s‘est faite jusqu‘en 2005 dans la communauté montréalaise. Bref, les
individus très impliqués dans l‘élaboration de ces activités publiques se sont retrouvés
surchargés, manquant de temps, d‘aide et de bénévoles; ils ont alors décidé de cesser leurs
activités un certain temps. L‘exemple du bulletin local WynterGreen témoigne de cet
aspect. Comme l‘oiseau mythique « phœnix », le bulletin s‘est transformé, a cessé ses
activités, a repris, pendant quelques temps, a cessé de nouveau ses activités, et ainsi de
suite. Il est donc à la fois abouti et non abouti.
6.3.3.3 Cas d’institutionnalisation littéraire aboutie
Mis à part les livres et les textes canons, nous avons vu que les bulletins sont un élément
important de diffusion d‘éléments institutionnalisants comme le WynterGreen, créé en
2003. Ce bulletin bilingue de Montréal aborde divers thèmes comme : les pratiques
rituelles, la question d‘autorité, la formation, l‘éthique païenne, l‘organisation, les normes
gouvernementales et l‘institution. Ce bulletin, qui a été largement diffusé d‘abord dans la
communauté païenne de Montréal à l‘échelle du pays, donnait une voix aux pratiquants
locaux sur les sujets qui les préoccupaient. Il devenait également une ressource pour la
communauté, notamment pour s‘informer sur l‘existence de divers groupes et covens de la
région, la tenue de festivals et d‘activités publics à venir, l‘offre de services divers, etc.
Pendant un peu plus de six ans, le temps de son existence, ce bulletin était le médium idéal
pour se tenir au courant de ce qui se passait dans la communauté montréalaise.
6.3.3.4 Cas d’institutionnalisation littéraire non aboutie
D‘un autre côté, dans le milieu païen, les bulletins ont souvent une courte durée de vie. Ils
sont souvent faits par des bénévoles et offerts soit gratuitement, soit à un prix qui couvrait à
peine leur fabrication. Plusieurs tentatives ont été faites à Montréal comme le Name of
Grove Here, Montreal Grove, Dragon’s Breath, Le chêne, La voix païenne, The Montral
300
Pagan Community Newsletter, 8 Sabbats, Montreal Pagan Newsletter, et the Old Guard310
.
La durée de vie de ces bulletins dépend largement et principalement du temps et de
l‘énergie des bénévoles impliqués, ainsi que du temps du rédacteur en chef. Souvent,
comme nous l‘avons déjà mentionné, ce sont les mêmes individus qui sont impliqués dans
divers aspects de la vie communautaire, sans compter le fait que ces mêmes personnes sont
également très occupées dans leur vie professionnelle et personnelle. Les épuisements font
partie de l‘équation. Puisqu‘il n‘y a pas de fonds à proprement dit pour payer des employés
consacrés à cette tâche, la stabilité des bulletins est remise en questions à chaque parution.
Néanmoins, dans la plupart des cas, une fois que le bulletin cesse d‘être publié, d‘autres
individus se mettent ensemble et reprennent les rênes du bulletin ou décident d‘en créer un
nouveau.
6.3.4. Communautés
L‘existence de communautés païennes à travers la province est constamment mise à
l‘épreuve. Le simple fait qu‘un groupe d‘individus se retrouve dans un même lieu
géographique ou virtuel n‘est pas suffisant pour qu‘ils se considèrent membres d‘une
communauté. C‘est l‘interaction des individus, leurs volontés et l‘effort investi pour former
un espace qui leur est propre et qui répond à leur besoins qui aident à la création de celle-ci.
Le fait que ces communautés ne sont pas exclusivement wiccaines s‘explique du fait qu‘ils
ne sont pas assez nombreux et que le coven est une petite communauté en soi.
6.3.4.1 Cas d’institutionnalisation aboutie
Au Québec, le cas de Montréal, comme on l‘a vu à plusieurs reprises, est celui d‘une
communauté qui a réussi. La pratique wiccaine existe depuis au moins les années 1960
parmi les pratiquants anglophones. Les covens et les pratiquants solitaires ont coexisté,
connaissant l‘existence des uns et des autres, mais sans plus. Vers la fin des années 1980 et
le début des années 1990, des activités publiques organisées par quelques individus, qu‘ils
310
Ce bulletin était également bilingue (La vieille garde) il a été publie pour la première fois en 1993. En
1995, le bulletin a changé de nom pour Ye Eald Weard pour devenir, en 1999, le Pentangle. Il a cessé ses
activités en 2002.
301
soient de covens ou des pratiquants solitaires, voient le jour. Peu à peu, les individus et les
covens travaillent ensemble pour créer un espace public. Les pratiquants francophones et
bilingues commencent également à s‘impliquer sur la place publique. L‘avènement
d‘Internet accentue les communications ainsi que la popularité de la pratique. Un bassin de
pratiquants de plus en plus nombreux voit le jour. Malgré les difficultés existant au début
de la formation de la communauté, un noyau est formé et persiste à mener à bien le projet.
Des échecs et des réussites marquent l‘évolution et, finalement, une communauté émerge et
semble prendre son propre rythme et se doter d‘outils afin de solidifier son existence. La
création de conférences païennes communautaires vient cimenter le tout.
6.3.4.2 Cas d’institutionnalisation tentée
Dans certaines régions du Québec, l‘idée de créer une communauté est très difficile, voire
impossible. Souvent, il n‘y a pas assez de païens, et parfois, s‘il n‘y a pas d‘infrastructures
en place (local, transport adéquat, etc.) ou encore que les quelques membres présents ne
s‘entendent pas, l‘entreprise est vouée à l‘échec. Tel est le cas pour la communauté de la
ville de Québec. À plusieurs reprises, les individus vivant dans la région de Québec ont
tenté de créer une communauté active par la célébration de rituels publics. La présence à
ces activités était faible, et les gens faisant partie de covens ou de groupes privés n‘étaient
pas intéressés ou peu enclins à y participer. Bien qu‘il existe une tradition de sorcellerie
dans la région, la Wicca en soi est une pratique récente et encore peu développée. Le bassin
de pratiquants est, par conséquent, moins important qu‘à Montréal. Les quelques covens
existant semblent vouloir rester dans le domaine privé, malgré le fait, qu‘en 2002, une
grande-prêtresse a lancé l‘idée de la tenue de rituels publics dans un groupe de discussions.
Le mécanisme s‘est mis en marche et des pratiquants se sont présentés, mais pas la grande-
prêtresse. Le rituel a néanmoins eu lieu, mais après quelques reprises du même scénario, les
individus ont coupé les liens avec le groupe de discussions qu‘elle animait et en ont créé un
autre dans le but de rassembler les gens à des activités publiques. Bien qu‘il y ait eu peu de
gens, les rituels ont eu lieu pendant un certain temps. Les déménagements de plusieurs
pratiquants actifs ont amené la fin de ces activités. Il y a néanmoins une volonté exprimée
302
par des pratiquants de retour dans la région de relancer le projet de création d‘une
communauté locale.
6.4 Modèle d’institutionnalisation multiévolutive asynchronique
Avec ces exemples en tête, il est bon de revoir l‘approche de James T. Richardson. Elle
intègre les facteurs internes et externes de transformation des mouvements culturels de type
religieux jusqu‘à considérer un scénario de transformation brusque et inattendue appelée
« déformation ». Selon Richardson, la déformation éventuelle de certains mouvements
religieux est due à la confluence d‘énormes pressions internes (augmentation des membres,
naissances dans le groupe, structure, idéologie, etc.) et externes (économiques,
gouvernements, réglementations, opinion publique, médias, etc.) au groupe. Pour qu‘une
déformation se produise, plusieurs pressions doivent se combiner pour produire des
évolutions ou changements dont les résultats sont parfois inattendus pour le groupe (Côté et
Richardson, 2001, p. 12).
Il faut prendre en compte le fait que la Wicca n‘est pas un groupe unifié ou local. Elle
s‘étend dans plusieurs pays et compte déjà plus de 150 traditions différentes, sans compter
les pratiquants solitaires. Il faut donc considérer que le point de départ est variable, que
l‘institutionnalisation ne se fera pas partout en même temps de la même façon, et que le
résultat ne sera pas le même pour tous les membres wiccains, d‘où son aspect
asynchronique. Il ne faut pas présumer non plus que l‘institutionnalisation se fait de
manière unilatérale ou uniforme. Par conséquent, plusieurs niveaux d‘évolution peuvent
avoir lieu, et un même organisme peut se voir réinstitutionnalisé si ses objectifs et ses
besoins changent avec le temps. Il peut donc exister une institutionnalisation du second
degré et ainsi de suite, d‘où son aspect multiévolutif.
Avec ces éléments en main, il est possible de tenter l‘élaboration d‘un modèle
d‘institutionnalisation multiévolutive asynchronique. En voici le schéma :
303
Processus abouti? Non
Interruption du processus
d’institutionnalisation et retour au
contexte original
P.e.
Mécanismes de
transformation
utilisés :
In, Ic, Im
Ressources externes
disponibles
Les besoins ressentis
Tous les éléments
nécessaires?Non
Oui
Nouvelles formes institutionnalisées et
contexte modifiés( A)
O
I
C
I’
C’
Premier processus
d’institutionnalisation?
Oui
Oui
Non
Nouvelles formes institutionnalisées et
contexte modifiés( A’)
O
I
C
I’
O’
C’
T.i.
Contexte culturel et social original
P.i.
I
C
I
C
Soupe primitive
Ressources internes
disponibles
Légende
Formes non institutionnalisées
Formes en processus d’institutionnalisation
Processus interrompu ou non abouti
Processus abouti
Figure 10 : Schéma de l‘institutionnalisation multiévolutive asynchronique
304
Voici de nouveau le schéma avec les exemples d‘institutionnalisation aboutie, interrompue
ou non aboutie :
Processus abouti? Non
ÉWQ
Dragon’s Breath et autres bulletins
Groupe de discussions
Communauté de Québec
McGill Pagan Association
P.e.
Mécanismes de
transformation
utilisés :
In, Ic, Im
Normes, lois, et
règlements des autorités
publiques
Modèles d’autres
mouvements religieux,
etc.
Rituels publics
Éducation des enfants
Formation
Information, etc.
Tous les éléments
nécessaires?Non
Oui
Nouvelles formes institutionnalisées et contexte
modifiés( A)
Gaïa
Gathering,
CWABC,
MPRC,
La vieille
Garde
I
C
Clergé
Crescent New Moon School of Magic
Coven Northern cougar
Communauté de Montréal
CUPS
Premier processus
d’institutionnalisation?
Oui
Oui
Non
Nouvelles formes institutionnalisées et
contexte modifiés( A’)
Ye Eald
Weard
I
C
WynterGreene
Clergé
Solitaire avec
formation
Avalon Center
T.i.
Contexte culturel et social original
P.i.
I
C
I
C
Soupe primitive
Chants et danses
Livres
Écoles et cours
Coven, etc
Légende
Formes non institutionnalisées
Formes en processus d’institutionnalisation
Processus interrompu ou non abouti
Processus abouti
Figure 11 : Schéma de l‘institutionnalisation multiévolutive asynchronique avec exemple
305
1- Le contexte culturel et social d‘origine est composé d‘acteurs sociaux, dans ce cas-ci
des individus (I) et des covens (C) (comme étant une forme d‘organisation minimale).
2- Dans ce contexte, des pressions internes (P. i.) et externes (P. e.), identifiées au cours de
ce chapitre, s‘exercent et se font sentir. Des besoins, auparavant inexistants, voient le
jour et forcent les acteurs sociaux à réfléchir aux solutions et aux options possibles pour
répondre à ces besoins. Ces besoins sont indépendants et peuvent apparaître à divers
moments dans le développement de la communauté. Ces mêmes besoins ne touchent
pas tous les acteurs sociaux à la fois. Certains besoins peuvent se faire auprès de
quelques individus, alors que pour d‘autres, ces besoins sont inexistants. Par exemple,
cela peut être dû, entre autres, au décalage qui existe entre l‘introduction de la pratique
pour les anglophones et les francophones.
3- Puisant dans les ressources disponibles au sein de la communauté païenne, à l‘extérieur
de celle-ci ainsi qu‘auprès des autorités publiques, on s‘aperçoit que les acteurs sociaux
font l‘utilisation de mécanismes de transformations, c‘est-à-dire l‘isomorphisme
normatif (In), l‘isomorphisme coercitif (Ic) et l‘isomorphisme mimétique (Im).
4- En l‘absence de tous les éléments nécessaires pour tendre vers une transformation
réussie, ou encore si le mauvais mécanisme de transformation a été sélectionné, il est
possible que le processus soit interrompu et que les acteurs sociaux impliqués
retournent au contexte original apportant avec eux leur expérience.
5- Les pressions et les mécanismes en place, les acteurs sociaux concernés
s‘institutionnalisent et de nouvelles formes institutionnalisées voient le jour, que cela
soit un rassemblement d‘individus et de covens (O), ou une transformation de la nature
du coven (C‘) ou encore la création d‘un individu institutionnalisé (I‘). De plus, comme
on l‘a mentionné, ces nouvelles formes coexistent avec les individus et les covens non
institutionnalisés. Elles ne les remplacent pas. Ce côtoiement entre les nouvelles formes
institutionnalisées et les acteurs sociaux original modifie également ces derniers,
puisqu‘ils les familiarisent avec la présence de formes institutionnalisées et de leurs
mécanismes. Certains individus et covens s‘institutionnalisent sans nécessairement
306
appartenir à une institution proprement dites. Par exemple, l‘individu qui va chercher de
la formation afin de devenir un célébrant pour les sacrements, mais qui ne fait pas partie
d‘un coven entre dans une logique de transformation par lequel il va utiliser des
mécanismes de transformation. Que ces mécanismes utilisés soient de nature normative,
coercitive ou mimétique, l‘individu se retrouve transformé en comparaison avec son
état original. Il est maintenant ancré dans une logique institutionnalisée, mais ne fait pas
partie d‘une institution. Par conséquent, il est devenu un individu socialisé (I‘).
6- Les nouvelles formes institutionnalisées vont à leur tour exercer une forme de pression
interne (P. i.‘) sur le contexte socio-culturel modifié (A‘) qui comprend toujours les
formes originales, mais inclus maintenant les diverses formes institutionnalisées.
7- Ce nouveau cycle va créer à son tour de nouvelles formes institutionnalisées,
comprenant cette fois–ci la possibilité de transformer les formes institutionnalisées
provenant de la première transformation (O‘), créant ainsi un nouveau contexte (A‘) et
ainsi de suite.
Avec ce schéma, on peut voir la complexité des interactions auxquelles doivent faire face
les institutions wiccaines. Ce n‘est pas un ensemble d‘individus se dirigeant vers une seule
et même forme d‘institution, mais plutôt une variété d‘acteurs sociaux indépendants,
s‘institutionnalisant à divers rythmes et à divers degrés.
Conclusion May the Circle be open but unbroken,
May the peace of the Goddess,
Be ever in your hearts,
Merry Meet and merry part,
And merry meet again.
Closing Chant, par Inkubus Sukkubus
L‘opportunité d‘être témoin d‘un processus d‘institutionnalisation religieuse est unique, qui
plus est en contexte de sécularisation. Comment s‘opèrent les changements? Quelles sont
les pressions internes et externes qui amènent la transformation d‘une mouvance vers une
forme plus institutionnalisée? Est-ce que le processus d‘institutionnalisation affecte un
ensemble de groupes et de personnes de façon simultanée ou par vagues? La forme
émergente se fixe-t-elle ou est-elle en constante évolution? Quels rôles la langue et le genre
prennent-ils dans l‘affirmation identitaire du pratiquant? Ce ne sont là que quelques
questions auxquelles nous avons tenté de répondre à travers cette recherche.
Le fait que la Wicca n‘ait pas de structure telle que nous les connaissons dans les groupes
judéo-chrétiens nous donne l‘opportunité de questionner les théories d‘institutionnalisation
et d‘en remanier les schémas afin de mieux rendre compte des cheminements de
l‘innovation religieuse au sein d‘une réalité sociale sécularisée.
Pour ce faire, nous avons tout d‘abord exploré les différents courants de changements
culturels religieux en abordant les concepts de paganismes, de religion de la nature et
d‘institution. Par l‘entremise des théories du néo-institutionnalisme, d‘isomorphismes et du
schéma évolutif de Richardson, nous avons pu élaborer un canevas de base, plus global que
le schéma de Richardson en même temps que plus ouvert à diverses possibilités d‘évolution
ou de transformation.
C‘est une fois que nous avons constaté les effets de l‘institutionnalisation et le
positionnement des Wiccains à cet égard que l‘on peut porter un jugement sur la question
de l‘intégration socio-politique. Nous avons abordé divers jalons de l‘implantation de la
308
Wicca québécoise, par l‘entremise d‘une analyse des vecteurs d‘isomorphisme via les
normes, les lois et les droits ainsi qu‘à travers la jurisprudence canadienne et québécoise.
Les groupes religieux et spirituels, qu‘ils soient majoritaires ou minoritaires, doivent faire
face à divers niveaux de réglementation émis par les gouvernements. Passant de la notion
du bien commun, des fins de bienfaisance, aux critères d‘avancement de la religion, les
définitions de la religion et les critères pour l‘incorporation religieuse dans la province et au
pays sont plutôt complexes, vagues et généraux. Malgré cela, ces règlements et ces lois
exercent des pressions sur les mouvements religieux. Avec l‘exemple de la Wicca, il a été
possible de rendre compte des transformations qui se sont opérées au sein de la mouvance.
La création d‘églises et d‘associations en témoigne. La célébration des rites de passage
comme le mariage et la mort ne sont pas régis par le droit; elles sont l‘affaire de préférences
personnelles et collectives, dont celles de la mouvance spirituelle au sein de laquelle on se
situe. L‘union entre conjoints, le décès, la sépulture et l‘inhumation représentent cependant
autant de droits de la personnalité prescrits par l‘autorité publique. Y conférer une
signification spirituelle, une portée symbolique particulière, vient maintenant en sus du
droit. Ce type d‘actions collectives amène la création de structures ou de véhicules
conformes, lesquels prévoient des personnes autorisées à célébrer le rituel pour et au nom
de la collectivité. L‘exemple de la CWABC en Colombie-Britannique est très éloquent.
Elle a formé un clergé afin d‘obtenir auprès de l‘autorité publique provinciale le droit de
célébrer des mariages et des enterrements selon ses croyances. Cette volonté d‘obtenir ces
droits spécifiques a obligé la CWABC à créer des structures administratives, par exemple le
clergé et la congrégation, qui sont reconnaissables par les autorités publiques. Ce clergé est
composé d‘individus ayant déjà une expérience et une formation en tant que wiccains, mais
qui doit également poursuivre une formation axée sur les divers aspects de leur futur travail
en tant que clergé représentatif de la communauté wiccaine locale.
Sur le plan social, le droit des personnes et de la famille influence aussi la condition et la
pratique des milieux religieux. Les questions de divorce et de garde d‘enfants sont
largement règlementées. Nous nous en apercevons lorsque nous examinons la
jurisprudence. Comme nous l‘avons remarqué dans les cas portant sur la garde d‘enfants
309
après un divorce, ce sont les décisions qui ont pour but l‘intérêt et le bien-être de l‘enfant
qui déterminent qui a la garde de ce dernier et non l‘appartenance religieuse du parent.
D‘ailleurs, à travers des exemples de jurisprudences canadiennes et québécoises, nous
avons observé l‘évolution de l‘utilisation de l‘appartenance religieuse du parent dans les
litiges, allant d‘un élément déterminant le caractère néfaste de l‘influence du parent à une
appréciation plus distanciée et globale du bien-être de l‘enfant. L‘association faite entre la
figure de sorcière et celle d‘une personnalité douteuse a fait place à une vision plus neutre
qui démontre une tendance vers la normalisation de la pratique et de son intégration dans le
tissu social général.
Or, les rites et les structures organisationnelles construites selon les normes
gouvernementales représentent une contrainte en même temps que, parfois, une structure
d‘opportunité. L‘exercice des droits de la personne a permis la création de nouvelles
activités, non prévues initialement par la mouvance, telles que les services d‘aumônerie.
Que cela soit dans les milieux carcéraux, hospitaliers ou militaires, au Canada, depuis 1994,
les wiccains et les païens se sont investis dans ce type de services. La hausse du nombre de
pratiquants et la popularité de la pratique ont également généré une demande d‘accessibilité
à des services propres à ses croyances et à sa religion wiccaine. Cela a entraîné la création
d‘organismes, entre autres, à travers la WCC (Wiccan Church of Canada), la PFPC (Pagan
Federation/Fédération païenne du Canada) et le PPO (Pagan Pastoral Outreach). Comme
nous l‘avons brièvement abordé, dans certains milieux tels que les prisons, plusieurs lois
institutionnelles, nationales et internationales enjoignent le SCC à fournir un service
d‘aumônerie à tout prisonnier qui le demande. Un accommodement raisonnable des
demandes est alors pris en compte selon les normes de sécurité internes et les Lignes
directrices générales, Régime alimentaire religieux ainsi que conformément au Manuel sur
la satisfaction des besoins religieux et spirituels. Cela amène les institutions
gouvernementales à entrer en contact avec les organismes pourvoyeurs de services
d‘aumônerie et, par conséquent, à leur imposer des normes de sécurité à la pratique
religieuse afin qu‘elle soit conforme aux limites permises au sein de l‘institution. Bien
qu‘elles ne constituent pas une influence sur l‘ensemble des wiccains, ces pressions
310
externes apportent néanmoins des éléments de changements à la pratique. Comme nous
l‘avons mentionné au chapitre 3, certains développements dans la jurisprudence canadienne
concernant d‘autres minorités religieuses pourraient avoir une incidence sur la pratique de
la Wicca comme la question du port du kirpan et le parallèle qui pourrait être établi avec
l‘athame.
Le tableau brossé dans les deuxième et troisième chapitres nous a donné un aperçu des
aspects normatifs du processus d‘institutionnalisation extérieur au groupe religieux.
Qui sont les Wiccains et comment s’inscrivent-ils dans la société québécoise?
L‘enquête par questionnaire nous a permis de rendre compte de diverses opinions et points
de vue qu‘ont les pratiquants sur la Wicca et sur son institutionnalisation dans le contexte
québécois. En plus des questions portant sur les caractéristiques socio-démographiques, le
questionnaire aborde les aspects touchant la perception que les wiccains ont de leur identité
et de leur cheminement religieux, ainsi que leur perception de ce qu‘est la Wicca et la
définition qu‘ils en donnent. Nous avons pu voir qu‘il existait une différence entre les
pratiquants francophones et anglophones dans l‘application du terme Wicca et de son
utilisation identitaire. Il semble que les francophones ont tendance à utiliser le terme
« Wicca » plus souvent pour identifier leur pratique que les anglophones. Cette tendance est
d‘autant plus évidente lorsque nous comparons l‘utilisation du terme entre ceux qui
habitent la région de Montréal et ceux qui habitent en région. L‘une des raisons se trouve
dans leur définition du terme. Là où les francophones de l‘extérieur de Montréal
l‘appliquent à un ensemble éclectique de pratiques de sorcellerie païennes inspirées par des
éléments des traditions gardnériennes, les anglophones semblent restreindre l‘utilisation de
ce terme aux traditions en ligne directe avec les pratiques et les traditions gardnériennes et
britanniques. Comme nous l‘avons vu dans les réponses au questionnaire, il y a une
corrélation entre l‘utilisation du terme « Wicca », la définition donnée à celui-ci et
l‘accessibilité des textes « canons » de la pratique. Puisque les textes fondateurs de la
Wicca n‘ont pas été traduits en français, on retrouve sur le marché des ouvrages qui
s‘inspirent et présentent une version diluée de ceux-ci. Par conséquent, on retrouve
également plusieurs autres ouvrages utilisant dans leur titre le mot « Wicca », mais dont le
311
contenu s‘applique à une diversité de pratiques magiques pas nécessairement reliées à la
Wicca traditionnelle.
Nous avons également exploré les questions de communautés, d‘organismes et
d‘institutions. La participation aux activités communautaires, l‘importance accordée aux
diverses communautés (physiques et virtuelles), et la disponibilité des services dans la
langue voulue sont une autre distinction qui ressort de l‘analyse. La question linguistique
est encore une fois un facteur important lorsqu‘il est question de communautés. Bien que la
communauté de Montréal tente de rendre une majorité de ses activités bilingues, les
services et les activités sont majoritairement offerts en anglais. Néanmoins, nous avons vu
que les pratiquants, tant anglophones que francophones, accordent une plus grande
importance aux communautés physiques qu‘aux communautés virtuelles. Malgré ce fait,
cette dernière n‘est toutefois pas négligeable auprès des pratiquants, puisqu‘elle est
l‘instigatrice de communications entre les individus et une source d‘information rapide et
accessible pour les pratiquants solitaires.
Que conclure des éléments de transformation internes à la Wicca? Une troisième section du
questionnaire comportait notamment des questions sur la formation, le clergé, l‘aumônerie
et le respect des droits et libertés. La question de clergé est encore très polarisée parmi les
pratiquants. Que cela relève de son utilisation, de son acceptation au sein des individus et
de son applicabilité à la Wicca, le terme de clergé figure maintenant dans le vocabulaire
wiccain. Les questions pragmatiques de l‘existence d‘un tel corps « religieux » ne sont pas
toujours vues comme étant nécessaires puisqu‘elles considèrent que ses adeptes ont tous la
possibilité de performer les rites de passage. En ce qui concerne la question d‘organismes et
d‘institutions païennes, malgré une position initialement défavorable à l‘idée, l‘utilité de
leur existence se fait sentir, et ce, malgré la crainte des pratiquants face à l‘application d‘un
seul modèle reconnu par le gouvernement sur l‘ensemble des pratiquants. Les fédérations,
les conférences, les associations, les centres de ressources et les écoles ne sont que quelques
éléments qui contribuent à la normalisation et à la stabilisation de la pratique.
312
Le questionnaire n‘a pas été la seule source d‘information ayant trait à son évolution
culturelle et aux vecteurs de changements au sein de la Wicca québécoise. Diverses
méthodes de collecte de données nous ont permis de voir les vecteurs d‘institutionnalisation
internes à travers des observations participantes, des sources imprimées et des entretiens
avec des propriétaires de boutiques. L‘observation participante nous a permis de voir les
éléments de normalisation dans les chants, les danses et les rituels publics. Le fait que nous
retrouvons de façon répétitive le spiral dance ou l‘utilisation d‘un même chant d‘un rituel à
l‘autre crée une forme de normalisation de la pratique et une norme aux yeux du pratiquant.
Les conférences païennes contribuent également à l‘institutionnalisation de la pratique
puisqu‘en plus de porter sur divers sujets touchant l‘identité wiccaine et païenne, elles
offrent des ateliers sur diverses pratiques, sont un lieu d‘échange de savoirs et
d‘expériences avec les autres participants, et permettent de discuter des services et des
besoins ressentis par les communautés. De plus, ces conférences deviennent une plateforme
de transmission de vecteurs institutionnalisants, car les participants y discutent, entre
autres, d‘établissement d‘organismes, de centre de ressources ou communautaires,
d‘enregistrement d‘entreprise et participent à des levées de fonds pour la tenue de leurs
activités. Ces éléments sont par la suite retransmis par le participant de la conférence qui
va, dans certains cas, appliquer ces nouvelles connaissances dans sa communauté locale.
Dans un autre ordre d‘idée, les boutiques sont également des acteurs dans le processus
d‘institutionnalisation. Elles servent également de plateformes de communication entre les
pratiquants et, dans certains cas, de lieux de rassemblements (pour des rituels ou des cours)
et d‘échange sur tout sujet qui les intéresse. Que ces boutiques soient physiques ou
virtuelles, leur présence aide à stabiliser la pratique en fournissant un point d‘interaction
avec d‘autres individus partageant les mêmes intérêts.
S‘il existe une composante de la mouvance wiccaine propice à la diffusion d‘éléments
d‘institutionnalisation, ce sont les bulletins locaux. Au moyen d‘une analyse par divers
procédés, nous avons ciblé le bulletin WynterGreene. Ce bulletin aborde et discute de
thèmes tels que l‘autorité, la formation, l‘éthique/la morale, la notion de changement,
l‘organisation, etc.). Il serait en quelque sorte un miroir grossissant de divers thèmes
313
touchant de près des aspects du processus d‘institutionnalisation à l‘interne, surtout
s‘agissant de la famille. Nous remarquons d‘ailleurs que ces thèmes se retrouvent
également dans les conférences sans avoir le même poids.
Dans un même ordre d‘idée, l‘analyse des ouvrages provenant du milieu païen et wiccain,
qu‘ils soient de nature académique ou non, nous donne un aperçu de leurs préoccupations.
Qu‘il s‘agisse d‘un partage de connaissances et d‘expériences personnelles, des
renseignements sur les normes gouvernementales et de solutions proposées en matière de
droit de la personne, d‘éducation des enfants ou encore de l‘adaptation du milieu de travail,
scolaire ou social, on y voit s‘exercer les forces et les pressions externes et internes au
mouvement. Ces éléments vont avoir une influence dans la mesure où l‘individu décide de
les intégrer à son environnement, soit par l‘application ou la diffusion de l‘information
reçue.
Vu l‘importance et la place prises par Internet et la communication virtuelle dans notre
quotidien, il est difficile de ne pas s‘intéresser à son utilisation par des groupes et individus
wiccains. Internet est un des meilleurs véhicules d‘information pour la Wicca québécoise et
une ressource essentielle pour le pratiquant wiccain solitaire. Non seulement le pratiquant
peut-il communiquer avec d‘autres personnes ayant des intérêts similaires par l‘entremise
de blogues, de réseaux sociaux et de groupes de discussion, mais il peut également y
trouver des informations, les rediffuser, suivre ou offrir des cours sur la sorcellerie et la
magie et participer à des rituels virtuels. Les questions d‘institutionnalisation sont présentes
à chacune de ces étapes. Les pressions, qu‘elles soient internes ou externes à la Wicca, se
font sentir même dans ce domaine virtuel. Que cela soit à travers les discussions portant sur
le statut à accorder à un clergé wiccain, sur l‘établissement d‘organisations officielles, sur
les nécessités du réseautage virtuel, sur le rôle d‘Internet dans la vie familiale ou sur
l‘éducation des enfants, des réseaux normatifs se tissent et les règles du savoir-être, du
vivre-ensemble et de l‘existence en société s‘élaborent.
L‘ensemble de toutes ces informations nous a donné la possibilité de voir
l‘institutionnalisation d‘un mouvement religieux en action. Les diverses tensions et les
314
pressions internes et externes sont des indicateurs clés du changement religieux, et le jeu de
ces forces contribue à l‘institutionnalisation d‘une mouvance ou d‘un groupe religieux. Ce
ne sont pas tous les mouvements religieux qui ont ou qui visent une structure statique,
homogène et immuable. Au contraire, certaines innovations religieuses évoluent dans un
espace où la diversité, la spontanéité et l‘adaptabilité sont présentes. La Wicca en est une.
Nous avons vu que l‘institutionnalisation est un processus qui régularise les pratiques et les
activités d‘un groupe donné. Diverses étapes sont nécessaires afin d‘y parvenir. Du point de
vue de l‘intégration socio-politique du groupe, des pressions externes amènent ce dernier à
se normaliser. Par la conformité aux lois en ce qui a trait à l‘incorporation et à
l‘enregistrement des organismes ainsi que dans la jurisprudence en matière familiale,
l‘isomorphisme opère. La présence de pressions internes amène à son tour des
modifications au sein même du groupe : l‘arrivée d‘enfants, la question de la langue de
pratique, la dualité de pratique (dans notre cas la pratique en solitaire et en coven) n‘en sont
que quelques éléments. La réutilisation des mêmes chants et danses, le renouvellement
annuel des festivals et des conférences, la publication de livres et de bulletins sont des
plateformes par lesquelles les vecteurs d‘institutionnalisation circulent. La
professionnalisation à l‘intérieur d‘un groupe par l‘entremise de formations, encadrées ou
non, est un important vecteur de normalisation des pratiques.
Ces trajectoires bien assurées ne signifient pas pour autant l‘institutionnalisation de
l‘ensemble de la mouvance. La juxtaposition de divers parcours et de leurs retombées
donne à voir une institutionnalisation que l‘on qualifiera de « multiévolutive
asynchronique ». Comme mentionné, la diaspora wiccaine est étendue et composée de
diverses traditions ainsi que de pratiquants solitaires. Elle n‘a pas de point central commun
à tous. Par conséquent, l‘institutionnalisation du mouvement ne se fera pas partout au
même moment. De plus, une même forme institutionnalisée peut passer et repasser
plusieurs niveaux d‘évolution afin de répondre à de nouvelles normes et de nouveaux
besoins qui apparaîtront au fil du temps. Le schéma rend compte de ces divers éléments,
vecteurs et tensions relevés au cours de la recherche ainsi que de mécanismes de
315
transformation. Il démontre la complexité des interactions existant au sein d‘un groupement
religieux.
Bien que la Wicca nous ait servi dans l‘élaboration de ce schéma, ce modèle pourrait être
adapté à d‘autres mouvements religieux et innovations religieuses ne correspondant pas au
le modèle traditionnel connu par les autorités publiques au Québec et au Canada. Cela
permet une inclusion dans les catégories sociologiques d‘organismes religieux alors
qu‘auparavant ils n‘étaient pas considérés, car le format idéal, unique et immuable n‘était
pas atteint. Mais nul n‘a besoin d‘être immuable pour être stable.
La société subit des transformations non seulement sur le plan du champ religieux, mais
également dans les autres champs (politique, économique, juridique). Le contact avec
l‘autre se fait de plus en plus rapidement, les échanges sont plus nombreux et l‘accès à
l‘information est théoriquement à la portée de tous. De nombreuses influences, tant de
l‘intérieur que de l‘extérieur de notre société, apportent des transformations et influencent
la direction que prennent nos institutions selon les besoins, que ce soit positivement ou
négativement. Nous évoluons constamment, mais pas toujours au même rythme. Certaines
formes sont appelées à réussir, alors que d‘autres vont échouer, mais l‘ensemble de ces
expériences est recyclé et de nouvelles tentatives vont voir le jour. Les mouvements
religieux en sont un exemple.
En ce qui a trait à la Wicca, il y a beaucoup à faire. Notre recherche a ouvert plusieurs
pistes de questionnements et de recherches possibles. Il serait intéressant de voir des
recherches sur les questions générationnelles au sein des pratiques religieuses, de voir à
long terme la conformité des groupes aux normes gouvernementales et si ces dernières
seront éventuellement influencées par la plus grande présence et importance de groupes non
conventionnels selon leurs normes actuelles. Les questions d‘accommodement des besoins
religieux et spirituels dans les milieux fortement institutionnalisés comme les institutions
carcérales, militaires et hospitalières sont également des avenues qui restent à explorer et à
développer en ce qui concerne les minorités religieuses.
316
Des études plus poussées sur les questions identitaires et linguistiques seraient également
une avenue. De par notre exemple avec la Wicca, lorsque la langue d‘origine de la pratique
diffère de celle du pratiquant, et lorsque le vocabulaire fait défaut, des problèmes
identitaires s‘en suivent. Cela n‘est pas uniquement le cas du français. La Wicca est
également pratiquée dans divers autres pays dont l‘anglais n‘est pas la langue nationale. Il
serait intéressant de voir comment la pratique est alors acquise et comprise dans la langue
du pratiquant. Le concept et la définition de la Wicca diffèrent-ils entre un pratiquant
allemand, brésilien, italien ou indien? Sont-ils reconnus et acceptés par les pratiquants
anglais et nord-américains? À quel niveau de la pratique les référents culturels de ces pays
influencent-ils la pratique? Bien qu‘abordé brièvement, il serait intéressant de pouvoir
déterminer à quel point les influences amérindiennes du Québec et du Canada se sont
intégrées dans les pratiques païennes des Québécois. Peu importe l‘avenue empruntée, il
reste beaucoup de questions sans réponse et d‘hypothèses à vérifier en ce qui concerne la
rencontre des innovations religieuses et des institutions. Cette recherche n‘en est qu‘un
élément contributoire à l‘ensemble qui espère pouvoir créer des pistes pour sa propre
transformation et son évolution.
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Officers of Avalon : http://www.officersofavalon.com/about.html (consulté la dernière fois
2012-06-11)
Pagan Pastoral Outreach :. http://www.paganpastoraloutreach.ca/ (consulté la dernière fois
21-08-2012).
Pagan Federation/Fédération païenne du Canada (PFPC). « The Witchcraft Law-Do we
have to worry? » http://www.pfpc.ca/en/bulletin/law.html (consulté la dernière fois
2005-02-01)
338
Pagan Federation/Fédération païenne du Canada (PFPC). « Professional Associations »
http://pfpc.ca/en/people/profassc/index.html (consulté la dernière fois 2005-02-01)
Silver Spiral Collective and Pagan for Peace. 20011998). « A Pagan Teen Survival
Guide », Obscure Pagan Press/Pagans for Peace: Abbotsford, Colombie-Britannique, 3e
edition, 82 pages.
The Witches‘ Voice (Witchvox) : http://www.witchvox.com/ (consulté la dernière fois
2012-03-01)
J- CHANTS
Anras Corban Arthen. Air I Am
Cathleen Shell, Cybele, Moonsea and Prune.1987. « Air Moves Us » dans Chants : Ritual
Music, Reclaiming Collective, 1987, Serpentine Music,
Compositeur inconnu. Closing Chant.
Gwydion Pendderwen. We Won’t Wait Any Longer (The Pagan National Anthem).
Ian Corrigan. Hoof and Horn
Morning Feather et Will Shepardson. 1987. « We are an Old People » dans Chants : Ritual
Music, Reclaiming Collective, 1987, Serpentine Music,
Rich Hamouris. 1986. We Are a Circle
Shekhinah Mountainwater. We are the flow
Susan Hurrell. 2005. Gaïa Gathering
Starhawk et Rose May Dance. Way to the well
Z. Budapest, We All Come from the Goddess
344
Annexe B : Millenial Gaïa
« Millenial Gaïa » statuette que l‘on retrouve de plus en plus lors des rituels des
conférences canadiennes.
Photo par : Mireille Gagnon
349
Annexe D : Lettre du PFPC
THE WITCHCRAFT LAW — Do We Have to Worry?
Letter written Feb. 23, 2001 (and not responded to)
The Hon. Anne McLellan, p. C., M.P.
Minister of Justice and Attorney General of Canada
284 Wellington
Ottawa, ON K1A 0H8
Re Criminal Code of Canada Part IX x. 365 — Pretending to Practice Witchcraft, etc.
The following section of the Criminal Code has been brought to our attention as a possible
cause for concern:
PRETENDING TO PRACTICE WITCHCRAFT, ETC.
Everyone who fraudulently
(a) pretends to exercise or to use any kind of witchcraft, sorcery, enchantment or
conjuration,
(b) undertakes, for a consideration, to tell fortunes, or
(c) pretends from his skill in or knowledge of an occult or crafty science to discover where
on in what manner anything that is supposed to have been stolen or lost may be found
(d) is guilty of an offence punishable on summary conviction.
We would like to know how sincere practitioners of witchcraft or divination might be
affected by s. 365. As well, we are interested to know whether or in what way this section
might be applied to adherents of the neo-pagan nature religion of Wicca, who often refer to
themselves as Witches and to their religion as Witchcraft.
As is pointed out in the Annotations to this section in Martin‘s C.C., 2001, divination (or
witchcraft) is not per se illegal, so it seems that the offence lies within the term
"fraudulently". Perhaps you could clarify for us what you believe must be present to
constitute fraudulence with respect to this offence.
We would appreciate hearing back from you as to how the government views the intent and
possible application of this law with regard to those who practice either witchcraft or the
Wiccan religion.
We have written the new Minister and again await a reply.
350
We were told over the phone by someone in the department that they would not comment on
the application of the law at any rate — interpretation is up to prosecutors and police. So
we asked our well-known Canadian Pagan Police Officer, Kerr Cuhulain, who said,
I‘m very familiar with this law: I‘ve lost count of the times that people have asked me
about it. My take on it is simply this: It is (as you suggested) intended for the prosecution of
fraud artists...I don‘t believe that the use of the term "witchcraft" in this law refers to
anyone‘s religious beliefs. It clearly refers to people who pretend to exercise magick,
sorcery, etc., as a means to separate people from their money.
Subsequently we heard that the government is planning an overhaul of the Criminal Code,
and this section (Part IX s. 365) is a likely candidate for attention. We will keep you posted.
In the meantime, our fellow Commonwealth country, Australia, is apparently planning to
rescind their similar law.
353
Annexe F : Gaïa Gathering
Par Susan Hurrell (2005)
In Gaïa‘ s name we gather
She‘s called to you and me
As pagans, as Canadians
The branches of Her maple tree
Our roots are deep, we love this land
So heart to heart and hand to hand
We gather here in Gaïa‘s name
In Gaïa‘ s name we gather
From circle, hof and grove
United by diversity
We seek to serve the Gods above
On many paths, we walk this land
So heart to heart and hand to hand
We gather here in Gaïa‘s name
So let us welcome each other
As pagan sisters and brothers
The Hidden Children no longer
Like Canada, we are strong and free
354
In Gaïa‘ s name we gather
To learn each others ways
For highest good, in fellowship
We celebrate our pagan space
To know ourselves, to heal this land
So heart to heart and hand to hand
We gather here in Gaïa‘s name
356
Annexe G : Dépliant du Centre de ressource païenne de
Montréal/Montreal Pagan Ressource center
(CRPM/MPRC)
359
Annexe H : Conférences païennes de Montréal
2e Conférence Païenne de Montréal (30 novembre 2003)
366
Thème général élément
Institution occurrence
contenu
Organisation structure
clergé
association
religion organisé
Absence hiérarchique
forme de pratique (cov/sol)
communauté
Autres
Autorité être sa propre autorité
expérience utilisé comme gage d’autorité
Pratique rituelle marriage/handfasting (Signification)
wiccaning (signification)
description
formules rituelles
Socialisation éducation/parenting
Normes gouvernementales lois
instances gouvernementale
reconnaissance
Cultures, communications accessibilité des sources
difficulté de traduction/perte de sens
expression de soi dans le rituel
Portée et diffusion de la culture wiccaine nombre de membres
réseautage
367
Annexe I : Liste des thèmes pour l’analyse de
Wyntergreene
pratiques
Représentations dominantes (mythes, croyances, dogmes) religion de la nature
Représentation en mode mineur Spiritualité alternative
Étique/Morale
présentation de soi auto-perception
comparaison
mettre sur pied d’égalité/association
auto définition/est une religion
rôle
Formation Livres comme sources
école de sorcellerie
coven
autres
Notion de changement
381
Annexe M : Questionnaire
Questionnaire
Pour/for
Évolution culturelle et intégration socio-politique de la Wicca au Québec : contribution à l‘étude des
spiritualités alternatives en contexte de sécularisation.
Cette recherche est effectuée dans le cadre d‘une thèse de doctorat à l‘Université Laval,
sous la direction de Mme Pauline Côté. Cette recherche a été approuvée par le comité
d‘éthique de l‘Université Laval (CIRUL #2004-001)/This research is accomplished within
the framework of a doctorat‘s thesis at Laval University, under the direction of Mrs Pauline
Côté. It has been approved by the ethics comity of Laval University (CIRUL # 2004-001)
Les questions suivantes ont pour but de recueillir des données d‘ordre statistique et factuel.
Toutes les informations seront confidentielles. Rien dans le rapport écrit ne pourra
permettre de vous identifier. / The following questions are for statistical purposes only. All
information will be held anonymously. Nothing will identify you in my written report.
Partie 1/Part 1 : Information générale/General Information
1) Quelle est votre date de naissance? (année/mois)/What is your date of birth
(year/month)? ____/____
2) Quel est votre sexe? What is your gender? F/W ________ H/M_______
autre/other_________
Il est à retenir que le masculin est utilisé afin d‘alléger le texte de ce questionnaire.
382
3) Quelle est votre orientation sexuelle? What is your sexual orientation?
Bisexuelle/Bisexual?____ Hétérosexuelle/Heterosexual?_____
Homosexuelle/Homosexual? ___ Autre/Other?____________
4) Quelle est votre langue maternelle? What is your mother tongue?
______________________________
5) Maîtrisez-vous d‘autres langues? / Do you speak other languages? a) Oui/Yesb) Non/No
5.1 — Si oui, lesquelles? / If so, which one?
6) Dans quelle région administrative du Québec habitez-vous? / In what administrativ
region of Quebec do you live in?
01-Bas-St-Laurent 02— Saguenay-Lac-St-Jean 03— Québec
04— Mauricie 05— Estrie 06— Montréal
07— Outaouais 08— Abitibi-Témiscamagne 09— Côte-Nord
10— Nord-du-Québec 11— Gaspésie-Iles de la Madeleine 12— Chaudière-
Appalaches
13— Laval 14— Lanaudière 15— Laurentides
16— Montérégie 17— Centre-du-Québec
7) Quelles sont vos occupations professionnelles, vos activités principales ou votre emploi
du temps? / What is your professional occupation or your main activity?
383
8) Quel est votre dernier diplôme d‘études obtenu? / What is your highest level of formal
education?
a) Diplôme secondaire/High school diploma
b) Diplôme collégial/College Diploma
c) Baccalauréat/Bachelor Degree
d) Maîtrise/Masters Degree
e) Doctorat/Doctorat Degree
f) Autre (spécifiez)/Other (specify) :
9) Quel est votre état civil? / What is your marital status?
a) célibataire/single
b) marié (e)/married
c) conjoint de fait/living partners
d) veuf (veuve)/widow
e) divorcé/divorce
10) Avez-vous des enfants? / Do you have children? a) Oui/Yes b) Non/No (Passez à la
question 11 /Go to question 11)
10.1 — Si oui, combien? / If so, how many?
10.2 – Si oui, précisez leur (s) âge (s)/If so, specify their age?
384
10.3 – Les enfants sont-ils arrivés avant ou après que vous aviez commencé à
pratiquer la Wicca? /Did you have children before or after being involved in Wicca?
________________________________
10.4 — L‘arrivée des enfants a-t-elle modifié votre façon de pratiquer la Wicca? a)
Oui/Yes b) Non/No
10.4.1 Si oui, de quelle manière? / If so, in what way?
10.5 — Avez-vous consulté des ouvrages consacrés à la Wicca ou au paganisme au
sujet des enfants et de la famille? / Have you read any books on Wicca or Paganism
concerning family and children? a) Oui/Yes b) Non/No
10.5.1 — Si oui, lesquels? / If so, which ones?
11) Affirmez-vous publiquement votre appartenance à la Wicca? / Are you public about
your involvement in Wicca?
Oui/Yes_________ Non/No _________
Pourquoi? /Why?
385
11.1) Si oui, à quelle catégorie de personnes? /If so, who knows?
a) Famille/Family b) Ami/Friends c) Collège de travail/Co-
worker
d) Autorité publique/Public authority (ex : recensement du gouvernement)
e) Autre/Other :
11.2) Portez-vous des bijoux ou des symboles qui vous identifient comme Wiccan :
/Do you wear identifying jewelry or symbols of Wicca in :
a) En public? /public? b) À la maison? /At home?
c) Au travail? At work? d) Aux événements publics? /In public events?
e) Autres moment? Other moments?
12) Croyez-vous que la Wicca joue un rôle dans notre société? Précisez./ Do you think
Wicca plays a part in our society? Specify.
13) Comment envisagez-vous votre rôle en tant que Wiccain dans la société
d‘aujourd‘hui? / How do you view your role as a wiccan in today’s society ?
386
14) Comment définiriez-vous la Wicca? / How would you define Wicca?
15) Selon vous, quelles sont les plus grandes difficultés rencontrés par les Wiccains au Québec? / In your
opinion, what are the greatest difficulties faced by Wiccans in Quebec?
Partie 2 /Part 2 : Itinéaire /Itinenary
1) Comment êtes-vous entré en contact avec la Wicca? / How did you begin to be involved
with Wicca?
a) Par un ami? /A friend?
b) Par la famille? /Family?
c) Par un livre? /A book?
d) Par l‘Internet? /The Internet?
387
e) Autre? /Other? Spécifié/Specify.
2) Depuis combien de temps pratiquez-vous la Wicca? / How many years have you been
involved with Wicca?
3) Qu‘est-ce qui vous a attiré à la Wicca? / What has attracted you to wicca?
a) La Déesse/The Goddess
b) La magie/Magic
c) Les croyances/beliefs
d) La sorcellerie et ses rituels/witchcraft and it's rituals
e) Autre? /Other? Spécifié/Specify.
4) Si tel est le cas, veuillez indiquer votre (vos) appartenance (s) religieuse (s) avant la
Wicca. / If it applies, indicate the religious path(s) you followed before Wicca.
5) Si tel est le cas, veuillez indiquer les raisons pour lesquelles vous avez délaissé votre
ancienne appartenance religieuse? If it applies indicate the reasons why have you left
your past religious path(s)?
388
6) Avez-vous procédé à une auto-initiation ou avez-vous été initié par un coven? Au
besoin, expliquer. /Did you proceed to a self initiation or were you initiated trough a
coven? Explain, if necessary.
7) L‘observation précise des dates du calendrier wiccain, la roue de l ‗année, est-elle
importante pour vous? Expliquez. / Is the precise observation of the Wheel of the Year
important for you? Explain.
8) Est-ce que vous vous identifiez à…/Do you identify yourself as…
a) Un sorcier? /A witch?
b) Un wiccan? /A wiccan?
c) Un païen? /A pagan?
d) Autre
(préciser)/Other (specify)
Partie 3 /Part 3 : Communauté/Community
4- Faites-vous partie d‘une communauté wiccaine de votre région? / Are you part of your
region’s wiccan community?
389
Oui/Yes Non/No
5- Faites-vous partie d‘une ou plusieurs communautés virtuelles (sur Internet)? / Are you
part of an on-line community ?
Oui/Yes Non/No
6- Ces communautés sont-elles ouvertes aux pratiquants appartenant à d‘autres
mouvements néo-païens? Are these communities open to other neo-pagan?
Oui/Yes Non/No
7- Dans quelle langue opèrent ces communautés? / In what language do these
communities function?
Dans votre région. / In your region. Français/French Anglais/English
Virtuelles. /On-line. Français/French Anglais/English
8- Quel type d‘activités ou de services sont-ils offerts par ces communautés? / What type
of activities or services are offered by these communities?
a) rituels publics/public rituals b) cours/courses
c) festivals/festivals d) atelier de magie/magic workshop
e) Autre /other :
390
9- Participez-vous à ces activités? Do you participate in these activities? Oui/Yes
Non/No
10- Utilisez-vous ces services? / Do you use these services? Oui/Yes
Non/No
11- Selon vous, quels services ou activités ne sont pas disponibles pour les Wiccains de
votre région? / In your opinion, what services or activities are missing in your region
for wiccans?
12- À votre connaissance, existe-t-il des associations wiccaines ou païennes dans votre
région? / Do you know if there are wiccan or pagan associations in your region?
Oui/Yes Non/No
13- Connaissez-vous les associations et fédérations à l‘œuvre à l‘extérieur de votre région? /
Do you know of existing wiccan or pagan associations outside of your region? Oui/Yes
Non/No
10.1) Si oui, lesquelles? / If so,
which ones?
14- Faites-vous partie de ces associations? /Are you part of these associations? Oui/Yes Non/No
15- Vous déplacez-vous pour participer aux événements d‘autres communautés de votre connaissance? / If
you know of other wiccan or pagan communities, do you travel to go to their events and activities?
Oui/Yes Non/No
391
16- Connaissez-vous ce qu‘est : /Do you know what the following: Gaïa Gathering? Wiccanfest?
Kaliedescope?
1.1. Si oui, avez-vous déjà participé? Si non, pensez-vous y participer un jour? / If so, have you ever
participated in one of their events? If not, do you think you’ll ever participate?
17- La participation à ces activités a-t-elle apporté un changement dans la façon dont vous vivez la Wicca?
/Has the participation to those activities brought any changes to the way you live Wicca?
Communautés virtuelles/Virtual Communities
18- Faites-vous partie d‘une ou de plusieurs communautés virtuelles (sur Internet)? / Are
you part of an on-line community ?
Oui/Yes Non/No
19- Quelle importance l‘Internet revêt-il pour votre pratique de la Wicca? / What
importance does the Internet has on your wiccan pratice?
392
20- Participez — vous à des rituels virtuelles avec d‘autres wiccains ou païens? /Do you
participate in on-line rituals with other wiccans or pagans?
Oui/Yes Non/No
17.1 ) Si oui, par quel moyens : /If so, what method is used?
a) Webcam?
b) Forum?
c) Clavardage? /Chatrooms?
d) Programme de monde virtuel (ex : Second Life)? / Virtual world programme (ex :
Second Life)?
e) Autre? /Other? Spécifié/Specify.
21- Utilisez-vous les sites de monde virtuel tels que Second life pour explorer et communiquer avec d‘autres
wiccains? /Do you use virtual world program such as Second Life to explore and communicate with other
wiccans?
Oui/Yes Non/No
18.1) Si oui, quels avantages et désavantages existe-t-il à utiliser ce type de programme? / If so, what are
the advantages and disadvantages of using such a program?
393
22- Quelle importance relative accordez-vous aux communautés? In what importance
would you rate these communities?
Très importante assez importante importante peu importante pas
important
Very important mildly important important not very important not important
Dans votre région 1 2 3 4
5
In your region
Virtuelle 1 2 3 4
5
On-line
Partie 4 /Part 4 : Matériel/Materials
1) Avez-vous de la difficulté à trouver de l‘information ou des livres sur la Wicca? / Do you have any
difficulties finding information or books on Wicca? Non/No Oui/Yes
Si oui, comment? /If so, how?
394
2) Les outils et les costumes sont-ils essentiels à la pratique? / Are tools and costumes
necessary for the practice of the craft?
Non/No Oui/Yes
3) Comment vous procurez-vous les matériaux nécessaires à la fabrication de vos objets utilisés dans votre
pratique? /How do you procure the materials needed for the creation of objects used within your
practice?
a. Dans la nature? /Found in Nature?
b. Fabrication artisanale? /Homemade?
c. Boutique locale? /Local shop?
d. Boutique à l‘extérieur de la région? /A shop outside your region?
e. Commande par Internet? /Internet order?
f. Autre?
/Other?
:
4) Avez-vous de la difficulté à trouver le matériel recherché? / Do you have difficulties finding the materials
you need?
Non/No Oui/Yes
5) Disposez-vous d‘un autel à domicile? /Do you have an altar at home?
Non/No Oui/Yes
6) Avez – vous de la difficulté à trouver des ouvrages portant sur la Wicca dans votre propre langue? / Do
you have any difficulties to find books on Wicca un your own language?
Non/No Oui/Yes
395
7) Connaissez-vous les auteurs suivants? / Do you know the following authors? :
Connaît/Kn
ow
Lu/Rea
d
Possède/Own
8- Gerald B.Gardner □ □ □
9- Viviane Crowley □ □ □
10- Doreen Valiente □ □ □
11- Raymond Buckland □ □ □
12- Janet & Steward Farrar □ □ □
13- Starhawk □ □ □
14- Scott Cunningham □ □ □
15- Autre/Other:___________
____
□ □ □
8) Avez-vous déjà suivi des cours sur la Wicca? / Did you ever had courses about Wicca?
Non/No Oui/Yes
o Si oui dans quel contexte : /If so, in what environnement? :
a. École de sorcellerie? / Witchcraft school?
b. Cour par Internet? /Internet classes?
c. Cour par correspondance? /Classes by mail?
d. Dans un coven? /Within a coven?
e. Autre/Other : ______________________________________
396
Partie 5 /Part 5 : Clergé/Clergy
1) Qu‘est ce que le terme « clergé » signifie pour vous? / What does the word ―clergy‖ mean to you?
2) Ce terme s‘applique-t-il à la Wicca? Expliquez. / Can this word be applied to Wicca? Explain.
Non/No Oui/Yes
3) Ce terme désigne-t-il l‘ensemble des Wiccains? Expliquez. / Can this word be applied to all Wiccans?
Explain.
Non/No Oui/Yes
4) Croyez-vous que la célébration du « handfasting » requiert la présence d‘un célébrant ayant le statut de
« clergé »? /Do you think it is necessary to have person with a clergy status to celebrate a ritual such as a
handfasting? Pourquoi? /Why?
Non/No Oui/Yes
397
5) Avez-vous eu recours à un Wiccain reconnu en tant que « clergé » pour la célébration d‘un rituel ou d‘un
rite? / Did you ever had to use the services of a Wiccan with ―clergy‖ statue to celebrate a ritual or a
rite?
Non/No Oui/Yes
6) Avez-vous suivi une formation en tant que « clergé » pour la célébration du « handfasting » ou autres
rituels? / Did you receive any clergy training in order to celebrate a handfasting or any other rituals?
Non/No Oui/Yes
7) Croyez-vous que les Wiccains considérés en tant que « clergé » devraient être rémunérés pour leurs
services? / Do you think Wiccan who are considered ―clergy‖ should be paid for their services?
Pourquoi? /Why?
Non/No Oui/Yes
1)
8) Quelle est, selon vous, la validité de la formation de « clergé » des gens ayant obtenu ce statut via
l‘Internet? / In your opinion, what is the validity of people which haved received « clergy » status via the
Internet?
9) Croyez-vous qu‘il soit nécessaire ou utile pour la Wicca d‘avoir un « clergé » aux fins de la
reconnaissance par les autorités publiques en place? / Do you think it is necessary or useful for Wicca to
have a « clergy » in order to be recognized by public authorities ?
398
Non/No Oui/Yes
10) Croyez-vous que les Wiccains devraient s‘engager dans le travail d‘aumônerie tel que dans les prisons,
les hôpitaux et les forces armées? /Do you think wiccans should be able to do chapelaincy work , such as
in prison, hospitals or the armed forces? Pourquoi? /Why?
Non/No Oui/Yes
11) Effectuez-vous un travail d‘aumônerie? / Do you do chaplaincy work?
Non/No Oui/Yes
11.1 — Si non : pensez-vous en faire un jour?
Partie 6 /Part 6 : Droits et libertés/ Rights and liberties
1) Existe-t-il un besoin pour une entité officielle telle une église ou une association à but non lucratif
aux fins de représentation de la communauté wiccaine? /Do you think there’s a need within the
wiccan community to have an official representing body such as a « church » or a non-profit
association?
Non/No Oui/Yes
Pourquoi? /Why?
399
2) En tant que Wiccain, croyez-vous disposer des mêmes droits et privilèges que les croyants ou
pratiquants d‘autres religions? / Do you think you are entitled to the same privileges as do other
religions?
Non/No Oui/Yes
3) Votre liberté de conscience et de religion est-elle protégée : /Is your freedom of conscience and
religion protected :
a. Dans votre lieu de travail? /In your workplace? Non/No
Oui/Yes
b. Dans la place publique? /In public places? Non/No
Oui/Yes
c. Dans votre vie privée ou familiale? / In your private or family life? Non/No
Oui/Yes
d. Autre endroits? /Other places?___________________________ Non/No
Oui/Yes
4) Dans votre milieu de travail, avez-vous été confronté à des préjugés ou à de la discrimination (directe
ou indirecte) en lien avec votre identité wiccaine? /Have you encountered prejudice or
discrimination (directly or indirectly) relative to your wiccan identity in the workplace?
Non/No Oui/Yes
4.1 — Si oui, pourriez-vous-indiquer de quelle manière? / If so, can you describe how?
Partie 7/Part 7 : Commentaires/Commentary
400
1) À votre avis, existe-t-il des aspects pertinents qui n‘ont pas été traités dans ce
questionnaire? / In your point of view, were there any important aspects that were
left out of this questionnaire ?
2) Avez-vous des commentaires à apporter? / Do you have any comments ?
3) Si tel est le cas, quel genre d‘études académiques préfériez-vous voir sur la Wicca à
l‘avenir? / What would you like to see in future studies about wicca?
401
4) Pouvons-nous vous rejoindre si nous avons d‘autres questions? /Can we reach you
if we have more questions?
Oui/Yes Non/No
Si oui, veuillez indiquer de quelle façon vous pouvez être rejoint. / If so, please
indicate how we can reach you.
Adresse/Address
Téléphone/Phone
number
Courriel/E-mail
Autre/Other
Pour toutes questions ou commentaires, vous pouvez nous rejoindre aux endroits
suivants : /For questions or comments, you can reach us at the following :
402
Annexe N : Description du rituel de Mabon
La description de ce rituel, tirée de nos observations sur le terrain à Québec en 2002.
Puisqu‘il importe pour nous d‘avoir la permission de diffuser les détails du rituel, nous
avons donc réutilisé le rituel du mémoire de maîtrise. Les prêtresses qui étaient présente à
ce rituel ont toutes reçu une copie de cette description.
Rituel du Mabon, Québec, septembre 2002 :
L’autel :
À l‘aide d‘une boussole, une table rectangulaire couverte d‘une nappe noire est placée face
à l‘est et orientés dans l‘axe Nord — Sud. Au centre de cette table, vers l‘est, un chandelier
à 5 branches avec des chandelles (brun, jaune, orange, jaune, brun). Devant, un petit balai
fait de branche verte. De chaque côté du chandelier, une coupe. À gauche (nord), la coupe
en argent remplie d‘eau (Déesse) et à droite, la coupe d‘or remplie de vin (Dieu). Devant le
chandelier, un disque blanc en céramique sur lequel est gravé un pentagramme sert
d‘encenseur. Du côté gauche on retrouve un panier avec un pain au raisin, et un autre
rempli de fruits et de légumes. Entre ces deux paniers, un petit coffret rempli de pierres et
de coquillages. Devant la coupe, il y a un petit encensoir avec un encens à la sauge. Devant
le panier de fruits, se trouve un petit bol d‘amandes. À droite du chandelier sont posés un
panier avec des épis de céréales, un petit bol de sel, un chaudron rempli d‘eau, une pomme
coupée en deux et des glands. Sur le côté ouest, une grande baguette magique faite d‘une
branche d‘arbre occupe une bonne partie de l‘autel. Une autre chandelle posée sur une
soucoupe est placée sur l‘autel pour la lecture des textes lorsque les lumières seront éteints.
Des feuilles mortes sont réparties un peu partout sur l‘autel. Sous une feuille, neuf pièces de
25 cents reposent près du chaudron pour la partie magique du rituel. Sous l‘autel, il y a un
petit tambour et le reste des provisions.
Autour de l’autel :
À chaque point cardinal, une chandelle est posée indiquant la direction et l‘élément appelé.
Est-jaune-air, Sud-rouge-feu, Ouest-bleu-eau, Nord-vert-terre. Des pierres sont placées
entre les chandelles pour former le cercle qui entoure les pratiquants et l‘autel, laissant
assez d‘espace pour circuler autour de l‘autel.
403
Disposition : Les pratiquants s‘installent autour de l‘autel en formant un cercle et se
préparent au rituel.
Une fois les chandelles allumées et les lumières éteintes, les sorcières,
assises ou debout autour de l‘autel, exécutent, chacune à leur façon, un
enracinement (grounding), c.-à-d. un exercice de visualisation utilisé pour se
préparer au rituel. Après quelques minutes, elles se lèvent et forment un
cercle autour de l‘autel. L‘une des prêtresses prend le petit balai qui est sur
l‘autel et se met à balayer l‘espace, sans toucher le sol, autour de l‘autel et
autour des prêtresses présentes. Elle fait un nettoyage d‘énergie afin de
purifier les lieux. Lorsqu‘elle a terminé, elle remet le balai sur l‘autel et
reprend sa place. Commençant à l‘est, une première wiccane prend l‘encens
de sauge déjà allumé dans l‘encensoir et une plume. Elle s‘avance vers la
personne à sa gauche et tourne autour de celle-ci dans le sens des aiguilles
d‘une montre, se servant de la plume comme d‘un éventail pour purifier
l‘espace autour de la personne. Une fois terminé, elle remet l‘encens et la
plume à cette personne nouvellement purifiée, laquelle purifie à son tour la
personne à sa gauche. L‘encens et la plume font ainsi le tour du cercle en
purifiant chaque participante, pour revenir jusqu‘à la personne initiatrice de
ce cercle de purification.
La purification terminée, la propriétaire de la baguette magique trace le
cercle dans le sens des aiguilles d‘une montre en partant de l‘est. Elle fait
trois fois le tour en changeant la hauteur de la baguette; la première fois au
sol, la deuxième fois au niveau de la taille et la troisième fois au-dessus de
la tête. Les wiccanes se retrouvent maintenant entre les deux mondes.
Une fois le cercle tracé, personne ne peut en sortir à moins d‘y faire une
porte avec la baguette. La baguette de retour sur l‘autel, les sorcières
entreprennent de faire l‘appel des gardiens des tours. Parmi les présentes,
quatre personnes ont été assignées à la tâche. Toute l‘assemblée se tourne
pour faire face à l‘est. Une prêtresse s‘avance vers l‘est (symbolisé par une
chandelle jaune) et, munie d‘une chandelle éclairant sa lecture, elle appelle
la tour de l‘est et l‘invite à la célébration. D‘une voix claire et douce, elle
chante un petit air (de Lorenna McKennit). Son chant terminé, elle remet la
chandelle sur l‘autel et reprend sa place. L‘assemblée tourne maintenant
pour faire face au sud. À son tour, la deuxième prêtresse s‘avance vers le
sud (symbolisé par une chandelle rouge) et invite à son tour le gardien de la
tour du sud. La troisième prêtresse s‘avance vers la chandelle bleue et invite
le gardien de la tour de l‘ouest en décrivant les aspects reliés à l‘élément de
l‘eau. Finalement, toutes se tournent vers le nord (symbolisé par la
chandelle verte) et la dernière prêtresse invite le gardien de la tour du nord
en se référant à la terre.
404
Une fois les tours appelées, elles invoquent la Déesse et le Dieu cornu. Pour
la Déesse, l‘une des prêtresses prend ses notes et récite la charge de la
Déesse, en français311. Ceci terminé, une pause est prise avant de
poursuivre avec la charge du Dieu. Une autre prêtresse lit à son tour la
charge du Dieu cornu, en anglais312. Suit une autre pause.
La pause terminée, les sorcières joignent les mains et récitent un chant en
tournant en rond autour de l‘autel, dans le sens d‘une aiguille d‘une montre.
L‘une des prêtresses s‘installe à côté de l‘autel (du côté est) et donne le
rythme pour la danse en tapant sur un petit tambour. Ce chant313
est répété
et répété, de plus en plus vite, suivant le rythme du tambour et de la danse.
Après quelques minutes, le « climax » est atteint et la danse s‘arrête. Le
cône d‘énergie est ainsi créé. Après quelques moments pris à se bercer dans
cette énergie, l‘une des prêtresses s‘avance près de l‘autel et parle du Sabbat
célébré, soit le Mabon, en indiquant qu‘il s‘agit de l‘équinoxe d‘automne,
un moment où le jour est égal à la nuit. Elle réfère au Dieu cornu qui
s‘apprête à mourir, s‘approchant ainsi de la fin du cycle de la vie. Elle
mentionne que le ventre de la Déesse s‘arrondit par la nouvelle vie (le Dieu
cornu) qui commence à donner des signes. La prêtresse parle encore de
récolte puisque Mabon est aussi la fête de la deuxième récolte.
Par la suite, comme c‘est la pleine lune, une célébration pour l‘esbat a lieu.
Une autre prêtresse s‘avance vers le petit chaudron d‘étain rempli d‘eau
posé sur l‘autel. En s‘adressant à la Déesse, elle opère de la magie en
transformant le chaudron en « wishing well ». Distribuant un 25 sous314
à
chacune des participantes, elle indique qu‘il faut faire un vœu et par la suite
mettre le 25 sous dans le chaudron. À tour de rôle, chacune met son 25 sous
dans le chaudron. Lorsque la dernière a terminé, elles se préparent au festin.
Prenant le pain, les fruits et les légumes, elles font passer les plats autour de
l‘autel en prononçant à tour de rôle une bénédiction. Elles font de même
pour l‘eau et pour le vin. Celle qui passe la nourriture prononce les paroles
suivantes : « Que tu ne connaisses jamais la faim ». Ce à quoi l‘autre répond
« Ainsi soit-il » ou « Blessed Be ». Lorsqu‘à leur tour les coupes passent les
paroles deviennent : « Que tu ne connaisses jamais la soif ». Par la suite,
assises sur le sol, elles partagent les aliments. Pendant plusieurs minutes,
elles mangent et elles boivent tout en parlant, soit du rituel soit de leurs
expériences passées ou de tout autre sujet de partage.
311
Cette charge est une traduction, fait par l‘une des prêtresses, de la charge de la Déesse écrite par Doreen
Valiente de la tradition gardnérienne. 312
Elles n'ont pas apporté une version française de la charge. 313
Freya Shakti Hecate Riannon Rhéa Maat et Morigan. Ce sont quelques noms utilisés pour identifier la
Déesse. 314
Elle signale qu'avec un peu d'imagination, le 25 cents représente sur un côté le Dieu cornu (le caribou) et
de l'autre la Déesse (le visage de la reine).
405
Une fois décidées, elles se lèvent et mettent en marche le processus de
clôture du rituel. La sorcière qui a prononcé la charge du Dieu cornu
remercie le Dieu de sa présence et l‘invite à retourner chez lui. Celle qui a
prononcé la charge de la Déesse remercie à son tour la Déesse de sa
présence et de son aide. Vient le temps de prendre congé des gardiens des
tours. L‘assemblée se tourne vers le nord et la prêtresse qui a appelé le
gardien de la tour du nord le remercie de sa présence et éteint la chandelle.
L‘assemblée se tourne alors vers l‘ouest et celle qui a invité le gardien de la
tour de l‘ouest fait de même. Ce geste est répété par celles qui avaient de
même appelé le sud et l‘est.
Finalement, la prêtresse propriétaire de la baguette magique ouvre le cercle.
Elle défait le cercle en passant trois fois autour du cercle dans le sens
contraire des aiguilles d‘une montre, en partant de l‘est. Elle passe sa
baguette au niveau au-dessus de la tête, au deuxième tour, au niveau de la
taille puis finalement au sol, s‘arrêtant à l‘est. Elle pose sa baguette sur
l‘autel. Le rituel est terminé.
406
Annexe O : La charge de la Déesse et du Dieu cornu
Cette version de la charge de la Déesse et du Dieu cornu de Doreen Valiente est une
traduction faite par deux des prêtresses de la région de Québec. Ces textes ont été distribués
auprès des participants des rituels qui ont eut lieu à Québec.
La charge de la Déesse
Écoutez les paroles de la Grande Mère,
La radieuse Bridgid, couronnée de feu,
Feu purificateur qui chassera l‘hiver :
Lorsqu‘en vient le besoin ou le désir,
Une fois par mois, surtout quand la lune est pleine,
Réunissez-vous en une place secrète
Pour m‘adorer en esprit, moi, la Grande Reine.
Ici il faut que vous vous rassembliez,
Vous qui voulez tout savoir des anciens rites,
Et n‘avez pas encore tout appris,
À vous j‘enseignerai tous les mystères.
Libres de tout esclavage,
Vous me célébrerez vêtus des seuls nuages;
Et vous danserez, chanterez et fêterez,
Jouerez de la musique et aimerez,
Pour ainsi m‘honorerez délicieusement;
Car est mienne l‘extase spirituelle,
Et mienne aussi est la joie des corps qui exultent,
Car l‘amour est ma loi, pour les êtres et les âges.
Conservez intacte la pureté de vos idéaux,
Et dirigez-vous toujours vers eux.
Ne laissez rien vous arrêter ou vous détourner de votre chemin.
Mienne est la porte secrète qui ouvre sur la Terre des Jeunes,
Et mienne aussi est la coupe de vin de vie,
Et le Chaudron de Kerridwenn, source de vie éternelle.
Je suis la gracieuse Déesse
Qui offre à tous les cœurs le présent de la joie.
Sur la Terre,
J‘enseigne l‘immortalité de l‘esprit,
407
Par delà la mort,
J‘offre la paix, la liberté, et les retrouvailles avec ceux qui vous
ont précédé.
Je ne demande aucun sacrifice,
Car je suis la Mère de tout ce qui vit,
Et j‘inonde cette terre de mon Amour.
Écoutez les paroles de la Déesse étoilée, aux pieds de laquelle trônent les hôtes célestes et
dont le corps encercle l‘univers :
Je suis la beauté de la verte Terre,
La blanche Lune parmi les étoiles,
Le mystère des eaux,
Et le désir présent en ton âme.
Lève toi et sans hésiter viens me rejoindre,
Car je suis l‘âme de la Nature,
Celle qui donne vie à l‘univers.
De moi toutes choses proviennent,
Et à moi toutes choses doivent retourner;
Devant mon visage aimé des Dieux comme des hommes,
Laisse ton moi divin le plus profond être enveloppé dans l‘extase de
l‘infini.
Laisse mon culte être présent dans les cœurs qui se réjouissent,
Car tout les actes d‘amour et de plaisirs sont mes rites.
Ainsi, laissez venir en vous de la force et de la beauté,
Du pouvoir et de la compassion,
De l‘honneur et de l‘humilité,
De l‘allégresse et de la révérence.
Et toi qui as pensé à me chercher,
Sache que ta quête et tes projets seront vains,
À moins que tu ne traverses le miroir :
Si à l‘intérieur de toi tu n‘as pas vu,
A l‘extérieur de toi tu ne saurais voir.
Car j‘étais avec toi depuis le début,
Et je suis ce qui est atteint au bout du désir.
409
La Charge du Dieu
Écoutez mon verbe et dansez la Spirale de Vie
Chantez ma mélodie d‘une existence accomplie
et chantez mon hymne de Mort et de Transformation
Car je suis Pan, Herne, Dionysos, Osiris
Gwyn Ap Neith, Zeus, Shiva, Cernunnos
Et tous les aspects du Dieu
Et je suis Tout et Rien dans les bras de mon Amour
Je suis le Phallus de Vie et la Semence
plantée dans les profondeurs de la Mort qui nourrit
et réconforte avec ma croissance
mourant et renaissant à travers les saisons de la Mère.
Je suis les Cornes du Pouvoir et les sourcils du Sage
À travers voiles et ombres, je chasse et je garde
Seigneur de la Chasse Sauvage et Gardien de la Paix Silencieuse
Regardez ma face tout autour de vous et connaissez les joies de
l‘orgasme et de la mort
transformés et renaissant dans le chaudron des rêves
Mes rites sont le Plaisir, la Joie et l‘Extase
Laissez la psyche s‘épanouir
et laissez l‘univers se détruire au zénith de vos rites
Qu‘il puisse être reformé dans l‘amour et le rire
Soyez forts, joyeux
passionnés, tendre, sage et humble
et vous grandirez en esprit
Tenez-vous à mes cotés sur la Terre et regardez autour de vous,
Vous êtes des enfants issus de tout
et vous devez vous nourrir les uns les autres
Que je puisse grandir en vous et murmurer mon chant à travers vous
sous le vent des saisons changeantes.