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ÉVOLUTION CULTURELLE ET ... - Corpus UL

Date post: 01-Mar-2023
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421
MIREILLE GAGNON ÉVOLUTION CULTURELLE ET INSTITUTIONNALISATION DE LA WICCA AU QUÉBEC DE 1990 À 2010 Thèse présentée à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l‘Université Laval dans le cadre du programme de doctorat en Science des religions pour l‘obtention du grade de de Philosophiae Doctor (Ph.D.) FACULTÉ DE THÉOLOGIE ET DE SCIENCES RELIGIEUSES UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2013 © Mireille Gagnon, 2013
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MIREILLE GAGNON

ÉVOLUTION CULTURELLE ET

INSTITUTIONNALISATION DE LA WICCA AU

QUÉBEC DE 1990 À 2010

Thèse présentée

à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l‘Université Laval

dans le cadre du programme de doctorat en Science des religions

pour l‘obtention du grade de de Philosophiae Doctor (Ph.D.)

FACULTÉ DE THÉOLOGIE ET DE SCIENCES RELIGIEUSES

UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2013

© Mireille Gagnon, 2013

Résumé

Comment penser l‘institutionnalisation religieuse à l‘ère de la dérégulation du croire? Qui

plus est, du point de vue de mouvances religieuses alternatives, partagent une déesse,

quelques traditions et sont dépourvues d‘un dogme commun?

À travers l‘exemple de la Wicca et à l‘aide d‘une approche néo-institutionnaliste, nous

proposons un schéma basé sur les principes d‘isomorphisme, axé sur des vecteurs clés de

transformation des « nouveaux mouvements religieux ». Parmi les vecteurs externes,

l‘enregistrement, l‘incorporation, et la prestation de services à la collectivité contribuent à

ancrer la Wicca dans le « champ religieux » délimité par la régulation publique. À l‘interne,

la diffusion des courants et des pratiques, puis l‘arrivée d‘enfants structurent une

communauté spirituelle.

La Wicca se situe à l‘interface d‘une dynamique qualifiée de multiévolutive asychronique.

Au Québec depuis les années 1960, la Wicca est une forme de sorcellerie contemporaine

initialement pratiquée en petits groupes d‘adultes indépendants, principalement

anglophones. Elle était peu impliquée dans les activités de type communautaire, et les

groupes avaient peu ou pas d‘interactions avec la société environnante. Avec le temps,

surtout au cours des années 1990 à 2010, la Wicca au Québec s‘est transformée de l‘apport

de pratiquants bilingues et francophones, puis de pratiquants dits « solitaires ». Passant par

l‘apparition de bulletins païens allant à réseaux de communications entre les divers groupes

et par la création de quelques centres communautaires, temples et organismes parapluie ce

ne sont là que quelques exemples de transformation au sein de la Wicca québécoise et

canadienne.

iii

Remerciements

Entreprendre une recherche de cette envergure demande de la collaboration et du support

de la part de plusieurs personnes sur le plan de la collecte de donnée, du support moral et

financier. Pour y arriver, plusieurs personnes se sont impliquées et m‘ont aidé à amener ce

projet à terme.

Premièrement, je tiens à remercier ma directrice de recherche, Mme Pauline Côté, qui a

accepté d‘entreprendre la direction d‘un deuxième projet sur la Wicca. Sa franchise, sa

curiosité ainsi que les encouragements multiples qu‘elle a prodigués au cours de cette

recherche ont permis de mener à bien cette thèse. J‘aimerais également remercier Marisol

Charbonneau pour avoir donné des conseils, des suggestions, des pistes de recherche et de

me prêter son divan lors de mon passage à Montréal lorsque j‘assistais des rituels ou des

conférences. Un merci est aussi lancé à Patrick Bellavance pour son aide avec l‘insertion du

questionnaire sur une page web. C‘était un travail dont il fallait surmonter quelques

problèmes techniques, mais qui s‘est avéré fort utile et très apprécié. À Dre

Lucie

Marie-Mai Dufresne, de l‘Université d‘Ottawa, qui, toujours de manière sympathique, m‘a

encouragé à poursuivre les recherches sur ce sujet en français, qui a été une source

d‘information utile et qui a prodigué de nombreux conseils ainsi que son amitié. À

Marie-Françoise Guédon qui avait officialisé brièvement en tant que codirectrice.

Deuxièmement, j‘aimerais remercier ceux et celles sans quoi ce travail n‘aurait pas été

possible : les wiccains et les païens du Québec et du réseau pancanadien. Qu‘ils soient

propriétaires de boutiques ésotériques (physiques et virtuelles), éditrices de bulletins

locaux, membres des centres communautaires tels que le MPRC et de l‘Avalon Center, ils

étaient toujours ouverts à mes questions et accueillants. Un remerciement chaleureux est dû

également aux membres du Gaïa Gathering pour m‘accepter parmi eux lors des

conférences, même si je ne suis pas païenne. Leur générosité a été fortement appréciée.

Ceci va de même pour les divers groupes de discussions wiccaines et païennes canadiennes

et les membres de covens qui ont permis la distribution du questionnaire auprès de leurs

iv

membres. Un merci particulier à tous les individus qui ont participé à la recherche ainsi que

les membres des communautés païennes à travers de la province. Tous ces participants

ainsi que tous les wiccains que j‘ai pu rencontrer et que je ne peux nommer afin de

conserver leur anonymat lors de mes participations aux diverses activités des communautés

wiccaines du Québec et du Canada, ont contribué, directement ou indirectement, à ce

travail. Plusieurs individus m‘ont accueillie, certains chez eux, ouvertement et

chaleureusement, partageant leurs histoires et leurs idées, poussant toujours la réflexion

vers des avenues non explorées auparavant, ce que j‘ai énormément apprécié.

Un remerciement spécial est mentionné à l‘intention de la propriétaire de la boutique

Treadwell à Londres en Angleterre, qui m‘a accueillie chaleureusement et m‘a été d‘une

aide précieuse durant mon séjour à Londres.

Un gros merci à Catherine Lachance qui a fait une première révision et correction de la

thèse. La tâche était ardue, mais très appréciée.

En dernier lieu, et non le moindre, je tiens à remercier mes parents, ma fille et mes sœurs

qui m‘ont supportée physiquement, moralement et financièrement, au cours de mes

recherches. Sans leur aide, la poursuite de mes études, et du terrain en soi, aurait été

impossible, ce dont je suis extrêmement reconnaissante.

Finalement, je remercie la FQRSC, pour m‘avoir octroyé une bourse d‘études qui a permis

d‘avancer dans la recherche.

À mes parents, pour tout leur soutien et leur

aide dans la réalisation de ce projet.

vi

Table des matières

Résumé ................................................................................................................................... ii Remerciements ...................................................................................................................... iii Table des matières ............................................................................................................... vii

Liste des figures ..................................................................................................................... xi Introduction : Vers une nouvelle identité wiccaine? Les germes d‘une institutionnalisation

polymorphe ............................................................................................................................. 1 Chapitre 1 : Évolution culturelle et intégration sociopolitique de la Wicca ......................... 17

Partie I – Concepts de base et éléments de changements ................................................. 19

1.1 Quelques courants de changements culturels religieux .......................................... 19

1.1.1 Le paganisme et le néo-paganisme ...................................................................... 19 1.1.2 Les religions de la nature ..................................................................................... 20

1.1.3 La Wicca .............................................................................................................. 22 1.1.4 La Wicca au Canada : les défis de l‘inculturation ............................................... 31

Partie II – L‘expression sociale du croire, et la problématique de l‘institutionnalisation 35 1.2 L‘explication du changement culturel religieux ..................................................... 35

1.2.1 Le fonctionnalisme sociologique ou l‘impasse sur le changement ...................... 37 1.2.2. Le néo-institutionnalisme et l‘explication du changement culturel : la théorie des

champs .......................................................................................................................... 39 1.2.3 Les processus de structuration ou la dynamique du champ ................................. 40 1.2.4 Les principaux vecteurs d‘institutionnalisation ................................................... 41

Partie III – Méthodologie : stratégies de découverte et techniques d‘enquêtes ................ 51

1.3 L‘étude de cas et les questions de recherche .......................................................... 51 1.3.1 Observation participante ...................................................................................... 52 1.3.2 Entretiens avec des témoins privilégiés ............................................................... 54

1.3.3 Enquêtes par questionnaire .................................................................................. 57 1.3.4 Analyse documentaire portant sur les communautés québécoises et canadiennes

...................................................................................................................................... 58 1.3.5 Résultats anticipés ................................................................................................ 61

Chapitre 2 : La régulation publique et la religion au Canada. Quelle place pour la Wicca et

les wiccains? ......................................................................................................................... 65 2.0 L‘enregistrement à titre d‘organisme de bienfaisance : incidence et portée ............... 66

2.0.1 Critère du bien commun ...................................................................................... 68

2.0.2 Critère des fins de bienfaisance ........................................................................... 68

2.0.3 Critère d‘avancement de la religion ..................................................................... 70

2.1 Les différentes possibilités d‘incorporation et d‘existence juridique ......................... 72 2.1.0 L‘organisme à but non lucratif -- Canada ............................................................ 72 2.1.1 En common law—pan canadienne ...................................................................... 74 2.1.2 Sociétés et institutions religieuses dans les provinces canadiennes .................... 75 2.1.3 Au Québec : Église, corporation religieuse, communauté religieuse .................. 76

2.2 La régulation des aspects sociaux du culte ................................................................. 80 2.2.1 Rites de passage : Acquisition des droits de célébration ..................................... 80 2.2.2 Décès et sépulture ................................................................................................ 89

viii

2.3 Un cas d‘application de la loi : les services de direction spirituelle au sein d‘un

établissement public. ........................................................................................................ 91

2.3.1 L‘aumônerie ........................................................................................................ 91 2.4 Conclusion .................................................................................................................. 97

Chapitre 3 : L‘image et les perceptions de la Wicca et de la sorcellerie dans la jurisprudence

canadienne ............................................................................................................................ 99 3.0 La religion et le droit au Canada .............................................................................. 100

3.0.1 Charte canadienne des droits et libertés ............................................................ 101 3.0.2 Principes généraux ............................................................................................ 104

3.1 Le contentieux entourant la Wicca dans la jurisprudence canadienne ..................... 105 3.1.0 Le corpus de décisions ...................................................................................... 105 3.1.1 Droit des personnes et de la famille .................................................................. 107

3.1.2 Code criminel .................................................................................................... 121 3.1.3 Les droits de la personne ................................................................................... 125

3.2 Images et perceptions relatives à la Wicca et à la sorcellerie dans les décisions

judiciaires ....................................................................................................................... 137

3.2.1 Wicca ................................................................................................................. 138 3.2.2 « Sorcière », « Sorcier », Witch, Sorcerer ......................................................... 139

3.2.3 « Chasse aux sorcières », Witch hunt ................................................................ 145 3.2.4 Autres expressions associées ............................................................................. 146

3.3 Y-a-t-il une évolution de l‘image et des perceptions de la sorcellerie dans les

décisions judiciaires? ...................................................................................................... 147 3.3.1 Avant 1990 ........................................................................................................ 147

3.3.2 De 1990 à 2000 ................................................................................................. 148

3.3.3 Après 2000 ........................................................................................................ 151

3.4 Conclusion ................................................................................................................ 152 Chapitre 4 : Socio-démographie de la Wicca ..................................................................... 155

4.0 Enquête par questionnaire ........................................................................................ 155 4.2 Caractéristiques socio-démographiques ................................................................... 156 4.3 Auto-identification ................................................................................................... 163

4.4 Auto-perceptions de la Wicca .................................................................................. 166 4.4.1 Question portant sur la perception .................................................................... 166

4.4.2 Question portant sur la définition ...................................................................... 174 4.5 Les itinéraires religieux ............................................................................................ 177 4.6 Le rassemblement du culte et l‘animation de la collectivité wiccaine ..................... 185

4.6.1 Communautés physiques ................................................................................... 186

4.6.2 Communautés virtuelles .................................................................................... 188 4.6.3 Communautés en général .................................................................................. 191 4.6.4 Organismes et institutions ................................................................................. 193

4.7 Les objets de culte et les textes fondamentaux ........................................................ 195 4.7.1 Accessibilité des objets de cultes et des matériaux premiers ............................ 196 4.7.2 Accessibilité des textes fondamentaux et des sources écrites ........................... 198

4.8 Formation ................................................................................................................. 201 4.9 Perception et utilisation du terme « clergé » ............................................................ 202

4.9.1 Définitions ......................................................................................................... 202 4.9.2 Applicabilité à la Wicca .................................................................................... 204

ix

4.9.3 Nécessité du recours à la « chose » clergé. ........................................................ 207

4.9.4 Le clergé : une spécialisation contre rémunération? .......................................... 210

4.9.5 Quels sont les attributs exclusifs et les savoirs réservés? .................................. 213 4.10 Aumônerie .............................................................................................................. 214 4.11 Droits et libertés ...................................................................................................... 216 4.12 Synthèse .................................................................................................................. 222

Chapitre 5 : Pratiques culturelles et spiritualité alternative : une description approfondie du

milieu de vie wiccain .......................................................................................................... 225 5.0 Le milieu de vie wiccain : rappel des questions de recherche .................................. 225 5.1 L‘image d‘ensemble ................................................................................................. 225

5.1.1 Rituels publics .................................................................................................... 226 5.1.2 Conférences païennes ........................................................................................ 230

5.1.3 Les boutiques ..................................................................................................... 237 5.1.4 Observations en Angleterre : quelques éléments de comparaison avec le terrain

de Québec ................................................................................................................... 240

5.2 Culture, savoirs et communications au sein des communautés québécoises et

canadiennes ..................................................................................................................... 242 5.2.1 Sources imprimées des communautés ............................................................... 242

5.2.2 Analyse des divers sites Internet ........................................................................ 254 5.2.3 Littérature païenne ............................................................................................. 263

5.3 Conclusion ................................................................................................................ 268

Chapitre 6 : Synthèse : Vers un schéma d‘institutionnalisation multiévolutive

asynchronique ..................................................................................................................... 269

6.0 Éléments d‘intégration socio-politique ..................................................................... 270

6.1 Évolution culturelle ................................................................................................... 271

6.1.1 Identification des courants de changements culturels religieux ........................ 272 6.1.2 Retour sur la problématique de l‘institutionnalisation ....................................... 272

6.1.3 Individualisation et normalisation des pratiques : clé du changement religieux

.................................................................................................................................... 273 6.2 Les vecteurs d‘institutionnalisation de la Wicca québécoise .................................... 274

6.2.1 Forces institutionnalisantes à l‘intérieur de la Wicca ........................................ 274 6.2.2 Forces institutionnalisantes à l‘extérieur de la Wicca ....................................... 287

6.3 Exemples de succès et d‘échecs d‘institutionnalisation ........................................... 293 6.3.1 Covens ............................................................................................................... 293 6.3.2 Regroupements et associations d‘individus ....................................................... 295 6.3.3 Conférences païennes, forums et socialisation .................................................. 297

6.3.4. Communautés ................................................................................................... 300 6.4 Modèle d‘institutionnalisation multiévolutive asynchronique ................................. 302

Conclusion .......................................................................................................................... 307

Bibliographie ...................................................................................................................... 317 Annexe A : How We did it. ................................................................................................ 339 Annexe B : Millenial Gaïa .................................................................................................. 344 Annexe C : Dépliant de l‘Église Wiccane du Québec ........................................................ 346 Annexe D : Lettre du PFPC ................................................................................................ 349

Annexe E : Dépliant du Young Pagan Circle ..................................................................... 351

x

Annexe F : Gaïa Gathering ................................................................................................. 353

Annexe G : Dépliant du Centre de ressource païenne de Montréal/Montreal Pagan

Ressource center (CRPM/MPRC) ...................................................................................... 356 Annexe H : Conférences païennes de Montréal ................................................................. 359 Annexe I : Liste des thèmes pour l‘analyse de Wyntergreene ........................................... 367 Annexe J : Crescent Moon School of Magic and paganism .............................................. 368 Annexe K : You have a Pagan Student in Your School. A Guide for Educators .............. 371

Annexe L : Dépliant du coven Nothern Cougars ............................................................... 376 Annexe M : Questionnaire ................................................................................................. 381 Annexe N : Description du rituel de Mabon ...................................................................... 402 Annexe O : La charge de la Déesse et du Dieu cornu ........................................................ 406

Liste des figures

Figure 1 : Schematic of External and Internal Factors ......................................................... 48 Figure 2 : Le diamant de l‘institutionnalisation et des isomorphismes ................................ 51

Figure 3 : Orientation sexuelle des répondants ................................................................... 158 Figure 4 : Provenance des répondants ................................................................................ 159 Figure 5 : État civil des répondants .................................................................................... 161 Figure 6 : Endroits d‘approvisionnement en objets de cultes et matériaux ........................ 197 Figure 7 : Éléments de réponses relatifs à la rémunération d‘officiants ou de célébrants

wiccains ...................................................................................................................... 212

Figure 8 : Éléments de réponses : motifs à l‘appui de l‘engagement dans les services

d‘aumônerie ................................................................................................................ 214

Figure 9 : Protection de la liberté de conscience et de religion des wiccains ..................... 220 Figure 10 : Schéma de l‘institutionnalisation multiévolutive asynchronique ..................... 303 Figure 11 : Schéma de l‘institutionnalisation multiévolutive asynchronique avec exemple

.................................................................................................................................... 304

Introduction : Vers une nouvelle identité wiccaine? Les

germes d’une institutionnalisation polymorphe

Air I Am.

Fire I Am.

Water, Earth

And Spirit I Am

« Air I Am » par Andras Corban Arthen

Depuis que nous avons commencé à faire des recherches sur le terrain dans les milieux

païens en 2001 au Québec et au Canada, les mêmes questions font surface lorsque nous

mentionnons le sujet de la sorcellerie auprès d‘individus dans la population générale : « Les

sorcières existent-elles vraiment? » « Vous n‘avez pas peur qu‘elles vous jettent des

sorts? » « N‘est-il pas dangereux d‘être avec elles? » « Quelle est la chose la plus

extraordinaire que vous ayez vue? » Bien qu‘une part d‘inquiétude s‘installe initialement

dans leurs propos, ce sentiment fait vite place à de la curiosité. Les préjugés négatifs

relativement à la sorcière tendent à se réorganiser au fur et à mesure de la discussion,

faisant passer la sorcière du monde fictif et imaginaire à un monde concret et contemporain.

Malgré une certaine ignorance de la population générale à leur sujet, on observe toutefois

un vif intérêt en ce qui les concerne sur la place publique. Pour plusieurs, la sorcière est une

figure historique, marginale, politique et magique. La sorcellerie appartient effectivement

au mystérieux, à l‘enchantement, à l‘inconnu et aux jeux de pouvoir. Malgré cela, elle est

bien ancrée dans la réalité sociale et pragmatique des sociétés occidentales comme le

Québec et le Canada.

Pourquoi choisir la Wicca?

Passée la curiosité naturelle pour l‘exotisme traduite dans les propos qui précèdent,

curiosité que nous avons également ressentie au départ, le phénomène ne manque pas de

poser de véritables énigmes sur le plan sociologique. Pour notre part, il s‘est d‘abord agi

2

d‘une question scolaire à laquelle notre mémoire de maîtrise1 a été consacrée, soit celle en

lien avec la nature même de la Wicca au Québec. Cette recherche avait été faite entre 2001

et 20032. Déjà, une certaine stabilisation de la pratique commençait à se faire sentir, ne

serait-ce qu‘à travers des questionnements soulevés dans la mouvance même parmi les

personnes les plus actives sur les sites de discussion. Des questions se rapportant à la nature

de la Wicca, et à son rôle dans la société québécoise, formulées alors de manière on ne peut

plus classique pour les besoins de l‘enquête. Religion ou spiritualité, que se passe-t-il au

fond? Le mémoire a permis d‘établir que les pratiquants entretenaient un rapport au monde

qui relève du religieux, et ce, malgré la présence de pratiques solitaires, de syncrétisme

religieux et l‘absence de dogme central (Gagnon, 2008a, p. 114). Pour autant, la Wicca s‘y

dessinait telle une minorité religieuse aux structures inédites, floues et non familières en

comparaison des religions connues et présentes dans la sphère publique. D‘où l‘intérêt

d‘explorer le processus d‘institutionnalisation dans le cadre de la présente recherche.

Avant de poursuivre plus loin, il sera bon de revoir quelques concepts de base de la Wicca,

afin d‘établir un cadre de référence utile pour la thèse.

Qu‘est-ce que la Wicca?

Comme décrit dans notre mémoire de maîtrise, il existe au sein de la Wicca, beaucoup de

liberté dans la pratique3. En son plus petit dénominateur commun, la Wicca consiste à

porter un culte à la double polarité de la divinité, soit la Déesse et le Dieu cornu4. La

Déesse est la figure la plus importante de la sorcellerie wiccaine. L‘association entre la

figure de la Déesse et celle de la terre-mère nourricière est fortement utilisée et exploitée.

Elle est la force créatrice de la vie, ainsi que sa force destructrice. Elle est la source des

1 Le mémoire de maîtrise était un travail de nature ethnographique, expliquant ce qu‘est la Wicca au Québec,

les éléments de base de la pratique publique, l‘historique de la sorcellerie au Québec, ainsi que des données

provenant du terrain. 2 Le mémoire a été publié quelques années plus tard, en 2008 par Edwin Mellen Press.

3 Le développement de ce qui suit, les concepts de base de la Wicca, reprend pour l‘essentiel un extrait du

mémoire de maîtrise (Gagnon, 2008a, pp.22-35). 4 Il est à noter qu‘il existe différentes vues à ce sujet. Certains des pratiquants considèrent la Déesse et le Dieu

comme étant deux entités distinctes prenant diverses formes, alors que d‘autres les considèrent comme étant

deux aspects d‘une même entité. D‘autres pratiquants ont une approche plus polythéiste en établissant une

distinction entre les divers dieux et déesses, ou encore ont exprimé une approche où ces figures

représentatives sont absentes.

3

pouvoirs magiques, et représente le principe féminin de la « Force Divine ». En tant

qu‘astre, elle est représentée sous trois formes associées aux aspects de la lune, soit la fille

ou maid (croissant de lune), la mère (pleine lune) et l‘aïeule (lune décroissante). Le Dieu-

Cornu, de son côté, est le principe masculin de la « Force Divine » et est représenté par

l‘astre du jour, le soleil. Il est le seigneur des bois, de la chasse, des animaux, de la vie et de

la mort. Il est souvent représenté comme étant mi-homme et mi-animal, avec des cornes de

cerf sur la tête ou encore sous la forme de Pan. Les bois sont associés à son domaine, soit

celui de la forêt. De plus, le Dieu-Cornu représente la sexualité, la vitalité, la logique et la

force (Guiley, 1989, pp. 163-164).

L‘un des attraits de la Wicca est l‘absence d‘intermédiaire entre le pratiquant et ses déités.

Le pratiquant est en lien direct avec eux puisque les dieux (ou la nature divine) sont

inhérents à toutes choses. Les adeptes sont, par conséquent, des représentants vivants des

déités sur terre. En acceptant ce rôle, les wiccains doivent par conséquent être responsables

de leurs actes et doivent travailler plus fort à leurs croyances, à leurs pratiques et à leurs

actions dans la vie mondaine.

Dans la Wicca, il y a 21 cérémonies de base, soit 13 Esbats5et 8 Sabbats, lesquelles

constituent le calendrier wiccain connu sous le nom de la roue de l‘année wiccaine (Wheel

of the Year). Les quatre grands sabbats (Samhain, Imbolc, Beltane et Lughnasadhou

Lammas) sont des fêtes agraires et les petits sabbats, basés sur les solstices et les équinoxes,

sont des fêtes solaires (Yule, Ostara, Midsummer, Mabon).6 Puisque la Wicca suit le cours

5 L‘Esbat est une célébration de la descente de la lune, laquelle se tient à toutes les pleines lunes. Cette

cérémonie transfère les pouvoirs de la lune (la Déesse) à la terre. C‘est à ce moment que les rituels sont les

plus aptes à réussir, car les énergies sont très fortes et positives. Cette cérémonie a lieu treize fois par année

car le calendrier wiccain est un calendrier lunaire. 6 La première fête est le Yule (21 décembre), qui marque la nuit la plus longue de l‘année. Par la suite, c‘est

l‘Imbolc (1er février) qui est la fête des chandelles, qui célèbre l‘arrivée des premiers signes du printemps. Le

21 mars marque la cérémonie de l‘Ostara, l‘équinoxe du printemps. Beltane (1er mai) est une fête qui a pour

thème la fertilité. Vient le temps du solstice d‘été Midsummer (21 juin). C'est le jour le plus long de l‘année,

une journée où les mariages wiccans se célèbrent (lorsqu‘il y en a). Cette cérémonie est suivie d‘un grand

sabbat, le Lugnasadh ou Lammas (1er août), qui marque la première moisson. Le Mabon, l‘équinoxe

d‘automne, marque la deuxième moisson (21 septembre). Finalement, l‘une des fêtes les plus connues dans le

monde est le Samhain ou l‘Halloween (31 octobre). C‘est le nouvel an pour le calendrier wiccain.

4

de la nature, ces cérémonies fournissent l‘occasion de se mettre en harmonie avec

l‘environnement.

En ce qui a trait aux lois, toutes les notions (religieuses, magiques et philosophiques) sont

acceptées dans la mesure où elles respectent la loi principale. Cette loi est connue sous le

nom de Wiccan Rede, laquelle exhorte les pratiquants à une liberté responsable : « An ye

harm none, do what ye will. ». À cette loi s‘ajoute la loi du triple retour, qui implique que

tout ce que nous faisons nous revient par trois fois. Ensemble, ces principes s‘avèrent un

moyen efficace d‘accorder une grande liberté d‘action tout en limitant les actions néfastes.

La réincarnation est aussi un concept fondamental de la Wicca7. Les wiccains conçoivent

que lors de la mort, l‘essence de la personne passe par huit étapes8. À la première étape, la

personne est dépouillée de son enveloppe corporelle et la conscience devient un corps

astral. Il atteint par la suite un état intermédiaire qui est le Summerland où cette conscience

se prépare et se développe afin de passer à une autre incarnation. Ce qui reste est

l‘individualité de cette personne. Lorsque prête et que la réincarnation va avoir lieu, cette

individualité accumule les matériaux de base dans le but de créer une nouvelle enveloppe

corporelle. La dernière étape est celle de la réincarnation physique, soit la naissance.

Au niveau de la gestion de la pratique, il n‘y a pas de dogme central reconnu par tous. Il

n‘existe pas d‘autorité centrale ou de hiérarchisation entre les covens 9 et les traditions. Par

contre, à l‘intérieur d‘un coven wiccain, il existe une forme de hiérarchie qui est associée à

l‘expérience et aux degrés d‘initiation du membre. Les initiations situent le pratiquant dans

une hiérarchie verticale (néophyte à grande-prêtresse10

). L‘expérience de ce dernier, c‘est-

à-dire les techniques et les exercices acquis par la pratique solitaire ou par l‘intermédiaire

d‘un coven, situe l‘adepte sur une échelle horizontale (peu d‘expérience à beaucoup). Nous

pouvons donc retrouver au sein d‘un coven des néophytes, des prêtresses, des

7 Bien qu‘il soit important, il n‘est pas souvent expliqué ou développé dans la littérature ou sur Internet.

Certains wiccains n‘y adhèrent pas. 8 Nous résumons ici l‘explication donnée dans le Witches’ Bible de Janet et Stewart Ferrar (1996),

pp.118-121. Il existe d‘autres versions ailleurs, mais c‘est la version la plus complète que nous ayons trouvé. 9 Groupe fermé de 13 personnes ou moins, de préférence en nombre égal d‘hommes et de femmes, avec une

grande-prêtresse à la tête du groupe. 10

Le féminin est utilisé ici pour simplifier l‘écriture, mais ces rôles sont également pris par des hommes. Ceci

va également pour le terme prêtresse et prêtre.

5

grandes-prêtresses ainsi que des aînées11

. Habituellement, les dirigeants du coven sont la

grande-prêtresse et le grand-prêtre. Ils agissent en tant que guides pour ceux et celles qui

poursuivent leur cheminement.

Au sein d‘un coven, les néophytes commencent leur cheminement dans la Wicca. Pendant

un an et un jour, ils suivent un entraînement pour acquérir les bases qui leur seront

nécessaires pour devenir prêtresses. Lorsque la personne est jugée prête par la grande-

prêtresse du coven, elle passe par l‘initiation du premier degré. Cette initiation transforme

sa fonction de néophyte à prêtresse, lui permettant de célébrer des rituels magiques. C‘est à

ce moment qu‘elle pourra recevoir ses outils de travail wiccains et les consacrer (bénir).

Elle ne peut être initiée que par une personne du deuxième ou du troisième degré12

.

Après une autre période d‘études et de travail (au minimum une année et un jour), la

prêtresse, lorsque jugée prête par la grande-prêtresse du coven, subira l‘initiation lui

conférant le deuxième degré, soit celui de grande-prêtresse13

. Ce grade lui confère le

pouvoir d‘initier à son tour les adeptes vers le premier et le deuxième degré. Elle a

maintenant la possibilité de quitter son coven et de créer son propre coven avec la

permission de la grande-prêtresse. Son coven devient alors un coven fille, gardant un lien

avec son coven original. Elle peut créer et diriger un bosquet (grove) représentant une cour

externe du coven. Dans ce bosquet, elle peut former les néophytes ainsi que tenir des rituels

publics.

Parmi les grandes-prêtresses, il y en a une, la « Maiden », qui est choisie pour assister la

grande-prêtresse du coven dans ses fonctions concernant les rituels. Il y a aussi le

« Summoner », c.-à-d. le messager, poste principalement occupé par un homme. Il est le

messager confidentiel du coven et de la grande-prêtresse. Il est celui envoyé lorsqu‘il y a

des communications avec d‘autres covens. Il peut aussi agir en tant qu‘escorte (Farrars,

1996, p.182).

11

En règle générale, les covens wiccains ont trois degrés d‘initiation. Il y a toutefois quelques covens qui se

dotent de plusieurs degrés supplémentaires. 12

L‘initiateur peut être un homme ou une femme. Tout dépendant des traditions, ce rôle est tenu par un

homme si l‘initié est une femme et inversement si l‘initié est un homme. 13

Grand-prêtre ou magus chez l‘homme.

6

Après une autre période de temps déterminée par la grande prêtresse du coven (ou coven

parent dans le cas où la grande prêtresse aurait décidé de fonder son propre coven), la

grande prêtresse peut aller de l‘avant avec la troisième initiation. Cette initiation, connue

sous le nom du grand rite ou rite sublime, confère l‘indépendance totale de la grande-

prêtresse vis-à-vis du coven parent. Elle peut exécuter les initiations des trois niveaux ainsi

que fonder un coven totalement indépendant de son coven original. Éventuellement, si au

moins trois covens sont créés par des prêtresses qu‘elle aura initiées, elle pourra porter le

nom de Witch Queen14

.

Le coven wiccain traditionnel est mixte et tente idéalement d‘avoir un nombre égal

d‘hommes et de femmes. Bien que la tradition gardnérienne indique que le coven devrait

être composé de treize personnes, cela n‘est pas toujours le cas. Les covens peuvent

compter trois personnes et plus. Le problème qui peut survenir lorsqu‘un groupe est trop

nombreux est qu‘il soit difficile de travailler sur un plan plus personnel. Il est donc

possible, à ce moment, de voir à la création d‘un nouveau coven.

Les pratiquants solitaires, pour leur part, ne répondent en général à personne, sauf à eux-

mêmes. Lorsqu‘ils se sentent prêts, ils se consacrent au cheminement qu‘ils désirent

entreprendre par un rituel de dévouement (dedication). Ils peuvent plus tard dans leur

cheminement décider de procéder à l‘auto-initiation, se conférant ainsi le titre de prêtresse.

Le déroulement et la tradition empruntés sont laissés au choix du pratiquant.

À l‘instar d‘autres religions, la Wicca établit et célèbre des rites de passage. On y retrouve

le Wiccaning (baptême), le Handfasting (le mariage) et le Requiem (funérailles). En ce qui

concerne le baptême, il est à noter qu‘aucun parent n‘est tenu de soumettre ses enfants au

rituel15

. Ils peuvent le faire s‘ils y tiennent vraiment, mais cela ne veut pas dire que l‘enfant

soit lié pour le futur à la pratique de la Wicca. L‘enfant choisira idéalement, une fois adulte,

son propre cheminement spirituel. Le mariage consiste, en général, en un échange de vœux

14

Elle peut dorénavant porter une jarretelle sur laquelle sont posés des petits badges ou insignes indiquant le

nombre de covens fille qui sont issus de sa tradition. 15

Les parents qui choisissent ce rituel le considèrent plus comme un moyen d‘assurer une forme de protection

à l‘enfant.

7

qui peut être à vie ou renouvelable après une certaine période de temps16

. Finalement, en ce

qui concerne le requiem, il n‘y a ni format ni méthode uniforme. Chaque groupe procède de

manière différente pour signaler le départ de l‘un de ses membres, soit par inhumation, soit

par crémation.

Qui dit sorcellerie, dit magie. Du moins, c‘est l‘association commune. De fait, la magie est

une pratique accessoire à la Wicca. Elle sert principalement à la manipulation de l‘énergie.

La magie est protéiforme et s‘alimente à plusieurs sources : magie kabbalistique, magie

égyptienne, magie verte, magie naturelle, blanche, noire ou rouge17

. La magie n‘est pas

exclusivement la propriété d‘une tradition. Chaque tradition est éclectique dans une certaine

mesure, ce qui permet, par exemple, à des pratiquants d‘une tradition celtique d‘intégrer

l‘utilisation de la magie kabbalistique à leur pratique religieuse. Cependant, tous les

wiccains n‘usent pas de magie.

Dans la Wicca, selon la tradition et l‘endroit, il y a l‘option d‘exécuter les rituels et la

magie à nu (Skyclad : vêtu de nuage) ou vêtu. Paradoxalement, ce recours à la nudité est

une innovation attribuée à Gardner, le fondateur de la Wicca publique, lequel pratiquait le

naturisme. Plusieurs raisons sont aujourd‘hui fournies afin d‘expliquer le choix de cette

option. Pour certains, c‘est le moyen le plus efficace de créer et de libérer l‘énergie

psychique puisqu‘il n‘y a pas de barrière physique susceptible d‘empêcher la circulation de

l‘énergie. Pour d‘autres, la pratique à nu permet à l‘adepte de se révéler en tant que

personne, car il ne peut pas se cacher derrière des masques que procurent les vêtements.

Certains adeptes choisissent cette option, car ils veulent se présenter à leurs déités telles que

lorsqu‘ils ont été créés. D‘autres y voient un côté pratique. Puisque souvent ils travaillent

avec plusieurs personnes dans un endroit restreint, à l‘intérieur d‘un cercle magique, où

sont posées des chandelles, la pratique à nu permettrait d‘éviter des accidents. Il est à

16

Par exemple, les vœux peuvent être pris pour un an, comme pour une période d‘essai. S‘ils décident de

poursuivre plus longtemps, les conjoints renouvellent leurs vœux pour une période indéterminée. 17

En ce qui concerne les couleurs de la magie, pour la majorité des pratiquants, ces termes sont inexacts,

puisque la magie n‘a pas de ―couleur‖. Elle est neutre et représente les intentions de la personne qui la

pratique. Par conséquent, si une personne a de mauvaises intentions lorsqu‘elle utilise la magie, cela serait

considéré comme de la magie noire. Par contre, si ses intentions sont bonnes, elle sera considérée comme

étant blanche.

8

retenir que c‘est une option qui n‘est pas exercée par tous les covens. Il y a également des

solitaires qui choisissent ce mode de travail, à leur discrétion. À noter que durant les rituels

publics, la pratique à nu n‘est pas exercée18

.

L‘un des aspects importants que l‘on retrouve dans les rituels wiccains est le cercle

magique. Le cercle magique est un espace sacré et purifié dans lequel se déroulent les

rituels et les cérémonies. Il est un espace entre deux mondes, soit le monde humain et

l‘Autre monde. Il permet aux hommes d‘avoir accès à l‘Autre monde. Ce cercle garde

éloignés toutes les mauvaises énergies et les esprits malins. C‘est un endroit où les dieux,

les esprits et les gardiens des tours sont invités (et non pas ordonnés) à prendre part au

rituel. Par sa forme ronde, le cercle symbolise la perfection, l‘unité, la matrice de la Déesse,

la création du cosmos et le cycle de la vie : la naissance, la maturation, la mort et la

régénération.

Habituellement, un autel est placé au centre du cercle et, selon la tradition à laquelle

appartiennent les pratiquants, est orienté soit vers le nord ou le nord-est. Le cercle peut être

tracé physiquement par un dessein, par des chandelles ou par quelconque moyen de

délimitation. Le cercle peut aussi être dressé en une sphère d‘énergie ou être tracé

symboliquement à l‘aide d‘une baguette. Un soin est accordé à laisser une ouverture, une

porte, par laquelle les officiants et les participants peuvent entrer et sortir du cercle sans

perturber les forces présentes. Cette porte se retrouve généralement à l‘est du cercle.

Ces éléments et concepts de base en place, jetons un regard rapide sur la création de la

Wicca. Certaines des traditions contemporaines qui la composent ont fait leur apparition en

Grande-Bretagne, à la faveur d‘un changement législatif notable à l‘effet de décriminaliser

la pratique de la sorcellerie. Les origines publiques de la Wicca sont attribuées à Gerald

Brousseau Gardner19

(1884-1964) en 1951. Bien que des pratiques de sorcellerie existaient

18

Exception faite de certains festivals païens où l‘option d‘être nu ou à moitié nu au rituel peut être acceptée. 19

Par le passé, les débats autour de la paternité de Gardner en ce qui concerne la création de la Wicca ont fait

couler beaucoup d‘encre. A-t-il créé la Wicca? A-t-il repris et rendu publique une pratique secrète déjà en

place en Angleterre? Plusieurs hypothèses circulent. Incontestablement Gardner est celui qui a fait connaître

la pratique de la Wicca dans les médias et dans l‘espace public, notamment grâce à ses publications. Qui plus

est, les pratiquants actuels du monde entier se revendiquant wiccains, même s‘ils ne sont pas issus de sa

lignée directe, le reconnaissent comme le fondateur de la pratique dans sa forme publique.

9

à l‘époque, Gardner est celui qui a exposé la Wicca au public après la substitution du

Fradulent Medium’s Act à la loi contre la sorcellerie, Witchcraft and Vagrancy Act de 1736

(Hutton, 1999, p. 242). En même temps paraissaient deux ouvrages phares de la mouvance

écrits par Gardner, soit Witchcraft Today et The Meaning of Witchcraft (Adler, 1986, p. 46;

Hutton, 1999, p. 206). Gardner a fondé un premier coven et a procédé à plusieurs

initiations20

. Ces initiés ont diffusé la Wicca non seulement en Grande-Bretagne, mais

également à travers le monde, principalement aux États-Unis et au Canada. Les covens en

ligne directe avec Gardner sont surnommés les British Traditional Wicca (BTW)21

.

En somme, la Wicca est une religion22

de la nature. Elle incorpore à sa pratique magique

des croyances religieuses : un culte dédié à la Déesse et au Dieu cornu (et ce sous plusieurs

aspects23

), ainsi que des croyances et des pratiques appartenant à d‘autres religions ou

spiritualités. Outre ce qui précède, il s‘agit d‘une religion sans dogme ou texte sacré central

et commun à tous24

. De plus, elle n‘a pas de chef unique, ou encore de représentant

religieux reconnu par tous les membres. Pratique destinée initialement aux adultes, depuis

le baptême public de la Wicca par Gerald B. Gardner en 1951, on voit apparaître après

quelques décennies de nouvelles générations de pratiquants, dont les parents eux-mêmes

sont wiccains ou païens. Suite à l‘immigration vers le Canada et les États-Unis de certains

membres des covens britanniques dans les années soixante, la Wicca s‘est fait un nid en

Amérique du Nord. C‘est ainsi que la mouvance se manifeste par la tenue de rituels publics

au Canada et au Québec il y a un peu moins de vingt-cinq ans florissants.

20

Pour de plus ample renseignements, voir notre chapitre consacré à la création et à la diffusion de la Wicca

dans La Wicca au Québec : portrait d’une religion de sorcellerie contemporaine, pp. 11-17, ainsi que

l‘ouvrage de Ronald Hutton Thriumph of the Moon, dans lequel il consacre un chapitre à Gardner. 21

Ce terme est majoritairement utilisé par les covens et les individus vivant en Amérique du Nord afin de

faire une distinction entre les pratiques anglaises et les autres. 22

Pour les besoins de cette recherche, la religion renvoie à un ensemble de croyances et de pratiques, plus ou

moins organisé, relatif aux mystères de la vie et de l‘existence, expliqués soit en termes d‘un conflit de forces,

soit en rapport avec la cosmobiologie soit en rapport avec une réalité supraempirique transcendante (dérivé de

Laburthe-Tolra et Warnier, 1992, p.187; Campiche et Bovay, 1992, p.35). 23

Divers panthéons sont mobilisés. Certains groupes se concentrent sur les déités celtes, d‘autres

gréco-romaines, égyptiennes, scandinaves, amérindiennes, etc. Souvent, on voit un mélange de tous ces

panthéons. 24

Il existe aujourd‘hui plus de cent cinquante traditions différentes à travers le monde, disposant de concepts

et de pratiques qui leur sont propres, mais qui conservent cependant des éléments de base facilement

reconnaissables entre eux tels que ceux nous avons mentionnés.

10

L‘absence d‘intermédiaire entre le pratiquant et ses déités est dans la Wicca un postulat de

base. Chaque pratiquant est théoriquement prêtresse ou prêtre. Par conséquent, tous sont

investis d‘autorité et sont imputables de leurs croyances. Ceci est d‘autant plus visible chez

les pratiquants solitaires. Parallèlement à l‘implantation de covens, la pratique solitaire a

pris de plus en plus d‘importance au sein de la mouvance wiccaine, et ce, particulièrement

au Québec au cours des années 1990. Cette pratique a vu sa popularité augmenter grâce à

Scott Cunningham, auteur de quelques ouvrages sur la Wicca et la pratique solitaire,

lesquels ont permis à plusieurs individus isolés de se vouer à cette religion même si,

traditionnellement, l‘identité et la pratique étaient transmises uniquement par les covens.

Cet aspect de « pratique solitaire » a modifié la perception que les wiccains ont de leur

croyance et a grandement modifié leur action sur l‘espace public. Par exemple, dans les

années 1990, les rituels publics à Montréal étaient organisés par les covens locaux. Dans les

années 2000, ce sont des regroupements de divers individus, pratiquants solitaires et

covens, qui organisent les événements publics. En revanche, la pratique des covens est

résolument collective et discrète. Offerte au public de manière sélective à l‘occasion de

festivals ou de rituels, elle en est une de virtuosité, de charisme et de tradition. Dans la

lignée gardnérienne, à titre d‘exemple, le niveau le plus élevé d‘initiation est conféré aux

femmes, c.-à-d. les grandes-prêtresses. Aujourd‘hui, ces covens traditionnels cohabitent

avec des covens éclectiques, des cercles unisexes, femmes ou hommes seulement (quoique

ces derniers soient plus rares), des covens virtuels, sans compter les autres formes de

covens possibles, ainsi donc qu‘une grande présence de pratiquants solitaires.

Grâce à une prolifération d‘ouvrages sur la Wicca par ses pratiquants ainsi que les quelques

travaux académiques, les éléments de base de la culture wiccaine sont un peu mieux cernés.

Cependant, les rapports de la mouvance avec la loi, le droit et les politiques publiques sont

à ce jour méconnus et peu documentés. Se pose une première question sur laquelle nous

avons voulu travailler : Quels sont les grands paramètres de l‘existence publique de la

Wicca au Canada et au Québec?

Lorsqu‘un groupe religieux cherche à se faire reconnaître légalement auprès des autorités

publiques, il cherche non seulement à faire prévaloir ses droits, mais aussi à bénéficier des

11

avantages liés à une telle reconnaissance comme la libre pratique de sa religion sans

discrimination. Cela va de soi, semble-t-il, lorsque l‘on parle de religions dites

traditionnelles telles que le christianisme, le judaïsme ou encore l‘islam. Mais qu‘arrive-t-il

dans le cas d‘une religion qui se transforme au gré des courants de pensée, qui intègre des

notions de magie et d‘ésotérisme, où la femme, la nature et le syncrétisme sont privilégiés?

Pour plusieurs observateurs, l‘existence publique de la Wicca ne fait pas l‘unanimité.

Certains participants craignent les visées de pouvoir sur toute la mouvance d‘une entité

légalement reconnue; d‘autres, le contrôle de leur pratique et l‘imposition d‘un modèle de

culte reconnu par le gouvernement25

. En même temps, plusieurs font valoir l‘utilité d‘un

interlocuteur reconnu afin de défendre des droits et des libertés, de fournir des services

collectifs et de répondre à des besoins et à des demandes exprimées par les membres. Il

s‘en trouve encore pour déplorer la perte de liberté et de spontanéité actuelle. En général, il

règne une forte appréhension face aux pouvoirs et aux autorités de tous ordres dans le

milieu païen, et ce, même envers les autorités de l‘intérieur de la mouvance si elles ne sont

librement consenties.

Il se greffe ici une seconde question. Comment chaque composante de la mouvance

négocie-t-elle son statut et sa place dans l‘espace public et dans la sphère publique? Ce jeu

de « position initiale » et de « position souhaitée » des uns et des autres est au cœur du

débat suscité par l‘implantation de la Wicca.

La résolution partielle de ces deux questions renvoie à la même problématique, celle de

l‘institutionnalisation. Dans cette thèse, nous y aurons recours afin de décrire en profondeur

les défis posés à cette mouvance religieuse alternative en quête d‘authenticité spirituelle, de

crédibilité sociale et de reconnaissance publique.

Parmi les diverses pratiques de sorcellerie et les divers groupes païens qui existent à

l‘intérieur de la mouvance païenne, la Wicca se démarque dans l‘espace public quant au

nombre de ses pratiquants et à l‘organisation de l‘action collective. C‘est ce rôle qui amène

25

Cette crainte provient de l‘idée que si le gouvernement reconnaissait une forme légale d‘église ou de temple

wiccain, celle-ci serait imposée comme étant le seul et unique modèle permettant l‘obtention d‘une

reconnaissance.

12

en partie la Wicca à passer d‘une pratique discrète à celle d‘une religion sur la place

publique, tout en voulant maintenir une certaine réserve. Les médias sous diverses formes

(télévision, films, livres, Internet) ont grandement contribué à cet effet de notoriété en

amenant la sorcière sur nos écrans. En revanche, la notoriété augmente la visibilité des

pratiques de sorcellerie contemporaine. Elle attire les curieux de tout ainsi que ceux et

celles qui sont en quête d‘une pratique qui correspond à leurs attentes. Éventuellement, elle

contribue involontairement à l‘augmentation du nombre de pratiquants adultes, rendant la

sorcellerie de plus en plus connue et accessible ou — du moins, — la sort un peu plus des

placards à balai. Au Canada, lors des recensements gouvernementaux, la population qui se

déclarait païenne en 1991 totalisait 5 530 personnes. Dix ans plus tard, Statistiques Canada

enregistrait plus de 21 000 personnes faisant partie de ce groupe26

. Lors de discussions avec

des membres de la Fédération païenne du Canada, il semblerait qu‘un nombre additionnel

de 20 000 à 25 000 de personnes, n‘ayant pas déclaré leur appartenance, devrait être ajouté.

Ces chiffres traduisent bien une nette augmentation dans la population wiccaine, sinon la

popularité de l‘adhésion. Au Québec, on estime qu‘il y a 600 wiccains dans la province27

.

Cette augmentation du nombre de pratiquants amène non seulement un accroissement des

défis internes déjà présents (par exemple la gestion de membres de covens), mais également

l‘apparition de nouveaux défis auxquels les wiccains tentent de remédier à leur façon

comme l‘éducation religieuse des enfants et la création de lieux publics pour les rituels de

la communauté. Plusieurs questions se posent et font l‘objet de discussions. Des objets et

des sujets de discussions associés à d‘autres formes religieuses se retrouvent sur la

plateforme wiccaine. Des termes tels que « clergé », « église », « aumônerie », « école » et

« centre de ressources » font tour à tour leur apparition dans les débats et les discussions

des wiccains et des païens québécois et canadiens. Ces échanges et les mesures qui en

26

« Religion, groupes d‘âge et sexe pour la population, pour le Canada les provinces, les territoires, les

régions métropolitaines de recensement et les agglomérations de recensement, recensements de 1991 et

2001 », Ottawa : Statistique Canada, 17 juin, 2003.catalogue #97F00222XCB01002. Il est important de noter

ici que les termes de « païens », « Wicca » et « sorcière » sont souvent utilisés alternativement par la même

personne, car elle peut se voir vêtir de toutes ces identités. 27

Bien que les statistiques ne soient pas très précises en ce qui concerne la population générale, il y a

beaucoup plus de païens que de wiccains dans la province. Cela dépend également de la définition et de

l‘utilisation du terme « Wicca » par les pratiquants, ce qui est différent parmi les anglophones et les

francophones. On peut estimer à près de deux ou trois milles païens dans la province, mais moins du tiers sont

wiccains.

13

découlent leur donnent accès à une plus grande intégration au tissu social environnant

comme la création d‘une communauté, la tenue de rituels publics, la participation à des

festivals païens, la possibilité de se doter de lieux de culte ou encore de rassemblements, de

transmettre leurs savoirs et leurs techniques à d‘autres dans des écoles propres à leurs

croyances. Ce sont là des éléments que l‘on retrouve dans les autres religions qui partagent

la même scène culturelle, sociale et politique que les wiccains au Québec.

C‘est justement dans cet espace public que jouent les différentes forces

institutionnalisantes. En 50 ans de présence en sol québécois et canadien, la Wicca est

passée d‘une pratique de quelques covens anglophones dans les salons de pratiquants à des

covens anglophones, francophones, bilingues, des pratiquants solitaires performant des

rituels publics, ouvrant des écoles de sorcellerie, développant et créant des communautés,

des festivals, des boutiques, des associations et des fédérations, des conférences et des

services d‘aumônerie. Que se passe-t-il? Pour des mouvements comme la Wicca, qui est

basée sur un système non centralisé du culte, et où le syncrétisme religieux est permis et

accepté, la quête d‘une reconnaissance publique s‘accompagne forcément d‘un débat

portant sur le développement de la lignée croyante, sur les rapports appropriés face au

monde extérieur. Comment la mouvance se transforme-t-elle? Quelles motivations sous-

tendent son évolution dans le temps? L‘institutionnalisation est-elle souhaitée par tous les

membres? L‘institutionnalisation en cours menace-t-elle certaines visions ou conceptions

de la continuité du groupe?

Dans les prochains chapitres, nous présenterons une description des différents éléments qui

contribuent à l‘institutionnalisation de la Wicca au Québec. Dans un premier temps, les

aspects théoriques seront abordés. La Wicca a changé, s‘est transformée et a évolué

rapidement au cours des dernières décennies. Il faut se donner des bases théoriques pour les

aborder. À la lumière de diverses approches théoriques sur la question de

l‘institutionnalisation, un schéma général de transformation sera esquissé, qui combinera

les principaux vecteurs internes et externes de changement. Dans un deuxième temps, les

questions touchant l‘intégration socio-politique de la Wicca seront traitées. Lorsque l‘on

parle de religion sur la place publique, on se confronte d‘emblée aux questions de droits, de

14

normes économiques, politiques, sociales et législatives. Que cela touche la mise sur pieds

d‘organismes, la célébration d‘un mariage ou encore l‘offre de services d‘aumônerie dans

les prisons, les lois et les règlements émis et appliqués par les autorités publiques

contribuent à la transformation et entraînent l‘intégration de la mouvance au sein de la

société. Ces normes vont avoir une incidence sur les activités publiques et privées des

pratiquants.

L‘un des milieux où l‘on peut observer l‘application de ces normes et l‘évolution de la

perception publique de la Wicca et de la sorcellerie est la jurisprudence canadienne : quels

sont les droits pour les minorités religieuses et quelle est la condition des wiccains à cet

égard? Ce sont là deux aspects abordés dans le troisième chapitre. Un survol de la

jurisprudence portant sur divers mots-clés en lien avec la Wicca y permettra notamment de

brosser un portrait de l‘évolution de l‘image de la sorcellerie auprès de diverses instances.

Par la suite, nous aborderons dans les quatrième et cinquième chapitres les éléments

touchant la socio-démographie et l‘évolution culturelle de la Wicca au Québec. Tout

d‘abord, les résultats d‘un questionnaire rempli par divers pratiquants à travers la province

seront donnés. Ce long questionnaire se concentre sur les enjeux de l‘institutionnalisation,

avec une attention particulière aux questions liées au clergé et à l‘aumônerie dans les

prisons, en passant par des questions descriptives de la population wiccaine telles l‘auto-

identification, les itinéraires religieux, les perceptions d‘objets et les croyances

personnelles. Les réponses sont révélatrices de positions face aux enjeux de

l‘institutionnalisation, de perceptions par rapport aux changements qui se produisent et

d‘anticipations du développement de leur religion. S‘y retrouvent des questions sur les

notions de communautés, d‘organismes et d‘institutions du milieu ou de l‘environnement,

ainsi que sur les problèmes liés à la formation et à l‘accessibilité aux outils nécessaires à la

pratique rituelle.

Un questionnaire n‘est toutefois pas le seul moyen pour obtenir de l‘information sur les

sources et les vecteurs de changements auprès des wiccains. Puisque la Wicca existe à la

fois dans le monde tangible et intangible, il convient de colliger l‘information disponible

dans ces deux mondes. Les analyses de la littérature communautaire québécoise et

15

canadienne et les observations participantes réalisées lors de rituels et de conférences

publics seront complétées par celle des sites Internet d‘importance dans le milieu. Le

contexte culturel et la disponibilité de l‘information et des ressources dans le monde

anglophone réduisent ces possibilités au plan virtuel. Toutefois, du côté des francophones,

et surtout en région, le cyberespace devient un outil essentiel, tant pour l‘information, la

socialisation que pour sa pratique. Comme il sera démontré, la question de la langue

devient en fait un enjeu important dans le développement de la Wicca au Québec.

Finalement, dans le chapitre six, un modèle d‘institutionnalisation multiévolutive

asynchronique, se basant sur l‘ensemble des données recueillies, sera présenté. Par

l‘analyse des vecteurs de transformation et d‘homogénéisation à l‘intérieur de la Wicca

québécoise, on parvient à établir un schéma qui a pour but de rendre compte de la

complexité de la nature même de cette religion et de son évolution. Il va sans dire que la

transformation et les préoccupations de certains membres des communautés par rapport à

l‘institutionnalisation ne sont probablement pas, à première vue, aussi importantes que cela

puisse paraître dans l‘ensemble et pour l‘ensemble du milieu. Néanmoins, les mécanismes

sont présents et en marche, et la fréquence et l‘accumulation de tous les éléments de

transformation préfigurent l‘institutionnalisation. Le modèle tente d‘expliquer les

changements qui amènent un groupe religieux vers des formes institutionnalisées. De plus,

la possibilité de témoigner de ces changements pendant qu‘ils se produisent au sein d‘une

communauté est une occasion de voir tous ces éléments en marche, car plus souvent

qu‘autrement, les modèles sont créés après que l‘institutionnalisation ait eu lieu. On a une

forme au départ et une autre à la fin et on en tire des conclusions.

Dans le cas de la Wicca québécoise, on a l‘opportunité de voir ce qui fonctionne et ce qui

ne fonctionne pas, de déceler les tensions majeures évidentes de celles qui le sont moins et

de connaître les perceptions internes et contradictoires face à ces changements. La vague de

transformation institutionnalisée a pris cette religion d‘assaut à différents moments et de

diverses façons. Il nous tarde d‘en démêler les courants.

16

Chapitre 1 : Évolution culturelle et intégration

sociopolitique de la Wicca

We are the flow, we are the ebb,

We are the weavers, we are the web.

We are the weavers, we are the web,

We are the spiders, we are the thread.

We are the spiders, we are the thread,

We are the witches back from the dead.

Chant par Shekhinah Mountainwater

Depuis 50 ans, nous voyons au Québec le développement de mouvements culturels qui se

réapproprient les pratiques, les croyances et les référents de religions préchrétiennes (p. ex.

magie, sorcellerie, paganisme) dans un contexte moderne. La Wicca constitue, parmi les

mouvements regroupés sous l‘appellation de néo-paganisme28

, celui qui a la plus grande

influence sur la culture populaire en Amérique du Nord. Bien que plusieurs ouvrages

anglophones documentent les développements américains et anglais, la question des

néo-paganismes a été peu traitée au Québec. Les quelques études existantes privilégient les

dynamiques liées au sexe et au genre. Il en est ainsi des travaux de Lucie Dufresne sur la

sorcellerie féministe québécoise (Dufresne, 1999, pp. 203-209) et sur les groupes

féministes vouant un culte à la Déesse dans la région de l‘Outaouais (thèse de doctorat,

2004, Université d‘Ottawa), ainsi que de la mémoire de maîtrise de Shelley Rabinovitch

portant sur l‘existence du néo-paganisme et de la sorcellerie au Canada (Rabinovitch, 1992,

Carleton University), sans oublier les articles pionniers d‘Ève Gaboury sur la sorcellerie

féministe à Montréal (1998, pp. 91-105). En outre, Marisol Charboneau a consacré son

mémoire de maîtrise aux particularités du paganisme à Montréal (thèse 2008, Université

d‘Ottawa). Le mémoire de maîtrise de Sian Reid se concentre sur l‘image de la sorcière

28

Le terme « paganisme » est un terme général englobant une variété de traditions différentes qui n‘ont pas

nécessairement de dogme central, mais qui sont cependant dotées de la vision d‘un sacré émanent dans la

nature ainsi que dans toute forme de vie (Higginbotham, 2003, p. 1; Reid, 2002b, pp. 168-169).

18

dans l‘espace public des médias de la région d‘Ottawa entre 1980 et 1990 (Reid, 1992,

Carlton University).

Toutefois, ces travaux ne suffisent pas à rendre compte de manière synthétique de la réalité

wiccaine actuelle au Québec et au Canada, c‘est-à-dire un milieu où le syncrétisme

religieux est encouragé et où la présence d‘une autorité religieuse toute puissante est

critiquée, voire découragée, ce qui invite le chercheur à jeter un regard nouveau sur les

liens tissés entre la société, la religion et l‘autorité publique. Cette problématique pourrait

être d‘autant plus révélatrice des modalités actuelles du changement religieux et culturel,

d‘autant plus qu‘elle se rapporte à un groupe divisé sur la question même de

l‘institutionnalisation. En effet, divers groupes wiccains au Québec et au Canada se

trouvent présentement à un moment charnière, comme témoignent plusieurs débats actuels

autour de demandes récentes, présentes ou à venir de reconnaissances légales et publiques

de leurs croyances auprès des institutions gouvernementales provinciales et fédérales. La

teneur de ces débats, les options envisagées, les choix effectués et les contraintes assumés

ou refusés font l‘objet de cette thèse.

Au cours de la dernière décennie, nous avons été témoins de la montée de la popularité de

la sorcellerie et de la Wicca dans les médias (films et émissions de télévision) et sur la

place publique (organismes, boutiques, Journée de la fierté païenne). Malgré cela, la Wicca

reste encore méconnue du public général en tant que mouvement culturel à référence

religieuse. Il est donc important de pouvoir aborder et identifier les diverses notions et

pratiques qui lui sont associées. La première partie de cette thèse se penchera sur ces

questions. Nous présenterons également les principaux schémas explicatifs du changement

culturel religieux. L‘approche du néo-institutionnalisme (DiMaggio et Powell, 1983), ainsi

que le schéma évolutif de Richardson (Richardson, 1985, p. 172) serviront d‘ailleurs de

base au développement d‘un modèle d‘institutionnalisation mieux adapté à la réalité des

minorités religieuses telle que la Wicca. Dans la deuxième partie de la thèse,

l‘identification des divers vecteurs de transformation et d‘institutionnalisation sera

présentée. Puisque peu d‘ouvrages et peu de ressources traitent de ce sujet au Québec, une

collecte de données originales s‘avère nécessaire. Par conséquent, la dernière partie sera

19

consacrée à la méthodologie employée pour ce faire, soit les stratégies de découvertes et les

techniques d‘enquêtes.

Partie I – Concepts de base et éléments de changements

1.1 Quelques courants de changements culturels religieux

Afin de mieux comprendre les processus d‘institutionnalisation en cours au sein des

wiccains canadiens et québécois, il importe de passer en revue les concepts de base ainsi

que quelques théories qui tentent de rendre comptent du changement religieux. Il est

d‘abord nécessaire de présenter brièvement les mouvances culturelles religieuses dans

lesquelles s‘inscrit la Wicca.

1.1.1 Le paganisme et le néo-paganisme

Du point de vue étymologique, les termes « païens » et « paganisme » font référence au

terme latin paganus lequel désigne « les habitants de la campagne » (Higginbotham, 2003,

p. 7). Dans les religions chrétiennes, ce terme était utilisé pour distinguer ce qui était

chrétien de ce qui ne l‘était pas. Dans son sens actuel, ce terme fait référence au

mouvement du renouveau païen du XXe siècle. Bien que la majorité des païens

d‘aujourd‘hui habitent les milieux urbains, cette appellation se rattache aux liens qu‘ils

entretiennent avec la nature et la représentation romantique qu‘ils en ont.

Revendiquer la qualification de « néo-païen » ou de « païen » relève d‘une question de

préférence chez les adeptes (Reid, 2002 b, pp. 168-169). Les personnes rencontrées sur le

terrain s‘identifient par l‘utilisation du vocable « païen ». Le plus souvent, les spécialistes

vont ajouter le préfixe « néo » afin de désigner ces groupes. Si les adeptes mettent l‘accent

sur la continuité de l‘identité païenne, les seconds soutiennent qu‘il s‘agit d‘une

reconstruction moderne de l‘idéal païen (Pearson, Roberts et Samuel, 1998, pp. 1-2).

Comme le souligne Reid, les païens ont une vision holistique du monde et croient que tous

les éléments de l‘univers sont reliés entre eux et investis d‘une énergie (Reid, idem). Au

20

sens strict comme au sens large, une définition sociologique claire du paganisme a été

dressée sous la plume de Michael York. Pour ce dernier : « any religious perspective which

honours the natural as the sacred itself made tangible, as immanent holiness, is pagan. ». Il

ajoute :

My further argument, however, is that nature or the material world is not

the whole of the sacred in the full pagan view of things. The human and

the preternatural29

are as divine as the phenomenal world of nature. In

other words, in its full scope, paganism is, or at least embraces, naturism,

humanism and animism of some sort. (York, 2000, p. 7)

Cette définition de paganisme par York est celle que nous reprenons dans le cadre la

présente recherche.

1.1.2 Les religions de la nature

Catherine Albanese a popularisé le terme de « religion la nature » (Nature religion). Pour

elle, il s‘agit d‘une construction sociale contemporaine comportant un ensemble de

croyances, de comportements et de valeurs dont la nature occupe symboliquement le centre

(Albanese, 1990, pp. 6-8). Toutefois, le concept de « religion de la nature » ne se limite pas

à cette simple expression. Il permet d‘inclure les idées de « resacralisation », de

réorientation de la nature externe et d‘incarnation physique (Pearson, Roberts et Samuel,

1998, pp. 1-2; Pearson, 2000, pp.8-11). Il s‘agit en outre d‘un terme pratique pour analyser

les religions panthéistes situées au-delà et en deçà d‘un contexte institutionnel et vues

comme source de divinité (Davy, 2006, p. 79; Beyer, 1998, p. 11). Cette dénomination

regroupe les pratiques wiccaines, païennes et chamaniques. Davy poursuit en indiquant que

la religion de la nature :

[…] refers to religious traditions in which nature is the milieu of the sacred,

and within which the idea of transcendence of nature is unimportant or

irrelevant to religious practice. By this definition, contemporary paganism

and shamanic traditions are both expressive of nature religion, but not

exhaustively defined by nature religion. People who practise nature religion

venerate the natural world, not in the sense of worship, but in terms of

29

Micheal York entend par preternatural tout ce qui est autre que l‘ordinaire, l‘explicable et le naturel. Dans

cette perspective, il n‘y a pas connotation d‘hiérarchique entre l‘humain et l‘autre (York, 2003, p. 91).

21

feeling deep respect for the power of ―other-than-human persons‖ within the

―more-than-human world‖. (Davy, 2006, pp. 79-80)

C‘est cette perspective de sacralisation émanant de la nature qu‘on retrouve dans les

milieux wiccains nord-américains. De son côté, Peter Beyer voit dans cette notion de nature

une réflexion de la nature comme étant un symbole de la contre-structure30

: « Today‘s

expressions of nature religion can be seen as an analogous counter-structural reflection,

critique and confirmation of contemporary social normality, namely global society with its

dominant instrumental systems. » (Beyer, 1998, p. 18). Or, la Wicca a historiquement été

perçue comme une religion de fertilité. Elle est d‘ailleurs encore considérée comme telle en

Angleterre. Bien que la nature soit présente et fasse partie intégrante de la théologie

wiccaine (cycle des saisons, lien agraire, vénération de dieux et de déesses emblématiques,

pratique dans les milieux naturels, etc.), cette prépondérance semble avoir été acquise lors

de son importation en sol nord-américain dans les années 1960. C‘est du moins la thèse

soutenue par Viviane Crowley. Selon elle, c‘est à Doreen Valiente, l‘une des grandes-

prêtresses de Gerald B. Gardner, fondateur de la Wicca moderne, qu‘on doit la

transformation de la Wicca. Initialement religion de fertilité, elle devient une religion de la

nature (Crowley, 1998, p. 174; Greenwood, 2005, p. 22). Valiente, une auteure prolifique

sur le sujet de la sorcellerie et de la Wicca, souligne également l‘existence d‘un trait de

vitalité dans cette importation : « The concern is not so much with literal fertility as with

vitality, and with finding one‘s harmony with Nature. » (Valiente, 1973, p. 135).

En Amérique, l‘apport des mouvements écologiques et féministes, ainsi que celui des

religions amérindiennes, a stimulé cette transformation. Comparativement à son pendant

anglais, la nature semble davantage présente dans la pratique de la Wicca canadienne. Sur

le terrain, une différence perceptible existe entre les pratiquants de l‘Angleterre (surtout

ceux de Londres) et ceux du Canada (surtout ceux de la région de Montréal). Au cours des

diverses discussions que nous avons eues sur le sujet, les wiccains anglais réfèrent à la

Wicca comme étant une religion de fertilité alors que les wiccains canadiens parlent de

30

Il élabore le concept d‘anti-structure de Victor Turner. Un symbole contre-struturel est: « an idea which

stresses the oppositional aspect which can be extended to the realm of personal religious experience » (Beyer,

1998, p. 18).

22

religion de la nature. Les comportements adoptés lors des rituels ou des festivals païens

diffèrent également. Les wiccains et les païens canadiens tentent de minimiser les impacts

humains sur la nature en recyclant, en utilisant des objets compostables, etc., tandis que les

païens et les wiccains anglais ne s‘en préoccupent pas outre mesure. L‘impact sur

l‘environnement ne semblait pas être une de leurs priorités. Pour eux, il s‘agit d‘abord et

avant tout d‘un culte de la fertilité.

1.1.3 La Wicca

1.1.3.1 Présentation générale

Il importe tout d‘abord de souligner que la Wicca n‘est pas un groupe marginal. La Wicca

est plutôt une religion de la nature, un courant spirituel alternatif. Elle est fermement ancrée

dans la société. Ses membres font partie intégrante de celle-ci. Ils y puisent les divers

éléments nécessaires à leur évolution. Outre ses référents propres, la Wicca se nourrit et

s‘inspire de la culture commune et cherche en même temps à transformer les éléments de

base de cette culture générale afin qu‘ils reflètent, entre autres, sa propre vision du monde.

Elle ne se retrouve donc pas en marge ni n‘est exclue des activités et des plans de la société

dans laquelle elle s‘insère.

Définir la Wicca n‘est pas une entreprise simple. La définition peut se faire sur des bases

étymologiques, scientifiques ou personnelles. Dans la première catégorie se retrouvent pour

la plupart des notions proposées par des intellectuels de la mouvance. Dans, The

Encyclopedia of Witches and Witchcraft, Rosemary Ellen Guiley note que le mot « Wicca »

provient du vieil anglais « wicce » qui veut dire « sorcière ». L‘auteure fait aussi référence

au terme « wican » qui signifie « to bend », c‘est-à-dire l‘action de plier (Guiley, 1989,

p. 363). De plus, elle croit que plusieurs sorcières utilisent ce terme parce qu‘il n‘est pas

affublé d‘une connotation péjorative. Margot Adler propose une définition similaire en

mentionnant que wicce est la forme féminine, et wicca la forme masculine, et que le terme

wic signifie « to bend or to turn » (Adler, 1986, p. 11). Donc, pour Adler, une sorcière

serait une personne qui a la capacité de manipuler, de changer et de soumettre la réalité. Ce

23

type de définitions se retrouve un peu partout dans la littérature sur le sujet ainsi que sur

Internet.

Pour sa part, Diane Purkiss soutient que la Wicca est : « an invented religion which draws

syncretically on a variety of histographically specific versions of ―ancient‖ Pagan religion.

[...] no one person is in charge of the process, so modern witchcraft is not a unified set of

belief; every interpretation is subject to reinvention by others. » (Purkiss, 1996, p. 31). La

définition que donne James W. Baker dans White Witches : Historic Fact and Romantic

Fantasy abonde dans le même sens. Pour lui : « Modern Wicca is not a survival of an

ancient tradition, but rather the modern syncretization of a number of old and new elements

that never ever co-existed, much less were united. » (Baker, 1996, p. 178)31

. Pour Shelley

T. Rabinovitch : « Witches (also called Wiccans) are a subset of Neo Paganism, followers

of a Goddess and a God in what they view as a pre- or non-Christian religion from the

British Isles. » (Rabinovitch, 1992, p. 76). Cette définition a l‘avantage de faire référence à

l‘origine moderne de la Wicca. Pour Ève Gaboury, la Wicca (ou sorcellerie nouvelle) : « est

la remise en valeur d‘usages religieux anciens qui laissent une place de choix à l‘expression

―féminine‖ du sacré. » (Gaboury, 1998, p. 93).

La Wicca peut également être reconnue comme étant une religion alternative, puisqu‘elle

offre une alternative aux religions établies. Selon Stephen Stein, une religion alternative

signifie : « that the communities under discussion are not prevalent or dominant in society.

Implicit in these categories is the notion that those who join such groups have chosen to do

so as a protest against mainstream religion. » (Stein, 2003, p. 5). Bien que la majorité des

membres que nous avons rencontrés sur le terrain n‘ont pas choisi la Wicca pour protester

contre les religions majoritaires (dans ce cas-ci, les catholiques romains ou les protestants),

plusieurs membres, surtout au sein des groupes féministes, adoptent néanmoins cette

position. Cette position est-elle implicite? Pour l‘instant, il semble que tel soit le cas pour

31

Nous pouvons ressentir un certain dédain dans cette dernière définition, mais l‘idée semble la même que la

première, soit celle d‘une religion inventées à partir d‘éléments de diverses religions dans le but de

reconstituer une religion de la nature datant de l‘époque pré-chrétienne.

24

certains, cela dit, cette situation peut être amenée à changer avec la présence des deuxième

et troisième générations de wiccains n‘ayant jamais appartenu à une Église.

Sur le plan de l‘identité subjective, les membres ne semblent pas tous d‘accord sur la

référence religieuse. Pour l‘instant, il semble que bien qu‘elle soit considérée comme un

mode de vie et une spiritualité par certains wiccains à cause de son aspect hautement

individualiste, une majorité (cela inclut les wiccains et les païens académiques) la considère

comme étant une religion.

Par ailleurs, l‘autoréférence des pratiquants diffère généralement d‘une part, par l‘accent

qu‘ils mettent sur l‘ancienneté du culte ou des rituels et, d‘autre part, par le fait qu‘ils aident

à développer un mode de vie compatible avec leurs idéaux. Ainsi, pour Gerina Dunwich, la

Wicca : « is a positive, shamanistic nature religion with two main deities honoured and

worshipped in Wiccan rites: The Goddess in her triple aspects of Maiden, Mother and

Crone, and her consort the Horned God. » (Dunwich, 1996, p. 10). Pour beaucoup de

wiccains fréquentés en cours d‘études, la Wicca a outrepassé sa fonction de religion pour

devenir simplement un mode de vie.

Parmi les principaux éléments de caractérisations tirés des études antérieures et de nos

recherches, il en ressort que, pour nous, la Wicca est une religion de la nature, dépourvue

de structures centrales ou dominantes communes, qui est pratiquée de façon individuelle ou

en groupe, dotée de croyances, de normes morales et de codes d‘éthiques, et qui voue un

culte à la Déesse dans sa triple forme (Maiden, Mother and Crone) et au Dieu cornu en tant

que figures emblématiques de la nature et des cycles saisonniers. Pour les pratiquants, la

manipulation des énergies et des forces naturelles et cosmiques vise l‘amélioration de soi

(et par conséquent, de son entourage). La raison du choix de cette définition, bien que très

large, est qu‘elle permet d‘avoir une définition avec laquelle nous pouvons travailler,

puisqu‘elle englobe les éléments essentiels de la pratique et de la croyance.

1.1.3.2 La question de la communauté wiccaine

Depuis les deux dernières décennies, la notion de communauté est omniprésente dans le

milieu païen et wiccain. Certaines d‘entre elles s‘identifient en tant que communauté dans

25

la région de Montréal, d‘autres parlent de la grande communauté canadienne ou encore

utilise le terme de communauté pour signifier l‘ensemble des wiccains, qu‘ils partagent ou

non un lieu géographique. Ainsi, cette notion peut poser problème, surtout si on associe

l‘idée traditionnelle de communauté à celle d‘un groupe physique occupant un certain

espace géographique déterminé et dont les membres entretiennent divers types de relations

entre eux. En effet, les frontières géographiques ne sont plus les critères nécessaires pour

établir une communauté (Dawson, 2004, p. 81; Ellis, Oldridge et Vasconcelos, 2005,

p. 150; Komito, 2001, p. 116), laquelle devient alors une communauté virtuelle (Brasher,

2001, p. 8) ou sentie. Par exemple, on peut parler d‘une communauté gaie ou lesbienne en

l‘absence de territoire ou de lieu délimité (Berger, 1999, p. 66).

Si la communauté est un lieu sécuritaire et qui se veut sécurisant (Bauman, 2001, p. 144),

celle-ci peut par conséquent exister à l‘extérieur des limites géographiques, voire même

dans le monde virtuel d‘Internet. Brian McKenna utilise d‘ailleurs, le terme de

« communauté » dans le sens où les personnes partagent quelque chose en commun et

possèdent une identité commune (McKenna, 1998, p. 399). Cela peut s‘appliquer aux

wiccains et aux païens qui créent sur le web des communautés basées sur leurs intérêts et

leurs expériences, et non selon sur leur appartenance biologique, ethnique ou géographique

(Berger, 1999, p. 67; Berger et Ezzy, 2004, p. 186).

Avec la notion de communauté vient aussi celle des frontières. Des frontières existent dans

le but de déterminer qui fait partie de la communauté et qui en est exclu. Comme le

remarque Reid : « The concept of community hinges on the notion of boundaries, which in

Paganism tend to be both porous and ephemeral. » (Reid, 2002a, p. 55). La communauté

wiccaine possède des frontières. En effet, elle détermine d‘une certaine manière qui est

wiccain et qui ne l‘est pas. Lorsque l‘on observe les communautés virtuelles, cette frontière

perméable admet donc la possibilité d‘une communauté égalitaire, entre autres par

l‘utilisation de pseudonymes et par le recours à l‘anonymat (Dawson, 2004, p. 80), tel que

l‘observe Eileen Barker :

In these electronic networks there is no preordained status distinguishing

participants and deciding who can say what. Pseudonyms can be used and

26

new personalities assumed – neither sex nor age need be revealed. Even the

boundary between ―them‖ and ―us‖ may be ignored. It is here that, rather

merely receiving ―The Truth‖ in the form of Wisdom and instructions, there

is a genuine possibility for there to be a community of equals. (Barker, 2005,

p. 76)

Toutefois, ce n‘est pas là le fait d‘un organisme central. Plusieurs personnes revendiquent

une identité ou se rattachent librement à la mouvance wiccaine (Berger et Ezzy, 2004,

p. 177). Par conséquent, les critères d‘inclusion et d‘exclusion deviennent nébuleux et la

frontière floue. Cela vaut autant pour les communautés virtuelles que pour les

communautés géographiques. Malgré tout, il existe des frontières claires et déterminées en

fonction des degrés initiatiques et des formes d‘engagements (Reid, 2002a, p. 55) : les

« covens », les cercles, les temples, les « groves » et autres petits groupes de travail en sont

des exemples. Il existe aussi des communautés basées sur l‘espace géographique (p. ex. :

communauté de Montréal, les West Island Pagans), sur l‘affiliation traditionnelle (p. ex : la

British Traditional Wicca [BTW], la Gardnerian tradition, la Faery tradition) et sur le cadre

institutionnel public (p. ex : le Green Man tradition dans les prisons fédéraux) (Reid, 2002a,

p. 56). En outre, la scolarisation des païens et des wiccains favorise l‘émergence d‘une

intelligence dont le noyau se situe dans la capitale nationale, Ottawa. S‘y est créé une

communauté dont le noyau est constitué d‘une élite à la fois intellectuelle et académique.

Ainsi, le concept de communauté chez les wiccains et les païens se détermine davantage

par des intérêts communs et des projets plutôt que par une position dans la société. Comme

le remarque Helen Berger lors de son enquête sur le terrain en Nouvelle-Angleterre : « For

Witches, the community replaces the church, central organization or denomination of other

religious groups, it is the larger group within which covens and solitary practitioners define

themselves. A chant commonly heard at Wiccan rituals states: ―We are a circle within a

circle with no beginning and no ending‖.32

» (Berger, 1999, p. 66).

Parallèlement à cette notion, se trouve celle de communitas, celle du culte ou du rituel

festif. Elle recoupe les conférences, moots et les festivals païens, comme l‘a remarqué et

32

Ce chant est d‘ailleurs repris par les communautés de Montréal et par les pratiquants solitaires de la région

de Québec.

27

souligné Shelley T. Rabinovich lors d‘une conférence donnée en Nouvelle-Écosse dans le

cadre de la Gaïa Gathering de 2006. Pendant quelques jours, les wiccains et les païens issus

de diverses régions du Canada se rassemblent en grand nombre. Des activités, des

rencontres et des discussions ont lieu, et des rituels se déroulent. Pendant ces quelques

jours, la communauté se vit. Aux fins de cette thèse, le terme « communauté » sera

appliqué aux regroupements wiccains au sens où l‘entend Bauman, Berger et Rabinovitch,

c‘est-à-dire un lieu sécuritaire dans laquelle se retrouve des pratiquants de coven et

solitaires qui partagent des intérêts communs et qui va au-delà de la communauté physique.

Quelques composantes significatives du regroupement seront suivies dans leur parcours

évolutif. Auparavant, il convient de préciser quelques repères socio-culturels de la

mouvance.

1.1.3.3 Genèse de l’identité wiccaine

Comme il a été mentionné, certains groupes wiccains se posent présentement des questions

relativement à l‘institutionnalisation de leurs croyances. À la base, ils sont fortement

opposés à toutes formes d‘organisation institutionnalisée englobante. Dans les années 1950,

la Wicca se pratiquait initialement en petits groupes (covens ou cercles), idéalement

composés de 13 personnes ou moins, en nombre égal d‘hommes et de femmes. Les covens

avaient à leur tête une grande-prêtresse. Les divers covens avaient peu de contacts entre

eux. Les rares contacts établis se passaient par messagers. Dans les années 1970 et 1980, la

pratique en solitaire est devenue possible grâce à la dispersion de l‘enseignement, à

l‘immigration des membres au Canada et aux États-Unis et à la publication de grimoires en

Amérique du Nord. Bien que peu appréciée au départ par les gens appartenant à un coven,

la possibilité de la pratique solitaire a gagné en popularité grâce à la parution du livre de

Scott Cunningham A Guide for a Solitary Pratitionner en 1988. Des tensions se font sentir.

Pour ces wiccains, bien qu‘une hiérarchie institutionnalisée existe sous la forme de covens,

elle est le fruit d‘un choix de s‘initier à une tradition telle que vécue ou pratiquée dans ce

contexte. Sans renier quoi que ce soit, ils ont opté pour autre chose, et à leur manière. Pour

le reste, la question de l‘institutionnalisation pose toujours problème puisqu‘elle est liée à

l‘idée de contrôle par une institution dominatrice. Du côté des initiés en covens, la question

28

cruciale reste toujours l‘authenticité de la pratique. L‘indépendance d‘esprit, l‘absence d‘un

dogme commun à tous et la liberté de personnaliser sa pratique sont au cœur de la Wicca et

doivent être respectées. Tous s‘entendent là-dessus. Aussi, ce consensus recouvre des

variations dans la pratique wiccaine. Signalées par la présence des solitaires, elles vont

s‘intensifier avec l‘ajout des groupes féministes et écologiques.

Bien que nécessaire pour diverses raisons, le processus d‘institutionnalisation d‘un

mouvement tend à changer le caractère du groupe (Roberts, 1990, p. 154). Le fait que le

milieu néo-païen valorise la liberté d‘expression du culte, la simple idée de fournir une

norme à respecter confronte les membres aux dilemmes inhérents à la normalisation.

L‘ouvrage intitulé Pagan Book of Living and Dying, publié en 1997, illustre clairement ce

propos. Habituellement, il n‘y a pas de norme ni même de rituel directement associé aux

décès dans la communauté wiccaine. Chaque groupe et chaque individu marquent le

passage à sa manière. Un groupe de personnes, dont Starhawk et Macha Nightmare, ont

cependant rédigé cet ouvrage afin de mieux guider les mourants et leurs proches dans le

processus de la mort. D‘autres ouvrages comme A Book of Pagan Prayers de Ceisiwr

Serith (2002), Pagan Protocol de Lady S. Alabaster (2006), ou encore celui portant sur le

handfasting (mariage païen) Handfasted and Heartjoined: Rituals for Uniting a Couple’s

Hearts and Lives de Lady Maeve Rhea (2001), existent. Ce dernier est d‘ailleurs l‘ouvrage

de base par excellence pour toutes personnes qui célèbrent le handfasting wiccain à

Montréal. Ces ouvrages peuvent formaliser certaines pratiques, même si les auteurs

mentionnent que ces guides servent d‘exemples et qu‘ils n‘ont pas à être suivis à la lettre.

Les lecteurs peuvent s‘inspirer de ces écrits pour créer leurs propres rituels ou prières sans

prendre les leurs. Toutefois, qu‘ils le veuillent ou non, des wiccains, surtout néophytes,

s‘inspirent directement de ces ouvrages et les appliquent fidèlement en les citant comme

sources d‘inspiration à d‘autres wiccains.

Dans le processus d‘institutionnalisation de la mouvance, plusieurs dilemmes proviennent à

la fois de l‘intérieur et de l‘extérieur. Bien qu‘il semble que les néo-paganismes prennent de

plus en plus de place dans l‘espace public, il ne s‘agit là que d‘une minorité de gens qui en

font partie. Cette position de minorité religieuse amène les wiccains à réfléchir à ce qui

29

constitue une majorité et une minorité. Par exemple, il y a eu formation d‘organismes dans

le but à la fois de traiter avec les autorités publiques ou les institutions gouvernementales et

de dispenser des services à l‘ensemble de la communauté païenne. Du nombre, citons la

Pagan Federation/Fédération païenne du Canada (PFPC), Officers of Avalon, Pagan

Pastoral Outreach (PPO) et Gaïa Gathering. Mais qu‘est-ce que la communauté païenne et

qui parle pour qui? Au nom de quoi? Un autre dilemme apparenté tient au fait que la

Wicca, le groupe majoritaire de cette minorité païenne, tente de faire entendre sa voix pour

être considérée comme une religion au même titre que les autres grandes religions. Alors

que, certains wiccains ne veulent pas s‘engager dans un processus d‘institutionnalisation et

justifient leur position en indiquant que les autorités publiques pourraient prendre les

normes d‘un groupe et les appliquer à tous les autres groupes wiccains qui s‘identifient

comme tels33

. Cette crainte a d‘ailleurs été soulevée lorsque la Wiccan Church of Canada

(WCC) a tenté d‘obtenir ce statut en Ontario. Dans un tel cas, selon les critiques contre

l‘institutionnalisation, une minorité peut devenir, une menace pour la majorité.

1.1.3.4 Un renouvellement générationnel?

L‘une des pressions internes qui entraînent nombre de modifications est la présence de la

nouvelle génération. Initialement, la Wicca s‘adressait à un public adulte. Cela prévaut

encore aujourd‘hui. Les enfants et les personnes d‘âge mineurs n‘ont pas le droit de

participer à des rituels wiccains à moins que leurs parents ou leurs tuteurs soient présents au

rituel et donnent leur consentement. Néanmoins, la venue des enfants force plusieurs

wiccains à revoir certains aspects de leurs pratiques. La Wicca est une pratique qui permet à

chaque personne de choisir la voie spirituelle qui lui convient et qui l‘oblige à en accepter

les conséquences. La Wicca est également associée à la notion de « vieille religion » qui

unit toute une communauté. Une tension existe donc entre ces deux visions de la Wicca et

est de plus en plus apparente depuis que des enfants commencent à être élevés dans le

milieu wiccain (Berger, 2006, p. 144). De plus, la présence d‘enfants au sein de la

33

Il n‘y a pas encore d‘ouvrage qui traite de ce sujet en particulier. Mais ces informations et ces inquiétudes

proviennent de diverses discussions tenues avec les païens lors de l‘enquête sur le terrain entreprise dans le

cadre de la recherche menée au niveau de la maîtrise et du doctorat entre 2001 et 2007.

30

communauté amène les parents wiccains à faire des choix quant à leur éducation. Cette

tendance a acquis une telle importance que les auteures ontariennes Shelley Rabinovitch et

Meridith Macdonald ont consacré tout un chapitre au sujet des enfants et de leur éducation

par des parents païens (Rabinovitch et Macdonald, 2004, pp. 120-170). Pour les wiccains,

la religion ne doit pas être imposée à une autre personne. Par conséquent, plusieurs

questions ont été soulevées dans le milieu relativement à la manière d‘éduquer les enfants

sans leur imposer des croyances. La situation devient encore plus difficile lorsqu‘un couple

est composé d‘un parent wiccain et d‘un autre de confession chrétienne. Pour répondre à

ces préoccupations, plusieurs ouvrages et guides pratiques à l‘intention des parents ont été

écrits et publiés depuis les années 198034

.

L‘influence de cette nouvelle génération a également des répercussions sur l‘identité

wiccaine. Les parents païens craignent que leurs enfants soient victimes de discrimination

(Berger, 2006, pp. 156-157). Ce phénomène s‘est déjà produit dans certaines écoles de

Montréal35

. Les membres de la deuxième génération vont commencer à mettre l‘accent sur

ce qui est semblable plutôt que sur ce qui est différent. Par conséquent, certains parents

veulent que leur religion soit légitimisée ou encore reconnue au même titre que les autres

religions (Wilson et Barker, 2005, pp. 308-309). Cela sous-tend que la Wicca pourrait

devenir plus conservatrice, ce que constate d‘ailleurs Berger :

The growth in the number of children being born to adherents is forcing a

decentralized community to start to rethink and redefine itself. Witchcraft

and neopaganism, which grew out of counterculture, are becoming more

conservative. Tradition, continuity, and restrained sexuality become more

important as children enter the circle. (Berger, 2006, pp. 156-157)

34

Ashleen O'Gaea a écrit quelques livres tel que « Family Wicca : Practical Paganism for Parents and

Children », « Raising Witches: Teaching the Wiccan Faith to Children ». Kristin Maddin a écrit « Pagan

Parenting ». Starhawk, Diane Baker et Anne Hill ont écrit« Circle Round: Raising Children in Goddess

Traditions ». Raine Hill « Growing up Pagan: A Workbook for Wiccan Families ». Ce ne sont là que quelques

ouvrages. 35

Par exemple, un cas nous a été expliqué lors de la 2e conférence païenne de la communauté de Montréal.

Cela impliquait une fille allant à une école privée, qui lorsque demandé de parler de leur appartenance

religieuse dans le cours, a exprimé le fait qu‘elle était une sorcière ainsi que ces parents. L‘école concernée

par cet aspect a appelé la famille et la fille avait été retirée des cours le temps que le problème se règle. La

famille a dû expliquer leur croyance, fournir des documents et faire venir une personne de la communauté

pour confirmer et expliquer la pratique aux dirigeants de l‘école. Une fois rassuré, l‘élève a pu retourner à

l‘école.

31

La présence de la nouvelle génération fait pression sur le format et la pratique de la Wicca.

Comment et avec quels effets? C‘est ce que nous voudrons analyser dans la thèse.

1.1.4 La Wicca au Canada : les défis de l’inculturation

Les questions d‘organisation interne, de personnalité juridique et d‘image publique sont

loin de monopoliser l‘attention des wiccains, ni même celle des plus engagés

collectivement d‘entre eux36

. Elles sont tout de même au centre des débats internes à la

communauté et sont décisives quant à l‘issue de l‘institutionnalisation de la Wicca.

1.1.4.1 Vers une (re) structuration de la Wicca?

Au moment où la Wicca a été connue du public, sa structure de base s‘appuyait sur le

coven. Comme on l‘a mentionné, le temps et l‘immigration des membres en Amérique du

Nord on fait en sorte que la forme de pratique a été modifiée. Les covens restent le modèle

préféré et idéalisé37

. En raison de la popularité sans cesse croissante de la Wicca et de

l‘arrivée de mouvements féministes et écologiques, le nombre de pratiquants solitaires,

non-associés aux covens, augmente. Cet amalgame de la présence accrue sur l‘espace

public (livres, filmes, émissions de télévision) de la Wicca et la recherche d‘une alternative

religieuse répondant au besoin spirituel de l‘individu, amène plusieurs personnes à explorer

la Wicca. Le nombre de ces pratiquants est tel qu‘ils forment désormais le groupe le plus

important, ce qui ajoute donc une tension de plus dans le processus d‘institutionnalisation

wiccaine. À cause de l‘importance du nombre de solitaires, un débat est en cours depuis les

années 1980 sur l‘admissibilité de la pratique solitaire au sein des wiccains. Pour les gens

de coven, une personne ne peut être wiccaine si elle n‘a pas d‘abord été initiée dans un

coven. Les pratiquants solitaires formuleront divers arguments pour défendre leur identité

wiccaine. Cette problématique est, entre autres, liée au concept de limites (boundaries), car

avec la popularité de la mouvance, il devient important pour les membres d‘être en mesure

de déterminer qui est wiccain, et qui ne l‘est pas. Par conséquent, cette position favorise les

36

Ce qui semble préoccupé principalement leur attention sur le plan publique, sont les questions

d‘organisation et de gestion des divers activités, festival, rencontres, ainsi que les questions d‘ordre pratiques,

tel que ce qui a trait aux rituels et des demandes de conseils. 37

Il est intéressant de noter la formation de covens même dans le monde virtuel (p. ex. « Second Life »).

32

membres appartenant à un coven ou à une tradition donnée puisqu‘il n‘y a pas de corps

central favorisant la détermination du statut identitaire. Bien qu‘aujourd‘hui les pratiquants

solitaires soient tolérés dans la communauté païenne en général, la question est sensible et

reste encore vivement débattue, comme le démontrent les séances sur la Wicca tenues dans

le cadre de la conférence Gaïa Gathering au Canada38

.

1.1.4.2 La question de la langue

La Wicca est issue de l‘Angleterre; la langue principalement utilisée est l‘anglais. Bien

qu‘en Angleterre, aux États-Unis et au Canada anglais cela ne pose pas de problème, au

Québec, la situation est toute autre. Une pression linguistique se fait sentir sur les wiccains

francophones. En effet, leur accès aux ressources essentielles est limité comparativement à

celui des anglophones. Contrairement aux anglophones qui disposent de centaines de livres

sur la Wicca et de milliers de sites Internet, sans compter tous les appuis communautaires

existants, les francophones jouissent de peu de ressources. À ce jour, seuls quelques

ouvrages ont été publiés en français. Parmi ceux-ci, aucun ne consiste en un ouvrage de

base sur la Wicca, et deux sont des traductions de livres de Scott Cunningham39

. En outre,

le vocabulaire utilisé dans la traduction n‘est pas adapté à la Wicca. Le lexique a été

emprunté au catholicisme à l‘origine40

.

Dans le vocabulaire français, il n‘existe aucun équivalent pour certains termes cruciaux de

la théologie wiccaine. Il en est ainsi du simple concept de « Maiden, Mother, Crone »

servant à identifier les trois aspects de la Déesse qui n‘a aucune correspondance en français.

La « Maiden » n‘est pas nécessairement une vierge ou une jeune fille. De même, le terme

« Crone », ne réfère pas nécessairement à une vieille ou à une veuve. Dans le concept

anglais, la Déesse conserve sous chacun de ces aspects une identité sexuellement active.

L‘adjectif « wiccan » est aussi problématique lorsqu‘on le traduit en français. Certains vont

38

Ces séances consistent à réunir dans une même salle tous les membres de la conférence qui se considèrent

wiccains pour discuter des questions qui les préoccupent. Depuis 2005 que la conférence existe et le débat de

coven/solitaire est toujours d‘actualité. Il est à noter que dans la salle se trouvent de grandes-prêtresses et de

grands-prêtres de covens, des ainés, des néophytes, des wiccains solitaires ainsi que des wiccains initiés dans

des covens. 39

Les livres de Cunningham sur la Wicca sont considérés comme des versions très diluées des théories et des

pratiques de la Wicca. 40

Par exemple, les mots « So mote it be » vont être traduits par « Ainsi soit-il » ou « Qu‘il en soit ainsi ».

33

en faire une traduction directe de l‘anglais en utilisant le terme « wiccan », comme l‘Église

wiccane du Québec, alors que d‘autres vont préférer le terme « wiccain »41

. Si un pratiquant

« wiccain » n‘est pas anglophone ou bilingue, il lui devient très difficile de pratiquer sa

religion, faute d‘avoir accès aux outils nécessaires. Cette situation soulève d‘ailleurs une

autre question quant à l‘identité wiccaine. Une personne n‘ayant pas les outils de base de la

Wicca et ne pouvant pas avoir accès à l‘information peut-elle encore se dire wiccaine?

Même le terme de « pagan friendly42

» n‘existe pas en français. Pour l‘instant, les

pratiquants unilingues francophones tentent de mettre la main sur ce qu‘ils peuvent. Pour

cette raison, Lucie Marie-Mai DuFresne nous a révélé, lors de la Gaïa Gathering de mai

2007, son intention de créer un lexique francophone sur la Wicca et le paganisme. Il est vrai

que les diverses ressources de la communauté de Montréal déploient d‘énormes efforts

pour fournir des services et des renseignements bilingues afin de rejoindre le plus de

membres possible. Toutefois, ces mesures touchent peu les personnes qui habitent à

l‘extérieur de la région montréalaise. Cette problématique est loin d‘être résolue, et ce,

malgré les améliorations remarquées depuis les huit dernières années. Néanmoins, la

question de la langue s‘est retrouvée au cœur de la conférence païenne canadienne de la

Gaïa Gathering de mai 2008 tenue à Ottawa43

. Il convient de souligner que si, au Québec,

c‘est le français qui est problématique, le même problème existe pour les wiccains habitant

d‘autres pays où l‘anglais n‘est pas la langue officielle comme c‘est notamment le cas en

Allemagne, au Brésil et en Russie.

1.1.4.3 Les obstacles à la création de communautés

Avec la popularité grandissante de la Wicca et des néo-paganismes se pose la question de

l‘action collective. Dans certaines régions du Québec, l‘idée de créer une communauté est

41

Ce terme est privilégié dans cette présente recherche, puisqu‘il est une meilleure traduction du terme, mais

également pour montrer les différences que nous retrouvons parmi les pratiquants québécois. De plus, le

mémoire de maîtrise a été écrit en utilisant le terme « wiccan ». 42

Dr. Lucie Marie-Mai DuFresne de l‘Université d‘Ottawa, qui s‘intéresse à la problématique du français

dans la Wicca et le paganisme canadien, suggère la création du terme « païenophile » pour traduire le terme

« pagan friendly ». 43

Il faut mentionner que ce n‘est qu‘à la première conférence tenue à Edmonton en 2005, que le problème a

été souligné à la communauté anglophone de à l‘extérieur de la province. Pour plusieurs wiccains, ce fut une

surprise. Ils n‘avaient pas réalisés le déséquilibre qui existait à ce qui a trait à la langue au sein de la

communauté canadienne.

34

très difficile, voire impossible. Souvent il n‘y a pas assez de païens, et parfois, s‘il n‘y a pas

d‘infrastructure en place (local, transport adéquat, etc.) ou encore que les rares de membres

présents ne s‘entendent pas, le projet est voué à l‘échec. Tel est le cas pour la communauté

de la ville de Québec. Dans la province, l‘une des communautés qui est très présente et qui

prend de l‘expansion est celle de Montréal. Cette communauté est établie depuis les

années 196044

.

En 2002, à Montréal, on a vu les débuts des conférences portant sur la notion de

communauté. Ces conférences consistaient en des réunions où les discussions étaient axées

sur la vie générale de la communauté païenne, les problèmes de langues,

d‘institutionnalisation, de communication avec les médias et les difficultés avec les

membres de la communauté. Dans d‘autres grandes villes canadiennes (Toronto et Ottawa),

des efforts ont également été déployés afin d‘organiser des rencontres pour leur

communauté géographique. En 2003, des wiccains, des druides et des personnes d‘autres

appartenances païennes ont amorcé des travaux en vue de tenir une conférence

pancanadienne à l‘intention des païens. La première de ces conférences a été tenue à

Edmonton, en mai 2005 : elle portait le nom de Gaïa Gathering (The Canadian National

Pagan Conference). Depuis lors, se posent des questions de fond ayant

l‘institutionnalisation pour dénominateur commun. La structure et l‘organisation collective

(l‘identité, le culte, les célébrations) : les ressources et les services communs, la

responsabilité et l‘imputabilité envers la collectivité et pour la collectivité, le statut

associatif, la personnalité juridique. Ces questions sont constamment débattues. Bien que ce

soit encore qu‘une minorité de païens qui participent et qui se penchent sur ces questions,

de plus en plus de wiccains et de païens s‘en préoccupent.

L‘institutionnalisation de la mouvance wiccaine renvoie à des situations d‘interaction

complexes et enchevêtrées. Il en est ainsi de la question de la reconnaissance des

communautés et des regroupements païens. Elle se pose non seulement par rapport aux

autorités publiques, mais également par les wiccains et pour les païens eux-mêmes. Qui

44

Il faut se rappeler que le bassin d‘anglophones est plus grand à Montréal et que quelques immigrants

wiccains anglais et états-uniens sont venus s‘y installer, ce qui favorise l‘établissement de diverses traditions

et une base à la création de réseaux internes et externes.

35

plus est, les mêmes personnes sont souvent responsables de tout. Après quelque temps,

voire quelques années, elles ne peuvent plus maintenir le rythme. Lorsque ces moments

arrivent dans les grandes communautés, comme celle de Montréal45

, il est possible de

trouver un groupe de personnes pour reprendre les rênes et donner un nouveau souffle à la

communauté, créant un nouveau cycle. Pour les petites communautés, cela signifie souvent

la fin d‘une activité de groupe. Certains membres peuvent tenter, pendant une courte

période de temps, de travailler ensemble et de maintenir la communauté géographique et

virtuelle. Mais dans la plupart des cas, ils se retrouvent de nouveau seuls et isolés cherchant

du soutien où ils le peuvent. Cela est le cas pour la communauté de la ville de Québec.

Les défis de l‘action collective posés par la ritualisation, la langue et l‘organisation

communautaire ne sont pas les seuls auxquels font face les wiccains canadiens. Ils sont

toutefois importants puisqu‘ils permettent d‘identifier, sur le plan du microcosme, certains

éléments d‘institutionnalisation de la Wicca présentement à l‘œuvre.

Partie II – L’expression sociale du croire, et la problématique de

l’institutionnalisation

1.2 L’explication du changement culturel religieux

Plusieurs tentatives d‘explication du changement culturel et religieux, plus particulièrement

des phénomènes d‘institutionnalisation, sont susceptibles d‘être mobilisées. L‘ambition de

la présente thèse repose davantage sur la description en profondeur de processus inédits que

sur l‘élaboration d‘outils conceptuels. Cela étant dit, nous avons choisi d‘explorer dans

cette section les mérites respectifs de deux types de théories de nature à orienter le travail

de description et d‘analyse, soit les théories fonctionnalistes et néo-institutionnalistes. Par

la suite, un schéma simple, adapté au processus d‘évolution des nouveaux mouvements

religieux, sera inclus dans la boîte à outils. Ce schéma va nous permettre de visualiser les

45

Depuis le début de nos recherches sur le terrain à Montréal dans le cadre de notre maîtrise, il y a plusieurs

cycles en jeu. Pour les activités publiques, c‘est aux deux ans qu‘un changement se produit entre des

personnes avec le sens d‘organisation et l‘expérience de faire des rituels. Il y a souvent une période de près de

six mois de transition, où des wiccains, souvent solitaires, tentent d‘organiser des activités publiques avec

plus ou moins de succès.

36

lignes de force du changement religieux des dernières décennies dans lequel s‘inscrit la

mouvance wiccaine.

Dans les pays occidentaux, la sécularisation est ce qui a le plus marqué l‘univers religieux.

Elle aurait modifié la place qu‘occupe la religion dans le milieu politique (Beyer, 1994,

p. 70). La sécularisation soustrait une partie de la société à l‘autorité des institutions

religieuses (Berger, 1971, p. 174) et réorganise le travail de la religion (Hervieu-Léger,

1999, p. 62). Elle devient ainsi une agente du changement. Comme le mentionne Peter

Berger : « la sécularisation entraîne une situation nouvelle pour l‘homme moderne. »

(Berger, 1971, p. 201). Du moment où l‘État commence à supplanter la religion en tant

qu‘agent social et autorité, les textes fondateurs des grandes traditions religieuses perdent

en plausibilité (Berger, 1971, p. 183; Lyotard, dans Augé, 1994, p. 35; Lemieux, 1996,

pp. 66-67; Wilson et Barker, 2005, p. 291). D‘un autre côté, la sécularisation a mis

l‘expérience personnelle à l‘avant-plan. La primauté de l‘expérience amène ce que Marc

Augé appelle une « crise de l‘altérité » (Augé, 1994, p. 87), c‘est-à-dire que le langage de

l‘identité l‘emporte sur celui de l‘altérité.

En conséquence de ce double mouvement, on remarque une transformation de l‘imaginaire

religieux et politique (Lemieux, 1996, p. 86), et ce au bénéfice des groupes centrés sur

l‘expérience personnelle sur le plan religieux et spirituel. Les expériences religieuses les

plus en lien avec le monde sécularisé ont été favorisées. Parmi elles, les pratiques magiques

et occultes tenant le rôle d‘agences thérapeutiques distanciées du monde (Dobbelaere,

2002, p. 158). En font partie la Wicca et les autres formes de paganisme.

Cette sécularisation se voit accompagnée par la montée du phénomène du pluralisme

religieux. La religion devient une option, et une opinion parmi d‘autres (Berger et

Luckman, 1967, p. 123). Un marché concurrentiel se met en place entre les diverses

entreprises religieuses (Berger et Luckman, 1967, p. 117; Dobbelaere, 2002, p. 157).

L‘adhésion à une institution créatrice d‘un univers de croyances devient le fait d‘un choix.

Par la modernité, l‘individu détermine lui-même sa propre croyance (Berger, 1971, p. 239).

Ce n‘est plus la société qui va la déterminer pour lui, mais l‘individu. La privatisation des

pratiques religieuses et spirituelles, dans un contexte de globalisation, permettre alors de

37

renouveler l‘influence de la religion sur le public en général et vice versa (Beyer, 1994,

pp. 71-72).

Dans le but d‘affiner l‘analyse de ce vaste processus, Karel Dobbelaere identifie trois types

de sécularisation : la sécularisation « sociétale », la sécularisation organisationnelle et la

sécularisation individuelle (Dobbelaere, 2002, pp. 24-25). La sécularisation « sociétale »

fait référence au fait que les institutions religieuses perdent leur place sur le premier plan de

la société. La sécularisation organisationnelle a trait à la place ou au rôle social de la

religion46

. Finalement, la sécularisation individuelle réfère au comportement individuel.

Elle sert à mesurer le degré de son « intégration normative » (normative intégration) au sein

d‘un corps religieux (Dobbelaere, 2002, pp. 24-25).

1.2.1 Le fonctionnalisme sociologique ou l’impasse sur le changement

Dans l‘optique du fonctionnalisme, une société est un système composé d‘un ensemble de

membres qui partagent des valeurs communes. C‘est par là qu‘elle est intégrée. La société

fonctionne en autant que sont agencés des besoins et des rôles, qu‘ils sont régulés

(coordonnés) et harmonisés. Les normes et les valeurs constituent la fonction d‘intégration.

Ces éléments tendent à se stabiliser et à maintenir un équilibre entre eux, ainsi qu‘avec le

système, afin d‘assurer le bon fonctionnement de la société (Curtis et Lambert, 1981, p. 64;

Hagedorn, 1981, p. 11). Dans ce contexte, la religion et les innovations religieuses sont

considérées en tant qu‘éléments de la société, lesquels doivent fonctionner ensemble afin de

maintenir l‘équilibre de celle-ci.

L‘une des critiques les plus couramment adressées au fonctionnalisme est son incapacité

d‘expliquer le changement. Il postule des besoins invariants (p. ex : besoin d‘intégration

comblé par la religion). Un autre des principaux défauts de l‘approche fonctionnaliste est le

fait qu‘elle suppose que les sociétés sont aussi bien organisées que des machines

46

Dans ses mots, « expresses change occurring in the posture of religious organization (…) in matters of

beliefs, morals and rituals, and implies also a study of the decline and emergence of religious groups. »

(Idem, p.25).

Par intégration normative, Dobbelaere entend la mesure par laquelle l‘individu s‘intègre selon les normes

établies.

38

(Ogmundson, 1981, pp. 138-139). Elle suppose également que toutes les composantes de la

société doivent y être intégrées et interreliées afin de survivre et d‘atteindre l‘équilibre

(Tolbert et Zucker, 1994, pp. 4-5), sans compter le fait qu‘elle présuppose que toutes les

composantes ont un objectif commun. Cela est discutable, car ce ne sont pas toutes les

composantes de la société qui sont bien organisées, rationnelles ou encore intégrées à la

société. Certaines de ces composantes restent en marge. Comme il a été soulevé par Mary

Douglas au sujet des diverses critiques contre l‘approche fonctionnaliste, ce ne sont pas

tous les individus ou les groupes qui sont prêts à sacrifier leurs intérêts personnels et

collectifs pour le bien commun (Douglas, 1986, p. 18)47

. Assumer le contraire suppose une

société idéalisée où tous travaillent vers un même et seul objectif au-delà de l‘intérêt

individuel.

À la rigueur, comme l‘a perçu Mary Douglas, le fonctionnalisme isole ce dont il ne peut

rendre compte et en fait une marge de la société « fonctionnelle » ou encore une

contre-culture. Un peu comme si ces mondes évoluaient en vase clos alors qu‘ils sont

supposément reliés de façon organique. Dans le fonctionnalisme sociologique, le

changement est absent48

. Les choses évoluent vers l‘intégration sociale. En sociologie des

religions, la figure exemplaire de cette perspective est celle qui va de la secte à l‘église. La

religion elle-même ne change pas, non plus que les individus. Des phénomènes comme la

Wicca sont hors de propos. Puisque le changement fait partie de la nature intrinsèque de la

Wicca, une autre approche doit être utilisée.

47

Dans son analyse de la notion d‘institution selon l‘approche fonctionnalise qu‘elle surnomme

Durkheim-Feck, Mary Douglas souligne que l‘un des éléments contributoires à la naturalisation des

classifications sociales est la recherche de stabilité. Il semble que pour le fonctionnalisme, l‘équilibre et la

stabilité sont les buts ultimes de l‘institution. Une fois en place, l‘institution confère non seulement une

identité, mais également une forme de légitimation à un groupe (Douglas, 1986, p. 46). 48

Cette notion fonctionnaliste d‘institution dégage l‘impression qu‘une fois atteinte et stable, il existe peu de

place à l‘innovation et au changement à l‘intérieur de celle-ci. Un air de finalité se fait sentir. Dans cette

logique, il semble que si l‘individu occasionne un changement à cette stabilité, le résultat serait la fin de la

présente institution et la création d‘une nouvelle, plutôt qu‘une transformation de l‘institution initiale. Mais

comme le remarque Douglas, l‘individu est au centre du changement et participe au cycle de vie d‘une

institution, même s‘il doit sacrifier une partie de son individualisme pour le bien du tout (Douglas, 1986,

p. 108).

39

1.2.2. Le néo-institutionnalisme et l’explication du changement culturel :

la théorie des champs

Pour ce qui est d‘expliquer le changement religieux dans une perspective globale,

l‘approche néo-institutionnaliste paraît prometteuse. Plus souvent utilisé en sociologie des

organisations, ce néo-institutionnaliste a été élaboré par DiMaggio et Powell dans The Iron

Cage Revisited (1983). L‘approche permet d‘envisager les principaux vecteurs de mise en

forme des organismes émergents dans la société. Ces auteurs reprochent, entre autres, le fait

que le modèle weberien de la routinisation n‘est plus applicable au monde des affaires

actuel puisqu‘il y a homogénéisation des entreprises sans qu‘il n‘y ait nécessairement une

augmentation de l‘efficacité de la bureaucratisation (DiMaggio et Powell, 1983, p. 147;

Berger, 1999, pp. 101-102). D‘ailleurs DiMaggio et Powell identifient quatre étapes de

structuration.

The process of institutional definition, or « structuration », consists of four

parts: an increase in the extent of interaction among organizations in the

field; the emergence of sharply defined interorganizational structures of

domination and patterns of coalition; an increase in the information load

with which organizations in a field must contend; and the development of a

mutual awareness among participants in a set of organizations that they are

involved in a common enterprise. (DiMaggio et Powell, 1983, p. 148)

Pour en arriver à ce processus de structuration, DiMaggio et Powell proposent trois

mécanismes alternatifs de transformation et d‘homogénéisation d‘un organisme. Il y a tout

d‘abord l‘isomorphisme49

coercitif qui provient des influences et des pressions politiques,

entre autres, ainsi que des réglementations gouvernementales. Vient ensuite l‘isomorphisme

mimétique qui structure les zones d‘incertitude relativement aux buts et aux solutions du

développement par l‘imitation des organismes performants à l‘œuvre dans un même champ

d‘activité. Finalement, il y a l‘isomorphisme normatif qui est associé à une

professionnalisation du milieu par l‘éducation, les écoles et les organismes professionnels

(DiMaggio et Powell, 1983, p. 150; Berger, 1999, pp. 101-102). Il est important de retenir

49

L‘isomorphisme est un processus qui contraint une unité sociale à ressembler à d‘autres unités, dans une

population donnée, qui font face aux mêmes conditions environnementales (DiMaggio et Powell, 1983,

p. 149).

40

que ces trois variantes de l‘isomorphisme s‘opèrent de façon simultanée et influencent, à

divers degré, les entités émergentes dans la société. Il convient de se rappeler que

l‘isomorphisme est un terme abstrait utilisé pour nommer les forces qui concourent à

l‘institutionnalisation. Ces éléments posent des dilemmes et offrent des possibilités sujettes

à débat dans le groupe.

1.2.3 Les processus de structuration ou la dynamique du champ

1.2.3.1 Isomorphisme coercitif

L‘isomorphisme coercitif réfère principalement aux pressions du droit et de la loi, des

politiques et de l‘administration publique. À titre indicatif, les modèles de constitution et

les critères de reconnaissance forcent les organismes demandeurs à adapter leurs

vocabulaires et leurs structures afin de se conformer aux critères administratifs et

juridiques. Des structures vont se surimposer (plus ou moins démocratiques ou égalitaires,

du moins sans signification immédiate au plan interne, lesquelles peuvent rendre difficile

de maintenir certaines croyances et pratiques fondamentales (DiMaggio et Powell, 1983,

p. 151). La démonstration de la thèse néo-institutionnaliste en application au champ

religieux a été faite par Côté (2003). Il en ressort qu‘un même groupement religieux se voit

doté de structures, de capacités juridiques et d‘un statut différencié par rapport aux autres

religions suivant le pays dans lequel il s‘opère.

On peut faire valoir que la portée de ce modèle est limitée quand il s‘agit d‘un mouvement

culturel. Comme le remarque Helen Berger en rapport précisément à la Wicca,

l‘isomorphisme coercitif, dans ses effets, ne touche qu‘une infime partie de la population

(Berger, 1999, p. 103). Cela ne veut pas pour autant dire que les effets de l‘isomorphisme

coercitif soient négligeables. Puisque les statuts et les privilèges octroyés par les instances

gouvernementales peuvent être retirés, les groupes détenteurs de ces statuts vont chercher à

les maintenir en s‘assurant qu‘aucune de leurs activités ne remet en cause les acquis. Par

conséquent, les groupes sont sensibles aux impacts des publicités négatives (idem), que cela

soit du fait d‘une activité de leur groupe ou de tout autre individu qui se réclame de

l‘identité wiccaine. Tous actes ou propos, négatifs ou positifs, provenant d‘individus se

41

réclamant de cette identité pourraient avoir des incidences directes sur la conservation de

leur statut.

1.2.3.2 Isomorphisme mimétique

Il est certain que les lois et les règlements tendent à homogénéiser les organismes. Cela

facilite la gestion sur le plan gouvernemental (DiMaggio et Powell, 1983, p. 152). De fait,

les groupes wiccains qui cherchent à se structurer se verront incités, voire contraints,

d‘imiter les structures d‘autres groupes religieux, majoritairement des groupes protestants,

qui ont obtenu un statut officiel auprès des gouvernements.

Cependant l‘isomorphisme mimétique ne se limite pas à l‘emprunt des structures

d‘organismes extérieurs actifs dans le même champ. Il en serait de même pour les rituels et

les pratiques.

1.2.3.3 Isomorphisme normatif

L‘isomorphisme normatif provient principalement de la professionnalisation à l‘intérieur de

l‘organisme en développement (DiMaggio et Powell, 1983, p. 152). Du moment où

apparaît une division du travail, où le groupement doit coordonner ses activités et se

projeter dans la durée, il devient perméable aux normes de spécialisation et de

professionnalisation du champ religieux et de la société. Un exemple de spécialisation

interne a trait à la désignation d‘un clergé. Pour ce qui est de la professionnalisation, on

pense à la formation d‘avocats, d‘infirmières, d‘enseignants consacrés au service de leurs

semblables.

1.2.4 Les principaux vecteurs d’institutionnalisation

Si ces théories peuvent aider à mieux comprendre le phénomène d‘institutionnalisation

sociale, il s‘agit aussi ici de comprendre et de rendre compte de la conformité des

groupements en émergence à la périphérie du champ religieux. Pour ce faire, un détour par

les ressorts de l‘institutionnalisation religieuse s‘impose. Il faut également faire en sorte

42

d‘envisager la conjonction des pressions externes et internes au groupement avec les

trajectoires d‘institutionnalisation aboutie et non aboutie qui en résultent.

1.2.4.1 Notion d’institutionnalisation en rapport avec le phénomène religieux

En théorie, l‘institution est plus qu‘une simple organisation. C‘est une réalité presque

entièrement normative. Pour cette raison, elle semble aller de pair avec la religion.

L‘institution établit un lien cohérent entre trois composantes : une norme englobante de

régulation, des pratiques sociales et un principe de légitimation.

À des degrés divers, trois définitions tirées de disciplines différentes tissent ce lien entre ces

trois composantes. Du côté des sciences politiques, l‘utilisation du concept

d‘institutionnalisation est fréquente. Dans le Dictionnaire de la science politique et des

institutions politiques, la définition suivante est présentée : « L‘institution désigne tout un

ensemble d‘actions ou de pratiques organisées de façon stable. » (Hermet, Badie, Birnbaum

et Braud, 2000, p. 129). Cette définition s‘inspire notamment d‘Eisenstadt qui explique plus

précisément ces ensembles d‘actions et de pratiques. Selon lui, l‘institution se présente

comme étant une :

[…] entité dont le principe régulateur organise la plupart des activités de

ses membres dans une société ou une collectivité et selon un modèle

organisationnel défini qui est étroitement lié soit aux problèmes

fondamentaux, soit aux besoins de cette société, de ce groupe ou de cette

collectivité, ou à quelques-uns de ses buts. Dans cette acception, le

concept d‘institutionnalisation vise les processus et les entreprises qui

tendent à organiser les modèles sociaux de façon stable. (Idem, p. 129)

Cette définition d‘Eisenstadt nous permet d‘avoir une idée plus précise des fonctions d‘une

institution et des objectifs visés par le processus d‘institutionnalisation sous la forme

privilégiée de la norme englobante.

D‘un autre côté, l‘institution est, comme le note James Hunter, une construction artificielle

de l‘homme. Il explique ainsi la position du sociologue et philosophe allemand Arnold

Gehlen lorsqu‘il traite du processus d‘institutionnalisation :

43

While institutions exist as a stable background to human experience, there

is also a foreground – the zone of life in which the individual makes

deliberate and purposive choices. Institutionalization occurs when an

aspect of the foreground of human experience becomes habitualized and

routinized so as to become a part of the background. (Hunter, 1983,

pp. 3-4)

Cette composante référant aux pratiques sociales est essentielle si on veut se situer

pleinement sur le terrain de l‘institutionnalisation. En effet, on peut voir le lien entre

l‘avant-plan et l‘arrière-plan comme le jeu entre l‘instituant et l‘institué.

Sur cet aspect, Helen Berger note la nécessité d‘actualiser Weber en raison de ses

présuppositions : « He (Weber) views magicians as manipulators of demons, not as

worshippers of deities. Although today‘s Neo-Pagans and Witches are magical

practitioners, they are also members of a religion that forms groups to worship. » (Berger,

1999, p. 101). Toutefois, la plupart de ces phénomènes de routinisation du charisme et de

routinisation se vivent en covens. On se retrouverait donc dans ce cas avec un « avant-

plan » magique et un « arrière-plan » religieux, ce dernier davantage perceptible par le

public, correspondrait en quelque sorte au charisme de fonction. Dans le milieu néo-païen,

la routinisation s‘opère ainsi de plusieurs façons : publication d‘ouvrages portant sur des

notions de base par certains auteurs qui sont lus par la collectivité, tel que les ouvrages de

Starhawk; distribution de chants et de rituels organisés lors de festivals, de rituels publics

ou encore par Internet; création de certains services pour une communauté locale et

création de centres communautaires.

Si nous regardons le concept d‘institutionnalisation du point de vue de l‘anthropologie

française, nous trouvons la description donnée par G. Augustins qui mentionne qu‘une

institution désigne : « tout ce qui, dans une société donnée, prend la forme d‘un dispositif

organisé, visant au fonctionnement ou à la reproduction de cette société, résultant d‘une

volonté originelle (acte d‘instituer) et d‘une adhésion, au moins tacite, à sa légitimité

supposée. » (Augustins, 1994, p. 378). Par conséquent, s‘il devient nécessaire, tel que

l‘indique Augustins, que cette entité établisse certaines normes, valeurs et pratiques, elle

44

doit faire en sorte de s‘assurer de l‘adhésion et de l‘identification des membres. Cette

nécessité serait d‘autant plus grande lorsqu‘il est question d‘une communauté.

En somme, selon ces définitions, l‘institutionnalisation est un processus qui sert, entre

autres, à régulariser de façon « stable » les pratiques et les activités légitimes d‘un groupe

donné. Mais qu‘en est-il de ce concept lorsque nous abordons la question des rapports entre

les religions, les mouvements religieux et les courants spirituels? Quelle serait son utilité

particulière dans ce contexte? Plusieurs chercheurs ont tenté à leur façon d‘aborder la

question. D‘ailleurs, certains utilisent d‘autres termes pour désigner ce processus. Gerhard

Lenski parle « d‘organisation sociale » ou de « cristallisation des status » (Lenski, 1970).

Cette acception correspond assez largement à la notion de « champ religieux » pour

laquelle existent des variantes historiques (Poulat, 1981), sociologiques (Bourdieu, 1971) et

politico-juridiques (Powell et DiMaggio, 1983; Côté, 2003).

Reste le problème sérieux de la dynamique interne du champ. Nous avons vu au début du

chapitre la primauté de la place tenue par la sécularisation organisationnelle et individuelle

au-dessus de la sécularisation sociétale. Dans ce contexte, la perte d‘emprise des religions

instituées sur des fidèles considérés acquis d‘une part, et leur statut d‘agences

thérapeutiques, d‘autre part, ouvre le champ aux initiatives religieuses. En même temps, au

Québec, l‘instituant (le vécu religieux ou spirituel autre ou alternatif) est plus cadré qu‘il y

a cinquante ans par la loi et le droit. Comment retracer les diverses trajectoires et les

différents cheminements? Pour commencer, peut-on s‘en remettre à une définition

« canonique » de la religion quand la réalité sociale de cette dernière tend à s‘effriter et que

les groupements religieux institués et émergents se disputent parfois le « label » religion?

Une première position consiste à retravailler en profondeur le concept et à l‘épurer. C‘est la

piste empruntée par Danièle Hervieu-Léger (1993, p. 119) : « ... une ―religion‖ est un

dispositif idéologique, pratique et symbolique par lequel est constituée, entretenue, développée et

contrôlée la conscience (individuelle et collective) de l‘appartenance à une lignée croyante

particulière ». Le noyau religieux est ramené à l‘appartenance à une lignée croyante

particulière. La définition contourne l‘épineux problème du contenu des croyances. En

effet, après le « problème dieu » solutionné par Durkheim lui-même, plusieurs sociologues

45

de la religion ont tenté de sauver la définition du maître en se rabattant sur la notion de

sacré (Stark, 2001, p. 102; Yinger, 1957, p. 9). D‘autres chercheurs ont tenté d‘intégrer la

dynamique du champ religieux dans le concept même de religion. Cette approche, chez

Stark notamment, a le désavantage de prendre parti dans le débat social (et parfois

politique) sur l‘utilisation du « label » religion (Bellah, 1964, p. 359; Berger et Luckman,,

1967, p. 56; Beyer, 1994, p. 6; Geertz, 1973, p. 90). D‘autres, tel que Martin Southwold,

prenant le bouddhisme en exemple, indiquent que chercher à définir ce qu‘est une religion

ne va que mener l‘opération à la ruine, puisque la religion est : « a compound of diverse

elements » (Southwold, 1978, p. 362). Il ajoute à cette idée, qu‘une seule exception à la

règle est suffisante pour réfuter une définition qui se veut universelle (Idem, p. 367). Par

conséquent, il voit plutôt la religion comme étant composée : « of a variety of forms of

behaviour which tend to be produced in respond to diverse individual and social

requirements; but these forms of behaviour, though they have in this sense diverse origins,

have marked affinities one with another which tend to lead to their coalescence into a

moderately coherent system. » (Idem, p. 371). Tout ceci est inclus dans la définition

d‘Hervieu-Léger. Mais comment les « choses religieuses » prennent-elles forme?

Une seconde position vient relayer la première. Elle est également post-durkheimienne.

Plutôt que de s‘attaquer au concept de religion, elle vise l‘actualisation du processus

d‘institutionnalisation :

The prospects for a different interpretation of religion‘s social significance

improved in the latter half of the twentieth century with the development of

theoretical perspectives such as phenomenology, symbolic interactionism,

ethnomethodology, exchange theory and post-structuralism. This was

because, in their different ways, they tended to soften the dualities of self

and society, the one and the many, the micro and the macro, and so on. A

range of different arguments converged on the idea that the ―individual‖ and

―society‖ were only abstractions from a reality that was more complex and

perplexing. In particular, the apparently separate entities were shown to be

mutually constitutive in the sense that individuals constructed social

collectivities and cultural meanings, and, conversely, social and cultural

configurations shaped the properties of individuals. (Beckford, 2003, p. 199)

46

Beckford soulève un point capital : la tendance est de vouloir simplifier une réalité souvent

plus complexe. Les ramifications de la pratique diversifiée, les structures complexes et les

croyances peu connues de ces groupes et mouvements contre-culturels vont êtes souvent

mises de côté, étant trop compliquées et pas assez universelles à première vue, pour être

classées dans une définition générale de religion. Ainsi, l‘avènement des groupes et des

mouvements contre-culturels est rarement pris en compte et souvent rejeté comme n‘étant

pas de vraies religions, ni même une « secte ». La détermination de ce qu‘est une religion

dépend de plusieurs facteurs, et les définitions des fonctionnalistes de type Stark éludent la

difficulté. Dans les termes de Beckford :

In fact, all these theorists50

work within a neo-durkheimian logic of

individuality and collectivity. Yet, there is also a less communal; less

solidary way of interpretating the relations between individual and

collectivity in what Ulrich Beck call ―second modernity‖. I suggest that this

line of reasoning has the potential to cast religious movements in a

theoretically interesting light and that, conversely, a careful study of

religious movements could help to treat the usefulness of Beck‘s theorising.

The starting point is the process of « individualization » has become

institutionalised (Beck et Beck-Gernsheim, 2002). But, far from heralding

either the disintegration of society or the formation of solidary communities

of resistance, the structural individualisation that characterises second

modernity societies actually facilitates a form of societal integration rooted

in standardization. (Beckford, 2003, p. 177)

Cette perspective de Beckford est celle de l‘individualisation structurale. De ce point de

vue, il devient possible de retracer le comment et le pourquoi de l‘institutionnalisation sous

l‘angle privilégié de la standardisation (et de normalisation) des pratiques culturelles

religieuses. L‘individualisation est, selon Beckford, la clé du changement religieux puisque

les forces et les pressions ont agrandi le contexte du marché religieux, ce qui facilite le

choix individuel (Beckford, 2003, p. 210). Ainsi, l‘institutionnalisation n‘a pas à affecter

tout le groupe dans son entier de la même façon et de le transformer en religion organisée

de façon générale. Elle peut se faire au niveau du microcosme en fonction des besoins de

l‘individu ou d‘un groupe à l‘intérieur du mouvement. Cette approche donne une plus

grande maniabilité à la notion d‘institutionnalisation des croyances ou groupes religieux, et

50

Il fait référence ici à Kevin Hetherington, Maffesoli, Mellor et Shilling.

47

reflète davantage les tendances que l‘on peut dégager dans la société actuelle, dont la

Wicca fait partie.

1.2.4.2 Formation, transformation et déformation : le modèle de Richardson

Hervieu-Léger et Beckford ont en commun d‘avoir étudié les nouveaux mouvements

religieux. Néanmoins, ils ne se sont pas arrêtés à décrire systématiquement les processus

d‘institutionnalisation dans leur complexité. C‘est la tâche que s‘est donné James T.

Richardson. Son approche intègre les facteurs internes et externes de transformation des

mouvements culturels de type religieux et comprend aussi un scénario de transformation

brusque et inattendue appelée « déformation ».

En voici le diagramme :

48

Schematic of External and Internal Factors

Impacts on Form of Religious Movement Organizations

Figure 1 : Schematic of External and Internal Factors51

L‘approche de Richardson puise à la sociologie politique des nouveaux mouvements

sociaux, adaptée à la sociologie des nouveaux mouvements religieux. On y repère

l‘importance prise par la notion de mobilisation des ressources, une aptitude cruciale à

l‘étape de l‘émergence et du déploiement de l‘innovation religieuse. Le schéma incorpore

une dimension temporelle et sociétale. Pour ce qui est de la dimension temporelle, les

repères sont constitués de la « soupe primitive » et d‘une configuration organisationnelle

passée à un certain stade. La dimension sociétale est au cœur du processus. Ce sont les

51

Source : James T. Richardson, 1985, p. 172.

DIFFUSE SOCIETAL AND CULTURAL

CONTEXT

Original set of ideas, Economic

needs of

beliefs and practices organization

(minimal)

INITIAL ORGANIZATION PATTERN

FOCUSED SOCIETAL AND CULTURAL CONTEXT

Internal economic pressures (family development; growth of bureaucracy

capital expansion; need for new members : rising expectations of new

members)

External economic pressures (general economic conditions; tax laws;

solicitation regulations, etc.)

Other internal pressures (ideology or theology)

Other external pressures (public opinion; state regulations)

SUBSEQUENT ORGANIZATIONAL PATTERNS

49

vecteurs ou facteurs d‘institutionnalisation pertinents, internes et externes. Dans la logique

de Richardson, un organisme évolue continuellement en vertu d‘une série de pressions

internes et externes. Bien que l‘on puisse y voir les traces de l‘approche fonctionnaliste, sa

logique est plus compréhensive et dynamique puisqu‘elle prend en compte la configuration

et l‘imbrication des divers facteurs internes et externes les plus susceptibles de toucher de

manière significative les groupements religieux non traditionnels et moins

institutionnalisés. Divers parcours sont possibles. Ainsi, le scénario de la transformation

répond soit à une adaptation graduelle à l‘environnement, soit à une évolution prévisible

des doctrines ou des modes de gouvernement de la part du groupe. Il inclut les processus

connus de routinisation du charisme et de changements doctrinaux liés au passage des chefs

et à l‘apparition de courants divergents au sein d‘une même lignée croyante. Toutefois, le

schéma intègre des défis courants de structuration et d‘organisation collective répertoriés

parmi les nouveaux mouvements religieux (financement autonome, augmentation des

membres, passage des générations et socialisation, etc.). Le schéma de Richardson prévoit

une rétroaction des configurations du mouvement en réponse aux impacts spécifiques de

l‘environnement social et culturel (Richardson, 1985, pp. 166-171) de la modernité avancée

(p. ex. : l‘impact des mesures de protection de l‘enfance et de protection des

consommateurs).

Par ailleurs, le schéma de Richardson inclut la possibilité d‘une « déformation », un peu à

l‘image d‘un développement anarchique ou incontrôlé. Une déformation est le fait d‘une

diversion considérable de ressources commandée par un défi « environnemental » de taille.

Plusieurs pressions externes au groupe (économiques, gouvernementales, d‘opinion

publique etc.) concourent à des évolutions ou changements dont les résultats sont

imprévisibles pour le groupe (Côté et Richardson, 2001, p. 12). Côté et Richardson ont

illustré ce dernier cas de figure en référence à des groupes religieux émergents frappés de

plein fouet par la controverse sociale, notamment The Family et, dans un tout autre genre,

les Témoins de Jéhovah.

Finalement, le schéma permet de conserver la trace des processus d‘institutionnalisation

aboutis comme non aboutis. Ces derniers restent dans la mémoire collective ou individuelle

50

par la transmission orale, l‘enregistrement par l‘écrit, par les débats internes et les

recherches de solutions; ils ne sont pas sans effets.

Le schéma de Richardson, avec ce qui précède, servira de base pour la description des

processus d‘institutionnalisation de la Wicca. Question de le souligner à nouveau, à l‘instar

d‘autres mouvances religieuses, la Wicca n‘est pas un groupe unifié ou local. Elle s‘étend

dans plusieurs pays et compte déjà plus de 150 traditions différentes, sans compter les

pratiquants solitaires. Il faut donc considérer que l‘amorce est variable, que

l‘institutionnalisation ne se fera pas partout en même temps, et que le résultat ne sera pas le

même pour tous les membres wiccains. Il ne faut pas présumer non plus que

l‘institutionnalisation se fait de manière unilatérale ou uniforme. Le modèle doit ainsi

prendre en compte, d‘une part, des diverses pressions d‘isomorphismes qui contribuent à la

transformation de la Wicca et; autre part, les logiques de l‘individualisation structurelle

évoquées par Beckford, l‘ensemble des facteurs étant susceptibles d‘être spécifiés et mis en

lien suivant une adaptation du schéma de Richardson

51

Institutionnalisation

Institutionnalisation

Wicca

Isomorphisme :

- Coercitif

- Normatif

- Mimétique

Sur les individus et sur les

regroupements

- Normalisation des

pratiques

- Stabilisation des pratiques

-Standardisation

Différents groupements : covens, associations, pratiquants solitaires,

écoles de sorcellerie, bulletin, etc

Externe

Interne

Lois et règlements

Champs religieux

Figure 2 : Le diamant de l‘institutionnalisation et des isomorphismes

Partie III – Méthodologie : stratégies de découverte et

techniques d’enquêtes

1.3 L’étude de cas et les questions de recherche

Afin de saisir la nature et l‘ampleur du phénomène d‘institutionnalisation au sein des

Wiccains, plusieurs stratégies de collectes de données ont été élaborées et combinées dans

la présente enquête. Puisque le processus d‘institutionnalisation ayant trait à ce courant n‘a

pas fait l‘objet de réflexions ni n‘a été documenté de manière approfondie à ce jour, le

travail sur le terrain s‘avère indispensable. La thèse se penche principalement sur

52

l‘institutionnalisation. Elle soulève les questions suivantes : quels sont les impacts des

normes coercitives des autorités publiques sur ce processus au sein des communautés

wiccaines québécoises? Comment ceux et celles qui perçoivent les transformations dans

leurs communautés, ou encore sont des agents d‘institutionnalisation, abordent-ils cette

situation et qu‘en pensent-ils?

Afin de parvenir à saisir la nature et l‘ampleur du phénomène d‘institutionnalisation au sein

des wiccains, plusieurs stratégies de collecte de données ont été élaborées. Puisque le

processus d‘institutionnalisation ayant trait à ce courant n‘est ni réfléchi ni documenté en

profondeur à ce jour, le travail sur le terrain s‘avère indispensable. Pour cette présente

recherche, le terrain a commencé en avril 2003 jusqu‘en mai 201152

, se présentant

principalement aux activités publiques des communautés de Montréal et Québec, ainsi qu‘à

des événements à l‘extérieur de la province (Alberta, Manitoba, Nouvelle-Écosse, Ontario

et l‘Angleterre). Partant de l‘observation directe des rituels jusqu‘à l‘analyse des articles de

bulletins païens locaux, il sera possible d‘amasser une gamme d‘indices liés à des

dimensions du processus d‘institutionnalisation et permettant de mieux situer les wiccains

dans la dynamique culturelle et religieuse canadienne.

1.3.1 Observation participante

L‘une des techniques d‘enquête les plus importantes de la présente recherche est

l‘observation participante. L‘observation participante est un outil essentiel pour recueillir

des données. Qu‘il s‘agisse d‘assister à des rituels ou des conférences, de se rendre dans les

boutiques spécialisées, les centres communautaires ou les centres de ressources, rien ne

peut remplacer les observations et les interactions directes avec les individus. Non

seulement cette méthode permet-elle l‘établissement de contacts avec des informateurs

potentiels, mais elle contribue également à créer une atmosphère facilitant le travail de

collecte de données auprès des informateurs. Organisés en faisceaux, ces éléments

permettent d‘éventuellement déceler les différents vecteurs d‘institutionnalisation à

l‘œuvre.

52

À noter que des observations et notes du terrain précédent pour la recherche de maîtrise (2001 à 2003) sont

également prises en compte et utilisé.

53

Rituels publics

La présence à des rituels publics permet d‘observer comment certains éléments

d‘institutionnalisation sont véhiculés au sein des diverses communautés. De plus, les détails

sur l‘environnement physique, les paroles échangées, les comportements, les attitudes et les

mouvements des individus, ou encore sur les odeurs et les fragrances utilisées, sont autant

d‘indices favorisant une connaissance approfondie du milieu. Bien que la diversité des

rituels et des pratiques soient caractéristiques des wiccains du Québec, qu‘en est-il des

régularités et des constantes? La disposition et l‘utilisation de l‘autel, des chants, les types

de rituels (structurés selon les pratiques de covens traditionnels ou autres formats plus

démocratiques), sont-ils reconnaissables et familiers aux pratiquants? Est-ce que certaines

personnes détiennent une autorité plus grande et jouissent d‘une forme de reconnaissance

au sein de la communauté? Ce ne sont là que quelques questions qui pourront trouver

réponse grâce à l‘observation.

Pour la présente recherche, nous avons assisté à 47 rituels publics pour les sabbats 53

(quatre

Yule, six Imbolc, sept Ostara, six Beltane, trois Litha, quatre Lammas, neuf Mabon, huit

Samhain), trois pour les esbats, dix rituels d‘ouverture de conférences54

, huit rituels de

fermeture de conférences et deux petits rituels fait sur le vif par de petits groupes lors de

discussion. Une description détaillée des divers rituels assistés n‘est pas l‘objectif de cette

présente recherche. Notre but est d‘observer les différents vecteurs d‘institutionnalisation

qui sont véhiculés à ces événements55

.

Conférences païennes

L‘observation participante se fait également lors des conférences et colloques païens

organisés par les diverses communautés, principalement celles de Montréal (entre de 20 à

30 personnes) et la Gaïa Gathering (en moyenne 120 à 150 personnes). Du nombre des

53

Parfois, nous étions présents parfois à deux ou trois rituels différents dans la même journée, par exemple

soit l‘un par un groupe francophone, un en anglais, ou parfois un premier à Montréal et un deuxième à

Québec. Ces données exclus la présence aux événements en Angleterre. 54

Ceci comprend les conférences hors ayant lieu dans les autres provinces canadiennes. 55

Néanmoins, une description d‘un rituel détaillé, dont l‘autorisation a été donné par les prêtresses présente

au rituel, est placé à l‘annexe N.

54

diverses séances proposées, il y en a toujours une qui traite spécifiquement de la Wicca.

Lors de celle-ci, on parle souvent, surtout depuis les trois dernières années, des questions

d‘institutionnalisation, d‘éducation des enfants dans un milieu païen, des services offerts à

la communauté et de sa constitution, entre autres. De plus, cette conférence particulière, le

Gaïa Gathering, permet aux divers chercheurs universitaires païens canadiens de s‘exprimer

et de partager avec leurs communautés les résultats de leurs travaux. Bien que ce colloque

soit canadien et se tienne dans une province différente chaque année56

, plusieurs Québécois

s‘y rendent et reviennent au Québec avec des suggestions et des idées à implanter au sein

de leur communauté.

Observations en Angleterre

Un stage à Londres, de mai à septembre 200557

, nous a permis d‘observer divers

événements païens. Parmi ceux-ci, on compte deux rituels publics tenus par la Pagan

Federation, six rencontres thématiques en présence de conférenciers invités58

, une

célébration du solstice d‘été avec les druides à Stonehenge, ainsi qu‘un petit festival païen,

le « Pentacle Camp », activité d‘une durée d‘une fin de semaine dans la forêt anglaise tenue

par les membres fondateurs du Pentacle Magazine59

. Ces activités nous ont permis de faire

plusieurs rencontres et d‘avoir de nombreuses discussions avec des membres de coven

wiccain, de groupes de magie cérémonielle ou d‘autres groupes païens. Les observations

qui proviennent de ce terrain sont développées dans le chapitre cinq.

1.3.2 Entretiens avec des témoins privilégiés

Les entretiens semi-dirigés et des contacts courriels seront essentiels afin de saisir

l‘évolution de la communauté ainsi que pour jeter un regard sur les notions d‘institution et

d‘autorité que véhicule l‘informateur wiccain. Le simple fait qu‘on parle en 2012, de

communauté païenne à Montréal alors qu‘il y a trente ans cette notion n‘existait pas,

56

En 2005, Edmonton; 2006, Halifax;2007, Winnipeg; 2008, Ottawa; 2009, Vancouver; 2011, Montréal. 57

Le stage avait lieu à INFORM (Information Network on Religious Movements), au London School of

Economics, à Londres en Grande-Bretagne. 58

Ces derniers avaient lieu dans un local au Devereux Pub appelé The Moot With No Name, ainsi que dans

une librairie de livres usagés spécialisée dans les ouvrages sur la Wicca et la magie appelée Treadwells. Voir

leur site Web : http://www.treadwells-london.com/index.html. 59

L‘un des plus importants bulletins païens indépendants de l‘Angleterre.

55

démontre qu‘une plus grande attention doit être accordée à cet aspect. De plus, avec

l‘avènement d‘Internet, la notion de communauté déborde les frontières physiques et

englobe les communautés virtuelles. Examiner cette notion de communauté à travers les

narrations individuelles de l‘institutionnalisation devient essentiel afin d‘appréhender les

abords de l‘individualisation structurelle. Ce point est d‘autant plus important lorsque nous

nous mettons à comparer les informateurs francophones aux informateurs anglophones

puisqu‘il existe en effet un réel décalage au chapitre du temps et des ressources entre les

pratiquants francophones et anglophones. Puisque la Wicca est une pratique anglo-saxonne,

les anglophones et les personnes bilingues de Montréal ont été en contact beaucoup plus tôt

(au moins 20 à 30 ans) que les francophones des autres régions du Québec avec ce courant

culturel religieux. Comme il a été mentionné plus tôt, il n‘existe que quelques livres

traduits en français à l‘intention des pratiquants, ce qui réduit l‘accessibilité à la Wicca pour

les francophones.

Vu la superficie de la province, le budget limité et les horaires chargés, les occasions de

procéder à des entretiens en personne ont été plus rares que prévu. En outre, les difficultés

d‘agencer les horaires des informateurs qui sont pour la plupart très chargés étant donné

leur implication dans les communautés. Néanmoins, il a été possible de procéder à quelques

entretiens forts intéressants par l‘utilisation de moyens de communication comme le

téléphone, le clavardage et les courriels60

. Ces techniques ont permis de faciliter les

échanges avec certains d‘entre eux61

.

Au total, six entretiens semi-dirigés et enregistrés62

ont été menés auprès de témoins-clés.

Parmi eux, un entretien n‘a pas été considéré63

. Deux d‘entre eux ont eu lieu par

clavardage, dont une avec Scarlet – propriétaire du Crescent School of Magic, Mélange

60

Comme mentionné dans les chapitres précédents, l‘utilisation du clavardage et des courriels permet de

conserver une version écrite de l‘entretien. 61

À la demande de certains informateurs, certaines opinions et positions personnelles n‘ont pas été

divulguées. 62

Par divers moyens, tel que la sauvegarde de la séance de clavardage, des échanges courriels ou par

enregistrement sur disque. Les entretiens téléphoniques ont été pris à la main au long de la conversation. 63

Un entretien en personne a été fait avec le président de l‘Église wiccane de Québec. Malheureusement, il

n‘a pas voulu que nous utilisons les informations de cet échange. En respectant son choix, il est mentionné ici

simplement à titre indicatif. Par conséquent, ce qui a été dit lors de cet entretien reste confidentiel.

56

magique, membre du CUPS, fondatrice du bulletin WynterGreen et prêtresse de son coven

consacré au travail d‘aumônerie – et l‘autre entretien avec la co-créatrice du bulletin

« Montreal Pagan Grove Newsletter ». Les autres entretiens ont été menés auprès de

propriétaires de boutiques virtuelles par téléphone et par échanges de courriels.

À ceux-ci s‘ajoutent quelques échanges menés par courriel auprès d‘individus impliqués

dans le travail d‘aumônerie dans des prisons fédérales, entre autres, en Ontario et

Colombie-Britanique. Ces individus ont fait partie du PFPC et ont contribué à la mise sur

pied du PPO (Pagan Pastoral Outreach). Les échanges ont pris la forme de mini-

questionnaires auxquels s‘ajoutaient des questions de relance à la lumière des réponses

fournies.

Outre ces entretiens avec des informateurs clés (créateurs de bulletins, fondateurs d‘écoles

de sorcellerie ou propriétaires de boutiques ésotériques), de nombreuses conversations

informelles ont été engagées avec tous types de participants lors de nos recherches sur le

terrain. Ceux-ci étaient parvenus à divers niveaux de leur parcours spirituel et étaient plus

ou moins impliqués dans les communautés. Ces entretiens ont eu lieu soit lors de nos

déplacements vers des rituels et conférences64

, lors de rencontres-café avec quelques

individus, soit dans un café ou au domicile d‘un ou d‘une pratiquante. Ces conversations

ont été d‘une aide précieuse pour comprendre les préoccupations des pratiquants québécois

ainsi que pour nous apporter un éclairage sur leurs points de vue relativement à l‘un ou

l‘autre aspect du phénomène de l‘institutionnalisation de la Wicca. Plusieurs de ces points

de vue rejoignent d‘ailleurs les résultats de l‘enquête par questionnaire.

Nous avons également pu réutiliser les deux entretiens que nous avons eus lors de nos

travaux de maîtrise, puisque certains d‘entre eux contenaient des informations pertinentes à

la présente recherche.

64

Nous étions parfois accompagnés par des wiccaines de Québec.

57

1.3.3 Enquêtes par questionnaire

À l‘étape de la collecte des données, nous aurons recours à l‘enquête par questionnaire.

Grâce à celle-ci, nous tenterons de cerner l‘opinion générale des wiccains québécois sur les

enjeux liés à l‘institutionnalisation. Une autre enquête sera axée sur l‘organisation de

l‘aumônerie païenne dans les prisons. Les questions sont dirigées et semi-dirigées,

permettant ainsi d‘aller chercher une grande variété de renseignements nécessaires, tant sur

le plan socio-démographique que sur l‘opinion personnelle de l‘informateur relativement à

divers sujets.

L‘enquête par questionnaire a été menée de septembre 2008 à janvier 2009. Le

questionnaire était bilingue afin de rejoindre les individus qui pratiquent tant en anglais

qu‘en français65

. Nous avons distribué 25 questionnaires papier lors de trois rituels publics

du Mabon à Montréal en septembre 2008. Nous avons également remis quatre copies en

main propre à des wiccains rencontrés durant cette période dans la ville de Québec. À la fin

de septembre, nous avons converti le questionnaire en format PDF et l‘avons publié en

ligne sur Internet66

pour permettre aux personnes des différentes régions de la province d‘y

avoir accès, ou de donner l‘occasion à ceux qui n‘ont pas pu recevoir de copie papier de

répondre aux questions au moment qui leur convenait. Le lien vers le questionnaire a été

envoyé à 13 groupes de discussions et sites Internet païens et wiccains québécois,

s‘adressant autant à un public francophone qu‘anglophone. De plus, 14 personnes ont été

jointes par l‘entremise du site Witchvox67

. Nous leur avons demandé par courriel si elles

voulaient participer à l‘enquête. Le cas échéant, nous leur avons transmis le lien vers le

questionnaire ou nous leur avons envoyé le questionnaire directement.

65

Voir annexe M : Questionnaire. 66

Ceci a été possible avec l‘aide de Patrick Bellavance, qui a pu héberger le site avec le questionnaire ainsi

que créer des liens vers les outils nécessaires pour enregistrer sur pdf leurs réponses. Il a également ajouté un

lien vers mon mémoire de maîtrise qui avait été déposé en ligne sur le site de l‘Université Laval, afin que les

participants puissent y avoir accès. 67

Witchvox est un site américain qui publie des articles sur tout ce qui est païen et lié à la sorcellerie, et sur

tout sujet qui peuvent les intéresser, notamment la Wicca. C‘est également un annuaire et un réseau de contact

entre individus, groupes ou covens. Ils ont des pages Webs classées selon les pays, les provinces ou les états,

ce qui facilitent le contact avec des individus qui habitent au Québec.

58

En tout, le taux de réponse des questionnaires papier complétés s‘élevait à 32,0 % soit 8

questionnaires sur 25 distribués. Pour la version en ligne, 13 questionnaires ont été remplis.

Trois autres copies virtuelles ont été reçues, mais leurs réponses ont été mal enregistrées.

Par conséquent, ces questionnaires n‘ont pu être utilisés. Nous avons tenté de rejoindre les

répondants pour qu‘ils puissent nous retourner le questionnaire rempli, sans succès. De

plus, certaines personnes n‘ont pas pu avoir accès au questionnaire en raison des problèmes

techniques avec le questionnaire ou encore des problèmes de compatibilité avec les

ordinateurs MacIntosh. En fin de compte, un total de 21 questionnaires complétés ont été

retournés68

. Le taux relativement faible de réponses au questionnaire peut être dû à

plusieurs facteurs : temps alloué à la collecte des réponses insuffisantes, publicité

insuffisante, étape d‘enregistrement des questionnaires trop complexe en format PDF,

problème de compatibilité avec la version en ligne, nombre de copies papiers insuffisant ou

encore oubli des répondants de retourner le questionnaire69

. Dans le cadre de cette

recherche, cela représente un petit échantillon estimé à 3,5 % si on estime qu‘il y a 600

wiccains dans la province.

1.3.4 Analyse documentaire portant sur les communautés québécoises et

canadiennes

1.3.4.1 Sources imprimées des communautés

Les bulletins d‘information et autres journaux païens permettent d‘avoir accès aux discours

« indigènes » et aux préoccupations des communautés païennes et wiccaines. Parfois les

articles du WynterGreene, un bulletin de la communauté païenne montréalaise, abordent

explicitement les questions mêmes de la communauté et de l‘institutionnalisation. De plus,

ce bulletin s‘est ouvert à la communauté canadienne depuis l‘été 2006, offrant la possibilité

aux gens de l‘extérieur de la province d‘écrire et d‘introduire leurs idées et points de vue.

L‘analyse de son contenu apparaît essentielle à la mesure des facteurs de transformation de

la communauté montréalaise. Fait important, cette revue est bilingue, c‘est-à-dire, qu‘elle

68

Cinq questionnaires nous sont parvenus après la date limite, dont certains au cours de l‘été 2010. Ils n‘ont

malheureusement pas été pris en compte. 69

Il nous arrive de rencontrer certains pratiquants après la date limite de collecte de données par questionnaire

qui se rappelaient avoir rempli le questionnaire, mais ne pas l‘avoir envoyé ou l‘avoir perdu.

59

contient des articles en français et en anglais. La communauté wiccaine francophone

risque-t-elle de s‘éclipser ou va-t-elle conserver sa voix dans le mouvement?

1.3.4.2 Sites Internet

L‘un des meilleurs véhicules d‘information et d‘opinions pour les wiccains du Québec est

Internet. Que cela soit sous forme de sites, de groupes de discussions, de forums ou de

blogues, les wiccains communiquent leurs états d‘âme. Les questions d‘institutionnalisation

et de formation de communautés physiques sont des sujets de discussion qui sont soulevés

de manière récurrente. Comme on pourrait s‘y attendre, les questions portant sur la nature

même de la Wicca, de la magie et de l‘identité (Berger et Ezzy, 2004, p. 176) tiennent une

place importante dans ce processus de discussions, car définir ce qu‘est la Wicca et qui est

wiccain s‘avère essentiel pour établir les limites de l‘identité du pratiquant, mais aussi de la

communauté en soi. Par conséquent, ces divers moyens virtuels constituent une source

importante d‘information permettant de garder le pouls de ce qui se passe à l‘échelle

provinciale et nationale.

1.3.4.3 Littérature païenne

Une autre source pertinente d‘information est la littérature païenne académique et non

académique. Comme l‘ont démontré les résultats issus de notre recherche effectuée dans le

cadre du diplôme de maîtrise, les païens et les wiccains sont des lecteurs avides. Depuis les

dix dernières années, les ouvrages portant notamment sur la magie, la sorcellerie, la Wicca,

le chamanisme et le paganisme ont vu leur nombre augmenter en flèche. Dans les

années 1970 et 1980, les ouvrages sur ces sujets se faisaient plus rares, tandis

qu‘aujourd‘hui on en trouve presque partout au Québec et au Canada. Cela est également le

cas pour les bulletins locaux ou les revues telles que Magie Blanche70

.

De plus, certains wiccains ont produit et continuent de produire de la littérature académique

sur le paganisme. Depuis 1985, le bulletin The Pomegranate publie quatre fois par année

70

La revue Magie Blanche est une revue abordant tout ce qui touche la magie bénéfique, les rituels

ésotériques et les divers outils pour les pratiques magiques divers, mais positives.

60

des articles divers sur les questions liées aux paganismes. Les auteurs de ces articles sont

des païens universitaires ou non universitaires, ou simplement des universitaires non

païens. Dans la communauté montréalaise, le bulletin bilingue local WynterGreene est

devenu le véhicule d‘information de tout ce qui concerne les thèmes ou les activités publics

de la communauté. Bien que WynterGreene ne soit pas le premier bulletin de Montréal, il

est néanmoins un élément essentiel dans le développement de la communauté locale.

L‘important ici est de voir ce qui est lu, ce qui n‘est pas lu, ce qui se retrouve dans les

bibliothèques personnelles des wiccains et ce qu‘ils aimeraient avoir comme ouvrages.

L‘idée est de mieux voir et comprendre le monde dans lequel évoluent les informateurs.

Retrouve-t-on les ouvrages de base sur la Wicca? Des ouvrages anthropologiques?

Historiques? Sociologiques? Féministes? Mythologiques? S‘agit-il majoritairement

d‘ouvrages portant sur la magie ou y a-t-il une recherche d‘information plus complète et

englobante du monde païen et de ses théa/théologies? S‘agit-il plutôt de discours internes

ou externes à la mouvance païenne? Le but de l‘analyse documentaire dans son ensemble

est d‘obtenir des indications sur la teneur et la prégnance du thème de l‘institutionnalisation

et de tracer une éventuelle démarcation des préoccupations de l‘élite communautaire et des

pratiquants.

1.3.4.4 Recherche documentaire et sources d’archives

Afin de cibler les organismes wiccains qui se sont formés et qui se sont déclarés aux

autorités appropriées, il faut procéder à des vérifications dans les registres des entreprises

du gouvernement provincial et organismes de bienfaisance du gouvernement fédéral. Pour

ceux qui s‘y trouvent, il serait intéressant et important de voir sous quelles formes

administratives les divers groupes wiccains s‘enregistrent auprès des autorités publiques.

Est-ce que les groupes s‘adaptent aux normes des gouvernements, basées sur les religions

chrétiennes, afin d‘obtenir certains avantages et privilèges, ou est-ce que les groupes

préfèrent s‘enregistrer en tant qu‘organismes sans but lucratif afin de conserver une certaine

fluidité identitaire?

61

1.3.4.5 Analyse de la jurisprudence canadienne et québécoise

Lorsqu‘un groupe gagne en popularité, il est à prévoir qu‘il fera tôt ou tard l‘objet de

litiges, surtout en raison du fait que la sorcellerie revêt une image négative dans la mémoire

collective de la population canadienne. Depuis les années 1980, il est effectivement

possible de retrouver dans la jurisprudence canadienne et québécoise plusieurs cas où il est

mention des termes « Wicca », « sorcellerie », witch, paganism. En examinant l‘évolution

de l‘utilisation des divers termes associés à la Wicca dans la jurisprudence, tant en anglais

qu‘en français, on peut voir une évolution de l‘identité wiccaine revendiquée et octroyée

par les tribunaux (Beaman, 2000). En analysant les utilisations faites de ces termes, il nous

sera possible de voir comment et à quel moment la Wicca cesse d‘être associée à l‘image

folklorique et commence à être traitée comme un courant religieux par les autorités

judiciaires et administratives.

1.3.5 Résultats anticipés

La présence des pressions internes et externes, les problématiques ainsi que les diverses

formes d‘institutionnalisation qui sont en marche sont toutes des éléments qui contribuent

au processus. La Wicca, qui est une religion de la nature et qui n‘a pas de structure unifiée,

a, par « définition », tendance à vouloir éviter l‘institutionnalisation. De plus, comme le

remarque Peter Beyer lorsqu‘il soulève la question des religions de la nature, la plupart de

ces groupes sont polythéistes et accentuent l‘expression individualiste des pratiquants.

Toutefois, ces individus présupposent que ce qu‘ils font est similaire, au chapitre du but et

de la fonction, à ce que font les autres membres du même milieu (Beyer, 1998, pp. 19-20).

Nous vérifierons cette idée lors des recherches sur le terrain.

Chez les wiccains, les concepts de transformation, de changement, de mobilité, de fluidité

et de souplesse sont très importants. Que ce soit pour la transformation d‘énergie, du soi, de

l‘environnement ou des idées, le changement est au cœur de la Wicca. On le voit d‘ailleurs

par son évolution et son développement depuis les vingt dernières années ainsi que par

l‘entremise des diverses problématiques existant à l‘intérieur de la Wicca au Québec. Or,

62

cette fluidité identitaire semble être mise en cause puisque certains groupes parmi eux ont

décidé de former des églises et de s‘enregistrer auprès des autorités publiques.

L‘institutionnalisation du mouvement est perçue et crainte par la majorité des wiccains71

.

Une minorité regarde cette possibilité autrement, non pas comme une fin à leurs croyances

et pratiques, mais plutôt comme une avenue possible pour assurer la survie et le maintien

de la Wicca. Les tenants et les aboutissants de ce débat sont éclairants quant aux

possibilités et aux limites du changement à l‘ère de l‘individualisation structurale notée par

Beckford (2003, p. 177).

L‘un des meilleurs exemples de la transformation opérée dans la Wicca canadienne est

celui de la CWABC (Congregationalist Wiccan Association of BC). Le fondateur de cette

Église explique et commente, lors d‘une des conférences du Gaïa Gathering, les raisons qui

ont motivé la création de l‘Église ainsi que sa conception de ce qu‘est une religion

officiellement reconnue. En voici l‘extrait :

We have organized ourselves with the fond hope that when the founding

members die we will be buried with Wiccan religious ceremonies presided

over by our own clergy, and that our children, who have been named in

ceremonies in the church, married by our clergy and themselves become

active lay members and clergy, will carry the church along into the future.

Religion is a whole life commitment. Not a ―phase of your life‖ consumer

option, but something that lives through a life from birth to death and

beyond. Building a community of young adults centred on party-hearty

activities with lots of enthusiastic sex in the bushes is one thing but it‘s not a

religion. Helping people to live from a values centre as children, youth,

young adults through old age, understanding all of the passages of life and

sharing them together – this is much more satisfying. (Wagar, 2007, p. 3)

La différence avec la forme d‘origine de la Wicca se voit par l‘utilisation de termes tels que

« clergé », « église », « membre laïc » et « religion ». De plus, l‘importance accordée aux

enfants et aux générations futures ne figure pas dans les concepts originaux de la Wicca,

qui était principalement un culte de fertilité à l‘intention des adultes voulant vivre

l‘expérience du mystère. Comment la situation se présente-t-elle au Québec?

71

Sur le terrain, ce sentiment était exprimé dans les trois-quarts des conversations personnels tenu à ce sujet

ainsi que quelques fois lors des conférences.

63

Hypothèses

Il ressort de recherches antérieures (Berger, 1999, Charbonneau, 2008; DuFresne, 2004,

Gagnon, 2008a; Rabinovitch, 1992) que le mode de fonctionnement et la structure de la

Wicca ne correspondent pas à un modèle familier à l‘administration et aux autorités

publiques. Il est raisonnable de penser que l‘isomorphisme coercitif et surtout normatif

jouera pleinement.

Ceci étant, une première sous-hypothèse est à l‘effet la suivante : l‘institutionnalisation

d‘une mouvance telle que la Wicca ne s‘avère pas nécessairement être la transformation

d‘un tout vers une seule forme institutionnalisée du tout, mais donne plutôt cours à des

transformations parallèles de diverses parties d‘un ensemble vers une institutionnalisation

différée de ces diverses parties lesquelles, en retour, exercent des pressions externes et

internes sur ses diverses composantes dans un cycle continu de transformations et de

déformations.

Une deuxième sous-hypothèse à vérifier, consiste à la teneur et la portée de

l‘individualisation structurale. Il est raisonnable de penser qu‘elle aura une incidence

notable sur les trajectoires d‘institutionnalisation. Par la suite, l‘effet de

l‘institutionnalisation sera-t-il ou non le même au Québec au sein des pratiquants

francophones et anglophones? Il est permis d‘en douter puisque la notion même de Wicca

est différente pour ces deux groupes. Selon les observations faites lors des recherches sur le

terrain, le terme « Wicca » ne semble pas signifier la même chose. Lorsqu‘on parle à un

anglophone, « Wicca » signifie les pratiques d‘origine gardnérienne communément

appelées les « British Traditions » (BTW72

). Lorsque l‘on s‘adresse à un francophone,

« Wicca » semble associé à une pratique de sorcellerie païenne d‘inspiration wiccaine.

Ajoutons à cela les craintes associées aux formes institutionnalisées de leur appartenance

religieuse précédente qui font en sorte que les francophones sont plus critiques face aux

institutions. Par conséquent, il est raisonnable d‘anticiper que les francophones résistent

72

British Traditional Wicca.

64

davantage à la notion d‘institution que les anglophones. Il sera possible notamment de

vérifier cette hypothèse au chapitre 4 grâce aux réponses issues du questionnaire.

Avant de procéder aux données de terrains pour vérifier ces hypothèses, il advient de

vérifier d‘autres éléments qui influent l‘institutionnalisation d‘une minorité religieuse, telle

que les aspects touchant les lois et les droits.

Chapitre 2 : La régulation publique et la religion au

Canada. Quelle place pour la Wicca et les wiccains?

Air moves us, Fire transforms us,

Water Shapes us, Earth Heals us.

And the balance of the Wheel goes round and round,

And the balance of the Wheel goes round...

Par Cathleen Shell, Cybele, Moonsea et Prune

La question des rapports entre la régulation publique et la religion au Canada,

éventuellement de la Wicca, peut s‘avérer fort complexe à démêler. On s‘attachera ici à en

délimiter les principaux points d‘application du point de vue des administrés et non de celui

des justiciables. Du point de vue d‘administrés qui découvrent un certain nombre de règles

de la vie en commun en même temps qu‘ils essaient de trouver et éventuellement de se

négocier une place dans l‘ordonnancement établi. Qu‘il s‘agisse de l‘état civil (sécularisé

au Québec il y a moins d‘une génération), de l‘encadrement des familles et des personnes,

de l‘établissement d‘un lieu de culte ou encore de l‘acquisition de terrains pour

l‘inhumation des fidèles, les dispositions en vigueur témoignent encore de l‘importance des

religions et des spiritualités établies dans la vie sociale. La Loi sur les fabriques et la Loi

sur les cimetières non catholiques (respectivement chapitres F-1 et C-17 des Lois refondues

du Québec) en sont des exemples. On pense aussi à la création d‘œuvres particulières.

Quelles possibilités d‘action collective s‘offre-t-il aux collectivités naissantes, nommément

aux wiccains, en matière d‘association? De culte? Quelles sont les démarches

incontournables à effectuer auprès des administrations et institutions publiques à cet égard?

Avec quels résultats? Au plan individuel, par ailleurs, de quelles possibilités d‘exercer sa

religion ou de vivre selon sa conscience et ses préceptes un wiccain dispose-t-il au sein de

certaines institutions d‘utilité et de service public?

À l‘aide des témoignages et des observations effectuées dans la mouvance wiccaine, nous

voulons illustrer les voies par lesquelles les spiritualités émergentes peuvent prétendre à

66

l‘existence et à la reconnaissance sociétale. Comment en somme, à travers leurs contacts

avec les diverses administrations, les spiritualités émergentes s‘inscrivent dans le champ

d‘application de la loi pour se trouver assimilées, bon gré, mal gré, à une religion?

En raison de la nature de leurs activités, la Wicca et les mouvements païens au Canada et au

Québec se trouvent à faire face à plusieurs niveaux de réglementation. Le présent chapitre

fera d‘abord ressortir le cadre légal et réglementaire qui régit diverses fonctions de

coordination prises en charge par les collectifs d‘innovation spirituelle; les responsabilités

assumées par leurs agents de même que la vie collective et personnelle des croyants. Le

tout sera compris et illustré en référence au contexte particulier de la Wicca.

Il importe d‘abord de déterminer sous quels juridictions publiques, domaines de régulation

et secteurs d‘activités les diverses instances administratives et gouvernementales

appréhendent ce que l‘on conçoit, en sociologie, comme relevant du phénomène religieux.

Ce faisant, on s‘attachera à décrire les diverses formes de reconnaissance institutionnelle à

la portée des groupes wiccains; les formes possibles de la personnalité collective à solliciter

et à adopter en quelque sorte. Par la suite, les aspects sociaux du culte seront abordés en

lien avec la célébration de rites de passage (mariage, funérailles) au sein de la collectivité

wiccaine. Enfin, on s‘attardera à un cas particulier de régulation dite de l‘assistance

spirituelle, à savoir l‘aumônerie en institution carcérale et hospitalière.

2.0 L’enregistrement à titre d’organisme de bienfaisance :

incidence et portée

Il n‘existe pas, au Canada, de pouvoir ou de compétence de régulation de la religion en tant

que telle; ni exclusive, ni partagée. Plutôt, la régulation passe par les fonctions régaliennes

et les missions publiques.73

Il en est ainsi, au chef de l‘imposition des revenus, de la

mention de « charities » recouvrant les œuvres de bienfaisance. Diverses dispositions

constitutionnelles fondent les compétences fédérale et provinciales à réguler, généralement,

l‘enregistrement des sociétés au motif fiscal. Ce sont les articles 91 (3) et (29) au niveau

73

(…) the federal parliament in Ottawa is given the exclusive power, inter alia, to enact criminal laws, while

the provincial parliaments are given the exclusive power to regulate (within the respective provinces),

charities, marriages, property and civil rights, and education. (Côté et Gunn, 2005, p. 10).

67

fédéral, de même, les articles 92 (2) et 92 (11) au niveau provincial (Loi constitutionnelle,

1867). Quel rapport cet objet de la loi entretient-il avec l‘activité religieuse et spirituelle?

Un rapport ancien et étroit, précédant l‘instauration de l‘État-providence, dans le cadre

duquel la puissance publique confiait ou laissait en grande partie les missions de secours et

d‘assistance sociale, outre les soins de santé et l‘enseignement publics, aux mains de

diverses collectivités et communautés religieuses. Des mesures d‘exonération fiscale ont de

la sorte été prises et appliquées en contrepartie de l‘organisation et de la prestation

« d‘œuvres de bienfaisance » dédiées et rendues bénévolement à la collectivité (Côté et

Gunn, 2005, pp.737-738).

Pour autant, les associations entre religion, bien commun et services publics ne vont plus de

soi, sans parler du fait que l‘État assume des missions et responsabilités publiques dont les

charges s‘accroissent. Par ailleurs, le terme « religion » n‘est pas explicitement mentionné

dans la Loi constitutionnelle du Canada, 1867 et 1982 ni dans aucun texte de loi fédérale,

exception faite de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1, article 2 a (Horwitz,

1996, p. 6). Quelles distinctions existe-t-il présentement au chapitre de l‘enregistrement

d‘un organisme charitable? De quelles normes d‘application les instances

gouvernementales, tant fédérales que provinciales, usent-elles en la matière? Quelle

incidence comportent-elles sur une mouvance telle que la Wicca? Disons d‘emblée que

l‘incidence et la portée de l‘enregistrement au motif fiscal sont essentiellement les mêmes

au fédéral que dans les provinces (Phillips, 2001, p.319 et p. 337). Nous détaillerons ainsi

les dispositions fédérales en consacrant une dernière section à une particularité émanant de

la loi québécoise.

Au palier fédéral, l‘Agence du revenu du Canada et les tribunaux déterminent ce qu‘est ou

n‘est pas un organisme charitable en tenant compte de critères énumérés74

(Phillips, 2001,

p. 317; Ogilvie, 2003, p. 210-211), des fins et des activités poursuivies par l‘organisme. Et

parmi ces motifs, dans un réseau de notions associées, se trouve l‘avancement de la

religion.

74

Voir le dépliant de l‘ARC « L'enregistrement d'un organisme de bienfaisance aux fins de l'impôt sur le

revenu ».

68

2.0.1 Critère du bien commun

La notion de bien commun ressort en partie, mais non exclusivement à l‘enregistrement des

organismes de bienfaisance. Nous la retrouvons dans des documents concernant l‘impôt et

la constitution d‘œuvres de bienfaisance de l‘Agence du revenu du Canada Le bulletin

d‘interprétation IT-496R, Loi de l’impôt sur le revenu Organisation à but non lucratif de

l‘Agence du revenu du Canada (ARC) mentionne ce qui suit en ce qui a trait au bien

commun, en l‘occurrence, le bien-être social : « En général, assurer le bien-être social

signifie aider les groupes défavorisés ou contribuer au bien commun et au bien-être général

de la collectivité. » (ARC, 2001, p. 2).

2.0.2 Critère des fins de bienfaisance

En ce qui a trait aux fins de bienfaisance, les fonctionnaires ont recours à une classification

en quatre catégories issues de la common law (ARC, CPS-024, 2006; Broder, idem) :

- les fins de soulagement de la pauvreté;

- les fins de l‘avancement de l‘éducation;

- les fins de l‘avancement de la religion;

- autres fins profitant à la communauté, que la loi reconnaît comme des fins de

bienfaisance (ARC, 2006, p. 2)75

2.0.2.1 Organisme de bienfaisance enregistré

Sous ce vocable se trouvent les organismes, tant séculiers que religieux, qui exercent les

types d‘activités mentionnés plus haut et qui sont repris dans le guide L’enregistrement

d’un organisme de bienfaisance aux fins de l’impôt sur le revenu, le T4063-01 (F).

Nonobstant la généralité de l‘expression, on peut y voir, dans la section concernant

l‘avancement de la religion, un accent particulier mis sur le fait que l‘organisme se

distingue en toutes lettres par l‘existence en son sein d‘un « culte théiste ».

L‘avancement de la religion

Cette fin vise la promotion des enseignements spirituels d‘une religion donnée

et le respect des doctrines et des observances spirituelles sur lesquelles

s‘appuient ces enseignements. Il doit y avoir un élément de culte théiste, le

75

Voir aussi Commissioners for Special Purposes of Income Tax c. Pemsel, 1891, CanLII, 21 (ON C.A.),

section 97.

69

culte d‘un ou de plusieurs dieux au sens spirituel. Il ne suffit pas de prêcher la

morale ou l‘éthique pour être admissible. (Canada, T4063 (F) Rév. 08 p. 9)

Par conséquent, le terme de « religion » implique ici qu‘il doit y avoir une forme de

divinité, voire de déité (chrétienne ou non), à laquelle un culte est voué. De plus, il faut que

la collectivité visée constitue une religion au sens d‘observances rituelles et non tout

simplement qu‘elle soit dotée d‘un système éthique, moral et de croyances. Ce critère

déterminant, comme le souligne Ogilvie, a été établi par la jurisprudence des cours

canadiennes (Ogilvie, 2003, pp. 210-211). Une exception notable a trait au bouddhisme.

Bien que ne correspondant pas à cette définition, le bouddhisme est néanmoins considéré

comme étant voué à l‘avancement de la religion. On s‘interroge toutefois de savoir si cette

définition, hormis quelques exceptions, est appliquée de manière cohérente par les autres

instances lorsqu‘il est question de collectivités à caractère religieux qui prétendent au statut

d‘organisme de bienfaisance (Ogilvie, 2003, p. 211; Phillips, 2001, p. 338; Bromley, 2000,

p. 9). Même si cela était le cas, la logique de l‘exonération fiscale lie le privilège à la

poursuite d‘œuvres de bienfaisance au profit du bien commun, étant entendu que ce statut

confère le privilège de recevoir des dons et d‘émettre des reçus aux fins d‘impôt.

2.0.2.2 Organismes de bienfaisance religieux

Dans les commentaires au sujet de la politique de l‘ARC, les organismes de bienfaisance

religieux sont définis comme suit : « Un organisme de bienfaisance religieux est une

communauté religieuse ou un ordre religieux. »76

. Cette définition est plutôt large puisqu‘il

convient tout d‘abord de déterminer et de définir ce qu‘est une communauté religieuse ou

un ordre religieux. Bien que ce commentaire s‘adresse avant tout aux organismes établis

depuis 1977 ou qui sont issus de ces organismes après 1977, il donne une idée de certains

critères requis pour l‘ARC pour les exemptions concernant le T3010 — 1 (Déclaration de

renseignements des organismes de bienfaisance enregistrés).

76

Commentaire au sujet de la politique, CPC-016, 9 mars 2000 (révisé le 17 octobre 2003), section définition.

Bien que ce commentaire porte sur l‘exemption de l‘obligation de produire des parties de la Déclaration de

renseignements des organismes de bienfaisance enregistré, il donne néanmoins un aperçu de ce qui

correspond à la définition d‘organisme de bienfaisance religieux.

70

Il est important de noter ici que lors de l‘enregistrement des organismes auprès du

gouvernement fédéral, c‘est l‘organisme lui-même qui indique s‘il est de nature religieuse

ou non. Les fonctionnaires vérifient alors s‘il correspond à la catégorie aux « fins de

l‘avancement de la religion ». Le gouvernement fédéral ne décide pas si un organisme est

religieux ou non. Plutôt, il vérifie la conformité de la déclaration d‘activités soumise avec

le renvoi au critère de l‘avancement de la religion. Il en découle que tous les organismes de

bienfaisance religieux ainsi reconnus sont des organismes de bienfaisance enregistrés. Par

contre, cette reconnaissance peut ne pas être conférée par l‘examinateur du dossier s‘il est

possible de démontrer, par exemple, que les activités peuvent être nuisibles à la

collectivité77

.

2.0.3 Critère d’avancement de la religion

À cet égard, l‘énoncé de politique de l‘ARC stipule ce qui suit :

Du point de vue de la bienfaisance, l‘avancement de la religion signifie la

promotion des enseignements spirituels d‘une association religieuse donnée

et le respect des doctrines et des observances spirituelles sur lesquelles

s‘appuient ces enseignements. Il doit y avoir un élément de culte théiste,

c‘est-à-dire le culte d‘un ou de plusieurs dieux au sens spirituel. (CSP-R06)

Nous reviendrons sur cet élément de culte afin de déterminer ce qu‘englobe la personnalité

juridique « organisme de bienfaisance ». Pour l‘heure, il importe seulement de souligner la

marque des religions traditionnelles dans cette relation privilégiée, établie sous Pemsel,

relativement aux notions d‘avancement de la religion, d‘organisme de bienfaisance et de

bien commun (Broder, 2002, p. 5; Bromley, 2000, pp. 1-2)78

.

Divers auteurs ont fait état de cette proximité pour en noter l‘incongruité. Il est notamment

fait référence à l‘affaire Re Morton Estate, jugée en 1941, suivant laquelle les lois

canadiennes présument d‘emblée que les religions fournissent un bien commun (Bromley,

2000, p. 10).

77

Voir la CPS-024 de l‘ARC, Lignes directrices pour l’enregistrement d’un organisme de bienfaisance :

satisfaire le critère du bienfait d’intérêt public, Annexe B (qui utilise l‘exemple de l‘Église de la Scientologie

pour présenter une contestation à la présomption de l‘existence d‘un bénéfice conféré). 78

Bien que datant de plus de 110 ans, la jurisprudence fait toujours référence à cette affaire.

71

Par ailleurs, le lien entre « religion » et « organisme de bienfaisance » ne va pas

nécessairement de soi. Jurisprudences britannique et canadienne à l‘appui, Phillips entend

démontrer que toutes les religions autoproclamées ne se qualifient pas en tant

qu‘organismes de bienfaisance auprès de l‘ARC, même lorsque leurs buts sont présumés

répondre au bien commun alors que, par ailleurs, le statut d‘organisme de bienfaisance (et

l‘exonération fiscale) est maintenu en faveur de religions dont on ne connaît pas les œuvres

de bienfaisance dans la société. L‘auteur fait mention de l‘affaire britannique de Gilmour c.

Coats, sur laquelle s‘appuie l‘ARC lorsqu‘elle doit statuer sur certaines demandes

d‘enregistrement (Phillips, 2001, pp. 322-323). Bromley ajoute qu‘il devrait être nécessaire

de prouver légalement l‘aspect du bien commun dans certains cas (Bromley, 2000, p. 10).

Néanmoins, selon Jim Philips, les tribunaux canadiens cherchent peu à justifier le lien entre

la religion et la notion de bien commun, comme si cette relation était nécessaire et devait

être tenue pour acquise. Comme il le mentionne :

[…] I note that the courts have been shy about articulating why it is that

religion per se provides a public benefit. Most cases deal with whether some

particular purpose advances religion; thus there is ample case law on what

might call the infrastructure of religion. (…) But I do understand that

infrastructure is hardly the essence of religion that must be located in beliefs

and practices. One would therefore assume that if the law of charity accepts

the utility of religion it would do so on the basis that all religious beliefs and

practices have public benefit. And that must be an assumption – a matter not

to be proved but, if I may excuse the expression, to be taken on faith.

(Phillips, 2001, pp. 320-321)

Si on se réfère aux politiques et lignes directrices concernant l‘enregistrement d‘un

organisme de bienfaisance (CPS-024), on remarque que les organismes qui veulent se

prévaloir de ce statut doivent non seulement faire partie d‘une des quatre catégories issues

de la common law précédemment mentionnée, mais doivent également « être établis pour

conférer un bénéfice tangible au public dans son ensemble ou à une composante suffisante

du public » (ARC, CPS-024, 2006). Dans les discussions sur ce dernier point, il est

mentionné qu‘il subsiste une présomption de l‘existence d‘un bénéfice conféré aux

organismes religieux établis puisqu‘ils sont traditionnellement reconnus « comme profitant

à la collectivité ». Malgré cela, il est possible que cette présomption soit contestée si le

72

caractère de bienfaisance de l‘organisme est remis en question ou s‘il existe des preuves qui

compromettent ce statut79

.

En tout état de cause, la Wicca ne ressort pas à la catégorie « organisme de bienfaisance, ni

enregistré, ni religieux.

2.1 Les différentes possibilités d’incorporation et d’existence

juridique

La délimitation de ce qu‘est un organisme religieux, voire un organisme de bienfaisance

religieux, atteste des couches de sédimentation successives du droit. Le terme a pu

permettre d‘inclure ou d‘exclure différentes identités religieuses en voie de constitution,

étant entendu que des privilèges non négligeables s‘y rattachaient. Il ne faut pas pour autant

méconnaître la grande diversité du champ associatif, y inclut le fait des possibilités offertes

à l‘action collective sous d‘autres chefs. Une association peut ainsi être incorporée ou

contractuelle. Elle ne serait même pas tenue de se déclarer tant il se trouve qu‘en l‘absence

de toute existence juridique, ladite association peut être un « sujet de droit » (Cumyn et

Tricart, 2010, p.52). Néanmoins, une distinction s‘impose entre les organismes à but

lucratif et à but non lucratif. Nous évoquerons brièvement ici cette dernière figure

puisqu‘elle représente un pan d‘institutionnalisation de la Wicca dans son ensemble.

2.1.0 L’organisme à but non lucratif -- Canada

La Pagan Federation | Fédération païenne du Canada a été fondée en 1994. Elle a été

incorporée à titre d‘organisme à but non lucratif en vertu de la Loi sur les corporations

canadiennes, partie II, en 199880

.

À l‘époque, un choix a été fait par les responsables de la Fédération de ne pas présenter de

demande à l‘Agence de Revenu du Canada aux fins d‘être admis à l‘enregistrement à titre

d‘organisme de bienfaisance. Aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu, les deux statuts

79

D‘ailleurs, des preuves du bienfait d‘intérêt public sont également exigées lorsqu‘un organisme s‘enregistre

auprès de l‘ARC. 80

Une loi fédérale a été adoptée en juin 2009, dotant les associations incorporées d‘un régime juridique

complet et autonome. (Cumyn et Tricart, 2010 :14). Il s‘agit de la Loi canadienne sur les organisations à but

non lucratif, L.C. 2009, c.23, sous laquelle sont graduellement prorogées les associations, telles la Fédération

paienne, incorporées sous l‘ancienne.

73

sont, de fait, exclusifs81

. Il est permis d‘en inférer que ce dernier statut, qui exige de

l‘organisme d‘être établi et exploité exclusivement à des fins de bienfaisance, soit

correspondait moins aux buts propres de la Fédération, soit que la Fédération ne désirait pas

présenter une demande à l‘ARC au risque de ne pas être admise à l‘enregistrement. À noter

que les avantages d‘un statut ou l‘autre sont similaires à certains égards. Ainsi, les OSBL

sont habituellement exonérés de l‘impôt sur le revenu quoiqu‘ils puissent être assujettis à

l‘impôt sur les revenus de la propriété, s‘il y a lieu, ou sur les gains en capital. Par contre,

les OSBL exploités aux fins du bien-être social (ce qui serait le cas de la Fédération82

) ne

peuvent délivrer de reçus officiels de dons aux fins de l‘impôt. Néanmoins, ceci ne

constitue pas une restriction, ni même un inconvénient pour nombre d‘associations qui,

telles la Fédération, sont à l‘œuvre dans le tiers secteur. En fait, la coordination des dons et

du bénévolat constitue l‘un parmi quatre des objets généralement poursuivis par ce type

d‘associations, les autres étant la « production sociale et solidaire de biens ou de services »,

« la représentation collective et la défense des droits » et encore « l‘autoréglementation »

(Cumyn et Tricart, 2010, p.29 et p.41). Ceci recoupe assez bien les buts déclarés de

l‘organisme parapluie wiccain. À cet égard, une des représentations de la Fédération

païenne du Canada documentée, en lien avec le propos de la thèse, a eu trait à une demande

de clarification adressée à la Ministre de la Justice et Solliciteur général de l‘époque (2001),

au sujet de l‘application possible, aux pratiquants de la religion wiccaine, de l‘article 365 à

la partie IX du Code criminel relatif à la pratique de la magie et de la sorcellerie (voir

l‘Annexe D).

2.1.0.1 Organisme sans but lucratif et association personnifiée au Québec

Au Québec, du point de vue fiscal, il est possible qu‘un groupe s‘enregistre en formant un

organisme à but non lucratif (OSBL), connu aussi sous le terme « d‘association

81

http://www.cra-arc.gc.ca/tx/nnprft/menu-fra.html (visité le 14 mars 2013) 82

‗The PFPC was formed in 1994 and incorporated in 1998. Our purpose is to improve and protect the

reputation of Pagans and Paganism in Canada , by:

-Providing practical, accurate and effective information about Paganism to the public, the media, public

bodies and government agencies.

-Providing contact among Pagan groups and seekers.

-Fostering interaction and dialogue among the various branches of Canadian Paganism, both Anglophone and

Francophone.‘ Source: http://www.pf-pc.ca/ (visité le 14 mars 2013).

74

personnifiée ». Ce type d‘association assure l‘existence d‘une première organisation

légalement constituée et ce, que cette dernière évolue éventuellement ou non en corporation

religieuse. Au moins trois personnes (demandeurs et administrateurs provisoires de

l‘association) sont requises pour l‘obtention d‘une telle reconnaissance, de même que des

renseignements de base au sujet du type d‘activité poursuivi par le groupe. Le critère du

bien commun ne s‘applique pas à cette catégorie, du moins il ne vise pas le public en

général, mais plutôt une collectivité délimitée.

2.1.1 En common law—pan canadienne

S‘agissant désormais des buts plus larges poursuivis par les collectifs, soit le bien-être

social et la représentation collective, une figure répandue en common law est celle de

l‘institution religieuse basée sur l‘association volontaire, c‘est-à-dire que l‘autorité dont

jouit une organisation religieuse sur ses membres découle du consentement contractuel

mutuel en ce qui a trait à la doctrine et à la discipline du groupe constitué (Ogilvie, 2003,

pp. : 215-216). C‘est la raison pour laquelle de nombreux groupes religieux émergents se

sont dotés au fil du temps d‘un statut associatif pan canadien de ce type, indépendamment

de tout autre aspect. Beaucoup de petites collectivités protestantes et non chrétiennes ont

sollicité de se constituer de la sorte « aux fins d‘autoréglementation » (Cumyn et Tricart,

2010, p.41) par l‘introduction d‘une loi privée au Parlement fédéral ou provincial (Côté,

1993, p.63). La réalité multiculturelle de la société canadienne a ainsi amené les instances

législatives et judiciaires à utiliser des termes tels que « organisation religieuse »,

« institution religieuse » et « société religieuse ».

Parmi celles-ci se trouve une église (Wiccan Church of Canada [WCC], constituée en tant

qu‘association de common law pan canadienne. Ce type d‘incorporation s‘assimile en

plusieurs points à celui de corporation religieuse qu‘il est possible de solliciter au plan

provincial à ceci près qu‘il n‘implique pas l‘existence d‘ordres religieux ou de

communautés de vie religieuse à l‘instar du catholicisme. C‘est donc un statut d‘association

volontaire au motif religieux ouvrant à tout le moins la possibilité d‘offrir, sur base

75

volontaire, la dispensation d‘assistance spirituelle là où des services d‘aumônerie sont déjà

prévus; si et dans la mesure de l‘accord des services publics visés.

2.1.2 Sociétés et institutions religieuses dans les provinces canadiennes

À travers le Canada, il est permis d‘observer une grande diversité de catégorisation des

collectivités : église, société, institution, corporation et association. La plupart sont visées

par des lois régissant la propriété de biens pour des fins religieuses83

.

Ces appellations ont été adoptées et semblent reliées, selon les observations d‘Ogilvie, à

trois contextes spécifiques (Ogilvie, 2003, pp. 209-210) :

1- L‘observance rituelle, le culte et l‘enseignement spirituel;

2- La propriété foncière, la production agricole, l‘enseignement et la gestion

immobilière au nom de la collectivité;

3- La revendication des privilèges, des bénéfices et des exemptions déjà reconnus

en droit aux ministres du culte ou aux collectivités religieuses dûment

constituées84

.

Le premier contexte permet aux sociétés religieuses de poursuivre des activités telles que

des rites, des rituels ou encore des enseignements spirituels au sein d‘une communauté.

Pour ce faire, l‘organisation en congrégations et l‘habilitation de ministres religieux

désignés pour célébrer les mariages constituent des éléments recherchés pour l‘obtention de

ce statut. Or, cette habilitation relève de la compétence provinciale.

Depuis 2004, certains groupes, tel que le CWABC (The Congregationalist Wiccan

Association of BC), ont déjà procédé à l‘incorporation. D‘ailleurs le CWABC a élaboré, en

mai 2007, un document expliquant les raisons qui l‘ont poussé à se structurer de la sorte

83

Chaque province ou chaque législature utilise sa propre terminologie : en Alberta : Religious Societies’

Land Act, R.S.A.1980, cR-14 ; en Colombie Britannique Trustee (Church property) Act, R.S.B.C. 1996,

c.465;au Manitoba Religious Societies’ Act, R.S.M. 1987, c. R-70; Nouvelle-Écosse Religious and Charitable

Corporation Property Act, R.S.N.S, 1989, c.394 et Religious Congregations and Societies Act, R. S. N.S.,

1989, c, 395; en Ontario Religious Organizations’ Land Act, R.S.O., 1990, c.R-23, et en Saskatchewan

Religious Societies’ Land Act, R.S.S., 1978, c.R-19. 84

Voir Olgivie qui mentionne principalement la question de l‘exemption pour la conscription par l‘État, des

ministres reconnus, notamment parmi les membres de l‘Église du Christ. Ce qui a été discuté dans l‘affaire

Bien c. Cooke, [1944] 2 D.L.R. 187 (Sask. K.B.) (Olgivie, 2003, p. 210).

76

ainsi que les méthodes employées dans le but d‘aider les autres groupes intéressés par le

processus à atteindre les mêmes objectifs (voir l‘Annexe A).

La possibilité de posséder une propriété foncière au nom d‘une communauté est une

deuxième motivation qui pousse certains groupes à obtenir la reconnaissance, et ce que ce

soit pour l‘établissement d‘un temple, d‘une église, d‘un centre communautaire ou d‘une

école.

À cet effet, un groupe de l‘Alberta a obtenu un statut en 2007. La Congregationalist Wiccan

Assembly of Alberta (CWAA) a vu le jour et compte maintenant deux temples dans cette

province.

2.1.3 Au Québec : Église, corporation religieuse, communauté religieuse

Dans cette partie, il sera question des différentes formes sous lesquelles les groupes à

caractère religieux peuvent être dotés d‘une existence juridique au palier provincial,

essentiellement la propriété et les droits civils. Ce sont là diverses options dont ces derniers

sont susceptibles de se prévaloir, entre autres, pour officier généralement auprès de leur

communauté de fidèles et pour promouvoir leurs enseignements auprès des intéressés.

Il faut réitérer ici que toute ou l‘ensemble de la mouvance wiccaine n‘entre pas en contact

avec l‘une ou l‘autre administration publique pour les motifs évoqués ci-dessus. Plutôt, il

s‘agit d‘initiatives particulières prises dans l‘un ou l‘autre lieu. Parmi celles-ci, on a déjà

fait état d‘une église (Wiccan Church of Canada [WCC], constituée en tant qu‘association

de common law pan canadienne. Au palier provincial, nous venons de relever deux cas

aboutis d‘incorporation. Au Québec, on fera ci-dessous état d‘une tentative infructueuse de

s‘associer, faute d‘un appui suffisant de la collectivité, pour fonder l‘Église Wiccane du

Québec [ÉWQ]).

On trouve la mention du terme « église » dans la Loi sur les corporations religieuses (C -

71) appliquée par le Registraire des entreprises du Québec (REQ). Une église se définit

77

comme étant un ensemble de personnes formant une société religieuse85

. De plus, nous y

retrouvons la définition de « congrégation », laquelle réfère à « Un ensemble de religieux

faisant partie d‘une communauté religieuse »86

. En soi, ces définitions restent assez

générales, ce qui permet d‘y inclure une foule de regroupements. Néanmoins, les critères

requis n‘étant pas déterminés, il est fort probable qu‘il s‘agisse d‘une acception restrictive

du catholicisme ou des religions traditionnelles, du moins en ce qui a trait aux

congrégations et aux communautés.

Par conséquent, un groupe peut se constituer en corporation religieuse selon la Loi sur les

corporations religieuses (L.R.Q., c C -71). Il est possible de recouvrir à cette loi afin de :

« constituer une corporation privée ayant pour objet d‘organiser, d‘administrer et de

maintenir une église, une congrégation ou une œuvre dont les fins sont la charité,

l‘enseignement, l‘éducation, la religion ou le bien-être »87

. Le dossier de requête doit

comprendre les pièces suivantes88

:

1- Une demande de lettre patente d‘au moins trois requérants;

2- Un rapport de recherche de nom;

3- Les règles et constitutions de l‘église, de la congrégation ou de l‘œuvre;

4- La déclaration assermentée d‘un requérant confirmant ces règles et

constitutions;

5- S‘il n‘y a pas d‘autorité religieuse dont les requérants relèvent ou si l‘église ou

la congrégation ou l‘œuvre n‘est pas régie par des règles et des constitutions, ces

faits doivent être affirmés solennellement;

6- Un certificat de bonne conduite obtenu auprès de la Gendarmerie royale du

Canada, de la Sûreté du Québec ou d‘un corps de police municipal au Québec;

7- Une lettre ou un autre type de document définissant la philosophie de la

corporation religieuse.

Une fois constituée, une corporation religieuse peut exercer tous les pouvoirs conférés à

une personne morale tels que :

a) gratuitement ou à titre onéreux, acquérir des biens et les aliéner;

b) faire de nouvelles constructions;

85

L.R.Q. c. C-71 section 1(c). 86

Ibid. section 1(a). 87

L.R.Q., chapitre C-71, Loi sur les corporations religieuses, article 2. 88

Ces critères ont été confirmés auprès du Registraire des entreprises du Québec.

78

c) placer ses fonds soit en son nom, soit à titre de dépositaire et

d‘administrateur;

d) aider toute personne, y compris ses membres, poursuivant une fin

similaire à l‘une des siennes, lui céder tout bien, gratuitement ou non, lui

faire des prêts et garantir ou cautionner ses obligations ou engagements;

e) établir et maintenir des cimetières et ériger des caveaux dans ses

chapelles pour y déposer la dépouille mortelle de ses membres, de ses

bienfaiteurs ou de toute personne ayant quelque relation avec la

corporation, en se conformant à la Loi sur les inhumations et les

exhumations (chapitre I -11);

f) pourvoir à la formation, à l‘instruction, à la subsistance et à l‘entretien

de ses membres, des personnes à son service et de celles qui ont quelque

relation avec elle89

.

En ce qui a trait à la situation des wiccains, former une corporation religieuse est possible.

C‘est d‘ailleurs sous le type d‘OSBL qu‘un groupement wiccain francophone, l’Église

wiccane du Québec, a tenté de se constituer sans succès90

. L‘utilisation du terme

« église »91

dans le nom a provoqué des remous au sein de la communauté au début de son

existence. Pour désamorcer l‘opposition, les administrateurs ont fait valoir aux membres

qu‘ils ne faisaient que reprendre la terminologie du Registraire des entreprises du Québec

(REQ), stipulant qu‘une église est un ensemble de personnes formant une société

religieuse92

. Une autre source de contrariété ou d‘irritation est venue s‘ajouter de la part de

certains, soit l‘existence de frais d‘incorporation en tant qu‘association, de même que de

frais à encourir pour la conservation du statut. L‘engagement financier requis des membres,

qui plus est d‘une durée indéterminée, a été jugé ne pas concorder avec les principes de

certains membres de la communauté.

Outre les cas mentionnés ci-dessus, qu‘en est-il de la personnalité juridique, s‘il y a lieu,

des divers regroupements wiccains observés sur le terrain? Et quels types de personnalité

juridique, partant de là, d‘identité les regroupements wiccains semblent-ils favoriser?

Divers organismes de la mouvance wiccaine figurent au registre des entreprises du Québec.

Des boutiques physiques (« Mélange magique » et « Charmes et sortilèges ») sont

89

L.R.Q. Loi sur les corporations religieuses, C-71, article 8. 90

Voir annexe C – Dépliant de l‘ÉWQ. 91

Ils utilisent ce terme dans le même sens que dans la Loi sur les corporations religieuses (L.R.Q., c C -71),

tout en lui conférant les fonctions et les statuts propre à un OSBL. 92

Loi sur les corporations religieuses, section 1 (c).

79

enregistrées en tant qu‘entreprise. Les boutiques virtuelles sont, quant à elles, sont

enregistrées en tant que service informatique (« La boutique ésotérique de l‘étoile

éternelle ») soit en tant qu‘entreprise individuelle ayant comme activité la fabrication

d‘objets d‘artisanat (« Les artefacts du scarabée »). D‘autres entités existent juridiquement

en tant qu‘associations. Il en est ainsi de la West Island Pagan Association93

de Montréal et

de la conférence nationale païenne du Canada (Gaïa Gathering). Ce statut rend possible une

levée de fonds aux fins de couvrir la tenue de la conférence annuelle.

En ce qui a trait à la personnalité juridique, toutes ont, au Canada et au Québec, le statut

d‘entreprises et non celui d‘églises, de temples ou d‘organisations religieuses94

. Pour

l‘instant, il semble qu‘au Québec l‘enregistrement en tant qu‘église ou organisme religieux

soit inexistant. Selon les observations faites sur le terrain, peu de covens sont prêts à

procéder à ce type d‘enregistrement.

Une autre raison expliquant le peu de groupes ou de covens enregistrés auprès des autorités

publiques est que le besoin de s‘enregistrer auprès de ces instances provinciales ou

fédérales ne se fait pas ressentir. Il semble ne pas y avoir d‘obstacle lorsqu‘il est question

des autres formes d‘activités économiques touchant des biens et des services. Or, dès qu‘il

est question de services spirituels ou religieux, les individus ne semblent pas penser qu‘ils

sont nécessaires.

Un autre aspect qui peut expliquer le peu d‘engouement pour l‘incorporation est le fait que

ce ne sont pas tous les gens qui comprennent le vocabulaire juridique ou les méthodes pour

devenir un organisme religieux. Lorsqu‘un groupe ou un coven veut s‘incorporer, cela

provoque beaucoup d‘incertitude. L‘incertitude devient alors potentiellement un facteur

majeur du changement et de l‘homogénéisation (DiMaggio et Powell, 1983, p. 151).

Sur quoi s‘appuie l‘octroi du statut de la part des autorités? Même si un groupe remplit tous

les critères, il est toujours possible que le registraire refuse sa demande d‘enregistrement.

93

Enregistré sous ce nom jusqu‘en 2009. Maintenant, les activités de l‘association se déroulent au Centre

Avalon (Avalon Center). Également connu et enregistré sous le nom Avalon Naturel, il existe depuis 2006 en

tant qu‘entreprise individuelle. 94

West Island Pagan Association a eu cette activité économique inscrite à son dossier jusqu‘en 2009.

80

Néanmoins, il ne semble pas y avoir de clause ni de critère s‘apparentant au fait de devoir

démontrer l‘existence du groupe pendant une certaine période de temps afin d‘obtenir une

reconnaissance dans cette catégorie. Il s‘agit là d‘un critère usuel de refus dans les pays

autoritaires (comme la Russie) ou exerçant un contrôle plus serré de l‘innovation religieuse

(p. ex : l‘Autriche et l‘Allemagne).

2.2 La régulation des aspects sociaux du culte

Bien que l‘idée d‘organisation à grande échelle puisse avoir une incidence sur les membres

d‘une communauté, le plus important est souvent ce qui touche les gens sur le plan

personnel et social. Qu‘il s‘agisse de la possibilité d‘officier ou de célébrer un mariage ou

des funérailles, d‘obtenir une sépulture, de régler des différends familiaux ou de composer

avec un divorce, la croyance de même que l‘expression religieuse et spirituelle s‘inscrivent

dans une société civile aux rapports codifiés par les pouvoirs publics.

2.2.1 Rites de passage : Acquisition des droits de célébration

2.2.1.1 Mariage

Les notions de religion, de lois et de rites de passage sont souvent intimement liées au

mariage. Au Québec des distinctions existent entre le mariage civil, le mariage religieux et

l‘union civile. Le mariage civil nécessite au préalable la vérification de l‘âge95

, de

l‘identité, des liens familiaux96

et de l‘état civil des époux. En ce qui concerne le mariage

religieux, les documents nécessaires varient selon le groupe religieux, mais la cérémonie est

soumise aux mêmes règles que le mariage civil97

. Ces mêmes règles du mariage civil

régissent également l‘union civile, à la différence près que l‘âge permis pour l‘union civile

est de 18 ans et que les processus de dissolution de l‘union diffèrent de ceux du mariage

civil (Justice Québec, 2008b).

95

Au Québec, l‘âge autorité pour le mariage est de 16 ans avec le consentement des parents ou des tuteurs, ou

de 18 ans sans consentement. (Justice Québec, 2008a). 96

Le célébrant doit vérifier qu‘il n‘existe pas de lien familial interdit par la loi. (Justice Québec, 2008a). 97

Les individus divorcés ou veufs doivent fournir les documents attestant de cet état.

81

Ce dernier élément de processus de dissolution de l‘union est important, car les époux

doivent être célibataires, divorcés ou veufs afin de ne pas contrevenir à l‘article 293,

paragraphe 1 du Code criminel canadien, c‘est-à-dire à l‘article concernant la polygamie98

.

La célébration d‘un mariage sans l‘obtention de l‘autorisation préalable requise par le

gouvernement provincial constitue un délit. Ogilvie note d‘ailleurs que, selon l‘article 294

du Code criminel, une personne peut se voir infliger une peine allant jusqu‘à deux ans

d‘emprisonnement pour avoir procédé illégalement à une célébration de mariage. Il stipule

toutefois que la situation peut être corrigée si le « célébrant » obtient les enregistrements

requis par l‘administration provinciale (Ogilvie, 2003, p. 174).

Chez les wiccains, la question du mariage ou du handfasting99

est emblématique de

l‘attitude vis-à-vis de l‘institutionnalisation. Elle est suivie par les responsables sur la

question sensible de la polygamie (le « polyamour » dans le langage wiccain), sans pour

autant que la croyance soit abandonnée (voir le chapitre 3). Quant aux conséquences sur la

structuration de la mouvance, l‘incorporation est superflue pour certains puisqu‘en vertu de

certaines lois provinciales, une personne peut obtenir le statut de célébrant temporaire pour

la célébration d‘un mariage ou d‘une union civile. Pour d‘autres, la célébration du mariage

devient une raison supplémentaire de chercher à obtenir un statut d‘organisme enregistré.

98

Cet article ce lit comme suit : Infraction aux droits conjugaux

« 293. (1) Est coupable d‘un acte criminel et passible d‘un emprisonnement maximal de cinq ans quiconque,

selon le cas :

a) pratique ou contracte, ou d‘une façon quelconque accepte ou convient de pratiquer ou de contracter :

(i) soit la polygamie sous une forme quelconque,

(ii) soit une sorte d‘union conjugale avec plus d‘une personne à la fois, qu‘elle soit ou non reconnue par la loi

comme une formalité de mariage qui lie;

b) célèbre un rite, une cérémonie, un contrat ou un consentement tendant à sanctionner un lien mentionné aux

sous-alinéas a)(i) ou (ii), ou y aide ou participe. » (Code Criminel, L.R.C. 1985, C-46, art. 293). 99

Le handfasting est le terme utilisé chez les wiccains et les païens pour signifier l‘union entre deux

personnes. Contrairement à plusieurs religions traditionnelles, la durée du handfasting est déterminée par le

couple. Ce n‘est pas nécessairement un contrat à vie. Par exemple, un couple peut choisir d‘être ensemble

pour une durée d‘un an, cinq ans ou dix ans. Par la suite, il peut décider de renouveler son union. L‘idée

derrière cette pratique est que les wiccains estiment que les personnes changent avec le temps et que la

relation dans le couple peut, après un certain temps se voir modifier, se détériorer ou encore s‘améliorer. Par

conséquent, ils peuvent établir des buts réalisables pour le couple qui peuvent toujours être renouvelés s‘ils

désirent poursuivre leur relation avec leur partenaire. Il existe quelques ouvrages sur le sujet rédigés par des

païens, tel que Handfasted and Heartjoined. Ritual for Uniting a Couple’s Hearts and Lives de Lady Maeve

Rhea qui est utilisé par plusieurs Montréalais.

82

Comme mentionné précédemment, la question du mariage et de l‘union civile relève des

administrations provinciales. Seul le certificat de mariage prescrit a une portée juridique.

Les questions de croyances et de religion ne concernent que le groupe en question et non la

célébration en tant que telle. C‘est l‘acte de mariage qui importe pour le gouvernement

provincial : c‘est ce document qui fixe les obligations mutuelles des époux et qui doit être

signé en présence d‘un mandataire du pouvoir public. Par conséquent, l‘administration peut

mandater des membres d‘un clergé, par exemple, pour faciliter le processus

d‘enregistrement du mariage. Chaque province a ses propres critères de désignation. Les

critères pour devenir célébrant au Québec seront expliqués en détail ci-dessous, tout comme

ceux de la Colombie-Britannique et de l‘Alberta, deux des seules provinces canadiennes où

des célébrants païens ont été autorisés à célébrer des mariages. Ces deux provinces sont

également les seules qui ont des églises wiccaines ayant obtenu le statut d‘église ou de

temple.

Au Québec

Au Québec, selon le document de Justice Québec, Le célébrant (Justice Québec, 2009), une

personne autorisée à célébrer le mariage ou l‘union civile doit faire partie d‘une des

catégories suivantes :

Les greffiers et les greffiers adjoints de la Cour supérieure qui ont été

nommément désignés à cette fin;

Les notaires habilités à recevoir des actes notariés;

Les maires, les membres des conseils municipaux ou des conseils

d‘arrondissements ainsi que les fonctionnaires municipaux désignés par

le ministre de la Justice, mais seulement sur le territoire défini dans leur

acte de désignation.

Le gouvernement offre aussi la possibilité à certaines personnes de célébrer le mariage ou

l‘union civile même si elles ne font pas partie des catégories mentionnées ci-dessus. Pour

ce faire, elles doivent se rendre au palais de justice pour se procurer un formulaire

83

d‘autorisation100

. Les critères de sélection n‘exigent pas que la personne appartienne à un

groupe religieux quelconque. Ils prévoient plutôt que la personne101

:

1. Soit de citoyenneté canadienne ou ait le statut de résident permanent au Québec;

2. Soit majeure;

3. Doit être capable d‘exercer pleinement tous ses droits civils;

4. Ne doit pas avoir été déclarée coupable d‘un acte criminel au cours des trois

dernières années, ou d‘une infraction possible de procédures sommaires dans

l‘année précédant la demande de désignation;

5. Doit parler français ou anglais;

6. Doit s‘engager à suivre les conditions liées à la célébration du mariage ou de

l‘union civile.

Présentement au Québec, il n‘existe pas de célébrant ni de « clergé » wiccain officiel. Dans

la province quatre wiccaines offrent néanmoins leurs services en tant que clergé sur

Witchvox.

En Colombie-Britannique

Le cas de la Colombie-Britannique sera traité ici, car il s‘agit de l‘une des premières

provinces à avoir accordé le statut de représentant religieux à un groupe de wiccains, The

Congregationalist Wiccan Association of British Columbia (CWABC)102

, établi en 2004. Ce

statut confère au groupe le droit de célébrer légalement des mariages ou des handfastings.

Auparavant, ceux et celles qui désiraient un mariage wiccain en Colombie-Britannique

devaient procéder à un mariage civil avant de faire le handfasting. Par conséquent,

l‘obtention de ce statut leur permet de ne faire qu‘une seule cérémonie au lieu de deux.

Avant de s‘attarder aux critères utilisés, il convient de préciser les définitions juridiques

dont ils découlent. Ainsi le Marriage Act [RSBC 1996] chapitre 282, article 1, prévoit que :

―religious body‖ means any church, or any religious denomination, sect,

congregation or society;

100

Le formulaire à remplir est le SJ-893 « Demande de désignation à titre de célébrant pour un mariage ou

une union civile ». 101

Le célébrant, Justice Québec, publication générale, dernière mis à jour : 11 novembre 2009. 102

Il est à noter que le CWABC n‘est pas un coven. Il s‘agit d‘une association d‘individus et de temples. À

l‘heure actuelle, seuls cinq temples en font partie.

84

―religious representative‖103

means a person duly authorized to solemnize

marriage according to the rites and usages of the religious body to which the

person belongs and includes a person registered under section 2 (7);

La partie 2(7) a trait à l‘enregistrement des représentants religieux aux fins de la célébration

du mariage :

2(7) The chief executive officer may register a person as a religious

representative if the chief executive officer is satisfied that :

(a) the doctrines of a religious body do not contemplate a religious

representative for the religious body, and

(b) the appropriate governing body of the religious body has

designated a person to act in the place of a religious representative to

perform all the duties imposed by this Act on a person solemnizing a

marriage, other than solemnizing the marriage, in respect of marriages

performed according to the rites and usages of the religious body104

.

Par conséquent, ces définitions, permettent d‘inclure les groupes ou covens wiccains.

L‘article 3 consiste en les prérequis à la désignation au titre d‘un représentant du

gouvernement provincial105

. Si la demande est faite par un groupe, la confession à laquelle

103

Le terme « représentant religieux » a été introduit dans le projet de loi 26, Marriage Act suite à un débat

sur l‘utilisation des termes « clergé » et « ministre », jugée comme étant trop restreinte et pas assez inclusive.

L‘idée est de démontrer l‘aspect multiculturel des citoyens de la province. De plus, ce terme se veut assez

large pour d‘inclure les religions qui n‘ont pas de célébration de mariage conventionnel comme c‘est le cas

pour la religion Baha‘i et certaines religions amérindiennes. (Official report of Debate of Legislation

Assembly, Monday June 1st, 1992 Legislation Session, 1st session, 35

th parliament, Vol.3 #22, pp. 2007-

2009.) 104

Marriage Act [RSBC 1996] Chapitre 282, section 2.

105 Qualifications for registration Marriage Act [RSBC 1996] Chapitre 282, article 2

3 (1) A person must not be registered as a religious representative unless the chief executive officer

is satisfied as follows:

(a) that the person is a religious representative ordained or appointed according to the rites

and usages of the religious body to which he or she belongs, or is by the rules of that

religious body deemed an ordained or appointed religious representative because of some

earlier ordination or appointment;

(b) that the person

(i) is, as a religious representative, in charge of or officiating in connection with a

congregation, branch or local unit in British Columbia of the religious body to which he or

she belongs, or

(ii) is a resident in British Columbia who was formerly in charge of or officiating in

connection with a congregation, branch or local unit in British Columbia, has been

85

appartient le requérant doit être située dans la province et depuis au moins 5 ans, soit en

Colombie-Britannique, soit au Canada. Le groupe doit également démontrer qu‘il a été

reconnu aux fins de la célébration d‘un mariage dans au moins une autre province et qu‘il

possède une église ou une congrégation établie dans la province. Les requérants doivent

également présenter106

:

1— La certification de l‘acte de société (s‘il s‘agit d‘un OSBL enregistré);

2— Un échantillon des procès-verbaux des cinq dernières années;

3— La constitution et les règlements du groupe;

4— Un exemple de la cérémonie de mariage;

5— Une liste de noms de personnes proposées en tant que représentant religieux;

6— L‘ordination ou la nomination de chaque représentant.

La Congregationalist Wiccan Association of British Columbia (CWABC) était associée à la

Congregationnalist Wiccan Association, un OSBL enregistré au Canada. Depuis 1993,

l‘Aquarian Tabernacle Church of Canada107

qui offre des services similaires à ceux offerts

par le CWABC, en plus de ceux d‘aumônerie dans les prisons et les hôpitaux, existe

également dans cette même province. Cette dernière a ses racines aux États-Unis.

superannuated or placed on the supernumerary list, or is a retired religious representative in

good standing of the religious body to which he or she belongs;

(c) that the person is, as a religious representative, recognized by the religious body to

which he or she belongs as authorized to solemnize marriage according to its rites and

usages;

(d) that the religious body to which the person belongs is sufficiently well established, both

as to continuity of existence and as to recognized rites and usages respecting the

solemnization of marriage, to warrant, in the opinion of the chief executive officer, the

registration of its religious representatives as authorized to solemnize marriage.

(2) If a religious representative is in British Columbia temporarily, and, if resident and officiating in

British Columbia, might be registered under subsection (1) as authorized to solemnize marriage, the

chief executive officer may register the person as authorized to solemnize marriage during a period to

be set by the chief executive officer.

(3) A certificate of registration issued under subsection (2) must state the period during which the

authority to solemnize marriage may be exercised. 106

Renseignements tirés du site du PFPC et auprès du bureau de Vital Statistics Ministry of Health, situé à

Victoria, Colombie-Britannique. 107

Le Aquarian Tabernacle Church of Canada cherche à donner un place autour duquel les membres de la

communauté wiccaine peuvent se rassembler qu‘ils appartiennent ou non à un coven ou un groupe. Pour eux,

la structure d‘un coven ou d‘un petit groupe ne suffissent pas à répondre aux besoins d‘une communauté

élargie. Ce groupe offre des services de célébrant pour le handfasting et autres rites de passage ainsi que de

clergé pour l‘aumônerie dans les prisons et les hôpitaux. Voir leur site Internet : http://www.atccanada.org/

86

En Alberta

L‘Alberta est mentionnée ici, car elle compte également deux organismes voués à la

formation d‘un clergé pour célébrer, entre autres, des mariages ou des handfastings. Ces

organismes sont le Covenant of Gaïa Church of Alberta (COGCOA) et le The

Congregationalist Wiccan Assembly of Alberta (CWAA). Le COGCOA est établi depuis

1991108

et le CWAA depuis 2007.

Il convient d‘abord de remarquer qu‘on retrouve plusieurs occurrences des termes

« d‘associations religieuses » (religious bodies) et « sociétés religieuses » (religious

societies) dans les divers textes de loi provinciale, mais ce n‘est que dans le document

concernant l‘incorporation des sociétés religieuses qu‘une définition générale est donnée.

A religious society is a group such as the congregation of a church or a

religious denomination. A religious society must incorporate to take title of

land to be used for a church building or burial ground. Under the Religious

Societies’Land Act, incorporation permits the religious society to hold land not

in excess of 320 acres. (Service Alberta, 2009).

Cette définition reste vague. On remarque néanmoins la présence du terme « congrégation »

et ainsi que des termes « église » et « confession religieuse ». Cette définition indique

également les raisons principales pour lesquelles un groupe religieux doit s‘incorporer,

c‘est-à-dire pour la possession d‘un terrain en vue de la construction d‘une église ou d‘un

cimetière. Ce qui n‘est pas clairement mentionné dans les divers documents, ce sont les

exigences minimales pour obtenir cette incorporation, tel que le nombre d‘années

d‘existence du groupe avant l‘incorporation ou le nombre minimum de membres qui

composent la « congrégation ».

Il ressort clairement que les concepts utilisés proviennent principalement des concepts

judéo-chrétiens qui marquent les origines des articles de lois canadiens, ce qui ne reflète

pas nécessairement la réalité des minorités religieuses ou spirituelles actuelles. Néanmoins,

108

Ils sont incorporés depuis 1992.

87

ces concepts ont été repris, ajoutés et adaptés au vocabulaire des wiccains, comme on peut

l‘observer dans les explications de l‘utilisation du terme « ministre » par la COGCOA109

.

Contrairement à la Colombie-Britannique, il n‘y a pas de définition proprement dite dans le

Marriage Act110

, de ce qu‘est une association religieuse. Même dans le Religious

Societies » Land Act il n‘y a pas de définition sur cet aspect. Il en existe néanmoins une

acception dans le concept de mariage exposé dans le préambule de la loi :

WHEREAS marriage is an institution the maintenance of which in its purity

the public is deeply interested in;

WHEREAS marriage is the foundation of family and society, without which

there would be neither civilization nor progress;

WHEREAS marriage between a man and a woman has from time immemorial

been firmly grounded in our legal tradition, one that is itself a reflection of

long standing philosophical and religious traditions; and

WHEREAS these principles are fundamental in considering the solemnization

of marriage; (Marriage Act 2000).

Plusieurs analyses peuvent être tirées de ces quatre paragraphes en ce qui concerne le

concept du mariage, mais cela n‘est pas le but de notre travail. Ce qui nous intéresse en

revanche est l‘interprétation et l‘application possible que ce préambule peut avoir sur

certains concepts que l‘on retrouve dans la population wiccaine générale, tel que les unions

entre individus homosexuels. Si la loi commence avec le principe que le mariage ne peut

être contracté qu‘entre un homme et une femme, cela peut devenir un obstacle pour les

groupes religieux ouverts aux unions homosexuelles qui veulent s‘enregistrer en Alberta.

Deuxièmement, si on regarde de près les lois régissant l‘obtention du statut de célébrant

pour solenniser les mariages, on remarque certaines particularités. En Alberta, pour qu‘une

personne puisse solenniser un mariage, elle doit, soit faire partie d‘un clergé enregistré

109

Ils définissent le terme « minister » ainsi : « To us, "minister" is a professional certification just like

"lawyer" or "doctor." It is not a religious title like priest or bishop. We chose the title "minister" because its

literal meaning is "one who serves." » COGCOA, 2005/12/21, http://www.cogcoa.ab.ca/ministers/.(consulté

la dernière fois 2012-08-21). 110

Marriage Act, R.S.A. 2000, c. M-5.

88

selon le Vital Statistics d‘Alberta, ou soit être une commissionnaire déléguée par le

gouvernement d‘Alberta aux termes du Marriage Act111

. L‘article 4 du Marriage Act

énonce les prérequis pour devenir un membre du clergé enregistré auprès de la province,

tandis que les articles 8 et 9 énoncent ceux pour commissionnaire délégué. Si un organisme

religieux veut que son clergé célèbre des mariages ou handfasting dans le cas de la Wicca,

il doit répondre à plusieurs critères et fournir les divers documents requis énoncés dans le

formulaire Reg3262 « Application for Registration by a Religious Body to Perform

Marriage Ceremonies »112

. Pour être reconnu, l‘organisme doit présenter ses

enregistrements d‘incorporation, indiquer depuis combien de temps il est en opération en

Alberta de façon continue, et fournir sa constitution, sa charte et ses dispositions en ce qui

concerne « l‘ordination » ou le congédiement de ses ministres ou des membres de son

clergé. L‘organisme doit également fournir :

- Une liste des sacrements religieux, y compris la cérémonie du mariage;

- L‘énoncé de mariage proposé remis au couple lors de la cérémonie;

- L‘adresse des rencontres régulières de l‘organisme ainsi que son calendrier;

111

Les prérequis sont indiqués comme suit :

4(1) Subject to this section, the Director may register as a person authorized to solemnize marriage any person

whose name is submitted to the Director by the governing authority of the religious body to which the person

belongs.

(2) No person shall be registered unless the religious body to which the person belongs is sufficiently well

established, both as to continuity of existence and as to rites and usages respecting the solemnization of

marriage, to warrant, in the opinion of the Director, the registration of its members of the clergy as persons

authorized to solemnize marriage.

(3) No person shall be registered unless it appears to the Director that

(a) the person is an adult and resident in Alberta,

(b) the person has been ordained or appointed according to the rites and usages of the religious body to

which the person belongs or is, by the rules of that religious body, deemed ordained or appointed,

(c) the person is recognized by that religious body as entitled to solemnize marriage according to its rites and

usages, and

(d) the person

(i) is in charge of or officiating in connection with a congregation, branch or local unit in Alberta of the

religious body,

(ii) having been formerly so in charge of or officiating in connection with a congregation, branch or local

unit in Alberta, has been superannuated or placed on the supernumerary list, or

(iii) is a retired member of the clergy in good standing of the religious body, though not in charge of or

officiating in connection with a congregation, branch or local unit.

(4) Notwithstanding subsection (3), in the case of a person who is in Alberta temporarily and who, if the

person were resident and officiating in Alberta, could be registered under this section, the Director may

register the person as authorized to solemnize marriage during a period to be fixed by the Director, in which

case the certificate of registration shall state the period so fixed. 112

Voir le formulaire de Service Alberta à l‘adresse

http://www.servicealberta.gov.ab.ca/pdf/Forms/reg3262.pdf .

89

- Les noms et les adresses des membres113

ou des croyants ayant 18 ans et plus qui

habitent dans la province;

- Les noms, les adresses et les numéros de téléphone des ministres ou membres du

clergé qui habitent dans la province et qui seront enregistrés pour célébrer les

mariages;

- Les noms, les adresses et les numéros de téléphone des représentants élus de

l‘organisme enregistrés auprès du Vital Statistics, ainsi que les procès-verbaux et les

documents qui confirment leur statut de représentant114

.

Tous ces documents serviront à déterminer si une corporation religieuse peut ou non

célébrer des mariages. Par conséquent, les groupes religieux ou spirituels qui n‘ont pas une

structure similaire aux groupes judéo-chrétiens peuvent avoir de la difficulté à satisfaire à

certains de ces critères.

Autres provinces

À notre connaissance, il n‘existe pas à ce jour d‘organisme officiel offrant un clergé

wiccain légalement reconnu par l‘autorité publique provinciale dans les autres provinces. Il

y a toutefois eu des tentatives en ce sens. En Ontario, la Wiccan Church of Canada (WCC)

en est un exemple. Son statut n‘a cependant pas encore été obtenu. Pour l‘instant ceux et

celles qui veulent obtenir la permission de célébrer légalement des mariages passent par

l‘enregistrement en tant que célébrant pour des unions civiles ou s‘associent à des

organismes interconfessionnels de l‘Ontario tels que le All Seasons Church et le All

Seasons Wedding. Ces derniers ne limitent pas leurs services à la province de l‘Ontario.

2.2.2 Décès et sépulture

La question de l‘appropriation et de l‘utilisation de terrains par les institutions religieuses

est soulevée lorsqu‘il est question de sépulture. Il existe plusieurs sources tirées de lois qui

régissent ces aspects, et ce tant aux niveaux provincial, fédéral que municipal. Au Québec,

la législation applicable en l‘espèce comprend la Loi sur les corporations religieuses

(C -71), la Loi sur les inhumations et exhumations (I -11), ainsi que la Loi sur les cimetières

113

Il faut un minimum de 100 membres. 114

Voir le formulaire de Service Alberta à l‘adresse

http://www.servicealberta.gov.ab.ca/pdf/Forms/reg3262.pdf.

90

non catholiques (C -17). Cette dernière stipule principalement qu‘aucun cimetière non

catholique ne peut être établi sans que le terrain ne soit approuvé par le ministre de la Santé

et des Services sociaux115

, ce qui peut avoir une incidence sur les décisions futures

concernant l‘établissement d‘un nouveau cimetière ou le remplacement d‘un cimetière

existant.

Dans la Loi sur les corporations religieuses (C -71), l‘article 8, alinéa e, énonce que l‘un

des pouvoirs attribués aux corporations religieuses est celui « d‘établir et maintenir des

cimetières et ériger des caveaux dans ses chapelles pour y déposer la dépouille mortelle de

ses membres, de ses bienfaiteurs ou de toute personne ayant quelque relation avec la

corporation, en se conformant à la Loi sur les inhumations et les exhumations (chapitre 1-

11) ».

Cette dernière loi énonce les conditions de disposition d‘un corps ainsi que le lieu

d‘inhumation. Dans la partie 1, chapitre 1, article 3, il est mentionné « qu‘aucune

inhumation ne doit être faite ailleurs que dans un cimetière légalement établi, sauf les cas

autrement prévus par la loi ». De plus, lorsqu‘il est question d‘incinération, seul le

traitement réservé au corps est mentionné. Rien ne précise les restrictions quant à la

disposition des restes. Il ne semble donc pas y avoir pour l‘instant d‘obligation à disposer

les cendres dans un cimetière.

De plus, à l‘article 5 de cette même partie, il est fait mention que seule l‘Église catholique

romaine a autorité sur la désignation de l‘endroit d‘inhumation d‘une personne dans le

cimetière paroissial.

Il appartient à l‘autorité catholique romaine seule de désigner dans le

cimetière la place où chaque personne de cette croyance doit être inhumée;

et, si cette personne ne peut être inhumée d‘après les règles et les lois

canoniques, selon les jugements de l‘ordinaire, dans la terre consacrée par

les prières liturgiques de cette religion, elle reçoit la sépulture dans un terrain

réservé à cette fin et attenant au cimetière.

115

L.R.Q., chapitre C-17, partie 1 (dernière mise à jour le 1er août 2008).

91

Bien que l‘autorité en la matière soit attribuée à la religion catholique, l‘article prévoit

l‘existence d‘un espace réservé pour les personnes ayant une autre appartenance religieuse.

Or, c‘est justement sur ce point que la loi C-17 intervient lorsqu‘il est question de groupes

non catholiques. Bien que les wiccains ne disposent pas de rites de sépulture particuliers et

qu‘ils ne semblent pas préoccupés par cette question en ce moment, la loi pourrait

techniquement leur permettre d‘établir un cimetière païen.

2.3 Un cas d’application de la loi : les services de direction

spirituelle au sein d’un établissement public.

2.3.1 L’aumônerie

Dans le système canadien, les services d‘aumônerie ont été pendant longtemps la chasse

gardée des religions chrétiennes. Ceux-ci ont dû voir leurs contraintes s‘amenuiser et

s‘ouvrir aux diverses alternatives religieuses afin de répondre plus adéquatement à la

situation actuelle d‘une société multiculturelle. Que ce soit dans les milieux carcéraux,

militaires ou hospitaliers, les services d‘aumônerie doivent maintenant composer avec des

équipes d‘employés et de bénévoles provenant de diverses confessions religieuses afin de

répondre aux besoins de leurs clientèles. Des groupes de travail interconfessionnels voient

donc le jour et des changements sont apportés aux lois et règlements. Puisqu‘il existe des

païens et wiccains qui œuvrent dans le domaine de l‘aumônerie, il devient important

d‘examiner les dispositions qui régissent les divers services.

2.3.1.1 Dans les prisons

Les services d‘aumônerie offerts dans les institutions correctionnelles existent tant dans les

institutions gérées par le gouvernement fédéral que par le gouvernement provincial. Ceci

découle de l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique de 1867 qui a créé une séparation en

matière de justice entre les paliers provincial et le fédéral. D‘ailleurs, les dispositions de

1867 touchant les prisons fédérales et provinciales, 91 (28) et 92 (6) de même, la procédure

et l‘administration de la justice, dans la province, le 92 (14), au fédéral, 91 (27) en son

témoin. Un an plus tard, en 1868, l’Acte des pénitenciers a été adopté. Le gouvernement

92

fédéral a ainsi la juridiction des pénitenciers pour les personnes ayant reçu des sentences de

deux ans plus un jour. Le gouvernement provincial est quant à lui responsable des détenus

ayant des sentences de deux ans et moins. Ce point est important, car les services

d‘aumônerie ne connaissent pas les mêmes problèmes selon le type d‘institution et la durée

de la sentence116

. Aux fins de cette recherche, nous avons principalement axé nos efforts

sur le système fédéral, puisque c‘est à ce niveau que l‘on retrouve le plus de païens et de

wiccains dans les services d‘aumônerie. Cela ne veut pas dire que les institutions

provinciales ne sont pas assujetties à des lois et à des règlements, mais simplement que

c‘est au niveau des institutions fédérales que les wiccains sont le plus impliqués.

En 2010, le Service correctionnel du Canada (SCC) gérait 57 établissements ayant divers

niveaux de sécurité; et gère entre leurs murs plus de 13 500 détenus en 2009-2010 (SCC,

2010, p. 19)117

. Le SCC se doit d‘offrir des services d‘aumônerie aux détenus afin de

respecter ses engagements nationaux et internationaux en matière de droits des détenus au

chapitre de la religion (SCC, Services d‘aumônerie, 24-01-2005). Ces services doivent

notamment répondre aux exigences prévues à la section 2 de la Charte canadienne des

droits et libertés ainsi qu‘à :

a) L‘article 75 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté

sous condition (LSCMLC), 1992, ainsi qu‘aux articles 98 à 101 de cette

même loi (SCC, 2002, p. 1) :

75. Dans les limites raisonnables fixées par règlement pour assurer la

sécurité de quiconque ou du pénitencier, tout détenu doit avoir la possibilité

de pratiquer librement sa religion et d‘exprimer sa spiritualité.

98 à 101. Dans la mesure du possible, le Service doit veiller à ce que soit mis

à la disposition du détenu, exception faite des objets interdits, ce qui est

raisonnablement nécessaire pour sa religion ou sa vie spirituelle, y compris

116

Pour en savoir davantage sur les services correctionnels, voir le chapitre de Mireille Gagnon « Old

Structures, New Faces : The Presence of Wicca and Neo-Paganism in Canadian Prisons Chaplaincy » dans

Religion and Diversity in Canada, L. Beaman et P. Beyer dir., Vol. 16, collection : Religion and Social Order,

Brill: Leiden (Pays-Bas), pp. 149-173. 117

Le SCC a également la responsabilité de 16 centres correctionnels communautaires, 84 bureaux de libertés

conditionnelles et 4 pavillons de ressourcement autochtones comptant au total de 19 968 détenus en 2009-

2010. Departmental Performance Report, 2006-2007, CSC.

93

[...] le régime alimentaire particulier imposé par la religion ou la vie

spirituelle du détenu [...]

b) Dans le Protocole d’entente entre le Comité interconfessionnel de

l’aumônerie et le Service correctionnel du Canada, il est fait mention des

divers énoncés concernant les besoins religieux des détenus (voir SCC,

2002, pp. 1-2)

c) L‘article 18 de la Déclaration universelle des droits de l‘homme (1948) :

Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

d) Les articles 41 et 42 de l‘Ensemble de règles minima pour le traitement

des détenus de l‘Organisation des Nations Unis (ONU) qui énonce les

droits religieux des détenus.

41. 1) Si l‘établissement contient un nombre suffisant de détenus appartenant

à la même religion, un représentant qualifié de cette religion doit être nommé

ou agréé. Lorsque le nombre de détenus le justifie et que les circonstances le

permettent, l‘arrangement devrait être prévu à plein temps.

2) Le représentant qualifié, nommé et agréé selon le paragraphe 1, doit être

autorisé à organiser périodiquement des services religieux et à faire, chaque

fois qu‘il est indiqué, des visites pastorales en particulier aux détenus de sa

religion.

3) Le droit d‘entrer en contact avec un représentant qualifié d‘une religion ne

doit jamais être refusé à aucun détenu. Par contre, si un détenu s‘oppose à la

visite d‘un représentant d‘une religion, il faut pleinement respecter son

attitude.

42. Chaque détenu doit être autorisé, dans la mesure du possible, à satisfaire

aux exigences de sa vie religieuse, en participant aux services organisés dans

l‘établissement et en ayant en sa possession des livres d‘édification et

d‘instruction religieuse de sa confession. (Haut-Commissariat des Nations

Unies aux droits de l‘homme, 2000)

De plus, conformément à ces lois, le SCC doit, dans la mesure du possible, fournir un

service d‘aumônerie à tout prisonnier qui en fait la demande. L‘aumônier doit être apte à

servir de guide pour les diverses orientations religieuses et spirituelles. Par conséquent,

selon le SCC, le rôle de l‘aumônier consiste à offrir : « une orientation spirituelle aux

membres de toutes les traditions religieuses ». Ils sont guidés dans leur ministère par un

94

code de conduite. En général, les aumôniers doivent manifester leur présence dans les

établissements, c‘est-à-dire :

- diriger et coordonner les services religieux et l‘administration des

sacrements aux détenus;

- créer, coordonner et assurer des activités religieuses;

- faire comprendre à la collectivité les besoins et les préoccupations des

personnes touchées par le système de justice pénale, et sensibiliser la

collectivité au rôle qu‘elle doit jouer en ce qui concerne la réconciliation;

- recruter des bénévoles pour le travail en milieu carcéral et leur donner

une formation;

- intégrer les services d‘aumônerie à la vie des établissements en

collaborant régulièrement avec les employés et en assistant à des

réunions. » (SCC, Rôles des aumôniers)

Actuellement, au Canada, des services d‘aumônerie sont offerts dans les prisons aux païens

et aux wiccains par le Pagan Pastoral Outreach118

, la Aquarian Tabernacle Church of

Canada et la Wiccan Church of Canada en association avec les groupes interconfessionnels

d‘équipe d‘aumônerie. Ces groupes travaillent majoritairement en Ontario et en Colombie-

Britannique, mais aussi au Québec dans la région de Montréal. Il existe également des

wiccains qui offrent ce service soit de façon indépendante; soit par l‘entremise d‘un

organisme formateur interconfessionnel pour l‘aumônerie tel que l‘Association canadienne

pour la pratique et l‘éducation pastorales (ACPEP).

2.3.1.2 Dans les Forces armées canadiennes

La Loi constitutionnelle, 1867, prévoit une disposition sur la milice, le service militaire et le

service naval, et la défense du pays où s‘intègre l‘aumônerie (soit à l‘article 91 (7)). Les

Forces armées canadiennes doivent notamment permettre de répondre aux besoins religieux

et spirituels de leurs membres. Par conséquent, elles offrent un service d‘aumônerie119

.

118

Il est à noter que la Pagan Federation/Fédération païenne Canada a offert pendant 10 ans des services

d‘aumônerie. Elle n‘offre plus ce service particulier. Pour répondre à la demande, elle a créé, en 2003, le

Pagan Pastoral Outreach qui prend en charge toutes les demandes en matière de services d‘aumônerie des

trois secteurs (prisons, hôpitaux et militaires). 119

Une description historique de la création du service d‘aumônerie dans les Forces se retrouve dans le

document publié par la Défense nationale intitulé Précis d’information Manuel de la branche des services de

l’aumônerie des forces, 2003, pp. 1-1 à 1-6.

95

Dans les documents militaires de la division des Finances et des services du ministère de la

Défense nationale, le chapitre 33, volume 1 des Ordonnances et règlements royaux

applicables aux Forces canadiennes est consacré à l‘aumônerie militaire. L‘institution

militaire adopte une approche pragmatique en ne définissant pas les termes « religion » et

« spiritualité », que ce soit dans les politiques, les règlements ou même dans le glossaire du

guide Les religions au Canada. Bien qu‘aucune définition ne soit donnée au chapitre 33,

une certaine classification religieuse existe néanmoins. Celle-ci se divise en cinq grandes

catégories contenant chacune une nomenclature de confessions et/ou sous-divisions :

protestants, catholiques romains, juifs, autres religions ou croyances et aucune religion.

Dans l‘introduction du guide du service de l‘aumônerie intitulé : Les religions au Canada,

se trouvent les obligations du service militaire à offrir des services d‘aumônerie à divers

groupes religieux.

En vertu de la Chartre canadienne des droits et libertés ainsi que de la Loi

canadienne sur les droits de la personne, la politique des Forces canadiennes

est de procéder à des aménagements selon les besoins religieux

fondamentaux de ses membres120

.

Cet aspect est expliqué dans les politiques provisoires sur l‘accommodement religieux au

sein des Forces. D‘ailleurs, l‘application de cette politique est analysée dans l‘article de

Côté et Gunn dans l‘illustration du cas hypothétique d‘un soldat juif qui décide d‘observer

plus sérieusement la voie orthodoxe de sa foi (Côté et Gunn, 2005, pp. 58-60). Ils

concluent que le soldat peut voir ses besoins religieux accommodés et reconnus par les

militaires. Ceci vaut d‘autant plus que le jugement Amselem est venu depuis établir en

jurisprudence le critère de la croyance sincère (Syndicat Northcrest c. Amselem, 2004 CSC

47, [2004] 2 RCS 551).

En discutant au cours des dernières années avec certains wiccains militaires, nous avons pu

constater que les avis étaient partagés face au traitement de leur religion au sein des forces

armées. Une wiccaine a mentionné avoir été heureuse et surprise de voir, lors de son

120

Les religions au Canada, Direction Droits de la personne et diversité (DDPD), Ottawa, mars 2003,

http://www.forces.gc.ca/hr/religions/engraph/religions00_e.asp.

96

inscription dans les forces121

, qu‘une case pour la Wicca était prévue dans les choix de

religion. Elle a été heureuse de pouvoir l‘indiquer. D‘un autre côté, lors du Gaïa Gathering

de 2008, un militaire a mentionné que même s‘il avait la possibilité de demander un

aumônier wiccain, ce ne sont pas toutes les bases qui offrent ce service. En outre, il a

mentionné qu‘il a toujours l‘inquiétude d‘être transféré dans une base moins accueillante

s‘il insiste trop.

2.3.1.3 Dans les centres hospitaliers

En vertu de la Loi constitutionnelle, 1867, la compétence en matière d‘administration des

hôpitaux et des hospices de charités, à l‘exception des hôpitaux de marine, se retrouve sous

l‘article 92 (7). Bien que déconfessionnalisée, l‘aumônerie des centres hospitaliers reste

encore la chasse gardée des religions chrétiennes. Il y a néanmoins davantage d‘ouverture à

l‘inclusion des différentes confessions et alternatives religieuses. Dans les Lois refondues

du Québec, au chapitre S-4.2 concernant la Loi sur les services de santé et les services

sociaux, l‘article 100 indique ceci :

Les établissements ont pour fonction d‘assurer la prestation de services de

santé ou de services sociaux de qualité, qui soient continus, accessibles,

sécuritaires et respectueux des droits des personnes et de leurs besoins

spirituels et qui visent à réduire ou à solutionner les problèmes de santé et

de bien-être et à satisfaire les besoins des groupes de la population. À cette

fin, ils doivent gérer avec efficacité et efficience leurs ressources humaines,

matérielles, informationnelles, technologiques et financières et collaborer

avec les autres intervenants du milieu, incluant le milieu communautaire, en

vue d‘agir sur les déterminants de la santé et les déterminants sociaux et

d‘améliorer l‘offre de services à rendre à la population. De plus, dans le cas

d‘une instance locale, celle-ci doit susciter et animer de telles

collaborations.122

Cette loi jumelée avec l‘article 7123

du Règlement sur l’organisation et l’administration des

établissements oblige les établissements de services de santé à accommoder les besoins en

121

Ceci a eu lieu lors d‘une discussion informelle sur le chemin de retour d‘un rituel d‘Ostara à Québec en

2008. 122

L.R.Q., Chapitre S-4.2, dernière mise à jour 1er

août 2012. 123

Il se lit comme suit :

97

matière religieuse et spirituelle des bénéficiaires. Par conséquent, les équipes

interconfessionnelles des centres hospitaliers québécois tentent d‘offrir des services pour

toutes les personnes qui le demandent, peu importe leur confession124

.

Du point de vue du Pagan Pastoral Outreach, les païens désireux d‘œuvrer dans le milieu

de l‘aumônerie hospitalière le font à l‘un ou l‘autre titre énuméré125

:

a) Community Clergy – formally recognized ‗priesthood‘ of a religious

tradition, authorized by a religious organization;

b) Pastoral Visitor for a particular faith tradition – recommended (and

usually trained as well) by the local religious community;

c) Hospital Pastoral Volunteer – often trained by the hospital chaplaincy

but requiring an official letter of recommendation from their faith

community. These volunteers work for the chaplaincy (not their own faith

communities) and visit with any patient (of any faith) who wishes spiritual

support.

Il est à noter que tous les païens hospitalisés ne se prévalent pas du service. De fait, la

plupart ne déclarent pas leur appartenance à la religion wiccaine ou païenne lors de

l‘admission.

2.4 Conclusion

La question de la religion et des lois au Canada est très vaste et très complexe. Ce chapitre

n‘a fait qu‘effleurer le sujet afin d‘en donner un aperçu et de vérifier l‘incidence normative

probable et effective sur les groupes païens et wiccains canadiens.

Le conseil d'administration d'un centre hospitalier ou d'un centre d'hébergement public ou

privé visé à l'article 177 de la Loi doit adopter un règlement portant sur l'organisation de

services de pastorale dans l'établissement. À cette fin, le conseil d'administration doit

conclure une entente avec les autorités religieuses concernées, selon l'appartenance

religieuse des bénéficiaires hébergés. (L.R.Q., c.S-5, r.5, 1er

août 2012)

124 Il est question maintenant d‘intervenants et d‘intervenants en soins spirituels plutôt qu‘aumôniers.

125 Pagan Pastoral Outreach, http://www.ppo-canada.ca/hospital/visitation.htm. (Consulté la dernière fois

2012-08-21)

98

Qu‘il s‘agisse du respect des droits et libertés de la Charte ou de la Constitution

canadienne, la définition de ce qui constitue une religion est absente. Il semble que même si

les gouvernements veulent respecter la diversité religieuse des citoyens, leurs critères de

sélection pour autoriser, par exemple l‘enregistrement d‘une corporation religieuse, restent

plutôt vagues et généraux comme l‘a décrit Jim Philips dans son article (Phillips, 2001,

p. 338). Si on se penche sur les critères exigés par le REQ pour enregistrer une église, il

semble à première vue que tout groupe peut faire une demande. Toutefois, les critères de

sélection qui permettent au ministère d‘octroyer le statut d‘église ne sont pas mentionnés ni

expliqués lorsque l‘on questionne le registraire.

La question des aumôneries est encore récente pour les wiccains et les païens. Néanmoins,

on voit se manifester de plus en plus de bénévoles désireux d‘œuvrer dans ce milieu et de

faire partie de groupes de travail interconfessionnels. Par ailleurs un nombre croissant de

détenus choisit la Wicca et le paganisme comme religion126

.

Du point de vue des administrés, en conclusion de ce chapitre, la régulation publique ne

semble pas avoir provoqué une « déformation » de la Wicca au sens évoqué par Côté et

Richardson pour d‘autres mouvements religieux minoritaires ou controversés. Peut-on

penser à une transformation? C‘est très certainement plausible en considération ne serait-ce

que des services d‘aumônerie.

126

Le nombre de détenu choisissant la Wicca est passé de 25 personnes en 2001 à 67 personnes en 2007

(Gagnon, 2008b, p.162).

Chapitre 3 : L’image et les perceptions de la Wicca et de

la sorcellerie dans la jurisprudence canadienne

We will never,

Never lose our way

To the Well, Of Her Memory

And the Power of Her living flame

It will rise…. It will rise again

Par Starhawk et Rose May Dance

La Wicca s‘est rapidement fait connaître dans les années 90, surtout grâce à la popularité

sans cesse croissante d‘Internet. Communautés païennes, associations professionnelles,

fédérations, églises, ne sont que quelques exemples de l‘essor des organismes wiccains et

païens. Selon Statistique Canada, les groupes païens, y compris la Wicca, se situent parmi

les religions qui ont connu la plus grande augmentation du nombre d‘adhérents entre 1991

et 2001. Au Canada, la population païenne et wiccaine auto-identifiée auprès de Statistique

Canada était située à 5 530 en 1991 et 21 080 en 2002. Au Québec, cette population

représentait 210 personnes en 1991 et 1 330 en 2001127

.

À l‘instar d‘autres minorités controversées, ces mouvements sont d‘emblée appréhendés sur

le mode de l‘exotisme, de la survivance et de la superstition. Créature de fantaisie,

personnalité peu crédible et dépourvue de sérieux, caractère instable, personnage

potentiellement malfaisant : voilà quelques traits associés à la sorcière dans l‘imaginaire

public. Cette perception des sorcières et de la Wicca se retrouve-t-elle dans la jurisprudence

canadienne? Par ailleurs, comment l‘image et les perceptions judiciaires ont-elles évolué

avec l‘avènement des droits et libertés, consacrés dans la Charte canadienne des droits et

libertés et la diversification culturelle de la société canadienne dont fait partie la Wicca?

Pour répondre à ces questions, nous avons choisi une double démarche. Premièrement au

Canada, dans le cadre de contentieux spécifiques impliquant des membres de la Wicca,

nous nous sommes efforcés de comprendre la place des pratiques et des croyances de la

127

« Religion, groupes d‘âge et sexe pour la population, pour le Canada les provinces, les territoires, les

régions métropolitaines de recensement et les agglomérations de recensement, recensements de 1991 et

2001 », Ottawa : Statistique Canada, 17 juin, 2003.catalogue #97F00222XCB01002. Il est à noter que les

questions concernant l‘appartenance religieuse sont posées au dix ans.

100

Wicca dans la décision des juges128

. Deuxièmement au Canada, pour ce qui a trait à

l‘ensemble des décisions judiciaires recensées portant mention d‘un certain nombre de

termes associés à l‘univers de la Wicca ou de la sorcellerie, délimités plus loin, nous avons

procédé à une brève analyse thématique afin d‘en cerner les perceptions afférentes.

Les deux corpus couvrent des textes tant en langue anglaise qu‘en langue française. Ce

détail est important afin de saisir les nuances dans l‘appréhension du phénomène. Il importe

également de voir si la perception de la sorcière et de la Wicca qu‘ont les tribunaux a

évolué dans le temps. C‘est pourquoi l‘analyse thématique s‘attachant aux perceptions

générales de la Wicca a porté sur des décisions rendues au cours des trois dernières

décennies (1990 à 2010). La période est essentiellement la même pour ce qui touche le

contentieux judiciaire récent entourant la Wicca. Une ne recherche avancée de

jurisprudence a permis de constater qu‘aucune décision n‘impliquant spécifiquement de

Wiccains n‘avait été rendue dans les juridictions québécoises. Par la suite, il s‘est avéré

qu‘aucune des autres décisions recensées dans les diverses juridictions canadiennes n‘avait

été rendue par un tribunal d‘appel. Enfin, parmi une quinzaine de décisions pertinentes

rendues en première instance, trois ensembles de décisions ont été délimités et analysés

dans le droit canadien, à savoir les matières familiales, le droit criminel et les droits de la

personne.

3.0 La religion et le droit au Canada

Au chapitre précédent, nous avons vu de quelle manière divers lois et règlements régissent

les aspects de la vie des collectivités religieuses et spirituelles. Mais qu‘en est-il des

dispositions plus générales touchant l‘ensemble des personnes, y inclus en lien avec les

questions de croyance et de religion? Surtout, comment le droit canadien et les wiccains

évoluent-ils de part et d‘autre de la régulation étatique sur des questions qui les

confrontent? C‘est ce e nous chercherons à montrer à grands traits en commençant par

évoquer brièvement les normes à partir desquelles la dynamique d‘évolution se met en

branle.

128

De par l‘effort de délimitation de la liberté de religion – in concreto (Multani) - puis in abstracto en

référence aux « valeurs canadiennes fondamentales »Bruker c. Markovitz, [2007] 2 R.C.S 567.

101

3.0.1 Charte canadienne des droits et libertés

Depuis près de trente ans, l‘incontournable de la jurisprudence canadienne est la Loi

constitutionnelle de 1982, notamment la section de la Charte canadienne des droits et

libertés129

. Quelques éléments importants à mentionner en ce qui a trait aux religions et aux

minorités religieuses y trouvent. Comme le signalent Côté et Gunn : « The 1982 Charter of

Rights and Freedom established Canada‘s first written constitutional guarantees of

fundamental freedoms, including rights related to religion or belief, expression, association,

and equality. » (Côté et Gunn, 2005 : 695). Il importe donc de souligner certaines

dispositions dudit document.

En premier lieu, la Loi constitutionnelle de 1982 contient un préambule qui comprend,

outre la référence au droit, une mention de reconnaissance de la suprématie de Dieu :

« Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de

Dieu et la primauté du droit »

La formulation de ce préambule est empreinte d‘un lobbying efficace de la part de divers

groupes évangéliques chrétiens (Ogilvie, 2003, p. 105; Egerton, 2000, p. 104). L‘existence

même de ce préambule est néanmoins le fruit d‘une histoire tumultueuse qui s‘est déroulée

en 1980 et 1981. Initialement retiré par les libéraux de Trudeau, il a été réintégré dans la

version finale par ces mêmes libéraux (Egerton, 2000, p. 106). Selon Ogilvie, la référence à

Dieu était une tactique visant à garantir le soutien des Canadiens de l‘Ouest à la Loi

constitutionnelle (Olgivie, 2003, p. 105). Pour Egerton, les libéraux ont été motivés à

ajouter ce préambule pour des raisons politiques bien plus que par assentiment ou pour

céder à la pression de groupes évangéliques.

The constitutional reference to God had come as a result of political

calculation, not from any conversion on the part of Trudeau or the Liberals

to the philosophical or theological convictions expressed by Conservatives

such as Jack Epp and David Crombie, let alone the Evangelical Fellowship

of Canada. (Ergerton, 2000, p. 107)

129

Incluant l‘annexe B de la Loi de 1982, sur le Canada (R.U.) 1982, c.11 dans L.R.C. (1985) App II, no 44

102

Ce ton donné au préambule cède toutefois à la substance d‘un document séculier.

D‘ailleurs, deux articles de la Charte des droits et libertés offrent des garanties explicites

aux citoyens canadiens. L‘article 2a protège la liberté de conscience et de religion tandis

que l‘article 15130

, garantit l‘égalité et interdit la discrimination sous plusieurs motifs, dont

la religion.

Ces articles, qui garantissent notamment la liberté de conscience et de religion, sont assortis

d‘une clause générale de limitation131

. La jurisprudence de la Cour suprême du Canada en

ce qui a trait à la limitation de la liberté de conscience et de religion fait l‘objet de l‘article

de Côté et Gunn mentionné précédemment. Les auteurs constatent, entre autres, que le test

d‘Oakes132

, utilisé essentiellement pour déterminer s‘il y a violation des droits de la

130

La section 15 de la Charte concernant le droit à l‘égalité, se lit comme suit :

(1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même

protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des

discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les

déficiences mentales ou physiques.

(2) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire les lois, programmes ou activités destinés à

améliorer la situation d'individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine

nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences

mentales ou physiques.

131 La section 1 se lit comme suit :

La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne

peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la

justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. 132

Le test d‘Oakes est un test élaboré par le juge en chef Dickson durant le cas de R. c. Oakes, en 1986. Ce

test est appliqué lorsqu‘il y a démonstration que l‘une des provisions de la Charte a été violée. Le test est

encore utilisé aujourd‘hui mais avec quelques modifications. En voici les détails originaux :

1- Une prépondérance des probabilités doit être appliquée, car « la preuve hors de tout doute

raisonnable imposerait une charge trop lourde à la partie qui cherche à apporter une restriction à un

droit, puisque des concepts comme « le caractère raisonnable », « le caractère justifiable » et « une

société libre et démocratique » ne se prêtent pas à l‘application d‘une telle norme » R. c. Oakes,

[1986] 1 R.C.S. 103, 1986 IIJCan 46 (C.C.S.)

2- Pour établir qu‘une restriction est raisonnable et que sa justification peut se démontrer dans le

cadre d‘une société libre et démocratique, il faut satisfaire à deux critères fondamentaux :

a. L‘objectif que doivent servir les mesures qui apportent une restriction à un droit garanti par la

Charte doit être suffisamment important pour justifier la suppression d‘un droit ou d‘une liberté

garantis par la Constitution. La norme doit être sévère afin que les objectifs peu importants ou

contraires aux principes d‘une société libre et démocratique ne bénéficient pas d‘une protection. Il

faut à tout le moins qu‘un objectif se rapporte à des préoccupations sociales, urgentes et réelles dans

une société libre et démocratique, pour qu‘on puisse le qualifier de suffisamment important.

103

personne aux termes de la Charte de 1982, a été un instrument important pour ce qui est de

la décision en matière religieuse. Côté et Gunn rappellent également l‘inclusion d‘une

clause dérogatoire à la Charte de 1982, l‘article 33, lequel permet à la législature fédérale et

aux législatures provinciales de passer outre la protection des libertés fondamentales, y

compris la « liberté de conscience et de religion » (Côté et Gunn, 2005 : 695). En somme,

l‘exercice de la liberté de conscience et de religion peut être suspendu ou restreint par le

pouvoir public; il n‘est pas absolu.

Quelle est et quelle a été la portée de ces garanties? Qu‘augurent-elles pour la Wicca et les

wiccains? Trois décisions marquantes de la Cour suprême du Canada peuvent servir à un

balisage sommaire de la question aux fins de cadrer le contentieux des droits de la personne

pour ce qui touche éventuellement aux wiccains : Big M, Amselem et Singh Multani. La

première dans l‘ordre chronologique, Big M a explicitement fait référence à la nécessité de

protéger les minorités de la tyrannie de la majorité. Amselem jette les bases d‘une

conception subjective et personnelle de la croyance dans le traitement judiciaire. Quant à

Singh Multani, il s‘en dégage une approche pondérée relevée par une instance

internationale reconnue de promotion des droits de la personne (OSCE|BIDDH, 2007 ,

p.67.), laquelle permet de relativiser la controverse autour des « accommodements

raisonnables ».

La référence à ces décisions permet de camper les principes généraux dérivés de

l‘interprétation de la liberté de conscience et de religion, la portée de la liberté de

conscience et de religion ainsi que les développements advenus sur la question des

accommodements raisonnables. Sur le premier et le dernier point, il est admis que la portée

donnée à la Charte canadienne, sur les dispositions en cause, s‘étend à toutes les lois

b. En deuxième lieu, la partie qui invoque l‘article premier doit démontrer que les moyens choisis

sont raisonnables et que leur justification peut se démontrer. Cela nécessite l‘application d‘une sorte

de critère de proportionnalité qui comporte trois éléments importants.

i. Les mesures doivent être équitables et non arbitraires.

ii. Le moyen choisi doit être de nature à porter le moins possible atteinte au droit en

question.

iii. Il doit y avoir proportionnalité entre les effets de la mesure restrictive et l‘objectif

poursuivi (R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, 1986 IIJCan 46 (C.C.S.) ).

104

provinciales des droits de la personne faisant mention de la liberté fondamentale de

conscience et de religion (Lampron, 2011 : 6/6). Ce point est important puisque les

éléments de contentieux dont nous disposons se rapportent tous à l‘application de lois

provinciales.

3.0.2 Principes généraux

Au titre des principes généraux, on note que la liberté de religion protège autant les

convictions religieuses que le droit de les manifester (Lampron, 2011 : 6/7 en référence

notamment à Big M). Fait non dénué d‘intérêt, ce principe fut aussi affirmé dans le Renvoi

relatif aux conjoints de même sexe, 2004, loc. cit.. Il serait acquis à ce jour que la

conscience et la religion bénéficient d‘une co-protection (loc.cit.), s‘agissant des

expressions de la conscience individuelle (Amselem dans Lampron, 2011 : 6/8).

Par ailleurs, si Big M est constamment citée en raison de sa définition large de la liberté de

religion, Amselem ne l‘est pas moins pour ce qui est de circonscrire la conviction religieuse

protégée, au double critère de la religion personnelle et de la croyance sincère (Lampron,

2011 : 6/8). Les convictions religieuses sont affaire personnelle, de religion personnelle

(Lampron, 2011 : 6/9). Elles ont trait à l‘épanouissement spirituel et aux croyances

profondes. Elles sont ce que l‘individu considère être de sa spiritualité et de ses obligations

religieuses (Lampron, 2011 : 6/10). La croyance sincère est une croyance de bonne foi,

laquelle peut imposer à l‘individu une certaine obligation ou pratique (Lampron, 2011 :

6/12). Il n‘en reste pas moins une limite intrinsèque à la croyance ou au comportement

religieux protégés, à savoir qu‘outre de faire la preuve d‘une foi spirituelle et d‘une

croyance sincère, l‘individu doit démontrer « que l‘atteinte à ses convictions religieuses est

plus que « négligeable ou insignifiante » (Lampron, 2011 : 6/14).

Enfin, mentionnons que dans l‘arrêt Multani, rendu en 2006, la rhétorique de

l‘accommodement a été dans une certaine mesure intégrée dans le « processus de

justification d‘une atteinte à un autre droit ou liberté fondamental que le droit à l‘égalité »

Lampron, 2011 : 6/21-22). En théorie, ceci voudrait dire qu‘une institution devrait se

justifier davantage de porter atteinte à la liberté de religion, du moins que, dans les cas où

105

l‘institution cause atteinte à celle-ci, elle doive démontrer qu‘elle subit une contrainte

excessive Lampron, 2011 : 6/24).

3.1 Le contentieux entourant la Wicca dans la jurisprudence

canadienne

3.1.0 Le corpus de décisions

En tant que pratique de sorcellerie païenne, on trouve des références à la Wicca à dix-sept

reprises dans la jurisprudence canadienne depuis 1992 : Gay c. Kingston (1992); R. c.

Reddick (1996); R. c. Koehn (1998); Alberta (Director of Child Welfare) c. M.K.B. (1999);

R. c. McMurray (2000); W. (D.J.A.) c. T. (G.D.) (2000); Tall c. Queen (2005); Bolduc c.

Bolduc, (2006); Ontario Public Service Employees Union c. Ontario (Ministry of

Community and Social Services) (2006); M.O. c. K. J. (2007); Gill c. Red River

Cooperative Ltd. (2007); Wild c. Langara College and others (2009); Schumilas c. Porter-

Schumilas, (2009); Langara College(Re) (2010); MP c. Hôpital A (2010); Hayes c.

Vancouver Police Board and Other (2010); Dahlquist-Gray and another c. Hedley (No. 2)

(2012). Dans ces affaires, la Wicca n‘est pas toujours présentée de façon négative. Au

contraire, la Wicca semble être présentée sans plus d‘explication ou d‘élaboration et n‘est

pas d‘emblée associée à des conditions dangereuses.

Du corpus ci-haut délimité, huit décisions ont été retenues aux fins d‘analyse du

contentieux : quatre décisions en matière familiale, trois relatives à la législation des droits

de la personne et une en matière criminelle. Cette dernière cause, avec les deux domaines

de litige ci-indiqués, permet d‘appréhender l‘essentiel d‘une dynamique somme toute

récente et peu élaborée. Les justiciables sont des pratiquants wiccains directement

impliqués dans les recours et concernés par les décisions. Sur le plan jurisprudentiel, les

décisions n‘en sont que de première instance. Néanmoins, elles portent sur les mêmes

106

catégories d‘objets et ont été sélectionnées, puis analysées, dans la perspective d‘illustrer

les effets d‘institutionnalisation de part et d‘autre. 133

Outre ces décisions, il importe de mentionner Reference re : Section 293 of the Criminal

Code of Canada, 2011 BCSC 1588 (CanLII) en provenance de la Cour suprême de

Colombie-Britannique. Cette décision très médiatisée portait sur la polygamie. Le rapport

avec notre objet d‘études ressort du fait qu‘un prêtre wiccain, détenant une licence

provinciale pour exercer ses fonctions de prêtrise134

, Sam Wagar, de la CWABC

(Congregationalist Wiccan Association of British Columbia.), a été admis en tant que

témoin en Amicus Curiae afin d‘expliquer la position de la Wicca sur ce qu‘il est convenu

d‘appeler le « polyamour ». Nous y faisons d‘emblée brièvement référence avant que

d‘aborder un premier contentieux spécifique, celui en matière familiale. Le témoignage de

Wagar permet de documenter l‘expression d‘une certaine philosophie wiccaine sur la

question des rapports entre adultes consentants, dans le cadre protégé d‘une cour de justice,

mais dont il est fondé de penser qu‘elle puisse paraître osée à plusieurs. Sous la plume de

Wagar on peut lire ceci : « All acts of love and pleasure are acts of praise of the Goddess.

This specifically includes all non-coercive sexual orientations. » [464]. Le prêtre explique

ensuite que les diverses formes de sexualité entre adultes consentants sont vues comme

sacrées. Il ajoute que dans les communautés wiccaines et païennes cet aspect, jumelé avec

d‘autres principes tel que le Wiccan Rede, admet la présence de relations impliquant plus de

deux individus. Il émet par ailleurs l‘opinion que la proportion d‘individus pourvus de

« minority sexual tastes » y serait plus élevée que dans la population générale. [466]. Pour

autant, le prêtre se conformera à l‘interdit lui étant posé par la loi de marier plus de deux

personnes, sous peine de se voir retirer l‘autorisation de célébrer. Il écrit assumer

l‘obligation pratique qui lui est ainsi faite de ne pas pouvoir agir en concordance avec ses

croyances religieuses lorsqu‘il est approché par des personnes engagées dans une relation

polygame ou « polyamorous » [467].

133

Parmi les cas cités plus haut, quelques-uns d‘entre-eux ne seront pas retenu pour l‘analyse, par exemple

ceux de Gill c. Red River Cooperative Ltd. (2007) et Ontario Public Service Employees Union c. Ontario

(Ministry of Community and Social Services) (2006), la Wicca est mentionnée, soit en énumération parmi

d‘autres religions ou encore en tant que référence à des décorations d‘halloween. À noter que, parmi il n‘y en

a aucun provenant du Québec ou des provinces des maritimes. 134

C‘est-à-dire l‘autorisant d‘officier à des mariages selon le Marriage Act, R.S.B.C. 1996, c.282.

107

3.1.1 Droit des personnes et de la famille

En ces matières, la gestion publique du pluralisme religieux a énormément évolué avec

l‘avènement de la Charte canadienne des droits et libertés, ne serait-ce que par effet indirect

(Côté, 2001 : 109-110). De la fin des années 80 à celle des années 90, en gros, plusieurs

enjeux liés à la socialisation religieuse dans le cadre familial, ou extra-familial en cas de

séparation des conjoints, ont été portés jusqu‘au plus haut tribunal du pays. Invoquant les

garanties de la Charte, des parents (Témoins de Jéhovah) contestèrent avec succès diverses

restrictions faites de leurs droits d‘accès (Young c. Young, [1993] 4 RCS 3) ou ayant trait à

l‘éducation religieuse des enfants (S. (L.) c. S. (C.) [1997] 3 RCS 1003). Si ces deux

décisions paraissaient marquantes, du moins pour ce qui est des Témoins de Jéhovah, il

restait à savoir comment et jusqu‘à quel point elles l‘étaient dans le fin détail de la

dynamique des normes religieuses, familiales et étatiques.

Dans la foulée, deux spécialistes du droit civil québécois ont fait le point sur le contentieux

concernant le choix de la religion, l‘éducation et la pratique religieuse des enfants

(Landheer-Cieslak et Saris, 2003). De leur étude, on peut envisager une certaine

convergence entre le droit public canadien, la common law et le droit civil québécois autour

de la norme du meilleur intérêt de l‘enfant (2003 : 718). Il y est plus précisément évoqué le

fait que le pluralisme juridique serait contrôlé par le prisme de l‘intérêt de l‘enfant (2003 :

708). Aussi, nous y puiserons les quelques axes de compréhension et de comparaison du

contentieux en matière familiale entourant la Wicca, même si aucune décision n‘a pu être

recensée à jour au Québec. Essentiellement donc, le droit étatique dans son ensemble vise

d‘abord à protéger l‘enfant et à arbitrer les conflits entre parents/ex-conjoints (2003 : 707).

La protection de l‘enfant se dit de tout ce qui touche à son meilleur intérêt. Ceci inclut

l‘éducation et la pratique religieuse des mineurs. En dernière analyse, on retient que les

effets d‘une normativité religieuse, quelle qu‘elle soit, serait ou sera admise dans la mesure

où elle rejoint le meilleur intérêt de l‘enfant (2003 : 708). Pour autant, il n‘existe pas

d‘autonomie religieuse des collectivités religieuses; l‘autonomie religieuse, la liberté

religieuse, sont celles d‘individus (2003 : 706). Un autre point crucial est que le contrôle de

la normativité religieuse éventuellement exercé par le juge en est un portant sur les effets

108

des comportements parentaux sur les enfants. Il serait indirect en somme. Néanmoins, le

contrôle est redevable d‘une analyse concrète des situations en cause. Et règle générale,

l‘intervention sera justifiable de la part du juge étatique en autant qu‘un préjudice sur

l‘enfant puisse être caractérisé (2003 : 712). Ceci vaut-il lorsque des Wiccains sont

impliqués?

3.1.1.1 Le contentieux en matière familiale.

Quatre décisions ont été retenues pour analyse. L‘ensemble permet d‘appréhender le

traitement opéré de questions relatives aux droits de garde et d‘accès aux enfants suivant un

divorce ou une séparation des parents, ou encore celles du retrait de la garde d‘enfants,

autorisée par les lois de protection de la jeunesse et de la santé publique, d‘un milieu

familial jugé dangereux. Dans tous les cas, au moins un des parents est wiccain.

1- Gay c. Kingston [1992] A.J. 1171

Faits :

Dans cette affaire issue de l‘Alberta le requérant, un père, sollicite la levée des restrictions

d‘accès à l‘enfant. La mère s‘est vue confier la garde légale au procès. Son avocat objecte à

la demande sous trois motifs : a) de juridiction, puisque le père n‘a pas la garde de l‘enfant,

b) qu‘il ne serait pas dans le meilleur intérêt de l‘enfant que le père ait l‘accès à l‘enfant,

car, selon la mère, le père appartient à une religion non-orthodoxe et controversée c) les

motivations en cause, lesquelles ne seraient pas tant l‘accès à l‘enfant que de s‘assurer une

prise sur la mère. Enfin, pour le cas où l‘accès est accordé, qu‘il s‘agisse d‘un accès

supervisé en sorte que le père soit empêché d‘exposer l‘enfant à ses croyances religieuses.

Question posée :

Quel est le meilleur intérêt de l‘enfant?

Témoignages et arguments :

À l‘interrogatoire, le père a déclaré faire partie d‘un groupe de Wicca. Il nie avoir participé

à, ou avoir eu connaissance d‘actes susceptibles d‘être considérés controversés. Le père

109

décrit les éléments principaux de sa croyance et de sa pratique. Il fait ressortir la nature

polythéiste de sa croyance. Il procède à la description de quelques sorts de son usage,

lesquels, selon l‘interrogatoire. Le père poursuit sa description en soulignant le fait qu‘il ne

voue pas un culte à un diable ou à un « maître de l‘enfer », qu‘il n‘est pas engagé dans des

rituels sinistres ou inhabituels. Il déclare ne pas participer à des cérémonies religieuses à

grand déploiement. Au contraire, il affirme pratiquer à la maison, seul, et avoir recours à la

méditation pour « s‘améliorer » soi-même. Finalement, le père indique ne pas avoir

l‘intention d‘élever son fils dans sa croyance étant donné sa conviction à l‘effet que chaque

individu doit poursuivre sa propre foi. Ceci étant, il indique qu‘il ne répondra pas aux

questions de l‘enfant à ce sujet avant l‘âge de 12 ans. De l‘autre côté l‘avocat de la

répondante invoque la cause Boris c. Boris [1992] W.D.F.L. (1992) à titre de précédent

portant prohibition de discuter de religion avec l‘enfant. l. Ce précédent ferait autorité et

permettrait à la cour, il est avancé, d‘imposer une restriction semblable dans le cadre des

dispositions d‘accès.

Décision :

L‘objection portant sur la juridiction n‘est pas retenue. Si le père n‘est pas le gardien légal

de l‘enfant tel que défini dans le Domestic Relations Act, R.S.A.1980, C -37, le juge ne voit

dans la loi un aspect qui restreigne le père d‘avoir accès à l‘enfant.

Lee droit d‘accès est accordé au père. Ce qu‘il a vu et entendu porte le juge à conclure, en

référence notamment à l‘usage de sorts pratiqué par le père, que cela ne diffère pas

tellement des prières et des rituels de groupes religieux conventionnels. Le juge se pose

alors la question de savoir si les croyances en cause seraient tellement différentes de la foi

hindoue ou encore de diverses croyances des amérindiens.

Selon le juge, le fait que le père appartient à une religion non-orthodoxe n‘est pas contraire

aux intérêts de l‘enfant. Sur ce dernier point, le juge écrit que la défenderesse n‘amène

aucune preuve susceptible d‘étayer un risque ou un préjudice encouru par l‘enfant. Il relève

que la mère entretient une perception très négative face à la croyance en la Wicca. Il note

également que la défenderesse n‘a fait montre d‘aucune connaissance particulière en ce qui

110

concerne la Wicca. Sur cette base, le juge avance ne pas pouvoir tirer de conclusions face

aux croyances du père.

Le juge n‘accepte pas l‘idée qu‘il soit contraire au meilleur intérêt d‘un enfant d‘avoir des

contacts avec un père détenant les croyances religieuses décrites.

Le juge perçoit la mère comme étant surprotectrice. Il dénote de l‘hostilité dans son

attitude, sans qu‘elle vise vraiment le père. D‘un autre côté, il ne perçoit pas d‘hostilité de

la part du père envers la mère. En l‘absence de preuve lui ayant été présentée à cet effet, il

écrit devoir rejeter comme non fondé l‘argument suivant lequel le père chercherait l‘accès

pour des motifs non honorables.

En ce qui concerne les restrictions à l‘accès, le juge mentionne qu‘aucune preuve n‘a été

faite que le père n‘était pas un bon parent. Il indique donc qu‘il n‘y avait aucune raison

pour que l‘accès soit supervisé.

Pour les mêmes raisons ayant trait à la preuve, le juge ne voit pas la nécessité d‘accéder à

demande du parent gardien de prévoir un accès supervisé dans le cas de l‘autre parent.

À propos de l‘empêchement de parler de religion, le juge souligne encore qu‘une telle

injonction peut n‘être justifiable que si elle s‘impose dans le meilleur intérêt de l‘enfant, ce

qui n‘est pas le cas en l‘instance. Il ajoute que le test précité ne sert pas à établir si les

croyances du père sont approuvées par l‘autre parent ou par la cour. Il relève sur ce point

d‘autres décisions citées par la défenderesse, telle Moseley c. Moseley (1989), comme allant

à l‘encontre de l‘article 2a de la Charte canadienne des droits et libertés. Enfin, il en réfère

à la définition large de la liberté de croyance et de religion donnée par la Cour Suprême du

Canada dans R. c. Big M Drug Mart Ltd. (1985), 18 C.C.C. (3d) 385.

En conclusion, le juge écrit : « The applicant in this matter will not be restrained from

discussing his religion with the child or exposing him to his religious practice. As discussed

above, I cannot find that it is contrary to the child's interests in any way to be exposed to

the type of beliefs and practices described in the evidence. »

2- Alberta (Director of Child Welfare) c. M.K.B., 1999 ABPC 30 (CanLII).

111

Faits :

Un recours est intenté par la direction de la protection de la jeunesse en retrait permanent de

la garde visant deux enfants âgés respectivement de 8 et de 5 ans et demi.

Des allégations de comportement sexuel inapproprié sur la personne des enfants ont été

portées par la travailleuse sociale contre la mère et son mari. Ce dernier n‘est pas le père

biologique des enfants.

Les parents soutiennent de leur côté que le directeur de la protection a failli à sa mission

d‘assistance prescrite par loi en refusant de fournir au couple les ressources adéquates. Les

pères biologiques des enfants ne sont pas dans l‘environnement et ne contribuent pas à leur

bien-être ou à leur éducation.

Question posée :

Le juge doit déterminer si les enfants ont besoin de protection au sens de la loi. Il doit

également déterminer la mesure dans laquelle la garde temporaire ou permanente des

enfants par les parents est envisageable et ce, de façon sécuritaire.

Témoignages et arguments :

Depuis 1992, les enfants ont été portés à l‘attention du service de protection de la jeunesse.

Les signalements étaient reliés à la négligence, à des abus physiques et au chantage émotif

de la part de la mère. En 1995, une entente de soutien a été dressée entre la mère et le

Département de la famille et des services sociaux. Dans cette entente, le service convient de

mesures pour aider la famille, tout spécialement la mère et son nouveau mari, à prendre

soin des enfants. Même avec le soutien du service, la mère a de la difficulté à jongler avec

les exigences de la famille et du travail. De plus, le fils a été diagnostiqué d‘un trouble de

l‘attention. La mère perçoit elle-même qu‘elle peut être un danger pour ses enfants. Les

enfants sont pris en charge par une famille d‘accueil.

112

Plusieurs exemples de négligences et d‘abus ont été présentés en cour par divers témoins

experts, des travailleurs sociaux, la famille d‘accueil, les parents eux-mêmes et d‘autres

intervenants.

Un seul petit paragraphe fait mention de la Wicca, laquelle survient dans le cadre du

témoignage de la mère. La mère indique qu‘elle est wiccaine et souligne que les enfants

n‘ont participé qu‘à un rituel de lumière, qu‘ils ont aimé. Elle n‘émet aucune inquiétude

quant à des dommages éventuels découlant de sa pratique du paganisme, que cela soit avec

ou sans les enfants. Le juge relève que la cour n‘a pas eu de preuve en ce qui concerne les

pratiques spirituelles de la Wicca, la sorcellerie ou le paganisme qui pourrait l‘amener à

croire que les enfants sont en danger à cause de ces pratiques.

Décision

En ce qui concerne le besoin de protection :

Le juge relève que la cour n‘a pas eu de preuve en ce qui concerne les pratiques spirituelles

de la Wicca, la sorcellerie ou le paganisme qui pourrait l‘amener à croire que les enfants

sont en danger à cause de ces pratiques. Par ailleurs, les preuves concernant la détresse

émotionnelle et psychologique des enfants sont jugées très convaincantes. Le juge

considère que le fait que le beau-père prenne son bain avec les enfants (âgés de 6 et 3 ans et

demi) et ce, en dépit d‘un historique d‘abus sexuels, constitue une preuve d‘irresponsabilité

et d‘immoralité de sa part. Le beau-père pourrait ne pas être aussi innocent qu‘il le prétend.

De plus, le manque de supervision exercé par les parents, les pratiques parentales (ex :

brûler le doigt pour montrer que c‘est dangereux de jouer avec le feu), le caractère

colérique du beau-père et l‘état émotionnel de la mère contribuent à la mauvaise perception

qu‘a le juge face au couple.

Le juge pense que les enfants sont à risque. Après l‘analyse de la preuve et des

circonstances, le juge considère que les parents ne sont pas aptes à prendre soin des enfants.

L‘insensibilité et le peu de considération témoigné par le couple eu égard aux abus vécus

par les enfants amènent le juge à penser que les enfants ne feront qu‘entretenir le rôle de

victimes pour le reste de leur vie. Par conséquent, le juge trouve que les parents sont

113

incompétents et ne peuvent prendre soin des enfants, et ce malgré la thérapie continue

suivie par eux. Les enfants ne peuvent donc pas retourner aux parents dans l‘immédiat.

En ce qui concerne la garde temporaire ou permanent des enfants :

À la lumière de tout ce qui a été présenté sans compter l‘indifférence du couple face aux

commentaires émis par les témoins, le juge est d‘avis que les enfants sont entre de

meilleures mains s‘ils restent dans la famille d‘accueil. Il ne voit aucun bénéfice pour les

enfants, même un risque pour eux si les parents se voient accorder l‘accès. Il se dit

conscient de la détresse émotionnelle susceptible d‘être causée aux parents par la décision,

mais il cherche ce qui est pour le meilleur intérêt des enfants.

Les parents perdent la garde.

Rien d‘autre n‘est mentionné au sujet de leurs croyances ou pratiques spirituelles.

3- W. (D.J.A.) c. T. (G.D.), 2000 SKQB 388 (CanLII),

Faits :

Dans cette cause en provenance de la Saskatchewan, des parents de jumeaux âgés de cinq

ans et demi au moment de la séparation sollicitent tous deux d‘être le foyer permanent des

enfants. Ces derniers ont habité avec la mère depuis leur naissance jusqu‘en avril 2010. La

mère, 26 ans, travaille dans le domaine de la restauration rapide pour suppléer à l‘assistance

sociale. Au moment de l‘affaire, elle vivait avec un conjoint de fait. Le père, 26 ans, est

assistant gérant dans la compagnie familiale. Il s‘est marié avec une femme éducatrice

spécialisée pour enfants, laquelle était déjà mère d‘un enfant autiste de 4 ans.

En mai 2000, le père introduit une demande à l‘effet de voir désigner sa demeure comme

résidence principale des enfants. Il fait valoir que sa maison est grande et peut facilement

accommoder les enfants. Sur ordre intérimaire, le tribunal lui accorde le statut de résidence

principale en attendant le jugement. Toutefois, considérant les difficultés entre les parties,

114

le statut quo est maintenu. Les enfants devaient rester avec la mère en attendant le

jugement.

Question posée :

La cour doit statuer sur le meilleur intérêt des enfants et déterminer les modalités de la

garde.

Témoignages et arguments :

Dans sa requête, l‘avocat du père fait état de craintes nourries par ce dernier à l‘endroit du

conjoint actuel de la mère des enfants. Il est fait mention de ce que le couple reconstitué

encourage et soutient les enfants sur tous les plans. Par ailleurs, le père dit jouir de liens

familiaux étendus, et prévoir être le gestionnaire principal de l‘entreprise lorsque son

grand-père prendra sa retraite.

Plusieurs arrangements ont été convenus entre les parents à divers moments depuis la

séparation. Ils ont porté tant sur les questions de garde partagée, de soutien parental

mensuel que d‘éducation des enfants. Avec la perspective du déménagement de la mère

pour un travail dans une autre ville, les difficultés entre les parents se sont accrues.

Le tribunal a fait préparer un rapport d‘expertise. La psychologue devait établir le besoin

des enfants et dessiner un portrait du père, de la mère, et du conjoint de fait de la mère.

Dans son rapport, la psychologue émet des réserves à l‘endroit du comportement du

conjoint de la mère. Le conjoint disciplinerait les enfants en administrant notamment la

fessée. La mère déclare être intervenue auprès de lui, suite à quoi ce dernier aurait modifié

son comportement. La psychologue rapporte des instances de violence verbale à effet

négatif sur les enfants. Le dit conjoint a suivi une formation d‘une journée portant sur la

gestion de la colère et prévoit en suivre une autre d‘un durée de cinq jours. La psychologue

indique qu‘il a beaucoup à apprendre en ce qui a trait à l‘éducation des enfants. D‘autres

témoignages portant allégation d‘abus psychologiques de sa part ont été entendus.

115

Incidemment, c‘est dans le rapport d‘expertise concernant cette fois la mère qu‘une

référence est faite à son appartenance religieuse (la Wicca). Au bénéfice de la cour,

l‘experte remet un document décrivant les croyances générales de la Wicca. La

psychologue mentionne que les enfants sont néanmoins exposés aux notions du

christianisme malgré le fait que la mère soit wiccaine. Les enfants savent qu‘elle est

wiccaine, mais ne seraient pas impliqués dans la pratique. La mère s‘est dite d‘avis qu‘une

connaissance de base du christianisme sera utile aux enfants afin qu‘ils puissent faire leur

propre choix en temps opportun.

Décision

En ce qui concerne la résidence primaire :

En prenant en compte tous les éléments présentés, le juge décide que la résidence primaire

serait avec le père. Il est d‘avis que le comportement agressif et abusif du conjoint de la

mère est néfaste pour les enfants. Selon le juge, il n‘y a pas de risque d‘abus à la résidence

du père.

En ce qui concerne la garde :

Les parents auront la garde partagée tel que convenu aux ententes précédentes.

En ce qui concerne l’accès :

Puisqu‘aucun accord sur les modalités d‘accès n‘est intervenu entre les parents, le juge

décide d‘accorder l‘accès spécifique à la mère. Par conséquent, l‘accès aux visites est divisé

entre les parents, avec alternance quant aux fêtes religieuses telles que Pâques et Noël.

Aucune mention n‘est faite à la Wicca.

En ce qui concerne le soutien parental :

116

Le père accepte de ne pas recevoir un montant pour le soutien parental de la part de la

mère. Le juge mentionne qu‘il gagne un revenu confortable lui permettant de couvrir les

frais.

4- Bolduc c. Bolduc, 2006CANLII28099 (C.S.ON)

Faits :

Monsieur est ontarien et Madame, d‘origine cubaine. Ils se sont rencontrés et mariés à

Cuba en 1998. En 1999, Madame vint rejoindre son mari en Ontario. Tout allait bien du

côté financier. En raison des nombreux voyages exigés par son travail, Monsieur a quitté

son emploi en 2002. En 2003, le couple fait l‘acquisition d‘une maison en prévision de la

naissance de leur fille. Monsieur décide de s‘inscrire à des cours à l‘université à temps

partiel. Il indique qu‘il aimerait poursuivre ses études à temps plein alors que Madame

s‘attendrait à ce qu‘il retourne au travail à temps plein.

Après la naissance de l‘enfant, la mère est diagnostiquée d‘une dépression post-partum. Qui

plus est l‘enfant, affectée d‘allergies multiples et de problèmes respiratoires, requiert des

soins attentifs. Le couple vit des difficultés financières du fait que pour diverses raisons,

Monsieur n‘est pas parvenu à retrouver du travail. De son côté, Madame se voit dans

l‘obligation de reprendre le travail dans un magasin de grande surface pour pallier au

manque de ressources financières. Monsieur suit des cours à distance depuis le foyer et

s‘occupe de l‘enfant. Suite à la vente de la maison, le couple va vivre temporairement avec

la famille de Monsieur. La mère continue son emploi, lequel l‘amène loin du foyer familial.

Finalement, en 2004, Madame reçoit un avis de divorce. Son état psychologique s‘aggrave.

En octobre 2004, une garde par intérim fût octroyée au père, la mère se voyant accorder le

droit d‘accès à la fillette à raison de deux jours semaine de son choix. Le père devra

s‘occuper de véhiculer l‘enfant. En janvier 2005, la mère reçoit l‘ordonnance de verser une

pension alimentaire pour l‘enfant. Le climat continue de se détériorer entre les parents

malgré la séparation.

Questions posées :

117

La cour doit déterminer à qui elle doit confier les droits de garde. En plus, elle doit régler la

question du droit d‘accès dans le meilleur intérêt de l‘enfant.

Incidemment, la cour doit se poser la question du partage des frais de déplacement pour

l‘accès à l‘enfant puisque les parents vivent éloignés de près de 200 km.

Témoignages et arguments :

Le rapport de la représentante du Office of The Children » s Lawyer recommande que

chacun des parents ait la garde partagée, la résidence primaire étant celle du père. Dans son

rapport, elle relève que les parents ne s‘entendent pas sur plusieurs points, entre autres la

nutrition, la religion, les besoins médicaux et émotionnels de l‘enfant.

Décision

En ce qui concerne la garde partagée :

Le juge dit douter que la garde partagée fonctionne en l‘instance, un droit partagé effectif

nécessitant le respect entre les parents. Il constate trop de différences entre les parents,

principalement sur les questions de religion, d‘éducation et de soin médicaux. Parmi ses

commentaires, le juge note que Monsieur n‘est pas convaincu de la stabilité émotive de

Madame en dépit de l‘aide qu‘elle a trouvée et des efforts fournis par elle pour maintenir un

emploi et payer la pension alimentaire. Il relève que le père est réticent face aux pratiques

religieuses de Madame (la Wicca). Durant l‘interrogatoire, Madame a indiqué vouloir la

meilleure éducation possible pour sa fille, même si cela était dans une école catholique. Le

juge écrit avoir perçu un manque de sincérité dans le ton de sa voix et dans sa façon de

s‘exprimer. Il est d‘avis que les questions d‘éducation religieuse et d‘éducation de l‘enfant,

en général, poseront problème entre les parents.

Le juge écrit également avoir perçu une certaine animosité de la mère envers le père et

envers les parents de ce dernier. Le juge remarque avoir noté une instabilité de l‘état de la

mère dans ses sautes d‘humeur lors du contre-interrogatoire. Il en réfère également à son

langage comme à la marque d‘un tempérament bouillant.

118

L‘environnement du père et les soins prodigués par lui à sa fille sont relevés par le juge. Par

ailleurs, il voit dans les déménagements constants de la mère depuis le divorce, et dans le

fait qu‘elle ne tente pas de trouver un emploi plus proche de sa fille, le signe que les soins

qu‘elle pourrait prodiguer à l‘enfant sont incertains.

En vue des divers éléments, le juge décide d‘octroyer la garde au père et désigne la

résidence de ce dernier comme la résidence primaire de l‘enfant.

En ce qui concerne l’accès :

Le juge est impressionné par le fait que la mère reconnaisse qu‘il est dans le meilleur intérêt

de sa fille de rester chez son père. Prenant en compte les déplacements de la mère, le juge

ordonne une division du temps d‘accès au courant de l‘année avec une note faisant

référence à l‘appartenance religieuse du père. « Because her father and his parents wish to

raise her in the Catholic faith, Avienda shall spend every Easter weekend (including Good

Friday) with her father, even if it falls on a weekend for which the mother is entitled to

access. » [76]

En ce qui concerne les frais de transports pour l’accès :

Le juge décide que les dépenses du transport pour les visites seront divisées entre les deux

parents.

En ce qui concerne le soutien parental :

Le juge maintient que la mère doit payer le soutien parental, y inclus les arrérages.

Le juge ne fait aucune autre mention quant à l‘éducation religieuse de l‘enfant.

3.1.1.2 Analyse

À la lumière de l‘ensemble de ces décisions en matière familiale, nous remarquons que la

Wicca ne semble pas être un facteur déterminant dans la décision d‘accorder ou non à un

parent wiccain la garde et/ou l‘accès à leurs enfants. En général, il semble que la question

119

de la sécurité des enfants soit l‘une des préoccupations principales dans la prise de décision

du juge.

Dans le cas Gay c. Kingston, le père, qui est wiccain, s‘adresse au tribunal afin d‘avoir

accès à son enfant et ce, même s‘il en n‘a pas la garde légale. Dans son témoignage, il

donne une explication sur la Wicca et ses pratiques à la satisfaction du juge. La question

des dangers potentiels soulevés par la répondante est jugée non fondée et par conséquent

l‘accès est accordé au père.

Cet élément de danger associé à la Wicca est également mis de côté par le juge L.T.L.

Cook-Stanhope qui a déclaré, du moins en ce qui a trait aux faits en cause dans l‘affaire

Alberta (Director of Child Welfare) c. M.K.B., que la Wicca ne semble pas poser un danger

pour l‘environnement des enfants.

[202] Addressing concerns that Mrs. B. is a pagan and that her children

participate in pagan rituals, Mrs. B. indicated that the children were involved

in only one pagan ritual involving "light", and that they had been excited and

happy with it. She voiced no concerns about the possibility of anything

damaging arising from her practise of paganism with or without her children.

This court heard no evidence about spiritual practises concerning Wicca,

witchcraft or paganism which would lead to any conclusions that the F.

children were endangered by the same in the care of the parents.135

Il est intéressant de noter ici l‘association faite entre la Wicca, la sorcellerie et le

paganisme. Est-il possible que lorsqu‘elle est associée au paganisme, la sorcellerie perde

ses attributs négatifs? Là où la sorcellerie évoque initialement une notion péjorative, le

paganisme semble en être dépourvu. Par conséquent, l‘association du paganisme à la

sorcellerie pourrait alors soustraire une partie de ses attributs négatifs. Il est également

possible que, puisque cette affaire a été jugée en 1999, la perception de la Wicca ait évolué

vers quelque chose de positif, ou tout au plus vers quelque chose de moins menaçant136

.

Manifestement, le fait que le juge mentionne que la cour ne voit pas là un danger démontre

135

Alberta (Director of Child Welfare) c. M.K.B., 1999 ABPC 30 (CanLII). 136

Cet aspect chronologique est abordé dans la partie suivante concernant l‘évolution du concept de sorcière.

120

soit l‘innocuité de la pratique de la mère, soit l‘absence de considération de l‘appartenance

religieuse de l‘autre partie comme facteur significatif dans le choix de la garde parentale.

En 2000, dans W. (D.J.A.) c. T. (G.D.), la mère des enfants est également wiccaine. Dans

un paragraphe rédigé à titre d‘experte-conseil en psychologie de la Cour, madame Linda

Tholl donne une courte explication quant à la croyance et aux pratiques de la mère ainsi

qu‘au sujet de l‘exposition des enfants à cette croyance. Son rapport mentionne en outre le

fait que la mère est consciente des stéréotypes négatifs associés à l‘identité de sorcière,

d‘où la raison pour laquelle elle ne se dévoile pas en tant que telle en public. Madame Tholl

précise également avoir fait des recherches sur ce sujet et conclut qu‘aucun danger n‘est

associé à la Wicca. Elle a également ajouté en annexe une bibliographie sur la Wicca pour

le bénéfice de la cour137

.

Ce qui est intéressant dans l‘affaire Gay c. Kingston est le fait que le père mentionne qu‘il

n‘exposera pas son enfant à sa croyance avant au moins l‘âge de 12 ans, afin qu‘il

comprennent et soit en mesure de faire son propre choix, alors que le juge lui en donne la

permission. La position du père est commune parmi les parents wiccains rencontrés sur le

terrain. D‘ailleurs, la mère dans le cas W. (D.J.A.) c. T. (G.D.), exprime cette même

position. À la différence du père dans Gay c. Kingston, nous sommes informés que la mère

dans ce cas-ci éduque ses enfants à propos des autres religions, ce qui comprend la religion

catholique. Elle explique que ceci est dans le but qu‘ils aient les notions de base afin de

faire leur propre choix plus tard. Cette idée de ne pas imposer un cheminement religieux à

l‘enfant est un des éléments internes propre à la Wicca. L‘idée derrière ceci est que tout

individu est libre de déterminer sa propre voie spirituelle et religieuse. L‘imposition de sa

croyance sur un autre individu n‘est pas acceptée dans le milieu wiccain. Le prosélytisme

ne fait pas partie des pratiques. De point de vue wiccain, la Wicca n‘est pas pour tout le

monde. Pour eux, chaque individu y arrive en découvrant leur propre voie. Une des idées

derrière cela, est le fait que selon eux, il ne faut pas imposer sa volonté sur une autre

personne. De ce fait en découle l‘idée qu‘il ne faut pas imposer sa religion sur une autre

personne. Ceci m‘a été mentionné à plusieurs reprises sur le terrain. C‘est cette position qui

137

W. (D.J.A.) c. T. (G.D.), 2000 SKQB 388 (CanLII), [7] paragraphe 4.

121

se reflète dans l‘attitude des parents wiccains dans l‘affaire Gay c. Kingston et l‘affaire W.

(D.J.A.) c. T. (G.D.),

L‘affaire Bolduc c. Bolduc de 2006 CanLII 28099 (ON C.S.) [paragraphe 53], représente

enfin une instance de normalisation de la Wicca dans la jurisprudence. Il y est fait

notamment mention du fait que madame est une sorcière de la « foi » Wicca (Wicca

faith)138

. Le simple fait d‘une association entre les termes « Wicca » et « Faith » tend à

traduire une évolution au niveau des représentations. L‘utilisation du terme « foi » pourrait

signaler que, en dix ans, il s‘est opéré un changement notable dans la perception de la

pratique de la Wicca au sein de la population ainsi qu‘au sein du milieu judiciaire. La

Wicca, autrefois perçue comme une simple pratique d‘art mystique, est devenu une

croyance. Bien que le terme « foi » ne soit pas nécessairement approprié pour décrire la

Wicca, il exprime néanmoins une forme d‘assimilation de ses croyances et pratiques à

l‘univers religieux.

3.1.2 Code criminel

Sous la partie IX : « Infractions contre les droits de propriété », il est stipulé à l‘article 365

(modifié en 1985) :

365. Affecter de pratiquer la magie, etc. — Est coupable d‘une infraction

punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

quiconque frauduleusement, selon le cas :

a) affecte d‘exercer ou d‘employer quelque magie, sorcellerie,

enchantement ou conjuration;

b) entreprend, moyennant contrepartie, de dire la bonne aventure;

c) affecte par son habileté dans quelque science occulte ou magique, ou

par ses connaissances d‘une telle science, de pouvoir découvrir où et

comment peut être retrouvée une chose supposée avoir été volée ou

perdue.

138

Bolduc c. Bolduc, 2006 CanLII, 28099 (ON C.S.) [paragraphe 53].

122

Le titre de la partie et l‘économie générale de la disposition signalent qu‘à toutes fins

pratiques, c‘est la fraude et non la sorcellerie et la magie qui sont visés. On ne note aucune

poursuite spécifique sous a) au Canada.

3.1.2.1 Une cause en la matière

Le cas suivant en est un où il n‘est pas clair que l‘individu lui-même soit wiccain, mais il

est certain que la littérature portant sur la Wicca a été utilisée par lui afin de perpétrer les

divers actes criminels, notamment l‘abus sexuel sur des mineurs.

R c. McMurray, 2000 O.J. No. 1717

Faits :

Un Ontarien condamné en 1990 sous cinq chefs d‘accusation d‘agression sexuelle répétée

s‘étendant sur une période d‘un an sur la personne de mineurs âgés entre 14 et 16 ans au

moment des faits. K. M., lui-même âgé de 26 ans à l‘époque, a plaidé coupable aux cinq

chefs.

Questions posées :

La cour doit déterminer quelle est la sentence à imposer.

La cour doit également évaluer quel est le risque posé par le prévenu. Selon ce risque, une

demande sera faite à l‘effet de faire déclarer M. un délinquant à contrôler (partie XXIV,

art.752ss CC).

Procédure :

En représentation sur sentence, une suggestion commune est faite par les parties à l‘effet

d‘imposer une peine de 4 ans d‘emprisonnement en considération des facteurs aggravants

de l‘affaire.

123

Fait inhabituel, deux témoins (victimes) ont été entendus en preuve en dépit du plaidoyer de

culpabilité. Le juge écrit avoir pu se faire lui-même une opinion sur les faits entendus plutôt

que de s‘en être remis aux seules représentations des avocats.

Le juge écrit avoir l‘intention de suivre la recommandation des parties au sujet de la peine à

imposer. Il en explique les raisons du fait de l‘impact sur les jeunes victimes. Il réfère

longuement, en particulier, à l‘impact sur une des victimes mis en preuve devant lui.

Décision :

« Therefore on the basis of those findings I find that this accused was a drug trafficker, a

predator, a child molester, a bully, a coward, and cunning, conniving, manipulating

individual, driven by his perverted lust for young boys. I find that he was totally self-

absorbed. »

M. est condamné à une peine de quatre ans d’emprisonnement.

À l‘appui de la peine prononcée, le juge évoque pas moins de sept circonstances

aggravantes : l‘impact sur les jeunes hommes, l‘âge des victimes, le caractère sexuel des

offenses, le motif d‘auto-gratification, l‘absence de remords ou de compassion manifesté

par le prévenu, la manipulation dont il a usé et enfin la violence avec laquelle il a commis

ses actes.

M. se voit également désigner délinquant à contrôler.

Du témoignage d‘une des victimes, auquel réfère par le juge, il ressort entre autres que

l‘accusé avait utilisé certains passages de livres sur la Wicca comme moyen de contraindre

à des rapports sexuels au prétexte de l‘augmentation des niveaux d‘énergie disponible pour

les sorts. Pour autant, si à un moment le juge qualifie les faits dont il a connaissance de

preuves de la commission d‘actes diaboliques (par. 3), à aucun moment il ne fera référence

à la Wicca dans sa décision.

124

3.1.2.2 Analyse

L‘affaire est intéressante du fait que, en aucun moment, M. soit identifié comme étant

wiccain. Malgré ce fait, la littérature qu‘il a utilisée pour perpétrer ses actes criminels était

des ouvrages sur la Wicca. Il est exact que la Wicca est très permissive en ce qui a trait aux

actes sexuels et explicite au sujet de l‘énergie magique qui en résulte, mais c‘est

habituellement entre adultes consentants et dans un contexte particulier de rituels.

Cette affaire a été portée à notre attention, en cours de terrain. À quelques reprises, des

avertissements ont été émis par divers membres de la communauté païenne de Montréal et

d‘ailleurs à l‘endroit des individus qui usurpaient l‘identité wiccaine afin de tirer profit de

la situation de pouvoir que cela leur donnait. Ces avertissements étaient faits par

l‘entremise de divers médiums, entre autres, de groupes de discussions. De l‘avis de

plusieurs, ces individus annonçaient qu‘ils formaient ou faisaient partie d‘un coven qui

recherchait des prêtres et prêtresses. Ils mettaient l‘emphase sur la pratique magique

sexuelle. Des mises en garde sont lancées contre ces individus qui usent de leur position de

pouvoir et de contrôle pour forcer les membres de leur groupe à des relations ou des actes

sexuelles non consentants. On signale que des cas comme celui de M., qui implique des

mineurs, abuse du coup non seulement les victimes, mais également la communauté

wiccaine qu‘ils représentent ou feignent de représenter. Par conséquent nous avons vu

apparaître, à divers moment et dans les divers médiums de communication communautaires

à l‘époque, des appels à la prudence et des avertissements contre des comportements ne

respectant pas l‘éthique païenne et wiccaine. Divers suggestions sont alors amenées afin de

pouvoir déceler une situation potentiellement dangereuse, que cela soit face à la sexualité

ou encore face à l‘abus de pouvoir en soi. Avec la présence accrue de pratiquants solitaires

depuis les années 1990, davantage d‘individus se recherchent un coven auquel appartenir,

qu‘il soit d‘une lignée traditionnelle ou non. La nature ouverte, non-hiérarchique et

décentralisée de la Wicca donne l‘occasion à certains individus d‘exploiter le milieu. Par

conséquent, en réponses à ces abuseurs, tel que M., les communautés, les organismes et les

125

individus païens se mobilisent en lançant ces messages d‘alertes et conseils sans toutefois

imposer leur volonté139

.

Pour clore l‘examen du contentieux relié d‘une manière ou d‘une autre à des adeptes de la

Wicca, il nous reste à aborder un petit groupe de décisions récentes découlant de recours

exercés par des Wiccains portant sur des allégations de discrimination à leur endroit.

3.1.3 Les droits de la personne

Quelle est et quelle a été la portée des garanties offertes par la Charte? En ce qui touche

éventuellement aux Wiccains, trois décisions marquantes de la Cour suprême du Canada

peuvent servir à un balisage sommaire de la question aux fins de cadrer le contentieux des

droits de la personne : Big M, Amselem et Singh Multani. La référence à ces décisions

permet de camper les principes généraux dérivés de l‘interprétation de la liberté de

conscience et de religion, la portée de la liberté de conscience et de religion ainsi que les

développements advenus sur la question des accommodements raisonnables. Sur le premier

et le dernier point, il est admis que la portée donnée à la Charte canadienne, sur les

dispositions en cause, s‘étend à toutes les lois provinciales des droits de la personne faisant

mention de la liberté fondamentale de conscience et de religion (Lampron, 2011 : 6/6). Ce

point est important puisque les éléments de contentieux dont nous disposons se rapportent

tous à l‘application de lois provinciales.

3.1.3.1 Le contentieux en matière de droits de la personne

Il s‘avère important de regarder les décisions en matière des droits de la personne en ce qui

concerne principalement la discrimination portant sur la religion. L‘une des préoccupations

des wiccains sur le terrain est la discrimination en raison de leur appartenance religieuse.

Dans ces cas, le juge doit déterminer s‘il y a discrimination ou non.

1- Wild c. Langara College and others (2009) BCHRT (CANLII)

139

Des articles tel que celle fait par Patti Wigington, une grande-prêtresse de l‘Ohio a écrit sur le site de

About.com : Patti Wigington, http://paganwiccan.about.com/

http://paganwiccan.about.com/od/wiccanandpaganrituals/a/Warning_Signs.htm.

126

Faits :

Sally Wild, une femme âgée de 24 ans, dépose une plainte contre Langara College, un

établissement d‘enseignement du niveau collégial, professionnel et universitaire (deux

premières années), pour discrimination au motif de ses croyances. Wild est wiccaine.

La plaignante dépose également une demande de divulgation et demande d‘avoir

l‘opportunité de faire d‘autres soumissions dans l‘avenir contre le collège.

Les représentants du collège demandent à ce que la plainte soit rejetée.

Question posée :

Est-ce qu‘il y a eu discrimination?

Témoignages et arguments :

Sally Wild, laquelle déclare être wiccaine depuis 10 ans, s‘est inscrite dans un programme

d‘« Integrative Energy Healing Certificate » au sein du collège. Les cours sont dispensés

dans un lieu de retraite. Un formulaire de consentement et de renonciation a été complété

par Wild au début du programme, signalant les conditions du cours et prévoyant la

déclaration des problèmes et conditions médicales des personnes désireuses de s‘inscrire.

Rien n‘est porté au formulaire par Madame sous cette rubrique.

Au tribunal, Wild avance que lors de la première retraite, une des professeures aurait tenu

des propos inappropriés au sujet des sorcières. Par ailleurs, durant son séjour au collège,

plusieurs instructeurs émettent des inquiétudes face au comportement de Wild, entre autres,

vocabulaire inapproprié, comportements bruyants et dérangeants, émission de

commentaires à l‘effet qu‘elle procèderait à de l‘auto-mutilation, et non-conformité au

Code d‘éthique du collège. Invoquant de craintes pour sa sécurité et celles des autres, le

directeur décide de la retirer du programme.

Après une enquête interne par le collège, Wild est réadmise au programme. Quelques mois

plus tard, elle porte plainte, alléguant que le collège et deux de ses instructrices eu des

127

comportements discriminatoires à son égard en matière de services, au motif de sa religion

et de ses handicaps selon la section 8 du Code des droits de l‘homme de la province. Le

tribunal exige alors qu‘elle fournisse de l‘information en ce qui a trait aux allégations.

Après plusieurs reports de délai, le tribunal reçoit de l‘information relevant un handicap lié

à un don ancestral d‘intuition et de perception. La plaignante ajoute plusieurs amendements

à sa plainte initiale, dont des éléments à l‘effet qu‘elle souffre d‘un trouble de l‘attention.

Le collège dépose à son tour une application pour que la plainte soit rejetée selon le Code,

article 27 (1) (b), (c) et (d). Cinq mois plus tard, après que le Tribunal eut terminé ses

soumissions, mais avant qu‘il n‘émette une décision, Wild fait savoir qu‘elle entend

soumettre de nouvelles preuves pour une éventuelle contre-expertise. Deux semaines plus

tard, elle dépose une requête en divulgation des lettres du collège concernant son

comportement. Elle demande également qu‘un ordre soit émis lui permettant de faire

d‘autres soumissions regardant de nouvelles preuves. Toutefois, en contravention aux

règles de procédure du tribunal, elle avait omis d‘inclure une soumission à sa demande.

Décision

En ce qui concerne la demande de divulgation :

La demande de divulgation est refusée. Le juge mentionne le fait que depuis le mois de mai

la plaignante était au courant de l‘existence de la documentation. De plus, la demande a été

faite deux mois après que la requête du collège pour le rejet de la plainte eût été complétée.

Le juge refuse également la possibilité de soumettre de nouveau des soumissions futures

concernant une lettre puisqu‘il juge que l‘information qui y est contenue n‘est pas

pertinente.

Le juge considère la demande déposée par le collège au rejet de la plainte. Il juge que la

plainte a peu de chances de réussir au vu du manque de preuve fournie par Wild.

En ce qui concerne la discrimination :

128

La plaine est rejetée pour les raisons suivantes :

1- En ce qui concerne la discrimination au motif de la lignée ou de l‘héritage ancestral

(en l‘occurrence, don d‘intuition), le juge considère qu‘il n‘y a pas assez

d‘information ou de preuves à l‘appui des allégations formulées.

2- En ce qui concerne la discrimination au motif du handicap physique, bien que Wild

affirme avoir été physiquement, émotionnellement et spirituellement troublée et

handicapée par un don présenté en tant que « Gifted Disability », rien ne permet de

l‘étayer. La plaignante a fourni des rapports psychiatriques invalides parce que

datés, lesquels ne comportaient en outre aucune information portant sur un handicap

physique quelconque. Le juge conclut qu‘avec l‘information qui lui a été soumise, il

n‘entrevoit pas de possibilité raisonnable de succès de la plainte.

3- En ce qui concerne la discrimination au motif du handicap mental : Les allégations

de Wild sont basées sur le fait que son « don ancestral d‘intuition » lui cause divers

symptômes dont l‘anxiété, les maux de têtes et les sautes d‘humeur. Elle mentionne

également souffrir d‘ADDH. Les répondants soumettent que ni le « don ancestral

d‘intuition » ni les symptômes invoqués ne constituent un handicap mental. Pour sa

part, le juge relève qu‘aucune information n‘a été fournie à cet effet au service visé

du collège chargé des demandes d‘accommodement. Le juge souligne qu‘un

étudiant souffrant d‘un handicap quelconque doit faire une demande auprès du

« Disabilities Service Departement » de l‘établissement scolaire et fournir les

documents à l‘appui. Wild ne l‘a pas fait. Par conséquent, le DSD ne pouvait fournir

l‘information nécessaire au directeur et aux instructeurs du programme. Pour ces

raisons, le juge conclut ne pas entrevoir de possibilité raisonnable de succès de la

plainte à ce motif.

4- En ce qui concerne la discrimination au motif de la religion, des allégations sont

portées par la plaignante à l‘égard des commentaires d‘une instructrice, lors de la 2e

retraite. L‘instructrice aurait passé le commentaire que les gens ont de la difficulté

avec les individus qui sont différents mais que la société avait beaucoup évolué par

rapport au passé où on avait tendance à brûler les sorcières. L‘instructrice en

question a soumis ne pas avoir été au courant, à ce moment, du fait que Wild était

129

wiccaine, ni qu‘elle portait un symbole religieux l‘identifiant en tant que telle. Le

directeur de l‘établissement a soumis que, à ce moment, il ignorait l‘appartenance

religieuse de Sally Wild, ainsi que ses problèmes de santé physique et mentale. Le

juge de son côté relève que dans son affidavit, la plaignante réitère avoir mentionné

son implication avec la Wicca dès le début du programme. Or, il note que ces

mentions sont absentes du formulaire d‘inscription. Par ailleurs, l‘affidavit de la

plaignante ne précise pas à qui elle aurait parlé de sa croyance et le plus important

selon le juge, quand et comment elle en aurait discuté avec l‘instructrice, hormis le

commentaire allégué. Sur la base de ces éléments, le juge conclut à l‘absence de

possibilité raisonnable de succès de la plainte à ce motif.

En conclusion, la demande des répondants pour le rejet de la plainte est acceptée.

2- Hayes c. Vancouver Police Board and Other (2010) BCHRT 324 (CANLII)

Faits :

Peter Hayes, un Britanno-Colombien de Vancouver, porte plainte pour discrimination en

emploi à l‘encontre du Service de police de Vancouver au motif de la religion et de

l‘orientation sexuelle selon les sous-sections 8 (services) et 13 (emploi) du Code provincial

des droits de l‘homme. Puisque le tribunal a déjà passé une décision sur la question de

l‘emploi, le présent cas va se concentrer sur la question touchant la sous-section des

services.

Faisant suite au refus de permis, le plaignant adresse une lettre au Service à l‘effet de

connaître les raisons du refus et d‘obtenir le rapport complet à l‘appui de la décision. Dans

cette lettre, il allègue qu‘en cours d‘entretien, le policier aurait émis des remarques sur la

couleur de ses vêtements, sa religion et ses préférences sexuelles.

130

Trois semaines et demi après le refus du permis, une lettre en faveur de M. Hayes est reçue

par le policier. Elle est signée par le révérend Headworth, du World Tree Ministry140

. Ce

dernier y fait référence à des préjugés manifestes à l‘encontre des communautés païennes,

wiccaines et druidiques et sollicite une reconsidération de la décision. Le policier répond

qu‘il ne voit pas motif à changement. Il ajoute qu‘aucune mention des termes « Druide » ou

« Wicca » n‘est intervenue en cours d‘entretien et dans le rapport. Il signale que le refus

s‘est fondé sur l‘information à sa disposition à l‘époque, et non sur le mode de vie choisi

par M. Hayes.

Questions posées :

Est-ce que la religion ou l‘orientation sexuelle ont été des facteurs amenant le chef de la

police à refuser au plaignant le permis de chauffeur de limousine?

Le BDSM141

est-il une orientation sexuelle protégée par le Code?

Advenant le cas où l‘orientation sexuelle est protégée par le code, l‘orientation de M. Hayes

est-elle celle d‘un « Lifestyler »?

Témoignages et arguments :

La plainte concerne une demande d‘obtention de permis de chauffeur de limousine,

laquelle, à Vancouver, doit faire l‘objet d‘une évaluation de la part de la direction des taxis

aux Services de la Police de Vancouver.

140

World Tree Community Services, Ministry and Seminary Ltd. est un organisme interconfessionnel, établi

depuis 1950 à Nanaïmo Colombie-Britannique. Il offre des services de célébrants à divers groupes tels que les

Druides, les Wiccains et les premières nations. 141

BDSM est un acronyme pour « Bondage » (ligotage) et Discipline, Dominance et Soumission, Sadisme et

Masochisme. « Bondage » indique une préférence à ligoter son partenaire ou encore être ligoté. Discipline

indique une préférence pour recevoir ou donner des fessées, des coups de canes ou d‘autres items. La douleur

n‘est pas nécessairement présente. Le plaisir est ce qui en résulte. La dominance et la soumission s‘entendent

en théorie, dans ce contexte, d‘un rapport de pouvoir consentant. Un partenaire, le dominant prend un rôle de

domination face à l‘autre qui lui est soumis. Certains individus s‘identifient en tant que dominant ou soumis à

titre exclusif. Quelques- uns sont versatiles, c‘est-à-dire qu‘ils peuvent prendre l‘un des deux rôles sans

s‘identifier clairement à une des catégories. Le sadisme indique une préférence pour causer de la douleur

(autant physique que psychologique) alors que masochisme indique une préférence pour la recevoir. Les

choses peuvent aller jusqu‘à l‘humiliation, parfois publique. La douleur est considérée comme source

d‘érotisme.

131

Au témoignage, il s‘avère difficile de départager les versions. Le plaignant allègue qu‘au

cours d‘un entretien tenu avec le policier à la suite du refus du permis, lorsqu‘il en demanda

les raisons, la question de son code vestimentaire est venue sur le tapis. Il allègue que le

policier avait commencé par dire que lui, Hayes, était impliqué dans un « sex cult called

Gor », ce que Hayes perçoit comme ridicule en affirmant que cela n‘existait pas à

Vancouver. Hayes affirme avoir ajouté qu‘il porte du noir tout le temps, que les païens

portaient souvent des robes noires, mais que cela voulait en aucun cas dire qu‘il faisait

partie d‘une secte dangereuse. Sur ce point Hayes réitère qu‘il est païen. Il indique

également être bisexuel et « polyamoureux ». Il ajoute qu‘il est impliqué dans le BDSM. À

ce sujet, il dit noter une corrélation ou une « nature symbiotique » entre le paganisme et le

BDSM. En outre, Hayes allègue que le policier aurait évoqué en entrevue le problème du

recrutement potentiel de nouveaux membres. Hayes soutient l‘avoir informé du fait que les

païens ne font pas de recrutement.

De son côté, le policier soutient avoir fondé la décision de refus sur le résultat de ses

recherches. En l‘occurrence, il vérifie les rapports de police et encore le dossier de

conduite. Dans le cas de M. Hayes, la trace de quatre incidents différents récoltés en cours

d‘enquête l‘auraient amené à percevoir un danger potentiel pour les futurs clients. Rien

d‘autre. Par conséquent, il était peu enclin à un changement de décision au moment de

passer Hayes en entrevue. Il affirme par ailleurs ne pas avoir tenu compte de l‘appartenance

religieuse de Hayes lors de la demande de révision d‘application de permis. Sur le sujet de

son entretien avec le plaignant suite au refus du permis, il reconnaît l‘échange sur l‘habit

vestimentaire, non pas tant pour ce qui a trait à la couleur, mais au style vestimentaire

requis pour correspondre au profil de l‘emploi convoité. Il déclare avoir également fait

mention au plaignant des incidents notés à son dossier. Par contre, le policier soutient

n‘avoir rien évoqué de raisons de refus ayant trait à un culte ou à « Gor ». Il l‘avait noté

parmi ses références lors de sa recherche, sans savoir ce que cela aurait voulu dire. Il se

souvient d‘avoir parlé avec M. Hayes d‘une référence trouvée à la relation « maître-

esclave ». Il n‘avait selon ses dires jamais entendu parler de ce type de relation en 29 ans de

carrière.

132

Décision

En ce qui concerne le permis de chauffeur :

Le juge passe en détail les lois et les actes concernant l‘émission de permis pour les

limousines. Il mentionne que le policier doit, en guise de préparation, faire une recherche

de références ou d‘antécédents afin de déterminer si la personne requérant un permis en est

dépourvue et si elle est de bonnes mœurs puisque les passagers peuvent être des enfants et

des femmes.

S‘appuyant sur les raisons mentionnées, sur les témoignages et les documents lui ayant été

soumis, le juge conclut que Hayes n‘a pas établi, tel que mentionné à l‘article 8 du Code,

que sa religion ou son orientation sexuelle étaient des facteurs dans la décision du service

de police de lui refuser l‘octroi d‘un permis de chauffeur.

En ce qui concerne le BDSM :

Le juge commence par tenter de cerner ce qu‘est le BDSM et ce qu‘est un BDSM

Lifestyler142

. Pour ce faire il fait appel à un témoin-expert. Le témoin explique le terme et

mentionne la nature consentent des pratiques sexuelles. Le juge procède à une description

des divers éléments mentionnée par ce témoin-expert. Le juge indique que M. Hayes se

décrit en tant que païens et en tant que BDSM Lifestyler. Par la même occasion, le juge

assume sans décider, pour les besoin de ce tribunal, que M. Hayes appartient à un groupe

protégé par le code au motif de sa religion et de son orientation sexuelle.

Le juge conclut, eu égard à la preuve fournie au tribunal, que l‘orientation sexuelle et la

religion de M. Hayes n‘ont pas été un facteur dans la décision. Par conséquent, il ne devient

pas nécessaire de la part tribunal d‘examiner la question de savoir si le BDSM est une

orientation sexuelle protégée par le Code, et si c‘est le cas, si M. Hayes fait partie de ce

groupe protégé.

La plainte est déclarée injustifiée et rejetée en référence à l‘article 37(1) du HRCBC.

142

Un « lifestyler » est quelqu‘un qui vit sa pratique sexuelle dans tous les aspects de sa vie. Ce n‘est pas la

pratique occasionnelle de diverses activités du type BDSM.

133

3- Dahlquist-Gray and another c. Hedley (No. 2), 2012 BCHRT 50 (CanLII)

Faits :

Une plainte est déposée par un couple lesbien pour discrimination au motif du lieu

d‘origine, de l‘appartenance religieuse, de l‘état civil et de l‘orientation sexuelle. La plainte

vise une voisine dont il est allégué qu‘elle aurait publié et affiché du matériel

discriminatoire à leur endroit.

Les plaignantes sont un couple lesbien wiccain. K., d‘origine américaine, a reçu sa

résidence permanente canadienne et est la cible principale des discriminations. K. est

mariée à une wiccaine canadienne. Elle est artiste. Il est allégué que H., leur voisine, a

monté une campagne de publicité négative (affiches, articles) faisant usage de diffamation

et de discrimination dans le but d‘inciter la population locale au boycottage des œuvres et

de l‘exposition de K.

Question de « représailles » exercées après le dépôt de la plainte.

Diverses tentatives de médiation assistée par le tribunal ont échoué. Sur une période de

plusieurs mois, suivant les tentatives de médiations, le tribunal a reçu divers documents par

fax, courriels et lettres de la part de Madame H. Tous ces documents portant des

annotations manuscrites au caractère accusateur à l‘endroit des plaignantes et du tribunal.

H. aurait également laissé de nombreux messages téléphoniques au tribunal indiquant

qu‘elle ne voulait pas être rejointe pour aller en cour. Elle aurait retourné l‘enveloppe

originale portant la demande d‘amendement des plaignantes. Elle aurait inscrit des

commentaires sur l‘enveloppe, entre autres, aux fins de rectifier les termes exacts utilisés

par elle (les termes « Lesbian American Wiccen ») tout en adressant des insultes au

tribunal. Elle aurait continué de laisser des messages désobligeants sur le répondeur du

tribunal pendant plusieurs mois.

À la date prévue de l‘audition, H. ne s‘est pas présenté au tribunal. Après avoir accordé une

période d‘attente, toujours sans sa présence, le juge décide de poursuivre.

134

Témoignages et arguments :

Le juge revoit les antécédents de la relation entre les voisines. Il remonte le fil des actes

reprochés dans la plainte à septembre 2009, soit au moment où K. sollicite l‘autorisation

d‘exposer ses œuvres dans l‘un des parcs de la ville. H. débute sa campagne d‘affichage. Le

message en est essentiellement qu‘il convient de ne pas soutenir l‘art de cette personne,

s‘agissant d‘une « American Wiccen Lesbian » voulant se remplir les poches avec l‘argent

des Canadiens. À cela s‘ajoute qu‘il ne faut pas remplacer Dieu par une « goddess-loving

American Wiccen Lesbian » [35]. Au vu de la preuve portée à sa connaissance, le juge

établit que H. est bien l‘auteur des propos allégués.

Le juge examine ensuite la question d‘éventuelles représailles exercées ou dommages

causés par H. envers K. ou le couple suite au dépôt de la plainte en discrimination.

Le juge tente de voir l‘impact causé par les affiches créées et distribués par H. Il est allégué

que les affiches auraient amené la perte d‘emploi de M., l‘épouse de K. Même allégation au

sujet de la perte d‘inscriptions à l‘école d‘art de K. Les parents d‘élèves ne se seraient pas

sentis à l‘aise de les voir associés à de la publicité autour de « crimes haineux ». Selon le

témoignage des plaignantes, les affiches ont également eu un impact sur le couple.

H. ne s‘étant pas présentée, le juge n‘a pu considérer de soumission en son nom.

Décision

En ce qui concerne la discrimination :

Le juge fonde sa décision sur l‘article 7 (I) (a) du Code, lequel interdit la publication de

propos discriminatoires.

Le juge mentionne qu‘en tant que wiccaines, que couple marié et en tant que lesbiennes, K.

et M. sont protégées par la clause de prohibition contre la discrimination dans le Code au

motif de la religion, du statut matrimonial et de l‘orientation sexuelle. Pour ce qui est de K.,

d‘origine états-unienne, s‘ajoute la protection au motif du lieu de naissance (place of

origin).

135

Le juge indique qu‘en l‘occurrence, les plaignantes appartiennent à un groupe (les

sorcières) historiquement vulnérable. Selon lui, il ressort que H. avait des intentions claires

de nuire au couple dans divers sphères de leur vie en les attaquant sur les éléments établis

en preuve et en incitant les autres membres de la communauté à agir sur la base de ces

accusations. Il en conclut que par l‘acte de publication des affiches, H. a tenu des propos

discriminatoires ou avec l‘intention de discriminer contre les plaignantes au motif de la

religion, de l‘état matrimonial et de l‘orientation sexuelle.

Le juge détermine que la plainte de discrimination est fondée. Il ordonne à H. de cesser

toute activité semblable ou similaire à ce qu‘elle a déjà commis. [66].

Le juge ordonne également le versement d‘une compensation financière de H. à K. pour la

perte de salaire encourue suite au retrait d‘élèves de son école d‘art. À défaut de preuve y

liant directement H., le juge refuse d‘attribuer un montant pour la perte d‘emploi de M.

Le juge ordonne par ailleurs à H. le paiement d‘un montant de 5 000 $ à chacune des

plaignantes pour insulte à leur dignité et enfreinte à leur respect personnel en vertu de

l‘article 37 (2) (d) (iii) du Code. Enfin, le juge ordonne à H. le paiement d‘un montant de

1 000 $ à chacune en raison de son comportement inapproprié dans le courant de la plainte

ainsi qu‘envers le tribunal.

La question des représailles est jugée non fondée. Les plaignantes n‘ont pas apporté de

preuve liant H. aux actes allégués contres elles après leur dépôt de la plainte. Cette partie de

la plainte est rejetée.

3.1.3.2 Analyse

Les décisions relatives à ce contentieux nous paraissent claires et leur incidence sur les

Wiccains, faciles à comprendre. Les wiccains ou les païens se doivent de démontrer qu‘il y

a eu discrimination à leur endroit au motif de la religion ou à un autre motif en lien avec le

premier.

136

Dans l‘affaire Wild c. Langara, bien qu‘il soit mentionné que la plaignante est wiccaine, on

peut s‘étonner du peu d‘explication donnée par elle quant à sa croyance et à ses pratiques

en lien à la Wicca. Elle se concentre plutôt sur ses déficiences physiques et mentales, dont

son don « d‘intuition ». Aucune preuve n‘a été apportée au juge face à la discrimination

ressentie.

Ce flou entourant les croyances et les pratiques peut également être relevé dans l‘affaire

Hayes c. Vancouver Police Board and Other. À noter qu‘il est mentionné que M. Hayes est

païen, sans spécifier quelles pratiques particulières (Asatru, Heathen, Druid, Wicca, etc.) et

qu‘il a un style de vie associé au BDSM. La seule mention spécifique à la Wicca est dans la

lettre du révérend Headworth qui avait écrit en défense de Hayes et qui n‘ajoute rien à la

cause en cours. Ce révérend est un membre de l‘organisation interconfessionnelle World

Tree Community Services, Ministry and Seminary Ltd. situé à Nanaïmo, Colombie-

Britannique depuis 1950. Il s‘agit d‘un organisme basé sur les principes d‘un monde

conscient de la planète avec une perspective sur la Nature. Par conséquent, il offre des

services de célébrant à divers groupes tels que les Druides, les Wiccains, les Gaïans

(approche en lien avec les concepts de Gaïa la terre-mère) et les premières nations. Leur but

est d‘offrir des services et d‘aider au développement des communautés et non de faire du

prosélytisme pour un groupe ou un autre. Le fait que Hayes ait demandé une lettre pour sa

cause en tant que païen à un organisme interconfessionnel, semble indiquer qu‘il se

cherchait un « corps organisationnel » pour appuyer sa position et défendre ses droits. Est-

ce que dans sa vision cela avait plus de poids légal que s‘il avait demandé à un membre de

sa communauté païenne? Est-il un pratiquant solitaire? Avait-il accès à d‘autres ressources

païennes? Peut-être. Mais dans la décision, il n‘y avait pas d‘indication à ce regard. Étant à

Vancouver, où la communauté païenne est assez grande, il aurait pu s‘adresser, par exemple

à la PFPC ou encore aux Officers of Avalon, dont certains membres païens font partie du

corps policier de la ville.

À la lumière de ce cas, il est possible de voir qu‘une certaine importance est accordée par

l‘individu à la présence d‘un corps institutionnalisé. En absence de tel corps, il semble que

le wiccain ou le païen (solitaire ou en coven) se sente légitimé de s‘adresser à des

137

organismes tels que la World Tree Community Services afin d‘avoir une certaine

représentation de sa croyance.

Par ailleurs, l‘affaire de Dahlquist-Gray and another c. Hedley, démontre que leurs droits

et libertés sont respectés si les preuves amenées appuient les accusations de discrimination

à l‘encontre des wiccains. Dans cette affaire, la discrimination n‘était pas seulement au

niveau des croyances religieuses, mais également de l‘orientation sexuelle, de l‘état

matrimonial et du lieu d‘origine. Il est clair que les plaignantes étaient victimes de

discrimination et que cette discrimination a eu des effets sur le travail et la vie personnelle

du couple. D‘ailleurs, même le juge de ce tribunal reconnaît que les sorcières étaient

historiquement la cible de crimes haineux et que la répondante usait de cet aspect pour

inciter les gens à agir contre les plaignantes wiccaines.

L‘image et à la perception de la sorcière font précisément l‘objet de la section suivante.

3.2 Images et perceptions relatives à la Wicca et à la sorcellerie

dans les décisions judiciaires

Ce bref aperçu du contentieux nous a permis d‘analyser l‘appréhension qu‘ont les tribunaux

canadiens de la Wicca ainsi que du traitement qui lui est réservé lorsqu‘elle constitue un

élément porté à la connaissance des tribunaux parmi les faits en cause. L‘examen du

contentieux aura également servi à documenter l‘institutionnalisation de la Wicca du point

de vue des justiciables : dans une certaine mesure, leur appropriation des recours à leur

disposition, l‘attitude adoptée face à la sanction du droit, la réception ou la portée des

décisions judiciaires dans la collectivité wiccaine.

La présente section vise à documenter les images et perceptions de la Wicca, mais plus

largement celles de la sorcellerie telles qu‘elles ressortent d‘une analyse de contenu

thématique sommaire des décisions judiciaires canadiennes. Pour ce faire, une recherche

d‘occurrence d‘utilisation de divers mots-clés dans les deux langues officielles a été

effectuée dans la jurisprudence canadienne disponible sur Canlii entre 1990 et 2010. Au

138

total, 543 occurrences ont été répertoriées sous les mots-clés : « Wicca », « sorcier »,

« sorcière », witch, sorceror, « chasse aux sorcières », witchhunt.

En ce qui a trait à la Wicca proprement dite, on présentera d‘abord les images et

perceptions résiduelles en ce sens qu‘elles sont présentes au contentieux judiciaire sans

avoir été déterminantes dans la décision.

3.2.1 Wicca

Dans l‘affaire de R. c. Reddick de 1996, entendue devant la cour d‘appel de l‘Ontario, le

juge reprend les critères et les éléments de preuve présentés et utilisés par le juge de

première instance afin de déterminer le « mauvais caractère » de l‘appelant. Ces deux

critères déterminants étaient en l‘occurrence la pratique et l‘association à la Wicca : « of an

unusual occult group and genuinely believed that Robert had to be removed from his family

and brought up as a Wiccan » et le fait que l‘appelant semblait avoir des tendances

pédophiles. Le juge de la cour d‘appel est en outre d‘avis que le juge du tribunal a

adéquatement utilisé et évalué les allégations concernant le caractère de l‘appelant. Par

conséquent, l‘appartenance à un « groupe occulte inhabituel » a été perçue comme un

élément aggravant du comportement. Bien que le juge reconnaisse que le juge du tribunal

ait eu tort sur certains points de droit, il ne considère pas que le « mauvais caractère » de

l‘appelant, établi en première instance, constitue une erreur de jugement. Cela tranche avec

l‘image plutôt neutre ressortie du contentieux analysé. On peut en déduire que l‘image de la

Wicca n‘est pas simplement préconçue, mais plutôt forgée par l‘examen des faits en cause.

Par ailleurs, dans l‘affaire R c. Koehn, bien que l‘appartenance religieuse de l‘accusé ait été

l‘objet de quelque débat, le juge a réitéré sa position comme suit : « However, early on the

Crown made it clear that there was no evidence that Wiccan played any part in Jeremy‘s

demise, and I will not refer to it again143

. » En somme, bien qu‘il y ait eu mention

d‘allégations négatives par la famille et la police à l‘endroit de l‘appartenance du mis en

cause, la Wicca s‘est révélée accessoire à l‘établissement du caractère de l‘accusé et a, par

conséquent, été écartée de la considération par le juge.

143

R. c. Koehn, 1998 CanLII 6780 (C.-B. C.S.).

139

Dans l‘affaire de Tall c. Queen, un appelant wiccain a invoqué avec succès l‘accès à des

soins médicaux alternatifs fournis par des gens appartenant comme lui à des religions autres

que les traditions judéo-chrétiennes. Dans la décision rendue, la Wicca fut simplement

mentionnée comme étant l‘une des religions et spiritualités alternatives et holistiques dont

l‘incidence des croyances relativement à la relation entre l‘homme et la nature touche les

soins du corps et le traitement des maladies. La Cour écrit :

Mr. Tall states that he purchases the vitamins, supplements, herbs, bottled

water and organic foods in conformity with his religious and/or spiritual

beliefs concerning the nature of illness and relationship between mankind

and nature. He adds that as part of a broad group, which includes many

people from the religions of Buddhism, Hinduism, Taoism Shinto,

shamanism (e.g. First Nations beliefs), Wicca as well as contemporary

Western esotericism and so on. 144

Les croyances de l‘appelant ne sont pas délimitées et le tribunal ne souligne pas le fait que

l‘appelant soit wiccain.

Finalement, dans l‘affaire M.O. c. K. J. (2007) ABPC 176, [paragraphe 52], le juge invoque

le précédent créé ans l‘affaire Gay c. Kingston145

[1992] A.J. 1171, où : « the Court found

that there was no basis to deny access to the father because he was an adherent of Wicca, an

unusual and unorthodox religion. The Court stated that prima facie it is in the best interests

of all children to have contact with their parents. ». En l‘espèce, le juge mentionne que la

Wicca est assimilée à une religion même si cette dernière est « inhabituelle et non-

orthodoxe ». Ces exemples illustrent à tout le moins une forme de diffusion, d‘acceptation

et d‘intégration du terme « Wicca » dans le vocabulaire des tribunaux, voire dans

l‘interprétation judiciaire.

3.2.2 « Sorcière », « Sorcier », Witch, Sorcerer

La délimitation et l‘analyse des images et des perceptions relatives à la Wicca ne sauraient

s‘arrêter aux seuls termes de « Wicca » et « wiccain ». Les substantifs et adjectifs

144

Tall c. La Reine, 2005 TCC 765 (CanLII). 145

Cette décision concerne une garde partagée. La mère de l‘enfant voulait interdire la garde au père parce

qu‘il était wiccain. Le juge n‘a pas vu cette appartenance à la religion wiccaine comme étant un problème et a

accordé au père l‘accès à l‘enfant.

140

« sorcier », « sorcière », sorcerer et witch146

sont de loin les termes les plus fréquemment

repérés dans les décisions judiciaires, et ce, sans qu‘il ne s‘agisse nécessairement d‘affaires

ayant trait à la religion ou à la spiritualité. L‘usage est varié, allant de la mention anodine à

l‘insulte, en passant par la moquerie et le dénigrement. Ces termes ne sont pas

nécessairement associés à la pratique de la sorcellerie en soi, mais visent plutôt à traduire

les opinions et positions par une expression imagée les divers acteurs impliqués. Relever

les diverses utilisations permet de se forger une idée des caractéristiques associées à la

sorcellerie qui circulent devant les tribunaux canadiens. Même si ces caractéristiques ne

reflètent pas nécessairement la position d‘un juge ou d‘un avocat en particulier, elle nous

renseigne au sujet de perceptions contemporaines couramment associées à la pratique de la

sorcellerie.

Dans les décisions judiciaires recensées, le terme « sorcier » relève souvent de l‘évidence

de sens commun ou se trouve associé à l‘idée de la facilité. Il est employé dans des

expressions populaires telles que « ce n‘est pas sorcier » ou « cela n‘a rien de sorcier ».

Dans la majorité des 21 cas recensés, ces expressions réfèrent au fait que la situation, le

travail à faire ou encore les instructions à suivre pour accomplir un travail demandé ne sont

pas difficiles à comprendre147

. En fait, elles sont si faciles à comprendre par voie

146

Un premier constat s‘impose lorsque l‘on cherche à établir l‘occurrence et l‘utilisation du terme witch dans

la jurisprudence canadienne, en raison des nombreux cas d‘orthographe fautive ou encore de la confusion

entre ce terme et le pronom relatif which. Depuis 1985, 53 de ces cas ont été recensés au Québec, trois dans

les Territoires, deux au niveau des cours fédéraux, deux en Ontario, deux en Alberta, deux en Saskatchewan,

un au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse et six en Colombie-Britannique ; 68 cas d‘orthographe

fautive sur 286 cas répertoriés avec le terme witch. 147

R. c. Bain, 1992 CanLII (C.C.S.) [paragraphe 180]; Centre hospitalier Ste-Jeanne d’Arc c. Syndicat

canadien de la fonction publique, local 2885, 1995 IIJCan 3492 (QC A.G.); Cadbury Schweppes Inc. c.

Aliments FBI Ltée, [1999] 1 R.C.S. 142, 1999 IIJCan 705 (C.C.S.); R. c. Singh, 2001 IIJCan 18107 (QC C.S.);

S.E.P.B. section locale 57 (FTQ) c. Commission scolaire Marie-Victorin, 2002 IIJCan 32218 (QC A.G.);

Université de Montréal c. Productions Playground Inc., 2003 IIJCan 21412 (QC C.S.); Syndicat des

travailleurs et travailleuses du centre hospitalier Notre-Dame-de-la-Merci c. Centre hospitalier Notre-Dame-

de-la-Merci, 2003 IIJCan 52734 (QC A.G.); Colbert c. The Queen, 2004 CCI 571 (IIJCan); Syndicat des

travailleuses et des travailleurs du centre de santé Tulattavik c. Centre de santé Tulattavik de l’Ungava, 2005

IIJCan 50430 (QC A.G.); Syndicat des Cols Bleus Regroupés de Montréal, Section Locale 301 c. Montréal

(Ville), 2005 IIJCan 32006 (QC A.G.); L.M. c. Compagnie A, 2007 QC CRT 526 [paragraphe77]; Nguyen c.

CPShips Ltd., 2008 QC C.S. 3817 [paragraphe 83]; Droit de la famille - 081670, 2008 QC C.S. 3119

[paragraphe 72]; Protection de la jeunesse — 106700 , 2010 QCCQ 17389 [paragraphe 236]; Directeur des

poursuites criminelles et pénales c. Brisebois, 2009 QCCQ 5895 [paragraphe 43]; Ikon Solutions de bureau

inc. c. Docu-Plus Conseillers en gestion de documents inc., 2009 QCCS 123 [paragraphe 81]; R. c. Careau,

2008 CanLII 48939 (QC CM) [paragraphe 69]; Centre de santé et de services sociaux des Sommets c.

Syndicat des employés en soins infirmiers et cardio-respiratoires (CSN), 2008 CanLII 1955 (QC SAT);

141

d‘implication qu‘il n‘est pas besoin de les deviner. Puisque la divination est l‘une des

activités du sorcier, il est donc évident que l‘utilisation de l‘expression « ce n‘est pas

sorcier » sert à évoquer l‘aspect élémentaire d‘une situation.

Cette propriété du sorcier de s‘adonner à l‘art divinatoire est aussi invoquée dans certains

cas pour rendre compte de l‘impossibilité d‘une personne à établir certains événements ou à

déceler certains éléments essentiels sans que celle-ci ait recours à des dons surnaturels ou à

la maîtrise des arcanes. L‘affaire R. c. Pozniak, illustre une telle référence directe : « Le

policier n‘est pas un devin, ce n‘est pas un sorcier, il ne peut deviner ce qui se passe dans la

tête de l‘accusé148

». Il y a donc supposition que le sorcier puisse faire de la télépathie ou

puisse deviner ce qu‘une personne peut penser, à tout le moins que son activité ne relève

pas du rayon de la connaissance objective ou factuelle du policier. L‘aspect de la divination

est aussi présent dans l‘expression « apprenti-sorcier », mais mobilisé dans une opposition

de l‘initié à l‘amateur. Dans l‘affaire EMCO Ltée c. Jonction Rapide Inc., le fait qu‘une

personne soit réduite à deviner quelque chose sans pour autant posséder les connaissances

nécessaires et se voit donc obligée de jouer les « apprentis-sorciers » est ainsi exposé :

[132] En fait, la preuve révèle que monsieur Jalbert, qui en était à sa

première expérience avec ce type de joint et qui n‘avait qu‘une

connaissance sommaire de la propriété des gaz à diverses températures, a

été laissé à lui-même. Sans supervision, ni aide technique spécialisée, il en a

été réduit, en tout respect, à jouer un peu le rôle d‘un apprenti-sorcier.149

Cette notion se retrouve également dans l‘affaire C.S.S.T. c. Québec (Ville) où lors de la

séance de questions, le témoin a répondu : « Ça, vous me demandez de jouer à l‘apprenti

sorcier150

. » Il est clair que dans ce cas, l‘utilisation du terme fait allusion au pouvoir de

divination. Le témoin indique au procureur qu‘il ne peut pas répondre avec exactitude à la

question qui lui est posée. Par conséquent, il lui répond qu‘il ne peut pas deviner la réponse

et emploie donc le terme « d‘apprenti-sorcier » pour démontrer son ignorance en la matière.

Bernier c. Caisse populaire Desjardins de la Mitis, 2006 QCCRT 442 [paragraphe 57]; Baril c. Industrielle

compagnie d’assurance sur la vie, 1991 CanLII 3566 (QC CA) [paragraphe 6] et Pacific Coast Coin

Exchange c. Ontario Securities Commission, 1977 CanLII 37 (CSC), [1978] 2 RCS 112 [page 130]. 148

R. c. Pozniak, [1994] 3 R.C.S. 310, 1994 IIJCan 66 (C.C.S.). 149

EMCO Ltée c. Jonction Rapide Inc., 2005 IIJCan 20876 (QC C.Q.). 150

C.S.S.T. c. Québec (Ville), 2004 IIJCan 45558 (QC C.Q.).

142

On retrouve cet usage dans deux autres affaires : President and Fellows of Harvard College

c. Canada (Commissaire aux brevets) (C.A.) et Syndicat des communications graphiques,

section locale 41-m c. Le Journal de Montréal151

. Dans l‘affaire R. c. Bain, un autre emploi

est recensé en lien avec la procédure de la sélection du jury : « Il convient toutefois de

souligner que les parties qui essaient de façonner le jury au moyen du processus de

sélection sont des apprentis sorciers152

». En d‘autres mot, les parties ne sauraient prédire ni

maîtriser un processus complexe dont l‘issue échappe aux initiateurs.

Contrairement à l‘image du sorcier, somme toute ambivalente, celle de la sorcière, ou

witch, est négative. L‘un des schèmes les plus répandus se rattache à l‘accusation de

sorcellerie. Dans ce contexte, cette image découle de sentiments de méfiance envers la

personne en cause. À cette image, se greffe tour à tour le discrédit porté à une personne

perçue comme excentrique et l‘attribution de motifs troubles, voire d‘une capacité de nuire.

La simple qualification de « sorcière » dénote d‘emblée un stigmate, soit l‘évocation de

traits physiques ou psychologiques stéréotypés : couleur des cheveux153

, mauvaise

hygiène154

, viellesse155

, ou encore un caractère indomptable, imprévisible, instable et

dangereux. On retrouve 23 occurrences du genre156

.

151

President and Fellows of Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets) (C.A.), [2000] 4 C.F.

528, 2000 IIJCan 16058 (C.A.F.); Syndicat des communications graphiques, section locale 41-m c. Le

Journal de Montréal, 1995 IIJCan 887 (QC A.G.). 152

R. c. Bain, [1992] 1 R.C.S. 91, 1992 IIJCan 111 (C.C.S.). 153

A. (L.) c. L. (A.), 2002 IIJCan 8670 (QC C.S.); Protection de la jeunesse — 09181, 2009 QCCQ 12496. 154

N. K. c. M. E. S., 2005 CanLII 11147 (QC C.S.); Droit de la famille — 092108, 2009 QCCS 3970

(CanLII). 155

Protection de la jeunesse — 111659, 2011 QCCQ 10738 (CanLII). 156

Voir dans Padgham c. Padgham, 1990 CanLII 824 (BC C.S.); Gannon c. Canadien Pacifique Ltée, 1993

IIJCan 355 (T.C.D.P.); R. c. Dixon, 1994 CanLII 1260 (BC C.A.); B.B. v. D.F., 1995 CanLII 3842 (ON C.J.);

Hayer c. Punjabi, 1996 CanLII 2196 (BC C.S.); A.(P.) c. A.(F.), 1997 CanLII 1303 (BC C.S.); R. c.

Tuchscherer, 2001 IIJCan 10663 (QC C.Q.); A.(L.) c. L.(A.), 2002 IIJCan 8670 (QC C.S.); Goncalves v.

Martens, 2002 BCSC 878 (CanLII); B. S. L. c. S. A. J., 2003 SKQB 498 (CanLII); K. c. Miazga, 2003 SKQB

384 (CanLII); Law Society of Upper Canada c. G.N., 2003 CanLII 48013 (ON L.S.H.P.); S. L., Re, 2003

IIJCan 17790 (QC C.Q.); Z. P., Re, 2003 IIJCan 52125 (QC C.Q.); F. M. P. c. A. A.-An., 2005 CanLII 17249

(QC C.S.); N. K. c. M. E. S., 2005 IIJCan 11147 (QC C.S.); Board of Trustees of Common Lands c. Tanner,

2005 NSSC 245 (CanLII); Cameron c. MacGillivray, 2005 CanLII 47695 (ON C.S.) [paragraph 46]; A. R.

(Re), 2006 CanLII 52795 (ON C.C.B.) [paragraphe 5];J.S.R. c. L.C.H.R., 2006 BCSC 1777 (CanLII)

[paragraphe 42];R. c. Kambulow, 2006 ONCJ 331 (CanLII) [paragraphe 63]; V.F. c. M.F.1, 2007 CanLII

3881 (ON C.S.);Toussaint c. Entraide bénévole Kouzin Kouzin de Montréal - Métropolitain, 2007 QCCRT

378 (CanLII) [paragraphe 38]; Centre de santé et de services sociaux de Sept-Îles c. S.G., 2008 QCCQ 2381

(CanLII).

143

En ce qui concerne les traits de caractère, un avocat a ainsi décrit les sautes d‘humeur

d‘une plaignante : « She was occasionally a ―witch‖ and would fly into rages157

»,

redoublant de la sorte l‘instabilité émotive de la personne par d‘une aptitude à voler. Bien

que l‘envolée sur un balai soit le mode de locomotion caractéristique de la sorcière dans

l‘imaginaire occidental, il reste à déterminer si cette dernière a l‘apanage des accès de

colère. À moins qu‘il ne s‘agisse plutôt d‘une humeur changeante auquel cas la femme

mauvaise tient toujours de la sorcière. Une autre interprétation est possible : la femme

fragilisée perd son vernis « civil » et risque de redevenir sorcière158

.

On recense par ailleurs plus de 44 cas où le terme « sorcellerie » ou witchcraft est

mentionné en lien avec des intentions et des pratiques nuisibles, c‘est-à dire dont l‘objectif

est de porter préjudice ou de causer du tort à autrui. Dans l‘affaire Krahn c. Krahn, 2001

C.-B. C.S. 1186 (CanLII) [paragraphe 10], l‘accusation de pratique de la sorcellerie est

assortie de celle de pratiques sataniques. Dans trois cas159

, la sorcellerie est associée aux

pratiques vaudous ou obeah160

. Plus les pratiques présumées sont lointaines ou exotiques,

plus la sorcellerie paraît menaçante et sa réalité englobante. On relève de telles mentions

devant les tribunaux ou commissions responsables des questions d‘immigration et ayant à

rendre des décisions relativement à des demandes d‘asile, provenant principalement de

157

Beaumont c. Bertrand, 2000 BCSC 415 (CanLII). 158

On retrouve d‘autres utilisations des termes de « sorcière » ou « sorcellerie », dans les jugements, tant en

français qu‘en anglais, pour décrire une image sur une carte (Parkolub and Hu c. Canada Revenue Agency,

2007 PSLRB 64 (CanLII) [paragraphe 118]; Stréliski c. Digital Shape Technologies Inc., 2007 QCCS 6326

(CanLII) [paragraphe 24], un costume d‘Halloween (R. c. Sergueeva, 2008 ONCJ 182 (CanLII) [paragraphe

11]), le nom d‘une sorte de poisson le « witch flounder » (la plie grise) ( Kelly & Trinity Sea Products Ltd. c.

Attorney General for Canada, 2007 NLTD 127 (CanLII) [paragraphe 5] ; Canada (Procureur général) c.

Hijos, 2007 FCA 20 (CanLII) [paragraphe 6], du « witching hour » (R. c Houben, 2006 SKCA 129 (CanLII)

[paragraphe 20], le nom d‘une machine de construction « ditch witch » (Decision No. 1713/06, 2006

ONWSIAT 2741 (CanLII)), le titre d‘une satire (Rioux c. Leclair, 2006 PSLRB 12 (CanLII) [paragraphe 32],

le nom d‘un sentier « le sentier de la sorcière » (Desbiens c. Marcellin, 2007 QCCQ 6492 (CanLII)

[paragraphe 5] ou le nom d‘un club « Club de motoneiges des Sorciers de l‘Ile d‘Orléans » (Saint-François-

de-l’Île-d’Orléans (Municipalité) (Re), 2008 CanLII 15372 [QC C.P.T.A.Q.]). 159

X (Dans la situation de), 2006 QC C.Q. 12461 (CanLII) [paragraphe 10]; R. c. Moïse, 1999 CanLII 13215

[paragraphe 5] ; R.c.Pinnock, 2007 CanLII 13943 (On C.S.) [paragraphe 32]. 160

L‘Obeah, ou Obi, est une pratique de sorcellerie folklorique provenant de l‘Afrique centrale et de l‘Afrique

occcidentale. Elle se retrouve également dans les pays de l‘Amérique centrale. La pratique du Obi est

similaire au vaudou et au santaria.

144

ressortissants de pays africains comme le Nigéria et la Tanzanie161

. Ces décisions visent

tant des hommes que des femmes. Il est important de souligner, que dans ces demandes,

les demandeurs tentaient d‘expliquer qu‘ils ne pouvaient pas retourner dans leurs pays

d‘origine par crainte d‘être persécutés en raison de leur pratique de la sorcellerie. Parmi

ces demandes, la moitié ont été accueillies, que ce soit pour une réévaluation de la

demande d‘asile ou tout simplement pour l‘octroi de l‘asile. Ceux qui ont vu leur demande

refusée ne sont pas parvenus à démontrer l‘existence d‘un risque réel s‘ils devaient

retourner dans leur pays d‘origine.

Sous l‘aspect de l‘objet de croyance, la sorcière reste, d‘un point de vue extérieur un

personnage fictif, infréquentable. Y croire dénote soit une instabilité mentale, soit un

climat familial, culturel ou social malsain. Le lien entre l‘instabilité mentale et la croyance

aux sorcières ou à la pratique de sorcellerie se retrouve dans dix cas sur 287 cas

mentionnant de sorcière ou witch162

. Cette croyance est souvent perçue comme un

indicateur de l‘état de détresse ou de désordre mental de la personne soumise à

l‘évaluation d‘un expert, ce qui laisse entrevoir que dans certains cas, il y a une certaine

propension, de la part des spécialistes et des juges, à réduire la croyance à la sorcellerie à

un état pathologique, voire nocif :

Pour la juge Lucie Rondeau de la cour du Québec dans l‘affaire C. (L.-A.) (Re) :

La croyance à la présence de sorcières, la prétention qu‘une tante paternelle

ait jeté un sort à l‘enfant, le visionnement de films d‘horreur et les propos

tenus par l‘enfant tant à son procureur qu‘aux intervenants démontrent un

161

Mhando c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 422 (CanLII) [paragraphes

4, 7, 9, 14, 24 et 28]; Osaru c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1656

(CanLII) [paragraphe 3]; Ashiru c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 6

(CanLII) [paragraphe 13]; Mwakotbe c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2006 CF 1227

(CanLII); Aguebor c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 64 (CanLII)

[paragraphe 2]; X (Re), 2006 CanLII 61435 (C.I.S.R..) [paragraphe 1]; Ajayi c. Canada (Citoyenneté et de

l’Immigration), 2007 CF 594 (CanLII) [paragraphe 16]; Ayodejioyelami c. Canada (Citoyenneté et de

l’Immigration), 2007 CF 579 (CanLII) [paragraphes 1-2]. 162

R.N. (Re), 2003 CanLII 54090 (ON C.C.B.) [paragraphe 12]; D.C. (Re), 2003 CanLII 54111 (ON C.C.B.)

[paragraphe 2];C. (Re), 2005 CanLII 57823 (ON C.C.B.) [paragraphe 6]; H.M. (Re), 2006 CanLII 3891 (ON

C.C.B.) [paragraphe 34]; S.A. (Re), 2007 CanLII 35526 (ON C.C.B.); H. (Re), 2007 CanLII 19775 (ON

C.C.B.) [paragraphe 5]; V.F. (Re), 2008 CanLII 39595 (ON C.C.B.) [paragraphe2]; R.M. c. Hôpital A, 2008

QCTAQ 61052 [paragraphe 14], MP c Hôpital A, 2011 QCTAQ 4405 (CanLII), JM (Re), 2010 CanLII 41583

(ON CCB).

145

climat de vie suffisamment inquiétant pour justifier la prolongation des

mesures d‘urgence163

.

Le scepticisme, voire l‘inquiétude exprimée par la juge face à la croyance en l‘existence de

sorcières va de soi, quoiqu‘il fasse paradoxalement écho aux allégations de sorts jetés. Il

en va autrement dans l‘affaire Dans la Situation de S. (N.), où la sorcière est reléguée au

rang de monstre et de vampire164

dans la conclusion du rapport du psychologue.

Il est à noter que dans ces deux cas, les intervenants cherchaient à établir l‘état

psychologique fragile et l‘environnement malsain d‘un enfant. L‘image de la sorcière est

alors utilisée, entre autres, par l‘enfant lui-même pour décrire ses peurs. Il n‘est pas

difficile d‘extrapoler et de dire que, pour lui, l‘image initiale de la sorcière provient

simplement de contes pour enfants où la sorcière est mauvaise et mal intentionnée. Par

conséquent, il n‘est pas étonnant qu‘elle soit reléguée au rang d‘autres créatures

« imaginaires ». Néanmoins, bien que les professionnels expriment leurs opinions sur

l‘aspect symbolique de la chose, ils semblent exclure deux points : a) l‘instrumentalisation

de ce type de créatures par l‘enfant pour verbaliser des craintes et des émotions réelles et

indicibles, ou encore pour traduire un état émotif et psychologique troublé; b) la possibilité

d‘une pratique contemporaine de la sorcellerie.

Les sorcières existent et font partie intégrante de la société. Elles ne sont pas conformes

aux représentations folkloriques et conduisent aussi leurs enfants à la garderie avant de se

rendre au bureau ou au campus. Malgré la présence dans la société canadienne de certaines

pratiques et croyances contre-culturelles « exotiques », la sorcière de l‘imagerie populaire

n‘est pas la sorcière que l‘on retrouve couramment dans les communautés païennes.

3.2.3 « Chasse aux sorcières », Witch hunt

163

C. (L.-A.) (Re), 2001 IIJCan 17134 (QC C.Q.). 164

Dans la Situation de S. (N.), 2003 IIJCan 10643 (QC C.Q.) Il est à noter également, à titre informatif,

qu‘une sous-culture vampire canadienne existe et que les gens qui en font partie ne sont pas des monstres

pour autant.

146

Parmi tous les termes et expressions du champ sémantique délimité, ceux de « chasse aux

sorcières » et de witch hunt sont de loin les plus couramment relevés. Depuis 1985, dans

plus de 94 des cas répertoriés au Canada et dans les provinces, divers intervenants et

acteurs sociaux de diverses administrations y ont recours. Il est clair que ces individus font

référence aux inquisitions européennes durant l‘époque de la Renaissance où tous les

moyens étaient utilisés pour fabriquer des preuves et recueillir les aveux d‘une personne

accusée de sorcellerie, innocente ou coupable. L‘expression « chasse aux sorcières » est

devenue synonyme d‘abus de pouvoir et de parodie de la justice. On l‘utilise encore pour

mettre l‘accent sur une forme de conspiration contre un individu ou encore pour décrire

l‘atmosphère de suspicion qui entoure une personne. Ainsi, dans l‘affaire LeFrançois c.

Canada (Procureur général), 2008 QCCS 3222 (CanLII) [paragraphe 36] : « Le

demandeur décrit l‘atmosphère de chasse aux sorcières qui a entouré sa suspension et le

simulacre d‘audition qu‘on lui a infligé le 4 mars 2004 devant le ministre. ». Parfois, cette

expression est aussi utilisée pour signaler une limite à ne pas franchir sous peine de tomber

sous l‘inquisition. L‘affaire Asad c. Kinexus Bioinformatics, 2008 BCHRT 293 (CanLII)

[paragraphe 727] en fournit une illustration : « He said that Kinexus‘ objective was to

ensure that Mr. Asad was not discriminated against and that there was ―no witch hunt‖

against Ms. Stoute. »

Il existe encore plusieurs exemples de l‘utilisation de cette expression. Ces deux cas, nous

permettent de voir que l‘utilisation courante du terme « chasse aux sorcières » ou witch

hunt, décrit une situation de harcèlement envers une personne et ne constitue pas une

référence directe à la sorcellerie ou à la Wicca. Il est évident que l‘utilisation de ces

expressions est plutôt métaphorique.

3.2.4 Autres expressions associées

Dans le prolongement de l‘image négative présentée précédemment, il est possible de

trouver des références à la sorcellerie pour désigner le caractère prescient et manipulateur

de certaines opérations exercées dans le cadre d‘une fonction ou d‘un emploi comme dans

l‘affaire I.R.I. Services Ltd. c. Stuart, ou encore le caractère volatile de l‘individu tel que

l‘on trouve dans Beaumont c. Bertrand et al. Dans le premier cas, il y a mention du terme

147

witch doctor par le juge lorsqu‘il fait référence à ce qui a été dit au sujet des comptables en

cause dans l‘affaire Miles c. Clark (1953) : « Accountants are the witch doctors of the

modern world, and they too are apt to deal in unrealities ...165

». Dans cette optique, le

propre des witch doctors est de travailler avec l‘irréalité ou le monde irréel, ce qui

implique que par-delà le monde réel, ils peuvent manipuler des forces et des réalités

invisibles à d‘autres, voire les concrétiser. Dans deux autres cas, soit les affaires R. c.

Waranuk, 2007 YKTC 82 (CanLII) [paragraphe 52] et H.M.Q. c. Waranuk, 2008 YKSC

49 (CanLII) [paragraphe 10], le terme witch doctor possède une connotation très péjorative

puisqu‘il est utilisé pour dépricier quelqu‘un.

3.3 Y-a-t-il une évolution de l’image et des perceptions de la

sorcellerie dans les décisions judiciaires?

Dans la section précédente, plusieurs variantes de l‘image de la sorcière ont été passées en

revue. La question qui subsiste est de savoir s‘il est possible de déceler une évolution de la

perception de la sorcière dans les décisions judiciaires entre 1990 et 2010.

3.3.1 Avant 1990

Pour des raisons découlant de la nouveauté relative du terme, les références à la Wicca

dans les décisions canadiennes rendues avant 1990 sont inexistantes. La pratique

elle-même était à l‘époque peu connue et peu publicisée. Les cercles de pratiquants existent

depuis les années 1960 au Canada et découlent de l‘immigration des premiers de wiccains

anglais. Par ailleurs, une croissance massive des mouvements féministes et dianiques166

californiens a permis à la pratique de s‘installer sur la côte ouest canadienne durant les

années 1970 et 1980. Néanmoins, sur le plan public, l‘appartenance à la Wicca était

discrète et les ouvrages et les références portant sur la pratique étaient peu publiés et peu

165

I.R.I. Services Ltd. c. Stewart, 1992 CanLII 674 (C.-B.C.S.). 166

La tradition dianique, créé par Z. Budapest aux État-Unis, est une pratique éclectique de la Wicca qui se

concentre principalement sur la Déesse, plutôt que sur l‘équilibre des forces entre le Dieu Cornu et la Déesse.

Bien que la Déesse occupe la place principale, le dieu est reconnu, mais comme étant simplement le

partenaire de celle-ci et est invoqué au besoin. Il y a un pourcentage plus élevé de pratiquantes lesbiennes

dans cette tradition. Il y a malgré tout, des hommes qui sont impliqués dans la tradition.

148

connus. De plus, avant les années 1990, la pratique solitaire était mal vue au sein des

cercles païens. Pour bon nombre de wiccains, on ne pouvait être un adepte reconnu que par

l‘initiation à une tradition donnée au sein d‘un cercle (coven)167

. Par conséquent, peu de

gens faisaient partie de la Wicca ou étaient enclins à dévoiler leur appartenance à cette

religion par crainte de subir des représailles.

Si les références à la Wicca sont absentes, il n‘en va pas de même de celles aux pratiques

occultes, à la magie ou encore à la sorcellerie. Elles laissent entrevoir des attitudes de

distanciation allant de la méfiance à l‘accueil réservé suivant le fait que, d‘une part, les

croyances et les pratiques cultuelles contemporaines se font connaître, et que, d‘autre part,

les tribunaux commencent à statuer sur un certain nombre de litiges en matière familiale

(garde d‘enfants) où la religion d‘un parent est mise en cause par l‘autre partie, soit parce

qu‘elle révèle ses mœurs et son mode de vie ou parce qu‘il y a un conflit entre les parents

au sujet de l‘éducation religieuse des enfants.

3.3.2 De 1990 à 2000

Au début des années 1990, la méfiance caractérisait l‘opinion publique. Dans l‘affaire

Athanasopoulos c. Nitz, le mauvais caractère de la mère est imputé en partie à ses intérêts

pour la sorcellerie. Le juge R.B.Harvey mentionne :

With regard to the plaintiff, I find there is some support for his concern that

historically the defendant has been involved in witchcraft, attended black

masses and may have an interest in the occult. In this regard, he objects

during access to the child being exposed to such activities and friends of the

defendant having involvement in such activities. The defendant, at

discovery, admitted she had attended black masses and "dabbled in it" (the

occult) but qualified such evidence at trial as simply expressing an interest in

exploring the subject168

.

La sorcellerie n‘est pas vue de façon favorable puisqu‘elle est associée dans cette affaire à

des messes noires. En outre, l‘avocat insiste sur le manque de sérieux de la mère

puisqu‘elle a avoué faire des « incursions » (dabble in) dans les arts occultes. Le fait que

l‘avocat tente de soulever un doute de la sorte sur le caractère de la mère donne raison aux

167

Généralement à l‘une des trois grandes traditions wiccaines : le gardnérien, l‘alexandrien et le seax-wicca. 168

Athanasopoulos c. Nitz, 1993 CanLII 960 (C.-B. C.S.).

149

inquiétudes du père. Il est évident que peu choses sont encore connues à ce sujet et que

certains stéréotypes trouvent écho au tribunal.

C‘est durant la deuxième moitié des années 1990, en 1996 plus précisément, que

l‘utilisation du terme « Wicca » arrive devant les tribunaux dans une affaire concernant la

garde d‘un enfant en Colombie Britannique (Krahn c. Krahn). Il est à noter que la majorité

des cas faisant mention de la Wicca étaient des affaires de garde d‘enfant où l‘un des

parents était wiccain.

La question de l‘éducation religieuse et spirituelle est probablement l‘un des aspects les

plus délicats lorsque vient le temps de décider de la garde d‘enfants en cas de divorce ou de

séparation. Comme l‘indique Ogilvie : « The fundamental principle of the common law in

relation to custody and access cases, including those in which religious factors are involved

is that decisions should be based on the paramount consideration of the best interests of the

child. » (Ogilvie, 2003, p. 368). Ogilvie poursuit en mentionnant que dans certains cas, les

tribunaux provinciaux estiment qu‘un enfant de parents non mariés prend automatiquement

la religion de la mère. Ogilvie précise toutefois qu‘en l‘absence d‘une telle disposition,

c‘est l‘intérêt supérieur de l‘enfant qui déterminera son éducation religieuse. Dans le cas du

Québec, les deux parents conservent leurs droits et obligations sur l‘éducation des enfants,

et ce peu importe la personne qui a obtenu la garde (Kirouack, 2012, 32/10)169

. Ceci va de

même pour ce qui touche la question de l‘éduction religieuse.

Dans le cas où les parents appartiennent à des croyances ou des confessions différentes, les

tribunaux ne prennent pas de position à savoir si une religion est meilleure qu‘une autre.

In situation where each parent subscribes to a different faith or

denomination, or where there is a conflict between a religious and a secular

parent, or some other conflict of views between the parents about the nature

of religious upbringing for the child, the courts have stated that they also will

not consider whether one religion is better than another for the child, the

courts have stated that they also will not consider whether one religion is

better than another for the child, or make inquiry into relative merits of

different religions on a doctrinal basis. (Ogilvie, 2003, p. 371).

169

Voir D.W.c.A.G. [2003] RJQ 1411 (C.A.)

150

Encore là, nous pouvons voir que ce n‘est pas la nature de la religion qui est en cause, mais

plutôt l‘accent accordé à l‘intérêt supérieur de l‘enfant, ce qui est souligné dans l‘affaire

Krahn c. Krahn où la mère est wiccaine. Son appartenance n‘a pas été retenue contre elle.

La même approche est adoptée dans l‘affaire Alberta (Director of Child Welfare) c. M.K.B.

de 1999 où le tribunal ne considère pas que la croyance de la mère en la Wicca puisse être

nocive ou dangereuse en soi pour l‘enfant. C‘est aussi dans cette affaire que l‘on trouve une

première association entre le paganisme et la Wicca. Le facteur d‘association est

significatif, car cette équation vient atténuer le côté péjoratif perçu de la sorcellerie. Il y a

lieu de se demander si le fait qu‘une religion ou une croyance se trouve en lien avec la

nature soit vu plus positivement que lorsqu‘une religion ou une croyance est associée à la

pratique de la haute magie cérémonielle. L‘association de la sorcellerie et des arts occultes

semble introduire les notions de mœurs troubles et de caractère manipulateur de la part

d‘une personne qui cherche à dominer les forces et son environnement. L‘association avec

la nature, par ailleurs, induit une notion de préservation et de respect de son environnement.

Il est possible qu‘inconsciemment, toutes choses étant égales par ailleurs, les acteurs

judiciaires font écho à la culture ambiante et reçoivent plus favorablement l‘association

entre la Wicca et le paganisme, que celle entre la Wicca et les arts occultes. Bien qu‘une

certaine ignorance perdure quant à la nature de la Wicca, il reste que l‘appartenance du

parent wiccain ne joue pas nécessairement en sa défaveur lorsqu‘il est question de garde

d‘enfants.

Il est à noter que c‘est au cours de cette décennie que la Wicca a connu sa plus forte hausse

de popularité comme nous l‘avons mentionné au début de ce chapitre. Le recensement fait

par Statistique Canada indique une augmentation de 15 550 (281,2 %) au Canada et de

1 120 (533,3 %) au Québec entre 1991 et 2001. Abstraction faite des individus se réclamant

de l‘identité wiccaine, on observe en général une augmentation de l‘intérêt et des créations

artistiques relativement au concept de la sorcière. Les émissions de télévisions, les films,

les reportages, les ouvrages littéraires (fiction et non-fiction) et Internet commencent à

traiter de plus en plus de la sorcellerie, mettant la Wicca et la magie blanche au cœur de la

question. De plus, des associations païennes comme la PFPC (Pagan Federation/Fédération

païenne du Canada) se créent et commencent à effectuer des représentations auprès

151

d‘instances gouvernementales ciblées, notamment l‘aumônerie des prisons, afin de se faire

connaître et de contrer les stéréotypes négatifs associés à la sorcellerie. Une grande

préoccupation semble être d‘établir une distinction par rapport au satanisme. Même si la

mention de ce sujet est rare dans la jurisprudence canadienne, ces pratiques demeurant

ultra-minoritaires. Il n‘empêche que l‘information commence graduellement à circuler par

l‘entremise de divers intervenants sociaux dont des experts de la cour, comme des

psychologues et des travailleurs sociaux, des avocats, des parties et des témoins.

3.3.3 Après 2000

Des changements sont perceptibles à partir de l‘an 2000. On pourrait en inférer qu‘ils

traduisent l‘état du contentieux dressé en début de chapitre. A titre d‘exemple, dans

l‘affaire W. (D.J.A.) c. T. (G.D.), le témoin expert, la psychologue Mme Tholl170

, inclut

dans son rapport171

, au bénéfice de la cour, de la documentation au sujet de la Wicca.

Madame Tholl n‘y exprime aucune inquiétude en soi quant à la pratique wiccaine de la

mère. Cette absence d‘inquiétude est soulignée par le fait que l‘appartenance religieuse de

la mère n‘est pas mentionnée à nouveau et ne semble pas avoir d‘incidence sur la décision

du juge en ce qui a trait à la garde des enfants.

Dans l‘affaire Tall c. La Reine (2005), la Wicca est mentionnée dans une liste de religions

non conventionnelles qui adoptent pour la plupart une approche naturelle de la guérison.

Cette insertion de la Wicca dans la liste par l‘appelant qui n‘est pas wiccain démontre sa

vision du monde et de l‘association qu‘il fait, car la Wicca se voit attribuer le titre de

religion, alors que dans les autres affaires, ce statut de religion est plutôt nébuleux. Cela ne

veut pas dire que la cour estime pour autant qu‘il s‘agisse d‘une religion. Néanmoins,

l‘association thématique à d‘autres mouvements païens ou religions de la nature continue à

faire surface. C‘est surtout à partir de 2002 que les termes « paganisme » et de « païens »

170

Au moment de la décision, Madame Tholl ne semblait pas avoir d‘expertise relativement aux mouvements

religieux. Son expertise se concentre sur le counseling familial. 171

Appendice B de son rapport.

152

commencent à être utilisés plus fréquemment, sans pour autant qu‘ils ne soient perçus de

façon positive172

.

L‘affaire Bolduc c. Bolduc de 2006 CanLII 28099 (ON C.S.) [paragraphe 53], représente

enfin une instance de normalisation de la Wicca dans la jurisprudence. Il y est fait

notamment mention du fait que madame Bolduc est une sorcière de la « foi » Wicca (Wicca

faith)173

. Le simple fait d‘une association entre les termes « Wicca » et « Faith » tend à

traduire une évolution au niveau des représentations. L‘utilisation du terme « foi »

démontre qu‘en dix ans il s‘est opéré un changement notable dans la perception de la

pratique de la Wicca au sein de la population ainsi qu‘au sein du milieu judiciaire. La

Wicca, autrefois perçue comme une simple pratique d‘art mystique, est devenu une

croyance. Bien que le terme « foi » ne soit pas nécessairement approprié pour décrire la

Wicca, il exprime néanmoins une forme d‘assimilation de ses croyances et pratiques à

l‘univers religieux.

3.4 Conclusion

L‘histoire de la sorcellerie, de la Wicca et de la jurisprudence canadienne n‘en est encore

qu‘à ses premiers balbutiements. Que ce soit par l‘invocation des protections offertes par la

Charte des droits et libertés ou par la voie d‘une évolution dans l‘application du Code

criminel, il importe aux wiccains de s‘assurer que leurs droits et leurs croyances soient

respectés.

Le passage de représentations négatives vers des représentations plus neutres se fait

lentement. Il faut dire que, dans la plupart des cas, les croyances du wiccain ne sont pas

directement remises en question. En fait, dans la logique de la procédure judiciaire, elles

sont instrumentalisées par la partie adverse en relation avec le témoignage de vie et de

bonnes mœurs de l‘ex-conjoint ou encore du nouveau partenaire de ce dernier. Si on

examine le corpus des affaires de divorce, c‘est davantage le milieu de vie qui détermine

172

M. K. T. c. T. G. T., 2004 SKQB 162 (CanLII); Baryluk c. Warner Bros. Entertainment Inc., 2005 CanLII

41383 (ON C.S.) ; S.(L.L.) c. G.(E.), 2002 ABPC 88 (CanLII) ; Asashi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté

et de l’Immigration), 2005 CF 102 (IIJCan); Tucker c. Canada, 2003 CF 1008 (IIJCan) ; E. R., Re, 2003

IIJCan 50109 (QC C.Q.). 173

Bolduc c. Bolduc, 2006 CanLII, 28099 (ON C.S.) [paragraphe 53].

153

l‘issue du jugement plutôt que les mœurs. Qui plus est, lorsque le jugement et les aptitudes

parentales entrent en ligne de compte, le facteur décisif se révèle être l‘inaptitude du parent

à discerner une situation potentiellement dangereuse ou encore de pouvoir adéquatement

subvenir aux besoins de l‘enfant. Plus souvent qu‘autrement, la question de la Wicca est

écartée, car elle ne contribue aucunement à la situation présentée devant les tribunaux. Par

exemple, dans l‘affaire criminelle R c. Koehn174

, un portrait de l‘accusé est dressé en

mentionnant, entre autres, son appartenance à la Wicca. Malgré cet effort pour discrédité le

caractère de l‘accusé, ce détail n‘avait pas de poids et n‘a donc pas été retenu comme

élément de décision du tribunal puisqu‘il n‘avait rien à voir avec le déroulement des

événements entourant la mort du fils de sa femme.

Que peut-on conclure quant aux représentations et au traitement judiciaire de la Wicca? Peu

de choses si ce n‘est l‘amorce d‘une tendance vers la normalisation. Le corpus de décisions

reste maigre.

À l‘avenir, certains développements récents au sujet d‘autres minorités religieuses

pourraient avoir une incidence sur le traitement de la Wicca. Le port du kirpan175

en fait

partie. L‘athame, une lame à double tranchant très utilisée dans les rituels wiccains,

pourrait-elle être bannie? Pourra-t-on s‘objecter à la présence d‘enfants à ces rituels? Cela

reste à voir.

Il ne faut pas non plus oublier que des associations comme la PFPC et les Officers of

Avalon travaillent beaucoup en vue de diffuser une image positive des groupes païens et

d‘expliquer en quoi consistent les diverses pratiques païennes. Est-ce que la scolarité et

l‘urbanisation des pratiquants, jumelé aux intérêts environnementaux normalisent l‘identité

wiccaine, les rendant ainsi moins menaçant aux yeux des tribunaux et de la population

générale? C‘est possible. Il incombe alors de vérifier si ces éléments sont effectivement

contributoires à une image positive de la Wicca, et c‘est, entre autres, par l‘entremise des

données du terrain que nous pourrions vérifier si c‘est le cas.

174

R c.Koehn, 1998 Canlii 6780 (C.-B.C.S.) section 117,1998-03-05. 175

Une série de comparutions en cour sur 5 ans dont la dernière est : Multani c. Commission scolaire

Marguerite-Bourgeoys, 2006 CSC 6 (IIJCan).

154

Chapitre 4 : Socio-démographie de la Wicca

We all come from the goddess, and to her we shall return.

Like a drop of rain flowing to the ocean.

We all come from the goddess, and to her we shall return.

Like a drop of rain flowing to the ocean.

Hoof and horn, hoof and horn, all that die shall be reborn.

Horn and grain, horn and grain, all that fall shall rise again.

We all come from the goddess, and to her we shall return.

Like a drop of rain flowing to the ocean.

Sage and crone, sage and crone, wisdoms gift shall be our own.

Crone and sage, crone and sage, wisdom is the gift of age.

We all come from the goddess, and to her we shall return.

Like a drop of rain flowing to the ocean.

Par Z. Budapest (avec le « Hoof and Horn » de Ian Corrigan)

Ce chapitre présente et analyse les données permettant d‘approcher une partie du monde

vécu et perçu individuellement par les wiccains québécois en lien avec

l‘institutionnalisation religieuse au sens large. Le chapitre 5 fournira par ailleurs une

description approfondie de l‘évolution culturelle de la mouvance.

4.0 Enquête par questionnaire

Comme mentionné au chapitre 1, nous tentons de cerner l‘opinion générale qu‘ont les

wiccains québécois sur les enjeux de l‘institutionnalisation par l‘utilisation d‘un

questionnaire. Une attention particulière est portée à l‘organisation de l‘aumônerie païenne

dans les prisons. Les questions sont dirigées et semi dirigées, ce qui permet d‘aller chercher

une grande variété de renseignements nécessaires tant sur le plan socio-démographique que

sur l‘opinion personnelle de l‘informateur relativement aux sujets abordés.

Afin de comparer l‘incidence de différents vecteurs d‘institutionnalisation au sein de la

population de pratiquants francophones et anglophones au Québec, tant en ce qui a trait à

leur idée de ce qu‘est la Wicca qu‘en ce qui a trait à leurs perceptions et à leurs applications

de différents éléments institutionnalisant, le questionnaire a été divisé en six rubriques : les

156

renseignement généraux, l‘itinéraire religieux, les communautés (physiques et virtuelles),

l‘accessibilité des matériaux nécessaires à la pratique, le clergé et les droits et les libertés.

Ces rubriques vont également servir de points de repère à la présence de divers éléments

d‘institutionnalisation au sein de la Wicca québécoise. Il est à noter que les réponses aux

questionnaires sont reproduites ici comme elles ont été données, sans que des corrections

n‘aient été apportées à la grammaire, au style ou à la forme.

4.2 Caractéristiques socio-démographiques

L‘âge des répondants du questionnaire varie entre 19 et 56 ans; la moyenne d‘âge s‘établit à

39 ans. Lors de nos recherches de la maîtrise entre 2001 et 2003, la moyenne d‘âge était de

29 ans (Gagnon, 2008a, p. 72). Cette différence peut s‘expliquer par le fait que les

répondants sont maintenant plus âgés176

, ou simplement que ceux et celles qui ont accepté

de répondre se retrouvaient dans cette catégorie d‘âge. Sur le terrain, on rencontre au

Québec plus de gens dans la mi-trentaine et la quarantaine qu‘il y a 10 ans. Cela laisse

croire que les gens poursuivent le cheminement religieux qu‘ils ont choisi. D‘ailleurs,

parmi les répondants, huit répondants affirment pratiquer la Wicca depuis plus de 10 ans,

dont cinq depuis plus de 16 ans. Pour près d‘un quart des répondants, on compte entre six et

neuf ans de pratique, alors que six des participants pratiquent depuis trois à cinq ans177

. Une

seule personne pratique depuis moins de deux ans. Il en ressort donc une certaine stabilité

dans la pratique.

L‘une des caractéristiques de la Wicca est la forte présence féminine (Berger, 1999, p. 37;

Berger, Leach, Shaffer, 2003, p. 28; Gagnon, 2008a, p. 72). Cet aspect se confirme lorsque

l‘on assiste à des rituels publics ou autres événements publics178

. D‘ailleurs, parmi les

répondants au questionnaire, 18 sont des femmes. La présence des hommes n‘est pas pour

autant négligeable. En moyenne, dans les événements publics, la répartition des sexes se

situe autour de 60 % de femmes contre 40 % hommes. À la question de l‘identité sexuelle,

la catégorie « Autre » avait été incluse au questionnaire pour fournir une option à ceux et

176

En 2001, la fourchette d‘âge variait 19 à 51 ans, ce qui diffère peu de celle de la présente recherche. La

différence s‘établit maintenant par le nombre de pratiquants âgés de 40 ans et plus. 177

Parmi les répondants, un seul n‘a pas répondu. 178

Il convient de se rappeler que lors d‘événements publics, il n‘y a pas que des wiccains, mais également des

gens appartenant à d‘autres branches de pratiques païennes similaires.

157

celles qui se considèrent éventuellement ni homme, ni femme, qui revendiquent les deux

genres ou encore un autre genre179

non considéré habituellement dans les questionnaires180

.

Aucun répondant ne s‘est cependant prévalu de cette option. Le motif de l‘inclusion de

cette catégorie tenait au fait de la rencontre sur le terrain de quelques individus

inconfortables avec les catégories usuelles, qui se considéraient être de deux genres ou

encore qui étaient en processus de changement de sexe. Par conséquent, le choix

identitaire « Autre » aurait permis de prendre en compte non seulement la perception du

genre actuel de l‘individu, mais également de faire appel à sa définition de l‘identité

sexuelle idéale. Cet aspect peut sembler à première vue superflu et peu important, mais

avec le temps, la définition de l‘identité sexuelle d‘une personne se transforme et les

frontières sont plus floues qu‘il y cinquante ans. À cet égard, Helen A. Berger avait parlé de

gendered self et de la réticence qu‘ont certains répondants de la Wicca à indiquer leur

identité sexuelle (Berger, 1999, p. 37).

Partant du postulat que la Wicca est ouverte à la diversité et à la liberté de choix de ses

participants, il nous semblé important de saisir le mieux possible les nuances de

l‘orientation sexuelle des répondants. Il en ressort que 17 d‘entre eux se considèrent

hétérosexuels, trois bisexuels et une personne homosexuelle.

179

On peut y inclure les transgenres, les transsexuels, les androgynes, les trigenres (qui inclut le genre neutre),

ou autres possibilités de genres identitaires. 180

Il est à noter que dans le Pagan Census mené aux États-Unis par Helen A. Berger et Andras Corbin Arthen

entre 1993 et 1995, le questionnaire comprend simplement la mention du genre « sexe » et un espace à

remplir plutôt qu‘un choix fixe, ce qui permet au répondant d‘indiquer son identité au lieu de se voir imposer

un choix identitaire. (Berger, Leach et Shaffer, 2003, p. 242).

158

Figure 3 : Orientation sexuelle des répondants

Bien que la majorité des répondants sont hétérosexuels, on trouve toutefois une bonne

proportion de personnes homosexuelles ou bisexuelles. Même si ce n‘est pas l‘un des

objectifs de cette thèse d‘analyser les diverses implications des rôles de l‘identité et de

l‘orientation sexuelle, il est néanmoins intéressant de noter la présence de celles-ci dans la

Wicca et le monde païen contemporain.

En ce qui a trait à la langue, 15 des répondants ont indiqué le français comme langue

maternelle, et six l‘anglais. Fait notable, 19 des répondants maîtrisent une autre langue.

Ainsi, le deux tiers des anglophones sont bilingues (anglais-français), alors que tous les

répondants francophones se sont déclarés bilingues (anglais-français). Seuls deux

répondantes anglophones sont unilingues. Pour la majorité de ceux qui maîtrisent une autre

langue, l‘anglais est représenté à 78,9 %, suivi du français à 21,1 % et de l‘espagnol à

15,8 %. Deux des répondants anglophones ont mentionné maîtriser une troisième langue

autre. La présence du bilinguisme parmi les francophones démontre en partie le besoin

d‘accessibilité aux informations concernant la pratique. À plusieurs reprises sur le terrain,

Orientation sexuelle des répondants

Hétérosexuelle

81%

Homosexuelle

5%

Bisexuelle

14%

Autre

0%

159

les divers individus ont mentionné le fait qu‘ils ont dû apprendre l‘anglais afin de pouvoir

chercher de l‘information sur la Wicca.

Souvent, lorsqu‘il est question de sorcellerie, l‘idée subsiste, dans la population générale au

Québec, à l‘effet que les sorciers et les sorcières habitent en marge de la société ou encore

dans des villages isolés. Toutefois, la Wicca et la mouvance païenne se retrouvent plus

souvent qu‘autrement dans des centres urbains. Un peu plus de la moitié des répondants

réside à Montréal. On remarque, cependant, que les répondants proviennent de diverses

régions de la province : deux de la Montérégie, deux de Laval et deux du Saguenay Lac-St-

Jean. On retrouve respectivement une personne à Québec, à Lanaudière et en Estrie.

Figure 4 : Provenance des répondants

Étant donné l‘ampleur du territoire provincial, il est clair qu‘il aurait été difficile d‘avoir

des répondants provenant physiquement des 17 régions du Québec. Néanmoins, il a été

02- Saguenay-Lac-St-Jean

9,5 % 03- Québec

4,8 %

05- Estrie 4,8 %

06- Montréal 57,1 %

13- Laval 9,5 %

14- Lanaudière 4,8 %

16- Montérégie 9,5 %

Provenance régionale des répondants

02- Saguenay-Lac-St-Jean03- Québec

05- Estrie

06- Montréal

13- Laval

14- Lanaudière

16- Montérégie

160

possible de rejoindre des répondants en provenance de sept de ces régions181

grâce, entre

autres, à la disponibilité du questionnaire en ligne. Si l‘on compare la provenance des

répondants actuels à celle délimitée par l‘enquête effectuée lors de notre maîtrise, on

remarque que la Wicca et le paganisme commencent à se faire connaître au-delà des

frontières urbaines montréalaises. En 2001, 30 des 39 répondants (77 %) provenaient de

Montréal, quatre de Québec (10 %), 3 de Montérégie (8 %) et une personne respectivement

en Estrie er dans l‘Outaouais (3 %) (Gagnon, 2008, pp. 71-72).

Si on examine le profil scolaire des répondants, on remarque que neuf des répondants ont

un diplôme universitaire. De ce nombre, le tiers serait détenteur d‘une maîtrise. On

remarque également que six des répondants ont un diplôme d‘études collégiales, quatre ont

un diplôme d‘études secondaires et deux détiennent des diplômes d‘études professionnelles

ou des certificats universitaires dans divers domaines. Comparativement au Québec, selon

le recensement de 2006 de Statistique Canada pour la population âgée de 25 à 64 ans182

,

22,9 % des Québécois ont un diplôme universitaire, 17,5 % ont un diplôme collégial,

18,1 % ont un diplôme d‘études professionnelles et 21,1 % ont un diplôme d‘études

secondaires. Les répondants sont des gens instruits puisque plus du trois-quart des

répondants ont un diplôme d‘études post-secondaires. En outre, six d‘entre eux

poursuivaient leurs études au moment de l‘enquête.

En ce qui a trait à la profession, deux des répondants travaillent dans le domaine de

l‘enseignement, des arts ou de la santé. Parmi les répondants, cinq occupent un poste

administratif alors que trois travaillent dans le milieu de la vente. Finalement, il y a

respectivement une personne qui travaille dans les domaines de l‘ingénierie, de l‘édition, de

l‘informatique et dans la fonction publique. Il est à noter que deux des répondants cumulent

deux emplois et que deux autres en ont trois.

181

Malheureusement, certains des questionnaires reçu, n‘ont pas été pris en compte à cause des problèmes

informatiques au niveau de l‘enregistrement des données provenaient de la région de l‘Outaouais. Il est à noté

que cette région compte plusieurs pratiquants wiccains, mais peu de gens ont répondu au questionnaire. 182

Scolarité, Recensement 2006, http://www12.statcan.ca/census-recensement/2006/dp-pd/hlt/97-

560/pages/page.cfm?Lang=F&Geo=CD&Code=24&Table=1&Data=Dist&Sex=1&StartRec=1&Sort=2&Dis

play=All.

161

Les caractéristiques socio-démographiques des membres peuvent être lues comme autant

d‘ancrages de la mouvance wiccaine dans la société environnante et servir d‘élément

d‘appréciation, parmi d‘autres, de son institutionnalisation relative. On peut déjà noter la

stabilité et la durée de l‘engagement spirituel. S‘y ajoute une valorisation certaine du capital

culturel, notamment scolaire, alors que la question de l‘orientation sexuelle traduit une

distanciation critique des répondants par rapport aux conventions sociales. Si l‘on tient en

compte l‘état civil de ceux-ci, on remarque qu‘un peu plus de la moitié déclarent être en

union libre, soit onze répondants, alors que cinq sont célibataires, trois sont mariés et deux

sont divorcés.

Figure 5 : État civil des répondants

À première vue, la prédominance des conjoints de fait peut surprendre. Cependant, cette

statistique semble plus naturelle quand on sait que le mariage conventionnel selon les rites

wiccains a longtemps représenté un obstacle juridique de taille. Dans notre échantillon, ce

résultat touche un peu plus de la moitié des francophones et les tiers des anglophones.

2.4%

1.4% 5.2%

0.0% 1.0%

État civil

célibataire / single

marié(e) / married

conjoint de fait /living partners

veuf (veuve) /widow

divorcé / divorced

162

Toutefois, quand on observe l‘état civil de la population du Québec en général en

comparaison avec celle des autres provinces, on remarque qu‘au Canada c‘est le Québec

qui a le plus haut taux de couples en union libre, soit à 34,6 % des familles. Même si le

Québec compte à lui seul 44,4 % des couples en union libre au pays183

, il reste que le

pourcentage relativement élevé ressortant de l‘enquête indique également ici une

distanciation par rapport aux conventions sociales

Un autre vecteur potentiel d‘institutionnalisation à l‘interne est la présence d‘enfants. Une

question de l‘enquête visait à recueillir cette information. Parmi les répondants, six ont

déclaré avoir des enfants. De ce nombre, la majorité, soit le deux-tiers a déclaré n‘avoir

qu‘un seul enfant, alors qu‘une personne a deux enfants, et une autre quatre. Afin d‘établir

dans quelle mesure cette seconde génération a eu une incidence sur leur pratique, une

question demandait aux répondants s‘ils ont eu leurs enfants avant ou après avoir

commencé à pratiquer la Wicca. Les deux tiers ont répondu avoir eu des enfants après avoir

débuté la pratique de la Wicca. Une question cherchait également à cerner dans quelle

mesure l‘arrivée des enfants avait modifié la façon de pratiquer la Wicca. Pour la moitié des

répondants, l‘arrivée des enfants a eu une incidence, tandis que pour le tiers cela n‘a rien

changé. Une personne n‘a pas répondu. Parmi ceux dont la pratique aurait subi des

modifications, une des répondantes mentionne ceci : « Je dois souvent abréger mes rites. Je

la fais garder pour les cérémonies plus longues mais de façon générale, je pratique quand

elle dort. » (QIF003, P1, Q10.4.1). Il est à mentionner que cette personne avait un enfant de

moins d‘un an au moment de répondre au questionnaire. Une autre indique s‘être tournée

vers une pratique plus communautaire à cause de son fils : « I decided to move from being

a solitary to joining the community so my son could meet people that believed the same

thing as us. » (QPF002, P1, Q10.4.1). Bref, on perçoit ici deux types de changements.

L‘une cherche à gérer le temps dévolu à sa pratique, alors que la deuxième cherche un

appui externe qui facilite l‘intégration de son enfant, à travers un cadre externe, la

communauté, qui vient valider ses croyances et pratiques.

183

Selon les statistiques de Statistique Canada, Recensement de 2006 : Portrait de famille : continuité et

changement dans les familles et les ménages du Canada en 2006 : Provinces et territoires « Série analyse » du

Recensement de 2006.

163

Enfin, pour pouvoir cerner si d‘autre facteurs externes au répondant sont susceptibles d‘être

porteurs d‘institutionnalisation, on a été demandé aux parents wiccains s‘ils avaient déjà

consulté des ouvrages consacrés aux enfants et à la Wicca ou au paganisme. Les deux tiers

affirment avoir effectivement consulté des ouvrages de cette nature. Certains ont mentionné

des titres dont Family Wicca d‘Ashleen O‘Gaea, d‘autres, le livre de Starhawk, Diane

Baker et Anne Hill Circle Round : Raising Children in Goddess Traditions. Il a également

été question de livres de Scott Cuningham, bien que ce dernier n‘ait pas écrit d‘ouvrages

spécifiquement sur le sujet. L‘une des répondantes a également mentionné avoir assisté à

des ateliers (QIF002, P1, Q10.5.1).

Outre le profil socio-démographique, l‘enquête cherchait à cerner l‘affirmation de

l‘appartenance des participants sur la place publique, leur perception de la Wicca en général

et de son rôle dans la société ainsi que des opportunités comme les difficultés particulières

rencontrées par la Wicca au Québec. Ces questions nous permettaient potentiellement

d‘appréhender la portée de vecteurs d‘institutionnalisation internes ou externes à la Wicca.

4.3 Auto-identification

Afin de déterminer le niveau d‘affirmation auto-identitaire, une question portait sur

l‘affirmation ou l‘affichage de l‘appartenance à la Wicca en public. Par le terme

« affirmer », nous entendons le fait de dévoiler son identité à un individu de son entourage.

Le terme « afficher » quant à lui s‘applique au port de bijoux, d‘objets ou autres symboles

d‘identification wiccains.

À la question de l‘affirmation publique de l‘identité, douze des répondants ont indiqué

« oui », trois « non » alors que six ont affirmé ne pas se dévoiler à leurs proches.

Parmi les réponses positives, on retrouve les commentaires suivants :

Je ne sens pas de contraintes venant de ma famille, mes amis, mon travail

ou mes autres activités. Et je ne veux pas garder cet aspect de moi secret.

(Q632, P1, Q11)

164

Je ne cache pas ma religion aux autres, mais je ne le crie pas sur les toits.

Ça fait partie de moi et c‘est tout. (QIF006, P, Q11)

I believe it is part of who I am and I am very honest and open about who I

am. (Q602, P1, Q11)

I like to promote awareness and diminish discrimination. I don‘t feel the

need to hide. I don‘t shove it in people‘s faces, but I don‘t hide it either.

(Q636, P1, Q11)

Je ne le crie pas sur les toits (QIF002, P1, Q11)

L‘idée de « ne pas le crier sur les toits » revient dans quatre des commentaires laissés par

les répondants, qu‘ils aient répondu par la négative ou par l‘affirmative. De plus, parmi

ceux-ci, six des répondants ne cachent pas leur identité et ils expliquent leur appartenance

religieuse si on leur en fait la demande. « Je ne le cache pas, mais je ne l‘annonce pas à tue-

tête non plus. Si l‘on me le demande, je dis la vérité. » (Q603, P1, Q11)

En général, les répondants qui n‘affirment pas leur appartenance invoquent la

méconnaissance et l‘ignorance de ce qu‘est la Wicca pour expliquer de leur position.

Mes amis proches le savent, mais je ne m‘affiche pas pour la simple et

bonne raison que les gens ne connaissent pas [….] (QIF003, P1, Q11).

Je n‘adhère pas en totalité à la neutralité Wicca, je préfère le terme

paganiste païenne. Pour les gens moins informés, j‘utilise par contre le

terme wicca. (Q638, P1, Q11)

Curieusement, pour cette dernière personne, il semblerait que la Wicca soit une

identification davantage connue du public, alors que le paganisme se révèlerait une notion

beaucoup plus large qui engloberait la Wicca.

Pour expliquer de leur discrétion, d‘autres mentionnent des motifs d‘ordre privé :

I answered ―No‖. Close friends know my involvement but I do not

consider this to be ―public‖. (QIM008, P1, Q11).

Ça ne regarde personne. (QPF003, P1, Q11)

165

Par ailleurs, la raison serait un milieu de travail peu propice.

Je ne l‘affiche pas au travail, c‘est un domaine malgré tout assez fermé et

les commentaires occasionnels sur les religions ne m‘y encouragent pas.

(QIF007, P1, Q11)

Les gens avec qui je travaille sont plutôt conservateurs. Mes amis proches

le savent mais c‘est tout. (IF004, P1, Q11)

Mais je ne suis pas Wicce aux yeux de l‘armée, car mon dossier n‘aurait

pas été accepté comme tel. (Q614, P1, Q11)

À la lecture de ces commentaires, il est possible de commencer à cerner quelle catégorie

d‘individus dévoilent le plus souvent leur appartenance. Une question cherchait à savoir

avec qui plus précisément l‘identité wiccaine était partagée. Il est à noter tout d‘abord le

haut taux de réponse à cette question, soit 18. Parmi les répondants, 16 l‘ont dit à leurs

amis. La famille arrive au second rang avec 13 des répondants qui ont dévoilé leur

appartenance à leur famille. Un peu plus de la moitié en ont informé des collègues, alors

que cinq l‘ont déclaré à des représentants de l‘autorité publique.

D‘après l‘analyse, il semblerait que les Wiccains s‘affichent afin de se reconnaître entre eux

plutôt que pour s‘affirmer auprès de leur entourage. On remarque ainsi que 15 des

répondants portent un objet ou symbole quelconque en public. Quels sont les objets les plus

usuels et les lieux privilégiés pour l‘affichage de l‘identité wiccaine? Parmi les réponses

obtenues, trois répondants ont dit qu‘ils portaient en tout temps au moins un objet ou un

bijou184

. Une personne a mentionné qu‘elle n‘en porte pas du tout faute de goût pour la

chose (Q601, P1, Q11.2). Il convient de noter que deux des individus n‘ont pas répondu à

cette question. En ce qui concerne les lieux d‘affichage de l‘identité, 15 individus portent

un bijou à la maison, dix au travail, 16 lors d‘événements publics, et un peu moins de la

moitié en portent à d‘autres moments.

En somme, en observant le niveau global de l‘affirmation et de l‘affichage publics des

répondants, on s‘aperçoit que 12 répondants affirment totalement leur appartenance de leur

184

Ces objets ou bijoux peuvent être des pendantifs, des bagues, des boucles d‘oreilles, ou talisman portant le

pentagramme, des symboles celtiques, une représentation de la déesse sous les trois formes (lune croissante,

plein lune et lune décroissante.)

166

sphère privée, surtout à des amis et aux membres de la famille, et ce principalement lors

d‘événements et à la maison. D‘un autre côté, dans la sphère publique, trois personnes vont

affirmer partiellement leur appartenance, soit publiquement ou soit symboliquement. De ce

nombre, le deux-tiers vont s‘afficher symboliquement, mais n‘affirmeraient pas leur

appartenance en public, alors que le tiers vont l‘affirmer publiquement, mais ne porteront

aucun signe distinctif.

4.4 Auto-perceptions de la Wicca

À la fin de la première partie du questionnaire, une série de quatre questions ciblait la

perception qu‘ont de la Wicca ceux qui s‘adonnent à cette pratique. Comment la nature de

la Wicca, son rôle en société et le propre rôle du wiccain sont-ils envisagés? Qui plus est, il

convenait de vérifier la manière de définir la Wicca afin de déterminer si, selon une de nos

hypothèses, les francophones ont une vision différente de celle des anglophones.

4.4.1 Question portant sur la perception

Pour commencer, on a demandé aux répondants si la Wicca jouait un rôle dans la société. Il

en ressort que 15 des répondants pensent que la Wicca joue effectivement un rôle dans la

société; trois d‘entre eux pensent qu‘il n‘en est rien, alors que trois n‘ont aucune opinion

sur cette question.

Deux éléments se dégagent relativement à son rôle social : l‘écologie (et la nature) de

même que son influence bénéfique sur la société. Ces vues sont partagées par près de la

moitié sept des répondants. Qu‘il s‘agisse de favoriser le respect de la nature, l‘être-en-

harmonie avec la nature ou le retour à la nature, les répondants sont convaincus que la

Wicca conscientise les gens aux questions environnementales. En voici quelques

exemples :

Je crois que oui. Malgré que ce sont les Wiccans qui jouent un rôle. Et

chaque Wiccans vit la Wicca différemment donc influence la société de

façon différente. Avec le tournant vert, le bio et tout ce qui se rapporte à

l‘environnement de plus en plus présent, la Wicca est (d‘après moi) plus

en vogue. (QIF003, P1, Q12)

167

Oui. Le fait de respecter la nature, l‘environnement et d‘effectuer des

rituels de paix et d‘amour ne peuvent qu‘être bénéfiques pour la

collectivité et la société. (QIM005, P1, Q12)

Je crois que la Wicca peut aider la société actuelle par ses valeurs

tournées vers la nature. (Q614, P1, Q12)

Il est évident que pour eux, la Wicca est une religion fondée sur la nature; c‘est elle qui

amène ses adeptes à s‘attribuer ce rôle de gardiens. Il est à noter que le fait qu‘il y ait tant

d‘abus et de pollution dans le monde actuel amène les wiccains à proposer ce rôle de

défenseurs de la nature, car la nature est leur temple qui permet, entre d‘autre médium,

d‘établir un lien direct avec les divinités. Par conséquent, si l‘environnement est détruit,

leur temple l‘est aussi, à l‘instar de plusieurs formes de manifestations divines.

Cet aspect est également soulevé par l‘un des répondants qui ne croient pas que la Wicca

joue un rôle dans son ensemble, mais qui estiment que les questions de l‘environnement et

de la nature jouent un rôle sur le plan individuel.

La Wicca devient donc la voie qu‘empruntent certains adeptes pour exprimer une

préoccupation environnementale souvent absente des grandes religions. Cet aspect recèle

également l‘importante notion d‘équilibre. Pour assurer la survie de l‘espèce, il faut

préserver les ressources primaires. Or, si ces ressources sont affectées, la survie est

menacée. Ce point semble encore plus présent dans les réponses données dans ce

questionnaire que dans celles fournies aux questions du questionnaire élaboré lors de nos

recherches de maîtrise. La question de l‘influence sur la société provient principalement du

fait que les actes posés par les wiccains peuvent influencer la société et les communautés

qui les entourent.

À quelques part oui, puisqu‘il s‘agit d‘une pensée très libre, contrairement

à la croyance populaire au Québec que toutes les religions sont

dictotriales. Je pense également que cette spiritualité amène à une

réflexion sur nos actes en général. De plus, elle prône l‘équilibre dans

tous les domaines, chose qui manque beaucoup dans notre société, les

dépressions en étant selon mon humble opinion un signe. (QIF009, P1,

Q12).

168

Wicca is an important religion that many people are discovering because

it connects spirituality with nature, helps the individual to understand at a

deep non-verbal level the sacredness of nature and why we must all try

and live in as ecologically friendly manner as possible. It also re-connects

people to their world in a gentle way. I believe that disassociation from

the world and nature is a cool cause of depression. So Wicca can bring

peace and healing on a spiritual [level] (QPF002, P1, Q12)

Un troisième élément digne de mention est la perception du rôle de la Wicca en tant que

moteur de la diffusion des idées et de la conscientisation des esprits. Cet élément a été

mentionné par six des répondants.

Yes, we are a spiritual path and all spiritual paths (assuming they cause

no harm) are important each path speaks to some people and helps them

to understand who they are better. (Q602, P1, Q12)

Yes, like any religion, it helps form the minds and intentions of it‘s

practioners/believers and the decisions et actions the make et take in

society. » (Q636, P1, Q12)

Yes. Reawakening the spiritual nature of humanity. (QPF001, P1, Q12)

Le quatrième élément en importance est la transmission de valeurs morales mentionné par

cinq des répondants. Parmi les autres composantes du rôle social de la Wicca tel que le

conçoivent les répondants, on retrouve, avec une importance équivalente, les fonctions

usuelles dévolues aux autres religions, la question de popularité qui normalise à leur yeux

la pratique, et la réponse à un vide ou un besoin spirituel, grâce à l‘intégration des notions

de paix et de guérison que ne peuvent satisfaire les religions traditionnelles (notamment les

religions chrétiennes).

Je crois que la Wicca joue de plus en plus un rôle dans notre société, car

les religions « traditionnelles » (christianisme en particulier) ne répondent

pas toujours à nos besoins spirituels. J‘ai moi même été élevée par une

athéiste, mais j‘ai développé une soif spirituelle qui a été étanchée par la

Wicca. (QIF004, P1, Q12)

Oui. Beaucoup de gens se sont rapprochés de la nature et de leur personne

profonde et ont trouvé en la Wicca ce qu‘ils ne trouvent pas dans d‘autres

religions. (Q638, P1, Q12)

169

D‘ailleurs, cet élément de la transmission des valeurs morales est mentionné par un des

répondants qui ne croit pas ou ne savent pas si la Wicca joue un rôle.

Difficile à dire parce que cette religion n‘est pas assez organisé. Il est très

difficile de regrouper des Wiccains pour se mobiliser à une cause.

Cependant, de façon individuelle, nous contribuons à préserver du mieux

que l‘on peut la Terre en recyclant, compostant et jardinant. De façon plus

ésotérique, nous contribuons par nos prières et nos intentions à sa survie.

Religion qui prône la liberté, la tolérance, le respect. Une seule loi « Fais

ce que tu veux si ne blesse personne » (y compris toi même) ex. si tu

fumes, tu te fais du mal. Un Wiccain ne fume pas, mange bien, fais de

l‘exercice, de la méditation, respecte la nature et les autres ainsi que leurs

idées. Elle n‘est ni patriarcale, ni matriarcale, nous croyons en la dualité

male et femelle des dieux. (QIF001, P1, Q12)

Je ne sais pas. Elle joue un rôle pour moi et pourrait inculquer de

merveilleuses valeurs à notre société, mais je ne suis pas très au courant

de la Wicca à l‘extérieur de ma pratique personnelle et de mes contacts.

(QIF006, P1, Q12)

Certains répondants ont écrit que l‘image de la Wicca est encore trop floue pour la société,

mais qu‘elle joue néanmoins un rôle dans la recharge symbolique de fêtes telles

qu‘Halloween ou l‘Action de Grâces.

Ceux qui estiment que la Wicca ne joue pas de rôle dans la société sont au nombre de deux.

Ces derniers attribuent ce fait à la faible popularité, du courant. Les autres éléments qui

ressortent de façon égale sont la non-reconnaissance de la Wicca par les autorités et sa

relative nouveauté.

Pas encore. Cela fait à peine quelques décennies que la Wicca existe, et

encore moins de temps depuis qu‘on la connaît au Québec. C‘est une

religion encore trop minoritaire pour jouer un rôle significatif au sein de

la société québécoise. (Q603, P1, Q12)

Au Québec la Wicca n‘est pas reconnue par les autorités

gouvernementales et religieuses. (Q604, P1, Q12)

No -- not at this present time. (QIM008, P1, Q12)

170

Comme mentionné au début de cette section, trois des répondants ne savent pas si la Wicca

a un rôle à jouer. Ils estiment que la Wicca joue un rôle sur le plan individuel, mais qu‘en

tant que groupe, ce n‘est pas nécessairement le cas. Cela représente la moitié des aspects

mentionnés par tous les répondants de cette catégorie. « Je l‘ignore. les wiccains, oui, la

Wicca, je ne suis pas sûre. » (IF007, P1, Q12)

La question du rôle dévolu à la Wicca a été approfondie par le biais de l‘action des

wiccains eux-mêmes dans la société actuelle. Cinq points principaux en ressortent.

Premièrement, plusieurs répondants estiment que leur rôle en société ne diffère pas de celui

des autres individus. Cette perception est au moins aussi répandue que celle relative aux

notions de responsabilité et de préservation écologique de la « Terre Mère » et de la

diffusion d‘informations sur la Wicca. Près de dix des répondants, sont de cet avis. Pour

eux, leurs croyances ne sont pas à la source de leur implication sociale.

J‘en parle, j‘explique ce que c‘est et qu‘il faut protéger notre Terre Mère.

Nous ne faisons pas de propagande pour avoir des adeptes mais s‘il y en

aurait beaucoup plus, il y aurait beaucoup plus de tolérance dans la

société, puisque c‘est une religion de tolérance et de respect (QIF001, P1,

Q13).

Je ne crois pas que mon rôle soit différent en fonction de ma religion.

(QIF007, P1, Q13).

Je n‘envisage pas mon rôle en tant que Wiccain dans notre société, car je

considère ma spiritualité très personnelle et je ne partage mes croyances

qu‘avec quelques ami (e) s très proches (et mon conjoint). (QIF004, P1,

Q13)

One has little to do with the other in my opinion. My role in today‘s

society would still be the same regardless of my faith [...] (QIM008, P1,

Q13)

Deuxièmement, au moins le tiers des répondants indique ressentir une responsabilité envers

leur environnement social.

Au jour le jour je suis une citoyenne comme tout le monde, mais parfois

je me vois comme une bienfaitrice pour l‘humanité/la planète, à petit

échelle bien sûr. (Q632, P1, Q13).

171

Mon rôle est le même que celui de mes concitoyens et concitoyennes. Par

contre, j‘essaie de sensibiliser les gens à être plus écologiques et de

recycler quand cela est pertinent. (Q603, P1, Q13).

Dans un troisièmement temps, les répondants sont un peu moins nombreux à exprimer leurs

préoccupations à l‘égard de trois autres aspects : le fait que la Wicca est une démarche

personnelle, le fait qu‘ils se perçoivent comme un exemple à suivre dans la société (à

travers leurs actions), et enfin, le sentiment d‘avoir la responsabilité de conscientiser ou

d‘éclairer leur entourage sur des valeurs spirituelles ou écologiques.

Je suis simplement un personne normale à la recherche de l‘harmonie,

l‘équilibre et la paix intérieure. Le fait d‘être Wiccan est d‘abord et avant

tout un choix personnel qui par ce choix apporte indirectement un rôle

dans la société. Par exemple, du fait de respecter la nature, le recyclage

est alors de mise et cela rapporte invariablement à la société. Il est donc

important d‘envisager ce rôle avec sérieux et implication. Le recyclage

est évidemment uniquement une facette. (QIM005, P1, Q13)

Pour ma part, jai eu beaucoup de difficulté à avoir accès à l‘information

pertinente sur la Wicca. Donc mon rôle à moi, est d‘aider ceux et celles

qui voudraient en savoir plus ou même s‘instruire pour devenir Wiccan.

Ainsi je crois que j‘aide la cause du Wiccan. (QIF003, P1, Q13)

Près du quart des répondants estiment que leur rôle tient principalement à la croissance

personnelle ainsi qu‘à l‘appui d‘autres personnes dans leurs efforts en vue de devenir de

meilleures personnes.

Mon rôle est d‘agir en interaction avec les autres selon la droiture que la

Wicca me dicte (et mes propres valeurs) afin de les influencer à aller vers

une plus saine façon de vivre. (QIF006, P1, Q13).

Par contre, je crois que la Wicca m‘aide à être une meilleure personne, ce

qui a un certain impact sur la vie des autres (et donc de la société)

(QIF004, P1, Q13)

Finalement, le cinquième point est le fait que quatre répondants conçoivent d‘emblée leur

participation dans la communauté païenne comme l‘accomplissement d‘un rôle social.

Wicca is not a big organized religion but rather a grass-roots spirituality,

people meetig in small groups to practice, celebrate and inspire each

other. There are no churches, no bible, no pope, no money! So it may

172

seem that it is not reality a religion but it is. Wicca is the religion of the

people that joins us heart to heart creating peace in small circles that can

resonate out into larger circles. My personal role is as a teacher and

ressource person for Wiccans in my community. (QPF002, P1, Q13)

I am Clergy should anyone need me. I teach. I am available if anyone has

any questions. (Q636, P1, Q13).

Lorsque nous élevons nos cônes de pouvoir185

, il y en a toujours un peur

[peu pour] la communauté (guérison, bien-être, etc.) cette énergie aide et

contribue au mieux-être des gens et de la terre (j‘aime y penser). (Q649,

P1, Q13)

Bien que moins souvent citées, même si elle s‘avère centrale dans la spiritualité, vient chez

d‘autres l‘idée d‘un enchaînement naturel : le simple fait de poursuivre la voie de la Déesse

détermine le rôle qu‘ils jouent dans la société. « I am a daugther of the goddess and my

actions matter. » (Q602, P1, Q13). Il y a également, les aspects touchant la santé, la

promotion de la tolérance et la défense des droits et libertés. Ces trois derniers aspects sont

ceux qui ressortent le moins.

Permettre [p] lus de tolérance, apporter un renouveau pour les

connaissances en physiothérapie, lithothérapie, pour les médecines

oubliées. (QPF007, P1, Q13)

I am an advocate for the Earth. I talk through my actions. I am a healer. I

am a teacher. (Q602, P1, Q13)

Il s‘agit de démystifier religions « païennes » et aider les miens à vaincre

la peur de se dévoiller puisque nous avons droite à notre liberté religieuse.

(Q614, P1, Q13)

Afin de poursuivre l‘examen des perceptions, une question ciblait les plus grandes

difficultés rencontrées par les wiccains au Québec. Selon les réponses obtenues et ce, peu

importe la langue des répondants, l‘une des plus grandes difficultés invoquées par le tiers

des répondants fut celle de faire face aux préjugés de la population québécoise. Parmi ces

185

Le cône de pouvoir auquel cette personne fait référence est produit par des chants répétitifs ou des danses

rythmiques lors d‘un rituel. L‘énergie générée est alors dirigée vers le centre du cercle (l‘autel de préférence)

ainsi que vers les endroits jugés nécessaires. En cas de surplus résiduel d‘énergie, il est fortement encouragé

de retourner ce surplus vers la terre en touchant le sol de ses mains.

173

préjugés on fait état de l‘amalgame – notamment avec le satanisme (mentionné par trois

répondants) – et de l‘ignorance de la Wicca (mentionné par cinq répondants).

Fear of society‘s attitude towards us, and a general prejudice based on lack

of understanding, i.e.- being branded as Satanists. (PF001, P1, Q15)

Les préjugés qui font croire que le Wicca est une forme de « religion du

diable ». (IF004, P1, Q15)

Unfortunately there are still prejudices against Wiccans, people seeing us as

a cult or devil-worship. (PF002, P1, Q15)

L‘opinion public. Les Wiccains sont considérés comme des sorcières et ce

terme reste un peu tabou. Aussi, la possibilité de lieu de culte/gathering.

(638, P1, Q15)

Parmi les répondants qui habitent à l‘extérieur de la région de Montréal, le tiers indique que

l‘une des principales difficultés est celle de trouver et de rencontrer d‘autres wiccains ou

païens, ainsi que les problèmes rencontrés avec les membres d‘autres groupes religieux plus

traditionnels.

La difficulté de se rencontrer, il n‘y a pas vraiment de temple puisque la

nature est notre temple. (IF001, P1, Q15)

D‘abord, vivant en région, c‘est d‘être capable de rencontrer d‘autres

wiccans. Mais aussi, il peut être difficile d‘avoir un dialogue avec les

catholiques intégristes. (614, P1, Q15)

La plus grande embûche est inévitablement le manque de pratiquant avec qui

échangé. Malgré l‘avènement d‘Internet, il demeure difficile d‘entrer en

contact avec des gens ayant des intérêts similaires. Il est encore plus difficile

de trouver un coven ou des groupes communautaires Wiccan qui sont

sérieux. (IM005, P1, Q15)

En importance, la troisième difficulté rencontrée est celle du manque de renseignements ou

d‘ouvrages en français. Comme mentionné au premier chapitre, il existe peu d‘ouvrage en

français, sans compter que les textes « canons » de la Wicca n‘ont pas été traduits dans

cette langue. Cela soulève pour les pratiquants francophones la question de l‘accessibilité

aux notions de base de leur pratique ainsi qu‘à d‘importants concepts dont on ne trouve pas

174

trace dans le vocabulaire en français. Cet aspect est souligné tant par les francophones que

par les anglophones.

Having lived here a little over a year I find it hard to answer this given the

fact that I‘m in Montreal I have found more diverse community, and

resources the these that were available to me on PEI but over all I would say

maybe adequate French reading materials. (602, P1, Q15)

D‘avoir peu de documentation en Français. (IF002, P1, Q15)

The issue of language -- a lot of the texts that are considered integral are not

available in French. The very words and terms will sometimes carry

different meanings such as the term ‗Wiccan‘. (IM008, P1, Q15)

Trouver des ouvrages fiables dans notre langue maternelle, de trouver un

coven hors la grande métropole, la communication. (IF009, P1, Q15)

Parmi les autres difficultés rencontrées, il y a celles avec les religions judéo-chrétiennes,

l‘influence négative des émissions de fiction de la télévision ou le cinéma, l‘individualité

ainsi que la perception du peu de reconnaissance et d‘acceptation par les autorités.

L‘individualité; plusieurs petits groupes fermés et beaucoup de solitaires.

(649, P1, Q15)

Nous sommes pratiquement invisibles parce que nous ne sommes pas

reconnus ni acceptées. (604, P1, Q15)

L‘une des répondantes a mentionné le fossé qui existe entre les deux langues dans la

province comme étant l‘une des difficultés rencontrées.

L‘histoire du Québec et de la guerre entre ses deux langues officielles, parce

qu‘en ce moment, il y a un fossé dans la communauté selon la langue. Hors

en europe, malgré le nombre de langues utilisées, ce fossé n‘existe pas.

(IF007, P1, Q15)

4.4.2 Question portant sur la définition

La Wicca signifie deux choses différentes pour les francophones et les anglophones du

Québec, tant sur le plan de sa pratique que de sa nature en elle-même. Du moins, c‘est ce

que l‘on remarque sur le terrain. Pour cette raison, et afin d‘explorer cette hypothèse, il a

été demandé aux répondants de définir, dans leurs mots, ce qu‘est la Wicca. La présentation

175

des réponses obtenues dans la langue originale permettra d‘illustrer ces différences. Il est à

noter que même si l‘individu s‘est initialement identifié anglophone ou francophone,

certaines de leurs réponses sont parfois rédigées dans l‘autre langue.

Voici ce qu‘ont répondu les anglophones186

:

A spiritual practice, a community of kindred spirits, a set of beliefs. (PF001,

P1, Q14)

Wicca is an organic religion that allows the practitionner to connect with the

Divine in Nature and in him/her self. (PF002, P1, Q14)

Une ouverture d‘esprit sur ce qui nous entoure, la nature, les animaux, la

différence […] (PF003, P1, Q14)

A nature based polytheistic spiritual path. Where everything is connected.

(602, P1, Q14)

As a living et evolving religion of self et nature. It‘s definition will vary

from one individual to another. (636, P1, Q14)

Les francophones de leur côté ont définit la Wicca comme suit :

Religion qui prône la liberté, la tolérance, le respect. Une seule loi « Fais ce

que tu veux si ne blesse personne » (y compris toi même) ex. si tu fumes, tu

te fais du mal. Un Wiccain ne fume pas, mange bien, fais de l‘exercice, de la

méditation, respecte la nature et les autres ainsi que leurs idées. Elle n‘est ni

patriarcale, ni matriarcale, nous croyons en la dualité male et femelle des

dieux. (IF001, P1, Q14)

Vivre en harmonie avec les cycle de la Terre. Vénérez le Dieu Cornu et la

Déesse. C‘est un mode de vie où nous sommes axés sur l‘environnement et

les autres. (IF003, P1, Q14)

Une croyance en la balance des éléments, qu‘ils soient divins (Lord and

Lady), ou terrestres (jour et la nuit, mâle et femelle, lune et soleil, mort et

naissance, été et hiver, etc.). (IF004, P1, Q14)

Un mode de vie philosophique, une croyance qui se définit par notre vision

personnelle. La Wicca est avant tout un mode de pensé au cœur duquel

186

À noter que l‘une des répondantes a demandé de l‘appeler pour donner sa réponse, car elle était trop

difficile à écrire. Il a été difficile de la joindre de quelque manière que ce soit.

176

repose le respect de la terre, de la nature, mais aussi l‘utilisation de la magie.

(IM005, P1, Q14)

Tradition païenne moderne découlant de pratiques anciennes, surtout

celtiques, et basée sur la transformation de l‘énergie (c.-à-d. magie). (632,

P1, Q14)

Une résurgence moderne d‘un culte très antique, un retour vers les énergies

de la terre dans un plus gran amour et respect de la terre. (604, P1, Q14)

La Wicca est une retour aux sources, une base et un équilibre naturel. Une

reconnexion avec nos racines, la nature et nous. (649, P1, Q14)

Une religion de respect et de compréhension envers les autres humains, soi-

même et le monde le bien-être, l‘avenir et la cohésion de ces trois éléments.

(IF006, P1, Q14)

Une tradition païenne initiatique. (IF007, P1, Q14)

La Wicca est une sous-catégorie de religion de sorcellerie néo-païenne. Elle

est fortement basée sur la pratique de la magie cérémonielle, la croyance à la

dualité divine masculine et féminine, et à la nature cyclique du passage des

saisons. (603, P1, Q14)

If by Wicca, you mean ‗Paganism‘ and my particular beliefs... I believe that

the model of creation is a duality. I believe that creation itself is divine and

we, by extension, are equally divine -- no more nor less than anything else in

creation. We are are all part of a whole. Paganism recognizes this point.

(IM008, P1, Q14)

Comme une spiritualité prônant l‘équilibre, la réflexion et le respect de toute

chose. (IF009, P1, Q14)

Une « avenue » spirituelle inspirée des Druides Celtes mais plus ouverte

incluant des divinités appartenance à d‘autres cercles religieux/panthéons.

(638, P1, Q14)

C‘est une croyance animiste qui accepte la présence de plusieurs dieux dans

son panthéon. C‘est une religion de la nature qui remet à jour les rites et

croyances « païennes ». Nous sommes moralement guidé par le « Rede

Wiccan » et la loi du triple retour. (614, P1, Q14)

Plusieurs thèmes récurrents ressortent du propos des répondants anglophones : la nature et

l‘environnement, l‘idée de connectivité ou de posséder une vision holistique du monde

parmi le tiers des répondants anglophones. La référence à soi est également présente.

177

Chez les francophones, les thèmes de la nature et de l‘environnement ressortent également

chez sept des répondants mais à ceux-ci se greffe celui de la nature polythéiste de la Wicca

(dans la moitié des définitions) avec un accent mis sur la dualité des divinités. De surcroît,

pour cinq des répondants francophones, il est clair que la Wicca est la reconstruction ou la

résurgence d‘une religion païenne ancienne. Les thèmes de la tolérance et du respect sont

exprimés par le tiers des répondants francophones. Dans cette même proportion, on

retrouve le souci de soi et la réflexivité autour desquels les répondants semblent axer l‘objet

de la Wicca.

On note également que les répondants qualifient la Wicca tantôt de religion, tantôt de

spiritualité. Cette ambiguïté sur la nature de la Wicca était présente lors de l‘enquête de

2001.

4.5 Les itinéraires religieux

L‘itinéraire religieux du répondant importe dans la mesure où il permet de réfléchir tout à la

fois à la manière dont il a connu la Wicca, ainsi qu‘aux processus cognitifs et aux sources

d‘autorité qui ont guidé le répondant vers l‘identification à une religion païenne.

Pour la moitié des répondants anglophones, le premier contact avec la Wicca a été établi

par l‘entremise de livres, alors que pour le tiers d‘entre eux, il a été initié par des amis. Pour

onze francophones, le contact initial par l‘entremise de livres. Par ailleurs, le tiers des

francophones mentionnent avoir découvert l‘existence de la Wicca par Internet et

seulement trois personnes ont connu la Wicca par l‘entremise d‘amis. Il est à noter

qu‘aucun répondant anglophone n‘a connu la Wicca par Internet. Globalement, abstraction

faite de la langue maternelle, le deux tiers des répondants ont connu la Wicca par des livres.

Bien que les amis soient la deuxième source de connaissance initiale, aucun répondant n‘a

connu la Wicca par l‘entremise d‘un membre de sa famille. Cela indique notamment que

les répondants appartiennent à une première génération de pratiquants, un trait maintes fois

validé par la rencontre d‘individus adultes sur le terrain. Quelques personnes ont été

introduites à la pratique ou à d‘autres formes de paganisme par l‘entourage familial. Elles

178

faisaient l‘exception. Par contre, un nombre croissant de pratiquants ont de jeunes enfants

et adolescents, et ces derniers participent à des activités pour jeunes, tel que le Young

Pagan Circle de Montréal187

. Étant donné qu‘ils n‘ont pas l‘âge minimal requis pour

répondre au questionnaire, ils n‘ont pas été approchés.

L‘une des sous-hypothèses de la recherche veut qu‘Internet joue un rôle important dans la

diffusion de la Wicca au Québec. En effet, lorsque les répondants francophones ont fait

mention de leur contact initial, le tiers a indiqué qu‘il s‘agissait d‘Internet. Aucun

répondant anglophone ne le mentionne. À première vue, cela semble indiquer qu‘Internet

joue principalement un rôle d‘introduction pour les répondants francophones, rôle

davantage dévolu à l‘entourage pour les répondants anglophones Cela pourra maintenant

être exploré davantage grâce aux réponses aux questions qui suivent.

Parmi les répondants, le quart mentionnent d‘autres sources de contact initial avec la

Wicca : la nature, les magasins — le Mélange Magique ou Charmes et sortilèges à

Montréal — ou encore les cours sur la magie et la sorcellerie suivis au niveau collégial.

D‘autres ont indiqué la visite du Montreal Psychicshow ou encore la participation à des

jeux de rôle grandeur nature188

. Un répondant francophone mentionne que son contact

initial a été établi suite à une série de coïncidences et d‘événements fortuits, alors qu‘une

répondante anglophone a mentionné qu‘il a découlé de sa participation à un atelier de

Starhawk.

Néanmoins il n‘empêche que le contact initial, peu importe la langue des répondants, a

principalement été établi par l‘entremise de livres. Cette situation peut être problématique si

on considère l‘indisponibilité d‘ouvrages de base mentionnée précédemment.

Si les moyens ayant permis le contact initial avec la Wicca varient, l‘attrait pour la Wicca

est également diversifié. Premièrement, 17189

des répondants indiquent que les croyances

associées à la Wicca comptent parmi les sources d‘attrait. La deuxième source d‘attrait en

187

Voir annexe E : dépliant du Young Pagan Circle. 188

Les jeux de rôle grandeur nature (elfes, trolls, nains, sorciers, chevaliers, etc.), selon le tableau ou l‘époque

mis en scène, réfèrent à des manifestations théâtrales vécues dans un cadre naturel propice, par exemple en

forêt. Les individus se costument et incarnent un personnage convenu pendant la durée des festivités. 189

Il convient de mentionner que les répondants pouvaient donner plus d‘une réponse.

179

importance est la magie (12 répondants), suivie de la figure de la déesse (11 répondants).

La proximité de la Wicca et de la sorcellerie a été mentionnée par neuf des répondants.

Absents des choix de réponse, mais indiqués dans la section « Autre », la nature et

l‘environnement semblent détenir une place importante pour le tiers des répondants. Parmi

les autres sources d‘attrait se trouvent la mythologie, l‘équilibre des dieux, la possibilité

d‘être créatif ainsi que celle de se doter d‘outils de développement personnel et de

connaissance de la médecine naturelle. Ainsi, huit des répondants ont sélectionné

l‘ensemble de ces dernières réponses.

Sur le plan de l‘itinéraire religieux, on remarque que dix des répondants proviennent du

milieu catholique romain. Ce qui reflète les résultats obtenus lors de la recherche à la

maîtrise (Gagnon, 2008, p. 80). Il n‘est donc pas surprenant que de de nombre, neuf

d‘entre-eux soient francophones, car la province est majoritairement francophone et

catholique.

Si on consulte les autres réponses données à cette question, il est intéressant de noter le fait

que quatre des répondants mentionnent deux affiliations religieuses précédentes alors

qu‘une personne en mentionne trois. Deux individus n‘ont pas répondu à la question. Parmi

les autres religions indiqués, quatre personnes note qu‘à part égale qu‘ils ont été

précédemment athés, païens ou tenants de l‘occultisme (druidisme, kabbale, autres formes

de sorcellerie). Deux ont été bouddhistes, alors qu‘une personne a mentionnée avoir été

hindouistes, une autre protestante et une autre a pratiqué d‘autres formes de christianisme.

Finalement, dans la catégorie « Autres », deux individus ont indiqué qu‘ils avaient été

agnostiques ou avaient leur « propre religion » (IF006, P2, Q4).

Lorsque l‘on se penche sur les raisons pour lesquelles les répondants ont délaissé leurs

anciennes appartenances, on remarque que neuf de ceux-ci mentionnent que leur

appartenance précédente ne répondait pas à leurs besoins.

J‘ai d‘abord fait l‘apostasie par simple désaccord avec la religion catholique

romaine. Je trouvais que ma place n‘était pas dans celle-ci. Ensuite, une fois

l‘apostasie effectuée, j‘ai fait la recherche d‘une religion qui me conviendrait

et la Wicca fût celle qui rencontra mes critères. (IM005, P2, Q4)

180

Found a new path that addressed my beliefs better. (IM008, P2, Q4)

Elle ne me correspondait pas et j‘ai toujours été attirée par la magie depuis

mon enfance. (IF009, P2, Q4)

D‘autres raisons invoquées révèlent que quatre des répondants n‘étaient pas en accord avec

les pratiques ou les positions de leur ancienne affiliation190

. « I never felt confortable. I

disagreed with some of the practices "in the name of Jesus/God". » (636, P2, Q4). « Ne me

rejoins pas. Je n‘aime pas la façon qu‘a l‘Église catholique de voir la femme. Mais ceux qui

y croit on le droit. » (IF003, P2, Q4). D‘ailleurs, cette idée de la position et du traitement de

la femme dans l‘ancienne appartenance des répondants est avancée par trois de ceux-ci.

Certains indiquent le fait que leur religion précédente était trop patriarcale (deux

répondants) ou était trop autoritaire, intolérante et limitée (deux répondants).

Catholism did not resonate with me and Hinduism became too restrictive and

patriarcal. (PF002, P2, Q4)

C‘est une religion qui impose ses règles, qui fait passer l‘amour de Dieu

avant toute chose dans ses commandements, totalement patriarcale, les

femmes n‘y ont pas leur place à moins d‘être des servantes. Marie est la

seule survivante des anciennes religions depuis que l‘homme a dénigré la

femme. (IF001, P2, Q4)

Parmi les autres motifs de la désaffiliation se trouvent la lourdeur des religions du livre

(une personne) et les influences positives de la Wicca (huit personnes). Une répondante a

affirmé ne pas avoir tout à fait quitté son ancienne appartenance, mais l‘avoir plutôt adaptée

à sa croyance actuelle.

Je n‘ai pas renié le catholicisme. Pour ce qui est de la sorcellerie, j‘ai

seulement appris à changer mes termes pour la Wicca, qui se rapprochait le

plus de mes croyances. (614, P2, Q4)

Sur le terrain, le syncrétisme se pratique à divers degrés, entre les diverses religions

étudiées et fréquentées par les wiccains. À maintes reprises, des individus ont fait état du

fait qu‘ils conservent des éléments de leur ancienne appartenance, par exemple,

190

Cet aspect est également souligné par Kevin Marron dans Witches, Pagans & Magic in the New Age, 1989,

p. 101.

181

l‘émergence d‘un groupe mélangeant le christianisme à la Wicca dont les adeptes

s‘identifient en tant que wiccains chrétiens (Christian Wicca).

La frontière entre les identités religieuses et spirituelles semble poreuse, et ce, même si

certains apostasient de la religion catholique afin de faire une démarcation nette. La Wicca

est une religion initiatique, ce qui implique que ses membres sont initiés aux mystères de la

pratique par un coven ou par eux-mêmes. Néanmoins, les modalités de l‘initiation varient

grandement, ce qui explique diverses pratiques de démarcation. Ainsi, les deux tiers des

répondants anglophones ont été initiés. Parmi ceux-ci, la moitié se sont eux-mêmes initiés à

la Wicca alors que l‘autre moitié a été initiée par un coven et s‘est initiée elle-même.

« Initiation » means to begin something. I‘ve chosen to dedicate myself to

my chosen path early on but I do not consider this to be the same as an

Initiation. The moment I began to study and practice, both solo and as

part of a group, I was « Initiation » my practice. (IM008, P2, Q6)

I self-initiated and was also initiated by a coven later on. (PF002, P2, Q6).

Du côté des répondants francophones, deux ont été initiés en coven alors que neuf individus

se sont initiés eux-même. Deux répondants mentionnent qu‘ils attendent le bon moment :

« J‘attends le bon moment avant de m‘initier. Ça ne presse pas. Je préfère que ce soit fait

avec ma bonne conscience et une bonne préparation. » (IF009, P2, Q 6), alors que trois des

répondants considèrent que cela n‘est pas nécessaire. Deux répondants ont inscrit « Autre »

à cette question. Une seule personne a fait les deux. Le fait qu‘il existe peu de covens en

dehors de la région de Montréal rend l‘initiation par coven plus difficile, d‘où la forte

présence de pratiquants solitaires au Québec.

Je me suis auto-initié puisqu‘il n‘y a pas de coven au Saguenay lac St-

jean. De plus, je suis wicce ecclectique, ce qui ne m‘associe à aucun

penseur. (614, P2, Q6)

Lors de nos recherches précédentes sur le terrain entre 2001et 2003, nous avons remarqué

que l‘itinéraire du répondant pouvait influencer sa pratique de la Wicca (Gagnon, 2008a,

pp. 96-97). Nous avons également constaté que les personnes initiées dans un coven avaient

tendance à avoir une pratique plus ritualisée que les pratiquants solitaires. L‘un des

182

éléments utilisés pour en arriver à cette conclusion était le respect du calendrier wiccain

connu sous le nom de la « Roue de l‘année ». Ce calendrier marque les célébrations

importantes de la Wicca, lesquelles se tiennent aux solstices et aux équinoxes. Ces

célébrations sont connues sous le nom de Sabbat. À l‘occasion des pleines lunes, elles

prennent le nom d‘Esbat. L‘observance exacte des sabbats et des esbats devient un

indicateur de la ritualisation de la pratique. D‘ailleurs, lors de nos précédentes recherches

sur le terrain, ceux qui avaient une pratique religieuse plus institutionnalisée, tel que le

catholicisme romain qui accorde une plus grande importance à l‘observance des rituelles,

avaient tendances à accorder également une importance aux dates du calendrier wiccain,

que cela se fasse de façon consciente ou inconsciente (Gagnon, 2008a, p. 106). Lors de nos

présentes recherches sur le terrain, dix des répondants ont indiqué qu‘il était important pour

eux d‘observer les dates du calendrier wiccain.

Very important as I connect with the changing aspects of the God and

Goddess through the wheel of the year, which brings me a deeper

realization of divinity. (PF002, P2, Q7)

C‘est important puisque c‘est la base des célébrations. Nous célébrons la

nature et ses manifestations, les pleines lunes, les équinoxes, les solstices,

les changements de saison. Cependant, avec la modernité, certains

ajustements doivent être faits. Dans notre cercle, nous célébrons le samedi

soir le plus près d‘un Sabbat ou d‘un Esbat. (IF001, P2, Q7)

Yes, I celebrate the wheel of the year. It helps me also to be very aware of

where I am in my own life and where I am heading, and of the cyclical

nature of all things. (602, P2, Q7)

Fait étonnant, neuf des répondants ont mentionné l‘importance de souligner les sabbats et

esbats en même temps que la nécessité d‘adapter le calendrier selon leurs besoins.

Oui et non. J‘aimerais observer toutes les dates importantes telles que

Sahmain mais je ne suis pas assez « dévouée ». La vie moderne fait

intrusion... mais plus dernièrement, je ressens un réel besoin d‘observer

les rituels. J‘aurais juste besoin de créer un espace sacré permanent au

lieu de tout garder dans un coffre (ce qui rend les choses plus difficiles).

(IF004, P2, Q7)

Les fêtes qui composent la roue de l‘année sont pour moi importantes.

Cependant, elle ne sont pas nécessairement signe de rituel. Certaines fêtes

183

sont souvent fêtées dans la simplicité sans la présence de la magie. Le

côté spirituel est plus important pour moi que le côté magique. (IM005,

P2, Q7)

How precise is precise? I will observe the Wheel of the Year in different

ways depending on the year and who I may or may not be practicing with.

I acknowledge the passing year in various ways but I always

acknowledge it. (IM008, P2, Q7)

Je pense qu‘il est important de s‘arrêter pour les sabbats, de réfléchir à ce

que le monde nous donne par le sacrifice du Dieu/fertilité de la déesse.

Par ce fait même, c‘est également une bonne occasion de faire un bilan

sur notre vie depuis le dernier cycle. Toutefois, tout comme l‘initiation, ce

doit être fait lorsque l‘on se sent prêt. (IF009, P2, Q7)

Toutefois pour deux d‘entre eux, le respect exact du calendrier n‘est pas nécessaire, tant

que les célébrations en soi sont observées ou encore s‘ils en ont besoin.

Les éléments qui ressortent le plus parmi les diverses réponses données à la question sur

l‘observation précise des dates du calendrier wiccains sont le fait que le moment exact n‘est

pas obligatoire (dix répondants) et que l‘observation du calendrier permet, sur le plan

personnel, de célébrer les changements de la vie (sept répondants). Il s‘agit également d‘un

moment de réflexion (cinq répondants), d‘un moment pour célébrer la nature (cinq

répondants) et les cycles solaires (cinq répondants), sans compter que le calendrier est une

base sur laquelle se fier pour les célébrations (quatre répondants). Plusieurs observent que

cela permet de créer un lien avec les déités (trois répondants) et rend la pratique plus

spirituelle (deux répondants). Il est à signaler qu‘il n‘y avait pas de différence majeure entre

les pratiquants anglophones et francophones, ni entre le fait d‘habiter dans la région de

Montréal ou non.

Dans les milieux païens et wiccains, il n‘est pas rare pour un individu de revendiquer plus

d‘une identité. Wiccain, sorcière, païen ou autre deviennent, dans certains cas, des identités

utilisées en alternance pour marquer une appartenance à divers groupes de personnes. Outre

la validation de ce trait, l‘enquête cherchait à explorer des différences éventuelles entre

anglophones et francophones sur cette question. Une question ciblait l‘identification, et

demandait aux répondants comment ils s‘identifiaient (en tant que wiccain, sorcière, païen

184

ou autre). Il convient de mentionner que les personnes interrogées pouvaient indiquer plus

d‘une catégorie.

Certains des répondants se sont prévalus des choix offerts. Six répondants ont indiqué

s‘identifier aux trois identités (wiccaine, sorcière et païenne). De plus, deux individus ont

également choisi les trois identités en ajoutant également une réponse dans la catégorie

« Autre ». D‘autre part, deux ont déclaré utiliser deux identités, soit celle de sorcière et un

autre, soit celle de sorcière et de païenne. La majorité des répondants (12 répondants) n‘ont

sélectionné qu‘un seul choix : païenne (quatre personnes), wiccaine et sorcière (à trois

personnes pour chacune des identités) et autre (deux répondants).

En analysant les données, on s‘aperçoit que trois des anglophones se réclament de l‘identité

wiccaine, alors que six des francophones s‘identifient comme tel. L‘identité de « sorcière »

est prise par les francophones, soit six personnes, alors que cinq anglophones se

l‘approprient. D‘ailleurs, huit francophones utilisent également le terme « païen », alors que

ce terme est utilisé par trois des anglophones.

À première vue, les femmes anglophones se considèrent plutôt sorcières et païennes que

wiccaines, bien que la moitié d‘entre elles déclinent également cette identité. Parmi

celles-ci, certaines se disent simplement différentes (PF003, P2, Q8), ou encore spirituelles

et sorcières. (601, P2, Q8).

Comparativement aux femmes anglophones, l‘ensemble des femmes francophones qui

vivent à l‘extérieur de la région de Montréal se considèrent plus comme étant wiccaines que

celles qui habitent la région de Montréal (cinq répondantes). Le tiers de celles-ci se

considèrent également sorcières et païennes, tandis que trois des femmes francophones se

considèrent uniquement païennes. Ces mêmes femmes ont tendance à s‘identifier sous une

seule affiliation (deux-tiers d‘entre-elles), alors que la moitié de celles qui habitent

Montréal se réclament de plusieurs. Parmi les femmes francophones de Montréal, le tiers

s‘identifient à la Wicca et se disent également sorcières et païennes. Cela est probablement

dû au fait que plus d‘information et de ressources sont mises à leur disposition, ce qui leur

permet d‘avoir une meilleure appréhension des différences éventuelles entre chacun des

185

courants d‘affiliation. Du côté des hommes francophones, l‘identité wiccaine ne semble pas

être considérée comme le premier choix. Sorciers, païens et même magiciens cérémoniels

ont été mentionnés et sélectionnés, mais non wiccains.

Les différences observées entre les répondants anglophones et francophones semblent être

reliées en partie à la localisation. Parmi les répondants, ils semblent que les francophones

n‘habitant pas la métropole ont davantage tendance à utiliser le terme « wiccain » que les

anglophones. Cela est probablement attribuable au fait que le concept et la définition même

de Wicca sont différents dans les deux langues, comme nous l‘avons constaté lorsque nous

leur avons demandé de définir la Wicca. Les distinctions entre les diverses catégories

identitaires sont plus claires au sein des répondants anglophones. Par conséquent, il n‘est

pas surprenant que dans cet échantillon ce ne sont pas tous les répondants qui s‘identifient

en tant que wiccains191

.

4.6 Le rassemblement du culte et l’animation de la collectivité

wiccaine

Une section du questionnaire portait sur les rassemblements du culte et les éventuels lieux

d‘animation communautaire. Les rassemblements et l‘animation de la collectivité mettent

en présence les divers éléments de création de la culture wiccaine en même temps que s‘y

exercent les vecteurs d‘institutionnalisation des pratiques. Mais de quelle collectivité ou

communauté s‘agit-il pour les répondants? La communauté physique ou la communauté

virtuelle? Qu‘offrent le milieu communautaire et les rassemblements du culte aux

participants? Jusqu‘à quel point les communautés virtuelles sont-elles importantes pour le

wiccains québécois? Pour dresser un portrait de cet aspect, trois séries de questions ont été

regroupées dans cette partie : la première porte sur les communautés physiques, la

deuxième sur les communautés virtuelles et la troisième sur les communautés en général.

191

Il est à noter que les rituels publics sont ouverts aux pratiquants païens de diverses traditions, pas

seulement aux wiccains.

186

4.6.1 Communautés physiques

L‘accès à une communauté physique païenne se mesure à l‘expérience des wiccains

montréalais (six des répondants), lesquels bénéficient de réseaux de contacts et

d‘infrastructures mis en place au cours des cinquante dernières années. Ce milieu

communautaire offre à ses membres plusieurs activités et services. 17 des répondants ont

mentionné que leurs regroupements ou leurs communautés de prédilection offrent des

activités comme des rituels publics, et proposent des cours (15 personnes), des ateliers (11

personnes) et des festivals (dix personnes). En plus de ces activités, des services sont

offerts aux membres. Parmi les répondants, huit mentionnent de plus des services comme

des rites de passage, le réseautage avec des covens ou d‘autres wiccains, des forums de

discussions, des activités sociales (brunchs, conférences païennes), des communications et

de l‘information (centre de ressources, ouvrages, podcasts). À la question visant à

déterminer s‘ils participent aux activités, et le cas échéant, dans quelle mesure ils le font,

deux-tiers ont dit qu‘ils participent à ces activités, quatre ont dit qu‘ils n‘y participent pas,

une personne a indiqué « oui et non », et deux n‘ont pas répondu. Bien qu‘il y ait

participation aux activités, il reste à déterminer si les répondants utilisent les services

offerts par la communauté. Il en ressort que 12 répondants utilisent les services, cinq ne les

utilisent pas, alors que quatre n‘ont pas répondu. De plus, questionnés à savoir s‘ils se

déplacent pour participer aux événements organisés par d‘autres communautés, un peu plus

de la moitié ont répondu par l‘affirmative. Cela indique qu‘ils sont prêts à sortir de leur

région afin de nourrir un besoin créé par l‘absence de ces activités et services à l‘échelle

locale.

Outre les activités offertes à travers le Québec, il nous a semblé important de recueillir des

données sur la perception relativement aux manquements observés dans les régions. Nos

observations sur le terrain nous ont permis de dégager l‘impression que, mis à part

Montréal, très peu d‘activités sont offertes aux wiccains de la province. Ce constat trouve

écho auprès de plusieurs répondants; cinq d‘entre eux affirment que tout se trouve à

Montréal.

187

Il n‘y a qu‘un groupe de sorcellerie dans ma région (Saint-Jean-sur-

Richelieu). Sinon, le plus près c‘est Montréal. (649, P3, Q8)

À Montréal, on peut trouver tout ce qu‘on cherche. (638, P3, Q8)

Il n‘y a pas de groupe de former dans ma région et les activités sont

toujours dans les grands centres tel qu‘à Québec ou Montréal. (614, P3,

Q8)

Une autre proportion dit manquer de tout (trois personnes). « Il n‘y a pas services dans la

région. Il y en a dans une autre ville de l‘Estrie mais ce ne sont que des femmes et je

préfère la mixité. » (IF001, P3, Q8). « Hum… pas mal tout en ce qui a trait au Saguenay lac

St-Jean… À Québec, il manque une stabilité. » (IF009, P3, Q8). Par contre, trois

mentionnent ne pas savoir ce qui leur manque.

Les deux éléments explicités quant au manque ont trait à l‘absence de cours et de festivals

païens (deux personnes respectivement). « Des cours en personne. J‘offre des cours virtuel

mais sans plus. » (IF003, P3, Q8). « Festivals sont manquants... ils existent en Ontario ou

BC ou USA mais sont très rares au Québec. » (IF004, P3, Q8). « Il y a plusieurs groupes et

activités publiques dans ma région. Par contre, il serait agréable d‘avoir à nouveau un

festival païen dans la région de Montréal. » (603, P3, Q8). Parmi les « autres réponses », on

observe les questions liées à la communication et aux interactions, l‘absence et/ou le peu de

rituels en français, le besoin d‘aide professionnelle ou sociale, le temps disponible et le

manque d‘encadrement juridique.

More advanced discussions. More available clergy for rites. More

interaction or intercommunication between established covens. (636, P3,

Q8)

We don‘t have legal handfasting. (PF002, P3, Q8)

Service d‘aide en cas de discrimination. (IM005, P3, Q8)

Parmi les questions posées relativement aux communautés physiques, nous avons demandé

aux répondants s‘ils participent ou non aux activités et aux événements tenus par les

diverses communautés païennes de la province. En analysant les réponses données, on

remarque qu‘un peu plus de la moitié des répondants participent à divers rassemblements

188

du culte, à des rituels et à des formations qui se déroulent dans leur région administrative

respective. On s‘aperçoit, entre autres, que parmi les répondants qui participent aux

activités, dix d‘entre-eux proviennent de Montréal. Cela n‘est pas étonnant puisque la

majorité des activités ont lieu dans cette région. Du côté des répondants anglophones, cinq

indiquent qu‘ils participent à ces activités, et ils habitent principalement à Montréal (quatre

répondants). Des deux répondantes n‘habitant pas Montréal, l‘une participe à des activités

communautaires ainsi délimitées, l‘autre non. Chez les répondants francophones, cinq

personnes indiquent qu‘ils se rassemblent pour le culte et fréquentent les milieux

communautaires wiccains (le tiers des hommes et quatre femmes). Tel que nous le

présumions, une bonne proportion des répondants qui habitent à l‘extérieur de Montréal (le

tiers) ne prennent pas part à des activités communautaires dans leur région.

4.6.2 Communautés virtuelles

Les communautés virtuelles peuvent être un prolongement des communautés physiques ou

encore une communauté qui n‘existe que dans le monde virtuel d‘Internet. Ces

communautés offrent des services (information, consultations, aide, cours) et des biens par

l‘intermiédiare des boutiques virtuelles. Elles mettent davantage l‘accent sur la

communication, que ce soit par l‘écrit (clavardage, blogueues, textes, groupes de

discussions), par l‘oral (avec des logiciel tel que Skype et Messenger) ou par le visuel

(discussions vidéo et univers 3D), ou encore par la combinaison des trois. Avec

l‘avènement d‘Internet et l‘anonymat offert par ce médium, les activités et les réseaux de

communication en ligne deviennent importants pour la pratique des wiccains québécois, du

moins, si on se fie aux observations faites sur le terrain. Vérification faite auprès d‘eux par

le questionnaire, quinze répondants font partie d‘une ou de plusieurs communautés

virtuelles. De ce nombre, le tiers n‘habite pas Montréal et quatre sont francophones. Une

personne a mentionné ne pas avoir l‘Internet (638, P3, Q16). Ces chiffres ne sont guère

surprenants si on considère que, pour plusieurs pratiquants francophones, l‘accès à une

communauté virtuelle représente souvent le premier contact avec d‘autres personnes

s‘adonnant aux mêmes activités. Fait notable, parmi les répondants qui font partie d‘une

communauté virtuelle, deux-tiers proviennent de Montréal. En outre, dans cette région, il

existe déjà une plus grande concentration de covens, de groupes et de pratiquants solitaires

189

qu‘ailleurs dans la province. Cela prouve l‘importance d‘Internet partout, à la base même

de l‘affiliation. Nous avons également tenté de déterminer l‘incidence des communications

virtuelles sur les pratiquants au moyen d‘une série de questions.

L‘importance et l‘utilisation d‘Internet dans la pratique des wiccains québécois sont les

premiers éléments à vérifier. Parmi les répondants, treize d‘entres-eux ont mentionné

qu‘Internet est avant tout un outil donnant accès aux courants de spiritualité wiccaine et à

l‘information de base. Parmi ceux qui ont répondu à la question et qui habitent Montréal,

quatre sont des femmes anglophones, huit sont des femmes francophones ainsi que tous les

hommes francophones. Parmi ceux n‘habitant pas cette région, la moitié sont des femmes

anglophones et deux-tiers sont des femmes francophones. On s‘aperçoit donc, que peu

importe l‘endroit où habite le répondant, l‘accès à l‘information par Internet se révèle

crucial à l‘accès à la spiritualité et au développement de la pratique.

Recherches pour des sorts (spells), pour de l‘information sur les sabbats et

autres rituels, pour rechercher des cours de magie ou Wicca dans ma

région. (IF004, P3, Q16)

Ça ma permis de trouver une foule de documents traduit en français.

(IF002, P3, Q16)

Très importante elle nous rassemble. Nous permet d‘avoir accès à

l‘informations et a grandir en tant que Wiccan. (IF003, P3, Q16)

Je vais chercher certaines informations qui ne se trouvent pas dans mes

livres sur Internet. (IF006, P3, Q16)

L‘Internet a été d‘une importance capitale puisqu‘il m‘a permis

initialement d‘accéder à de l‘information gratuitement. Par la suite,

l‘Internet m‘a permis de découvrir des organisations en ligne, des

boutiques, des fabriquants païens, etc. Sans Internet, ma progression

spirituelle n‘aurait probablement pas été aussi rapide. (IM005, P3, Q16)

Le tiers des répondants mentionnent par ailleurs que l‘utilisation d‘Internet leur donne le

sentiment d‘appartenir à une plus grande communauté. Six des répondants utilisent

l‘Internet comme outil de réseautage, dont la moitié des femmes francophones et tous les

hommes francophones n‘habitant pas Montréal. Parmi ceux et celles habitant la métropole,

le quart des femmes anglophones et une femme francophone font référence à cet aspect.

190

Toutefois, on remarque que l‘impression d‘appartenir à une plus grande communauté est

présente avant tout parmi les répondantes (sept des femmes), qu‘elles habitent ou non la

métropole. Les hommes n‘ont pas mentionné ce fait.

Les groupes auxquels je participe actuellement ont tous pour but de se

rencontrer physiquement. L‘Internet est une sources d‘information, de

contacts et de référence à condition de faire le ménage dans ce qu‘on y

trouve. Comme source d‘inspiration, il est important, mais aussi et surtout

comme moyen de communication avec d‘autres membres de la

communauté. (IF007, P3, Q16)

Very important — links to events as well as information, and a sense of a

larger global community. (PF001, P3, Q16)

Ça permet de sortir de l‘isolement, également de partager sur nos

connaissances. (IF009, P3, Q16)

La communication avec d‘autres wiccains et la collecte d‘information sur les activités sont

également des points importants mentionnés par cinq personnes. Il est à noter que trois

personnes qui ont mentionné la recherche d‘information sur les activités proviennent de la

région de Montréal, d‘où l‘importance des rassemblements physiques émanant du milieu

communautaire.

I learn things that are interesting in these communities, they can be a

resource for info if I have questions, they are a way to know what

activities, workshops, rituals, etc. are available in my area or the

communities I am part of. (602, P3, Q16)

It is a means of communication events and sharing information. Many of

my coven members live in other countries. (636, P3, Q16)

Trois autres éléments mentionnés par les répondants vont dans le même sens, dans une

proportion de quatre personnes par élément : Internet rassemble les membres, permet la

recherche des offres de cours ou de formations et donne ainsi la possibilité de rencontrer

d‘autres entre personnes.

Les groupes auxquels je participe actuellement ont tous pour but de se

rencontrer physiquement. L‘Internet est une source d‘information, de

contacts et de référence à condition de faire le ménage dans ce qu‘on y

trouve. Comme source d‘inspiration, il est important, mais aussi et surtout

191

comme moyen de communication avec d‘autres membres de la

communauté. (IF007, P3, Q16)

D‘autres éléments mentionnés dans un plus faible pourcentage sont la participation aux

forums en mode lecture seulement (deux personnes), la possibilité de se développer au

niveau spirituel (deux personnes) et la découverte d‘organisation (une personne).

Des individus rencontrés au fil des travaux sur le terrain ont affirmé avoir participé à des

rituels virtuels. Qu‘en est-il des répondants? Et de quelle activité s‘agit-il? Une petite

proportion de répondants (trois personnes) dit s‘adonner à des rituels virtuels en compagnie

d‘autres wiccains ou païens. L‘activité se déroule en mode clavardage; une personne

utiliserait les forums. Une autre indique utiliser un programme de monde virtuel tel que

Second Life192

. Notons par contre que de l‘avis d‘une répondante qui ne participe pas au

rituel virtuel, Internet va à l‘encontre de ce qu‘est la Wicca, puisque la Wicca est « an

embodied religion » (601, p3, Q16 et17).

4.6.3 Communautés en général

L‘idée de reconnaissance entre semblables et d‘exclusivité des membres est associée à la

notion de communauté. Qui fait ou ne fait pas partie de celle-ci est déterminé par les

membres. Ils tracent en établissent des frontières. Les divers regroupements à l‘étude sont-

ils exclusivement wiccains dans leur composition? Sont-ils ouverts à d‘autres formes de

pratiques néo-païennes? Sur le terrain les dites communautés semblent se fondre avec la

communauté païenne générale. Afin d‘en avoir une idée plus claire, une question sur

l‘ouverture aux autres païens a été posée. Dans une grande proportion, 18 répondants ont

affirmé que c‘était le cas. Cela reflète les observations faites sur le terrain. Cependant, trois

des répondants n‘ont pas répondu à la question. Cela s‘explique probablement en raison du

fait que les pratiquants vivant à l‘extérieur de la région montréalaise connaissent peu ou pas

l‘existence des autres pratiques païennes de leur région ou encore qu‘ils ne savent pas les

192

Second Life est un monde virtuel en 3 dimensions, où l‘individu se créer un avatar et utilise cet avatar pour

interagir avec d‘autres individus (sous formes d‘avatars). Ils peuvent faire du commerce, possèder des

trerrains virtuels, construire et bâtir tout infrastructure qu‘ils désirent (par exemple : commerces, salle de

cours, maison, temples, bars.). Plusieurs groupes religieux y ont une présence et prodigue des cours, des

rituels et célébrations.

192

reconnaître. Par conséquent, il se peut également que la distinction entre les diverses

pratiques ne soit pas si clairement perçue si on considère que le concept de Wicca diffère

entre les francophones et les anglophones.

Au sein d‘une province francophone, il important de relever la langue dans laquelle se

déroulent les échanges entre les participants. En ce qui concerne les communautés

physiques, onze répondants indiquent que leurs communautés sont bilingues; trois ont

répondu qu‘elles sont francophones, alors qu‘autant de répondants indiquent l‘anglais

comme langue usuelles à l‘intérieur de leurs regroupements. Qutres personnes n‘ont pas

répondu à la question. Du côté des communautés virtuelles, neuf des répondants indiquent

qu‘elles sont bilingues, quatre indiquent qu‘elles sont anglophones, et trois mentionnent

qu‘elles sont francophones. Le taux d‘absence de réponse se situe à près de 25,0 % (cinq

personnes).

À la question visant à connaître l‘importance respective accordée aux communautés

physiques et virtuelles sur une échelle de 1 à 5, onze des répondants ont indiqué que les

communautés physiques sont très importantes, une personne indique qu‘elles sont assez

importantes, six disent qu‘elles sont importantes, une personne mentionne qu‘elles sont peu

importantes, et deux estiment qu‘elles ne sont pas importantes. En comparaison, quatre

répondants ont dit que les communautés virtuelles étaient primordiales, alors que six

mentionnent qu‘elles sont assez importantes. Trois personnes les jugent importantes, alors

que quatre les jugent peu importantes et trois pas importantes. Une seule personne n‘a pas

répondu à la question. Bien que l‘échantillon de répondants soit petit, ceux-ci accordent

plus d‘importance aux communautés physiques qu‘aux communautés virtuelles, et ce,

même à l‘extérieur de la région montréalaise. Cela est probablement dû au fait qu‘un besoin

de rencontrer d‘autres individus pour partager leur pratique ce fait ressentir. Néanmoins, on

remarque que les communautés virtuelles demeurent importantes pour eux. Il serait

intéressant de voir l‘importance accordée à Internet et à son utilisation par les wiccains et

les païens sur une plus grande échelle afin de déterminer si ces données sont

représentatives.

193

4.6.4 Organismes et institutions

Lorsqu‘il est question de l‘institutionnalisation de la Wicca, des questions concernant la

nature et le statut de diverses entités et manifestations, révélées dans le cadre des enquêtes

orales et documentaires, sont soulevées. Qu‘en est-il d‘abord de la notoriété des

associations et des fédérations constituées au Canada et au Québec auprès des participants?

Lorsqu‘on leur demande s‘ils connaissent des associations wiccaines ou païennes dans leur

région, 18 personnes répondent par l‘affirmative. De ce nombre, deux-tiers proviennent de

Montréal. Lorsque la question est reprise, mais cette fois-ci pour les organismes de

l‘extérieur de cette région, le deux tiers affirment en connaître. Bien que ces questions

étaient assorties du choix de réponse « oui » et « non », un espace dans lequel les

répondants pouvaient énumérer les organismes et associations qu‘ils connaissent et élaborer

sur ceux-ci était prévu. Parmi les plus connus et les plus recensés, on retrouve le PFPC

(Pagan Federation/Fédération païenne du Canada), situé à Ottawa, la Wiccan Church of

Canada (WCC) de Toronto, Reclaiming, Cercle de Lune (Montréal) et l‘Aquarian

Tabernacle Church. Parmi les réponses données dans l‘espace prévu à cette fin, quatre

d‘entre-eux mentionnent les lieux où siègent ces groupes, mais ne connaissent pas leur

nom, tandis que sept des répondants de Montréal pouvaient en nommer plusieurs.

D‘ailleurs, huit des répondants font partie de ces associations. Les festivals et les

conférences font partie des activités organisées ou parrainées par les associations,

fédérations ou communautés. La notoriété de ces dernières peut être indirectement évaluée

de cette manière. Une question cernait particulièrement la connaissance de l‘un ou l‘autre

des festivals et conférences suivants : Gaïa Gathering, Wiccanfest et Kaleidoscope. Le but

était d‘établir dans quelle mesure les répondants connaissaient les activités de

regroupements païens en faisant fi des frontières provinciales, et de déterminer si la

publicité interne du réseau païen les rejoignait. Les réponses obtenues permettent de

conclure que treize des répondants connaissent ces manifestations. De ce nombre, neuf ont

déjà participé à l‘une des trois (six à Kaleidoscope, cinq à Gaïa Gathering, deux à

194

Wiccanfest). Certains ont mentionné d‘autres festivals tel que Awakening Isis193

(deux

personnes), alors que d‘autres ont indiqué ne plus ressentir le besoin de participer à ce type

d‘événements deux personnes). Cinq répondants ont déclaré connaître ces conférences et

festivals, mais ne pas avoir encore eu la chance d‘y participer faute de disponibilité ou

encore en raison de l‘éloignement du lieu de l‘événement.

Pour ceux qui ont participé à ce type d‘événements, l‘étude a voulu vérifier l‘incidence de

la participation sur leur pratique ainsi que les répercussions sur leur communauté régionale.

Un peu moins de la moitié des répondants ont répondu à la question (onze personnes).

Parmi ceux-ci, cinq ont signalé que la participation à ces événements leur a permis

d‘approfondir leurs connaissances de la spiritualité Wicca et de mieux l‘intégrer au cours

de leur existence.

Every year I learn something new and my life changes a little bit. (636,

P3, Q14)

Ça m‘a aidé à mieux la comprendre et la vivre au quotidien. (604, P3,

Q14)

D‘autres indiquent que cela les encourage à participer un peu plus à des activités de groupe,

et même à s‘impliquer davantage dans leur communauté.

Ça m‘a fait connaître la vie en communauté agrandie, mais je n‘assiste

pas souvent aux événements publics. (632, P3, Q14)

Yes. It encouraged me to go from Solitaire to participate in the larger

community. (PF001, P3, Q14)

La Wicca est bien meilleure en communauté. (IF009, P3, Q14)

Oui, car j‘y ai vécu beaucoup de choses tant en groupe

qu‘individuellement. (649. P3, Q14)

Pour d‘autres, l‘apport réflexif et de conscientisation semble être le bénéfice ressenti de leur

participation.

193

Ce festival a remplacé le festival Terre-Eau tenu pendant huit ans en Estrie. Awakening Isis se déroulait

dans l‘Outaouais.

195

Oui, puisque la spiritualité se doit d‘être évolutive et de bénéficier du

savoir que les autres peuvent nous apporter. (IM005, P3, Q14)

Ça a nourri mes réflexions et m‘a aidé à approfondir ma « foi ». (614, P3,

Q14).

Deux individus ont mentionné que leur participation n‘avait apporté aucun changement à

leur façon de vivre la Wicca. Néanmoins, l‘un de ces répondants a souligné l‘opportunité de

rencontrer de nouvelles personnes.

4.7 Les objets de culte et les textes fondamentaux

Que ce soit au Québec, au Canada ou en Angleterre, nous avons, au cours de l‘enquête sur

le terrain, eu à plusieurs reprises l‘occasion de constater l‘existence de positions diverses

sur la question de l‘utilisation ou de la place des outils de travail dans la Wicca. Pour

certains, ils sont essentiels, tandis que pour d‘autres, ils sont facultatifs. La baguette,

l‘athame, les coupes, les herbes, les encens, ne sont que quelques-uns des objets qui aident

le wiccain à pratiquer son art. D‘ailleurs, selon les réponses obtenues à partir du

questionnaire, treize des répondants ont mentionné que les outils et costumes n‘étaient pas

nécessaires à la pratique. Il semble que pour certains, sans être essentiels, ces outils les

aident comme support visuel, voire même esthétique. « Non, mais cela est davantage

plaisant avec les outils rituels même si ceux-ci ne sont que des supports visuels facultatifs »

(IM005, P4, Q2).

Néanmoins, la question de la nature essentielle de ces objets se pose parfois de façon très

concrète hors du contexte de l‘expression de préférences d‘ordre culturel ou artistique. Il en

est ainsi de l‘accommodement éventuel des pratiques en milieu carcéral. Dans ces milieux,

pour des questions évidentes de sécurité auprès des détenus, des outils tel que l‘athame et

les épées sont interdits. Ce qui est requis, ou du moins doit être accessible, selon le Manuel

sur la satisfaction des besoins religieux et spirituels du SCC (Section 3, pp. 163-165), ce

sont des chandelles et d‘autres éléments pour dresser un autel (qui peut être dressé sur

n‘importe quelle surface plate), tel que de l‘encens, une coupe pour y mettre de l‘eau ou du

jus et un petit bol de sel. Comme indiqué dans le manuel, à moins que des questions de

196

sécurité particulières soient soulevées, l‘accessibilité à des cartes de tarots, des bijoux pour

rituels, des pierres, des baguettes de bois, doit être possible. Ces mesures prisent dans ces

milieux indiquent qu‘il n‘est pas nécessaire d‘avoir tous les objets pour pouvoir pratiquer sa

religion.

En partant du principe qu‘une religion non institutionnalisée n‘a pas de lieu de culte

déterminé, comme une église, il y a de fortes chances pour que les pratiquants aient un autel

chez eux. L‘autel est au cœur de la pratique wiccaine. Il s‘agit non seulement du lieu où se

trouvent les objets et les symboles utilisés pour le rituel, mais également d‘un lieu où peut

se travailler la magie et qui représente les déités (Magliocco, 2001, p. 9). Comme le

mentionne Beezley, l‘autel est l‘endroit où les humains et les déités établissent, forgent et

maintiennent leur relations (Beezley, 1997, p. 93; Pike, 2001, p. 59). Par conséquent,

puisque chaque wiccain est en contact direct avec les déités, l‘autel devient en quelque sort

une forme d‘outil de communication avec l‘autre monde. Bien qu‘il soit facultatif, le fait

d‘avoir un autel permet de mieux concentrer l‘énergie du pratiquant sur le travail à faire.

Lors d‘un rituel wiccain, l‘autel est généralement situé au centre d‘un cercle à l‘intérieur

duquel se tiennent tout le travail et les célébrations, et ce peu importe l‘endroit étant donné

que, pour les wiccains, les déités sont de nature immanente. Par conséquent, l‘autel peut

être dressé à n‘importe quel endroit : en plein air, à l‘intérieur d‘une maison, dans un coin

du salon ou dans un temple. Les autels peuvent prendre différentes de formes et être de

différentes tailles. Le choix et la disposition des objets de culte dépendent du besoin des

utilisateurs et des circonstances du culte. Puisqu‘il existe une prédominance de pratiquants

solitaires dans la province, nous avons cherché à savoir voir si cela avait effectivement une

incidence sur l‘aménagement du culte. Nous leur avons donc demandé s‘ils possédaient un

autel à domicile afin de vérifier cet aspect. Parmi les répondants, 17 ont répondu par

l‘affirmative.

4.7.1 Accessibilité des objets de cultes et des matériaux premiers

Comme mentionné au début du chapitre, les boutiques sont l‘un des fournisseurs des objets

de cultes et des matériaux utilisés par les wiccains. Ces boutiques sont rares dans la

province. Ainsi, certains pratiquants façonnent leurs objets, tandis que d‘autres les achètent,

197

d‘où l‘intérêt de se renseigner sur leur accessibilité. Il s‘avère que 16 des répondants n‘ont

pas de difficulté à trouver les objets et matériaux nécessaires. À l‘inverse, trois ont dit avoir

de la difficulté à se les procurer. Une seule personne n‘a pas répondu.

Figure 6 : Endroits d‘approvisionnement en objets de cultes et matériaux

Comme l‘illustre ce graphique, 20 répondants (95,2 %) se procurent au besoin leurs

matériaux dans les boutiques locales, tandis que le tiers s‘approvisionne dans des boutiques

se trouvant à l‘extérieur de leur région. Parmi les acheteurs, onze passent des commandes

par Internet. De plus, 17 des répondants déclarent que leurs matériaux et objets sont de

fabrication artisanale. Il est peu surprenant de constater que 16 des répondants disent aller

chercher leurs matériaux dans la nature. L‘aspect écologique et artisanal de la pratique

ressort de ces réponses.

00%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

Endroits où les wiccains québécois se procurent les outils et les matériaux pour leur pratique

Dans la nature

Fabrication artisanale

Boutiques locales

Boutique à l'extérieur de larégion

Commandes par Internet

Autres

198

4.7.2 Accessibilité des textes fondamentaux et des sources écrites

Bien que la Wicca ne soit pas une religion doctrinale fondée sur des sources écrites, il

existe néanmoins un ensemble variable d‘ouvrages de base apparentés à des « textes

canons » dont un initié ne peut avoir fait l‘économie. Ces textes sont principalement

disponibles en anglais. Néanmoins, afin d‘apprécier le rôle ou le statut de ces ouvrages de

base dans la constitution de l‘identité wiccaine, il importait d‘en connaître la diffusion et la

notoriété parmi les wiccains québécois.

Une première question a porté sur l‘accessibilité des ouvrages portant sur la Wicca dans sa

langue maternelle. Une majorité de répondants (11 personnes) a mentionné que ce n‘était

pas un problème. Il est à noter que tous les anglophones ont de la facilité à avoir accès à des

ouvrages de base puisque ceux-ci sont rédigés en anglais. Parmi les neuf répondants

francophones194

qui habitent hors de la région de Montréalle deux-tiers ont indiqué avoir de

la difficulté à trouver de l‘information dans leur langue. Parmi eux, c‘est surtout la

disponibilité de la documentation en français sur la Wicca qui pose problème (trois

personens). La question de la qualité de l‘information est également signalée (trois

personnes).

Il y a beaucoup de livres écrits (Français et Anglais) mais les livres sont

tous les mêmes avec différents mots, les bons livres sont rares. (649, P4,

Q6)

Good stuff is always hard to find. Most of it superficial + dogma based

(i.e. what colour of candle to use). (601, P4, Q6)

D‘ailleurs, le quart des francophones mentionnent qu‘Internet leur permet de combler un

peu ce manque mais il leur faut sélectionner rigoureusement le contenu.

Mais dernièrement en fouillant sur le net, j‘ai réussi à trouver de bons

trucs, je vais les imprimer bientôt. Sinon, j‘achète ce qui me semble

pertinent, même s‘il m‘arrive souvent de me tromper. (IF009, P4, Q6).

Mais grâce à l‘Internet c‘est moins pire mais encore la faut savoir faire le

tri. (IF003, P4, Q6)

194

Il convient de mentionner que tous les francophones qui ont répondu au questionnaire utilisent ces deux

langues.

199

L‘accès à la documentation est essentiel au développement de la spiritualité pour les

Wiccains. Étant donné que les ouvrages de base sont plus souvent qu‘autrement offerts en

anglais, on peut se demander si les pratiquants francophones connaissent les textes

fondamentaux et les autorités reconnues au sein de divers courants de la Wicca. La liste qui

suit a été constituée de celles-ci et présentée aux personnes interrogées dans le but

d‘évaluer la notoriété des auteurs :

a) Gerald B. Gardner

b) Viviane Crowley

c) Doreen Valiente

d) Raymond Buckland

e) Janet et Steward Farrar

f) Starhawk

g) Scott Cunningham

h) Autres

a) Gerald B. Gardner

Le « père fondateur » de la Wicca contemporaine est connu par 20 des répondants. Il serait

lu par neuf d‘entre eux alors que le tiers indique posséder de ses ouvrages.

b) Viviane Crowley

L‘une des grandes prêtresses de Gardner, ayant une très forte influence sur la Wicca

contemporaine, est connue par 17 des répondants. Parmi eux, huit indiquent avoir lu et

posséder les ouvrages de Viviane Crowley.

c) Doreen Valiente

L‘une des premières grandes prêtresses de Gardner, Doreen Valiente a grandement marqué

la littérature wiccaine. La charge de la déesse 195

(Guiley, 1989, pp. 56-57; Belham-Payne,

2002, pp.278-279) est l‘une de ses principales contributions. Elle a aussi laissé son

empreinte dans les rituels. Deux tiers des répondants la connaissent de nom, tandis que six

des répondants ont lu et possèdent ses ouvrages. Il semble que la faible distribution de ses

195

Une première version de la charge a été écrite en 1954, peu de temps après son initiation dans le coven de

Gardner en 1953. Une version trasuite en français se retrouve à l‘annexe O.

200

ouvrages au Québec peut avoir contribué au fait que sa notoriété soit moindre que celle de

Viviane Crowley. Il est arrivé à quelques reprises que les pratiquants francophones utilisent

une version traduite de la charge de la déesse sans savoir qui en était l‘auteur.

d) Raymond Buckland

Un des auteurs ayant introduit la Wicca aux États-Unis, Buckland a créé son propre

courant, la Seax-Wicca. Il est connu par onze des répondants québécois. Il est lu par six

d‘entre eux, et quatre affirment posséder ses ouvrages.

e) Janet et Steward Ferrar

Les Ferrar ont écrit plusieurs ouvrages sur la Wicca, dont deux livres assemblés connus

sous le nom de Witches Bible. Onze des répondants connaissent les écrits du couple; tandis

six les ont lus et cinq ont en mains leurs ouvrages.

f) Starhawk (Miriam Simos)

Connue sous le nom de Starhawk, Miriam Simos a nourri la Wicca nord-américaine de son

militantisme féministe. Elle a également fondé la pratique connue sous le nom de

Reclaiming laquelle est présente, entre autres, dans la région de Montréal. Ces ouvrages

sont connus par les deux tiers des répondants. De plus, près de la moitié des répondants (10

personnes) possèdent et ont lu les œuvres de Starhawk.

g) Scott Cunningham

Cet auteur a introduit la notion du pratiquant solitaire. Ses ouvrages figurent parmi les

premiers à avoir été traduits en français. Ce sont souvent les premiers livres dont disposent

les néophytes n‘appartenant pas à un coven. Ils sont souvent perçus comme étant une

introduction à la pratique, car la matière concernant la Wicca y est très diluée en

201

comparaison de ce qui est pratiqué dans des covens. D‘ailleurs, 17 des répondants

connaissent cet auteur, douze l‘ont lu et 15 possèdent ses œuvres196

.

h) Autres

Parmi les noms d‘auteures mentionnés dans cette catégorie on note : Margot Adler, Ronald

Hutton, Helen Berger, S. Mogliocco, J. Salomansen, Graham Harvey, Kerr Cuhulain,

Christopher Penczak et Ann Moura.

4.8 Formation

Outre la lecture des textes, quelles voies emprunte la socialisation des Wiccains? Quels

sont les agents privilégiés? Une première question ciblait la part prise par la formule

« cours ». Un peu plus de la moitié (onze personnes) ont suivi au moins un cours, alors que

neuf n‘en ont pas suivi. Une seule personne n‘a pas répondu à la question.

Parmi les répondants qui ont suivi un cours, trois ont fréquenté une école de sorcellerie.

Internet a également été la source des activités de formation puisque quatre des répondants

ont suivi un cours197

par ce moyen, alors que trois d‘entre eux ont été socialisés par un

coven. Parmi les autres moyens mentionnés par six des répondants figurent les camps d‘été

de sorcellerie (PF002, P4, Q8.1), les boutiques de Montréal (IF004, P4, Q8.1), le Wiccan

Sacred Circle Network (PF002, P4, Q 8.1), ainsi que des ateliers et séminaires (636, P4,

Q8.1) dont certains tenus dans des institutions d‘enseignement comme des collèges et

universités (Ottawa et Concordia) (603, P4, Q8.1et 636, P4, Q8.1).

196

L‘écart peut piquer la curiosité. Bien qu‘aucun commentaire n‘ait été exprimé sur ce dernier point dans le

questionnaire, lors de nos recherches sur le terrain et dans le cadre de diverses discussions portant sur le sujet

des textes, certaines personnes nous avaient indiqué que : a) elles avaient acheté initialement le livre, mais ne

l‘avaient pas encore lu; b) elles avaient commencé à le lire, mais trouvaient que l‘information était trop

superficielle; c) elles possédaient une version en français, mais la traduction n‘étaient pas adéquate et elles ont

cessé de le lire faute d‘incompatibilité avec les concepts d‘origine et en raison de l‘utilisation de termes

propres au christianisme. 197

Aucune précision n‘a été donnée quant à la nature de la formation, c‘est-à-dire que les répondants n‘ont

pas indiqué s‘ils ont suivi un cours par le biais d‘une école virtuelle ou par un coven qui offre des cours en

ligne ou simplement un cours donné par un individu ou un organisme offrant divers services, y compris de la

formation sur divers sujets en lien avec le paganisme et la Wicca.

202

4.9 Perception et utilisation du terme « clergé »

Depuis les dix dernières années, que ce soit de façon positive, négative ou neutre,

l‘utilisation du terme « clergé » est devenue courante au sein des communautés wiccaines

canadiennes. L‘augmentation de la fréquence de l‘utilisation se manifeste également à

travers les publications et sur Internet. Puisqu‘il s‘agit d‘un concept emprunté à d‘autres

religions, les notions et les définitions varient selon les pratiquants, à l‘instar des

connotations qui y sont associées. Cette notion demeure néanmoins capitale puisqu‘elle se

trouve au cœur de l‘institutionnalisation de la Wicca.

4.9.1 Définitions

Une première question visait à établir la signification du terme « clergé » pour les

répondants. Si plusieurs thèmes ressortent des réponses, le contenu essentiel réfère à un

groupe à part. Ainsi, une portion significative des répondants (huit personnes) associe le

terme à un groupe de personnes, d‘initiés ou de prêtres qui desservent soit une communauté

ou une congrégation (six personnes), qui sont spécialistes d‘une religion (trois personnes),

et qui représentent une religion (deux personnes)

Ensemble de prêtres qui servent les dieux. (IF001, P5, Q1)

Clergy in a Wiccan contact [context] means people who are advanced

enough to be a support to the greater community. (PF002, P5, Q1)

Pour être clergé, il faut d‘abord être initié dans un couvent traditionnel,

par la suite, il faut vouloir donner à la communauté par exemple en

faisant des rituels publics. (604, P5, Q1)

A body of people representing a religion... often seen as an intermediary

between you and the divine. (IMI008, P5, Q1)

A spiritual leader who specializes in some spiritual field and is available

to serve the community in that field. (636, P5, Q1)

Pour plusieurs, ce terme est également associé à l‘idée de hiérarchie (cinq personnes) telle

que véhiculée par les Églises chrétiennes (cinq personnes).

Une hiérarchie au sein d‘un groupe. (649, P5, Q1)

203

Hiérarchie établie dans une communauté religieuse. (638, P5, Q1)

Un échelon au dessus d‘un coven. (IM005, P5, Q1)

C‘est un terme associé au rôle de Haut (e) prêtre (sse) organisant un rituel

de groupe, où à l‘ensemble de gens ayant une grande influence dans la

communauté. (632, P5, Q1)

Un groupe de personne qui donne une cohésion dans la spiritualité en

cause. Sauf que ça sonne un peu trop église aussi. (IF009, P5, Q1)

Je le réfère à l‘église catholique, même si je sais que ce ne leur est pas

exclusif. (IF006, P5, Q1)

Il s‘agit d‘un terme découlant de l‘institution catholique pour désigner nos

représentants religieux. (614, P5, Q1)

I associate it with christian clergy. I have a hard time applying it to

anything pagan. (602, P5, Q1)

L‘idée de hiérarchie, sans parler de l‘évocation des religions institutionnelles, suscite

également quelques réserves pour près du cinquième des répondants.

En somme, on peut déterminer que pour les répondants à ce questionnaire, la notion de

clergé est un terme :

Qui un terme ne s‘applique pas ou n‘existe pas pour la Wicca;

Qui existe, mais de façon temporaire (par exemple la durée d‘un rituel);

Qui réfère à un groupe d‘individus qui partagent leurs connaissances;

Qui réfère à ceux qui célèbrent les mariages, les funérailles, les baptêmes, etc.;

Qui réfère à un groupe de personnes payées pour leurs services donnés et leurs

connaissances de la religion;

Il est clair que l‘acception du terme de « clergé » varie d‘une personne à l‘autre. Le fait

qu‘une grande association soit faite avec les institutions chrétiennes témoigne en outre de la

pression externe ressentie par les pratiquants. Par conséquent, on peut supposer que pour

plusieurs, le terme « clergé » réfère à un rôle ou à un statut particulier. Mais comment ce

statut est-il perçu relativement à l‘expérience spirituelle individuelle? En outre, dans quelle

204

mesure la notion de clergé est-elle jugée en affinité ou en adéquation avec la pratique

rituelle constituée de la Wicca?

4.9.2 Applicabilité à la Wicca

La question de la pertinence de la notion de clergé relativement à la pratique rituelle de la

Wicca a, de fait, été posée séparément. Elle permet également de mesurer indirectement la

perception de la légitimité d‘une division des statuts ou des rôles. Parmi les répondants, 11

individus croient que le terme « clergé » s‘applique à la Wicca, alors que sept individus n‘y

voient pas d‘application. Deux individus ont mentionné que ce terme s‘applique, et ne

s‘applique pas alors qu‘un seul individu n‘a pas répondu à cette question. Il semble donc

que les avis sont plutôt partagés en ce qui concerne cette question qui touche de près celle

de l‘institutionnalisation. Il semble par ailleurs que les femmes (10 personnes) ont

davantage tendance à appliquer la notion de clergé à la Wicca que les hommes (une

personne). C‘est le cas pour les deux tiers des femmes anglophones et la moitié des femmes

francophones.

À cette question d‘application du terme de « clergé » à la Wicca, nous avons demandé aux

répondants d‘expliquer leur position que cela s‘applique ou non à la Wicca. Parmi les

explications, sept des répondants indiquent que ce terme s‘applique, mais sans l‘aspect

hiérarchique.

Ça peut s‘appliquer mais il n‘y a pas de hiérarchie, il n‘y a que du respect

pour les plus anciens. (IF001, P5, Q2)

Dans le sens que dans un coven il y a une prêtresse... mais sans plus. Tous

sont égaux. (IF002, P5, Q2)

Sans qu‘il y aie une hiérarchie mondiale, il y a somme toute un clergé

dans les covens. (638, P5, Q2)

En outre, sept répondants mentionnent dans leurs commentaires que les titres appropriés à

utiliser, à la place de celui de clergé, sont ceux de prêtresses, prêtres, grandes-prêtresses et

grands-prêtres. Cela s‘ajoute à l‘idée que chacun est un célébrant ou un officiant à part

entière au temple de la nature. Cette idée a été exprimée par quatre répondants.

205

J‘imagine que cela pourrait s‘appliquer puisque les couvents Wicca ont

des « high priests », mais le mot « clergé » a une connotation péjorative

pour moi (IF004, P5, Q2)

Sûrement que oui, mais je ne m‘y résout pas. Pour moi la Wicca c‘est la

liberté et mon église c‘est le monde et sa nature. (IF006, P5, Q2)

For me I think I would have a hard time applying this to paganism it

conjures up ideas of a male hierarchical system to which I don‘t

subscribe. (602, P5. Q2)

En l‘absence de terminologie, je comprends qu‘on utilise ce genre de

terme, mais je préfère les termes prêtres et prêtresse. (614, P5, Q2).

On est tous prêtres pour nous-mêmes, donc en théorie, les pratiquants

seraient le clergé. Je n‘ai aucune idée de la manière d‘appliquer ce terme-

là dans la Wicca, j‘évite de l‘utiliser. (IF007, P5, Q2)

Bien qu‘il existe des différences à l‘égard du terme de « clergé », cinq des répondants

l‘utilisent dans le même sens que les institutions religieuses chrétiennes, mais en

l‘appliquant aux covens ou encore pour désigner un célébrant temporaire pour des rituels.

Exists in Wicca, but not as Catholic, might be ordained in some Paths

(druidism), but can simply be a temporary title for a ritual or Festival

period. (PF001, P5, Q2)

Nous avons des officiants tous les Covent qui pratiquent certains rituels.

(PF003, P5, Q2)

Dans un rituel, il y a le clergé au centre et les participants autour, autant

en Wicca que dans d‘autres traditions. (632, P5, Q2)

Pour d‘autres, il semble que pour être considéré comme un clergé, il ne suffit pas

simplement d‘être prêtresse (huit personnes), mais il faut également avoir des

connaissances et de l‘expérience (deux personnes).

To be « clergy » the Wiccan must become a preist of [or] preistess and

have many years of experience in spiritual mentoring and in their own

practice. This is the same as any other religioins clergy, you can‘t just

read a book and be a preist. (PF002, P5, Q3)

Parce que ce n‘est pas tous les initiés qui peuvent devenir représentant

et/ou mentor. (614, P5, Q3)

206

Pour trois réondants, ce sont les connotations péjoratives qui font en sorte qu‘ils ne veulent

pas inclure le mot « clergé » dans leur vocabulaire, ou encore qu‘ils croient que ce soit une

mauvaise idée de l‘appliquer.

Ceci ne s‘applique pas puisque la Wicca est pratiquée majoritairement en

solitaire ou en coven. Cependant, il existe des églises Wicca qui sont

présentes dans divers pays et qui tentent de créer un clergé ou un

organisme quelconque qui pourrait générer les divers coven. Ceci est à

mon avis une très mauvaise idée puisqu‘il est dangereux de tomber dans

le piège créé par d‘autres religions. (IM005, P5, Q2)

D‘autres raisons pour inclure le terme à la pratique sont également données par cinq

répondants, allant du besoin de partage de connaissances au soutien spirituel. De plus, il a

été fait mention de l‘incertitude quant à l‘application de ce terme à la Wicca ou encore à

l‘association de la Wicca à la notion de liberté de pratique.

Cette divergence de points de vue quant à l‘applicabilité de la notion de clergé à la pratique

rituelle semble être le prolongement des modalités du rite (en solitaire ou en coven). Elle se

dessine, par ailleurs, en ce qui a trait à la propre perception de soi en tant qu‘autorité

spirituelle dans la cosmologie wiccaine et au positionnement face à une division actuelle ou

éventuelle des rôles. En ce qui a trait au second point, deux personnes sont d‘avis que

l‘accession au clergé ne peut se faire que par l‘initiation dans un coven. « Pour être clergé,

il faut d‘abord être initié dans un couvent traditionnel, par la suite, il faut vouloir donner à

la communauté par exemple en faisant des rituels publics. » (604, P5, Q1). Pour trois

répondants, la pratique de la Wicca va de pair avec le sacerdoce universel. Partant de cette

divergence de position, la question de l‘applicabilité du terme à l‘ensemble des wiccains a

été posée. Il en ressort que pour 17 des répondants, ce terme ne s‘applique pas à l‘ensemble

des wiccains.

Comment interpréter ces réponses? Bien que les avis soient partagés quant à l‘applicabilité

de ce terme à la Wicca, il semble que de façon générale, le terme « clergé » ne s‘applique

pas à tous les wiccains. Il y a donc une distinction entre la pratique, l‘expérience et les

individus qui la pratiquent. Que ce soit parce que ce terme véhicule des idées de supériorité

ou d‘autorité (cinq personnes), qu‘il s‘applique à une élite au sein d‘un groupe (trois

207

personnes), qu‘il insiste sur la possession d‘une certaine expérience ou de certaines

connaissances de la pratique (deux personnes) ou encore qu‘il ne s‘applique tout

simplement pas aux solitaires (une personne), il semble y avoir une perception que seuls

quelques individus au sein de la population wiccaine peuvent se voir qualifier du titre de

« clergé ».

4.9.3 Nécessité du recours à la « chose » clergé.

En soi, le terme clergé est « étranger » au vocabulaire païen. Son emploi peut être un

indicateur d‘institutionnalisation. Avec le temps et le rayonnement, il se peut qu‘une

division des statuts et des rôles à l‘intérieur des courants, avec les débats que cela

comporte, s‘opère ou l‘influence sociétale se fasse davantage sentir. Pour s‘en faire une

idée, le questionnaire a demandé aux répondants s‘il était nécessaire ou utile pour la Wicca

d‘être dotée d‘un clergé aux fins de la reconnaissance par les autorités publiques en place.

À notre surprise, un peu plus de la moitié des répondants (onze personnes) ont répondu par

l‘affirmative. Ce qui est largement au-dessus de nos estimations étant donné les positions

sur la question de la reconnaissance par les autorités publiques observées sur le terrain et

véhiculées dans les groupes de discussions virtuels.

Par conséquent, certains vont commencer à parler de clergé alors que ce terme n‘appartient

pas au vocabulaire wiccain. Bien que dans les « covens » traditionnels (gardnarien,

alexandrien) une hiérarchie existe198

, ce n‘est pas pour autant dire un clergé.

À l‘appui de la perméabilité à l‘influence sociétale cristallisée par la notion de clergé, les

arguments « pragmatiques » sont les plus répandus : ce statut peut être utile pour le

gouvernement (cinq personnes) ou permettre d‘agir à titre de porte-parole auprès des

autorités (quatre personnes).

It helps both with validity and accountability. Also give authorities

someone to consult if necessary. (636, P5, Q9)

198

La structure habituelle consiste en la présence d‘une grande-prêtresse, d‘un grand-prêtre, de prêtres et de

prêtresses de 1er

et de 2e degré ainsi que de néophyte.

208

Un clergé est en quelque sorte un porte parole. En plus, même si l‘effet

hiérarachique est plus ou moins l‘fun (seul terme trouvé…) ça montre au

gens qu‘on a une structure, dons ils y voient une certaine importance.

(même si ils peuvent…) (IF009, P5, Q9)

N‘étant pas reconnue, cela reste une philosophie de vie... Une hiérarchie

est utile, car les autoritées ont besoin de voir une structure. (IF002, P5,

Q9)

Le clergé peut représenter la communauté dans plusieurs situations

publiques et même légales. (632, P5, Q9)

À l‘appui de leur refus de chercher la reconnaissance et de faire entériner socialement un

statut de clergé parmi les courants de la Wicca, les répondants invoquent la volonté de ne

pas se conformer (deux personnes) ainsi que le désaccord avec l‘idée d‘une hiérarchie qui

dicte les règles (deux personnes) ou qui pourrait faire en sorte d‘empêcher une diversité de

pratiques néo-païennes (une presonne).

Les croyances sont une chose. Les autorités publiques doivent rester

laïques et n‘ont pas besoin de reconnaître ou non une religion. On a le

droit de prier comme on le veut du moment que l‘on n‘oblige personne à

en faire autant. (PF003, P5, Q9)

We don‘t need to be recognized by public authorities. It doesn‘t change

what we do. (PF002, P5, Q9)

Je ne crois pas que la Wicca peut être représentée par un seul clergé vu

les différences d‘opinions et les nombreuses différentes façons de

pratiquer la Wicca (IF004, P5, Q9)

La Wicca n‘a pas à se conformer aux exigences des religions mieux

connues afin de se faire reconnaître. Ce serait trahir l‘esprit du

néopaganisme. (603, P5, Q9)

Par ailleurs, le rôle le plus couramment associé à la notion de clergé est celui d‘officiant

reconnu des mariages aux fins de l‘enregistrement auprès de l‘état civil. Dans le contexte

spirituel wiccain, cela réfère à la célébration des handfastings. Comme mentionné au

chapitre deux, pour qu‘un mariage soit légal au Québec, il doit être officialisé par un

célébrant reconnu par le gouvernement provincial, et ce même si la personne ayant cette

autorisation n‘est pas membre d‘un clergé quelconque. Qu‘en est-il alors de la perception

209

du statut de clergé à cette fin auprès des wiccains québécois? Parmi les répondants, douze

répondants ont indiqué que la présence d‘un célébrant ayant le statut de clergé n‘était pas

requise pour le handfasting, cinq ont dit le contraire, alors que deux personnes ont répondu

ne pas savoir. Une seule personne s‘est abstenue de répondre.

Parmi tous les répondants, neuf mentionnent que le rituel peut être célébré par n‘importe

quel wiccain étant donné que tous sont prêtresses ou prêtres.

All Wiccans can celebrate the rituals the way they want, they don‘t have to

be officiated by a High Priestess. (PF002, P5, Q4),

Car le « clergé » implique la reconnaissance des pair. Mais tout pratiquant

pourrait réaliser le rituel. Ce n‘est qu‘une question de validité. (614, P5, Q4)

Non pour moi le handfasting peut être dirigé par une grande prêtresse en

apprentissage. (IF003, P5, Q4)

Néanmoins, six des répondants mentionnent que l‘obtention de ce statut permet de rendre la

cérémonie officielle. D‘autre part, cinq répondants signalent que le statut de clergé n‘est

pas nécessaire. Bien que l‘enjeu soit très récent dans les discussions, on peut noter que près

du quart des personnes interrogées avalisent la reconnaissance sociale recherchée ou

conférée à travers l‘officialisation d‘un statut de clergé parmi les courants wiccains.

Diverses autres réponses ont été données par cinq répondants. On y retrouve pêle-mêle le

fait que « clergé » est un titre un peu prétentieux (IF001, P5, Q4), que la présence d‘un

officiant reconnu à titre de membre d‘un clergé donne plus de puissance à l‘événement

(632, P5, Q4), ou encore que seule l‘énergie de la cérémonie est suffisante pour sceller

l‘union aux yeux des dieux (IF009, P5, Q4).

D‘ailleurs, seuls deux des répondants ont déclaré avoir eu recours à un membre du clergé

pour la célébration du handfasting ou de tout autre rituel important. Un autre point

intéressant est le fait que parmi tous les répondants, trois personnes ont reçu une formation

de clergé pour célébrer ce type d‘événements.

210

4.9.4 Le clergé : une spécialisation contre rémunération?

Une question qui reste épineuse parmi les wiccains et certains païens est celle de la

rémunération des services auprès de la collectivité. L‘idée que les

« dons/habiletés/connaissances » que possède un individu ne devraient pas être monnayés

sous peine d‘encourager le profit et de mener éventuellement à des abus de confiance et de

pouvoir existe. La question de la rémunération pour les services rendus par un membre du

clergé a été posée aux répondantss. Les réponses sont plutôt partagées, et ce, peu importe la

langue des répondants. Presque la moitié d‘entre eux, soit onze personnes, sont d‘avis que

non, alors que neuf mentionnent le contraire. Une personne a répondu à la fois « oui » et

« non ».

Dans leurs commentaires, un peu plus du tiers des répondants estiment qu‘une somme

devrait être versée pour couvrir les frais associés au temps, aux déplacements et au matériel

requis sans plus.

It‘s a fair exchange of time and service, for a reward. (PF002, P5, Q7)

La Wicca se veut d‘abord gratuite. Cependant, je suis conscient qu‘une

personne peut être rémunéré pour certains services. Par exemple, il serait

normal pour une personne de demandé une somme équitable pour être

présent et dirigé un rituel de handfasting. Cela dit, le fait de jouer un rôle

peut tout aussi s‘effectuer dans le don et le partage de la collectivité.

(IM005, P5, Q7)

I consider myself to Wiccan clergy and I don‘t take money for what I do

except to cover expenses. If someone pays me for my Wiccan services

then I become their employee and I don‘t think Goddess and myself as a

priestess are for sale. (PF002, P5, Q7)

Les « clergés » que je connais ne demandent pas d‘argent pour eux mais

quelques dollars pour payer les dépenses ex : certificats et autres. (649,

P5, Q7)

Six personnes considèrent qu‘une rémunération devrait être rattachée au service en tant que

tel, en sus de la couverture des frais.

211

Je crois que tout service devrait être rémunéré, que ce soit donné par un

membre d‘un clergé Wicca ou non (IF004, P5, Q7)

Parce qu‘ils dévouent leur temps et leur énergie pour d‘autres personnes.

(632, P5, Q7)

Especially if the cover supplies have to travel, or take time off a paying

job to perform the ritual. (636, P5, Q7)

[…] je réponds comme s‘il s‘agissait de quelqu‘un reconnu légalement,

parce que je ne saurais pas trop comment les interpréter autrement) la

personne qui se fait reconnaître légalement et fourni les documents y

passe sans doute beaucoup de temps et d‘argent, et il est normal d‘en

repayer le coût. On ne peut pas demander à quelques personnes de tout

faire pour des dizainnes d‘autres sans moyenner un échange. (IF007, P5,

Q7)

Comme on peut voir à travers ces quelques réponses, l‘idée que la religion et l‘argent ne

devraient pas faire ménage ou encore que de tels services devraient être des dons ou

gratuits représente des éléments mentionnés par cinq personnes. D‘ailleurs, si on regarde le

tableau suivant, on peut voir les éléments qui préoccupent nos répondants.

212

Figure 7 : Éléments de réponses relatifs à la rémunération d‘officiants ou de célébrants

wiccains

Mises à part les questions de couverture de frais et autres, la possibilité de l‘échange de

services ou de procéder comme les autres religions représente les réponses de trois

personnes.

Comme pour les autres religions, un don serait le bienvenu. C‘est un juste

retour. (614, P5, Q7)

Au même titre que les prêtres catholiques, La Wicca devrait alors être

reconnu comme religion. (638, P5, Q7)

Dans la catégorie « Autres », cinq personnes ont notamment mentionné comme réponse :

« cela revient au coven s‘ils veulent ou non rémunérer un clergé » (603, P5, Q7); « l‘idée de

monnayer leur savoir s‘approche d‘une secte » (IF001, P5, Q7); « le concept de clergé n‘est

0% 2% 4% 6% 8% 10% 12% 14% 16% 18% 20%

Gratuité /dons

Échange de services

Doit être rénuméré

Peut être rénuméré

Couvrir frais/temps/déplacements

Ne doit pas payer

La religion et l'argent doivent être séparés

Comme toute autre religion

Autres

Éléments de réponses concernant la rémunération du clergé wiccain

213

pas utilisé de la même façon par les païens » (IM008, P5, Q7). On peut donc voir que,

parmi nos répondants, la question reste sensible, mais qu‘en somme, il semble se dégager

une position favorable quant au remboursement des frais encourus à l‘occasion d‘une

cérémonie. En ce qui a trait aux services rendus, ils devraient relever du don.

4.9.5 Quels sont les attributs exclusifs et les savoirs réservés?

Outre la question des rôles (célébrants/participants à un rituel) en lien avec la notion de

clergé, la question du statut auprès de la collectivité d‘un groupe exclusif de par ses

attributs se pose indépendamment. Une telle notion trouve-t-elle écho dans les courants de

la Wicca? La réponse à cette question dépend de certains facteurs. L‘appartenance à un

coven paraît être depuis longtemps un gage de légitimité pour la revendication du statut de

prêtre ou de prêtresse (par extension, de membre d‘une classe sacerdotale délimitée). Or,

l‘avènement d‘Internet et des communautés virtuelles, en plus des possibilités

d‘autoformation de la part de prêtres et de prêtresses, changent la donne du point de vue des

pratiquants solitaires ou de l‘extérieur des covens. De plus en plus d‘individus vont se

« procurer une formation de clergé » par Internet. Quelle est la validité de cette formation

virtuelle selon par nos répondants? A-t-elle la même valeur que celle associée à une

formation donnée par un coven?

Selon les réponses obtenues, douze des répondants soutiennent que ce type de formation

n‘est pas valide. Ils sont quatre à croire le contraire. De plus, six des répondants indiquent

que tout dépend de la situation. Parmi les réponses, cinq mentionnent le fait que la

formation serait meilleure en personne. Le pourcentage des répondants étant d‘avis que ce

ne sont pas toutes les formations données qui sont valides est le même. D‘autres éléments

sont énumérés par trois personnes respectivement, comme la nécessité du côté pratique de

la formation le fait, que seuls les covens peuvent être source de validité ou encore le fait

que cela équivaut à tous les autres types d‘enseignement. L‘idée qu‘Internet est une source

peu fiable, malgré ses capacités en tant que source d‘information, est évoquée par certains

répondants. Pour l‘instant, il ne semble pas y avoir de formation virtuelle visant les niveaux

supérieurs au statut de prêtre et de prêtresse.

214

4.10 Aumônerie

S‘il est une fonction ou un service accréditant un tant soit peu la notion de clergé auprès des

wiccains c‘est bien le travail d‘aumônerie. Que ce soit dans les prisons ou les hôpitaux, la

sollicitude est nécessaire auprès des personnes captives et vulnérables. Les wiccains

croient-ils devoir s‘engager de la sorte? Au nom de quoi? D‘emblée, 18 répondants

affirment que l‘aumônerie relève de l‘engagement moral des Wiccains. Seuls deux disent

ne pas ressentir ce type d‘obligation.

Figure 8 : Éléments de réponses : motifs à l‘appui de l‘engagement dans les services

d‘aumônerie

Parmi les personnes favorables à l‘aumônerie, le tiers considère que c‘est un travail dans

lequel elles peuvent s‘engager aider quelqu‘un ou pour faire du bien.

215

Why not? People will always turn to others for support. Someone who is

more ‗active‘ and is there to provide these services will be appreciated by

those who share the beliefs but may not be as active in their own practice.

(IM008, P5, Q10)

Because there are Wiccans in prisons, hospitals and the armed forces.

Because they can help and serve, like any other minister. (636, P5, Q10)

I think in these situations it is very good for the individual to be able to be

"ministered to" by someone of her/his spiritual path should they require it.

(602, P5, Q10)

Malgré la position favorable relativement au travail d‘aumônerie, à peine un peu plus du

quart des répondants sont déjà impliqués dans ce type d‘activités, ou connaissent quelqu‘un

qui en offre. La Pagan Federation/Fédération païenne du Canada a été identifiée à titre

d‘organisme pourvoyeur de ce type de services199

. La question posée concernant si les

wiccains devraient s‘engager dans le travail d‘aumônerie a généré des réponses

intéressantes. Trois répondants estiment que si cela répond à un besoin ou à des demandes

exprimées, ils n‘y voient pas d‘objections. L‘idée que c‘est un service à offrir est émise par

deux des répondants, car ils considèrent qu‘ils ont le droit d‘avoir accès à ce type de

services. Cinq répondants croient que ce service permet de guider d‘autres wiccains ou

païens sur leur voie sans toutefois verser dans le prosélytisme. D‘ailleurs, l‘une des

répondantes justifie sa position à la fois pour et contre le travail d‘aumônier en soulignant

son inquiétude relativement au prosélytisme.

Bonne question... je crois que les prisonniers, les gens malades et les gens

dans les forces armées devraient avoir ACCES à cette forme de religion

(la Wicca) sans être sujets à des préjugés. Mais j‘ai toujours été contre le

travail d‘aumônerie qui me fait plutôt penser aux missionaires qui

forçaient les gens à se convertir... (IF004, P5, Q10)

La comparaison avec les autres religions, qu‘elle soit négative ou positive, ne s‘arrête pas

là. Plusieurs individus cherchent à acquérir les mêmes droits que ceux accordés à ces

religions. Cela est exprimé par quatre des répondants qui croient que les wiccains ont droit,

au même titre que les autres religions aux services d‘aumônerie.

199

Bien que depuis plusieurs années ce soit le PPO (Pagan Pastoral Outreach) qui offre ce type de services.

216

Nous avons d‘ailleurs cherché à savoir si certains des répondants effectuent du travail

d‘aumônerie. Parmi ceux-ci, trois ont indiqué qu‘ils offrent des services d‘aumônerie dans

les milieux hospitalier, scolaire et militaire ainsi que dans leur communauté. Certains

mentionnent les difficultés reliées à ce type de travail, surtout lorsque ce travail s‘effectue

dans le cadre d‘une religion autre que la sienne comme cette personne qui fait du travail

d‘aumônerie dans les Forces, mais pas en tant que wiccaine :

Pour donner mon exemple, il m‘est arrivé de donner un point de vu

chrétien à des personnes qui croyait à la magie, c‘est très déchirant sur le

point de vue personnel. J‘aurais aimé les guidés, mais j‘étais obligé

d‘avoir un discourt différent. (614, P5, Q10)

Parmi ceux qui n‘offrent pas de services d‘aumônerie, le tiers des répondants indique qu‘ils

seraient ouverts à l‘idée d‘en offrir si, pour quelques-uns d‘entre eux, une formation

adéquate leur était fournie. On s‘aperçoit également que parmi ces derniers, trois disent ne

pas posséder les habiletés nécessaires pour ce faire. D‘autres motifs évoqués pour ne pas

faire ce type de travail sont le fait d‘avoir déjà célébré un handfasting bénévolement

(IF001, P5, Q11) ou encore la volonté de vivre sa spiritualité seul ou en privé (IM008, P5,

Q11)

4.11 Droits et libertés

Afin d‘explorer davantage l‘incidence des vecteurs d‘institutionnalisation externes sur

l‘évolution future de la spiritualité wiccaine, cette enquête a d‘une part tenté de cerner

l‘opinion des wiccains sur la question d‘une reconnaissance collective, d‘autre part, la

représentation forgée de leurs droits et libertés en tant que wiccains dans la société.

Une première question ciblait l‘attitude des pratiquants envers la nécessité de disposer

d‘une entité officielle aux fins de représentation de la communauté wiccaine. Un peu plus

de la moitié, onze répondants, ont dit ne pas en ressentir le besoin, tandis que neuf ont

manifesté un avis contraire. Encore une fois, une personne a répondu « oui » et « non ». On

voit ici qu‘en dépit de fortes réserves envers les organisations collectives officielles, l‘idée

d‘une entité institutionnalisée semble faire son chemin.

217

Les commentaires accompagnant les réponses méritent qu‘on s‘y arrête. Parmi les

arguments évoqués par les opposants à l‘émergence d‘une entité officielle figurent le fait

que la Wicca serait trop diversifiée pour se résumer en une seule entité (cinq personnes), la

non-pertinence d‘avoir à se doter d‘un corps représentatif (quatre personnes), ainsi que le

danger potentiel d‘abus de pouvoir au sein d‘une telle structure (quatre personnes).

I thinks it would be tricky to gather enough wiccans/pagans/witches, etc.

(period) together with similar enough views, that it would merit having a

church like structure where they would feel that all of their views/beliefs

were represented and honoured. (602, P6, Q1)

Encore une fois, je ne crois pas que la Wicca peut être représentée par un

seul clergé/église/association vu les différences d‘opinions et les

nombreuses différentes façons de pratiquer la Wicca. (IF004, P6, Q1)

Il en existe déjà beaucoup et plusieurs se contredisent. Avoir seulement

une entité pourrait créer de la jalousie des « powertrip ». (649, P6, Q1)

La Wicca est un processus qui se doit d‘être vécu d‘abord par soi, ensuite

avec la collectivité. Cependant, je suis conscient que de telles entités

pourraient s‘avérer utiles pour d‘autres croyants. Personnellement, je

crois que la mise en place de telle entité implique plusieurs dangers, tels

que la mise en place d‘une certaine « dictature » qui n‘est justement pas

présente et prisée par plusieurs. (IM005, P6, Q1)

D‘autres éléments relevés dans une même proportion renvoient aux difficultés de

mobilisation des wiccains et des païens, au fait que ce type d‘organisations existe déjà, à

l‘existence d‘une possibilité de stagnation, et à l‘homogénéisation de la pratique.

Plus il y aura une autorité officielle pour définir la Wicca, lus elle

deviendra limitée et cessera d‘évoluer. La question de définition reviendra

inévitablement pour savoir qui est représenté et qui ne l‘est pas. Une

association défendant et représentant les minorités religieuses en général

me paraît plus appropriée qu‘une association défendant une seule branche

du paganisme. Cela éviterais l‘exclusion de ceux qui rentre plus ou moins

dans les définitions. Il existe déjà de ces associations. (IF007, P6, Q1)

Une fois de plus, ceci rendrait la Wicca plus omogène, ce qui va à

l‘encontre de l‘esprit du néopaganisme. (603, P6, Q1)

There are influential spokespersons, like Starhawk, speaking on our

behalf, without needing to be « official body ». (PF001, P6, Q1)

218

On relève encore la volonté de ne pas vouloir copier les modèles des groupes déjà

institutionnalisés (deux personnes), d‘affirmer une pratique individuelle (deux personnes)

ou encore de proposer un modèle sur un conseil des aînés (une personne)200

.

Du côté des tenants d‘une entité officielle aux fins de représentation de la communauté

wiccaine, les motifs de reconnaissance de la part des autorités publiques (cinq personnes) et

l‘existence et la visibilité sociale, publique et moins stigmatisantes (quatre personnes) sont

relevés.

La communauté Wicca est assez élevée, un tel avancement permettrait à

certains de se dégêner ou de se sentir plus libre d‘être. (638, P6, Q1)

It helps both with validity and accountability. Also give authorities

someone to consult if necessary. (636, P6, Q1)

Je pense que plusieurs Wiccains ont peur de s‘afficher en public et une

telle organisation pourrait les sécuriser davantage. (632, P6, Q1)

Les motifs de cohésion et de mobilisation des pratiquants sont également évoqués (trois

personnes) dans la même proportion que ceux de la représentation collective aux fins

d‘accessibilité à certains services publics.

Ça permettrait d‘avoir des services gratuits dans les villes comme une

salle de réunion, un journal local et choses du genre, et ça permettrait de

s‘impliquer en tant que groupe reconnu ce qui permettrait de mobiliser

des Wiccans et des volontaire pour un but commun, ex. nettoyer une

berge, demander aux élus d‘en faire plus pour la récupération, le

compostage, aider une communauté etc. C‘est la force d‘un groupe qui est

plus fort qu‘un individu seul. (IF001, P6, Q1)

It just makes sense -- for the same reasons everything else has

representation. At the very least, it will help represent the individual

people making up the group. (IM008, P6, Q1)

200

Un conseil des aînés est composé d‘individus ayant acquis une grande expérience dans la pratique.

Habituellement, un conseil est en lien avec un coven. Un conseil n‘a pas de pouvoir en soi sur les pratiquants

et ne sont pas leur chefs ni leur dirigeant. Ils sont surtout présents pour les conseiller sur divers aspects de

leurs pratiques et de leur théologie.

219

D‘autres réponses en faveur d‘une reconnaissance auprès des autorités consistent, entre

autres, en l‘idée de pouvoir détenir les mêmes droits que les autres groupes religieux et de

promouvoir la religion.

La question des droits et des libertés donne un autre aperçu de l‘existence sociale vécue et

souhaitée de la part des Wiccains. La question suivante leur a été posée : « En tant que

wiccain, croyez-vous disposer des mêmes droits et privilèges que les croyants ou

pratiquants d‘autres religions? » En fait, cette question au sujet des droits semblables aux

autres les interpelle. Près du trois quart des répondants (15 personnes) estiment qu‘ils

disposent des mêmes droits et libertés que les croyants des autres religions, alors que cinq

personnes pensent que tel n‘est pas le cas. Il n‘y a qu‘une personne de répondants qui se

sont abstenus de répondre à cette question.

Pour approfondir cet ordre d‘idée, l‘enquête a tenté d‘établir dans quelle mesure les

wiccains estiment que leur liberté de conscience et de religion était protégée dans divers

aspects de leur vie.

220

Figure 9 : Protection de la liberté de conscience et de religion des wiccains

Comme l‘illustre ce graphique, il semble que les répondants estiment que leur liberté de

conscience et de religion est généralement respectée et protégée. Sans contredit, les

répondants estiment que leur liberté de conscience et de religion est davantage protégée

dans leur vie privée que dans leur milieu de travail. Cette affirmation se réflétait sur le

terrain lors des discussions avec divers individus. Par ailleurs, ce sont majoritairement les

répondants habitant la région de Montréal (11 personnes) qui se sentent le plus respectés

dans leur milieu de travail et sur la place publique. Le tiers de ceux en région se sentent

plus vulnérable dans leur milieu de travail. À l‘inverse, lorsqu‘il est question de la place

publique201

, ils se sentent plus protégés (sept personnes).

Une autre question tentait de déterminer si les répondants avaient déjà été confrontés à des

préjugés ou à de la discrimination en raison de leur identité wiccaine. Un peu plus de la

201

On entend par place publique les lieux à l‘extérieur du domicile et du milieu de travail qui sont partagés et

utilisés avec les autres membres de la société.

00%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

À votre lieude travail

Sur la placepublique

Dans votrevie privée

Autresendroits

La liberté de conscience et de religion est-elle protégée?

oui

non

oui et non

pas de réponse

221

moitié ont indiqué ne pas avoir vécu ce type de situation. Par ailleurs, plus du tiers des

répondants ont indiqué avoir vécu une forme ou une autre de discrimination.

Si on observe les commentaires chez cinq des répondants, l‘expérience ou la crainte du

préjugé se démarquent, trois personnes indiquent avoir été victimes d‘insultes et de

harcèlement, deux personnes de taquineries allant jusqu‘à la perte d‘un emploi (une

personne).

J‘étudiai (voilà quelque années) quand un collèque a vue mes livres, il

m‘a traité de lunatique. Il m‘a dit que je ne pouvais pas sérieusement

croire à ces machins là que c‘était des farces d‘enfants. (PF001, P6, Q4)

Not in my present job but in a previous one, I was discriminated against

by some stauch baptist and born again christians who were opposed to me

reading cards for some of the other staff members, though they saw

nothing wrong with reading their bibles all of the time in front of

everyone. (602, P6, Q4)

I was harassed by a co-worker who‘s daugther wanted to study Wicca.

(PF002, P6, Q4)

On a déjà rejetté ma candidature à devenir cadet au sens d‘un corp

policier parce que le caporal de recrutement avait des doutes envers mes

convictions religieuses. C‘est la seule fois que mon identité religieuse

m‘ait causé du tort. (603, P6, Q4)

En ce qui a trait au milieu de travail, perçu par tous comme le milieu le moins propice à

l‘existence sociale de la spiritualité wiccaine, la discrétion et la divulgation sont deux

attitudes adoptées en proportion égales. La situation reste délicate.

À mon identité religieuse de manière personnelle, non, mais j‘en ai

entendu à l‘égard des minorités religieuses en général et quelques autres

religions en particulier. Je n‘ai jamais signalé mon appartenance

religieuse à mon travail. (IF007, P6, Q4)

J‘ai eu plutôt des gens intéressés à en savoir plus. (IF001, P6, Q4)

Je n‘ai pas été confrontée à des préjugés, car je n‘en parle pas... mais si je

me déclarais Wicca, je crois bien que les gens me verraient d‘une façon

différente et que je serais confrontée à ces préjugés. C‘est pourquoi j‘ai

répondu oui et non à la question précédente... ma liberté de conscience et

222

de religion est officiellement protégée... mais je ne voudrais pas vraiment

la tester en me déclarant Wicca (IF004, P6, Q4)

D‘autres vont jusqu‘à camoufler leur identité religieuse afin de pouvoir travailler sans faire

face à de la discrimination.

Pour servir les gens, j‘ai du me présenter comme catholique (je suis qu‘en

même baptisé), car je n‘aurais pas été accepté comme wicce par manque

de pratiquant au sein des Forces Canadiennes et le manque de

reconnaissance par mes paires. (614, P6, Q4)

4.12 Synthèse

Bien que l‘échantillon de cette recherche soit petit, il permet néanmoins de dresser un

portrait des pratiquants de la Wicca dans la province. Selon le questionnaire cette religion

est principalement pratiquée par des femmes éduquées, hétérosexuelles, bilingues, ayant en

moyenne 39 ans et vivant en union de fait. Malgré ce portait, on remarque une

augmentation de la présence de diverses orientations sexuelles202

, d‘hommes et de jeunes

familles. Il est clair que cela ne peut que représenter ceux et celles qui ont rempli et

retourné le questionnaire à temps.

Comme, on peut le constater grâce aux des résultats de ce questionnaire, la Wicca au

Québec est porteuse de plusieurs vecteurs d‘institutionnalisation. On remarque également

qu‘en plus de porter un regard critique sur la question de l‘institutionnalisation, les

pratiquants sont aussi impliqués directement ou indirectement, à différents niveaux, dans

leur développement institutionnel. La diversité de positions se reflète dans la diversité des

approches et des points de vue exprimés.

Premièrement, on s‘aperçoit qu‘il existe quelques différences entre les pratiquants

francophones et anglophones quant à leur conception de la Wicca. De plus, les répondants

francophones, surtout ceux vivant à l‘extérieur de la métropole de Montréal, ont tendance à

utiliser plus souvent le terme « Wicca » pour faire référence à diverses formes de

202

La question de l‘orientation sexuelle n‘avait pas été adressée lors du questionnaire fait pour la maîtrise. À

cette époque, cela ne semblait pas avoir une incidence quelconque, mais plusieurs répondants en ont fait la

remarque. L‘acceptation des diverses orientations sexuelles au sein des pratiquants wiccains observés sur le

terrain, a permis l‘introduction de cette catégorie à la présente recherche.

223

sorcellerie, que les répondants anglophones pour qui son utilisation est plus restreinte. Nous

croyons que cela s‘explique entre autres, en raison de la disparité qui existe en ce qui a trait

à la disponibilité des objets de cultes, des textes fondamentaux et des services

communautaires pour les habitants de Montréal et ceux des régions. D‘ailleurs, comme

nous l‘indiquent les réponses obtenues, cette accessibilité à la Wicca se reflète également

dans les point de contacts. Ainsi, les répondants anglophones semblent avoir un premier

contact avec la Wicca à travers des livres et des amis, alors que pour les répondants

francophones, ce contact se fait principaleament par Internet. Cela explique la différence

observée dans le choix de l‘identité exprimée sur la place publique : wiccaine pour les

francophones; sorcière païenne pour les répondants anglophones.

Deuxièmement, la question du clergé, bien qu‘encore très polarisée, soulève des indicateurs

potentiels d‘institutionnalisation. Qu‘il soit question de son utilisation, de son acceptation

au sein des individus et de son applicabilité à la Wicca, le terme « clergé » fraye son

chemin dans le vocabulaire des répondants. Par exemple, le fait qu‘au Québec nul n‘a

besoin d‘être membre d‘un clergé pour officialiser un mariage, amène plusieurs d‘entre-eux

à chercher le statut de célébrant pour procéder au handfasting. Les questions pragmatiques

de l‘existence d‘un tel corps « religieux » ne sont pas toujours vues comme nécessaires;

pratique selon certains pour des questions de représentativité, mais non nécessaire pour

d‘autres répondants. Sans compter l‘aspect de la rémunération du clergé, qui semble encore

être une question épineuse.

Avec l‘utilisation du terme « clergé » vient également la notion du travail d‘aumônerie.

Bien que nous ayons un petit échantillon de répondants, l‘ouverture de ceux-ci vers le

travail d‘aumônerie est intéressante. À première vue, il peu sembler qu‘un grand

pourcentage de répondants est impliqué dans le mileu. Si l‘échantillon avait été plus

grande, les résultats à ce niveau aurait été plus petit203

. Il ne faut pas oublier également

qu‘avec l‘augmentation de la popularité de la Wicca, les demandes pour des services

203

À noter que le questionnaire a été répondu sur une base volontaire, par conséquent, les individus les plus

engagés dans leur communauté ont plus tendence à remplir le questionnaire.

224

propres à eux augmentent également. Du coup, plus de formation se développe et se créer

afin de faire un service spécialisé, tel que nous verrons dans le prochain chapitre.

Malgré la position initiale face aux organismes et institutions, on remarque, dans un

troisième temps, que de plus en plus de répondants connaissent et/ou s‘impliquent au sein

de divers organismes païens, conférences païennes ou encore associations païennes. Cela

accroît la possibilité de solidifier certains vecteurs d‘institutionnalisation au sein des

communautés et des pratiquants solitaires ainsi que d‘en créer de nouveaux. Néanmoins,

une crainte persiste parmi les répondants quant à l‘idée de la création d‘un corps

organisationnel représentatif des wiccains et païens.

Finalement, la question du respect des droits et libertés semble être principalement une qui

est positive parmi les pratiquants québécois. Certains répondants semblent indiquer qu‘ils

ont les mêmes droits et libertés que ceux des adeptes d‘autres religions et qu‘ils sont

généralement respectés. Ils disent toutefois craindre les préjugés et la discrimination,

surtout en milieu de travail.

Chapitre 5 : Pratiques culturelles et spiritualité

alternative : une description approfondie du milieu de vie

wiccain

We are a circle,

Within a circle,

With no beginning,

And never ending.

Par Rich Hamouris

5.0 Le milieu de vie wiccain : rappel des questions de recherche

Les rituels, les rencontres, les conférences et les festivals, la culture littéraire et artistique

qui animent les wiccains attestent d‘un milieu de vie riche et stimulant. Quels en sont les

principaux traits? Quelles influencent sont-elles marquantes? Quels en sont les motifs

récurrents? De plus en plus fréquemment, des chants sont repris et répétés par diverses

communautés lors de leurs rituels publics, traversant même la barrière linguistique. Le fait

que la spiral dance initiée par Starhawk sur la côte ouest états-unienne dans les

années 1980 se retrouve dans presque tous les rituels publics de la région de Montréal

démontre que ces aspects se propagent entre les individus et les groupes (Berger, 1999,

p. 103; Pike, 2001, p. 5). Même l‘art en soi est imité et diffusé. Par exemple, l‘image de la

déesse Gaïa204

; elle est représentée tour à tour sous les traits d‘une femme enceinte de la

terre, épanouie, souriante, ou encore en tant que femme aux formes amples et généreuses

telle la statuette de Willendorf (voir Dufresne, 2004). Les formes restent diverses; il

n‘empêche que certaines sont récurrentes et davantage répandues au cœur des diverses

activités wiccaines.

5.1 L’image d’ensemble

Vue les diverses dimensions existantes de la culture wiccaine et païenne au Québec, il

s‘avère utile d‘identifier et d‘analyser ces composantes. Passant des pratiques rituelles, aux

conférences, des boutiques aux ouvrages posséder par les pratiques et des activités autant

204

Voir annexe B – Statuette du Millennia Gaïa.

226

dans le monde physique que le monde virtuel, nous allons examiner ces différentes facettes

afin d‘avoir une vue d‘ensemble de ce qui est de la Wicca sur la place publique québécoise.

5.1.1 Rituels publics

Depuis 2003, nous avons participé à plus d‘une quarantaine de rituels publics205

au Québec,

au Canada et en Angleterre. Ceux-ci comprennent des rituels de sabbat (solstices et

équinoxes) et d‘esbat (pleine lune). S‘y greffent aussi des rituels lors des conférences, des

festivals ou rassemblements particuliers. Le nombre de participants à ces rituels varie en

moyenne de trois à quelques centaines d‘individus.

En général, les rituels se déroulent comme suit : Une première étape est la préparation des

lieux du rituel, par un nettoyage et une purification (la sauge est souvent utilisée à cette

étape). Un autel est installé (soit au nord ou nord-est). L‘autel peut être une table ou

simplement une nappe ou couverte sur le sol. Les items206

pour les besoins du rituel sont

placés sur de l‘autel207

. Par la suite les participants au rituel sont invités à former un cercle

autour de l‘autel. Souvent à cette étape les organisateurs prennent quelques moments pour

que les participants puissent se « grounded » soit par méditation guidée, soit par mode oral

tel que la vocalisation du « UM » en groupe. Le cercle est par la suite tracé, soit par les

membres organisateurs du rituel, soit par la participation de tous ceux présent. Une fois le

cercle tracé, il y a invitation des gardiens des tours (un pour chaque point cardinal) les

invitant à assister au rituel. Une fois les quatre gardiens invités, une invitation est lancée à

la déesse et au dieu-cornu les invitant à se présenter au rituel par l‘entremise de la prêtresse

et du prêtre qui officialise le rituel. Selon l‘événement célébré une explication et une

description sur cet événement sont alors données. Si un travail magique est de mise, c‘est

l‘un des moments où il est fait. Afin de consolider le travail ou encore pour monter de

l‘énergie pour des fins propice au rituel en question, des chants et des danses sont

205

À noter que ces rituels étaient des rituels publics. Ces rencontres comprennent d‘autres rituels présidés par

les divers membres païens des communautés, comme les druides, les asatruars, les heathens, voire d‘autres

mélanges comme un rituel druidique discordien qui s‘est déroulé lors de la cérémonie de fermeture du Gaia

Gathering à Ottawa. 206

Habituellement on retrouve des chandelles, un athame (couteau à lame double tranchante), l‘eau, encens,

sel, coupes, items pour le travail magique ou pour le rituel selon le sabbat approprié. La variété d‘item est tel

que nous ne pouvons pas tous les nommer. 207

Les items pour le festin à la fin du rituels sont souvent placé sous l‘autel, question de gagné de la place.

227

exécutés208

. Lorsque l‘énergie semble avoir atteint son point culmulant, tous les participants

dirigent leur énergie vers l‘autel et tout surplus est retourné à la terre en déposant les mains

sur le sol. Une fois terminé, il y a une bénédiction du vin et du pain209

par les célébrants du

rituel. La coupe210

est alors passée à un individu dans le cercle et fait le tour des participants

jusqu‘à ce qu‘il revient au point de départ. Le même traitement est fait pour le pain. À ce

moment les gens s‘assoient sur le sol et prennent le temps de faire un petit festin avec les

objets qui ont passé. C‘est également à ce moment que les nouvelles ou les activités à venir

sont annoncées. Une fois terminé, tous le monde se lève et les officiants remercient les

dieux et les gardiens pour leur présence et les invitent à retourner à leur monde dans l‘ordre

inverse de l‘invocation initiale. Le cercle est alors ouvert et les officiants remercient les

participants de leur participation.

Au fil du temps et dans le cadre de nombreuses recherches sur le terrain, nous avons pu

observer une variété de façons de dresser un autel, de tracer un cercle, d‘inviter les déités et

les gardiens des tours, de créer de l‘énergie, de faire de la magie. La créativité dans

l‘exécution du rituel est encouragée, et les changements de dernière minute ont également

leur place. À titre d‘exemple, les autels peuvent être dirigés soit vers le nord soit vers l‘est.

Ils peuvent être chargés, composés de plusieurs items utiles ou décoratifs, ou encore être

dépouillés et minimalistes. Le cercle, tel que décrit dans l‘introduction, peut être tracé par

ceux qui célèbrent le rituel. Le périmètre en est délimité avec le doigt, l‘athame ou une

branche. Ce travail s‘accompagne de l‘incantation propice. Le cercle peut également être

créé par le recours aux paroles et aux gestes des participants au rituel. Par exemple, lors du

rituel d‘ouverture du Gaïa Gathering à Montréal211

, les participants forment un cercle

autour de l‘autel, une personne commence en disant : « De mon cœur à ton cœur le cercle

est créé212

». Pendant qu‘il prononce ces paroles, le pratiquant prend la main de la personne

à sa gauche, amène cette main vers son cœur et, par la suite, la dirige vers le cœur de cette

208

Lors de rituels où il y a beaucoup de personne présent, il y a souvent le « Spiral dance » qui est performé. 209

À noter que cela peut être également du jus ou de l‘hydromel et que le pain peut être accompagné de fuits,

légume ou autre aliment. 210

Si la coupe vient à être vide, il est remplit afin que tous peut en prendre. 211

Ce rituel n‘était pas purement wiccain 212

Une particularité de ce rituel est que cette phrase devait être dite en français par les anglophones et en

anglais par les francophones : « From my heart to your heart the circle is cast ».

228

autre personne tout en la regardant. La deuxième personne, se tourne alors vers la personne

à sa gauche et répète ce processus, tenant toujours dans sa main droite, la main gauche de la

personne à sa droite. Ainsi une chaîne d‘individus se tenant par la main se crée jusqu‘à ce

que la dernière personne donne sa main à l‘individu qui a commencé le cercle. Ce n‘est

qu‘un exemple parmi tant d‘autres.

Hormis les différences de méthodes et de styles, ces éléments de base reconnaissables

créent un sentiment de familiarité lors d‘un rituel public213

. Par conséquent, ces éléments

similaires permettent aux individus qui participent à ces rituels publics de façon régulière

de se reconnaître et de tisser des liens avec d‘autres membres de la communauté. Ces

actions créent en outre une atmosphère chaleureuse et sécurisante où l‘individu peut

retrouver d‘autres personnes partageant les mêmes affinités sans craindre de regards

désapprobateurs. Lors d‘un rituel public, il n‘est pas rare d‘observer la toute première

manifestation culturelle ouverte en groupe d‘individus qui pratiquent déjà depuis quelques

années214

. Les éléments rituels de base favorisent la reconnaissance des pratiquants entre

eux. Ils permettent d‘aider l‘individu à se sentir à l‘aise et à s‘intégrer dans la communauté

locale. On peut donc voir à l‘œuvre, dans le tracé du cercle, un exemple de cette force

interne d‘institutionnalisation qu‘est le rituel.

Une autre composante remarquable du rituel public qui va dans le même sens est le chant.

Le chant aide à créer une atmosphère familière et conviviale. Quelques chants utilisés lors

de rituels publics sont présentés dans la présente thèse. Ce sont parmi les plus couramment

utilisés, non seulement dans la communauté montréalaise, mais également ailleurs. Qu‘ils

émanent de groupes, de covens ou encore qu‘ils aient été composés par des individus de

diverses communautés, les chants créent facilement un lien et rendent les courants familiers

aux pratiquants individuels. La Wicca étant avant tout une tradition orale, le chant, de par

213

À ne pas oublier que les rituels publics ne sont pas tous wiccains. Les rituels publics s‘adressent souvent à

un public païen élargi. Néanmoins, le format utilisé dans repose majoritairement sur le format du rituel

wiccain. Les individus adaptent le rituel à leur façon de faire. Par exemple, lors de l‘appel des tours, certains

lèvent une main en direction de la tour en question (nord, sud, est ou ouest) et tracent un pentagramme en

faisant la salutation, alors que d‘autres vont avoir les deux mains dans les airs ou encore au niveau de leurs

hanches les paumes ouvertes, alors que d‘autres encore resteront simplement debout dans la direction donnée. 214

Dans la plupart des cas, ce sont des néophytes de la pratique ou encore des gens qui viennent d‘emménager

dans la ville.

229

son accessibilité et sa circulation, est une composante-clé du rituel en même temps qu‘une

force motrice de l‘institutionnalisation au plan interne. Durant toutes les années pendant

lesquelles nous avons mené nos recherches sur le terrain, très peu de rituels publics n‘ont

pas comporté de chants215

. Le chant est utilisé non seulement pour rassembler l‘énergie des

participants pour le travail à accomplir lors du rituel, mais également pour contribuer aux

incantations et donner le rythme au rituel. Dans tous les types d‘événements publics

(comme les festivals et les conférences), la transmission et la diffusion des enseignements,

des histoires et des traditions païennes et wiccaines passent de façon privilégiée par le

chant.

Lors d‘un rituel les chants sont habituellement courts et composés de quelques phrases

répétées tout au long du travail à accomplir. Certains chants empruntent des mélodies

connues, comme l‘air de « Frère Jacques », ou ont simplement un air monotone. Cela peut

aller de la simple récitation répétitive des noms de la Déesse à des compositions plus

élaborés. Tout dépend de la situation. Il arrive que les chants soient créés sur place pour

contribuer à un travail magique ou pour créer l‘énergie et l‘atmosphère nécessaires au

rituel. Ils sont parfois absents du rituel pour des motifs extérieurs au culte. Sur le terrain, au

Québec, les chants observés étaient pour la plupart en anglais. D‘ailleurs, à Montréal, après

l‘un des rituels francophones auxquels nous avons assisté, nous avons demandé au prêtre216

officiant pourquoi il n‘y a pas eu de chants à son rituel public. Il a tout simplement répondu

ne pas en connaître en français. Peu de temps après, à la fin d‘un autre rituel public bilingue

à Montréal, la prêtresse officiante au rituel public a été approchée217

. Nous lui avons

demandé si, puisqu‘elle est bilingue, elle connaissait des chants en français. Nous lui avons

également fait état des propos concernant le maigre répertoire francophone. Nous lui avons

demandé si elle connaissait des sources et pouvait nous indiquer où chercher. Elle nous a

dit qu‘il existe plusieurs chants en français, et que cela n‘était pas un problème puisqu‘il est

215

Les quelques fois où aucun chant n‘avait été utilisé, les participants ont noté des difficultés à créer de

l‘énergie pour le rituel, sans compter qu‘ils avaient l‘impression qu‘il y avait un manque et que le rituel n‘était

pas complet. 216

Il était le président de l‘Église Wiccane du Québec. 217

Ces deux rituels publics ont eu lieu dans le local au-dessus de la boutique du Mélange Magique. J‘étais

également accompagnée de deux sorcières wiccaines de Québec qui sont venues à Montréal pour ces

occasions. Lors du deuxième rituel mentionné, j‘étais également accompagné de deux étudiants non-païens.

230

toujours possible d‘en composer sur-le-champs. Par la suite, elle a fait une démonstration

en créant sur place quatre chants avec des mots-clés que nous avions choisis. Comme elle

nous l‘a fait remarquer, la Wicca est une tradition orale avant d‘être une tradition écrite. Par

conséquent, les chants deviennent un médium privilégié pour transmettre cette tradition et

partager les valeurs des wiccains.

Les chants sont également un moyen de réaffirmation de l‘appartenance et de l‘identité

commune. D‘ailleurs, lors de la première conférence pancanadienne Gaïa Gathering, dont il

sera question ci-dessous, il a été décidé de composer un hymne pour la conférence218

. Cet

hymne est maintenant chanté chaque année lors de la conférence, ce qui permet aux

nouveaux participants de se familiariser avec la communauté païenne canadienne. Cet

hymne est un bon exemple d‘éléments cultuels émergents et fédérateurs.

5.1.2 Conférences païennes

Pour cette recherche, les conférences visées étaient principalement celles de Montréal, aussi

connues sous le nom de Montreal's Pagan Community Conference (MPCC), en plus des

conférences Gaïa Gathering219

.

5.1.2.1 Montréal

Dans la foulée du succès remporté par les conférences ontariennes220

, les conférences de la

communauté païenne de Montréal221

ont débuté au cours du printemps et de

l‘automne 2003. La première conférence a eu lieu sur le campus Loyola de l‘Université de

Concordia222

alors que celle de novembre 2003 s‘est tenue au Centre de ressources

païennes de Montréal (MPRC/CRPM)223

, au deuxième étage de la boutique « Mélange

218

Voir annexe F : Gaïa Gathering 219

Gaia Gathering, une conférence pancanadienne, est pris en considération puisque des Québécois y

participent. 220

La Ottawa Pagan Conference et la Southern Ontario Regional Conference (SORCery). 221

À noter que la conférence est composée de membres de diverses pratiques païennes, qui appartiennent ou

non à un coven ou à une petite communauté de croyances et pratiques qui leurs sont propres (druides, asatru

wicca, etc.). 222

Voir WynterGreene, Imbolc 2005, « The Montreal Pagan Community Conference ». 223

Voir l‘annexe G : Dépliant du Centre de ressources païennes de Montréal/Montreal Pagan Ressource

Center (MPRC/CRPM).

231

magique »224

. Une troisième conférence s‘est déroulée un an et demi plus tard, soit le 23

avril 2005225

. Une quatrième s‘est tenue le 17 novembre 2007 au Centre écossais de

Verdun226

.

Le but de ces conférences était et demeure de créer et de resserrer les liens entre wiccains et

favoriser le réseautage entre les divers membres organisateurs de la communauté païenne

de Montréal, soit les grandes-prêtresses et les grands-prêtres de covens, les groupes païens

locaux et les organisations hôtes. Parmi les individus présents aux conférences observées se

trouvaient des membres de divers organismes païens, comme la PFPC (Pagan

Federation/Fédération païenne du Canada), la PFI (Pagan Federation International), l‘Église

Wiccane du Québec, ainsi que des membres de la communauté d‘Ottawa et les individus

qui composent la communauté montréalaise.

Les conférences durent en moyenne une journée. Selon le cas, mais surtout lors de la

troisième et de la quatrième conférence, une structure se dégage : l‘accueil, le rituel

d‘ouverture, l‘ouverture de la conférence et la présentation des participants. Viennent

ensuite plusieurs présentations et ateliers suivis de discussions. Vers la fin de la conférence,

un résumé et un retour sur les discussions sont présentés. Une assemblée générale est tenue,

suivie d‘un rituel de clôture. Ainsi prend fin le rassemblement.

Lors de ces conférences, les thèmes abordés touchent divers points d‘intérêts particuliers de

la communauté montréalaise. Ainsi, la première conférence portait sur la manière de

construire une communauté et un réseau. La deuxième fut consacrée à une discussion sur

les modalités d‘incorporation d‘un groupe en tant qu‘organisme sans but lucratif (OSBL)

au Québec, ainsi que les différentes structures et organisations collectives envisageables.

Lors de la troisième conférence, plusieurs thèmes ont été abordés : la durée de vie des

OSBL, la notion de communauté païenne montréalaise, l‘utilisation du cyberespace pour

construire la communauté, le sexe et le paganisme, ainsi que la notion de parentalité

224

Nous avons manqué la première conférence, en raison d‘un conflit d‘horaire. Voir l‘annexe H pour

l‘annonce de la conférence et des thèmes abordés. 225

Celle de 2004 n‘a pas eu lieu. Voir l‘annexe H. 226

Voir l‘annexe H.

232

païenne. La quatrième conférence a porté sur les questions de la langue et de la liturgie.

L‘objectif était de se doter d‘outils pour mieux connaître et comprendre la diversité païenne

de Montréal, notamment les aspects linguistiques, familiaux et générationnels (les jeunes en

particulier) afin d‘adapter l‘utilisation du langage sacré.

L‘observation des conférences a permis d‘être au cœur, littéralement, de processus en

émergence, et de les relier en partie à des interactions concrètes et à des initiatives en cours.

Parmi les suites et les retombées des projets envisagés lors des quatre conférences, on

compte : la création de bases de données contenant une liste d‘artistes, de représentants

auprès des médias, de groupes païens locaux227

, de sites Internet, de conférences

canadiennes, de festivals païens, de groupes de discussions virtuelles228

, d‘associations

païennes étudiantes, du Centre de ressources païennes de Montréal et de la West Island

Pagan Association en tant qu‘OSBL. Par ailleurs, la West Island Pagan Association s‘est

dotée d‘un centre qui permet non seulement d‘offrir l‘accès à des ouvrages de référence et

d‘intérêt pour les païens, mais également de se doter d‘un lieu où peuvent se réunir divers

groupes, entre autres les jeunes païens, pour diverses activités, qu‘il s‘agisse de rituels ou

simplement de discussions avec des individus ayant les même affinités229

.

Grâce à ces conférences, nous avons pu remarquer qu‘au fil du temps, non seulement les

suggestions et les idées sont prises et misent en application, mais également que des liens

se sont effectivement tissés entre les divers groupes et individus de la communauté. Un

réseau s‘est également mis en place pour appuyer la communauté et l‘aider à surmonter

divers problèmes, comme des documents pour aider les parents païens, des porte-parole

dans les écoles qui parlent de la Wicca et du paganisme, un réseau pour aider et signaler les

cas d‘abus de diverses natures (comme des conseils relativement aux dangers d‘Internet

pour les jeunes), la question du burn-out des individus organisateurs dans la communauté,

ainsi que des services d‘entraide pour les communautés locales (par exemple des collectes

227

C‘est-à-dire ceux qui tiennent des activités publiques, pas nécessairement des covens. Cela peut inclure des

cercles, la Montreal Pagan Brunch, des associations et des centres de ressources. 228

Cela peut inclure des groupes utilisant les services de Yahoo groupes pour l‘envoi de communications par

courriel, ou encore, des blogues et des groupes Facebook. 229

Ce type d‘idée avait été effleuré lors de la deuxième conférence en 2003.

233

de dons). Tous ces éléments constituent des vecteurs d‘institutionnalisation internes qui

contribuent à façonner la communauté publique de la Wicca montréalaise.

5.1.2.2 Gaïa Gathering

En 2004, un groupe de païens de diverses traditions, issu de diverses région du Canada, ont

eu l‘idée de créer une conférence païenne nationale. Les interactions entre les organisateurs

se faisaient pour certains en personne, tandis que pour d‘autres, elles se faisaient par

courriel et par groupes de discussions. Cela a permis à ces gens de rejoindre les diverses

communautés et les différents réseaux païens auxquels ils appartiennent afin de réaliser leur

projet. En mai 2005, durant la longue fin de semaine de la fête de la Reine230

, a eu lieu la

première conférence à Edmonton, Alberta. La Canadian National Pagan Conference, appelé

également Gaïa Gathering, se veut un lieu de rassemblement et de discussions entre les

païens de diverses traditions. L‘un des buts de cette conférence est de savoir ce qui se fait

dans les autres provinces par les divers groupes païens afin de créer un réseau direct et

interpersonnel entre ces divers groupes et individus. Cette conférence a lieu chaque année

durant la même fin de semaine, mais à des lieux différents à travers le pays : Edmonton

(2005), Halifax (2006), Winnipeg (2007), Ottawa (2008), Vancouver (2009)231

, Guelph

(2010)232

et Montréal (2011)233

. Bien que ce colloque soit canadien et se tienne dans une

province différente chaque année, plusieurs Québécois s‘y rendent et reviennent au Québec

avec des suggestions et des idées à mettre en œuvre au sein de leurs communautés

respectives.

Les conférences ont habituellement lieu sur les campus universitaires, puisqu‘ils permettent

d‘avoir accès à des logements à prix modique pour les participants de la conférence ainsi

qu‘à de nombreuses salles pour les conférences. De plus, l‘accessibilité et la proximité des

230

Au Québec, ce congé est également connu sous le nom de fête de Dollar ou de la fête des patriotes. Elle se

tient autour du 24 mai. 231

Au moment où cette conférence a eu lieu, nous avions entamé le travail de rédaction. En outre, nous avions

terminé nos recherches sur le terrain. Pour ces raisons, nous n‘avons pu y assister. 232

C‘est cette ville qui avait remporté la mise en candidature, mais finalement, la conférence a été annulée

pour diverses raisons. 233

Montréal s‘est présentée à la dernière minute pour remplacer la ville de Guelph.

234

logements au site de conférence permettent aux personnes étant à mobilité réduite ou

encore aux exposants portant plusieurs objets avec eux de s‘y rendre facilement.

Dans le cadre de cette conférence, des salles d‘exposition d‘œuvres païennes sont prévues

et aménagées. Elles comprennent des kiosques de marchands, de représentants de boutiques

païennes, d‘artisans et d‘artistes païens, locaux ou pancanadiens.

En général, et ce depuis la première conférence, le déroulement des conférences est le

suivant :

- Vendredi : Accueil et inscriptions234

. En début de soirée, se tient le rituel

d‘ouverture235

de la conférence.

- Samedi : Conférence de l‘invité spécial en avant-midi, suivie d‘une série de

conférences dans diverses salles (selon le panel). En soirée, il y a de l‘animation,

une présentation de photos, une projection de films païens ou une prestation d‘un

groupe de musique païen.

- Dimanche : Diverses conférences et discussions en avant-midi et en après-midi.

Banquet et animation en soirée.

- Lundi : Assemblée générale. Rituel de clôture de la conférence. Départ des

participants et organisateurs.

Les conférences et les panels revêtent diverses formes236

. Il y a toujours une série de

conférences académiques où des étudiants ou des professeurs païens et non-païens (dont

certains sont wiccains) font des présentations en lien avec leurs recherches ou avec le thème

de la conférence; à titre indicatif la notion de communauté, les difficultés de pratiquer en

français, la liturgie ou encore les droits et les libertés des païens. Ces présentations et

séances de discussions sont faites dans le format habituel des conférences académiques. Ce

volet académique semble être important pour les organisateurs puisqu‘il est repris chaque

année.

234

Il est à noter que les participants peuvent procéder à une pré-inscription, ou encore s‘inscrire directement

sur les lieux soit pour une partie de la conférence, ou pour l‘ensemble de l‘événement, y compris les activités

supplémentaires comme les spectacles ou le buffet. 235

À certains endroits, il y en avait deux. Un petit en milieu d‘après-midi pour souligner l‘ouverture, et un

grand en fin de soirée avec la majorité des inscrits pour ouvrir officiellement la conférence. 236

Toutes les présentations et tous les ateliers sont enregistrés, avec la permission des présentateurs et

conservés dans les archives de la conférence afin d‘être accessibles à tous ceux qui en font la demande,

surtout les étudiants ou les chercheurs qui travaillent sur les sujets et les thèmes abordés par ces conférences.

235

Parallèlement au volet académique, une autre série de conférences plutôt informelles a lieu,

souvent sous la forme d‘un panel interactif (questions/réponses ou opinions) ou de tables

rondes de type consultatif. Ces dernières invitent divers membres de diverses communautés

à partager leurs expériences sur certains sujets comme les difficultés rencontrées en tant

que parents païens, les questions liées à l‘environnement, le rôle social à assumer en tant

que païens, les questions liées au clergé et à l‘église, l‘éthique païenne, le paganisme au

sein des militaires, etc. Des ateliers sont tenus sur diverses techniques, tant artistiques

(chants, musique païenne, exposition d‘œuvres, etc.) que cultuelles (confection et

décoration d‘autel, organisation de festival, art des rituels publics, etc.).

Lors de certaines conférences, se sont également tenues des séances de discussion (tables

rondes) divisées selon les grandes traditions, soit la Wicca, le druidisme237

et l‘Ásatrú238

.

Durant ces discussions, les participants se sont regroupés selon leurs traditions respectives

et ont discuté des questions qui les préoccupent. Pour note part, nous avons assisté à celles

consacrées à la Wicca, qui avait lieu durant les séances du samedi après-midi. Les

discussions portaient souvent sur la question du rapport entre pratiquants solitaires et

pratique « traditionnelle » en coven. Les personnes issues de régions géographiques

éloignées et isolées où il n‘y a pas de coven ont défendu leur droit de s‘identifier en tant

que wiccains. D‘un autre côté, certaines personne appartenant à un coven ont fait valoir que

certaines règles doivent être respectées pour être reconnu en tant que wiccain, par exemple

avoir été initié par un coven de lignée wiccaine239

et pratiquer nue240

. D‘autres critères sont

237

Le druidisme est une pratique celtique polythéiste qui a connu un renouveau au XXe siècle. Ils s‘inspirent

des pratiques païennes modernes, des sociétés secrètes ainsi que des traditions des anciens druids, notamment

par le biais des ouvrages archéologiques. Il y a en générale trois ordres soit celles des Bardes (poètes et

musicians), celles des Ovates (guérisseurs, magie et divinations) et les Druides (rituel, cérémoniel, culture et

jugement). C‘est une croyance plutôt centré sur la philosophie et sur les forces de la nature. À l‘opposé de la

Wicca, qui se concentre autour des aspects de la lune, les druids se concentrent sur les aspects du soleil et les

fêtes solaires qui conincide presque avec les sabbats wiccains. 238

En somme l‘Ásatrú est une religion polythéiste en lien avec les croyances et les dieux norses (Thorr, Odin,

Freya, Aesir et Vanir), pratiqué anciennement par les tribus germaniques nord-européennes. Les pratiques se

concentrent autour de neuf vertues, soit : « le courage, l‘honneur, la vérité, la fidélité, l‘hospitalité, le travail

assidu, la persévérance, l‘autodiscipline et la confiance en soi ». (SCC, 2005, p.194) 239

Cela fait référence aux lignées surnommées BTW (British Tradition Wicca), initiées et influencées par

Gerald B. Gardner (entre autres, Gardnérien et Alexandrian). Par conséquent, les membres initiés peuvent

remonter leur héritage initiatique à l‘un de ces covens mères. 240

Cette pratique s‘appelle également la pratique skyclad, qui signifie être habillé de nuages ou du ciel.

236

ou ont par ailleurs été évoqués. En 2002, une informatrice exprimait ceci lors d‘une

discussion portant sur les différentes pratiques wiccaines : « If they cast circles and do

something to the 4 directions…and use the 4 elements plus spirit and pentagrams it‘s

wicca. » (200211LFE)

Au cours des premières années de notre recherche, entre 2004 et 2006, nous avons pu

observer que ce qui dérange les initiés de coven n‘est pas tant le fait qu‘il existe des

pratiquants solitaires, mais plutôt le fait que ceux qui s‘auto-initient et qui ont lu quelques

livres se réclament de l‘identité wiccaine au lieu de tout simplement s‘identifier en tant que

sorcière ou sorcier. Ceux et celles qui ont déjà été initiés dans un coven mais qui pratiquent

maintenant seuls pour diverses raisons, font toutefois exception à cette règle. D‘un autre

côté, les pratiquants solitaires qui se réclament de l‘appellation wiccaine indiquent que leur

cheminement est aussi valable, et ce, même s‘ils n‘ont pas tous accès à un coven. L‘absence

de coven amène ceux-ci à trouver d‘autres sources de formation et d‘information. Certains

solitaires ont indiqués que le seul contact qu‘ils ont avec la Wicca se fait à travers des

ouvrages qu‘ils trouvent et qu‘ils commandent, ainsi qu‘au moyen de l‘information glanée

sur Internet. Plusieurs mentionnent à cet effet le manque de ressources valides disponibles.

Leur seule source de renseignements se trouve souvent sur les sites traitant de la « Wicca »,

et ces informations sont incomplètes241

.

Plusieurs autres aspects ont été discutés lors de ces tables rondes thématiques autour de la

Wicca, mais la question qui en émerge est celle de la définition de l‘identité wiccaine.

Malgré l‘idée générale de la perméabilité des frontières identitaires wiccaines et de la

diversité de pratiques promulguées, il devient évident qu‘il existe, pour un certain nombre

de pratiquants, des notions d‘inclusion et d‘exclusion à faire valoir relativement à

l‘appartenance. Il est donc possible d‘entrevoir par ces discussions l‘action de vecteurs

internes d‘institutionnalisation qui poussent à un questionnement et à une normalisation

éventuelle de l‘identité.

241

Il est à noter que depuis ces premières conférences, beaucoup plus d‘informations et d‘ouvrages wiccains

sont disponibles aux pratiquants solitaires, et ce tant en anglais qu‘en français.

237

5.1.3 Les boutiques

Lors de nos recherches sur le terrain effectuées dans le cadre de notre mémoire de maîtrise,

il nous est clairement apparu que les boutiques ésotériques constituent des bases

importantes à l‘établissement d‘un réseau de communications dans une communauté, en

plus d‘être une source d‘information (Gagnon, 2008a, p. 112; Berger, 1999, p. 77). Ces

boutiques ésotériques vendent non seulement des livres, des outils de magie, de l‘encens,

des huiles, des bijoux et d‘autres articles utiles aux divers types de pratiques magiques ou

ésotériques, mais elles deviennent également des points d‘information pour tout ce qui a

trait aux païens et aux autres pratiques similaires non païennes242

. De plus, ces boutiques

sont également un endroit où des individus ou des groupes locaux peuvent afficher leurs

activités (cours, conférences, rituels publics, etc.), leurs bulletins d‘information, leurs

annonces communautaires et leurs services. Même si ces boutiques ne sont pas wiccaines,

elles contribuent à la création et la solidification des liens qui existent dans les

communautés.

Il va sans dire que dans la province de Québec, la ville de Montréal est celle qui a le plus de

boutiques ésotériques ou encore pour certains, médiévales243

. L‘une des plus vieilles et des

plus grandes est Le mélange magique (Magical Blend) qui existe depuis 1991. Cette

boutique offre non seulement de la marchandise utile aux diverses pratiques, mais

également des ouvrages ainsi qu‘un espace disponible pour la communauté qui est loué au

MPRC/CRPM, à des consultants d‘arts divinatoires et à une école de sorcellerie. Il faut

signaler que c‘est au sein du Mélange magique que nous retrouvons également l‘école de

sorcellerie Crescent Moon School fondée en 1994244

. De plus, cette boutique possède son

propre atelier pour la fabrication de produits comme des chandelles, de l‘encens et des

huiles. Elle offre des services tant aux anglophones qu‘aux francophones. Bien qu‘il existe

une prépondérance d‘ouvrages anglophones dans la boutique, il y a néanmoins quelques

242

On retrouve parfois de l‘information provenant de groupes ésotériques, de sociétés dites secrètes ou de

groupes à tendance Nouvel-Âge. 243

Certains préfèrent cette référence en région pour éviter les discriminations et les attaques contre leur

personne ou encore pour diminuer la peur de la population générale locale relativement à ce sujet (entretien

avec le propriétaire du Scarabée, 7 avril 2008). 244

Entretien avec Scarlet, 22 octobre 2008, ex-employée et nouvelle propriétaire de la boutique depuis 2011.

238

ouvrages en français. Malgré le peu de traduction des ouvrages vers le français, la boutique

semblent être en mesure de subvenir au besoin des francophones. Il existe également la

boutique Charmes et Sortilèges qui s‘adresse, pour sa part, aux pratiquants francophones en

offrant, en plus de la marchandise, un espace pour des rituels ou d‘autres services offerts en

français.

D‘autres boutiques ont ouvert et fermé leurs portes au cours des vingt dernières années245

.

Peu ont eu une existence aussi lorsque que Le Mélange magique. D‘ailleurs, selon la

propriétaire actuelle, l‘une des raisons de la longévité de la boutique est liée au fait qu‘en

1994, les propriétaires de l‘époque ont décidé de commencer à vendre leurs articles par

Internet en créant une page web pour la boutique

Avec l‘avènement d‘Internet et des sites web, plusieurs personnes optent pour la création

d‘un espace de vente virtuel. Comme pour le Mélange magique et Charmes et sortilèges,

cette option permet d‘accroître le rayonnement auprès de la clientèle. Certaines boutiques

n‘opèrent que dans l‘espace virtuel, mais il s‘agit d‘une minorité. À travers le Québec,

quelques boutiques physiques ont encore ouvert leurs portes au public, car on estime que le

lieu peut influencer directement les clients. Le décor, la lumière, les sons, les parfums, les

autres clients, les animaux246

, etc. sont tous des éléments qui contribuent à l‘atmosphère et

à l‘expérience du client.

D‘un autre côté, les boutiques virtuelles miseraient sur l‘intégration d‘éléments comme de

la musique et des photos de leurs produits afin de simuler l‘expérience. L‘intégration de

symboles, de couleurs, d‘imageries et de référents païens ou ésotériques à leur site

permettrait d‘en dépasser la nature commerciale.

La notion de confort semble essentielle aux wiccains en quête d‘outils et de savoirs. Dans

un premier temps, elle militera même en faveur de la boutique ésotérique virtuelle. Dans un

commerce physique, certains individus peuvent se sentir mal à l‘aise ou encore intimidés

par l‘environnement, sans parler de la nature des objets ou des documents qu‘ils

245

Parmi celles-ci mentionnons Metamorphosis, Le magasin du Wicca, La librairie Nouvel Âge et Le

Pentagramme. 246

Dans quelques boutiques, des chats se promènent librement.

239

recherchent. Lors de nos entretiens avec certains wiccains, quelques-uns ont fait mention de

l‘inconfort et de la crainte initiale d‘être jugés par les autres clients présents dans la

boutique. Bien qu‘à Montréal la présence publique des diverses communautés païennes et

wiccaines tend à atténuer la sensation d‘inconfort, celle-ci persiste en région, surtout lors de

premières visites247

. Selon une propriétaire de la boutique virtuelle L’étoile éternelle, la

nature intimidante de l‘espace commercial physique s‘estomperait dans le cadre d‘un

commerce virtuel :

Quand nous pénétrons dans un commerce ésotérique, nous changeons de

vibration. Nous voyons enfin une atmosphère autre que celle du

scepticisme rationalisme. En ayant un commerce virtuel, cela permet aux

gens gênés de pouvoir voir eux aussi quel sorte d‘énergie que cela peut

dégager. Aussi nous n‘avons pas le stress causé par l‘achalandage des

commerces physiques ni de la mauvaise énergie des regardes que les

autres nous porte en nous regardant d‘un air bizarre. (200812ASPFF)

Comment et dans quelle mesure l‘espace virtuel joue-t-il sur le processus

d‘institutionnalisation? Les boutiques en ligne permettent de s‘en faire une idée. Parmi les

responsables de diverses boutiques québécoises virtuelles rejointes, deux ont accepté de

collaborer à l‘étude. L‘une est située à Québec248

, l‘autre en Abitibi249

. Des entretiens

téléphoniques ainsi que des échanges par courriel ont été faits avec les propriétaires. Nous

avons en outre exploré leurs sites web.

De nos entretiens250

sur la question des boutiques virtuelles, il ressort que ce type de

boutique : 1) garantit l‘anonymat des clients251

; 2) amène les gens à poser des questions

qu‘ils n‘oseraient pas poser en présence d‘autres individus; 3) permet aux gens qui vivent

dans des lieux isolés de se procurer le matériel nécessaire à leur pratiques. La boutique

virtuelle requiert également moins d‘investissement financier (locaux, personnel,

247

Ces observations proviennent de nos visites sur les lieux; elles recoupent également de nombreuses

conversations avec des wiccains et sorcières néophytes. 248

Ouverte depuis 2002. Voir le site à l‘adresse : http://www.etoileeternelle.com/boutique/ 249

Ouverte depuis 1998 Voir le site à l‘adresse : http://www.artefactsduscarabee.com/boutique/ 250

Entretien téléphonique avec le propriétaire de la boutique Les artefacts du Scarabée le 7 avril 2008 (2

heures), et l‘échange par courriel avec la propriétaire de la boutique ésotérique L’étoile éternelle, Annie St-

Pierre, 4 décembre 2008. 251

L‘anonymat semble capital pour le propriétaire du Scarabée; il en a fait mention à plusieurs reprises lors de

notre entretien. Il évoque de même l‘existence de « la chasse aux sorcières dans les régions ».

240

inventaire, etc.) et favoriserait le marché « de niche ». Ces boutiques offrent en effet des

objets, des outils, des pierres et des bijoux nécessaires à diverses pratiques. Certains de ces

articles sont fabriqués par les propriétaires.

Outre les affaires en ligne, ces boutiques animent des forums et des bloguues de partage

d‘expériences et d‘informations sur les produits vendus ou encore sur divers sujets en lien

avec les pratiques magiques et ésotériques. Elles agiraient comme de microréseaux

d‘affinités. Selon un propriétaire, les boutiques, par le biais notamment du blogue,

permettent : « d‘établir des contacts des gens qui vivent la même chose » (entretien avec le

propriétaire du Scarabée, 7 042 008), ce qui constituerait un réel besoin. Toujours selon

lui : « Il faut arrêter d‘avoir peur et il faut apprendre à parler aux autres. » Le but est

d‘autant plus louable que souvent, ces forums sont les seuls contacts qu‘ont les pratiquants

entre eux :

Malheureusement ces regroupements (covents) sont très rares au Québec.

Il s‘agit souvent de groupe très fermés. Donc les contacts que nous avons

se situent beaucoup sur des forums sur le web. (Entretien avec Annie St-

Pierre, 4 décembre 2008).

À leur échelle et à leur manière, les boutiques virtuelles distribuent des objets rituels,

animent des microréseaux de pratiquants et créent un lien entre les adeptes dispersés

Dans ces deux cas, bien que ces boutiques aient des clients du Québec et que leur base

d‘exploitation soit localisée au Québec, il semble que la majorité de la clientèle provienne

de pays européens (France et Belgique). Cela indique la présence d‘une offre assez

diversifiée au bénéfice de la population wiccaine et païenne québécoise. Il n‘en irait pas

nécessairement de même dans la francophonie mondiale.

5.1.4 Observations en Angleterre : quelques éléments de comparaison

avec le terrain de Québec

La présente étude des phénomènes d‘institutionnalisation à l‘œuvre au sein de la Wicca au

Québec et au Canada a privilégié plusieurs angles, en plus de la perspective temporelle des

recherches sur le terrain effectuées au début des années 2000. En cours de route, en 2005, il

nous a été possible d‘observer pendant un certain temps les pratiques wiccaines dans un

241

autre espace en lien avec les premiers, soit l‘Angleterre. La Wicca « publique », telle qu‘on

la connaît aujourd‘hui dans notre contrée, y tire ses origines.

Qu‘en ressort-il au plan de l‘institutionnalisation? Plusieurs similarités sont notables entre

les communautés publiques du Québec et de Londres : les services d‘aumôneries, les

conférences, la création de réseaux entre les divers membres de la communauté par voie

électronique, les annonces durant les rituels publics, les publicités dans les bulletins et les

revues païennes ainsi que les annonces par l‘entremise de boutiques païennes locales.

L‘observation de part et d‘autre de l‘océan nous avons permis de relever plusieurs

différences marquées entre les pratiques cultuelles.

Pour commencer, il semble qu‘en Angleterre, l‘influence de la haute magie ou de la magie

cérémonielle soit davantage présente dans la pratique publique de la Wicca. À plusieurs

reprises, nos interlocuteurs se sont réclamés de cultes de la fertilité tandis qu‘au Québec, on

réfère à ces pratiques comme étant de l‘ordre d‘une religion de la nature. L‘importance de

l‘environnement et du respect à accorder à celui-ci est ce qui prévaut au Québec et au

Canada comme en témoignent, lors de la tenue festivals et de conférences, l‘utilisation de

toilettes compostables, de coutelleries compostables de même que le recours à d‘autres

méthodes de recyclage et de réduction de l‘empreinte écologique. L‘influence des pratiques

amérindiennes est aussi un élément qui distingue les pratiques québécoises des pratiques

anglaises. La musique, la façon de se déplacer autour d‘un cercle, les diverses techniques

de travail, la façon de voir le monde sont en quelque sorte teintées par ces influences252

. Il

semble également que l‘on retrouve un plus grand nombre de pratiquants solitaires au

Québec qu‘en Angleterre. Cela peut s‘expliquer par plusieurs facteurs comme la

géographie, la langue et le nombre de covens accessibles à l‘extérieur des grandes villes.

Naturellement, les groupes de l‘Angleterre ne s‘identifient pas comme appartenant à la

BTW (British Traditional Wicca). En Amérique du Nord, cet accent mis par certains

groupes sur l‘appellation BTW témoigne d‘un besoin d‘identification. En outre, aux yeux

252

De diverses conversations informelles avec des pratiquants québécois, il en ressort qu‘une bonne majorité

d‘entre-eux revendiquent un ancêtre d‘origine amérindienne, que cette origine soit répertoriée ou non.

242

des pratiquants, elle atteste de l‘appartenance aux lignées anglaises qui sont un gage

d‘autorité et d‘authenticité wiccaine.

En comparaison, les observations effectuées en Angleterre permettent de cerner la diversité

dans l‘approche de la pratique publique et individuelle des pratiquants, ainsi que les

différences perçues dans l‘utilisation de concepts de la Wicca (culte de fertilité et religion

de la nature). Ces éléments permettent également d‘appréhender l‘apport des cultures

autochtones, locales et régionales à l‘institutionnalisation des pratiques rituelles.

5.2 Culture, savoirs et communications au sein des

communautés québécoises et canadiennes

Les publications issues des milieux québécois, bien que peu nombreuses, ont influencé

plusieurs aspects des communautés locales. Que ce soit sous la forme de bulletins, de

monographies ou de petits recueils, ces documents véhiculent des orientations de vie. Il en

est de même du contenu des communications publiées sur divers sites Internet consacrés à

la collectivité wiccaine et païenne. On y trouve peu d‘information sur la manière d‘exécuter

sa pratique. En y regardant de plus près, néanmoins, on constate qu‘ils diffusent toute une

culture faite de conseils pratiques : le savoir-vivre, le savoir-faire et le savoir-être du

pratiquant wiccain et païen. Quels sont les motifs récurrents s‘il est possible d‘en dégager?

Que révèlent-ils à propos des évolutions en cours?

5.2.1 Sources imprimées des communautés

Comme mentionné au premier chapitre, les bulletins d‘information et les autres journaux

païens permettent d‘avoir accès au discours « indigène » et aux préoccupations des

communautés païennes et wiccaines. Peu de bulletins païens ou wiccains ont été produits

au Québec, sauf dans la région de Montréal depuis 1991. Ces bulletins ont souvent été créés

par de petits groupes d‘individus, issus ou non de covens locaux et vendus majoritairement

dans les boutiques locales253

. Comme nous l‘a mentionné Scarlet, l‘une des créatrice d‘un

bulletin local, lors d‘un entretien, il y avait là un vide à combler dans la communauté, mais

253

Dans les derniers temps, le WynterGreene offrait également l‘envoi postal et une accessibilité partielle par

Internet.

243

surtout un besoin de partager l‘information et d‘être tenu au courant des activités

collectives :

[…] providing news to the people who are not Internet savvy, and also to

provide a venue for writiers on pagan subjects. many people depended on

8 Sabbats to know what was going on wen and to see the classifieds for

who had what groups etc. then of course are the news of events, the book

reviews, and the interesting research. the issues had a theme and

sometimes that theme hit very important subjects: sex et the Craft,

Technology et Today‘s Paganism, Men‘s Spirituality, etc. (201008SFE)

L‘un des premiers bulletins créé était composé d‘une page recto-verso, publiée en date de

juin 1991. Les auteurs n‘avaient pas encore trouvé de nom pour leur bulletin qu‘ils ont

temporairement nommé Name of Grove Here. Ce nom et format ont été repris pour un

deuxième numéro publié le 2 août 1991. Les deux numéros portaient principalement sur les

rituels publics et s‘ouvrent sur des annonces de groupes locaux et de boutiques spécialisées.

Un troisième numéro, publié le 23 septembre 1991, porte l‘intitulé « Montreal Grove ». Les

auteurs y sollicitent toujours des suggestions de noms pour le bulletin. Le numéro 3

comptait trois pages. Outre l‘information sur les rituels passés et à venir, on y retrouve un

article, des demandes de contributions et l‘annonce de la création d‘un nouveau magazine

païen francophone254

.

Ce magazine francophone n‘a jamais vu le jour. Celui qui en avait fait l‘annonce est plutôt

devenu l‘un des éditeurs du numéro suivant du bulletin intitulé Dragon » s Breath.

Contrairement à son prédécesseur, Dragon » s Breath comptait de huit à douze pages et

ressemblait davantage à un magazine. On y retrouvait des articles, un éditorial, la

présentation d‘outils pour des rituels, des annonces d‘activités et des annonces classées.

Suite à la parution de deux numéros, Dragon » s Breath est devenu The Montreal Pagan

Community Newsletter. Après une pause de six mois, le bulletin reparaît en décembre 1992

sous un nouveau nom, le Montreal » s Pagan Newsletter. Ce dernier bulletin de huit pages

aurait publié au moins 21 numéros tirés à près de 200 exemplaires255

(2002100LFE) dont le

254

Une invitation à cet effet a été lancée au mois d‘août 1991. Le nom proposé du magazine était, Le chêne.

La voix païenne (feuille d‘invitation bilingue, août 1991). 255

Entretien avec Linda, en novembre 2002, la co-créatrice du bulletin.

244

dernier en juin 1995. Ce bulletin est passé d‘un format de quatre pages à un de huit pages et

reprend les mêmes éléments que sa version précédente. Dans le numéro intitulé

Imbolc 1994, il est fait mention pour la première fois de la possibilité de contribuer aux

frais de production du bulletin à hauteur de 0,50 $ par numéro ou 5 $ pour un abonnement

annuel (Montreal Pagan Newsletter, 1994, p. 2). C‘est d‘ailleurs dans le numéro 21 du

bulletin, publié en juin 1995, que paraît un premier article en français. Par la suite, comme

mentionné, il y a eu pendant quelques années le bulletin bilingue 8 Sabbats 256

qui a publié

son dernier numéro en 2001.

Depuis 2003, un autre bulletin bilingue est très actif dans la mouvance wiccaine et

païenne : le WynterGreene257

. Ce bulletin a vu le jour pour combler le vide laissé par les

bulletins précédents. Sa création est portée par des ambitions d‘animation communautaire

et des invitations à contribution sur des sujets païens, des recherches en cours, ou même des

sujets de préoccupations courantes (201008SFE)258

.

Depuis 2003, le WynterGreene a produit 33 numéros, à raison de huit numéros par année en

2003-2004, six numéros en 2005, quatre numéros en 2006-2007, deux numéros en 2008259

et un numéro en 2009260

. Ce bulletin compte en moyenne de 20 à 24 pages et comporte des

articles, des revues de littérature ainsi que des annonces d‘activités et de conférences. Il est

géré, administré et écrit par des bénévoles, ce qui explique la variation du nombre de

numéros produits annuellement. Puisque initialement la parution du bulletin était prévue

autour des jours de sabbats261

, chacun était identifié au nom du sabbat approprié (p.ex. :

256

Nous n‘avons malheureusement pas pu mettre la main sur une copie de ce bulletin, ce qui nuit à son

analyse. Nous l‘avons donc mentionné ici pour souligner la continuité de l‘existence d‘un bulletin

communautaire. 257

Le WynterGreene est une entité portée au registre des entreprises du Québec en tant qu‘association qui

produit et publie une revue à but non lucratif. La fondatrice du bulletin fait partie de nos informateurs-clés. 258

Tous les numéros ne sont pas des numéros thématiques. Parmi les 33 numéros recensés de WynterGreene,

20 sont consacrés à un thème. 259

En 2008, le manque de bénévoles et l‘horaire trop chargé des administrateurs en charge du bulletin a fait

en sorte que seul deux numéros ont pu être publiés. 260

Au moment de la rédaction de ce chapitre, il n‘y avait plus de publication du WynterGreene. Le dernier

numéro est paru en 2009. Un autre numéro a été prévu, mais il semble qu‘une question de temps et de

disponibilité des bénévoles n‘a pas permis sa parution. Aucune autre parution n‘a étéfaite depuis. 261

Simle rappel : le calendrier wiccain comporte huit sabbats suivant les équinoxes et les solstices : Imbolc (2

février), Ostara (21 mars), Beltane (1er mai), Midsummer (21 juin), Lughnasadh (1er août), Mabon (21

septembre), Samhain (31 octobre) et Yule (21 décembre).

245

Imbolc, Ostara, Beltane, Samhain, etc.). À partir de 2006, la décision fut prise de publier

quatre fois par année et de faire coïncider les dates de parution avec les saisons (p.ex. :

printemps).

En accord avec les préoccupations environnementales des païens, le bulletin était imprimé,

entre 2003 et 2005, sur du papier à 60 % post-consommation et à partir de 2006, sur du

papier pré-consommation recyclé à 100 %. Du coup, le bulletin change d‘apparence,

passant d‘un papier brun à un papier blanc. Le prix s‘est également ajusté avec le temps

passant de 1 $ en 2003, à 2 $ en 2005. Le prix laisse entrevoir que le but du magazine n‘est

pas le profit; il vise plutôt à servir à la collectivité tout en recouvrant ses coûts. Ces choix

reflètent et recoupent les mêmes valeurs que celles exprimées dans le cadre de l‘enquête par

questionnaire.

Bien que le bulletin porte un nom anglais, le souci du bilinguisme paraît avoir été une

constante pour les administrateurs. Des contributions d‘auteurs francophones auraient été

souvent sollicitées. Le bulletin comporte des articles originaux en anglais ainsi qu‘en

français. Toutefois, les articles ne sont pas traduits d‘une langue vers l‘autre et le rapport

moyen entre le nombre d‘articles en anglais et en français est du simple au triple.

Questionnée à ce sujet, la fondatrice du magazine mentionne :

I always asked those who were French to contribute in their own

language. We tried to be as bilingual as possible. (…) but again mostly

because the French community is either smaller or less inclined to be in

the public. Also most of the available literature is in English. So most are

bilingual anyways. (201008SFE)

Le fait que la communauté wiccaine et païenne francophone soit plus petite, jumelé au fait

que les pratiquants québécois sont bilingues262

restreint le bassin d‘auteurs francophones

prêts à s‘afficher en tant que tels. La pratique publique de la Wicca, sur le terrain, reflète

ces données de base. Il y a effectivement moins de rituels et d‘activités publiques en

français. Il faut ajouter à cela, que nombre de francophones, surtout ceux vivant à

l‘extérieur de l‘Île de Montréal, ne savent pas l‘existence du WynterGreene en tant que

262

Cet aspect est ressorti dans les résultats du questionnaire comme on l‘a vu dans le chapitre précédent.

246

magazine bilingue. Par conséquent, ils ne peuvent pas penser pouvoir y contribuer263

.

Néanmoins, il semble que les administrateurs actuels du WynterGreene tiennent à ce que le

bulletin reste bilingue et qu‘il contienne des articles en français.

Depuis sa création, ce bulletin a subi quelques transformations. Il a débuté en tant que « Le

bulletin de la communauté païenne montréalaise » (WynterGreene, 2004, couverture), pour

devenir « Le magazine païen du Canada » (WynterGreene, 2009, couverture). Cet

élargissement notable du lectorat et de la couverture n‘est pas étranger, entre autres, à sa

présentation à la communauté païenne canadienne à l‘occasion des conférences nationales

Gaïa Gathering. Il en est de même en est-il de sa distribution à l‘extérieur de la province

depuis 2005. L‘autoprésentation de WynterGreene est en soi révélatrice du changement

survenu en de cinq ans.

Ainsi, en 2004 :

WynterGreene est un bulletin sans but lucratif bilingue264

publié huit fois

par année près des sabbats, au service de la communauté païenne du

Grand Montréal. WynterGreene publie les contributions de chacune et

toutes les traditions païennes, mettant l‘emphase sur les nouvelles et

opinions provenant de Montréal et ses environs. (p. 2)

Et en 2009 :

WynterGreene est un magazine sans but lucratif bilingue publié quatre

fois par année, au service de la communauté païenne Canadienne.

WynterGreene publie les contributions mettant l‘emphase sur les

nouvelles et opinions provenant du Canada. (p. 2)

Bien que les intérêts portés par le bulletin se veulent toujours être ceux de la communauté

de Montréal, WynterGreene fait dorénavant écho à ceux de l‘ensemble des communautés

païennes au Canada. Son réseau de distribution s‘est étendu; il compte trois points de

distribution à Montréal et un point de distribution à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Lors de

263

Faits observés lors de diverses rencontres informelles avec des wiccains et des païens de l‘extérieur de

Montréal. 264

D‘ailleurs, le bilinguisme du bulletin était l‘un des aspects important auquel tenait la fondatrice

(201008SFE).

247

notre entretien avec la fondatrice, nous lui avons demandé si elle s‘inquiétait du fait que le

contenu soit moins centré sur les intérêts de la communauté de Montréal. Ses

préoccupations ne vont pas en ce sens :

Um... no. I would actually love to see national issues. My concern is

regarding management. Other provinces have a poor history of managing

their magazines. The organization or quality falls apart after a few years.

WynterGreene has a rep for quality without leaning on advertising and

becoming a « commercial magazine. » (201008SFE).

Ce n‘est donc pas tant le contenu qui inquiète la fondatrice pour l‘avenir du WynterGreene,

mais plutôt la gestion et le contrôle de la qualité. Des collaborateurs d‘autres provinces se

sont ajoutés depuis déjà quelques années. Bien qu‘elle ait confié les rênes du bulletin à une

autre personne peu après sa création, la fondatrice veut s‘assurer qu‘il soit toujours produit

à Montréal afin d‘en assurer la survie. Le fait que le bulletin soit produit par des bénévoles

représente également une menace constante, car le cadre administratif et le personnel ne

peuvent pas être assurés, et ce, malgré les efforts déployés par l‘équipe actuelle.

L‘irrégularité de la parution des numéros dénote cette fragilité. Comme dans d‘autres

milieux, les bénévoles cumulent les engagements au sein de la communauté et d‘autres

organismes, en plus de leur emploi rémunéré et de leurs obligations familiales. Si une ou

deux personnes clés se retrouve en surcharge et ne peut pas s‘occuper du bulletin, la

production des numéros à venir est compromise, comme ce fut le cas en 2008 et au début

de 2009265

.

265 Dans le dernier numéro recensé de WynterGreene, soit celui de l‘été 2009, le comité directeur a publié un

message à cet effet. Voici le début de ce message situé dans un encadré à la page trois :

As some of you may have noticed, WynterGreene had a not-so-brief break in publishing

last year. This current issue was originally slated to go out in June 2008, and here it is a

year later. There are several reasons behind this, but mostly shifts in work schedules and

commitment priorities of some of the key people involved in putting out WynterGreene is

responsible, and replacement volunteers for these key roles have been hard to come by.

Many folks seem too balk when they realise the amount of commitment involved for one

of our volunteer ―staff‖ position.

Unfortunately, changing schedules and priorities among volunteers are common

stumbling blocks in any volunteer-run organization. However, since WynterGreene is

248

L‘analyse raisonnée et empirique du processus d‘institutionnalisation, à laquelle est

consacrée la présente thèse, cible ici de manière systématique, par ce bulletin, le contenu

des communications largement diffusées au sein de la collectivité wiccaine et païenne

montréalaise. L‘objectif est de repérer les données du processus d‘institutionnalisation qui

s‘en dégagent dans le but de les comparer, par recoupement de points de vue, aux tracés

obtenus lors de l‘observation, de l‘enquête par questionnaire et des entrevues d‘élites. Le

reste du chapitre fera brièvement état des informations disponibles sur quelques sites

spécialisés et groupes de discussion en vogue au sein de la mouvance.

L‘analyse du contenu des communications a porté sur les articles principaux tirés de onze

numéros de WynterGreene266

. Au total neuf articles étaient en français et 33 en anglais. De

ces articles, 222 segments composés d‘une ou de deux phrases maximum ont été retenus en

lien avec la thématique de l‘institutionnalisation.

Dans le cadre de cette démarche, cinq procédés usuels ont été utilisés (Paillé et Mucchielli,

2008) :

1. Lecture flottante des articles : Le but est la familiarisation avec le corpus, ainsi que

l‘apprentissage de la langue, du sens des mots et des expressions usuels de la culture

wiccaine;

2. Analyse thématique : Une analyse thématique suit la lecture libre du verbatim

sélectionné. Les thèmes en émergent par agrégation (idem, p. 167);

3. Analyse des occurrences significatives : Mise en relief des thèmes évoqués (usage et

récurrence : fréquence absolue et relative des thèmes pris séparément, thèmes associés

et thèmes opposés);

100% volunteer-based, the results are much more dramatic than an organization with paid

―staffer‖ to hold down the fort during times of volunteer shortages.

The WynterGreene ―staff‖ is still not back to 100%, however our plan is to start

publishing again with the issues we already had planned. Naturally any advertising

contracts and subscriptions will be honoured and extended accordingly. Following this

one, our next issue will be in the fall and will focus on the role of ritual. (…)

Les raisons évoquées dans le message ont d‘ailleurs été mentionnées lors de l‘entretien avec la fondatrice.

266

Le choix de ces numéros correspond à ceux dont les sujets sont en lien avec la présente recherche. D‘autres

numéros auraient pu être ajoutés, mais nous ne détenions pas les premiers volumes de 2003. Au total,

WynterGreene a publié 34 numéros de 2003 à 2009.

249

4. Analyse qualitative contextuelle : Une fois les thèmes dégagés, recensés et compris

dans le texte, il s‘agit d‘éclairer plus largement le sens des mots, expressions ou

énoncés du corpus par une mise en rapport avec les éléments factuels du processus

d‘institutionnalisation établis par ailleurs (observations directes, entrevues, documents

d‘archive) (idem : 39-40);

5. En référence au contexte, repérage des thèmes absents, omis ou tus.

L‘identification à priori de la thématique pertinente a retenu les thèmes clés ci-dessous. Les

thèmes ont été délimités en tant que mots, expressions ou énoncés qui dénotent ou

connotent l‘évolution de l‘organisation sociale de la Wicca : présentation de soi, normes,

pratiques rituelles et structures d‘autorité collective dans les rapports du groupement avec le

public et avec les instances publiques. On s‘attend à les retrouver soit tels quels, soit sous la

forme de termes synonymes, dérivés ou apparentés267

. Chaque thème fait brièvement

mention de la synthèse du contenu extrait, des occurrences significatives et du contexte

ainsi que du poids relatif du thème au sein du corpus analysé :

1. Présentation de soi : L‘auto-référence à la Wicca et au paganisme en tant que religion

au même titre que les autres est prévalent à 13,3 %268

dans les articles269

. Que cela soit

au niveau de l‘auto-perception (24,1 %), de la comparaison avec d‘autres mouvements

religieux (14,5 %) ou encore de la mise sur un même pied d‘égalité (16,9 %) et de la

référence au groupe en tant que religion (12,0 %), ces attitudes donnent aux lecteurs un

sentiment de validité et de légitimité souvent associé aux standards et aux normes

d‘institutions externes. Cela est souvent appuyé par les diverses références aux rôles des

wiccains et de la Wicca dans la société (32,5 %).

2. Représentations dominantes (mythes, croyances dogmes) : Ici, les thèmes attendus sont

principalement, et de manière prépondérante, ceux de la Wicca en tant que religion de

267

Au fil de l‘analyse, le découpage des thèmes s‘est révélé adéquat en cela que les expressions regroupées

ont fait sens l‘une avec l‘autre et l‘une par l‘autre. La liste des thèmes de départ est fournie à l‘annexe I. Les

termes synonymes, dérivés ou apparentés et les termes rajoutés au fil de l‘analyse sont marqués en couleur. 268

À noter que les mêmes segments peuvent se retrouver sous divers thèmes et sont donc compris dans le

résultat de chacun des thèmes qui leur sont associés. 269

À noter que les résultats concernent les articles contenus dans l‘échantillon seulement et non à l‘ensemble

des articles du bulletin.

250

la Nature. Cette idée est implicitement et explicitement exposée dans 3,6 % des

segments, surtout lorsque l‘auteur débat de la nature même de la Wicca.

3. Représentations en mode mineur (spiritualité alternative) : Ici, les thèmes

principalement anticipés, de l‘ordre du complément ou de l‘adjuvant aux

représentations précédemment délimitées, renvoient aux mentions de la Wicca en tant

que spiritualité alternative (8,6 %).

4. Pratique rituelle : Plusieurs mentions de pratiques rituelles sont à prévoir dans le

contenu des articles : descriptions de rituels ou encore transcriptions de formules

élaborées en cours de rituels. Bien que, dans la mouvance wiccaine, chacun soit

encouragé à développer ses propres rituels, on se rend compte que plusieurs d‘entre-eux

sont tirés de supports écrits, que ce soit de livres ou sur le web. Ces emprunts, souvent

réitérés avec quelques variantes, forment le noyau des rituels et des pratiques

individuelles et collectives. Les descriptions et les transcriptions des personnes en

autorité deviennent en fait des modèles d‘imitation et d‘émulation pour les autres

membres de la communauté. Qui plus est, en principe, la signification à conférer à ces

pratiques tient également une place importante dans le discours d‘autorité. Mentionnons

que de la totalité des segments sélectionnés, 8 % font référence aux pratiques rituelles.

Le mariage ou handfasting est l‘une des pratiques les plus mentionnées (44 %). Sans

que cela ne soit descriptif, plusieurs discussions sur la légalité du rituel, du célébrant et

de sa signification prévalent parmi les segments de ce thème. Le mariage n‘est toutefois

pas le seul rituel mentionné. Les rites de passages pour les garçons et les filles

reviennent dans 12 % des segments. L‘utilisation des descriptions et l‘insertion de

formules de rituels dans certains articles composent les autres éléments de ce thème.

5. Autorité : Pris au sens d‘autonomie, le thème de l‘autorité ponctue les discours de la

Wicca et du paganisme. Le fait d‘être soi-même et d‘être sa propre autorité en lien avec

les déités est l‘un des attraits majeurs de la Wicca, ce qui se reflète dans 5,1 % de

l‘ensemble des segments. S‘y greffe, pour ce qui est des collaborateurs de

WynterGreene, l‘autorité personnelle de l‘auteur (43,8 %). La présence d‘une courte

251

biographie à la fin de l‘article accorde par ailleurs, l‘octroi d‘un statut unique à l‘auteur

ou à l‘auteure dans la communauté et au sein d‘une toile étendue de païens (56,3 %).

6. Formation : Ce thème ressort à 4,5 % dans les segments. Il est important de le noter, car

il est en lien avec la notion d‘autorité. La source de la formation (livre, coven, Internet,

école, etc.) va déterminer de façon indirecte l‘autorité reconnue par les membres de la

communauté. D‘ailleurs, plusieurs segments se concentrent sur les livres comme étant

l‘une des sources de formations (4,1 %), alors que 7,1 % mentionnent les covens.

Contre toutes attentes, les écoles de sorcelleries ne sont pas mentionnées dans les

articles, et ce, même si elles sont présentes dans la publicité du bulletin.

7. Éthique/Morale : Bien que plus subtils dans les articles, l‘éthique et les codes de

conduite sont présents et en ressortent. Comment être un bon wiccain ou païen devient

un thème qui permet de déterminer des frontières et pose des standards de vie que

plusieurs de la communauté vont suivre. Ceci représente une forme de normalisation

interne du groupe. Que cela soit par la récitation de loi interne de la Wicca ou encore en

faisant allusion aux valeurs tenu par les wiccains, l‘éthique et la moralité est un thème

qui fait surface dans 5,3 % des segments.

8. Socialisation : Sous la forme anticipée de références à l‘éducation et au parenting, ce

thème est potentiellement important et significatif, car il se greffe logiquement à l‘un

des vecteurs clés de l‘institutionnalisation au plan interne, celui de la transmission

familiale. Un simple survol de WynterGreene témoigne d‘emblée d‘un souci de

« l‘éducation des générations suivantes » dans 2,1 % des segments. Si diverses

approches sont promues au fil des articles, les suggestions offertes et les outils rendus

accessibles à tous dans ses pages signifient la mise en place d‘orientations, de lignes

directrices et de normes de conduite à l‘intention des pratiquants actuels et futurs.

9. Portée et diffusion de la culture wiccaine : Internet a été un facteur majeur de

développement de la Wicca, tant en ce qui a trait à la popularité des croyances, à

l‘accessibilité des pratiques et à la structure réticulaire déployée. De simple outil

d‘information au soutien d‘un coven entièrement virtuel en 3D, cette technologie a

252

transformé la pratique. Une référence au rôle d‘Internet et de la technologie est donc à

prévoir en ce sens dans les articles de WynterGreene. D‘ailleurs, 9,4 % des segments

sont associés à ce thème. De plus, un numéro complet a été dédié à la question

d‘Internet et de la technologie. Par exemple, un numéro complet a été consacré à

Internet et à la technologie (Midsummer 2005, # 24). Or, dans l‘ensemble des articles et

des segments, les mentions de réseautages virtuels représentent 40,7 % des segments

associés à ce thème. En plus de cet aspect virtuel, il y a plusieurs occurrences sur les

questions de pratiques et de formations de réseaux communautaires (47,5 %).

10. Culture, communications : À première vue, ce thème peut sembler loin de l‘objet qu‘est

l‘institutionnalisation. On doit cependant s‘attendre à le relever dans les publications

sous le vocable « question linguistique ». La question linguistique a été maintes fois

relevée sur le terrain comme étant une préoccupation centrale pour les pratiquants

francophones de la Wicca au Québec. Les questions d‘accessibilité aux textes

fondateurs wiccains dans leur langue, les barrières culturelles et l‘expression de soi

identitaire font en sorte qu‘au Québec, la Wicca se pratique différemment chez les

francophones et chez les anglophones. Pour plusieurs raisons, les francophones s‘en

remettent davantage aux textes écrits pour leur pratique. La question linguistique

apparaît comme un enjeu de l‘institutionnalisation pour ces derniers. La Wicca est

également perçue et définie différemment selon les milieux linguistiques d‘observation.

Par conséquent, ce thème ressort à 4,5 % lors de la lecture des articles du

WynterGreene. Les segments élaborant des difficultés de la traduction du matériel

anglophone vers le français sont quelques fois abordés (14,3 %). Évidemment, comme

on vient de le mentionner, la question d‘accessibilité des sources est effectivement un

facteur important (35,7 %) qui est discuté tant dans les articles anglophones que

francophones. Par ailleurs, l‘expression du soi identitaire est présente dans la moitié des

segments.

11. Organisation : Les thématiques de l‘institution et de l‘organisation sont étroitement

liées. Par conséquent, toute référence au domaine de l‘administration, de la gestion, de

la coopération, de la coordination et du contrôle d‘une collectivité concrète délimitée

253

tels que religion organisée, association, structure, clergé et hiérarchie (ou absence de

ceux-ci) est incluse. C‘est d‘ailleurs le thème qui ressort le plus parmi les segments

(22,8 %). Parmi les concepts mentionnés de ce thème, trois aspects se démarquent des

autres, soit l‘idée de communauté (26,8 %), les questions de structures d‘une

organisation (14,8 %) et de clergé (10,6 %).

12. Notion de changement : L‘idée de transformation et de changement revient de temps à

autre dans le corpus du WynterGreene. La Wicca n‘est plus ce qu‘elle était dans les

années 50 en Angleterre, ou encore dans les années 80 au Québec. Tout ce qui dénote

ou connote le changement fournit potentiellement des indices sur les contenus et

l‘évolution de la pratique avec le temps. Il est donc essentiel de repérer ce thème en lien

direct avec le processus d‘institutionnalisation. D‘ailleurs, ce thème revient dans 17,6 %

des segments. Il se rapporte aux changements dans la société environnante, dans les lois

ou dans la communauté païenne, ainsi qu‘aux multiples incidences du changement sur

la vie des wiccains. L‘un des aspects les plus souvent mentionnés a trait à l‘influence

d‘Internet.

13. Normes gouvernementales : La présence de ce terme ou de ses dérivés dans le discours

public des wiccains et des païens est fortement anticipée. De fait, ces normes

apparaissent comme un vecteur externe clé du processus d‘institutionnalisation. Le fait

qu‘on y fasse référence dans 8,8 % de l‘ensemble des segments permet d‘observer

l‘émergence du thème des normes en tant que limites, sources de contraintes,

d‘opportunités, de choix à effectuer ou d‘orientations à prendre, ce qui servira

d‘indicateur du poids relatif (en rapport avec les sources internes) de

l‘institutionnalisation éventuelle de la communauté. Dans les segments qui

correspondent au thème des normes gouvernementales, on mentionne dans 36,4 % des

cas, la reconnaissance par les instances gouvernementales, et ce, d‘un point de vue

positif ou négatif. Plusieurs articles se concentraient également sur des questions de

droits et de lois (23,6 %) et cherchaient à les expliquer afin que les lecteurs puissent les

comprendre. Les instances gouvernementales en soi sont largement discutées (40,0 %

des segments de ce thème).

254

14. Institution : C‘est le cœur de la thèse. La présence de ce terme et de ses dérivés dans les

articles était fortement anticipée. Or, dans les segments analysés, l‘occurrence du terme

« Institution » se situe à 3,2 %. D‘un autre côté, en tenant compte des segments dont le

contenu fait référence à l‘idée d‘institution ou aux institutions en soi, 14,0 % sont à

situer dans le champ sémantique de l‘institution.

Par recoupement, on peut voir que ces thèmes reflètent les thèmes abordés lors des

conférences païennes de Montréal. Il en est de même du Gaïa Gathering. Les

préoccupations des collaborateurs de WynterGreene, à tout le moins, témoignent d‘un

travail semblable des courants wiccains et païens par les forces institutionnalisantes.

5.2.2 Analyse des divers sites Internet

L‘un des meilleurs véhicules d‘information et d‘opinions pour les wiccains du Québec à

l‘heure actuelle est Internet. D‘ailleurs, depuis les années 2000, quelques guides et

ouvrages sur le paganisme et la technologie virtuelle ont été publiés afin d‘aider le païen à

se familiariser avec Internet et son environnement virtuel270

. Des cehrcheurs se sotn

également penché sur la question et les liens qui existent entre le cyberespace et le

paganisme (Berger, 2004, pp. 175-188; Cowan, 2005; Dawson, 2004, pp. 75-89) Que ce

soit sous la forme de sites web, de réseaux sociaux comme Facebook, de groupes de

discussions, de forums ou de blogues, les wiccains y communiquent leurs états d‘âmes et

leurs intérêts. Depuis le début des années 1990, le nombre de sites Internet consacrés à la

question wiccaine a augmenté de façon exponentielle, surtout en langue française. Là où, en

1998, Lucie Marie-Mai Dufresne notait l‘existence d‘un seul site francophone (Dufresne,

1998, p. 204), et nos recherches antérieures, menées entre 2001 et 2003, tiraient 3 500

résultats d‘une recherche par mots-clés sur Google en français (Gagnon, 2008a, p. 56), on

remarque qu‘en 2011, le même moteur de recherche et le même mot-clé renvoient à plus de

14 millions de sites271

.

270

Voir, entre autres, le livre de Lisa McSherry Virtual Pagan. Exploring Wicca and Paganism through the

Internet, 2002. 271

Tous les sites ne renvoient pas nécessairement à des unités valides et en opération. Les doublons ne sont

pas rares, et certains sites peuvent être inactifs, et ce, même s‘ils sont toujours affichés sur la toile.

255

Si l‘on se fie aux chapitres précédents, le déploiement d‘un espace public animé de

discussions sur les affaires communautaires wiccaines est à prévoir sur la plateforme

virtuelle. Les questions portant sur la nature même de la Wicca, de la magie et de l‘identité

y tiendraient une place prépondérante (Berger et Ezzy, 2004, p. 176). De fait, les questions

d‘institutionnalisation et de formation de communautés physiques constituent des sujets de

discussions récurrents en cours d‘étude. Les sites recensés représentent autant de facettes de

la culture vivante et des communications entre les membres de la communauté virtuelle.

Quels arrimages sont repérables entre les nœuds des relations virtuelles et les lieux de

rassemblement de la communauté? Entre les lieux virtuels et la place occupée par la

communauté et ses membres dans la société habitée?

5.2.2.1 Sites informatifs

La quête d‘information est la raison la plus souvent évoquée de l‘utilisation d‘Internet par

les pratiquants québécois. Les sites de type informatif proposent aux visiteurs des pages de

contenus descriptifs consacrés aux différentes traditions (voies) wiccaines et païennes, aux

déités, à la magie, aux symboles et aux autres éléments jugés utiles par le propriétaire du

site. Illustrations à l‘appui, diverses techniques et outils d‘apprentissage sont également

abordés. On y retrouve de même des rubriques d‘intérêts particuliers portant notamment sur

l‘homosexualité dans le paganisme, le handfasting et l‘éducation des enfants. Un espace est

souvent prévu pour les nouvelles païennes.

Quelques thèmes récurrents ressortent de l‘observation des sites québécois repérés. Parmi

ceux-ci : la disponibilité d‘ouvrages et d‘information en français272

, les lieux de formation

en ligne ou en personne, les définitions de la Wicca, les antécédents historiques et les

diverses influences et finalement, ce qui est le plus recherché, les descriptions détaillés

d‘outils, de recettes, de rituels et rites273

. À en juger par le contenu, ces sites sont pour la

plupart adressés aux néophytes. Les sites qui comportent des articles plus approfondis et

272

Certains visiteurs recherchent particulièrement de l‘information qui correspond à l‘expérience québécoise

ou nord-américaine. 273

Cela a pu être établi grâce aux diverses discussions informelles que j‘ai eu sur le terrain au cours de mes

recherches depuis 2001, ainsi que par les documents que nos interlocuteurs ont imprimés à partir de ces sites

pour les intégrer à leur grimoire ou pour les essayer lors d‘un rituel public.

256

qui sont développés autour de thèmes tels que l‘expérience vécu en coven, les questions sur

la formation de néophytes, approfondissement de thèmes touchant les croyances, les

connaissances pratiques des herbes et des cristaux répondent aux pratiquants un peu plus

avancés dans leurs pratiques.

Règle générale, ces sites ou pages présentent une communication unidirectionnelle avec

leurs visiteurs, c‘est-à-dire que le visiteur reçoit cette information et l‘intègre sans pouvoir

interagir avec celle-ci. L‘influence de ce type de sites ne peut donc se mesurer que dans la

mesure où il vient ajouter des notions à la connaissance déjà acquise du visiteur. Si le

visiteur ne trouve pas ce qu‘il recherche, l‘influence du site est nulle et n‘apporte rien de

plus à son visiteur. À l‘inverse, si le visiteur y trouve des données utiles, il les intègre à ses

connaissances et à ses pratiques, et les partage éventuellement avec sa communauté.

5.2.2.2 Sites personnels

Par « sites personnels », on entend, les sites web créés par des individus à partir de leurs

intérêts propres sur des questions liées à la Wicca. La consultation de ces sites permet

d‘explorer la manière dont l‘individu perçoit et projette son identité en tant que wiccain, les

liens virtuels qu‘il a tissés ou ceux qu‘il souhaite afficher auprès du public intéressé par son

« univers ».

Un des éléments communs à ces sites est la description que donne le propriétaire de son

expérience personnelle. Les rubriques renvoient couramment au cheminement spirituel, à

l‘initiation à la pratique ainsi qu‘aux intérêts pour d‘autres pratiques et notions similaires

Par ses descriptions, l‘initié se revendique tout à la fois comme issu d‘une lignée

pratiquante et détenteur d‘une base d‘autorité personnelle face au visiteur du site.

Outre des expériences personnelles, on retrouve souvent sur ce type de sites des références

aux intérêts personnels du propriétaire (cristaux, chats, nature, etc.), ainsi que ses

descriptions de rituels, de pratiques magiques, de fabrication d‘outils magiques et de

sabbats. S‘y ajoutent parfois leurs propres œuvres littéraires (poèmes, chants et

incantations), ou encore leurs propres œuvres d‘art ou travaux d‘artisanat. Les auteurs de

ces pages vont souvent ajouter des liens vers d‘autres sites wiccains ou païens, ce qui

257

permet d‘établir un réseau de contacts ainsi que de montrer leur connaissance de l‘existence

d‘autres individus ayant des intérêts similaires, notamment ésotériques. Certains vont

également intégrer des liens vers des sources littéraires de type académique, surtout

anthropologiques. Or, les nouvelles technologies de communication changent la donne en

ce qui a trait à la portée et à l‘influence de l‘autorité personnelle. De nombreux sites

personnels québécois ont migré ou se sont vus remplacer par des comptes Facebook,

MySpace ou autres plateformes de réseaux sociaux dotés de blogues et de forums consacrés

à divers aux sujets associés à la Wicca. Cela ne signifie pas pour autant un plus grand

déploiement d‘activités. Par contre, ces nouvelles plateformes interactives portent mieux et

plus loin la voix (et la voie) personnelle du pratiquant expérimenté et sage auprès de

visiteurs néophytes ou de pratiquants solitaires. L‘interaction peut alors avoir une incidence

directe sur l‘autorité puisqu‘une confirmation quasi immédiate de la communauté morale et

émotionnelle se produit à travers l‘échange d‘expériences et les visites de l‘auditoire.

La multiplication de microsites ainsi configurés est une bonne mesure d‘autopromotion de

soi dans le cyberespace et de revendication d‘une certaine autorité personnelle auprès d‘une

communauté, fusse-t-elle virtuelle.

5.2.2.3 Sites covens

De plus en plus de covens se dotent d‘une page web. Ces sites vont d‘une simple page

annonçant l‘existence d‘un coven à un site de présentation plus élaboré indiquant la nature

de celui-ci, les dates des activités ou des rituels, ainsi que la manière de les contacter. Règle

générale, ce type de sites contient moins de renseignements divers que les autres déjà

mentionnés. Les covens se veulent plus discrets dans le cyberespace tout comme dans

l‘espace public. Néanmoins, une personne intéressée à développer la voie avec cette

communauté restreinte pourra se sentir interpellée par la présence d‘éléments importants

sur le site comme la tradition du coven, les liens avec des covens-mères ou covens-filles, sa

258

structure, ses objectifs et ses méthodes d‘enseignements comme le Inner Path Coven de la

région montréalaise274

.

5.2.2.4 Groupes de discussions, forum et blogues

Dès les débuts d‘Internet, les premiers réseaux de contacts se sont établis par des systèmes

de Babillards électroniques. Sur ces pages web, les gens pouvaient communiquer avec tout

le monde ou laisser des messages à des individus en particulier. Les babillards ont précédé

les groupes de discussion. L‘un des premiers babillards électroniques à Montréal a été le

The Magickal Hourglass. Ce babillard présentait de l‘information concernant divers aspects

des paganismes publics connus à l‘époque, et ce, non seulement dans le monde virtuel,

mais également dans le monde réel. C‘est par l‘affichage de publicités dans les bulletins

locaux qu‘ils informaient les lecteurs de l‘existence de sphères païennes virtuelles et les

invitaient à y participer. D‘ailleurs, dans l‘une de leurs publicités parues dans le Montreal

Pagan Newsletter de printemps 1993, il est fait mention de trois autres réseaux amateurs

internationaux : le IceNet, le WWIVnet et le Pagan Information Network (PIN) (Lovecraft,

1993, p. 5).

À l‘aube des années 90, à l‘époque où se sont tenus les premiers rituels publics, les

participants éventuels communiquaient entre eux par téléphone. À la fin des années 90 et au

début de 2000, les groupes de discussions ont commencé à se multiplier. Pour la

communauté de Montréal, en particulier, les groupes de discussions comme ceux de

« Yahoo! Groups » ont permis de communiquer avec un plus grand nombre de personnes

simultanément à l‘aide de listes de distribution. Lorsque l‘accès à Internet et son utilisation

se sont généralisés, les communautés de Montréal ont commencé à recourir de façon plus

fréquente aux groupes de discussions virtuels. Cela permettait aux gens d‘échanger et de

participer plus aisément à la vie communautaire tout en restant anonymes275

.

274

Voir leur site Internet à l‘adresse : http://www.innerpathcoven.ca/ (dernière visite : 4 mars 2012). 275

Cette question d‘anonymat a changé avec le temps. Au départ, presque tous les participants avaient un

pseudonyme qu‘ils utilisaient durant les activités publiques en ligne. À force de se rencontrer lors de rituels

publics ou d‘autres activités communautaires, les pratiquants ont commencé à utiliser leur vrai nom dans les

groupes de discussions.

259

Depuis les trois dernières années, certains groupes de discussions ont été fermés et

quelques-uns ont migré sous un autre nom276

. D‘autres ont fusionné leurs listes afin de

faciliter la communication au sein de la communauté277

. Nous avons observé qu‘il existe

également un mouvement vers les blogues, les forums et les réseaux sociaux. Pour

plusieurs, il s‘agit d‘un moyen plus économique d‘être présents sur le web, alors que pour

d‘autres, il s‘agit d‘une question de gestion de temps. Il est plus facile et plus économique

de tenir une page de Facebook que l‘intégralité d‘un site web.

Les choses se présentent différemment avec le blogue. Un blogue ou « carnet » est un site

web qui fait office de journal intime. Le propriétaire du carnet le rédige en ouvrant ses

pages au public; il publie de courts textes de réflexion, d‘opinions ou d‘humeur auxquels

les visiteurs éventuels peuvent réagir en laissant des commentaires. Toute l‘information

reste sur le site du blogue, contrairement aux groupes de discussions dont le contenu des

échanges est dirigé par un modérateur dans le compte de courriel de chacun des membres

de la liste. Les interventions sur l‘un ou l‘autre sujet s‘affichent par ordre chronologique

décroissant. Une table des matières est souvent affichée afin que le visiteur puisse parcourir

les différentes entrées et interfaces du carnet. Ces blogues peuvent contenir des images, de

la musique ou toute autre information que le propriétaire du carnet juge pertinente.

Sous la forme qu‘on leur connaît, les forums font également partie du réseau de

communications virtuelles de la Wicca. Au cours de la période étudiée, les thèmes

récurrents ont été l‘acquisition du savoir-faire et l‘identification des endroits où se procurer

des outils, des herbes et d‘autres objets de pratique. Côté échanges, certains vont explorer et

partager leurs idées relatives aux mythes, aux croyances ou encore à l‘histoire des diverses

déesses et dieux. Un peu à la manière du site personnel, le forum278

permet de faire valoir

son autorité et de juger de sa propre notoriété. Les participants sollicitent des conseils ou de

276

Tel fut le cas pour l‘un des groupes de discussions de la ville de Québec. 277

En 2005, il y avait au moins trois groupes de discussions pour la région de Montréal qui comptaient plus

ou moins les mêmes membres. Par conséquent, lorsqu‘il y avait un événement, certains individus recevaient

plus d‘une fois l‘invitation. 278

L‘un des problèmes avec les forums québécois est qu‘ils se retrouvent souvent inactifs après un an ou

deux, et ce, même si de nouveaux fils de discussions sont commencés. Néanmoins, il s‘agit d‘une méthode

pour rejoindre un bassin de population ayant les mêmes intérêts.

260

l‘information à l‘égard desquels ils anticipent des réponses basées sur l‘expérience. Le

résultat de l‘échange va déterminer l‘autorité et la validité du forum et des gens qui

l‘opèrent279

.

5.2.2.5 Réseaux de contacts

Parmi la multitude de sites proposés pour établir des liens entre païens et wiccains, des

répertoires sont de plus en plus nombreux et consultés. Ces sites contiennent des annuaires

comportant des liens vers d‘autres pratiquants. Par exemple, Witches » Voice, un site

états-unien connu aussi sous le nom Witchvox, présente un annuaire par pays, états,

provinces ou autre division géopolitique de pays. Une fois la région voulue sélectionnée, en

l‘espèce le Québec, le site classe dans différentes catégories les contacts qui se sont inscrits

à son annuaire. Parmi ces catégories de contacts, on retrouve des groupes (c‘est-à-dire des

covens, des militants, des familles, des groupes d‘adultes, des groupes d‘adolescents, des

étudiants), des organisations (des boutiques, des membres du clergé, etc.) et des individus

(c‘est-à-dire des militaires païens, des adultes, des adolescents). Un de ces sites répertorie

même des groupes virtuels et des forums280

. Un autre site canadien se veut être un point de

convergence entre les divers membres des communautés wiccaines canadiennes. Le

TheWicca.ca281

dresse également un annuaire par provinces, proposant des catégories

similaires à celles de Witches’ Voice. De plus, ce site contient des pages consacrées aux

wiccains canadiens qui ont marqué les communautés canadiennes depuis le début de la

pratique au pays ainsi qu‘une page permettant de consulter les articles de presse

internationaux concernant la Wicca.

Les avantages de ces sites ne se limitent pas qu‘aux réseaux. Ils répertorient des services en

lien avec les préoccupations quotidiennes concrètes du visiteur wiccain. À titre d‘exemple,

notons le partage de ressources et de conseils sur la vie de famille, les écoles, l‘éthique,

279

Ces individus ne sont pas nécessairement et initialement des personnes ayant une notoriété quelconque ou

qui sont des acteurs sociaux importants dans une communauté locale donnée, mais la création d‘un forum

peut leur permettre d‘acquérir une certaine notoriété. 280

Voir leur site à l‘adresse : http://www.witchvox.com/vn/hm/caqc.html. 281

Voir leur site à l‘adresse : http://www.thewicca.ca/ .

261

l‘environnement et la défense des droits. Ce faisant, ils ouvrent une perspective sur l‘action

de plusieurs vecteurs d‘institutionnalisation externes et internes.

Il est à retenir que l‘efficacité de ces sites pour établir des réseaux de communications

dépend de la mise à jour des informations par les membres qui y sont inscrits. Puisque la

tâche incombe à ces derniers et non aux propriétaires du site, il arrive souvent que les liens

ne soient plus actifs ou que les gens aient changé de réseaux en oubliant de retirer ou de

modifier leur information282

.

5.2.2.6. Sites d’écoles de sorcellerie

L‘examen des divers vecteurs d‘institutionnalisation et des éléments d‘isomorphisme

normatif se doit d‘inclure les cours donnés dans les écoles de sorcellerie. Bien que les

covens forment leurs membres, les écoles de sorcellerie sont des lieux vers lesquels les

pratiquants solitaires doivent se tourner pour parfaire leur formation.

Ces méthodes de formation deviennent un lieu d‘entraînement de spécialistes ou de

professionnels. Bien que dans la Wicca il n‘existe pas, en général, de formation normalisée

pour devenir prêtresse ou prêtre, la BTW (British Traditional Wicca) a tenté d‘en établir une

(Berger, 1999, p. 103). D‘ailleurs, des écoles se fondent à travers le Québec et le pays, où

les pratiquants wiccains apprendnent les rudiments de la pratique wiccaine ou de la pratique

magique, comme la Crescent Moon School of Magic and Paganism de Montréal. Bien que

ce genre d‘établissements n‘officialise pas qui est wiccain et qui ne l‘est pas, il permet

néanmoins de déterminer à l‘intérieur d‘une communauté qui détient les connaissances et

les méthodes de base associées à la pratique et à l‘identité wiccaine ou païenne.

Que ces écoles soient physiques ou virtuelles, le but de celles-ci est la transmission de

savoirs à d‘autres pratiquants, c‘est-à-dire de notions et de techniques acquises par des

praticiens expérimentés. Au Québec, les écoles sont peu nombreuses. Deux sont situées à

Montréal. La Crescent Moon School of Magic and Paganism a été fondée en 1994. L‘école

282

L‘inactivité de certains liens et adresses s‘est notamment révélée lors de la recherche de répondants au

questionnaire.

262

a accueilli ses premiers étudiants en 1995 (201008SFE). L‘école offre des cours sur quatre

niveaux, dont des cours d‘introduction, des cours sur divers aspects de la musique et des

chants rituels, sur l‘éthique de la magie, sur la magie pratique, les symbolismes, les arts

rituels, le counseling ainsi que sur divers aspects psychologiques (p. ex : la gestion du stress

et la méditation). Aux niveaux plus élevés, ils abordent les questions et les pratiques de

divinations, de charmes, de potions, la liturgie, etc.283

. Par ailleurs, la boutique Charmes et

sortilèges offre également des cours à sa clientèle francophone. Encore une fois, ces cours

se donnent à Montréal. Les gens en région ont peu accès à ce type de formation.

Outre les boutiques et les écoles physiques, on trouve quelques écoles virtuelles de

sorcellerie et de Wicca. À première vue, ces dernières permettraient de répondre aux

besoins des gens en région. Néanmoins, la plupart de ces écoles enseignent en anglais et

sont hébergées à l‘extérieur de la province. Une exception notable est le Collège wiccan de

Québec. En activité depuis 2005, ce collège offre une série de cours en ligne284

. Quelques

individus offrent également de la formation, sans pour autant publiciser leurs services ni

proposer de programme préétabli.

Au chapitre de la normalisation de la formation et de l‘apprentissage, quelques constats se

dégagent. Les écoles virtuelles, bien que présentes, s‘adressent, au Québec, à quelques

individus285

. Par ailleurs, à moins que l‘individu ne soit bilingue et n‘habite un centre

urbain, peu d‘options lui sont offertes, les écoles physiques étant rares et limitées à la

région montréalaise.

5.2.2.7 Sites d’associations et d’organismes enregistrés

Quelques associations païennes sont présentes sur Internet. À titre d‘exemple, mentionnons

la PFPC (Pagan Federation/Fédération païenne du Canada), la PPO (Pagan Pastoral

Outreach) ou encore la CUPS (Concordia University Pagan Society). La présence virtuelle

283

Voir l‘annexe I et le site de l‘école pour une description de l‘école et de son syllabus : http://www.mtl-

magicalcircle.ca/crescentmoon/index.html. 284

Malheureusement, nous avons observé lors de nos recherches sur le terrain que peu de pratiquants

semblent connaître le collège. Parmi ces derniers, les tentatives qu‘ils ont faites pour le joindre sont

demeurées sans réponse. 285

Lors de nos recherches sur le terrain, nous avons abordé la question avec divers individus et très peu

avaient mentionné connaître ou avoir participé à des cours en ligne sur la Wicca, la sorcellerie ou la magie.

263

sert principalement à publiciser leurs buts et activités (p. ex. : création d‘organisation

communautaire païenne, assurer la diffusion d‘information concernant les paganismes,

offrir des services d‘aumônerie, aider à offrir des services conseils juridiques, proposer ses

services en tant que porte-parole) ainsi qu‘à de donner de l‘information générale aux

visiteurs du grand public comme auprès des membres et organismes qui s‘inscrivent dans la

mouvance païenne. De par le statut revendiqué et obtenu en tant qu‘organisme fédérateur,

ces sites deviennent en quelque sorte l‘image publique et officielle du paganisme286

au

Canada.

Ces associations, pour la plupart enregistrées auprès d‘une instance gouvernementale, se

sont conformées aux normes et règles en vigueur afin de pouvoir obtenir leur statut et

poursuivre leurs activités. On constate de ce fait la pression externe de normalisation.

5.2.3 Littérature païenne

Lors de nos recherches sur le terrain, il est apparu évident que les wiccains et les païens

lisent énormément. Ce trait se manifeste par l‘étendue et la composition de leur

bibliothèque personnelle, il s‘est également dégagé des réponses obtenues lors des enquêtes

par questionnaires de nos recherches de maîtrise et de la présente recherche. Depuis les dix

dernières années, le nombre d‘ouvrages sur la magie, la sorcellerie, la Wicca, le

chamanisme, le paganisme, a augmenté en flèche. Là où les ouvrages étaient plus rares,

dans les années 1970 et 1980, ils sont aujourd‘hui presque partout au Québec et au Canada.

Cela est également le cas pour les bulletins locaux et les revues comme Magie Blanche.

Les livres circulent entre les pratiquants, sans compter que les centres de ressources,

comme le MPRC et le Avalon Center, offrent à leurs visiteurs la possibilité de lire sur place

ou encore d‘emprunter des ouvrages de leurs bibliothèques.

L‘important ici du point de vue de l‘institutionnalisation est de voir ce qui est lu, ce qui ne

l‘est pas, ce qui se retrouve dans les bibliothèques personnelles des wiccains et ce qu‘ils

286

Nous indiquons ici « paganisme » plutôt que Wicca, puisque la plupart de ces organismes s‘identifient

ainsi et incluent les diverses pratiques païennes, notamment la Wicca.

264

aimeraient acquérir comme ouvrages. Y retrouve-t-on des ouvrages de base sur la Wicca?

La religion et la mythologie? Les arts divinatoires, la spiritualité et la magie? Des ouvrages

anthropologiques? Historiques? Sociologiques? Féministes? S‘agit-il plutôt de discours

internes à la mouvance païenne? Existe-t-il un fond commun de références? Si oui,

comment s‘établit-il?

Auprès des pratiquants francophones, on trouve habituellement les ouvrages standards

portant sur la magie blanche comme ceux d‘Eric Pier Sperandio. De même, on note la

présence de quelques ouvrages d‘autorité publiés et traduits en français comme ceux de

Scott Cunningham et de Kerr Cuhulain, ainsi que les écrits de Starhawk et des Farrar287

. Il

y a tout lieu de penser que, s‘ils étaient disponibles en français, les textes fondateurs de

Gardner, de Crowley, de Valiente et de Buckland s‘y retrouveraient aussi, créant ainsi un

fond commun de référence parmi les pratiquants. Par ailleurs, on remarque beaucoup

d‘ouvrages axés sur l‘ésotérisme (par exemple : les textes rosécruciens, de la Golden Dawn,

de la théosophie), la mythologie (sur les dieux, les mythes), la divination (les runes, le

tarot) et la pratique de haute magie ou magie cérémonielle (magie cabbalistique, magie

pratique, magie verte). Parmi les pratiquants de quarante ans et plus, on trouve également

quelques ouvrages portant sur la déesse (archéologiques et anthropologiques tels que les

œuvres de Marija Gimbutas) et sur la mouvance de spiritualité féministe tel que les

ouvrages de Naomie Goldeberg, Wendy Griffin, Denise Boucher et Diane Stein. Quelques

différences notables se font jour entre les ouvrages consultés par les francophones, les

bilingues et les anglophones.

Chez les pratiquants bilingues et anglophones, on retrouve généralement un plus grand

nombre d‘ouvrages. Les sujets de prédilection varient : l‘ésotérisme et la haute magie pour

les francophones, et la Wicca pour les pratiquants bilingues et anglophones. Le registre des

sources est plus étendu parmi les pratiquants à l‘aise dans les deux langues. Ainsi, les livres

portant sur la Wicca, la sorcellerie, la haute magie et le féminisme, avoisinent des ouvrages

plus académiques axés sur l‘ethnologie, l‘histoire, l‘anthropologie, l‘archéologie et les

287

Le peu d‘ouvrages traduits en français est mentionné également par Marisol Charbonneau qui a fait ses

recherches sur le terrain à Montréal dans le cadre de ses études de maîtrise à l‘Université d‘Ottawa

(Charbonneau, 2008, p. 119).

265

mythologies. Enfin, le répertoire est plus vaste. Outre les ouvrages fondateurs de la

tradition, on note la présence d‘ouvrages thématiques divers portant notamment sur les

herbes, les cristaux ou d‘autres sujets utiles à l‘enrichissement de la pratique.

Avec Internet, plusieurs ouvrages sont désormais disponibles en ligne. Par conséquent,

l‘examen des sources écrites de la pratique n‘y revêt pas la forme physique tangible d‘un

parcours des rayons de bibliothèques personnelles. Lorsqu‘il est question de pratique

personnelle, dans un contexte où de nombreux wiccains pratiquent en solitaire, Internet

favorise la diffusion et l‘adoption de certains arts, rites et pratiques au moyen de grimoires,

de liturgies et de chants. À cet égard, Internet a une incidence considérable sur une certaine

forme d‘institutionnalisation, soit la normalisation. En effet, il est désormais facile

d‘accéder aux grimoires, de retrouver certains liturgies et chants – dont certains sont

compilés, écrits et notés pour la première fois –, et de se les approprier. Ces sources de

pratique sont objectivées : elles sont soit gravées sur un disque, enregistrées sur une clé

USB ou imprimées, en plus d‘être accessibles depuis les tablettes électroniques et les

liseuses.

Une autre source littéraire païenne288

est constituée de périodiques réunissant des auteurs

universitaires ou non. Certains wiccains ont produit et continuent de produire de la

littérature académique sur le paganisme. Depuis 1997, le bulletin The Pomegranate The

International Journal of Pagan Studies est publié quatre fois l‘an289

; des articles portant sur

des questions d‘intérêts divers rédigés par des auteurs académiques païens et non païens,

ainsi que par des païens non universitaires. Ces écrits proviennent tant des États-Unis, de

l‘Angleterre que du Canada. Les aspects historiques (chasse aux sorcières, pratiques

anciennes), archéologiques (par exemple les théories de Marija Gimbutas), l‘analyse de

l‘actualité sur les mouvements païens contemporains ou la pertinence de certains textes

fondateurs de l‘anthropologie (Murray, Frazer, etc.), ainsi que la recension des diverses

pratiques et des courants de la spiritualité païenne contemporaine ne sont que quelques-uns

des thèmes abordés dans le bulletin. Sous la rubrique « Recension », diverses publications

288

Originalement en papier puis sous format électronique. 289

Maintenant publié deux fois par année; mais leur dernier numéro date de 2010 (vol 12, no 2)

266

touchant de près ou de loin la question des paganismes sont discutées. The Pomegranate a

également été à l‘origine du groupe de discussions virtuels Journal of Pagan Studies, lequel

s‘ouvre sur les questions du paganisme contemporain.

Un dernier pan de la littérature païenne actuelle est constitué de guides pratiques. On y

traite de la reconnaissance des droits, de questions d‘éthique et de déontologie, des

difficultés rencontrées par les pratiquants homosexuels ou transgenres, ou encore de la vie

en coven. Fait significatif en matière d‘institutionnalisation, en l‘occurrence d‘un mode de

vie, ces ouvrages centrés sur les divers aspects personnels de la vie du pratiquant wiccain se

sont multipliés sur le marché au cours des dernières années290

. Des livres de ce type,

consacrés à la famille, sont à signaler. Ils proposent des rituels ainsi que des activités à

mener en tant que famille wiccaine. Ils prodiguent des conseils sur les manières de faire

face à certaines situations difficiles concernant l‘éducation des enfants et l‘interaction les

écoles et avec les enseignants. Le ton employé relève moins de celui de l‘injonction que de

l‘avis et de la suggestion (avenues et solutions possibles). La vie en société n‘est pas

négligée pour autant. Des publications portent sur le paganisme dans le milieu des affaires

ainsi que sur les difficultés rencontrées par le païen dans la vie de militaire.

D‘autres thèmes font surface dans des ouvrages sur la question du clergé païen291

, sur le

paganisme dans le milieu des affaires ou encore sur les difficultés de la vie de militaire en

tant que païen. Ces ouvrages, élaborés sous forme de guides ou de témoignages, sont pour

la plupart écrits par des individus qui ont vécu ces expériences et qui cherchent à les

partager pour des lecteurs susceptibles d‘avoir vécu ou de vivre présentement ces mêmes

difficultés. Certains de ces guides s‘adressent à des pratiquants solitaires qui cherchent à se

doter d‘outils pour acquérir des rôles souvent associés à la pratique en coven. Bien que ces

ouvrages soient majoritairement écrits par des pratiquants des États-Unis, ils sont

disponibles dans les boutiques du Québec et peuvent, par conséquent, influencer les

pratiquants qui les acquièrent.

290

Il est difficile d‘avoir une idée de l‘ordre de grandeur des publications sur ce sujet. 291

L‘auteur Kevin M. Gardner a d‘ailleurs rédigé quelques ouvrages au sujet du clergé au sein de la Wicca et

du paganisme.

267

Hormis la diversité des sources et des thèmes abordés, l‘examen des ouvrages révèle

surtout un changement perceptible quant à la portée et à la visée de la culture wiccaine. Elle

devient le savoir-faire de la Wicca et reste en vitrine, pendant que le savoir-être et le

savoir-vivre s‘élaborent et s‘installent. Les livres d‘introduction à la pratique de type

« 101 » sont toujours là. Or la publicité du mouvement, sa diffusion et l‘avènement de la

parentalité ont amené des pratiquants beaucoup plus expérimentés dans le cheminement à

prendre ou à reprendre la plume afin de développer leurs idées face aux nouvelles situations

vécues. Par ailleurs, des situations associées aux différences auparavant vécues dans

l‘ombre, telle l‘homosexualité, prennent un relief nouveau par l‘effet conjugué du nombre

d‘individus se réclamant de l‘identité païenne et de la publicité. Les questions d‘identité et

d‘orientations sexuelles (homosexualité, bisexualité et transgenre) ont pris de l‘ampleur sur

la place publique depuis les quarante dernières années. De prime abord, la diversité

d‘orientations sexuelles cadre bien avec la culture de tolérance des pratiquants. Pour

certains, néanmoins, les choses se compliquent lorsqu‘il est question de jouer un rôle lors

des rituels, car la Wicca est principalement basée sur la question de dualité et d‘équilibre

entre les forces masculines et féminines. Par conséquent, depuis quelques années, des

ouvrages qui traitent de ces questions font leur apparition sur les rayons des libraires. Finies

la couleur des chandelles ou la manière de dresser un autel. La question qui se pose

désormais est de savoir comment agir correctement et concrètement dans certaines

situations, comment s‘adapter aux nouvelles réalités, et comment interpréter sa

théo/théalogie dans un univers social élargi.

Du fait de la popularité et du caractère public de la pratique, l‘action des vecteurs externes

sur la vie personnelle des pratiquants passe beaucoup par les livres, et ce, malgré le fait que

la Wicca soit très ancrée dans une tradition orale. À travers les livres, ou encore sur les sites

Internet, s‘instaure, entre les pratiquants, un partage de connaissances, d‘expériences, de

normes et de solutions apparemment éprouvées et applicables en matière de droits

individuels ou d‘adaptation au milieu professionnel, social ou scolaire. Cela peut être le cas

seulement si le wiccain récepteur de ces notions décide d‘appliquer ces solutions proposées

268

et que le résultat escompté est atteint. Ces ouvrages introduisent alors une forme

d‘isomorphisme mimétique dans l‘environnement de leurs lecteurs.

5.3 Conclusion

Grâce à l‘ensemble de ces stratégies de collectes de données et des résultats obtenus, les

contours du phénomène d‘institutionnalisation de la Wicca québécoise se dessinent.

Quelques éléments de pression interne et externe se font sentir auprès des wiccains à divers

niveaux. En effet, les wiccains québécois s‘expriment sur les enjeux liés à

l‘institutionnalisation par divers moyens, et mènent des débats dans l‘espace public afin de

réfléchir à leurs conditions de vie et de pratique. À travers les discussions portant sur le

statut à accorder à un clergé wiccain (s‘il y a lieu) sur l‘établissement d‘organisations

officielles, sur les nécessités du réseautage virtuel, sur le rôle d‘Internet dans la vie

familiale et sur l‘éducation des enfants, se tissent des réseaux normatifs et s‘élaborent les

règles du savoir-être, du vivre-ensemble et de l‘existence en société.

Chapitre 6 : Synthèse : Vers un schéma

d’institutionnalisation multiévolutive asynchronique

We are an old people,

We are a new people,

We are the same people,

Stronger than before.

Par Morning Feather et Will Shepardson

L‘être humain est en état de transformation continue. Bien qu‘il reste essentiellement le

même, il apprend, il se transforme, il évolue, et cela se reflète dans ses interactions avec

tout ce qui l‘entoure, ce qui inclue les religions, les spiritualités et les institutions.

Pour sa part, la Wicca recèle en son sein une position contre l‘institutionnalisation de sa

pratique. La diversité, la fluidité, l‘adaptabilité, la liberté et la spontanéité ne sont que

quelques caractéristiques prisées par ses pratiquants. L‘image associée aux institutions

comme étant des entités immuables, rigides, homogènes et qui exercent un contrôle sur

leurs membres ressort des divers commentaires et positions des wiccains québécois. Par

conséquent, il est clair que pour plusieurs d‘entre eux, l‘institutionnalisation de la Wicca est

un objectif à éviter afin de préserver l‘état actuel des choses. Néanmoins, il ne s‘agit pas

d‘une perception partagée par tous les membres, puisque certaines manifestent une

acceptation du phénomène.

Comme mentionné dans le premier chapitre, Max Weber a proposé les concepts de

« domination du charisme » et de « routinisation du charisme ». Helen Berger a

adroitement souligné les limites de l‘application de la notion weberienne à la Wicca,

laquelle ne répondait pas davantage au schéma de la routinisation du charisme personnel

qu‘à celui de fonction. En fait, l‘exemple de la Wicca permet à Berger de restreindre la

portée du concept weberien de charisme en ciblant ses préoccupations « sociales », à savoir

la spontanéité et la créativité. Elle présente trois distinctions propres à la Wicca :

First, much of the routinization of Wicca has occurred through the sharing of

information in books and journals and on the Internet rather than through the

systematization of charisma by disciples. Second, the individuals who are

attempting to form churches or umbrella organizations justify their

leadership based on their administrative skills, not their religious purity.

270

Third, it is not the magical qualities of charisma that are being routinized but

the spontaneity and creativity of religious expression. (Berger, 1999,

pp. 101-102)

C‘est ce que l‘on constate sur le terrain au Canada et au Québec. Ce n‘est pas le charisme

de Gerald B. Gardner (1884-1964), en Angleterre, qui a amené les gens d‘ici à la pratique

de la Wicca; les personnes y étaient déjà attirées avec ou sans lui. Il n‘a que présenté le

nom de la pratique sur la place publique dans les années 1950. Ce sont les ouvrages sur le

sujet et surtout Internet qui ont fait croître la popularité de la Wicca depuis la fin des

années 1990. Le charisme a peu de place sur Internet. C‘est plutôt la popularité du nom de

la personne et sa notoriété, telles qu‘elles ressortent des résultats des recherches effectuées

sur Internet, qui font autorité. Il faut également ajouter la mise sur pied d‘organismes cadres

constitués comme la PFPC, qui viennent ajouter à cet aspect de routinisation. Certains

membres ont une plus grande habileté avec le langage administratif que d‘autres. Ce n‘est

pas parce qu‘ils sont « plus wiccains » qu‘ils se démarquent. Si on observe l‘évolution des

rituels publics au Québec, on constate qu‘une forme de routinisation se produit, mais celle-

ci n‘est pas en lien avec le charisme puisque ce sont rarement les mêmes personnes qui

organisent et dirigent les rituels. Or, des éléments de la communauté restent et se

normalisent, principalement les chants et les danses des rituels. Alors qu‘autrefois il y avait

une grande diversité, les pratiquants sur la place publique adoptent de plus en plus les

mêmes chants qui marquent en quelque sorte l‘identité de la communauté. Par conséquent,

il faut revoir les modèles d‘institutionnalisation et de transformation des groupes religieux

afin qu‘ils reflètent la réalité de notre société actuelle, notamment en ce qui a trait à la part

qui revient à la spontanéité et à la créativité.

6.0 Éléments d’intégration socio-politique

À travers les divers éléments exposés tout au long des chapitres, l‘intégration

socio-politique de la Wicca québécoise à la société générale se donne à voir. Premièrement,

la conformité aux lois assure un certain aspect d‘homogénéisation avec la toile religieuse et

spirituelle du pays. Ces éléments, qu‘ils soient des critères d‘incorporation ou encore des

formes d‘enregistrement permises et reconnues, créent des pressions sur la Wicca. Cette

dernière se plie aux normes en la matière, causant ainsi une transformation de ses propres

271

formes initiales. Que cela soit dans la structure (église, association, OSBL), la terminologie

(p. ex : inclusion du terme « clergé ») ou les types d‘activités (p. ex : services

d‘aumônerie), la Wicca publique s‘insère dans le champ religieux.

Par ailleurs, la jurisprudence en matière familiale (surtout dans les cas concernant la garde

des enfants) témoigne d‘une amorce de la normalisation de la Wicca auprès des

intervenants sociaux et des autorités publiques. Autant, dans les années 1990, la Wicca était

perçue de façon négative et pouvait contribuer à la stigmatisation du justiciable, autant que

dans les années 2000 à 2010 cette perception en est une plus neutre auprès des acteurs

juridiques. Le plus grand intérêt pour la sorcellerie, la magie blanche et la Wicca dans la

culture générale et les divers médiums médiatiques et sociaux (émissions de télévisions,

films, reportages, ouvrages littéraires, Internet.) contribue également à ce processus.

Mais les transformations qui proviennent de l‘extérieur de la pratique ne sont pas les seules

à contribuer à l‘intégration sociale des courants de la Wicca. Des facteurs et des pressions

internes agissent également sur le fonctionnement et l‘évolution de la pratique dans le sens

de la normalisation.

6.1 Évolution culturelle

Depuis son dévoilement public en 1951 en Angleterre par Gerald B. Gardner, la Wicca a

subi plusieurs transformations. Elle évolue toujours vers de nouvelles formes. Avec le

temps, plusieurs éléments se sont greffés à la pratique, tels que l‘écologisme, le mouvement

féministe et les pratiques appartenant à d‘autres religions ou spiritualités comme les sweat

lodges292

amérindiens. De plus, avec les mouvements féministes, la publication d‘ouvrages

concernant le paganisme, l‘utilisation d‘Internet et une popularité grandissante dans la

culture générale poussent la Wicca à passer d‘une pratique cachée à une pratique plus

publique et commune. Ajoutons à cela, l‘inclusion des enfants et de la pratique familiale,

l‘accessibilité vers une autre langue et la possibilité de la pratique virtuelle. Du coup, la

292

C‘est une loge, sous le principe d‘un sauna, habituellement utilisé dans les traditions amériendiennes, afin

de purifier le corps et l‘esprit afin de les préparer au travail spirituel.

272

Wicca se transforme, restant pour certains la même, mais en état continuel de

transformation.

6.1.1 Identification des courants de changements culturels religieux

Dans le premier chapitre, nous avons identifié quelques courants de changements culturels,

tels ceux de la religion de la nature, du paganisme, du néo-paganisme et de la Wicca. Grâce

aux données d‘observation de terrain et aux résultats du questionnaire, il devient possible

de départager l‘influence de l‘implantation nord-américaine sur le plan de l‘identification

individuelle du pratiquant, de même, pour l‘identification de l‘ensemble des croyances

ayant la nature au centre de ses préoccupations. Comme indiqué dans cet ouvrage,

l‘incorporation de la sacralisation de la nature aux pratiques wiccaines, particulièrement

jumelée aux mouvements écologiques, est ce qui caractérise la Wicca. Passant d‘une

religion de la fertilité (Gardner) à une religion de la nature, cette transformation de la Wicca

témoigne d‘emprunts culturels, ainsi de que l‘influence de pratiques de spiritualités

« autochtones » qui agissent comme vecteurs externes de transformation.

6.1.2 Retour sur la problématique de l’institutionnalisation

L‘institutionnalisation est un processus qui sert, entre autres, à régulariser de façon

« stable » les pratiques et les activités légitimes d‘un groupe donné. Dans le cas de la Wicca

québécoise, il y a des facteurs externes au mouvement, mais il existe également des

pressions à l‘intérieur de celui-ci. Bien qu‘une mesure d‘institution interne indépendante

existe sous la forme de coven, il existe parallèlement des formes non institutionnalisées

comme la pratique en solitaire. Ces deux formes de pratique coexistent et interagissent

entres elles.

Par l‘entremise de la Wicca, il est possible de voir diverses étapes du processus

d‘institutionnalisation. Première étape, le résautage : il y a, depuis les années 1990, une

augmentation des liens entre les divers organismes païens (covens, solitaires, moot,

festivals, etc.) afin de mettre sur pied des activités ouvertes à toutes les diverses pratiques et

traditions païennes (Ásatrú, Druids, Wicca, Heathen). Deuxième étape, l‘organisation : on

observe la création de divers organismes cadres tel que la PFPC (Pagan

273

Federation/Fédération païenne du Canada), la PPO (Pagan Pastoral Outreach), les Officers

of Avalon, la Gaïa Gathering (Conférence païenne Canadienne). Troisième étape, la

communication : de plus en plus d‘information sur les pratiques païennes et wiccaines

circule, et ce, encore plus avec l‘arrivée d‘Internet. Alors que dans les années 1970 il était

difficile de se procurer des ouvrages sur le sujet, on peut maintenant les retrouver dans les

librairies populaires et spécialisées, les bibliothèques universitaires et municipales, Internet

et les musées. Par conséquent, un défrichage de cette information est fait par certains

membres de la communauté, et des suggestions sont apportées à l‘ensemble. Dernière

étape, la diffusion des idées : par l‘entremise des conférences, des festivals, des bulletins et

autres médiums, des discussions ont lieu sur la situation actuelle au Canada et au Québec,

les processus d‘institutionnalisation, leurs droits et libertés ainsi que sur leur avenir. Il faut

retenir le fait que ces étapes ne se sont pas nécessairement déroulées dans cet ordre, et que

les processus se développent de manière indépendante et simultanée. L‘une des raisons qui

expliquent cette situation est que les mêmes gens se retrouvent dans divers grands

organismes et mènent plusieurs actions sur un même front. Par ailleurs, il importe de garder

à l‘esprit que la mouvance elle-même est travaillée par des enjeux d‘institutionnalisation

sur lesquels on débat ferme. Les transformations structurelles donnent cours à une

réflexion, ces deux éléments se conjuguant pour produire des trajectoires

d‘institutionnalisation aboutie — ou non aboutie — sur lesquelles on se penchera un peu

plus loin en fin de chapitre.

6.1.3 Individualisation et normalisation des pratiques : clé du changement

religieux

La primauté de l‘expérience personnelle a su trouver sa place au sein de la société

québécoise de plus en plus sécularisée, permettant par le fait même le développement de la

Wicca au Québec ainsi qu‘une croissance du pluralisme religieux. Dès lors, l‘individu, et

non la société, détermine sa propre croyance. On a pu constater que, parmi les éléments

présentés dans les différents chapitres, l‘individualisation de la pratique religieuse transpire

dans la Wicca québécoise. L‘individu joue un rôle important dans la transformation de

celle-ci de par ses choix et ses actions. Par conséquent, la diversité fait partie intrinsèque de

274

l‘identité contemporaine de la pratique; elle reflète l‘individu et non l‘ensemble des

pratiquants. Comme on l‘a indiqué dans le premier chapitre, l‘institutionnalisation n‘affecte

pas tout le groupe dans son entier de la même façon et en même temps.

Cependant, bien que la diversité soit présente de façon continue, on peut s‘apercevoir que

certaines parties de l‘ensemble se stabilisent dans le domaine de l‘espace public. À

Montréal par exemple, les participants à des rituels publics reviennent de plus en plus aux

mêmes chants lors de rituels, ou encore ils vont intégrer la spiral dance à une plus grande

fréquence, ce qui en, quelque sorte, vient marquer l‘identité publique de la communauté. La

spontanéité et la créativité sont toujours présentes, mais une forme de stabilité se manifeste

de par l‘utilisation d‘éléments communs et familiers de pratiques rituelles.

6.2 Les vecteurs d’institutionnalisation de la Wicca québécoise

6.2.1 Forces institutionnalisantes à l’intérieur de la Wicca

Dans les différents chapitres, il a été possible de percevoir les divers vecteurs

institutionnalisants qui agissent à l‘intérieur de la Wicca québécoise. Des tensions entre

l‘intégration des nouvelles générations et des cercles pour adultes, entre les pratiquants

solitaires et ceux de covens, entre la région et la métropole, entre le français et l‘anglais, ne

sont que quelques-unes d‘entre elles. Ces tensions internes contribuent grandement aux

transformations des individus et des communautés dans le sens de l‘institutionnalisation,

sans nécessairement tomber dans les catégorisations des isomorphismes.

6.2.1.1 Jeu de forces autour de l’institutionnalisation

Tensions entre les nouvelles et les anciennes générations

En général, la présence d‘une nouvelle génération dans la communauté wiccaine n‘est pas

nécessairement vécue ou appréhendée comme une source de tensions. La tension réside lors

de rituels. Habituellement, les cercles sont réservés aux membres d‘âge adulte, soit à partir

de 18 ans. D‘ailleurs, la pratique ne s‘adressait à l‘origine qu‘aux adultes. Cela dit, les

membres ont des enfants et les communautés cherchent de plus en plus la manière de les

intégrer sans imposer leurs croyances. C‘est pour cette raison que certains covens et cercles

275

acceptent d‘inclure les jeunes dans leur cercle ou, du moins, dans leurs activités. Certains

individus considèrent néanmoins que la pratique ne peut qu‘être réservée aux adultes.

Comme on l‘a vu dans les réponses données au questionnaire, l‘intégration des nouvelles

générations a entraîné certaines modifications notables dans la pratique. Il y a des créations

de cercles pour jeunes. Les rituels sont raccourcis. Il y a des covens qui ne pratiquent plus

la nudité en rituel (skyclad) et des traditions qui sont maintenant des traditions familiales.

Pour les rituels publics, certains arrangements sont faits lorsque possible, par exemple la

désignation de quelques individus pour surveiller les jeunes pendant la tenue du rituel ou la

création d‘ateliers pour les jeunes lors des festivals. Dans certains cas, les jeunes ont le

droit de participer avec l‘autorisation parentale (ou du tuteur) et du groupe qui anime le

rituel. La présence de ceux-ci amène à certains parents la motivation nécessaire de trouver

ou de créer une communauté, pour ainsi partager avec des gens aux croyances similaires.

L‘ensemble des besoins en lien avec une nouvelle génération crée des tensions avec ceux

des collectifs existants désireux de réserver la pratique uniquement aux adultes.

En outre, des innovations sont apparues en réponse à l‘adaptation à la vie quotidienne et

sociale et à l‘émergence d‘une nouvelle génération : il en est ainsi du wiccaning (baptême)

et des rites de passages vers la vie adulte. Les jeunes païens suscitent également des

changements du fait de leur intérêt et de leurs curiosités. D‘ailleurs, un cercle pour les

jeunes païens de 10 à 18 ans a été créé à Montréal en 2000 par Meri Fowler afin de

permettre aux jeunes d‘explorer divers concepts païens et wiccains. Depuis 2011, il existe

maintenant un cercle pour les plus jeunes de 5 à 9 ans. Il est à noter qu‘un document en

anglais provenant de la Colombie-Britannique qui a été créé en 1998 par une collectivité de

jeunes des milieux secondaires et universitaires. Le A Pagan Teen Survival Guide élaboré

par le Silver Spiral Collective est un document de 82 pages abordant les diverses questions

que peuvent avoir les jeunes sur le paganisme et la Wicca, tant sur l‘histoire des traditions

et les différences entres elles que sur le questionnement identitaire. De telles nitiatives

contribuent dans un premier temps au changement puis à une certaine normalisation de la

pratique auprès des jeunes, permettant ainsi une intégration dans les communautés païennes

dans leur ensemble.

276

Forces et tensions solitaires/coven

Depuis la sortie du livre de Scott Cunningham sur la pratique solitaire de la Wicca, la

popularité de cette forme de pratique s‘est vue propulser sur la scène des pratiques

néo-païennes. Du coup, il devient possible d‘être une sorcière wiccaine sans passer par un

coven; l‘individu peut alors se consacrer à la Wicca de son propre chef, de façon autonome.

Comme on l‘a vu dans les résultats du questionnaire et les observations sur le terrain, cette

possibilité a favorisé la popularisation de la pratique en Amérique du Nord, surtout auprès

des gens habitant les régions, ce qui a eu pour effet de créer des tensions entre les wiccains

de coven et les solitaires. Bien qu‘avec le temps ces tensions sont devenues moins fortes,

elles sont néanmoins encore présentes et exercent une influence sur les communautés

publiques. Des tensions de cet ordre étaient manifestes lors des premières conférences de

Gaïa Gathering (2005 et 2006) ainsi que dans le développement des traditions. Ces tensions

touchent à la question identitaire et ont amené certains wiccains à vouloir élever une

barrière afin de distinguer ce qui est Wicca de ce qui ne l‘est pas, ainsi que d‘identifier ceux

qui appartiennent à un coven de ceux qui sont des pratiquants solitaires. Les solitaires ont

été souvent critiqués comme étant moins forts dans leur magie, plus éclectiques et moins

connaisseurs des pratiques et des traditions. Si on en réfère aux échanges observés lors des

conférencesle simple fait de ne pas être initié dans un coven empêcherait, selon les

membres de covens, de se prévaloir de l‘identité wiccaine.

Bien que cette démarcation soit moins présente dans les depuis 2008, les tensions générales

entre les deux types de pratiques semblent à l‘arrière-plan des préoccupations publiques des

wiccains. Elles sont malgré tout encore présentes dans les discours et les opinions de

certains membres de diverses communautés, tant dans la province qu‘à l‘extérieur. Grâce

aux observations sur le terrain et aux commentaires émis par les répondants, on remarque

que ces barrières servent également à distinguer ce qui est issu de la lignée directe avec

Gardner ce qui ne l‘est pas par l‘utilisation, entre autres, de l‘appellation BTW (British

Traditional Wicca).

Tensions entre les régions et la métropole

277

Sans qu‘il ne s‘agisse d‘un vecteur direct d‘institutionnalisation interne, des tensions se font

sentir entre les gens habitant les régions et ceux issue de la métropole. De toute évidence, la

métropole de Montréal possède beaucoup de ressources de nature à soutenir et à alimenter

la pratique des wiccains et des païens. Montréal se caractérise par le plus grand nombre de

covens, de wiccains et de païens de la province. Bien que les tensions ne semblent pas

apparentes, on remarque que dans les propos des gens des régions, le sentiment de détenir

moins de liberté d‘expression religieuse en public les importune plus que pour leurs

contreparties à Montréal. D‘une part, le fait qu‘ils ont peu ou pas d‘accès directs à des biens

et des services amène les pratiquants de la région à adapter leur pratique et à créer

davantage leurs outils (athame, chandelles, par exemple), surtout en matière de documents

écrits et d‘accessibilité aux ouvrages sources. D‘autre part, l‘utilisation et la dépendance à

l‘information en ligne font en sorte que les pratiques développées sont éclectiques et, de ce

fait, n‘assurent pas nécessairement la transmission d‘une tradition particulière, ce qui

contribue aux tensions entre les solitaires et les pratiquants appartenant à un coven. De

même, cette inaccessibilité, comme on a pu le voir dans le questionnaire, accentue les

différences qui existent dans la conception même de ce qu‘est la Wicca. Les définitions ne

sont pas les mêmes et, par conséquent, l‘auto-identification en tant que wiccain devient

source de tension au sein des communautés plus traditionnelles, tel que soulevé lors des

conférences païennes. Au premier coup d‘œil, il y a plus de wiccains à Montréal, alors que

dans les régions, on parlerait plutôt de sorcières païennes éclectiques utilisant l‘étiquette de

la Wicca. Après vérification, il semble que cette observation soit juste. La présence de

covens de lignée gardnérienne et d‘autres traditions dérivées dans la région montréalaise

accentue grandement cette répartition démographique.

Tensions linguistiques : la place du français et de l’anglais

D‘origine anglo-saxonne, la Wicca est avant tout une religion qui se pratique en anglais.

Comme mentionné tout au long de la thèse, les traductions sont peu nombreuses et souvent

de piètre qualité, basant la traduction sur un vocabulaire catholique à défaut d‘un

vocabulaire adéquat correspondant. Cela fait en sorte que la façon de définir la Wicca

parmi les anglophones et les francophones ne sera pas la même, comme on a pu le voir

278

dans les réponses données au questionnaire. Cette diversité dans les définitions crée des

tensions entre les deux communautés linguistiques de la province, notamment en ce qui a

trait à la question de l‘auto-identification. Cette tension semble toutefois davantage reliée à

l‘accessibilité de l‘information, comme les textes « canons » de la Wicca qu‘à des tensions

créées par les individus eux-mêmes. À plusieurs reprises, des commentaires ont été émis

sur le terrain par des anglophones mentionnant le fait que ce n‘est pas la faute des

francophones s‘ils ne sont pas au fait de ce qu‘est vraiment la Wicca, puisqu‘ils n‘ont pas

accès aux ouvrages « canons » ou aux covens traditionnels. Par conséquent, ils n‘ont accès

qu‘à des versions diluées de la pratique publiées par les maisons d‘édition. Vue le peu de

tirage en raison du marché potentiel, des pressions provenant du milieu de l‘édition sont

donc mises sur le dos du pratiquant qui veut approfondir sa pratique dans sa langue,

l‘enjoignant, consciemment ou non, à apprendre l‘anglais pour y parvenir.

Malgré cela, des efforts d‘intégration des pratiquants francophones sont faits dans la

communauté. Que ce soit dans les bulletins locaux, les rituels publics ou les conférences,

les francophones sont acceptés, bien que ceux-ci se font parfois rares ou qu‘ils ne savent

pas que ces services sont disponibles. Plusieurs individus bilingues de la province tentent

néanmoins d‘offrir des traductions dans la langue de Molière des ouvrages, des bulletins,

des chants, des rituels, des grimoires et des sites Internet.

Ces tensions linguistiques viennent façonner la pratique et les communautés québécoises,

car elles doivent faire face à cette dualité identitaire. Cela est également exprimé lors des

conférences pan-canadiennes Gaïa Gathering qui, avec des efforts, font une place pour les

francophones, tant dans la documentation et les conférences que durant les rituels. On

mentionne ici que c‘est avec effort, car cette dualité de pratique se voit très peu dans le

reste du Canada. Ils doivent se faire rappeler la présence des francophones parmi les

pratiquants puisqu‘ils ne sont pas habitués à leur présence (quand on compare par exemple

avec les pratiquants provenant de Montréal).

279

6.2.1.2 Normalisation

À l‘intérieur même de la Wicca, il existe des vecteurs d‘institutionnalisation. De ce point de

vue, les processus de normalisation et de stabilisation des pratiques ont été privilégiés. La

normalisation provient principalement de la professionnalisation à l‘intérieur de la

mouvance wiccaine. C‘est par la création de normes et de méthodes de formation qu‘il y a

formation de spécialistes ou de professionnels.

Des clergés se forment (par exemple la CWABC et la WCC), les réseaux d‘information

deviennent plus nombreux et plus rapides, diverses stratégies de légitimisation auprès des

autorités publiques sont recherchées et utilisées, le nombre de membres augmente et la

professionnalisation rendue possible par les écoles prend de l‘ampleur (Berger, 1999,

p. 104). Tous ces aspects contribuent aux pressions menant à la routinisation du

mouvement.

On retrouve également le cas des écoles, des centres de formation et des cours indépendants

tel que mentionnés dans les chapitres précédents. Ces institutions sont ancrées dans une

logique d‘entreprise et se retrouvent sous la gestion de quelques individus. Si on regarde

dans les débuts de la communauté, la formation était principalement assurée par le coven.

Petit à petit, avec la popularisation de la pratique individuelle, certains membres

appartenant à des coven (ou ayant déjà été membres), ont commencé à donner des cours sur

la magie, les cristaux, les herbes, etc. Avec l‘avènement d‘Internet et des réseaux de

communication, le contact avec les élèves potentiels a permis de faire certaines publicités

par l‘annonce de cours sur des babillards électroniques et de groupes de discussions, ou

même par l‘entremise de boutiques ésotériques. Une demande grandissante de formation à

l‘extérieur du contexte de coven se fait, amenant la création d‘écoles de sorcellerie et de

services de formations par l‘entremise de boutiques comme la boutique « Charmes et

sortilèges » pour les francophones.

Parmi les groupes et les activités wiccains, on perçoit des vecteurs d‘institutionnalisation à

travers les observations faites sur le terrain ainsi que dans les réponses des sujets

280

interviewés, entre autres, par l‘imitation de la forme d‘un rituel ou la réutilisation d‘un

chant. En voici quelques exemples.

6.2.1.2.1 Chants, danses, rituels, festivals,

En ce qui a trait à l‘établissement et à la stabilisation des pratiques, les rassemblements de

types festivals et conférences jouent de façon notable sur la forme et le contenu des rituels,

des chants et des danses. Comme on a pu le constater sur le terrain, les chants et les danses

sont repris lors des rituels publics. Par exemple, les chants inscrits au début de chaque

chapitre de la thèse sont ceux que l‘on retrouve le plus souvent lors des rituels tenus à

Montréal depuis 2001. Plusieurs de ces chants proviennent des communautés de l‘extérieur

de la province. Ils ont été appris lors de festivals au Canada, aux États-Unis, ou encore ils

ont été amenés par des wiccains en provenance de l‘extérieur. L‘appropriation et la

répétition créent une forme de stabilisation reconnaissable sur la place publique par les

membres. Il en va de même pour les danses, tel que la spiral dance provenant du

mouvement Reclaiming de Starhawk. Cette danse est une façon de créer et de faire monter

l‘énergie lors du rituel. L‘expérience de l‘individu lors de son utilisation devient garante de

son efficacité et, par la même occasion, sert à le renforcer dans la pratique générale de la

communauté. Avec des activités de plus en plus publiques parmi les diverses communautés

wiccaines à travers le pays (festivals, conférences, journée de la fierté païenne), la

transmission des éléments ayant fait leur preuve en groupe profitera aux individus.

6.2.1.2.2 Conférences

Lors des conférences Gaïa Gathering, la CWABC distribue de l‘information quant à la

nature, au format et à la gestion associative. Il s‘agit d‘un travail en amont de la requête

effective auprès des autorités destiné à asseoir la légitimité des activités le temps venu.

Certains temples de la Colombie-Britannique et de l‘Alberta ont imité ce genre de

processus afin de se faire reconnaître. La présence de Québécois aux conférences païennes

canadiennes ainsi qu‘aux autres festivals à travers le pays les mets en contacts avec des

formes institutionnalisées et des techniques de gestion qui sont, non seulement plus

nombreuses, mais également propres aux mouvements païens. On réfère ici moins aux

membres individuels qu‘à des personnes faisant office « d‘animateurs communautaires ».

281

Lors de ces événements, les informations se transmettent et les expériences d‘organisation,

bonnes et mauvaises, se partagent. Cette transmission d‘information donne les éléments

nécessaires sur lesquels peuvent se baser de futurs organismes au Québec.

Il s‘agit d‘une piste empruntée par certains organismes déjà présents dans la province et qui

participent à ces conférences, tels que le CRPM (Centre de ressources païenne de Montréal)

et le Avalon Center. Lors de la conférence Gaïa Gathering de 2011, des membres du CRPM

ont présenté le Centre et son historique lors d‘un panel. À la fois enseignants et apprenants,

ils ont expliqué leur fonctionnement pour ceux qui seraient intéressés à mettre sur pied un

centre de ressources. L‘organisme fonctionne grâce à la présence de bénévoles et occupe un

espace laissé en don par la boutique Le Mélange Magique depuis août 2000. Le Centre de

ressources maintient une présence sur Internet et permet aux visiteurs de le suivre sur

Twitter, Facebook, blogue et podcast. Le Centre sert de librairie, entre autres, sur tous

sujets magiques, païens et d‘occultisme293

. Il donne également de l‘information concernant

les activités de la communauté montréalaise (rituels, rencontres, brunchs, événements,

ateliers, etc.) et les activités canadiennes et internationales. Il reste à savoir si, parmi

l‘auditoire de la conférence, des individus ou des communautés se sont inspirés de cet

exemple et l‘ont appliqué dans leur communauté.

Comme on peut le voir par ces deux exemples, les conférences agissent comme des

vecteurs d‘institutionnalisation interne à la fois sur les individus et les communautés dont

elles informent la structure.

6.2.1.2.3 Internet

Il a été fait mention de l‘influence qu‘a Internet sur la pratique wiccaine au Québec dans cet

ouvrage. L‘influence d‘Internet est manifeste sur la création de réseaux de communications

et de communautés, la maintenance des communautés, la diffusion d‘information et la

tenue de rituels. La disponibilité et la diversité des informations présentes sur le net,

comme les rituels, les grimoires, les forums, les groupes de discussions et les autres

293

Selon les ouvrages laissés en don au centre.

282

références, pour être virale, n‘est pas que virtuelle suivant une culture d‘expérimentation

bien caractéristique.

Ce réseau de communication virtuel a contribué et continue de contribuer au

développement des communautés publiques wiccaines et païennes québécoise, que cela soit

de façon positive ou non. À l‘instar des conférences, Internet devient une plateforme par

laquelle les vecteurs d‘institutionnalisation sont transmis, aidant ainsi à la création de

formes institutionnalisées nouvelles et diverses. À l‘image de l‘option « copier-coller »

utilisée en d‘informatique, l‘information qui est tirée d‘un individu, d‘une communauté ou

d‘un groupe, en personne ou virtuellement, et qui semble fonctionner, est reprise et adaptée

aux besoins locaux de ces utilisateurs. Que cela concerne la façon de tenir un rituel, le

choix des chants utilisés, les formes de rencontres sociales (p. ex. forums, moot, brunch,

conférences, etc.) ou l‘organisation de la tenue d‘événements publics (p. ex : journée de

fiertés païennes), tous ces éléments viennent contribuer à la stabilisation du mouvement par

une transmission virtuelle parallèle à une transmission de personne à personne.

6.2.1.2.4 Les livres et les bulletins

Parmi les éléments internes qui normalisent les pratiques se rangent d‘emblée les livres et

les bulletins. L‘analyse du WynterGreene a permis de cerner la circulation et l‘évolution de

concepts donnés dans une communauté. Ce qui a été soulevé, par l‘entremise des thèmes

dévoilés par les articles du bulletin, sont les sujets et les préoccupations qui circulent au

sein des communautés de Montréal en matière d‘institutionnalisation. Ces préoccupations

ont permis d‘identifier les divers éléments de normalisation qui ont lieu au sein de celles-ci.

Par conséquent, le bulletin en soi est un vecteur d‘institutionnalisation puisqu‘il est le

véhicule de transmission de ces éléments.

Cela est également applicable aux livres et aux textes que l‘on retrouve dans les

communautés wiccaines et païennes au Québec. On a déjà mentionné l‘existence de textes

« canons », c‘est-à-dire les ouvrages de Gardner ainsi que les textes d‘autres individus

importants dans la transmission de la tradition et de la pratique. Ces textes maintenant

publiés servent d‘ouvrages de base à la pratique, les grimoires personnels des pratiquants.

Or, comme mentionné, très peu de ces ouvrages ont été traduits vers le français. Ces livres

283

sont devenus des sources d‘inspiration pour la création et la publication de nombreux autres

ouvrages, principalement des guides sur l‘initiation de base à la pratique294

: comment

fabriquer ses outils, officier à des cérémonies telles que le handfasting ou des funérailles,

éduquer adéquatement ses enfants. On a vu qu‘en dépit des mises en garde à l‘effet que ces

textes ne sont que des suggestions, plusieurs individus viennent à s‘y fier et à reprendre tel

quel ce qu‘ils trouvent dans les ouvrages. Par conséquent, une autorité est octroyée à

l‘œuvre et à son auteur qui deviennent des vecteurs de normalisation et de transformation

de la pratique. Puisque les individus, surtout les pratiquants solitaires, se basent beaucoup

plus sur les ouvrages que sur une tradition transmise oralement, c‘est par ceux-ci que les

graines d‘institutionnalisation peuvent être semées. La reprise des descriptions de rituels et

de leur application lors de rituels publics ou privés en sont des exemples.

6.2.1.2.5 L’initiation et la formation

Outre les œuvres littéraires, la question de formation et d‘éducation dans le but de former

des pratiques dans la communauté pour la communauté est l‘élément de normalisation le

plus évident. Le milieu d‘enseignement généralement conçu comprend, dans le cas qui

nous occupe, les lieux d‘initiation à la pratique en communauté et les lieux ou activités de

formation « exotériques », destinés à un membership plus large et diversifié.

Le coven est une première forme d‘établissement d‘enseignement, puisque ses membres

reçoivent une formation lors de leur séjour au sein de celui-ci. La tradition à laquelle

appartient le coven dicte alors le type d‘enseignements qui y est prodigué. Les covens dit

traditionnels ou de lignée gardnérienne sont des exemples de stabilisation d‘un noyau de

pratiquants d‘une lignée particulière. Ils ne cherchent pas pour autant à normaliser la

mouvance wiccaine en général. De par leur structure hiérarchique, les individus et les

covens filles295

doivent se soumettre aux règlements internes à la tradition. C‘est le coven

294

Souvent le terme « Wicca 101 » est utilisé pour marquer le fait que ces ouvrages s‘adressent à des

néophytes. 295

Ce sont de nouveaux covens fondés par des membres d‘un coven ayant atteint un niveau élevé (soit 2e ou

3e degré selon le coven). Ceux-ci quittent le coven et fondent une nouvelle branche et deviennent plus ou

moins indépendants du coven-mère (selon la tradition), restant dans une même logique de fonctionnement et,

pour la plupart, suivant les mêmes règles que dans le coven initial quant au comportement des membres, de la

formation, de l‘initiation et de la structure du coven.

284

qui sélectionne ses membres et qui a le pouvoir d‘exclure ou d‘expulser un membre si une

personne ne respecte pas les règles de vie élaborées par le coven296

. L‘élaboration de règles

de vie communes à l‘intérieur d‘une tradition, peut se refléter dans la communauté publique

générale par l‘utilisation des outer courts. Les outer courts sont un cercle externe du coven

dans lequel le néophyte et futur membre reçoit une formation dans la lignée du coven. Cette

formation et le progrès du candidat au cours de son séjour dans le outer court va déterminer

s‘il est ou non compatible avec la tradition choisie. S‘il y a réussite, l‘initiation vient

marquer la conclusion de la première étape de sa formation, permettant ainsi d‘approfondir

ses notions et pratiques à l‘intérieur de la tradition. Dans le cas où il y a non-compatibilité,

l‘individu se voit refuser l‘accès au inner court et retourne alors dans la population générale

avec ses acquis de la formation reçue dans le outer court.

La transmission des connaissances vers l‘extérieur du coven peut se faire, comme on l‘a

vue dans le chapitre 5, par l‘entremise des écoles de sorcellerie. De fait, ce qui est sous-

entendu dans ce partage de connaissances est l‘autorité octroyée à un individu ou à un

organisme dispensateur. Cette autorité n‘appuie pas sur une vision du monde sa capacité à

s‘imposer aux autres, mais se fonde plutôt sur la maîtrise et la notoriété de la pratique et des

activités. Par exemple, l‘école Crescent Moon School of Magic and Paganism poursuit ses

activités depuis 1995. Offrant initialement des cours dans un salon qui étaient donnés par la

fondatrice de l‘école, Scarlet, l‘école compte maintenant au moins neuf enseignants. Les

cours sont dispensés dans une salle louée au « Mélange magique ». Il existe quatre niveaux

de programme sur une durée de plusieurs semaines pour chaque niveau. Des cours virtuels

ont été élaborés pour le premier niveau. L‘école offre des services répon0dant à un besoin

dans la communauté anglophone. Pendant ce temps, plusieurs individus ont suivi une

formation dans cette institution et sa réputation s‘est bâtie. Bien qu‘elle ne soit pas la seule

source de formation dans la région, elle est de plus en plus connue et avec chaque étudiant

qui en « gradue », une norme « flexible297

» dans la pratique vient s‘installer, surtout auprès

de pratiquants solitaires. Il reste à voir si à moyen terme une uniformisation des

296

À noter que l‘étude a porté seulement sur les activités publiques et non sur les aspects privés dans les

milieux de covens. 297

Nous utilisons ici le terme « flexible », car peu importe les normes de l‘école, il y a toujours promotion de

l‘adaptation aux besoins et aux particularités de l‘individu qui va l‘intégrer dans sa pratique.

285

connaissances et des pratiques sera détectée au sein de la communauté anglophone et si

cette dernière sera transmise aux pratiquants francophones.

Comme on l‘a soulevé, bien que la réussite de ces cours n‘octroie pas nécessairement un

statut identitaire propre à la Wicca, elle donne néanmoins une idée de la connaissance et de

la capacité du pratiquant. Par exemple, si un individu mentionne qu‘il a complété le

premier niveau à l‘école Crescent Moon School of Magic and Paganism, on peut s‘attendre

à ce que l‘individu connaisse les rudiments de base de la magie, tandis qu‘un individu de

niveau quatre aurait les capacités de faire de l‘aumônerie et de prendre un rôle de

leadership dans la communauté. La confirmation de la validité de l‘enseignement reçu va

résider premièrement dans l‘expérience de l‘individu en soi et, deuxièmement, dans

l‘exécution et l‘efficacité perçue par les autres pratiquants qui seront témoins des actions

posées et des connaissances exprimées.

Comme on l‘a vu, la formation se donne également par l‘entremise des ateliers ou des cours

dispensés par divers individus et groupes de façon indépendante des écoles de sorcellerie. Il

n‘y a pas de norme établie en ce qui concerne l‘enseignement et la formation. L‘individu

peut être autodidacte ou suivre des cours et des ateliers lorsqu‘ils sont disponibles, ou

encore s‘inscrire à une école dont la matière ne consiste qu‘en des enseignements portant

sur la magie, la Wicca ou le paganisme. Que cela se fasse au moyen de la formation au sein

d‘un coven, de cours offerts par des membres de communautés sous forme d‘ateliers ou de

cours offerts dans le cadre du programme d‘une école de sorcellerie, de cours par Internet

ou de formations de croissance personnelle, une formation est donné selon des normes

établies et selon l‘expérience de l‘enseignant ou de l‘organisation, qu‘elle soit ou non

inscrite dans une tradition donnée.

Bien que les pratiques diffèrent d‘un individu à l‘autre et qu‘une acceptation générale de

ces différences existe et soit encouragée, il se fait néanmoins une gradation des opinions sur

l‘enseignement donné suite à divers facteurs, notamment l‘efficacité de l‘étudiant, le statut

social de l‘enseignant et sa propre performance, la tradition auquelle appartient

l‘enseignant, l‘expérience de ce dernier, etc. À plusieurs reprises au cours de nos dix années

286

de recherche sur le terrain, il nous a été donné d‘entendre des commentaires comme :

« Cette école est bonne. », « Une telle est un bon prof. », « Il faut éviter de suivre des cours

à telle place, puisqu‘ils ne suivent pas des standards éthiques appropriés. », « Les cours par

Internet ne sont pas aussi valides que ceux donnés en personne. », etc. Ces divers

commentaires et opinions exprimés nous indiquent qu‘il existe une forme de normes

attendues parmi les wiccains québécois en ce qui concerne la transmission de

connaissances, et qu‘il semble que l‘initiation jouit d‘un statut prestigieux à part.

6.2.1.2.6 L’accroissement, la publicité et le passage des générations

D‘autres éléments concourent à la régulation et à la stabilisation du culte et des pratiques.

L‘augmentation de la population wiccaine au Québec amène avec elle l‘implantation

physique de la communauté. D‘ailleurs, la présentation du film Goddess Remembered au

cours de 1990 par le Concordia Women » s Centre à l‘Université Concordia a été l‘un des

points de départ pour la tenue de rituels publics à Montréal. Depuis, les besoins de trouver

un lieu de rituel public accessible (non seulement à la portée de tous, mais également pour

les personnes à mobilité réduite), à un coût modique et répondant aux critères nécessaires

amènent des problèmes. Il a même été fait mention lors de discussions informelles avec des

membres de la communauté montréalaise, que pour la tenue de rituels publics extérieurs,

par exemple dans un parc, les organisateurs de l‘événement devaient se procurer un permis

de la ville leur donnant le droit de tenir une activité folklorique dans un lieu public. Il

s‘ensuit que l‘idée d‘avoir un lieu ou un bâtiment appartenant à la communauté et

accessible à la grande communauté païenne de Montréal a été mentionnée lors de diverses

discussions avec des individus, ainsi que lors des conférences de la communauté

montréalaise.

Bien que rien de tel n‘ait été établi à ce jour, il y a néanmoins quelques centres locaux qui

ont débuté ce type de processus, tel que le Avalon Center de la West Island Pagan

Association. Ces derniers ont loué une salle au deuxième étage d‘un bâtiment et, avec le

temps ont agrandi, comptant maintenant trois salles et occupent presque tout l‘étage. Cela

leur donne la possibilité de tenir des activités pour les groupes de jeunes païens, des cours

287

et des ateliers, de tenir des rituels, d‘offrir des services comme une librairie et des services

de guérisons, etc.

L‘exemple de ce centre démontre les transformations qui s‘opèrent dans la communauté.

Ce n‘est plus une question d‘accommoder l‘absence d‘un lieu propice pour la pratique

publique, mais plutôt le besoin de renseigner et d‘informer les générations futures, de

maintenir et de créer des liens de réseautages et une ouverture vers la vie publique de sa

religion. Les diverses composantes de la communauté, autrement disparates, indépendantes

et isolées, viennent se greffer et s‘associer avec un point, tel que ce centre, pour contribuer

à leur tour, de diverses manières et à divers degrés, à la vie communautaire et à sa

transformation, tout en restant indépendantes. Ce type de centre n‘est pas exclusivement

wiccain, mais plutôt païen. Néanmoins, l‘implication de divers wiccains dans les activités

de la grande communauté païenne amène des éléments qui peuvent influencer dans une

direction ou une autre les actions des individus concernés.

6.2.2 Forces institutionnalisantes à l’extérieur de la Wicca

Maintenant que les forces internes ont été abordées, il faut considérer les forces

institutionnalisantes externes de la Wicca. Celles-ci ont une influence sur la transformation

de la pratique dans l‘espace public ainsi que sur le fonctionnement des organismes qui se

créent dans le milieu païen. De plus, des pressions sociologiques se font sentir auprès des

membres de la communauté païenne, notamment auprès des jeunes qui fréquentent les

institutions scolaires publiques. Cela a mené à la rédaction de documents informatifs sur le

paganisme pouvant être distribués aux institutions d‘éducation, tel que le document créé en

1998 par Cecylyna Dewr aux États-Unis298

.

6.2.2.1 Isomorphisme coercitif

Pour suivre la logique de l‘autorité publique et du champ religieux, qu‘en est-il des

éléments externes qui renvoient au façonnement juridique, administratif et

gouvernemental? Qu‘il s‘agisse des lois et règlements qui touchent la création

298

Voir annexe J : You Have a Pagan Student in Your School. A Guide For Educators.

288

d‘organismes ou des normes établies régissant la tenue d‘une célébration, la pratique de

rites de passage, les pressions et les exigences de conformité s‘exercent sur les

regroupements païens et wiccains, les amenant à modifier leur vision du monde.

6.2.2.2 Définition institutionnelle de la religion par les autorités publiques

Tout ce qui a trait à la réglementation concernant l‘établissement des églises, la

reconnaissance comme organisme de bienfaisance et religieux, le droit de célébrer les

mariages est de l‘ordre de l‘isomorphisme normatif. Il influe sur certains aspects de la

pratique. Des critères issus de la jurisprudence, de la loi et des règles administratives

s‘appliquent à la reconnaissance d‘un groupe comme une entité religieuse ou un organisme

de bienfaisance afin qu‘il puisse bénéficier d‘un avantage fiscal, par exemple le fait que ce

type d‘organisme doit répondre au critère de bienfaisance ou de l‘avancement de la

religion. Ainsi, il a été possible de voir que certaines de ces normes et certains de ces

critères ont eu pour conséquence d‘amener des individus et des covens à modifier leur

conception de structures d‘organisation interne et leur terminologie pour intégrer des

termes tels que « clergé », « congrégation » et « église » afin d‘obtenir le statut voulu. Il y a

même eu la création de covens conçus spécifiquement dans le but de procurer des services

« pastoraux » à l‘ensemble de la communauté comme les covens de la tradition Black

Forest que nous aborderons un peu plus loin.

6.2.2.3 La loi et les droits

Dans le deuxième chapitre, nous avons discuté longuement des lois et des règlements

touchant de près ou de loin les wiccains et la structure de la communauté païenne. La

portée du cadre juridique ne s‘étend pas seulement à la création d‘un organisme.

L‘encadrement touche aussi l‘acquisition des droits pour célébrer les rites de passage

importants comme le handfasting et les décès, le choix de sépulture, le droit à un service

d‘aumônerie (dans les milieux hospitaliers, militaires ou carcéraux) et les droits entourant

la garde des enfants lors de divorces.

En ce qui a trait au mariage, le Québec a un pas d‘avance sur les autres provinces en

permettant aux individus de se procurer une licence temporaire pour être célébrant, ce qui a

289

pour effet de diminuer la pression exercée sur les individus ou les groupes relativement à

l‘institutionnalisation pour obtenir ce droit. Néanmoins, cela n‘empêche pas certains

individus de se procurer par Internet des licences pour cette occasion ou même de faire

partie d‘un organisme pancanadien de clergés multiconfessionnels. Là où la pression peut

s‘exercer et demande des ajustements, c‘est lorsqu‘un groupe veut obtenir ce type de

permis de façon permanente. Il doit alors se conformer aux règlements établis par l‘autorité

publique concernée.

6.2.2.4 Aumônerie

Parmi les droits de la personne incarcérée, les droits à l‘égard de l‘égalité et de la liberté de

conscience et de religion comportent une obligation d‘accommodement par les institutions

carcérales. Plusieurs détenus deviennent des païens et des wiccains une fois incarcérés. Par

conséquent, ils vont demander à ce que leurs droits de pratiques soient respectés. Dans le

cas des prisons fédérales en Ontario, les autorités publiques ont initialement fait appel en

1991 à un coven qui travaille dans l‘espace public provincial, la Wiccan Church of Canada

(Gagnon, 2008b, p.160). Ces membres offrent des services d‘aumônerie. À partir de ce

moment, il y a eu développement et évolution des services d‘aumônerie offerts au pays. Ce

travail est également effectué par la PFPC (Pagan Federation/Fédération païenne du

Canada) et la Pagan Pastoral Outreach. Dans un guide consacré à l‘accommodement

religieux dans les prisons, des entrées consacrées aux pratiques wiccaines et païennes sont

dorénavant intégrées à celles des autres religions. Bien que ce type de travail ne soit

accompli que par quelques organismes, plusieurs individus s‘y vouent.

Le cas de l‘aumônerie est parlant à plus d‘un titre. Il se situe comme au confluent de

l‘isomorphisme normatif, de l‘isomorphisme mimétique et du processus de normalisation

propre aux regroupements wiccains. Le travail d‘aumônerie aurait commencé en réponse à

un besoin exprimé par des membres de la communauté. Par la suite, tirant parti d‘exemples

externes et d‘expériences initiales tant bonnes que mauvaises, un ensemble de méthodes, de

règles et de codes de conduite a été établi. Enfin, une formation est offerte à l‘interne,

laquelle s‘inspire en partie de « pratiques exemplaires » mises en œuvre par des organismes

290

spécialisés dans le travail d‘aumônerie. L‘exigence qu‘ont certaines institutions comme les

centres de détentions de respecter les droits et les libertés des individus a amené les

communautés à se doter d‘un service qui n‘existait pas auparavant au sein de la pratique

wiccaine.

Aujourd‘hui, il y a des programmes de formations d‘aumônier pour les milieux carcéraux,

militaires et hospitaliers, suivant les modèles existant dans chacun de ces milieux. Cela

n‘est pas le propre du Canada. On retrouve ces services d‘aumônerie païens et wiccains aux

États-Unis, en Angleterre et en Australie.

6.2.2.5 Temple déjà établi usant des définitions institutionnelles de la religion par les

autorités publiques

L‘exemple de la CWABC (The Congregationalist Wiccan Association of BC), existant

depuis 2004299

, fournit des éléments pertinents d‘isomorphisme mimétique. Ces temples se

sont conformés aux règles et aux définitions des autorités publiques de la Colombie-

Britannique. Ils sont devenus des entités incorporées aux fins de l‘officialisation légale des

mariages et autres sacrements. À ses débuts, la CWABC a eu des difficultés à mettre sur

pied et à maintenir les temples qui lui étaient associés. Certains d‘entre eux ont ouvert et

d‘autres se sont dissous. La rétention des membres était parfois difficile, mais il semble que

le temple a su passer à travers ces difficultés. Aujourd‘hui, la CWABC compte trois

temples, tous autonomes, mais liés par le respect du code d‘éthique et de la charte établis

par la société300

. La CWABC a également établi des règles par lesquelles les filiales de sa

société ne sont pas complètement autonomes, comme l‘émission de reçus de dons, les

échanges avec les autorités publiques, les questions touchant l‘ensemble des temples,

l‘ordination des membres du clergé, le travail d‘aumônerie et la possession de propriétés

299

D‘ailleurs, il y a eu plusieurs tentatives auparavant, dont la création d‘une église nationale en 1991, the

Congregationalist Witchcraft Association of Canada (CWA-C), avec des membres en Ontario, en

Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique. Voir http://www.thewicca.ca/articles/sam-wagar/cwa-bc.php. 300

Ces documents reflètent les formats que l‘on retrouve dans les règlements d‘incorporation provinciale (tel

que le droit de vote, les frais de membres, la structure minimale de gestion, les droits de propriétés, les

vérifications financières, etc.), mais intègrent également des éléments de fabrication « maison » propre à la

Wicca et au paganisme comme les termes utilisés, l‘expérience minimale requise pour être clergé, les règles

liées aux comportements, les questions relative à l‘initiation, les types de formations, les règles d‘exclusions,

etc.

291

immobilières301

. Les temples sont chapeautés par un conseil provincial et un conseil

général, tous deux ayant leur propre fonctionnement au sein de l‘organisme. Les officiers

du conseil provincial se basent essentiellement sur un modèle d‘association qui est

composé d‘un président, d‘un vice-président, d‘un secrétaire et d‘autres postes. Dans leur

cas précis, le conseil est constitué de six membres : le président, le vice-président

(coordinateur de festivals et, lorsque nécessaire, officier pour les questions d‘éthiques), le

Pursewarder (le trésorier), le Summoner (la personne qui s‘occupe du clergé et des

inscriptions des membres), le Public Information (la personne qui est en fait un poste

concernant la relation publique de la société) et le scribe (le secrétaire).

La présence de la CWABC aux conférences païennes et à d‘autres événements

pancanadiens lui a donné l‘opportunité de partager son expérience d‘institutionnalisation

avec les autres païens présents. Le fait qu‘elle a à la disposition des membres de la

communauté païenne canadienne les informations nécessaires pour la création d‘un

organisme similaire, a permis à d‘autres de les émuler ou même de suivre ses pas. Pour

l‘instant, il ne semble pas y avoir de groupes au Québec qui se sont inspirés de ce modèle.

Toutefois, même s‘il y avait peu de gens du Québec lors des conférences où cette

information était diffusée. Un temple s‘est formé en Alberta (CWAA). Il est fort possible,

qu‘à l‘avenir, la popularité grandissante de la conférence se traduise par une participation

québécoise plus marquée.

Un exemple d‘institutionnalisation non-aboutie au plus haut niveau est celui de l‘Église

Wiccane du Québec. Cette dernière se voulait une église pour les pratiquants francophones.

L‘un des premiers gros obstacles repérés fut l‘utilisation du terme « église », comme

mentionné au deuxième chapitre. À la résistance interne au projet soulevée par le nom s‘est

ajouté l‘irritant des « frais d‘inscription » pour les membres, frais destinés à couvrir les

coûts d‘incorporation. Lier la pratique à l‘argent a souvent eu un écho défavorable auprès

des pratiquants. Il faut ajouter à cela l‘inexpérience de certains membres fondateurs ainsi

qu‘un autre problème interne, soit la rétention des membres dans l‘église. Dans ce cas

particulier, le manque d‘expérience de la pratique aurait été un élément décisif auprès des

301

Voir la Charte de la CWABC : http://www.cwabc.org/?cat=23.

292

pratiquants francophones302

. Les quelques rituels publics en français tenus par l‘église, ainsi

que le site Internet, peu développé, n‘ont pas su attirer les membres escomptés. Bien que la

Wicca ne se concentre pas autour de personnages charismatiques, il semble que la création

d‘organismes conformes aux normes gouvernementales nécessite une certaine dose de

charisme de la part des initiateurs, du moins la notoriété publique et la reconnaissance de

leur art auprès des membres, afin d‘en assurer le succès.

6.2.2.6 Isomorphisme mimétique

Les traces les plus appuyées d‘isomorphisme mimétique sont redevables de la personnalité

juridique dont voudront se doter divers courants ou regroupements wiccains. De fait, les

groupes wiccains désireux d‘obtenir un certain niveau de reconnaissance légale doivent

majoritairement se conformer aux normes d‘organisation prévues par les autorités

publiques dans les secteurs associatifs et corporatifs. Ce faisant, soit ils chercheront à se

structurer à l‘image d‘autres groupes religieux connus d‘eux dans le champ. Ces groupes

sont majoritairement des groupes protestants dont on estime qu‘ils ont obtenu leurs statuts

avec succès; soit ils se verront incités, voire contraints, d‘emprunter les structures d‘autres

groupes religieux. Ainsi, en est-il de l‘utilisation du terme « Congregationalist », par les

fondateurs de la CWABC. Au Québec, la tentative d‘instituer une certaine fédération

religieuse n‘a pas abouti pour des raisons internes au mouvement, et non faute de modèles

religieux d‘emprunt. Les centres de ressources existent principalement sur des modèles

d‘organismes à buts non lucratifs. De fait, parmi les organismes païens et wiccains déjà

enregistrés ou incorporés, on retrouve majoritairement des centres de ressources, des

maisons d‘édition et des boutiques. Quelques individus offrent des services particuliers

(services d‘infographie, services de pratiques Shiatsu ou de Reiki, fabriquants de bijoux ou

de produits naturel, etc.) sur un plan d‘affaires en tant qu‘entreprises à but lucratif. Là où

des services généraux à la collectivité sont offerts comme officier à un rituel public,

prononcer une conférence communautaire, organiser et présider certaines activités de

rassemblement (brunchs, clubs de livres, projections de films païens, cercles pour hommes,

foires, etc.), ils le sont à titre bénévole par des individus appartenant — ou non — à des

302

Suite à des rituels publics, plusieurs commentaires ont été émis à ce propos par d‘autres pratiquants

présent. Ce qui a eu pour effet une réduction de nombre de participant.

293

covens, sans nécessairement faire partie d‘un organisme communautaire quelconque. Ces

types d‘activités empruntent aux organismes communautaires à l‘extérieur du paganisme

dans lesquels certaines personnes ont déjà œuvré par le passé et ont décidé de reproduire

dans le contexte de leurs communautés païennes.

6.3 Exemples de succès et d’échecs d’institutionnalisation

Afin de se forger un jugement global sur le processus d‘institutionnalisation, on se doit sans

doute de considérer l‘ensemble des observations disponibles. En effet, un éventuel constat

global dressé dans le sens de la normalisation et de la stabilisation des pratiques peut

donner une image univoque et simplifiée du parcours effectué dans la mouvance wiccaine.

C‘est la raison pour laquelle nous avons opté pour la mise en parallèle de tracés

d‘institutionnalisation tentée, aboutie ou interrompue pour chacune des formes privilégiées

de regroupements païens identifiés. On traitera tour à tour des covens, des regroupements et

des associations d‘individus dans l‘espace communautaire public ainsi que des conférences

païennes et des bulletins.

6.3.1 Covens

6.3.1.1 Cas d’institutionnalisation sociale aboutie

Au Québec, il existe plusieurs covens303

. Quelques covens ont des activités spécifiquement

publiques, alors que d‘autres restent principalement sur le plan privé en ce qui concerne

leurs activités. Parmi les covens ayant des activités publiques, le Northern Cougars, créé en

2003 comme branche de la tradition Black Forest fondée par Silver Ravenwolf aux États-

Unis en 1990304

, se démarque. Le coven de Montréal a obtenu sa charte en 2005 au sein de

la tradition305

. L‘organisation de la tradition est complexe, comptant plus d‘une vingtaine

de covens en Amérique du Nord ayant divers niveaux de gestion organisationnelle, allant

303

À noter qu‘il est difficile d‘avoir un nombre exact de coven, puisqu‘il ne s‘affiche pas nécessairement

publiquement. 304

Ce coven s‘identifie comme étant de la Wicca euro-celtique, de la sorcellerie shamanique et du mysticisme

est-asiatique. Ce coven se réclame d‘ailleurs d‘une lignée de covens gardnériens. 305

On parle ici d‘une charte interne à la tradition et non avec le gouvernement. Voir annexe K : Dépliant du

coven Northern Cougars et site Internet à l‘adresse : http://www.mtl-magicalcircle.ca/BFC/aboutus.htm ainsi

que le site du Black Forest Clan à l‘adresse : http://whitestagseminary.homestead.com/bfcfaq.html.

294

d‘une représentation locale, nationale et internationale. Diverses instances ont été créées

afin de régler des problèmes possibles à l‘interne ainsi que pour en faciliter la gestion en

vue de la croissance de la tradition.

Le coven montréalais, toujours actif, concentre ses activités sur la prestation de services

comme la formation professionnelle d‘un clergé destiné à œuvrer auprès de la communauté

païenne et wiccaine du Québec. Par conséquent, le coven n‘accepte à l‘entrée que des

membres réputés expérimentés dans la pratique de la tradition dont ils se réclament. En ce

sens, il est un agent de normalisation. Une formation de quatre ans au sein du coven est

exigée ainsi que des frais pour couvrir les coûts reliés à la formation et à la production de

documents nécessaires. Le coven fonctionne selon le modèle du coven-mère, tel

qu‘expliqué à l‘introduction, et comporte un système de fonctionnement à trois degré. Cette

structure et ces normes en place contribuent à la stabilisation d‘un corps clérical au sein

d‘une tradition.

Comme on peut voir, le coven s‘est inscrit dans une tradition déjà existante qui a fait ses

preuves avec le temps. Cette façon facilite son fonctionnement et son intégration aux

exigences des autorités publiques. Bien que, dans la communauté, l‘idée de former un

clergé spécialement pour les sacrements est vue par certains comme étant superflue. En

effet, ils y voient un dédoublement. Pour eux, tous les wiccains sont prêtresses ou prêtres

et, par conséquent, peuvent procéder à ce type d‘activités. Malgré cette opinion, le coven

semble fonctionner et maintenir ses activités, créant ainsi une base potentielle de clercs

pour l‘ensemble de la population païenne de la province.

6.3.1.2 Cas d’institutionnalisation sociale refrénée

De temps à autres, les covens (anglophones et francophones), participent à la vie publique

en organisant des rituels ou d‘autres activités. À travers les décennies, ils ne se sont ainsi

manifestés en public que de façon cyclique306

. Ils tiennent, pour la majorité, leurs activités

en privé, et entre eux. Ce simple fait témoigne d‘un souci de refréner l‘institution sociale de

la Wicca, ou du moins, de lui préférer le vécu communautaire et réservé d‘une tradition

306

À Montréal, ce cycle semble être aux quatre ans.

295

wiccaine particulière. Par ailleurs, au plan interne, l‘incidence recherchée en termes de

normalisation ou de stabilisation des pratiques semble tendre vers la vie en coven307

et la

transmission des connaissances à l‘intérieur de ceux-ci. Les membres de ces covens

peuvent être personnellement impliqués dans divers aspects de la vie communautaire

wiccaine, mais peu ont, pour l‘instant, fait connaître leurs services, de l‘ordre de la

formation et de l‘information, si ce n‘est que par la création d‘une outer court, une sorte de

noviciat.

6.3.2 Regroupements et associations d’individus

À part les covens, il existe des regroupements d‘individus appartenant ou non à des covens,

et des pratiquants solitaires qui prennent les rênes et tentent de créer des organismes dans

l‘espace public au sein des divers communautés païennes. Il existe même des

regroupements de professionnels païens, par exemple, les Officers of Avalon, et des groupes

d‘avocats.

6.3.2.1 Cas d’institutionnalisation aboutie

Plusieurs exemples peuvent être inclus dans cette section, notamment les centres de

ressources païennes déjà mentionnés, tel que le Avalon Center (fondé en 2008) et le CRPM

(fondé en 2000). Dans les deux cas, ces organismes ont été mis sur pied par un ensemble

d‘individus appartenant à diverses traditions wiccaines et païennes comptant plusieurs

d‘années d‘expériences dans leurs pratiques. Tous deux répondent à des besoins

d‘information, de réseautage et de services dans la communauté et fonctionnent maintenant

depuis plusieurs années.

Le CRPM fonctionne sur une base de bénévolat et de dons en nature. Malgré des difficultés

de constance de disponibilité de bénévoles, le centre réussit à maintenir ses activités. Il

organise et soutient divers événements qui ont lieu dans la région, qu‘ils soient en anglais

ou en français.

307

À noter que le coven est vue comme étant une famille. Par conséquent, bien que les divers individus ne

vivent pas physiquement ensemble, ils passent beaucoup de temps ensemble, que cela soit pour de la

formation, du travail magique ou pour la préparation de rituels.

296

Le Avalon Center fonctionne également sur la base de contributions volontaires. De la

sorte, il peut offrir des cours par des instructeurs, et certains services exigent des frais. Le

centre est également devenu un lieu où les jeunes païens peuvent se rencontrer et échanger

sur les sujets qui les concernent et les intéressent.

Ces deux centres agissent sur la normalisation et la stabilisation des pratiques en

fournissant, pour commencer, un lieu central, sécuritaire et ouvert à tous, ainsi qu‘en

offrant des services répondant aux besoins de l‘ensemble du groupe, que cela concerne

l‘information et l‘accès à la littérature sur des sujets touchant la Wicca et le paganisme. Ils

sont, comme nous l‘avons mentionné à quelques reprises, des lieux d‘échange, de partage

et de réseautage entre les divers membres, ainsi que des lieux offrant des cours ou encore

des liens vers de la formation amenant la professionnalisation de la pratique.

À noter que l‘on peut inclure dans cette catégorie les associations païennes étudiantes des

universités et collèges comme la CUPS (Concordia Student Pagan Society) qui fonctionne

depuis 1996. Cette association d‘étudiants rassemble des membres appartenant à diverses

traditions païennes qui sont soit pratiquants solitaires ou issus de covens. Cette association

étudiante offre des ateliers, tient des rituels et encourage la discussion sur divers aspects des

pratiques païennes. Elle a également une présence sur le net afin de maintenir le contact

avec ses membres et les tenir informés des activités à venir. Cette association est toujours

active au sein de l‘Université Concordia.

6.3.2.2 Cas d’institutionnalisation sociale non aboutie

L‘un des exemples démontrant une tentative de création d‘un organisme débuté autour de

2004 est celui de l‘Église wiccane du Québec. À quelques reprises, nous avons exposé les

éléments qui ont contribué aux difficultés rencontrées par les initiateurs du projet. Nous

avons identifié, parmi ceux-ci, l‘utilisation volontaire et autorevendiquée du terme

« église » par les initiateurs. Pour plusieurs pratiquants francophones, la mouvance

wiccaine ne saurait se retrouver sous le terme « église », même définie dans les visées

d‘incorporation comme un « regroupement de personnes animées d‘une même foi »308

.

308

Voir leur site internet à l‘adresse : http://eglisewiccannequebec.tripod.com/.

297

L‘association automatique faite par plusieurs avec l‘institution de la religion catholique a

fait le reste. Les promoteurs de l‘Église wiccaine ont dû à plusieurs reprises défendre leur

choix terminologique309

. Il faut ici noter, qu‘à l‘encontre des deux autres centres ci-haut

mentionnés, l‘Église wiccane du Québec tentait de se constituer à titre d‘association sans

but lucratif. À ce titre, les buts envisagés étaient la formation d‘un milieu de recherches et

de discussions sur la Wicca en français ainsi que la tenue de rituels publics en français dans

la région de Montréal. En raison des exigences gouvernementales relatives aux

associations, des frais pour maintenir le statut étaient exigés aux futurs membres.

Contrairement aux deux centres qui offrent une diversité de services à l‘ensemble de la

communauté, les services proposés par l‘église ressemblaient plus à une association

étudiante pour païens qu‘à des activités et fonctions associées à une « église » tel que la

célébration de sacrement offert par un clergé.

Du point de vue des associations étudiantes, la McGill Pagan Association (MPA) de

l‘Université McGill a connu plusieurs tentatives de mise en marche. Elle avait une présence

au sein de l‘université en 1993, a vu sa première tentative à ce statut s‘effondrer lorsque des

problèmes de gestion interne parmi les membres de l‘exécutif ont conduit à sa fin en 1998.

Quelques années plus tard, en 2003, l‘association renaît de ses cendres et le statut

d‘association étudiante lui est octroyé. Elle a été en fonction jusqu‘en 2007-2008.

6.3.3 Conférences païennes, forums et socialisation

6.3.3.1 Cas d’institutionnalisation aboutie

Au cours de nos recherches sur le terrain, nous avons observé l‘apparition de plusieurs

activités de stabilisation et de normalisation institutionnalisantes au sein des communautés

provinciales. Parmi les cas qui ont abouti, on compte la création de conférences païennes

dans la région de Montréal en 2002. Se basant sur des modèles crées par leur contrepartie

en Ontario, ces conférences ont permis le rassemblement et la socialisation des païens de la

région. Ces conférences s‘adressaient tant aux anglophones qu‘aux francophones, et à

309

À plusieurs reprises lors de différents rituels publics, le président de l‘ÉWQ a mentionné cette

problématique lors de nos échanges.

298

toutes les variétés de pratiques païennes. Bien qu‘elle ne soit pas tenue de façon régulière,

la conférence semble survivre et proposer un lieu pour les échanges de pratiques

exemplaires et de discussions concernant les problématiques rencontrés dans sa

communauté. Plusieurs organisateurs de ces conférences, sont également impliqués dans

d‘autres activités de la communauté comme le bulletin WynterGreene, les centres

communautaires, les boutiques et certains covens. Bien que la forme et la gestion de cette

conférence ne semblent pas tout à fait définies, elle se poursuit néanmoins, entre autres, par

l‘entremise de groupes de discussion et de blogues.

6.3.3.2 Cas d’institutionnalisation non-aboutie

On introduira ici le cas des réseaux de discussions et d‘animations communautaires. Il est à

souligner que les principales difficultés dans la communauté sont l‘absence de réseaux

d‘animations communautaires et d‘individus s‘impliquant dans la communauté, et la

surcharge de ceux impliqués, causant des épuisements. Malgré les bonnes intentions et la

volonté d‘offrir des services à la communauté, la charge revient souvent « sur le dos » de

quelques individus. Entre le travail, la famille, les études, le travail de coven (si la personne

fait partie d‘un coven), la mise sur pied des services comme les bulletins, des activités

spécifiques, les rituels publics et le maintien des réseaux de communication (virtuels ou

non), la charge et la pression exercée sur ces individus augmentent. À la longue, ceux-ci se

retrouvent souvent vidés d‘énergie et ne peuvent plus assurer la continuité de ces activités.

En conséquence, les rituels ne se font plus au niveau local et communautaire, les sites et les

groupes de discussion sur Internet cessent leurs activités et des projets sont abandonnés.

Cette situation était principalement visible au début de nos recherches sur le terrain. Entre

2001 et 2007, il y a eu plusieurs incarnations, surtout à Montréal, parfois co-existantes.

Auparavant, par exemple dans les années 1990, la communication se faisait principalement

soit par liste téléphonique, soit par l‘entremise de bulletins locaux. Au début de l‘an 2000,

la nouveauté de l‘accessibilité et de l‘utilisation d‘Internet par un plus grand nombre de

pratiquants a permis la transition des listes téléphoniques vers des envois groupés par

courriel d‘invitation et d‘annonce d‘activités. De plus en plus, certains groupes, covens et

individus locaux, ont créé des sites web. Ces sites demandaient un investissement d‘énergie

299

majeur pour ceux qui n‘étaient pas non-familiers avec la technologie. Une grande rotation

de ces réseaux s‘est faite jusqu‘en 2005 dans la communauté montréalaise. Bref, les

individus très impliqués dans l‘élaboration de ces activités publiques se sont retrouvés

surchargés, manquant de temps, d‘aide et de bénévoles; ils ont alors décidé de cesser leurs

activités un certain temps. L‘exemple du bulletin local WynterGreen témoigne de cet

aspect. Comme l‘oiseau mythique « phœnix », le bulletin s‘est transformé, a cessé ses

activités, a repris, pendant quelques temps, a cessé de nouveau ses activités, et ainsi de

suite. Il est donc à la fois abouti et non abouti.

6.3.3.3 Cas d’institutionnalisation littéraire aboutie

Mis à part les livres et les textes canons, nous avons vu que les bulletins sont un élément

important de diffusion d‘éléments institutionnalisants comme le WynterGreen, créé en

2003. Ce bulletin bilingue de Montréal aborde divers thèmes comme : les pratiques

rituelles, la question d‘autorité, la formation, l‘éthique païenne, l‘organisation, les normes

gouvernementales et l‘institution. Ce bulletin, qui a été largement diffusé d‘abord dans la

communauté païenne de Montréal à l‘échelle du pays, donnait une voix aux pratiquants

locaux sur les sujets qui les préoccupaient. Il devenait également une ressource pour la

communauté, notamment pour s‘informer sur l‘existence de divers groupes et covens de la

région, la tenue de festivals et d‘activités publics à venir, l‘offre de services divers, etc.

Pendant un peu plus de six ans, le temps de son existence, ce bulletin était le médium idéal

pour se tenir au courant de ce qui se passait dans la communauté montréalaise.

6.3.3.4 Cas d’institutionnalisation littéraire non aboutie

D‘un autre côté, dans le milieu païen, les bulletins ont souvent une courte durée de vie. Ils

sont souvent faits par des bénévoles et offerts soit gratuitement, soit à un prix qui couvrait à

peine leur fabrication. Plusieurs tentatives ont été faites à Montréal comme le Name of

Grove Here, Montreal Grove, Dragon’s Breath, Le chêne, La voix païenne, The Montral

300

Pagan Community Newsletter, 8 Sabbats, Montreal Pagan Newsletter, et the Old Guard310

.

La durée de vie de ces bulletins dépend largement et principalement du temps et de

l‘énergie des bénévoles impliqués, ainsi que du temps du rédacteur en chef. Souvent,

comme nous l‘avons déjà mentionné, ce sont les mêmes individus qui sont impliqués dans

divers aspects de la vie communautaire, sans compter le fait que ces mêmes personnes sont

également très occupées dans leur vie professionnelle et personnelle. Les épuisements font

partie de l‘équation. Puisqu‘il n‘y a pas de fonds à proprement dit pour payer des employés

consacrés à cette tâche, la stabilité des bulletins est remise en questions à chaque parution.

Néanmoins, dans la plupart des cas, une fois que le bulletin cesse d‘être publié, d‘autres

individus se mettent ensemble et reprennent les rênes du bulletin ou décident d‘en créer un

nouveau.

6.3.4. Communautés

L‘existence de communautés païennes à travers la province est constamment mise à

l‘épreuve. Le simple fait qu‘un groupe d‘individus se retrouve dans un même lieu

géographique ou virtuel n‘est pas suffisant pour qu‘ils se considèrent membres d‘une

communauté. C‘est l‘interaction des individus, leurs volontés et l‘effort investi pour former

un espace qui leur est propre et qui répond à leur besoins qui aident à la création de celle-ci.

Le fait que ces communautés ne sont pas exclusivement wiccaines s‘explique du fait qu‘ils

ne sont pas assez nombreux et que le coven est une petite communauté en soi.

6.3.4.1 Cas d’institutionnalisation aboutie

Au Québec, le cas de Montréal, comme on l‘a vu à plusieurs reprises, est celui d‘une

communauté qui a réussi. La pratique wiccaine existe depuis au moins les années 1960

parmi les pratiquants anglophones. Les covens et les pratiquants solitaires ont coexisté,

connaissant l‘existence des uns et des autres, mais sans plus. Vers la fin des années 1980 et

le début des années 1990, des activités publiques organisées par quelques individus, qu‘ils

310

Ce bulletin était également bilingue (La vieille garde) il a été publie pour la première fois en 1993. En

1995, le bulletin a changé de nom pour Ye Eald Weard pour devenir, en 1999, le Pentangle. Il a cessé ses

activités en 2002.

301

soient de covens ou des pratiquants solitaires, voient le jour. Peu à peu, les individus et les

covens travaillent ensemble pour créer un espace public. Les pratiquants francophones et

bilingues commencent également à s‘impliquer sur la place publique. L‘avènement

d‘Internet accentue les communications ainsi que la popularité de la pratique. Un bassin de

pratiquants de plus en plus nombreux voit le jour. Malgré les difficultés existant au début

de la formation de la communauté, un noyau est formé et persiste à mener à bien le projet.

Des échecs et des réussites marquent l‘évolution et, finalement, une communauté émerge et

semble prendre son propre rythme et se doter d‘outils afin de solidifier son existence. La

création de conférences païennes communautaires vient cimenter le tout.

6.3.4.2 Cas d’institutionnalisation tentée

Dans certaines régions du Québec, l‘idée de créer une communauté est très difficile, voire

impossible. Souvent, il n‘y a pas assez de païens, et parfois, s‘il n‘y a pas d‘infrastructures

en place (local, transport adéquat, etc.) ou encore que les quelques membres présents ne

s‘entendent pas, l‘entreprise est vouée à l‘échec. Tel est le cas pour la communauté de la

ville de Québec. À plusieurs reprises, les individus vivant dans la région de Québec ont

tenté de créer une communauté active par la célébration de rituels publics. La présence à

ces activités était faible, et les gens faisant partie de covens ou de groupes privés n‘étaient

pas intéressés ou peu enclins à y participer. Bien qu‘il existe une tradition de sorcellerie

dans la région, la Wicca en soi est une pratique récente et encore peu développée. Le bassin

de pratiquants est, par conséquent, moins important qu‘à Montréal. Les quelques covens

existant semblent vouloir rester dans le domaine privé, malgré le fait, qu‘en 2002, une

grande-prêtresse a lancé l‘idée de la tenue de rituels publics dans un groupe de discussions.

Le mécanisme s‘est mis en marche et des pratiquants se sont présentés, mais pas la grande-

prêtresse. Le rituel a néanmoins eu lieu, mais après quelques reprises du même scénario, les

individus ont coupé les liens avec le groupe de discussions qu‘elle animait et en ont créé un

autre dans le but de rassembler les gens à des activités publiques. Bien qu‘il y ait eu peu de

gens, les rituels ont eu lieu pendant un certain temps. Les déménagements de plusieurs

pratiquants actifs ont amené la fin de ces activités. Il y a néanmoins une volonté exprimée

302

par des pratiquants de retour dans la région de relancer le projet de création d‘une

communauté locale.

6.4 Modèle d’institutionnalisation multiévolutive asynchronique

Avec ces exemples en tête, il est bon de revoir l‘approche de James T. Richardson. Elle

intègre les facteurs internes et externes de transformation des mouvements culturels de type

religieux jusqu‘à considérer un scénario de transformation brusque et inattendue appelée

« déformation ». Selon Richardson, la déformation éventuelle de certains mouvements

religieux est due à la confluence d‘énormes pressions internes (augmentation des membres,

naissances dans le groupe, structure, idéologie, etc.) et externes (économiques,

gouvernements, réglementations, opinion publique, médias, etc.) au groupe. Pour qu‘une

déformation se produise, plusieurs pressions doivent se combiner pour produire des

évolutions ou changements dont les résultats sont parfois inattendus pour le groupe (Côté et

Richardson, 2001, p. 12).

Il faut prendre en compte le fait que la Wicca n‘est pas un groupe unifié ou local. Elle

s‘étend dans plusieurs pays et compte déjà plus de 150 traditions différentes, sans compter

les pratiquants solitaires. Il faut donc considérer que le point de départ est variable, que

l‘institutionnalisation ne se fera pas partout en même temps de la même façon, et que le

résultat ne sera pas le même pour tous les membres wiccains, d‘où son aspect

asynchronique. Il ne faut pas présumer non plus que l‘institutionnalisation se fait de

manière unilatérale ou uniforme. Par conséquent, plusieurs niveaux d‘évolution peuvent

avoir lieu, et un même organisme peut se voir réinstitutionnalisé si ses objectifs et ses

besoins changent avec le temps. Il peut donc exister une institutionnalisation du second

degré et ainsi de suite, d‘où son aspect multiévolutif.

Avec ces éléments en main, il est possible de tenter l‘élaboration d‘un modèle

d‘institutionnalisation multiévolutive asynchronique. En voici le schéma :

303

Processus abouti? Non

Interruption du processus

d’institutionnalisation et retour au

contexte original

P.e.

Mécanismes de

transformation

utilisés :

In, Ic, Im

Ressources externes

disponibles

Les besoins ressentis

Tous les éléments

nécessaires?Non

Oui

Nouvelles formes institutionnalisées et

contexte modifiés( A)

O

I

C

I’

C’

Premier processus

d’institutionnalisation?

Oui

Oui

Non

Nouvelles formes institutionnalisées et

contexte modifiés( A’)

O

I

C

I’

O’

C’

T.i.

Contexte culturel et social original

P.i.

I

C

I

C

Soupe primitive

Ressources internes

disponibles

Légende

Formes non institutionnalisées

Formes en processus d’institutionnalisation

Processus interrompu ou non abouti

Processus abouti

Figure 10 : Schéma de l‘institutionnalisation multiévolutive asynchronique

304

Voici de nouveau le schéma avec les exemples d‘institutionnalisation aboutie, interrompue

ou non aboutie :

Processus abouti? Non

ÉWQ

Dragon’s Breath et autres bulletins

Groupe de discussions

Communauté de Québec

McGill Pagan Association

P.e.

Mécanismes de

transformation

utilisés :

In, Ic, Im

Normes, lois, et

règlements des autorités

publiques

Modèles d’autres

mouvements religieux,

etc.

Rituels publics

Éducation des enfants

Formation

Information, etc.

Tous les éléments

nécessaires?Non

Oui

Nouvelles formes institutionnalisées et contexte

modifiés( A)

Gaïa

Gathering,

CWABC,

MPRC,

La vieille

Garde

I

C

Clergé

Crescent New Moon School of Magic

Coven Northern cougar

Communauté de Montréal

CUPS

Premier processus

d’institutionnalisation?

Oui

Oui

Non

Nouvelles formes institutionnalisées et

contexte modifiés( A’)

Ye Eald

Weard

I

C

WynterGreene

Clergé

Solitaire avec

formation

Avalon Center

T.i.

Contexte culturel et social original

P.i.

I

C

I

C

Soupe primitive

Chants et danses

Livres

Écoles et cours

Coven, etc

Légende

Formes non institutionnalisées

Formes en processus d’institutionnalisation

Processus interrompu ou non abouti

Processus abouti

Figure 11 : Schéma de l‘institutionnalisation multiévolutive asynchronique avec exemple

305

1- Le contexte culturel et social d‘origine est composé d‘acteurs sociaux, dans ce cas-ci

des individus (I) et des covens (C) (comme étant une forme d‘organisation minimale).

2- Dans ce contexte, des pressions internes (P. i.) et externes (P. e.), identifiées au cours de

ce chapitre, s‘exercent et se font sentir. Des besoins, auparavant inexistants, voient le

jour et forcent les acteurs sociaux à réfléchir aux solutions et aux options possibles pour

répondre à ces besoins. Ces besoins sont indépendants et peuvent apparaître à divers

moments dans le développement de la communauté. Ces mêmes besoins ne touchent

pas tous les acteurs sociaux à la fois. Certains besoins peuvent se faire auprès de

quelques individus, alors que pour d‘autres, ces besoins sont inexistants. Par exemple,

cela peut être dû, entre autres, au décalage qui existe entre l‘introduction de la pratique

pour les anglophones et les francophones.

3- Puisant dans les ressources disponibles au sein de la communauté païenne, à l‘extérieur

de celle-ci ainsi qu‘auprès des autorités publiques, on s‘aperçoit que les acteurs sociaux

font l‘utilisation de mécanismes de transformations, c‘est-à-dire l‘isomorphisme

normatif (In), l‘isomorphisme coercitif (Ic) et l‘isomorphisme mimétique (Im).

4- En l‘absence de tous les éléments nécessaires pour tendre vers une transformation

réussie, ou encore si le mauvais mécanisme de transformation a été sélectionné, il est

possible que le processus soit interrompu et que les acteurs sociaux impliqués

retournent au contexte original apportant avec eux leur expérience.

5- Les pressions et les mécanismes en place, les acteurs sociaux concernés

s‘institutionnalisent et de nouvelles formes institutionnalisées voient le jour, que cela

soit un rassemblement d‘individus et de covens (O), ou une transformation de la nature

du coven (C‘) ou encore la création d‘un individu institutionnalisé (I‘). De plus, comme

on l‘a mentionné, ces nouvelles formes coexistent avec les individus et les covens non

institutionnalisés. Elles ne les remplacent pas. Ce côtoiement entre les nouvelles formes

institutionnalisées et les acteurs sociaux original modifie également ces derniers,

puisqu‘ils les familiarisent avec la présence de formes institutionnalisées et de leurs

mécanismes. Certains individus et covens s‘institutionnalisent sans nécessairement

306

appartenir à une institution proprement dites. Par exemple, l‘individu qui va chercher de

la formation afin de devenir un célébrant pour les sacrements, mais qui ne fait pas partie

d‘un coven entre dans une logique de transformation par lequel il va utiliser des

mécanismes de transformation. Que ces mécanismes utilisés soient de nature normative,

coercitive ou mimétique, l‘individu se retrouve transformé en comparaison avec son

état original. Il est maintenant ancré dans une logique institutionnalisée, mais ne fait pas

partie d‘une institution. Par conséquent, il est devenu un individu socialisé (I‘).

6- Les nouvelles formes institutionnalisées vont à leur tour exercer une forme de pression

interne (P. i.‘) sur le contexte socio-culturel modifié (A‘) qui comprend toujours les

formes originales, mais inclus maintenant les diverses formes institutionnalisées.

7- Ce nouveau cycle va créer à son tour de nouvelles formes institutionnalisées,

comprenant cette fois–ci la possibilité de transformer les formes institutionnalisées

provenant de la première transformation (O‘), créant ainsi un nouveau contexte (A‘) et

ainsi de suite.

Avec ce schéma, on peut voir la complexité des interactions auxquelles doivent faire face

les institutions wiccaines. Ce n‘est pas un ensemble d‘individus se dirigeant vers une seule

et même forme d‘institution, mais plutôt une variété d‘acteurs sociaux indépendants,

s‘institutionnalisant à divers rythmes et à divers degrés.

Conclusion May the Circle be open but unbroken,

May the peace of the Goddess,

Be ever in your hearts,

Merry Meet and merry part,

And merry meet again.

Closing Chant, par Inkubus Sukkubus

L‘opportunité d‘être témoin d‘un processus d‘institutionnalisation religieuse est unique, qui

plus est en contexte de sécularisation. Comment s‘opèrent les changements? Quelles sont

les pressions internes et externes qui amènent la transformation d‘une mouvance vers une

forme plus institutionnalisée? Est-ce que le processus d‘institutionnalisation affecte un

ensemble de groupes et de personnes de façon simultanée ou par vagues? La forme

émergente se fixe-t-elle ou est-elle en constante évolution? Quels rôles la langue et le genre

prennent-ils dans l‘affirmation identitaire du pratiquant? Ce ne sont là que quelques

questions auxquelles nous avons tenté de répondre à travers cette recherche.

Le fait que la Wicca n‘ait pas de structure telle que nous les connaissons dans les groupes

judéo-chrétiens nous donne l‘opportunité de questionner les théories d‘institutionnalisation

et d‘en remanier les schémas afin de mieux rendre compte des cheminements de

l‘innovation religieuse au sein d‘une réalité sociale sécularisée.

Pour ce faire, nous avons tout d‘abord exploré les différents courants de changements

culturels religieux en abordant les concepts de paganismes, de religion de la nature et

d‘institution. Par l‘entremise des théories du néo-institutionnalisme, d‘isomorphismes et du

schéma évolutif de Richardson, nous avons pu élaborer un canevas de base, plus global que

le schéma de Richardson en même temps que plus ouvert à diverses possibilités d‘évolution

ou de transformation.

C‘est une fois que nous avons constaté les effets de l‘institutionnalisation et le

positionnement des Wiccains à cet égard que l‘on peut porter un jugement sur la question

de l‘intégration socio-politique. Nous avons abordé divers jalons de l‘implantation de la

308

Wicca québécoise, par l‘entremise d‘une analyse des vecteurs d‘isomorphisme via les

normes, les lois et les droits ainsi qu‘à travers la jurisprudence canadienne et québécoise.

Les groupes religieux et spirituels, qu‘ils soient majoritaires ou minoritaires, doivent faire

face à divers niveaux de réglementation émis par les gouvernements. Passant de la notion

du bien commun, des fins de bienfaisance, aux critères d‘avancement de la religion, les

définitions de la religion et les critères pour l‘incorporation religieuse dans la province et au

pays sont plutôt complexes, vagues et généraux. Malgré cela, ces règlements et ces lois

exercent des pressions sur les mouvements religieux. Avec l‘exemple de la Wicca, il a été

possible de rendre compte des transformations qui se sont opérées au sein de la mouvance.

La création d‘églises et d‘associations en témoigne. La célébration des rites de passage

comme le mariage et la mort ne sont pas régis par le droit; elles sont l‘affaire de préférences

personnelles et collectives, dont celles de la mouvance spirituelle au sein de laquelle on se

situe. L‘union entre conjoints, le décès, la sépulture et l‘inhumation représentent cependant

autant de droits de la personnalité prescrits par l‘autorité publique. Y conférer une

signification spirituelle, une portée symbolique particulière, vient maintenant en sus du

droit. Ce type d‘actions collectives amène la création de structures ou de véhicules

conformes, lesquels prévoient des personnes autorisées à célébrer le rituel pour et au nom

de la collectivité. L‘exemple de la CWABC en Colombie-Britannique est très éloquent.

Elle a formé un clergé afin d‘obtenir auprès de l‘autorité publique provinciale le droit de

célébrer des mariages et des enterrements selon ses croyances. Cette volonté d‘obtenir ces

droits spécifiques a obligé la CWABC à créer des structures administratives, par exemple le

clergé et la congrégation, qui sont reconnaissables par les autorités publiques. Ce clergé est

composé d‘individus ayant déjà une expérience et une formation en tant que wiccains, mais

qui doit également poursuivre une formation axée sur les divers aspects de leur futur travail

en tant que clergé représentatif de la communauté wiccaine locale.

Sur le plan social, le droit des personnes et de la famille influence aussi la condition et la

pratique des milieux religieux. Les questions de divorce et de garde d‘enfants sont

largement règlementées. Nous nous en apercevons lorsque nous examinons la

jurisprudence. Comme nous l‘avons remarqué dans les cas portant sur la garde d‘enfants

309

après un divorce, ce sont les décisions qui ont pour but l‘intérêt et le bien-être de l‘enfant

qui déterminent qui a la garde de ce dernier et non l‘appartenance religieuse du parent.

D‘ailleurs, à travers des exemples de jurisprudences canadiennes et québécoises, nous

avons observé l‘évolution de l‘utilisation de l‘appartenance religieuse du parent dans les

litiges, allant d‘un élément déterminant le caractère néfaste de l‘influence du parent à une

appréciation plus distanciée et globale du bien-être de l‘enfant. L‘association faite entre la

figure de sorcière et celle d‘une personnalité douteuse a fait place à une vision plus neutre

qui démontre une tendance vers la normalisation de la pratique et de son intégration dans le

tissu social général.

Or, les rites et les structures organisationnelles construites selon les normes

gouvernementales représentent une contrainte en même temps que, parfois, une structure

d‘opportunité. L‘exercice des droits de la personne a permis la création de nouvelles

activités, non prévues initialement par la mouvance, telles que les services d‘aumônerie.

Que cela soit dans les milieux carcéraux, hospitaliers ou militaires, au Canada, depuis 1994,

les wiccains et les païens se sont investis dans ce type de services. La hausse du nombre de

pratiquants et la popularité de la pratique ont également généré une demande d‘accessibilité

à des services propres à ses croyances et à sa religion wiccaine. Cela a entraîné la création

d‘organismes, entre autres, à travers la WCC (Wiccan Church of Canada), la PFPC (Pagan

Federation/Fédération païenne du Canada) et le PPO (Pagan Pastoral Outreach). Comme

nous l‘avons brièvement abordé, dans certains milieux tels que les prisons, plusieurs lois

institutionnelles, nationales et internationales enjoignent le SCC à fournir un service

d‘aumônerie à tout prisonnier qui le demande. Un accommodement raisonnable des

demandes est alors pris en compte selon les normes de sécurité internes et les Lignes

directrices générales, Régime alimentaire religieux ainsi que conformément au Manuel sur

la satisfaction des besoins religieux et spirituels. Cela amène les institutions

gouvernementales à entrer en contact avec les organismes pourvoyeurs de services

d‘aumônerie et, par conséquent, à leur imposer des normes de sécurité à la pratique

religieuse afin qu‘elle soit conforme aux limites permises au sein de l‘institution. Bien

qu‘elles ne constituent pas une influence sur l‘ensemble des wiccains, ces pressions

310

externes apportent néanmoins des éléments de changements à la pratique. Comme nous

l‘avons mentionné au chapitre 3, certains développements dans la jurisprudence canadienne

concernant d‘autres minorités religieuses pourraient avoir une incidence sur la pratique de

la Wicca comme la question du port du kirpan et le parallèle qui pourrait être établi avec

l‘athame.

Le tableau brossé dans les deuxième et troisième chapitres nous a donné un aperçu des

aspects normatifs du processus d‘institutionnalisation extérieur au groupe religieux.

Qui sont les Wiccains et comment s’inscrivent-ils dans la société québécoise?

L‘enquête par questionnaire nous a permis de rendre compte de diverses opinions et points

de vue qu‘ont les pratiquants sur la Wicca et sur son institutionnalisation dans le contexte

québécois. En plus des questions portant sur les caractéristiques socio-démographiques, le

questionnaire aborde les aspects touchant la perception que les wiccains ont de leur identité

et de leur cheminement religieux, ainsi que leur perception de ce qu‘est la Wicca et la

définition qu‘ils en donnent. Nous avons pu voir qu‘il existait une différence entre les

pratiquants francophones et anglophones dans l‘application du terme Wicca et de son

utilisation identitaire. Il semble que les francophones ont tendance à utiliser le terme

« Wicca » plus souvent pour identifier leur pratique que les anglophones. Cette tendance est

d‘autant plus évidente lorsque nous comparons l‘utilisation du terme entre ceux qui

habitent la région de Montréal et ceux qui habitent en région. L‘une des raisons se trouve

dans leur définition du terme. Là où les francophones de l‘extérieur de Montréal

l‘appliquent à un ensemble éclectique de pratiques de sorcellerie païennes inspirées par des

éléments des traditions gardnériennes, les anglophones semblent restreindre l‘utilisation de

ce terme aux traditions en ligne directe avec les pratiques et les traditions gardnériennes et

britanniques. Comme nous l‘avons vu dans les réponses au questionnaire, il y a une

corrélation entre l‘utilisation du terme « Wicca », la définition donnée à celui-ci et

l‘accessibilité des textes « canons » de la pratique. Puisque les textes fondateurs de la

Wicca n‘ont pas été traduits en français, on retrouve sur le marché des ouvrages qui

s‘inspirent et présentent une version diluée de ceux-ci. Par conséquent, on retrouve

également plusieurs autres ouvrages utilisant dans leur titre le mot « Wicca », mais dont le

311

contenu s‘applique à une diversité de pratiques magiques pas nécessairement reliées à la

Wicca traditionnelle.

Nous avons également exploré les questions de communautés, d‘organismes et

d‘institutions. La participation aux activités communautaires, l‘importance accordée aux

diverses communautés (physiques et virtuelles), et la disponibilité des services dans la

langue voulue sont une autre distinction qui ressort de l‘analyse. La question linguistique

est encore une fois un facteur important lorsqu‘il est question de communautés. Bien que la

communauté de Montréal tente de rendre une majorité de ses activités bilingues, les

services et les activités sont majoritairement offerts en anglais. Néanmoins, nous avons vu

que les pratiquants, tant anglophones que francophones, accordent une plus grande

importance aux communautés physiques qu‘aux communautés virtuelles. Malgré ce fait,

cette dernière n‘est toutefois pas négligeable auprès des pratiquants, puisqu‘elle est

l‘instigatrice de communications entre les individus et une source d‘information rapide et

accessible pour les pratiquants solitaires.

Que conclure des éléments de transformation internes à la Wicca? Une troisième section du

questionnaire comportait notamment des questions sur la formation, le clergé, l‘aumônerie

et le respect des droits et libertés. La question de clergé est encore très polarisée parmi les

pratiquants. Que cela relève de son utilisation, de son acceptation au sein des individus et

de son applicabilité à la Wicca, le terme de clergé figure maintenant dans le vocabulaire

wiccain. Les questions pragmatiques de l‘existence d‘un tel corps « religieux » ne sont pas

toujours vues comme étant nécessaires puisqu‘elles considèrent que ses adeptes ont tous la

possibilité de performer les rites de passage. En ce qui concerne la question d‘organismes et

d‘institutions païennes, malgré une position initialement défavorable à l‘idée, l‘utilité de

leur existence se fait sentir, et ce, malgré la crainte des pratiquants face à l‘application d‘un

seul modèle reconnu par le gouvernement sur l‘ensemble des pratiquants. Les fédérations,

les conférences, les associations, les centres de ressources et les écoles ne sont que quelques

éléments qui contribuent à la normalisation et à la stabilisation de la pratique.

312

Le questionnaire n‘a pas été la seule source d‘information ayant trait à son évolution

culturelle et aux vecteurs de changements au sein de la Wicca québécoise. Diverses

méthodes de collecte de données nous ont permis de voir les vecteurs d‘institutionnalisation

internes à travers des observations participantes, des sources imprimées et des entretiens

avec des propriétaires de boutiques. L‘observation participante nous a permis de voir les

éléments de normalisation dans les chants, les danses et les rituels publics. Le fait que nous

retrouvons de façon répétitive le spiral dance ou l‘utilisation d‘un même chant d‘un rituel à

l‘autre crée une forme de normalisation de la pratique et une norme aux yeux du pratiquant.

Les conférences païennes contribuent également à l‘institutionnalisation de la pratique

puisqu‘en plus de porter sur divers sujets touchant l‘identité wiccaine et païenne, elles

offrent des ateliers sur diverses pratiques, sont un lieu d‘échange de savoirs et

d‘expériences avec les autres participants, et permettent de discuter des services et des

besoins ressentis par les communautés. De plus, ces conférences deviennent une plateforme

de transmission de vecteurs institutionnalisants, car les participants y discutent, entre

autres, d‘établissement d‘organismes, de centre de ressources ou communautaires,

d‘enregistrement d‘entreprise et participent à des levées de fonds pour la tenue de leurs

activités. Ces éléments sont par la suite retransmis par le participant de la conférence qui

va, dans certains cas, appliquer ces nouvelles connaissances dans sa communauté locale.

Dans un autre ordre d‘idée, les boutiques sont également des acteurs dans le processus

d‘institutionnalisation. Elles servent également de plateformes de communication entre les

pratiquants et, dans certains cas, de lieux de rassemblements (pour des rituels ou des cours)

et d‘échange sur tout sujet qui les intéresse. Que ces boutiques soient physiques ou

virtuelles, leur présence aide à stabiliser la pratique en fournissant un point d‘interaction

avec d‘autres individus partageant les mêmes intérêts.

S‘il existe une composante de la mouvance wiccaine propice à la diffusion d‘éléments

d‘institutionnalisation, ce sont les bulletins locaux. Au moyen d‘une analyse par divers

procédés, nous avons ciblé le bulletin WynterGreene. Ce bulletin aborde et discute de

thèmes tels que l‘autorité, la formation, l‘éthique/la morale, la notion de changement,

l‘organisation, etc.). Il serait en quelque sorte un miroir grossissant de divers thèmes

313

touchant de près des aspects du processus d‘institutionnalisation à l‘interne, surtout

s‘agissant de la famille. Nous remarquons d‘ailleurs que ces thèmes se retrouvent

également dans les conférences sans avoir le même poids.

Dans un même ordre d‘idée, l‘analyse des ouvrages provenant du milieu païen et wiccain,

qu‘ils soient de nature académique ou non, nous donne un aperçu de leurs préoccupations.

Qu‘il s‘agisse d‘un partage de connaissances et d‘expériences personnelles, des

renseignements sur les normes gouvernementales et de solutions proposées en matière de

droit de la personne, d‘éducation des enfants ou encore de l‘adaptation du milieu de travail,

scolaire ou social, on y voit s‘exercer les forces et les pressions externes et internes au

mouvement. Ces éléments vont avoir une influence dans la mesure où l‘individu décide de

les intégrer à son environnement, soit par l‘application ou la diffusion de l‘information

reçue.

Vu l‘importance et la place prises par Internet et la communication virtuelle dans notre

quotidien, il est difficile de ne pas s‘intéresser à son utilisation par des groupes et individus

wiccains. Internet est un des meilleurs véhicules d‘information pour la Wicca québécoise et

une ressource essentielle pour le pratiquant wiccain solitaire. Non seulement le pratiquant

peut-il communiquer avec d‘autres personnes ayant des intérêts similaires par l‘entremise

de blogues, de réseaux sociaux et de groupes de discussion, mais il peut également y

trouver des informations, les rediffuser, suivre ou offrir des cours sur la sorcellerie et la

magie et participer à des rituels virtuels. Les questions d‘institutionnalisation sont présentes

à chacune de ces étapes. Les pressions, qu‘elles soient internes ou externes à la Wicca, se

font sentir même dans ce domaine virtuel. Que cela soit à travers les discussions portant sur

le statut à accorder à un clergé wiccain, sur l‘établissement d‘organisations officielles, sur

les nécessités du réseautage virtuel, sur le rôle d‘Internet dans la vie familiale ou sur

l‘éducation des enfants, des réseaux normatifs se tissent et les règles du savoir-être, du

vivre-ensemble et de l‘existence en société s‘élaborent.

L‘ensemble de toutes ces informations nous a donné la possibilité de voir

l‘institutionnalisation d‘un mouvement religieux en action. Les diverses tensions et les

314

pressions internes et externes sont des indicateurs clés du changement religieux, et le jeu de

ces forces contribue à l‘institutionnalisation d‘une mouvance ou d‘un groupe religieux. Ce

ne sont pas tous les mouvements religieux qui ont ou qui visent une structure statique,

homogène et immuable. Au contraire, certaines innovations religieuses évoluent dans un

espace où la diversité, la spontanéité et l‘adaptabilité sont présentes. La Wicca en est une.

Nous avons vu que l‘institutionnalisation est un processus qui régularise les pratiques et les

activités d‘un groupe donné. Diverses étapes sont nécessaires afin d‘y parvenir. Du point de

vue de l‘intégration socio-politique du groupe, des pressions externes amènent ce dernier à

se normaliser. Par la conformité aux lois en ce qui a trait à l‘incorporation et à

l‘enregistrement des organismes ainsi que dans la jurisprudence en matière familiale,

l‘isomorphisme opère. La présence de pressions internes amène à son tour des

modifications au sein même du groupe : l‘arrivée d‘enfants, la question de la langue de

pratique, la dualité de pratique (dans notre cas la pratique en solitaire et en coven) n‘en sont

que quelques éléments. La réutilisation des mêmes chants et danses, le renouvellement

annuel des festivals et des conférences, la publication de livres et de bulletins sont des

plateformes par lesquelles les vecteurs d‘institutionnalisation circulent. La

professionnalisation à l‘intérieur d‘un groupe par l‘entremise de formations, encadrées ou

non, est un important vecteur de normalisation des pratiques.

Ces trajectoires bien assurées ne signifient pas pour autant l‘institutionnalisation de

l‘ensemble de la mouvance. La juxtaposition de divers parcours et de leurs retombées

donne à voir une institutionnalisation que l‘on qualifiera de « multiévolutive

asynchronique ». Comme mentionné, la diaspora wiccaine est étendue et composée de

diverses traditions ainsi que de pratiquants solitaires. Elle n‘a pas de point central commun

à tous. Par conséquent, l‘institutionnalisation du mouvement ne se fera pas partout au

même moment. De plus, une même forme institutionnalisée peut passer et repasser

plusieurs niveaux d‘évolution afin de répondre à de nouvelles normes et de nouveaux

besoins qui apparaîtront au fil du temps. Le schéma rend compte de ces divers éléments,

vecteurs et tensions relevés au cours de la recherche ainsi que de mécanismes de

315

transformation. Il démontre la complexité des interactions existant au sein d‘un groupement

religieux.

Bien que la Wicca nous ait servi dans l‘élaboration de ce schéma, ce modèle pourrait être

adapté à d‘autres mouvements religieux et innovations religieuses ne correspondant pas au

le modèle traditionnel connu par les autorités publiques au Québec et au Canada. Cela

permet une inclusion dans les catégories sociologiques d‘organismes religieux alors

qu‘auparavant ils n‘étaient pas considérés, car le format idéal, unique et immuable n‘était

pas atteint. Mais nul n‘a besoin d‘être immuable pour être stable.

La société subit des transformations non seulement sur le plan du champ religieux, mais

également dans les autres champs (politique, économique, juridique). Le contact avec

l‘autre se fait de plus en plus rapidement, les échanges sont plus nombreux et l‘accès à

l‘information est théoriquement à la portée de tous. De nombreuses influences, tant de

l‘intérieur que de l‘extérieur de notre société, apportent des transformations et influencent

la direction que prennent nos institutions selon les besoins, que ce soit positivement ou

négativement. Nous évoluons constamment, mais pas toujours au même rythme. Certaines

formes sont appelées à réussir, alors que d‘autres vont échouer, mais l‘ensemble de ces

expériences est recyclé et de nouvelles tentatives vont voir le jour. Les mouvements

religieux en sont un exemple.

En ce qui a trait à la Wicca, il y a beaucoup à faire. Notre recherche a ouvert plusieurs

pistes de questionnements et de recherches possibles. Il serait intéressant de voir des

recherches sur les questions générationnelles au sein des pratiques religieuses, de voir à

long terme la conformité des groupes aux normes gouvernementales et si ces dernières

seront éventuellement influencées par la plus grande présence et importance de groupes non

conventionnels selon leurs normes actuelles. Les questions d‘accommodement des besoins

religieux et spirituels dans les milieux fortement institutionnalisés comme les institutions

carcérales, militaires et hospitalières sont également des avenues qui restent à explorer et à

développer en ce qui concerne les minorités religieuses.

316

Des études plus poussées sur les questions identitaires et linguistiques seraient également

une avenue. De par notre exemple avec la Wicca, lorsque la langue d‘origine de la pratique

diffère de celle du pratiquant, et lorsque le vocabulaire fait défaut, des problèmes

identitaires s‘en suivent. Cela n‘est pas uniquement le cas du français. La Wicca est

également pratiquée dans divers autres pays dont l‘anglais n‘est pas la langue nationale. Il

serait intéressant de voir comment la pratique est alors acquise et comprise dans la langue

du pratiquant. Le concept et la définition de la Wicca diffèrent-ils entre un pratiquant

allemand, brésilien, italien ou indien? Sont-ils reconnus et acceptés par les pratiquants

anglais et nord-américains? À quel niveau de la pratique les référents culturels de ces pays

influencent-ils la pratique? Bien qu‘abordé brièvement, il serait intéressant de pouvoir

déterminer à quel point les influences amérindiennes du Québec et du Canada se sont

intégrées dans les pratiques païennes des Québécois. Peu importe l‘avenue empruntée, il

reste beaucoup de questions sans réponse et d‘hypothèses à vérifier en ce qui concerne la

rencontre des innovations religieuses et des institutions. Cette recherche n‘en est qu‘un

élément contributoire à l‘ensemble qui espère pouvoir créer des pistes pour sa propre

transformation et son évolution.

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Ajayi c. Canada (Citizenship and Immigration), 2007 FC 594 (CanLII)

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Asad c. Kinexus Bioinformatics, 2008 BCHRT 293 (CanLII)

330

Asashi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 102 (IIJCan)

Ashiru c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2006 FC 6 (CanLII)

Athanasopoulos c. Nitz, 1993 CanLII 960 (C.-B. C.S.).

Ayodejioyelami c. Canada (Citizenship and Immigration), 2007 FC 579 (CanLII)

B.S.L. c. S.A.J., 2003 SKQB 498 (CanLII)

B.B. c. D.F., 1995 CanLII 3842 (ON C.J.)

Baril c. Industrielle compagnie d’assurance sur la vie, 1991 CanLII 3566 (QC CA)

Baryluk c. Warner Bros.Entertainment Inc., 2005 CanLII 41383 (ON C.S.)

Beaumont c. Bertrand et al.2000 BCSC 415 (CANLII)

Bernier c. Caisse populaire Desjardins de la Mitis, 2006 QCCRT 442

Board of Trustees of Common Lands c. Tanner, 2005 NSSC 245 (CanLII)

Bolduc c. Bolduc, 2006 CanLII, 28099 (ON S.C.)

Boris c. Boris [1992] W.D.F.L. (1992)

C. (L.-A.) (Re), 2001 IIJCan 17134 (QC C.Q.)

C. (Re), 2005 CanLII 57823 (ON C.C.B.)

C.S.S.T. c. Québec (Ville), 2004 IIJCan 45558 (QC C.Q.)

Cadbury Schweppes Inc. c. Aliments FBI Ltée, [1999] R.C.S.142, 1999 IIJCan 705 (C.C.S.)

Cameron c. MacGillivray, 2005 CanLII 47695 (ON C.S.)

Canada (Procureur général) c. Hijos, 2007 FCA 20 (CanLII)

Centre de santé et de services sociaux de Sept-Îles c. S.G., 2008 QCCQ 2381 (CanLII)

Centre de santé et de services sociaux des Sommets c. Syndicat des employés en soins

infirmiers et cardio-respiratoires (CSN), 2008 CanLII 1955 (QC SAT)

Centre hospitalier Ste-Jeanne d’Arc c. Syndicat canadien de la fonction publique, local

2885, 1995 IIJCan 3492 (QC A.G.)

Colbert c. The Queen, 2004 CCI 571 (IIJCan)

D.C. (Re), 2003 CanLII 54111 (ON C.C.B.)

331

D.W.c.A.G. [2003] RJQ 1411 (C.A.)

Dans la Situation de S. (N.), 2003 IIJCan 10643 (QC C.Q.)

Dahlquist-Gray and another v. Hedley (No. 2), 2012 BCHRT 50 (CanLII)

Decision No.1713/06, 2006 ONWSIAT 2741 (CanLII),

Desbiens c. Marcellin, 2007 QCCQ 6492 (CanLII)

Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Brisebois, 2009 QCCQ 5895

Droit de la famille — 081670, 2008 QC C.S.3119

Droit de la famille — 092108, 2009 QCCS 3970 (CanLII)

E.R. Re, 2003 IIJCan 50109 (QC C.Q.)

EMCO Ltée c. Jonction Rapide Inc., 2005 IIJCan 20876 (QC C.Q.)

F.M.P. c. A.A.-An., 2005 CanLII 17249 (QC C.S.)

Gay c. Kingston, [1992] A.J.No.1171

Gannon c. Canadien Pacifique Ltée, 1993 IIJCan 355 (T.C.D.P.)

Gill c. Red River Cooperative Ltd. 2007 MBQB 22

Goncalves c. Martens, 2002 C.-B.SC 878 (CanLII)

H. (Re), 2007 CanLII 19775 (ON C.C.B.)

H.M. (Re), 2006 CanLII 3891 (ON C.C.B.)

Hayer c. Punjabi, 1996 CanLII 2196 (C.-B. C.S.)

Hayes c. Vancouver Police Board and another (No.2), 2010 C.-B.HRT 324 (CanLII)

H.M.Q. c. Waranuk, 2008 YKSC 49 (CanLII)

I.R.I.Services Ltd. c. Stewart, 1992 CanLII 674 (C.-B. C.S.)

Ikon Solutions de bureau inc. c. Docu-Plus Conseillers en gestion de documents inc., 2009

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JM (Re), 2010 CanLII 41583 (ON CCB)

J.S.R. c. L.C.H.R., 2006 C.-B.SC 1777 (CanLII)

332

K. c. Miazga, 2003 SKQB 384 (CanLII)

Kelly et Trinity Sea Products Ltd. c. Attorney General for Canada, 2007 NLTD 127

(CanLII)

Krahn c. Krahn, 2001 C.-B. C.S. 1186 (CanLII)

L.M. c. Compagnie A, 2007 QC CRT 526

Langara College (Re), 2010 C.-B.IPC 18 (CanLII)

Law Society of Upper Canada c. G.N., 2003 CanLII 48013 (ON L.S.H.P.)

LeFrançois c. Canada (Procureur général), 2008 QCCS 3222 (CanLII)

M.K.T. c. T.G.T., 2004 SKQB 162 (CanLII)

M.O. c. K.J., 2007ABPC 176.

Mhando c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2005 FC 422 (CanLII)

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MP c Hôpital A, 2011 QCTAQ 4405 (CanLII)

Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2006 CSC 6 (IIJCan).

Mwakotbe c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2006 FC 1227 (CanLII)

N.K. c. M.E.S., 2005 IIJCan 11147 (QC C.S.)

Nguyen c. CPShips Ltd., 2008 QC C.S.3817

Ontario Public Service Employees Union c. Ontario (Ministry of Community and Social

Services) 2006 CanLII 37572 (ON G.S.B.)

Osaru c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2005 FC 1656 (CanLII)

Pacific Coast Coin Exchange c. Ontario Securities Commission, 1977 CanLII 37 (CSC),

[1978] 2 RCS 112

Padgham c. Padgham, 1990 CanLII 824 (C.-B. C.S.)

Parkolub and Hu c. Canada Revenue Agency, 2007 PSLRB 64 (CanLII)

President and Fellows of Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets) (C.A.),

[2000] 4 C.F.528, 2000 IIJCan 16058 (C.A.F.)

333

Protection de la jeunesse — 09181, 2009 QCCQ 12496

Protection de la jeunesse — 106700, 2010 QCCQ 17389

Protection de la jeunesse — 111659, 2011 QCCQ 10738

R. c. Bain, [1992] 1 R.C.S.91, 1992 IIJCan 111 (C.C.S.)

R. c. Big M Drug Mart Ltd. (1985), 18 C.C.C. (3d) 385

R. c. Careau, 2008 CanLII 48939 (QC CM)

R. c. Dixon, 1994 CanLII 1260 (C.-B. C.A.)

R. c. Houben, 2006 SKCA 129 (CanLII)

R. c. Kambulow, 2006 ONCJ 331 (CanLII)

R. c. Koehn, 1998 CanLII 6780 (C.-B. C.S.)

R. c. Labrosse, (1984), 17 C.C.C. (3d) 283

R. c. Labrosse, [1987] 1 C.S.R. 310, 1987 (C.S.C.)

R. c. Moïse, 1999 CanLII 13215

R. c. McMurray [2000] O.J. No. 1717, 2000 CarswellOnt 1665 (Ont. Ct. of J), aff'd [2000]

O.J. No. 4234 (ONCA)

R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S.103, 1986 IIJCan 46 (C.C.S.)

R. c. Pinnock, 2007 CanLII 13943 (On C.S.).

R. c. Pozniak, [1994] 3 R.C.S.310, 1994 IIJCan 66 (C.C.S.)

R. c. Reddick, 1996 CanLII 1179 (ON C.A.)

R. c. Sergueeva, 2008 ONCJ 182 (CanLII)

R. c. Singh, 2001 IIJCan 18107 (QC C.S.)

R. c. Tuchscherer, 2001 IIJCan 10663 (QC C.Q.)

R. c. Waranuk, 2007 YKTC 82 (CanLII)

R. M. c. Hôpital A, 2008 QCTAQ 61052

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S.E.P.B. section locale 57 (FTQ) c. Commission scolaire Marie-Victorin, 2002 IIJCan

32218 (QC A.G.)

Saint-François-de-l’Île-d’Orléans (Municipalité) (Re), 2008 CanLII 15372 (QC

C.P.T.A.Q.)

Schumilas c. Porter-Schumilas, 2009 CanLII 55361 (ON SC)

Stréliski c. Digital Shape Technologies Inc., 2007 QCCS 6326 (CanLII)

Syndicat des Cols Bleus Regroupés de Montréal, Section Locale 301 c. Montréal (Ville),

2005 IIJCan 32006 (QC A.G.)

Syndicat des communications graphiques, section locale 41-m c. Le Journal de Montréal,

1995 IIJCan 887 (QC A.G.)

Syndicat des travailleurs et travailleuses du centre hospitalier Notre-Dame-de-la-Merci c.

Centre hospitalier Notre-Dame-de-la-Merci, 2003 IIJCan 52734 (QC A.G.)

Syndicat des travailleuses et des travailleurs du centre de santé Tulattavik c. Centre de

santé Tulattavik de l’Ungava, 2005 IIJCan 50430 (QC A.G.)

Syndicat Northcrest c. Amselem, 2004 CSC 47, [2004] 2 RCS 551

Tall c. The Queen, 2005 TCC 765 (CanLII)

Toussaint c. Entraide bénévole Kouzin Kouzin de Montréal — Métropolitain, 2007 QCCRT

378 (CanLII)

Tucker c. Canada, 2003 CF 1008 (IIJCan)

Université de Montréal c. Productions Playground Inc., 2003 IIJCan 21412 (QC C.S.)

V.F. (Re), 2008 CanLII 39595 (ON C.C.B.)

V.F.c.M.F.1, 2007 CanLII 3881 (ON C.S.)

335

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Wild c. Langara College and others, 2009 C.-B.HRT 259 (CanLII)

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H- ARCHIVES PERSONNELLES : BULLETINS DE MONTRÉAL

8 Sabbats

Dragon’ s Breath

Montreal Grove

The Montreal Pagan Community Newsletter

Montreal’ s Pagan Newsletter

Montreal Pagan Grove Newsletter

Name of Grove Here.

WynterGreene

Ye Old Guard

337

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http://www.cogcoa.ab.ca/ministers/ (consulté la dernière fois 2012-08-21)

Eglise Wiccane du Québec (EWQ). http://eglisewiccannequebec.tripod.com/ (consulté la

dernière fois 09-09-2012).

The Inner Path Coven : http://www.innerpathcoven.ca/ (consulté la dernière fois 09-09-

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Lettre par Sam Wagar : http://www.thewicca.ca/articles/sam-wagar/cwa-bc.php (consulté la

dernière fois 09-09-2012).

Northern Cougar Clan : http://www.mtl-magicalcircle.ca/BFC/aboutus.htm (consulté la

dernière fois 2012-06-11)

Officers of Avalon : http://www.officersofavalon.com/about.html (consulté la dernière fois

2012-06-11)

Pagan Pastoral Outreach :. http://www.paganpastoraloutreach.ca/ (consulté la dernière fois

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have to worry? » http://www.pfpc.ca/en/bulletin/law.html (consulté la dernière fois

2005-02-01)

338

Pagan Federation/Fédération païenne du Canada (PFPC). « Professional Associations »

http://pfpc.ca/en/people/profassc/index.html (consulté la dernière fois 2005-02-01)

Silver Spiral Collective and Pagan for Peace. 20011998). « A Pagan Teen Survival

Guide », Obscure Pagan Press/Pagans for Peace: Abbotsford, Colombie-Britannique, 3e

edition, 82 pages.

The Witches‘ Voice (Witchvox) : http://www.witchvox.com/ (consulté la dernière fois

2012-03-01)

J- CHANTS

Anras Corban Arthen. Air I Am

Cathleen Shell, Cybele, Moonsea and Prune.1987. « Air Moves Us » dans Chants : Ritual

Music, Reclaiming Collective, 1987, Serpentine Music,

Compositeur inconnu. Closing Chant.

Gwydion Pendderwen. We Won’t Wait Any Longer (The Pagan National Anthem).

Ian Corrigan. Hoof and Horn

Morning Feather et Will Shepardson. 1987. « We are an Old People » dans Chants : Ritual

Music, Reclaiming Collective, 1987, Serpentine Music,

Rich Hamouris. 1986. We Are a Circle

Shekhinah Mountainwater. We are the flow

Susan Hurrell. 2005. Gaïa Gathering

Starhawk et Rose May Dance. Way to the well

Z. Budapest, We All Come from the Goddess

Annexe A : How We did it.

340

341

342

343

344

Annexe B : Millenial Gaïa

« Millenial Gaïa » statuette que l‘on retrouve de plus en plus lors des rituels des

conférences canadiennes.

Photo par : Mireille Gagnon

345

346

Annexe C : Dépliant de l’Église Wiccane du Québec

347

348

349

Annexe D : Lettre du PFPC

THE WITCHCRAFT LAW — Do We Have to Worry?

Letter written Feb. 23, 2001 (and not responded to)

The Hon. Anne McLellan, p. C., M.P.

Minister of Justice and Attorney General of Canada

284 Wellington

Ottawa, ON K1A 0H8

Re Criminal Code of Canada Part IX x. 365 — Pretending to Practice Witchcraft, etc.

The following section of the Criminal Code has been brought to our attention as a possible

cause for concern:

PRETENDING TO PRACTICE WITCHCRAFT, ETC.

Everyone who fraudulently

(a) pretends to exercise or to use any kind of witchcraft, sorcery, enchantment or

conjuration,

(b) undertakes, for a consideration, to tell fortunes, or

(c) pretends from his skill in or knowledge of an occult or crafty science to discover where

on in what manner anything that is supposed to have been stolen or lost may be found

(d) is guilty of an offence punishable on summary conviction.

We would like to know how sincere practitioners of witchcraft or divination might be

affected by s. 365. As well, we are interested to know whether or in what way this section

might be applied to adherents of the neo-pagan nature religion of Wicca, who often refer to

themselves as Witches and to their religion as Witchcraft.

As is pointed out in the Annotations to this section in Martin‘s C.C., 2001, divination (or

witchcraft) is not per se illegal, so it seems that the offence lies within the term

"fraudulently". Perhaps you could clarify for us what you believe must be present to

constitute fraudulence with respect to this offence.

We would appreciate hearing back from you as to how the government views the intent and

possible application of this law with regard to those who practice either witchcraft or the

Wiccan religion.

We have written the new Minister and again await a reply.

350

We were told over the phone by someone in the department that they would not comment on

the application of the law at any rate — interpretation is up to prosecutors and police. So

we asked our well-known Canadian Pagan Police Officer, Kerr Cuhulain, who said,

I‘m very familiar with this law: I‘ve lost count of the times that people have asked me

about it. My take on it is simply this: It is (as you suggested) intended for the prosecution of

fraud artists...I don‘t believe that the use of the term "witchcraft" in this law refers to

anyone‘s religious beliefs. It clearly refers to people who pretend to exercise magick,

sorcery, etc., as a means to separate people from their money.

Subsequently we heard that the government is planning an overhaul of the Criminal Code,

and this section (Part IX s. 365) is a likely candidate for attention. We will keep you posted.

In the meantime, our fellow Commonwealth country, Australia, is apparently planning to

rescind their similar law.

351

Annexe E : Dépliant du Young Pagan Circle

352

353

Annexe F : Gaïa Gathering

Par Susan Hurrell (2005)

In Gaïa‘ s name we gather

She‘s called to you and me

As pagans, as Canadians

The branches of Her maple tree

Our roots are deep, we love this land

So heart to heart and hand to hand

We gather here in Gaïa‘s name

In Gaïa‘ s name we gather

From circle, hof and grove

United by diversity

We seek to serve the Gods above

On many paths, we walk this land

So heart to heart and hand to hand

We gather here in Gaïa‘s name

So let us welcome each other

As pagan sisters and brothers

The Hidden Children no longer

Like Canada, we are strong and free

354

In Gaïa‘ s name we gather

To learn each others ways

For highest good, in fellowship

We celebrate our pagan space

To know ourselves, to heal this land

So heart to heart and hand to hand

We gather here in Gaïa‘s name

355

356

Annexe G : Dépliant du Centre de ressource païenne de

Montréal/Montreal Pagan Ressource center

(CRPM/MPRC)

357

358

359

Annexe H : Conférences païennes de Montréal

2e Conférence Païenne de Montréal (30 novembre 2003)

360

361

3e Conférence Païenne de Montréal (23 avril 2005)

362

363

5e Conférence Païenne de Montréal (17 novembre2007)

364

365

366

Thème général élément

Institution occurrence

contenu

Organisation structure

clergé

association

religion organisé

Absence hiérarchique

forme de pratique (cov/sol)

communauté

Autres

Autorité être sa propre autorité

expérience utilisé comme gage d’autorité

Pratique rituelle marriage/handfasting (Signification)

wiccaning (signification)

description

formules rituelles

Socialisation éducation/parenting

Normes gouvernementales lois

instances gouvernementale

reconnaissance

Cultures, communications accessibilité des sources

difficulté de traduction/perte de sens

expression de soi dans le rituel

Portée et diffusion de la culture wiccaine nombre de membres

réseautage

367

Annexe I : Liste des thèmes pour l’analyse de

Wyntergreene

pratiques

Représentations dominantes (mythes, croyances, dogmes) religion de la nature

Représentation en mode mineur Spiritualité alternative

Étique/Morale

présentation de soi auto-perception

comparaison

mettre sur pied d’égalité/association

auto définition/est une religion

rôle

Formation Livres comme sources

école de sorcellerie

coven

autres

Notion de changement

368

Annexe J : Crescent Moon School of Magic and

paganism

369

370

371

Annexe K : You have a Pagan Student in Your School. A

Guide for Educators

372

373

374

375

376

Annexe L : Dépliant du coven Nothern Cougars

377

378

379

380

381

Annexe M : Questionnaire

Questionnaire

Pour/for

Évolution culturelle et intégration socio-politique de la Wicca au Québec : contribution à l‘étude des

spiritualités alternatives en contexte de sécularisation.

Cette recherche est effectuée dans le cadre d‘une thèse de doctorat à l‘Université Laval,

sous la direction de Mme Pauline Côté. Cette recherche a été approuvée par le comité

d‘éthique de l‘Université Laval (CIRUL #2004-001)/This research is accomplished within

the framework of a doctorat‘s thesis at Laval University, under the direction of Mrs Pauline

Côté. It has been approved by the ethics comity of Laval University (CIRUL # 2004-001)

Les questions suivantes ont pour but de recueillir des données d‘ordre statistique et factuel.

Toutes les informations seront confidentielles. Rien dans le rapport écrit ne pourra

permettre de vous identifier. / The following questions are for statistical purposes only. All

information will be held anonymously. Nothing will identify you in my written report.

Partie 1/Part 1 : Information générale/General Information

1) Quelle est votre date de naissance? (année/mois)/What is your date of birth

(year/month)? ____/____

2) Quel est votre sexe? What is your gender? F/W ________ H/M_______

autre/other_________

Il est à retenir que le masculin est utilisé afin d‘alléger le texte de ce questionnaire.

382

3) Quelle est votre orientation sexuelle? What is your sexual orientation?

Bisexuelle/Bisexual?____ Hétérosexuelle/Heterosexual?_____

Homosexuelle/Homosexual? ___ Autre/Other?____________

4) Quelle est votre langue maternelle? What is your mother tongue?

______________________________

5) Maîtrisez-vous d‘autres langues? / Do you speak other languages? a) Oui/Yesb) Non/No

5.1 — Si oui, lesquelles? / If so, which one?

6) Dans quelle région administrative du Québec habitez-vous? / In what administrativ

region of Quebec do you live in?

01-Bas-St-Laurent 02— Saguenay-Lac-St-Jean 03— Québec

04— Mauricie 05— Estrie 06— Montréal

07— Outaouais 08— Abitibi-Témiscamagne 09— Côte-Nord

10— Nord-du-Québec 11— Gaspésie-Iles de la Madeleine 12— Chaudière-

Appalaches

13— Laval 14— Lanaudière 15— Laurentides

16— Montérégie 17— Centre-du-Québec

7) Quelles sont vos occupations professionnelles, vos activités principales ou votre emploi

du temps? / What is your professional occupation or your main activity?

383

8) Quel est votre dernier diplôme d‘études obtenu? / What is your highest level of formal

education?

a) Diplôme secondaire/High school diploma

b) Diplôme collégial/College Diploma

c) Baccalauréat/Bachelor Degree

d) Maîtrise/Masters Degree

e) Doctorat/Doctorat Degree

f) Autre (spécifiez)/Other (specify) :

9) Quel est votre état civil? / What is your marital status?

a) célibataire/single

b) marié (e)/married

c) conjoint de fait/living partners

d) veuf (veuve)/widow

e) divorcé/divorce

10) Avez-vous des enfants? / Do you have children? a) Oui/Yes b) Non/No (Passez à la

question 11 /Go to question 11)

10.1 — Si oui, combien? / If so, how many?

10.2 – Si oui, précisez leur (s) âge (s)/If so, specify their age?

384

10.3 – Les enfants sont-ils arrivés avant ou après que vous aviez commencé à

pratiquer la Wicca? /Did you have children before or after being involved in Wicca?

________________________________

10.4 — L‘arrivée des enfants a-t-elle modifié votre façon de pratiquer la Wicca? a)

Oui/Yes b) Non/No

10.4.1 Si oui, de quelle manière? / If so, in what way?

10.5 — Avez-vous consulté des ouvrages consacrés à la Wicca ou au paganisme au

sujet des enfants et de la famille? / Have you read any books on Wicca or Paganism

concerning family and children? a) Oui/Yes b) Non/No

10.5.1 — Si oui, lesquels? / If so, which ones?

11) Affirmez-vous publiquement votre appartenance à la Wicca? / Are you public about

your involvement in Wicca?

Oui/Yes_________ Non/No _________

Pourquoi? /Why?

385

11.1) Si oui, à quelle catégorie de personnes? /If so, who knows?

a) Famille/Family b) Ami/Friends c) Collège de travail/Co-

worker

d) Autorité publique/Public authority (ex : recensement du gouvernement)

e) Autre/Other :

11.2) Portez-vous des bijoux ou des symboles qui vous identifient comme Wiccan :

/Do you wear identifying jewelry or symbols of Wicca in :

a) En public? /public? b) À la maison? /At home?

c) Au travail? At work? d) Aux événements publics? /In public events?

e) Autres moment? Other moments?

12) Croyez-vous que la Wicca joue un rôle dans notre société? Précisez./ Do you think

Wicca plays a part in our society? Specify.

13) Comment envisagez-vous votre rôle en tant que Wiccain dans la société

d‘aujourd‘hui? / How do you view your role as a wiccan in today’s society ?

386

14) Comment définiriez-vous la Wicca? / How would you define Wicca?

15) Selon vous, quelles sont les plus grandes difficultés rencontrés par les Wiccains au Québec? / In your

opinion, what are the greatest difficulties faced by Wiccans in Quebec?

Partie 2 /Part 2 : Itinéaire /Itinenary

1) Comment êtes-vous entré en contact avec la Wicca? / How did you begin to be involved

with Wicca?

a) Par un ami? /A friend?

b) Par la famille? /Family?

c) Par un livre? /A book?

d) Par l‘Internet? /The Internet?

387

e) Autre? /Other? Spécifié/Specify.

2) Depuis combien de temps pratiquez-vous la Wicca? / How many years have you been

involved with Wicca?

3) Qu‘est-ce qui vous a attiré à la Wicca? / What has attracted you to wicca?

a) La Déesse/The Goddess

b) La magie/Magic

c) Les croyances/beliefs

d) La sorcellerie et ses rituels/witchcraft and it's rituals

e) Autre? /Other? Spécifié/Specify.

4) Si tel est le cas, veuillez indiquer votre (vos) appartenance (s) religieuse (s) avant la

Wicca. / If it applies, indicate the religious path(s) you followed before Wicca.

5) Si tel est le cas, veuillez indiquer les raisons pour lesquelles vous avez délaissé votre

ancienne appartenance religieuse? If it applies indicate the reasons why have you left

your past religious path(s)?

388

6) Avez-vous procédé à une auto-initiation ou avez-vous été initié par un coven? Au

besoin, expliquer. /Did you proceed to a self initiation or were you initiated trough a

coven? Explain, if necessary.

7) L‘observation précise des dates du calendrier wiccain, la roue de l ‗année, est-elle

importante pour vous? Expliquez. / Is the precise observation of the Wheel of the Year

important for you? Explain.

8) Est-ce que vous vous identifiez à…/Do you identify yourself as…

a) Un sorcier? /A witch?

b) Un wiccan? /A wiccan?

c) Un païen? /A pagan?

d) Autre

(préciser)/Other (specify)

Partie 3 /Part 3 : Communauté/Community

4- Faites-vous partie d‘une communauté wiccaine de votre région? / Are you part of your

region’s wiccan community?

389

Oui/Yes Non/No

5- Faites-vous partie d‘une ou plusieurs communautés virtuelles (sur Internet)? / Are you

part of an on-line community ?

Oui/Yes Non/No

6- Ces communautés sont-elles ouvertes aux pratiquants appartenant à d‘autres

mouvements néo-païens? Are these communities open to other neo-pagan?

Oui/Yes Non/No

7- Dans quelle langue opèrent ces communautés? / In what language do these

communities function?

Dans votre région. / In your region. Français/French Anglais/English

Virtuelles. /On-line. Français/French Anglais/English

8- Quel type d‘activités ou de services sont-ils offerts par ces communautés? / What type

of activities or services are offered by these communities?

a) rituels publics/public rituals b) cours/courses

c) festivals/festivals d) atelier de magie/magic workshop

e) Autre /other :

390

9- Participez-vous à ces activités? Do you participate in these activities? Oui/Yes

Non/No

10- Utilisez-vous ces services? / Do you use these services? Oui/Yes

Non/No

11- Selon vous, quels services ou activités ne sont pas disponibles pour les Wiccains de

votre région? / In your opinion, what services or activities are missing in your region

for wiccans?

12- À votre connaissance, existe-t-il des associations wiccaines ou païennes dans votre

région? / Do you know if there are wiccan or pagan associations in your region?

Oui/Yes Non/No

13- Connaissez-vous les associations et fédérations à l‘œuvre à l‘extérieur de votre région? /

Do you know of existing wiccan or pagan associations outside of your region? Oui/Yes

Non/No

10.1) Si oui, lesquelles? / If so,

which ones?

14- Faites-vous partie de ces associations? /Are you part of these associations? Oui/Yes Non/No

15- Vous déplacez-vous pour participer aux événements d‘autres communautés de votre connaissance? / If

you know of other wiccan or pagan communities, do you travel to go to their events and activities?

Oui/Yes Non/No

391

16- Connaissez-vous ce qu‘est : /Do you know what the following: Gaïa Gathering? Wiccanfest?

Kaliedescope?

1.1. Si oui, avez-vous déjà participé? Si non, pensez-vous y participer un jour? / If so, have you ever

participated in one of their events? If not, do you think you’ll ever participate?

17- La participation à ces activités a-t-elle apporté un changement dans la façon dont vous vivez la Wicca?

/Has the participation to those activities brought any changes to the way you live Wicca?

Communautés virtuelles/Virtual Communities

18- Faites-vous partie d‘une ou de plusieurs communautés virtuelles (sur Internet)? / Are

you part of an on-line community ?

Oui/Yes Non/No

19- Quelle importance l‘Internet revêt-il pour votre pratique de la Wicca? / What

importance does the Internet has on your wiccan pratice?

392

20- Participez — vous à des rituels virtuelles avec d‘autres wiccains ou païens? /Do you

participate in on-line rituals with other wiccans or pagans?

Oui/Yes Non/No

17.1 ) Si oui, par quel moyens : /If so, what method is used?

a) Webcam?

b) Forum?

c) Clavardage? /Chatrooms?

d) Programme de monde virtuel (ex : Second Life)? / Virtual world programme (ex :

Second Life)?

e) Autre? /Other? Spécifié/Specify.

21- Utilisez-vous les sites de monde virtuel tels que Second life pour explorer et communiquer avec d‘autres

wiccains? /Do you use virtual world program such as Second Life to explore and communicate with other

wiccans?

Oui/Yes Non/No

18.1) Si oui, quels avantages et désavantages existe-t-il à utiliser ce type de programme? / If so, what are

the advantages and disadvantages of using such a program?

393

22- Quelle importance relative accordez-vous aux communautés? In what importance

would you rate these communities?

Très importante assez importante importante peu importante pas

important

Very important mildly important important not very important not important

Dans votre région 1 2 3 4

5

In your region

Virtuelle 1 2 3 4

5

On-line

Partie 4 /Part 4 : Matériel/Materials

1) Avez-vous de la difficulté à trouver de l‘information ou des livres sur la Wicca? / Do you have any

difficulties finding information or books on Wicca? Non/No Oui/Yes

Si oui, comment? /If so, how?

394

2) Les outils et les costumes sont-ils essentiels à la pratique? / Are tools and costumes

necessary for the practice of the craft?

Non/No Oui/Yes

3) Comment vous procurez-vous les matériaux nécessaires à la fabrication de vos objets utilisés dans votre

pratique? /How do you procure the materials needed for the creation of objects used within your

practice?

a. Dans la nature? /Found in Nature?

b. Fabrication artisanale? /Homemade?

c. Boutique locale? /Local shop?

d. Boutique à l‘extérieur de la région? /A shop outside your region?

e. Commande par Internet? /Internet order?

f. Autre?

/Other?

:

4) Avez-vous de la difficulté à trouver le matériel recherché? / Do you have difficulties finding the materials

you need?

Non/No Oui/Yes

5) Disposez-vous d‘un autel à domicile? /Do you have an altar at home?

Non/No Oui/Yes

6) Avez – vous de la difficulté à trouver des ouvrages portant sur la Wicca dans votre propre langue? / Do

you have any difficulties to find books on Wicca un your own language?

Non/No Oui/Yes

395

7) Connaissez-vous les auteurs suivants? / Do you know the following authors? :

Connaît/Kn

ow

Lu/Rea

d

Possède/Own

8- Gerald B.Gardner □ □ □

9- Viviane Crowley □ □ □

10- Doreen Valiente □ □ □

11- Raymond Buckland □ □ □

12- Janet & Steward Farrar □ □ □

13- Starhawk □ □ □

14- Scott Cunningham □ □ □

15- Autre/Other:___________

____

□ □ □

8) Avez-vous déjà suivi des cours sur la Wicca? / Did you ever had courses about Wicca?

Non/No Oui/Yes

o Si oui dans quel contexte : /If so, in what environnement? :

a. École de sorcellerie? / Witchcraft school?

b. Cour par Internet? /Internet classes?

c. Cour par correspondance? /Classes by mail?

d. Dans un coven? /Within a coven?

e. Autre/Other : ______________________________________

396

Partie 5 /Part 5 : Clergé/Clergy

1) Qu‘est ce que le terme « clergé » signifie pour vous? / What does the word ―clergy‖ mean to you?

2) Ce terme s‘applique-t-il à la Wicca? Expliquez. / Can this word be applied to Wicca? Explain.

Non/No Oui/Yes

3) Ce terme désigne-t-il l‘ensemble des Wiccains? Expliquez. / Can this word be applied to all Wiccans?

Explain.

Non/No Oui/Yes

4) Croyez-vous que la célébration du « handfasting » requiert la présence d‘un célébrant ayant le statut de

« clergé »? /Do you think it is necessary to have person with a clergy status to celebrate a ritual such as a

handfasting? Pourquoi? /Why?

Non/No Oui/Yes

397

5) Avez-vous eu recours à un Wiccain reconnu en tant que « clergé » pour la célébration d‘un rituel ou d‘un

rite? / Did you ever had to use the services of a Wiccan with ―clergy‖ statue to celebrate a ritual or a

rite?

Non/No Oui/Yes

6) Avez-vous suivi une formation en tant que « clergé » pour la célébration du « handfasting » ou autres

rituels? / Did you receive any clergy training in order to celebrate a handfasting or any other rituals?

Non/No Oui/Yes

7) Croyez-vous que les Wiccains considérés en tant que « clergé » devraient être rémunérés pour leurs

services? / Do you think Wiccan who are considered ―clergy‖ should be paid for their services?

Pourquoi? /Why?

Non/No Oui/Yes

1)

8) Quelle est, selon vous, la validité de la formation de « clergé » des gens ayant obtenu ce statut via

l‘Internet? / In your opinion, what is the validity of people which haved received « clergy » status via the

Internet?

9) Croyez-vous qu‘il soit nécessaire ou utile pour la Wicca d‘avoir un « clergé » aux fins de la

reconnaissance par les autorités publiques en place? / Do you think it is necessary or useful for Wicca to

have a « clergy » in order to be recognized by public authorities ?

398

Non/No Oui/Yes

10) Croyez-vous que les Wiccains devraient s‘engager dans le travail d‘aumônerie tel que dans les prisons,

les hôpitaux et les forces armées? /Do you think wiccans should be able to do chapelaincy work , such as

in prison, hospitals or the armed forces? Pourquoi? /Why?

Non/No Oui/Yes

11) Effectuez-vous un travail d‘aumônerie? / Do you do chaplaincy work?

Non/No Oui/Yes

11.1 — Si non : pensez-vous en faire un jour?

Partie 6 /Part 6 : Droits et libertés/ Rights and liberties

1) Existe-t-il un besoin pour une entité officielle telle une église ou une association à but non lucratif

aux fins de représentation de la communauté wiccaine? /Do you think there’s a need within the

wiccan community to have an official representing body such as a « church » or a non-profit

association?

Non/No Oui/Yes

Pourquoi? /Why?

399

2) En tant que Wiccain, croyez-vous disposer des mêmes droits et privilèges que les croyants ou

pratiquants d‘autres religions? / Do you think you are entitled to the same privileges as do other

religions?

Non/No Oui/Yes

3) Votre liberté de conscience et de religion est-elle protégée : /Is your freedom of conscience and

religion protected :

a. Dans votre lieu de travail? /In your workplace? Non/No

Oui/Yes

b. Dans la place publique? /In public places? Non/No

Oui/Yes

c. Dans votre vie privée ou familiale? / In your private or family life? Non/No

Oui/Yes

d. Autre endroits? /Other places?___________________________ Non/No

Oui/Yes

4) Dans votre milieu de travail, avez-vous été confronté à des préjugés ou à de la discrimination (directe

ou indirecte) en lien avec votre identité wiccaine? /Have you encountered prejudice or

discrimination (directly or indirectly) relative to your wiccan identity in the workplace?

Non/No Oui/Yes

4.1 — Si oui, pourriez-vous-indiquer de quelle manière? / If so, can you describe how?

Partie 7/Part 7 : Commentaires/Commentary

400

1) À votre avis, existe-t-il des aspects pertinents qui n‘ont pas été traités dans ce

questionnaire? / In your point of view, were there any important aspects that were

left out of this questionnaire ?

2) Avez-vous des commentaires à apporter? / Do you have any comments ?

3) Si tel est le cas, quel genre d‘études académiques préfériez-vous voir sur la Wicca à

l‘avenir? / What would you like to see in future studies about wicca?

401

4) Pouvons-nous vous rejoindre si nous avons d‘autres questions? /Can we reach you

if we have more questions?

Oui/Yes Non/No

Si oui, veuillez indiquer de quelle façon vous pouvez être rejoint. / If so, please

indicate how we can reach you.

Adresse/Address

Téléphone/Phone

number

Courriel/E-mail

Autre/Other

Pour toutes questions ou commentaires, vous pouvez nous rejoindre aux endroits

suivants : /For questions or comments, you can reach us at the following :

402

Annexe N : Description du rituel de Mabon

La description de ce rituel, tirée de nos observations sur le terrain à Québec en 2002.

Puisqu‘il importe pour nous d‘avoir la permission de diffuser les détails du rituel, nous

avons donc réutilisé le rituel du mémoire de maîtrise. Les prêtresses qui étaient présente à

ce rituel ont toutes reçu une copie de cette description.

Rituel du Mabon, Québec, septembre 2002 :

L’autel :

À l‘aide d‘une boussole, une table rectangulaire couverte d‘une nappe noire est placée face

à l‘est et orientés dans l‘axe Nord — Sud. Au centre de cette table, vers l‘est, un chandelier

à 5 branches avec des chandelles (brun, jaune, orange, jaune, brun). Devant, un petit balai

fait de branche verte. De chaque côté du chandelier, une coupe. À gauche (nord), la coupe

en argent remplie d‘eau (Déesse) et à droite, la coupe d‘or remplie de vin (Dieu). Devant le

chandelier, un disque blanc en céramique sur lequel est gravé un pentagramme sert

d‘encenseur. Du côté gauche on retrouve un panier avec un pain au raisin, et un autre

rempli de fruits et de légumes. Entre ces deux paniers, un petit coffret rempli de pierres et

de coquillages. Devant la coupe, il y a un petit encensoir avec un encens à la sauge. Devant

le panier de fruits, se trouve un petit bol d‘amandes. À droite du chandelier sont posés un

panier avec des épis de céréales, un petit bol de sel, un chaudron rempli d‘eau, une pomme

coupée en deux et des glands. Sur le côté ouest, une grande baguette magique faite d‘une

branche d‘arbre occupe une bonne partie de l‘autel. Une autre chandelle posée sur une

soucoupe est placée sur l‘autel pour la lecture des textes lorsque les lumières seront éteints.

Des feuilles mortes sont réparties un peu partout sur l‘autel. Sous une feuille, neuf pièces de

25 cents reposent près du chaudron pour la partie magique du rituel. Sous l‘autel, il y a un

petit tambour et le reste des provisions.

Autour de l’autel :

À chaque point cardinal, une chandelle est posée indiquant la direction et l‘élément appelé.

Est-jaune-air, Sud-rouge-feu, Ouest-bleu-eau, Nord-vert-terre. Des pierres sont placées

entre les chandelles pour former le cercle qui entoure les pratiquants et l‘autel, laissant

assez d‘espace pour circuler autour de l‘autel.

403

Disposition : Les pratiquants s‘installent autour de l‘autel en formant un cercle et se

préparent au rituel.

Une fois les chandelles allumées et les lumières éteintes, les sorcières,

assises ou debout autour de l‘autel, exécutent, chacune à leur façon, un

enracinement (grounding), c.-à-d. un exercice de visualisation utilisé pour se

préparer au rituel. Après quelques minutes, elles se lèvent et forment un

cercle autour de l‘autel. L‘une des prêtresses prend le petit balai qui est sur

l‘autel et se met à balayer l‘espace, sans toucher le sol, autour de l‘autel et

autour des prêtresses présentes. Elle fait un nettoyage d‘énergie afin de

purifier les lieux. Lorsqu‘elle a terminé, elle remet le balai sur l‘autel et

reprend sa place. Commençant à l‘est, une première wiccane prend l‘encens

de sauge déjà allumé dans l‘encensoir et une plume. Elle s‘avance vers la

personne à sa gauche et tourne autour de celle-ci dans le sens des aiguilles

d‘une montre, se servant de la plume comme d‘un éventail pour purifier

l‘espace autour de la personne. Une fois terminé, elle remet l‘encens et la

plume à cette personne nouvellement purifiée, laquelle purifie à son tour la

personne à sa gauche. L‘encens et la plume font ainsi le tour du cercle en

purifiant chaque participante, pour revenir jusqu‘à la personne initiatrice de

ce cercle de purification.

La purification terminée, la propriétaire de la baguette magique trace le

cercle dans le sens des aiguilles d‘une montre en partant de l‘est. Elle fait

trois fois le tour en changeant la hauteur de la baguette; la première fois au

sol, la deuxième fois au niveau de la taille et la troisième fois au-dessus de

la tête. Les wiccanes se retrouvent maintenant entre les deux mondes.

Une fois le cercle tracé, personne ne peut en sortir à moins d‘y faire une

porte avec la baguette. La baguette de retour sur l‘autel, les sorcières

entreprennent de faire l‘appel des gardiens des tours. Parmi les présentes,

quatre personnes ont été assignées à la tâche. Toute l‘assemblée se tourne

pour faire face à l‘est. Une prêtresse s‘avance vers l‘est (symbolisé par une

chandelle jaune) et, munie d‘une chandelle éclairant sa lecture, elle appelle

la tour de l‘est et l‘invite à la célébration. D‘une voix claire et douce, elle

chante un petit air (de Lorenna McKennit). Son chant terminé, elle remet la

chandelle sur l‘autel et reprend sa place. L‘assemblée tourne maintenant

pour faire face au sud. À son tour, la deuxième prêtresse s‘avance vers le

sud (symbolisé par une chandelle rouge) et invite à son tour le gardien de la

tour du sud. La troisième prêtresse s‘avance vers la chandelle bleue et invite

le gardien de la tour de l‘ouest en décrivant les aspects reliés à l‘élément de

l‘eau. Finalement, toutes se tournent vers le nord (symbolisé par la

chandelle verte) et la dernière prêtresse invite le gardien de la tour du nord

en se référant à la terre.

404

Une fois les tours appelées, elles invoquent la Déesse et le Dieu cornu. Pour

la Déesse, l‘une des prêtresses prend ses notes et récite la charge de la

Déesse, en français311. Ceci terminé, une pause est prise avant de

poursuivre avec la charge du Dieu. Une autre prêtresse lit à son tour la

charge du Dieu cornu, en anglais312. Suit une autre pause.

La pause terminée, les sorcières joignent les mains et récitent un chant en

tournant en rond autour de l‘autel, dans le sens d‘une aiguille d‘une montre.

L‘une des prêtresses s‘installe à côté de l‘autel (du côté est) et donne le

rythme pour la danse en tapant sur un petit tambour. Ce chant313

est répété

et répété, de plus en plus vite, suivant le rythme du tambour et de la danse.

Après quelques minutes, le « climax » est atteint et la danse s‘arrête. Le

cône d‘énergie est ainsi créé. Après quelques moments pris à se bercer dans

cette énergie, l‘une des prêtresses s‘avance près de l‘autel et parle du Sabbat

célébré, soit le Mabon, en indiquant qu‘il s‘agit de l‘équinoxe d‘automne,

un moment où le jour est égal à la nuit. Elle réfère au Dieu cornu qui

s‘apprête à mourir, s‘approchant ainsi de la fin du cycle de la vie. Elle

mentionne que le ventre de la Déesse s‘arrondit par la nouvelle vie (le Dieu

cornu) qui commence à donner des signes. La prêtresse parle encore de

récolte puisque Mabon est aussi la fête de la deuxième récolte.

Par la suite, comme c‘est la pleine lune, une célébration pour l‘esbat a lieu.

Une autre prêtresse s‘avance vers le petit chaudron d‘étain rempli d‘eau

posé sur l‘autel. En s‘adressant à la Déesse, elle opère de la magie en

transformant le chaudron en « wishing well ». Distribuant un 25 sous314

à

chacune des participantes, elle indique qu‘il faut faire un vœu et par la suite

mettre le 25 sous dans le chaudron. À tour de rôle, chacune met son 25 sous

dans le chaudron. Lorsque la dernière a terminé, elles se préparent au festin.

Prenant le pain, les fruits et les légumes, elles font passer les plats autour de

l‘autel en prononçant à tour de rôle une bénédiction. Elles font de même

pour l‘eau et pour le vin. Celle qui passe la nourriture prononce les paroles

suivantes : « Que tu ne connaisses jamais la faim ». Ce à quoi l‘autre répond

« Ainsi soit-il » ou « Blessed Be ». Lorsqu‘à leur tour les coupes passent les

paroles deviennent : « Que tu ne connaisses jamais la soif ». Par la suite,

assises sur le sol, elles partagent les aliments. Pendant plusieurs minutes,

elles mangent et elles boivent tout en parlant, soit du rituel soit de leurs

expériences passées ou de tout autre sujet de partage.

311

Cette charge est une traduction, fait par l‘une des prêtresses, de la charge de la Déesse écrite par Doreen

Valiente de la tradition gardnérienne. 312

Elles n'ont pas apporté une version française de la charge. 313

Freya Shakti Hecate Riannon Rhéa Maat et Morigan. Ce sont quelques noms utilisés pour identifier la

Déesse. 314

Elle signale qu'avec un peu d'imagination, le 25 cents représente sur un côté le Dieu cornu (le caribou) et

de l'autre la Déesse (le visage de la reine).

405

Une fois décidées, elles se lèvent et mettent en marche le processus de

clôture du rituel. La sorcière qui a prononcé la charge du Dieu cornu

remercie le Dieu de sa présence et l‘invite à retourner chez lui. Celle qui a

prononcé la charge de la Déesse remercie à son tour la Déesse de sa

présence et de son aide. Vient le temps de prendre congé des gardiens des

tours. L‘assemblée se tourne vers le nord et la prêtresse qui a appelé le

gardien de la tour du nord le remercie de sa présence et éteint la chandelle.

L‘assemblée se tourne alors vers l‘ouest et celle qui a invité le gardien de la

tour de l‘ouest fait de même. Ce geste est répété par celles qui avaient de

même appelé le sud et l‘est.

Finalement, la prêtresse propriétaire de la baguette magique ouvre le cercle.

Elle défait le cercle en passant trois fois autour du cercle dans le sens

contraire des aiguilles d‘une montre, en partant de l‘est. Elle passe sa

baguette au niveau au-dessus de la tête, au deuxième tour, au niveau de la

taille puis finalement au sol, s‘arrêtant à l‘est. Elle pose sa baguette sur

l‘autel. Le rituel est terminé.

406

Annexe O : La charge de la Déesse et du Dieu cornu

Cette version de la charge de la Déesse et du Dieu cornu de Doreen Valiente est une

traduction faite par deux des prêtresses de la région de Québec. Ces textes ont été distribués

auprès des participants des rituels qui ont eut lieu à Québec.

La charge de la Déesse

Écoutez les paroles de la Grande Mère,

La radieuse Bridgid, couronnée de feu,

Feu purificateur qui chassera l‘hiver :

Lorsqu‘en vient le besoin ou le désir,

Une fois par mois, surtout quand la lune est pleine,

Réunissez-vous en une place secrète

Pour m‘adorer en esprit, moi, la Grande Reine.

Ici il faut que vous vous rassembliez,

Vous qui voulez tout savoir des anciens rites,

Et n‘avez pas encore tout appris,

À vous j‘enseignerai tous les mystères.

Libres de tout esclavage,

Vous me célébrerez vêtus des seuls nuages;

Et vous danserez, chanterez et fêterez,

Jouerez de la musique et aimerez,

Pour ainsi m‘honorerez délicieusement;

Car est mienne l‘extase spirituelle,

Et mienne aussi est la joie des corps qui exultent,

Car l‘amour est ma loi, pour les êtres et les âges.

Conservez intacte la pureté de vos idéaux,

Et dirigez-vous toujours vers eux.

Ne laissez rien vous arrêter ou vous détourner de votre chemin.

Mienne est la porte secrète qui ouvre sur la Terre des Jeunes,

Et mienne aussi est la coupe de vin de vie,

Et le Chaudron de Kerridwenn, source de vie éternelle.

Je suis la gracieuse Déesse

Qui offre à tous les cœurs le présent de la joie.

Sur la Terre,

J‘enseigne l‘immortalité de l‘esprit,

407

Par delà la mort,

J‘offre la paix, la liberté, et les retrouvailles avec ceux qui vous

ont précédé.

Je ne demande aucun sacrifice,

Car je suis la Mère de tout ce qui vit,

Et j‘inonde cette terre de mon Amour.

Écoutez les paroles de la Déesse étoilée, aux pieds de laquelle trônent les hôtes célestes et

dont le corps encercle l‘univers :

Je suis la beauté de la verte Terre,

La blanche Lune parmi les étoiles,

Le mystère des eaux,

Et le désir présent en ton âme.

Lève toi et sans hésiter viens me rejoindre,

Car je suis l‘âme de la Nature,

Celle qui donne vie à l‘univers.

De moi toutes choses proviennent,

Et à moi toutes choses doivent retourner;

Devant mon visage aimé des Dieux comme des hommes,

Laisse ton moi divin le plus profond être enveloppé dans l‘extase de

l‘infini.

Laisse mon culte être présent dans les cœurs qui se réjouissent,

Car tout les actes d‘amour et de plaisirs sont mes rites.

Ainsi, laissez venir en vous de la force et de la beauté,

Du pouvoir et de la compassion,

De l‘honneur et de l‘humilité,

De l‘allégresse et de la révérence.

Et toi qui as pensé à me chercher,

Sache que ta quête et tes projets seront vains,

À moins que tu ne traverses le miroir :

Si à l‘intérieur de toi tu n‘as pas vu,

A l‘extérieur de toi tu ne saurais voir.

Car j‘étais avec toi depuis le début,

Et je suis ce qui est atteint au bout du désir.

408

409

La Charge du Dieu

Écoutez mon verbe et dansez la Spirale de Vie

Chantez ma mélodie d‘une existence accomplie

et chantez mon hymne de Mort et de Transformation

Car je suis Pan, Herne, Dionysos, Osiris

Gwyn Ap Neith, Zeus, Shiva, Cernunnos

Et tous les aspects du Dieu

Et je suis Tout et Rien dans les bras de mon Amour

Je suis le Phallus de Vie et la Semence

plantée dans les profondeurs de la Mort qui nourrit

et réconforte avec ma croissance

mourant et renaissant à travers les saisons de la Mère.

Je suis les Cornes du Pouvoir et les sourcils du Sage

À travers voiles et ombres, je chasse et je garde

Seigneur de la Chasse Sauvage et Gardien de la Paix Silencieuse

Regardez ma face tout autour de vous et connaissez les joies de

l‘orgasme et de la mort

transformés et renaissant dans le chaudron des rêves

Mes rites sont le Plaisir, la Joie et l‘Extase

Laissez la psyche s‘épanouir

et laissez l‘univers se détruire au zénith de vos rites

Qu‘il puisse être reformé dans l‘amour et le rire

Soyez forts, joyeux

passionnés, tendre, sage et humble

et vous grandirez en esprit

Tenez-vous à mes cotés sur la Terre et regardez autour de vous,

Vous êtes des enfants issus de tout

et vous devez vous nourrir les uns les autres

Que je puisse grandir en vous et murmurer mon chant à travers vous

sous le vent des saisons changeantes.


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