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JACKIE ET JOHN KENNEDY, UN BREF INSTANT LUMINEUX ... Christophe PERROT - Psychanalyste Paris -...

Date post: 20-Apr-2023
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Christophe PERROT 1 JACKIE ET JOHN KENNEDY, UN BREF INSTANT LUMINEUX 1 Christophe PERROT - Psychanalyste Résumé : Au visa de ce qu’avance Jacques Lacan dans le séminaire VII, l’Ethique de la psychanalyse à propos de l’amour courtois comme suppléance au non rapport sexuel, et à la lumière de la phrase prononcée par Jackie Kennedy peu après la mort de son mari « Il n’y aura plus jamais de Camelot », l’article interroge les motivations réciproques et les liens conjugaux qu’entretiennent John et Jackie Kennedy qui formèrent le couple le plus célèbre des Etats-Unis au XX° siècle. 1 « Don’t let it be forgot, that once there was a spot, for ont brief shinning moment… » Noublions surtout par qu’un jour il y eut un moment, un bref instant lumineux. ; réplique préférée de JFK, chantée par R. Burton, dans la comédie musicale Camelot – in Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 302 « Au niveau comment affectif, de bien des manières, je n’ai jamais rencontré deux individus aussi isolés, aussi solitaires. Ils avaient désespérément besoin de communiquer, mais ils ignoraient s’y prendre. Voilà ce qui rendait leur histoire d’amour si douloureusement poignante. Car il s’agissait bien, dans tous les sens du terme d’une histoire d’amour. » Charles F. Spalding, dit « Chuck » ami intime de JOHN Fitzgerald Kennedy
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Christophe PERROT

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JACKIE ET JOHN KENNEDY, UN BREF

INSTANT LUMINEUX 1…

Christophe PERROT - Psychanalyste

Résumé : Au visa de ce qu’avance Jacques Lacan dans le séminaire VII, l’Ethique de la

psychanalyse à propos de l’amour courtois comme suppléance au non rapport sexuel, et à la

lumière de la phrase prononcée par Jackie Kennedy peu après la mort de son mari « Il n’y aura

plus jamais de Camelot », l’article interroge les motivations réciproques et les liens conjugaux

qu’entretiennent John et Jackie Kennedy qui formèrent le couple le plus célèbre des Etats-Unis

au XX° siècle.

1 « Don’t let it be forgot, that once there was a spot, for ont brief shinning moment… » Noublions surtout par qu’un jour il y eut un moment, un bref instant lumineux. ; réplique préférée de

JFK, chantée par R. Burton, dans la comédie musicale Camelot – in Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 302

« Au niveau comment affectif, de bien des manières, je n’ai jamais rencontré deux individus aussi isolés, aussi solitaires. Ils avaient désespérément besoin de communiquer, mais ils ignoraient s’y prendre. Voilà ce qui rendait leur histoire d’amour si douloureusement poignante. Car il s’agissait bien, dans tous les sens du terme d’une histoire d’amour. »

Charles F. Spalding, dit « Chuck » ami intime de JOHN Fitzgerald Kennedy

Christophe PERROT

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.Né le 29 mai 1917 et mort le 22 Novembre 1963, trente cinquième président des états unis

d’Amérique, John Fitzgerald Kennedy2, fut assassiné à Dallas le 22 Novembre 1963 à 43 ans.

Jacqueline Kennedy, son épouse, était alors à ses cotés. Une semaine après le meurtre,

Jackie, pourtant avare d’interview, accorda un entretien à Theodore White3, journaliste au

magazine Life. Elle compara alors la Maison Blanche au Château de Camelot. Au-delà de

l’énoncé visant à ériger son mari en mythe 4, pourquoi faire de la Maison Blanche le théâtre

d’une mythologie arthurienne contemporaine ? Que revêt le signifiant « Camelot », dans

l’histoire du couple que formèrent Jackie et John Kennedy ?

I. Camelot, un royaume à jamais perdu…

A. La naissance d’un mythe …

Dans l’article au Magazine Life, après avoir confié que John Kennedy affectionnait

particulièrement la comédie musicale « Camelot » qui était alors jouée à Broadway, Jackie

ajouta : « There will be great presidents again, but there will never be another Camelot »5 . Ainsi

voulait-elle que l’histoire se souvienne de son mari comme d’un Roi Arthur des temps modernes,

mort lors d’une campagne de pacification entre les communautés de son pays mais aussi de la

planète.6.Nous étions alors en pleine guerre froide et Kennedy avait obtenu le retrait des missiles

nucléaires que la Russie pointait sur les Etats-Unis depuis Cuba. La référence à Camelot illustre

l’art consommé de Jackie pour la mise en scène au service de son mari et d’elle-même.

La transcendance introduite par ce mythe place John Kennedy en position de héros dépourvu

de rival contemporain. Il est possible de situer cette position au regard des schémas de la

sexuation qui s’appuient sur la fonction du phallus universel et symbolique (Φ). Dans ces

formules, le phallus vaut comme signifiant du désir et de la castration. La ligne inférieure gauche

du tableau indique que c’est par la fonction phallique que l’homme prend son inscription à ceci

près que cette fonction est limitée par celle située du même coté et en haut. C’est précisément

2 Le 29.5.1917 Brookline – Massachussetts – 22.11.1963 – Dallas – Texas – Démocrate

3 Théodore White avait été choisi en raison de son professionnalisme mais aussi parce qu’il était l’auteur d’une chronique sur John Kennedy lors de la première campagne intitulée The

Making of du Président, dans laquelle le candidat 1960, qui dépeint le candidat Kennedy sous un jour nettement plus favorable que celui sous lequel son adversaire Richard Nixon est

dépeint

4 Elle obtiendra aussi dans le même élan de mythification le changement de nom du Cap Canaveral au profit de Cap Kennedy , flamme éternelle sur la tombe de son époux, elle créera

une fondation au nom de son époux notamment, elle participera à chaque inauguration en lien avec la mémoire de John Fitzgerald Kennedy

5 Il y aura d’autres grands présidents, mais il n’y aura jamais d’autre Camelot ».

6 C’est animée de cette même volonté qu’elle consentira quelques mois plus tard, au printemps 64 à plusieurs heures d’entretiens à Arthur Schlesinger publié sous le titre : Jacqueline

Kennedy avec John F. Kennedy conversation inédites – J’ai Lu – 2012

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cette fonction que Lacan nomme « fonction du père » 7 qui constitue l’exception sur laquelle se

fonde la non inscriptibilité du rapport sexuel . Le parlêtre lacanien a le choix de s’inscrire de

l’un ou de l’autre des côtés 8.du schéma de la sexuation. L’originalité ici est que ce n’est pas le

sujet qui opère ce choix mais son partenaire qui l’effectue pour lui. Partenaire symptôme au

sens de Jacques Alain Miller avec pour particularité que cette déclaration survient juste après la

mort du sujet. Si, politiquement, le mythe de Camelot à jamais perdu est un coup du destin qui

sape à jamais les espoirs d’un peuple, Lacan, s’appuie sur le mythe d’Œdipe selon lequel pour

que le père soit au fondement de la loi il faut qu’il soit mort. « Le père en tant qu’il promulgue la

loi est le père mort »9. La perte de Camelot est ici la conséquence funeste du meurtre du père de

la horde par les fils. Meurtre qui dénie la castration du père et situe la mère à la place de la

Chose. Plusieurs éléments de la biographie de Jacqueline éclairent l’attribut d’exception dont

elle pare John qu’elle évalue à l’aulne de la grandeur du père.

Jackie est née Jacqueline Bouvier le 28 Juillet 1929 à

Southampton (New York) de l’union de John Vernou Bouvier et

de Janet Lee. Or aux Etats Unis les hommes qui se

prénomment John sont usuellement appelés « Jack ». Le père

de Jacqueline n’échappe pas à la règle et fut surnommé « Black

Jack » en raison de son bronzage permanent sur lequel reposait

son pouvoir de séduction. Il ressemblait dit on à Clark Gable 10

et appréciait qu’on le confondit avec l’acteur. C’est cependant

moins pour son hale que pour sa fortune acquise grâce à son

officine d’agent de change que son épouse Janet Lee le choisit.

Le couple fortuné évoluait dans un univers digne de Gatsby le Magnifique. Si les infidélités de

Black Jack fissurèrent le couple, la crise de 29 acheva de le ruiner. Jackie aimait tout

particulièrement son père qui supplée à la froideur de la mère plus attachée à la préservation

7 Lacan Jacques – Encore – Paris – Points – Leçon du 13.3.1973 p 101

8 « Pourvu ou non d’attributs masculins par le déterminisme génétique, tout être parlant a le choix de se poser dans le (Φx) ou bien de ne pas en être » Lacan Jacques – Encore – Paris –

Points – Leçon du 13.3.1973 p 101

9 Jacques Lacan Les Formations de l’inconscient p 146

10 Meyer-Stabley Bertrand – Jackie Kennedy – Pouvoir et Fortune – Pygmalion – 2013 p 31

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de son rang qu’à ses enfants 11. Après le divorce des époux Bouvier, le remariage de sa mère

avec l’agent de change, avocat et milliardaire Hugh Dudley Auchincloss, lié au Vanderbilt et au

Rockefeller, contribua à renforcer l‘attachement de la fille et du père qui eu toujours soin de

pourvoir à son éducation et à celle de sa sœur en dépit de moyens financiers limités.

B. Camelot, aux sources de l’amour courtois

Femme de lettres12 , Jackie Kennedy, prit toujours soin de souligner son ascendance française13

, de la région du Dauphiné, aristocratique et militaire. En réalité les Bouviers s’ils étaient bien

français, étaient savoyards, fermiers, domestiques et quincaillers14 15 et la carrière militaire des

ancêtres se limite à ce que l’un d’eux ait été fantassin de l’armée vaincue de Napoléon 16. Pour

Jackie il n’y aura donc qu’un pas entre le culte du sang bleu qui coulait dans ses veines et

Camelot, lieu mythique de la cour du Roi Arthur et la reine Guenièvre écrin du genre littéraire

que l’on a nommé l’amour courtois à la fin du XI° siècle.

L’amour courtois répond à des critères spécifiques principalement quatre : Tout d’abord il met en

scène un chevalier au sens guerrier et conquérant ainsi qu’une Dame. Ensuite les deux

protagonistes ne sont jamais socialement sur un pied d’égalité la femme étant toujours d’un rang

social supérieur à celui du chevalier. Troisièmement l’amour qui les lie doit demeurer secret et

la beauté de la dame entretien son idéalisation et sa vénération. Enfin, la dame demeure

hautaine c’est par ses exploits, ses succès guerriers, ses tournois que le chevalier doit la

charmer mais elle demeure au-delà d’une limite 17, inaccessible. Lacan précise que

l’inaccessibilité est renforcée par des médisances et des maléfices. Tout laisse penser que dans

l’esprit de Jackie Kennedy cette référence à Camelot perdu à jamais symbolise tout à la fois la

politique kennedienne transposition moderne de l’utopie chevaleresque d’Arthur et Lancelot.

Epopée dont le but n’était autre que la quête d’un Graal politique mais aussi dans l’espace.

11 Guillaumin Maud – Jackie une femme d’influence – Ed° du moment – 2014 p 34

12 Elle prépara soigneusement par exemple son voyage officiel en Russie en lisant au préalable Tolstoï et Tchekhov – in Guillaumin Maud – Jackie une femme d’influence – Ed° du

moment – 2014 p 29

13 Un livre fut même écrit quand elle devin première dame « Ce livre permit à Jackie (…) d’assurer la pérennité de l’arbre généalogique bricolé par son grand-père Bouvier « in

Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 263

14 Guillaumin Maud – Jackie une femme d’influence – Ed° du moment – 2014 p 35

15 Meyer-Stabley Bertrand – Jackie Kennedy – Pouvoir et Fortune – Pygmalion – 2013 p 22

16 Meyer-Stabley Bertrand – Jackie Kennedy – Pouvoir et Fortune – Pygmalion – 2013 p 21

17 Lacan précise que le miroir a une fonction de limite qui rend l’objet inaccessible – in Séminaire VII p 181

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II. La conquête de la Maison Blanche… quand la tabl e ronde se confond avec le bureau ovale

Le clan Kennedy est structuré autour de Joe et Rose

Kennedy .Joe, le père, avait hérité d’une fortune qu’il avait

fait fructifier grâce au commerce d’alcool pendant la

prohibition. Séducteur notoire il entretint une relation

extraconjugale notamment avec l’actrice Gloria Swanson

qu’il conviait dans la maison familiale en présence de sa

femme. Il n’hésite pas, à plusieurs reprises, à faire l’amour

avec sa maitresse à proximité de John s’amusant de son

embarras quand il les surprit. Rose Kennedy, femme

intelligente, polyglotte18, austère, froide, impitoyable19, était

avare de manifestations affectives. Elle dominait la vie de

ses enfants selon Andersen sans être capable de leur

témoigner de la tendresse.

Thomas Snegaroff parle de son « amour distant et inquiet » 20 Elle se fit construire un cottage à

l’écart de la maison familiale ou elle « passait des heures dans la solitude, abimée dans une

contemplation religieuse »21. La relation de John aux femmes a été marquée tant du coté

paternel que maternel. S’agissant de sa mère il nourrissait une profonde colère à son égard «

Elle n’était jamais là quand on avait vraiment besoin d’elle. Ma mère ne m’a jamais pris dans ses

bras pour m’embrasser. Jamais ! Jamais ! » 22. On saisi ainsi mieux pourquoi il refusait tout

contact physique aux femmes hors du cadre sexuel23 .

Le père était attentif aux loisirs et au travail scolaire. Pour lui ses enfants comptaient en tant

qu’individus. Entre les neuf enfants24, les parents entretenaient une compétition permanente tant

pour les résultats scolaires que pour les performances sportives. Chaque semaine la résidence

familiale de Hyannis Port était le théâtre de tournois de foot, de natation, de voile, de course,

18 Snegaroff Thomas – Kennedy une vie en clair-obscur – Armand Colin – 2013 p 22

19 Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 35

20 Snegaroff Thomas – Kennedy une vie en clair-obscur – Armand Colin – 2013 p 31

21 Ibidem p 35

22 Ibidem p 36

23 Même lors de son élection tandis que Jackie lui caressa le visage, Jack ne l’embrassa pas contrairement à ce que fit avant lui Eisenhower avec son épouse in Snegaroff Thomas –

Kennedy une vie en clair-obscur – Armand Colin – 2013 p 171

24 Joseph (1915-1944) – John (1917-1963) – Rosemary (1918-2005) – Kathleen (1920-1948) – Eunice (1921-2009) –Patricia (1924-2006) – Robert (1925-1968) –Jean (1928 - ) Edward

(1932 - )

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entre les membres du clan et l’attention des parents ne se portait que sur le vainqueur de la

compétition. John Kennedy avoua avoir beaucoup souffert de la suprématie de son frère ainé.

L’un des moteurs de son ascension politique était de prendre sa revanche dans le but d’obtenir

la reconnaissance parentale. Joe a toujours entretenu avec les milieux d’édition, la télévision, les

établissements scolaires, et les réseaux sociaux d’influences des relations étroites qui

assurèrent à son fils la carrière présidentielle dont il avait lui-même rêvé. Joe éduqua ses

enfants selon le principe que « ce qui compte ce n’est pas qui tu es mais ce que les gens

croient que tu es » 25

En raison des ascendances vraies et supposées, la position sociale de la famille Kennedy était

moins enviable que celle du père de Jackie Kennedy et encore moins que celle de la famille

Auchinloss. En revanche la fortune des Kennedy dépassait largement celle des Bouvier et

même des Auchinloss. « Elle avait des ambitions mondaines. Ce mariage devait lui permettre de

maintenir son image et son rang » 26 Jackie, par ce mariage, conservait son rang et bénéficiait

de l’argent des Kennedy, tandis que Joe Kennedy voyait dans Jackie un outil politique pour

s’assurer la victoire de John à la présidence. John était donc contingent pour Jackie chez qui

l’amour courtois semblait programmé depuis l’enfance. De la même manière Jackie fut la

contingence d’un amour courtois qui semblait programmé depuis toujours chez John. Le 2

septembre 1953 à Newport en épousant John, Jackie se parait des atours de Guenièvre et John

arborait l’armure du Roi Arthur

Jacqueline Bouvier mystérieuse et impénétrable se plongeait parfois dans une solitude

intérieure en dépit de la foule alentours . Si John Kennedy était un orateur confirmé, il n’aimait

pas les disputes avec son entourage27 et faisait tout pour les esquiver ou pour y mettre un

terme. Rapidement Jackie comprit qu’en s’enfermant dans d’interminables bouderies elle

parvenait à amener John à composition et à obtenir ce qu’elle désirait. La victoire de John la

plaça au rang de première Dame et Jackie fut rapidement consciente du pouvoir de séduction

qu’elle exerçait sur les foules lors des meetings ou elle accompagnait son mari. Gore Vidal

indique que Jackie avait rarement quelque chose de gentil à dire sur quiconque28 . Si elle ne

rechignait pas à rendre visite à des dockers dans des brasseries lorsque son époux était en

25 Snegaroff Thomas – Kennedy une vie en clair-obscur – Armand Colin – 2013 p 101

26 André Kaspi – Historien spécialisé de l’histoire d’Amérique du Nord – in Guillaumin Maud – Jackie une femme d’influence – Ed° du moment – 2014 p 45 27 Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 247

28 Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 36 – Gore Vidal était le demi-frère de Jackie dont la mère s’était mariée à Hugh D.

Auchincloss ex époux de la mère de Gore Vidal.

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campagne elle méprisait « ces stupides réunions où les femmes de sénateurs échangent leurs

recettes de cuisine »29. Lors d’une soirée qu’elle organisa les couples se séparèrent après le

diner. Jackie s’excusa auprès des dames disant qu’elle revenait de suite, mais elle alla rejoindre

les maris…30 La robe de mariage31 de Jackie a été confectionnée par Ann Lowe couturière noire

Jackie se limita toujours à indiquer qu’elle avait été réalisée par « une femme de couleur ». Sa

manière distante d’apparaître lors des meetings, contribuât à en faire une égérie, une femme

d’exception. Pour ouvrir le bal le jour de son mariage Jack choisi une musique dont le titre

donnait le ton « J’ai épousé un ange ». A ce moment déjà, elle incarnait la Dame,

représentation de la Chose selon Lacan32 . Tous les ingrédients de l’amour courtois en tant que

lieu confus de l’amour et du désir étaient présents dans le creuset du couple Jackie et John

Fitzgerald Kennedy.

A. L’articulation de l’amour courtois et du désir dans le couple Kennedien

1. John Kennedy ou la bipartition de l’amour et du désir

Il n'y a pas d'amour

intrinsèquement autonome dans

le couple. Plusieurs repères

s’offrent à nous. Le désir peut

être l’outil de mesure du couple.

Le rapport sexuel, sans cesse

renouvelable et inassouvis

serait la preuve de ce ciment

amoureux.

Ensuite, ce peut être à l’aulne de la jalousie, comme preuve d’insatisfaction, que peut aussi se

mesurer le désir donc l’amour. L’intensité de la jalousie à alors pour but de stimuler le désir de

29 Meyer-Stabley Bertrand – Jackie Kennedy – Pouvoir et Fortune – Pygmalion – 2013 p 121

30 Meyer-Stabley Bertrand – Jackie Kennedy – Pouvoir et Fortune – Pygmalion – 2013 p 132

31 Mariage le 12 septembre 1953 in Snegaroff Thomas – Kennedy une vie en clair-obscur – Armand Colin – 2013 photo entre p 129 et 131 in Snegaroff Thomas – Kennedy une vie en

clair-obscur – Armand Colin – 2013

32 Lacan Jacques – Séminaire VII – L’éthique de la psychanalyse – Paris – Seuil- 1986 p 152

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l’autre. L'amour courtois, qui dépayse la scène de réalisation de l’amour est une autre manière

d’assurer la stimulation du désir. Dans l’amour courtois c’est l’interdit issu de loi et non la

jalousie qui entretien la flamme.

C’est parce que l’objet du désir est défendu, parce que son accès induit une transgression, un

au-delà, qu’il engendre le désir. Lacan dira : « la norme du désir et la loi sont une seule et même

chose » 33 Ceci explique que l'amour courtois se porte généralement vers un objet adultérin, la

dame convoitée étant bien souvent l'épouse d'un autre et toujours d’une condition supérieure à

celle de l’homme. Pour exister l’amour présuppose donc un désir barré d’impossible.

C’est dans son article intitulé « La jeunesse de Gide ou la lettre et le désir » 34 que pour la

première fois Jacques Lacan distingue le désir et l’amour. Tout comme : « André [Gide] aimait

Madeleine et désirait ailleurs », John Kennedy compulsivement jouisseur aimait Jackie mais

désirait ailleurs. Outre le fait d’être de belles femmes, ces conquêtes, étaient presque toujours

des chanteuses, de comédiennes, des actrices, hôtesses, mannequins dont le métier,

expression de leur narcissisme ouvrait à John la scène de sa jouissance. La récurrence du

profil de ces femmes marquées d’une condition sociale inférieure à celle de John, est une

condition d’émergence de sa jouissance. Parmi ces femmes citons Marilyn Monroe35 mais aussi

Inga Arvad mariée à un mafioso et espionne allemande. Il y eu aussi Lana Turner, les

sulfureuses Judith Campbell, ancienne femme d’un mafioso, et la call girl de luxe, Ellen

Rometsch 36, Zsa Zsa Gabor, Joan Crawford, Hedy Lamaar, Susan Hayward, la patineuse sur

glace Sonja Henie et Audrey Hepburn 37 Jean Simmons38. L’actrice Lee Remick39 et la strip-

teaseuse Tempest Storm furent aussi conviée dans sa garçonnière quand Jackie était partie en

33 Lacan Jacques – Séminaire l’Angoisse – Paris – Seuil – 2004 p 232

34 Lacan Jacques – Jeunesse d’André Gide ou la lettre et le désir – Ecrits, Paris, Seuil (« Champ freudien ») , 739

35 Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 221

36 Snegaroff Thomas – Kennedy une vie en clair-obscur – Armand Colin – 2013 p 191

37 Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 99

38 Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 219

39 Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 220

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quête de leur nouveau domicile. Il eut même une aventure avec la propre sœur de Jackie à l’été

55 tandis que Jackie envisageait leur séparation. Ni sa maladie, ni son mariage40, ni son voyage

de noce, ni ses enfants ne furent des freins à sa propension à la séduction et à la compulsion de

John. Lorsqu’il fut à la maison Blanche ses conquêtes se muèrent aussi en secrétaires ou des

standardistes spécialement embauchées à cette fin par ses proches collaborateurs, pour être

disponibles en permanence 41 .

Cette constance de profil nous autorise à faire référence à l’article de Freud « Un type particulier

de choix d'objet chez l'homme » dans lequel il indique à propos de certaines femmes : « Il

s'installe, en particulier dans le cas d'un développement vers la beauté, un état où la femme se

suffit à elle-même, ce qui la dédommage de la liberté de choix d'objet que lui conteste la société.

De telles femmes n'aiment, à strictement parler, qu'elles-mêmes, à peu près aussi intensément

que l'homme les aime. Leur besoin ne les fait pas tendre à aimer, mais à être aimées, et leur

plaît l'homme qui remplit cette condition ». John indiquait : « Papa, disait à ses fils de baiser

aussi souvent que possible, raconta-t-il plus tard. Je n’arrive pas à m’endormir tant que je n’ai

pas tiré un coup » 42 . Il se plaignait de maux de tête s’il n’avait pas un orgasme quotidien.43

Selon sa maitresse Inga Arvad Jack était « concentré sur son éjaculation et non le plaisir de la

femme » 44. La jouissance kennedienne était rendue possible pour autant qu’elle se porte sur

des objets hétérogènes à la mère. Cette jouissance se devait d’être frénétique à l’égal de celle

du père. Le cas Kennedy est une illustration des propos de Lacan :

« Est-ce que tous les hommes aiment la femme (…) un psychanalyste

ne peut pas le tenir pour vrai (…) il peut arriver à l’extrême que les

hommes ne puisse pas faire l’amour à la femme qu’ils aiment puisque

c’est leur mère, alors que d’autres part ils peuvent faire l’amour avec

une femme à condition qu’elle soir une mère ravalée, c'est-à-dire la

prostituée » 45

40 « Avant même d’avoir quitté l’église où leur union venait d’être bénie, Jack avait ôté son alliance « in Andersen Christopher – Jackie et John – Histoire d’un couple tragique 41 « Sa vie durant , on lui a appris à considérer les femmes comme des objets à conquérir à posséder, Jack n’avait aucun respect pour les femmes(…) il a été à bonne école » in John et

Jackie Histoire d’un couple tragique – Christopher Andersen – Ramsay – 2003

42 Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 55

43 Snegaroff Thomas – Kennedy une vie en clair-obscur – Armand Colin – 2013 p 188

44 Snegaroff Thomas – Kennedy une vie en clair-obscur – Armand Colin – 2013 p 53

45 Lacan Jacques – L’acte psychanalytique – séminaire non publié – leçon du 27.3.1968

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Si la jouissance kennedienne est marquée du féminin, de l’illimité, de l’océanique, l’amour pour

John est marqué de l’exception propre au masculin et trouve son adresse en Jackie Kennedy,

incarnation non pas de la jouissance mais du « désir du désir », autrement dit du désir de la

Mère (dM). Lors de sa visite officielle à Paris John Fitzgerald se présenta habilement ainsi « Je

suis l’homme qui a accompagné Jackie Kennedy – et j’ai adoré » marquant là l’exception propre

à son épouse et son statut de chevalier servant.46 John Fitzgerald insista sur le fait qu’il n’aurait

pas voulu se marier « avec une femme qui aurait voyagé sexuellement, qui a eu des

expériences sexuelles. Il y a trop de problèmes avec une fille qui est une « voyageuse

expérimentée ». Elle vous compare à d’autres hommes. (...) je veux me marier avec une

vierge » 47 . On voit ici à la fois l’ombre chaste de la mère et la crainte de n’être pas le préféré.

Lacan précise : « Je veux dire que tout ce qui se développe au niveau de l'inter-psychologie

enfant-mère, (…) n'est qu'un immense développement du caractère essentiel, fondamental, de

la Chose maternelle, de la mère, en tant qu'elle occupe la place de cette Chose, de das Ding »48.

Lorsqu’il croit désirer en réalité l’homme aime49. Il aime alors comme il aime sa mère car « la

femme n’entre en fonction dans le rapport sexuel qu’en tant que la mère »50. Ce qu’il offre à la

femme alors c’est le fruit du drame d’avec la mère, c’est la castration 51 .

La sexualité avec Jackie Kennedy est apaisée. Placée en position d’exception Jackie était un

objet d’amour 52. Outre la classe sociale dont elle est issue, elle a les mêmes attributs que Rose

Kennedy qu’il s’agisse de la distance par rapport aux êtres, de sa manière d’apparaître en

public53, de l’importance accordée aux semblants54 55. John contribue à préserver cette distance

et le caractère privé voire secret de cet amour, car jamais il ne fit preuve de geste amoureux en

public. La position d’exception dans laquelle il place Jackie ne s’appréhende pas comme une

volonté de mise en avant de la femme bien au contraire puisque durant sa présidence il n’a

46 Guillaumin Maud – Jackie une femme d’influence – Ed° du moment – 2014 p 25

47 Snegaroff Thomas – Kennedy une vie en clair-obscur – Armand Colin – 2013 p 112

48 Lacan Jacques – Séminaire II – L’éthique de la psychanalyse _ Paris – Seuil – 1986 p 82

49 Lacan Jacques – L’acte psychanalytique – séminaire non publié – leçon du 27.3.1968

50 Lacan Jacques – Séminaire XX – Encore – 1975 – Leçon 9.1.1973 p 47 (Folio) - p 11 (Edition Seuil)

51 Lacan Jacques – L’acte psychanalytique – séminaire non publié – leçon du 27.3.1968

52 Lors de l’investiture , Jackie raconte que c’’était un moment exceptionnel, pour preuve dit-elle « c’était une nuit exceptionnelle, d’ailleurs (…) nous avons dormi dans le même lit » in

Guillaumin Maud – Jackie une femme d’influence – Ed° du moment – 2014 p 55

53 Elle décida de porter des gants lors des manifestations officielles afin que personne ne s’aperçoive qu’elle avait les ongles rongés et les doigts jaunis à force de fumer et s’opposait à

la publication de toute photographie sur laquelle elle apparaissait une cigarette à la main.

54 Jackie avant même de faire la une des journaux pour ses dépenses astronomiques de vêtements lorsqu’elle était primée dame dépensait déjà 250000 dollars de vêtements pas an.

Andersen Christopher – Jackie et John Histoire d’un couple tragique p 213

55 Une fois à la maison Blanche ses dépenses vestimentaires atteignent un demi-million de dollars des années 90 – in Andersen Christopher – Jackie et John histoire d’un couple

tragique p 372

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jamais été précurseur de la parité. En

épousant Jackie , John satisfait les

ambitions56 sénatoriales que son père

nourrit pour lui. Marié, il peut devenir

sénateur et espérer ainsi obtenir l’amour

et la préférence du père 57. Pour John

Fitzgerald Kennedy l’amour courtois fut le

creuset personnel d’un idéal : obtenir

l’amour conjoint de ses parents divisés. Il

est de tradition dans les familles

irlandaises que le fils

aimé porte conjointement le patronyme de ses deux parents. Or chez les Kennedy « ce middle

name », Fitzgerald, c’est John, le deuxième fils Kennedy qui en héritera. (…) Sans le savoir,

sans le vouloir, Joe et Rose ont inscrit dans l’état civil le double héritage de l’ambition familiale

dans les veines de leur deuxième fils » 58 . C’est un peu comme si pour John Kennedy, l’amour

courtois était sa manière d’assumer son Nom-du-Père.

2. Jackie Kennedy et la culture de l’exception

Le personnel de la Maison Blanche était bien entendu au courant des frasques du président et il

est vraisemblable que si Jackie soupçonnait l’infidélité de son mari elle en ignorait l’ampleur.

Jackie Kennedy savait donc ignorer ce qu’elle ne voulait pas savoir et jouissait en contrepartie

des privilèges d’être la Première Dame, position d’exception qu’elle recherchait depuis toujours.

Enfant déjà dans ses jeux elle prenait toujours le rôle de la reine ou de la princesses alors que

sa sœur Lee n’était que dame d’honneur. Jackie possédait même une couronne offerte par son

père59. Enfant elle était fascinée par les princesses Margareth et Elisabeth d’Angleterre 60. Son

amie Laetitia Baldridge, avec qui elle étudia à l’école de Miss Porter précisa : « je pense que les

56 Meyer-Stabley Bertrand – Jackie Kennedy – Pouvoir et Fortune – Pygmalion – 2013 p 63 57 Guillaumin Maud – Jackie une femme d’influence – Ed° du moment – 2014 p 41

58 Snegaroff Thomas – Kennedy une vie en clair-obscur – Armand Colin – 2013 p 24

59 Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 75

60 Meyer-Stabley Bertrand – Jackie Kennedy – Pouvoir et Fortune – Pygmalion – 2013 p 37

Christophe PERROT

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garçons de Yale ou d’Harvard qui venaient nous voir étaient terriblement intimidés (…) elle était

saisissante, elle avait un port de reine » 61 . Lorsqu’elle fut première Dame, elle voulut rénover la

décoration de la Maison Blanche pour en faire « quelque chose de si somptueux que de Gaulle

aurait honte de Versailles » 62 . « C’était davantage une cour royale qu’un gouvernement »

précisa Betty Beale63 . D’ailleurs la presse accentua cette position puisque rapidement elle devint

la « première First Lady » redoublant l’exception signifiante et déclenchant une mode au point

que les femmes s’identifient à elle en copiant ses vêtements, sa coiffure, sa couleur de cheveux 64. Nous avons dit que la jalousie servait à attiser le désir. Or si Jackie souffrait des absences de

son mari, elle n’était pas particulièrement jalouse, elle ne supportait en revanche pas

l’humiliation lorsque les liaisons de son mari étaient trop publiques 65 ou s’il la trompait avec

« des femmes du monde» 66. Autrement dit, elle ne s’indignait pas de la castration que John

offrait à ses maitresses.67

Jackie n’avait pas à être jalouse d’une castration qu’aurait prodiguée son mari à d’autres

puisqu’elle s'était elle-même chargée préalablement de cette castration grâce à sa position de

l’Un qu’elle cultivait depuis toujours.

Position d’exception, lieu de la Chose propulsée dans le réel, elle renvoyait toutes les autres à

un tout. Pour preuve, lorsqu’elle parlait des maitresses de son mari elle parlait des « chiennes

de la Maison-Blanche »68. « En épousant John, je savais que je connaitrais la déception et le

chagrin. Mais je décidais que ce chagrin vaudrait la peine » 69. Enfant au pensionnat lorsqu’il lui

fut demandé ce qu’elle voulait faire plus tard, contrairement aux femmes de son époque et à la

vocation même de ce pensionnat, de sa condition elle inscrivit « Je ne serai jamais une femme

à la maison »70. Dans un de ses cahiers de classe figure la mention soulignée trois fois de sa

main :« Ambition : ne pas être une femme d’intérieur » 71 Lorsqu’elle devint première dame elle

écrivit un long courrier à son couturier Oleg Cassini 72 auquel elle recommanda de parler à la

61 Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 88

62 Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 291

63 Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 359 – Beaty Beale était journaliste au Washington Star

64 Guillaumin Maud – Jackie une femme d’influence – Ed° du moment – 2014 p 75

65 Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 241

66 Guillaumin Maud – Jackie une femme d’influence – Ed° du moment – 2014 p 95

67 Rose Paule Vinciguerra précise que « la jalousie d’une femme vis-à-vis d’une rivale ne s’adresse pas à la jouissance que peut en prendre un homme mais bien à son désir : qu’un

homme puisse donner sa castration à une femme, voila ce qu’elle ne supporte pas – in Femmes lacaniennes – Paris – Ed° Michelle – 2014 p 35

68 Meyer-Stabley Bertrand – Jackie Kennedy – Pouvoir et Fortune – Pygmalion – 2013 p 138

69 Leconte-Dieu Frédéric – Jackie, les années Kennedy – L’Archipel – 2004 p 73

70 Leconte-Dieu Frédéric – Jackie, les années Kennedy – L’Archipel – 2004 p 23

71 Meyer-Stabley Bertrand – Jackie Kennedy – Pouvoir et Fortune – Pygmalion – 2013 p 47

72 Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 272

Christophe PERROT

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presse des créations qu’il faisait pour elle, en insistant sur leur exclusivité mais sans en dire trop

car disait elle : « je veux que la mienne [ robe] soit unique et je refuse de contempler de grosses

petites bonne femmes sautillant dans la même »73. Dans cette même lettre elle demande au

couturier de réaliser un manteau « Très Princesse de Rethy mais jeune« 74

III. L’amour courtois et les anamorphoses kennedie nnes comme illusions 75

1. L’amour courtois pour John : la coupure

Il est raisonnable d’hypothétiser que la

bipartition de John entre amour et désir

s’origine dans la compétition familiale

entretenue par les deux parents

Kennedy . John ne devenant, selon lui,

digne d’amour que dans le cumul de

d’une double perfection aux yeux de ses

parents. Or, cette perfection ne

s’appréhende que dans un rapport

spécifique à l’objet de toute puissance

qu’est le phallus. L’enfant John

Kennedy est pris dans un dilemme

entre l’avoir et l’être. Vis-à-vis de son

père John est demeuré dans la

croyance imaginaire en la toute

puissance de cet attribut glorieux du père. C’est à ce phallus paternel qu’il devait se mesurer en

montrant que l’objet ne manque jamais, ni sexuellement, ni professionnellement et socialement.

Dans le même temps, il devait aussi être ce phallus pour atteindre la perfection aux yeux de la

mère et espérer enfin récolter ses faveurs. 73 Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 p 273

74 La princesse de Réthy était une reine Belge – in Meyer-Stabley Bertrand – Jackie Kennedy – Pouvoir et Fortune – Pygmalion – 2013 p 98 75 L’anamorphose est la manière dont Lacan a eu de rendre compte la façon dont l’humain représente le vide de la chose . Lacan précise « l’illusion de l’espace est autre chose que la

création du vide. C’est ce que représente l’apparition des anamorphose à la fin du XVI°, début du XVII° » - L’éthique p 169 . Cette distinction intervient au chapitre XI intitulé ’amour

courtois en anamorphose la leçon étant introduite par un comparatif entre la sublimation et les peintures rupestres de la grotte d’Altamira comme expression anamorphique.

Maria Callas et Marilyn Monroe lors du 40° anniversaire de

John Kennedy . Ce 19 Mai 1962 Maria Callas chanta

pourtant la Habanera de Carmen, chantre de l’amour s’il

en est… mais l’histoire ne se souviendra que de l’happy

birthday Mister Président chanté par une Marilyn totalement

ivre.

Christophe PERROT

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Ainsi pour John Kennedy l’amour courtois eu pour fonction de concilier ce tout en séparant

l’amour du désir pour les faire s’incarner sous des formes différentes et s’exprimer

simultanément. La courtoisie amoureuse ménage ainsi la vénération de la mère, incarnée par

Jackie, objet d’amour et marqué d’un désir ravalé. L’autre versant est le lieu du désir pur, d’une

jouissance roturière, clandestine marquée du secret.

2. L’amour courtois pour Jackie : la réunion

Du point de vue de Jackie nous savons que ses rapports à sa mère n’étaient pas des meilleurs

et contrastaient singulièrement avec la passion qu’elle éprouvait pour son père. La haine de la

mère de Jackie envers son père, sa tentative d’éviction du père lors de la cérémonie de mariage

de Jackie achevait de sceller la relation d’exception entre le père et la fille.

La « très rigoureuse élaboration

technique de l’approche

amoureuse, qui comportait de

longs stages réfrénés en la

présence de l’objet aimé »76 dont

parle Lacan à propos de l’amour

courtois, avait pour effet dans le

cas de Jackie de lui permettre de

se vouer entièrement à son mari,

avatar paternel, grâce à une

ressemblance notamment

physique. La bipartition qui caractérisait le symptôme de John complétait adéquatement le

symptome de Jackie. Statut marqué de l’exception, sans s’opposer frontalement à sa mère, elle

en prenait enfin la place au côté du père incarné par John qu’elle aimait et avec qui elle eut des

76 Lacan Jacques – Séminaire IV – la relation d’objet – Paris – Seuil – 1994 – p 88

Jacky Bouvier enfant avec son père « Black Jack »

lors d’une manifestation hippique qu’affectionnait

Christophe PERROT

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enfants77. Cette place de la Chose et son admiration pour John permettaient à Jackie d’assouvir

son amour incestuel pour son père et endossait ainsi la place de sa propre mère.

Entre Jackie et John l ’amour a donc eu vocation de suppléance au non rapport sexuel tel qu’il

est avancé par Jacques Lacan avec la particularité que cette construction, bien qu’anachronique

répondait au symptôme singulier de chacun des partenaires et servit de ciment de leur couple.

Si Jackie s’accommoda des liaisons extraconjugales et de l’alternance « absence-présence »

propre à la courtoisie, en utilisant cela en sa faveur, c’est peut être comme elle j’indiquât : « J’ai

toujours pensé que notre mariage avait tenu grâce à ces… brèves séparations qui entretenaient

la flamme de notre amour » 78 .

Après la mort de John Fitzgerald , l’amour courtois ciment de leur couple, eut pour conséquence

que le peuple américain tenta de momifier Jackie dans le rôle de la veuve éternelle maintenue

dans l’errance amoureuse d’un désir à jamais perdu. Son mariage sommes toute rapide avec

Aristote Onassis est à la fois « salutaire et salvateur, c’est un acte héroïque »79 comme l’indiqua

Gérard Miller.

BIBLIOGRAPHIE

Andersen Christopher – John et Jackie histoire d’un couple tragique – Ramsay – 2003 Guillaumin Maud – Jackie une femme d’influence – Ed° du moment – 2014 Jacqueline Kennedy avec John F. Kennedy conversation inédites – J’ai Lu – 2002 Lacan Jacques - Jeunesse d’André Gide ou la lettre et le désir – Ecrits, Paris, Seuil (« Champ freudien ») – 1966 Lacan Jacques - Propos directifs pour un congrès sur la sexualité féminine – Ecrits – Paris – Seuil – 1966 Lacan Jacques - Séminaire VI - Le désir et son interprétation – Paris – Le Seuil – 2013 Lacan Jacques - Séminaire IV – La relation d’objet – Paris – Seuil – 994 – Leçon 9.2.956 Lacan Jacques - Séminaire l’Angoisse – Paris – Seuil – 2004 Lacan Jacques - Séminaire V - Les Formations de l’inconscient – Paris – Seuil – 1998 Lacan Jacques - Séminaire VII – L’éthique de la psychanalyse – Paris – Seuil Lacan Jacques - Séminaire X - l’Angoisse – Paris – Seuil - 2004 Lacan Jacques - Séminaire XX - Encore – Paris – Points – Leçon du 3.3.973 Leconte-Dieu Frédéric – Jackie, les années Kennedy – L’Archipel – 2004 Meyer-Stabley Bertrand – Jackie Kennedy – Pouvoir et Fortune – Pygmalion – 2013 Snegaroff Thomas – Kennedy une vie en clair-obscur – Armand Colin – 2013 Vinciguerra Rose-Paule – Femmes lacaniennes – Paris – Ed° Michelle – 2014

77 « Son mariage avec Jack Kennedy (…) lui permit de trouver un équivalent à ce qu’elle n’aurait jamais pu faire dans la réalité : épouser Black Jack Bouvier » in John et Jackie Histoire

d’un couple tragique – Christopher Andersen – Ramsay – 2003 p 27

78 First Lady, Jacqueline Kennedy, 26° épisode de la série « first ladies » influence ans image in Guillaumin Maud – Jackie une femme d’influence – Ed° du moment – 2014 p 97

79 Dans un entretien avec l’auteure in Guillaumin Maud – Jackie une femme d’influence – Ed° du moment – 2014 p 195


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