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k - Lucknow Digital Library

Date post: 04-May-2023
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499
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THE AMIR-UD-DAULA

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Class No Hook No.J\%\m.

LES ORIGINES

DE LA

FRANCE CONTEMPORAINE

LES ORIGINES

1)E LA FlUNGE C(3NTEMi>0PiAINl!i

L'ANCIEN REGIME

Un volume in-8; 11" Edition. Prix, brochd . . . . ,7 fr. 50

LA REVOLUTION

TOME I

L ' A N A R C H I E

Un volume in-8; 13^ Edition. Prix, brochS . . . . 7 fr. 50

TOME II

LA C O N Q U E T E J A C O B I N E

Un volume ia-8; 12° Edition. Prix, brocks. . . . 7 fr. 50

TOME III

LE GOUVERNEMENT RfVOLUTIONN Al RE

Un volume in-S; 7" Mition. Prix, brochS 7 fr. 50'

13071. — liuprimerie A. Lahure, rue de Fleurus, 9, i Pans

LES ORIGINES

FRANCE (lOWRMPORAINE

II. TAINE DE L ' A C A D E M I E FRANgAlSE

LA REv5Lt^I0.\ TOME II

LA GONQUETE JACOniNE

DOL'ZIKME EDITION

PARIS L I B R A I R I E H A C I I E T T E ET C

7 9 , BOULEVARD SAINT-GEBMAIN, 79

1885 Droiu daproprtiii at d* iraJuclioa r^scrv'*

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J I A-

6 as 4

PREFACE.

Dans ce volume, comme dans Ics precedents et

dans les suivanls, on ne trouvera que I'liisLoire dcs

pouvoirs publics. D'autres feront celle de la diplo­

matic, de la guerre, des finances, de I'Eglise; mon

sujet etait limits. Pourtant, a mon grand regret, ce

nouveau livre occupe un volume, et le dernier, sur

le gouvernement revolutionnaire, sera aussi long.

J'ai encore le regret de prevoir que cet ouvrage

deplairaa beaucoup de mes compatriotes. Mon excuse

est que, plus beureux que moi, ils ont presque tons

des principes politiques et s'en servent pour juger le

passe. Je n'en avals pas, et meme, si j 'ai enlrepris

mon livre, c'est pour en cliercber. Jusqu'a present,

je n'en ai guere trouve qu'un, si simple qu'il semblera

pueril et que j'ose a peine I'enoncer. Neanmoins, j"y

suis tiinu; car tous les jugements qu'on va lire en

derivent, et leur v^rite a pour mesure sa verite. II

consisle tout entier dans cette remarque qu'w/ie socieU

LA

CONQUETE JAGOBINE

LIVRE PREMIER.

L E S J A C O B I N S .

CIIA PURE I.

Kurmalion dn nouvcl organc polilique. — I. Trincipo du parli rcvoliilion-iiair'o. — Ses apiilioalions. — 11. Forinalion du Jacobin. — Lcs cle-ineiils dc son caraclcrc considcrcs dans I'cspecc liumainc. — Dans louliJ sociclOj rorpucil cl Ic dognuilismc sunt froisscs cl rcvolles. — Comincnl ilssonlconlcniisdansles sociiHcs bien assises. —Comment ilsse dcvclop-ponl dans Ic regime noiiveau. — KffcL du milieu sur lcs imaginations cl les andjilions. — I'rovocalion ii I'ulopie, dobordemcnl de la i)arole, de-ilingemcnl dcs idees, — Vacancc des places, ap[)el aux convoiliscs, dcreglcmenl du occur. — III. Psycbulogie dn Jacobin. — Son procedc inlcllecUicl. — Domination dcs formiiles cl suppression dcs fails.—Alte­ration dc roquilibre mental. — Indices dc ccllc alteration dans le style

. rcvolijlionnairc. — Langue el porlce d'esprit du Jacobin — Eii quoi son precede est malfaisanl. — lln quoi il est criicacc. - Illusion (ju'll produil. _ I V . — I'roniesscs dc la llioorie. — Comincnl cllc llaUc I'amour-proprc soulfranl. — I'assion mailresse du Jacobin.— Indices de ccllc passion dans son style cL dans sa conduilc— A ses yeu\, il csl scul vcrtueux ct scs advcrsaires sonl des scoierals. - En conscqncncc.il doil les suppri-nicr.— Aclicvcmonl de ce caractcrc. — Tcrle du sens comniun el pervcr-

; sion du sens moral.

Dans ccttc sncielc dissoule oil lcs passions popiilalres sonl la scule force elTeclive, rcmpire est au parli qui

k LA REVOLUTION,

saura Ics flaUcr pour s'cn servir. Par suilc, a cOle du gouvcrnement legal qui ne peut ni Ics reprimcr ni Ics salisfaire, il sc forme un gouvcrnement illegal qui Ics aulorisc, les cxcilc et les conduit. A mesurc que le pre­mier se decompose et s'alfaissc, le second s'affermit ct s'organise, jusqu'u ce qu'enfin, devenu 16gal i son tour, 11 prcnne la place du premier.

Dfcs I'origine, pour justifier toute explosion et lout allcnlat populaire, unc theorie s'cst rencontree, non pas improvisee, surajoutce, supcrncielle, mais profond6ment. enfoncee dans la pensee publique, nourrie par le long Iravail de la philosophic anterieure, sortc do racine vivace et pcrsistanle sur laquelle le nouvel arbre consti-lulionncl a vcg6le : c'est le dogmc do la souvcrainelc du pcuple.-Pris i laleltre, il signifie que Ic gouvcrnement est moms qu un commis, un domestique^ C'est nous qui " 1 avons institu6, ct, aprfes commc avant son institulion nous restons scs maitres. Enlrc nous et lui, « point de « contrat » indefini ou du moins durable « qui „e puisse « 6lreannul6quepar un consenlemcnt mutuel ouparl'in « fid61ite d'une dcs deux parties». Quel qu'il soil ct quoi qu'il fasse, nous ne sommes Icnus a rien envers lui il est lenu a lout envers nous; nous sommes toujom-s hbres « de modifier, limilcr, reprendre, quand il nous « plaira, le pouvoir dont nous I'avons fait deposilaire J Par un tilre de propriete primordiale ct inalienable, la

1. Cf. VAncien Ueoime, 317. Ces te.xlcs sont cxlmiis dn r . „ , , -DucI.ezcl noux, Jlisloire parlcmcnlaive AXU 0 ^ ^ , " ' ' ° ' ' ' ^ lue |)ar Mobespierrc aux Jacobins le ^l avril V o-? , , ' '•^ '<^" Jesdroils c

LES JACOBIXS. 5

chose publique est u nous, a nous seuls, ct, si nous la rcmellons entre ses mains, c'csL a la faron dcs rois qui delegucnt provisoirement leur aulorilc a un minislre; celui-ci est toujours lent6 d'abuscr: i nous de le sur-vcillcr, dc I'avertii*, dc le gourmander, de Ic reprimer, et, au besoin, de le chasser. Surtout, prcnons garde aux ruses et aux manoeuvres par lesquelles, sous pretexle dc Iranquillitd publique, il voudrait nous lier les mains. Une loi sup6rieure a loutes les lois qu'il pourra fabriquer lui inlcrdit de porter altcintc a notre souverainele, et il y portc alleinte lorsqu'il cnlreprend d'cn pr6venir, gtincr ou empficher rexcrcicc. L'Assemblec, mCme consliluante, usurpe quand elle traitc le peuple en roi faineant, quand clle le soumet a des lois qu'il n'a pas rati(i6es, quand elle no lui permet d'agir que par ses mandataires; il faul qu'il puisse agir lui-m6me ctdireclemcnt, s'asscmbler, d6-liberer sur les affaires publiques, discnler, contrCler, bld-mer les actes de ses 61us, peser sur eux par ses motions, rcdrcsser leurs errcurs par son bon sens, suppleer i\ leur mollesse par son 6ncrgie, mcttre la main avec eux au gou-vernail, parlbis les en ^carter, les jetor violcmmcnt par-dessus le bord, et sauver le navire qu'ils conduisent sur un ecueil.

Effcctivemcnt, telle est la doctrine du parti populairc; au 14 juillet 1789, aux 5 et 6 octobrc, il I'a mise en pra­tique, et, dans les clubs, dans les journaux, dansl'Assem-blee, Lo'iistalot, Camille Desmoulins, Fr6ron, Danlon, Marat, Pction, Robespierre, ne cesscnt point de la pro-clamer. Selon eux, local ou central, partout le gouver-nement empiete. A quoi nous sert-il d'avoir renvers6 un despotisme, si nous en instituons un autre? Nous no subissons plus I'aristocralie dcs privilegi6s, mais nous subissons « I'aristocralie de nos mandalaircs* ». A Paris

1. Buclicz cl Roux, III, 324. article de Louslalol, 8 novcmbre 1789. —

6 LA RKVOLUTION.

Ueja, « le corps des ciloycns u'csl plus rien, la immici-« palile csl louL » Elle allenle a nos droils imprcscrip-liblos quancl cllc refuse a undislricl lafacuUc dc rcvoqucr a Yolontc les cinq chis qui le rcprescnlcul a VHulcl de Yillc, quand cllc fait dcs rtiglcmcnts sans les soumcUrc CL la sanction des clcctcurs, quand elle empechc les ciloycns dc s'asscmblcr oil bon Icur semble, quand elle trouble les clubs en plcin vent du Palais-Royal : « Le patrouillo-« tismc en chasscle patriolismc, « cL Icmairc Hailly « qui « se donne unc livree, qui s'applique 110 000 livres dc « trailemcnt », qui distribue dcs brevets de capitaine, (\m impose aux colporteurs I'obligation d'avoir unc plaqvic, cL aux journaux robligaliou dc porter unc signa­ture, est, non seulcment un tyran, mais un concussion-nairc, un voleur, et « un crimincl de Ifjsc-nation », —Dcs usurpations pircs sont commises par rAssemblce natio-nale. Preter sernient a la constitution, commcclle vientdc Icfairc, nous imposcr son ccuvre, nous la ("aire jurer, sans tcnir compte denoti»e droit supcrieur, sans r6server noire ratiTicalion expressed, c'cst « meconnailre noire souvc-« raincte «, c'est« sc jouer de la majeste nationale «, c'est substitucr a la volontedu peuplc la volontc de douze cents personnes : « nos reprcsentants nous ont manque de « respect. » Ce n'est pas la premiere fois, et ce ne sera pas la dcrnicre. En mainte occasion, ils ont cxccdc Inur mandat; ils dcsarment, bdillonnent ou mutilent Icur souverain legitime; ils font, au nom du peuplc, dcs dccrcls contrc le pcuple. Telle est lour loi marlialo^ ima-

Ib. 331. Motion du district dcs Cordeliers, preside par Danton. — Ih., 239. DcnonciaUon dc Marat conlre la iminicipallle. — V, 128; Vi, 2/I-.'J1 (mars n90). La majorite des districts rccla\ne la permanence des districts, c'est-i-dire dcs assemblces polilicpics souvcraines.

1. IJijclicz et Roux, IV, 408, seance du 24 fcvricr 1790, article dc I.ovisla-lol. — III, 202. Discours de Roi)espierrc, seance du 21 oclobre 1789. — lb 219. An<ile du district Saint-Martin, decidunt que la loi marliale ne sera nas ..xeculco. - lb., 222, arlicle de Loustalot.

LI<:s JACOBINS. 7

gin(5epoiir«cloiilTer I'insuiTcclioii dcs cUoycns », c'cst-a-dirc la soiile rcssourcc qui nous rcsle conlrc Ics conspi-rateurs, Ics accaparcurs ct los Iraitrcs. Tel est Ic dccret qui intercHL loutc afliclic ou pelilion coUccLivc, « decrct « nul etdc toulcnullilc », cL « qui conslitucle plus affreux « attcnlal aux droits dc la nation* «. Telle est surtout la loi elcctorale, qui, exigeant des electeurs un petit cens et des eligibles un cens plus fort, « consacre rarislocratie « dcs riches. » Les pauvrcs, cxclus pnr le dccret, doivcnt le considcrer commc non avciiu, sc faire inscrire d'aulo-rite ct voter sans scrupulc; car le droit nalurel prime le droit ccrit, et les millions de citoycns qu'on vient dc dcpouillcr injustement de leur rote n'auraient exerce que de jusles « reprcsaillcs », si, au sortir dc la seance, ils avaient pris au collet les chefs de la majorite usurpatrice en leur disant : « Yous venez de nous retrancher de la « societe, parce que vous ctiez les plus forts dans la salle; « nous vous relranchons a votre tour du nombre dcs « vivanls, parce que nous sommes les plus forts dans la « rue. Yous nous avez tucs civilement; nous vous tuons « pliysiquemcnt. »

Aussi bien, a ce point de vue, loute 6meule devicnl legitime. Robespierre, i la tribune', excuse les jacqueries, refuse d'appeler brigands les incendiaires des chiiteaux, justifie les insurg6s de Soissons, de Nancy, d'Avignon, des colonies. A propos dcs deux pendus de Douai, Desmou-lins reniarque qu'ils I'ont etc par le pcuplc ct par Ics sol-dats reunis : « Des lors', je Ic dis sans crainlc de me

1. DuchczclRotix, X, 124,arliclc de Maral., — \ , V^2. Discouvs de Hobespierro,seancedu9mai 1*91.-111, 247, arliclc deLoiiflalot. —/b. , 217. Discoiirs dc rtobcspierrc, seance du 22 octobrc 17>S9. — lb., 431, articles de l.ouslalotct dc Dcsmoulins, novembre 1789.— VI, 336, ai-liclesde Lousta-

' lotct de Maraf, jiiillet 1790. 2. Ernest Ilamel, Ilisloire de RoVespierre, I, 436 ct passim. Ilobespierre

propose d'accorder au.v liommcs de coiileur les droits poliliques. — Bucliez <'l noux, IX, 264 (mars 1791).

8 L X RtiVOLUTlON.

« Iromper, ils avaienL legitime rinsurreclion; » ils 6laient coupablcs, el Ton abien fait de les pcndre'. - N o n sou-Icment Ics iiicneiirs du parti cxcuscnt les assassinals, mais encore ils les provoqiicnt. Desmoulins, « ensaqua-« lite de procnreur general de la lantcrne, reclame, dans « cliacun desquatre-vingt-trois departcments, la dcscente « comminatoirc d'une lantcrne au moins,» et Marat, dans son journal, au nom des principcs, sonne incessamment Ic tocsin, c Lorsque le salut public est en danger, c'est « au pcuple a rctirer Ic pouvoir dcs mains auxqucllcs il « raconri6....l\enfermezrAutrichicnneetsonbcau-iVerc.... « Saisissez-vous de tons les ministrcs et dc leurs commis, « mettcz-les aux Icrs, assurez-vous du chef de la muni-« cipalite et des lieutenants du maire; gardez a vue le « general, arrOtez I'etat-major.... L'heriticr du IrOnc n'a « pas le droit de diner, lorsque vous manquez de pain. « Rassemblez-vous en corps d'arm6e; presentez-vous a « VAssembl^c nationale, et demandez qu'a I'instant on « vous assigne de quoi subsistcr sur les biens natio-« naux.... Demandez que la contribution patriotique soil « appliquec a fairc un sort aux indigents du royaume. Si « Ton vous refuse, joigncz-vous a I'armee, partagez-vous « les Icrres et les richesses des scelerats qui ont enfoui « Iciir or, pour vous reduire par la faim a rentrer sous « le joiig.... Yoici le moment de faire tomber les teles des « mj)iislrcs et de leurs subalternes, dc Lafayette, de tons « les scelerats de I'^tat-major, de tons les commandants « anlipatriotes des balaillons, dc Bailly, de tons Ics mu­te nicipauxconlre-revolutionnaires, de lous les traitres dc « rAsscmbl6c nationale. » — A la v6rite, parmi les gons un pen eclaires, Marat passe encore pour un exagei-e pour un furieux. Pourtant, tel est le dernier mot dc la

1. Bucliez a Roux, V, KiS (mars 1790); VI, 436 (26 juillct 1790)- VIII 2'i7 (clcccmbrc 1790), X, 224 (juin 1791). "

LliS JACOBIXS. 9

llieoric : dans la maisoii polilique, au-ilessus ties pou-vciirs doleguos, rcgulicrs el le.c^aux, clle inslalle un pou-voii- anonyme, imbecile ct terrible, doiit rarbitrairc est absolu, dout I'initialive est contiiiuo, dont rintervcntion est meiirtriere : c'est le peiiple, sullaii soiipconneiix el ferocc, qui, apriis avoir nomme scs vizirs, garde toiijours ses mains librcs pour Ics conduire, et son sabre tout affile pour Icur coupcr le con.

II

Qu'un speculatil", dans son cabinet, ait I'abriquc cclie llieoric, cela se comprend : le papier soulTre tout, et dcs homnies abstraits, dcs simnlacres vides, des marionnettcs pliilosophiques, comme cellcs qn'il invente, sc prelent a loule combinaison. — Qu'un maniaquc, dans sa cave, adople et prCche cetle llieorie, cela s'cxplique aussi : il est obsede dc fanlOmes, il vit hors du nionde reel, et d'aillcurs, dans ccttc democratie incessamment soulev6e, c'est lui, r6ternel denonciateur, le provocateur dc toutc emcutc, rinstigatcur dc tout mcurtre, qui, sous le nom d' « ami du pcuplc », devicnt I'arbitrc de toutc vie et le veritable souverain. — Qu'un peuple, surcharge d'impols, miserable, aflame, endoctrine par des dccla-

^ maicurs et par des sophisles, ait acclamc et pratique cettc lli6orie, cela se comprend encore : dans rcxlrcmc souf-france, on fait arme de tout, et, pour Fopprime, nnc doc­trine Cot vraie, quand cllc I'aidc a sed61ivrcr dc I'oppres-sion. — Alais que des politiques, des legislaleurs, des hommes d'Elat, finalcmcnt des ministres et dcs chefs de gouvcrnement se soicnt attaches a cetle thcorie, qu'ils I'aient embrasseeplus etroilement a mesure qu'elle deve-

'nai-t plus destruclive, que, tous les jours, pendant trois ans, its aient vu I'ordre social croulcr sous ses coups, piece a pil'cc, ct n'aient jamais rcconnu en elle I'inslru-

10 LA REVOLUTION.

incnt dc laul dc niincs; que, sous Ics claries dc rcxp6-ricncc la plus dcsastreusc-, au lieu d'avouer sa niallai-sance, ils aicnt glorlPie ses bicnfailsj que plusieurs d'culre eux, lout un parli, une asscinblec presquc enliero, TaicnL veneree coinme un dogine ct I'aicnt appli(|uee jusqu'au bout avcc renlhousiasmc et la raidcui* d" la I'oi; que, poussos par ellc dans un couloir 6lroil, (jui se relrccissait toujours davanlagc, ils aienl niarclic loujours en avant en s'ccrasanl Ics uns les aulrcs; qu'arrivcs au Icrme, dans Ic temple imagiuaire de leur liberie prc-tcnduc, ils so soicnt Irouvesdans un abattoir; (pie, dans rcnccinte de cettc boucberlc nationale,ils aient etc lour a lour Ics assommcurs ct le bclail; que, sur Icurs niaximes <lc liberie univcrselle et parfaite, ils aiciU inslallc un • lospolismc digne du Dabomcy, un tril)unal parcil a cclui <le rinquisilion, des hecatonibes humaincs scmblables a ccllcs dc rancicn Mexique ; qu'au milieu de levirs prisons et de Icurs ecbafauds, ils n'aiont jamais ccsse dc croirc i\ leur bon droit, a leur humanile, li leur vcrlu, ct quo, <lans leur chute, ils se soient consid6r6s commc des mar­tyrs; cela, certes, estetrange: une telle aberration d'cs-prit ct un tel exces d'orgueil nc se rcncontrent gnhvc, et, pour les produirc, il a fallu un concoursdc circonstanccs qui nc se sonl assemblecs qu'une scule fois.

Pourlant, ni ramour-propre exagcrc ni Ic raisonne-!nent dogmatiquc ne sont rares dans Tespece humaine. Kn lout pays, ccs deux racincs dc Tesprit jacobin sub-sistent iadcslruclibles ct souterraines. Parlout cKcs sonl comprimces par la socictc elablie. Parlout ellcs lacbcnt dc desceller la vieille assise hislorique qui pose sur cllcs dc lout son poids. Aujourd'hui commc aulrclbis, dans des mansardcs d'etudianls ct dans des garnis dc bohcincs dans des ciibinels deserts de mcdccinssans clients ct d'a-vocals sans causes, il y a dos llrissoIs,dcs Daalons des Marals,dcs Robcspicrres,dcs Sainl-Justscn g c r m c mais.

LES JACOBiXS. . U

faille d'air ct do jdacc au solcil, ils n'ecloscul i)as. A vingL ans, quaiul iiii jcunc liomme cntrc dans Ic mondc, saraisoncsL froissec en mciinc Icmps que son orgncil.— En premier lieu, qnollc que soit la sociele dans laqucllc il est rompris, cllc est un scandalc pour la ralson pure : cat* ce n'cst pas un legislalcur philosophe qui Ta fonsliMiilc d'aprcs un principe simple; ce sonl dcs gcne-ralions successivcs qui I'onl arrangee d'apres Jcurs hesoins multiples ct cliangeanls. Elle n'est pas I'lruvrc de la logique, mais de ri-.isloirc, et Ic raisonncur dcbu-lant leve Ics epaulcs a I'aspcct de ccltc vicillc bcdissc donl I'assisc est arbitrairc. dont rarchileclure est incobe-rcnlc, ct dont Ics raccommodages sonl apparcnts. — En second lieu, si parfailes que soient Ics institutions, Ics Jois et les moeurs, commc cllcs I'ont precede, il ne Ics a [loint conscnties ; d'autrcs, scs predecesseurs, out clioisi pour kii, et font enferme d'avance dans la forme morale, politique ct socialc qui Icur a plu. Pen importc si cllc lui deplait; il faul qu'il la subisse, ct que, commc un cheval allele, il marcbc entrc deux brancards sous le barnais qu'on lui a mis. — D\'iillcurs, quelle que soit I'organisa-tion,conime, par essence, cllc est line bicrarcbic, prcsquc toujours il y est ct il y rcsi.era suballerne, soldal, caporal on scrgenl. Memo sous le regime le plus liberal ct la oii Ics premiers grades sont acccssibles a tons, pour cinq on six bommes,qui priment ou commandcnt, il y en a cent milje qui sont primes ou commandes, et Ton a beau dire a cbaquctconscrit qu'il a dans son sac Ic balon do mare-cbal dc France, neuf cent-quatre-vingt-dix-ncuf fois sur millc, il decouvrc tres-vile, apres avoir fouille le sac, que le baton n'y est pas.— Riend'ctonnant s'il est tente de rcgimber contre dcs cadres qui, bon gr6 mal grc, Tenre-gimcnlcnl, ct dans lesqucls la subordinalion sera son lol. Ricn d'elonnant si, au sortir dc la tradition, il adopte }a Ibcorie qui soumct ces cadres ci son arbitrairc cl lui

12 . LA REVOLUTION.

conferc loulc aulorilo sur scs superieurs. D'aulanl plus qu'il n'y a pas de doctrine plus simple el mieux appro-price a son inexperience; elle est la scule qu'il puisse comprendre et manier du premier coup : dc la vicnt que la plupart des jeunes ^ens, surtoul ccux qui ont leur che-min d fairc, sent plus ou moins Jacobins au sorlir du col­lege; c'csl unemaladie de croissancc^. — Dans les socieles l)ien conslituees, la maladie est benignc ct guerit yile. L'etablissenienlpublic clant solide et soigneusement garde, Ics m6conlcnts d6couvrent promplcmenl qu'ils sonl Irop laibles pour l'6branlcr et q\i'e\ comballre scs gardiens ils nc gagncront que des coups. Eux-m6mes, apres avoir murmure, ils y entrent par une porte ou par une autre, sc font Icur place, en jouisscnt ou s'y resignent. A la fin, par imitation, par habitude, par calcul, ils se Irouvent cnr6les de coeur dans la garnison qui, en protegeant I'inleret public, protege par conlre-coup leur interfil privc. Prcsque loujours, au bout de dix ans, un jeunc liomme a pris son rang dans la file cl y avancc pas a pas dans son compartiment, qu'il nc songc plus u casscr, sous I'ceil du sergent de ville, qu'il nc songc plus imau-dire. Sergents de ville et compartiments, parfois m6me il les juge utiles, et, considcrant les millions d'individus qui se heurtent pour gravir plus vite Tescalier social, il parvient i comprendre que la pire des calamitcs strait le manque de barrieres et de gardiens, — Ici, les barrieres vcrmoulucs ont craquo toules a la fois, et les gardiens debonnaires, incapablcs, ed'ares,ontlaisse toutfaire. Aus-silCt la societCjdissoutc, est dcvenue un pfilc-nitile, une cohue qui s'agile et crio, cliacun poussant, pousse, tous exalles d'abord ct se lelicitant d'avoir cnfin Icurs coudees franchcs, Ions cxigeant que les nouvelles barric^rcs soicnt

1. G. riaiibcil. "Toiil nolairc a rCvo des sullancs." {Madame Bovaru ) rrccluriclroiivailqiie le bonlicur nicrilc par rcxcellcnce dc son ame't' >'.aU il Ycnir » (L'Educalion senlimcntale.)

LES JACOBINS. 13

aussi fragiles, ct Ics nouveaux gardiens aussi cl61)ilcs, aussi desarmes, aussi iiici'Lcs qu'il sc pourra. C'cst cc que Ton a fait, ct, par une consequence naturelle, Ics gens qui etaicnt aux premieres places ont 6tc relegues aux dcr-nieres; beaucoup ont ele assommes dans la bagarre, et, dans le desordre permanent qu'on appelle I'ordred^finitir, les talons rouges, les cscarpins continuent i etre ecrases par les gros souliers et les sabots. — A present I'csprit dogmatique et I'amour-propre intemperantpeuventsedon-ner carriere : il n'y a plusd'clablissement ancien qui leur impose, ni dc force physique qui Ics reprime. Au con-Iraire, par scs declarations llieoriqucs et par ses appli­cations pratiques, la constitution nouvcllc les invite a s'ctaler.— Car, d'une pari, en droit, elle se dit fondee snr la raison pure, et debute par une enlilade de dogmes abs-Iraits desquels elle pretend di^duire rigourcusemenl scs prescriptions positives : c'est soumettre toutes les lois au bavardage des raisonneurs qui vont les interpreter et les violer d'apres les principes. — D'autre part, en fait, elle livre tons les pouvoirs a I'election ct confcrc aux clubs Ic contrClc des autorites: c'cst offrir une prime a la pre-somption des ambitieux qui sc mcttcnt en avant parce qu'ils se croient capables, et qui difTament Icurs gouver-nants pour les remplacer. — Tout regime est un milieu qui opere sur les plantes humaines pour en developpcr quelques especes et en etioler d'autres. Celui-ci est lo meilleur pour faire poiisser ct pulluler Ic poliLiquc de cafe, le hilrangueur de club, le inolionnairc de carrefour, I'insurge de place publicpie, le dictateur de comite, brcf le revolutionnaire et Ic tyran. Dans cette scrrc chaudc, la chimere et Toutrciuidance vont prendre des proportions monstrueuses, et, au bout de quelques mois, lescerveaux ardeuis y dcviendront des cervcaux brulcs.

Suivons Peirct dc cette temperature excessive ct mal-sainc sur les imaginations et les ambitions. La vieillc

14 LA REVOLUTION,

batissc esl a bas; la nouvelle n'csl pas assise; il s'agM dc refaire la socielc de fond en comble; lous les honimcs de bonne volonle sonL appeles a rocuvre, cl commc, pour tracer le plan, il siilTiL d'appliqucr nn principe simple, le premier venu pout en venir a bout. Des lors, aux assemblies de section, aiix clubs, dans les gazettes, dans les brochures, dans toulc cervelle aventureuse et prccipilee, le reve politique Iburmillc. « Pas un comniis « marchand forme par la lecture dc 17/c/o/.sc', point de « maltre d'ecole ayant Iraduit dix pages dc Titc Live, « point d'artislc ayant feuillctc Rollin, point de bel espirt « devcnu publicistc en apprenant par cocur les logo-« griphes du Contrat social, qui ne fassc une constitu-« lion.... Comme rien n'olTrc moins d'obstacles que de « perfectionner I'imaginaire, tons les esprits remnants « se repandcnt et s'agitent dans ce monde ideal. On com-« mcnce par la curiositc, on finit par renthousiasme. Le « vulgaire court a cct essai, commc I'avare a unc opera-« lion dc magic qui lui promct des trcsors, ct, dans cctte « fascination puerile, chacun esperc rcncontrer a la fois « ce qu'on n'a jamais vu, mcmD sous les plus libres « gouvernemenls, la perfection inimuable, la fratcrnitc « universelle, la puissance d'acquerir tout ce qui nous « manque et de nc composer sa vie que dc jouis-« sauces. » C'cn est dcja une, ct trcs vivc, que dc specu-ler ainsi; on plane dans les cspaces : au mOyen dc huit ou dix phrases toutes failcs, grace a I'un dc ces cale-chismesde six sous qui courcnt par milliers dans les cani-pagnes et dans les faubourgs-, un procurcur dc villafc

L Mallcl-Diifian, Memoircs, II, 241. 2. Enlrcticns du Vdre Gdrard, parCollot crUeibois. - Les Elrcnnc^ an peu-

pJc, par iJancrc. - La ConsUtution franraise pour les hahiUnw.' dcs^ajL'n gncs e t c . - Plus lard, VAIpl.abctdes Sans-CrdotU's, leNonvecmCatcchLu r^pubhcatn, les Commandemenls de ia Palrieetde la nenubliouc'in vers), etc. ' I'l'i/uc i i

LHS JACOBINS. ] 5

un commis dc baiTiei*e, iin coiilrulcvir de contre-inarqucs, un sergenl dc cliambrec, so Irouvc legislatcur ct philo-soplie; il jiigc Maloncl, Mirabeau^ Ics minislrcs, Ic roi, rAsscmblec, rEglise, Ics cabincis clraii.^'crs, la France el I'Europc. Par suilc, siu* ccs haulcs nialicrcs qui lui scm-blaleiil pour Loujours inlcrdilcs, il laildcs motions, il lil des adrcsses, il liaranguc, il csl applaudi, il s'admire de raisonner si bicn cL avcc dc si grands mots. A prcsenl, c'est un cmploi, unc gloire cl un profit que dc pcrorcr sur des questions qu'on n'cnlcnd pas. « On parle plus « en un jour, dil un lemoin oculaire^ dans unc scciion « dc Paris que dans toulcs Ics asscmblces poliliqucs dc « la Suisse pendant rannce enliere. Un Anglais cludicrait « six mois ce que nous decidons en un quart d'lieurc, « ct parlout, dans les botcls dc villc, aux socielcs popu-laircs, aux assemblccs de section, dans les cabarets, dans les promenades publiques, au coin des rues, la vanitc inslalle unc tribune pour le verbiage. « Qu'on examine « I'incalculablc activity d'une semblable macbinc cbcz « unc nation loquace OLI la iurcar d'etre quelque chose « doniinc sur toutcs Ics aulrcs alTcctions; oil la vanitc a « plus dc faces qu'il nc brillc d'cloilcs au iirmamcnt; oia « les reputations ne coutaicnt dcja que la peine de rc-« peter souvent qu'on les mcritait; oil la socictc sc Irou-« vait'partagce enlrc les 6tres mediocres ct Icurs pro-« neurs quisles divinisaienl; oii si peu de gens sent « contents dc Icur situation; oii Ic marcband du coin est « plus glorieux de son epaulette que lo grand Condc nc « l e t a i tdc son baton de commandement; oil Ton s'agile « perpetucUcment sans moycns comme sans objet; oii,. « du froltcur au dramaturge, de racadcmicien a Tinno-« cent qui barbouille la feuille du soir, du courlisan bel

1. Mercure de France, ailicle de Maliel-Dupan, 7 aviil 1792 ([\esura6 do I'annee 1791)..

16 LA Rl^iVOLUTlOlN.

« esprit u son laqaais philosophe, chacun refail Monles-« quieu avec la suffisance d'un enfant qui se croit savant « en commencant a lire; oil I'amour-propre dc la dispute, cc de I'ergoterie et du sopliisme ont tue toute conversa-« lion sensee; oil Ton ne parte que pour enseigner, sans t' se douler qu'il faut se taire pour apprendre; oii Ics « triomphes de quelques fous ont fait sortir de leurs loges « tons les cerveaux timbres; oii, lorsqu'on a combincdeux « sottises d'apres un livre qu'on n'a pas compris, on se « donne des principes; oil les escrocs parlent dc morale, « les femmes perdues de civisme, et les plus infdmes des « husnains de la dignite de I'cspecc humaine; oil le valet « alTranchi d'un grand seigneur s'appelle Brutus! » — Effectivement, il est Brutus i ses propres yeux; a I'occa-sion, il le sera tout k fait, surtout contre son dernier raaitre; ce n'est qu'un coup de pique i donner. En atten­dant qu'il fass.e les actions du r61e, il en dit les paroles, il s'echauITc par ses tirades; ti la place de son bon sens, il n'a plus que les mots ronflants du jargon revolution-naire, ct la declamation, achevant I'oeiivre de Tutopie, allege son cerveau de son dernier lest.

Ce ne sont pas seulement les idees que le nouveau re­gime a derangccs, ce sont aussi les sentiments qu'il dereglc. « Du chateau de Versailles et de I'antichambrc cc des courtisans, I'autorite a passe, sans interniMiairc « et sans conlrc-poids, dans les mains des proletaireset « de lours flattcurs'.» Brusqucment lout le personnel de Tancien gouvernement a etc ecaric; brusquemcnt I'elec-liou universelle en a installe un autre, et les places u'ont point etc donnces a la capacito, ii ranciennete, u I'cxperiencc, mais u la suffisance, a I'intrigue et a I'exa-geralion. Non seulement les droits legaux ont etc nivelcs mais les rangs nalurels ont ele transposes; reche^Je so-

1. Mercuredc France, n°' du 30 dccembre 1791, el du 7 avril 1792.

LES JACOBINS. 17

ciale, renversde, a 616 replantee le bas en haul, et le premier elTet de la rdgeneralion promise « a 6t6 dc sub-« slituer, dans la gestion des affaires publiques, des « avocals aiix magistrals, des bourgeois aux minislres « d'Etat, des ci-devant roluriers aux ci-devant nobles, « des citoyens a des soldats, des soldats a des officiers, « des officiers b. des gencraux, des cures i des evCques, « des vicaires a des cures, des moines d des vicaircs, des « agioleurs a des financiers, des empiriques A des « administrateurs, des journalistes t\ des publicisles, des « rh6teurs h des 16gislaleurs, et des pauvres i des r i -« ches. » — A ce spectacle, toutcs les convoiliscs se sont redressees. La profusion des places offertes etdcs vacan-ccs attendues « a irrite la soif du commandemcnt, ten-

du I'amour-propre, et enflamme I'espirance cbez les liommes les plus ineples. Une farouche etgrossiferc prd-somption a d61ivr6 le sot cL4^ig»orant du sentiment de leur nullity, lis se sant crus capables de tout, parce que la loi accordait les fonclions publiques h. la seulc capacile. Chacun a pu cntrevoir une perspective d'am-bition : le soldat n'a plus songe q u ' i deplaccr I'offi-cicr, rolTicier qu'a devenir general, le commis qu'a sup-planter I'administrateur en chef, I'avocat d'hier qu'a se v6tir de la pourpre, le cure qu'a devenir cveque, le Ict^rc leplus frivole qu'a s'asscoir sur le banc des legis-laleurs. Les places, les 6tats, vacants parlanominalion de tant dc parvenus, out offerl a leur lour une vaste

< carriei:e aux classes inferieurcs. » — Ainsi, dc proche en proche, par le deplacement des conditions, s'cst opere Tcbranlement des amcs. « Ainsi Ton a Iransformc la " France en une table de joueurs, ou, avcc Toffrande « du ciloyen aclif, avec du parlagc, dc Taudace et une ti IClc cflcrvescenle, rambiticux le plus suballcrnc a •< jetc ses des... Voyant sorlir du n6anl un fonclionnairo « public, quel est le decroltcur dont Lame n'ait pas ete

LA REVOLUTION. n— 2

18 LA RliVOLUTION.

« remuee d'emulalion? « — 11 n'a qu'A se pousscr el d ]ouer dcs coudes pour prendre son Jjillcl « dans cclLc « immense loteriede forUines populaircs, d'avanccmcnls « sans tilres, de succ^s sans talents, d'apollicoses sans « vertus, d'emplois infinis dislribucs par Ic peuple en « masse et recus par le peuple en detail. » — Tous les charlatans politiques y sent accourus, au premier rang ceux qui, clant sincferes, croient 4 la vertu dc leur dro­gue, et ont bcsoin du pouvoir pour imposer leur rccctte au public. Puisqu'ils sont des sauveurs, toutes les places leur sont dues, et notamment les plus hautes. Par con­science et philanthropie, ils les assifegent: au besoin, ils les prcndront d'assaut, ils les garderont de force, el, de gre ou de force, ils adminislreront leur panacee au genre humain.

I l l

Cc sont la nos Jacobins : ils naissent dans la decompo­sition sociale, ainsi que des champignons dans un tcr-reau qui fermente. Considerons leur structure intime: ils en ont une, comnie autrefois les puritains, et il n'y a qu'a suivre leur dogme i fond, comme une sonde, pour descendre en eux jusqu'i la couche psychologique ou I'equilibre normal des facultes et des sentiments s'est renverse. >

Lorsqu'un homme d'Etat qui n'est pas tout i fait in-dignc de ce grand nom rencontre sur son chemin un principc abslrait, par exemplc celui de la souverainetedu peuple, s'il I'adniet, c'est comme tout principe, sous benefice d'inventaire. A cet elTet, il commence par se le figurer tout appliqu6 et en exercice. Pour cela, d'aprcs ses souvenirs propres et d'apres tous les rensc^igncnicnts qu'il peut rassembler, il imagine tel village, tel boiir"-telle ville moyennc, au nord, au sud, au centre du pays pour lequel il fait dcs lois. Puis, du mieux qu'il peul, il

LKS JACOBINS. 19

se figure Ics liabilaiils en train d'agir d'apres le principe, c'csl-a-dirc volant, montant Icur garde, pcrccvant leurs impuLs et gcrant Icurs alTaires. De ces dix on douze groupes qu'il a pratiques et qu'il prend pour specimens, il conclutpar analogic aux autrcs et a tout le terriloire. Evidemment, 1'operation est difficile et chanceuse : pour etre A pen pres exacte, clle rcquiert un rare talent d'ob-servation ct, a chacun de ses pas, un tact exquis : car il si.agit de calculer juste avec ties quantiles hnparj'ailemenl percues el imparfaitemcnt notees\ Lorsqu'un politique y parvicnt, c'esl par unc divination delicate qui est le fruit dercxpericnccconsommecjoinleau genie.Encore n'avancc-1-ii que bride en main dans son innovation ou dans sare-lbrme;presque toujours, il essaye; iln'applique sa loique par portions, graduelienient, provisoircment; il en veul •constater relTet; il est toujours pret a. corriger, suspendre, •altenuer son ocuvre, d'apres le bon ou le mauvais succcs de I'epreuve, et I'etat de la maticre bumaine qu'il manie ne se revble a son esprit, menie superieur, que par une succession de tatonnemcnts. — Tout au rebours le Jacobin. Son principe est un axiome de geometric poli­tique qui porlc en soi sa propre preuve; car, comme les axiomes de la geometric ordinaire, il est forme par la combinaison de quelques idees simples, et son 6vidence

.. s'inipose du premier coup a tout esprit qui pense ensemble les deux termes dont il est Tasscmblage. L'bomme en g6neral,les droits del'liomme, Iccontrat social, la liberie, rcgalite, la raison, la nature, le pcuple, les tyrans, voila ces notions clementaires : precises ou non, clles rem-

1. Avanldc decider une mesiire, Foxs'informait au prealable do ce qu'cn pciisail M.H..., depulcdos plus lucdiocrcs elmcme des plus bornt5s. Coininc on s'cn clouiiait, il repondil (pic M. II.... clail, a ses ycux, le type le plus exacl dcsfacultcs el des |)rejiigo.s d'un country-genllcma7i cl qu'il se servait de lui conuiic d'un lliernioniclre. — De uieinc iNapoleon disait qu'avant de fairc uue loi consid6rublc, il iuiagiiiail riiiipitssion qu'cllc produirail sur uu gios paysaa.

20 LA RfiVOLUTION.

plissent le ccrveau du nouveau scclaire; souvent elles n'y sont que dcs mols grandioscs el vagues; mais il n'im-portc. Dfes qu'elles se sont assemblces en lui, elles deviennent pour lui un axiome qu'il applique i I'instant, tout cntier, en toute occasion et -^ outrance. Des hommes reels, nul souci : il nc les voit pas ; il n'a pas besoin de les voir; les yeux clos, il impose son moule i la matiere humaine qu'il p6lril; jamais il ne songe i se figurcr d'avancc celle matiere multiple, ondoyanle et complexe, dcs paysans, des artisans, des bourgeois, des cures, dcs nobles conlemporains, i leur charrue, dans leur garni, a leur bureau, dans leur presbytfere, dans leur hotel, avec Icurs croyances inv6lerees, leurs inclinations pcr-sistantcs, leurs volontes effectives. Rien de tout cela ne pent entrer ni se loger dans son esprit; les avenues en sont bouchecs par le principe abstrait qui s'y elale et prcnd pour lui seul toute la place. Si, par le canal des orcilles ou des yeux, rcxperience presentc y cnfoncc dc force quelque verile importune, ellc n'y peut subsislcr; toute criante et saignante qu'elle soit, il I'expulse; au besoin, il la lord ct I'etrangle, a titrc de calomniatrice, parce qu'elle dement un principe indiscutable ct vrai par soi. — Manifestement, un pareil esprit n'est pas sain : dcs deux facullcs qui devraicnt llrer egalement el ensemble, I'une est atrophicc, I'autre hypertrophicc; le contrcpoids dcs fails manque pour balancer Ic poids dcs formules. Tout cliarge d'un cole et tout vide de I'aulre, il verse violemnicnl du cote ou il pcnclic, ot telle est bien I'incurable infirmite de I'csprit jacobin.

Considcroz, en effet, les monuments authcntiqucs de sa pcnsee, le journal des Amis de la Conslitution les gazettes dc Loustalol, Desmoulins, Drissot, Condorcct Frcron ct Marat, les opuscules ct les discours de Robes­pierre et Saint-Just, les debate de la Legislative et de la Convention, les harangues, adrcsses ot rapports dcs

LES JACOBINS. 21

Girondins et dcs Montagnards, ou, pour abr6gcr, Ics quaranlc volumes d'cxtrails comi)ilcs par Buchez et Roux. Jamais on n'a lant paii6 pour si peu dire ; Ic verbiage creux et Tcmphase ronflanle y noicnt loule v6-rile sous leur monolonie et sous leur endure. A cet 6gard, unc experience est decisive : dans eel inlerminabic fatras, I'historien qui chcrche des rcnseigncmcnls pre­cis ne trouve presquc rien a glaner; il a beau en lire des kilometres: b. peine s'il y rencontre un fait, un detail in-structif, un document qui evoquc devant scs ycux une physionomie individuclle, qui lui montrc Ics sentiments vrais d'un villagcois ou d'un gentilhommc,qui lui peignc au vif I'intdrieur d'un h6lcl de ville ou d'unc caserne, unc municipalite ou unc cmeute. Pour demeler les quinzc ou vingt types et situations qui resumeut I'hisloirc du temps, il nous a fallu et il nous laudra les cbercher ailleurs, dans les correspondances des administrations locales, dans les procfes-verbaux dcs tribunaux criminels, dans les rapports confidenticls de police ', dans les des­criptions des etrangers -, qui, prepares par une 6duca-tion contraire, iravcrscnt les mots pour alter jusqu'aux choscs et aperQoivent la France par dela le Contrat social. Toute cette France vivantc, la tragedie immense que vingt-six millions de personnages jouent sur unc scene de vingl-

six millelieues carrees, echappe au Jacobin; il n'y a, dans ses ecritscomme dans sa I6te, que des gdncralitcs sans su lj-stance, celles qu'on a citecs lout a I'bcure; dies s'y dc-roulentpar un jeu d'ideologie, parfois en trame serree, lorsquel'ecrivain estun raisonneur de profession comnie Condorcet, le plus souvent en fits entortill6s et mal noues,

1. Tableaux de la Rdvohilion francaise, par Schm'ull (nolamment Ics rapports de Dutard), 3 vol.

2. CoTcspondancc dc Gouvcrncur Morris. —Jliiinoires dc Mallcl-Dupan, A Journal during a residence in France, by John Moore, M. D. — Un sejour en France de 1792 d 1795.

22 LA REVOLUTION.

fell mailles lAchcs ct decoiisues, lorsque Ic discoiircur est nil polilique improvise on un apprenli philosophe comme Ics (lepiil6s ordinaircs ct les harang-ueiii's de club. C'csl une scolasliquc de pedants debitec avcc ime empbase d'e-nergumtnes. Tout son vorabulaire consiste en une ccu-laine de mots, et loules les idees s'y ramcnent a une sculc, celle dc riiomme en soi : dcs unites luimaines, loules pa-reilics, egales, independantes et qui, pour la premiere fois, contractcnt ensemble, voila leur conception de la so-cicle. II n'y en a pas de plus ecourtee, puisque, pour la former, il a fallu rcduirc Tbommc i un minimum; jamais ccrveaux poliliques ne se- sont dessecbcs i\ ce dcgr6 ct do parli pris. Gar c'cst par syslbme et pour simplifier qu'ils s'appauvrissent. En cela, ils suivent le precede du siccle ct les traces de Jean-Jacques Rousseau : leur cadre men­tal est le moule dassique, et ce moule, dejti 6troit chez les dernicrs pbilosopbes, s'est encore etriqu6 cbez cux, durci ct racorni jusqu'a I'exctJS.A cet egard, Condorcet'parmi les Girondins, Robespierre parmi les Montagnards, tons les deux purs dogmatiques et simples logiclens, sont les meilleurs represcntants du type, celui-ci au plus baut point et avec une perfection de sterilile intellectuelle qui n'a pas ete surpassee. — Sans contredit, lorsqu'il s'agit de {'aire des lois durables, c'est-i-dire d'appropricr la ma-, cbinc sociale aux caractferes, aux conditions, aux circons-lanccs, un pareil esprit est le plus impuissanb ct le plus malfaisant dc tous; car, par structure^ il est myope; d'ailleurs, interpose entre scs ycux ctles objets, son code d'axiomes lui ferme I'horizon : au dela dc sa coterie ct de

1, Voycz dans le Prngrds de Vespril humain, la superiorite qu'il aUril)tie ;i la conslitiition republic.iinc de 1793 (livre IX). « Les priiicipcs siir lesciurU « la consliUilion el les lois de la France ont ete combinees sont plus purs « pins precis, plus profonds que ceux qui onl dirige les Americains- ils ont •cciiappc bicn plus coniplctcmeuli riiilUienccdc loules ics cspeces dcpre-. • juges, etc. .

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son club, il ne distingue ricn, ct, dans ccl au-dcla confus, il logo les idolcs creuscs dc son utopic. — Mais, lorsqu'il s'agiL dc prendre d'assaul le pouvoir ou d'excrccr arbi-Irairemenl la diclalure, sa raideur m6canique Ic scrt, au lieu de lui nuire. 11 n'esl pas ralcnli ct cnibarrasse, comnie riiommc d'Elat, par I'obligation de s'enquerir, dc tcnir comple dcs precedents, de compulscr Ics statisti(|ues, de calculer et de suivrc d'avance, en vingt directions, les contre-coups procliains et lointains dc son ceuvre, au contact dcs inlerets, dcs babitudes et dcs passions dcs diverses classes. Tout ccla est maintenant suranne, su-pcrflu : le Jacobin salt tout dc suite quel est Ic gouverne-mcnt legitime et quelles sont les bonnes lois; pour balir comme pour detruire, son proc6de rectilignc est le plus prompt et le plus energique. Car, s'il faut de longues re­flexions pour dcm^ler ce qui convient aux vingt-six mil­lions de Francais vivanls, il ne faut qu'un coup d'oeil pour savoir cc que veulent les bommes abstraits de la Ibeorie. En effet la theorie les a tons tallies sur le memc patron et n'a laissc en eux qu'une volonte elcmcntairc; par defini­tion, Tautomatc pbilosopbique vcut la liberie, I'egalite, la souverainctc du peuple, le maintien des droits de rbomnic, robscrvation du conlrat social. Cela suffit: desormais, on connalt la volonte du peuple, ct on la con-nait d'avance; par suite, on peut agir sans consulter les citoyens;'on n'est pas tenu d'attendrc leur vole. En lout cas, leur ratilication est cerlainc; si par basard elle man-quait, cc scrait dc leur part ignorance, meprise ou malice, el alors leur reponse mcritorait d'titre considerce comme nullc; aussi, par precaution et pour leur cviter la mau-vaiso, on fera bien de leur dieter la bonne. — En cela, Iclacobin pourra ctre de trfes bonne foi : car les bommes dont 11 rcvcndique les droits ne sont pas les Francais de cbair ct d'os que Ton rencontre dans la campagne ou dans les rues, mais les homines en general, tcls qu'ils

2'i LA RliVOLUTION.

doivent etre au sortir des mains de la Nature ou des en-sei"-ncmenls de la Raison. Point de scrupule 4 Tend roil des premiers : lis sont infatues de prejuges, ct Icur opinion n'est qu'un radolage. A I'endroit des seconds, c'estrinvcrse; pour les effigies vaines de sa th6orie, pour les fanlOmes de sa cervelle raisonnante, le Jacobin est plein de respect, et toujours il s'inclinera devant la rcponse qu'il leur prete; i scs yeux, ils sont plus reels que les hommes vivanls, el leur suffrage est le seul dont il tiennc compte. Aussi bien, a niettrc les choscs au pis, il n'a centre lui que les repugnances mo-mentan6es d'une g6n6ration aveugle. En revanche, il a pour lui I'approbation de I'humanit^ prise en soi, de la posterity r6generee par ses actcs, des hommes redc-venus, grdce 4 lui, ce que jamais ils n'auraient du cesser d'etre. — C'est pourquoi, bien loin de se considercr comme un usurpateur et un tyran, il s'envisagera commc un lib6rateur, comme le mandataire naturcl du veritable peuple, comme rex6cuteur autorise de la volonte g6nc-rale; il marcbera avec securite dans le cortege quo lui fait ce peuple imaginaire; les millions de volont6s mela-physiques qu'il a fabriquees a I'image do la siennc le souticndront de leur assentiment unanimc, et il projet-tera dans le dehors, commc un chocur d'acclamations Iriomphales, I'ccho interieur de sa propre voix.

IV

Lorsqu'une doctrine scduit les hommes, c'est moinspar le sophisme qu'elle leur presentc que par les promcsscs qu'cllc leur fait; elle a plus de prise sur leur scnsi-bilite que sur leur intelligence; car, si le cocur est parfois la dupe dc I'esprit, I'esprit bien plus souvenl est la dupe du cceur. Un systemc ne nous agree point parcc que nous Ic jugeons vrai, mais nous le jugeons vrai parce qu'il

LES JACOBINS. C5

nous agree, cl le lanalismc polilique ou rcligleux, quel que soil le canal Iheologique ou pliilosophique dans lequel il coule, a toujours pour source piincipale un besoin avide, une passion secrete, une accumulation de desirs profonds et puissants auxqucls la theorie ouvre un debouche. Dans le Jacobin, comme dans le puritain, il y a une source de celte csptjce. — Cc qui la nourrit chez Ic puri­tain, ce sont les anxiclcs de la conscience alarmee qui, se figurant la justice parfaite, dcvicnt rigoriste et mulli-plie les commandements qu'ellecroitdonnes par Dieu; si on la contraint d'y manqucr, clle se revolte, et, pour les imposcr a aulrui, clle est impericusc jusqu'au despo-tismc. Mais sa premifere ocuvre, toule interieure, est la repression de soi par soi-meme, et, avant d'etre politique, clle est morale. — Au contraire, chez le Jacobin, la pre­miere injonction n'cst pas morale, mais politique; ce nc sont pas ses devoirs, mais ses droits qu'il exagere, et sa doctrine, au lieu d'etre un aiguillon pour la conscience, est une flatterie pour I'orgueiP. Si 6norme et si insatiable que soit I'amour-propre humain, cette fois il est assouvi; car jamais on nc lui a olTert une si prodigieusc paturc. — Ne chcrchez pas dans le programme de la secte les prerogatives limitees qu'un homme fier revendique au nom du juste respect qu'il se doit a lui-meme, c'est-a-dire'les droits civils complcts avec le cortege des libcrtcs politiques qui leur servent de sentinellcs et de gardienncs, la surete des bicns.et de la vie, la fixil6 de la loi, I'indc-

1. C. Dcsmoulins, qui est I'enfant terrible de la Revolution, avoue cello verile ainsi que loules les aulres. Apr6s avoir cite Ics revolutions du quin-zicmect du dix-sepli6me siecle, "qui tiralent leur force do la verlu etavnicul » leur racine dans la conscience, qui (ilaienl soutenues par le fanalisnie ct •« par les csperances d'une autre vie •>, il couclut ainsi : « Noire rovolulion, « puEcmcnt poiilicjue, n'ascs racincs quedans regoismect dans les amours-« proprcs de cliacun, de la conibinaison desqucis s'ost compose rinlcrOl « general. » (Drissot dilvoild, parC. Dcsnioulinsjanvier 1792). — Bucliez cl Roux, XIII, 207.

26 • LA Rl]:VOLUTIOX.

pendance dcs h-ibiinaiix, I'^galilc dcs citoyens dcvanl la justice ct sous.l'impot, rabolilion des privileges ct do larbilrairc, rclcclioii dcs dcpulcs el la disposition dc la bourse publiquc, brcf Ics precieuses garanlies qui Ton I de cbaque citovcn un souveraiii inviolable dans son do-maine rcslrcinl, qui defendent sa pcrsonnc ct sa pro-priete contre toute oppression ou exaction publiquc ou jjrivee, qui le maintiennent Iranquillc ct debout en face de ses concurrents et dc ses advcrsaires, debout ct rcspcc-tucux en face dc ses magistrats et de l'l'3tat lui-menic. Bcs Malouct, des Mounlcr, dcs Mallct-Dupan, dcs partisans de la constitution anglaisc ct dc la monarcbie parlenicn-tairc peuvcnt se contenter d'un si mince cadeau; mais la tbcoric en fait bon marcbe, et au besoin marcbera dessus comme sur une poussiere vile. Cc n'est pas I'indepen-dance et la securite dc la vie privee qu'cllc promel, ce n'est pas le droit dc voter tons ics deux ans, une simpk; influence, un controle indirect, borne, intermittent de la chose publiquc-, c'est la domination politique, a savoir la propviele pleine et entiave de la France et des Francais. — Nuldoutcsur ce point : scion Ics propres termesdc Rous­seau, le conlrat social cxige « I'alicnation totale de cbaque a associc avec tons ses droits a la communaute, cbacun « se donnant tout enticr, tcl qu'il se trouve actucUement, « lui et tonics ses forces, dont Ics biens qu'il possedc « font partie », tellementque I'Etat, mattrc reconnu, non sculemcnt de toutes les fortunes, mais aussi de tons Ics corps ct dc tonics les amcs, pent legitimemcnt imposer dc force h ses membrcs reducation, le culte, la Ibi, les opinions, les sympathies qui lui corivicnnont ^ — Or

1. Celle idee de Rousseau sur I'omnipotence de I'Elat est aussi celle dc Louis XIV ct dc Napoleon. II csl ciiricuK d'en voir le devcloppcmom dans I'espi-il d'un pelilljourgoois conlemporain, dcmi-iiommc de lellres ct demi-hommedu peupie, Uelifdc la Brelonne (Vui^i d e P a m XV'nuil 3 " nii-Ics massacres dc scptcn.bre): . Non, non, je ne Ics plains pas, ccs p'.-Ues

LES JACOBiXS. S"

chaquG homir.G, par ccla sciil qivil est homme, est de droit mcinbrc dc cc souvcrain dcspolkiuc. Ainsi, qiiclles quesoienlma condilion, mon incompelcncc, mon ignorance

ct la nullile du rulo dans Icqucl j 'ai loujours langui, j 'ai ])loin pouvoir sur ics bicns, Ics vies, les consciences de vingl-six millions dc Francais, et, pour ma quolc-parl, jc suis czar ct papc. — Mais jc Ic suis bicn plus que pour ma quote-part, si j 'adhere i la doctrine. Car cclte royaute ([u'ellc me decerne, elle ne la confere qu'a ceux (lui, comme moi, signent le conlrat social tout cnlier; tons les aulrcs, par ccla scnl qn'ils on out rcjele (luelqUe clause, cncoLirent la decheance; on n'cst pas admis aux bcneiiccs d'un paclc, lorsqu'on en repudic les conditions. — Bien mieux, comme celui-ci, institue par le droit na-lurcl, est obligatoire, quiconque le rejette ou s'cn retire est, par ccla mCmc, un scelerat, un malfaitcur public, un ennemi du peuple. Jadis, il y avait dcs crimes de lese-majcstc royalc; mainlcnant il y a des crimes de Icse-ma-jcstc popu'laire, ct on les commet lorsque, par action, parole ou pcnsee, on denie ou Ton conteste au peuple unc parcellc quelconquc dc Tautorile plus que royale qui lui apparticnt. Ainsi Ic dognie qui proclamc la souverainete du peuple, aboutit en fait a la dictalure de quelques-uns

, .fanaliqncs; ils onlfail Imp de mal ii la patric. Quand unc societe ou sa " majorUd veul nne chose, elle est juste. Cclui qui s'y oppose, qui aPP*;' ' ' uguen-cellaven-caiice sur la nation, est unmonslre. L'ordrose liou\c - jours dans i'accm-d de la .najorile. La minority est toujours '^^'^^y^'^ - rcpete.e>lt.elle raison moralc,nen,.U.c fautquo du se,^ con.uun. pou s n . lir celle vcrile-la. « - lb. (sur rexeculion de Lou.s XN I , p. . . 7 - " ^ ^ ^ . a-l-elle pu le juger, rexeculcr? Celle quesl.on ne pent pas se fan e pa u, . Clre qui pense. La nation vent tout cHc: elle, elle a Ic pouvou- qu au.a I .e ^ genre l.l.main. si une seule nalion, un seul gouvernemcnl reg,s.a> e - gloLe. Oui oserail alors dispuler au genre lumia.n son pouvcr? C e.l ce . pouvoi.- indi.culabie, senli par les aneiens Grec, qua une naUon de per-. dre memo un innocent, qui leur 111 exiler A.islide ct conda.nnor a morl . I'hocion. 0 verilc que n'onl pas senile nos conlemporains, que Ion ouLli a • cause dc maux! »

28 LA REVOLUTION.

et a la proscripUon des autres. On est hors de la loi qiiand on est hors de la secte. C'est nous, les cinq ou six mille Jacobins de Paris, qui sommes le monarque legitime, le pontife infaillible, et malheur aux recalcitrants ou au\ tiedes,gouvernement,parliculicrs,clerge, noblesse, riches, negociants, indifferents, qui, par la pcrsistance de leur opposition ou par I'incertitude de Icur obeissance, osc-ront r6voquer en doule notre indubitable droit!

Une 5. unc, ces consequences vont se produire i la lu-miere,et visiblement, quel quesoit I'appareil logiquc qui les d6roule, jamais, a moins d'un orgueil demesure, un particulier ordinaire ne pent les adopter jusqu'au bout. 11 lui faut une bien haute, opinion de soi pour se croire souverain autrement que par son vote, pour manier les affaires publiques sans plus de scrupule que ses affaires priv6es, pour y intervenir dircctement et de force, pour s'eriger, lui et sa coterie, en guide, en censeur, en gou-verneur de songouvernement, pour se persuader qu'avec la mediocrite de son education et de son esprit, avec ses quatre bribes de latin et ses lectures do cabinet littcraire, avec ses informations de cafe et de gazette, avec son experience de conseil municipal et de club, il est capable de trancher net des questions immenses et compliquecs que les hommes supcrieurs et sp6ciaux abordent en hesi­tant. Au commencement, cette outrecuidance n'e-'uait en lui qu'un germe, et, en temps ordinaire, faute de nour-riturcj, elle serait restee h I'elat de moisissure rampante ou d'avorton desseche. Mais le cccur ne sait pas les elrangcs semences qu'il porte en lui-m6me : telle de ces graines, faible et inolfensive d'aspect, n'a qu'a renconircr Tair et I'aliment pour devenir une excroissance venc-neuse et une vegetation colossale. — Avocat, procurcur chirurgien, journaliste, cure, artiste ou lettrede troisiemo et quatrieme ordre, le Jacobin rcsscmble h. un pdlre on' lout d'un coup, dans un recoin de sa chaumifere dccou-

LES JACOBINS. 2 9 ,

vrirait des parchemins qui I'appellent a la coiironne. Quel contraste entre la mesquincrie de son etat el. I'mi-porlance dont Tinvcstit la Iheorie! Commc il embrasse avec amour un dogme qui le rclevc si haul a ses propres yeux! II lit et relit assidument la Declaration des droits, la constitution, tons les papiers officiels qui lui conf^rent ses glorieuses prerogatives; il s'en rcmplit I'imagina-tion ', ct tout de suite il prend Ic ton qui convient d sa nouvelle dignity. — Rien de plus hautain, de plus arro­gant que ce ton. Des I'origine, il cclate dans les harangues des clubs et dans les petitions i I'Assemblee constituante. Loustalot, Freron, Danton, Marat, Robespierre, Saint-Just ne quittent jamais le style autoritaire : c'est celui de la secte, et il fmit par devenir un jargon a I'usage de ses der-niers valets. Politesse ou tolerance, lout ce qui ressemble a des cgards ou a du respect pour aulrui est cxclu de leurs paroles comme de leurs actes : I'orgueil usurpateur ct tyrannique s'cst fait une langue a son image, et Ton voit non seulement les premiers acteurs, mais encore les simples comparses Ironer sur leur estrade de grands mots. Cliacun d'eux, h. ses propres yeux, est un Romain, un sauveur, un heros, un grand hommc. c. J'etais k la « tete des etrangers, ecrit Anacharsis Clootz% dans les « tribunes du Palais, en qualite d'ambassadeur du genre

• « humain, et les ministrcs des tyrans me rcgardaicnt d'un « air jaloux et mal assure. » A I'ouvcrture du club de Trqyes, un mailre d'ccolc rccommandc aux femmcs « d'ap-« prendre a leurs enfants, dbs qu'ils commcnceront a be-« gayer, qu'ils sont nes librcs, egaux en droits aux pre-

I.Monitcur, XI, 46, seance du oJanvier 1792.Discours d'Isnard.«Lcpcuple, « connait aiijourd'hui sadignilo. II sail quo, d'apr^s la conslilulion, la devise « de toutFrangaisdoiL OlreccUc-ci : Vivre librc, I'cgal de tons, ct menibrc « du souvcrain.n —GuillondeMonllcon, I. 445. Discours de Chalicr au club central de Lyon, 21 mars 1793. " Sachcz que vous 6lcs rois et plus que rois. « Ne scntez-vouspas la souvcraincto qui circule dans vos veincs? »

2. ilonitcur, V, 136 : fcHc de la Federation du 14 juillcl 1790.

30 LA RKVOLUTION.

« micrs potcntats dc I'univers » '. 11 fauL lire le voyage dc Pclion dans la bcrline du roi au rcloiir de Varcnncs pour savoir jiisqu'oLi peuvcnt monlei- la suffisancc d'un cuislrc ct la faUiile d'uu malolru-. Dans leurs Momoircs cL jusque dans leurs epilaphes, Barbaroux, Buzot, PeLion, Pioland, M""' Roland % se decerncnt incessammcntdes bre­vets de verlu, eU a les en croirc, ils sont des person-nagcs de Plutarque. —Des Girondins aux Montagnards, linfaluation va croissant. Simple particulier, a vin'4-<[ualrc ans, Saint-Just est deja furicnx d'ambition rentree. « Jc crois avoir 6puise, dit xMarat, toutes les combinai-

1. Albert I{al)eau,//u-(oi>ede Troyespendantla Revobilion, L436 flOavril 1700).

2. Morlimcr-Tcrnaux, Ilisloircdc la Terrenr, I, 35:5 (recit autographe de I'clioii). Cc nigaud gournie ne sail pas m^iiic I'orlliograplie: il ccril escUr pour oissdie, clc. II est persuade rjuc M"- Llisabclli veut Ic seduire et lui fait des avances. <• Je pensc que, si nous eussions (ile seuls, clle se scrail -. laissec allcr dans mcs bras, ct sc serail abandonnec aux niouvenienls dc la . nalnrc.n - M a i s il so drape dans sa vcrt.i et n'en devienl que plus ro^u'e Clivers Ic roi, le petit dauphin et les fcninies qu'il ramene

3 Les J/emofm dc M- Holand sent le cI.ef-d'oM.vrc de Forgueil am croit . sc doguiser cl ne quitle jamais scs crli-.«r.« • i • i ., . =>." " ^1"' * '< '

, ••"• ... . • ' ' v ' ^ ' ^ ^ ' "' ^ '=s = «J'-'suis belle, I 'adu coeur i'ai . .lessens, j .nsp.rc 1 amourjo le rcssens, je restc vcrtueuse L n inlcTllcnc

yst.snpor.eure mpn courage invincible, jo suis pl.ilosopl/c, politique C i -ya,n,.!,gne de la plus haute fortune » : voila la pcnsee conslanle qui pc 4

.. a travers scs phrases. Jamais de modestie vraic; en rcv.inchc, des indeccnccs •, -<inonnes.commiscs par bravade ct poursc guindcr au-dessusdc «on soxc fT

les Meinotrcs de wislrpssllutchinaon, qui font contraslc. — M™" Uoland c •' vait: «Jc ne vois dans le monde de role qui me conv.cnne qu.. celui dc IVov'" « dencc... — •-'mi'^'niepicsomptioncclatccliezlcsaulrcscn [.relenlions moin" raffinees. Dans les pajiicrs de rarniuirc de for, on trouvc la leltre suivanlc' adresscc au roi par le depute Rouycr : « .railout compare, tout approfondi' « loutprcvu. Jene demandc pour rcxccnlion dc mcs nobics desscinsquel-i . direction des forces que la loi vous confic. Je connais les perils el jc les bravo' . la faiblessc les comple el le genie les dclruit. J'ai portc mes re-ards I ' " toutes les cours dc PHuropc, et jc suis bicn sur dc ics forcer a In n

- " Ilcurcux du bonhenr dc Ions, je rcporlciai vers vous scul la recon • « Pi'bliquc—Unobseurfolliculaiio,i;ol.crt,dcn>andailaI)umouric!T'',"'' ' sadedc Conslanlinoplc, ct Tauteur de Faitblas. Louvet de-j •"""^^-Memoircs que la liberie a peri parce qu'on ne la nas nomm "* . ^"^ '^^ »a justice., * ^"^'"'^ minislre dc

LES JACOBINS. 31

" sons dc rcspril liuinaiii sur la morale, la philosopliie " ol la polinquc. » D'ua boul a I'aiiU'c d'c la Revolulion, Robespierre sera loujours, au \ ycux dc Robespierre, runiquc, le seul pur, rinfaillibic, rimpeccal)lc ; jamais bommc n'a leim si droit el si conslammenl sous son nez Tenccnsoir qu'il bourrait dc scs proprcs louangcs. — A i:e dogre, rorgueil pout boirc la Iheoric jusqu'au fond, si ri'^pugnanle qu'en so.it la lie, si morlcls qu'en soient Ics elTels sur ceux-kY memcs qui en bravent la naus6e pour en avaler le poison. Car, puisqu'il est la vertu, on ne peut lui resislcr sans crime. Interpretcc par lui, la Iheo-rie divise Ics Francais en deux groupcs : d'un cole, les aristocrales, les fanaliques, les egoistes, les bommes cor-rompus, brcf, les mauvais ciloycns; dc Tautro cole les patriotes, Ics pbilosopbcs, les bonmics vcrlucux, c'cst-a-dlre les gens dc la secte'. Grdcc i'l ccllc reduclion, le vaste monde moral et social qu'ellc manipulc se trouvc defini, cxprim6, represcnle par unc anlilbesc loule I'aite. .Rien dc plus clair a present que rol)jct du gouvernemcnt: 11 s'agit de soumellrc les mecbanls aux bons, ou, ce qui est plus court, de supprimer les mecbanls; a cet cITel, em-ployons largement la confiscation, rcmprisonnemcnl, la deportation, la noyade et la guilloline. Conlre des Iraitres, lout est permis et meriloire ; Ic Jacobin a canonise ses' nieurtics, et mainlenant c'cst par pbiiantbropic qu'il tue. — Ainsi s'acbevc ce cararlerc, parcil a cclui.d'un

I . Ilonitcur, XIV, p. 189. Discours de CoIlot-d'IIcrbois a propos dcs nii-li'ailladcs de l.jon : «El nous aussi, nous sommes icnsiblcs! Les Jacobins " onltoulcs Icsvcrlus: ilssonl compalissanls, huniains, gencrcux.iMais, lou-« Ics CCS vcrlus, ils les rcservenlpour Ics paliiolcs, qui sont leurs Acres, el - les aristocrales ne leseront jamais! n — Mcillan,3;t'iiion-cs, 4 : •• Hobcspierre - faisait un jour I'elogc d'un nommc Desfieii.v, lionmie connii par son iiiipro-<• bile el qu'il a sacrifiti dans la suile. c-. Mais voire Dcslieux, lui disjc, csl conhli • pourun coquin. —N'impoile, c'estun boa palriolc.—Maisc"c.<l unbanque-« roulier fraudulcux.— C'esl un bon patriole. — Mais c'esl un volcur — C'est • un bon patriole.» — Je n'en pus anaclicr que ces hois paroles. •

32 LP. REVOLUTION.

Iheolo'^ien qui deviendrait inqnisilcur. Des conlrastcs cxtraordinaircs s'assemblent pour le former : c'est un fou qui a dc la logique, et un monslre qui sc croit dc la con­science. Sous I'obsession do son dogmc cfcdc son orgucil, il a contracl6 deux dilTormitcs, Tunc dc Tesprit, I'autrc du cocur : il a perdu le sens commun, et il a pervcrti en lui Ic sens moral. A force dc conlcmplcr scs formulcs abslraites, il a fini par ne plus voir Ics hommcs reels; A force de s'admirer lui-m6me, il a fini par ne plus apcrce-voir dans scs adversaires et mumc dans scs rivaux que des sc616rats dignes du supplice. Sur cclle pentc, ricn ne pcut I'arrfilcr; car, en qualifiant les choscs a I'inverse dc cc (lu'clles sont, il a fauss6 en lui-m6mc les precicuses notions qui nous ramenent a la verit6 et a la justice. Au-cune lumiere n'arrive plus aux yeux qui prenncnt leur avcuglement pour de la clairvoyance; aucun remords ivalteint plus Fame qui erige sa barbaric en patriolisme ct se fait des devoirs de scs attentats.

GHAPITRE II.

. Formation dii parli. — Scs recrues. — Ellcs sonl rarcs clans la clasi-c supcrieurc el dans la grossc masse populairc. — Ellcs sonl nombrcuses ilans la bourgeoisie moyenne el dans la couclic supericure du pcuple. — Silunlion el education qui cnrolenl un homnie dans le parli. — 11. Los associations sponlanecs apri'S le 14 juillet 1789. — Gommenl ellcs so dissolvent. — nclraite dcs hommcs senses el occupes. — Nonibre des .'ibscnts aux elections. — Naissancc ct multiplication dcs socicles jacobines. — Lcur influence sur Icurs adherents. — Leurs nianceuvres ot leur arbilraire. — III. Comment dies entendent la liberie dc la prcsse. — Leur r61c politique. — IV. Leur centre de rallicmcnt. — Origine et composition de la socicle de Paris. — Elle s'affilic Ics socicles de province. — Scs mcncurs. — Lcs fanatiques. — Lcs intrigants. — Lcur but. — Lours nioycns. — V. Tetit nombre dcs Jacobins. — Sources dc lcur puissance. — lis font une ligue. — lis ont la foi. — lis sonl exempts dc scrupulcs. — Dans I'lntcrieur du parli, la prepon­derance apparlienl au groupe qui remplit le mieux ccs conditions.

I

Descaracl6rcscommc cclui-ci scrcnconlrentdanstoutes les classes : il n'y a point dc condilion ni d'etat qui soil iiirpresorvalif conlrc Tulopic absurde on contrc I'ainbi-lion folic, ct Ton trouvcra parmi lcs Jacobins dcs Barras ct dcs Ghalcauncuf-Randon, deux nobles de la pliisvicillc I'acc; un Condofcet, marquis, malhcmalicicn, philosoplic el niembrc dcs deux plus illuslres academics; un Gobcl, evcquc dc Lydda et suflVagant dc revcquc dc 13alc; un Ilcrault dc Scclicllcs, protege dc larcine et avocat general au Parlcmcntdc Paris; un Lcpellelicr dc Sainl-Fargcau,

LA REVOLUTION., j j 3

3fj LA REVOLUTION.

pr^sidcnl h morlier, ct I'un dcs plus riches proprietaircs - de France; un Charles de Ilessc, marcchal de camp, ne

dans une maison regnante; enfin un prince du sang, le quatrifemc personnage du royaume, Ic due d'Orlcans. ~ Mais, sauf ces rares dcsertetirs, ni I'aristocralie hcredi-laire, ni la haule magislraturc, ni la grande bourgeoisie, ni Ics propri6taires residanls, ni Ics chefs de I'industrie, du negoce ou de radministration, ni en general les hommes qui sonL ou meritent d'etre dcs aulorites so-ciales ne fournissent de recrues au parli : ils ont Irop d'inLerfet dans r6dirice, mfime ebranle, pour souhaiter qu'on le dcmolisse de fond en comble, et, si courte que soil Icur experience politique, ils en savent assez pour comprendre trfes vite qu'avec un plan trace sur le papier d'apr^s un th6or^me de g6om6lrie enfantine on ne bdtit pas une maison habitable. — D'autre part, dans la dcr-niere classe, dans la grosse masse populaire et rurale, la thdorie, h moins de se transformer en legende, u'obtient pas m6me des auditeurs. Pour les metayers, fermiers, petits cultivateurs attaches i leur glfebo, pour les paysans et manoeuvres dont la pens6e, engourdie par le travail machinal, ne d6passe pas un horizon de village et n'est remplie que par les preoccupations du pain quo-tidien, toute doctrine abstraite est inintelligiblc. S'ils ecoulent les dogmes du cat6chisme nouveau, c'est cemme ceux du cat6chisme ancien, sans les entendre; chez eux

-I'organc mental qui saisit les abstractions n'est pas forme. Qu'on les am^ne au club, ilsy dormiront; pour les revciller, il faudra leur annoncer le r6tablissement de la dime et des droits feodaux; on ne pourra tirer d'eux qu'un coup de main, une jacquerie; et plus tan] quand on voudra prendre ou taxer leurs grains on les troLivera aussi recalcitrants sous la republique one sous le roi.

G'cst aillcurs que la theorie fait des adeplcs, enlre les

LE5 JACOBIXS. 35

deux cxlr6mcs, clans la couche infcrlcurc de la bour­geoisie et dans la couche sup6rieure du pcuple. Encore, de ces deux groupes juxtaposes et qui se continuent Fun dans Faulrc, faut-il retranclier les honimes qui, ayant pris racine dans leur profession ou dans leur metier, n'ont plus de loisir ni d'altcnlion a donner aux atTaires publiqucs; ceux qui out gagne un bon rang dans la hie-, rarchie et ne vculent pas risqucr leur place acquise; presque tons les gens 6tablis, ranges, mari6s, d'Age miir^ et de sens rassis, auxquels la pratique de la vie a cnscigne la defiance de soi et dc toute lh6orie. En tout temps, routrecuidancG est moyenne dans" la moycnne Imniaine, et, sur la plupart des hommcs, les idecs spe-culatives n'ont qu'une prise superficielle, passagfere et I'aible. D'ailleurs, dans cetle societe qui, depuis plusieurs siecles, se compose d'administr<is, I'esprit h^rddilaire est bourgeois, c'est-5-dire discipline, ami de Tordre, pai-sible et m6me timide. — Reste une minorite, une tres petite minorityS novalrice et remuante : d'une part, les gens mal attaches k leur metier ou k leur profession parcc qu'ils n'y ont quiin rang secondaire ou subal-lerne^, les debutants qui n'y sent pas encore engages, les aspirants qui n'y sont pas encore entres; d'autre part, les

1. Voyez plus loin les chiffres. 2. Mallet-Di'pan, 11, 491. Danton disail un jour, en 1793, i un de ses an-

ciens confreres, avocat au Conseil : « L'ancien regime a fait une grande " faule. J'ai clcdlevc par lui dans une des bourses du colldgc Du Plessis. J'y " a! cle clcve avec dc grands seigneurs, qui etaient nics camarades cl qui « vivaicnl avec moi dans la familiarile. Mes etudes finics, je n'avais ricn, " j'elais dans la misere, je cherchai un elablissemcnt. Le barrcau de Paris " elait inabordable, et il faihil des efforts pour y Glre re^u. Je ne pouvais • enlrer dans Ic mililaire, sans naissance ni protection. L'Kgiisene ni'offrait " aucune ressource. Je ne pouvais aclietcr unecliarge, n'ayant pas le sou, • Mes anciens camarades me tournaicnl le dos. Je restai sans clat. elce ne » ful qu'apres dc tongues ann^es quejcparvinsa acheler une cliarge d'avocat « aux conseils du roi. .La revolution est arrivee; moi et tons ceux qui mo « resscmblaient, nous nous y somines jctcs.L'ancicn regime nous y a forces

36 LA. REVOLUTION.

Iiommes instables par caractfere, tous ceux qui ont ct6 (Icracinclis par Ic boulcversement universe!, dans I'Eglisc par V6vacuaiion des couvents et par Ic schisme, dans la judicature, dans radministration, dans les finances, dans rjirniee, dans les diverses carrieres privees ou publiques l)ar Ic remanienicntdes institutions, par la nouvcautc des debouches, par le deplacement dc la clientele ct du patro­nage. De cetle facon, nombre de gens, qui, en temps ordinaire, seraient restes sedenlaires dans leur etat, devicnnent nomades et cxtravaguent en politique. — Au premier plan, on trouve ceux que Teducalion classique a mis en etat d'entendre un principe abstrait et d'en deduire les consequences, mais qui, depourvus dc prepa­ration speciale, enfermes dans le cercle 6troit de leur bcsogne locale, sont incapables de se figurcr exactement une grande societe complcxc et les conditions par les-(jucllcs ellc vit; leur talent consiste i faire un discours, \iu article dc journal, une brochure, un rapport, en style plus ou moins cmphatique et dogmatiquc; Ic -genre admis, quelqucs-uns, .Men doues, y scront (iloqucnts : ricn de plus. De ce nombre sont les avocats, notaires, huissicrs, ancicns petits juges et procurcurs dc province qui fournisscnt les premiers r61cs et les deux tiers des mcmbres de la Legislative et de la Convention; des chirur-^nens ou nicdecins de petite ville, comme Bo, Levasseur cl Baudot; des lilterateurs de second ou troisieme ordre, comme I3arr6re, Louvet, Garat, Manuel et Ronsin; des professeurs dc college, comme Louchct et Homme; d'cs inslituteurs, comme Leonard Bourdon; des journalistes, comme Brissol, Desmoulins et Freron; des comedicns, comme Collot-d'Herbois;des artistes, comme Sergent;des oratoriens, comme Fouch6; des capucins, commeChabot-

"• ea nous faisant bien clever, sans ouvrir auciin debouche i nos lalenls » • — CcUc remarqiic s'applique a Robespierre, G. Dcsmouli.... lirissot Vcr-

gniauJ, clc. . ' - > -

LES JACOBINS. 37

dcs pr6lrcs plus ou nroiiis defroqiics, comme Lcbon, Chaslcs, Lakanal cLGregoirc; des etudianls i peine sorlis dcs ccoles, commc Saint-Just, Monet dc Strasljourg, Roiis-selin dc Saint-Albin ct Julien dc la Drome; brcF, dcs Gsprils mal cullivcs, mal cnscmences, siir lesqucls la Ihcorie n'a qu'a lonibcr pour eloulTer les bonnes graincs et v6geler commc une ortic. Joignez-y Ics charlatans ct Icsavcnturicrsdc I'csprit, les cerveaux malsains, les illu­mines dc toute espfece, depuis Fauchct et Clootz, jusquW Chalicr ou Marat, et toute cette tourbe dc dcclasses besoigneux et bavards qui promenent Icurs idecs creuscs et leurs pretentions decues sur le pave des grandes villes. — Au second plan sont les hommes qu'une pre­miere 6bauchc d'cducation a mis en etat d'cntendre mal unprincipeabstrait et d'cn mal deduire les consequence?, mais en qui I'instinct dcgrossi supplee aux d6faillanccs du raisonncment grossier : 6. travers la th6orie, leur cupidit6, leur cnvic, leur rancune devino une p-ilurc, ct Ic dogmc jacobin leur est d'autant plus cher que, sous ses brouillards, leur imagination logo un tr6sor sans fond, lis pouvcnt ecoutcr sans dormir une harangue de club ct applaudir juste aux tirades, fairc une motion dans un jardin public ct crier dans les tribunes, 6crire un procfcs-vcrbal d'arrestation, rediger un ordre du jour

o dc garde nalionalc, printer 5. qui de droit leurs poumons, leurs bras ct leurs sabres; mais leur capacitc s'arrelc la. Dc cc groupc sont dcs commis, commc Ilcbert ct llcnriot, dcs clcrcs, commc Vincent ct Chaumcltc, dcs bouchers, commeLegendre, des mailrcs dc poste, comme Drouet, des maitrcs mcnuisicrs, comme Duplay, des maitrcs d'ecolc, commc cc Iluchot qu'on fit ministre, ct quanlile d'autrcs, lours parcils, ayantl'usagc dc rocriturc, quelqucs vagucs notions d'orthograplic, ct dc I'aplitudc pour la parole', sous-mailrcs, sous-officicrs, anciens moines mendianls

1. Dauban, la DcmarjoQie d Paris en 1793, el Paris en nOi. Lire dans

38 LA REVOLUTION.

colporlciirs, aubcrgislcs, delaillanls, forls dc la Halle', ouvriers dcs villes, depiiis Gonchon, I'oralciir dii fau­bourg Saint-Anloine,jusqii'a Simon, Ic savcLicr du Tem­ple, et Trincbard, Ic jure du tribunal revolulionuairc, jiisqu'aux epicicrs, laillcurs, cordonniers, marcliands dc vin, garrons coifTcurs el aulrcs bouliquicrs on artisans en cbambro qui, dc leurs proprcs mains, travaillc-ronl aux massacres de septembre. Ajoulcz-y la queue fangeusc dc toute insurrection ou dictatiirc populaire, Ics betes dc proic, comme Jourdain d'Avignon et Four-nier I'Amencain, Ics femmes qui, comme Tberoignc^ Rose Lacombe et les Iricoteuses de la Convention, sc sont dcpouillecs dc leur sexe, les bandits amnisties, et lout ce gibicr dc police a qui le manque de police laissc les cou-dees franclies, les traineurs de rue, tant de vagabonds rebellcs a la subordination et au travail, qui, au milieu de la civilisation, gardent les instincts dc la vie sauvage, et aH:Dguent la souverainete du peuple pour assouvir leurs appctits natifs de licence, de parcssc et dc ferocite. — Ainsi se recrute le parti, par un racolagc qui glane dcs sujets dans tous les: 6ials, mais qui les moissonnc a poignees dans les deux groupes ou le dogmatismc et la presomption sont cboses naturellcs. Li I'cducation a con­duit I'bomme jusqu'au seuil ou jusqu'au centre dcs idecs gcneralcs; partant, 11 se sent a I'etroit dans le ccrclc ferme de sa profession ou de son metier, et iV aspire au

CCS deux ouvragcs, les ordrcs du jour du general llenriol. — Compardon,. llistoirc du Tribunal revolulionnaire dc Paris, I, 306, Lcllrc dc Trin­cbard: « Si lu nest pas toute seulle et que le compagnion soil a Iravalier lu " pcus macliairc amievenir voirjuger24 nicsieurs tous si dcvcntpnji-idcnt « ou conselier au parloment de Paris et dc Toulouse. Je t'ainvitea prendre * quclfjuccliogc avcn dc venirparchequc nous naurons pas fini dc 3 liurres " Je Icnibrasc ma cliaire amie et epouge. » — Ibid., II, 350, inlcrro"-oloire t 'Andre Chenier. — Wallon,//is/oz>c (itt Tribunal revolulionnaire I 316 LcUi-c dc Simon : « Je te coilte Ic bonjour mois est mon est poussc. »

'^- lis sc faisaicnl appclcr . Ics forts pour la patrio »,

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dch\. iMais reducalioii est rcstcc supcrficicllc ou rudimen-laire; parlanl., liors dc son ccrcle clroil, il n'est pas a sa place. II apcrcoiL ou il enlrevoitles idees poliliqiics; c'esl poiirquoi il se croil capable. Mais il no les apei'Qoit que dans unc formulc, ou il nc Ics cnlrevoiLqu'a travcrs uu nuage; e'esL pourquoi il est incapable, et les lacuncs conimc les ac([iiisilions dc son intelligence conlribuent a lairc dc lui un Jacobin.

II

Dcs hommcs ainsi disposes ne peuvent manqucr de so rapprocbcr, de s'entendre et de s'associer : car ils ont le nieme dogme, qui est le principe de la souverainetd du peuple, et le mtime but, qui est la conqu6te du pouvoir politique. Par la communaute du but, ils sont une fac­tion; par la communaute du dogme, ils sont une scctc, ct Icur liguc se none d'autant plus aisemcnt qu'ils sont a la fois unc sccte et une faction.

Au commencement, on ne distingue pas Icur sociele dans la multitude dcs aulres. De toutes parts, apres la prise dc la Bastille, les associations politiques on t su rg i : il fallait bicn supplcer au gouvernementdepossedeou de-fail lant, pourvoir aux plus urgents des bcsoins publics, s'arniercontre les brigands, s'approvisionner dc grains, se i';arder conlrc les cntrcpriscs possibles de la cour. Dcs co-inilessesontinslallcs aux hotels de villc; dcs volontaircs se sont formes en milices bourgeoises; des milliers dc pou-voirs locaux prcsque indcpendants se sont substitues an pouvoir central presqucdetruit ' . Pendant six mois, tout le mondc a vaque aux affaires communes, et cliaque parlicii-lier, dcvonu unc personne publique, a portc sa quote-part dans lo fardcau du gouvernement: lourd fardeau en lout

1. Cf. la Rcvolalion, I, 79.

t o LA. REVOLUTION.

Icmps, plus lourd en Lemps d'anarchlc; c'csl I'avis du plus '^rand nombrc, mais ce n'cst pas Tavis dc quclqucs-uns. Par suite, cnlre ccux qui s'cn sont charges, un de­part sc fait, etdeux groupes sc forment, I'un gros, iiiertc, dissous, I'autre petit, scrre, actif, chacun dans sa voie et a I'entreededeuxvoiesquivontendivergcantdeplusenplus.

D'un c6te sont les liomnies ordinaircs, les gens occupes et de bon sens, qui ont un peu de conscience ct point trop

. d'amour-propre. S'ils ont raniass6 le pouvoir, c'est qu'il gisait par Icrre, abandonne dans la rue; ils ne le de-tienncnt que provisoirement;.car ils ont dcvine d'avancc ou decouvert ivbs vite qu'ils n'etaient gucre proprcs i cet office; c'est un office special qui, pour etrc convena-blemcnt rempli, exige une preparation et une compe­tence. On ne devient pas, du jour au lendemain, legis-laleur ou administraleur, et la raison en est qu'on ne devient pas i I'improviste medecin ni cliirurgicn. Si quelque a^ccident m'y oblige, je m'y r^signcrai, mais a contrc-cccur; je n'exercerai que le moins possible, et seulement pour empecher mes malades de s'eslropicr eux-mtimes; j'aurais trop peur de les tuer en les operant, et je renlrcrai au logis sitot qu'ils voudront bien nommer quelqu'un a ma place'. — Pour le choix de cet autre, je serai bien aise d'avoir mon vote, comme tout le monde et, cntre les candidats, je designcrai, au micux de nics luniicrcs, celui qui me parailra le plus conscicncieux ct le plus habile. Mais, une fois nomme et inslalle, je n'entre-prcndrai point de Ic rcgcnlcr; il est chez lui dans son cabinet; je n'ai pas le droit d'y aller inccssamment pour le metlre sur la sellette, comme un enfant ou un suspect. II ne m"apparticnt pas de lui prescrirc scs prcscriplions : prohablenicnl, il en sait phis que moi; en tout cas, pour qu'il ait la main sure, il ne laut pas qu'il soit menace et

1- Cf., a ce sujel, les avcux dc PhonnCle Dailly {ilemoires, passim).

LES JACOBINS. d l

pour qu'il ail la Iclc librc, il ne faiit pas qu'il soil de­range. Moi non plus, il ne faul pas qu'on mc derange: j'ai mon bureau et mcs 6crilures, ou ma boutique et mcs chalands. A chacun son cmploi, et chacun a sa besogne : qui veul faire cellc d'aulrui avec la sionnc gdLe la siennc elccllc d'aulrui. — Ainsi penscnt, vers le commcncemcril de 1790, la phiparl dcs csprits sains, lous ccux donl la cervclle n'a pas clc brouillec par la manic ambilicusc cl • raisonnante; d'aulant plus qu'il's out six mois de pra­tique et savcnt maintcnant a quels dangers, a quels niecomptcs, il quels degouts.l'on s'expose, lorsqu'on enlrcprend de conduire un pcuplc surexcitc et aflame. — .kistement, en decembre 1789, la loi municipale vient d'etre failc, el presque aussitut, dans toute la France, on elit le maire et Ics officicrs municipaux, puis, dans les mois qui suivent, les administrateurs de departement et dc district. Enfin I'inlerrcgne est fini : voici dcs auto-rites Icgalcs, legitimes et dont les attributions sont detcr-minecs. Les honnetes gens raisonnablcs s'emprcssent de rcmcttrc le pouvoir 0, qui de droit, et, ccrtainemeni, ils ne songent pas a le reprendrc. Tout de suite, leurs socielcs temporaires se dissolvent faute d'objct, et, s'ils en font encore une, c'est pour promeltre de dcfcndre les institutions etablies. A cct cffet, ils se federcnt et, pen-

"dant six autres mois, ils echangcnt des scrmcnls cL dcs embrassades. — Cela fait, apres le 14 juillct 1790, ils rentrent dans la vie privcc, ct j'osc dire que desorniais, pour la tres grande majoritc des Francais, rambition politique est satisfaile : car, au fond, tout en repetant les phrases dc Rousseau conlre la hierarchic socialc, ils n"y isouhailaient guerc que la suppression dcs bourradcs ddminiistralivcs et dcs entrees de favcur'. lis out oblcnu

1. Rclif dc la Di-clonnc, Nails de Pans, XI" null, p. 36 : « Pciulanl vingl-« cinq ans. j'ai vocu d Paris, pluslibre que I'air. Ueux moycns suffisaicnt c a lous les liommcspour y clrclihics coiurac moi: avoir de la pvobile el iie

42 LA REVOLUTION.

lout ccla et quanlilc d'autrcs choses par surcroiL, notam-ment le lilre augusle de souverains, la deference dcs pouvoirs publics, les coups do chapcau de quiconque faiL uiic harangue ou licnt une plume, bicn mieux, la souve-raincle cfrcclivc, la nominalion dc loutcs les aulorilcs locales cL centrales. A cux d'elire, non sculenienl les deputes, mais les fonctlonnaires de toule cspecc ct de lout degre, adminisl.ralcurs dc commune, de district ct dc departement, officicrs de la garde nationale, jugcs au civil et au crimincl, 6v(iqucs et cures; de plus, afin de mlcux soumellre I'clu aux clectcurs, la loi, ordinai-rement, ne le laisse en charge que pour un temps tres court'; en sorte que, tons les quatre mois environ, la machine electorale se rcmet en branle et appclle le sou-verain a exercer sa souverainete. — G'cst beaucoup, ct meme le souvcrain trouve lout de suile que c'est trop : 11 est insupportable de voter si souvent; tant de preroga­tives finissent par devenir une corvee; des les premiers mois de 1790, la majorite s'en dispense, et le chiffrc des absents est enorme. A Ghartres, en mai 1790 2, sur 1551 ci-loyens actifs, 11 y en a U47 qui nc viennent pas aux assemblees primaires. Pour la nomination du maire et dcs officicrs municipaux, i Besancon, sur 3200 electeurs inscrlts, on comple 2141 absents en Janvier 1790, et 2900 au mois de novembrc suivant'. A Grenoble, aux mois d'noLit ct de novembrc de la m lime annce, sur 2500 in-scrits, un comple plus dc 2000 abscnls\ A Limoges,.sur un nombre a pcu pres egal d'inscrits, il ne se trouve quo 150 volants. A Paris, sur 81 200 elcclcurs, en aoiit 1790,

« point fairedebrocliurcs conU'C les minislrc?. Tout Ic rcslc clail permis, el "jamais ma liberie iva clc geiicc. Cc ii'cst que depuis la rovolulion qu'iiii « sceleral est parvenu a me faire arrclcr dciix fois. »

1. Cf. la Revolution, I, 264. 2. ji;oni/cur,IV, 493, LcUrc de Cliai-l/cs, 27 mai 1730. 3. Sauzay, I, 147, 195, 218, 711. 'i. Mevcm-c dc France, n" dcs 7, I'i, 28 aodl 1790, 18 dccembre 1790.

LES JACOBINS. 43-

67 200 ne volent pas, cl, Irois mois plus lard, le nombrc (Ics absents est dc 71 408'. Aiiisi, pour uii elccteur qui vole, il en est quatrc, six, liuit, dix et jusqu'a seize qui s'abslicnncnt. — Menie spectacle pour I'tjlection des de­putes. Aux asseniblees priniaircs de 1791, a Paris, sur Ics 81 200 inscrils, plus de 74 000 manqucnl a I'appel. Dans lcDoul)S, sur quatrc citoyens aclil's, Irois no vicnncnl, jias. Dans tel canton de la C6te-d'0r, a la fin du vote, il ne rcstc autour du scrutin c|u'un liuiticime des electeurs, ct, aux asseniblees secondaircs, la desertion n'esl pas nioindrc. A Paris, sur 946 electeurs elus, il ne s'en Irouve que 200 pour donner leurs sulTragcs; a Rouen, sur 700, il n 'yen a que 160, et, au dernier jour du scrutin, 60 seu-lement. Bref, « dans tons Ics departenients », dit un ora-tcur a la tribune, « sur cinq electeurs du second dcgre, a « peine en est-il un qui se soil acquitte de son mandat.» — Ainsi la majoritc donne sa demission, cl, par inerlic,. iniprevoyance ct fatigue, par aversion pour Ic lapage electoral, par manque de preferences poliliques, par

1. Mcrcurc dc France, n" du 2G novembrc nOO.Pclion csl nommu maire de Paris par G728 voix sur 10 632 volants. « 11 no s'csl Irouve que 7000 « volanls a la noniinalion des electeurs qui ont nonimc Ics deputes ii la « legislature. Partout les assombleesmunicipalesou primaires soul dcserlccs « dans la mcme proportion. « — Monilcur, X, bid, n° du 4 dccenibre 1791. Manuel csl clu procurcur de la Commune par 3770 voix sur ."JSII volants. ''— lb., XI, 378. Pour I'clcction des officiers municipaux dc Paris, les 10 el 11 fevricr 1792, il ne se presenle que 3787 volanls; Dussaull, qui a le plus dc voix, rcunil S.'iSS suflragcs; Scrgcnl en a 1G4S. — Ruclicz clRoiix, Xi. 238. seance du 12 aoiil 1791. Discours de CIr.ipclier. — Archives nalio-nalcs, F ' , 6, carton 21. As<emblee primaire du 13 juin 1791, canlon dc Pczc (Cote-d'Or). Sur 4G0 citoyens actifs, il y a 157 presents, et au der­nier lour .58. — lb., V\ 3235, Janvier 1792, I.ozerc : « 1000 citoyens au " plus sur 25 000 ont vote dans les asseniblees primaires. A Saint-Cheiy, • olief-licu du district, quclques brigands amies parvinrenl {i former seuls. • I'assciiiblc-e primaire e ta substitucr relcclion qu'iJs firont a cellos de lum . paroisscs doiil les citoyens ciTraycs sc retirorcnt... A Langogne, chef-lieu . dc canlon ct de district, sur plus de 400 citoyens aclifs, 22 on 23 loul • au plus, Icis qu'on peul Ics supposcr des que Icur presence ccarlail. « tons les aulrcs, formcrcnt sculs I'assemblee. »

(xk LA REVOLUTION.

dc^-oul pour lous Ics candidats qui sc prcsenlcnt, cllc se derobe a la lache que la conslitution lui imposait. — Ce n'cst pas pour s'cn imposer unc autre collalcrale, plus pcsante el dc surcroit, je veux dire le travail assidu que comporte unc nouvellc liguc. Des liommes qui nc Irou-vcnt pas le Icnips dc vcnir qualrc fois par an mcllrc un bulletin dans unc boile ne viendront pas Irois fois par scmaine assisler aux seances du club. Bien loin dc s'in-gcrer dans le gouverncment, ils abdiquent, et ils n'cn-Ireprendront point dc le conduire, puisqu'ils refusent de le nommcr.

Tout aurebours, les orgucillcux ct Ics dogmaliquesqui ont pris au scrieux leur litre de rois : non seulemcnt ils votent aux elections, mais ils cntendent rclenir pour cux I'autorite qu'ilsdelcgucnt. A leurs yeux, tout magistral est leur creature ct demcure Icur justiciable; car, en droit, la souvcraincle du peuplc ne pent Ctre alienee par le peuple, ct, en fait, la jouissance du pouvoir leur a scmbl6 si douce, qu'apres I'avoir cxcrce ils ne conscntcnt plus a s'en dessaisir^ Pendant les six mois qui ont preccd6 Ics elections reguliercs,ils se sont reconnus, 6prouv6s ettri^s; ils ont tcnu des conciliabules; leur entente est faite% ct desormais, a mesure que les autres associations lonibent

L Exemple dc cc pouvoir et des satisfactions qu'il comporte. Deii"-not 1, 140 147 : « A la piiijlicalion des decrets du 4 aoOt, ic comilc dc sur « veiilancc de Monligny, renforc6 dc tous les palrioics dc la conlrec « descendit commc un torrent sur la baronnie dc Clioiscul..., exlermina - les lievrcs et les perdrix... On pccha Ics clangs... A iMandre, • nous Irouvons, dans la premiere piece de Taubcrge, unc douzaine de « paysans rcunis autonr d'une table garnie de verres et dc boutcilleS; et « ontrc icsquels on reniarquait unc ccriloirC; des plumes et quelque chose « qui ressemblait a un regislrc—« Jenc sais ce qu'ils font, disait la niai-« tresse d'auberge, mais ils sont lii, du soir au matin, a boire, a juror a « tcmpuler conlrc lout le nionde, ct ils disent qu'ils sont nn comil>'- 1

2. Albert iJabcau. I, 205 242. Premiere reunion du Coniite rcvoluiion-nairc dc Troycs au cimclierc Sainl-Julcs, aoiH 1789. Co comile devienl 'c seul pouvoir de la ville, aprcs I'assassinat du niaire IIucz fin cc Icmbre 1790). " ^

LES JACOBINS. 45

commc unc cniorcsccnce ephemere, lours socielcs vivaces sc clrcsscnl sur Ic sol abandoiinc. II y en a unc a Marseille avanl la fin dc 1789; ct, dans Ics six premiers mois dc 1790, cliaque grandc villc a la sicnnc, Aix en fevrier, Mont-pcUier en mars, Nimes en avril, Lyon en mai, Bordeaux en juin ' . — JMais c'est surtout apres la fiilc de la Federa-Uon qu'clles se muUipIicnt. An moment ou tons les ^a"oupes locaux sc fondent dans la palrie g6nerale, les seclaircs se cantonnent et fonl unc ligue A pari. A Rouen, Ic 14 juilleL 1790, deux chirurgiens, un imprimeur, I'au-monier de la concicrgcrie, unc veuve israelile el qualre lemmes ou enfanls de la maison, en lout liuit personnes, s'engagcnt ensemble par unc association dislinclc^ : ce sont des purs, ils ne veulent pas etre confondus dans la Ibule. Leur palriolisme est de qualile superieurc, et ils comprennent le pacte social a leur facon^: s'ils jurent la constitution, c'est sous reserve des droits dc riiomme, ct ils comptent bien, non seulement mainlenir les rci'ormes faites, mais achever la revolution commencec. — Pendant la Federation, ils ont accueilli ct endoctrinc Icursparcils. Ceux-ci, en quittant la capilale ou les grandcs cites, rcm-portent dans Icurs petiles villes et dans leurs bourgadcs des instructions ct des directions : on leur a dit a quoi scrt un club, comment on le forme, et, de toutes parts, -des societes populaires s'etablissent sur le memo plan, avec le mCme but, sous le mcimc noni. Un mois apros, il y en a 60; trois mois plus lard, 12-2; en mars 1791, 229 ; en aoul 1791, pres de 400'. Puis, subilcmcnl, leur propaga-

1. La Rcvolulion, I, 305, 315, 326. — Rucliez et Roux, VI, 179. — C.uilloii (Ic MoiiUeon, Ilisloirc de la ville de Lyon pendant la Rciolu-' 'on, 1, 87. — Guadct, les drondins.

2. Michclol, IJisloirede la Bevoluliou, 11,47. 3. I.C ivglcmont de la socielc dc Taris porle que les membrcs devronl

« Iravailler a rulablisscmonl ct a I'afTerniissemcnt dc la conslilulion, sta"-« vant I'cspril dc la socielc. »

4. Mcrcurc dc France, n" du 11 aoQl 1790. — Journal de la socicte des

46 LA RKVOLUTION. lion dcvient enormc, parcc que deux sccousscs simuUa-nees cparpillenl Icurs graincs sur tous les terrains. — D'unc part, a la fin do juillct 1791, Ics hommcs moderes, amis dc la loi clparqui Ics clubs etaicnLconlcnus encore, lous IcsconsliUilionnels on fcuillanls s'cn rclircnt cL les abandonnenfc d I'exag-eralion ou a la Irivialite dcs motion-naircs : aussilot la poliliquc s'y ravalc au Ion du cabaret ct du corps de garde; par suilc unc association politique pcul nailre parlout ou il se trouvc un corps dc garde ou un cabaret. — D'autrc part, d la meme dale, les electeurs sonl convoqu6s pour nommer unc autre Assemblee nalionale ct pour renouvclcr les autorites locales : ainsi la proic est en vue, ct parlout dcs soci6tcs dc chasse s'or-ganisent pour la capturcr. — II s'cn forme 600 nouvellcs en deux mois* : a la fin dc scptembrc 1791, on en comple 1000; en juin 1792, 1200, c'est-d-dire autant que de villes et dc bourgades lermees. Apr6s la chute du tronc, sous la panlque dc I'invasion prussiennc et dans ranarcliic cgalc a celle de juillct 1789, il y en aura, comme en juil­lct 1789, prcsquG autant que de communes, 26 000, dit Rocdcrer, unc dans tout village qui renferme cinq ou six totes chaudes, criards ou lape-dur, avcc un pluniitif ca­pable dc couchcr une petition par 6crit.

D6s le mois dc novembre 1790% « il faut «, disait un journal Irfes rcpandu, « que chaque rue d'unc villc, que « chaque hamcau ait son club. Qu'un honnCtc artisan « rasscmble chcz lui scs voisins; qu'a la lueur d'unc " lampe brulant A frais communs, il leur lisc les dccrcts « de TAsscmblec nationale, en assaisonnant la lecture

Amis dc la Conslilution. n° dii 21 novembre 1790. —lb., mars 1791. — /i_ 14 aoiU 1791, Discotirs de Uocdcrcr. — Duchez ct Roux, XF, 481. '

1. Michclct, II, 407. — Monilcnv, \U, 347; 11 mai 1793, article de Marie Clicnicr. Scion lui, il exislc u ccllc dale 800 socielus jaooljiucs — lb., XII; 753. Discours dc M. Delfaux, seance du 25 juin 1702 _ Rocdcrer, preface dc s a traduction de lIobLes.

2. Les Revolutions dc Paris, par rrudhomme, n° I73,

LES JACOBINS. 47

« do scs proprcs rcllcxions ou dc ccllcs de scs voisins; « qu'a la fiii dc la seance, pour egaycr iiii pcu I'audiloire « alarmu par iin iiumero dc Marat, on lui fassc succ6dcr « les jurons palrioliqucs du P6re Duchesne. » — Lc con-scil a etc suivi * : aux seances, on lit lout haut les bro­chures el catcchismcs cxpcdies de Paris, la Gazette villa-geoise, lc Journal da soip, le Journal de la Montagne, le Pcre Duchesne, les Revolutions de Pa^^is, le Journal dc Laclos; on chante des chansons revolutionnaircs. S'il se Irouve un beau parleur, ancien oratorien, homme dc loi ou mailrc d'^cole, il deverse sa provision dc phrases, il parle des Grecs et dcs Romains, il annonce la regentjra-lion dc rcsp^ce humaine : tcl, s'adressanl aux fcmmcs, veut que « la Declaralion dcs droits de I'liomme devienne « la principale decoration dc leurs appartements, et que, « si la guerre survient, les vcrtueuses patriotes marchent « i la tCte des arm6cs, comme de nouvellcs bacchantes, « les cheveux epars et un thyrse k la main, :>•> On ap-piaudit, on crie; sous le vent des tirades, les esprits s'6chau(Tcnt, et, au contact les uns dcs autrcs, ils prennent feu : dcscharbons mal allumes, et qui s'eteindraient s'ils restaicnt separes, font un brasier ardent quand on les met ensemble. —En meme temps, les convictions s'afTcr-missent : rien de si efficace qu'une coterie pour les cn-racincr. En politique comme en religion, si la foi enfanle I'Eglise, a son tour I'Eglise nourrit la foi : dans un club comme dans un convenliculc, cliacun sc sent autorise par Tunanimite dcs autrcs, ct toulc acllon ou parole des aulres tend a lui prouver qu'il a raison. D'auLant plus qu'un dogmc inconlcslc Unit par paraiire inconlcs-

1- Gonslant, Ilisloirc dun club jacobin en province, passim (club de Fonlainebleauj fondo le 5 mai 1791). — Albert Uabcaii, I, 43'i cl sui-vanlos : fondalion du club de Troycs. oclobre 1790. — Sauzay, I, 20G ct suivantes : fondalion du club dc licsancon, 28 aoul 1790. lb., 214 : fondalion du club dc ronlarlier, mars 1791.

48 LA REVOLUTION.

table- or Ic Jacobin vit dans un cerclc elroit el soigncu-scment ferme oil nulle idee contradicLoire n'cst adniise. Deux cents pcrsonnes'lui semblent Ic public; leur opinion pesc sur lui sans contrepoids, et, hors dc leur croyance, qui est la sienne, toule croyance lui parait absurdc ou m6me coupable. D'ailleurs, ace regime conlinu de prechcs qui sont des flatteries, il a decouvert qu'il est palriolc, eclaire, vertueux, et il n'cn pent douler : car, avant de Tadmcttre dans la societe, on a v6rifi6 son civismc, et il en porte Ic cerlificat imprime dans sa poclie. — II est done membre d'unc elite, et cetle 6iite, ayant le monopole du patriotisme, parle liaut, fait i)ande i part, sc distingue des simples citoyens par son accent et ses lacons. Des ses premieres stances*, le club de Ponlarlier inlerdit a ses mcmbres las formules de la poliLessc ordinaire. « On « s'abstiendra dc I'usage de se decouvrir pour saluer son « semblable; on evitcra soigneusement en parlant de sc « servir des mots j'ai L'honneur ctautrcsparcils. » Sarloul ou devra prendre un juste sentiment de son imporlancc. « A Paris, la fameuse tribune des Jacobins sculonc fait-clle « pas trembler les imposleurs et Ics lraiLres?Et, a son as-« pect,les contre/revolutionnaircs ne rcnlrcnt-ilspas tous « dans la poussierc? » — Ccla est vrai dans la province comme dans la capitale; car, h peine instilue, parlout le club s'est mis a Iravailler la populace. Dans phisicurs grandcs villcs, a Paris, Lyon, Aix, Dordcaux, il y en a"' deux, associes", Tun plus ou moins decent, parlemenlaire « compose en parlie des mcmbres des divers corps admi-« nislratifs, qui s'occupc plus parliculiercment des obiels « d'une uLililu generale », I'autre aclif, pratique, ou des raisonneurs de cabaret et des Iiarangueurs dc cafe en-

L Sauzay, I, 21/i. 2 avril 1791. 2. Journal des Amis de la Constilulion, I, b3k, Leltre du club 'du Cafd

i^aLio7ml de Bordeaux, 29Janvier 179L - Guillon de Monlleon I 8S -^aRcuoJutfon, I, 170, 316. ' '

.- , LES JACOBINS. 49

docinncni" Ics ouvricrs, les maratchers, les pcUts bour­geois. Le second esl la succursale du premier et lui ra-masse, pour les cas urgents, desfaiscurs d'emeule. « Nous « sommcsparmi le peuple », ecrit I'un dc ces clubs subal-ternes; « nous lui lisons les dccrcts, nous le prc^munis-« sons conlre l.os^.produclions ct les menses aristocra-" tiques par deS" l^eturcs et des conseils. Nous furelons, « nous depistons lous les complots, toutes Ics ma-« nceuvres. Nous accueillons, nous conseillons tous ceux cc qui croient avoir k sc plaindre; nous appuyons leurs cc reclamations quand elles sont justes; cnfin nous nous « chargeons en quclquc sorte des details. » — Grdce <i ces auxiliaires grossiers, mais dont les poumons et les bras sont vigoureux, le parti prcnd Tascendant; ayant la force, il en use, et, deniant tous les droits i ses adver-saires, il rctablit tous les privileges u son profit.

Considerons sa faQon d'agir en un scul exemplc et sur un terrain limitc, la libcrte d'ecrire. — Au mois de de-cembrc 1790', un ing6niGur,M. Etienne, que Marat et Frc-ron, dans leurs gazettes, ontdenonce et qualifi6 de mou-chard, depose unc plainte, fait saisir les deux numeros,

^et, assignant riniprinieur au tribunal de police, deniande une retractation publique ou 25 000 francs de dommagcs ct interets. Lu-dcssus, les deux journalislcs s"indignent: scion cux, ils sont infailliblcs ct inviolables. « II imporic « essentiellement, ecrit Marat, que le dcnonciateur nc « puisse jamais etre recherche par aucun tribunal, n'elant « conqHable qu'au public de tout cc qu'il croit ou pre-

1. Eugciie llalin,//is/ou-e polilique cl lillcrairc dc la pvcssc, IV, 210 (avcc Ics lexlcs de.Maral dans VAini du peuple, el dc Frcion dans VOralcnr du peuple).

LA. EfiVOLOTloN. U 4

50 LA Ill':VOLUTION.

« lend fairc pour le saliil du pcuple. » G'csL pourquoi M. Elicnne, dil Languedoc, esl un Irailrc. « .Vons Lan­ce "ucdoc, je vous conseillc devous lairc;... je vous pro-« mcls de vous faire pcndrc, si jc puis. > — Neannioins M. Elienne persisle, ct un premier arr6t lui adjugo scs con­clusions. Aussilol Marat ct Freron jcttent feu et flamme. c< Mailre Thorillon, dit Freron au commissaire, un chdli-« ment cxemplairc doit vous punir aux ycux du peuple; « il faut ([uc cet infanic arret soit casse. » — « Citoyens, c< ucril Maral, porlez-vous en foule i rH6lcl de Yille : ne « soulTrez.pas un seul soldatdans lasalle d'audience. >— Par vine condesccndance extreme, le jour du prociis, on n'a introduil que deux grenadiers dans la salle; mais c'esl encore Irop; la foule jacobine s'ecrie : « Ilors la garde! « Nous sommes souvcrains ici, » et les deux grenadiers se retirent. Par contre, dit Freron d'un tontrioinphant,on coniptait dans la salle « soixantc vainqueurs de la Bas­te title, I'inlrcpide Santerre k leur t6te, et qui se propo-« saient d'intervcnir au procfes. » — De fait, ils inter-viennent, ct centre le plaignant d'abord : a la portc du tribunal, M. Etienne est assailli, presque assoniinc ct tenement malmene, qu'il est oblige de se r6fugicr dans le corps de garde; il est couvcrt de crachats; on fait « des motions pour lui coupcr les oreillcs »; scs amis rc-^oivcnt « cent coups de pied »; il s'enfuit, ct la cause est remise. — A plusieurs reprises, elle est appelce dc nouvcau, cL il s'agit maintcnant de conlraindre lesju-ges. Un certain Mandart, autcur d'une brochure sur la Souveminete du peuple, se levc au milieu de I'assistance, ct declare a Bailly, mairc de Paris, president du tribunal, qu'il doit se rccuscr dans ccLle alTairc. Bailly c5de, selon I'usa-e, en dissimulant sa faiblesse sous un prctcxtc ho­norable : « Quoique un juge, dil-il, nc doivo clrc recuse " que par des parties, il suffit qu'un scul citoyen ait « nianifcste son vocu pour que jc m'y rendc, et je quitte

LES JACOBINS. !Jl

« Ic siugG. » QiianL aux autrcs Jugcs, insLillcs, mcnac6s, ils finisscnL par plicr dc iiicmc, cl, par iin sopliismc qui pcinl bicii ropoipic, ils dccouvrcnt dans ro[)[)rcssioii (pie subil ropi)riiiic uii moycn logal'dc colorerlcur dcni dc jus-lice. M. l-'licrinc lour a sigiiilic qu"ii no pouvaiL coiiipa-railrc a raudicncc, nozi plus que sou dcfeuscur, parce qu'ils y courcnL risque de la vie : sur quoi, Ic tribunal declare (lu'Elicnno, « faulc d'avoir comparu en pcrsonne « ou par un defcnscur, est non rccevable cii sa.dcniando, « cl le condamnc aux depcns. » — Lcs deux journalislcs cnlonncnl aussilul un chant de vicloirc,eL Icurs arliclcs, . repandus dans loulc la France, degagcnt la jurisprudence cnfermec dans I'arrel: desormais loulJacobin pcut impu-nemenl denoncer, insullcr, calomnicr qui bon luisemble ; il est a I'abri des tribunauK et au-dcssus des lois.

Meltons en regard la liberie qu'ils accordent d leurs adversaires.— Quinze jours auparavant, le grand ccrivain qui, chaque semaine, dans le premier journal du temps, iraile les questions sans toucher aux personncs, I'hommc indepcndant, droit ct honorable enlre tous, I'eloqucnt, le judicicux, le couragcux defcnseur de la liberie veritable ct de I'ordre public, Mallct-Dupan, voit arrivcr dans son cabinet unc deputation du Palais-Royal ^ lis sont douze ou quinze, bicn velus, asscz polls, point Irop malveil-

• lanls, mais convaincus que leur intervention est l(5giliinc, et Ton voii; par leurs discours i quel point le doginc po­litique en vogue a derange les ccrvcaux. « L'uu d'cux, « m'adressant la parole, nic signifia qu'ils (itaient deputes « des societes palriolicpies du Palais-Royal pour ni'in-« timer dc changer de principes et de cesser d'allaqucr « la constitution, sans qiiui on (ocerccvait conlre moi les « derniercs violences. — .le nc rcconnais, repondis-je,

.: « d'aulrc auloritc que cellc dc la loi ct des tribunaux. La

1. Moxure de France, w clu 27 uovcmbie 1790.

52 LA REVOLUTION.

« loi sculc est voire maUre cL le mien : c'est manqucr k « la consLiluLion que d'allcnler a la liberie dc parler el « d'ecrirc. — La coiislilulion, c'esl la volonle gene-« rale, reprit le premier porleur de parole. La loi, c'est cc Vcmpire du plus fort. Yous eles sous Tempire du plus « fori, et vous devez YOUS y soumellre. Nous vous expri-« mons la volonl6 de la nation, ct c'est la loi. » — II leur explique qu'il est contre I'ancicn regime, mais pour Tau-lorile royale. — « Oh! repliqu6rent-ils en commun, nous a serious bien filches d'etre sans roi. Nous aimons le roi, « el nous defcndrons son auloril6. Mais il vous est de-« fcndu d'aller contre I'opinion dominanle et conlre la li­ce berle decretee par TAssemblee nalionale. » — Apparem-ment, il en sail plus qu'eux sur cct article, elant ne Suisse et ayant vecu vingt ans dans une r6publiquc : peu imporle; ils insistent et parlent cinq ou six ensemble, sans entendre les mots don I ils se servent, tous se contre-disant lorsqu'ils arrivent aux details, mais tous d'accord pour lui imposer silence. « Vous no dcvez pas vous op-« poser a la volonle du peuple; autrement, c'est prechcr « la guerre civile, oulrager Ics dccrels et irritev la na-•« lion. » — Manifcstement, pour eux, la nation, c'est cux-mfimes; b. tout le moins, ils la reprcseutent: de par leur propre investiture, ils sont magistrals, ccnseurs, officicrs de police, et le journalistc lance est trop heureux quand avec lui on s'cn tient a dcs sommations. — Trois jours auparavant, il elait averti qu'un attroupement form6 dans son voisinage « nienaQait de trailer sa niaison comme « ccUc de M. de Castries «, ou tout avail ele brise et jelO par les fenelrcs. Une aulre fois, a propos du veto absolu ou suspcnsil", « quatre furieux sont vcnus lui signiPici' « dans son domicile, et en lui monlrant leurs pislolcls '• qu'il rcpondrait sur sa vie de ce qu'il oserait ccrire en ' . lavcur de M. Mounier ». — Aussi bicn, des les pre­miers jours dc la [levolulion, « k I'inslant oil la nation

LES JACOBINS. 53

« rcnlrait. dans Ic droit incslimablc de pcnscr cl d'ecrire " libremenl, la lyrannie dcs factions s'cst cmprcssec de c> Ic ravir aiix citoycns, en criant i chaque citoycn qui « voiilait restcr maitrc dc sa conscience : Tremble, meurs, « ou pense comme moi. » Dcpuis ce moment, pour impo-scr silence aux voix qui lui dcplaisent, la faction, de son autorit6 privcc', d(icrete et execute des perqui­sitions, des arrestations, des voics de (ait, et, (\ la fin, des assassinats. Au mois de juin 1792, « trois d6crels de « prise de corps, cent quinze denoncialions, deux sccll6s, <c quatre assauts civiques dans sa proprc maison, la con-« fiscation de toules ses propri6tes en Franco », voila la part de Mallet-Diipan; il a pass6 quatre ans, « sans 6tre :c assur6 en se couchant de se reveiller libre ou vivanl le « lendemain ». Si plus tard il 6chappe i la guillotine ou a la lanterne,. c'est par I'exil, et, le 10 aoul, un autre jour-naliste, Suleau, sera massacrd dans la rue. — Telle est la faQon dont le parti entcnd la liberie d'ecrire; par ses cmpietements sur ce terrain, jugcz des aulres. La loi est nulle <i ses yeux quand cllc le g^na ou quand elle couvrc ses adversaircs; c'est pourquoi il n'cst aucun cxces qu'il nc sc permctte a lui-mcmc, et aucun droit qu'il ne refuse h autrui.

Rien n'ecbappe i\ I'arbitraire des clubs. « Celui de Mar-« scille a contraint des officiers municipaux a. donncr " leur demission-; il a mande (devant luij la municipa-

\.I\Iarcurc dc Fm?icc, n-ilii 3 se]itembre 1701, article dc Mallel-Dapan : oSurune denoncialion dontjc connais les auleurs, la section clu. i,u.vem-« Ijom-g envoya Ic 21 jnin, jour tin depart dii roi, iin detaclicmciil mili-« lairc et des commissaires dans men domicile. iNulie decision jiiridique, " nulordre legal; soil do lapclice, soild'un tribunal; soil d'un jiigede paix, » nul examen qiielconque ne prcccda celtc expedition.... Les cinployes dc • la section visit6rcnl nies papicrs, ines livres, mes lellrcs, Iranscrivirenl « q'loiques-unesdcceilcs-ci, cmportL-rent copies el originaux, clapposerent « sur le rcste des scelles qu'ils laisserent sous la garde dc deux fusiliers. •

2. lb., nodu 27 aoill 1791, rapport de Duporl-Duterlre, minislrc de la jus-lice. — lb. Cf. les nunieros du 8 sciilenibre 1700 el du 12 mars 1791.

54 LA RKVOr.UTlOX.

<t lilc: il a meconnii raiilorilc dvi dcpavlcmcnl; il a in-'f siillc Ics aclminislralcui-s. Lcs mcmbrcs dc ccliii d'Or-<t leans stirvclllaicnl Ic tribunal dc la iiaulc cour nalionale '• ct y prcnaicnl seance. Ccux dc Caen onl oiUrage lcs « magislrals, cnlcve et brCile la procedure commencec « conlrc Icspcrsonnes qui ont brise laslaluede Louis XIV. '< Ceiix d'AIby ont cnlcve dc force du grelTc iinc procedure « dirigec conlrc un assassin cl Font briilec. » Lc club dc CouLanccs intimc aux ddpules dc son district la defense dc « faircla moindre r6flG\ion conlrc Icslois populaircs «• Celul de Lyon arrfite un convoi d'arlilleric, sous pretcxle que lcs ministres en place n'onl pas la confiance de la nation. — Ainsi, partout le club rfegne ou so prepare i r6gner. D'une part, aux Elections, ilecarteou palronnc les candidalurcs ct vole presque seul; i toulle moins il fait voter; en definitive c'est lui qui nommc, ct il a, de fait, sinon de droit, tous lcs privileges d'une aristocratic poli­tique. D'autrc part, il s'erige spontanement en comite de police, il dresse et fait circuler la liste nominative des malveillants, suspects ou lifedes; ildenonce les nobles dont Ics fits ont 6migrc, les pr6tres inscrmentds qui continuent a r^sider dans leur ancienne paroisse, les religicuses « dont la conduite est inconstitulionnelle »; il excite, di-rige ou gourmande les autorit6s locales; il est lui-mc^mc uneautorite suppI6nientaire, superieure, envahissante. — Tout de suite, ce caract6re a frapp6 les hommes de sens el, en plusieurs endroits, ils ont proteste. « Un corps ainsi « constitue, dit une petition', n'est fait que pour armer « les ciloycns les uns centre les aulres.... On y fait des

I. Sauzay, I, 208, petition des officiei-s dcia garde nalionalc dc Dcsanron, et ol>servalions dc la municipalile, 15 seplembre 1790. — f'elition dc 500 £?ardes nationaux, 15 ddcembre 1790. — Observations dn dirccloire du dis­trict: cc dircctoirc, qui a autoris6 iecliib, avoiie que «lcs (rois quarts« de 'a garde nationalc et une partic des autrcs ciloyens «lui sont tout ii fait loslilcs ... — rclilions analogues i Dax, i Clialon-sur-Sa6ne, etc, contrc lo clubder?ndroil.

LES JACOBINS. 55

<: discussions, des denonciations sur Ics personnos, ct « LouL ccla sous Ic sccau dii secret le plus inviolable.... -» Lci, Ic citoycn honnOlc, livre au\ calomnics les plus « alroccs, so Irouve egorgc sans defense. C'esl un vrai « tribunal cUinquisition; c'esL Ic foyer dc lous les ecrils « scdilieux; c'cst unc ecole dc cabales ct d'intrigues. « Lorsque les ciloyens ont eu i\ rougir dc clioix indigncs, « CCS clioix ont loujours etc produils par des associations « dc cctte espfece.... Compose dc gens cchautles el incen­se diaircsqui aspirent i gouvcrner I'Etat, « partout le club tend « a s'cmparer de I'esprit populaire, a conlrccarrcr « les municipalites, i so mcttre cnlrc elles et le peuple », ti usurper les pouvoirs 16gaux, i devenir « un colosse de « despolisme ». — Vaines reclamations : rAssembl6e na-lionale, toujours alarmcc pour elle-niOme, couvre les so-ci6tes populaires de sa favcur ou de son indulgence. « II « faut, avait dit un journal du parli, que le peuple se « forme en pelitspelotons. » Un a un, pendant deux ans, les pelotons se sont formes; il y a maintenant dans chaque bourgade une oligarcbie dc clochcr, une bande cnr6gimcntce et gouvernante. Pour que ccs bandes 6par-ses fasscnt une armee, il nc Icur restc plus qu'i Ircu-ver un centre de ralliemcnt ct un 6lat-maior. Ce centre est form6 depuis longtemps: cet 6tat-major est tout pret;

J'un et I'autre sont ci Paris, dans la society des Amis de la Consliliition.

IV

En effct, il n'y a pas en France de soci6t6 plus auto-risce ni plus ancienne; nee avant la Revolution, elle date du 30 avril 1789 '. — A peine arriv6s a Versailles, les de­putes de Quimper, d'llennebon ct dePontivy, qui, dans les

1. Lellres (mamiscrites) de .AI. lioulle, dtSpule dc Ponlivy, a scs commct-tanls. ( 1 " niai]78[).)

56 LA REVOLUTION.

clals dc Brelagne, avaiont appris Ian6ccssil6dc concerter leurs voles, oni lou6 une sallc en commun, el lout de suite, avec Mounier, secretaire dcs etals du Dauphine, et plu-sieurs deputes des autres provinces, ils ont fonde une reunion qui durera. Jusqu'au 6 octobre, elle ne comprend que des represenlants; cnsuite, Iransportee i Paris, rue Saint-IIonore, dans la bibliotheque du convent des Ja­cobins, elle admel parmi ses membres d'aulres bommes considerables ou connus, en premiere ligne Condorcet, puis Labarpc, Ch6nier, Ghamfort, David, Talma, des 6cri-vains et des artistes, bientOt plus de millc personnes notables. — Rien de plus s6rieux que son aspect: on y comptera deux cents, Irois cents deputes, et ses sta-tuts semblent combines pour rassembler une verilable elite. On n'y est admis que sur la presentation de dix membres et apr6s un vote au scrutin. Pour assister aux seances, il faut une carte d'entr6e, et il arrive un jour que I'un des deux commissaires cbarges de verifier les carles a la porte est le jeune due de Ghartrcs. II y a un bureau, un president. Les discussions ont la gravite par-lementaire, et, aux termes dcs statuts, les questions agi-teessont celles-la niGmes que debat TAsscmblde nationale'; dans une salle basse, h. d'aulres heures, on instruit les ouvricrs, on leur explique la constitution. A regarder de loin, iiulle societe n'est plus digne de conduire ropinion* de prcs, c'est autre chose; mais, dans les dcpartements on ne la voit qu'a distance; et, scion la vieille habitude implantee par la centralisation, on la prend pour guide parce qu'elle siege dans la capitalc. On lui emprunte ses statuts, son reglement, son esprit; elle devient la socicte-mere, et toutes les autres sont ses lilies adoptives. A cet

1. Rogloinenl de la society : « L'objelde la soci^le estdc disculer d'avance • les questions qui doivent dtrc dccidees par I'Assemblee nalionale... el de « corrospondro avec les socieles du m6me genre qui pourraicnl sc former • uans Ic rovaumc. »

LES JACOBINS. • : , 57

effet, elle imprime Icur lisle en lelc de son journal, elle piiblie Icurs denoncialions, elle appuie leurs reclama-lions : desormais, dans la bourgade la plus recul6e, tout Jacobin sc sent autorise et soulenu, noh seulenicnt par le club local dont il est mcmbrc, mais encore par la vasle associalion dont les rejets mullipli6s ont envabi tout le. Icrriloire ct qui couvrc le moindre do ses adbcrcnls de sa loulc-puissanle iDrolcclion. En ecbange, cbaque club af-0116 obeit au mot d'ordre qui lui est expedie de Paris, et du centre aux exlremites, comme des exlremites au :cntre, unc correspondancc continue cnlrcticnt Ic concert elabli. Ccla fait un vasle cngin politique, une machine aux milliers de bras qui op6rcnt tons a la fois sous une impulsion unique, et la poignce qui les met en branle est rue Saint-llonore aux mains de quelques meneurs.

Nulle machine plus elficace,- on n'en a jamais vu de micux combineepour fabriquer une opinion artiricielleet violente, pour lui donner les apparences d'un vceu natio­nal et spontane, pour conferer a la minority bruyante les droits de la majoritc muettc, pour forcer la main au gou-vcrnement. « Notre tactiquc 6lait simple, dit Gregoire'. « On convenait qu'un de nous saisirait I'occasion oppor-« tune de lancer sa proposition dans une stance de I'As-« semblee nationale. II etait sur d'y 6tre applaudi par un

> Irfes petit nombre ct hue par la majorite. N'importe. II « demandait^et Ton accordait le renvoi a un comit6 ou « les opposantsesp6raient inhumer la question. Les Jaco-« bins de Paris s'en emparaient. Sur invitation circulaire « ou d'aprfes leur journal, elle 6tait discutee dans trois ou « quatre cents soci6tes affili^es, et, trois semaincs apres, « des adresses pleuvaient i I'Assembl^e pour demander « un decret dont elle avail d'abord rejetc le projct, et « qu'clle admcllait ensuito a une grande mojorite, parce

• 1 Memoii-es, I, 387.

58 LA RKVOLUTION.

« que la discussion avail miiri I'opinion piibllqiic. » — En d'aulrcs Icnnes, il Taut que rAssemblee marchc; sinon on la Irainc, el, pour rcnlrainer, Ics pires expedienls sont bons : la-dessus, faiialiqucs ou inlrigaiils, lous Ics con-ducleui's du club sc Irouvcnt d'accord.

En Icle dcs premiers est Duporl, ancien conscillcr au Parlement, qui, des 1788, a compris I'emploi des emeutcs; Ics premiers conciliabulcs revolutionnaircs se sonl lenus chez lui; il veul « labourer profond », et ses plans pour enfoncer la charruesont tcls, que Sieyes, esprit radical s'il en futjles a nomm6s une « politique de cavcrne' . » G'est Duport qui, Ic 28 juillet 1789, a fait etablir le comite dcs reclierches; par suite tons les ddlatcurs on cspions de bonne volonte font, sous sa main, une police de surveil­lance qui devient vite une police de provocation. La sallc basse des Jacobins ou cbaque matin on catechise les ou-vriers lui fournitdes recrues, et ses deux seconds, les freres Lameth, n'ont qu'a y puiser pour Irouver un personnel zele, des agents de choix. « Tons les jours^, dix liommes « devoues viennent prendre leur ordre; chacun de ccs dix « le donne 6, son tour i dix hommes appartenant aux « divers bataillons de Paris. De cette faQon, tous les batail-« Ions et toutcs les sections recoivent a la fois la m6me « proposition d'cmculc, la ni6me d6nonciation centre Ics « autorilcs consliluces, contre le maire de Paris, centre le « president du dcparlement, contre le commandant gcnc-« ral de la garde nationalc », le tout en secret; c'est une ojuvre de lenebres; ses chefs cux-m6mes la nomment « le

1. Malouet, II, 248. oj'ai vu le consciller Diiport, qui elait un fanali([ue « cL point un mediant homme, el deux ou Irois du memo genre s'ecricr : « La lerreur, la tcrrcur! comnic il est nialheureux qu'on I'ait rcndue ne-« cessaire1 »

2. Larayctle, Memoircs {Sur MM. de Lamclh ct Icurs amis). - - Selon «n mot du temps, « ce que pense Duporl, Uarnave le dit. cl Lamelli le fait ». — On nommait CO trio le Tviumvirat. Mirabeau, iiomniedc gouvernemcnt et qui rcpugnait au desordrc brutal, I'appclait le Triumgucusat.

LKS JACOB 1 No. 59

It Sa!)bal », ct, avcc los cxallcs, ilscnrolcnL les bandils a lour service. « On Tail eourir le bniil cjiic, Icl jour, il y - aura uu grand desurdre, des assassinals, un pillage ini-- porlaid, precede d'une dislribulion manuelle })ar les " clicls .suballcrnes pour les gens surs, cL, d'apres ccs " annonccs, les brigands so rasscniblent de Lrcnle a qua-« ranle licucs a la rondc' ». — Un jour, pour lancer Temeute, « six hommes qui s'cnlcndent font d'abord un « pclit groupe dans lequel un d'cnlre cux p6rore avec « vehemence : soixante auLres s'amassenl; puis les six ««premiers moteurs vont de place en place ^> reformer

1. Moniteur, V, 212, o83, sdancesdu 31 juillcl el du 7 scplenibre 1190. Ilapporl et discoiirs de Diipont de Nemours. — Le r6le des vagabonds el liandils commence a Paris d6s le 27 avril 1789 (adaire Ueveillon). — Uiva-rol ecrivail deji le 30 juillet 1789. « Mallicur a qui rcmuo le fond d'une • nalion ! U n'eslpoinl de siccle de lumi^rcs pour la populace, n _ Dans le Discours pvGlimi7iaire do son fulur DicUonnairc, il rappelle scs arlicles d'alors: « On y verra Ics precauliousquc jc prenais poui' que ['Europe n'al-«• lribui\l pas a la nalion frangaise les liorrcurs commiscs par la foidc des « brigands que la revolution cl Vor d'un grand persoyinage avaienl atli-. res dans la capitalc. » — LcUre d'lai depute a scs commettants, publico clicz Duprcz k I'aris. au commenccmcnl de 1790. (Gilee par M. de Stigur, dans la Ucvue de France du l"' seplcmbro 1880.) 11 s'agit des manoeu­vres employees pour faire voter la conliscalion des bicns du clergd. <» Toul

• le jour de laToussainl (1" novembre 1780), on fit ballrc le ban cl Tar-« riere-ban pour rasscmblcr la Iroupe de ce qu'on appelle ici les coadju-"Jeurs de la rdvolulion. Le 2 novembre au malin, lorsque les depul(5s so « rondircnl ii TAssemblec, ils Irouverenl la place de la calliedrale el loulcs • les avenues de nirclicveclie, oii se lenaienl les seances, remplics d'une " foiilc innombrable de peuplc. L'armee <5lait compo=!ec de 20 a "25 000 » liomnics, donl la majeure parlie elait sans bas ni souliers; des bon-• nels do lainc el des liailluns formaicnl leur unifonne; ils avaicnl « pour amies des baloiis.... lis accablaienl d'injures au passage les • depules ccclesiasli.iucs, el ils jjarlaienl hautemeiil de massacrcr sans « miscricorde lous ceux qui ne voleraienl pas pour depouiller Ic clerge.... - I'r6s do irois cents deputes opposes a la motion n'avaicnl pas ose se « rcndre a I'Assemblee.... L'aflluence des. bandits dans les environs de la « salle, icurs propos el leurs menaces faisaienl crainure I'execution dc eel . alroce projel. Tous ceux qui ne se sentirenl pas le courage dc se devouer a cvilerent de se rcndre a I'Assembloe. » Le docrct fut adopte par 578 voix contre 34G.

60 LA REVOLUTION.

d'aulres groupcs et doiiner a Icur parade d'agilaUon Tap-parcnce d'unc emotion populaire. — Unc aiilre fois, cc quaranlc faiialiques i puissanLs poumons cl quatrc i « cinq cenls liommes payes », repandus dans lesTuileries, poussent « des cris forccnes », ct vicnnent jusque sous Ics Ccnelres dc TAssemblee nalionalc « faire dcs motions « d'assassinat ». — « Yos Iiuissicrs, dit un depute, charges « de vos ordrcs pour faire cesser le lumulte, out entendu « les menaces reiterees dc vous apporlcr les titles qu'on « voulait proscrire... Lc soir memc, au Palais-Royal, u j'ai entendu I'un des chefs subalternes dc ccs factieux se « vanter d'avoir enjoint a vos huissiers de vous porter « celte reponse, et il ajoutait qu'il etait temps encore « pour les bons citoyens dc suivrc son conseil. » — Les a^itateurs ont pour mot dc gu.ei: Eles-vous silr?etpour reponse: Un homme sur; ils sont paves 12 francs par jour, et, pendant I'aclion, ils embauchent au meme prix sur place. « Par plusieurs depositions faitcs cntre les « mains des olTiciers de la garde nalionale et a la mairie », il est conslatc que « d'honnStes gens ont recu cette propo-« sition de 12 francs pour joindre leurs cris a ceux que « vous entcndiez relenlir, ct qu'il en est a qui I'on a laiss6 « les 12 francs dans la main ». — Pour I'argcnt, on puise dans la caisse du due d'Orleans, et Ton y puise abondam-ment: i sa mort, sur 114 millions de biens, il avait 74 mil­lions de detlcs'; etant de la faction, il colilribue aux d6-l)cnscs, ct comme il est I'homme le plus opulent du royaume, il conlribue a proporlion de son opulence. Non pas qu'il soil un chef veritable, son caractere est Irop niOLi, trop ramolli^ mais « son petit conseil- », ct nolam-

1. Cf. I'Ancien r.-ijirac^ p. 60. 2. Malouct. I. 2'(7, -I'ti. — Corrcspondancc (nianuscnlo) dc Ji. dc Slael

ainljassadeiir dc Suude, avec sa coiir. co|iico aux archives do Slocklioliu l';u-M. Lcouzoii-lu-Duc. LoUro de .M. dc Slal'l, 21 avril I791 -. „ j,i_ i^aclos UHcni sccrcl de cc miserable prince, (csl un) iiomme Labile cl profoud en

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LES JACOBINS. 61

ment son secretaire des commandemenls, Laclos, ont de grands projets pour lui; ils veulent le faire lieutenant general du royaume, h. la fin regent ou m6me roiS afin de regner sous son nom et de « partager les profits ». — En attendant, ils exploitent ses velleites, Laclos surtout, sorte de Jlachiavel subalterne, homme d tout faire, pro-fond, deprav6, qui, dopuis longtemps, a le gout des com-binaisons monstrueuses : nul ne s'est complu si froidc-menl a suivre Ics amalgames inexprimables de la mdchan-cele et de la debauciie humaines; dans la politique comme dans le roman, il a pour departement« les liaisons dan-(jereuses ». Jadis il maniait en amateur les filles et les bandits du beau monde; maintenant il manie en praticien les filles et les bandits de la rue. Le 5 octobre 1789, on I'a vu, « vetu d'un babit brun^ », parmi les premiers groupes de femmes qui se mettaient en marche pour Versailles, et Ton retrouve sa main* « dans Taffaire R6veillon, dans I'in-« cendie des barriferes, dans I'incendie des chcLteaux «, dans la panique universelle qui a soulev6 la France contre des bandits imaginaires. « Toutes ces operations, dit Ma-louet, ont ete payees par le due d'Orleans; » il y con-courait « pour son compte, et les Jacobins pour le leur ». — A present, leur alliance eclatc a tons les yeux: le 21 no-vembre 1790, Laclos devient le secretaire de la soci6te, le clief de la correspondance, le direcleur en litre du journal, le dirccteur occulte, effectif et permanent de

intrigues... « 24 avril: « Cc sont ses agents plus que lui qui sonl a craiii-" dre. 11 null plus lui-m6mc aux affaires tie son parti par sa mauvaise <• conduitc qu'il ne les sert. »

1. Notammcnl apres la fuile du roi h Varcnnescl au momenl dc I'afTaire du Champ dc .Mars. La pelilion des Jacobins avail etc rcdigcc par l.aclos cl Krissol.

2. Kiiq.iifiiedu CliAtclet; deposilion du comle d'.Vbsac de Ternay. 3. Malouel, I, 247, 248. Cc lemoignagc est, decisif. « ladependammcnt de

« oe que j 'ai pu observer moi-memc, dil Malouet, M. de MonUnorin et « M. Delessart m'ont communique tous les rapports de la police de 1789 . el 1790. •

C-2 LA. R E V O L U T I O N .

toutcs les manoeuvres. Ambilieux et demagogues, agents soklcs el rcvolulionnaires convaincus, cliacun ties deux groupes Iravaille pour lui-memc; mais Lous les deux Iravaillent dc concert, dans la meme voie, a la memc ocavre, qui est la conquCitc du pouvoir par Lous les moyens.

V.

Au premier regard, Icur succfes seniLle douleux; car ils ne sent qu'une minorite, ime minorite l3ieii petite. — Revo-luLionnaires dc touLc" nuance el do toutdegre, Girondins ou Monlagnards, a Besancon, en novembre 179i,'sur plus dc trois mille electcurs, on n'en trouVe en tout quo cinq ou six cents, et, en novembre 1792, sur six i sept mille 61cc-teurs, pas davantage'. — A Paris, en novembre 1791, surplus dequatre-vingt-uu mille inscrits,ilssontsix mille sept cents; en octobre 1792, sur cent soixante mille inscrits, ils sont moins de qualorze mille-. — En 1792, a Troycs, sur sept mille elccteurs, a Strasbourg sur huit mille elec­tcurs, il ne s'cn trouve que quatre ou cinq cents^ — Par-tant, c'est tout au plus s'ils font le dixieme de la popu­lation electoralc,et encore, si Ton met i part les Girondins.

1. Sauzay, II, 79. Election dc la nninicipalil6, 15 novembre 1791. — 11, 221. Election du mairc, novembre 1792. Lc candidat des demi-modcrcs eul 237 voix, el cclui dcs sans-cuIoltcSj 31 i),

2. Mercure de France, n" du 26 novembre 1791. Le 17 novembre Pcliou a etc clu maire par 6728 voix sur 10 G82 voix volants.— Morlimer-TernauN. V. 95. Le 4 octobre 1792, I'elioii est clu mairc par 13 746 voix sur 14 IS"! volants. II refuse. — Le21 oclobre d'Ormosson, modcrcj qui refuse dc sc presenter, a pourtant4910 voix. Son concurrent Lhuillicr, pur Jacobin, n'cn oblienl que 4896.

3. Albert Babeau, II, 15. Les 32 003 habitants de Troycs indiqucnt envi­ron 7000 elecleurs. En deccmbre 1792, Jacquclest clu mairc par 400 voix sur 655 volants. Parune coincidence frappante, il sc trouve que loclubdc Troycs comple alors 400 membrcs. — Carnol, Memoircs, I, 181 : « Le docteur « Collmann, qui passait a Strasbourg en 1792, raconte que sur 8000 ci-" loyens aclifs il ne se prcscnla que 400 volants. »

LES iAGOBIN'd. 63

Ics demi-modcres, ce nombre se rediiit de moUi6. Vers la fin dc 1792, a Bcsancon, sur vingt-cinq a Irenlc mille habitants, on nc decouvrc guhre que Irois cents Jacobins purs, cl, a Paris, sur sept cent niillc habitants, on n'cn consialc que cinq niillc : ccrlainement, dans la capilalc, oil ils sont plus echauiles ct plus nonibrcux quiiillcurs, mumc aux. jours de crise, en payant les vagabonds et en rccrutaht. les.bandits, ils. ne..-sei:.ont jamais plus dc dix mille ^ Dans line grande villecomme Toulouse, le reprc-sentantdu peupleen mission n'aura pour lui que quatrc cents hommes-. ;Coniptcz-en iine cinciuantaino. dans chaque petite villc, quinzc ou yingt dans cbaqiie gros bourg, cinq ou six dans chaque village : en moyenne, sur ciuinze clccteurs et gardes nationaux, il nc so ren­contre qu'un Jacobin, et, dans loute la France, tons les Jacobins reunis nc font pas trois cent mi l le ' . — Ce n'est guere pour asservir six a sept millions d'hommcs fails et pouretcndre sur un pays qui comprend vingt-sixmilUons d'habitants un despotismc plus absolu que cclui des souverains asiatiques. Mais la force ne sc mesure pas au nombre : ils sent une bande dans une foule, ct, dans une

1. Moiiimer-Tcrnaux, VI, 21. Enfevrier l793,Paclie est elu niaire de Paris par 11 881 voix. — J o n r n a i d c P a n X n " 185. Le 2juillel 1793, llenrioLesL u!u commandant general de la garde nalionale de Paris par 9084 voix contrc a.09b a son concurrent llaffel. Or la garde nalionale comprend alors llOO.a U'lmmes inscvils, oulre 10 O'JO gendarmes et federes. De plus, beaucoup de 1 artisans de Ilenriot ont vole deux fois. (Cf., sur les elcclioiis ct le nombre dos Jacobins a Paris, les cliapitres xi et xii du present volume.)

2. Micheiet, VI, 95 : aPrcsque tons (les represenlantscn missioni n'claicnt • appuyiis que d'une minorite inlime. Baudot, par exemplc, a Toulouse, en »jnin 1793, n'avail pas quatre cents liommes pour lui.»

3. Par exeniple Archives nalionales, F' 6, carton 3. Pelilion des habilanls d'Arnay-le-Duc au roi (avril 1792) Ires iujurieuse; ils le tutoient. Environ cinquante signatures. — Sauzay, HI, ch. xxxv etxxxiii. Details sur les elec­tions locales. ~ib. YII, 687. Leltre dc Gregoiro, 24 decembre 1796. — Malouet, II, 53]. l_^^^^.^ ^^ Maloucl, 22 juillel 1799.— Maloucl et Grcgoirc sont d'accord sur le chilTre de 300 000. Marie Clienicr {MonUcur, XU GD) 20 avnl 1792, Ic porlc a 430 000, ' "' '

64 LA REVOLUTION.

foule clesorganisee, inerte,ime bandc dcciclee a lout pcrce en avant comme un coin de fer dans un amas dc platras disjoints.

G'est que centre I'usurpation au dedans, comme au dehors centre la conqufite, une nation ne peut se defendrc que par son gouvernement. II est rinstrument indis­pensable dc Taction commune; sitOt qu'il manque ou defaut, la majorile, occup6e ailleurs, toujours indecise et ticde, cesse d'etre un corps et devient une poussiere,— Des deux gouvernements qui auraient pu rallier la na-llon autour d'eux, le premier, ci parlir du 14 juillet 1789, git i terre ct par degrcs acheve de se romprc. Ensuite son fant6me, qui revient, est plus odieux que lui-mGme; car il Iraine aprts soi, non seulement I'ancien cortege d'abus absurdes et de charges insupportables, mais encore une meute aboyante de revendications et de vengeances; des 1790, il apparait a la frontitre, plus arbitraire que jamais, arm6 en guerre, conduisant une invasion pro-chaine d'etrangers avides et d'6migr6s furicux. — L'aulre gouvernement, celui que TAssemblec constiluanle vient de construire, est si mal combine, que la majorite ne peut en faire usage; il n'est pas adaple 6. sa main; on n'a jamais vu d'outil politique i la fois si lourd et si impuis-sant. Pour elre soulev6, il exige un effort enorme, environ deux jours du travail de chaque ciloyen par semaine'. Soulcve si peniblcmcnt et a demi, il execute mal toute's Ics besogncs auxquellcs on I'emploie, rentr(3e des imp6ts Iranquillitc des rues, circulalion des subsislances, pro-ioclion des consciences, des vies et des biens. Son propre jcu le demolit et en fabrique un autre, illegal, efficace, qui prend sa place et y reste. — Dans un grand Etat cen­tralise, quiconque tient la tfite a le corps; a force d'etre conduits, les Francais ont conlracte I'habitude de se

1- Cf. la Rcvohuion, !_, liv. 11 chap. in.

LES JACOBINS. 65

Inisser conduire'. Involonlaircmcnl Ics provinciaiix tour-ncnt Ics yeiix vers la capilalc, ol, aux jours de crise, ils vont d'avancc siir la grand'e roiilc pour apprcndrc du courricr quel gouverncmenL leur est echu. Ce gouverne-mcnt du centre, en quclques mains qu'il soit tombe, la • majorile racccple ou le subil. Car, en premier lieu, la plupart des groupcs isoles qui voudraiont Ic voir a .bas n'osent engager la lutte : il lew semhlc trop fori; par une routine invcteree, ils imagincnl derriere lui la g-rande Francelointainequi,poussee par lui, vales ^eraser de sa nuisse^. En second lieu, si quelqnes groupcs isolcs entre-prennenl; de le mcttre k bas, ils sont hors d'6tat do sou-lenir la lutte; 27 est trop fort pour eux. Effectivcment, ils ne sont pas encore organises, et il Test tout de suite, grdce au personnel docile que lui a legue le gouver-nement d^cliu. Monarchic ou r6publiquc, le . commis vient chaque matin k son bureau pour exp6dier les ordres qui lui sont lransmis^ Monarchic ou rdpublique, le gen­darme, chaque aprfes-midi, fait sa tournee pour arrSter les gens contre lesquels il a des mandats. Pourvu que I'injonction arrive d'oQ haiit et par voie hierarchique, clle s'execute, et, d'un bout a I'autre du territoire, la machine aux cent mille rouages fonctionne efficacement

1. Cf. VAncien regime, p. 517. \ 2. Mcmoires de Mme de Sapinaud, p. 18. Rcponsc dc M. de Sapinaud aux

paysans vendecn| qui venaient le prendre pour general: " Mes amis, c'est Ic « pot de lerre conlre le pot dc fer. Que ferons-nous? un scul dcpartemenl " conlre quatre-vingt-deux! Nous allons etre ecrasds."

3. Malouet, II, 2'jl : »J'ai connu un commis de bureau qui, pendant ccs » jours dedcuil (seplembre 179:2), n'apasmanqud d'aller.commc d'ordinaire, « copier et calculcr ses etals; la corr.espondancc des niinistres avcc les armees, " avcc les provinces, suivait son cours cl ses formes habiluclles; la police de « Paris veillait sur les approvisionncmcnls, sur Ics cscrocs, pendant que Ic " sang ruisselait dans les rues.n — Surce besoin machinal et coltc habitude mvclcr(ie de prendre les ordres de I'autorilc ccnlrale, cf. Mallet-Dupan,

•Mcmoires, 490: «L'armce de Dumouricz lui disail: F..., pcrc general, ob-" ^ ' " ^ "n decret dc la Convention pour marcher sur Paris, et vous verroz « coninie nous neltoierons ccs b.... de I'Assemblee en capiloladcs.»

^h REVOLUTION. 11 — 5

65 LA Rfe rOLUTION.

SOUS la main qui a saisi la poign6e du ce.nlrc. U n'y a qu'a tourncr cetLe poign^e avec resolution, force et ru-desse et ce n'est ni la rudesse, ni la resolution, ni la force, qui manqucront au Jacobin.

IVabord il a la foi, et en tout temps la foi « trans-« porte des montagnes ». Gonsiderez Tune des recrues ordinaires du parti, un procureur, un avocat do second ordre, un boutiquier, un artisan, et calculez, si vous pouvez, I'elTet extraordinaire de la doctrine sur un cer-veau si pcu pr6par6, si born6, si disproportionn6 k la gigantesque id6e qui s'empare de lui. II 6tait fait pour la routine et les courtes vues de son etat, et, tout d'un coup, Ic voili envahi par une philosophic compliite, th6orie de la nature et de I'homme, th6orie dc la soci6te et de la religion, th6orie de I'histoire universelle *, conclusions sur le passe, Ic present et I'avenir de I'humanite, axiomes dc droit absolu, systfeme de la verit6 complete et d6ri-nitive, le tout concentr6 en quelques formules rigidcs, par exemple : « La religion est une superstition; la mo-« narchie est une usurpation; tons les pr(itres sont des

l.Buchez elRoux, XXVIU, 55. Leltre de Brun-Lafond, grenadier de !a garde nalionale, 14 juillet 1793, h un ami de province pour jusliDcrle31 mai. Toute celte leltre est b. lire. On y verra les iddes d'un Jacobin ordinaire eii fait d'histoire : « Peut-on ignorer que c'est loujours le peiipic dc Paris qui « par sesmurmureset sesjustes insurrections contre le systeme oppressif de-« plusieurs de nos rois, les a forces h des sentiments plus doux pour le soula-« gement du peupie frangais et principaleraent pour I'habitant des cam-« pagnes?... Sans I'encrgie de Paris, Paris et ia France ne seraient main-« tenant habites que par des esclaves, el ce beau sol prescnterait sans doute « un aspect aussi sauvage et aussi desert que celui de I'empire de Turquie « celui de TAllemagne.» Cela nous a conduits « i donner encore plus de « lustre a cette revolution en retablissant sur la terre les ancienncs repu-« bliquesd'Athencs et autrcs de ia Grece dans toute leur purete •, nuUe dis-« tinclion n'cxislait chez les premiers peuples de la terre; les premiers liens « defamille unissaient les peuples dont la souche et I'origine n'(5laient pas « anciennes; ils n'avaient d'autres lois entre eux, dans leurs republiques • que celles, pour ainsi dire, que leur inspiraient les sentiments de frater-* n»i6 qu'ilseprouvaient ait berceau des premiers peuples. >.

LES JACOBINS. G7

« imposloAirs; lous Icsarislocralessontdes vampires; lous « les rois sont des lyrans ct des monstres. » Dc telles pcnsees devcrsecs dans un lei esprit sont un torrent' enorme qui s'engouffrc dans un conduit 6lroit : clles le bouleversent; cc n'est plus lui qui les dirige, ce sont clles qui remportent. L'homme est hors de soi : de simple bourgeois ou d'ouvrier ordinaire, on nc devient pas impun6ment apolre et libcrateurdu genrehumain. —' Car c'est bien le genre bumain, ce n'est pas seulement sa palrie qu"il sauve. Quelques jours avant le 10 aout,^ Roland disait« les larmcs aux ycux »: ;c Si la liberie meurt « en France, ellc est i jamais perdue pour le rcste du « mondc; loulcs les esperanccs des philosoplics sont « d6c.ues; la plus cruelle tyrannic pbsera sur la tcrre*. » — A la premiere s6ance de la Convention, Gr6goire, ayant fait decrdter I'abolition de la royaut6, fut commc cpcrdu i la pensde du bienfait immense qu'il venait de conferer aTespece humaine. « J'avoue, dit-il, que, pendant plu-c< sieurs jours, I'excfes de la joie m'ota I'appetit et le som-« meil. » — « Nousscronsun pcuple de dieux! » s'ecriait un jour un Jacobin i la tribune. — On devient fou avec de tels r6ves; du moins, on devient malade. « Des hommes « ont eu la fifevre pendant vingt-quatre heures, disait un « compagnon de Saint-Just; moi, je I'ai eue pendant douzc « ans-. X) Plustard, « avancesen age, lorsqu'ils veulentk

1, Barbaroux, Mcmoires (ed. Dauban), 336. — Gregoirc, Mcmoires, \, 410. 2. La Revolution frannaise, par Qm'nct. Textcs cxtrails des iMilmoircs

ineditsdeDaiulot : II, 209, 211, 421, C20. — Guillon de Monlleon, I, 44:.. Discours dc Clialier au club central dc Lvon, 23 mars 1703 : « Les sans-cu-« lolles iront vcrscr leur sang, dil-on. C'cit bien la le langage des arislocrates. a Esl-ce qu'un sans-culoUe pcut Clrc alteinl? N'csl-il pas invulnerable « conimo les dieux qu'il reniplace sur la terre?" — Discours de David b. la ConvenlidnsurBarra ct Viala: « Sous un gouvcrncment si beau, la femme « enfante sans douleur, » — Mercier, IcNoiivcau Paris, 1,13 : " J'ai cntendu " (unorateur) s'ccrier dans une scclion, et je I'altesle : Qui, je prcndrais « ma ICte par les chcvcux, je la couperais, et, I'offrant au dcspole, \Q « lui dirais: Tijran, void Vaotion (Vun hommc librc! K

R8 LA REVOLUTION.

soimiellre i ranalyse, ils ne la compreriLent plus ». Un autre raconle que « cliez lui, aux moments de crise, la « raison n'otait s6paree de la folic que par I'cpaisseur <c d'un cheveu «. — « Quand Saint-Just et moi, dit Baudot, « nous mettions le feu aux batteries de Wissembourg, on « nous en savait bcaucoup de gvd; eh bien, nous n'y « avions aucun m6rite; nous savions parfailomcnt que « les boulels ne pouvaient rien sur nous. » — En cct etat extrfimo, Fhomme ne connait plus d'obstacles, ct, sc­ion les circonstances, 11 monte au-dessus ou tombe au-dessous de lui-m6me, prodigue de son sang ct du sang d'aulrui, heroique dans la vie militaire, atroce dans la vie civile : on ne lui resistera pas plus dans I'une que dans I'autre; car son ivresse a centuple sa force, et, dc-vant un furieux lance dans la rue, les passanls s'ecartent d'avance, comme devant un taureau lilche.

S'ils ne s'dcartent pas d'eux-m6mes, ils seront renvcr-s6s : car, outre qu'il est furieux, il est sans scrupules. — En toute lutte politique, il est dcs actions interdites; du moins, la majorilo, pour peu qu'elle soit honn6te et sen-sec, se les interdit. Elle r^pugrie h violer la loi: car une seulo loi violee provoqvie i yioler loules les autres. Elle repugnc k renverser le gouvernemcnt 6tabli: car tout in-lerregne est un rctour i I'etat sauvage. Elle repugne k lancer I'^meute populaire : car c'est livrer la puissance • publicjue a la deraison des passions brutes. Elle repugnc a faire du gouvernemcnt une machine de confiscations et de meurtrcs: car elle lui assigne comme emploi naturel la protection des propri6tes et des vies. — C'est pourquoi, en face du Jacobin qui se permet tout cola, elle est comme un homme sans amies aux prises avec un homme arm6^ Par principe, les Jacobins font fi de la loi, puisque

L Lafayette, Memoires, \, 467 (Sur les Jacobins, au moment du 10 aout 1192) : . Cellc secte dont la destruction 6lait desiree par les dix-ncuf " vingiiomcsdc la France....» — Durand-Maillanc,49. Apr6s Ic 20 juin 1792,

LES JACOBINS. 60

la sculc loi pour cux est I'arbilraire du peuple. lis mar-chent sans hosilation conlre le gouvcrnement, puisquc 1G goiivernement pour cux est un commis que le peuple a loujours le droit de mettre k laporte. L'insurreclion leur agree; car, par elle, le peuple realre dans sa souverai-nete inalienable. Ladictature leur convient; car, par elle, le peuple rentre dans sa souverainet6 illimit6e. D'aillcurs, comme les casuistes, ils admeltent que le but jusLific Ics moycns^ « Perissent les colonies plutut qu'un prin-cipe! » disait I'un d'eux i la Constituante. « Le jour ou je « serai convaincu,ecrit Saint-Just, qu'il est impossible do « donner au peuple fraucais des moeurs douces, ener-« giqucs, sensibles, inexorablcs i la tyrannic et a I'in-« justice, je me poignarderai. » Et, en attendant, 11 guil­lotine les autres. « Nous ferons un cimelifere dc la « France, disait Carrier, plutot que dc ne pas la r6g(5ne-« rer i notre maniere-. » Toujours, pour s'emparer du

aversion gdn^rale centre les Jacobins. « Les communes de France, parlout « lasses et mdcontenles des soci(5t(5s populaires, auraient voulu s'en debar-« rasser pour n'fitre plus dans leur ddpendance.»

1. Paroles de Leclerc, depute du comite lyonnais, aux Jacobins dc Paris, 12 mai 1793 : « II faut etablir le machiav61isme populaire ; il faut faire dis-« paraitrede la surface de la France tout ce qu'il y a d'impur.... On mc trai-« tera sans doute de brigand, mais il est un moyen de se mettre au-dcssus « de lacalomnie, c'est d'exlerminer lescaloniriialeurs. •

2. Buchcz et Roux, XXXIV, 204. Deposition de Francois Lameyric. — Recueil de pieces authcnliques pour servir a Vhisloire de la Revolution a Strasbourg, 11, 210. Discours de Baudot a la socidte aes Jacobins de Stras­bourg, 19 friniaire, an U : a Les ogoTstes, les insoucianls, les cnncmis de la « liberte, ennemis de la nature ciUi6rc, ne doivent pas compter parmi scs « enfanls. Ne sont-ils pas dans le mCmecas tons ceux qui s'opposent au bieu « public ou mSme qui n'y concourent pas? Detruisons-lcs done entiere-•rnent.... Fussent-ils un million, ne sacrificrait-on pas la vingt-qualriema •• panic de soi-mcme pour delruire une gangrene qui pourrait infeclcr le " reste du corps? » — « D'apres ces considerations, Toraleur pense qu'il faut " mettre a mort tout hommc qui n'est pas tout entier a la republique. II « pense que la republique dcvrail dans un instant etd'un seul coup faire dis-« paraitre de son sol les amis des rois et de la feodalile. •> — Beaulieu, Essai V, 200 : " .M. d'Anlonelle croyait, comme la plupart des clubs revolution-

70 LA REVOLUTION.

gouvernail, ils sont pr6ls i couler Ic navirc. Dcs le com­mencement, ils ont luch6 conlre la societe remcule dcs rues et la jacquerie des campagnes, les prosliluees et les brigands, les beles immondes et les betes feroces. Pen­dant tout le cours de la lulte, ils exploilent les passions les plus destructives et les plus grossieres, raveuglement, la crcdulite et les fureurs de la Ibule affolee par la diselte, par la pcur des bandits, par des bruits dc conspiration, par des menaces d'invasion. Enfin, arrives au pouvoir par le boulcvcrsement, ilss'y mainticnncnlpar la tcrrcur ct les supplices. — Unc volonte tenduc i rextremc et nul frein pour la conlenir, une croyance inebranlablc en son droit el un m6pris parfait pour les droits d'aulrui, I'energie d'un fanatique et les expedients d'un scelcrat : avec ces deux forces, une minorito pent dompler la majo-rite. Cela est si vrai, que, dans la faction elle-meme, la victoire appartiendra toujours au groupc qui sera le moins nombreux, mais qui aura Ic plus de I'oi ct Ic moins de scrupules. A quatrc reprises, de 1789 i 1794, les joueurs politiqucs s'asscyent a une table oii le pouvoir supr(}mc est I'enjeu, et qualre Ibis de suite, Impartiaux, Feuillanls, Girondins, Dantonistes, la majorite perd la partie. G'est que, quatre fois dc suite, ellc veut suivrc les conventions du jcu ordinaire, i tout le moins ne pas en-freindre quelque rfegle universellemcrit admise, nc pas desobeir tout a fait aux enseigncments dc rexpericnce, ou au tcxlc de la loi, ou aux preceplcs de I'bumanite,

«naires, que, pour consliltier la republiquc, il fallail elablir regalito ••approximative des propri(itcs, ct, pour cola, supprimcr un tiers de la « population n — a C'clait lii la pensee generalc des fanatiques de la Rovolu-« lion.» — La Revelliere-Lepaux, Mcmoircs, I, 150. « Jean-Bon Saint-An-

_" tli'o avanra que, pour dtablir solidcment la republique en France, il ^ « faliait rcduire la population de plus dc nioilie. » — Interronipu violem-jmciu par La Rcvellierc-Lcpaux, il persiste et insisle. — GulTroy, depute uu I*as-de-Galais, proposait dans son journal une ampulalion plus largo encore cl voulait rcduire la France a cinq millions d'liabilants.

LES JACOBINS 71

ou aux suggestions de la pitie. —Au conlraire, la mino-rite a resolu d'avance qu'd toul prix clle gagncra; a son avis, c'est son droit; si les regies s'y opposent, tant pis pour les regies. Au moment decisif, clle met un pistolet sur le front de I'adversaire, et, renversant la table, elle empoche les enjeux.

LIVRE II.

LA P R E M I E R E E T A P E DE LA G O N Q U E T E .

GHAPITRE r.

Arrivdc Jcs Jacobins au pouvoir.—Elections de 1791. — Proportion dcs places qu'ils onl conquises. — I. Leurs instruments dc siej^e. — Moyens employes pour rcbuler la majoritc dcselecteurs elles candidats niodercs. — Frequence dcs elections. — Obligation dii sermcnt. — 11. DegoOts et dangers des fonctionspubliques. —LesConstituanls exclus de la L(5gis-lalive. — III. Le droit dc reunion retire aux amis de I'ordre. — Vio­lences contre leurs cercics, a Paris et en-province, — Interdiction legale des associations conservatrices. — IV. Violences aux elections de 1790. — Les elections dc 1791. — EfTetdel'evasion du roi. —Les visitesdomi-ciliaires. — Morlagne pendant la periode clectorale. — V. Intimidation et relraite des moderes. — Explosions populaires en Bourgogne, dans IcLyonnais, en Provence et dans les grandes villes. — Precedes electo-raux des Jacobins. Exemples a Aix, Dax et Montpellier. — Impunite dcs perlurbaleurs. — Denonciations nominatives. — Manoeuvres sur les pay-sans. — Tactique gcnerale des Jacobins.

Au mois de juin 1791 ct pendant les cinq mois qui suivent, les citoyens actifs *• sontconvoqu6spour nommer leurs reprcsentants 61ectifs, et Ton salt que, d'apr^s la loi il y en a de tout degre et de toule espeec : d'abord 40,000 eleclcurs du second degrc, et745 deputes; ensuitc la moilie des administratcurs de 83 d6partements, la moilic dcs administratcurs de 544 districts, la moitie des administraLcurs de 41 000 communes; enfln, dans chaquc inunicipalil6, lemaircet leprocureur-syndic; dans chaquo d6partement, le president du tribunal criminel ct I'accu-

I.Loi du 23-29 mai 1791. D'apros les releves officicls le total dcs citoyens aciifsest de 4 288 360. — Lois des 23iuillel, 12 septcnibre, 29 septembro 1<91. —Luchczel Roux, XII, 310.

LA PREMIERE I'JTAPE.DE LA CONQUETE. 73

sateur public; dans loulcla France, les ofQciersde la garde nationale: brcfle personnel prcsqueenlierdesdepositaires et des agenls dc I'aulorile 16gale. 11 s'agit dc reno.uveler la garnison de la ciladelle publiquc : c'esL la deuxicme et meme la troisieme fois depuis 1789. —A chaquc fois, par petits pclotons, les Jacobins sc sontglisses dans la place; celte fois, lis y entrcnt par grosses troupes. A Paris, Potion devient man-e, Manuel procureur-syndic, Danlon subslitut de Manuel; Robespierre est nomme accusateur criminel. Des la premiere semaine^, 136 noiiyeaux deputes sc sont inscrils sur les registres du club. Dans FAssemblee, le parti compte environ 250 mcmbres. Si Ton passe en revue lous les posies de la fortercsse, on pent .estimer que les assi6geants en occupent un tiers, peut-6tre davantage. Pendant deux ans, avec un instinct sdr, ils ont conduit leursitge, et Ton assisteau spectacle extraordinaire d'une nation legalement conquise par une troupe de factieux.

Au prealable, ils ont deblaye le terrain, et, par les decrets qu'ils ont arracbds k I'Assemblee constituante, ils ont ecarte du scrutin la majorite de la majority.—

'•D'une part, sous pretexte de mieux assurer la souve-rainete du peuple, les elections ont ete si muUiplides et •si rapprocbces qu'elles demandent a chaque citoyen actif un sixienie dc son temps : exigence 6normepour les gens laborieux qui ont un metier ou des affaires =; or telle est

1. Duchez elRonx, XII, 33- - Morlimer-Tcmaux //ts^ou-c da la Tcrreur, I!, 205, 348. - Sauzay, II, chap. xviu. - Albert Babcau, i, chap, xx

2. La leUrc sulvanle de G. Desmoulins (3 avrill.92) monlre a la fois le temps que prcnail la vio publiquc, le genre d'attrait qu'cUe cxci-Qait, el l'esp6ce d'liommes qu'clle delournait de leurs aftaires. <- J'ai rcpns mon an-« cien metier d'homme de loi, auquel je consacre a pcu pres loul ce quo «meUissent de temps mes fonclions municipalcs ou elecloraks cl les Jaco-

74 LA REVOLUTION.

la grosse masse, en lout cas, la portion utile ei sainc de ki population. Ainsi qu'on I'a vu, elle ne vientpas voter et laissc le champ lii^rc aux dosoeuvres ou aux fana-tiqucs. — D'aulrc part, en verlu de la constitution, le sermentciviquc est impose a tous Ics elcctcurs, ctil coni-prend le sermcnt ecclesiastique; car, si quclqu'un preto le premier en reservant le second, son vote est declar6 nul : en novemijrc, dans le Doubs, Ics elections munici-pales de Irente-lrois communes sont cassees sous ce seul pretexte\ Ainsi, non seulement 40 000 ecclesiastlqucs inserment6s, mais encore tous Ics catholiques scrupuleux pcrdentleur droit de suffrage, et ils sont debeaucoup les ])lus nombreux dans I'Artois, le Doubs et le Jura, dans le Hautet le Bas-Rhin', dans les Deux-Scvres el la Yendee,

« bins, c'est-a-dire assez peu de moments. 11 n'cn coClte dc dcrogcr aplai-« der dcs causes bourgeoises, apres avoir traite de si grands inlerels cl la » cause publiciuc a la face dc I'Europe.»

1. Sauzay, II, 83-89, el 123. Deliberation des habitants de Chalezc qui, les officiers municipaux en I6le, sc declarent h runanimile anon-conformistes,» et demandent de pouvoii- ase scrvir, pour Texcrcice de leurs opinions reli-«• gieuses, d'un temple quileur apparlienl el a etc baii de leurs denicrs •.— Lu-dessus les officiers municipaux dc Chaleze sonl rudement lances par I'adminislralion du district qui pose ainsi lesprincipes: « La liberie, indcfinio « pour I'homme priv6, doit Clre reslreinle pour I'homme public, qui doil « conformer ses opinions k la loi; sinon... il doil renonccr aux fonclions « publiques. »

2. Archives nalionalcs, F^, 3253. Lettre du directoire du departement, 7 avril 1792 : « Le 25 Janvier, nous avons rendu complo i rAsscmblce <• nationalc dc ropposilion presque generale que rexeculion des lois rela-" lives au clerge a Irouvee dans cc departement.... Les dix onzicmes au " moins des catholiques refusent de rcconnaltrc les pretrcs assermentes. « Les instituteurs, scduits par leurs anciens cures ou vicaircs, consenlcnl » bien a prcter le sermcnt civique; mais ils refusent de rcconnatlrc leurs " legitimes pasteurs et de les assislcr dans leurs fonctions. ^ous somriies « done obliges de les destiluer et de pourvoir a leur remplaccnicnt. Les « citoyens d'un grand nombre de communes, persistant a mettrc en cux <• leur confiance, ne veulenl aucunemenl concourir a la nomination de " CCS nouveaux; il en resultc que nous somnies forces de nous en rappor-« tcr, pour lechoix-de ccs sujcts, a des pcrsonncs qu ' i peine nous con-« naissons cl que souvent les directoires de district connaissent a peine

avanlage. Comme ils sont nommes centre Ic gre dcs citoyens, ib n'ob-

LA I'REiMlEKI-: ETAPE DE LA CONQUETE. 75

dans la Loirc-Infcricure, Ic Morbihan, Ic Finislere el les C6lcs-du-Nord, dans la Lozere cl rArdcchc, sans compter lesdeparlcmcnls du Midi . x\insi d'un cole, au moyen de la loi qirils onl I'aile impralicablc, Ics Jacobins se sont debaiTasses d'avance des voles senses, el ces voles sont par millions; de I'aulre colo, au moyen do la loi qu'ils onl faite intolcrante, ils sc sonl dcbarrasses d'avance des voles calholiqiics, el ces votes sont par centaines demille. Grace a celte exclusion double, ils ne trouvent plus de-vanl eux, quand ils enlrent dans la: lice 61ectoralc, quclc moindrc nombre des eleclcurs.

II

II resle h. operer conlreceux-ci, et un premier cxp(5dient consisle i les priver de candidats. A cela, I'obligation du serment a deja pourvu en partic : dans la Lozfere, plutdt que de le prfiler, tous les fonctionnaires en place ont donnd leur demission ^; voiU\ des gens qui, aux 61cclions prochaines, ne serontpas candidats; car on ne brigue pas un poslc dans lequel on n'a pu reslor, et, en g6n6ral, pour supprimer les candidatures d'un parti, il n'y a qu'i le degouter des magistratures. — Sur ce principe, les Jacobins ont travaill6 efficacemenl par les innombrables eineutes qu'iis ont excilees ou conduiles confro Jc roi, les officiers et les commis, contre les nobles et Ics eccle-siasliques, contre les marcbands de bl(5 et les propri6-

« liennent i)as Icur confiaiicc, et sont salaries sur la caisse des communes « sans.aucmi fruit pour rinslruclion publique. » • 1 . Merbiirc de Fraiicc, n" du 3 scplcmbrc 1791 : " Le droit d'assislcr aux xassemblcesprimaires est cclui de tout ciloyen payant 3 livrcs de contri-« hulicns, ct, par les violences excrcees sur les opinions, plus dela moitie » dc$ Franrais sont forces de deserter ces cornices abandonnes aux hommes « qui ontle moins d'interet a I'ordre public, a la stability des lois, le moins « de propricHes, ic moins de part aux contributions publiques. »

2. La Rdvolulion, I. I p. 237 ct suivantes.

76 Lk REVOLUTION. : ;

laires, contrc les pouvoirs publics de toute espfece et de toute origine. Partoiit les autoriles ont ete contraintes de tolerer ou d'excuscr le meurtre, Ic pillage ct I'incendie, a . tout Ic moins rinsurrection et la desobeissancc. Depuis deux ans, un maire court risque d'etre pendu, lorsqu'il proclamela loimartiale; un commandant n'est pas silir dc ses hommes, quand il marchepour proteger la perception d'un impCt; un jugc est insulle etmenac6 sur son sifege, s'il condamne les maraudeurs qui devastent les for^ts de • I'Etat. A chaque instant, le magistrat charg6 de faire res­pecter la justice est oblige de donner ou delaisser donner une entorse a la justice; s'il s'obstine, un coup de main monle par les Jacobins du lieu fait x lier son autorit6 legale sous leur dictature illdgale, ct il faut qu'il se rcsi-gne cL 6tre leur complice ou leur jouet. Un tclrdle est intolerable pour les gens qui ont du coeur ou de la con­science. G'est pourquoi, en 1790 et 1791, presque tous les hommes consideres et considerables, qui, en 1789, sie-geaient aux hotels de ville ou commandaient les gardes nationales, gentilshommes de province, chevaliers de Saint-Louis,- anciens .parlementaires, haute bourgeoisie, gros pi'oprietaircs- fdnciers, renlrent dans la vie privee et renoncent aux'fdnclions publiques, qui ne sont plus tena-bles. Au lieu de s'ofTrir aux suffrages, ils s'y d6robent et le parti de I'ordre, bieii loin dG nommer les magistrats ne Irouve plus mfime de candidats.

Par un surcroit de precaulions, on a frapp6 d'incapa-cile legale ses chefs naturcls, et d'avance on a interditlcs plus hautes. places, notamment celles de depute et dc minislrc, aux' hommes autoris6s en qui reside le peu do sens .pojllique que les Francaisont.puacqiierir depuis deux ans. — Au mois de juin 1791, meme apres avoir rc-tranclic les irreconciliablcs ducute droit, il restaltencor dans I'Assemblee environ 700 membres qui, attaches k la constitution, mais decides a rdprimer le desordre, pou-

LA PREMIERE fiTAPE DE LA COXQUETE. 77

vaicnt, sMls cusscnt clc rceliis, foiirnir iinc legislature raisoiiimblc. A tons ceux-li, saiit'au groupc imperceptible des revolutionnaires, la pratique a profile, et, dans Ins dcrnicrs Icinps de leur session, deux evenemenls graves, la fuite du roi et Temeule du Champ de Mars, leur out montre Ics defauts de leur machine. Ayant en main pendant trois mois Finstrumcnt executif, ils ont constate qu'il est bris6, que tout croule, qu'ils sont eux-mfimes debordes par les fanatiques ct la populace. Li-dcssus, ils font effort pour enrayer; plusieurs m^ mc songent a revenir en arricre * . Ils se scparcnt dcs Jacobins : des Irois ou quatrc cents deputes inscrits sur Ic rcgistrc du club, il n'en rcste que sept rue Samt-Honore-; les autres, aux Feuillants, font un club distinct, oppose, ct a leur tete sont les premiers fondalcurs,Duport, lesdouxLameth, Barnave, les auteursde la constitution, tous les percs du nouveau regime. Par le dernier d6cret de rAsscmbleo constituante, lis condamnent hautement les usurpations des societ6s populaires et leur inlerdisent non sculemcnt toute ingerence administrative ou politique, mais encore loutc petition ou deputation en nom collectif\ — Yoili, •pour les amis de I'ordre, des candidats lout trouyes, et dcs candidats qui ont des chances ; car, depiiis deux ans ctdavanlage, chacun d'eux,dans son district, estl'hommc

1. Co7^respondonce (nianuscrile) dc M. de Slaul, ambassadeur de Suede, avec sa cour, 4 seplenibrc 1791:« Le changement qui s'csl fait dans la ma-« niere de pcnser des dcmocratcs est prodigieux; ils paraissent niainlenant « convaincus dc I'iinposs'ibjlite de fairealler laconslitulion. Je saispositivc-« ment que Ic sicur Barnave a dit qu'ii fallait que les assemblees futures " n'eussont quo I'influcnce i 'un conseil de nolables, et q'vie toute la force fiit « dans le gouvcrncmerit.» '

2^/^. Lettre du 17 juillet 1791:«Tous les menibrcs dorAssembleg, trois ou « qualre cxccples, qui sont d'u club, ontprisun arrelc pour sc scparer desJa-acobinsjleur nombre est dc300.» — Les sept deputes qui rcstent aux Jacobins sont Robespierre, ration, Gregoire, Buzot, Corolier, Pricur iet I'abbd Royer.

3. Decret des 39-30 scplembre 1791, avec rapport et instruction du comile de constitution.

78 LA REVOLUTION.

leplus on vuc, leplus accredite, Ic plus imporlanl; il est soutenu, aupres de scs electeurs, par la popular!te dc la constiluUon qu'il a faile, et, trcs probablement, il pour-rait rallier autourde son noni la majoritedes voix. —Mais les Jacobins ont prevulcdanger: quatremois auparavant', avccTaidede la cour, qui n'a jamais manque une occasion do lout perdre el de seperdre ellc-miime -, ils ont exploilc les rancunes du c6t6 droit ct la lassitude dc I'Assemblee; par fatigue ct degout, par entrainement et surprise, dans un acces dc desinteressement malenlendu, ellc a dccrelc qu-aucun de ses membres ne scrait eligible i rassemblec prochaine ct dcstitue d'avance retat-major dcs honnctes

ircns.

in Si, malgrd tant de desavantages, ccux-ci tentent de

luUcr, ils sent arr^tes des le premier pas. Car, pour engager une campagne electorale, il faut au prealablc s'assembler, conf6rer, s'entendre, ct la facultc d'associa-tion que la lol Icur accorde en droit leur est retiree en fait par Icurs adversaires . — Pour commcncer \ les Jacobins ont hue et « lapid6 « les membres du cole droit qui sc reunissaient au Salon francais de la rue Royale, et, selon la regie ordinaire, le tribunal dc polico coDsiderant « que cclte assemblec est une occasion dc

1. Decrctdu 17 mat 1791. — Malouct, XII, 161 : «II ne nous rcslaif plus « qu'uncgraude faute a comnicttre, ct nous n'y nianquamcs pas."

2. Quclqucs mois aprc?, lorsqu'il s'agit do nommer le maire de Paris la cour tU voter centre Lafayette ct pour I'elion.

3. M. de Montlosier, Miiinoires, II, 309 : - Pour ce qui me concerne ie « dois a la verile dc declarer que je ne recus a la tiJte que trois caroUcs ct " deux choux. » — Arcliivcs dc la prefecture de police^ Jugcmcni du I'' bunal de police, du 15 mai 1790. — Monilcur, V, 427 : « L'exaclilude d'" « membres aux licures de rassemblce, raalgre les huces et les murmure-« de^arauUitude, semblait convaincrc Ic pcuple que, cetlc fois encnrn nn • conspu-aii conlrc la liberie. , oncoio, on

LA PREMli^RE ETAPE DE LA CONQUETE. 79

ic troubles, qu'clle donne lieu a cles altroupemeuls, :< qu'ellc no. peut etrc protegee que par dcs moyens

, « violcnts, 3> lui a commande dc se dissoudre. — Yers Ic •niois d'aoutl790, une scconde sociele s'est formee, cclle-ci composce des hommes les plus liberaux et les plus sages. Malouct, le comle de Clermont-Tounerre, sont k sa tSlc; ils prenncnt le nom d'« Amis de la Constitution monar-chique », ct veulent retablir I'ordre public en maintenant les reformes acquises. De leur cole, loutes les formalites out et6 remplies; ils sont deja 800 a Paris; les sous'-criptions afilueni dans leur caisse; de loutes parts, la province leur envoie des adhesions, ct, cc qui est pis, par des distributions de pain a prix reduit, ils vont peut-6tre se concilier le peuple. Voik\ un centre d'opinion et d'in-fluence analogue i celui dcs Jacobins, et c'est ce que les Jacobins ne peuvcnt souffrir ^ M. de Clermont-Tonncrre ayant lou6 par bail le Wauxhall d'dle, un capitaine de la garde nationalc vient avertir le proprietairc que, sl l livre la salle, les patriotes du Palais-Royal s'y porteront en corps pour la fermcr; celui-ci, qui craint les degdts, rompt son engagement, et la municipaUl6, qui craint les echauirourees, suspend les seances. La societc reclame, insiste, etle texte dela loi est si pr6cis que I'autorisation officielle est enfm accordee. Aussitot les orateurs et les journaux jacobins se decbainent contre les fulurs rivaux qui menacent de leur disputer I'empirc. Le 23 Jan­vier 1791, a I'Assemblee nationale, par une nictapliorc qui peut devenir un appel au meurtre, Barnavc accuse les membres du nouveau club « de donner au peuple un « pain empoisonn6 ». Quatre jours apres, la maison de M. de Clermont-Tonnerre est assaillie par des rassem-' blemenls amies; Malouet, qui en sort, e^t presque arrache de sa voiture, et Ton crie autour de lui : « Yoila

1. Malouet, II, 50. — Merciire de France, n<* du 7 Janvier, 5 fevrier, 9 avrill791. Leltre d'un niembre du club monarcliique.

^0 • LA ufiVOLUTION.

« leb.... qui a d6noncc le pcuple! » —Enfin, Ics fonda-leurs, qui, par cgard pour la municlpalilc, out aUcndu deux mois, louent unc autre salle rue des Peliles-Ecuries,. ct, Ic 28 mars, ils ouvrent leurs seances. « En arrivant, cc ecrit Tun d."eux, nous Irouvons un atlroupcmcnt, des « ivrognes, dcpelils braillards, des fcmmes en liaillons, ccT'des soldals qui les excilaicnt, ct surtout dc ccs terriblcs ccaljoyeurs amies de bons gourdins noucux longs de cc.2pieds et qui sont d'cxcelients cassc-t6lc K » G'est uncoup monle : il n'y en a d'abord que Irois ou quatrc Cents, au bout de dix minutes cinq ou six cents; un • quart d'lieure aprJiS, ils sont peut-6trc quatrc millc, raccol6s de toutes parts, brcfle personnel ordinaire de Temeute : « Les gens du quartier assuraient que pas « unc de ces figures ne leur etait connue. » Quolibets, puis injures, gourmades, coups de biton et coups de sabre : les membres de la sociele, « qui etaient convenus « dc'venir sans armes », sont disperses, plusicurs jetes u

.terrCj'traines par les cheveux, douze ou quinze blesses. ; Pour justiQer I'attaque, on montre des cocardcs blanches

qu'on pretend trouvees dans leurs poclies; Ic maire Bailly n'arrive que lorsque lout est termine, et, par mesurc « d'ordre public >>, I'dutorite municipale ferme detlni-tivement le club des monarchistes constitutionnels.

Grdce a ces attentats de la faction et a celle connivencs des autorites, les aulres clubs analogues sont detruiis de meme. 11 y en avail beaucoup, et dans les principales villcs, « Amisde la paix, Amis de la patrie, Amis du roi •«< de la paix ct de la religion, Defenscurs dc la religion «:des personnes et des proprietes ». Ordinairement on y Irouvaitdesofficiers, des magislrats, les gens les pluscul-tives et les plus polls, bref Telitc de la ville. Jadis ils

1. Ferri6res, 11, 222 : o Les Jacobins envoyerentcinq ou six ccnis affidcs - amies de batons ..outre a une cenlaine de gardes nalionaux ct quclquca « coureuses du Palais-Rojal. .

LA PREMIERE I - : T A P E D E LA COXQUlvTE. 81

s'elalcnl rcunis pour raisonner et causer ensemble, ct Icur ccrcle, instilue dcpuis longlemps, passait nalurel-lemcnt. de la lilteralurc i la politique. — Conlre toules ces socielcs provinciales, uii mol d'ordre est parti de la rue Saint-IIonore': « Cc sontdes foyers de conspiration; cc 11 faut les survciller » incessamment, et tout de suite marcher dcssus pour Ics 6tcindrc. — Tantot, comiiio' i Gahors-, un pcloloii de gardes nationaux, qui revient d'unc expedition contre des gentilshommes du voisinagc, veut achever sa besogne, envaliit le ccrcle, «jette Ics c< meublcs par la I'cnetrc cl dcmolit la maison. » — Tantut, comme a Perpignan, la populace amculcc cn-toure le ccrcle en dansant la farandole et en cr iant : A la lanterne! La maison est saccagee, et qualre-vingls mcmbrcs, meurlris de coups, sont enfcrmus, pour Icur siiretc, 6. la citadclle^. — Tanl6fc, comme i Aix, le club jacobin vient insuller chez cux ses adversaires et pro-voque une rixe : sur quoi, la municipalite fait murer incontinent les portes du ccrcle assailli et lance contre scs, mcmbrcs des mandats d'arrCt. — Toujours on les punit des violences qu'ils subisscnt; Icur simple existence scmblc un del i t : k Grenoble, on les disperse i peine assembles. ElTectivcmcnt, its sont suspects « d'inci-« visme » ; ils peuvent avoir de mauvaiscs intentions; en toutcas, ils divisent la ville en deux camps, et ccia

1. Journal des Amis de Ic ConsliluUon. Lcttre du club du Cafe nalio-nalde Bordeaux, 20 Janvier .791. — LeUrcs des Amis de la ConsliluUon, do Drives el de Gambrai, 19 Janvier 179L _ .

2. La Rdvolulion, I, 419, 317. 3. Mercure de France, n"' du 18 ddcembrc 1790, des 17 Janvier, 18 juin

et U juillel 1791. — Monitcur, YI, 697. — Archives nalionalcs, F^, 3193. Leltre du direcloire du departcmcnt de I'Aveyron, 20 avril 1792. Rccit des cvcncments i parlir de la fin de 1790. — Le 22 mai 1791, le club des A7nis de I'orclrc el de la paix est inccndio par les Jacobins, I'inccndie dure toule la nuit cl unc partiede la nuaiude. (Proces-verbal du direcloire de Milhau, 22 mai 1791.)

LA REVOLUTION. >1 — 6

82 LA REVOLUTION.

suffit. — Dans le Gard, par arr6t6 du d^parlement, loutes leurs sociel6s sont dissoutes, parce qu'elles sont « des « centres de malvcillance. » A Bordeaux, la niunicipalil6, consid6rant « que des bruits alarmanls se r6pandent, que a les prfetres et les privil^gies rentrent dans la ville », inlerdil toute reunion, sauf celle des Jacobins.— Ainsi, « sous le regime de la liberie la plus sublimee, en « presence de celle famcuse declaration des Droits de « I'homme qui 16gilime tout ce que la loi n'a pas « d6fcndu « et pose I'egalile comme le principe de la constitution francaisc, quiconque n'est pas Jacobin est exclu du droit comniun.Unesocieleinlol6rantes'esterigee en eglise sacro-sainte et proscrit toutes les associations qui n'ont pas rccu d'elle « le baptiime de Torlhodoxic, « I'inspiration civique et le don des langucs ». A elle seule apparlienl la faculle de reunion et do propagande. Dans toules les villes du royaume, il est defendu aux bommes reflecbis et moderns do se former en comile elecloralj d'avoir une Iribune, unc caissc, des souscrip-teurs et des adherents, de jeler le poids de leurs noms et de leur solidaril6 dans la balance de I'oijinion publique,

' • de ratlacher a leur noyau permanent la muUitude cparse : : des gens sens6s qui voudraient sortir de la revolution

sans relombcr dans I'ancien regime. Qu'ils chucbolent ', entre eux i-iiuis clos, on veut bien le tolerer encore ; mais

malheur a eux s'ils sortcnl de leur isolemenl pour se concerler, pour recruler des voix, pour palronner une candidature. Jusqu'au jour du vote, en face de leurs advcrsaires ligu6s, actifs et bruyanls, il faut qu'ils de-iroiirciU epars, inerles et muels.

LA PREMIKRE ETAPE DE LA CONQUlilTE. . 83

IV

Au moins, ce jour-li pourront-ils librement voter? La chose n'est pas sure, et, d'apres les exemples de I'annce pr6c6denle, ils en peuvent douter. — Au mois d'avril 1790, h. Bois-d'Aisy, en Bourgogne, M. de Bois-d'Aisy, ddpute, qui revenail de Paris pour donner son suffrage', a 6t6 menace publiquement; on lui a signiri6 que les nobles et les pr6Lres nc devaient point prendre part aux elections, et nombre de gens disaient devant lui que, pour I'cn cmpGchcr, on ferait bien de le pendrc. Toutpres de la, k Sainte-Colombe, M. de Yitcaux a 6te chass6 de I'assemblee electorale, puis tue aprcs un supplicc de Irois lieures. M6me spectacle a Scmur: deux genlils-hommes out 6teassomm6s i coups debdton ctde pierres, un autre s'est sauve i grand'pcine, et un cur6 a etc' luc de six coups de couteau. — Avis aux ccclesiastiques el aux gentilshommes; ils feront sagcment de ne pas venir voter, et Ton peut donner Ic m6me conseil aux niarchands de blc, aux proprietaires, a toute personne suspecte. Gar, ce jour-1^, le peuple rentre danssa souvc:=' rainete, et les violents so croient en droit de faire toutce (lui leur convient; or rien de plus naturel que d'excluro: au prealable les candidats dont on se defie ou les cdec--leursqui votcnt mal.—A Villeneuve-Saint-Gcorgcs, pros de Paris % un avocat, hommc d'un caractere energique el austere, allait etre nomm6 juge paries 6Iecteurs du dis­trict ; mais la populace se mefie d'un juge qui condam-nera les maraudeurs, et quaranteou cinquante vagabonds, attroupdssous les fenAtres, crient: « Nous ne voulons pas « qu'il soil dlu. » En vain le cure de Crosne, president de

1. La Revolution, I, 397, 333. 2. Mercuvc de France, n' du 14 decembre 1790. Lellre de Villeneuv©-

Saint-Georgcs, du 29 novembre.

8't LA REVOLUTION,

raaseniblce clccloralc, Icur fait rcmarquer que les clcc-Icurs assembles rcpresciilcntquatrc-vingt-dix communes, prbs dc cent mille habitants, et que « quarante personnes ne doiventpas « prevaloir sur cent miller. Les cris redou­bt ent, ct les electeurs rcnoncent a leur candidat. — A Pau, les patriotes dc la milice' delivrcnt de force un de leurs chefs incarcerc, colportent unc listc dc proscription, tombent sur le' scrutateur a coups de poing, puis a coups de sabre: les proscrits se cachenl, et, le lendc-mahi, « personnc no vcut se rendrc a Tassembl^e elec-« toralc >. — G'est bien pis en 1791. Au mois de juin, juste au moment ou s'ouvraient les assemblecs primaircs, le roi s'est cnfui a Yarennes, la revolution a semble com­promise, la guerre civile ct la guerre etrangbre se sont levees d I'horizon comme deux spectres, la garde natio-nale a partout couru aux armes, et les Jacobins out exploitc a leur profit la panique univcrsclle. II no s'agit plus dc leur disputer les voix ; en ce moment, ii n'cst pas bon d'etre en vue; parmi tant d'altroupcmcnts tunuil-tueux, unc execution populaire est vite fait.e. Royalistes, conslitutionnels, conservaleurs ou moderes de toute es-ptcc, les amis de I'ordre ct dc la loi ne songent plus (ju'ii rester chez eux, trop hcureux si on les y souffrc, ct la pl6be armee ne les y soulTre qu'a condition de les visiter souvent.

Considerez leur situation pendant toute la periodc clcc­loralc dans un district Iranquillc, ct, par ce coin de la France, jugez du reste. A Morlagnc , pelite ville dc six mille ames, jusqu'au voyage dc Yarennes, le bon esprit de

L Archives nalionales, II, 1453. Correspondance de M. dc iJcrchcnv Lellre de Pau du 7 fevricr" 1790 : . On n'a pas d'idcc de I'ctut actuci l ' « celle ville jadis si dclicieuse : on s'y cgorgc. Yoila qualre duels « quaranlc-huit hcui-eSj cl dix ou douzc bons ciloyens obliges de « Cher depuis trois jours. » * ' "

2. Ajchives nalionales, F ' , 3-249. Memoire sur Telal aclu^ l ,1« i MI elUislricl de Morlagne, deparlcmcnl de I'Ornc (novembre llQi) '

LA PREMIKRE I'JTAPE DE LA CONQUfiTE. 8b

1789 avail subsiste. II y avail beaucoup delib6raux dans Ics quarantc ou cinquanlc families nobles. ]A comme aillcurs, chez les genlilshommos, dans le clerg6, dans la bourgeoisie, I'edacation philosophique du dix-huilibme siecle avail ravive I'ancienne inilialiveprovinciale, el loule la liaulc classe s'6tait ofTcrte avec z61e aux fonclions pu-bliques et gratuites que seule cllepouvait bicn remplir. Le president du disLrict, Ic maire et les officiers munici-paux avaient ele choisis parmi les cccl6siastiques et les nobles; les Irois premiers officiers de la garde nalionale etaient des chevaliers dc Saint-Louis, et les aulres grades etaient occupcspar les principauxbourgeois. Ainsil'^lec-tion libre avail confer6 les pouvoirs aux superiorit6s sociales, et le nouvcl ordre s'appuyail sur la hi6rarchie legitime des conditions, des educations el des capacil6s.— Mais,depuissix mois, leclub, form6par«une douzaine de « t6tes exaltees et lurbulcntes, sous la pr6sidence et dans « la main dusieur Rattier, ancicn cuisinier», a lravaill61a populace et Icscampagncs. Tout d'un coup, k la nouvelle de I'cvasion du roi, les Jacobins « publienl que les nobles « cl les prfilres lui onl fourni dc I'argent pour son depart « el pour opcrcrla conlre-revolulion «. Telle famille a vers6lant, telle autre tant: la chose est indubitable, puis-qu'on donne les chiffres precis, et qu'on les donne pour-chaque famille « d'apres ses facull^s connues ». —Aussi-lot « les principaux clubistes, associes i la portion v6-« reuse de la garde nationale », sc repandcnt dans les rues par escouades: les maisons des nobles et des bourgeois suspectssontcnvahies;toutes les amies,«fusils, pistolets, « 6p6es, couteaux de chasse, Cannes i lame », sonl enle-v6es; on fouille partoul; on fait ouvrir ou Ton force les secr6taires et les armoires pour y chercher des munitions; la perquisition s'6lend « jusqu'aux toilettes des dames »; par precaution, « on casse leurs bdtons de pommade. a presumant qu'ils peuvcnl contcnir des ballcs cachees

86 LA REVOLUTION.

cc el Ton cmporte leur poudre a poudrer, sous pr6lexle « que c'est de la poudre h canon peinte ct masquee ». Puis, sans d6semparcr, la bande sc transportc aux envi­rons, dans la campagnc, et opfere avec la mftmc c616rile dans les chateaux, Icllement « qu'en un seul jour, tousles « ciloyens honn6tes,tous ceux qui ontleplusdepropridtes <c et de mobilier a defendre, restent sans armcs i la dis-« cr6tion des premiers brigands «. Sont desarni6s tons ceux que Ton repute aristocrates. Sont reputes arisiocra-tes « tons ceux qui d^sapprouvent le delirc du jour, ou « qui ne frdquentcnt pas le club, ou qui rcqoivenl cliez « eux quelque ecclesiastique inserment6 », en premibre ligne, « les officiers nobles de la garde nationale, i com-« mencer par le commandant, et tout r6tat-major «. — Ceux-ci se sont laiss6 prendre leurs 6p6es sans r6sis-lance; avec iine longanimite et un patriolismc dont Icurs pareilsdonnentpartoutrexcmple, «ils ont la complaisance « de rester i leur poste, pour ne pas d6sorganiser la « force arm6e-, ils espferent que cet egarement aura un « tcrme >, et se contentent de reclamer aupr6s du d6par-tcment. —Mais c'est en vain que le d6partcment ordonne la restitution des armes; les clubistes refusent de les rendrc, tant que le roi n'aura pas accept6 la conslitulion; en attendant, ils ne dissimulent pas « qu'au premier coup « de canon tire sur la fronti^re, ils feront 6gorger tons les « nobles et tons les pretres insermentds «.,— Apres que le roi a jure la constitution, le d6partement insiste de nouveau : ils n'cn ont cure. Au contraire, la garde natio­nale, trainant des canons, vient stationner exprfes, avec des menaces et des insultes, devant les h6tels des gentils-hommes d6sarmes. Leurs i'emmes sont poursuivies dans la rue par des gamins qui leur chantent sous le nez le Gaira, et, dans le refrain final, inserent leur nom en leur promettant la lanterne. « Nul d'entre eux ne peut • plus donner k souper i une douzaine de sos amis sans

LA PREMIERE ETAPE DE LA CONQUETE. 87

« courir Ic risque d'exciler line fermenlation. » — La-dcssus, Ics anciens chefs de la garde nalionale se de-meLlenl, ct les Jacobins profitent de I'occasion. Au m6pris de la loi, tout le corps des officiers est renouvelc, et, comme les gens paisibles n'osent donner leurs suffrages, le nouvel 6lat-major « se compose de gens forcends, pris « pour la plujoart dans la derni^re classe ». Avec celte niilice 6purce, le club expulse les religieuses, chasse les prelres insermenlcs, fait des expeditions dans le voisi-nage , et va jusqu'i purger les municipalitcs suspec-tes '. — Tant de violences a la ville et i la campagne ont rendu la ville et la campagne inhabilables, et pour I'dlilc des proprielaires ou des gens bien elev6s il n'y a plus d'asile qu'a Paris. Apres le premier desarmemcnt, sept ou huit families s'y sont r^fugiees; aprfes la menace d'6gor-gement, douze ou quinze autres les y rejoignent; aprfes la pers6culion religieuse, les insermentds, le reste des nobles, quantit6 de bourgeois, « m6me peu fortun6s », s'y transpor-tent en masse. Lk du moins on est perdu dans la foule; on est abrit6 par I'incognito contre les attentats de la plebe; on pout vivre en simple particulier. En province, on n'a pas m6me les droits civils: comment y exercerait-on les droits politiques? « Aux assemblies primaires, lous « les citoyens honnStes sont ecartes par des menaces ou " par de mauvais traitements... Le champ de balaillc « demeure A des gens qui payent 45 sous d'imposition, ct « dont plus de la moitie sont inscrits sur la liste des pau-« vres.» — Voilides elections faites d'avancc; c'est I'an-cien cuisinier qui autorise ou suscite les candidatures, et de fait quand au chef-lieu on nommera les deputes du

L Lc 15 aoiit 1791, la supeiieure de PHotel-Dieiij enlevcc de force, est dcposde dans iin cabaret h uuc demi-lieue de la ville; puis lea aulres religieuses sont cliassces et rcmplacees par huit jeuncs filles de la ville. Entre autres motifs, il faut noter riiostilile de deux apolliicaircs mcmbrcs du club : les religieuses de I'lIOlel-Dieu avaient unc phannacie

88 L \ REVOLUTION.

dcparlcmcni, tons Ics elcclcurs 61us scront, commc lui, dcs Jacobins*.

V

Telle est la pression sous laqucllc on vote en France pendant I'clc ct Tautomne de 1791. Partout les visiles do-miciliaircs, le d6sarmement, le danger quotidien, forccnt les nobles et les ecclesiasliqucs, les proprietaircs ct les gens cuUiv6s a quitter Icur residence, a se refugier dans les grandcs villes, a ^migrcr^, on, tout au moins, a s'elTacer, il se clore etroitement dans la vie privce, a s'abstenir dc toute propagande, de toutc candidature et de tout vote. Ce serait folic a eux que de sc montrer dans tant de cantons ou les perquisitions out abouti a la jacquerie; en Bourgogne et dans le Lyonnais, ou les chd-tcaux sonl saccag6s, ou do vicux gentilsliommcs sont meurtris et laiss{;s pour morts, ou M. dc Guillin viont d'etreassassinc ctd6pec6;iMarscillc, oiiles chefs du parti niodere sont en prison, ou un regiment Suisse sous les armcs suffit a peine pour .ix6cutcr I'arrfit du tribunal qui les olargit, oii, si quelque imprudent s'oppose aux mo-

qu'clles (Icfrayaicnt en vendant des drogues, el ccla faisait concurrence au.v doiK apoUiicaires.

1. Cf. Archives nalionales, DXXIX, 13. Lellrc des officicrs munlcipaux ct des notables dc Cliampceuil aux adniiiiistralcurs do Scine-el-Oisc, i propos des elections, 17 juin 1791. — Lettres analogues de divcrses autres paroisscs, cntrc aulres dc celle dc Charcon, 16 juin : « lis ont I'honneur « de vous representor que, lors des prccedcnlcs asscmblees primaircs, lis « ont couni les plus grands dangers, que Ic cure de Charcon, Ic'ur pasteur,

•a rcQu plusieurs coups de bai'onnetle, dont il conservera toujours les « marques. M. le niaire et plusieurs autres habitants de Charcon ont • echapp6 avec peine au m<ime peril. » — lb. Lctlre des administralcurs do> llaules-Alpes a rAsscmblce nationale (scplembrc 1791), sur les troubles lie rassemblee electorate de Gap lo 29 aoi\t 1791. .'i. La Rcwlution, I, '208, 210, 409, 419, 420. — Lauvergne, Hisloiro ciu Ucpartcmcnt cla Far, m (23 aout 1191).

LA PREMIKRE ETAPE DE LA COJsQUETE. 89

tions jacobines, on Ic fait lairc en ravcrlissant qii'on va renlerrcr yif; a Toulon, oii Ics Jacobins fusillcnt Ics mo-deres et la Iroiipc, oil iin capilaine de vaisscau, M. de I3caucaire, est lue d'un coup de feu dans Ic dos, ou le club, soutcnu par les indigents, les malelols, les ouvriers du port et « les forains sans aveu », cxerce la diclature par droit de conquetc; a Brest, a Tulle, a Cahors, oii, en ce moment m6nie, des gentilsliommes et des officiers sont massacres dans la rue. Rien d'etonnant si les honn6tes gens s'6cartcnt du scrutin comme d'un coupe-gorge. — Au reste, qu'ils s'y prescntcnt, si bon Icur scmble : on saura bien s'y debarrasscr d'cux. A Aix, on declare a Tassesseur charge do lire les noms des elcclcurs que « I'appel nominal doit etre lait par une bouche pure, « qu'etant aristocrate et fanalique, 11 ne pent ni parler ni « voter », et, sans plus de ceremonie, on Ic met d la porte*. Le procede est excellent pour changer une minorite en majorite; pourtant en voici un autre plus officace encore.— A Dax, sous le nom d'Amis de la constitution frangaise, les Feuillants se sont separes des Jacobins^, ct, de plus, lis

1. Archives nalionales, F', 3198. Deposition de Verand Icard, 61ecteur d'Arles, 8 septembrc UOL — [b., P, 3195. Lellre des adminislratcurs du district de Tarascon, 8 deccmbrc 1791. Deux partis sont en presence aux elections municipales de Barbanlane: I'un conduit par I'abbe Chabaud, fr^re d'un des brigands d'Avignon, composd de Irois ou qualrc bourgeois et de« lous les plus pauvres du paysr; I'aulre, trois fois plus nonibrcux, com-prcnant a lous les'^gros projjrielaircs, les bons mcssayers ct artisans, ct lout " ce qu'il y a de plus intC'resse ii la bonne adniinislralion ». II s'agit de sa-voirsi I'abbe Chabaud sera niairc.Lcs tMcclionsont lieu Ic 5 deccmbre 1791. rroc6s-verbal du mairc en fonction : « Nous, Pierre Fonlainc, maire, nous • adressames la parole 6 ccs enieul<5s pour les engager i la paix. Au « mOme instant, le nommc Claude Gontier, dit Baoque, nous donna un - coup de poing sur I'oeil gauche qui nous I'a meurlri considerablement et « duqucl nous nevoyons prcsque plus, ct tout de suite, conjointemcnt avec « d'aulrcs.nous saut6rcnt dcssus,nous lerrasserent el nous train6rentpar les « clieveux, continuant toujours de nous frapper depuis le devant de la porte a de I'cglise jusques au-dcvanl de cclle de la maison commune. »

2. lb., F' , 3229. Lcttrcs de M. Laur6de, 18 juin 1791 ; du directoire du dcpartement, 8 juin, 31 juillct et 22 seplcmbrc 1791; de la niunicipalite,

<;0 LA. REVOLUTION.

insistent pour exclure de la garde nationale « Ics elran-gers sans propri6te ni qualite », les citoyens passifs qui, malgre la loi, s'y sont introduits, qui usurpent le droit -de vote, ct qui «insultent journellement les habitants lranquilles». En consequence, le jour de I'dlcction, dans I'eglisc ou se tient I'assemblde primaire, deux Fcuillants, Laurtde, ci-devant contr6IeurdesYingticmes,etBrunachc, vitrier, proposent rexclusion d'un intrus, domcstiquo a gages. Aussit6t les Jacobins s'elanccnt; Lauredc est jcle contre un b6nitier, blesse a la t6le; il vcut s'6chapper, il est rcssaisi aux cheveux, tcrrass6, frappe au bras d'un coup de baionnette, mis en prison, el Brunache avec lui. lluH jours aprfes, il n'y a plus que des Jacobins a la seconde assemblee; naturellement «ils sont tons elus » ct forment la municipality nouvellc, qui, malgre les arr6l6s du departement, refuse d'61argir les deux prison-niers et, par surcroit, les met au cachot. — A Montpellier, I'opdration, un peu plus tardive, ii'en est que plus com-plfele. Les votes etaient deposes, les boitcs du scrutin ferm6es, cachctees, et la majority acquisc aux moderes. Li-dessus, le club jacobin et la soci6t6 des gourdins fcrrcs, qui s'appelle elle-mfeme le Pouvoir executif, se portent en force dans les assembldes de section, brCilent un scrutin, tirent des coups de fusil et tuent deux hommcs. Pour relablir la paix, la municipalitc consigne chaque compagnie de la garde nationale i la porte. de son capi-taine, et naturellement les moderes obeissent, mais les vio-lents n'obeissent pas. Au nombrc d'environ deux mille, ils parcourent la ville, entrent dans les maisons, tuent trois hommes dans la rue ou a domicile, et obligent les corps administratifs a suspendre les asscmblees clccto-

15 jiiiliet 1791. La nninicipalite « laisse I'clargisscmenl des prisoimiers en •suspcns » pendant six mois, parce que, dil-elle, le peupic est dispose* a • 6'msurrccler coiKrc Icur sortie ..-Leltres de plusieurs gardes nationaux

am que les faclicux ne sont qu'une parlie de la garde nationale.

LA PREMIERE ETAPE DE LA COXQUl TE. 91

rales. Do plus, ils cxigcni, Ic desarmemcnl « dcs aristo-« cralcs », et, ne I'obtcnaiit pas assez vile, ils lucnl iin arlisan qui se promenait avec sa miirc, lui coupent la letc, la porlcnl en triomplie, et la suspendcut devant sa iiiaison. Aussilot Ics aulorites persuadecs decrelcnl le desarmemcnt, cl Ics vainqueurs paradent en corps dans )cs rues: par gaicte ou par precaution, ils hlchent en passant leur coup de fusil a travers les fenClrcs dcs maisons suspccles, et, un peu au hasard, tuenl encore im homme ct une femme. Dans les Irois jours qui sui-venl, six cents families emigrent, el les adminislralcurs ecrivenl que tout va bien, que la Concorde est r6tai)llc: « a present, disent-ils, les elections se font avec la plus <• grande tranquillite, parceque tons les malinlenlionnes " s'en sont volontairement ecarles, une grande parlie « d'enlre eux ayant quitle la vi l le ' . » On a fait Ic vide aiUour du scrutin, et cela s'appclle rananimit^ des Yoix. —De Lelles executions sont d'un grand etTel, ct il n'y a pas besoin d'en faire beaueoup; quelques-nncs suffi-scnt quand elles sont heureuscs et reslent impunies, ce qui est loujours Ic cas. Desormais Ics Jacobins n'ont qu'a menaccr: on nc leur rcsistc plus, on salt qu'il en coCitc Irop de leur resister en face; on ne se soucie pas d'aller aiix asseniblees electorates recoller des injures et des uangcrs; on se confesse vaincu et d'avance. Sans comp­ter les coups, n'ont-ils pas des arguments irresistiblcs? A. Paris, dans trois numdros succcssifs, Maral vicnl

1. Mcvcurcck France n° da 10 decembre 179L Lcllre dc Monlpellicr du n novembre 1791. — Archives nalionales. F", 32-23. Exlrait des lellres Mir les 6venements du 9 au 12 octobre 1791. Petition par MM. Thueri et Devon, 17 novembre 1791. Leltre des m6mes au minislrc, 25 octobre. Leltres de M. Dupia procureur-syndic du departement au minislre, 14 el 15 novembre, 26d(5cembrc 1791 (avec proc6s-verbaux). —Parmi les hommes assassines dans Ics journ6cs dcs 14 et 15 novembre, on trouve un orf6vre, un procureur, un-menuisier, un Icinturicr.— « Cetlesc6ne aflligcante, coril Je procureur-syndic, a rendu le calme a la ville. »

92 LA. REVOLUTION.

dc denonccr par leurs noms wles scelerats et Ics coqiuns5> qui briguent pour se faire nommer 6lecteurs', non pas eles nobles ou des prfilres, mais de simples bourgeois, avocals, archilecles, medecins, bijoutiers, papcliers, im-primeurs, lapissiers et autres fabricants, chacun inscrit dans le journal avec sou nom, sa profession, son adresse et I'une des qualificalions suivantes : « tartufe, homme « sans moeurs et sans probile, banqueroulier, mouchard, « usurier, mailre filou >•, sans compter d'autres que jene puis transcrirc. Remarquez que la liste de diffamation peut devenir une liste de proscription, que dans toutes Ics villes et bourgades de France des lisles semblables sont incessamment dressees et colportees par le club local, et jugez si, enlre ses adversaires et lui, la lutle est egale. — Quant aux 61ecleurs de la campagne, il a pour eux des moyens de persuasion appropries, surtout dans les innombrables cantons ravages ou menaces par la jacquerie, par exemple dans la Corrfeze ou «les insurrec-«tions et les devastations ont gagnd tout le d^parlement, « et oil Ton ne parle que de pendreleshuissiers qui feront « des actes' ». Pendant loute la dur6e des op6rations 61ec-torales, le club est rest6 en permanence; «il n'a cess§ « d'appeler ses electeurs b. ses seances »; chaque fois, « il «n'y 6tait question que dela destruction des 6tangs etdes « rentes, et les grands orateurs se sont r6sum6s 5, dire qu'il « ne fallait point en payer ». Composee de^campagnards, la majorite des electeurs s'est trouv6e sensible i cette eloquence; lous ses candidats ont dil se prononcer centre les rentes et centre les 6langs; c'est sur cette profes­sion de foi qu'elle a nomme les d6putes et I'accusateur public; en d'autres lermes, pour 6tre 61us, les Jacobins ontpromis aux tenanciers avides lapropricte et le rcvenu

1. Buchcz clRoiix, X, 223. VAmi duPeuple, n" des 17,19,el21 juinl791. ^. Archives nalionalcs, P, 3204. Leltre de M. Melon Pradon, commissaire

<lu roU Tulle, 8 septembre 1791.

LA PREMIERE li-TAPE DE LA CONQUJ ITE. 93

des propridtaires. — Deji\, dans Ics precedes par Icsquels ils oblicnnent le tiers des places en 1791, on apercoit en germe les proc6d6s par Icsquels ils prendront loutes les places en 1792, et, d6s cetLe premiere campagne eleclo-rale, leurs acles indiquent, nonseulementlcurs maximes etleur politique, mais encore la condition, I'dducalion, I'esprit ct Ic caractfere des hommes qn'ils inslallcnl au pouvoir central ou local.

GHAPITRE II.

I. Composilion de TAssemblec legislalive. — Rang social dcs depul6s. — Leur inexDcnence, leur insufGsance, leurs prejugcs. — II. Dcgre de leur inlelligcncc et qualile de leur culture. — 111. Aspect de leurs seances. — Scenes cl parades de club. — Cooperation dcs spcclalcurs. — IV. Les partis. — Le cOte droit. — Le centre. — Lc cOle gauche. — Opinions el sentiments des Girondins. — Leurs allies de rexlrume gauche. — "V. Leurs moycns d'acVion. — Dispersion du club dcs Fcuillanls, — Pression des tribunes sur rAssemblee. — Allroupements au dehors. — VL Manoeuvres parlementaires. — Abus de I'urgence, — Vole du prin-cipc. — Appcl nominal. — Inlimidation du centre. — Abstention des opposanls. — Oppression definitive de la majoritc.

I

S'il est vrai qu'une nation doit 6tre representee par son 61ite, la France a 616 singuliferement repr6sent6e pendant la revolution. D'assemblee en assemblce, on voit baisser le niveau politique; surtout de la Constituante b. la Le­gislative, la chute est profonde. Les acteura en litre sesont retires au moment ou ils commenQaient i comprendre leurs rOIes; bien mieux, ils se sontexclus eux-m6mes du theatre, et la scfene est maintenant livr6e aux doublures.. "L'Assemblee precedente, ecrit un ambassadeur *, ren-a fermait dans son sein de grands talents, de grandes for-«tunes, de grands noms; par cette r6union, elle imposaii

L Correspondance (manuscrile) du baron de Stael avec sa cour 6 oc-tobre 1791. '

LA PREMIERE ETAPE DE LA CONQU^TE. 95-

« au peiiple, quoiqu'il fut acharn6 conire toule distinction « personnelle. L'Assemblee actuelle n'est presque que le « conseil des avocals de toiiles les villes et villages de « France. » — EnefTet, sur 745 depuUs, on y compte «400 « avocatspris, pour la plupart, dans les dernier^.rangs du « baiTeau», une vingtaine do pretres; constitutionners', • "autant de pontes et litterateurs de fort.petiteTenoinmee, « tout cela cL peu prfes sans patrimoine », le plus' grand nombre ayant moins de trente ans, soixanle ayant moins de vingl-six ansS« presque tous formes dans les clubs « et assemblies populaires «. Pas iin noble ou prelat de I'ancien regime, pas un grand proprietaire'-, pas un chef de service, pas un homme Eminent ei special en fait de diplomalie, de finance, d'administration ou d'art militaire. On n'y Irouve que trois officiers gen6raux et du dernier rang^, dont I'un est nomme depuis trois mois et les deux autres tout a fait inconnus. — Pour chef du comit6 diplomatique, on a Brissot, journalisle ambulant,

1. Souve7iirs (manuscrits) de M. X... — Dumouricz, M^moircs, III, chap. V : « La sociele des Jacobins, 6lendanl parlout ses nombreuses rami-« Ocations, se servit des clubs de province pour se rendre maltrcsse des " elections. Toutes les niauvaises Ifiles, lous les ecrivailleurs seditieux, tous « les agitateurs furent nommes... Tres peud'hommes eclaires ou sages, en-" core moins de nobles furent choisis. » — MoJiiteur, XII, 199, seance -du » 23 avril 1792. Discours de M. Lecointe-Puyravaux : « II ne faut point le » dissimuler ; nous devons meme le dire avcc orgueil : celte legislature « est composee de personnes qui ne sont point riches. »

2. Mathieu Dumas, Memoires, I, 521: « L'agilalion ctait extreme dans les « assemblees electorales; les aristocrates, grands proprietaires, s'claient « abstenus d'y paraltre. » — Correspondance dc Mirabcau et du comic de la Mark, III, 246, 10 oclobre 1791: « Les dix-neuf vingtiemesdesmem-« bres de celte legislature n'ont d'autre equipage que des galoclies et des * parapluies. On a calcule que lous ces nouveaux deputes ensemble n'ont « pas en biens-fonds 300 000 livrcs de revenu... La generalitc des personnes « qui composenl cette assemblee n'a rcQu aucune education. »

3. lis sont marcichaux de camp, grade qui correspond h peu pres a celui de general de brigade. Ce sont: Dupuy-Montbrun (mort en mars ] 792), Descrols-d'Estrde, vieillard faible el use que ses cnfants ont pousse a I'Assemblee legislative, et enCa Malhieu Dumas, celui-ci modere et le seal notable.

06 LA REVOLUTION.

qui, ayantroule cn Anglclcrrc ct aux Elats-Unis, semble compcloiiL dans Ics affaires des deux mondes; clTeclivc-ment, c'est un de ccs bavards oulrecuidanls cL rdpes, qui, du fond de Icur mansarde, rcgcntcnt Ics cabinels el rcmanienl I'Europc; leschoseslcur scmblcnL aussi facilcs a combiner que les pbrases: tin jour', pour allircr les An­glais dans I'alliance francaise, OrissoL propose de mcL-tre cntre leurs mains deux places do sCircle, Diinkerquecl Calais; un autre jour, il veut « lenler unc dcsccnle cn « Espagne « ct en mCmc temps envoycr une flotlc pour

' conqucnr Ic Mcxiquc.— AM comitc des finances, Ic principal, personnagc est Cambon, ncgociant de Mont-pelUer, bon comptable, qui plus lard simplificra les ccritures.et fcra Ic Grand Livrc dc la dclle, c'esl-a-dirc de la banqueroute publique-, en allendant, il y poussc dc tonic sa force, encouragcant I'Assemblee a enlrcprcndro la ruineuse et terrible guerre qui va durcr vingt-lrois ans; scion lui, on a « plus d'argcnt qu'il n'cn faut - ». A la vcrite, le gage des assignats est mange, les impols ne rcntrenl pas, on nc vit que du papier qu on emcL Ics assignats pcrdcnt 40 pour 100, le deficit prevu pour 1792

-cs tdc 400 mdlions' ; mais le financier revolulionnairc

1. CoD-cspoiidancc du baron de Slael, 19 Janvier IIQ^ r„. , Morns a Washington, II, 162,. 4 f.vrier :' . M.' de ^ . ^ t ^ ^ ' Z : " ^ .. comile diplomatique, la cession de Dunkerque et Calais L I'An-l . comnic gages de la fidelite de la France aux engagements qu'clle nonr"'"? « prendre. Vous jugerez par ce specimen de la sagesse el dc la verlu d i « faction a laqucllc il apparlicnt. . — Biichcz ct Itoux, XXX, 89. D6fc « ^ Crissot. Commc tons Ics ambilicux etourdiaet bruyants, Drissot a conim*^ '" par des paradoxes scandaleux, a grand orchestre. En 1780, dans sesT^" c/ierc/ics philosophiques sur Ic droit da propridte, il ecrivait: u Si • ranleecussonl suffisants pour conserver notre existence, pos'^eder 9nnn^" • t o i s est un vol evident, une injustice... La propriete excfusivo , « \'eritabie delit dans la nature... Nos institutions punissenl] - " " « tion vertucuse commandeo par la nature mumc. » ^ ' ^^"

2. Monileur. Discours dc Cambon, seances du 2 fevn'o 1192. "^' ' et du 20 avril

3- lb., seance du 3 Avril. Discours de M. Gailliasson i • les bicns nalionaux

. • LA PREMIERE ETAPE DE LA CO.NQUETE. 97

complc sur les confiscations qu'il provoque en France et qu'il va inslituer en Belgique: voili toute son invention, le vol systematique pratique en grand, a I'interieur et a I'l^tranger.— En fait de legislateurs et de fabricants do constitutions, on trouve Condorcet, fanatique a froid, niveleur par systeme, pcrsuad6 que la methode dcs mathematiques convient aux sciences sociales, nourri d'abstractions, aveuglc par ses formules, le plus chime-rique dcs esprits faux Jamais homme plus verse dans les livres n'a moins connu les honimes; jamais amateur de I'exactitude scientifique n'a micux reussi a d6naturcr le caractfere des faits. G'est lui qui, deux jours avant le 20 juin, au milieu de la plus brutalc effervescence, ad-mirait « le calme » et le bon raisonnement de la multi­tude: « Ala facon dont le peuple se rend compte des 6ve-« nements, on serait tente de croire qu'il consacre chaque ^<^ jour quelques heures d Velude de Vanalyse. » G'est lui qui, deux jours aprfes le 20 juin, cdlebrait le bonnet rouge dont on avail affuble Louis XVI: « Cette couronne en vaut (c bien une autre, etMarcAurele neI'eiitpas dedaignee'. » —

« vendus ct a vcndre sont evalues ii 2195 millions, et les assignals emis . s'clevenl deja a 2100 millions. ^ — Cf. jl/ercurc de France, n - d u 17 do-cembre 1791, p. 201, du 28 Janvier 1792, p. 215, du 19 mai 1792, p. 205.— Dumouric^, Mcmoires, HI, 296, 339, 340, 344 el 346 : « Cambon, un fou « furieux, sans educalion, sans aucun principe d'iiumanitcct dc probitc (pu-«,bliqucs), brouillon, ignorant ct Ires ctourdi.... II me dit qu'il ne lui " restait qu'un seul moycn, c'est dc s"emparer dc lout le num(iraire de la " I3clgique, de tome Targentcrie dcs 6gliscs et de toutes les caisses.... que, « quand on auraitruinc les Uelges, quand on les aurait niisau mOmc point « de dctrcsse que les Frangais, ils s'associcraicnt neccssairement a leur « sort; qu'alors on les admeltrait comme membres dc la Republiquc, aveo " respcrance dc conqucrir toujours devant soi par le memo genre de poli-« lique; que le decrct du 15 deccmbre 1792 ctail excellent pour arriver a • ce but, parce qu'il Icndait a tout dcsorganiser, ct que c'clait ce qui pou-" vait arriver de plus beurcux a la France quo de dcsorganiser tons scs « voisins pour les mellrc au mcme point d'anarcliie. » (Celle conversation dc Cambon etdcl)umoviriczcst uu milieu dc Janvier 1793.)—J/ouiZeu?', XI\ , 758, seance du 15 deccmbre 1792. Rapport de Cambon.

1. Chroniquc dc Paris, n" du 4 scplenibre 1792 : a Malhcurcuse ct Icr-LA rivoLUTion. a — 7

9p- LA REVOLUTION.

Tcl est lediscernementeile sens pratique desconductcurs ; d'apr^s eux on pent juger du Iroupeau; il se compose de novices qui arrivent de province avec dcs principes et des x^rejug6s de gazette. Si eloignes du centre, n'ay ant jamais pu voir les affaires generates et I'ensemble, ils sont en retard de deux ans sur leurs pareils de la Cons-tituante. « La plupart, dit Malouet', sans GLre prononces « contra lamonarchie, I'etaient contre la cour, conlrc I'aris-«tocratie, contre le clerge, ne revaient que conspirations, «et ne croyaient pouvoir se defendre qu'cn attaquant. II « y avait la encore des talents, mais sans experience; ils «manquaient m6me de celle que nous avions acquisc. <' Nos d6putes patriotes avaient, en grande parlic, la con-t viclion de leurs fautes; ceux-ci ne I'avaient pas, ils « elaient prets drecommencer. ^> — D'ailleurs, cliez eux le pli politique est pris; car ils sont presque tons des pa r ­venus du nouveau regime. On compte dans leurs rangs 264 administrateurs de departement, 109 adminislrateurs de district, 125 juges de paix et accusatcurs publics, 68 maires ct officiers municipaux, oulre une vinglainc d'officiers de la garde nationalc, evCques et cures cons-titutionnels, en tout 566 de ccs fonctionnaires elus qui, dcpuis vingt mois, administrcnl sous la main de leurs elccleurs; on a vu de quelle manierc et a quelles con-

« ri'LIe silualion, que celle oii le caracl6re d'un pcuple nalurellemcnt bon « et genereux est contraint de se livrer a de pareillcs vengeances! » Cf. la Ires penelrante elude de Sainte-Beuvc sur Condorccl, Causeries du Lundi, in, 245. — Ilua (colle^ue de Condorcel a la Legislative), Mcmoires 83 : '<• Dans son journal, Condorcet mentait periodiquenient avec une effron-« leric qui depuis n'a pas ete surpassde. Les opinions du cOle droit elaient « mulil(5es, travesties au point que ceux d'entrc nous qui les avaient emi-• ses ne les rcconnaissaient plus ie lendemain dans son journal. On lui « en faisait des reproches, on I'accusait de perGdie, et le philosoplie sou-• riait. »

1 Malouet, II, U5. - Dumouriez, III, chap, v : « Us furent nomm<5s pour. • allcr representor la nation, pour defendre, disail-on, scs inlercU conlre «• une cour pcrfide. .

LA PREMIERE ETAPE DE LA CONQUETE. 99

dilions, par qiicUcs complaisances cL quelles complicilcs, avec quelle dclerencc pour I'opinion briiyanlc, avcc quelle dociiiLc en I'acc de rcmeuLe, avec quelle soumission aux ordrcs do la populace, avec quel deluge do phrases sen-limeiilales elde lieux communs abstraits. D6puLes i Paris par le clioix ou par la tolerance des clubs, ils cmporlenl avcc cux Icur poliliquc et leur rhelorique: cela lait un assemblage d'esprils bornes, fausses, precipiles, empha-liques eL faibles; a cliaquc seance, vingt moulins a pa­roles lournenl a vide, cL lout de suite le premier des pou-voirs publics dcvienl uue fabrique de solliscs, unc ecolc d'cxlravaganccs et un theatre de declamations.

I I

Se pcut-il que des hommes serieux aient ecout6 jus-qu'au bout des fadaises aussi saugrenues?— « jc suis « labourcur, dit un depute 5 j'ose maintcnant vantcr « I'antique noblesse de ma charrue. Quclques bocufs out « etc les purs et incorruptibles tabellions par-dcvant « Icsqucls mcs bons ancelres en ont passe les contrats; « leur aulhcnlicite, mieux tracee sur la terre que- sur de « freles parcliemins, est a I'abri de toutes les revolutions «• possibles. >> — Congoit-on que le rapporteur d'une loi qui va exilcr ou emprisonncr quarante millc prClres ap-

1. iMonileur, X, 223, seance du 26 octobre 1791. Discoiirs dc M. Francois Duval. — Dos la premi6re seance, remphase elail a Tordro du jour. Le 1" oclobrc 1791, les douze vieillards de rAsscniblee vonl oti procession clicrcher racle conslitulionnel. <• M. Camus, archivislc, I'air " recueilli, lcs ycux baisses, arrive a pas lents, » porlanl des deux mains le livrc sacre qu'il licnl appuyc sur sa poitrinc, ct tons lcs deputes sunt deboul, la 'litc nue. « Peuple francais. dit un oratcur, ciloyens dc Paris, • Francjais genfircux, el vous, citoyenncs vcrtucuses etsavantcsqui appoilez <• dans le sanctuaire des iois la plus douce influence, voici le gage de paix 0 que la legislature vous prcsenle. »— U semble qu'on assiste a un linal d'opdra.

100 LA l\l5:VOLUTION.

porte en maniere d'arguments des niaiseries aussi bour-• souflees que celles-ci * ? « J'ai vu dans Ics campagnes les

« flambeaux de rhymen6e ne jetcr plus qu'une lueur « pale et sombre, ou changes en torches des furies, le « squelette hideux de la superstition s'asseoir jusque « dans la couche nupLiale, se placer entrela nature el les « epoux, et arrfiter le plus imp6rieux des penchants.... « 0 Rome, es-tu contente ? Es-lu done comme Saturne a « qui il faut tous les jours des holocausles nouveaux?... « Partez, artisans de discordcs; le sol de la liberie est « fatigue de vous porter. Youlez-vous alter respirer I'air « du mont Avenlin? Le vaisseau de la palrie estd^ji pr6t; « j'enlends sur le rivage les cris impatienls des matelols, « le vent de la libertd enflera les voiles; vousirez, comme « T61emaque, chercher voire p6re sur lesmers; mais vous « n'aurez pas i redouter les 6cueils do Sicile ni les « seductions d'une Eucharis. » Gentillesses de cuistre, prosopop6esderh6leur, invectives d'energum&ne, c'cslici le ton r6gnant. Dans les meilleurs discoursperce toujours le m6me defaut, I'echauffemcnt de la cervelle, la manie les grands mots, I'habitudc des echasses, I'incapacitc de

voir les choses qui sont et dc les dire comme ellcs sont. Les hommes de talent, Isnard, Guadet, Yergniaud lui-mfime, sont emportes par la phrase ronflante el creuse comme une barque sans lest par une voile trop large. lis s'exallent avec leurs souvenirs de classc, ot le monde

1. Monitcur, XII, 230, seances du 26 avril ct du 5 mai. Rapport et dis-cours do Frangais dc Nantes. II faudrait citer le discours enlier, qui est un Ircsor dc comiquc. « Dis-moi, pontife de Rome, quels sentiments t V " gitcront quandlu reccvras tes digncs et fideles cooperateurs?... Jcvois' •• tes doigts sacres preparer aussilol ccs foudrcs pontificales qui etc « Qu'on apporte ici le rechaud dc Sccvola, ct, les mains tenducs sur'l'e ' «brasier, nous prouvcrons qu'il n'csl sorlc dc lournicnts ni de sunnrce ' «qui puisscnt fairc fronccr Ic sourcil dc celui que Taniour de la f ' "cleve au-dessus dc I'humanilc! » - Si, a c§ moment, on lui oM^uZ sous la main une bougie allumcel ^'" '"'^

LA PREMIERE ETAPE DE LA C 0 X Q U ] 1 : T E . 101

moderne ne Icur apparait qu'5, travers des reminiscences lalines. — Francais de Nanles s'irrite centre le pape « qui « lient dans la servitude la poslerite des Caton et des «Scevola ». —Isnard propose d'imiter Ic senat romain, qui, pour apaiser la discorde au dedans, portait la guerre au dehors : sn efTet, en Ire la vieillc Rome ct la France de 1792, la resscmblance est frappante. — Roux veul que I'Empereur donne satisfaction avant le P"" mars : « En « pareil cas, lepeuple romain aurait Vwd un delai; pour-« quoi le peuple francais n'en fixerait-il pas un?. . . » Autour des pctils princes allcmands qui hesilent, il faut tracer «le cerclc de Popilius ». — Quand I'argent manque pour 6tablir des camps autour de Paris et des grandes villes, Lasource propose d'aliener les forCts nationales, et s'etonnc des ol^jections : « Les soldals de Cesar, dit-il, «croyant sacree une antique forfit des Gaules, n'osaicnt y «porter la cognee; est-ce que nous partagerions ce res-«pectsuperstilieux'?»—Acclte6ruditiondecollege,joignez le r6sidu philosophique d6pose dans les esprils par le grand sophiste en vogue. Larivifere litti la tribune^ la page du Gontrat social ou Rousseau prononcc que le souvcrain peut bannir les membres « d'une religion insociable », et punir de mort «celui qui, ayant reconnu publiquement « les dogmes de la religion civile, se conduit comme ne « les croyant pas M. Sur quoi, un autre perroqucl siffl^, M. Filassier, s'ecrie:« Je convertis en niolion la proposition «de J. J. Rousseau, e t je dcniande qu'cllc soit niisc aux « voix.» — Parcilleiiient on propose d'accorder aux fllles le droit de se marier toutes jeunes nialgrc leurs parents, en remarquant, d'apr^s la Nouvelle IleloYse, «qu'une jcune

1. Moniteur, XF, 179, seance du 20 Janvier 1792. — lb., 216, sdance du 24 Janvier. — lb., XII, 426, seance du 9 mai.

2. 76., XII, 479, sdance du 24 mai. —XIII, 71, seance du 7 juillet, dis-cours de Lasource. — Cf. XIV, 301, seance du 31 juillet. Une cilalion de Voltaire alieguee pour faire supprinicr les couvcnls.

102 LA REVOLUTION.

« fille dc Ircizc a quatorze ans commence a soiipircr pom "line union qui esl dans la nature, qu'ellc lullccnlre scs c< passions el le devoir, que, si clle Iriomplie, ellc est « marlyre, que rarement on en impose a la nature, el qu'il xpcul arriver qu'une jeune personnc prcf jrc la honte apaisible d'une defaile aux fatigues d'une lutte dc huit «ans.»— On instilue Ic divorce pour « conserver dans le « manage cetle quietude heurcuse qui rend Ics sentiments "plusvifs^.. Desormais il ne sera plus unechaine, mais «racquit d'une delte agreable que tout citoyen doit a la « palrie.... Le divorce estledicu tul61aircdc rhymcn'-.« — Des gravclures et des gazes mythologiqucs, un arriere-fond dc pedanterie classiquc, Ics notions ccourtces ct vagues de I'education moyenne, nulle information solide et precise, les banaliles vides et coulantes de ramplili-cateur qui developpe en tongues tirades les adages de son manuel revolulionnaire, bref la culture superli-cielle ct le raisonnemenfc verbal, c'est de ces ingredients vulgaires et dangereux que se compose rinlelligence des nouveaux legislateurs^

I I I

D'apr^s cela, on peut se figurer leurs stances, a Plus " incoberenles et surtout plus passionn6es que celles de

1. Monilcur, seance dii 30 aout, discours d'Auberl Dubayet. 2. Discours de Cliaumelte, procurcui- de la Commune, aux nouveaux ma-

ries, (Moi-limer-Ternaux, IV, 408.) 3. La classe a laquelle ils appartenaient a ete peinlc au vif par M. Roycr-

CoUard (Saintc-Beuve, Nouveaux lundis, IV, 263) : » Jcune avocal a « Paris, rcQu d'abord dans quelqucs maisons de I'lle-Saint-Louis, il so rctira « vile dc cc monde secondaire de robins etde procureurs donl le Ion I'avait " sulToqiic. L'impression de celte mcdiocrile galanle el precieuseniMt « vulgairc lui inspirait encore, rien qu'a y pcnser, un geste dc degoiil II « aimail mieux a« besoin causer avec les baleliers du porl qu'avec CPS /• • musques. .. ^ '"^"'"^

LA PREMIERK KTAPE DE LA COXQUETE. 103

« I'Asscmblcc consliliiantcS « ellesprcsenlent Ics m6mcs trails, niais grossis. L'argumenlalion y esl plus faiblc, rinvcclivc plus violcnlc, ledogmatismeplus iulcnipcraut. La raklcur y a degcner6 en insolence, le prejugc en fana-lisme, la niyopie en aveuglcmcnt. Le dcsordrc s'y exagtrc jusqu'au lumullc, ct le bruit jusqu'au vacarme. Figurcz-vous, diL un l^nioin oculaire et habiluel, « unc salle do « college, oil des cenlaines d'ecoliers se querellcnt et « sont, a cbaquc instant, sur le point de se prendre aux « chcveux. Lcur costume plus que neglige, Icurs mouvc-« mcnls cmporles, leur brusque passage des clamcurs « aux huees... sont un spectacle qu'on ne pent comparer « nipcindrc. « Rien n'y manque pour en faire un club dc basse csptice. On y pratique d'avance les procedcs de la future inquisition r6volutionnairc; on y accueille des denonciations burlesques : on y fait des interrogatoircs de petite police; on y pese des cancans de portiers et des commeragcs dc servanlcs; on emploie une seance denuit a recevoir les confidences d'un ivrogne-. On inscrit an procts-verbaletsansimprobationlapetition de «AL liure, « habitant de Pont-sur-Yonne, qui, par un 6crit signe dc « lui, offre 100 francs et son bras pour elre tyrannicide. »

L Llienne DuinonI, Memoircs, 40. — Mercure de France, ii°' du 19 no-vembrc 1791, du 11 fevricr el du 3 mars 1792, arliclcs dc Mallcl-Dupan.

2. lb., n" du 17 dccembre. Inlerrogaloire a la barre de Raucli, pretendu embaucheur qu'on est oblig6 dc renvoyer absous. Rauch lcur dil : « Jc " n'ai pas d'argent ct ne puis coucbcr a moins de 6 sous, parce que je « pissc au lit. » — Monilcur, Xll, 574, seance du 4 juin. Rapport dc Cliabol: ' Un mcrcicr de iMorlagne dit qu'un domeslique venant dc Coi)lcnlz lui " a dit qu'une troupe va cnlever le roi ou rempoisonner, pour en rcjctcr « I'odieux sur IWssemblce nationale. » Bernassais, de Toiticrs, ocril : « Un « brave ciloyen m'a dit bier soir : « J'ai ele voir une Dlle. donicstiquc clicz " un noble; clle m'a assur6 que son maitre partait celle nuit pour Paris, « pour sc rcunir aux 30 000 qui doivenl, sous un mois, cgorgcr rAsscmbico «• nationale ct nicllre le feu aux quatre coins de Paris." — « I\I. Gerard, « scUier ii Auiicns, nous ecrit que Ton parle de la fuite de Louis XVI aPaidc « de 5000 rclaisj on doit cnsuite tircr a boulcts rouges sur I'Asscmblco a nalienalc. »

104 LA. REVOLUTION.

On consacre, par des bravos, par dcs applaudissemcnts r6p6t6s et multiplies, par les felicitations du president, le scandalc ou le ridicule des folics privees qui vicnncnt s'etalcr sous Ic convert de I'auloritd publique. On remer-cic ct on fait asseoir sur les bancs do I'Assemblec Ana-charsis Clootz, « Mascarille timbr6, « qui propose la guerre universclle et colporte dcs carles de I'Europe di-visee d'avance en departements, en commencant par la Savoic, la Belgique, la Hollande, « ct ainsi do suite jus­te qu ' i la mer Glaciate'. » On complimentc ct Ton fait as­seoir avec sa femme sur les bancs de I'Asscmblce un vi-cairc de Sainte-Marguerite qui prosente « sa nouvcllc cc famille », et tonne contre le celibat du clcrgc-. On souffrc que des attroupements d'hommes et de fcnimes travcr-sent la salle en poussant des cris politiques. On admet A la barre loules les parades ind^centes, puerilcs ou sedi-tieuses*. Aujourd'hui, ce sont « des citoyenncs dc Paris »

1. Mcreurc dc France^ n° du 5 novembre 1791, seance du 24 oclobrc. — lb., n°du 23 decembre. — Monilcur, XII, 192, S(5anco du 21 avril 1792; XII, 447. Adressc de Clootz aux FranQais : u Dicu debrouilla le chaos u primilif; Ics Fransais debrouilleront le chaos fcodal. Dicu est puissant « ctavoulu; nous sommes puissants et nous voulons.... Plus le theatre de • la guerre sera grand, plus le proces des plebeicns conlrc les nobles sera « lerminc promptemcnt etheureusement.... II nous faul des cnncmis... la « Savoic, la Toscanc, ct vile, vile!•>

2. Cf. Moniteur, XI, 192, seance du 22 Janvier 1792. « M. Burncl, « aumonier dc la garde nationale, se presente i la barre avec une Anglaise « nomnieeLydda Kirkam et Irois petits enrants, dont I'un 3st dans scsbras. « M. Burncl annonce que cettc femme est la sicnne, etquc I'enfant qu'elle « porte dans ses bras est le fruit de leur amour. Apres avoir rappele la force « des sentiments de la nature auxquels il n'a pu resislcr, Ic p6tilionnaire « continue ainsi: " Un jour, je rencontrai un de cos examinateurs sacres. — « Malhcureux, me dit-il, qu'avez-vous fait? — Un enfant, monsieur, et j'ai « (ipouse celte femme, qui est proteslante, et sa religion ne fail rien a la « mienne ».... a Ou la mort, ou ma femme I Tel est le cri que m'inspirc el

• que m'inspirera loujours la nature. » — Le pelilionnairc rcroit les hon-neurs de la seance. (lb., XII, 369.)

3. Pavfois le grotesque est celui d'une farce :«M. Piorry, au nom de « cvloycns pauvres mais vertueux, depose deux paircs de bouclcs avec celte

cvisc • „ Eiics ont servi a conlenir les tiranls de mes soulicrs sur mes

LA PREMIERE ETAPE DE LA CONQEETE. 105

qui dcmandcnt a s'cxcrcer aiix manoeuvres militaircs et cL prendre pour commandants « des ci-devant gardes-

,« francaises »; le lendemain, arrivent des enfants qui exprimcnt leurpatriotisme « avecune naivete touchante », et regretlent que « leurs pieds chancelants ne Icur per-« mettcnt pas de marcher, que dis-je? de voler contre les « tyrans »; ensuile vicnnenl les gal6riens de ChAlcauvieux escort^sd'une foule qui vociffere; une autre fois,les artil-leurs de Paris, an nombre de mille, avcc leurs tambours; incessammenl des deleguesde la province, des faubourgs, des clubs, avcc leurs declamations furibondcs, leurs re-montranccs imperieuscs,leurs exigences,leurs sommations et leurs menaces. — Sous ces intermedes de tapage plus fort, route un brouhaha continu, le tintamarre des tri­bunes* : i\ chaque seance, « les rcpresenlants sent gour-« mand6s par les spectateurs; la nation des galeries jugc « la nation du bas de la salle, » intervient dans les deli­berations, fait tairc les orateurs, insulte le pr6sident, or-donne au rapporteur de quitter la tribune. Ce n'est pas une fois qu'cUe interrompt ou par un simple murmurc, mais vingt, trcnte, cinquante fois en une heure, par des clameurs, des Irdpignements, des hurlements et des in­jures pcrsonnelles. Apr^s des ccntaines de reclamations inutiles, aprfes d'innombrables rappels i I'ordre « recus "•-par des huees », apres dix « reglements fails, refaits, « rappeles, aTiches », comme pour mieux prouver I'im-p.uissance de la loi, des autorites et de rAssemblcc clle-m6nie, I'usurpation de ces intrus va croissant. Pendant

« pieds; cllcs serviront i rdduire sous eux, avec I'empreinte et Ic caracl6re " tie la veritc, tous les tyrans ligues contre la constitution. » {Moniteur, '11, ^57, seance du 21 mai.) — lb., XIII, 249, seance du 25 juillet : » Une

« jeune citoycnne offre de combattre en personne contre les ennemis do la " patric », cl le president lui rcpond d'un air galant : « Plus faite pour « adoucir les tyrans que pour les combaltrej vous offrez, » etc.

1. Mo?ii7cur, XI, 576, sdance du 6 mars; XII, 237 , 314, h68, seances du 27 avril, du 5 mai, du 14 mai.

106 LA REVOLUTION.

dix mois, ils ont crie : « A has la lisle civile! A bas Ics « ministeriels ! A bas les mdlins 1 Silence, csclaves! •» Le 26 juillet, Brissot liii-m6me leiir parailra liedc eL recevra dcuxL prunes an visage. « Trois on quatre cents individus cc sans Litre, sans propriete, sans existence... sont devc-« nus les auxih'aircs, les suppliants, les arbitres dc la « legislature, » et leur fureur soldee acheve de delruire ce que I'Assemblce a pu garder encore de sa raison'.

IV

Dans une assemblee ainsi compos6e el enlour6e, on prevoit de quel cole pencliera la balance. — A travers les maillcs du filet electoral que les Jacobins ont Icndu sur lout le tcrritoire, une centaine d'honn^tcs gens, de merile ordinaire, a pcu pres senses ct asscz r6solus, Mathieu Dumas, Dumolard, Bccquct, Gorgue-reau, Vaublanc, Beugnot, Girardin, Ramond, JauCourt, ont pu passer, ct forment le cdt6 droits lis resislcnt dc leur mieux, et il semble que la majority leur soil acquise. — Car, des 400 deputes qui sifegent au centre, 164 sont inscrits avec eux aux Feuillants, ct le reslc, sous le nom dlndependants, pretend n'6lre d'aucun parli^; il'ailleurs, par tradition monarchique, tons ces quatre cents respeclentle I'oi; leur timiditeet leur bon sens repugncnt aux violences; ils se defient des Jacobins, ils ontpeur de linconnu, ils voudraient bien faire observer la conslitii-

^"^fo-curc de France. n°' du 19 septeinbre 1791, du U Icvricr et du 3 mars 1792. - BucI.ez el Roux, XVI, 185, seance du 26 juill.'t 1792.

. '' < ''"ows deMallct-Dupan, 1,433. Tableau des trois partis, avecrcn-scigncmcnlsinlimcs. rcu-H-" '" ' ct Iloux, XII, 348. Lcttrc du depute Clieron, president des €st"d "' " '° "°'"'-"'° ^cs deputes de la Legislative inscrits aux Feuillants Scion M!n'r/'''' ^^ ^'^'^^ ^^^^^ nombre de deputes de la Constituante,

cl-Dupan, les prctendus independants sont au nombre de 250.

LA PREMIERE ETAPE DE LA GONQUfiTE. 107

tion, ct vivrc Iranquillcs. Mais les dogmcs pompcux du calccliismc revolulionnairc excrccnt encore sur cux lout leur prestige; ils ne comprcnnent pas que la consUUiUon qii'ils aimcnl produit ranarchie qii'ils delcslcnl; ils onL «la soLlise dc gemir des cfTets en jiirant de mainlcnir les « causes; avccun d6fauL total de caractftre, d'union et dc « hardiesse », ils flotlent entre desdcsirs conlradicloires, et leurs vell6iles d'ordre n'attendent pour se tourner en sens conlraireque I'impulsion fixe d'unc volonlc forte.— Sur cette matifere docile, le cole gauche pent travaillcr efficacement. A la v6rile, il ne comprend que 136 Jaco­bins inscrits et line cenlaine d'autres qui, dans prcsquc lous les cas, votent avcc le parti^; mais laraideur des opi­nions compense rinsuffisance du nombre. En premiere li-gne sont Guadet, Brissot, Gensonn6, Vergniaud, Ducos, Condorcet, les futurs chefs de la Gironde, tous avocats oil 6crivains, 6pris de politique deductive, absolus dans leurs convictions ct Tiers de leur foi : selon cux, puis-que les principcs sont vrais, on est tenu de les appliquer sans reserve-; quiconquc s'arrfitc en chemin manque de ccEur ou d'inlelligence. Pour eux, ils entendent bicn allcr jusqu'au boul ; avec une confiance de jeunes gens et dc lheoricicns,ils tirent leurs consequences et se savcntbon gre d'y croire si fori. «Ces Messieurs, dit un observateur

1. Cecliiffrc est conslalc par les scriilins decisifs. { Morlimer-Tcrnaux, 11, 205, ?48. )

2. il/ouiVcuj', XII, 303, scancedu 15 mai.Discours d'lsnard : « L'Asscmbice " conslihianlc, pouvanllout, n'a ose qu'a denii. Elle a laissedans le champ •• de laliberlu, an milieu memedes racinesdu jcuncarbrcdcla constiUUion, • les vieillcsracinesdu despolismeetdc I'aristocratie.... Elle nousaallachcs • au troncdc rarbrcconslitulionnel commedes victlmes impuissanles el dc-" voucesa la rage dc leurs cnnemis. D — ElienneDumoiitatres bien vu le dc-faul d'cducalion qui csl Ic propre du parli; ildil a propos de Mme Uoland : " •' '" ' '•'•ouvais Irop de cello disposition dcfiante qui ticnt a I'ignorance " < " iiiondc.... II a manquii a son dcveloppemcnl intellectucl une plus grande • connaissancc du monde, ct des liaisons avec des homnies d'uu jugemenl « plus fort que lesien. Roland avail peu d'elendue d'esprit, el lous ceux qui • la frcqucnlaicnl ne s'clevaicnl point audcssus des prejugcs vul"-aircs. »

1C8 LA REVOLUTION.

« penetrant*, faisaient profession d'un profond derlain « pour Icurs devanciers, les Constiluanls; ils les Iraitaient a de gens a pelilcs vues, a prejuges, et qui n'avaicnt pas-« su profiter des circonstances. « « Aux observations de «la sagcssc et de la sagesse desintercsscc-, ils rcpon-« daientparunsourircmoqueur, symplOmedcraridilequi

«resuUe de Tamour-propre. On s'cpuisait h. leur rappeler « les circonstances et a leur en deduire les causes; on pas-« sait tour a tour de la theorie a rexp6ricnce et de I'ex-« perience a latheovie pour leur en demonlrer Fidentite, et, « s'ils conscntaient k repondrc, ils niaient les faits les plus ccauthenliqucs et combaltaient les observations les plus « evidentes en leur opposant quelques maximes communes. « bien qu'exprimces avec eloquence. lis se regardaicnt entre « eux commc s'ils eussent 6te seuls dignes de s'entendre, et « s'encourageaient par I'id^e que tout etait pusillanimite « dans la resistance a leur maniere de voir. » — A leurs propres yeux, ils sont les seuls capablcs et les sculs patriotes. Parccqu'ils onlIuRousseauetMably,parcequ'iIs ont la langue d61i6e et la plume courantc, parce qu'ils savent manier des formules de livre et aligner un raison-nement abslrail, ils se croientdes hommes d'Elat^ Parce qu'ils ont lu Plutarque etle JeuneAnacharsis, parce que, sur des conceptions m6taphysiques, ils veulent fonder une societe parfaite, parce qu'ils s'exallent ii propos du millenium prochain, ils se croient de grandes Ames. Sur

1. Souvenirs (nianuscrils) de M. X.... 2. Mme de Stael, Considerations sur la Revolution francaise, III<> pariie

chap. III.— Mme de Slaiil a cause avec eux, et les juge avec sa finesse de fcmme du monde,

3. Louvel, Mcmoires, 32: « J'elais de ces philosophcs hardis qui, avant la fin « de 1791, avaicnt deplore le sort, d'unegrande nation obligee de s'arret • • • mi-cliemindanslacarrieredclaliberle..—76.,38:<.IIfalIailunniin' *^'] ' « la justice. Lesqualre minislrcs (Roland; Servan, etc.) jelerent le -^ '^•'^ '^ « inoi...Duranlhonmefutprefere.Cerullaprcmiei'cfauledunarf •• | ". ."'" - iU'apayee bien cher, ellc a coule bien du sang ct des h r l '/'' l ""''< '"' I'" pe„ p,„, ta,a. i, secroU capable d'CU. a.^ssadour a tasSL";.^;'

LA PREMIERE I^TAPE DE LA COXQU^^TE. 109

ces deux arliclcs, ils n'auront jamais le moindre doule, m^me apres que lout aura croul6 sur eux par leur faute, m6me aprbs que leurs mains complaisantcs auront 616 souillees par les mains sales dcs bandits dont ils ont 616 les premiers insligalcurs, par les mains ensanglanl6cs

. des bourrcaux dont ils sont les demi-complices'. A ce degr6 extreme, I'amour-propre est Ic pire sophisle. Pcr-suad6s de la superiorit6 de leurs lumieres et de la purcte de leurs sentiments, ils posent en principe que le gouver-nement doit 6tre entre leurs mains. En consequence, ils s'en saisissent dans la Legislative par les precedes qu'on relournera centre eux dans la Gonvcnlion. Ils acccptcnt pour allies les pires d6magogues de TextrSme gauche, Chabot, Couthon, Merlin, Bazire, Thuriot, Lecoinlre, au dehors Danton, Robespierre, Marat lui-m6me, tons les d6niolisseurs et niveleurs dont ils croient se servir et

L Buzol, Memoircs (6d. Dauban), p. 31, 39: «Ne avec un caraclerc d'in-« d^pendance et de fierte qui ne plia jamais sous le commandemenl de per-« Sonne, comment pouvais-je supporter ridced'un homme inviolable?La IClo « et le coeurremplis de mon hisloire grccqiie ct romaine el dcs grands per-. sonnagcsqui, dans les ancienncs republiqucs, bonorercnt le plus I'especc . humaine,jc professai, des mon plus jeune igc, leurs maximcs,jc me nourris . dc I'elude de leurs verlus.... La pretendue neccssUe de la monarchie.... ne « pouvaitse fondre dans ma pcnsee avec les grandcs ct nobles images que j ' a -« vais formecs de la dignile de I'especc humaine. L'cxperience m'a desabuse,

• jc I'avoue; mais77ao7ierrcui' elail Irop bdlepour que jc pussc Tn'enrepcn-• /ir:»—L'admiraliondc soi-mcmc est aussi le fond dc Mme Roland.dcRoland, dePelion.de Uarbaroux. dcLouvet, etc. (Voy. leurs ccrils.) Mallct-Dupan dit lr6s-bien : o En lisant les Mcmoires de Mmc Roland, on apcr<joit I'aclrice qui <» Iravaillepourla sc6ne. » — rourRoland,cen'eslqu'un mannequin adminis-Iralif et phraseur, dont le ressort.est pousse par sa fcmme : en propre, il a un coin de chimcrique grotesque ct plat. Par cxcmplc, en 1787 (Guillon de Monlleon, Hisloire de ia ville de Lyon peiidanl la Rcvolulion, I, 58), il proposait a Tacademie de Lyon, pour uliliscr les morls, d'cn faire de Thuile cldcl'acidc phosphorique. En 1788, il proposait a racadomie dc Yillefranchc de fau-c examiner « s"il ne convenait pas au bien public d'elablir des Iribu-. naux pour jugcr ics morls », a I'inslar des Kgypliens. — Dans son compto rendu du 5 Janvier 1793, il donne un plan pouv relablisscmcnl dc felcs pu-bliqucs «a I'inslar dcs Sparlialcs.., ct prcnd pour (ipigraphc : Non omnis moriar. (Daron de Girardol, Uohnd ct Mme Roland, I, 83, 18a.)

110 L-\ REVOLUTION.

dont ils sont les instruments. A lout prix, il faut que Icurs motions passent, et, pour les fairc passer, ils Id.-chent contre leurs advcrsaires la plebc aboyante cl gros-sierc que d'aulres, jilus factieux encore, lanceront domain contre eux.

V

Ainsi, pour la seconde fois, les prctendus zclalcurs de la liberie marchent au pouvoir par les coups de main de la force. — Pour commcnccr, defense aux Fcuillanls de sc reunir : on amcute contre eux les attroupcmcnls ordi-naircs ; li-dcssus, lumulte, vociferations, gourmadcs; le mairc Petion se plaint d'etre plac6 « entrc I'opinion et la « loi », el laisse faire: a la fin, les Feuillanls sont con-Irainls d'evacuer Icur salie. — Au dedans de I'Assemblee, ils sont livresa rinsolence des galeries. En vain ils s'in-digncnt et prolestent. Ducaslel, rappelant Ic dccrct de la Constituante qui interdit toutc marque d'approbation ou d'improbation, est accueilli par des murmurcs; il Insislc [)Our que le dccret soil lu a Touverlure de cbaquc seance : « les raurmures recommcncent'. > — "N'cst-il pas sean­ce dalcux, dit Vaublanc, que les repr6scntanlsdc la nation, cc parlant a la tribune, soient sujets a des bu6es, commc « des Jiislrions declamant sur un Ibeiitre? » Et les iri-

] . MonUcur, W, CI, seance du 7 Janvier 1792. — 76., 20'i (24 Janvier)" 281 ( l " fevr ic r ) ; 310 (4 fcvrier); 318 (6 fcvricr); 3'i3 (9 fcvricr); 487 (26 fcvricr). —XII, 22 (2 avril). II faut lire loules ccs seances pour i;entir I'cxcescle celle pression. Voycznotamnienl Ics seances cics 9 el 16 avril. des 15 el 29 mai, des 8, 9, 15, 24, 25juin, des 1", 2, 5, 9, 11, 17, 18, 21 juillel, cl, a parlir de cctlc derniere date, loutes les seances. — Laci'clelie, Dix ans d'cpreuves, p. 78-81 : « L'.\ssemblee legislative servail sous le club des • Jacobins, en sc nicnageant quelques faux airs d'indopcndance. La pour « avail fait des progres immenses dans le caracl6re franQais, alors cpie tout • sc monlait sur le-ton de la flerte la plus cxaltee... La niajorite inten-« lionnclle ctait pour les conscrvaleurs, la majorile de fail nour les rep.i-• bhcauis. »

L.V PREMIERE KTAPE DE L.^ COXQUlSTE. H I

bunesleluientUrois m e n s e s . - ^ « La po ^ ^ « i-eWc dll Oualrcmbrc, que des aclcs ou o : honneur, lie la vie, do la forlune des c|loycns a . ^ U •. ass.iclUs, comme des jeux de spectacles ^ux apidau

« disscmcBls, aux simds des ^P^^^^^^^^^'^\^.t v i l ^ o lui orient les tribunes. « Si .iama.s, reprend Qvuvt.eu.cic, « Vacte iudiciaire le plus important (un acte d accusa-cc Uon capitate^ pent ( Iro livre i\ cette scandaleuse pro-. stitution d'applaudisscmonts et de menaces.... » Les muvmures rcdoublent. — Toulcs les fois qu'il s agit d'emporlcr unc mcsurc sanguinuivc ou inccndialrc, des clameurs forccnees el prolongecs briscut la voix des opposants : « A bas roratcurl A I'Abbayc Ic rappoilcurl « A bas, abasl « Parfois il n'y a qu\inc vinglainc de de-put6s pour applaudir ou huer avcc les galeries, ct c'est VAssemblee presquc cntierc qui est insuUcc. On portc Ic poing au visage du pr6sidcnt; 11 ne rcstc plus qu'a « faire « desccndrc les tribunes dans la sallc pour rcndrc les dc-<c crets, « ct un membrc de la droilc en fait ironiquciucut la proposition cxprcsse ^ — Mais, si enormc que soit Vusurpalion, pour dompter la ma]orite, la minorilc s en accommodc, et les Jacobins de la sallc font cause comvuune avcc les Jacobins des galeries. On n'a pas le droit d'expul-

• ser les perturbateurs: « cc scrait, dit Grangeneuvc, cxclure «tic nos deliberations ce.qui est essenliellemcnt peuplc. » Uu depute ayant reclame des mesures pour rcduirc les cnards au silence, « Torn6 demande le renvoi do la propo-« sition k I'inquisition de Portugal. » Gboudicu « declare « qu'elle nc pent venir ciue de deputes qui oublicnt Ic res-'^V^.cX du peuplc, leur souvcrain juge ^ « « Les mouvomcnts « des tribunes, s'6crie Lecointe-PuyraYcaux, sont Velau

• « <iupatriotisme... Alalin,lem^me Gboudicu,transposanl

1. Mom-ieur, XIll, 212, seance du 22 i«illel.

110 LA RI^VOLUTION.

dont ils sont Ics instruments. A lout prix, il faut que leurs motions passent, ct pour les falre passer, ils 14-chent contre leurs advcrsaires la plebe abovante et gros-siere que d'aulres, j)lus faclieux encore, lanceront demain contre eux.

V

Ainsi, pour la seconde fols, les pretendus zelalcurs dc la liberie marchent au pouvoir par les coups de main de la force. — Pour commcnccr, defense aux Feuillanls dc sc reunir: on ameute contre eux les atlroupcments ordi-naires ; li-dcssus, luniuUe, vociferations, gourmades; le mairc Petion so plaint d'etre place « entre I'opinion et la c< loi », et laisse faire: a la fin, les Feuillanls sont con-Irainls d"evacuer Icur salle. — Au dedans de I'Assemblee, ils sont livrcs a rinsolonce des galcrics. En vain ils s'in-dignent et prolestent. Ducaslel, rappelant Ic dccrct de la Conslituanle qui inlerdit toutc marque d'approbation ou d'improbation, est accueilli par des murmurcs; il insislc [)Our que le decret soil lu a Touverlure de cbaque seance : « les murmures recommencent'. « — «N'cst-il pas sean­ce daleux, dit Yaublanc, que les representantsde lanation, « parlant a la tribune, soient sujets a des liuces, conime « des bislrions declamant sur un IbeAtre? » Et les 'Iri-

] . Monilcur, XI, 61. seance du 7 Janvier 1792. — 76., 204 (24 ianvicr)' 281 ( l " f c v n e r ) ; 3iO (4 fevrier); 318 (G fcvricr); 3'i3 (9 fcviicr)- 487 (26 fevrier). —XII, 22 (2 avril). II faul lire toutes ccs seances pour scntir I'cxcesde celte pression. Voycznotamnicnt les seances des 9 et 16 avril. des 15 el 29 mai, des 8, 9, 15, 24, 25juin, des 1", 2, 5, 9, 11, 17, 18, 21 JuiUet, ct, a partir de celte derniere date, toutes les seances. — Lacrclclle, Dix anscTcpreuves, p. 78-81 : « L'Assemblcc legislative servait sous Ic club des • Jacobins, en sc nicnagcant quelques faux airs d'indepcndanco. La pcur « avail fail des progres immenses dans le caract^re francais, alors que tout • se monlait sur le-ton de la fierte la plus exaUec... La majorite inten-« Uonnellc clail pour les conscrvatcurs, la majorite de fait oour les r ep ' -• Dlicains. •

LA PREMIERE ETAPE DE. LA CONQUETE. Hi

bunes le huent 6. Irois reprises. — « La posterilc croira-« t-ellc, dil Qualrcmere, que des acles oil il s'agit de .« I'honneur, dc la vie, dc la forUine des ciloyens aient ete « assujeUIs, commc des jeux dc spectacles, aux applau-« disscmcnls, aux sifllels des spcclateurs? » « Au I'aiU « lui crient les tribunes. « Si jamais, reprend Quairemcre, « I'acle judiciaire Ic plus important (un acte d'accusa-« lion capil.ale) peul 6lrG livre a cclte scandaleuso pro-< stitulion d'applaudissemcnls el de menaces.... « Les murmures rcdoublcnt. — Toulcs les fois qu'il s'agit d'emporler une iiiesure sanguinairc ou inccndiairc, des clameurs forccneos cl prolongees briscnt la voix des opposants : « A bas roralcur! A I'Abbayc Ic rappoilcurl « A bas, e\ bas! » Parfois il n'y a qu'unc vinglainc de de­putes pour applaudir ou buer avcc les galerics, ctc'esl rAssembl6e presquc enliere qui est insullcc. On porlc le poing au visage du president; il ne rcsle plus qu'a « faire « descendro les tribunes dans la salle pour rendre les de-« crets, » et un membre de la droilc en fail ironiqucment la proposition" expressed — Mais, si enorme que soil I'usurpalion, pour dompter la majorile, laminorile s'cn accommodc, el les Jacobins dc lasallc font cause commune avec les Jacobins des galeries. On n'a pas le droit d'expul-ser les perlurbateurs: « ce serail, dit Grangeneuve, exclure «tie nos deliberations ce.qui est essentiellemenl pcuplc. >> Un depute ayant reclame des mesures pour rcduirc les criards au silence, « Torn6 dcmande le renvoi de la propo-« silion b. I'inquisilion de Portugal. « Choudieu « declare « qu'elle ne peul venir que dc deputes qui oublient leres-« per.t du peuple, leur souverain juge^ « « Les mouvements « des tribunes, s'ecrie Lecoinle-Puyraveaux, sont I'elan

. « du patriotisme.» A la fin, le m6me Choudieu, Iransposant

1. Monitew', XIIF, 212, seance du 22 jiiillet. 2, Monileur, XII, 22, seance du 2 avril. — Morlimcr-Tcmaux, II, Oo. —

Monileur, XIH, 222, stance du 22 jnillel.

i l 2 LA REVOLUTION.

tousles droits avec une incomparable audace,veutconfcrer aux assistants les privileges de la legislature, et reclame

"un decretcontre les deputes qui, coupablc's del6se-majestc populaire, osent se plaindre de leurs insulteurs.

Plus 6nergique encore, une autre machine d'oppres-sion opere aux abords de I'Assembl^e. Comme leurs pre-decesseurs de la Conslituante, les membrcs du c6t6 droit « ne peuvent sortir sans traverser les imprecations « etlcs menaces de groupes furibonds. Les cris A la lan-« terne! retentissaient aussi souvent aux oreilles de Bu­te molard, de Yaublanc, de Jaucourt, de Lacretelle qu'i « cellos de Gazales, de I'abbd Maury et de Montlosier' ». Apres avoir apostrophe le president Mathieu Dumas, on insulte sa femme, qu'on a reconnue dans une tribune re-servee^. Dans les Tuileries, des groupes permanents 6cou-tent les braillards qui denoncent par leurs noms les deputes suspects, et malheur a celui d'entre eux qui prend ce chcmin pour venir aux seances; il est salue au passage par une bordee d'injures. Si e'est un depute cultivateur: "Regardez, dit-on, ce dr61e d'aristocrate; c'est un mdtin « de paysan qui gardait les vaches dans son pays. » Un jour, Hua, montant la terrasse des Tuileries, est saisi aux clievcux par une mdgere qui lui eric : « Baisse la I6te, j . . . « f... de depute, c'est le peuple qui est ton souverain. » Le 20 juin, un des patriotes qui Iraversent la salle \m dit a roreille : « Grand gueux de depute, lu ne peri-« ras que de ma main. » Une autre' fois, ayant del'endu le juge de paix Larivierc, 11 est attendu i la porte sur le minuit, « par un las de gueux qui dirigent vers

L Lacrelclle, Dfaians d'ejjreuues, 80. 2. Malliicu Dumas, Mdmoires, 11,88 (23 fcvrier). — Ilua, Mdmoircs

d'lm avocul au Parle77ie72t de Paris, 106, 121, 134, 154, —Monileur, XIII, 212. seance du 21 juillct: Discours dc iM... «Tous les jours, les avc-• nucs dc celtc .salle soiil obstruees par une horde de gen? qui insultcut les • rcpvcscniants do la nation. >.

LA PREMIERE ETAPE BE I.A COXQUETE. 113

« lui Icurs poings et Iciirs bdtons; » par bonheur, scs amis Dumas ct DaverhouU, deux mililaires, out prcvu le danger, et, presenlant leiirs pislolcls, Ic degagenl, «quoiquc avcc peine » — A mesure qu'on approchr du 10 aoul, I'agression dcvicnl plus ouvcrlc. Pour avoir defendu Lafayello, Yaublanc, an sorlir dc TAsscmblee, manque trois fois d'(ilrc ecbarpe; soixanlc di-puh'-s sonl lrai l6s dc m e m e , f rappes , c o u v c i i s dc \}ouo (<l. ni(MKi<-os

dc m o r l s'ils osoul rcvtMiir anx seaiin^s '. — A^(^c do

I d s all ies, u n c ni inori lo osl, bioii for lo : gi'aoo A scs dou.\

inslrumcnls de conlrainle, cllc va delachcr dc la ma]o-ritc les voix qui lui manqucnl, ci, pvesquc ioujours, par Icrrcur ou par ruse, cllc fcra volcr Ics decrcLs dont clle a bcsoin.

VI .

Tantut clle les cscamole en les brusquanl. Commc « il « n'y a point d'orJrc du jour distribuc d'avancc ct qu'cn « tout cas on n'est pas astrciat a Ic suivrc-, » TAssem-bl6c est c\ la merci dcs surprises. « Lc premier gredin « du cute gauche (jc n efTacc pas ccttc expression, dit « liua, parce qii'il y en avail plusicurs parmi ccs mcs-« sicurs] vcnait avcc unc motion loule faite qui avail 616 « preparcc la veille dans imc coterie. On n'clait poinl « prepare; nous demandions lc renvoi a nn comitt'. Point « dc renvoi' on faisait d6cretcr I'urgcncc, et, boa grc tc mal gre, il fallait delibercr, stance tcnanlc'. » —

r,,f unD/Vcuc KUl 368, seance du 9 aoClt.

Leltres etdlscours dcd^pules geinc-cl-Oise, 3 Glaicnt Jaco-2.IIua, 115. - /6 . , 90-.^"'^^^„'J'.,i3 p,r semainc pour parler dcs

bins. « Nous nous rouiMSS.ons unc fois pa ]^l J I -^ « alTaircs du deparlcmcnt. Nous fumes ohljgos dc cl.assc. cc^uctx, [u

rondifcot; ; :u clue : tous les d6parlcn.cnts soicnl auto..scs a brulcr u — 8

Ln REVOLUTION'.

114 LA REVOLUTION.

« Autre tactique aussi peiTidc, celle-ci surtout i Tiisage « de Thuriot. Ce grand drolcvcnait proposer, non pas un « projct de loi, mais ce qu'il appelait im principe; par « exemple il fallait decrctcr que les bvciis dcs emigres « seraient mis sous le sequcstre.... ou que les pretres « inserment6s seraient soumis d une surveillance spc-« ciale.... On lui rcpondait : mais votre principe: c'est « I'ame de la loi, c'est toutc la loi: laissez done delibe-« rer; renvoi au comit6 pour faire son rapport. — Pas « du tout, il y a urgencc; le comit6 arrangera conime cc il pourra les articles qui ne vaudront rien, si le « principe n'a pas le sens commun. » Par cette melhode expeditive, la discussion est etranglee : de parti pris; les Jacobins 6tent a I'assembl^e la reflexion : ils comp-Icnt sur son 6tourdissement; aulant qu'ils le peuvent, ils abolissent la raison au nom de la raison, et ils pre-cipitent le vole, parce que lours decrcls ne supportent pas I'examen. — D'autres fois, et notamment dans les grandes occasions, ils les extorquent. A I'ordinaire, on vole par assis et lev6, et, pour les quatrc cents deputes du centre, sous le grondement des tribunes exasper6cs, l'6preuve est ddjarude. « Uvie partie d'cntrc cux ne se cc leve pas ou se l^ve aveclecdtegauche-; « si, par hasard, le c6l6 droit a la majority, « on la eonteste avec mau-cc vaise foi,etron demandel'appel nominal. » Or, « parun cc abus intolerable, les appels nominaux 6taient lonjours

• cc imprimes : il est bon, disaient les Jacobins, que le cc peuple connaisse scs amis et scs enncmis. » Cela signi-fie que la lisle des opposants pourra bientot devenir une liste de proscription, et les limidcs ne sont pas lentes de s y inscrire. P^ffectivement, la defection s'introduit aussi-tot dans le gros bataillon du centre, cc C'est un fait cer-

« les litres (de noblesse) qui se trouveront dans les divers depots.» — A'lopte d'urgence et ^ Tunanimit^.

- Hua, 114.

LA PREMIERE ETxVPE DE LA CO.NQUETE. 115

<: tain, dit Hiia, ct dont nous avons tons 6ic temoins: « nous perdions toujours cent voix a Tappcl nominal. 55 •— Vers la fin, ils s'abandonnent el ne protcstcnt plus qu'cn s'abslcnant : Ic 14 juin, quand il s'agit d'abolir, sans indemnile, toute la creance fcodalc, il n'y a de « rcmplie que rexlrcmilc gauche; Ic'restede la sallc esl cc prcsque vide; « sur 497 deputes presents, 200 ont quiLtc la seance *. — Redresses un instant par Tapparericc d'une proteclion possible, ils absolvent a deux reprises le general Lafayette derriere lequel ils voient son ar-mec - et ils r6sistcnt en face aux dcspolcs do I'Assem-blee, des clubs ct de l a m e . Mais, a deux reprises,, faute d'un chef el d'un point d'appui militaire, la majorite visi­ble doitplier, se taire, fuir, ou se r(^tracter sous la dicta-ture de la faction victorieuse qui a fausse ct forc6 la machine legislative jusqu'a la detraqucr et k la casscr.

1. Monilcuv, XII, 664. — Mcrcurc de Francs, n" du 23 juin 1792. 2. Hua, 141. — MaLliicu Dumas, II, 393 : « II est rcmarquablc que Lafond-

o Ladcbat, I'un de nos plus Gdelcs aaiis, fut nommc president, le 23 juil-u let 1792; c'est que la majorite de celle assemUec ctail sainc encore; « mais elle nc se produisaitquc par le vole sccre/sur Ic clioixdesindividus. « Lesmemes hommes quiobeissaient a la voix de leur conscience par uii « senlimcnt do justice el dc pudeur ne pouvuicnt soutenir I'cpreuvc des « dangers personnels dont les entouraientlcs menaces des facticux, quand " il fallait voter, a dccouvcrt, par a«sis el levo. a

CHAPITRE III.

1 Politique de rAsscmbU'-e. — Elal de la France a la tin de 179J. — Impuissance de la loi. — II. L'Assemblee hostile aux opprimes el favorable aux oppresseurs. — Dccrcts centre la noblesse el le clerge. — Amnislie aux deserteurs , aux fjaleriens et aux bandits. — Maximcsanar-chiques ct niveleuses. — HI- La guerre. — Dispositions des puis­sances ctrangeres. — Repugnances du roi. — Provocations des Giron-dins. — Dale et causes de la rupture. — IV. Motifs secrets des meneurs. — Lenr ascendant compromis par la paix. — Mecontentement de la classe aisee et cullivee. — Formation ct accroissement du parti de I'ordre. — Rapprochement du roi et de ce parti. — V. Effet de la guerre sur la pl^bc.— Ses alarmcs et sa fureur. — Le second acces de revolution el ses caracteres. — Alliance des Girondins et de la populace. — Le bonnet rouge et les piques. — Substitution universelle du gou-vernement de la force au gouvernement de la loi.

Si les d6put6s qui, le 1" octobre 1791, juraient la constitution avec tant de solcnnit6 et d'enthousiasme avaicnt voulu ouvrir les yeux, ils auraient-vu que, sui* tous les points du torritoire, cette constitution etait inces-samment violeo dans sa lettre et dans son esprit. Selon I'usagc et par amour-propre d'auteur, le dernier pre­sident de la Constituante, M. Thouret, vcnait, dans son rapport final, de recouvrir la verite deplaisantc sous des phrases pompeuses et trompeuses; mais il suffisait de Iparcourir le resume du mols pour verifier si, comme il lassurait, cc I'ex^cution des decrets etait complete dans « toutes les parties de I'empire. « - « Oil est-elle, « de-

LA PREMIERE ETAPE DE LA COXQULiTE. 117

mandait Mallet-Dupan, « cclle execution complete ^ ? « Est-cc a Toulon, au milieu dcs morts et des bless6s « qui so sont fusillcs i la face de la municipalite et « du dirccloire 6baliis? Est-ce ci Marseille, ou deux « particuliers ont 6te assomm6s et massacres, comme « aristocrates », sous prctexte « qu'ils vendaient aux « petits enfants des dragecs empoisonnees pour com-« mencer la contre-revolution? Est-ce d Aries, centre la­ce quelle 4000 Marseillais, lances par le club, se mettent « en marche en ce moment m6me? Est-ce a Bayeux, « ou le sieur Fauchet, decr6te de prise dc corps » et frappe d'incapacite politique, vient d'etre 61u de­pute i la Legislative? « Est-ce i Blois, ou le comman-« dant, devoue a la mort pour avoir tente I'execution « des ddcrets, a 6tc forc6 de renvoyer un regiment « fidfelc et de se soumettre i un bataillon licencieux? « Est-cc L\ Nimes, oil le regiment de Dauphine, quittant « la ville par I'ordrc du ministre, a rcQu du peuple » et. du club cc I'ordre de desobeir au ministre et de rester? « Est-ce dans ces regiments que Icurs officiers, le pistolet « sur la poitrine, ont 6te contraints d'abandonner pour « faire place i des amateurs? Est-ce i Toulouse, ou, a la « fm d'aout, les corps administratifs ont ordonne a tons « les prStres non asserment6s de sortir dans trois jours « de la ville et de se retirer a quatre licues? Est-ce dans « la banlieiie de Toulouse, oii, le 28 aout, un officier

•' municipal a 6te pendu au reverbere a la suite d'une rixe c a coups de fusil? » Est-ce i Paris, ou, le 25 septembre, lo college des Irlandais, vainement protege par un traitd international, vient d'6tre assailli par la populace, ou les calholiques qui entendaient la messe orthodoxe ont 6te chasses et train6s k la messe de I'assermentd voisin, ou

1. Mcixure de France^ n" du 24 septembre 1791. — Cf. Rapporl de M. Alquier fsdance du 23 seplembre).

118 LA REVOLUTION.

unc femme ix. etc arrachce du coiifcssionnal, cl une aulre fcmme foucLLce a Lour de bras ' ?

Ccs troubles, disaiL-on, sont passagers; unc fois la conslitMlion pvomulgacc, Tordre se rcfcablira dc lui-nicmc. — Eh bicn, voici la consliLulion aclicvcc, acccplec par le roi, proclamee, conficc a la garde dc rAssemblcc legislative; que rAsscmblec legislative considerc Ic tableau de scs premieres seaiaiues : — Dans les luiiL departe-meiits qui cuLourenl Paris, des eineulcs prcsque a cliaquc marclic, les fcraics envahiesel les cultivatcurs raiiconues par des bandcs de vagabonds, le maire de ^Melun crible dc coups cL lire lout sanglant des mains de la popu­lace-; a Belfort, unc insurrection pour rctcnir un con-voi d'argent et le commissairc du Haut-Rhin en peril de mqrt; a Bouxvillcrs, les proprietaires attaques par la garde nationale indigenteetpar les soldats de Salm-Salm, des maisons forcces et des caves pillecs ; a j\lirecourt, un rasscmblemcut do fcmmes qui battent le tambour el, Irois jours durant, tiennent I'licjlcl de viL'c assicge. — « Un jour, c'csl Uochcfort en enicutc cl les ouvricrs « du port forcant la municipalile a reploycr son dra-« pcau rouge\ Le Icndemain, c'est le pcuplc dc Lille

1. Mcrcurc de France, n" du 15 octobre 1792. (Le Lrailo avcc I'Anglelcrre etait du 26 sepfembre 1786.) — lb. Lettre de M. Walsh, siiperieur du college des Irlandais a la municipalile de I'aris. Les Ibuellcurs sorlaieiU d'un cabaret voisin. Le coiuniissairc de i)olicc, qui arrive avcc la gardo iialionalo, «< parle an pcuple et liii proniel satisfaction, « sonime .NL Walsli dc fairc sorlir tous ccnx qui sont dans la cliapelle, sans atlcndrc la fin d& la messc. — H. Walsh allegue la loi et les Iraites. — Le commissairc rcjiond qu'il ne connait pas les Irailcs, el le commandant de la gardo nationale dit aux personncs qui sorlent de la chapellc : « Au nom de riiomme • de justice, je vous somme de me suivre a Teglise Saint-Lticnne, ou je « vous abandonne au peuple. «

2. La Revolulion. I. 340, 343. — Arcliives nalionalcs, F ' , 3185 cl 318G. t)ocumenls Ires nondjreux sur les violences ruralcs dans I'Aisne. — Mcr-

,^uvede France, n" des 5 et 26 novcmbre, 10 dccembre 1791. — Monitew X, 426, 22 novembrc 1791.

^.Monilcur, X, 4'.9, 23 novcmbre 1791. I'roccs-vcrbal de requipage dfr

LA PREMIERE LITAPE DE LA COXQUETE. 119

« qui nc vciit point Iroqucr son argent et ses assi-« gnals contrc ccs chilVons de papier qu'on appcUe « billets de confiance, qui s'allroupc, menace, et dont « unc garnison cnlicrc est obligee de prcvenir Tcxplo-« sion. » Le 16 oclobre, c'est Avignon aupouvoir des ban-dils cl I'abominablc bouclicrie de la Glaciere. Le 5 no-vembre, a Caen, ce sonL S2gcnLilsbommes, bourgeois, ar­tisans, meurtris, assomnies et traines en prison pour s'citre offerts a la i^nunicipalite en qualite de constables volon-taires. Le 14 novembre, a MonlpcUier, c'est lo triompbc des tapc-dur, 8 hoiRmcs et fcmmcs tues dans Ics rues ou a domicile, tons Ics moderes desarmes ou en fuite Aparlir de la fin d'octobrc, c'est uno gigantesquecolonne de fumec et de flammc qui jaillit soudainement et, de se-malne en semaine, grandil sur Faulre bord dc I'Atlan-tique, la guerre servile i Saint-Dominguc, les betes fauycs lacbees contrc Icurs gardiens, 50 000 noirs en cain-pagnc, ct, pour premier debut, 1000 blancs assassin6s, 15 000 nc3gres tues, 200 sucrerics delruilcs, le dommage evaluc a 600 millions, « unc colonic qui, a ellc seule, « valait dix provinces, a pcu pres aneantic. « A Paris, c'est Condorcet ecrivant dans son journal que « ccs nou-« voiles sont apocryplics ct n'ont d'autre objct que de « crcer an roi des Francais un empire d'outre-mer ou il « y aura des maitres et des esclaves »; c'est un caporal de la garde na'tionale qui, de son autorilo privec, coiisignc

•le roi cliez lui dc pcur qu'il nc sc sauvc, cl defend a la sentinel le de le laisser sorlir apres neuf beurcs du

I'Embuscade, ca dale du 30 seplembre. Le capilaine, M. d'Orleans, en stalion au.\ ilcs du Vent, a du rcvcnii- a Rocheforl ct y est detenu a Lord de son navirc : « Vu rinccrliludc dc sa mission ct la crainlc d'etre commande " pour cxcrccr conire des freres les memcs iiostililcs pour Icsqucllcs il a «< deja etc denonco dans tons Ics clubs du royaumc,requipage aexige que le « capilaine les ramcnil en France. • — il/ercure de France, n° du 17 Je-cembre. Adrcsse des colons au roi.

120 LA REVOLUTION.

soir'; ce sont, aux Tuilcrics, des oralcurs cii plein vent qui denonccnt Icsarislocrales ct les pretres; c'est, au Palais-Royal, un pandemonium do luxurc publiquo et dc decla­mations inccndiaircs-; co sont, dans tons les quarticrs, des foyers d'emeufe, « aulant de vols que dc quarts « d'licure etpoint de voleurs punis; nullepolice;des tri­ce bunaux surcharges; des prisons qui no suffisent plus ;\ « la quanlile des d6Iinquanls; presque tous les hotels « fermes; laconsommation annuelle diminuee de 250 mil-« lions dans le seul faubourg Saint-Germain; vingt millc « coquins, la marque sur le dos, passant le jour dans les « tripots, les spectacles, au Palais-Royal, i rAssemblcc « nationale, dans les cafds; des milliers dc mendiants in-« fcstant les rues, les carrefours, les places publiques;

partout I'image de la plus prolbnde et de la moins at-« trislante misere, car elle se joint a I'insolence; des « nu6es dc d6guenill6s qui subsistent de la vente d'un « papier-monnaie frapp6 -a. tous les timbres, 6mis par qui « veutenemettre, dechiquet6enparticules,vcndu, donne, « rendu en lambcaux plus sales que les malheureux qui « en commercent^ «; sur 700 000 habitants, 100 000 pau-vres, donteo 000 accourus des departemcnts'*;parmi eux 31 000 indigents des ateliers nationaux qu'on a renvoy6s

1. Monilew, XIII, 200. Rapport de Sautereau, 20 juillet, sur I'affaire du caporal Lebreton (II novcmbrc 1791).

2. Saint-Iliiruge est Ic principal tenor. Jusiine parait au ralais-Royal vers le milieu de 1791; on y expose deux pretendus sauvages qui, devant un public payant, renouvellent les mceurs d'Olaiti. [Souvenirs de M. X....)

3. Mcrcure de France, n" du 5 novembre 1791. — Buchcz et Roux, XII, 338. Compte rendu de Petion, maire, 9 decembre 1791 « : Toutes les « parties de la pel ice sont dans un etatde relichement absolu. Les rues sont " sales el plcines de decombres; les vols et les delits de loute cspece sc « niultiplicnt d'unc maniire offrayante. r, — Corrcspondance (manuscrite) dcM, de Stael avec sacour, 22 Janvier 1792: « Comnie la police est a peu * P*"*^ nulle, rimpunilc, jointe a la misere, pousse vers le desordre. »

et delfiu'r'''"'"' ^^' ^'^' ' ' " ' ^" ^^ ^^ ''"' '' ^^^ ' ' ' °"'"S d Lacep6de

LA PREMIERE ETAPE DE LA COXQUfiTE. 121

chcz eux au mois dc juiii prdcedenl, mais qui, rcduaiit trois mois plus tard, sont voniis s'cngouffrcr dc nouvcau dans la f randc scnline dii vagabondage ct dc la licence,

c pour y lieurler de Icur masse floUanlc redifice mal assis lies pouvoirs publics ct founiir dcs bras a la sedition. —

"• A Paris ct en province, c'esl la dC'Sobcissancc u tons les degrcs dc la liiorarchie : ici, des dirccloircs qui conlrc-carrent les ordrcs du minislre; la, dcs municipaliles qui bravent les injonctions de Icur dirccloire; plus loin, des communaules ([ui, Ic sabre en main, font marcher Icur mairc; ailleurs, dcs soldats et dcs marins qui mcltcnt aux arrets Icursofficiers, desprevcnus qui insullcnt Icur jugc sur son tribunal et Ic forccnl a rclracler la sentence ren-due, des attroupements qui laxent ou pillcnt le bl6surles marches, des gardes nationales qui rempfichentdecirculcr ou vont le saisir d domicile; nuUe siirctd pour les biens, les vies, les consciences; la majority dcs Francais privee en fait du droit dc pratiquer son ancicn cultc ct dc voter aux Elections; pour I'dlite dc la nation, cccl6siastiques ct gentilshommcs, officicrs de torre ct dc mer, grands com-mercants et proprietaires, nuUc sccurite de jour ou de nuit, point dc recours aux tribunaux, plus de revenu loncier, la dcnonciation, rcxpulsion, rinternemcnl, les assauts k domicile, la defense de s'associer, m6me pour prfitcr main-forte a la loi ct sous la conduite des autoritcs legales'; en fa*ce et par conlraste, le privilege et I'impu-nitcd'une secte qui s'cst formdc en corporation politique, « qui <itcnd ses affiliations dans tout le royaume et uK^me « a I'etrangcr, qui a son tr6sor, ses comites, son reglement, « qui gouverne le gouverncment, qui jugc la justice^ »,

1. Lacretelle, Dix aiis d'cpreuvcs : « Je ne connais point d'aspect plus « morne et plus desesperant que I'inlervalle du depart de I'Asscmblce « nalionalc a la journee du 10 aoilt consomniec par cellc du 2 seplcmbre. D

2. Mcrcure dc France, w du 3 seplcmbre 1791, arUcIe de Mallel-Dupan.

122 LA RJ^VOLUTIOX.

ct, cic la'capilalc a la bourgadc, iisurpe ou regciite I'ad-minislralion. — LibcrLo, egaliLc, souverainete de la loi, rlcn de tout ccla n'exislc qu'en paroles. Des Irols mille decrels cnfaiiLes par la Conslituaiite, Ics i)lus admires, Ics inicux pares du bapleme philosophique font uu las d'avortons morl-nes dont la France est Ic cimeliere. Ce qui subsiste eUcclivcment sous Ics apparcnccs nicnlcu-ses du droit proclamc et jure a cent reprises, c'esl, d'une part, Toppressioii de la classe superieure et cullivee, a qui ron retire tous les droits de riiomme; d'autrc part, la iyrannie do la tourbc funatique et brutalc, qui s'ar-roge tous les droits du souvcrain.

II

Contrc cc renversement et ce scandalc, les honnete.? gens dcl'Asscmbleeont beau reclamcr; rAssemblcc, con-duitc et contraintc par les Jacobins, ne remanic la loi que pour accablcr Ics opprimes et pour autoriser les oppres-scurs. Sans distingucr cntrc les rasscmblements armcs dc Coblenlz, qu'cllc a Ic droit de pnnir, ct Ics fugitiis trois fois plus nombrcux, femmcs, vicillards, cnl'ants, tant de gens indifrercnts et inoITensifs, non seulcmcnt Ics nobles, mais encore les roturicrs', qui ne sont partis que pour sc dcrobcr aux atlentats populaircs; elle contisque les bicns dcs emigres ct ordonne qu'on les incite eu vcnle-. Par I'obligalion nouvcllc du passcporl, elle lie a.

1. Monilcur, XI, 317, seance du 6 fcvricr 1792. Discours dc iM. Caliier minislrc : « II y a hcaucoup d'oniigres dc la classc qu'on appclail au(rcfois o le tiers. On ne peut leur supposer aucunc cause d'cniigralion, si cc n'csl " des inquietudes reiigicuscs. »

2. Decrcl du 9 uovembre 1791. Ce premier dccret ne sembic viser que Ics rassemblenienls amies sur ia frontierc; mais on voil par Ics dcbats que tous les emigres sont en cause. Les decrcts dcs 9 Tevricr et 30 mars 1792 es allcignent tous sans exception. — Conrspondance de Mirabeau el du

' ' ' ' ' '« ^ «'-' -. I" , 264. Lcltre de M. Pellenc, 12 novembre 1791 : « Le

LA PREMIERE ETAPE DE LA COA'OUETE. 123

leur domicile ccux qui domcurcnf, ct soumcl Icur facull.(i d'allcr ct dc vcnir, memc dans I'inlcricur, a rarbilrairo dc chaquc miinicipalite jacobinc'. EUc achcvc dc Ics m i ­ner en supprimanl sans indcmnile Ic rcstc dc leur rc-venu foncier, tons Ics droils scigncuriaux que la Consli-luanle avail declares legiliincs-. Ellcabolit, aidant qu'ellc pent, leur hisloirc et leur passe, en laisant bruler dans Ics depuls publics Icurs lilrcs genealogiqucs\ —A Ions Ics ccclesiasliqucs inscrmenles, aux deux tiers du cler.;,ic dc France, elle retire lepain, la petite pension alimcnlairc qui est la rancon dc Icurs bicns coniisques'*; cllc les de­clare « suspects dc rcvollc centre la loi ct dc mauvaiscs « intentions conlrc la palrie »;.elle les soumet a une surveillance spccialc; elle autorise les adminislralions locales a les expulser sans jugemcnt en cas dc troubles; elle decrcie qu'cn ce cas its scront deportes ^ Elle sup-

. docrcL (conlrc les emigres) avail ele prepare ilans descomilcs; on s'alloiHlait a a la renlr6e des 6migr(5s, mais on la craignail. On rcdoulail que Ics nobles » rcunis dans les campagncs aiix pn}trcs non asicrmcnles, nc donnasscnl a plus dc force a line resislance cadjarrassanlc. I.e dccrct. Id qiCil a etc-. rendu,apavulcplus proprc a relotir les ciniijrcs hors dcs fronlla'cs. »

1. DecrcUlu 1-^ fevrier IT'J'L — Monileur^W, 412, seance du 17 fcvricr. iJiscours do Goupillcau. « Depuis le decrel de I'Asscmblce nalionale sur les u passcports, les eniigralions ont redouble. .. Vi:-iblemcnt on se sauvail de France, coinme d'une prison.

2.Decrels du 18 juin el du 25 aoul. 3. Decrel du 19 juin. — .l/oni/cu)-, XIII, 331 : . Enexccnlion de la loi..., il,

a sera brulo mardi^ aout, sur la place Vcndunic, a 2 heurcs : 1°600 cartons " ou environ, faisanl la (in du rccucil des genealogies, lilrcs el prcuvcs de « noblesse; 2° environ 200 carlons d'une parlie de Iravail coniposee de « 203 volumes concernanl I'ordrc du Saint-Esprit. »

4. Decrel du 29 novenibre 1791. (Ce decrel manque dans la coUeclion do Duvergier.) — Monilcur, XII, 59, 2'i7, seances du o eldu28 avril 1792.

5. Aux Jacobins, Legcndre propose une mosure plus cxpediUvc pour se debarrasscr dcs prelres: « A Brest, dil-il, il cxisle des bateaux qu'on appello « dcs Maries-Salopcs ; ils sonl conslruits de manierc que, lorsqu'ils soul « charges d'immondiccs, ils vonl en plcine radc. Arrangeons de memo les u prelres, el, au lieu de les cnvoycr en pleinc rade, cnvoyons-les en plcine .. mer: qu'elle les submerge mCme, s'il le faul. » {Journal des Amis dc la Conslitution, w 194, 13 mai 1792.)

124 LA REVOLUTION.

prime « toutes Ics congregations seculiferes d'liommes ct « de femmes, ecclesiastiqiies ou laTques, meme ccUes quf « sont uniquement vouccs au service des Iiopitaux ct au « soulagemcnt des malades », mcnie celles qui donnent renseignement primaire et dont I'abolition « va otcr a « 600 000 enfanls les moyens d'apprendre a lire et a • « ecrire.* » Elleprohibe leur costume; ellc met en vente Ics palais 6piscopaux, les maisons encore occupees par des religieux ou des religieuses ^ Elle accueille par des acclamations un prctre marie qui lui prescnte sa femme. — Non seulement ellc detruit, mais encore elle insulte, et les auteurs de chaque decret qui passe ajoutent h. son coup de foudre la grfile retentissante de Icurs injures et de leurs diffamations. « Les congregations, dit un de-« pute, insinuent dans I'esprit des enfants le poison de « I'aristocratie etdu fanatisme^ « — ' Purgez les campa-« gnes, dit Lagr6vol, de cette vermine qui les devore. » — « Ghacun salt, crie Isnard, que le pritre est aussi lachc « qu'il est vindicatif.... Renvoyez ces pestiferes dans les « lazarets dc Rome et de I'ltalie.... Qu'est-cc qu'une reli-« gion insociable par nature et rcbelle par principes? » — Inserment6s, 6migr6s de fait, 6migr6s de coeur, « gros « proprietaires, riclies negociants, faux moderds* », tous sont des conspirateurs declares ou des ennemis caches On leur impute tous les desastres publics. « La cause'dci « troubles qui desolent les colonies, dit' Brissot*, c'est « rinfernale vanite des blancs, qui, trois fois, out violc « un concordat que, trois fois, ils avaient jure de main-

2 aout

1. Monileur, XII, 560 (decret du 3 juin). 2. Decrets du 19 juilletet du 4 aout, complet6s par ceux du 16 ct du 19

auUt.

3. Monileur, XII, 59, 61, seance du 3 avril; X, 374, seance du 13 no-vembre; XI, 230, seance du 26 avril. — La dernicre phrase cil^e est de Fran^ais de Nantes.

4. lb., XI, 43, seance du 5 Janvier. Discours d'Isnard. 5' Ih., XI, 356, stance du 10 fcvrier.

LA PREMIERE ETAPE DE LA COJ^QUETE. 125

« Icnir. » On explique par leur malvcillance calcul^e le " manque de travail et la disette de blc. « Un grand

a nombrc d'hommes riches, dit Francais de Nantes^, lais-« sent leurs proprietes sans valeur et Icurs terres en frl-

' « che pour avoir le plaisir de faire crier le peuple. » On divisc la France en deux parlis, d'un cole I'aristocratie a laquclle on altribue lous les vices, de I'autre c6le le people a qui ron conffcre loutes les vertus. « Chaque « jour, difc Lamarque-', la defense de la liberie est lachc-cc ment abandonnee par les riches, par les ci-devant « nobles, qui n'avaient pris le masque du palriotismc « que pour nous trompcr. Cc n'est pas dans cctlc classc, « mais seulement dans les citoycns qu'on appelle dcdai-« gncuscment le peuple, qu'on trouvera des limcs pures, « des Ames ardentes et veritablement dignes de la li­ce berle. » — Encore un pas, ct Ton va lout permcttre aux bons contre les mauvais : tant pis pour les aristocrates, s'il leur arrive malhcur. Ces officiers qu'on lapide, M. dc la Jaille ct les autrcs, « nc feraient-ils pas mieux de i:c « pas meriter d'etre sacrifies aux fureurs du peuple^?»

1. Monileur, XI, 230, seance du 26 avi-il. 2. lb., XII, 730, sdance du 22 jiiin. 3. Taroles de Brissot (Palriote Frangais, n" 887). — Letlre ecrite !•

5 Janvier au club de Brest par MM. Cavalier et Malassis deputes a I'As-semblee nationale: « Quant a revcnement du sieur la Jaille, nialgre que « nous prenions inlcriit a lui, I'insigne aristocratc ne I'a que trop mcrilo.... a Nous nc serons tranquillcs que lorsque nous auronsextermineleslrailres, = les parjures, que nous avons cpargues Irop longtenips. r> {Mcrcure da France n° du'4 fevrier.) — Cetle affairela Jaille est unc des plus inslruc-livcs cl'dcs mieuxdocumeatces. {Mercure de France, n"du 10 el du 17 dG-cenibre - Archives nationales, F , 3215, proces verbal desadministraleurs du district et des ofricicrs municipaux de Brest, 27 novembi-e 1791. - Let­lre de M de Marigny, commissairc de la marine a Brest, 28 novembre. -Lellres de M. de la Jaille etc.) M. de la Jaille, cnvove a Brest pour com­mander le Dugay-Trouin, arrive le 27 novembre. Pendant qu'il dine, vingt personncs cnlrenl dans la chambre, lui declarcnt, « au nom de beaucoup K d'autrcs, » que sa presence excite du trouble i Brest, qu'i! faut qu'il parte, ct « qu'on ne souITrira pas qu'il prenne le comniandement d'un vaisseau. » — fl rcpond qu'il quillera la ville aussilot aprcs son diner. — Survient uno

126 LA REVOLUTION.

Et, du haul de la Ivibune, Isnard s'ccric': « G'csl la longiic cc impunJle dcs ci'iminels qui a pu rcndre Ic pcuplo bour-« rcau; oui, la colere du peuplc, comme la colore dp cc Dicu, n'est trop souvent que Ic supplement terrible du « silence des lois^ « —En d'autres ternies, on justifie les * crimes, et, contrc ccux que dcpuis deux ans on assas-sinc, on provoquc encore I'assassinat.

Par une consequence forcee, si les viclimes sent des coupables, les cxecutcurs sont dhonntlcs gens ct I'As-semblcc, qui poursuit les uns dc toutcs ses ri"-ueurs reserve aux autrcs toutc son indulgence. Elle rehabilile les innombrables deserlcurs qui ont fjuitte Icurs dra-peaux avant le 1" Janvier 1789 2; cUe Icur accorde 3 sous par lieue et les ramenc i leur domicile oii i leur regiment, pour y devenir, avec leurs confreres dont la desertion est plus r6cente, des chefs ou des recrues

nouvcUe doputulion plus nonibrcuse, cxigeanl qu'il sorlc ii Tinslant el sous cscoiie. — II se soumct; on Ic conduit jusija'aux porlcs do la ville, cl Pcscortc sc retire. Aussilol un allroupenient se jctlc sur lui, « son corps a est couvert dc contusions.» II cslsauve iigrand'pcine par six braves gens dont un ciiarcutier qu'on appelait pour le saigner sur place. « Cetlc iiisur-" reclion est le resullat d'unc seance extraordinaire du.cluh des Amis de la » Constitution tenuc la vcille en pr6scnce du public dans la sallc do • spectacle. - — ISolez que M. de la Jaille n'est pas un arlslocrale liaulain niais un homme sensible a la faron des lieros de Florian et de Bcrquin' lloue de coups conunc il vient de VHire, il ecrit a « M. le president des « Amisdc la Constitution, de Brest, qu'il aurait voulu voler dans le sciti d<» " la societe pour y porter le fribut de la sensibilite ct d^ la reconnaissance " II n'a acceple son conimandcmcnl que sur les instances de MM. leg " Anicricains reunis a Paris el dcs six comniissaircs reconimcnt arrives de •• Saint-Domingue. » — Mcrcurc dc France, n" du 14 avril, article do Mallet-Dupan : « J'ai vaincment demandc la vengeance dcs lois conlrc les ° assassins de .M. de la Jaille; lout le monde a Dresl nonime Ics autours de " I'allcnlat coniinis en plcin jour et dont dcs milliersde tenioins pourraionl •• dcposcr. La procedure a clc commencec et decretec; niais rexccution dcs " dccrels demcurc suspcnduc Tins puissants que la loi, les motionnaircs " proteclcurs dcs assassins, cffraycnt ou paralysent ses niinislres. E

I. Mercurc clc France, n" du 12 novcnibrc, seance du 31 octobrc 179'"' 2._Decretdu 8 f-vrier, el aulres analogues sur ics delails, par exempi'o

LA PREMIERE ETAPE DE LA COXQUETE. 127

rrcmcutc. Ellc lire dii bagne les quarantc Suisscs dc Chuleauvicux que leiirs propres caiilons voulaienl y maiii-lenir; ellc soiillrc que «ces marlyrs do la liberie » soient promcnes daus Paris sur un char de Iriomphe'; ellc les

' adnicl a sa barrc, el, par uii scrulin solennel, elle les iiivilc aux houncurs dc la seance-. Enfin, couimc si clle

'"prenait a laciic dc Idcher sur le public la plus ferocc el la plus ininiondc canaille, ellc aninislic Jourdan, Mainviclle, Dupral, Uaphcl, les repris dc juslice, les galcriens evades, les condollicres de lout pays, qui se

r sonl inlilules oux-memcs « les braves brigands d'Avi-i' giion », el qui, pendant dix-huit mois, onl saccage le comlat; clle arrele Ic proccs presquc lerminedes massa-ereurs dc laGlaciere; clle lolerc qu'ils rcntrenl en vain-quours % qu'ils s'inslallcnt d'autorile i la place dcs magistrals en fuite et qu'Avignon, frailee en vilJe con-quisc, soit d6sormais Icur proic et Icur butin. C'est ramcncr de parti pris la vcrmine sur Ic corps social, et, dans ce corps fievreux, on n'omct rien pour redoubler la licvre. Du scin dc rAssemblee sorlenl, commc anlant de miasmcs, les maximcs les plus anarchiques et les plus deleleres. On y Orige en principe le nivellcmcnt absolu :

•« -L'egalite dcs droits, dil Lamarque*, ne peut se soulcnir « que par une tendance conlinuellc vers le rapprochement 'c dcs fortunes''; » ct la theorie est misc en pratique, puisque de toutes parts les proletaires pillcnt les pro-prielaires. —« Partagcz les bicns communaux,^^ ditFran-p\is dc Nantes, « entre les citoyens dcs villages envi-« ronnants , en raison inverse de leurs fortunes, et que

L Le9 avril, aux Jacobins, Verguiaud, president, accueille el compli-menlc Ics galiiricns do Chulcauvieux.

2. Mortimer-Ternaux, t. I, Uv. I (nolamnicnl la seance du 15 avril). 3. Monilcur, XII 335. — Decrct du 20 mars. (La rcnU'ce U-lomphalc .l.-

Jourdan el consorts est du mois suivant.) 4. lb., XII, 730, seance du 23juin. 5. lb., VII, 230, seance du 12 avril.

•j^Q I.A REVOLUTION.

« cclui qui a Ic molns de proprleLes palrimonialcs ait la « plus yraudc part dans Ic partagc. » Concevez rcfrel dc

- ceVVe raoUon \uc alavciUcc devantdcs pay sans qui, cii v:ft W)\WM\ m^.ma, rCVenQlllUOnl pUUl huv conunune la for(U da lojir seigneur. — M. Gorncillc inlerdit au iisc dc ' ricn prclcvcr sur Ic salaire du travail manucl, parcc que ^ cesV la nalurc, cl non la socicLc, (I'ui nous donnc « Ic droil « dc vlvre »*; en revanche, il conlcre au fisc la facullu do prendre louL Ic rcvenu, parce que c'cst la socicle, ct non la nature, qui institue la rente; d'ou il suit, scion lui, '(pi'il taut decharger dc toute taxc la majorite pauvrc, ct .cliarj^crde toutes Ics taxes la minorite richc. Syslcmc opportun, argument bicn trouvepour persuader auxcon-Iribuablcs indigents oumalaises, c'est-a-dire i la majorite recalcitrantc, qu'elle est justemcnt taxec et ne doit pas refuser TimpOt. — « Sousle regne dc la liberte, » dit le president Daverhoult% « le peuplc a le droit dc pretendrc « non sculement a la subsistanco, mais encore a I'abon • « dance et au bonheur. » Done il est Irahi, puisqu'il est dans la miserc. — « A la hauteur oii s'cs.t eleve Ic pcuple <c francais, dit un autre president %il ncpeutplus voirles « oragcs que sous ses pieds. » L'oragc arrive el lond sur s a U t e ; la guerre, comme un noir nuage, montc u I'ho-rizon, envahit Ics quatrc coins du ciel,'tonne, enveloune dans un cerclc dc Ibudrcs la France rcmplie de matiircs explosiblcs, et c'cst TAsscmblec qui, parJapUts enormo de ses fautcs, allirc ccs Ibudrcs sur la nation.

1. Monilcirr, XII, 6, seance dii 31 mars. 2. lb., 123, seance du 14 Janvier. 3. Mercui-e dc France, n" du 23 dccembre, seance du 13 decen I -c

LA PREMIERE L.TAPE DE LA CONQUETE. •.' 129

III

Avccim peu de prudence, elle aurait pii les ecarlcr.^_ Deux griefs principaux elaient all6gues, I'un par la France, Tautre par TEmpirc. — D'unc part, et trbs jusLemcnt," ia France r6clamait centre les rassemblements d'emigres que FEmpereur ct les (ilecteurs toleraient centre elle sur leur lerritoire. Mais, d'abord, quelques milliers de gen-lilshoninies, sans soldais, sans magasins et presquc sans argent \ n'ctaient gubrc a craindre, ct, de plus, bien avant I'hcurc decisive, leurs rassemblements avaierit etc disperses, a Finstant par FEmpereur dans ses Etats pro-pres, au. bout de quinze jours .par Fclccteur de Treves dans son electorat-. —D'autrc part,en vertu des trailes, les princes aiieniands possessionnes en Alsace revendiquaient

l.-jl/o?u7eu?'j X, 178, seance du 20 oclobrc 179L luformalions donnecs par les deputes du llaul-Rhin ct du Das-Rliin. — M. Koch : « Jamais il n'a a exislc d'armde d'emigres, sinon un clietif rassemblemcnt fait a ELtenlicim « il quelques licues dc Strasbourg... (Cetlc troupe) campait sous des len-<•• les, mais c'esl parce qu'elle manquait de baliments et de casernes.» — M... depule du Das-Uliin : » Cello armee d'Ettenhcim est composce d'en-. viroii 5 u 600 hommcs mal vetus, mal paycs, deserteurs de loulcs

.«. les nations, loges sous des lenles.. faule de baiiments, arm6s de batons, « faule d\irmes, et desertant lous les jours, parcc que Targcnl commcii-« rail a manquer. La secondc armee, a Worms, commandce par un Condo, . est composce de 300 gentilsliommes et d'autant de valets et palefrcniers. <• J'ajoulerai que les leltres qui me soul parvcnucs de Strasbourg et qui - sonl des exlraits d'avis dc Francfort, Mimicli, Ualisbonne el Yicnne, an-« nonccnt les intentions les plus pacifiques de la part des diffdrenlcs cours, •- dcpuis la nolificalion de racccpUUion du roi. " — Le nombro des emi­grants armes grossit. mais resle loujours fort petit. — /6. , x, 6:j?.

.Lcltre do M. Dclatouche, leiiioin oculaire, 10 deccmbre : « Jo presuii;o " que le nombre des eniigres repandus cliez le prince de Bade, reY(ique -u de Spire, les elecleurs, etc., monle a peine a 4000 hommes. »

2. lb., X, 418, seance du 15 novcmbre 1791. Rapport du minisli e Delessart. L'empcreur a donne des ordres, en aoilt, pour inlcrdirc les cnr.w iements et eloigner les Fran^ais suspects, en octobre, pour elol"-ner les

LA Rl':V0LUTI0N. H — D

1;J0 LA REVOLUTION.

IcsdroUs feodaux supprimessiir Iciirs Icrres francaises, et la dielc leur d6fendait d'accepter rindemniteofrcrle. Mais, avcc la dible, ricn ivetait plus usile ni plus facile que de IraUici' des n6gocialions dilaloircs, et il n'y avait aucun p6ril ni inconvenient en la dcmeure puisque, pendant I'altente, les rdclamants demeuraient les mains vidcs. — Si maintcnant, derriere les pr6texles ostensibles, on cherclie les volont6s v^rilables, il est certain que, jusqu'ii la fin dc Janvier 1792, les intentions de I'Autrichc etaient pacifiques. Ge qu'elle avait accorde au comte d'Artois par la declaration de Pilnitz etait de I'eau bcnite de cour Tapparence d'une promesse illusoire, un secours subor-donne au concert de toute I'Europe, c'est-iVdiro annulc d'avance par rajournement ind6nni, et, tout dc suite, la pr6tendue ligue des souverains avait 6te'« rang6e par les « poliliques dans la classe des com6dies augusles ' ». Bien loin d'armcr contre la nouvelle France au nom de la France anciennc, I'empcreur Leopold et son ministre Kaunitz avaicnt 6te charmcs devoir la consUtulion finio

Fran^ais Irop nombreux k Alh et k Toiirnai. — Duchcz el Uoiix, XII 39-reclamalion du roi, U deccmbre. — lb., XIII, 15, 16, 19, 52, salisfacli ' complele donnee par I'electeur de Treves, 1" Janvier 179'2, conimiini i^" a I'Assemblee le 6 Janvier; publication des ordres de rciecleur dans I'q"* ' torat Ic 3 Janvier. L'cnvoye de France aniionce leur execution comnr.f*^ * ~ loulcs cesnouvellcs ou pieces sont communiquecs il'AssemblcSe le 8* f' ^^ el le 19 janviev.—Correspondance de Miralieau et de M. de la Mar k * ip 287. Lettrede M. dc.Mcrcy-Argenlcau, 9 Janvier 1792. u L'cmperour .. mis secours a Telccteur, sous la condition expresst qu'ii commen^ ^'^^' " par se pretcr aux demandos de la France, sans quoi nul secours ^^^T^ « serail accorde en cas d'altaque. « "^ '"'

1. .WmoiVes de Mallet-Dupan, I, 254 (fevricr 1792). - Corre^nm, ; 'IcMn-abeau etdeM. dc la Marck, III, 232. (Note de M. do Baconn ^ ' ' i"<iinc ct a I'instant oil la convention do Pilnit/ venait d'M '' "' 11 lieures du soir, I'cmpereur Ldopold ocril a son premier - ^'^"'''*^' ^ Kaunitz, «que la convention qu'il vient de .' igner ne j'e „" '"' ''<^> M. de " a rien ; qu'elle ne conlient que des duclarations sans "^^^*^ ^'^solumenl " les sollicitations de M. le comte d'Artois ». Ij fi^it ^?''. ^"^ ^'Tachees par ••ance que «ni lui ni son gouvernemcnt ne se fr ^" " ^°'i"ant I'assu-" <-c soit par c^lte convention . . ^.irouvent Ij g en g^^j

LA PREMIERE I^TAPE DE LA CONQUETE. 131

acceplcc par Ic roi : cela « les lirait d'embarras ' «, el la Prussc aussi. Dans la conduilcdcsElals, Vinlcret politique est loiijours Ic grand rcssort, et Ics deux puissances avaient bcsoiii de toules leurs forces d'un autre c6t6, en Pologne, Tunc pour en relardcr, rauLrepour en accelerer le parlagc, I'line et I'aulrc, en cas dc parLage, pour en prendre assez ct pour empficher que la Russic n'cn priL Lrop. — Ainsi les souverains de la Prusse ct de I'Au-triclie ne songeaient encore ni a d61ivrer Louis XVI, ni a ramener les emigres, ni i conquerir des provinces francaises, ct, si Ton pouvait s'allendrc a leur malveil-lance personnelle, on n'avail pas a rcdouler leur inter­vention armec. — Du cole dc la France, ce n'est pas le roi qui pousse ci la rupture; il sail lrop bien que les hasards de la guerre relomberonten dangers mortols sur sa tele et sur ccUcs des siens. En secret comme en public, quand il dcrit aux emigr6s, c'cst pour les ramener ou les contenir. Sa correspondanco prLvee dcmande aux puis­sances, non un secours pliysiquc, maisun concours moral, I'appui cxterieur d'un congrfes qui permettc aux hommcs moderes, aux partisans de I'ordre, aux proprictaircs, de rclever la letc etde sc rallicr contre I'anarcbie aulour du Irone et des lois. Sa corrcspondanceministerielle emploic toules les precautions pour ne pas mettre ou laisser rjacltre le feu aux poudrcs. An moment dc la deliberation critique-, par Torgane de M. Dclessart, son ministre des allaires elrangeres, 11 supplie les deputt^s dc mcsurer leurs paroles el surtout de iv^ point faire de sommatiou

1. Paroles do .M. de Kaunilz, 4 scplcmbre 179L ( Recueil dc Vivcnol, I, 242.)

"i.iUonaciu", XI, li"!, seance .Ui 11 Janvier. Discoiu's dc M. Dclessavl.—• Decrel d'accusalioii conlrc lui, 10 mars. — Declaration de la guerre, 20 avril. — Sur les inlcnlions vorilablcs du roi, of. Malouel, Mcmoires, II 199-209; LafayeUc, jMdmoires, \, 441, note 3 ; Bcr^rand de MoUcville. Mcmoires, VI, 22; Gouverncur Morris, II, 242, leltre du-23 oclobrc 1792.

132 LA REVOLUTION.

« itermefixc«. 3usqu'ala fin, il resiste autanl que le comporte sa volonto passive. Lorsqu'il est contraint de declarer la gucrre, il exige au prealable I'avis signe de tous ses ministres, et ne prononceles falales paroles qu'i la dernifere extremite, « les larmes aux ycux, « tram6 par rAsscmbl6e, qui vient d'envoyer M. Delessart devant la haute cour d'Orleans sous une accusation capitale, et qualifie tous les mdnagements de trahisons.

C'est done rAssembl6c qui lance aux abimes grondanls de la mer inconnuc le navire desempare, sans gouvernail, cX qui fait cau de toutes parts; elle seule coupe le cable ([ui le rctenait au port et que les puissances 6trangercs n'osaientninesouhaitaienl trancher. Cettc fois encore, les Girondins sont les meneurs et tiennent la hachc: dfes la fin d'octobro, ils I'ont saisie et frappent k coups redou-l)l^s'.— Par exception, les Jacobins extremes, Couthon, CoUot-d'Herbois, Danton, Robespierre, no sont point avcc cux; Robespierre, qui d'abord a propose d'enfcrmcr I'Em-pereur «dans le cercle de Popilius-«, craint de livrer au roi do trop grands pouvoirs, se defie et pr6cbc la defiance. — Mais la grosse masse du parti, I'opinion bruyantc, suit et pousse les temeraires qui marchent en avant. De lant de choses qu'il faudrait savoir pour cou-duirc avec competence une afi aire si compliquOe et si delicate, ilsn'en connaissent aucune, ni les cabinets, ni los cours, ni les peuples, ni les traites, ni les precedents, ni les formes salutaires, ni le style oblige. Pour guide et conseil aux relations etrangercs, fautc de micux, ils ont Brissot, qui Ibnde sa primaute sur leur ignorance el qui,

L Moniteur, X, 172, seance du 20 oclobrc 179L Discoiirs de Brissol. — Ufayelte, I, 441 : «Cc sont les Girondins, qui, a celle epoqiie, voulaicul la « guerre a lout prix. » — Malouet, II, 209 : « Ainsi que Brissot s'en est vanlc « depuis, c'esl Ic parti republicain qui voulait la guerre, et la provoquait " par des insultes a toules les puissances. «

'i.Iiuchez eiRoux, XII, 402, stance des Jacobins, 28 novcmbre 1791.

•L.\ PREMIERE l':TAPE DE LA CONQUETE. 133

crigu en homme d'Elai, dcvienl, pendant plusieurs mois, Ic pcrsonnagc Ic plus en vue do TEurope ^ Aulant que Ton peuL aUribuer i un scul liommc une calamite euro-peenne, on doit lui imputer celle-ci. C'est ce malheureux, no dans une boulique depJitissicr, elcv6 dans un bureau de proc ireur, ancicn agent de police h 150 francs par nioi-s, ancien associe dcs marchands de dilTamation ctdcs entrepreneurs de chantage", aventurier de plume, brouil-lon et touclic-a-lout, qui, avec ses denil-renseignemenls tie nomade, ses quarts d'idee do gazeticr, son erudition de cabinet litt6raire', son barbouillage de mauvais 6cri-vain, ses declamations de clubisle, decide des deslinee^ de la France et dechaine sur I'Europe une guerre qui de-Iruira six millions de vies. Du fond du galetas ou sa femmo blanchit ses chemises, il est bien aise de gourmander les potentals, et, pour commencer, le 20 oclobrc, il iusultc Irenlc souverains etrangers a la tribune*. Jouissancc

1. Mot da roi de Suede, Gustavo III, assassine par Ackcvslroiim : » Jo » voudrais bien savoir ce que va dire Brissot. »

- 2. Surlc passe de Brissot, cf. Edmond Biro, la Legende des Girondins. Personnellement Brissot etait probe et resla pauvrc. Mais il avait traverse bien dcs bourbicrs el en avait rapporte bien dcs 6clal)oussures. II avait pret-i les mains a la propagation d'un livre obscene, le Diahle dans un benilier, et, en 1183, aynnt regu 13355 francs pour fonder un lycee a Londrcs, il ii'avait pas fonde le lyc^e et n'avait pu rendre I'argent.

d. Monileur, XI, 147. Discours de Brissot, 17 Janvier. Exemples dont il s'autorisc, Ciia'-les XII, Louis XIV, I'amiral Blake, Frederic II, etc.

4. lb., X, 174 : a Ce gouveniement de Veniso, (jui n'csl qii'unc co-" medio.... Ces pelits princes d'Allemagnc dont rinsolcncc dans le si^clo " dernier fat foudroyce par le dcspotisnie... Geneve, cct atomc de re-" publique... Get cvOque de Li6gc qui appesanlit son joug sur un peuple - qui devrait etre libre... Je dedaigae de parlcr des autres princes... Ce - roi de Suede qui n'a que 25 millions do revcnu et qui en depenso les •• deux tiers pour payer mal une arniee nonibreuse de generaux ctun petit " nombrc do soldats mcconlents... Quant a cctte priuccsse (CaLlierine 11) « dont raverslon pour la constitution frangaise est connue ct qui ressembl.' • par quelqiie bcaulo k Llisabctli, elle no doit pas attendrc plus do suc-. c6s qu'Elisabelh dans la revolution de UoUande. » (Dans celle derniere phrase, Brissot fait effort pour elrc a la fois leger et crudit.)

134 LA REVOLUTION,

cxquise et intime, qui est I'alimcnl qnolidicn du nouvcau fanatisme, el que Mme Roland elle-m6me savourc avec unc complaisance visible dans les deux celebres Icllrcs oil, d'un Ion rogue, ellc fait la lecon d'abord au roi, puis au pape'.xVu fond, Brissot se croit Louis XIV, et il invito express(3ment les Jacobins a iraitcr les insolences du grand nionarque^. —Ala maladresse de I'intrus, a la susccpti-bilit6 du parvenu, s'ajoule laraideur du scctaire. Aunom du droit abstrail, les Jacobins nicnt le droit historiquc; ils imposenl dc haul el par force la verile donl ils sonl les upotrcs, et se perniettenl loutes les yjrovocations qu^'ils inlerdiscnl a aulrui. « Bisons 5. VEurope, s'ocric Isnard ' , «que dix millions de Francais, amies du glaive, dc la « Y)iumc, de laraison, de Veloquence, povirraicnt sculs, « si on les irrilc, changer la face du monde, et faire trcm-«bler tous les tyrans sur leurs Irones d'argile. « — « Partoul ou il y a un trone, ajoute ilerault dc Sechcllo, « nous avons un cnnemi\ » — « U n'y a point de capitu-« Uition sincere, dit Brissot, entre la tyrannic etla liberie... « Yotrc constitution est un anathcnic elernel aux rois ab-« solus... EUe fait Icur proces, elle prononce lour sen-cctcnccj ellesenible dire a chacun: dcmain lu ne scras «plns, ou lu ne scras roi que par Ic peuple... La "-ucrre « estactucllementun bienfait national, et lasculc caUmriic c< qu'il y ail a redouler, c'esl de navoir pas la guerre^» —i

L Leltrc de Roland au roi. 10 jiiin 1792, el IclLrc du Council cxcculif an pa'pc, 55 novcniljre I"9;'. — Letlre de Mme Roland a Rrissol, 7 Janvier 1791 •: " A-licUj lout couii. La rcmme dc Calon ne s'amuse poinl a faire des com-« plimenls a UruUis. »

2. liuLJicz cl Roux, XII, 410, seance des Jacobins du 16 deccmbre 179i : « Un Louis XIV dcclara la guerre a I'l^lspagne parce que son anibassadeur « avail cle insultc par cclui dc I'Espagnc. El nous, qui sommes libres nous • balanccrions un inslanll -»

3. Monilcur, X, 503, sOancc du 29 novcnibre. L'Assemblee orl I'iniprcssibn cl I'cnvoi aux dcpartemcnls. _ "'

'i. iC, X, 7 6'i, seance du 28 deccmbre. &. ll>., XI, 147, 140, seance du 17 Janvier: X 7-,0 .•

' ' '>JJ, icance du 28 d6-

LA PREMIEUE ETAl'E i)E LA CUXQUETE. 135

« Dilcs ail roi, s'ccrie Gensoiinc, que la guerre est n6cessaire, «que I'opinion publiquc la provoque, que le salut de Tcm-«pirc lui en fail une IoP.» — c<L'elat oii nous sommes, » conclut Yergiiiaud, « est uii veritable etat de destruction «qui peut nous conduire a I'opprobrc ct a la mort.-Aux « amies done, aux amies! Ciloycns,hommeslibrcs,defcndez « voire liberie, assurcz I'espoir de cclle du genre huniain... «i\'c pcrdez pas ravanlagc de voire silualion; allaqucz "lorsque tout vous Tail prcsager unheureux succts... II «me semblc quo les munes des gencralions passccsvien-«ncnt sc pressor duns ce tcmiilc, pour vous conjurer, au « nom des manx que rcsclavagc Icur a fail eprouvcr, d'en « preserver les generations fulurcsdont Ics destinees sont «cnlrc vos mains. Exaucez cellc pricrc; soyez a I'avenir <ainc nouvcllc Providence; associez-vous a la juslice «elernelle-.» —Parmi ces Marseillaises oraloircs, il n'y a plus de place pour la discussion serieuse. Aux recla­mations dc I'Empereur pour les princes possessionnes d'Alsace, Brissol repond que «la souverainclc des peuples « n'esl point liee par les Irailes des ty rans^ » Quant aux rasscmblcmenls des emigres, puisque TEmpereur a cede sur ce point, il cedcra parcillement sur les autres' ' . Qu'il rcnonce formellemcnt a toute ligue contre la France. « Je « veux, dit Brissot, la guerre au 10 fevrier, si cette renon-•< cialionnc nouseslpointparvenue. » Pas d'explications; c'esl une salisraction qu'il nous faul: « exiger unc- salis-

•cembre. — Dojii le IG deceinlji-e, il disaii aux Jacohhis : « U/i pcnple « qui a coiKjuis la liberie aprcs di\ sidclcs d'csclavagea besoiiidc ki guerre. « II lui faut la guerre pour la consolider. » (liuchez el Houx, XII, 410.) — Le 17 Janvier, a la tribune de TAssemblee, il repelo encore : « Je n'ai • qu'une crainlc, c'cst que nous n'ayons pas la guerre. •>

l.Monilcur, XI, 119, stance du 13 Janvier. Discours do Gcnsounc au nom du comilo diplomatique donl il est le rapporlcur.

2. lb., XI, loS, seance du 18 Janvier. L'Assemblec vole I'impression de ce discours.

3. lb., X, 760, seance du 28 decembre. 4. lb., XI, 149, seance du 17 Janvier. Discours de Crissol.

136 LA REVOLUTION.

«faclion, c'cstmcLtre I'Empereura notre nierci ^» L'Asscni-blec est si presscc de rompre, qu'ellc iisurpo rinitiative rcscrvcG aii roi, ct reclige en forme de decret une somma-lion a termc fixe-.— A ce moment les des sent jetes: cells veulent la guerre, dit rEmpercur; ils I'aiiront", et, louldc suite, rAulriche s'alliea la Prusse menaccc commc elle par la propagande revolutionnaire'. A force dc sonncr le tocsin, les Jacobins, mailres de TAssemblee, ont reiissi a conclure «cette alliance monstrueusc », ct, de jour en jour, leur tocsin.sonne plus fort. Encore un an, grdce a cette politique, la France aura I'Europe enlibre pour cnnemie, et, pour unique amie, la r6genco d'Alger, dont le regime interieur est a peu pr6s Ic m6mc que Ic sien.

1, Monilcur, W, 178, seance <lu 20 Janvier. Fauchet propose le ddcret sui-vaul: « Tousles Iraitesparlielsacluellement cxistantssonlannules. L'Asscm-« blec halionale y subsUlue une alliance avec les nations anglaisc, anglo-

' " americaine, helveliquc, polonais.j et lioliandaisc, lanl qu'ellcs seronl « librcs... Quand les autres peuples voudront de noire alliance, ils n'au-<. ronl, pour rohlcnir, qu'ii conquerir leur liberie. En altcndant, cola nc u nous cmpCchera pas dc commerccr avec eiix, coninic avec dc bons sau-. vagcs... Occupons les villes du voisinage qui placcnt nos adversaires « Irop pr6s dc nous... Maycnce, Coblenlz el Worms, c'csL assez.T. _ /6 p. 215, seance du 25 Janvier.. Un membrc, s'aulorisanl de G61on roi do Syracuse, propose un arlicle addilionnel:. .Nous dddarons que nous no • deposerons les armcs qu'apres avoir etabli la liberie dc lous les peuples. » — Ccs exlremes folies monlrent Telat menial du parll jacobin.

2. Le decret est du 25 Janvier; I'alliance de la Prusse cl de i'Aulricbe est du 7 fcvrier. (Dc Bourgoing, Hisloirc diplomatique de I'Europe pendani la Riivolulion francaise, I, 457.)

3. Albert Sorel, laMiision du comte deScgur a Berlin (publiec dans le Temps du 15 octobre 1878). Depechc de M. dc Segur a M. Dclcssarl, du 24 fevrier 1792: " Le comle de Schulcmburg me repela que cc n'elail nul-« lenient noire constilulion donl on voulail so meler. Mais, dil-il avec une » vivacitc singuliere, il faut bien se preserver de la gangrene. La Prusse « est peut-ijlre le pays qui devrait le moins la craindre ; ccpcndanl, quelqne " cloigne que soil de nous un membre gangren6, il vaut mieux le coupor " que de risqucr sa vie... Comment voulez-vous que la Iranquijljle s 'l • mainlenue, lorsque, tous les jours, des milliers d'licrivains... des nn ' • " des gens en place, insullent les rois, publient que la religion cl •W" ' • a loujours soulenu le despolisine el qu'on ne sera libre qu'en h !/.( " •' ""* • qu'il faul exlcrminer tous les princes, parcc que co qoni.n 7 "'^"'"'^^'^^'

M ' "-^^so^iious dcslyrans?»

LA TREMIKRE ETAPE DE LA CONQL'ETE. L37

. A travers leurs carmagnoles perce un calcul qu'ils avoueront plus tard. — « On nous opposait ioujours la « constitution, dira Brissot, et la constitution ne pouvait <c tomber que par la guerre ' . » Ainsi les griefs diploma-tiques dont ils font parade ne sont pour eux qu'un prc-texte;s ' i ls pousscnt ci la guerre, c'est pour renverser I'ordre legal qui les gene; leur veritable but est la con-quete du pouvoir, une seconde revolution intericurc, rapplicalion de leur sysleme, un nivellement definilif. — Derriere eux se cache le plus politique et le plus ab-solu dcs theoricicns, un homme « dont le grand art est « d'aller a son but sans paraitre, de preparer les autros « adesvucs^loigneesdonti ls ne se doutcnt pas,de parler « pen en public et d'agir en secret-. » G'est lui, Sieyes, ri qui conduit tout en ayant I'air de ne rien conduire. » Aussi infatue que Rousseau de ses conceptions specula-tivcs, mais aussi exempt de scrupules et aussi perspi-cace que Machiavcl dans le choix des moyens pratiques, il a ete, ilcst et il sera dans les moments decisifs I'avocat consultant de la democratie radicale. « Son orgueil ne « soutTre rien au-dessus de lui ; il a fait abolir la noblesse « parce qu'il n'etait pas noble; parce qu'il ne possede pas « lout, ii detruira tout. Sa doclrinefondamcntale est que, « pour allermir la revolution, il est indispensable de

L Luchez et Roux, XXV, 203, seance du 3 avril 1793. Discouis ilo Brissol. — lb., XX, 127. A tons les vepublicains de France par Bvissot, 4 octobre 1792: « C'cst rabolilion de la royoute que j'avais en viie en « faisant declarer la guerre. « II cite a ce propos son discours du 30 du-cenibre 1791, oii il disait : «Je n'ai qu'une crainle, c'est que nous no soyons « point Irabis. Nous avons besoin do Irabisons ; car il exislc encore de forles « doses do poison dans Ic scin do la Franco, et il fautdc forles explosions « pour I'expulscr. n

2. Mallct-Dupan, Mcmoircs, \, 260 {uvrii 1792), e l l , 439 (juillet 1792).

133 LA UEVOLUTIOX.

« changer la religion et dc changer la dynaslie. « — Or, si la paix eul dure, rien de lout ccla n'clail possible, el, dc plus, I'asccndant du parti etait compromis. Des classes enlieres, qui i'avaicnt suivi lorsqu'il lancait Temeulc , contre les privilegies, sc dclachaicnt dc lui i present quo rcnieiile s'excrcait centre clles, et, parnii les liommcs qui re(lechissaicnt ou posscdaient, la plupart, dcgoutcs dc ranarchie, se degoulaient aussi de ses fautcurs. Xom-brc d'adminislralcurs, dc magistrals, dc fonclionnaircs 61us so plaignaient tout haul dc ce que leur autorilc fut soumlsc a ccUc dc la pox)ulacc. Nombre de culUvalcurs, d'induslriels ct dc n6gociants s'indignaient lout bas dc cc que Ic fruit de leur travail et de leur epargnc fut livre a la discr6tion des indigents ct des volcurs. 11 etait dur pour les fariniers d'Etampes de n'oser faire leurs expe­ditions de ble, de ne recevoir leurs chalands que dc luiil, de trembler cux-memes dans leurs niaisons, de savoir que, s'ils en sortaieut, ils couraicnt risque de la v ie ' . 11 etait dur pour les gros Spiders de Paris dc voir Icurs magasius envahis, leurs vitres Ijrisecs, leurs ballots do cafeet leurs pains de sucrc tax6s i\ vil prix, partages, emportes par des megeres, ou vol6s gratis par des coquins ([ui couraicnt les revendrc u I'autrc bout dc la r u c ^ H 6lait dur en tout lieu pour les families de vicille bourgeoi­sie, pour les anciens notables dc chaque villc ou boor-gade, pour les principaux de chaque art, 'profession ou metier, pour les gens aises et consider6s, bref pour la niajoritedesiiommcs quiavaientsur la tele un bon toitct

1. La Revolution, I, 341 et pages suivaiiles. 2. Buclicz ct Roux, XIII, 92-99 (Janvier 1792); 225 (fovi'ier). — CoraV

I.cllrcs incdites, 33 (Cc jour-ia, par curiositc, il s'elait avance juscnr'i i-i I'uc des Lombards): aTciuoin d'unc injusUcc aussi ci'ianlc, el indi"-ne 1 « pouvoir prendre au collet anci-.n de ccs coquius qui coiiruient t?ar 1 • charges de Sucre et dc cafe, pour les rcNcndrc oiisuite, je me se I'- i « d'un coup, par tout le corps, les frissons de la liuvre » ([ e^,. ' 'f . ?" I'edilcurladale dc 1791, par conjecture; jc la crois plulOlde ngo")

LA PREMIliRl-: ETAPE DE LA CO^'QUETE. 139

sur Ic clos iin boii habit, de siibir la dominalion ill^gale d'unc plebe conduilc par qiielquos ccnlaines ou doiizai-nes dcdeclamaleurs cl de boulefcux. — D6ja, au commen-cemcnl dc 1792, le m6conlciilemcnl etait si visible, qu'on le denoncail. ci la tribune cl dans la prcsse. Isnard ' lon-nait contrc « ccttc infinite dc gros proprielaircs, de « riches negociants, d'homnies opulents el orgucillcux « qui, places avanlagcuscment dans ]'amphilh5alrc des « condilions sociales, nevculenl pas qu'on en deplace les « sieges ». — « La bourgeoisie, ecrivait Petion-, cctle classe « nonibreuse cl aisec, fail scission avcc le peuple; clle sc « place au-dcssus dc lui... il est le scul ol)jel dc sa <•<• defiance. Une idee la poursuil parloul, c'csl qu'a pre-<•<• sent la revolution est la guerre de ccux qui ont conlre « ccux qui n'ont pas. » — EtTcclivemcnl, ellc s'abslenail aux elections, clle rcfusail de frequenter les sociel(5s pa-trioliques, clle reclamail le retablissemenl de I'ordre el le rfegnc de la loi; clle ralliail aulour d'elle cc la mul-« lilude des gens moderes et liniidcs pour qui la Iran-« quillite est le premier besoin «, el surtoul, cc qui etait plus grave, clle impulail les troubles aux auleurs des Iroublcs. Avcc une indignation conlenuc el une force de preiives irresistible, un homme dc cosur, Andre Ghcnier, sortail de la foulc mueltc, et, publiquemcnl, otail aux Jacobins leur masque ^ II percail a jour le sophisme quo-

1. Monilcurj XI, 45 et 46, seance clii 5 Janvier. Tout le discours d'Isnard est .a lire.

"i. LJnclicz ctRonx, XlII, 177. LcUrc dc PtHion, 10 fevricr. 3. lb., XIII, •2:)1. Lettre d'Andre Ch6niei', dans lo Journal de Paris,

2G fevricr. —Schmidt, Tableaux da la Revolution francaisc, I, 76. Reponso du direcloire du departemcnt dc la Seine a une circulaire dc Roland, l2juin 1792. Le contrasle des deux classes y est trtis bien marque : « Nous n'avons « pas el6 clierclier I'opinion du peuple au milieu de ccs rassernblemcnts « d'homnies, la plupart elrangers, ennemis a la fois du travail el du rcpos, » isoles dc toules parts de Tinler^t gendral, deji disposes au vice par I'oisi-a vele, ot qui scmblent preferer les chances du desordrc aux ressourccs • houorablcs dc Tindiqcnce. Colle classe d'hommcs, loujours nombreuse

140 LA. REVOLUTION. .

litlicn par Icqucl im attrbupcmcnt, « qiiclqucs cenlaine'-« d'oisifs r6unis dans uii jardhi ou dans un speclaclc « 6taienl cn'ronl6ment appeles le peuple «. II peignait ces « deux ou Irois mille usurpaleurs dc la souverainelc « nationale enivr6s cliaquc jour par leurs oralcurs ct « leurs ecrivainsd'unencens plus grossier que I'adulalion « olTerte aux pires despotes »; ces asscmblecs oil ccun in-« finimcnt petit nombre de Francais paraisscnt un grand « nombre parcc qu'ils soul rcunis et qu'ils crient»; cc club dc Paris d'ou Ics lionnSles gens laborieu.x cl inslruits se sonl retlr6s un 5.un,pdur fairc place aux inlriganlsendct-t6s, aux gens lares, aux hypocrites de palriotismc, aux ama­teurs de bruit, aux talents avortes,.aux cerveaux avaries, aux d6class6s de lout ordre et de ioule espfece qui, n'ayant su fairc leurs affaires privces, se dedommagent sur les affaires publiques. II monlrait, aulour de la ma­nufacture ccntrale, douze cents succursales d'emeules, douze cents soci6l6s affiliees, qui,« se tenant par la main, « forment unc sorle de chaine elcctriquc aulour de la cc France » el la sccouent 4 toulc impulsion parlie du cen­tre; leur confMcration inslallee et intronisee, non pas seulemenl comme un Etal dans I'Elat, mais comme un Etat souveram dans un Etat vassal; des administrations mand^es i leur barre, des arrets de justice casses par

« dans les grandcs villes, esL celle dont les declamaqous font trop sou-« vent retcntir Ics rues, les places, Ics jardins publics dc la capilale, cclle " qui forme iQus ks allroupcmcnls sedilieux, cclle qui lend conllnuel-« lenient a I'anai-cliie et au mcpris des lois, cello enfin donl les claraeurs « bicn loin de niarquer I'opinion geneVale, indiqucnt les efforts extremes « qu'on-fait pour cmpechcr cellc opinion de se fairc entendre. — ^QJ, , « avons observ6 I'opinion du peuple de Paris parmi ces honimcs utiles •! ' labprieux, .atlaclies a I'lilril par lous les points de leur existenc • tous les objcts de leurs affections, parmi les proprielaires les ]v .* « leurs, les conimerQanls, Ics ouvriers... Un allachoment inv'iol-11 •' ?~ « constitution et principalemcnt a la souveraincle nalioail • ,,'*''^-^ « politique et i la monarcbie constitutionnelle qui en sonl \ ' i^ _*^S '' ' « lants caracleres, est leur senlimcnt a peu pres unanime .' ^ i^^poT-

LA P R E M I I ] : R E l iTAPE DE LA. G 0 N Q U 1 5 T E . 141 "

leur intervention, des particiiliers visites, tax6s, condam-n6s par leur arbitraire; I'apologie incessanlc et syste-niatique do I'insubordination et de la revoltc; « sous le « nom d'accaparements et de monopolcs, Ic commerce et « rinduslrie reprcsentes comme des delils; » toufc pro-

.priele ebranl6e, tout.ricbe suspect, « les talents e t ia pro-« bile reduils au silence; » bref une conjuration publique centre la soci6te au nom de la societe mfimc, et « I'effigie cc saintede la liberie employee h sceller » I'impunile de quelques tyrans.

Unc parcillc prolestalioii disait tout liaut ce que la plupart des Francais murmuraicnt tout bas, et, de mois en mois, Ics cxcfcs plus graves soulevaicnt unc reprobation plus forte. ccL'anarchie existc a un degre presque sans "Cxemplc, 6crivait I'ambassadeur des Etats-Unis ' . Telles " sont riiorreur et I'apprebension universellcment inspi-«rees par les societes-licencieuses, qu'il y a quelquc " raison de croirc que la grande masse de la population ofrancaise rogardcrait le despotisme lui-mcme comme c< un bienfait, s'il ctait accompagne de ccttc sccurite des « personnes et des proprietes que Ton possedc sous les t- plus mauvais gouvernements de I'Europc.» — «II est de-«montre a mes yeux,» dit un autre observaleur non moins competent-, « que, lorsque Louis XYI a delinitivemenl «succomb6, it avail beaucoupplusde partisans en France «qu"un an auparavant, lors de sa fuite i\ Varennes. » — EITectivement, a plusieurs reprises, a la fin dc 1791 et de 1792, il avait fait constater cette vcM-ite par dcs.vcnquetcs^

1. GouYcmeur Morris, leUrc du 20 juin 1792.

2. Souvenirs (inannscrils) dc M. X.... 3. Malouel, H 203 : " Tons les rapporls qui arrivaionl des provinces

« annonQaient (au rol cla la reine) unc amelioration sensible de I'opinioa pu-» bliquc, qui so pervcrtissail de plus en plus. Car celle qui leur arrivait etait « sans influence, tandis que Vopinion des clubs, des cabavcls et descarra-« fours acquerail unc puissance enormc, et le moment approchait oil il iv v « aurait plus d'autrc puissance. »

142 LA REVOLUTION.

« 18 000 officiers^ de tout grade nomm6s par Ics consli-« lulionncls, 71 administrations de departcmcnt sur 82, «la plupart dcs tribunaux-, les commcrcants, les fabri-« cants, tons les chefs et la grande parlie de la garde « Rationale de Paris ->, bref I'elile de la nation, et, parmi les citoyens, la Ires grande majorit6 do cciix qui ne vi-vaient pas au jour le jour, etaient pour lui et pour la droile de I'Assemblee centre la gauche. Si les trou­bles du dedans n'avaient pas etc compliqu6s par les dangers du dehors, Vopinion aurait lournc, et Ic roi s'y altendait. En acceptant la constitution, il avait juge que la pratique en dcvoilerait les defauts ct en provo-qucrait la r6Cormc. Gepcndant il I'obscrvait avcc scru-v)ulc, el, par intcr»iL autant que par conscience, il tcuail son serment i la letlre. «L'exccution la plus cxacle de «la constitution, disait-il a Tun do ses ministrcs, est Ic «mbyen le plus sur pour faire apercevoir A la nation les <c changements qu'il convient d'y fairer « — En d'uulrcs Icrmes, il comptait sur rexperiencc, et, tres probablcmcnl, si I'expcrience.n'avail pas 616 deraugec, son calcul cut et6 juste. Enlre lesdefenscurs de I'ordrc ct les instigateurs du desordre, la nation eut fini par opler-, cite sc serait prononc6e pour les magistrals contre les clubs," pour la gendarmerie contre l'6meute, pour le roi contre la popu­lace. Au bout dun an ou deux, elle aurait compris que

1. Les cliiffres ci-dessus sont donnes par Mallcl-Diipan^ Mcmob'cs, 11, Ho. 2. Monilcur, XI(, 776, seance da 28juin. Discours de M. Lamarquo

depule et jiige dans iin tribunal dc disli-ict. « L'incivisme dc la gcneralilii « des U-ibunaux de district est connii. »

3. Beiirand do Mollcville. .W??Joi/'Cs, YI, 22. — Apr6s avoir re^u du roi les nislruclions ci-dcssvis, Berlvand descend chcz la reinc, qui lui dii la niemc chose : « Ne pensez-vous pas que le soul i)lan qu'il y ait ii suivre est - d'etre fldele a son scrnicnt? —Qui, ccrlaineineni, madanie. — Eb bien - sovcz sur qu'on ncnous fera pas changer. Allons, monsieur Uerlrand du

" lourSi- 'n . ' f ' ' "' ^ •' /' 1 f'^^^l^. de la paliencc el de la suite, . '•'Jui n est pas encore perdu. »

LA I'llEMIKRE ETAPE BE LA CONQUETE. 143

pour assurer I'cxeculion des lois, il ctail indispensable do rcsLaurcr Ic pouvoir excculii, que le gendarme en cliel, ayant Ics mains liecs, nc pouvail fairc son office, que sans douLe il 6lait sage dc lui prescrirc une consigne, mais . que, si Ton voulait reniploycr efficaccment conlro les fous cL les drOlcs, il fallait au prealable lui d61ier les mains.

V

Tout au rcbours avec la guerre: incontinent la face (!cs choses change, et raUcrnalivc se deplace. 11 ne s'aglt plus dc clioisir cntrc I'ordrc et le desordrc, mais enlre Ic nouveau r6gime et I'ancien : car, dcrri6re les 6lrangers, on apercoit les 6migres ti la fronlierc. L'cbranloinent ost terrible, surlout dans la couchc profonde qui jadisportait seulepresque lout le poids du vieil edifice, parrni les millions d'honimes qui vivcnt p6niblemenl du travail de leurs bras, artisans, pctits cultivatcurs, m6tayers, ma­noeuvres, soldals, et aussi contrebandiers, faux ;^auniers, braconniers, vagabonds, mendiants et dcmi-mcndianis, qui, taxes, depouillos, rudoycs dcpuis des si6clcs, su-bissaient, de pfere en fils, la misere, I'oppression et le de-dain. lis savent, par leur experience propre, la difference de Isur condilion r6cenle cl de Icur condition proscnle. lis n'ont qu'i-sc souvenir pour revoir en imagination renorniitc des taxes royalcs, ccclcsiastiqucs cl scigucu-riales, les 81 pour 100 d'impCt direct, les ganiisaires, les saisies et les corvecs, I'inquisition du gabelou, du rat decave etdu garde-cbasse, les ravages du gibier et du colombier, I'arbitrairc du coUectcur et du commis, la lenteur ct la parlialitc de la justice, la precipitation el la brutalitc dc la police, les coups de balai dc la mare-chauss6e, les mis6rablcs ramasses comme un tasdc bono et d'ordures, la proiniscuite, rencombrement, la pourri-

^^^ LA. REVOLUTION.

lure eL le jeCine des maisons d'arrcl' . lis n'ont qu'i ouvrir lesycux pour voir rimmciisite dc leur delivrance, loules Ics taxes direcles ou indirectes abolics en droit ou suppvimecs en fait dcpuis trois ans, la biere a deux sous Ic pot, Ic vin a six sous la pinte, les pigeons dans leur "•arde-manger, le gibier a leur broclie, le bois des forels nationales dans leur grenier, la gendarmerie limide, la police abscnte, en beaucoup d'cndroils loutc la rccoUe nour eux, le proprietairc n'osant rcclamer sa part, le ui"-e evitant de les condamner, I'huissier refusant de les po'ursuivre, les privileges retablis en leur faveur, I'auto-rlte publique bumble devant Icurs altroupemenls, docile

1. M. dc LavaicUc, il/e'nioires, 1,100. — Lavalctlc, au commencement dc ^cplembrc 1792, s'engage comme volonlaire, et part avcc deux amis, sac an dos, en carmagnole et bonnet de police. Le fait siiivant point les senti­ments des paysans. .Dans un village dc sabolicrs pres de Vcrmanton (en­virons d'Aulun »dcux jours avant notre arrivee, un cvoquo et ses deux . grands vicaires, qui se sauvaicnt dans une bcrline, furent arrules par eux • c. iisfouill6rentla voiture; ils y trouverent quelques ccntaincs de loui<; ct' a pourse dispenser deles rcndre,ils trouverent tout simple dc nia==^acrcr'ces „ inforlunds. Ce nouveau metier leur parut plus lucratif que I'autrc et cc-. bonnetcs gens se Icnaienta laffut de lous les voyageurs.« Les Irois volon-laires sontarrotes par le greffidr, petit bossu, et conduits a la municipalite qui est une sortc de lialle; on lillcurs passeporls, on va fouiller lours .-acs. " Nous elions pcrdus, lorsque d'Aubonnes, donl la laille elail Ires a elevee, s'elanca sur la tabic... II commcnQa par une bordde de jure .. ments et de propos de hailc qui surprit raudiloire; bienl6t il clcva son u style ct lour prodigua les mots de palric, liberie, souvcraincte du p' unl >. avec une telle velienience ctd'une voix si eclatanle, qrc reffet devint to « d'un coup prodigicux et qu'il fut inlcrronipu par des applaudisscmcnts « unanimes. iMais Tctourdi ne s'en tint pas la, il donna injperieusement a « Leclerc de la Ronde I'ordre de monter sur la table... et dit a I'assem •• blee : u Yous allcz juger si nous sommes des republicains de Paris To" " reponds au cateCliisme rcpublicain. Qu'est-cc que Dieu? qu'cit-ce qnc l' « peuple? qu'est-cc qu'un roi?» — L'aulrc, d'un air contril, d'unc voiv " sarde el se torlillant commc Arlcquin, repondait: "Dieu, c'cst la

" le peuple, CO sont les pauvrcs; le roi, c'cst un lion, unlirrrn „ .,. . ^' • 1- >• • , . • • I '. o^^iUielenhanl

" qui declare, qui devore, qui ccrase le pauvre peuple. « — ii i, """"-' « moyen d'y lenir; r(5tonnemenl, les cris, rentliousiasnie ctai ^ ^^^ ^ •' on enibrasse les actcurs, on les presse, on les enleve •' ' t • ^^ ^0""^'^; " nous avoir cbcz soi; il fallut boiro. . > c est a qui voudra'

LA PREMIERE ETAPE DE LA CONQUETE. 145

SOUS Icurs exigences, ineiie ou dcsarm6c contre leurs mefails, Icur.s allenlals excuses ou loleres, leur grand sens cL leur grand coeur cclebres dans dcs milliers de harangues, la vesle ct la blouse considerees comme les insigncs du palriolisme, la supremalic dans I'Etat revendiquee pour les sans-culottcs au nom de leurs me-ritcs ct de leur verLu. — Et voici qu'on leur annonce le renversemenl de tout cela, une ligue des rois stran­gers, les Emigres en armcs, I'invasion imminente, les Croates ct les Pandours en campagnc, des hordes do mercenaires ct de barbares poussccs contre cux pour les remettrc a la chainel — Une colore formidable roule de Vatelier a la chauniiere avec les chansons nationa-les qui d6noncent la conspiration des tyrans et appel-lent le peuplc aux amies'. G'est le second flot de la revolution qui montc et gronde, moins large que le premier, puisqu'il n'entraine gufere que la plebe, mais bien plus haut et bien plus destructeur.

En cITct, non seulement la masse lancee est la plus grossifere, mais encore elle est soulov6e par un sentiment nouveau dont la force est incalculable, I'orgueil du ple-bdien, du sujet,du pauvre, qui, redrcsse subitement apres une abjection seculaire,^a savoure, au dela de toute attenlc ct de ioute mesure, les jouissances de I'egalite, de. I'independance et de la domination. « Quinze mil-« Hons de ntigres » blancs, dit Mallet-Dupan*, phis mal nourris, plus malheureux que ceux de Saint-Domingue, comme eux, r6voUes et affranchis de toute autorite par la revolle, comme eux, habitues, par trente mois de licence, A r6gner sur ce qui reste de leurs ancicns maitres, comme eux, Tiers de leur caste rehabilitee et glorieux de leurs mains calleuses : se figure-t-on leur transport de

1. La chanson a Yeillons au salut de I'enipire » est de la fin de 1791 La Marseillaise a cl6 coniposee en avril n 9 2 .

2. il/crcure de France, n' du 23 noverabre 1791.

* U . EVOLUTION.

n - 10

146 • LA REVOLUTION.

ra"-c au coup de IrompcUe qui les evcille pour Icur m(3n-Irer a I'horizon Ics planleurs qui revicnnenl avcc dcs vcr^'-cs ncuvcs ct dc5 carcans plus lourds? — Rien de plus soupconueux qu'un Icl sentiment dans de parcillcs amcs; rien de plus vitc alarmc, de plus "prompt aux coups de main et a tous les excfis de la force, de plus aveugl6mcnt crcdulc de plus aiscment et violemmcnt prccipile, non seuicmcnt centre ses vrais enriemis du dehors, mais encore ct d'abord contre ses ennemis imaginaircs du dedans ' , roi, ministrcs, gcntilshommes, priitres, parle-nicntaires, catholiqucs orthodoxes, adminislrateurs et magistrats qui oat Vimprudence d'allcgucr la loi, indus-Iricls, negocianls et proprielaires qui bkVment le d6-sordrc, bourgeois riches qui ont I'^goisme de restcr chez cux, gens aiscs, polis et bicn vfilus, tous suspccls, parce ([u'ils ont perdu aunouveau regime ou parce qii'ils n'cn ont point pris les facons. — Telle est la brulc colossale que les Girondins introduisent dans I'arene polilique--pendant six mois, ils ag-itent devanl ellc dcs drapoaux rouges, ils l'aigudlonnent,-ils reffarouchcnt, lis la pous-sent, a coups de decrets et de proclamations, contre leurs adversau-cs ct contre ses gardicns, centre la noblesse ct le clerge, contre les aristocrates do I'interieur, complices

l.riiilippc de Segiir, Memo!res,'I (ii Fresiies, village siluu ii 7 n (Je Paris, quelqucs jours apres le 2 septcmbre 1-92) : « Unc bandc de "' ^ <c demagogues poursuivail un gros fcrmicr du lieu, suspect de rovaliMii « et denoncc coninie accaparcur, parce qu'il etail richc. Ccs forccnes s"cn " elaieiit saisis, e(, sans autre forme de proccs, apprelaieiU son suppjice " quand mon pere accourut. II les harangua avcc lant do bonheur que' « lout d'un coup transformes, les massacreurs passirenl subilement d'une " horrible rage h un enthousiasme d'humanile non moins exagere. Dans " leur nouvcau transport, ils forc6rent do boirc el de danser avcc cu.v « tour dc I'arbre de la liberie, Ic maUicurcux ferniier encore p;ile ol / « blant, qu'un instant auparavant ils allaicnt inipiloyablemenl ne 1 " branches. » ' * ^"-^

2, Lacrelello, Dix ans d'epreiives, 78 : << Les Girondins voul ' « un pcnple romain avcc la lie de Romulus, et o» nu'il T " ^ refaire « les brigands du 5 oclobrc. - ' ' 1 • Y a de pis, avec

LA PREMIERE ETAPE DE LA COXQUETE. 147

(le Coblenlz, conlre « Ic comitc aulrichien »/complice de rAuU'iclie, conlre le roi, dont ils transforment la pru­dence en Lrahison, conlre le gouvernemeni loul entier, aiiquel ils impulcnL I'anarcbic qu'ils Ibmentent et la guerre dont ils sont Ics provocaleiirs.

Ainsi surexcitec et tournee, il nc manque plus a la pl(ibc qu'un signe dc ralliement et des amies : lout de suite ils lui fournissent ces amies et ce signe de rallie-nienl. Par une coincidence frappante et qui monlre bien un plan concerle', ils ont mis en branle du meme coup Irois macbincs poliliques. Au moment jusle oii, par leurs rodonionlades voulues, ils rcndaient la guerre inevilablc, ils ont arbore la livree populaire, el ils ont arme les indi-genls. Presque dans la m6me semaine, a la fin de Janvier 1792, ils ont signifi6 i I'Autricbc leur ullimalum i delai lixe, adopts le bonnet de laine rouge, et commence la fa-bricalion des piques.—Manifcstement, en rase campagnc, conlre une armee regulifere el des canons, ccs piques nc peuvent servir; c'cst done i rinterieur cl dans les villes qu'elles doivent trouver leur emploi. Que le garde natio­nal ais6 qui pays son uniforme, que Ic ciloycn aclif, pri-vilegie par ses 3 francs de conlribulion direcle, ait son I'usil; Touvrier du porl, le porlcfaix dc la balle, le com-pagnon qui logo en garni, le ciloyen passif que sa pau-vrete exclut du vole, aura sa pique, et, en ce temps d"in-

L Lafayclle, I, 442 : " LesGirondins chcrchaicnt dans la guerre une occa-« sion d'allaqucr avec avanlage les constitulionnclsde 1791 cl leurs inslilu-« lions, n — Brissot, Ad)"essc d mes consliluants: « Nous cherchions dans la « guerre une occasion de lendre des pieges au roi, pour manifcsler sa « mauvaise foi et ses liaisons avec les princes emigres. « — Monileur, soancc du 3 avril 1793. Discours de Brissot : « J'avais fait part de mon « opinion aux Jacobins et j'avais prouvc que la guerre elait le seul moycn dc « devoiler les perOdics dc Louis XVL L'6venement a justiGo mon opinion. » — Buchez ctRoux, VIIlj 216, 217, 60. Le decret de rAsscniljlee 16gislative csl?du 25 Janvier; le premier argent vote par un club pour la fabrication des niquesesldu 31 Janvier; le premier article de Brissot sur le bonnet rou"-a est du 6 fevricr.

J 48 LA. REVOLUTION

suiTCcLions, uu bulletin de vote ne vaut pas une bonne •pique maniec par des bras nus. — A present, le magis-Irat en ccharpe peut pr6parer toutes les sommalions qu'il voudra : on Ics lui fera rentrer dans la gorge, et, de peur qu'il n'cn ignore, on I'avcrtit d'avancc. « Lcs pi-« ques ont commence la revolution; les piques I'aclieve-« ront^." « All! disent les habitues du jardin des Tuileries, « si lcs bons palriotes du Champ de Mars en avaient eu de « pareillcs, les habits bleus (lcs gardes de Lafayette) n'au-«raientpaseusi beau jeu !» —ccQn les portera partoutou « serontles ennemisdu peuple, au Chateau, s'ilsy sont. > EUes feront lomber le veto et passer les bons d6crets de I'Assemblee nationale. A cet effet, le faubourg Sainl-An-loine offre lcs siennes, et, pour bien en marquer I'emploi il se plaint de ce que « Ton cherche a substituer Varisto-u cratie de la richesse au pouvoir de la naissance »; il reclame « des mesures sevferes contre les sc61erals hypo-ucrites qui 6gorgent le peuple, la constitution i la main »• il d6clare que « les rois, les ministres et la liste civile « passeront, mais que les droits de I'homme, la souvc-« rainet6 nationale et les piques ne passeront pas »• et par I'organe de son president, I'Assemblee nationale remercie les petitionnaires « des avis que leur zele le. cc engage b. lui donner ». — En Ire les meneurs de TAs-semblec et la populace a piques, la partie est liee centre les riches, contre les Conslitutionncis, contre le gouver-nement, et desormais, a c6le des Girondins marchent les Jacobins extremes, lcs uns et les autres reconcilids pour

l'i\!;^?''ff•'' ^''"^' ^"'^ 2^'- I*'-«Posilion d'une ciloycnne au club de >L^ech6, 31 Janvier 1792.-Arlicles de \vi Gazeltc imivcrseUc 11 fevri ,. et du Patriote francais, 13 fovricr. - Monilcur, XI bU J T '

i:^!:Z:\ s'l' r-''-''''-- ^'^ '« -" '-ires.'qui chehn ^' ' ' ° " ^"' '^''^''^"^ ' ^ vcngeauccs popu-- ' - pique' u t \Zr:7 '' '"""^^ ' " ''•"'''' - " ^^q"^« - i ' ' ^ i ^ -

"X Kis.is, 1 habit (le cainpagnc aux uniformcs... ,

LA PREMIERE ETAPE DE LA CONQUETE. 149

I'altaque, sauf ii differcr apres la victoire. «.Le projet des « Girondins' n'est pas la repiiblique de nom, mais la « r6piibliquc de fail, par line r6duclion de la lisle civile

•«a 5 millions, par le retranchement de la plupart des « altribuls laiss6s au roi, par lecliangement de la dynas-« lie dont le nouvcau chef serait unc espfece de president « honoraire de la repiiblique, aiiqucl ils donneraient iin « conseil cxecutif nomm6 par TAssemblce, c'est-i-dire « par eux-mfimcs. >^ Quant aux Jacobins oxtrfimes, on ne leur decouvre d'autre principe « que cclui d'une applica-« lion immoder^e et a la rigucur des Droits dc rhomme. « A I'aide de cette charle, ils aspirant i changer les lois et « Ics officicrs publics chaque semcstrc, a 6tendre leur « nivellemcnt sur loulc aulorilc r^gulifere, sur les pr6c-c mincnces legates, sur les propricles. Lc seal regime «qu'i ls ambilionncnt est la dtimocratie dc la canaille « d61iberante... Les plus vils agents, les perturbateurs de « profession, les brigands, les fanaliques, les sc6l6rats dc « tout ordre, les indigents hardis ct amies qui, en front « de bandicre », marchent i I'assaut des propri6tes et au « sac univcrsel », bref les barbares dc la ville et de la campagnc, « voila leur armec commune, ct ils ne la laissent « pas im jour dans I'inaclion. » — Sous leur usurpation universelle, concerlee ct grandissanlc, loute la subslance du pouvoir fond aux mains des autoriles legates; peu i pen, elles sont reduites a I'etat de simulacres vains, et, d'un bout a Faulrc de la France, bien avant rccrouiement final, en province comnie lY Paris, la laclion, au nom des dangers publics, subslitue le gouvcrnement de la force au gouvernement de la loi.

1. Mallcl-Dupan, Mcmoircs, 11. 429 (nolc do juillel 170-2) — Mercurc de France, n" du 10 mars 1792, arliclc de Mallct-Dupan.

CIIAPITUE IV.

Les diparlemcnls. — I. Excmplc, la Provence en n92 . — Domination prccoce dcs Jacobins a Marseille. — Composition du pavti. —Lc club el la municipalilc. — Expulsion du rcigiment d'ErncsL. — II. Expedition dcs MarsCillais- a. Aix. — Le regiment dcsarme. — Le dircctoirc chasse.

pression sijr le dircctoirc nouveau. — HI. Les constilulionncls d'Arlcs..— Expedition des Marseillais contrc Aries.—Leurs cxciss dans la villccl aux environs. — Invasion d'Aplj lc club el ses volontaircs.—

-IV. Les .Jacobins d'Avignon. — Comment leur armcc s'est recrulee.— Lcurs brigandages dans le conUal. — La municipality d'Avignon en fuilc ou en prison. — Meurlre dc Lecuyer ct massacre de la Glaciere, — Renlrce des massacreurs soulcnus par leurs allies marscillais. —

• Diclalure des Jacobins dans lc Vaucluse ct les Douclies-du-Rlione. — V. Les autres departcmcnts. — Procude uniforme de la conquute ja-cobine. — Formation anticipee de I'Etat jacobin.

Si Ton veuL voir la premiere frondaison complfete de i'arbre revoluilionnaire, c'est dans le deparlcmcnl 'des Boticlies-dii-RIiOnc qu'il faut I'observer : nulle part, elle n'a ele si precocc ; nulle part les circonslaiiCes locales el le temperament indigene n'ont ele si propres a I'acee-lercr. —-« Ciel brdiant, climat cxcessif, promenoirs arides, « rochers,... rivi{jres devorantcs, torrents .ou nuls ou d6-« bord6s, » poussifere aveuglante, nerfs. agac6s par le souffle continu du mistral ou par les bouffees intermit-tentcsduscirocco;race sensuelle, colerique et rude, sans lest inlellecluel ni moral, en qui le melange du Gaulois et

LA PREMIERE KTAPE DE LA COXQUETE. 151

du Laliii a delruit riiumaiiile facile du Celtc el lcs6rieux profond du Romain; « des homines fails, foiis, durs, « inquiets»', cL poiirlanl 16gers, improvisalcurs, par-Iciirs, dupes de leur proprc cmphasc, cmporl6s loul de suile dans Ics cspaces vidcs par la dcclamalion furibonde cl par rcnUiOLisiasme supcrficiel; pour cile priucipale, unc villa commcrciale cL marilimc dc cent vingt mille dmcs, oil Ics chances du n6goce el de la navigation nour-rissenl I'csprit dlnnbvalion el d'avenlure, ou la solidilf". des caracl6res esl journellcmenl ebranlec par rcxcmple dcsforlunes soudaincs qui scdcpensenl en plaisirs gros-sicrs, oil la polilique, comme la speculation, est unc lo-lerie qui promel aux audacieux scs billels gagnanls; porl franc,-de plus, el rcndez-vous des noniad.es inier-lopcs, gens sans avcu, sans loi, sans metier .fixe-, chcna-

l.De Lomenie, Lcs Mirabcau, I, H. LeUrc Jii marquis dc Mirabeau. 2. Arcliives nalionales, F', '?! ' ' ' . "" ''Olo- Rapport sur la silualion de

Marseille par MioUis, commissairc du Dircctoire pr6s le dcparlcment 15 uivosc an V: « lieaucoup d'olrangers de France el d'llalie y avaieut cl6 « allirds par raviditu du gain, !c penchant au plaisir, Ic bcsoin de tra-. vail, renvie de se soustraire aux suites fuuesles de rinconduitc... Des « individus dc loul sexc el de lout age, sans liens de famille ni de palrie, " sans profession, sans opinions, presses par des besoins journaliers'quc " riiabilude de la debauche inultiplic, voulaiil y satisfaire sans longue fa-" liguc, en Irouvanl aulrefois lcs uioyens dans les nombrcuses operations « manucllcs du commerce. cQurJs pcndatit la Rcvolulion ct successive-u mcnl Vcfj'roi du pavli domine, Uabitues mallieurcuscnieiit i recevoir <• alors un saiairc pour paraitre dans les lulles poliliiiues, rcduils a present, « pour vivrc, i des distributions prcsque graluiles de pain, uu Irafic des pe-» tiles denreeSj aux travaux serviles et rarcs du moment, cnfiai I'escroquc-« rie : telle est, pour I'observalcur, la portion la plus apparenlc de la po-« pulalion de Marseille; avide d'cvcnements dont elle puisse lirer parti, « facile a seduirc, active par scs besoins, ellc afflue parlout el parait «, Ires nombrcusc... Le palriotc Escalon avail vingt rations par jour, el " le journalisle Fori en avail six, etc... Les officicrs civils cl les cominis-•• saires dc quarlicr sont encore, pour lapluparl, de ces bommcs que la pra-« lique revolulionnaire avail accoulumes a vivrc sans travail, a rever-•« ser les bienfails de la nation sur ccux qui parlageaient leurs principes « enfin a recevoir des contributions des maisons de debauche el dc jcu. Ces

152 LA RliVOLUTION.

pans et sacripants qui, commc des algiies deracinees et pourries, floltciit, de cOte enc6te,sur toulle poiirlour de la Mcditerranee; veritable senline ou se devcrse la lie de vingt civilisations gdt^cs ct demi-barbares, oil s'cnlasse ct fermente « I'^cume des crimes vomis des prisons de « G^ncs, du Piemont, de la Sicile, de toiile I'ltalic cnfin, c. de I'Espagne, de I'Archipel et de la Barbarie «' : rien d'elonnant, si, dansune telle villc, lertgne de la populace s'est etabliplus 16t qu'ailleurs.—Aprfesmainte explosion, il s'cslfond6,lc 17 aoui 1790, par la destitution de M. Lieu-laud, sorte de Lafayette bourgeois et mod6r6, qui com-mandait la garde natlonalc. Autour do lui se ralUail la niajorile de la population, lous les liommcs « honnClcs-cc ou non qui avaient quclquc chose a pcrdre « -• Lui chass6,puis proscrit, puis emprisonn6, ils s'abandonnent, ct Marseille appartient a la plfebe, quarante millc indi­gents et aventuriers que conduit le club.

Pour mieux Icur assurer I'empire, un mois apres I'cx-pulsion de M, Lieulaud, la municipalitc a declare actif tout citoyen ayant unc profession ou un metier ^ En consequence, an m6pris de la loi constitutionncUe, les va-nu-picds vienncnt aux assemblies de section. Par conlrc-coup les propri6laires ou n6gociauts s'cu reti-renl, ct ils font sagoment; car le mecanisme ordinaire

« coniiiiissaires avertissenl les e.\clusifs, mSme Ics eScrocs,- alors qu'on « veiil meltre a execution les mandals d'arrul decerncs conlro eiix. »

1. Ulanc-Gilly, Rcveil d'alarme dfun depute do UlarsciUc (cite dans l .s Mcmoires de L'arbaroux, 40, h\). Blanc-GiJly doit connailrc ces droles, car il s'esl scrvi d'cux dans remcute d'aoul 1789 ct a (516 dccrete d'accasalion a ce sujet. — Cf. Fabre, Histoire de Marseille, II, 422. '

2. Archives iiationalcs, F' , 3197. Correspondance de MiM. Debourge, Gay, el Lafnite, commissaires envoyes en Provence, par decret de TAssemblce naUonale, pour r^ablir la paix. — Lellre dii 10 mai 1791, et passim.

3. Le niaire Martin, dil le Jusle, etail line sorte de Potion, vanitcux el ad . *^'~ ^ '•' '•^" j sccrelaire-grefficr de la municipality, est Ic principal lo'^r^' '^ " ^ ^'' 'i' itaud. — L'arrille municipal dont il s agit est du *" aepicmbre 1790.

LA PREMIERE ETAPE DE LA CONQUfiTE. 153

cic la demagogic n'a pas lardc i op6rcr. « L'asscmbl6e « dc cliaque sdclion est composee d'une douzaine de fac-«,lieux, mcmbres du club, qui chassent Ics honnfites « gens en leur presenlant des bdlons et des baionneltes. « Lcs deliberalions se preparent au club de concert avec « la municipalitc, et mallicur A qui ne les acceplerait « pas dans ccs asscmblecs I On a el6 jusqu'd menacer « quclquesciloyens, qui voulaient faire des observations, « dc les cnterrer sur-le-cliamp dans les cavcaux des « eglises' ». L'argument s'cst trouve irresisliblc : « i\ prc-« sent, la classelaplus honnelc et la plus nombreusc csl « si efTray6c, si timidc, > que pas iin des opprimes n'osera paraitre aux assemblces, si clles no sent protegees par une. force publique.,« Plus de quatre-vingt mille iiabi-« tants nc dorment pas tranquilles, » et lous lcs droits politiques sont pour « cinq on six cenls individus » a qui la loi les a refuses. Derri^re cux marche la « canaille arm6e », la horde dc brigands sans palrie-, tonjours prfite i piller, i 6gorgcr et i pendre. Devant cux mar-client lcs autorites locales, qui, 61ucs"par leur influence, administrent sous leur direction. Patrons et clients, membres et salellitcs du club, its formcnt une ligue qui se conduit a la facon d'un Elat souverain, et rc-connait a peine en paroles raulorile du gouvernement central'. Ellc denonce comme « plebeicide » Ic decret par lequel rAssemblee nalionale a donne plcins pou-

1. Archives nalionales, F', 3197. Letlrcs des Irois conimissaires, 17 avril, 18 avril, 13 avril el 10 mai 179L

2. nianc-Gilly,'fieoefl d'alarme, etc. (('6.): <• Toutes les fois que la garde « nalionale de Marseille s'est misc en marche au dehors de scs murs, la o horde des brigands sans palrie n'a jamais manque dc se jolcr a la suite el . dc porter la dc^•aslalion dans lous lcs licux dc son passage. .

3. Archives nalionalfis, F^,3197. Correspondancc des trois conimissaires. Lellre du 10 niai 1791 ': « La municipalitc de Marseille n'oheit qu'aux ddcrels • qui lui plaisent, el, dcpuis dix-lmit niois, ne paye pas un ceil au tresor • public. » — Proclamation du 13 avril. — I.cttres des 13 el 18 avril.

154 LA RliVOLUTION.

voirs aux commissaires pour retablir I'ordrc; die qua-lific clc « diclalcurs ^•> ccs moderalcnrs si conscicncicux cl. si reserves; cUcs les denoncc par lettrcs circiilaires i loules les nuinicipalites du departcmcnl et a loulcs les socielcs jacobines du royaumc^ On agile au club la mo-lion dc vcnir a Aix coupcr leurs leles, qui scront mises dans une malle et cxpediccs a Paris airpresidcnl dc I'As-scniblee nalionalc, avec menace da meinc clialimcnL pour lui cL pour lous les deputes, s'ils nc revoqucnl pas leur recent decrct. Quclqucs jours apres, qualre sec-lions dressent acle, par-devant notairc, de la delibera­tion qu'elles ont prise a reffet d'envoyer a Aix une a r m e e de six mil lc Marseill ais p o u r sc d6fairc dcs Irois

intrus. Impossible aux commissaires d'cnlrcr a Marseille: « on leur y a prepare des polences, et leurs teles y sont « mises a prix. » G'est tout au plus s'ils peuvent arracbcr des mains de la faction M. Lieu laud et ses amis qui, accuses dc Ifcse-nation, detenus sans I'ombre d'unc prcuvc-, trail6s comme des chiens enrages, enchain6s, enfcrmes dans dcs latrines, reduits, faute d'eau, a boire leur urine, pousses par le d6sespoir jusqu'au bord du suicide, ont failli vingt fois etrc egorg6s au tribunal et dans leur prison'. Devant le dccret de rAssemblee na-

1. Archives nalionalcs, F', 3197. Lcltrc dcs officicrs municipaux de Mar­seille an miiiislrc, 11 jiiiii 1791. — lis dcmandent la revocation dca-lrois' coniiiiissoires, et voici i'lin dc lours argimients : a Dens la Chine, tout " ni.'iiidarin conlre Icqiicl ropinion so dechatnc csl deslilue : on Ic re-" garde comme un insljUilcur ignorant qui no sail point concilicr a un pere « Tamour de pes enfants. •->

2. lb. Lcllre dcs commissaires, 25 mai 1791 : " II est evident par la <• IccUirc des procedures d'Aix et de iMarseilie, que les senls coupables sent » les accusalcurs ct les jnges. » — Tetition des detenus, l " fevricr.: « La " "iiinicipalilc, desesperee de noire innocence, el no sacliant comment jusli-" fier sa conduite, cherchc des Icmoins a prix d'argent. Kile dit publiquc-« ment qu'il vant mieux sacrificr un innocent que dc llctrir un corps. Tel ' -sont les discours du sieur Rcbecqui, notable, cl de la dame Elliou, " ^Tousc d'un officier municipal, clicz le sieur Rou.ssct. »

. Lclli-es dc M. Lieutaud aux commissaires, 11 et 18 mai 1791 : « Si

. lA PREMIERE ETAPE DE LA COXQUETE." 155

tionalc qui ordonne leur clargissemenl, la municipalilc reclame, atennoic, resislc, ct, u la fin, ameute ses sup-pols ordinaires. An moment ou les prisojmiers vont sorlir, une muUilude de gens arn-H3S, « sans unifor'me

' « cl sans chef, « incessamment « grossie d'hommes sans <c aveii et d'6lrangcrs, » s'alLroupe sur les hauLeurs qui dominenl Ic Palais et appr^le ses fusils pour lirer sur M. Lieutaud. Somm^e de proclamer la loi martiale, la. municipalil6 s'y refuse:elle declare que « la haine publi-« que est Irop mcinifestee contre les accuses; » elle exigc que le regiment Suisse renlre dans sa caserne et que les detenus reslent dans leur prison; lout ce qu'ellc consent a leur accordcr, c'cst la permission secrete de fuir a la faQon des coupablea : ils s'esquiveront clandestincmcnt

. ct ddguises'. —Mais le r6gimenl Suisse, qui a conlraint les magistrals i ne pas violer la loi, portera la peine de sou insolence, et, comme on n'a pu le debauclicr, on sc decide i.l'expulser. Pendant qualre mois, la municipalilc mulljplie contre lui les vexations de toule especc-, ct, le

. jc n'ai pas peri sous le ffer dc Tassassiii, je nc do'is la conservation de « men exislcnce qu7i la sagesse cl a la scvei'ilc des consigncs que vons aavcz fait prcscrire a la garde nalionale el a la troupe do ligne.... Duns « I'audicncc tenue aujourd'hui, le subslilul de la conimune s'csl pcrmis de " mcnaccr Ic Irilninal do ropinion el dc la furcur vcngcrcssc dii peuple... -• Le peuple, qu'on avail amcne cl amcultS disail : 11 faul ailer prendre « Liciaaud de force; s'il ne vent pas montor, nous lui coupcrons la Icle. »

" La salic d'an^liencc, les Pas-pcrdus ct I'cscalicr etaicnl rempl/s de « gens sons aveu cl picds nus. » — Lcllre dc CaI)rol, commandant de la garde nationale, cl des ofCicicrs inunicipaux aux commissaircs, 21 mai : « Ce piquet de uO honinics sur la grandc place, n'est-il "•pas plutol une occasion d'caicutc qu'un nioyon dc la prcvonir? ('cite « requisition d'envoycr quatrc gardes nalionaux- dans rinlcrieur de " la prison, pour y restcrjour cl nuit, n"csl-elle pas une insulte failc aux « citoyens-soldats donl les fonctions soul dc veillcr an mainlicn des lois et « non au service" d'unc gculc ? »

1. Archives nationalcs, F', 3197. LettrcdeM. d'Olivier, lieutenant-colonel du • regiment d'Ernesl, 28 mai. —Exlrait du secretariat de la municipalilc^ 28 mai.

— l!arbarouxcstsccr6taire-grcfricr).—LcUre des commissaircs, 29 mai. 2. lb. Lettre des commissaircs, 29 juin.

156 LA REVOLUTION.

16 oclobre 1791, les Jacobins engagent, an theatre, une rixe contrc scs offlciers. Dans la meme nuit, hors du IhcAtre, qimtre d'entre eux sont assaillis par des bandes armees; le posle ou ils se refugient manque d'etre pris d'assaut; on les mene en prison pour leur surete; au bout de cinq jours, ils y sont encore detenus, « quoique « leur innocence soit reconnuc. » Cependant, pour as­surer «la Iranquillitd publique », la municipalile a re-quis le commandant du port de remplacer ti Tins tan t les Suisses par des gardes nationaux dans tons les postes; celui-ci cede a la force, et le regiment, inutile, insulle, me­nace, n'a plus qu'i deguerpir*. —Ccla fait, la nouvelle municipalile, encore plus jacobine que la pr6cedenle-, d6tacbe Marseille de la France, 6rige la cite en r6publi-que mililaire et pillarde, fait des expeditions, Ifeve des contributions, conclut des alliances et entreprend a main armee la conqufite du departement.

II

Au prealable, elle se decide a mettre la main sur la capitate, Aix, ou le regiment Suisse est all6 tenir garnison et oil sifegent les autorites sup6rieures : I'operation est d'autant plus ndcessaire que le directoire du departement loue hautemcnt la fidelite des Suisses et se permet de rappeler la municipalite de Marseille au respect de la loi. Une pareille remontrance est une insultc,ct,d'un ton haulain, la municipalite enjoint au directoire d'ayouer ou de desavoucr sa lettre : « Si vous ne I'avcz pas ecritc, « c'est une calomnie qu'il est de noire devoir de poiir-

1. Archives nalioiialos,F', 3197. Lellrc dcM. Laroqiie-Dourdan, commanclant do la marine a >rarseille, 18 octobre 1791 (a propos du depart du rcgimcnl Suisse): « Tons les ciloycns propri(5taircs gemisscnt de ce cliangeracnt. »

2, Les elections sont du 13 noyembre 1791. Martin, rancien°maire, a pan. iimide, el Ton a elu Mouraillc a sa place.

LA PREMIERE ETAPE DE LA COXQUETE. 157

« suivre; sinon, c'est iine declaraiion de gucivc que voiis ccfaites 5. Marseille ^ » — En phrases polics, avec do frrands menagemenls, le direcloire prouve son droit et son dire remarque que «le rOle d'acomptc des impOts do '« 1791 n'est pas encore forme i Marseille », que la mu-nicipalitey est plus occupee h. sauver I'Etat qu'd payer ses contributions, bref, il maintient son blame. — Puisqu'il ne veut pas plier, on le brisera, et, le 4 fcvrier 1792, la municipalit6 cnvoie Barbaroux, son secretaire, a Paris, pour y pallier les attentats qu'clle prepare. Dans la nuit du 25 au 26, la generate bat, et trois ou quatre millc Marseillais, avec six pieces de canon, marchent sur Aix. Par precaution, its feignerit de n'avoir point de chefs, ni commandant, ni capitaines, ni lieutenants, ni memo ca-poraux; i les entendre, tous sont egaux, volontaires, re-quis par eux-m6mes : de cette faQon, tons 6tant respon-sables, aucun ne Test'. A onze heures du matin ils arri-vent devant Aix, trouvent une porte ouvertc par leurs affili6s de la populace et du faubourg, somment la muni­cipality de leur livrer tous les corps de garde. En meme temps leurs emissaires ont annonce dans les communes

1. Archives nalionales, F', 3197. Lellre {imprimee) du dii'ccloire au mi-nisli-e de la guerre, 4 Janvier 1792. — Lellre dc la municipalile dc Mar-scdle au direcloire, •.4 Janvier, et rdponsc du direcloire. — Barbaroux, Mcmoires, 19.— (On voil ici le r61c de Barbaroux a Marseille; Guadct eii a joue un scmblabu} a Bordeaux. Cello premiere periode poliliquc esL essenlielle pour la connaissance des Girondins).

2. 76., F' , 3195. ProcSs-verbal de la municipalile d'Aix(sur les eveue-menls du 26 fiivricr) 1" mars. — Lellre de M. Villardy, prcsidonl du direcloire, dalee d'Avignon, 10 mars. (11 a failli etrc assassine 5. Aix). — Ih., F', 3196. Rapport des adminislralcurs du district d'Arlcs 28f6vrier (d'aprcs des lellrcs privees d'Aix ct de Marseille). — Barbaroux' Memoh-es (colleclion BerviUe et Barriferc), 106. (Relation de JL de Wat-levdle, major du regiment d'Ernest. — 76., lOS.Memoire de M. de Barban-tanc general commandant.) Ces deux pi6ccs montrcnt le liberalisme 1-. mollesse, 1 mdecision ordmaires des aulorites supericurcs, surtoul des autorites mdilaires. — Mcrcurp dp Fi'n»nc «• A,.\f ,.,„ , ^,^j . ''^<^^<^^rc (ie. Ptance, n du 24 mars 1792 (Icllrea

158 LA REVOLUTION.

voisinos que la villc est menace par le regiment Suisse : en consequence quatre cents liommes d'Aubagne arrivent en loule lidte; cl'heure en heure, on voit affluer les gardes nalionales des villages environnanls; les rues s'emplis-scnt de gens amies, des vociferations s'el^vent, Ic lumuUe croit, et, dans la panique universelle, la municipalite perd la'lele. Elle s'elTraye d'un combat nocturne « cnlre « la troupe de ligne, les citoyens, les gardes nalionales .« et les etrangcrs amies, ou personne ne pourra se re-cc connailrc ni savoir qui est son ennemi. » Elle rcnvoie un corps de trois cent.cinquanle Siiisses que le directoire faisailmarcher pour lasecourir; elle consigne le regiment dans ses quarliers. —La-dessus, le directoire s'enfuil; tons les corps de garde militaires sont desarmes, et les Marseillais, poussant leurs avantages, viennent, i deux lieurcs du matin, avertir la municipalite que, « soit cc qu'elle le pcmielte, soit qu'elle ne le permettc pas, » its Yont sur-le-cliamp attaquer les casernes. En elTcf, ils braquent les canons, lirent plusieurs coups, tuent une senlinelle, et le regiment, cerne, est contraint d'evacuer la ville, les soldals sans fusils, les ofQciers sans epee. Leurs amies sont pillees, le peuple saisit des suspects, descend la lanlcrnc et commence a les y accrochcr : la bouquelifere Cayol est pendue. A grand'peine, la munici­palite sauve un Iiomme deja souleve par la corde iV deux picds de terre, et oblient pour trois autre^« un asile pro-visoire » dans la prison.

D6s lors il n'y a plus d'autorite au chef-lieu, ou phi tot I'autorite y a change de mains. A la place du directoire fugitif, on en installe un autre, plus maniable. Des ° trente-six administrateurs qui formaient le conseil, douze seulement se sont presentes pour faire I'election. Des neuf 61us, six seulement consentent a sieger; souvent m^nie, aux s6ances, 11 ne s'en trouve que trois, et ces ti'ois, pour se recruter des collegues, sont obhges de les

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LA PREMIKRE ETAPE DE LA CONQUETE. 159'

payers — Aussi bien, quoiqiie leur place soit la premiere (lu departement, ils sont plus maltraites et plus molheu-reux que leurs garcons de salle. Assis a lenrs culos, dcs dcl6gues du club, des ofQciers municipaux dc Marseille

'les font lairc, parlent, et leur dictent leurs deliberalions-. « Nous avons les bras lies, 6cril I'un d'cux, nous sommes '« enlieremcnt asservis sous le joug» dc ces intrus. « Nous " avons YU deux fois conseculives plus de Irois cenls hom-cc mcs, dont plusieurs ayant des fusils avec des bai'on-« iiclles, s'inlroduirc dans la salle et nous menacer de la « morl, si nous leur refusions ce qu'ils nous demandaienl. ct Nous avons vu des molionnaires furicux, prcsque tons « Avignonnais, monler sur les bureaux du dirccloire, ba-« rangucr leurs camarades, les exciter a Vinsurreclion « et au crime. « — « H faut se decider entre la vie et la « mort, nous criaient-ils.; vous n'avez plus qu'un quart « d'heure i d61ib6rcr ». « Par les fen6tres de la salle, qui « 6taient ouvertes ti cause derextrfimeclialeur, dcs gardes « nalionaux presentaient leurs sabres a ceiix qui etaient a autour de nous, et leur faisaient signe de nous couper « le cou. » — Ainsi fabriqu6, 6courte et manic, le dircc-

1. Archives nalionalcs, F', 3196. Lcllrcs du nouvcau dirccloire au minis-Ire, 24 marseL4 avril 1792 : « Dcpuis le depart du dirccloire, noire assemblce " adminislralivc n'esl composcie que de six membres, malgro les convoca-« lions successivcs que nous avons faites a tous les membres du conseil... « Trois membres cJ,u conseil sculemcnt conscntent a s'adjoindrc a nous : « la cause en csl le dcfaul dc moycns pccuniaires. » — En consequence

. ic nouvcau dirccloire a pris un arriSle pour donner une indemnite aux membres du conseil. A la verite, cela esl contraire a une proclamalion du roi du 15 Janvier, mais « cclle proclamalion a elo surprise a la reli-

-. " gion du roi; vous reconnaitrcz que, chcz uno nation libre, rinilvicnce du o ciloyen sur le gouvcrncmenl ne doit pas 6lre en proportion dc sa for-« tune; ce principe serait faux ct destructible dc Tcgalilc dcs droits; nous o cspcrons quo Ic roi voudra bicn rcvoquer celle proclamation. «

2. lb. Lellres de BorcUy, vice-president du dirccloire, au minislre, 10, 17 et 30 avril 1792. — Lelt're d'un autre administraleur, 10 mars : « Onvcul o absolument marcher sur Aries, et nous forcer a ordonner celle marche. > — lb, V, 3195. Lellres d'Aix, du 12 et 16 mars, adressecs a M. Yerdet.

160 " ' LA REVOLUTION.

loire n'cst plus qu'un instrument aux mains dcs demago­gues marscillais. Lespircs agitateurs ct usurpateurs,Co-mo'in, Bertin, Rebccqui, y regncntsans contrOlc. Rebccqui et Bertin, d6I6gues aux affaires d'Arlcs, se sont fait autori-scr a requerir des troupes pour Icur defense: aussit6t ils en recjuiferentpour I'attaque, et le directoire a beau Icur faire dcs rcmontrances, ils lui declarent que maintcnant « il « n'a aucune inspection, aucune autorite sur eux, qu'ils « sont ind6pendants, qu'ils n'ont aucun ordre i recevoir, « aucun compte i rendre de leur conduite. » Tant pis pour lui, s'il essaye de revoquer leurs pouvoirs : Bertin annonce au vice-president que, si Ton s'y hasarde, il lui coupcrala t6te. Aux observations du minislrc, ils rcpon-dent avcc la dernibre insolence^; ils s'applaudissent de leur coup de main, ils en preparent un autre, et leur marchc sur Aixn'est que la premiere elape de la campagne longucment m6dit6e par laquelle ils vont s'emparer d'Avles.

I l l

En effct, il n'y a pas de citti qui Icur soit plus odicuse. — Pendant deux ans, conduite ou pouss6e par M. d'Anlonelle son maire, elle a marclie avcc euy ou a die trainee d leur suite. A plusieurs reprises, d'Anlonelle, uitra-r6volufionnaire,est alle, de sa personne, encouragcr

I. Archives nationaleSj F', 3195. Leltre dcs adminislraleurs du conseil du <loparlemcnt au minislrc, 16 mars : « Le conseil do. Tadminislralion est sur-« pris, monsieur, des fausses impressions qu'on a pu vous donner sur la' " ville de Marseille: on doit la regarder comme le Lonelier du patriotisme « dans le deparlement... Si, a Paris, le peuple n'a-pas atlendu des ordres • pourdetruire la Dastille et commencer la revolution, doil-on dire ctonnc « que, sous ce climat briilant, rimpalience des bons citoyens leur fasse " devancer les ordres legaux et qu'ils ne puissent s'assujcltir aux formes - ctUcs de la justice, quand il est question de leur sureld ncrsonnelle et do • sauvcrla palrie?»

LA PRKMlhUE ET.APE .DE LA r.O.XQUKTE. 161

les bandils d'Avignon ; pour Icur fournir dcs canons et dcs muniliont^, il a degarni la lour Sainl-Louis dc son arlillerie, au risque dc livrcr I'cmbouchurc du RhOne

"aux cprsaircs barbarcsqucs *. De concert avec sos ullies du Comial, avcc Ic club de Marseille, avec ses suppols des bourgadcs voisincs, il domine dans Aries « par la « lerrcur », cL 300 hommcs du quarlier dc la ]\Ionnaic, artisans ou mariniers, gens aux bras forts ct aux mains rudes, lui servenldc satellites. Lc 6 juin 1791, dc Icur au-toritd privce, ils ont chassc dcs prelres inscrmentcs qui s'6laient refugies dans la ville-. — Mais, la-dcssus, « Ics « propriclaircs ct les honn^tes gens, » bcaucoup plus nombreux ct indigncs depuis longlemps, ont relcv6 la t6te : 1200 d'entre cux se sont reunis dansTeglisc Saint-.Ilonorat, « out pr6l6sermcntdcmaintoiiir.la constitution « et la tranquiUit6 publiqiie*, « et se sont portds au club. Conformcment aux propres slatuts du club, ils s'y sont

• fait rcCevoir en masse, cn.qualit6 de gardes nalionaux ct dc ciloyens aclifs. En m6mc temps, d'accord avec la municipality', ils ont refondu la garde nationalc et rccom-pos6 les compngnics: cc qui a dissous le corps dcs Monnai-dicrs et retu'c c\ la faction toute sa force. - Des lors, sans aucune illcgalitc ni violence, la majorite au club et dans

1., Archives nalionalcs, F' , 3197. Lcllres des Irois commissaircs, passim. notammenl 11 inai, 10 el 19 juin 1701 (sur les affaires d'Arles): •< La classo • des p'-oiinelaircs y 6lail opprimee depuis longlemps.... Quelqnes faclicu. c « doininaieul par la lerreur les linr.n.-.t„.. _..:_•.„.:.-..:"... - . ,.,.,- 1 -

domimioni . 1 J. '""• "l'P"i»tie depuis longlemps.... Quelqnes faclicn 2 / 6 •'"' ' •'•'"' ' ' ' ''"""^^^^ g^»S. qui gennss.ic,>l en s.crcl. de 1.'M ' • ' ^ conimissaires.ig juin : .. Un mcmbre de la compagni

1 Moniiaie fil dislribucr publiqucmenl dcs billcls (adrcsses aux inser mcnlcs) i)orlaril ccs uiols : Si vous ne f... pas.Ie camp, vous aurez afliiir a la compngnie de la Monuare

c er-re

162 LA REVOLUTION; • _•: '

la garde nalionale s'csl compos6c de coiistilutioiinels mo-narchistcs, el Ics elections de novembre 1791 onl domie aux partisans de I'ordre presque toutcs les places admi-nislralives de la commune et du district. Un homme 6ner-giqiic, M. Loys, medecin, a et6 61u mairc a la place de M. d'Antonelle, ct on le sait capable de niarcber conlre i'6meiitc', «,tenant la loi martiale d'une main et son sabre « de rautre. » — G'en est Irop, et 11 faut maintenant que Marseille vienne subjuguer Aries, « pour reparer la honte « de I'avoir fond6e*.» Dans ces pays de vieilles cites, rhostilU6 politique s'envenime de baines miinicipales, sc.mblables i cellcs dc Thfebes centre PIat6c, de Rome con­lre Ye'ics, de Florence conlre Pise, el les guelfcs de Mar­seille ne songent plus qu'i ecraserles gibelins d'Arles.

• Deji, dans I'assemblee 61ectorale de novembre 1791, M. d'Antonelle, president, a fait inviter toutes les com­munes du departement a prendre les amies contre la cite ariti-jacobine ^; 600 volontaires marseillais sont partis a I'instant, se sont inslall6s i Salon, ont saisi le procureur-

• syndic du district ennemi, refusent de le rendrc, ct sont I'avant-garde de 4000 hommes promis par les quaranlc ou cinquante clubs du partis Pour les retenir, il a fallu I'ordre des trois commissaires, les arr6t6s du dircctoire encore intact, les proclamations du roi, un decrct de rAssembl6cconstituanle, laferme attitude des troupes qui

1. Archives nat/onalcs, F', 3196. Lcttre cics niembres du dircctoire d'Arles et des officiers municipaux an niinistre, 3 mars 1792 (avcc iine diatribe imprimee de la municipalite de Marseille).

2. lb., P, 3198. Leltres du procurciir-syndic du doparlemeiU au ministre, kix, 14, 15, 20 ct 23 scptembre 1791. L'assembicc electorale s'est dcclaree permanenle, a Ics autoritds conslitulionnelles sont enchainces ct niccon-« nues. >. — Letlre des membresdu bureau militairc d'urgcnce et de corres-pondance au luiuistre, Aries, 17 scptembre 1791.

3. lb. Lettre du commandant du detacliement marseillais au dircctoire du departement, 22 seplembre 1791: "Je sens que noire demarciie n'esl "•pas tout i fail l.egaie; mais c'cst par prudence que j'ai cru devoir aquics-" ^e- au voBu g.ineval du bataiUon. .

LA PUEMli^iRE ETAPE DE LA COXQUlh 'E . l&S

obei&scnt encore, I'aUilude plus fcrme des Arlesicns, qui ont reprinie iinc insurrection dcs .Monnaidicrs, reparc lours remparls, coupe leurs pouts, cl monlcul, la garde, le fusil charg6' . — Mais cc n'esL que parlie remise. A presonl qnc les commissaires sont partis, que Tauloritc du roi est un • lantonic, que le dernier regiment fidclea ete desarme, que ledirectoire, rcfondu ct terrific, obeit comaic un domes-lique, et que I'Assemblee legislative laissc parloul oppri-mer les constitulionnels par les Jacobins, on peut impun6-mentrecommcncer contredcsconstitutionncls uncexpedi­tion jacobine, ct, le 23 mars 1792, Tarmec marscillaise,. 4500 hommcs, sc met en marcbc avcc 19 pieces de canon.

En vain les commissaires des deparlemcnts voisins," envoy^s par le ministre, leur represententquemaintcnant Aries s'est soumise qu'elle a depos6 ses armos, qu'ellc est pccupec par une garnison de ligne; les Marseillais exigent que celtc garnison soit relirde. — En vain la garnison se retire; Rcbecqui et ses acolytes r6pliquent que « rien nc « les d6tournera de leur enlreprisc, (jn'ils no peuvcnt s'en « rapporter qu ' i eux-memes des precautions q u ' i l s o n t i « prendre pour la surete des d6parlemGnts m6ridionaux ». — En vain le ministre renouvellc sesinjonctions et ses conlrc-ordres; Ic dircctoire, par un mensonge flagrant, rdpond qu'il ne sait rien et refuse an gouvcrncmcnt son CQ,ncours. — En vain M. de Wittgenstein, commandant general du Midi, s'olTre au dircctoire pour rcpousser les envahisseurs; le dircctoire le reqiiiert do « ne pas entrcr

1. Archives nalionales, F', 3198. Proces-verbal dcs officicrs mvinicipaux d'Arlcs sur rinsuiTcclion des Momiaidicrs, 2 soplumbre 17D1 — Lellres do aiperl commissaire du roi, 2 el 8 oclobrc. — LcUrc de M. d'AiUoaelle aux Amis do la Conslilulion, 22 soplciidirc : - Je ne veil v pas croirc au coiUrc-ordre « dont on nous menace. Uuc idle dclerminatiou, dans la crisc acludle, a serail Irop iiUmmaiiie cL U-op dangereuse : eiio ulcrail I'asile cl le pain a « ecus de nos ouvricrs qui oal eu le courage do sc dcvouer a la nouvello aloi.... I-a proclamalioii du roi parait faile a la Imle et porlc lous les ca-c raclerosde la surprise. =

•164 LA. REVOLUTION.

avec scs troupes sur le tcrritoire dii dcparlcmcnt' ». — Cepcndanl, le 29 mars, les Marscillais onl Tail breclie i coups do canon dans Aries sans defense; scs forlificalions sont dcmollcs ; unc laxe de 1400 000 livres est levee sur les projiriclaires. Au mepris du decrel dc TAsscmblec nationalc, !es Monnaidiers, les hommcs du port, loule la basse plebc a repris ses amies et tyrannise la population d6sarniec. Quoique « le commissaire du roi ct la majeure « parlie des juges soient en fuite, on inslruit par jur6s « des procedures contre les absents >), et les jures sont des Monnaidiers^. Les vainqueurs emprisonnenl, frappent et tuent ii discretion. Quantite de parliculicrs paisiblcs sont meurtris dc coups, Iratnes on prison, plusicurs blesses mortcUement; un vicux niililaire dc qualre-vingls ans, retire depuis trois mois i sa campagne, meurtaprcs vingt jours de cacliot, d'un coup de crosse dans I'cstomac ; des femmes sont fouettecs; « tons les citoyens qui out inleret •« a Texecution des lois, » pres de cinq mille families ont 6migre; leurs maisons de ville ct de campagne sont pillces, el, dans les bourgades environnantes, sur toute la route qui conduit d'Arles a Marseille, les gens de sacet de corde, qui font le noyau de I'armce marseillaise,,se demencnt et se gorgent comme en un pays conquis^.

1. Dc Dammarlin (temoin oculairc), II, 60 a "0. —Arcliives nalionabs, F^, 3196. — Lt'tlro des deii.v conimissaires delcgucs au ininistrc, Niaies, 25 mars l'0'2. — I.etlre de M. Witlgenstein au dirccloiie des Bonclies-du-Rhone, 4 avriJ J 792. — Reponse et arretc du directoire, b avril. — Rapport de Berlin et Rcbecqui r.ux adminislratcurs du deparlcmeut, 3 avril. — Monileiir, XII, 379, Rapport du niinislre de I'inlcrieur ii rAssemblee natio-nale, 4 avril.

2. Monileur, XII, 4081, seance du 16 niai. Petition de W. Fossin, depute d'Arles. _ Archives nationales, F', 3196. roliluui des Ailesiens au ministre, 28 juin. — l.ellrcs de M. Lombard, eoiumi^-sairc provisoire du •"01, Aries, 6 el 10 juiUet. u II n'esl aucun individu ui projiricle qui aient • ele respecles depuis plus de trois niois par ces gens qui se parent du • "lasque du palriolisme, »

•5- Archives ualiouales, F' , 3196. LcUre de M. Borelly, vice-president du

LA PnE^riKRH ETAPE DE LA CONOUETE. 165

On mange, on boit, on defoncc les armoires, on cm-porle !c lingc et Ics provisions, on cmmenc los cliovaux, on vole les objels do prix, on brisc les meul)lcs, on dcchire les livres, on brulc les papicrs' : c'cst la jns!e punilion des aristocralcs; d'ailieurs il convicnt que los palrioles se dedommagcnt de lours faligucs, et qnol(|iios coups de trop ne sonl pas inutiles pour assurer la dominalion da bon parti. — Par exemple, sur Ic bruit faux que I'ordrc a (516 trouble i ChAteau-Rcnard, Berlin et Rebecqui y out envoye iin d6tachcment, et la municipalite en 6charpe, suivic de la garde nationale avec drapeaux et musique, vient a sa rencontre pour !ui faire honneur. Sans dire garc, les iMarseillais fondent sur le corl6ge, abattent les drapeaux, dcsarment la garde nationale, arracbent .aux officicrs lours 6pauleltos, tralnent h terre Ic maire par son echarpo, poursuivent, sabre en main, les conseillers, metlent en arrestation le maire et le procureur-syndic,. ct, pendant la nuit saccagont, quatre maisons, le tout sous la conduile do trois .lacobins du lieu decrcl6s d'ac-cusation pour crimes ou delits rccents : desormais i Cbc\leau-Rcnard, on y rogardera i deux fois avant de decreter des palrioles-. — A Yelaux, « la muisoii de

dircctoire au niinistre, Aix, 30 avi-il 179-2 : « La conduile des sicurs Berlin « cl Rebecqui a elc la cause dc tous Ics desordrcs qui out eld coniinis d.nns « ces mallieurcuscs conlrccs... lis n'ont d'auli-e but que de lever des con-« tribulions, comme ils I'ont fail h. Arles^ de s'cnricliir cl de dcsoler le ci-• devant comlal Vcnai?sin.»

1. Archives nalionales, F^ 3196. Deposition du gardc-cliainpi^tre du sieur Cove, proprielaire i Mouriez-lcs-Baux, 4 aviil. — Pelilion dc Tcvre, nolairc (i Maussaue, 7 avril. — Expose par Manson, bourgeois de Mouricz-les-l{aux,27niars. — Pelilion d'Andrien, 30 mars. —l.cUre de la municl-palito de Maussanc, 4 avril: « On epic le moment favoral)lc pour devaslcr « toules les propiictcs ct spccialenicnt les maisons dc campngiic. "

2. Ih. Rcclauiation prescnlcie aux administraleurs du district dc Tarascon par les gardes nationauv de Chiilcau-Renard, au sujcl de Tinvai-ion mar-seillaise du 6 avril. — Pr>tition dc .luliat d'Eygiiiere^, adniinislratcur du district de Tarascon, 2 avril, apropos d'une requisition de iJOOuO livrcs par Canioi'u sur la coninumc d'Eyguicrcs. — Lcllrc dc M. Rurclly, 30 avril;

166 I.A REVOLUTION.

« campagne du ci-devant seigneur csl saccagie, I on I csl « empoiic jusqu'aux luiles et carrcaux; » nnc Iroupe dc 200 hommes « parcourL le village, cxige dcs con-« Iributions, fait souscrire aux plus ais6s dcs ciloycns « dcs obligalions pour dcs sommcs considerables. » Le chef marseillais, CamoTn, I'un des nouvcaux adminis-Iraleurs du deparlement, fait sa main sur toul cc qui est bon i prendre, cl, quelqucs jours apr6s, on trou-vera 30 000 francs dans sa valise. — Par un cnlraine-menl nalurcl, ces exemples sontsuivis, el r6branlement se propage: dans chaque bourg ou pelilc ville, Ic club en profile pour assouvir son ambilion, son avidil6 et scs rancunes. Celui d'Apt a fail appcl a scs voisins, el 1500 gardes nalionaux de Gordes, Sainl-Salurnin, Gouls el Lacosle, avcc un milUer dc fcnnnes cl d'cnfanls munis de bulons et de fourclics, arrivcnl un malin devant la villc. Ou lour demande en verlu de quel ordre ils vien-nent ainsi : ils r6pondent que « I'ordre leur a el6 donna « par leur palriotisme ». « Les fanaliquos « ou partisans

• des prelres assermenles « ont occasionnc leur voyage » : en consequence, « ils veulent n'6tre log6s qu'aux d6pens tides funaliques. « En trois jours d'occupalion, cc sera pour ceux-ci el pour la ville une d6pense(fe 20 000 livres^ Pour commencer, ils brisenl lout dans I'^glisc des R6col-lels ct en murenl les porlcs; puis ils expulscnl de'la

« Berlin cl Rebecqui ont protege ouverfement riafime CamoTn cl I'ont fait

. niellre en iiberte. » — Moniteur, XII, 408. Petition dc M. Tossin, depute

d'Arles. 1, Archives niitionaies, F ' , 3195. Lettre de M. Merard, conimisiairc du roi,

pros le tribunal du district d'Apt. Apt, lo mars 1792 (avcc proccs-vcrbal dc la uuuiicipalitc d'Apl, et deliberation du dii-tricl, 13 mars). — I.ellrc de M. Guilluberl, procurcur-syndic du district, 5 mars, ( l l e s t cu fuile.) — l.ettres du dircctoirc du district, 23 et 28 mars: « II ne faut pas pen.'-crqiic, * dans cc moment, le tribunal el le juge dc paix pi)is<c!il s'occiiper du

moiudre aelc dinstruclion relalif u cct evencnient : une scule denuircbe " Jans cello inleulion uousierail tombcr, dans buit jours, 10 000 bouimcs • t ui" les L ias .» ; .i ;

LA PRE-MIKRE ETAPE DE LA COXQUETE. 1»-'.

villc Ics inscrmcnles el desarment tons Icurs parlisans Penclaal les Irois jours, le club cVApt, qui csL la seul;. aulorite, reslc cii seance. «LesmunicipalUcs du voisinngo « viennenL devant lui fairc amende honorable, proLeslei « de Icur civisme, demander en grdce qu'on n'envoie pUb i<- de delachemenl cliez elles. Des parliculiers sont mand6s « pour 6lre inlerroges; « plusieurs sonl proscrils, parmi; eux des administrateurs, des membres du tribunal cL le procureur-syndic; nombre de ciloyens ont pris la fuile: la ville est purgee, el, en quantilc d'endroils, dans le dislricl, hors du dislricl, il se pratique des purgations parcilles'. En clTel la besogne est attrayanle. Ellevidc la bourse des malinlentionnes et remplit Fcslomac des pa-Iriotes; il est agreablc d'etre bien h^berge, sur loutaux depens de scs adversaires : Ic Jacobin est con lent de sauvcr la palrie en faisant bombance. D'ailleurs il a le plaisir d'ngir en roi cliez ses voisins, et, pour ce service, non sculenicni. on le nourril, niais encore on le payc' . — Tout cela ie met en gaiele, et I'expedition, qui est un sab-bal, finil par un carnaval. Des deux divisions marseil-laises, I'une, ramenee a Aix, s'atlable i un grand feslin « palriolique », puis danse des farandolcs dont « laprin-

L Archives nationales, F', 3195. Lettre du dircci.oirc du district d'Apt, 28 lUars : « l,e 26 mars. 600 liommes amies des conimunes d'Apl, Viens, • lUisti'cl, etc., f-, porlerent u Saint-Martin-de-Castillon, el, sous prtSlexle • d'y reHablir ic boa ordre, taxerent les habitants, aux frais dcsqiicls ils sc - log6rent et se nourrirent. » — Les incursions sY-tendcnt jusrpic dans les deparlements voisins : il y en a unc, le 23 mars, u Sault pr6s de Forcal-quier, dans les llautes-Alpes.

2. 76. Arrcte de radniinistration du departement. Sur la demande des pdtitionnaircs soldals qui sont alles a Aries le 22 mars 1792, le dt^partcmcnt (seplendjrc 1792) leur accorde a chacun4a livres d'indeamito. lis sont 1916, cela fait 86 200 livres «a prendre sur les biens et proprictcs des particuliers « commo pour 6lro les auteurs, fuuteurs et coupables des troubles qu'a u occasioiiiiesIoi.arlide.sGliiirunistes dansla coiunuiued'Arles. » I.a munici-palile d'Arles dcsigno cinquanlc et un particuliers qui pa\enl les K6 200 li­vres, plus 278.") livres pour le change cl 300 livres pour frais de scjour el retards. — I'cliLion des raiiQonneSj 21 novcaibre 1792.

l o a ; LA REVOLUTIONS

« cipale est menee par M. le maire et par M. Ic comman-« dant »i; I'autre, presquc Ic memo jour, avcc vine ali6-gresse et line pompe encore plus grandcs, fait son entree dans Avi":non.

IV

II n'y a pas en France iin nid de brigands pareil : non qu'une misere plus grande ait produit l i une jacquerie plus sauvage; au conlraire, avantla Revolution, le Com-tat 6tait un pays de cocagne : le papc n'y levait.point d'impols; les taxes, trfes Icgeres, se d6pensaieiit surplace; « pour 1 sol ou 2, on y avait pain, vin et viande-. » — Mais, sous I'administration indulgente et corrompue des 16gats italiens, la contree 6tait devenue « I'asile assur6 « de tous les mauvais sujets de la France, de I'ltalie et de « G6ncs : moyennant une faible retribution qu'ils don-« naient aux agents du pape, ils en oblenaient protection « etimpunit6. »Lescontrebandiers etlesreceleursde con-trebande y afCluaient, pour percer le cercle des douanes franQaises. « II s'y formait des troupes de voleurs et d'as-

. 1, Archives nationales, F', 3195. Proces-verbal du direcloire su-: lcs evcnemenis arrives h Aix les 27, 28 et 29 avril 1792. ,.

2, MicJielet; Ilisloire da la Revolution fmnraise. III, 56 (d'apres les .T6C\IS de vieux paysans). — Mercure de France, n° du 30 avril 1791. Lettre d'un habitant du Comtat. — Toutes les charges publiques ensemble (octrois et interets de la dette) ne dcpassaient pas 800 000 livres pour 126 684 habitants. Au contraire, si le Comtat est reuni a la France, il payera 3 793 000 livres. — Andrd, Ilisloire de la Revolutionaviijnonnaise, I, 61. Le Comtat avait des. institutions representatives, une as;^enlbIee gcncraie annuelie, composee de 3 (iveques, de I'clu de la noblesse et de 13 consuls ' des principals villes. — Mercure de France, n" du 15 octobre 1791. (Lettre d'un comtadin.) 11 n'y avait point de miliccs dans le Comtat; lcs Pmileges nobiliaires elaicnt mcdiocrcs: peisonnc n'avait le droit exclu-

cl ch- . i" ' ' " ' "" ''" ^'^''^'^' '•'' "on-pi-opi'iclaircs pouva.cut avoir des fusils L i.uabber parlouL.

• LA PREMIERE ETAPE DE LA CONQUfiTE. 169

a. sassins que la s6veritc,dcs parlements d'Aix el de Gre-« noble ne pouvait.pas exlirper cnli^rement Les oisifs, les °« liberlins,lcs joueurs de profession*, « les sigisbes entre- • lenus, les intriganls, les parasites, les ayenturicrs, y cou-doyaient les hommes marques surl'epaiile, les veterans du vice eL du crime,«les echapp6s des gal6rcs dc Toulon et «deMarseille. » La ferocite s'y dissimulaildans la debau-cbc, comme un serpentdans sa vase, etil ne fallail qu'une occasion pour cbanger en coupe-gorge, le mauvais lieu.

Dans cet egout, les mencurs jacobins, Tournal, Rovferc, les deux Dujirat, les deux Mainvielle, Lecuyer, ont ais6-ment pechc des recrues. — D'abord, avec la canaille de la yille et de la banlieue, paysans ennemis de I'octroi, vaga­bonds ennemis de tout ordrc, portefaix et mariniers ar-mes de faux, de broches et de Iriques, ils ont fabriqu6 sept ou liuit emeutes, chasse le 16gat, oblige les consuls 4 se d6mettrc, pendu les chefs de la garde nalionale et du parti conscrvateur-, occup6 les places municipales. —

1. Archives nalionalcs, F', 3273. Lettre de M. Pelcl de la Lozere, pr^fcl de Yaucluse an niinistre, an YlII, 30 germinal. - lb.. DXXIV, 3, Lellre de M. Mulct, I'un des commissaircs medialours au minislre, 10 octobre 1791 : « Dans quel pays m'avez-vous envoye 1 c'esL la lerre de la duplicile. Uilalia-

• nismey apousse de leagues racincs;je crains qu'ellcs ne soient vivaces. » 2. On Irouvera le detail de ces faits dans Andre et dans Soulier, Hisloire

dc la revolution avign07inaisc.Le mcurtre des sept principaux opposanls, • genlilshomnies, ,prelres, artisans, est du 11 juin 1790.— Arcliives natio-nales, DXXIV, 3. Le point de depart des insurrections est I'hoslilite du jan-seniste Camus, depute a la Constituantc. Dans ce dossier, on trouvcra. plusieurs letlrcs a lui adressecs, a parlir d'avrii 1790, par les principaux Jacobins d'Avignon, Mainvielle, Raphel, Richard, etc., entre autres celle-ci (juillet 1790) : «N'abandonnez pasvotre ouvrage, nous vous eu suplions « (sic). G'est vous, monsieur, qui, le premier, nous avcz inspird le desir de « devcnir libres et de rcclamer les droits que nous avons de nous rcunir a. • une nation gcn(5reuse dont nous n'avons (516 demcmbres que par lafraude.)) — Quant aux moycns et appats politiciucs, ce sont toujours les m6mes. Cf.,r par excmple, celte lettre d'lm Avignonnais, protege de Camus, i Camus,' 13 juillet 1791 : « Je viens d'obtcnir de la commune I'usage d'un logcmeul o dans rinlericur du Palais, pour y excrccr men elat d'aubcrgisle.... Ma foi--« tune est fondce sur votrc bonte.... Qaclle dislauco de vous a muil «

170 LA REVOLUTION.

Puis de leur bande, ils ont fait iinc armee qui, pour con-signc, a la licence, ct, pour solde, le pillage, Louie pa-rcillc ci cclle de Tilly ct de ^Willenslcin, avraie Sodonic' « crranle ct dout rancicnne cuL cu liorreur. » Sur 3000 hommes, on n'y comple que SCO Avignonnais; le resle sc compose de deserleurs francais, conLrcbandiers, rcpris de justice, elrangers sans aveu, maraudcurs el nialiaileui's, qui, flaii-anl une proie, sonl accourus do Ivbs loin el memo de Paris*; avcc eux marchenl leurs fenielles, plus immondes encore et plus sanguinaircs. Pour bien marqucr que chcz eux le mcurtre cL le vol soul a I'or-drc du jour, ils onl massacre commc Iruilre leur premier g6n(!;ral Palrix, coupablc d'avoir relAche uu prisonnier, oL ils onl clu i sa place un ancien 6cumeur do grandes roules, condamnea morlparlc tribunal de Valence, evade ki veille du sui^plicc, Jourdan surnomme Coupe-UUes, l)arce que, le 6 oclobrc, a Versailles, il a, dil-on, coupfe Ics tfiles do deux gardes du roi -. — Sous un tel conmiun-

1. Archives nationales, DXXIV, 3. Rapporl sur les evcncments du 10 oc­lobrc 119L — Jb., F^ 3197. LeUre ties Irois commissaircs ix la municipalite d'Avignon, 21 avril, cl au minisU-e, 11 mai 17'J1 : « I.es d6pules d'Orange « noqs onl cerlifio qu'il y avail dans I'armce avignonnaise an nioins « 0.66 dtJsorlcurs franQais. » — Les m6mes au minislrc, 21 mai el 8 juiu: • OiV-nc saurail loiorer que des brigands enr6gimeiil(5s ctablissunt, au «. milieu d'un petit pays que ia France environnc de toutcs parts, lu^plus « dangereusu ecole de brigandage qui ait jamais avili ou torture i'espucc • humainc. " — Lcttre de M. Villardy, president du dircctoire des iJouclies-du-IUioiio, 21 mai : « Plusde 2 millions de bicns nalionaux sont exposes " au brigandage et a la destruction totale des nouveau.v iMandrins qui devas-" lenlce mallieureux j^ays.n — Leltrede.Meglc, sergentrecruteurdu regiment de La Maixk, arrefc avec deux de scs camaradeSj 21 mai : «I.e corps des " Mandrins qui nous avaient arrclcs nous a rcmis en liberie.... On nous a ° arreles pan-e que nous avons refuse de prendre [iaili parmi eux, et, sur " notrc rofini, on nous a jouracllument menaces de la poteuce. »

2. .Morlinier-Ternaux, I, 379 (note sur Jourdan, pur Fai:re, de])ut6 l-'arba

LA PREMlfillE ETAPE DE LA GOXQUlliTE.

dant, la troupe grossiLjusqu'a former un corps de 5 6000 liommcs, qui arrcle les passanls et les enr61e de-force : on les appcUe dcs Mcmdrins; mais Ic mot est fJur pour Mandrill, car ils font la guerre, nonseulement comme lui aux personnes et aux joroprietes publiqucs, mais encore aux biens, a la pudcur et i la vie des parti-culicrs. Un scul detachcmenl, en une seule fois,exlorque, k Cavaillon, 25 000 livres, 6. Baume 12 000, i Aubignon 15 000, a Pioline 4800, et taxe Caumont a 2000 livres par semaine. A Sarrians, dont Ic mairc leur olTrait les cles, ils ont pillu les maisons de fond en comble, cmmcn6 Irentc-lrois chariots charges dc butin, mis Ic feu, viole et tue avec dcs raffmements de Ilurons : une dame de qualre-vingts ans, paralytique, a etc fusillee a bout por-lant, et abandonnee dans son sung au milieu des flam-nies; un enfant de cinq ans a ete tranche en deux, sa ni6re d(jcapilec, sa soeur mulilee ; on a coupe les oreilles du cur6, on les lui a attachoes sur le front en guise de cocarde, puis on I'a egorgc en meme temps qu'un pore, on a arrachd les deux coeurs et on a danse dcssns' . Ensuite, pendant cinquanle jours, autour de Carpenlras vainemcnt assiege, les instincts de cruaute gratuitc qui

« I'ien; il sc noiumc lui-mumc, dcmande uux soldals si on le vent pour g6-« iieral. Un ivrogncclevait plaire i de s ivrognes; on I'applaudit ct le voila « proclame. »

1. Cf. Andre, passim, cl Soulier,;3assi7?i. — Mcrcurc dc France, n' du 4 juin 1791. — Arcliivcs nalionales , F^ 3197. Letlrc de -Mnic dc Gabrielli, 14 mars 1791. (Pillage de sa maison k Cavaillon, 10 Janvier ; ellc s'csl sauvco par les toils°avec sa fcmme de chambre. ) — Letlre dcs officicrs nninici-paux de Tarascon, 22 luai: a La troupe qui est entree dans le dislrict pille « tout cc qu'ellc Irouve sur son clicmin. « — Lcltre du procureur-s^ndic d'Orange, 22 niai : « Mercrcdi dernier, une fille agc c de dix ans, allant do » CUalcauneula Gourlheson, a el6 violi'e par I'un d'eux ; la pauvre enfant est • a toule extreinil6. » — Letlrc des trois comniissairos au minislrc, 21 niai: « 11 est aujourd'liui Lien constate par lous les liommes de Loiine foi que les • prelcndus palriotes, qu'on disail avoir acquis taut dc gloire ii Sarriun?, • sonl des caunibales egalement execrcs a Avignon cl a Carpenlra

172 L-\ REVOLUTION.

se deyelopperont plus tard cliez les chaufTcnrs, Ics gouts d'anlhropophagic qui reparaissent quelquefois chcz Ics foTQats, Ics scnsualilcs perverlics et surcxcilecs qu'on rencontre chez Ics maniaqucs, se sont donne franc jeu

A Taspect du monstre qu'elle a nourri, Avignon s'ef-fraye et pousse des oris d'alarme'; mais la b6Lc, qui sent sa force, se rctourne contre ses anciens faulcurs, mon-tre les dents et exige sa pature quolidienne. Ruinee ou non, il faut qu'Avignon fournisse sa quote-part. « Dans « rassemblcc 61ectorale, Mainvielle cadet, nomme elec-« teur, quoiqu'il n'ait que vingt-deux ans, se prom^ne « d'un air nienacant, en faisant sortir deux pislolels de sa wceinture-. « Pour micux mailriscr ses collegucs, Du-prat, le president, leur propose de quitler Avignon et de se transporter a Sorgues; its refuscnt, sur quoi il les fait inveslir de canons, promet de payer ceux qui viendront avec lui, enlraine les limides et denonce le rcste a une haute cour nalionale dont il a lui-meme design^ tous les membres. Yingt electeurs ainsi denonces sont condamnes et proscrits; Duprat menace d'entrer par force pour les execuler sur place, et, sous sa conduite, I'armee des Mandrins s'avance contre Avignon. — Arrfilce, puis con-tenue pendant deux mois par les commissaires media-leurs de la France, licenciee par eux et sur le point d'etre dissoute, clle ressaisit par im coup de main sa proie qui

I. Archives nationales, F , 3197, LeKre du directoire des Bouches-du-nii6ne, 21 mai 1791. — Deliberalion de la raunicipalite d'Avignon, avec adjonclion des netables et du comile militaire, 15 mai : «Frais immenses « dc la soldo et de la nourriture des detachcments.... contributions « forcees.... Ce qu'il y a de plus revoltant, c'est quo ceux qui sont « clurgcs d'en faire la perception taxent arbitraircment les liabitanls, <• scion qu'ils les jugent bons ou mauvats patriotes.... La municipalite, « le comitd militaire et la societo des Amis de la Constitution ont ose « faire des reclamations : une proscriplion prononcee contre eux a ele la « recompense de Icur altachemcnt a la constitution fran^aise. »

-lb. Lellre de M. Boulet, ancien medccin des liopitaux militaires de I'ance, membre dc Tasscmblce cloctorale, 21 mai.

LA PREMIERE ETAPE DE LA CONQUETB.' . V 173

jui 6chappait. Le 21 aout 1791, Jourclan, avec son ramas-sis dc coquins, s'empare du Palais; la municipalilc est chassee, le maire se sauve dcguise, le secr6lairc Tissot est sabre, qualre officiers municipaux et quaranle aulres personncs sont jel6s en prison, nombre de maisons de fugitifs et de prSlres sont pill6es et foiirnissent aiix ban­dits leur"premier acomptc *. — Alors commence la gran-de operation fiscale qui va rcmplir leurs pochcs. Cinq hommcs dc paille, choisis par Duprat et consorts, compo-sent, avec Lccuyer comme secretaire, une municipalile provisoire qui laxc la ville a 300000 livres el, supprimant les couvents, met en vente la d6pouillc des eglises. Les cloches sont descendues, el, toutc la journee, on entend les coups de marteau des ouvriers qui les brisent. Une cassette pleine d'argenterie, de diamanls et dc croix d'or, est enlevee au directeur du mont-dc-pielc, qui I'avait en depot, et transportee ci la commune : le bruit se repand que tons les effets pr6cieux mis en gage par les pauvres gens viennent d'etre YO16S par la municipalilc, et que les brigands « en ont deja fait parlir dix-huit malles ». La-dessus, les fcmmes exasperees par la nudile des eglises,

. les ouvriers sans pain et sans travail, tout le petit peuple devient fiirieux, s'asscmble de lui-meme dans I'eglise des Cordeliers, fait comparaitre Lecuyer, Tarrache de la chaire et le massacre -.

1. Archives nationalcS;DXXIV, lG-23, n-S. R(5cit de ce quis'cstpassS hicr, ,21 aout, dans la villc d'Avignon. — Leltrcs du niaire Richard et de deux autres, 21 aout. —Lcltre au president de i'Asscmblce nationalc, 22 aout vcinq signataires, au nom de 200 families refugiecs dans I'ile de la Bartclnssc).

2. 76., DXXIV, 3. — Letlre de M. Laverne, pour M. Canongc dcposilaire du mont-dc-piule. '(L'asscniblee elcctorale du Vaiiclusc cl le jugo dc paix lui avaient inlcrdil dc rcmcllre celle casseltc a d'aulres.) — Lellres dc M. Mulct, commissairc niedialeur, Gcntilly-lcs-Sorgucs, 14, lo, 16 OLlobrc 1791. — Letlre dc M. Laverne, maire, et des officiers municipaux, Avignon, 6 Jan­vier 1792. —Precis des evenemcnls arrives a Avignon, les 16, 17 et 18 oclo-brc (sans signature, mais ecril sur place et a rinslanl). — Proccs-verbal des administrateurs provisoires d'Avignon, 16 oclobre. — Copie cerlifice do

174 LA REVOLUTION.

Celle fois Ic paiii des brigands scmble perdu; car toiite la ville, populace ct bourgeoisie, est contrc ciix, et, dans la campagne, les paysans qu'ils onl. ranconn6s Ics fasillcnt quand ils les renconlrenl. — Mais, par la ler-rcur, on pcut supplecr au nombrc, et, avcc les 350 si-caires qui leur sont resles, les Jacobins extremes enlre-prennent de domptcr unc cifc de 30 000 ames. Main-vielle ain6, trainant deux canons, arrive avec unc pa-trouille, tire k ravenlure dans I'^glise demi-6vacu6e et tuc deux hommes. Duprat ramasse une (rentaine des bourgeois qu'il a cmprisonn6s le 31 aout et, en outre, une quarantaine d'artisans des confr6rlcs calholiques, portcfaix, boulangcrs, tonneliers, manoeuvres, deux paysans, un mendiant, des femmes saisies au liasard el sur des denonciations vagues, I'une d'elles « parce qu'elle « a ma I parl6 de Mme Mainvicllc «. Jourdan fournit les bourreaux; I'apolhicaire Mendc. beau-frere de Duprai, les gorge de liqueurs forlcs; un commis du gazctier Tournal leur ditde « tuer tout, pour qu'il ne resle pasde lemoins». Alors, sur I'ordre r6li6ve de 3[ainviclle, Tournal, Duprat, Jourdan, avec des complicalions de lubricil6 in6narra-bles', le massacre se d^veloppe, le 16 octobre et les jours suivants, pendant soixante-six heures, sur deux prGtres, Irois enfants, uii vieillard de qualre-vingts ans, Ireize femmes dont deux enceintes, en lout soixante et une per-sonnes 6gorgces, assomm(§es, puis preci-pitees les unes sur Jes aulres dans le Irou do la Glacierc, une mere sur

i'affiche troiivco, en difTercnls cndroits d'Avignon, aujourd'liiii IG octobre (probablemeut ecj'ile par unc fenime dii penpio ct monlrant tres bicn , I'emoiion populairo). — Une letlrc ecrite a M. Mulct, le 13 octobre, conticnt diija ectte phrase: « I-jifin. pouv pcu qu'on rctardc a /'aire ccs.sei' leurs « vols el pillages, il restera la mi-serc et les miserablcs. » — Deposition de Josrph Saiiton, cliasseur de la garde soldee d'Avignon, 37 oclobro (tenioin oculaire do cc rpii s'est passe aux Cordeliers).

1. Andre, If, G2. Deposition de la Hatapiolc. — Mort de la Clle Avnic, de • mcs Nicl el Crouzet. - Do Danimartin, II, 2.

LA PREMIHRE ETAPE DE LA CONQUETE. 175

le corps dc son enfant, un fils sur le corps de son pcrc, le loul achevc d'en haul a coups de pierrcs, puis rccou-vcrt de chaux vive k cause de Todeur \ Ccpcndant une ccntainc d'aulres, tues dans les rues, sont lances dans le canal de la Sorgues ; cinq cents families se sauvent. Les bandits licencies renlrent en foule, et les assassins en chef, intr6nis6s par le meurlre, instituent, au profit de leurbande refaile, un brigandage legal dont personne ne se d6fend plus ' .

Ge sont k\ les amis des Jacobins d'Arles et de Marseille; voila les hommes honorables que M. d'AntoncUc est vcnu harangucr dans la calhedrale d'Avignon'^-, iels sont les purs patrioles, qui, la main dans le sac et les pieds dans le sang, saisis sur le fait par une armee fran^aise, demas-qu6s par une proc6dure scrupuleusc, condamnes par lo cri universcl des 61cctcurs delivr^s et par le jugcmcnt re-fl6chi des nouveaux commissaires m6diatcurs% sont com-prispar l'Assembl6e legislative dans ramnistieproclam6c un mois avant leur dernier forfait. — Mais les souvcrains

L Archives nationalcs, DXXIV, 3. Rapport sur les Svcneraents du IG oclobrc; « Deuxpviilres assoniieiites oiil clo lues, cequiprouve qu'il ne s'agil pas ici . (Iccontre-revolulion... Lesoflicicrs municipaux assassincis sonlau nomljio « dc six. lis avaienl elc norames aux Icrmes du decrel, ilsulaienl Ic produil " de la volontc du penple au moment de la revolution : ils ctaicnl done " patrioles. n — Cucliez et I'.oux, XII, 4'20. Proces-verbal dc la com­mune d'Avignon, sur les eveiiemcnls du 16 octobre.

2. lb. Lettres (\cs commissaires civils depulds par la France (MM. Beaure­gard, Lecesne et Ciiampion) au ministrc, 8 Janvier 1792. (Longuc et belle lettre exposant, avec fails a i'appui. la difference dcsdeuv partis, et refulant les calomnies de Dupral. Le parti opprimc sc coraposait, non de royalislcs, 'iiais de consUtulionnels.)

3. /6.,FT, 3197. Leltres des trois commissaires, 27 avril, 4, 18 ot 21 mai 1791.

^- Trois cent Ircnle-citu] tomoins avaienl 6le cnlendus dans le proces. — tie Danimarlin, I, 266. Entree de I'armeo francaise a Avignon, le 16 no-^•enibre]791 : « Toulesles personnes riches, aTevcepliond'nn Ires pelilnom-" bi'c, avaienl pris la fuile oupcri. Les belles maisons ctaicnl en general vides " Gt fermdes. n — Kleclions pour nommer la nouvelle municipalile, 26 nn-^embro 1791. Sur 2287 citoyens aclifs, le maire Levieux de Lavcrue oblient

176 LA REVOLUTION.

des BoLiches-du-RliOne n'entcndcnt pas que I'elargissc-mcnL do Icurs- frbres ct allies soil unc grace : aux egor-gcurs de la Glacicrc, il faut mieiix que le pardon cl I'ou-bli. Le 29 avril 1792, Rebecqui ct Berlin, les conquerants d'Arles, avec Irois balaillons marscillais, cnlrenl dans Avignon ' : en ICle du corl6go sonl Ircnlc a quaranle des principaux mcurtriers, auxqucls TAsscmblec Icgislalive ellc-nlcnic a ordonne dc r6inlegrer leur prison, Duprat, Wainviclle, Tournal, Mcnde, puis Jourdan couronne de laurier, en uniforme de commandanl general, su run che-val blanc, cnfm les dames Dupral, Mainvielle cl Tournal, en amazoncs, sur une sorte do char de triomphe; pen­dant la marchc on entend crier que « cello fois la Gla-« cifere sera pleinc y-. — A lour approchc, les fonclion-naires publics sc sonlenfuis; 1200 personnes onl quill6 la ville. Aussitot, sous laprolcction des baionnettes marseil-laises, chaque lerroriste renlre dans sa place, comme un propriclaire dans sa maison; I'ancicn jugc Raphel, el son greffier, tous deux decreles de prise de corps, excr-cent publiquement leur office, el les parcnls des ma l - , heureux lues le 16 oclobre, les tcmoins qui onl depose au proc6s, sonl menaces dans la rue; I'un d'eux esl.lue, etJourdan, roi du d6parlement pour une annee cntiere, recommence en grand, b. la tfite dela garde nationale, puis de la gendarmerie, le metier qu'il faisait en petit, lorsque sous I'ancien regime, avec douze brigand'? « amies et « monies », il travaillait sur les grandes routes,forqail de

22-27 voix, et I'officier municipal qui vienl le dernier sur la lisle en a 1800. Tous sont conslitulionncis et motlerus.

L Archives nationales, F'^, 3196. Proces-vcrbald'Augicr et Fabre. adnii-nistratetirs (les L'ouclics-du-IUi6no, Avignon, ]] niai 1792. ~ Monilcur, Xil, 313. Rapport du minislre de la justice, u niai. — \U, 324. PiJlilion de 40 Avignonnais, 7 niai. — XII, 334. Proces-veibal de I'inct, coniniissaire (ie la Drome, cnvoyc it Avignon. - XII, 354. Rapport dc M. Cliussaignac et aulres discour.' , 10 niai. — XI, 741. Lcltrc des commissaires civils et de la P^umcipaliie d'Avignon, 23 mars.

LA PRRMUiRE ETAPE DE LA COXQUl TE. 177

imit les maisons isolecs et volait 24 000 livrcs dans uu scul chdleau.

V

Ainsi s'opfere la conqufite jacobine : ddji au mois d'avril 1792, par des violences presque 6galcs i celles qu'on vient de d6crire, elle s'etale sur plus de vingl d6partements, et, par des violences moindres, sur les soixante autres*. — Partout la composition des partis est

1, Cf. la Rdvolulion, I, 444 ci 456, sur la sixieme jacquerie, conduite par-tout par les Jacobins. Deux ou trois traits en montreront I'esprit ct les pro-cedes. — Archives nationales, F',3202. Leltre du directoire du district d'Au-rillac, 27 mars 1792, avec proc6s-verbaux : " Le 20 mars, une quaranlaine • de brigands, se disant patriotes et amis de la constitution, forcercnl, dans « neuf a dix maisons dela Capelle-Yiscamp, les braves citoyens honnetes, mais • pauvres, i Icur donner de I'argcnt, en g(5n6ral 5 francs par personne, « parfois 10 francs, 20 francs, 40 francs.» —D'autres demolissenl ou pillcnl les cliiteaux do Rouesquc, de Rode, de Marcoliis, de Vitrac et Irainent avcc eux les offlciers municipaux. — <• Nous, maire et ofQciers municipaux de la « paroisse de Vitrac, nous nous rassemblames, bier 22 mars pour suivre « I'cxemplc de nos paroisses voisines h I'occasion de la dtimolition des . chateaux. Nous nous sommes transport's, a la IClc do noire garde nalio-a naleet de celle de Salvetat, audit chateau. Nous commcn^-ame's par arbo-u rer I'dtendard national et a demolir... La garde nalionale de Boisset nc « se moderant pas dans le boire et le manger, entra dans le chateau' s'v .comporta avec la plus grandebrutalito : car, soitpcndules glace, porlcs - armoires, vitres, papiers enfin, tout ce qui se rcncontrait devant eux ricn «ne fu t rnenage. II s'en detacha memo une quaranlaine pour allcV a u.i u village bien pa^riote : elle se flt donner une certaine somme dans toulcs u les maisons, et ceux qui voulaient s'y refuser ctaicnl menaces de mort. » Do plus la garde nalionale de Boisset emporte les meubles du chateau

— L'cmbarras des municipalilos aux prises avec les expeditions jacobincs est burlesque (Lelire des officiers municipaux de Cottines au dirccloire de Sainl-Flour, 26 mars): «Nous sommes bien aises de vous faire savoir qu'il v • « un allroupemcnt dans notre paroisse, oil il y a plusieurs habitants Jo " municipalites voisines, et qu'on s'est porte dans la maison du sieur Tassv et «qu'on dcmande une isomme dont nous n'avons pas encore connais'^ance " et que les habitants ne voudront pas se retirer sans cetle sorame alin d ' « pouvoir faire vivre eel allroupcment, de manicre que ces gens-la ne se a sonl rasscmblcs que pour mainlenir la couslilulion et donuer plus d'eclal « a la loi. » "" •

LA REVOLUTION. „ , „ • R — 12

178 LA REVOLUTION.

la mfimc. D'un cole sonfc les dcclass6s de tout etat, « les « dilsipaleurs qui, ayant consume leur palrimoine, ne « peuvent souffrir ceux qui en ont un, les homines de « n6ant a qui le dcsordre ouvre la porle de la richesse et « des emplois publics, les envieux, les ingrats qu'un jour «de revolution acquitte envers leurs bienfaiteurs, les « t6tes ardentes, les novaleurs enlhousiasLcs qui pr6-« client la raison le poignard i la main, les indigents, « la pl6be brute et miserable, qui, avec une idee princi-« pale d'anarchie, un exemple d'impunite, le silence des « lois et du fer, est excit^e i tout oser. « De FauLre c6t6 sont les gens paisibles, s6dentaires, occup6s de leurs af­faires privees, bourgeois ou demi-bourgeois d'esprit et de cocLir, « affaiblis par I'habitude de la s6curiL6 ou des c< jouissances, 6tonn6s d'un bouleversement impr6vu et « chercliant ci se reconnaltre, divisds par la diversite de « leurs int6rets, n'opposant que le tact et la prudence h. « une audace continue et au m6pris des moyens legi-« times, ne sachant ni se decider ni rester inactifs, calcu-« lant peniblement leurs sacrifices 4 I'instant ou Tennemi « va leur arracher la possibilite d'en faire d6sormais, en « un mot, combattant avec la mollesse etl'^goisme contre « les passions dans leur 6tat d'ind6pendaiice, contre la a pauvrete f6roce et rimmoralit6 bardie ^ » — Partoul Tissue du conflit est la m6me. Dans chaque ville ou canton, le pelolon agressif des faiiatiques s-ans scrupule,

L Mcrcure de France^ n" du 1" et du 14 Janvier 1792. (Articles de Mallet-Dupan). — Arcliives nalionales, F", 3185 et 3186. Lellre du presi­dent du district de Laon {Aisne)au minislre, 8 fevrier 1792 : « A I'cgard « des nobles et des pr^tres, c'est avoir envic d'avoir peur que de les citer « seulement comme travaillant a scmer parmi nous le desordre. Tous « deniandent la tranquillite ctle payement exact de leur pension. » — De Dammarlin, I[, 63 (sur I'evacuation d'Arles, avril 1792). A Tapproche illegale de rarmee marireillaise, M. de Dammartin, comniandanl niilitaire, ordonno aux Arlosicns de se lever en masse. Personne ne se presenle; les femmes rapportent, la miit, les I'usils de leurs liommes; il ne se trouve que 100 voloniaires pour agir avec la troupe de ligno.

LA PREMIERE ETAPE DE LA COXQUETE. 17 9

des avcnturiers rcsolus et des vagabonds avides, impose sa dominalion a la majorilemoiUonni5re, qui, accoulumce cila rcgularile d'une civilisalion ancienne, n'ose troiibler I'ordrc pour mellre fin au desordre, ni s'insurger contre I'insuiTeclion. — Parlout le principe des Jacobins est le mfime. « Yotre syslemc », leur dit un directoire de depar-tement* ,cc est d'agir imperturbablement dans toules les « occasions^ mCme apr^s une constitution acceptee, apres « que les limites des pouvoirs ont 6le pos6es, comme si « I'empire 6tait toujours en insurrection, comme si vous « etiez revfitus d'une dictature ndcessaire au salut de la cite, « comme si vous 6tiez, au nom du salut public,revetus de « tons les pouvoirs. » — Partout la tactique des Jacobins cstlameme. D6s I'abord ils se sont attribue le monopole du patriolisme, et, par la destruction brutale des autres soci6tes, ils sont devenus le seul organe apparent de I'opinion publique. Aussitdt la voix-de leur coterie a sembl6 la voix du peuple; leur ascendant s'est etabli sur les autorites" legates; ils ont marchd en avant par des empifetements continus et irresistibles, et I'impunite a consacr6 leur usurpation.

« Parmi tous les agents bons ou maiivais, constitu6s ou « nonconslitues, celui-li seul gouverne qui est inviolable. « Or le club est trop accoutum6, depuis trop longtemps, i « donvner, a vexer, cipersdcuter, iexercer des vengeances,.

1. Archives.nationales,.F^, 3224. Discours de M. Saint-Amans, vice-prc-sidenl du directoire de Lotrct-Garonne au niaire de Tonneinsj 20 avril, et lellre du procureur general syndic a M. Roland, minislre, 22 avril : «Ea « general, il est dans les principes du maire de Tonncins que tout ce qui « Uii resisto est arislocratc, et sa doctrine est que tous les proprietaires « sont arislocralcs. Vous jngerez facilemenl, monsieur, qu'il n'est pas « proprielaire. » — Cost un nommd Dubois, ci-devant ben^diclin et devenu ministre prolcstant. — Arr6lc du directoire contre la municipalitd de Ton-neins, 13 avril; celle-ci en appelle a FAsseniblec legislative; le maire et un conseiller municipal viennent en son nom (19 mai) porter leur

' plainte h la barre de I'AssembliSe.

180 LA. REVOLUTION.

« pourqu'une administration locale se hasardc i nc pas le « rcgardcr comme inviolable ^ « 11 gouvcrnc done et son innucnce indirecte se change promptement en aulorit6 di-recte. — Seuls ou prcsque seuls i voter dans les assem-' bl6es primaires violent6es et desert6es, Ics Jacobins peu-vcnt aiscment choisir la municipalit6 et les officiers de la garde nalionalc^ Des lors, par I'organe du mairc, leur complaisant ou leur complice, ils ont lo droit le^-al d'ar-r6ter ou de lancer toute la force armee, et ils en uscnt - Deux obstacles sont encore sur leur chemin D'une part, si conciliant ou si timide que soit Ic direcloire du district ou du d6partement, comme il a 6tc nomme nar les 61ecteurs du second degr6, il contient ordinairemcni un assez grand nombre d'hommcs instruits, ais6s int6-ress6s au maintien de I'ordre, et il est moins cnclin que la municipalit6 A tolerer les grosses violations de la loi. En consequence, ils le denoncent a l'Assembl6e nalionale comme un centre inciviqueetconlre-rcvolulionnaire « d'a-u ristocratie bourgeoise. » Tant6t, comme d Brest ^ ils dc-

L Archives nalionales, F , 3193. LeUre de M. Dcbourgcs, Tun dcs tro.s commissau-cs cnvoyes par I'Assembloe nalioaale el le roi 2 noveniLre nOl ( i prop_)s da club do Marsoille) : . Co club a lout rccemmenl oblenu « du direcloire da d^parlement, sur la plus miserable allc-alion que « celui-ci demandat aM. de Coincy, lieutenant general a Toulon quelc . tr6s excellent regiment d'Ernest sortit de Marsei He, et M .-VWY^nrv u ced(5. . • ^ ^ '^

2. Par cxemple (Guillon de Montleon, Mcmoires pour scrvv' d Vhis-toire de Djon, I, 109), le commandant general de la garde nationale de cclte grande ville. en 1792, est Juilliardj pauvrc ouvricr en sole du faubour" de la Grande-Cote, ancien soldat. °

3. Archives nalionales, F', 3-215. Affaire de Plahennec (Irtis curieuse pour montrer I'esprit lyrannique des Jacobins et la bonne volonte foncierc des paysans catholiquesj. -— La commune de Brest cxpedie conlrc celle de IMabennec 400 hommes avec 2 canons cl dcs commissaires choisis par le club. — Quantitc de pieces, notamment : Petition de 150 ciloyens actifs de Brest, 16 mai 1791. Delibeiation du conseil general de la commune de crest, 17 mai. Lettredu direcloire Ju district, 17 mai (Ires cloquenle). Dcli-h(iralion de la municipalilc de Plabenncc, 20 mai. Lcttrc de la municipalild

LA PREMIERE ETAPE DE LA COXQUKTE. 181

sob6isscnt effronlcmcnt i scs ordres Ics plus 16gaux, les plus scns6s, Ics plus r6ilcr6s, les plus formels; aprtjs quoi, plus cffronl6mcnt encore, ils dcmandent au mi-nistre si, « places dans la cruelle aUernalive de blcsscr « la hierarchic des pouvoirs ou d'abandonner la chose « publiquc en danger, il Icur 6tait permis de balancer. » TantOt, comme h Arras, ils imposent leur presence ill6-gale au direcloire en seance et lui jcllent A la face des imputalionssi oulrageanles, quecelui-ci, par un scrupulc d'honneur, so croit Icnu de solliciter sa propre suspen­sion K TanlCl, comme a Figeac, ils mandent un adminis-Irateur ti leur barre, le liennent debout devanl eux sous un inlcrrogaloire de Irois quarts d'hcure, saisissent ses papiers etrobligent, crainle de pis, aquiller la villc-. Tan-tot, comme ti Auch, ils cnvahissent la sallc du dh-ecloirc, prennenl les administraleurs u la gorge, lesmeurlrissent iY coups de poing ct de bdton, trainent le president par les cheveux et, i grand'peine, lui font grdce de la vie^ — D'aulre part, la gendarmerie et la troupe, institutes con-ire r^mcule, sont toujours incommodes aux fabricants d'6meutes. En consequence, ils expulscnt, debaucheni et surtoul epurcnt la gendarmerie et la troupe. A Cahors,

dc Brest au minislre, 21 niai. Dclib(5ralion du direcloire du dcparlemcnt, 13juin.

1. Moii.iuiC--Ternaiix, II. 376 (seance du direcloire du Pas-de-Calais, 4 juillet 1192 ). I.a pclilion, signccpar 127 habilanls d'Arras, est presentee au direcloire par Robespierre jeune et Glifiroy. Les administraleurs y sont traites dc fourbcs , dc conspirateurs, etc., ct ie president, cnlcndant ccs douceurs, dit a ses collogues : « Messieurs, asseyons-nous : nous cnlendrons « aussi bien des injures assis que debout. »

2. Archives nalionalcs, F^, 3223. Lettre de M. Valery, procureur-syndic du dcparlemenl, 4 avril 1792. •

3. lb., F ' , 3220. Exlrail des deliberations du direcloire du dcparlemcnt, ct lettre au roi, 28 Janvier 1792. — Lellre de M. Lalilcau, president du direcloire, 30 Janvier. (L'altroupement se composail dc cinq a six cents per-sonnes. Lc president a 616 blcsse au front d'un coup d'epce el contraint dc quitter la villc.) I.c 20 fevrier suivant, un depute du deparlemcnl denonco le direcloire comme <• incivique ».

182 LA REVOLUTION.

c'est un brigadier de gendarmerie qu'ils chassent, « all6-« guaniqu'il ne frequenle que des arislocrales^ » A Tou­louse, sans parlor du lieutenant-colonel qu'ils mcnaccnt de mort par letlres anonymcs et forcent u sortir de la ville, c'est toule la gendarmerie qu'ils dcporlent dans un autre dislrici, sous pretexte « qu'elle a des principes « conlraires i la Constitution- », A Audi ct a Rennes, par I'insurbordination qu'ils provoquent dans la troupe, ils cxlorquenl aux officiers leur demission. A Perpignan, au moyen. d'unc insurrecUon qu'ils ont foment^c, ils saisis-sent, battenl et Iralnent en prison le commandant et Te-lat-major, qu'ils accusenl « d'avoir voulu bombardcr la a villc avec 5 livres de poudre^ «. — En m<^mc lemps, par la jacquerie qu'ils d6cliainent depuis laDordognc jusqu'a I'Aveyron, depuis le Cantal jusqu'aux Pyr6nees et au Yar, sous pretexte de punir Ics parents des emigres et IJCS

fauleurs des insermcntes, ils se font une armee propre de Yoleurs et d'indigenls,qui, devanganl les exploits de la future armee r6volutionnaire, tue, incendie, pille, ran-Qonne et travaille en pleine liberie sur le troupeau sans defense des proprietairesde toute classe et de tout dcgr6^

1. Archives nationalcs, F^ 3223. Lellrc de M. do RioUe, colonel de la gendarmerie, le 19 Janvier 1792. — « Cenl personnesdu club desAmisdela . Liberie » vicnncnt lui demandcr le renvoi du brigadier. Le lendemain aprcs une siance du meme club, «qualre cents pcrsonncs s' .v^nuoirt h la a caserne pour rcnvoycr ou exlerminer Ic brigadier.»

2. lb., ?', 3219.1.cllre dc M. Sainfal, Toulouse, 4 mars 1792. — Lcllre du direcloire du departement, 14 mars.

3. /6.,F^, 3229.LcltredeiM. de Narbonne, minislre, ason collegueM. Ga­iner, 3 fevricr 1792 : «La municipaliled'Auch a persuade aux sous-ofOcicrs <• el soldals du 1" balaillon que leurs chefs prenaienl des mesures pour « se rolirer. » — De meme la raunicipalild el le club de Navarrcins. « Tous " les officiers, sauf Irois, so sont vus forces de s'eloigner et de donner leur « demission. » — F', 3225. Lc mfime au meme, 8 mars, j.a muiiicirjiri' i Rennes ordonne I'arreslalion du colonel de Savignac ct de qualr " ofQciers. — Mercw'c de France, n' du 18 fevricr 1792. — jjo n ^" '^^ Lin, I, 230 ; U, 70 (affaires de Landau , de Laulerbourg, d'\vi" ^"'"^''^'•"

4. La Revolution, I, 444 et suivantcs. Aux fails ctiL i ^"°"^" ^^^ Clans cc volume,

LA PREMIERE ETAPE DE LA COXQUETE 18

Dans cclle operation, cliaquc club a scs voisins pour alli6s, et leur fait ou recoil d'cux des ofTrcs d'honimes et

.d'argenl. Celul de Caen propose a la socicle do Baycux son assistance pour chasscr les insermenles cl pour aider les palriotcs de I'endroit « A se debarrasscr de la tyrannic « de leurs adminislraleurs'», Celui de Besancou declare les Irois corpsadniinistralifs de Strasbourg « indigncs de « la confiance dont ils ont 6le honoris », ct se iigue pu-bliquemcntavcctoutes les socieles du Ilaul-IUiin et du Bas-Rhin pour oblcnir la liberie d'un Jacobin arrclc connne provocaleur d'emculcs-. Ceux du Puy-dc-D6mc cl des deparlemcnts voisins depulenl ;\ Clermonl et y clablis-sonl une soci6li3 cenlrale de direction ct de propagandc'. Ceux des Boucbes-du-Rli6ne Iraitent avcc les commissai-res de la Dr6me, du Gard et de riI6rault, pour surveiller

on pourratt en ajoiiler beaticoup d'aulres. —Arcln'ves nalionalos, !••, 3219. Lcllrede M.Nicl, aclminislraleiir cU« la Ilaulo-Garonnc, 27 fevrier 17'.'''2 : " Les « priilres consliLulionnels ct le club du canton dc .Monlaslruc, out suggere « atix habitants qu'il fallait ranconner ct mcllrc a contribution tons les o faulcnrs des prtilres asseraiontos el les arislocrales. » — Cf. F', 3193 (Avcyron), F', 3271 (Tarn), etc.

1. Arcbives nationales, F", 3200. Icltrc du procurcuv-syndic de Raycux, 14 mai 1792, et Icllrc du direcloire dc IJayeux, 21 mai : <^ l.cs clubs doi-« vent elre I'ecole du palriotismc, ilsen sont devenus la lernHir. Si bicntol « cette hittc scandaleuse centre I'autorite legitime et la loi nc vienl pas a « cesser^ il n'est plus dc liberie, il n'esl plus de conslilulion, 11 n'esl plus de « sauvegardc pour les Frangais."

2. ll'.; I'', l ' bS. l.elU-es du direcloire du Bas-Rbin, 26 avril 1792, et de Dietrich, maire de Strasbourg, 8 mai. (Le club dc Slra^bourg avail in­vite publiqucmcnl les ciloycns a prendre les arnies "pour suvir contre les " prelres el les adminislraleurs ».) — Leltre du club de Besanron a M. Dietrich, 3 mai : « Si la constitution dependail da palriolismc ou de <• la peradic de quelques magistrals d'un dcpartemcnt, du Bas-Rbin par - cxemple, nous pourrions fairc quelque attention ii vous, ot tons les « liommcs librcs de I'ompire .sV.iaissoraient alors a vous ecrasor. » — La-dcssus les socieles jacobines du Haul-Rhin el du Bas-Uhin cnvoient trois deputes'-i la sodcle dc Paris.

3. Mo7iiieitr, Xil, 558, 19 mai 1792. «. Leltre adressee par la voic des jour-" ' •'"I'slcs palriotes a (oules Ics socieles des Amis de la Coasliti'lion par . I'assemblee palriolique ccntralc formJc a Clonnont-Fcrrand. » (MC<mecea-Iralisation a Lyon et a Bordeaux.)

184 L. \ RfiVOLUTION.

lafronli6re espagnole, et font verifier par leurs clelcgu6s I'elat des forlificalions dc Figuieres*. — Niil rccoiirs aux iribunauxcrimlnels : dans quarante ddparlcmcnls, ils nc sont pas encore inslalles; dans les quaranlc-trois autres, ils sont inlimid6s, sc taisent ou manqucnt d'argont et d'hommes pour faire ex6cuter leurs arrfits^ — Telle est la fondation de I'Etat jacobin, une confederation do douze cents oligarchies qui manoeuvrent leur clientele de pro-letaires sur le mot d'ordre exp6di6 de Paris : c'cst un Etat complet, organise, actif, avcc son gouverncmcnt central, sa force arm^e, son journal officiel, sa corrcspondance regulierc, sa politique d6clar6e, son autorit6 6lablic, scs rcpr^sentants et agents locaux : ccux-ci administrcnt en fait, ci cOle des administrations annul6cs ou a travers les administrations asservies. — Vainement les derniers ministres, bons commis et honnfites gens, essayent de remplir leur office : leurs injonctions et remontranccs ne sont que du papier noirci". D6sespcr6s, ils so demct-tent en declarant que, « dans ce renversement de tout " ordre,... danscet6tatd'impuissance dc la force publi-« que et d'avilissement des aulorites constitu6es,... il

1. Archives nalionales, F^, 3198. Rapporl des commissaircs Berlin cl Re-bccqui, 3 avril 1792. — Cf. Dumouricz, livre II, cli. v. Lc clul) dc Nanlcs veul envoyer des commissairas pour inspcclcr les fonderies de Tile d'lii-

' . C l l l l l " " '

drelte. 2. Monileur, X, 420. Rapport de M. Caliicr, ministrc de rintcrieur,

18 f6vricr 1792 : «Danstous les deparlcmer.ls, la liberie des culles a cle -plus ou moinsviolcc... Les depositaires du pouvoir scnl traduils au Iribu-"nal du peuplecomme sesenncmis."— Sur rimpuissance fonciere et crois-sanle du roi et de ses ministres, cf. Monileur, XI, 11 (31 decembre 179]). — Lcllre du minislre des finances. — XU, 200 (23 avril 1792). Rappon j ^ ministre de I'inldrieur. — XllI, o3 (4 juillcl 1792). Lettre du ministre de la justice.

3. Mortimcr-Ternaux, II, 369. I.ellrc du directoire des liasses-Pyrenees 2ojuin 1792. — Arcliivcs nalionales, F' , 3200. I.eltre du directoire du " l' •vadosau ministre de I'inlerieur, 3 oout: "Nous nc soninics pns le duroini des ministres. n _ Monilcw, XIIl, 103. I'eclaration do M^de'lnU-^ numstre,au nomde ses collegucs (seance du lo juiilet l79o\ ' ''

LA PREMIERE ETAPE DE LA COXQUl rE. 185

« Icur csl impossible d'eulrcLcnir la vie el le mouve-« mcnl du vastc corps dont lous les nicmbrcs sont para­lyses. « — Quand un arbre est dcchaiisse, il csl aise de Taballre : a prescnl que les Jacobins ont Iranche loulcs ses racincs, il Icur suffira d'une pousscc au ceiilrc pour faire loiubcr Ic Irene.

GHAPITRE V.

Taris. - I. Pression de rAssemblee sur le roi Q . - Ses minislres insultes et chasses. _ Usnrnni;. T ^"""''^' «" clucl6. t f - 7 'Y^\^^-^olo. - Preparalifs J S ^ ^ ' ^ T ' T ' ^ ^ flotlante et indigenle de Paris. — Disno-'" n= , ~ " ^^ Populalioa du ch6mage el de la mis6re. - EtTet de la'nrXlfn r ° ' °"'''"''^'-s- - Kflct mce revolutionnaire. - Qualite de ses re tues ^ ° " -"'^i^'^^- ^ ^'ar-Son elTectif reel. - m. Ses chefs. - lLem-or;; i td ' ' ' ' T " ' ' '''''''• -d'excKalion. - IV. Le 20 j u i n . - L e n r o - r a m Z 7 ^""''^ P'-ocedcs - Le defile devant I'Assenlbiee. - L'ir up fonTansle ol ^^^^"^'^'^"^ont. en presence du peuple. ^ ' ' " ' '° chalcau. - Le roi

Otentjusqu'i I'apparence. D6s la premter a„'co Is , '" ont refuse los litres de Sire et de^Majost :T^'^^ ' " ' nest pas, comme le veut la constitution, le-rcpres I n l>ered,ta,re da peuple francais, mats .. „'n pre.nie fo^e «Uonna,re.,, c'est-a-dire un simple employe, trop Z -eux de sassecr surun fauteuil 6galaupres du prLvi! .

Assemblee, qu'ilsappellent „ ,e prLdcU d T ^ tion'». A leurs yeux I'Assemblee est I'unlquesouverai,

1. Monilcu^^ X, 39 el pages siiivanlcs, seances , l« -™ - D,scours de CImbol, CouMion, Ur|mnio, \o,JJ , ° "' <= "dobrc "-""ce, „. „„ ,5 „et„b,.e, _ oiseour, L Uo e S ™ ' ~ •"«"»•"•«'«

'""•"»> " m a i 1790 • . u

LA PREMIERE lilTAPE DE LA CONQUETE. 187

a Tandis que Ics an Ires poiivoirs, dit Condorcct, ne peu-« vent 16gilimGiTicnt agir que s'ils sont ppecialenicnt aulo-«.rises par une loi expresse, I'Assemblee pent faire lout « ce qui ne lui est pas lormellcment interdit par la loi^ » en d'auLres termes inlerpreter la consUtution, par suite

.rall6rer, I'abroger, la defaire. En cons6quencc, au m6pris de la consliLution, ellc s'cst arroge riniliativc de la guerre^, et, dans les rares occasions ou le roi use de son veto, elle passe outre ou laisse passer outre. Yainement il a rejet6, conformement a son droit legal, Ics decrets qui pcrsecutent les eccl6siastiques inserment6s, qui 36-questrcnt les biens des emigres, qui 6lablissent un camp sous Paris. Sur la suggestion des depules jacobins' , les insermenl6s sont internes, expulses, cmprisonnes par les municipaliles et les directoires; les terras et les maisons des emigres et de leurs parents sont abandonn6es sans resistance j \ la jacquerie; lecamp sous Paris est rcmplac6 par I'appel des fedcrds i Paris. Bref, on 61ude la sanction du monarque ou Ton s'en dispense. — Quant ti ses mi-nistres, « its ne sont que des commis du Corps logislatif

o rol n'estpas le reprdsentant, mais le commis de la nation.» — Cf. Ernest Ilamel, Vic de Robespierre.

1. Monileur, XIII, 97, seance du 6 juillet 1792. 2. Bucliez et Roiix, XIII, 61, 28 Janvier 1792. Le roi, avec sa douceur

ordinairC,'.'b!'. ••'^marqucr a TAssembl^c ['usurpation qu'elle conimet: a La « forme que vous avez adoptee est susceptible d'observations iiuporlantcs ; " je ne les dovelopperai pas aujourd'hui: la giavite des circonstanccs cxige " que je m'occupe encore plus de maintcnir raccord de nos sentiments • que de discuter continuellemenl mes droits. »

3. Sauzay, II, 99. Letlre du depute Vernerey au direcloire du Doubs : « Le directoire du departement-peul toujours user de la plus grandc scveiitii « centre les suditieux, et, a part Tarticle de leur pension, suivre la mar-« che qui etait tracee dans le decret. Si le pouvoir executif voulait entra-€ ver les operations du directoire,... celui-ci aurait son recours a I'Assem-« bl^e nationale, qui, selon toutes les probabilites, le mettrait a I'abri « des attaques minisleriellcs. r, — Monitcur XII, 202, seance du 23 avril. Rapport do Roland, ministre de I'interieur. Deji a cetle date, 42 dcparlcmcnts ont expulse ou interne les insermentcs.

188 LA REVOLUTION.

« pares dc I'atlache royale* «. En pleine stance, on les malmfene, on les rudoie, on les couvrc d'avanies non seu-lemcnl comme des laquais mal fames, mais encore comme' dcs malfaileurs averes. On les inlcrroge a la barre on leur defend de quiller Paris avant d'avoir rendu Icurs comples, on visile Icurs papiers, on leur impute a crime les expressions les plus mesurees et les aclcs les plus meritoires, on provoque contre eux les denoncialions, on r6volLe conlre eux leurs subordonnes^ on inslituc conlre eux un comite de surveillance et de calomnie on leur monlre a lout propos I'echafaud en perspective on les do crcle ou on les menace daccusalion, eux el leurs agents sous des pr6texles si vagues, avec des argulics si n^isera-bles% par unc falsification si visible des fails el des lextes

L Mercure de France, n" du 25 fevrier. 2. Moniieur, X, 4'i0, seance du 22 novembrc 179L On lil une lellre do

U. SouUion, direclcur dcs monnaies i Pan, a se plaignant, comme d"un . ordre arbitraire, d'un ordre du minislre de I'inlerieur, de sc rendre a . Pau pour Ic 25 dc ce mois, sous peine dc dcslilulion. » — isnapj nppuie la plainle. a M. Soulhon, dil-il, sc Irouve ici pour travailler a unc « denonciation bien dclaillcc conlre le minislre dc I'inlerieur. (Les Iribune^^

• applaudisscnt.) Si I'on rcnvoic dans leurs dcparlemenls les citovc . assez zdles pour faire la guerre aux abus, nous n'aurons jamais d^ . denoncialions. (Les applaudisscmcnis rccommencent.) » — /6 x -n.^ seance du 29 novcmbre. Discours d'Isnard : « Disons a nos minislres . nous ne sommes pas Ires salisfails dc la conduilc de chacun d'eux IT . applaudit h piusicurs reprises), que dcsormais ils n'ont/.ciroisir''(iu'c i " • la reconnaissance publiquc el la vengeance dcs lois, el que par Ic " '* « responsabilUc nous cnlcndons la mort. (Les applaudissemen'ts re ™° r.ienccnL; » — L'Assemblcc ordonnc I'impression el renvoi au\ t\or^ T~ mcnls. - Cf. XII, 73,138, etc. ' "'^P^rle-

3. lb., XI, 603, seance du 10 mars. Discours de Brissol pour faire I'. • d'accusalion M. Delessart, minislre dcs affaires elrangercs. M. Dgi ^^^^^^^ un . perfide », car il a ecril dans une depcciie que « ij con^tr' ^-' ' * ' • devenue, pour la grande majorile de la nation, une espec V "*^^' • qu'eileaembrassecaveccnlliousiasmc. » 13rissol denonce ^ "^''o'*^"' sions comme insuffisantes el anlipalrioliques. — /6. vji ^ * ^ cxprcs-20 mai Discours dc Guadel: « Le jugc de paix Larivj^ro . / ' Seance du •m6me de la plus basse el de la plus alroce de loutes 1 ^^^^ '^^'i^'aiucu lui-« voulu usurper le pou.'oir rcmis par la consliluiinn ''^ P ' sions, d'avoir

'"• ' mains de I'Assem-

LA PREMIERE ETAPE DE LA COXQUfiTE. 189

qu'Adeux reprises rAsscmblce, contraintepar rcvidence, revicnt siir son jugcmcnt pr6cipil6 el declare innocents ceux qu'elle avail condamnes la veille*. Rien ne leur scrt, rii leur slriclc observation de la loi, ni leur soumission aux coniit6s de I'Assemblee, ni leur iiumble altitude de-vant I'Assemblee elle-m(5me, « ils ne songent plus qu'a '« lui fairc des compliments et k 6viter les galfercs-. » Mais cela ne sufflL pas: il faut encore qu'ils soient jacobins; sinon, la baute cour d'Orleans sera pour eux, commepour M. Delcssart, rantichamibre du bagnc et de la guillotine. « L'6pouvantc el la lerrcur», dilYergniaud en monlranldu doigl les Tuileries, « sent souvenl sorties, dans les temps « antiques ct au nom du despotisme, de ce palais famcux: « qu'ellcs y rentrenl aujourd'hui au nom de la loi^! »

M6me avec un ministfere jacobin, elles y sent en per­manence. Non seulement Roland, Claviercs et Servan ne couvrent pas le roi, mais ils le livrent, et, sous leur patronage, il est, avec leur connivence, plus sacrifie, ])his barcel6, plus vilipendc qu'auparavant. Dans I'As­semblee, leurs partisans le diffamenl k lour de r61e, et Isnard propose con Ire lui I'adresse la plus grossi^rement insolenlo*. Devanl son palais, ce sonl des oris de mort; c'esl un abb6 ou un mililairc qu'on roue de coups elqu'on Iraine dans le bassin des Tuileries; c'esl un canonnier de la garde qui aposlroplie la reine comme une poissardc

« blee nalionalc. • — Jc ne crois pas que Laubardomont lui-m6mc ail rien compose d'cgal a ces deux discours. — Cf. Ml, 4G2, seance du 23 mai. Discours de Urissot et de Gensonne, sur le comilo aulricliicn : la /iiiblesse el le ridicule de leur argumentation sent incioyables.

1. Affaires du minisire Dui ort-Dutcilrc el de I'ambassadeur de Viennc, Jl. de Noaiiles.

2. Mercure de France, n°du 10 Diars 1792. 3. Momleur, XI, 607, seance du 10 mars. k. Monilcur, XII, 396, seance du 15 mai. Ccltc adresse d'lsnard est le

canevas de la celL-bre lellrede Roland. — i^l,passim, les seances de I'Assem-blce pcndanl lo minisl6re girondin, notamment cellos des 19 el 20 mai, du 5 juin, etc.

•190 LA REVOLUTION,

et lui dil : « Que j 'anrais de plaisir i melire ta Icle au « bout de mabaionneUe*!» — Sous ccUe double prcssion duCorps legislalif et dela rue, on suppose qu'il est mate; on comple sur sa docilit6 6prouvce, h. tout le moins sur son inerlie foncifere; on croit avoir fait de lui cc que Condorcel deniandait jadis, une machine i signatures % En cons6qucnce, sans I'avertir et comme si le trone 6tait vacant, Servan vient, de son propre chef, proposer i I'As-semblde le camp sous Paris. De son c6t6, Roland, en plein conseil, lui lit une remontrance de p6dagogue hautain, scrule ses sentiments, lui enseigne ses devoirs, le somme de se convcrtir « i la religion » nouvelle, de sanctionner le d6cret centre Ics ecclesiasliqucs insermentes, c'est-i-dire de condamncr i la mendicit6, i la prison, 6, la dcpor-lation 70 000 prclres et religieuses coupables d'orthodoxie d'auloriser le camp sous Paris, c'est-i-dire de metlre son trone, sa personne et sa famille i la discretion de 20 000 furieux choisis par les clubs et assembles expr^s pour lui faire violence ', bref d'abdiquer i la fois sa conscience et son bon sens. — Chose strange, cclle fois le soliveau royal ne se laisse pas 6branler : non sculement il refuse, mais il renvoie ses ministres. Tant pis pour lui; il signera et les reprendra, coiite que coute; puisqu'il s'obsline a Tes­ter en Iravers de la voie, on lui marchera dessus. — Cc n'est pas qu'il soit dangereux et songe i sortir de son immobililc 16gale. Jusqu'au 10 aoul, par hci'reii'r'dc Tac­tion et pour ne pas allumer la guerre civile, il reietteri

L Dtimouricz, Mdmoires, livre III, cli. vi. 2. Letlvc d'lui jeune mecanicien, proposaiit de fabriquer un roi

tulionnel, lcf|nel, « au moyen d'un rcssort, preiidrait des mains du •• • i ' ' « de l'Asseinl)loe la lisle des ministres que dcsignerait la majoril'> ^*'.

3. Monileur, XI 426, seance du 19 mai. Discours dp i . * " H'Ol). • pourrait-on pas disposer les choses de mani6re qu'une for " " « deraljle, assez voisine de la capilale, piH y contenir dan l'' ^^^^^' °"si-» lerreur les factieiix, les intrigants, leslrailres, qui ii-^j 'naclion et la ' projets perfides coincidants aux nianccuvres des omm • ^^ * " ^^'" '^^^

"""cmis du dehors?.

LA PREMIERE ETAPE DE LA CONQUJ^TE. 191

tous les plans qui pourraieiit ameneriinc rupture ouverte. Jusqu'au dernier jour, il s'en rcmellra, menic pour son salul propre el pour la silrele de sa famillc, i la loi cons-lllulionnelle ct A la raison publique. AvanL do renvoyer Servan el Roland, il a voulu donner un gage eclalant de ses inlenlions pacifiques, il a sanctionne la,dissolution de sa garde, il s'cst d6sarmc, non seulcmenl pour Talta-que, mais pour la defense : dorenavant il attend chez lui I'emeute dont chaque jour on le menace; il est resigne h tout, sauf 4 tirer I'ep^e, et son attiUide est celle d'un Chretien dans le cirque *. — Mais la proposilion d'un camp sous Paris a souleve une proteslalion de 8000 gardes nalionaux parisiens; de son camp, Lafayette denonce a TAssemblee les usurpations du parti jacobin; la faction voit son regne menace par le rdveil et I'union des amis de I'ordre. II lui fautun coup de main : dcpuis un mois, elle le prepare, et, pour refaire les journecs des 5 ct 6 oc-tobre, les maleriaux ne lui manquent pas.

II

Paris a toujours sa population interlope et floltante, cent mille indigents, parmi eux un tiers de nomades arri­ves des dcparlements, « mendiants de race » -, ceux que

1. Mallcl-Dupan, McmoiVcs, I, 303. Lclli-e do Malouct, 29jiiin: r Le roi « csl calme, resigne i tout; il dcrivait, le 19, ti son confcsscur : « Vencz, mon-« siciir; je n'eus jamais aulanl besoin de vos consolations; j'ai lini avec les « honinics, c'esl vers Ic ciel que se portent mcs regards. On annonce pour « deniain de grands niallieurs: j'aurai du courage." — Lcllrcs de Cordi au Pi'oiopsallc deSmyrjie (Iraduites par M. de Queux de Sainl-Hilairc,p. 145), 1" mai; « La cour est i chaque instant dans un grand peril. iSe vous eton-« nez done pas, si je vous ecris quelquc jour pour vous apprendre I'assassinat . de ce malheurcux roi et de sa feninic. «

2. Rclif de la Cretonne, Niifls de Paris, tome XVI (anahsc par Lacroix Jans sa BibUographie de Rclif dc la Drclonnc).— Rclif est I'liommc de Paris qui a ic plus vecu dans la rue ct le plus frequcntc le petit pcuplo.

192 LA REVOLUTION.

deji, le 13 juillet 1789, Retif de la Bretonne voyait passer devant sa porte, rue de Bievre, pour aller rejoindre leurs pareils du faubourg Saint-A-nloine, avec cux «les horribles « tireurs de bois flotte », debardeurs et conducleurs de trains, nourris dans les for^ts de la Ni^vre et de I'Yonne, • vrais sauvages habitu6s a manier le croc et la hache, h qui I'occasion suggfere des propos de cannibales ^ ef qu'on retrouvera aux premiers rangs dans les journees de septembrc; a c6l6 d'eux, leurs femmes, « les femmcs « de bateaux, qui, aigrics par la peine, ne voient, comme «1'animal, que le lieu et I'instant present«, et, Irois mois auparavant, ont pille les boutiques dcs 6piciers -. Cela fait « une tourbe redoutable qui semble dire, lorsqu'ellc « s'ebranle: c'est aujourd'hui le dernier jour des riches « et des aises; demain sera notre tour, demain nous cou-« cherons sur I'edredon ». — Plus inqui6tante est encore I'attitude des vrais ouvriers, surlout dans les faubourgs. Gar d'abord, si ie pain est moins cher qu'au 5 octobre, la misfere est plus grande. Les industries de luxe choment depuis trois ans, et I'artisan sans ouvrage a mang6 scs petites 6pargnes. Depuis la mine de Saint-Domingii^e et le pillage des 6piceries, les denr6es coloniales sont\ors de prix: le menuisier, le macon, Ic serrurier, le fort de la halle, n'ont plus leur cafe au lait le matin', et, chaque

1. Archives nationalcs, F ' , 3276. Lellre dudirecloiredeClamecy 27n\ar et proces-verbal des conimissaires civils, 31 mars 1792 sur romeuto de' floUeurs. Tracu, leur capilaine, arme d'line trique longue de 10 ui^d^ forgait les gens paisibles a marcher avec lui, sous peine d'(5lre assomme'!' et voulail la li>le de Peynicr, commis general des marchands do bois dp Paris. « J'aurai, disail-il, une bonne soupe ce soir; car la tdte do ce b ' 1 « Peynicr est bien grasse, et je la f... dans ma marraile. »

2. Let ires de Cova'i, p. 126'•« Ce pillage a dure trois jours, les 2'> 2" f 9' Janvier 1792, el nous attendons d'hcure en heure de scmbhVioc ~' ^ * ^, , -vi ""lai^ies emeutes et plus Icrribles encore » 3. Mercier {Tableau de Parfo) avail deja note, avanl laR'» ^ i r

abiludade I'ouvricr parisien, surlout parmi les metiers les ^ 1° i"' ^^^^'^

LA PREMIERE ETAPE DE LA GONQUETE. 193

malin, ils grondcnt en songcant que la recompense de leur palriolisme est iin surcroit de privations.

Mais surlout ils sont deveniis Jacobins el, dans leur cervelle oisive, aprfes Irente-deux mois de predications, Ic dogmc de la souverainele dii people a poiisse de profondes racines. «L'opinion des groiipes », ecrit iin commissairc de police, « est que la constitution est inulilc, cl que le « pcuple seul fait la loi. Les citoyens de Paris se croient « sur la place publique le peuple, populus, ce que nous cc appelons universalite des citoyens*. « — Ne leur diles pas qu'ci c6te de Paris il y a la France : Danton leur a monlre que la capitate « se compose de citoyens qui « apparliennent en quelque sorle aux 83 departemcnts, « c|u'elleest plus aport6e qu'aucune autre d'apprccier la « conduite des ministres, qu'elle estlaprcmi6re senlinelle « de lanation'»; et les voili sCirs de leur droit. — Ne leur dites pas qu'il y a des aulorit6s competentes et mieux inform6es qu'cux: Robespierre leur assure « qu'cn matifere c< de genie et de civisme le peuple est infaillible, tandis « que tout autre que lui est sujet i de grandes erreurs' »; et les voilc\ sCirs de leur capacite. — A leurs propresyeux, ils sont les representants legitimes et competents de la France, et, depuis Irois ans, Ic theme unique que leur rcpetent a I'envi leurs courtisans de la presse, du club et de la tribune est le mot du due de Yilleroi k Louis XV enfant : « Yoyez, monmaitre, voyez ce grand royaumc. Eh « bien, tout cela est i\ vous, tout cola vous apparlient; « vous etes le maitre. « — Sans doute, pour avaler et digerer une contre-verite si grossiere, il faut des demi-

1. aiorlimer-Tei-naux, I, 346. Leltre du 21 juin 1792. 2. Cuclicz et Uoux, VIII,, 23, seance de I'Assemblee nalionalc du 10 no-

vcmbro 1790. Pclition presentee par Danlon, au nom des 48 sections do Paris.

2. lb., XIV, 268 (mai 1792). Article dc Robespierre contre la fete decrdtee en I'honncur de Simonncau, mairc d'Etampcs assassine dans une t^mcule. a Simonaeau fut conpable avant d'etre victimc. »

LA REVOLUTION. . 1 1 - ^ 13

LA PREMIERE ETAPE DE LA'CONQUETE. 195

(ion, qui inclincnt nalurcllcmcnt du cole Je I'dmeule: en lout, sans complcr raccompaguement ordinaire des va­gabonds el des simples bandits, environ 9000 homines, ignoranls, cxalles, mais tons gens d'cxuculion, bien armcs, formes en corps, prels u marcher, prompts a frappcr. A cote des aulorites qui parlcnt, voila la veritable force; car ellc agit, ct il n'y a qu'ellc qui agisse. Comme jadis a Rome la garde prctorienne des Cesars, comnic jadis a Bagdad la garde turque des califcs, ellc est desormais mailresse de la capilale, ct, par la capitate, de I'Etat.

Ill

Telle troupe, lels chefs; h un taurcau il faut des bou-viers pour conducleurs, supeneurs A, lui d'un dcgre, mais d'un degre seulement, ayanl le costume, la voix ct les. fucons de I'emploi, exempts de repugnances et de scrupules, nalurellemcnt durs on volonlairemcnt en-durcis, ferliles en ruses de maquignon et en expedients d'aballoir, eux-mOmes du pcuple ou fcignant d'en elre : Santerre, un brasseur du laubourg Saint-Antoine, com­mandant du bataillon des Enfanls-Trouves, grand ct gros homme de parade, a voix deSlenlor, qui, dans la rue, donnc des poigneos de main h tout vcnant, et, chez lui, avec Targent du due d'0rI6ans, pave a boire ;\ lout le mondci; Lcgendre, un boucher col6rique, qui jusquo dans la Convention gardera ses gesles d'assommeur; deux on Irois etrangcrs et avenluriers, bons pour les be-sognes meurlri6rcs el qui sc servent du sabre ou de la baionuctte, sans crier gare. — Le premier cstun Italien,

1. Morlimer-Tcrnaux, I, 389. Santerre declare que la biero fabriqiice clicz lui en 1789, 1790 et 1791 ii'a pas etc vendue, mais donnec an pouple: cu conscciuciico, il sc fuit donner quillance dc 49603 francs que ku rocla-niaieat les liquidateurs do 'la forme gcmiralc nour droits non pav6s sur cetlo t»iere,

194 LA REVOLUTION.

fous ou dcs dcmi-brules; mais ce sont justcmcnt ccnx-li que leiir capacile d'illusion delache dii Iroiipeau raison-nable ou incrle, et assemble en une baiide doiit I'ascen-dant est irresistible. Seuls convaincus que I'atlroupement dans la rue est souverain au meme tilre que la nation ilans ses cornices, ils sont les sculs qui s'attroupcnL dans la rue, etils ,se trouvent rois, parce que, a force dc derai-son et d'outrecuidance, ils ont pu croirc a leur royaule.

Tel est Ic nouveau pouvoir (jui, dans les premiers mois dc 1792, surgit a. cote dcs pouvoirs legaux. Laconstitu-

~Uon no I'a pas pr6vu-, mais il existc, it se montrc, on le voit, on peut compter scs rccrues. Le 29 avril, du conscn-lement dc I'Assemblec et contrairement a la loi, les 3 bataillons du Taubourg Sainl-Anloine, environ 1500 honimes % d6tilent dans la salle sur Irois colonnes, donl I'une de fusiliers et les deux autres d'liommcs a piques, « piques de 8 a 10 picds, « d'aspect formidable et de lout'e espece, «piques i feuillesdelaurier, piques a trefle, piques « ii carrelet, piques a brocho, piques d cffiur, piques a « langue dc serpent, piques a fourchon, piques i stylet, « piques avec hache d'armes, piques ii ergots, piques i « cornes tranchantes, piques a lance berissees d'epines « de fer. » De I'autre cote dc la Seine, les 3 bataillons du faubourg Saint-Marcel sont composes et amies dc meme. Gela fait un noyau de 3000 combattants, e] il y on a peut-6tre 3000 autres pareils dans les autres quarticrs de Paris. Ajoutcz-y, dans chacun des 60 bataillons dc la garde nationale, les cauonniers, presque tons foro-c-rons, serruriers, marechaux-ferrants, et la majoritc de: gendarmes, anciens soldats licencies pour insubordinn-

\. Moniteur,XU^To't. — \)'a\ivcs\\\lmci.nach royal (}Q-[-it).2 | „„ nalc dc I'aris compreiul 32 000 honimcs, diviscs en GO balaiVl ' " ' 'Wtio-il faiil ajoutcr Ics bataillons dc piqiiicrs spontanemcnt OI'TT ' '•' ' '' '' ^I'" '-' scs sin-loul de cUoycns non aclifs. — Cf. dans les UC^QT "' " ^ ^^ coinpo-journal de Paidhonime, les eslampesqui vcpre^pnfonr'' " ' ' ° ' ' ^ 'e Paris,

". ^^^ ^^^ sortcs dc defiles.

196 L^ REVOLUTION.

mailre d'anglais, Rotondo, emeulier dc profession, qui, convaincu de meurtrcet de vol, finira en Pi6monLpar la po-Icncc— Le second est un Polonais, Lazowski, ancien 616-gant, joli fat, qui, avecune facilite slave, est devcnu leplus d6braill6 des sans-culottes : jadis pourvu d'une sin6carc. puis jct6 brusquemcnt sur lepave, il a crie dans les clubs conlre ses protecteurs qu'il voyait a bas ; on I'a elu capi-laine des canonniers du bataillon Saint-Marcel, et il sera r u n des 6gorgeurs de seplembre; mais son leniperament de salon n'est pas assez fort pour son r61c de carrefour, ct il mourra au bout d'un an, brule de fi6vrc et d'cau-dc-vie. — Le Iroisieme est un autre tucur en chef dc sep­lembre, Fournier, dit I'Americain, ancien planlcur, qui, de Saint-Domingue, a rapporte le mepris de la vie humaine : « avec saface livide et sinislrc, ses mouslaclies, sa triple « ceinture de pislolets, son langage grossier, ses jurons, c< il a tout Fair d'un pirate ^ ». A c6l6 d'eux on rencontre un petit avocatbossu, Cuirette-Yerriferes, parleur inlaris-sable, qui, le 6 octobre 1789, paradait sur un "-rand cheval blanc, et, depuis, a plaid6 pour Marat : i\ ces dcuv litres, sa figure de fantoche est rest6e dans I'imao-inilin populaire ; d'ailleursles rudes gaillards qui s'assemhl de nuit chez Santerre ont bcsoin d'un honime de nl et probablement il fournit le style. — Le conciliabuT' comprend des affides plus suballcrnes encore: « BW • ^ « marchand de vin, Nicolas, sapeur au batail lon'd^' «Enfants-Trouves, Conor, se disant vainqueur dc Ian ^^ «.tilleS » Rossignol, ancien soldat, puis compagntn

I 1. Mmc Roland, Mcmoires, II, 38. •2, Biichez etRoux, XV, 122. DeclarationdeLarcynie, soldat v

l.nlaillon dc I'llc-Saint-Louis. — Aux affides qu'il nonime j ' ' ° "' ' "" ^^ I-arcG qiKil fiit charge, le20juin, dc lire la petition des 6m ?-"°""^"^"'">

iiut^c, -parce qu'il conduisait I'atlroupcuient avec Sanio" ^^' et Saint-

pnol, voy. \)^xihm,laDcmaoogie dParis, 369,(d'aDiisiJ?; ~~ ^"'" ' ossi-scnis.de Mercier.du Rocher). II arrive a Fonlcnav L 91 "°"'^^"ianu-reprcsenlan.t Rourbolte, le commissaire general ^01110, ' ^ ^'^^' ''"' '«

"'"' '''^'s adjudanls.

LA PREMIERE KTAPE DE LA COXQUllTi:. . 1S7

orfbvre, qui , aprcs avoir preside aux massacres de la Force, general improvise, promenera dans la Vendee son^

. incapacite, sa crapule et son brigandage : « d'auLres « encore, « sansdoule Iluguenin, ex-avocaL mine, ensuilc carabinier, puis dcscrleur, puis commis aux barrieres, mainlcnanL porlc-parolo du faubourg Suinl-Anloine, ct finalcment president de la Commune de scptembrc; sans doule aussi le grand aboyeur du Palais-Royal, Saint-IIu-ruge, surnommele Pere Adam, un marquis lomb6 dans Ic ruisscau, qui boil avec les crocheleurs, s'babille en por-lefaix, el, maniant un enorme gourdin, Irainc laracaille a ses lalons *. — Yoila tous les meneurs ; les Jacobins de la municipalile et dc I'Assemblee ne prt^lent a Tcnlrc-prise que leurs encouragements et leur connivence-; il vaut mieux que I'emcute semble spojilanee; par pru­dence ou pudeur, les Girondins, Pelion, Manuel, Danlon lui-meme, rcstent dans I'ombre; ils n 'ontpasbesoin d'cn sorlir. — Si voisius du peuple et si meles a la foule, les

Moulins, llasard, ex-prClre, rex-comedien Graramont, clplusieurs lilies. « La « plus jolic paiiageaiL sa couchc enlre Bourbolle et Rossignol.» On Icslogca dans 111! hulcl oil les scellcs avaient etc poses. « Les seelles fiircnl briscs, a el les bijoux, robes, vajuslcmenls de fcmme, furcnl confisqucs au pvofil dvi « g6nL'ral cl de son corlcge. II n'y cut pas jusqu'i des porcelaincs qui no « devinssciil la prole de ces piUards, qui se disaient rcpublicains. »

1. Mallion dc la Varonnc, Ilialovrc parliculicre dcs evcnc7ncnls qui out eu lieu cnjuin, juillct, aoui cl seplcmbrc 1793, p. 23. (II a connu person-nellcmenl Sainl-Uurugc.) Sainl-llurnge avail cpouse, cnl778, i Lyon, une coniediounc; dc retour ii Tans, il appril par la police que sa-feinnie otail unc simple drolcssc, cl la Iraila en consequence. Cellc-ci, furieusc, cUidia le pas--e de Sainl-llurugc, y decouvril deux accusations, Tunc de vol cl d'assas-sinal .sur un marchand forain, Taulre d"infanticide, eloblinl contrc lui une lellrc de cachet. 11 ful cnfcrme a Charenton, du 14 Janvier 1781 au 7 dc-ccnibrc \l¥A, puis Iransferc dans une autre prison,puis exile dans ses doniai-ues, d'oii il s'cnfuil en Anglclerre. II revint en France an moment dc la U(5volulion.

2. Sur la connivence, cf.Morlinicr-Ternaux, I. 132 cl passes suivantes. — Mallcl-Dnpan, M,hnoh'c.^, I, 300. Lcllre dc rabbc da Pradt, 21 ,juiu.l792. . On annon^ait I'cmculc dopuis plusieurs jours... La vciile, cent ciuquauto . dopulcs, aulanl do Jacobins, avaient dine i Icurgrand convert aux Cbamiis-. Elysccs, ct fail dcs largesses en vins ct vivrcs. »

198 LA REVOLUTION.

aulres sont plus capables dc forger pour I tur Iroupc le roman qui lui convient : c'est iin roman adaple aux limilcs, i la forme et a I'cbranlcment de son inlclli'-ronce nil roman noir ct simple comme il en faut pour les en-' fants, ou plulot un melodrame de ilicatre forain, avcc Ics* bons d'un cole, les mechanls de I'aulrc, au centre un' ogre, un lyran, quelque traitre infame qui ne pent man-quer h la fin d'etre demasqu6 et puni suivant scs nic-rites, le tout en tirades ronflantes, et, pour finale un refrain chantc en chceur. Dans un cervcau brut d'ou-vrier surexcite, la politique ne pent entrer qu'a I'clal d'images rudement d6coup6es et coloriees, comme en fournissent la Marseillnise,- la Carmagnole et le Ca ira. On fabrique a son usage la 16gende requise; sous cc vcrre grossissant et deform6, la plus debonnaire figure lui apparait avec u n . aspect diabolique. On lui represcnte Louis XVI cc comme un monstre qui emploie son pouvoir

•« et S'>?i.Iresors ti s'opposer a la regeneration des Fran­ce cais. Nouveau Cliarles IX, il Ycut porter a la France la « desolation et la mort. Ya, cruel, tes forfaits auront un «terme! Damiens fut moins coupable que toi. H f^j «pvni dcs plus horribles tortures pour avoir voulu « dclivrer la France d'un monstre. Et toi, dont I'attentat « est vmgt-cinq millions de fois plus grand, on te laisse «r impuni l6M.. . Foulons aux pieds ce simulacro de

h Monileirr, Xll, G42, seance du Ujuin 1792. Recit de M. Delfauv dennle Le suppi.ce de Damiens avail en pour spcctateurs des Parisiens cncom

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" 'es elats-majors, I'autrc conlre les prOtres, I'autre

1 LA PRKMIKRI-: ETAPE DE LA CONQD'ETE. 199

« royaule! Trcmblcz, lyrans, il est encore parmi nous des « Sccvola! » — ToLil ccla csl debile, dcclame ou plulut

xrie, publiquemenl, en plcin jour, devanlles fenelres du roi, par desharangueurs monies surdes chaises, et du co-mile inslalle cliez Santerre partenl, chaquejour, des pro­vocations scmblablcs, lanlut des placards qu'on afilche dans les faubourgs, lanlot des pelilioiis qu'on colporle dans les sections et dans les clubs, lanl6t des molions que Ton agile « dans les groupes des Tuilcries, du Palais-« Royal, dc la place de Greve et surtoul dc la place de la « Bastille ». Des le 2 j u in , les mcneurs ont etabli dans reglisc des Enfanls-Trouves iin nouveau club, pour avoir lour officine sp6ciale ct travailler sur place^. Commeles demagogues de Platon, ils savent leur metier, ils ont decouvert a quels cris trcssaille F.animal populairc, par quels ombrages on reffaroiiciie, par quel appat. on I'al-tire,' dans quel chemin il faut I'engager : une ibis attire et engage, il marcliera en aveugle, emporte par son 61an involonlaire, et il ecrasera dc sa masse tout ce qu'il reii-contrcra sous ses picds.

IV

L'appat est bien cboisi et bien prcsente: il s ' ag i fde celebrer I'anniversaire du sermcnt du Jcu de Paumc. On

contre Ics juges, le depaiiemcnt, les. minislres et siirloiit contro Ic roi. " II en est, et nous en convcnons sans peine avcc le sieur Deifaux, qui » passent la mesure, et conseillent le meurlre, du gestc, des ycux ct dc la o voix. n

1. Mortiiner-Ternanx I, 133. —]\Ierae calcul et mcnic laboraloire an fau­bourg Saint-Marcel. Happort de Saint-Prix, commandantdu balaillon du Vai-de-Grace : <. Les esprils claient paisibles jusqu'a rouvcrlurc d'nn cbib a la " porte Saint-Marcel; maintenant ils sont tons excites et divises. Ce club, qui u est entr(5 en correspondance avcc SanlcrrCj engage les ciloyens a so o porter dcmain (20 juin) en arnios a rAssciublee nalionale cl chez le roi, « malgi'c les arr6tes des aulorites constituecs. »

200 LA REVOLUTION.

plantera un arbrc dc la Liberie sur la lerrasse ties Fcuil-lanls, ct Von presenlcra a I'Assemblee, puis au roi, « tics « p6Ulions relatives aux circonstaiiccs ; « par prccaulioii et pouronimposcravix malinlcniionnes, Ics peliLionnaircs au ron l l eu r sa rmos ' . — Une procession populairc est at-Irayanle, el tantd'ouvricrs nesavcntqucfairc dc leur jour-nee vide! Dc plus, il est agreable dc figurer dans un opera pa(riolic£ue,ctbcaucoup, surtout Ics fcmmcs ct Ics cnfanls, desirent voir M. el Mme Ycto. On a invite Ics campagnards de la banlicue^; les rodcurs ct les va-nu-picds des terrains vagues sc mctlront ccrlainemcnt de la partic, ct Ton pent compter sur Ics badauds si nombreux a Paris, sur Ics fla­neurs qui s'ajoutent i tout spectacle, sur les curicux qui, de nos jours encore, s'altroupent par centaines le long des ciualspour suivredes ycux un clucn tombe dans la Seine. Tout ccla fera un corps qui, sans y penser, suivra sa tele. A cinq hcures du matin, Ic 20 juin, dans Ics faubourgs Saint-Auloinc ct Saint-MarccI, des rassemblcmenls sent deja formes, gardes nationaux, piquiers, canonniers avcc Icurs canons, gens amies de sabres ou de batons, enfants et fcmmes. —A la verite, une afnclie qui vient d'etre pos6e sur Ics murs interdit le rassemblement, el des officicrs municipaux en ecbarpc viennenl sommer ou supplier la foulc dc nc pas violcr la loi \ Mais, dans un ccrveau popu-

1. Moiiimer-Ternaiix, I, 136. Ce programme est prescnle d'abord'au cori-seil general do la commune par Lazowski elneuf aulrcs(16 juin). Le conscil general le rcjelle en allegnant la loi, « Les pelilionnairesj en apprenaat « cetle decision, declarant liaulcment qu'elle ne les cnipechcra pas de s'as-« semljler en amies.»(Duchez el Rous, XV, UO, proces-verbal de M. liorie.) — La hibliograpliie dcsdociimcnls relatifs aii20 juin est donnee par Morlimcr-Teruaux, I. 'iTi el suivanles. Les documenls principaux se Irouveal dans Mortmier-Ternaii.Y, dans Vllislolve parlemcnlairc de Duchez et Roiix, dans la Revue retrospective.

2. Con-espondancc da Mlrabcau et de M. da la March, III 319 Lellre du conile de Monlmorin, 21 juin 1792. « Les bandits dc Paris'nc suffi ant « pas, on a mvite coux des villages voisias. »

(Htemxfdfnfnr f '^M' ' ' ' ," '™' ' 'P '" '^ ' ' ' ' ' "( ' '' "'"^^ clu matin), Sergcnl ^ ' orncs du maun), Moucl>et, Guiard el Thomas (0 heurcs du malin).

• LA PREMIERE KTAPE DE LA CONQUfiXE. 201.

laire, Ics idecs sonl aussi Icnaccs que coiirles. On a comple sur line procession civiquc, on s'csl leve malin pour la faire; les canons sont alleles, Ic Mai charge sur une voi-ture; tout est prepare pour la cerembnie ; on s'esL donne conge, on ne vcut pas renlrer cliez soi. D'ailleurs on n'a que dc bonnes intentions; on sail la loi aussi bien que les municipaux; on nc s'est « anne que pour la faire res-« peeler ct observer ». Enfin d'aulres petilionnaires amies ont deja defile devant I'Asscmblee nalionale ; on les vaut bien, et, « la loi etant egalc pour tons », puisqu'ils ont ele admis, on sera admis. En tout cas, on demandera per­mission a I'Asscniblee; on y va expres pour ccla. Dernier argument et le plus beau dc tons, pourprouver aux muni­cipaux qu'on ne veut pas faire d'6nieule, on les p.rie de marcher avec I'enieulc.

Ccpendant l e sheurcs s'ecoulent, et, dans unc foule aigric par ratlenlc, ce sont toujours les plus impatienls, les plus rudcs, les plus cnclins aux voles dc fait, qui mfencntlesaulres.—Auquartier general duYal-dc-Gn\ccS les hommcs i piques sc jcitent sur les canons et les entrainent; les gardes nationaiix laissent faire; les chefs, Saint-Prix et Leclerc, menaces de mort, n'ont plus qn'a suivre en prolcstant. — Meme spectacle dans la section de Monlreuil ; la resistance de qualre commandants de ba-taillon sur six n'a servi qu'a remeltre rautorit6plcnierc ii I'instigateur dc remcutc, ct desormais Santerrc est le seul chef de rallroupemcnt. —Vers onzc heures cl dcmie, il sort de sa brasserie, et, suivi dcs canons, du drapcau, du char qui porte le peuplier, il se met en tfite du cor­tege, qui est de « quinze cents personnes» a pen pres, « en

' 1. Rapport dc Saint-Prix, commandant du bataillon du Yal-de-Grace (dix iieurcs du matin). — Rapport d'AIoxandrCj conunandant du balaillon Sainl-.Marccl : c n s'en faut dc bcaucoupcpie lout le balaillon ail marchc. « — I'roccs-vcrbul dc la section de Monlreuil. Bonueau, comniaiulantj ne so decide a marcher qu'en prolcslant el pour evller reffuaion du iMv.

202 I,A REVOLUTION.

c. compvcnant les curioux ' »; mais la Iroupo dans sa marche.gi-ossil commeuiic Ijoiile dc ncigo.cl en -imvinl dcvant rAssomblec nalioiialo, il a dcrriurc lu'i sent a hml mille pcrsonncs'. - S„r la molion de Guadel el dc \crgniaud, les [iclilionnaires sonl iiilroduiU : dans une adressc cmphalif|ne cl menacanic, le„r oralenr li,,.,,,. nin, denonce les ininislres, le roi, les accuses d'Orleans les dupulOs de la droile, demande « du sang.., cl annonro cine le pcuple .,debonb. estprCl a sc laire i n s i i ^ ' T f snilc, an brnit des lambonrs el an son de' la ,„„s'icn',e' pendant plus d nne hcure, sons I'tcil de Sanlc'-ro e " ^ bamt-Hurnge, la mnllUude denie a Iravors la salle • c et la passenl qnelqucs pelolons de gardes nallonaux con fondus dans la col.ne el per.lns dans .. la lo.el a„dn" .. anle dcs pKjues „; lent le ,-esle esl pnre populac ' ..figures iHdeusesS » dU i,n depule, oi, la mhere o,'

ineonduUe cut laissc leurs sligniales, de.n.cnille

eonleaux ajusl.es su. ' : ^ ; ; ' ^ , ! ' ; - ' - ' ^ . 'I ' lames de niancliee au bout d'uno '' ' , '""'^ "'ic scie eni-

Lorn-.. " ' ^ " ^ ^ ^°'^'«^ ^o ' - la i re du Lal.illon do I'He-Saint

2. Depo.ilion dc M. Wilingl.of, licutcnanl geaeral - ro> lilwabcau Cl dc M. dc la March. UiU-c dc A i Ar ''''°'"^«'^'^« ^<^ « A dcox liowres,. Ic ra.scnblonicnl ota do 8% io on " ' r - ? - '' j ' " ' " =

^-Moiulcuv Win n„. i ,, "'^^ ^ ^" 000 'nclividus. >, • ont t..a„s.i/ ^ :;; ;;:' n,^;: ^ ' T T ''''-' "' --- ! treinpcrlcn-s n,ains dan. s a „ ! 1 . ' ' ' """ '"^ ""''^^^^^^ '"dique la cualli.-. a . . ' , ^ conspiralciirs ! » etc. - Lc ' fvl.

" J ien celle do- i '^- " ' ^ P^"i''^ '^ vetil niiT i e( n c , '

LA PREMIERE lllTAPE DE LA COXQUETE. 203

dlssanl iin sabre*; an milieu de ce cortege, line vieille ciilolle siir line pique avec celle devise: Vivent les Sans-Culolles! el, sur une fourche, un cccur dc vcau avec cclle inscriplion: Ca^ur iVarislocralc : cmblomes significalil's, d'une gaiele sombre, cL lelsqu'uue imagination dc fripier ou de bouclier pcuL en trouver pour un carnaval politi­que .— EITcclivement, e'en est un; on a bu, beaucoup sont ivres-. Parader est trop pen, on veut aussi s'amuscr : en iravcrsaut la sallc, on cliantc Ic Ca.ira, on dansc par iulorvallcs. En memo temps, on fail acic de civismc, on eric Vivenl les palrioles! A has levclo! On fraternise en passant avec les bons deputes de la gauche; on lance dcs quolibots a ccux de la droitc, on leur montrc Ic poing : Icl, connu par sa grande taillc, est avcrti qu'a la pre­miere occasion on lui fera son affaire^ On elale ainsi devant rAsscmblec des collaboi-alcurs lout prcLs el i)rcls a tout, memo conlrc cllc. — Pourtant, sauf une grille du jardin cnlbncec par la prcssc ct une irruption dc la foule sur la terrassc des Feuillants, aucun actc dc violence n'a 61e commis :cxcepte dans les moments dc fureur, le pcuple parisien estplutot bavard ct badaud que feroce ; d'aillcurs, jusqu'ici, pcrsonne nc kii a resisle. II a tout

L Monileur, \\\, 718. 2. Clironiquc dcs cinquanlc jours, par Rootlcrcrj procureur-syndic du

departemenl. 3. Ilua, 134. — IJourricnne, Mcmoircs, I. 49. (11 elail, avec Doniiparle,

cheziin rcsUuiratetir, rue Saliil-llonore, pres du I'a!air:-Royal.) «Ensorlant, « nous vimcs arrivcr du cole dcs Hallos une U-ouj)c que IJonaparlc croyait " olre de 5 a GOOOliommcs, degucnillus cL burlcsqucnicnl arnics, vocileranl « el hurlanl les plus grossieres provocations cl sc dirigcanl du cole des

..« Tuileries. C'elaiL cerles ce que la population des faubourgs avail de i)lus « vll et de plus abject.— « Suivons cclte canaille »,niedit Bonaparte. »—(lis vonl sur la Icrrafese du bord de Feau.) — « Je peiudrais dinicilcnient Ic « sentiment de surprise el d'indignation que ccs scenes excitaienl eu lui. « II nc revenait pas de lanl dc faiblessc etde longauiniite... Ckccoglione! — V. s'ecriait-il asscz liaut. Comiuent a-l-on pulaissercntrcr celle canaille 1 II u fallait en balayer qualrc ou cinq cents avec du canon, el le resle courraiL «encore. »

204 LA REVOLUTION,

son soul dc parade et dc cris; plusicurs bdillenL d'cnnui et de lassitude^; il esL qualre heiires, voici deja dix ou douzc lieures d'horloge qu'ils sont sui" leurs jaiiibcs. J-c floL liumain, qui, au sorlir de rAsscmblce, csl venu sc devcrser sur Ic Carrousel, y resle stagnant, et somblc pret a rentrer dans ses canaux ordinaires. — Ce n'est point la le comple des meneurs. Santerre, arrivant avcc Sainl-Huruge, s'apercoil qu'il faut unederniercpoussee, et decisive; il eric a ses liommes : « Pourquoi n'etes-vous « pas enlrcs dans le chateau? 11 faut y entrer, nous ne u sommes desccndus ici que pour cela =. » « Le Carrousel u est force, crie un lieutenant des canonniers du Yal-de-tc Grace, il faut que le chateau le soit. Yoici la premiere fois K que les canonniers du Val-de-Gracc marchent : ce nc « sont pas des j . . . f.... AUons, c\ moi, canonniers, d ro i t s « I ' ennemi ' ! « — Cepcndant, de I'autre cute dc la porte, des officiers municipaux, choisis par Pelion parmi les plus revolutionnaires du Conseil, dissolvent la resis­tance par leurs harangues et leurs injohclions. ccApVes. >< tout, disait I'un d'eux, nomme Mouchet, •ledr6U.de:per « tition est sacre. » — « Ouvrez la portefcrieht.Sergenl u el Boucher-Rene, personne n'a le droit de la fernier • <c tout ciloyen a le droit d'cntrer''. » — Un canonnier leve la bascule, la porte s'ouvre; en un clin d'ceil la cour esl-remplie% la foule s'engouffre sous la voulc et dans lo grand escalicr avec un lei elan, qu'un canon du.Yal-do Grace, cnlcve a bras, arrive jusqu'a la ti'oisieme piece du

1. Chronique des chiquanlc jou)-Sj par Uocdcrcr. ^ . Beposilion de I rcynie. '^'

2. Deposition dc Lareynie, ' .". ' ' 3. Rapport do Saint-Prix. •. •. , ; "•"

4. Rapport dc Mouchet. — Deposition dc Lareynie. ( P ; i . . Sergent et Boucher-Rene est contcstee. mais nnntf i • ^^"'•'O" "< Rcederer.) ' ^ "^ ^''' P'-o^^^ le ^

0. M. Pinon, chef dc la o" legion, et M. Vannot con Ion, Youlaienl fcrmer la grille dc la voutc • il« L / "^"^'^^"l- ^l'"" balail-

sont repousses, ct on lour

LA PREMIERE ETAPE DE LA COXQUJ TE. 205

premier elagc. Les porles craqucnt sous les coups de hachc, cl, dans la grandc salle de rOEil-dc-Boeuf, la mul-liLiulc sc Irouve face i face avec le roi.

En parcillc circonslancc, les rcpresenLanls de Taulorile publique, direcloires, municipaliles, chefs mililaires ct. au 6 oclobre, Ic roi lui-meme, onl loujours cede jusqu' ici ;

;ils onL cede ou ils ont peri. Cerlain de Tissue, SanLerre prcfere nc pas y assisler: en homme prudent, il se re-sen'c, se derobe, sc laissc pousser dans la chambre du Conscil oil se sonL refugies la rcine, Ic petit dauphin et les fcmmes ' . Lti, avec sa grandc taillc, sa large cor­pulence, il leur scrt de plastron, il empechc les meurtres inulilcs et compromcttanls. Cependant, dans I'OEil-de-Boeuf, il laisse faire; sans doute, en son absence, on y fcra tout ce qu'il faut, et, selon loute ai^parence, il a cal-cule juste. —D'un cote, dans une embrasure de fcnelre, sur une banquette, est le roi, presquc seul, et, devant lui, pour loute defense, quatre ou cinq gardes nationaux ; •de I'aulr'e pote^ dans les appartements, une foule immense

.Vqiii-cVottd'heurc en heure i mesure quo Ic bruit de I'ir-

di l : » Pour sauver un homme, vous voulez en fairc peiir des millicrs. » — Ce mot significatif revicnl sans cesse clans la Rcvolulion, et explique le succL'S des cmeutcs.— « A quoi bon, » dit dans son rapport Alexandre, com­mandant du balaillon Saint-Marcel, « a quoi bon une riisislancc qui ne pent « 6trc d'aucuno utilile pour la cause publiquc, qui pcut menic la compro-o mctlro davantagc?... »

-Iv Deposition do Lareynie. — L'atliludc do Saiilcrrc y est Ires bicn '•.-marqiiee/'Daus ia^cour, au bas do I'cscalier, il est arrc'tu par un groupe

' 'de ciloycns- qui le meiiaccnt « dc le rendrc rcsponsable de tout cc qui - « arrivcra de malr., ct lui discnt : «Yous Ctes seul I'auteur de ce rassem-

« blemenl incorislitutionnel, vous avez seul egare ces braves gens, vous ;'• •« eles un sc^ldrat. ». — «.Le ton avec Icquel ces lionncles citoyens parlaient • > « au sicur Santcr'rele (it pftllr; mais, encourage par un coup d'oeil du sieur

u Legend re, il eulrccours a un subterfuge liypocritc, et, s'adressant i sa a troupe : « Messieurs, dit-ii, dresscz proc6s-verbal du refus que jc fais de o marcliera votrc t<5le dans les appartements du roi.» — Pour loute rcponse, , o la foule, accoutumcc a deviner le siour Sautcrre, culbuta le groupe des ' « honnClcs citoyens.»

206 LA REVOLUTION.

ruplion se repand dans Ics quarlicrs voisins, quinze ou vingt millc pcrsonncs, un cnlasscment prodigicux, un pelc-mclc Iravcrsc par des remous, iine mer hoiileuse. dc corps qui se froisscnt cL dorit un simple flux ou re­flux aplalirail con Ire Ic mur des ol)slaclcs dix fois plus ["oris, un vacarmc a briser les vitrcs, « des hurlements ai-freux,« des injures, des imprecalions, «A bas M. Yclo! . « Au diable le Yeto! Lc rappel des minislrcs palriolcs! « II fcuil qu'il signe, nous ne sorlirons pas dici qu'il no « I'aiL fait '. » — En avanl dc Lous, Legendre, plus deler-

' mine que SanLcrrc, se declare Toraleur ct le foude de pouvoir du pcuplc soviverain : « Monsieur, » diL-il au . roi, ct, Yoyant que cclui-ci fait un gcslc dc surprise, « oui, monsieur, ccouLcz-nous, vous eles fait pour nous « ecouler. Yous etcs un perfide, vous nous avez lou-« jours Irompes, vous nous (rompez encore; mais pre-« nez garde, la mcsure est i son comblc, le peuple est « las de se voir voire jouet. » — « Sire, sire, » eric un autre energumene, « je vous dcmande, au nom de cent cc niille amesqui nrentoureiil, le rappel des minisLrcs pa­ce Iriotes... Jedemande la sanction du decrct snr les pre-cc tres ct les 20 000 hommes. La sanction ou vous pcri-rcz. » — Pcu s'cn faut ciuc la menace nc s'accomplisse.-Les premiers entres sont arrives « la pique en avant « parmi eux « un brigand », avec un balon emnianche au bout d'une lame d'epee rouillee « trcs poiuLue », qui « foncait « droit vers le roi. Ensuile, et a plusieurs .fpis, la tentative d'assassinatest reprise opinialrement parirois

L Depositions des quaLre gardes nalionaux, Lccrosnier, GosS(i iJidault Guiboult. —napporlsd'Acioqucct Laclicsnayo, chefs de leirion.— Chroni-nicjuedcs clnrjuantejour!;, par Uocdcrer. - lb., p. 65 : « Jc dois dire'que, M'cndanL la ConvenLion, lc houclier Legendre declara a Doi«y d'Vn"la'^

C . t - ' ^ " ' f ! ' ^ n " ' - / ' " ' ' ' P' J' ^ '^""'^ '^^ "^^ ^'"'' '^ ••°'- " - Pn,dhon!me; '^^'^'^^<^''dc la Rcvolulion, III, 4 3 : « Le roi dovaiL elre assassine Nous

.ma°c -co lT ' " ' f '^ '" ' ^'"^ degncnilles dire: c'cst pourlant d^m-ma^c, col hommc a Pair d'lin bon b... . »

L.\ PREMIERE I< ;TAPE D E LA CONQUl'^TE. 207

Oil qiialre fiirieiix resolus a Luer et qui en font le geste, I'lin tout grclc, en liaillons, ct qui s'excitc par «les propos «Jcs plus sales », le second, « un soi-disanL vainqueur de « la Bastille, « jadis porte-lele de Foulon et de Berthier, dopuis cliasse de son balaillon, le troisifeme, un fort de la liallc, qui, « pendant plus d'une lieure, » arnie d'un sabre, fait des efforts terribles pour percer jusqu'au roi K

• — Rien n'y fait: sous toulcs les menaces, le roi demcurc impassible. A un grenadier qui veut le rassurer, il prend la main, et I'appiiie sur sa poilrine en disant: « Yoyez cc si c'esL la le moiivcment d'un occur agile par la cccrainle '-. » A Lcgendreetaux exalles qui le sommcntde . sanclionner, il rcpond sans s'cmouvoir: « Je ne me suis « jamais ecarle de la consliluLion... Je ferai ce que la cons-« litulion et les decrcLs m'ordonnent de faire... Vous vous « ccarlez de la loi. « — El, pendant prt?s de Irois heures, toujours dcbout et bloquc sur sa banquelte % il persisle sans donner un seul signe de faiblesse ou de colore. — A la tongue cc sang-froid fait son effet, et rimpression des speclaleurs n'est point du toutcelle qu'ils allendaient. Car, bien manifestement, le persounage qu'ils ont devant eux n'est pas le monslre qu'on leur a depeint, un tyran imperieux ct sombre, le Charles IX farouche et sournois qu'ils sifflent an theatre. lis voient un homme un pen gros, d'une physionomie placide et bienveillante, que Ton prcndrait, s'iln'avaitson cordon bleu, pou run bourgeois

»; ,1. iMfnc Campan, Mcmoircs, II, 212: « .M. Vannol, commandant de *« balaillon, avail delourne rarmc d'un scelcrat,dirigoe conlrc la pcrsonna « du roi.Un grenadier des Fillcs-Saint-Tliomas para un coup d'cpcc dont la " direction annongait Ic merae dcssein. »

.• -2>D6cTaration do Lacliesnaye, chef do legion. — MonUcv.;', XII, 7lo, semicd-dvr 20 juin au soir. Disconrs do iM. Alos, temoia oculairc. —(Lc roi lit (Icux fois ce goste, en pronongant a pen pros les meraes paroles, la pre- ' micro fois aussilot aprcs I'irruplion do la foule, la secoude fois probable- ' ment apres la luiranguc do Vergniaud.)

3. L'eslampe des Rcvolulions da Paris lc rcpresenle assis ct separe 1 . la foule par un iiilervalle vide ; c'cst un mcnsongc de parti.

LA PREMlfiRE fiTAPE DE LA CONQUfiTE. 209

parvenus jusqu'i kii; Pelipn kii-m^me fiiiit par arriver, Bt, monte sur un fauleuil, harangue le peuple avec ses naileries ordinaires K En meme lemps Sanlerre, com-prenant que I'occasion est perdue, prend ratlitude d'un lii36rateur et crie de sa grossc voix: « Je r(§ponds ,de la' « famille royale : qu'on me laisse faire. » Une haie de gardes nalionaux se forme devant le roi, et lentement, p^niblement, sur les instances du maire, vers huit heures du soir, la multitude s'ccoule.

I. Mortimer-Ternaux, I, 213: « Ciloyens, voiis vencz tic presenter legalc-« meni voire voeu au reprcsentant heredilaire dc la nalion; vous I'avez fait ' avcc la dignitc, avco la majestd d'un peuple librc. Sans doulc voire « dcmandc sera rcildr^e par les 83 ddparlemcnls, ct le roi ne pourra se " dispenser d'acqulescer au voeu manifcste du peuple... Relirez-vous,.., •> ct; en reslant plus longlcmpSj ne donnc/. pas occasion d'incriiuincr vos « inlenlions I'cspectablcs. •

LA REVOLUTin.i. U 14

208 ' LA REVOLUTION,

pacifique *; u. ses cOles, ses ministrcs, Irois on qiialre liommes cii habit noir, honnutcs gens el bons employes, onl I'air de ce qu'ils sont : dans une autre embrasure de fcnetre est sa sccur, Mmc Elisabeth, jeune figure douce et pure. Cc prclendu tyran est un liommc comme les aulres; iTparle posement, il dit que la loi cstpour lui, et personne nedil leconlraire; il a pcut-etre moins dc torts qu 'onn'a cru. Si seulement il voulait dcvenir patriote ' — Une fcmme est la qui brandit une epee surmontee d'une cocavdc; il fait un geste, on lui passe I'epfie, il la love en criant avcc la foule: Vive la nation! Yoila d6ja un bon signe. — Un bonnet rouge oscille en Fair au bout d'une perche ; quelqu'un le lui presentc, il le met sur sa tfile, les applaudisscmcnts cclatent, on crie: Vive la nation! Vive la liberie! et mfime Vive le roi!—Desormais le plus grand danger est passe. Non pas que les assi6gcants renoncent a leur siege: « II a f.... bien fait, disent-ils, de « mellre le bonnet; car nous aurions vu ce qui serait « arrive, et f...., s'il ne sanclionne pas le decret sur les « prfitres et sur le camp, nous reviendrons tons les jours ; « c'est par la que nous le lasserons e f q u e nous nous « ferons craindre. » — Mais la journee s'avance •, la cha-Icur est accablante, la fatigue extreme, Ic roi moins deserle et mieux d6fendu; cinq ou six deputes, Irois officiers municipaux, quelques officiers de la garde nalionalc sont

mc cffot de 1 impression produito par la rciiie. Pnidhoniine dans son journal I'appclle " la panllierc anlricliicnnc ", of ce mot c.xprime ]'" I'opinion desfaiiijourgs. — Une fiUcs'arrelc devanlclle el vomil ccnlinm--cations. Lareine lui dit : a Vous ai-jc jamais fait qiiclque mal personnel^ ^'• " Xon, mais c'est vous qui faites ic maliieur de la nation — n,, ,. ^

. . . . . . , . , „ "-"n vous n " trompeC; repnt la reme ; j ai cpouso le roi de France, je siiis h '. • " dauphin, je suis Fran^aisej jcne rcvcrrai jamais men pavg jc ' ' •' . « hcurcuse ou malhcurcuse qu'en France, j'elais heureuscmii 1 ' ""^ ^^'^ « miez. » — Voila la fille qui plcure : « Ali madame, pardon " ^°"^ '"'^'" « vous connaissais pas, je vols que vous Ctes bien bonne n —. f^"."^°'' J* "° veut arrcHer I'omotion et s'ecrie : « Cclte fijlc e«t SOUIP " Santerre II; 214. - Rapport de Mandat, chef dc lcgio„.) " ^ ^^^^^^ Campan,-

CHAPITRE VI.

Indignalion dcs conslUuUonncls. — Cause dc Iciir faiblcsse. — '-^s Girondins rccoinmcnccnl rallaquc. — Lcur double plan. — H. Pi'cssion sur leroi. — Pelioncl Manuel ramends'i.TlWlcl dc Yillc. — Lcs ministics obliges de so ddmeltre. — Agitation jacobinc centre le roi. — Prcssioa sur I'AssemblL^e. — l'6Ulion dc la Commune dc Paris. — Menaces dcs pelilionnaires et des galcries. — Stance du 8 aodt. — Double 6clicc dc la straldgie girondine. — III. Lcs Girondins onl travaill^ pour les Ja­cobins. — La force armde eloignce ou d6sorganisce. — Appel d.es federcs. — Lcs Brestois et lcs Marseillais. — Publicit6dcs stances des corps adnu- • nistratifs. — Permanence dcs corps adminislratifs etdcs sections. Eucl de CCS deux mcsures.—Le bureau central des sections h I'llolel de \u le . — Origine ct formation de.la Commune rdvolulionnairc. — IV. Yains ef­forts des Girondins pour enraycr, — Alarmes des Jacobins, lcur exalta-lion, lcur programrric, -^ V. Soiree du 8 aoClt. — Seance du 9 aout. — Matinee du 10 aoClt.— Pvirgation de I'Assemblee. — VL La nuit du 9 au 10 aoftt. — Les sections. — Lcs commissaircs dcs sections a rH6tcl de Ville. — La Commune revolulionnaire so substituc a la Commune le­gale. — Vll. Le 10 aoiil. — Forces du roi. — Dissolution dc la resis­tance. — Le roi dans I'Asscmbldc nalionalc. — Rixo au cliMcau et M-charge dcs Suisscs. — Lc chateau 6vacu6 par Tordre du roi. — I.os massacres. — L'Assemblce csclave el ses decrets. — Vlll. filal de Paris pendant rintcrregne. — La grosse masse de la population. — Lcs jacobins subalterncs. — Les mencurs jacobins.

Puisque le coup est manqu6, il faut le refaire. Cela est d'autant plus urgent que la faction s'est clemasqu^e, et que, de toutes parts, « les honnfitcs gens* » s'indigncnt de voir la constitution soumise a rarbilraire de la plus

1. Expression de Lafayette dans son adres-so k TAsscmblce.

LA PREMlfiRE £ T A P E D E LA CONQUETE. 211

basse pl6be. Prcsque loutcs les administrations superieu-res, soixante-quinzedirectoircsde ddpartement', envoicnt leur adhesion t\ la lettre de Lafayette ou repondcnt par dcs encouragements i la proclamation si mesuree et si noble par laquelle leroi, cxposant les violences qu'on lui a faitcs, mainlicnt son droit legal avec une Iriste et inflexible douceur. Nombre de villes, grandes ou petitcs, le remercicnt de sa fermetd, et ceux qui signent les adrcsses sont les notables de I'endroit-, chevaliers de Saint-LouiSj ancicns officiers, jugcs, administrateurs de district, medecins, notaires, avou6s, receveurs de I'enre-gistrement, directeurs de la poste, fabricants, n6gocianls, gens 6tablis, bref les hommcs les plus considcres et les plus considerables. A Paris, une p6lition semblablc, rcdi-g6e par deux anciens conslituanls, recueille 247 pages de signatures cerlifices par 99 notaires '. iM^me dans le coii-seil g6n6ral de la Commune, il se trouve une majorite pour infligerun bidme public au maire Petion, au procu-reur-syndic.Manuel, aux administrateurs de police, Panis, Sergent, Viguer et Perron*. D5s le soir du 20 juin, le con-seil du departemcnl aordonnc une enqu(ile; il lapoursuil, il lapresse, il elablit par pieces authentiques I'inaction volonlaire, la connivence hypocrite, le double jeu du procureur-syndic et du maire ; il les suspend de leurs fonctions, il les denonce aux tribunaux, ainsi que San-terre et scs complices. Enfin Lafayette, ajoulant au

1. Lafayette, Mdmoires, I, 452. — Malouet (II, 213) dit 70 directoires. 2. Cf., par exemple, Arcliives nationalcs, AF II, 116. Petition de 228 no­

tables de Montargis. 3. I^etition ditc dcs 20 000, presentee par MM. Guillaume el Dupont de

Nemours. — Cf. Morlimer-Ternaux, I, 278. —Solon Cuchcz et Roux, la peti­tion ne contenait que 7411 noras.

4. Mortimcr-Ternaux, I, 277. 5. Monileuv, XIII, 89. L'airiite (7 juillet) est motive avec une precision el

one force admirables. Compare aux amplifications vagues et anipoulecs des adversaircs, il fait mesurer la difitancoMntellcctuelle dcs deux parlis.

212 LA REVOLUTION.

poids de son opinion Tascendant de sa presence, vient lui-meme, i la barre de TAsscmblce nationale, reclamer des mesures « efficaces » con Ire les usurpalions do la « secle » jacobine, et demander que les insligaleurs du 20 JLiin soieiit punis « comme criminels de lese-nalion ». Dernier sympt6me et plus significalif encore : dans I'As-semblde, sa demarche est approuvde par une mojorite de plus de cent voix ^

Tout cela doit 6tre 6crase et va Tetre. Car, du c6l6 dcs consUlulionnels, quels qu'ils soient, roi, deputes, minis-Ircs, gendraux, administrateurs, notables, gardes nalio-naux, la volont6 s'6vapore en paroles, et la raison en est qu'ils sont des gens civilises, accoulumes de longue main aux pratiques d'une soci6t6 rdguliere, interesses do pere en fils ci I'observation de laloi, troubles par la pensce des consequences, agites d'iddesmultiples, incapablesde com-prcndrc que, dans I'^lat de nature ou la France est rctom-bee,il n'y a qu'une id6e qui vaille, celle de I'homme qui, acceplant la guerre d6clarce, r6pond a I'oIIcnsivc par I'of-fcnsive, et, conlreles sauvages demolisseurs de la societ6 liumaine, descend dans la rue, le fusil charg6. Personne ne soulient LaCayetle, qui seul a cu le courage de se metlre en avant; au rendez-vous g6neral qu'il a donn6 aux Champs-Elysees, il nc vient qu'unecentained'homnics.Ony ccnvicnl de marcher le lendemain conlre les Jacobins et de fermer leur club, si Ton est 300, et le lendemain on se Irouve 30. Lafayette n'a plus qu'A quitter Paris et d protester par une nouvelle leltre. — Protestations, appels a la consti­tution, au droit, i I'interSt public, au sens commun, argu­ments biendeduits,il n'y aura jamais de cec6t6 que des dis-

1. 339 voix conlro 224. — Rcederer, Chronique dcs cinquante jours, p. 19 : « Un grand mouvement s'oporait en faveur du roi, dans I'opinion de « la majorile des habitants de Paris. » — C. Desmoulins, par Jules Clare-

• tie, 191. Article de C. Desmoulins: a Cclte classe de pctila commergants de • boutiquiers qui out plus peur des r6volulionnaires que des hulans I

LA. PREMIERE l^TAPE DE LA CONQU^TE. 213

courset cles6critures; or, dans le conflit quis'engagc, les discours et les6critures ne scrvent pas. — Imagincz un d6bat enlrc deux hommes, I'un qui raisonne jusle, I'auLrc qui ne sait guere que declamer, mais qui, ayant rencon­tre sur son chemin un dogue 6norme, I'a flalle, allecho et Tamfene avec lui comme auxiliaire. Pour le dogue, les beaux raisonnemenls ne sont que du papier noirci ou du bruit en I'air; les yeux ardents et fixes sur son maitrc provisoire, il n'atlend qu'un gesle pour sauler sur les adversaires qu'on lui d6signe. Le 20 juin, il en a prcsque elranglc un et I'a couverL de sa bave. Le 21 juin S il se dresse pour recommencer. Pendant les cinquanle jours qui suivent, il ne cesse dc gronder, d'abord sourdement, puis avec des eclats lerribles. Le 25 juin, le 14 juillet, le 27 juillet, le 3 aout, le 5 aout, il s'elance encore et n'estretenu qu ' i grand'pcine «. Une fois dcja, le 29 juiilel, ses crocs se sont enfonc6s dans la chair vivanle ' . — A chaquc tournant de la discussion parlementaire, le con-slitutionnel sans ddfense voit celte gueulc beante; ricn d'etonnant, s'il jette ou laissejeter en pdlure au dogue tons les decrets que reclame le Girondin. — Surs de leur force, les Girondins reconimencent I'atlaque, et leur plan de campagne semble habilement combin6. lis veulent bien to]6rer le roi sur le trone, mais k condition qu'il n'y soit qu'un mannequin, qu'il rappelle les minislres patriotes, qu'il leur laisse choisir le gouverneur du dauphin, qu'il destilue Lafayette*. Sinon, I'Asscmbl^e prononcera la

1. Morlimer-Tcrnaux, I, 236. Lcttre de Roederer au president de rAsscm-blec nalionale, 25 juin : « Monsieur le President, j'ai riioimeur dc prevcnir « I'Assemblce qu'il se porle vers le cluMcau un rasscmblcmenl arme. »

2. Morlimer-Tcrnaux, I, 245 246.— II, 81, VM, 148, 170. 3. Meurlre dc M. iJuliamel, sous-lieutenant do la garde nalionale aux

Cliamps-Klysees, par les Marseillais. 4. Lellre de Vergniaud el Gnadcl au peintrc Boze (dans les Mcmoires dc

Dumouricz). — Rojdercr, Chronique des cinquanle jours, 293. — Bcrlraud dc MoUeville, Mcmoires^ III, ^9

214 LA REVOLUTION. •

d6ch6ancc et se saisira du pouvoir cxccutif. Tel est le d6ril<!i i double issue dans lequel ils engagent rAsscmbl6e el le roi. Si le roi accule ne passe point par la premifere porLe, TAssemblee acculee passera par la scconde, et dans les deux cas, minislres touL-puissanls du roi sou-mis, ou d61egLi6s execulifs de I'Assemblee soumise, ils seront les mailres de la France.

II

A cct cffet, ils s'en prennent d'abord au roi, ct tdchent dc lui forcer la main par la peur. — lis font lever la suspension prononcee contre Pelion et Manuel, ct les ra-menont tous deux a I'Holel de Yillc. Desormais ceux-ci regneront dans Paris sans repression ni surveillance'; car le dircctoire du dcparlement s'est demis; il n'y a plus d'aulorile sup6rieure pour les empCchcr dc requurir ou dc consigner (i leur gr6 la force arnice, et ils sent af-francliis de loufce subordination comme de Lout contr61e. Yoila le roi de France en bonnes mains, aux mains de ccux qui, le 20 juin, ont refus6 de museler la bete popu-laire et d6clarent qu'elle a bien fait, qu'elle 6tait dans son droit, qu'elle est libre de reconimencer. Selon cux le palais du monarque appartient au public; on peul y enfrer comme dans un cafe; en lout cas, si la munici-palile est occupee ailleurs, elle n'est pas tenue de s'y opposer : « est-ce qu'il n'y a que les Tuilerics et le roi « a garder dans Paris* ? » — Autre manoeuvre : on brise

]. ilonitcuv, Xlll, 155, seance du 16 juilleL —Mortimer-Tcrnaiix, II, 69 : « Ilonores dc vos Lonles, dit Manuel, les ciloyens avaionl dcs litres pour " se presenter chez, Ic premier fonctionnaire dc la nation... La maison du " prince doit elre ouvevtecommeuneeglisc. G'est oiilragcr lo pcuplc que de

.« 10 craindre. Si Louis XYI cut eu I'ame de Marc-Aurile, il scrait dcsccndu • • lio"u ^1 ^^'•?"?^P°^'' consoler cent raiUeamcs des Icnlcurs d'unc revolu-

- umais iln'y cut moins de voleurs aux Tuilerics que cc jour-lii; car

LA PREMIERE ETAPE DE LA COXQUJ^TE. 415

aux mains du roi ses iusLrumenls. Si hoaorables ct iiioffeiisifs que soicnL ses nouveaux miiiislres, lis ne

.comparaisseiiL dans I'Assembl^e que pour 6lre hu6s par les Iriljuncs. Isnard, designant du doigL le principal d'en-trc eux, s'ccrie : « Voici un Iraitre^ I » Tous les altentals populaires Icur sonl imputes k crime, eL Guadet de­clare que, « comme conseillers du roi, ils sonL solidaires des troubles » que pourrait exciter le double veto-Non sculement la faction les declare coupables des violences qu'elle provoque, mais encore elle demande leur vie pour expier les meurlres qu'elle commet. a Apprenez a la France, dit Yergniaud, que desormais « les minislrcs repondent sur leurs letes de tous les d6-« sordres dont la religion est le pretexte. » — « Le sang « qui vicnt de coulcr i Bordeaux, dit Duces, doit retombcr a sur le pouvoir executif ^ » Lasource propose de « punir « de mort » non sculement le ministre qui n'aura pas ordonn6 promptement Tex^culion d'undecret sanctionn6, mais encore les commis qui n'^auront pas ex6cut6 les ordres du ministre. Toujours la mort, et i tout propos, centre quiconque u'est pas de leur sccte. Sous cette ter-

« les coiu'lisaiis avaicnl pi'is lafuite... Le bonnet rouge a honor6lat6le de « Louis XVI; ce dcvrail etre sa couronne. n A ce moment solennel, le roi a fraternise avec le peuple, ct « le lendemain,c'est le mCnieroiqui Iraliit, qui « calomnie, qui desiionore le peuple 1 » — Le galimatias de Manuel dt5passe toutce qu'on [icut imagincr: " Dus lors s'elovc dans les lanibris tlu Louvre, «au confluent do la lisle civile, un autre canal qui creuse dans les tdne-<• bres un cacliot a Petion... Le dcpartemcnt, en frappant la municipality, » explique comment, dans la fete de la Loi, il representail la Loi sous la « figure d'un crocodile, » etc. . I. Monileu)', XIII, 93, seance du 9 juillet. — 27, sdance du 2 juillet. . 2, lb., XII, 751, seance du 24 juin. — XIII, 33, seance du 3 juillet. 3. lb., XIII, 224, seance du 23 juillet. Deux pretres inscrmentes venaicnt

d'(ilro massacres k Dordeaux, et leurs ttites promenees sur des piques. Oucos ajoutc : o Dcpuls que le pouvoir executif a mis son veto sur les lois u repressives du fanatisnie, Ics executions populaires commcncent a se « renouveler. Quand les tribunaux ne font'pas justice... je n'achevc pas. » — lb.. XIII, 301, seance du 31 juillet.'

216 LA REVOLUTION.

reur continue, les minis Ires se demetlent en masse, ct le roi est somm6 d'en trouver d'aulres sur-le-cliamp ; cc-pendant, pour rendre leur poste plus dangereux, l-Assem-blce d^crete que dorenavant ils seront « solidairemenl « responsables ». Manifeslement, c'est au roiqu'on en veut par-dessus les ministres, et les Girondins n'omcttenl rien pour lui rendre le gouvernement impossible. II signe encore ce nouveau decret; il ne proteste pasj i la persecution qu'il subit, il n'oppose que le silence, par-fois une effusion de bon coeur honnfite*, uneplainte alTec-tueuse et toucbante, qui semble un g6missement con-lenu^. Mais aux accents les plus douloureux et les plus convaincus, robstination dogmatique et I'ambition inipa-liente resteni volontairement sourdes ; sa sinc6rite passe pour uu nouveau mensonge; du baut de la tribune, Yergniaud, Brissot, Torn6, Condorcet, I'accusent de Ira-hison, rcvendiquent pour I'Assemblde le droit de le sus-pcndreS et donnent le signal a leurs auxiliaires jaco­bins. — Sur I'invitation delasocietc-m6re,lessuccursalcs de province sc mettent en branle, et la machine r6volu-tionnaire opfere k la fois par tous ses engins d'agilation, rassemblemenls sur les places publiques, placards homi­cides sur les murs, motions incendiaires dans les clubs, hurlements dans les tribunes, adresses injurieuses et

1, Moniteur, XIII, 72, seance du 7 jiiillcl. Discours du roi i I'Asscmblee aprd's le baiscr Lamourctle : • Je vous avoue, Monsieur le President, qu'il a me tardait .bien que la deputation arrival, pour pouvoir courir a I'As-

. « scmblee.» 2. lb., XIII, 323, seance du 3 aoflt. I.a declaration lue au nom du roi

doit 6tre pesee phrase a phrase; elle resume toute sa conduite avec une exactitude purfailc, et flnil ainsi : a Qu'est-ce que des dangers personnels - i un roi i qui Pon veut enlever I'amour de son peuple? C'est la qu'est la « vontable plaie de mon coeur. Un jour peut-Ctre le peuple saura combien « son bonheur m'est cher, combien il fut toujours et mon seul interiitet mon • premier besoin. Que de chagrins pourraienl Stre effaces par la plus le"ure • marque de son rctour! » i i o

^onilcur, Xlll, 33, 56 bis, 85, 97, scanco. des 3, 5. 6 cL 9 juillol.

- '"LA PREMIERE £ T A P E D E LA CONQUETE. 217

ddputalions scdUieuses 5. la barrc de TAsscmbl^e^ Apr6s Ircnle-six jours de cc regime, les Girondins croient le roi dompte, ,ct, le 26 juillet, Guadet, puis Brissot, a la tri­bune, lui font les suprSmes sommalions et les dcrniercs

'avances-. Deception profonde! commc au SOjuin, iI re­fuse : « Jamais de ministres girondins. »

Puisqu'il baiTe une des deux porlcs," on passera par I'autre, cl. si les Girondins ne peuvent regner par lui, ils rcgneront sans lui. Au nom de la Commune, Pelion en pcrsonnc vient proposer le nouveau plan et reclamer la d6ch6ance. « Cetle grande mesurc adoptee ^ dit-il, « commc il est tres douteux que la nation puisse avoir « confiancc en la dynastie actuelle, nous demandons que « des ministres solidairement responsables, nommes par « I'Assemblee nationale, mais, selon la loi conslilulion-« nelle, hors de son sein, nommes par le scpulin des a hommes lihres volant a haute voix^ exercent provisoire-« mcnt le pouvoir ex6cutif. » Par ce vote 4 haute voix, on espfere bien maitriser les suffrages; ce ne sera qu'un de-cret de plus extorqu6 commc tant d'autres, et depuis longtemps la majoritc subit la m6mc pression que le roi. « Si vous vous refusez k nos voeux, » disait deja un pla­card du 23 juin, « nos bras sont leves, et nous frapperons « les traitres partout ou ils se trouveront, meme parmi « vous.w*—«Ilsiegeparmivous,ditunep6tition du6aotlt, « des favoris de la cour; perisse leur inviolabilKe, si clle

1. Moniteur, XlII, 26,170,273, sdancesdcs 12,17, 28juillet. — Morlinicr-Tcrnaux, II, 122, seance du 23 juillet. Adresses du conseil municipal de Marseille, des feddres, des pctilionnaires d'Angers, des volonlaires de la Cliarenle, e tc : « Une monarcliie heredilairc est conlraire aux droits de. « I'hommc. Prononcez la dechcance, et la France est sauvee... Oscz frappcr « du glaive de la loi un fonclionnaire parjuie cl conspirateur... Lafayette a est le plus meprisable, le plus cnniinel,...lc plusinfAme des assassins du « peuple, » etc.

2. Morlimer-Tcrnaux, II, 126. — Bertrand de Molleville, III, 294. 3. Monileur, XIII, 325, seance du 3 aoiJl. 4. Momteur, XII, 738; XI.I, 340.

218 1.A HfiVOLUTION.

« avail loujours le pouvoir funeste d'enlravcr impiin6mcnt « la volonl6 nationale ! « — Dans i'Asscmblee, les vocife-ralions des galeries sont elTroyaljlcs, la voix dcs ora-leurs qui parlent contre la decheance est cloulTee ; a force de huees, ils sont diasses dc la tribune'. Parfois le cole droit renonce a la discussion el sort de lasalle. L'in-solence des galeries va si loin, qu'a plusieurs reprises TAssemblee presque enliere murmure pendant qu'elles applaudissent : bref la majorile s'indigne tout haul de bon csclavage-. — Qu'cUe y prennc garde : dans les tri­bunes ct aux abords de 1'Edifice sont les f6d6rcs, hommes a poignc; ils la forceront bien i voter la mcsurc decisive, le decrct sous Icquel doit lomber Ic champion arme dc la conslilulion ct du roi, I'accusalion dcLafayelle. Pour plus d'clTicacile, les Girondins exigent I'appel nominal : de celle Cacon les noms proclamcs el imprim6s designeront les opposanls a la populace, el nul d'enlre cux n'est sur de renlrcr cbez lui avec tons scs mcmbrcs. — Mais La-fayclLe, liberal, democralc, royalisLe, aussi attache h. la revolution qu'4 la loi, est alors le personnage qui juste-mcnt, par la courte porl6e de son esprit, par Pincoh^rence de ses idees politiques, par la noblesse de ses sentiments •contradicloires,rcpresente le mieux Popinion dc PAssem-blee el de la France*. D'ailleurs sa popularile, son cou-

1. Monileur, XIII, 170, 171, 187, 208, 335, seances dcs 17, 18, 23 juillct 5 aout.

2. lb., XIII, 187, seance du 18 juillet. "Les tribunes applaudissent, I'As-« scmblec murnnirc. » — 208 (21 juillet). « Muruiiircs, liiiecs, cris: A has " VoraUur; dans les tribunes. • Le president les rappelle a fordre cinq fois ol loujours inutilement. — 224 (23 juillet). « Les tribunes applaudissent. « dc longs murmures se font entendre dans rAsscmblcc. »

3. L'uzot, Mcmoircs (ed. Dauban), 83 et 84: a La niajoritti du peupie « francais soupirait apres la royaute ct la constitution de 1790... C'ctail a • I'aris surtoutque ce vceu etait le plus general et craignait Ic nioins do « se nianifester dans les conversations particulicres ct dans les societiis pri-• vtes. II n'y avail que quelques hommes dont les ames nobles et (51evces

e scnlaicnl digncs d'etre republicains... Le rcsto no dcsirail, no vou-

L.\ PREMIERE liTAPE DE LA CONQUfiTE. 219

rage cl son arm6e sont le dernier refuge. La majority sent qu'en le livrant clle se livre ellc-mfeme, el, par 400 voix con(re224, ellc I'absout. —De ce cul6 encore, la stral6gie des Girondins s'esl trouvec faiisse. Pour la scconde fois, fe pouvoir Icur 6cliappe; ni le roi ni rAssemblee n'ont consenlic'i Iclcur remettrc, et ils ne peuvent plus lelais-ser suspendu en Fair, difTerer jusqu'a une mcilleurc occa­sion, faire allendrc leurs acolytes jacobins. Le fragile lien par lequcl ils tenaienl en laisse le doguercvolulionnaire s'est rompu cntre leurs mains : Ic dogue est Idche ct dans la rue.

I l l

Jamais on n'a mieux Iravaillc pour aulrui : (ou(os Ics nicsures par Icsquellcs ils croyaicnt ressaisir le pouvoir n'ont scrvi qu'a Ic livrer A la populace. — D'un c6l6, par une scric do d6crets 16gislatifs et d'arr6t6s municipaux, ils ont 6cart6 ou dlssous la force armee qui pouvait encore la r6primcr ou I'intimider. Le 29 mai, ils ont licenci6 la garde du roi. Le 15 juillct, ils renvoicnt de Paris toutes Ics troupes do ligne. Lc 16 juillctS ils choisisscnt, pour « composer la gendarmerie h. pied, les ci-devant gardes-« francaises qui ont servi la revolution i\ I'^poque du «l"juin 1789, les officiers, sous-officicrs, canonniers el sol-« dats qui se sont reunis sous les drapeaux dc la libcrld « a parlir du 12 juillct de la mcme ann6e », c'esl-c\-dij'c les insurges ct deserlcurs en titre. Le 6 juillet, dans toutes Ics villcs de 50 000 Ames et au-dessus, ils frappent la garde nalionalc i la Icle par le licenciemenl de son 6tat-major,

« lait quo la constitution de 1791 et ne parlait des r(5piiblicains que . comme on parlo do fous cxtrtimcment honniitcs. »

1. Duvcrgicr, Collection des lois et decrets, 29 mai 1792, 15 juillcl, 16-18 juillct; C-20 juillct.

220 LA' REVOLUTION.

« corporation arislocralique, dit une polilion', sorte de fee-« dalite moderne, composee de Irailres qui semblent avoir « form61e.projetdcdirigor i leurgr6 ropinionpublique». Dans les premiers jours d'aoCiL-, ils frappent la garde, nalionale au coeur par la suppression dcs compagnies distincles, grenadiers et chasseurs, recrul.es parmi les gens ais6s, vdrilable 61ite qui mainlenant, dcpouilJee de son uniforme, ramenec a I'egalile, perdue dans la masse, voit en outre ses rangs troubles par un m61anged'intrus fcd6r6s ct hommcs i piques. Enfm, pour achever le p61e-mOle, ils ordonnent que dor^navant la garde du chateau soit chaquc jour composee de citoyens pris dans les soixanle bataillons% en sorte que les chefs nc connaissenl plus leurs hommes, que les hommes ne connaissenl plus Icurs chefs, quepersonne n'ait plus confiance en son chef en son subordonne, en son voisin, en lui-meme, que tou-tes les pierres de la digue humaine soient desccllees dV vance et que la defense croule au premier choc. - D'autrc part ils ont eu soin de fournir d I'^meule un corps de ]3atai le et une avant-garde. Par une autre serie de d crets 6gislat. s et d'arr^i6s municipaux, ils autorisent le

ua semblement des fedcres i Paris, ils leur allouentune solde et un logement militaireS ils leur permettent de s organiser sous un comit6 central qui sifege aux Jacobins et prend des Jacobins le mot d'ordre. De ces nouveaux vcnus, les deux tiers, vrais soldats et vrais palriotes, par-lent pour le camp de Soissons et la fronti^re; mais U en

1. Monileur, XIII, 25, seance du 1" juillct. Petition de 150 citoyens aclifs de la section Bonne-Nouvclle.

C C L M T ; ' ? ? ' " ' , ' " ' '''^-^^'^^'^ '' ^'^^' ^ ' 253. Le decret de li-

t S!:r:;\°;:?;^;"."''"""«'"""-I'"''»«>»")•

LA PREMIERE I L T A P E D E LA CONQUfiTE. '221

resle un tiers a Paris', peul-etre 2000, cmcutiers et poli-Uques, qui, fet6s, regales, endoclrines, licbcrg6s chacim chcz un Jacobin, dcviennent plus jacobins que leurs hOles et Vincorporcnt dansles bataillons revolulionnaircs-pour y servir la bonne cause i coups de fusil. — Deux pe-lotons, qui sont arrives plus tard, demeurent dislincls et n'cn sont que plus redoutables, I'un et I'aulre envoyes par ces villes de mer dans lesquelles, qualre mois auparavant, on comptait d6ja "« vingt et un fails d'insurreclion capi-« tale, tons impunis, et plusieurs par sentence du jury « maritime^ 5>. L'un, de 300 liommes, vientde Brest, ou la municipalile, aussiexaltde que cclles dc Marseille etd'Avi-gnon, fait, comme celles de Marseille et d'Avignon, des expeditions armees contre ses voisins, ou les meurlres populaires sont toldres, ou M. de la Jaille a etc presque tu6, oil la4^6te de M. Patry a et6 portde sur una pique, oii des v6l6rans de r^meulecomposent I'dquipage de laflolte, oil « les ouvriers i la solde de I'Etat, les commis, les « maitres, les sous-officiers, convertis en molionnaires, « en agitateurs, en harangueurs politiques, en censcurs « de I'administration » ne demandent qu'a laire ceuvre de leurs bras sur un theatre plus envue. L'autre troupe, appe-lee de Marseille par les Girondins Rebecqui et Barbaroux *,

L Morlimer-Ternaux, II, 129.—Ducliez et Roux, XV, 458. D'apres le rap­port du niinislre de la guerre, lu le 30 juillel dans la seance du soir, 5314 federes departemcnlaux elaient partis de Paris enlre le 14 ct le 30 juilletj or, le 17 juillet, Petion ecrivait quo le rclcvc des feduros presents a Paris etait alors de 2960, « dont 2032 se disposaicnt a sc rendre au camp de Soissons. » — La coniparaison de ces trois cliiffres conduit au cliiffre approxiuialif quo j 'ai adople.

2. Buchez el Roux, XVI, 120, 333, seance des Jacobins, 6 aout. Les federes « onl pris I'arrtite dc survcillcr le chateau, ea sc rangcanl cliacun « dans les bataillons respectifs de la section dans laquelle lis sont loges, et . beaucoup soni incorpores dans les bataillons du faubourg Saint-Anloine. »

3. Mercure de France, n' du 14 avril 1792. — La Revolution, I, 429. 4. Barbaroux, ^/JnioiVes,37-40. — Laurent Laulard,7l/a?'se!7ie depms 1789

jiisqu'd 1815, I, 134. « Le maire Mouraille », qui les avait recrulcs, « elail

222 LA REVOLUTION.

comprend 516 hommes, avenluriers intr6pides ct feroccs, de toute provenance, Marseillais ou 6lrangcrs, « Sa-a voyards, ItalienSjEspagnols, chassis de leurpays,«pj*e5-que tons de la dernierc pl6be ou entretenus par des me­tiers infilmes, « spadassins et supp6ls demauvals lieux., » accoiitum6s an sang, prompts aux coups, bons coupc-jarrets, tri6s un i un dans les bandcs qui ont march6 sur Aix, Aries et Avignon, I'ecume de celte 6cume qui, de-puis trois ans, dans Ic Comlat et dans les Bouchcs-du-RhOne, bouillonne par-dessus les barrifcrcs inulilcs de la loi. — Le jour mSme do leur arriv6c i Paris, 30 juillct, ils ont monlr6 cc qu'ils savent faire *. Accueillis en grande pompe par les Jacobins et parSantcrrc, on les amones avcc intention aux Cbamps-Elys6es, dans un cabaret voisin du restaurant ou les grenadiers des Fillcs-Saint-Thomas, banquiers, agents de change, hommes notables ctconnus par leur altachemcnt h. la constitution monarchique, fai-saientleur repas de corps annonce depuis plusieurs jours. Dcvant leur restaurant, la populace qui a fait cortege au bataillon marseillais s'attroupe, crie, lance de la bouc, puis des pierres; les grenadiers tirent leurs sabres. Aussi-t6t, en face d'eux, un cri s'61feve : « A nous les Marseillais! » Ceux-ci, avec une agilit6 dc meridionaux, sautent par les fen6tres, escaladent les fosses, tombent A coups de sabre sur les grenadiers, en tuenl un, en blcssent quinze. — Nul debutplus 6clalant: enfin Ic parti poss6de des hommes

« peut-cU-e bienaise d'cn soulager Ic pave.» — Siir la composition de ccUe Iroiipe ct sur le rdle antericiir de Rebecqiii, Aoyezle cliapilre vi.

1. Buchez clRoiix, XVI, 197 et suivanlcs. — Morlimer-Ternaux, II, 148 (Les grenadiers n'olaient que 166). — Monilcur, XIII, 310, seance du 1" aoul. Adrcsse des grenadiers : « lis jurent sur leur lionneur n'avoir « tird leurs sabres qu'apres un quart d'beure dcmenaccSj d'insulles et d'liu-« niiliations, que presses de ddfendre leurs vies contre une troupe de brigands « armC's de pistolets et quelqucs-uns de carabines. » — « La lecture de ce \ "'"^"'^"'° <=st souvent intcrrompue par les buees des tribunes, raalgrc les

rares de M. le president. , _ Aulrcs huees quand ils deQlent.

LA PREMIERE ETAPE DE LA CONQUl TE. 223

d'action'; il faiifc les tenir a portee. Des gens qui tra-vaillcnt si vitc et si bien doivent 6tre mis en bon cndroit, pr^s des Tuileries.' En consequence, dans la nuit du 8 aoilt, le maire, sans prevenir le commandant general et de sa seule autorit6, leur fait quitter leur caserne de la rue Blanche, pour les installer avec leurs amies et leurs canons dans la caserne des Cordeliers'.

Yoili la force militaire aux mains de laplfebe jacobine; il ne reste plus qu'i lui remettre I'auloritd civile, et lcs_ Girondins, qui leur ont fait le premier cadeau, ne manquent pas de leur faire le second. — Le 1" juillct, ils ont decrele que desormais les seances des corps ad-minislratifs seraient publiques : c'est soumettre les mu-nicipalites, les conseils de district et les conseils de de-partement, comme rAsscmbl6c nalionale clle-mCme, aux clameurs, aux outrages, aux menaces, i la domination des assistants', qui la, comme a I'Assemblee nalionale,

1. Lc manque d'honimcs d'action, clait le grand cmbanas du parli jacobin. (Corycspondance de Mirabean et du comte de la March,-\l, 326.) Lettre de M. de Montmorin, 13 juillct 1792, sur les dispositions du peuplo de Paris, qui est las cl fatigue a I'exces . « II ne se porleraa rien « ni pour ni centre le roi... II no se rcmuc plus pour ricn ; les emeules sont «absolunienl factices; cela est si vrai, qu'ils ont ete obliges de faire vcnir du « monde du Midi pour en faire. Presque tous ceux qui ont force les porlcs " des Tuileries ou plulOt qui y sont enlrcs, le 20 juin, ctaient clrangers ou « curieux, rasseniblos par lc spectacle queprescnlait cellc horde de piques, " de bonnets rouges, etc. Tout cela clait si pollron, qu'ils s'cnfuyaienl au " seul mouvement de presenter les amies que filune partie do la garde iia-« tionaleararrivee d'une deputation dc I'Assemblee, ct les chefsfiircntobligL'S « de les rassurer et de leur dire qu'on ne voulait pas tirer sur cux. »

2. Duchcz ct Roux, XVI, A47. — Chronicjue des cinquantc jours, par

Roedcrer. 3. iMortimer-Ternaux, II, 378. — 127 Jacobins d'Arras, conduits par Guffroy

et Robespierre jcune, doclarcnt au directoiro qu'ils se presenleront a scs seances pour suivre scs ddiberations... «R est temps que I'oeil du mailro o survcille scs agents. " La-dessus le dircctoire donne sa demission (4 juil­lct 1792). — lb., 46.2 (rapport de Loroux, ofQcier municipal). Dans la nuitdu 9 au 10 aout, Ic conseil municipal de Parisdelibirc sous les menaces de mort ct les cris lurieux des tribunes.

224 LA REVOLUTION.

seront toujours dcs Jacobins. Le U juillet ' , par la d^^ claralion que la palrie est en danger, ils ont consliluc Ics corps adininlstralifs, puis les quaranlc-liuit sections de Paris, en permanence : c'est livrer les corps adminisLratifs ct les quarante-luiil sections de Paz'is a la niinovile jaco-bine qui,parzcle, sera toujours presenteetsait les moycns de se transformer en majorite. — Car suivez les conse­quences et voyez le triage opere par Ic double d6cret. Cc ne sont pas les gens occupes et ranges qui viendronl lous les jours et toute la journdeaux seances. D'abord ils ont Irop i faire i leur bureau, h leur boutique, i leur dtabli, pour perdrc ainsv leur temps. Ensuilc ils ont li-op dc bon sens, de docilile et d'honn6lcL6 pour enlrcprehdrc, A l'H6tel de Yille, dc r6gentcr leurs magistrals et pour croire, dans leur section, qu'ils sont le peuple souverain. D'ailleurs la clabauderie les dcgoute; enfm, en ce mo­ment, les rues de Paris, surtout le soir, ne sont passCires; la politique en plein vent y multiplic les bagarres et les coups de canne. Aussi. bien, depuis longtemps, on ne les volt plus aux clubs ni dans les tribunes de I'Assemblee nfilionale; on ne les verra pas davantage aux.sdanccs de la municipalite ni aux asscjnblees de section. — Au con-traire, rien de plus atlrayant pour les desocuvr6s, piliers de cafe, orateurs de'cabaret, fldneurs et bavards, log6s en « chambregarnie- », pour lesrefractaires etles parasites de I'arm^e sociale,pour tons ceux qui, sortis du cadre ou n'ayant pu y renlrer, veulentle mettre en pieces, e{, faute d'une carriere privee, se font unc carriere publique. Pour

1. Duvergier, Colleclion des lois ct decrels, 4, 5-8 juillet, 11-12 juillet, 25-28 juillcL. — Buchez et Roux, XVI, 250. La section du Thealrc-Fransais (Danlon, president, Chaumettc et Momoro, secretaires) interprete ainsi la declaration de la patrie en danger : « Apres que la. palrie a 6i& declaree ' en danger par Jes roprusentanfs du pciip/e, le peupic se trouve naturel-' |j » ent ressaisi de la souveraine surveillance, n ^9 "ociobr'^'r '^^^^'^^^^ ^^ ^'^ Revolution, I, 99-lCO. Rapport i Roland,

LA PREMIERE ETAPE DE LA COXQUETE. 225

eux, pour les fcJeres oisifs, pour les cerveaux d6rang6s, pour le petit Iroupeau des vrais fanaliqucs, les stances permanenles, mtime de nuit, ne sent pas trop longucs. Ilsy sont acteursou claqueurs, ctlevacarmenc les choquc point, puisqu'ils le ibiit. lis s'y relayent pour 6tre tou-jours en nombre, ou suppleenl un nombrc par la brula-lite ct rusurpalion. Au m6pris de la loi, la section du , Tlicjitre-Francais, conduite par Dan ton, leve la distinction des citoyens actifs et des citoyens passifs, et accordc a tous les individus domicilics dans sa circonscriplion le droit de presence et de vote. D'aulres sections * adnict-tcnt i leurs seances tons les spcctateurs de bonne vo-lonl6, femmes, enfants, nomades, agitateurs et agitiis, qui, comnie ti rAssemblce nationale, applaudissent ou hucnt sur un mot d'ordre. Dans les sections qui ne veulent pas se mettre k la merci d'un public anonyme, la mfinic lourbe d'energumenes fait lapage a la porle et insultc les 61ecteurs qui entrent. — Grdce k ce personnel ambu­lant de coUaborateurs inlrus, les Jacobins extremes domi-nent aux sections comme i I'Asscmblee; aux sections •comme k I'Assemblee, lis cbassent ou font taire les mo-deres, et, quand la salle est demi-vide ou muctte, leur motion passo. Colportee dans le quarticr voisin, die y est enlevee miime; au bout de quelques jours, elle a fait le tour de Paris, et revient a I'Assemblee comnie la volonte authentique de la population unaniale^

A present, pour que cette volonte postiche s'exccute,

L Morlimcr-Ternaux. II, 199. — Bucliez et Uouv, XVI, 200. - Monileiw^ XIII, 336, seance du o aoul. Discours do ColloL-d'Ilerbois.

2. Moniteuv, XI, 20, seance du 4 fevrier. Deja, dans ccUe seance Gorgucreau, rapporlcur du comile de legislalion, disail : uLcs auteurs de » ces adresscs niuUipliees scmblent moins demander qu'ordonner... Ce a sonlloujours les miiiiics sections, ou plutOt les memes individus, qui vous « trompent quand ils vousapporlcnt leurs propres paijurcs pour ceux de la « capitale. (Les U-ibuncs: Abas le rapporlcur!) n — 10.^ XIII, 93^ seance du 11 juillet. M. Gaslelier : "On vous lit sans cesse, au noai du peuple

LA J\R\OLl.'TION. I] — l b

226 LA RliiVOLUTION.

il lui faut un comitd central d'execulion, ct, par un chef-d'oeuvre d'avcuglement, c'esl Pelion, le maire giron-din, ciui se charge de le loger, dc I'autoriser et dc I'or-ganiser. Le 17 juillet*, 11 institue au parquet dc la Commune « un bureau central dc correspondancc cnlre « les seclions » ; lous les jours un commissaire elu y viendra porter les arrfites de sa seclion cL en rappor-Icra les arreles des quarante-sept autres. Naturellcmcnl, ccs commissaires 61us vont delib6rer entre eux, avcc prcsidcnL, secretaire, procfes-verbal et toules les formes d'lin vrai conscil municipal. NalurcUement, puisqu'ils sont 61us d'aujourd'hui et avec un mandat sp6cial, ils doivent sc Irouvcr plus legitimes que le conseil muni­cipal elu qualre ou huit mois auparavant avec un man­dat vague. NalurcUement, puisqu'on les a inslall6s dans rilotcl de Ville, d deux pas du conseil municipal, ils scront tcntes de prendre sa place; pour sc substituer A lui, il Icur suffit dc changer dc sallc : ce n'est qu'un corridor a traverser.

n des adre~scs qui ne sont pas niiJinc le vceu d'line section. Nous avons vu " la memo personne vcnir trois fois dans une scmaine reclamcr au nom de " la souvcrainele. (Cris dans les Irihnnes : A bas! a. bas l)" — lb., 208, seance du 21 juillet. M. Dumolard : aVous distinguercz du peupic de « Paris ces intrigants subalternes,... ccs oralcurs habituels de cafe et de « place publique dont I'cxistence Equivoque fait, depuis longtemps, I'objet a de la surveillance et dc laseverilede la police. (Murnuircs, iiu(5es des tri-« bune5,cris '.A bas /'ora/eio'/)" —Morlimer-Ternaux, II, 398. Protestation de la sec/ion de I'Ai'iCim], lue par Lavoisier (Je cliiuiiste): "Lecaprice d'luie " poignee dc citoyens devient (ainsi) le voju d'une immense population, n

1. Uucbez ct Roiix, XVI, 251. —-Mortimcr-Tcrnaux, II, 239 et 243, Le bureau central est d'abord etabli dans « les batiments du Saint-Esprit, aa " 2-= etage, pres le passage qui communique a la maison commune. » En-sruilo les commissaires des sections occupent une autre salle presqiic con-liguu a la salle du Ti6uo oil si6ge le conseil municipal, ct, dans la nuit du y au 10 aout, les deux conseils siogcnt simultanemcut, pendant quatre '^eurcs, a deux pas I'un de I'aulre.

LA PREMIERE lilTAPE DE LA COXQUETE. 227.

IV

.^Iiisi 6clut, couv6e par les Girondins, la terrible Com-Iiunede Paris, celledu 10 aoiit, du2sci)lembre, du31 mai: Ja vipfere n'esL pas encore sorlie du nid qu'ellc siffle d6ja; (luiiize jours avaiiL le lOaoCit*, elle commence a derouler scs anneaux, et les sages hommes d'Eial qui Ton I si di-ligemmcnt abriLec et nourrie apercoivont avcc effroi sa leLe plalc et hideuse. Aussitot ils rcculent, ct jusqu'au dernier moment ils fcront effort pour rempeclier de niordre. Lc 7 aoiit, Petion vient lui-m6me clicz Robes­pierre, afii) de lui representor les dangers d'une insurrec­tion et d'obtenir qu'on laisse i I'Assemblee le temps de discuter la dech6ance. Le m6me jour, Ycrgniaud et Gua-det, par Tentremise du valet de chambre Tbierry, propo-scnt au roi de remellre jusqu'i la paix le gouvernement i\ un conseil de regence. Dans la nuit du 9 au 10 aoiil une circulaire pressante de P6tion engage les sections a demeurer tranquillcsl — II est trop tard. Cinqnante jours d'cxcitatious et d'alarmes oiUexaU6 jusqu'au delire I'tga-remcnt dcs imaginations malades. — Le 2 aout, une mul-

• tilude d'liommes et de femmcs so precipitent i la barre do PAssemblee en criant:« Yengeance! vengeance! on empoi-« Sonne nos fr^resM » La v6ritc v6riri6e est qu'A Soissons,

} . l\ohcs\vcirc, 1'letlre d ses com7netla)its. « Les sections,... pendant " plus de quinzc jours, prcparerenl la derniere rt3volution. »

2. Id., ib. — Malouet, II, 233, 234. — Ra'dcrcr, Chronique des cin-

quante jours. 3. Monllcar^ XIII, 318, 319. La-petition semble rodigce par des gens

hors d'eux-menics : «Si nous ne complions passur vous, je no vous rcponds - pas des exces ou notrodesespoir pourrait nous porter: nous pcririons dans d les horreurs de la guerre civile, pourvu qu'cn niourant nous cntrulnions « avec nous quelques-uns dcs laches qui nous asiassinent.» — Notez qiie les represenlanls parlent <lu m(ime ton. Lasourcc : a Les mombres qui a sont ici dcmaudent comnie vous vengeance. » —Thuriot: « Lc crime ott « alrocc.»

228 L.\ REVOLUTION.

oil le pain de munilion est manipiile dans une cglisc, quelques fragments de vitrauxbiises sc sont trouves dans une fourn6e; Ki-dcssus, le bruit a couru que 170 volon-taircs ctaient morts et 700 i I'hOpital. — L'instinct feroce sc forge dcs adversaires a son image et s'autorise contre eux des projets qu'il leur preLc contre lui. An comile des mcneurs jacobins, on est sur que la cour va aUaquer, ct Ton a du complot « non seulement des indices, mais les « preuves les plus claires'». « C'est le cheval de Troie, » disait Panis; « nous sommes perdus, si nous ne parve-« nons pas a Ic vidcr... La bombe dclatcra dans la nuit « du 9 au 10 aoul... Quinze mille aristocrates sont prcts « 6, c'Torgcr tous les patriotcs; » en consequence, les pa-Iriolcs s'attribuent le droit d'egorgcr les aristocrates. — Dans les derniers jours de juin, k la section des Minimcs, « un garde-francaise se chargeait deja de tuer le roi, » si le roi persistait dans son veto; le president do la sec­tion ayant voulu exclure le regicide, c'est le regicide qui a 6te maintcnu, et le president exclu^ Le 14 juillet, i la fOte de la Federation, un autre predccesseur de Louvel et de Fieschi, muni d'un coutelas, s'etait introduit dans le bataillon de service pour la m6me besogne; pendant la cer6monie, la foule rugissait, ct il y cut un moment ou

1. Buciicz ct HouX, XIX, 93, stance du 23 seplcmbre 1792. Discours de Panis : « Beaucoup d'exccllcnts citoyens voulaiciit dcs prcuvcs judi-« ciaircs; mais les p)'euves poUtiques nous suffisaicnl. » — Vers la fin de uillct, le ministrc de rintorieur avait invite Petion a cnvoyer deux offlciers

municipaux pour visiter les Tuileries; mais Ic conseil municipal avait rcfusd, afin de garder scs alarmcs.

2. Mallel-Dupan, Memoires, I, 303. Lettre de Malouet du 29 juin, — L'crlrand de MoUcville, Memoires, II, 301. — Ilua, 148. — Weber, II, 208.— iMme Campan, Memoires, II, 188. Deja, a la fin de 1791, le roi t;lait averli qu'il courait risque d'etre empoisonne par un Jacobin devenu le pilissier en titre duch&teau. Pendant trois ou quatre mois, il dut manger till pain el des patisseries achctdes ailleurs en caclictte. Le 14 juillet 1792,

nT,,f '^ ' '" '^ ^"^ croyuiont si menace, qu'ils I'avaicnt oblige a mcttre un plastron sous son habit.

LA PREMIERE I^TAPE DE LA CONQUETE. 229

le roi dut la vie a la ferme contcnance do son cscorlo. Le 27 juillet, dans Ic jardin des Tuilcrics, I'ancicn consli-tuant d'EspreiTK^nil, baltu, sabre, scs habits arraches, poiirsulvi comme un cerf h travers le Palais-Royal, vient lombcr sanglant sur un malelas aux porlcs de la Tr6so-rcric ' . Le 29 juillet, pendant qu'un aide de camp de La­fayette, M. Bureau de Pusy, est i la barre, « on essaye au « Palais-Royal la motion de promoncr sa I6tc au bout « d'une pique- ». — A ce degre de rage ct de pcur, dcs esprits 6chau(Tds et grossiers ne pcuvcnt plus allendrc. Le 4 aout', la section Mauconseil declare « a rAsscmblec, « a la municipalit6 et i tons Ics citoyens de Paris qu'elle « ne reconnalt plus Louis XVI pour roi dcs Francais ». Son president, un maitre tailleur, et son secretaire, un cm-ploy6 de la Halle aux cuirs, appuicnl Iciir manifesle sur trois vers de tragcdie qui surnagent dans leur m6moire% et lis donncnt rcndez-vous a tons les hommes de bonne volonte pour le dimanche suivant sur le boulevard dc la Madeleine-Saint-Honor6. Le 6 aoiit, un commis de la poste, A^arlct, au nom des p6titionnaircs du Champ dc Mars, signifie a rAsscmblec Ic programme de la faction: d6cheance du roi, accusation, arrestation et jugcment expcditif dc Lafayette, convocation immediate dcs as-semblees primaircs, suffrage universe!, licenciement de lous les elats-majors, renouvellement dc tons les direc-

L Moniteur, VIII, 271, 278. Un depute, pour excuscr Ics assaillanis, protend que d'Esprem(5nil excilait ie pcuple ix sc prticipitcr dans le jardin dcs Tuilcrics. Nolez que d'Espr»5menil avail 616, pendant la Constituantc, run des hommes les plus marquanls dc la droilc extreme. — Due de Gaete, Mcmoircs, I, 18. •

2. Lafayclle, I, 465. 3. Moniteur, XIII, 327. — Morlimer-Tcrnaux, II, 176. 4. Moniteur, XIII, 340. — Le style de ces petitions est trSs inslruclif; on

y voil r t lat mental et le degrd d'dducalion des pdlitionnaires, lanlol le demi-lcttr^ qui essaye de rdpdler les raisonnements du Conlrat social lant6t I'dcolicr empliatique qui recite des tirades de Raynal, lanWt \i scribe du coin qui debite son assorliment dc phrases.

230 LA. RfiVOLUTION. .

toires de d6partement, rappel de tons les ambassadcurs, suppression de la diplomatie, retoiir h. Fetal de nature. — A present, que les Girondins atermoient, n6gocien(, lou-^ voient et raisonnent tant qu'ils voudront: leur hesitation n'aura d'autre efTet que de les releguer au second plan, comme licdes et limides. Grdce a eux, la faction a maintc-nant ses aSsemblees ddiberantes, son pouvoir ex6culit, son sifege central de gouvernement, son armee grossie, cprouvee, toule prc^te, et, de gr6 ou de force, son pro­gramme^ s'cx6cutcra.

• ^

11 s'aglt d'abord de contraindre I'Asscmblec b. d6poscr le roi, et d6j^, k plusieurs reprises ^ le 26 juillet, le 31 juillet, le 4 aout, les conciliabiiles obscurs, ou des inconnus d6cident du sort de la France, ont donne le signal de r6meute. — Retenus k grand'peine, ils ont

• consent! t'l « patienter jusqu'au 9 aout, 11 licures du « soir^ » : ce jour-li, I'Assembl^c doit discuter la de-

1. Carra, Precis historique sur V-origina et les vcrilablcs aiiteurs de rinsurreclion du 10 aout. — Barbaroux, Memoircs^ 49. — Le dircctoire d'execution, nomm6 par Ic comile central des fedcrds, lint sa i>rcmi6re stance au cabaret du Soleil'd'or, place de la Bastille, la-seconde au Cadranbleu, sur le boulevard, la troisi6me dans la cliambre d'Antoinc qui logeait alors dans la m t o e niaison que Robespierre. C. Dcsmoulins assistait i cette stance; les principaux membrcs do cc directoire dtaicnt Santerre, Westermann, Fournier rAm^ricain et Lazowski. Un autre plan d'insurrection fut dressd, le 30 juillet, dans un cabaret de Chirenton, par Barbaroux, Rebecqui, Pierre Bayle, Heron, ct Fournier I'Anicricain. — Cf. J. Glaretie, Camille Desmoxdins, p. 192. Desmoulins ecrivait un peu avant le 10 aoOt: <• Si I'Assemblde nationale ne croit pas pouvoir Fauver la « patrie, qu'elle d(5clare done qu'aux tcrmes de la conslitution, et comme « les Romains, ellc en remct le ddpflt a chacun des citoyens. Aussit6t on a Sonne le tocsin, toute la nation s'assemble, chacun, comme a Rome, « cstinvesli du droit de punir de mart les conspiratcurs reconnus.^

2. Mortimer-Ternaux, II, 182. ArrCte de la section desQuinze-Vingts,

yingl^~ ^"'^^'^^ ^^ ^''"''^ ^^'^' 402-410. Jlisloire de la section des Quinze-

LA PREMIERE ETAPE DE LA CONQUfiTE. 231

chdance, ct Von comptc qu'elle la votcrasoiis une menace aussi precise; scs r6pugnances ne licndront pas devant

^ la certitude d'un invcstisscment arme. — Mais, le 8 aoCit, * ji une majoril6 des deux tiers, clle refuse de mctlre en

accusation le grand ennemi, Lafayette. II faut done commencer par clle la double amputation ndccssairc au salut public.

Au moment ou racquittemcnt est pronoiice, Ics tri­bunes, ordinairement si bruyantes, gardent « un silence « morne^ » : c'est que le mot d'ordrc leur a etc transmis et qu'elles se reservcnt pour la rue. Un ii un, Ics d6pu-t6s qui out vote pour Lafayette sent designes aux. rassemblements qui stationnent a la porte, et une cla-meur s'elcve : « Co sont dos gueux, des coquins, des « traitres payes par la lisle civile. II faut les pendre, « il faut les tuer. » — On leur jctte de la bouc, du mor-ticr, des piatras, des picrres, et on les bourre de coups de poing. Rue du Dauphin, M. M6ziferes est saisi au collet, et une femme lui porte un coup qu'il detourne. Rue Saint-llonor6, des gens.cn bonnet rouge environ-nent M. Regnault-Beauceron, ct decidcnt « qu'on lo « meltra c\ la lanterne« : dcji un homme en veste 1'avail empoigne par derriJire et le soulcvait, lorsque des gre­nadiers de Sainte-Opportunc arrivcnt h temps .pour le degager. Rue Saint-Louis, M. Deuzy, frappe dans le dos et atteint de plusieurs cailloux, voit i deux reprises un sabre lev6 sur sa t6le. Dans la galcric des Fcuillanls, M. Desbois est meurtri de coups, et on lui vole « une « boite, son portefeuille et sa canne «. Dans les couloirs de I'Assembl^e, M. Girardin est sur le point d'etre assas-sine2. Huit autres deputes poursuivis se sont r6fu"-ies

1. Monileur, XHI, 367, stance du 8 aoCit. - lb., 369 el pages suivantcs seance du 9 aoiU. Leltresct discours des deputes mallrailes

.2 lb., 371. Discours de M. Girardin : « J'ai la cerlilude que la plupart . dc ccux qui m insullaicnl 6laicnt des elrangcrs. n - lb 370 Lcll

232 LA Rl^VOLUTION.

dnns Ic corps de garde du Palais-Royal; un fcder6 y cntrc avcc ciix; « k\, I'oiil 6lincclant do rage, frappant « en forccn6 sur une table, » il dit an plus connu, M. Du-molard : « Si tu as le malheiir de romcltre les piodsdans « I'AssembK'c, je le coiipcrai la ICIc avec mon sabre. « Quant au principal dcfcnseur de Lafayette, M- de Vau-blanc, assailli trois fois, il a cii la precaution dc ne pas rentrer chez lui; mais dcs furicux invcslisscnt sa maison en criant que « quatre-vingts ciloyens doivent ;penr dc « leur main, et lui le premier «; douze hommes montent h son appartemcnt, y foulUcnl partoul, rccommencent la perquisition dans les mals'ons voisincs, et, no pouvauL rcmpoigncr lui-meme", chcrclicnl sa famillc; on I'averlit que, s'il rentre a son domicile, il sera massacre. — Dans la soiree, sur la tcrrasse des Feuillants, d'autres deputes sont livrcs aux mimes' outrages; la gendarmerie fait de vains efforts pour les prot6gcr; bien mieux, « le comman-«• danl de la garde nationalc, descendant de son postc,csf « altaqu6 et sabre*. — Cepcndant, dans les couloirs dcs Jacobins, « on voue 4 I'execralion la majorite dc I'As-« semblee nationale »; un oraleur declare que « le peupic « a le drcit de former ses listcs de proscription », et, h. cet effet, le club ddcide qu'il fera imprimer et publier les noms de lous les deputes qui ont absous Lafayette. —

M, Frouvieres : «Un grand nombre dc ciloyens, sorlant de Icurs boutiques « s'dcriaient: Comnienl peiit-on insultcr ainsi des deputes? Sauvez-voi:s « sauvez-voiis !«— M. Jolivct, qui, le m(5nicsoir, est alle a !a seance des Ja­cobins, ddclare << que les tribunes des Jacobins claient loin de partaker ce « ddlircn. II a cntendu " un parliculicr dans ces tribunes s'ecrier, lorsqu'on « proposail de meltre sur la lisle la dcmeure des deputes, que c'olait une o horreur ". — Ouantile d'autres details montrcnt le pelit nombre et la qua-Iil6 des facticux. — lb., 374. Discours d'Aidjcrl-Dubayet : « J'al vu des • hommes, revctus dc I'liabit de garde national, qui avaienl sur la pliv-« sionomic lout ce que la sceleratesse otTre de plus horrible, r, H y a « uu • tres grand nombre d'hommes maiinlentionnes parmi les federes. "

• lb -rivfl"'"'' •^'"' ^ ' ° " ^ ^ •'' ' ^ - " ^ '^°'^'' minisli-e de !a justice. — Ji'rnK- f ' " ^^ ' ° " ' ^ ^'- Joll'^et. - Buchez et Roux, XYI, 370, s6ance dcs J^cobms, le 8 aodl au soir. Discours de Goupilleau.

LA PREMIERE £ T A P E D E LA COXQUfiTE. 233

Jamais la conlrainlc pliysique ne s'est elalce et appliqiiee avcc line plus francbe impudeur.

Lc lendcmain, 9 aoiil, Ics abords de rAsscmbl6c sont cnlour6s de gens arm6s, ct il y a dcs sabres jusque dans ics corridors'. Plus inip6ricuses que jamais, Ics galeries .tclalcnt en applaudisscmcnls, en ricancmenls d'appro-balion et de triompbe, i mcsure que les allcnlals de la vcillc sont denonccs i la tribune. Yingt fois, le president rappelle Ics perturbaleurs i I'ordre; sa voix et le bruit de la sonncttc sont toujours couvcrts par les rumeurs. Impossible d'opiner : la plupart des represenlanls mal-lrail6s la veille ecrivcnt qu'ils ne revicndront pas aux seances; d'autres, presents, declarenl qu'ils ne voteront plus « si on ne leur assure la liberty de d61ib6rcr d'aprcs « leur conscience ». .— A ce mot quiexprime le vccu secret de « TAssembl^e presque entierc- », « tous. Ics « membres de la droite' ct un grand nombre de membres « dc la gauche se Invent simultanement eh criant : Oui, « oui, nousned61ibcrerons})ointavant d'etre libres! » — Mais, selon sa coutumc, la majority rcculc au moment d'adopter les mcsures efficaecs; le cocur lui manque, comme toujours, pour se defendre, et, coup sur coup, trois declarations officielles, en lui devoilant Timminence

1. Moniteur, XIII, 370. — Cf. lb., la leltre de M. Chapron. — lb., 372. Discours de M. dc Yaublanc.—l\oova, A journal during a residence in France, I, 25 (9 aodl): " L'impcrlinence du pciiplc dcs galerics est intolc-« rablo "... II y eut « un bniyant cl universel liclat dc rire dc loulcs les « galeries » i la lecture dc la leltre dans laquellc un d(5puti5 (icrivait qu'on I'avait menac6de lui coupcr la ICle, — <• Cinquanle membres vociferant a - la fois, une tempete auprts de laquellc la nuit la plus bruyante dont « j'aie eld lemoin h. la Ciiambre des communes ctait le calme... »

2. Moniteur. XIII, p. 371. — I.arayeltc, I, 467: « Le 9 aoOt, ainsi qu'on a pcul le voir dans Ics Editions du Logographe qui n'onl pas ele mulilees, •1 I'Asscmblee presque cnli6re se leva pour declarer qu'cUc n'elait pas li-a bre. » — lb., 473: « Lc 9 aoiU, rAsscmblee avail vole un decrel pour dc-c clarer qu'cUe n'otail pas libre. Ce dccrct fut dccliii'c lc 10 j il n'ea est pas « moins vrai qu'on I'avait rendu. »

234 LA REVOLUTION.

(lu peril, renfonccnt plus avant clans sa limidilu. Dans coLte mcme seance, Ic procurcur-syndic dii deparLemcnl lui annoncc que Finsurreclion est prefe, que 900 hommcs armdsviennenfcd'enlrcr dans Paris, qu'a minuit Ic locsin sonnera, que la municipality toltrc ou favorisc Tcmeutc. Dans cette mCme seance, le ministre de la justice lui ccrit que « les lois sont impuissantes », ct que le ^^ou-vernement nc repond plus dc rien. Dans cetle nieme stance, le maire Pction, avouant presque sa complicilo, vient a la barre declarer tres clairement qu'il evitera de rcqucrir la force publique, parce que « c'cst arnier une « portion des citoyens centre les autrcs^ ». — Manifeste-ment, tout point d'appui s'estderob6; I'Asscmblcc, se sen-tanl abandonnce, s'abandonnc, et, pour tout expedient, avec une faiblessc ou une naivete qui point bien les legis-lateurs de I'cpoque, elle adopte une adressc philosopbi-que, c< une instruction au peuple sur I'exercice de sa « souverainete. »

T)bs le Icndemain, elle peut voir comment il rexcrce. A 7 heures du matin, un depute jacobin qui arrive en fiacre s'arrete devant la porte des Feuillants; on s'attroupe autour de lui, il dit son nom, Dclmas. La foulc entend Dumas, constitutionncl notoire; furicusc, die I'arrache du fiacre, le frappe; il ctait perdu, si d'autres deputes, accourant, n'avaient certifie qu'il 6tait le patriote Delmas de Toulouse, et non « le traitre Mathieu Dumas »^

. Ceiui-ci n'insfste pas pour enlrer, et Irouve sur la place Vendome un second averlissemcnt non moins instruct!f. Des miserables, suivis de la canaille ordinaire, y promc-naient des letes sur des piques, probablemont cellos dii journaliste Suleau et detrois aulres, massacres un quart d'heure auparavant; « de irbs jcuncs gens, des enfants

l.iMoniieur, XIU, 370, 374, 375. Discours dc Rccdercr, leltrc cic M. de Joly, discours de Pction.

2. Malliicu Dumas, Mcmoivcs, II, 461.

LA PREMlfeRE ETAPE DE LA COXQUfiTE. 235

«jouaicnt avcc ccs letcs, les jetaiit en I'air el les recevant « au bout de lears batons ». — Sans contredil, les deputes dc.ladroile et mCme du centre feront prudemment de reslcr ou de rentrer chez eux; ct, de fait, on ne les voit plus i I'Asseniblec'. Dans I'apres-midi, sur 630 membrcs encore presents I'aYant-veillc, 3k6 nc r^pondront point a i'appel nominal, ct auparavant une trenlaine d'aulrcs s'etaientd<:^ji retires ou dcmis-. La purgation est complete, pareille a cclle que Cromwell en 1648 fit subir au Long-Parlement. Dcsormais, lo Corps I6gislatif, reduil a 224 Ja­cobins ou Girondins ct k 60 nculres cffray6s ou deciles, ob6ira sans difficultd aux injonctions de la rue: avec sa composition, son esprit a-change; il n'est plus qu'un instrument servile aux mains des seditieux qui Font mulile'et qui, mailres de lui par un premier mt'Iail, vont se servir de lui pour Icgaliser leurs autres atlenlals.

VI

Dans la nuit du 9 au 10 aoiit, leur gouvcrnement s'est constilue pour agir, etil s'est constitu6 comme il agira, par la violence etpar lafraude. --Vainement, ils out Iravaille et fatigue les sections depuis quinze jours; elles ne leur sont

1. Chronique dcs cinquante jours, par Roedcrer. — Moiiimer-Ternatix, II, 250, — Buchez ct llouxj XVI, 458. — Vers sepl hcurcs et deinic du matin, il n'y avail que 60 k 80 membrcs presents (lemoignagc des deux iiiinislrcs qui reviennent dc I'Asscmljlce).

2. Morliracr-Tcrnaux, II, 205. Au scrutin du 12juillet, sans compter les maladcs, les membres on conge ou del6guds ailleurs, les inorts non renipla-ces, il s'etait deja lrouY6 27 non-repondants, et, depuis, 3 autres s'elaicnt de-mis. —Uuchez ct Uoux, XYII, 340, seance du 2 scplcmbre 1792. llerault de Scchelles est elu prdsident par 2A8 voix sur 257 volants. — Ihia, 1G4 (aprcs le 10 aoat):«Nous n'ailions plus aux seances que pour conslaler que nous « no les avions pas abandonnees; nous no prenions plus part aux delibera-. lions, et, quand on volait par assis et leve, nous rest ions assis sur nos « bancs; c'ctait la seulo protoslalion que nous pussions faire, »

236 LA RfiVOLUnON.

pas encore soumiscs, et a riieurc clile, onze heiires du Roir, sur quaranLe-huit, il ne s'en Irouve que six asscz cchaiiff6es on 6purees pour envoycr lout do suile A riliMel de Yille leurs commissaires munis de plcins pouvoirs. Les aulres suivront; mais la majorile demcure inciie ou r^calcilrante*. — II faut done la trompcr ou la conlraiiv dre, et pourcela I'obscurile, I'lieurc avancee, le desordrc, la peur du lendemain, rindeterminalion de I'oiuvre a faire sont des auxiliaires precieux. En bcaucoup do sec-lions-, la seance est deja levee ou descrtec; 11 ne rcsle dans la salle que les membres du bureau permanent et peut-6lre quelques liommes endormis sur des bancs presquc vides. Arrive un 6missairc des secUons insurg6cs, avec les affidcs du quarlier, criant qu'il faut sauver la palrie : les dormeurs ouvrent les yeux, s'elircnt, Ifevent la main etnomment qui on Icur d6signe, parfois des 6tran-gers, des inconnus, qui scront desavoues le lendemain par la section rassemblee; point de procos-verbal, ni de scrutin; cela est plus prompt : i I'Arsenal, les six elcc-leurs presents cboisisscnt trois d'entre cux pour repre-senter 1400 citoyens aclifs. Ailleurs, la cohue des me-gferes, des gens sans aveu et des tapagcurs nocturnes envahil la salle, cliasse les amis de I'ordre, et cmporte les nominations voulues*. D'autres sections consentent ci 61ire, mais sans donner de plcins pouvoirs; plusicurs font des reserves expresses, stipulent que leurs d616gu6s agiront de concert avec la municipalile legale, se defient dufutur comile, declarent d'avance qu'elles ne lui ob6i-

1. Morlimer-Ternaux, II, 229, 233, 417 ct siiivantfis. M. Mortimer-Tcr-naux a le premier expose, avec pieces a i'appni cl discussion critique, la for­mation de la Commune rcvolntionnairc. — Les six sections dont il s'n^'il sont les Lombards, les Gravilliers, Mauconscil, Goljclins, Thec\tre-Fran(:ais et Faubourg-Poissonniere.

2. Par exemple: Enfanls-Rougcs. Louvre, Observatoire, Fontaine-GrencHe,

Faubourg-Sainl-Dcnis, Thermes-dc-Julien. 3- I'ar exemple : Monlrcuil, Popincourt, Roi-de-Sicile.

LA PREMIERE £TAPE D E LA COXQUKTE. 237

ron lpas ; quclques-uncs nenommenl lcurs commissaircs que pour 6lre inform^es et manifestent en memo lemps rinlcnlion-Irfes nelle d'arretcr I 'emeute'. Enfin, vingl sections au moins s'abstienncnt ou d6sapprouvent cl h'cnvoient pas de delegues. — Pen imporlc, on se pas-sera d'elles. A trois hcures du matin, dix-neuf sections, 4 sept heures du matin vingl-quatrc ou vingl-cinq sec-lions- sont representees tellemeni qucllemenl ii THOtel de Yille, et cela fait un comito central: du moins, rien n'cmp6chc Ics soixanlc-dix ou quatrc-vingts intrigants cl casse-cou suballernes, qui s'y sent fauliles ou pousscs, de se dire Ics delcgu6s legitimes, cxtraordiuaires, plc-nipotcntiaircs de toute la population parisienne* cl d'op6rer en consequence. — A peine installcs sous la pr6sidence d'Uugucnin, avec Tallien pour secr(ilaire, ils ont appele i eux « vingt-cinq homnies arm6s par scc-« lion, » cinq cents gaillards solidcs qui Icur scrvironl dc gardes cl d'ex6culeurs. — Contre une pareille baiide, le conseil municipal qui siege dans la salle voisino csl

"^. bicn faiblc : d'aillcurs ses membres Ics plus moderds cl les plus fcrmcs, eloignes a dessein, sont en mission a TAssemblee, au chateau, dans les dillerents quar l iers ; enfm ses tribunes rcgorgenl de figures patibulaires, d'aboyeurs apostcs, el il dclibere sous dcs menaces de mort, — G'est pourquoi, a mesure que la null s'avance,

1. Par e\cmplc : Ponceau, Invalidcs, Sainte-Gcncvievc. 2. Morlimer-Tcrnaux, II, 2'i0. 3. lb., 446. Tableau dcs commissaires qui ont svigc avanl 9 hcures du

malin. — Rcmarquez quo Ic Tableau general des commissaires dcs k^ sec­tions qui ont compose le conseil general de la Commune dc Paris le 10 aoCu 1792, n'a el6 publi6 que trois ou qualre mois plus laid cl avec loulcs les falsifications nccessaires. On'le trouvera dans Buchcx cl Uoux \M,hoO Relation de Vabbc Sicard : « Dans cc temps-la, une poijrnde de .« scelerals quand la seance generalc dcs sections elail tcrminee, faisaient . d e s a r r Ids au nom de toute I'assemblce et Ics faisaient cxcculcr a . quds fussent connus de ceux qui les avaient fails ct dc coux qu „ . elaicnl les malhcurcuscs vidimcs. » (Avec pieces a ;\-.;,:un.)

238 LA REVOLUTION.

enlrc Ics deux assemblces, I'uiie legale, I'aulrc ill6gale, (jui sife^ent ensemble et en face Tune do Faulre com me sur les deux plateaux d'une balance, on voit r6quilibi"e-se romprc. D'lm cdt6 la lassitude, la pour, Ic decou-ragcmcnt et la d6sertion, do Faulre cole le nombrc, i'audace, la force et I'usurpalion vont croissant. A la lonn;-ue, la seconde arrache li la premiere tons les arr6tC'=; (lont elle a besoin pour lancer I'insurrection et paralyser la defense. — Pour acbever, vers les six beurcs du matin, le comite intrus suspend, au nom da pcuple, Ic conseil legitime, I'expulse, et s'installe sur ses fauteuils.

Tout do suite, le premier acte des nouvcaux souverains indique ce qu'ils savent faire. Appcl6 i I'lIOtcl de Yille, Ic commandant general de la garde nationalc, Mandal, clait venu juslifier devant le conseil ses dispositions et ses ordres. lis le saisissent, rinterrogcnt i leur tour', le destituent, nomment Santerre a sa place el, pour tircr plcin profit de leur capture, somment Icur prisonnier de faire retirer la moitic des troupes qu'il a plac6es aulour du cliateau. Trfes noblement et sacbant i ' quoi il s'expose dans cc coupe-gorge, celui-ci-refuse; aussilOt on le met en prison, puis on I'expedie i I'Abbaye, « pour sa plus « grande surelc. « Sur ce mot signiricatif prononco par Dan ton-, il est tue', i la sortie, par un acolyte de Danton,

1. Mortimer-Ternaux, II, 270. 273. Le proces-vcrbal officiel de rinterro-ca(oire de )landal rcnlcvmo cinq faux luateriels, par omission ou subslitu-lioti.

2, Clarelic, Camille Desmoulms, p. 467 (Notes de Topino-Leljrun sur le proces de Danton), paroles de Dinton dans son plaidoyer : <i Jo sortis a " uneheure (du matin) Jefus a la Commune devenue revolutionnaire, je fis « I'arrC't de mort de Mandat_, qui avail I'ordre de tircr sur ic peuple. » Dau-lon dil au uieme endroit: « J'avais prepare le 10 aout. « — Tres cerlaine-iiicnt, de une heureasept heuress du matin (licure du mcurtre doMandat), il a ele le mcneurencliefde la Commune insurrectionnclle. Nul n'otaitsi puis­sant, si dominateur, si bien doue pliysiqucmcnt pour regncr dans un tel conciliabule : dc plus, parmi ces nouvcaux vcnus, il citait Ic seul connu et Ic soul ucLi'o.liiu par son office de subslitut du procurcur-syhdic. De li son

LA PRF-MltRE ETAPE DE LA CONQU^TE. 239

Rossigiiol, d'un coup de pislolet a bout portant. — Apr6s la Iragedic, la comcdie. Sur les instances rcdoublees de rcjion, qui nc veut pas 6lre requis conlre I'emeuleS on lui envoie unc garde de 400 liommes, pour Ic consigner thczlui , en apparcncc malgre lui. — Ainsi abril6e d'un cole par la Irahisonelde Tautrepar I'assassinat, rdmcule pcuL mainlcnanlpasser enpleine S(§curit6, devant le gros tarlufe qui se plaint solcnnellement de sa captivite volon-lairc, et devant le cadavre au front fracasse qui git sur Ic perron de riI6lel de Yille. Sur la rive droite, les balail-lons du faubourg Saint-Anloine, sur la rive gaucbc les balaillons du faubourg Saint-Marcel, les Bretons et les RIarseillais se mettent en marcbe et avancent aussi li-brcmcnt qu'ci la parade. Les mesures de defense out 6tc deconccrt6es par le meurtre du commandant general et par la duplicite du maire : nulle resistance aux cndroits gard6s, i I'arcadc Saint-Jean, au passage dcs ponts, le long des quais, dans la cour du Louvre. Une avant-garde de populace, fcmmes, enfants, hommes amies do tran-

^ . diets, de gourdins, et de piques, s'etale sur le Carrousel abandonn6, el, vers buit beures, la premiere colonne, conduitc par Westcrmann, debouche en facedu cbiilcau.

prestige apres la vicloire et sa nominaliou au ministere de la justice. Son supericui- liicrarclii'-\ie, le procurcur-syndic Manuel, qui clait la aussi ct signait, se montrc sans doule le pauvre liomme qu'il etait, sensible et furicux, pliraseiiret ridicule. C'esl pourquoi on le laissa procureur-syndic, a I'etat d'iiislnimcnt ct dc domeslique. — Beaulicu. Essais sur la Rcvo-lulion francaisc, HI, 454 : « Rossignol s'e.sl vant6 lui-nii5mo d'avoir « coniniis cet assassinat. »

L Pieces inlc)-cssaJites pour Uiisloire, par PtHion, 1793: « Je ddsirais " rinsurrcction, niais je tremblais qu'elle no reussit pas. Ma position u etait critique; il fallail fairc mon devoir de citoyen, sans manquer i cclui « de magistral; il fallail conserver lous les dehors el ne pas m'dcarler des « formes. Quoiqu'on cut projete de me consigner chez moi, on oubliait, on - tardail dc to fairc. Qui croyez-vous qui envoya par plusieurs fois pressor . ('execution de ccttc mcsure? C'esl 7noi, oui, cesl moi. •

240 LA REVOLUTION.

VII

Si le roi eClt ijoiilu comballre, il pouvaiL encore sc cl6-fcndre, se sauver cl memo vaincre. — Dans Ics Tuilerics, 950 Suisses eL 200 genlilshommes claienl prels a so fairc tuer pour luijusqu'au dernier. Aulour desTuileries, deux ou Irois millc gardes nalionaux, r6Ute de la populalion parisienne, veuaicnt de crier sur son passage *: « Yivc lo « roil vivc Louis XYII c'cst lui qui est notre roi, nous « n'cn voulons pas d'aulre, nous le voulons I A bas les « faclieux! i b a s les Jacobins! Nous le d6fendrons jusqu'a a la morL! qu'il se meltc i noire tile! vivc la nation, la

.« loi, la constitution et le roi, tout cela ne fait qu'un 1 » Si les canonniers s'etaienl tus et semblaient mal disposes-, il n'y avail qu'a les desarmer brusquement et i meltre lours pieces enlre des mains fldelcs. Quatre mille fiisils et onze canons, abriles par les murailles des cours ct par r6paisse maconnerie du palais, auraient eu aisenicnt raison des neuf ou dix millc Jacobins de Paris, la pluparl piquiers, mal conduits par des cbcfs do balaillon impro­vises ou recalcitrants^ et encore plus mal dirigcs par

1. En cc moment, Napoleon etail au Carrousel, clicz un frere dc Doiir-riennc : « Je pus voir a mon aise,.dit-il, tons les details de la j ou rnec . I . c u roi avail pour sa defense au moins aulant de troupes' qu'en cut depuis la * Convention, le 13 vendemiaire, el les cnnemis dc cellc-ci elaienl hicn au-<. Irement disciplines ct redoutablcs. La plus grande panic de la fjanle « nalionale se monira pour le roi : on lui doit celle justice. »

2. Proc^s-verbal de Leroux. Du cote du jardin, le long de la Icrrassc qui cslau Lord de I'oau, puis au relour, " pcu dc cris de Vive le roi! bcau-" coup de Vive la nation! Vivent les sans-culolles! A basic roi! A bas le « Veto! A bas legros coclion! elc. — Mais je puis allcster que loulcs ccs " injures ue furent repetees, depuis le pont lournant jusqu'au parterre, que

-» par une douzainc d'hommcs, parnii lesqucls etaient cinq a six canonniers « qui suivaient le roi, absolument comme les moucbes poursuivcnt Taniniai • qu'elles se soul acliarnecs a lourmcnlcr. «

.• 'i-Morliiucr-Tcrnaux. IIL 223. 273. — Lellre de Donnaud, cbef de ba-

" LA PREMIERE tTAl?E DE LA COXOUETE. 'i-U

Icur nouveau general Sanlcrre qui, loujoiirs prudent, se lenait loiii ties coups a TiWlel de YiUe. U ny avail dc fcrmc sur .le Carrousel que Ics bull ccnls Brcslois ct f^larseillais; Ic resle elail une lourbe parcillc u cclle du 14 juillel, du 5 oclobre, du 20 juln. ' « Lc cbfilcau, >> dit Napoleon Bonaparte, « elait altaque par la plus vile « canaille,« par les emeuliers de profession, par la bandc dc Maillard, par la bandc dc Lazowski. par la bande de Fournier, par la bandc dc Tbcroignc, par tons les assas­sins dc la veillc, du jour, du Icndemain, ct, commc Tcvo-ncmculle prouva, la premiere dccbargc cut disperse des combattanls dccclte cspecc. —Mais, ebczles gouvcrnanis commc cbez les gouvcnies, la notion dc I'Etat s'etait per­due, cbez les uns par I'liumanite erigee en devoir, cbez les autrcs par Tinsubordination erigee en droit. A la fin du diK-buiti^me sitclc, dans la classe elcv6e el mCme dans la classe moyeniic, on avail liorreur du sang-; la •

laillon doSaintc-MargucrUc :.«• Jcne puis eviter de marcher a lour Iclc so\;s • « aucviti pr6lexlc... Jc nc violerai jamais la consliUiUon a moins que jc

« n'y sois force. » — La sccliondcs GiMviUicrs el ccUc du I'aubourg-roisson-nitirc onl cass(5 leurs couimandanls cl en onl nommc d'aulros.

L Morlimcr-Ternaux, lY, 342. Discours de Fabre d'Lglautinc aux Jaco­bins, 5 novembre Vid^l: « 11 faul le declarer haulcmcnl : cc soul les mGmcs

. u hommes qui onl pris lesTuilcricSj qui out cnfonce les prisons dc TAbbayc, " cellcs d'Orleans el ccUes de Versailles. ?> . - ••

2. A eel ogard, I'cmeute du Gliamp de Mars (17 juillel 1191), la scule qui ait el6 reprimee, esl Ires instruclive: « La garde nalionale nc voulut pu ' /

• « mcUre bas les armes, selon la couluuie, au commandeuicnl dc la foule-" en consequence, scion la co.ulumc, la f o u l c s c ihil ii la lupidoPi.-. l':irc_ " privcs de lours amusemcnls du dnuanche. paradcr sousnn solcil brulant,' " reslcr deboul commc des diudons dc fclc publique, pour lilrc assommcs « a coups dc briquesj cela ful un i)cu Irop-pour la patience des gardes a nalionaux; en sorle que, sans allcndre les ordrcs, ils lirenlfcu cl luercnl « une ou deux douzaines dc deguenilles. Les aulres delalorcnl comuie " de braves gardens. Si la garde nalionale cul allcndu'des ordres re crois « qu'avant d'en reccvoir un scul elle cul cle assommec jusqu'au. dernier a bommc... LafayeUc avail lailli olrc lue lc malin; le pislolcl rala sur sa « poilrinc.L'assassin ful arriilc aussilol, mais il le fil mellre en l iber ie" (Gouverncur Morris, lelLrcdu 20 juillel 1191.) _ PareiUemcnl lo29 nn,-,r

, 1792, aRoucn, la garde nalionale qui defend IhOlcV de viUc sc laissclapider

LA REVCLUIIO.S. • 1 1 — 1 6

242 . LA REVOLUTION. douceur des moeurs et le rCve idyllique avaienl dclrcmpc la volonte mililanle. Parlout les magislrats oubliaicnl (juc Ic maiiilicn de la socicle et dc la civilisalion est un bicn infmiment superieur a la vie d'une poignee dc malfaileurs el dc fous, que robjet primordial du gouvcrncmcnl, commc dc la gendarmerie, est la preservation de Tordre par la force, qu'un gendarme n'est pas un philanthrope, que, s'il est assailli a sonposte, il doit faire usage de son sabre et qu'il manque a sa consigne lorsqu'il rengainc dc pcur dc faire mal aux agresseurs.

Ccllc fois encore, dans la cour du Carrousel, les magis­trals presents Irouvent «lcur rcsponsabilitc insupporta­ble"; ilsne songenlqu'a « 6viler PelTusion dusang»; c'esl a regret et en avouant leur rcgrcl, « d'unc voix alt6r6c, » qu'ils lisent aux troupes la loi martiale'. lis leur « d6-« fendent d'attaquer », ils les « autorisent seulement a « repousser la force par la force »; en d'autres termes, ils leur commandent de supporter le premier feu : « Yous cc ne tirerez qu'autant qu'on tircrait sur vous. » — Bien mieux, ils vont de peloton en peloton, « disant tout haul

que cc serait folic de vouloir s'opposer a un rasscm-blement aussi considerable et aussi bicn arm6, et que

« ce serait un bicn grand malheur que de le tenter. » — « Je YOUS le repfelc, disailLeroux, il me parait insens6 de (c songer a se defendrc. « — Yoila comment, pendant unc lieure, ils encouragent la garde nationalc. « Je vous de-

(icndant plus d'une Jicurc; plusieurs sont blesses. Les magistrals font loules les concessions, emploienl tous les menagemenis; le maire r6p6lo cinq ou six fois les sommations legales. A la fin, la garde nalionale, riesque forcee, s'ecrie : « Si I'on ne nous permet pas de repousser la force « par la force, nous aliens nous rclirer. » EUe lire, il y a 4 lues, 2 blesses et la foule se disperse. (Archives nationales, F , 2265. Proccs-verbal de lu

, launicipalile de Rouen, 29 aouL; adresse de la municipalite, 28 aotit; leltro ilu liculenant-colonel de la gendarmerie, 30 aout, elc.)

1. I'roccs-verbal de Lcroux. — Chroniquo des cinquanlc jours par Ros-dere,\ — Details particuliers sur lajournee du 10 aout, par un bourgeois de I'aris, Icmoin oculaire (1822).

LA PREMIHRE ETAPE DE LA. COXQUETE. 243

c maiide seulcmcnl, diL encore Lcroux, de tcnir encore <•- qii.elquc Icmps; j 'cspere que nous dclermincrons le roi « a sc rcndre a I'Asscmblec nalionale. » — Toujours la memo lacliquc: livrer la forlercsse et le general plulot que de lirer sur Temeule. A eel cfTcl, ils remonlent et, Ptocdcrer en Iclc, ils rcdoublenl d'inslances aupres duroi. « Sire, dil Rcedercr, Ic temps presse, el nous vous deman-cc dons la permission de vous cntrainer. » — Pendanl quelques minulcs, Ics dcrnieres el les plus solennelles de la monarchie, celui-ci hesilc ' . Probablcmcnt son bon sens apcrcoit que la rclraile esl unc abdication: mais son inlclligencc flcgmaiique n'en demSlc pas lout d'abord loLitcs les consequences; d'ailleurs son oplimisme n'a jamais sonde rimmensil6 de la belisc populaire et Ics profondeurs de la mecliancet6 humaine: il no peul pas imagincr que la calomnic Iransformcra en volonle dc vcrser le sang sa volonle de ne pas vcrser le sang-. De plus, il est cngag6 par son pass6, par son babilude de ceder toujours, par son parti pris, declare et soutenu dcpuis trois ans, dc ne jamais faire la guerre civile, par son humanile obslinee, cl surtout par sa mansu6tude religieusc. Systemaliquemcnl, il a clcinl en lui I'ins-tinct animal dc resistance, relincelle de colerc qui s'al-lume en chacun dc nous sous I'agression injusle ct bru-

1. DaiLaroux, ildinoires, 6D : « Tout assiirail la victoirc a Ja coiti-j si Ic .« roi a'ciU pasquiliti son poslc.S' i l sc fiU monlrc, s'il fill moiilc a clicval,

c hi Ires graiulc niajorite dcs Ijalaillons do Pari^ so h'll declarcc pour lui. n 2. Riluokitions de Paris, n" du 11 aoOL 1792: « Le 10 aortt 1792 csl

o encore plus afTreux que le 24 aoiit 1572, et Louis XVI, bien aulremcnl. • monslrcque Charles IX. >> — " Onlrouvadans les caves plusieurs niiUicrs . de torches apparcinmenl deposees la pour incendicr Paris au signal du • nioderno Ncron. n — N" du 18 aoiit: « La place de Louis Ncron ct dc « Mcdicis Antoinette n'cst point dans les tours du Temple; Ic soir m6mc du u 10 aoai, Icur tetc dcvail lonibcr sous la guiiiolinc. » (Details circon-stancies d'un projel du roi pour faire massacrer Ics deputes patriolcs, inti-niidcr Paris par le pillage en grand et par la guiiiolinc en permanence.) — « L'ogre coiu'onnc cl sa panlherc aulrichicnnc... »

2'i4 ' LA REVOLUTION.

lalej Ic chrclien a siipplanle le Voi; il- nc salt plus'que I son devoir est d'etre hoinmc d'epec, qu'cn sc livraiiL il jlivre I'Elat, cl qu'cn se resigiianL conime un moiilon il mene avcc liii tons Ics lionnelcs gens a la boucherie. — « Allons, dil-il en levanl la main droile, donnons,puisqiril ''- le faul encore, celle dcrni6rc marque dc devouemenl'. •> Accompagnc dc sa famillc cl de scs minislrcs, il sc met en mai'che cnlrc devix haies de gardes nationaux cL dc Siiisses-, arrive a rAssemblcc qui a depute au-dcvant de lui, el dit en entrant: '« Jc suis venu ici pour evitcr un <c grand crime. »— En clTct, tout prclexlc de conllilcsf V carle. Du cCtc dcs insurgcs, I'assaul n'a i)lus d'objcl, puisquc Ic monarquc avcc lous les sicns cl toul son per­sonnel de gonverncmenl a quille le chatcau.-De ruulre cole, ce n'eslpas la garnison qui cngagcra le combut: di-minuce del50 Suisses el deprcsquc tons les grenadiers des Fillcs-Saint-Thomasquiontscrvi d'escorle au roi.jus(iu'a i'Asscmblee, elle est rcduile aquelciucsgenlilshomnics, a 750Suisscs, a unecenlainede gardes nationaux; les au Ires, apprcnant que le roi s'en va, jugcnt leur service fini cl se dispersent ^ — Toul semblc lermine par le sacrifice de la

l.ReciL du minlslre dc July (cciil qiiatre jours aprcs I'cvcnemciil). l e I'oi part vers Iiiiit lieures cl dcmic. — Cf. .Mdmoircs dc Mmc Campan cl Monilein', XIII, 378. • 2. Rcvolulions de PariSj n° du 18 aout. L'a suus-culollc sort dcs ran^s

veut empccher le roi de passer; I'oriicier de garde le raisoniie, et la-dcssiis le sans-culolte lend la main au roi: « Tuucliez la, f...., vons aurez pris " la main d'un brave lioiDnic. Mais jc ii'eiUends pas ipic votre g... de • femme aille avcc vous a rAsscniblee: nous n'avons pas bcsoin de ceUe " II... n « Louis XVI, dit rrudhomiiie, coiilinua son clicmin, sans clre •• fruppc du beau mouvemcnl de ccl Iwinme. » — Ccci csl; je croiSj le I licf-d"oeuvre de rititerprelalion jacobine.

3. -Morlinicr-Ternaux, II, 311, 335. Au bas dc j'cscalier, le roi avail dil il Iltederer : « Que vont deveuir les personncs qui soiit demeurees la-

haul ? — Sire, dies soul en habit dc cjulcur, a ce qu'il m'a paru; • celles qui ont dcs epees n'auront qu'a les quillcr, vous suivrc ct sorlir par • cjurdin.,. En elTel, un certain nombre dc ta'nlilshoaunes parlirenl ainsi;

LA PREMIERE ETAPE DE LA COXQUftTE. 245

royaiilc: au pis, Louis XYI se figure qucrAsscmJjl^e va Ic suspendre descs fonclions cl-qu'il rcnlrcra simple parli-culicr aux Tuilcries. EfTcclivcment, au moment de pavlir, il ordonnait a son valel de chambrc de conlinucr Ic service au chateau jusqu'au monicnl ou il revicndrail lui-mcmc de rAssembl(5e nalionalc'.

II a' comple sans Ics exigences, rayeuglcmcnt el' Ic (lesordre de r6meulc. .— Sous Ics menaces dcs canon-niers jacobins qui sonl resles avec leurs pieces dans I'inler.ieur des cours, les concierges ouvrent les porles. Les insurges se prccipilcnl, IValerniscnl avec Ics canon-niers, arrivenljusquc dans Ic veslibule, monlcnt le grand cscalicr ct somment les Suisscs dc se rcndre -. — Ceux-ri ne sont point hosliles : plusieurs, en signe de bonne amilie, jettent des paqucts dc cartouches par les fenfitrcs; (juelques-uns mCme se laissent cmbrasser et cmmencr. Mais le regiment, fidcle a sa consigne, nc souffro pas qu'on le force ^ « Nous sommes Suisses, » r^pondlc ser-gent Blaser, « et les Suisses n'abandonncnt leurs amies « qu'avec.la vie. Nous nc croyonspas avoir merite un lei « affront. Si Ton nc vcut plus du regiment, qu'on le ren-« vote legalemcnt. Mais nous ne quittcrons pas noire « poste ct nous ne nous laisserons pas desarmcr. » —

cl la pliipart des aulrcs so sauvercnt du cote oppose, par la galcric du Lou­vre.

L Matlion de la Varcnnc, IfiAtoit'cpardcnlicrc, c lc , 109. Teiiioignag-e <hi valel de cliambre l.oriniier dc Cluuiilly, avec qui Malhon Ait detenu /i la Porce.

2. De Lavalelle, Mcmoircs, L 81 : « La, nous irouvamcs Ic grand escalier .. barrc par une sorte de poutrc placoc en Ira vers, el defendu par plusieurs . ofriciers suisses qui dispulaicnl poiimenlle passajrc a une cnupiaulaiuede .. furieux donl n.abillenlenl aftectc rcsscmblail bcaucoup a celui dcsbri-.. gands dc nos mclodrames. Us elaicnl ivrcs, cl I'acceul de leur grossier ian-« gage,, leurs jurenienls bizarres, signalaieut la viiie de Marseille qui les o avail voniis. «

3. Morlimer-Ternaux, II, 314, 317, -'iS? (intcrrogaloirc deM. de Dicsbacli), a lis reQurent I'ordre de ne lirer que iorsqu'ou leur en donnerail le comnian-» dement, ct de ne pas tirer que la garde ualionalc n'en eul doune rexemple. •

246 LA REVOLUTION.

Pendant Irois quarts d'heiire, sur I'escalicr et dans le vestibule, les doux troupes restent ainsi face ;\ face et presque melees, I'une silcncieuse, I'autre agilec, tumul -taeuse, etagissante, avcc loutl 'emporlement c t toule l ' in-discipline d'un rassemblcmcntpopulaire, chaquc insurgc op6rantti part ct a sa facon pour debauclier, intimider ou conlraindre les Suisses. Granicr de Marseille, au haul do I'escalier, en ticnt deux bras dessus, bras dessous,et lachc amicalemcnt dc les cntrainer^ Au bas dc Fescalier, la foulc vocifbrc ct menace; dcsdcbardcurs, amies de crocs, havponncnt les senlinelles par lour fournimcnt, et en ranifenent cinq a cux, commc dcs poissons, parmi des eclats dc rire. — A ce moment part un coup de pistolet, sans qu'on puisse dire de quel cOte it est parti". Les Suisses font un feu plongcant, ncttoient le vestibule et les cours, s'elanccnt sur la place, prennent deux canons; les insurges fuient a la debandadc et liors de port^e. Pourtant les plus braves se rallient derricre le rentrant des maisons du Carrousel, jetlent des gargousses dans les pelits bcltiments des cours, y mettent le feu. Pendant une dcmi-heure encore, sous I'epaisse fumee de la premifere dechargc et de I'incendie, des deux cotes on tire presque au hasard, et les Suisses, bien loin d'etre forces, ont h peine perdu quelques hommes, lorsqu'un messager du roi, M. d'Hervilly, vient de sa part leurordonnerde cesser le feu cL de rcntrer dans leurs casernes.

Lenlemont, regulicremcnl, lis forment leurs rangs et sortcnt par la grandc allee du jardin. Mais, a la vue de ces etrangers en habit rouge qui viennent de tirer sur des Francais, les fusils dcs balaillons places sur les ler-

L iJuchcz et lloiix, XVI, 443. Rccit de Pction.-— Peltier^//es^oiVr da 10 aov.f,

2. M. de Xicolai ccrit Ic Icndcmain, 11 aoiU: « Les fLklercslircrenllcspre-« niiers; alors (il y eul) tin moment de fusillade Ires vive des fenfitrcs du « cliulcau. . {Lc Comic dc Ferscn el la coiw de France, II, 347.)

LA PREMIERE l^TAPE DE LA COXQUETE. 247

rasses parlcnt lout seals, cL la colonnc Suisse se divise. Un corps do 250 hommcs tourne udroiLe, arrive a rAsseni-

•l)lee, depose ses armcs sur I'ordre du roi et sc laissc enfermcr dans reglisc dcs Fcuillants. Lo rcsle peril dans la Iraversec du jardin, ou csl sabre sur la place Louis XV par la g-cndarmcrie a clieval. Point dc quarlicr : c'cst la g-uerre lelle que la pratique une foule, non pas la guerre civilisee, mais la guerre primitive, celle dcs barbares. Dans le chalcau abandonne ou les insurgcs ncsont enlres ([uc cinq minutes apres le depart de la garnison ', on luc les blesses, on lue Ics deux chirurgicns suisses qui Ics pansaienl-, on lac les Suisses qui n'ont pas lire ct qui, monies sur la galerie du cote du jardin, « jelaient 'bas « gibernes, sabres, habits el cliapeaux en crianhMcs amis « nous sommes a vous, nous sommcs Francais, nous <: sommes a la nation ' ! » On luc les Suisses amies ou

desarmcsqui elaient rest6s (\ leurs posies dans les appar-lemcnts. On tue dans leurs loges les Suisses dcs porles. On tue tout dans les cuisines, depuis Ics chefs d'office jusqu'aux dcrniorsmarmilons \ Silcsfemmes echappenl, c'esl lout juste : Mme Campan, agenoux, saisicpar le dos, voyait deja lever le sal)re, lorsque, du has de I'cscalier,

1. Mortimer-Teriiaiix, II, 491. L'abandon des Toileriescst prouve par la jidilcssc dcs poi'tcs dcs as?aillants (Etal dos morls et blesses niarseillais, des morts ct blesses brestois drcssc Ic 16 oclobre 1792. ^- Ktat dcs secours accordes aux Parisicns blesses, aiix veuves, orjilielins el asccndanls dcs Parisicns lues, oclobre 1792 ct juiii 1794). — I.e tolal est de 74 morts et de 54 blesses grievement. Les deux corps les plus engages soiit les Marsoij-lais, qui ont 22 morts ct 14 blesses, les Lirestois, qui out 2 morts ct 5 bles­ses.'Les sections qui oat subi les plus grosses perles sonl les Quinzc-Vin-ls (4 morts ct 4 blesses), le Faubourg-Monlmarire (3 morls), Ics Lombards (4 blesses) les Graviliicrs (3 blesses). — Sur 21 sections dont on a les re-ponses, 7 dcckarent qu'eiles n'ont pas cu un seul mort. — An conlraire, le regiment suissc a perdu 760 soldats et 26 oHiciers.

2. Uccit de Napoleon. 3. Uecil dc Petiou. 4.1'rudliomme, Rcuolulions dc Paris, XlII, 23Gel237. — Darbarotix, 73,

— Mnic Campan, II, 250.

2^8 LA RliVOLUTION.

line voix eric : « Que faites-vous li-haut? —Ilcin ? — On « ne tue pas les femmes. — Releve-toi,.coquine, la nalion « te fait grace. » — En reva;nche, la nation se garnit les • mains-ets'en donne a cceur joie ilans le palais, qui lui appartient. A la veritc quelques lionnetcs gens rappor-lent k I'Assemblee nalionale de I'argent ct des objcls de prix; mais les autrespillent et tousdetruisent'. On cassc les glaces, oil brise les meubles, on jett-e les pcndules par la fenfire, on chante la. Marseillaise an sond'un clavecin que louche un garde national ^, on descend dans les caves ct ron s'y gorge. « Pendant plusde quinze Jours, w dit un lemoin % autour du^chOLtcau, « on marcha sur les debris « d'innombrables boutcilles. » Dans le jardin surlout, « on cut dit qu'on avail voulu faire des routes de vcrre « pile. » Des portefaix s'asseyent sur le trOne en costumes du sacre; une drolesse se couche dans le lit de la reinc; c'est un carnaval oil les instincts cruels et bas, dcbar-rass6s de leur bride, fourragent en pleinc litierc. Des I'uyards revenus apres la victoire, piquent les morts do leur lance: des prostituees «.bien mises •» polissonnent avec les cadavres nus". Et, comme les'destructeurs jouis-sent de leuroeuvre, lis ne souftrent pas,-qu'on ia derange. Dans les cours du Carrousel ou neuf cents, toises de bdti-ments sont embrasees, les pompiers, i quatre reprises, essayc'jifc vainement d'eteindre le feu; « onlire sureux, « on Jcs menace de les jeter dans I'incendie^, « et des

1. Morlimcr-Tenianx, II, 258. — Moore, I r>9. One'ques voleurs furent tu(5s; Moore en vit jefer un en bas du grand escalier.

•2. Michelct, HI, 289. o. Mercier, le Nouvcau Paris, II, 108. — Le comle de Fcrscn cl la coiir

de France, II, 348. (Lcllre de Sainle-Foix, 11 aoul): « Les caves ont ^tSenfon-« cdeset plusde 10000 boulcilles devin, dont j'ai.vu les debrisdans lacoiir, « ont tenement enivro le people, que je me suis prcsse de terminer iinc « enqufite imprudemraent enlreprisc au milieu de 2000 ivrognes ayant des • armes nues qu'ils maniaient Ires imprudemment. » • 4. Men de Napoleon. — Memoircs de Barbarou.x. • ^' ^^°'"''^"'', XIU, - 87. - Mortimev-Ternaux, II, 340.

LA PREMIERE £TAPE DE LA GONQUETE. 249

pd'lilionnaircs u la barrc vieiiiient, d'lin Ion menacaht,-averlir I'Assemblee que les Tuileries flambcnt et flambe-rcHil, lant qu'cUe ii'aura pas d6crele la declieance'.

La Iristc Asscmblee, devcnue girondine par sa miili-laiion reccnle, fait quclques vains efforts pour cnrayer,

j jour maintenir, comme clle vicnt de Ic jiircr, « Ics aii-•« lorites coiistiluecs', » A lout le moins, pour mcltrc Louis XYI dans Ic palais du Luxembourg, pour nonniicr un gouverneur au daupbin, pour conservcr provisoi-rcnient les minislres en cxcrcicc, pour sauvcr les pri-sonniers et les passants. Aussi captive ct presque aussi decliue que Ic roi lui-momc, elle n'est plus qu'unc clianibre d'enregistrcment des volontes populaires, ct, des Ic matin, elle a pu voir Ic cas que la plcbc armee fait de ses dccrcls. Des Ic matin, on luait a sa porlc, au mepris de ses sauvegardes expresses; a huit heures, ' Suleau et trois autrcs, arracbes de son corps de garde, out etc sabres sous ses fenetrcs. Dans Taprcs-midi, soixantc ou quatre-vingts Suisses d^sarmes qui rcslaicnt encore dans I't^glise des Feuillants sent emmenes a ' rilotcl de Villc et, avant d'arriver, massacres sur la place de Greve. tJn autre dctacbcment, conduit a la sec-lion du Roulc, y est egbrge. dc iiicme^'. Le commandant de gendarmerie Carle, appele bors de rAssemblec, est assassin^ sur la place Yendome, et sa t6te promencc au bout d'une pique. Le fondatcur de I'ancicn club mo-narchique, M. de Clermont-Tonnerre, retire dcpuis deux ans des affaires publiques ct passant tranquillcmcnt dans la rue, est reconnu, traine dans Ic ruisseau et mis en pieces. — Apres de tels avertissements, I'Assemblee n'a plus qu'a ob6ir en couvrant, scion son usage, sa soumission sous de grands mots. Si le comite dictato-

1, Morlimer-Tcrnaux, II, 303. Paroles du president Yergniaud en rece-vaiiL Louis XVI. —lb., 340, 342, 350.

2. lb., 356, 357.

250 LA RI^VOLUTION.

rial qui s'csL impose a rilulcl dc Yillc daignc encore la mainlcnir en place, c'est par line inveslilure nouvellc ' cl en lui declarant qu'clle ne doil pas sc meler de ce qu'il fait on fera. Qa'elle se renfermc dans son office, cclui dc rendrc Ics dccrels dont la faction a bcsoin; et, comme Ics fruits d'un arbre rudcmenl sccoue, ces decrcls prccipites tombent coup sur coup, par jonchecs, dans Ics mains qui Ics aLtcndcnt- : suspension du roi, convo­cation d'unc Convention nationale, Ics elcclcurs ct Ics eligiblcs atTrancbis de tout ccns, une indemnite aux clcc-tcurs qui sc dcplaccnt, la Icnuc des assemblees livrcc i I'arbitrairc dcs elcclcurs % destitution ct arrcstatiou tics dernicrs ministrcs, Scrvan, Clavibrcs ct lloland rcniis cu place, Danton au miuist^rc dc la justice, la Commune usurpalrice rcconnue, Santcrre confirmc dans son nou-veau grade, Ics niunicipalitcs cbargccs de la police de suretc generate, Tarrcstation dcs suspects conlicc i\ tout citoyen de bonne volonle'*, Ics visiles domiciliaircs prcscrilcs pour larecbcrcbe dcs munitions ctdes amies'', tous Ics juges de paix de Paris soumis i la reelection de leurs justiciablcs, tons les officiers de la gendarmerie sovmiis a la reelection de leurs soldats^ Ircntc sous par jour aux Marscillais a partir dc leur arrivcc, unc cour

1. Moiliincr-Ternaiix, II, 337. Discours d'llugucnin. prcsiclcnl de la Com­mune, a !a barrcde rAsscmblec nalionalc : <• Le peiiplc. qui nous envoie vers « vous, nous a charges dc vous declarer qu'il vousinvcstissait denouvcau do u saconnancc; mais i! nous a charges en mcnic Icaips dc vous declarer qu'il a ne pouvail reconnailrc. comme jugc dc.<mc.sures cxlraordinaircs anxquel-« les la neccssile el la re^islancc a I'oppression I'onL porle, que le peuple « francais,voire soi:vci'ain ct lo noire, reuiii dansscs as;^emblccs primaircs. n

2. Duvcrgier, Collection des lois cl dccrels (du 10 aout au '20 septembre.) 3. lb.. 11-12 aoul : « L'Asscmblec nalionalc, consideranl qu'ellc n'a pas

le droit dc soumcllre a dis regies imperatives rcxcrcice de la souverai-ncle dans la formalion d'unc Convention nationale... invite les citoycns a sc coiiformcr aux regies suivanlcs. n

4. /6.,11 aout (article 8). 5. IIJ., 10-12 aoul el 28 aout. C. /6., 10 ao-M, 13 aout. — Cf. Monilcur, XIII, 399, seance du 12 aout.

LA PRK.MIERE KTAPE DE LA COXQUETE. 251

marlialc contrc les Suisscs, im Irihunal dc justice cxpc-•lilivc contrc Ics vaincus dii 10 aoul, ot quantite d'autrcs dccrcts d'unc porlee plus vaslc : la suspension des coni-missaii'cs charges pres des Iribunaux civils et crimincls de rcquerir rc.vcjution des lois *, relarg-isscment dc lous les accuses on condanincs pour insubordination mili-tairc, pour dclils dc prcsso ct pour pillage dc grains-, le parlagc des bicns communaux", la condscalion el la mise en vcnlc des biens des emigres''',, rintcrnemcnt de leurs i)ercs, meres, fcmmcs ct enfants, Ic bannisscment ou la deporlatioa des ccclesuasliques inscrmcntcs', Tcta-blisscment du divorce facile, a deux mois d'echeance et sur la requelc d'un scul epoux", brof loutes les mesures (jui peuvent ebranlcr la propriele, dissoudrc la famillo, perseculer la conscience, suspcndrela loi, porverlir la j u s -lice, rehabililer le crime, oL livrer les magislraturcs, les commandcmcnls, le choix de la future asscmblce omnipo-tenle, brcf la chose publiquc, a Tautocratie dc la mino-rile violenle, qui, ayanttout ose pour prendre la dicUilurc,

• oscra loul pour la garder.

VIII

Arretons-nous un instant pour contemplcr la grando cite et ses nouveaux rois. — Dc loin, Paris semble un club

1. Mon;tciu',m, 399, 18 aoul. 5. lb. 23 aoiU et 3 soiilcmbre. Des le 11 aout, rAssomhlcc roiul des

decrels pour fiire elargir Saiut-IIurugc ct annulcr le mandat d'arreldeccrnu coiitre Anloinc.

'•i.Ih., 14 aoul. ^. I^J., 14 aoiU. Iidcrct pour di^peccr les biciis ties emigres en morccaux

dc deux a qualrc arpcntSjalin dc >< multiplier les pclits proprietaircs «.— Jb., 2 seplombrc. Aulrcs docrcts conlre Ics cuiigres el Icurs parents, 15, 53, 30 aout, 5 el 9 seplciubrc.

5. lb., 26 aoul. Aulrcs decrcis centre Ics pcrsomics ou Ics Liens cccl(S-siastiqncs, 17, 18,19 aoul, 9 ct 19 seplc.r.ibre.

6. lb., 20 scplcmbro.

252 I A REVOLUTION.

do 700 000 6ncrgumJ)ncs ^Fi vocifercnt ct delibercnt sur ies places publiques : dc pr6s, il n'en est ricn. La vase, cu remontant, est dcvenue la surface el commiuniqiic sa coulcur ail flcuvc; mais Ic flcuvc humain coiile dans son •lit ordinaire, et, sous cc trouble exlci'ieur, dcmeure a pen pres le menic qu'auparavanl. C'csl uncvillc dc gens parcils a nous, adminislres, affaires et- qui s'aniusent : ])our la Ires grandc niajorite, meme en temps do revo­lution, la vie privee, Irop compliquec et Irop absor.bante,

.no laissc qivunc place minlmc a la vie publiquc. Par rou-line ct par ncccssite, la fabric-ation, I'etalagc, la vcntc, I'acbat, Ies 6criturcs, Ics metiers ct Ics professions vont loujours Icur train courant. Lc commls csfii sou bureau, rouvrier i son alelicr, I'artisan i son echoppc, lc mar-chand a sa boutique, rhomme dc cabinet a ses papicrs, le fonctionnaire a son service'; avant tout, ils sont preoc-cupes dc Icur bcsogne, dc Icur pain quolidien, de leurs echeances, de Icur avanccmcnt, dc Icur famille el dc Icurs plaisirs; pour y pourvoir, lajourncc n'cstpas Irop longuc La politique n'cn dctourne que dcs quarts^ d'bcurc, cl- ' encore k litre decuriosite, commc un dramc qu'ils applau-dissent ou sifflcnt de Icur place, sans monter eux^memes sur Ies planches. —« La ddclaration dc la patric en dan-' « gcr, disent dcs temoins oculaires% n'a ricn change i\ « la physionomic de Paris. Memes amusements, m6mcs « bruits... Lcs spectacles sont plcins, commc de coulumc-« lcs cabarets, lcs lieux de divertissement, regorgcnt de « peupic, dc gardes nationales, de soldals... Le l)cau « monde fail des parties de plaisir. » —Lc Icndcmain du dccret, la ccrcmonic, si bien machince, neproduit qu'un elTctlres mince. « La garde nalionalc du cortege, » ecritun journalistepatriote% « est la premiere a donncr rexcmple

1. Malouct, II, 241. 2. Merciirc de-France, n" du 21 juillcl 1792.

- lUmluiions de Paris, XUI, 131.

LA PREMIERE ETAPE DE LA CONQUI TE. 253

.« dc la distraclioii ct mcnie dc rcnniii; •>•> elle usl exccdcc • de veillcs ct dc palrouillcs; probablemcnl clle sc dit qu'a Ibrcc dc parader pour la nalion, on n'a plus Ic Icmps de Iravalllcr pour soi. —Quclqucs jours apros, sur ce grand public indilTcrcnL cl lasso, Ic mahifcsLe du ducdc Bruns­wick « ncproduiL aucunc especc dc sensation; on en rit; -« i'l n'esL connu que dcs journaux cL dc ceux qui Ics « liscnt... Le pcuple ne le connait poinl... Personnc ne « rcdoulc la coalition ni Ics Iroupes ctrangcres \ »'—Le 10 aoLit, « hors Ic llicalrc du combal, loul csL Iranquillc.

• « dans Paris; on s"y promcnc, on cause dans les rues « conime a Tordinairc. - « —Le 19 aoul, TAnglais Moore ^

1. Mallct-Diipan, M'moircs, I, 3-2. Lellrcs a Mallel-Dupan, 4 aoiil cl jours .suivaiils.

2. Biicliez cl Uoux, XVI, 4.'i6. RcclL dc Potion. — Arnaull, Soiivcnirs d'un scxar/aiaii'c, 1,342. (Tomoia oculairc, le 10aout) :«Lc massacre «• nc s'otciidit giiere liors du Carrousel cl iic franchit pas la Seine. Tarloiit " aillcurs, je Irouvai la population aussi Iranquillc que si ricn nc s'elail a passe. Dans l'inl(5ricur dc la villc, le pcuple niontrail ;'i peine quolquc tt elouncnicnl; ondansail dans Ics guinguctlcs. Au .Marais. oil ic demcurais

• ' .< alors, on n'en clail qu'ii soupc.onncr le fail, comnie a Saint-Germain en « disailqu'il y avail quclqne cliosc a Paris, cl I'on allondailimpaliemmenl .< que ie journal du soir dilcc quec'clait."

3. Moore, I, 122. — Menic sijcctacle dans les aulres crises dc la Revo-lulion. Le 6 oclobrc 1789 (Saintc-Bcuvc, Causcrics du lund! Xll 4G]] Senac de >rcillian, dans unc soiree, enlcnd les conversations suivantes'• "Ave/.-vous vu pisser le roi? disail Pun. — Non, jY'tais a la comedic. — « Mole a-l-il jouc? — Pour moi, j'ai elo oblige do n>ster aux Tuilerie.- il « n'y a pas cu moyen de sorlir avant ncuf iicures. — Vous avcz doncvu pa.s-« scr Ic roi?— Jc n'ai pas bien distingud, il faisail nuit. » — Un autre : " 11 faul qu'ilail mis plus de . ix lieures a vcnir dc Versailles. » — D'autres " ajoutaicnl froidcmcnt quclqucs circonslances. — Lnsuite : » Joucz-vous " au wliisl? — Je joucrai npres soupcr, on va scrvir. » Ouclqucs chuclnj-" lagcs. un air dc Irislcssc passagerc. On cntcndit du canon. « Le roi sort " dc riioiel do Villc, ils doivcnl etrc bicn las.» On soupe; propos inlcrroni-° P"^' °" Jo"e au trcnte-cl-qnaranlc, ct, lout en sc promcnanl, en altc

" * " '* * °"P cl survoillanl sa carte, on dil quclqiics mols : . Comnic c' \ " alTrcux! r> el quelques-uns ca.isenla voix bdsse, brievcmcnt. Deux luM,n'« . sonuent, chacun defile el va sc eouchcr. - Dc Idles gens vous t t . b.en insensibles. Eh bicn, i} n'cn est pas un qui no C u H . t ^ ^^'"' . P.0ds du . 1 . . - Le icudi .3 juin H o l , . la I v o l . d J l l l i ^ ^ ^ l ^ ^ ^ j ; ;

254 LA Rl'^VOLUTION.

voil avec elonncmcnl la foulc insoucianlc qui remplil los Champs-Elysccs, les di\ crlisscnicnls, Tair de fcle, Ic noin-brc infini des pclilcs bouliqucs ou Ton vend dcs ralVaicliis-scnienls avec acconipagncmcni de chansons ct dc musiqiic, ki quanlile de pantomimes el dc marionncllcs. o Ccs gons-« la sonl-ils aussi heureux qu'ils Ic paraisscnl ? » de-niande-l-il aun Franraisqui elailavcc lui. —« lis sonl heii-« rcLix comme des diciix. — Croycz-vous que la pcnsee du « due dc Brunswick n'enLrc jamais dans leur esprit? — « Soyez sui', monsieur, que le due de Brunswick est prcci-« scmcnl ri iommc du monde auqucl ils pensent le moins.»

Telle est la froidcur ou la tiedcur dc la grossc masse ogoislc, occup6e aillours, cl loujours passive sous scs irouvernements, quels qu'ils soieiit, vrai Iroupcau qui Ics laisse fairc, pourvu qu'ils ne rempechenl pas dc brouler ct folatrer a son aise. — Quant aux hommes dc cocur qui aiment la palrie, ils sonl encore moins genanis; car ils soul partis ou partcnt, quclqucfois au laux dc 1000 cl mcuie de 2000 par jour, 10 000 dans la dcniicrc sc-maine de juilletS 15 000 dans la premiere quinzaine de seplembre", en tout peut-etre 40 000 volontaircs iburnis

roi u Varennes, » Ics promenades du Lois cle Loulognc, dcs Clianips-Llysce< a (Haientremplies do monde qui parlail d'un Ion dc frivolilc dcs objels les a [tins graves, cl I'on y voyail des jcuncs gens prononccr des nrrelsdc mori a en folalrant avec des courtisancs.» {Mcrcure dc Fiance, n° du 9 juillel n 9 L En tele, pelile pi(>ce inlilulcc, Di'pil d'un ainant. ) — Vovczau cliapifre xi les sentiments de la population en niai cl jnin 1793.

1. Moniteur, Mil, 290 (•29juillet) ct 278 (30 juillel). 2. Archives nalionalcs, I'^, 145. Lcltrc do Sanlcrrc au minislrc de I'in-

lerieur, 16 seplcnibre 1792, avec Tctal quotidicu do tous les hommes ' parlis de Paris du 3 au 13 septembrc, total 18 635, dout 15 504 volontaircs. Autres lellres du mcnic, indiquanlles departs subscquents : le 17 septenibre, 1071 hommes; pas de departs les jours suivants; le 21 scplembre, 243; le

, 22, 150; du 22 au 2G, 813; le 1" oclobrc, 113; Ics 2 cl 3 oclobrc, 1088; le •• 4 oclobre, 1620; le 16 oclobrc, 196, etc. — Je crois que, parnii les parlanls,

ily en a qui sonl dc passage a Taris el vienncnl de la province; cela omptche de calculcr Ic chiflVe exact dcs volontaircs parisiens. M. de Lava-eUc, volonlaire lui-memc, ditfiOOOO, mais sans praives a I'appui.

JA PREMIHRE ETAPE DE LA COXQUETE. 255

par la cnpilale sculc ct qui, avec lours parcils cii nombrc l)roporlionn6 fournis par Ics dcparlcmcnts, scront Ic sa-luL dc la France. — Par ce depart dcs braves el par cello iiiorlio du Iroupcau, Paris apparlienl aux fanaliqucs dc la populace. « Co son! los saus-culollos, » ecrivait le pa-Iriolo Palloy, « c'csl la crapulc ct la canaille dc Paris, el •<t je nic fais gloirc d'etre dc cello classe, qui a vaincu Ics t soi-disanthonnelcs gens'. » « Trois mille ouvricrs,>ulii'a plus lard Ic Girondin Soulavie, « out fait la revoluliondu « 10 aoLil, conlrc le royaumc des Fcuillanls, conlrc la « majoritc dc la capitalc el dc rAssoniblcc legislative". » Ouvriers, manoeuvres ct pelits bouliquicrs, sans compter los femmcs, Ics simples vagaljonds el les francs bandits, la verile est qu'ils sonL un vinglicMnc de la population adulte et male, environ neuf mille repartis dans loulcs les seclions de Paris, mais souls volants et agissanls au nii-licu do I'incurie el de la stupeur universclle. — Dans la ruedc Seine, par cxcmple, on en coinpte sept: Lacaille, ro-lis^eur, Pbilippc « nourrisscur de bestiaux, qui amene des « anesscs auxpoitrines malades,»mainlenanL president de section etbionl6tlueur A I'Abbaye, Guerard, « niarinier de a Rouen, qui a quille la navigation en grand sur la Seine cc el n'a plus qu"un balclel dans lequel ilpassc les gens du u ponl du Louvre au quai Mazarin », el qualre aulres pcrsonnages du memo acabit. Mais, de cc cote, I encrgie supplee cU'education ct au nombrc. Un jour Guerard, qui viont depasscrM. llua, d6put6, lui dit en maniercd'avcr-lissement : « Grand gueux, lu es bien lieureux qu'il y ail « ou d'aulres personnes avec toi. Si tu avais ele soul,

1. Morjimor-Ternaux- \^^-- ^ ^;,,, ^c Richelieu, IX, 384. - .. On

. 'peine a concevoir, dil LafaycUe UMcmotrcs, I .o4) com.ncnl ia mu>o-!ife iacobine el une poigndc dc prcle.uU.s Marscilla.s sc sonl reudus

I maitrcs de Paris, (andis que la prcsfjuc lolalile dcs 40 000 ciloyeni, dc ° la garde nalionalc voulait la consliluliou..

256 LA Rl'WOLUTION.

« j'aurais fail chavirer moii bateau, ct j'aurais eu Ic plai­ce sir do noycr iin b.... d'arislocralc. » Yoila « Ics mala-« dors du quarlicr' ». — Lcur ignorance ne les cinbar-rasse pas; au contrairc, ils sont fiers de Iciir grossierele, cl Toraleur ordinaire du faubourg Sainl-Anloine, un des-sinalcur sur eloffes, Gonclion, « au nom dcs bommcs du «• 14 juillet et du 10 aoiit, » vient, a la barrc dc I'Asscni-blec, glorifier Ic r6gne politique dc rincaijacitc brutale; scion lui, cllc a i)lus de lumicrcs que rintclligcncc culti-Ycc- : « Tons ccs grands g6nies, pares du beau litre de « consLilulionuaires, sonl forces dc rendrc justice ;\ dcs « liommcs qui n'ont jamais eludie Tart dc gouvcrncr que « dans Ic livre dc la nature... Consultant Ics usages ct cc non Ics principes, nos bcaux-csprits s'occupenl dcpuis « longlempsd'unebalancc politique; nous I'avons trouvee « sans la clicrclier: ellc est dans Ic cocur de rhonunc. « Ayez un gouvcrnemcnt qui mclte le pauvre au-dcssug « dc ses faiblcs.rcssoiirccs et le richc au-dcssous de sea « moycns: rcquilibrc sera parfait. » Cela s'enlcnd, ct dc reste; leurb.ut av.ouc est le niYcllemcntcomplct,non scu-lenienl dcs droits politiqucs, mais encore ct surtout dcs conditions ct dcs fortunes; ils sc promctlcnl « I'cgalite « absoluc, regalile dc fail «,bicn micux « Icsmagistralu-« res cl Ics pouvoirs' » : la France est a eux, s'ils ont la liardicssc des'ensaisir. — Et d'autrepart, s'ils manqucnt leiir proiCj ils sc.sentent perdus; car le manifcslc dc Brunswick, qui n\'i pas fait d'iinprcssion sur le public, s'csl cnroncea dcmcure dansleur nicmoire. Ils s'cn appli-quent Ics menaces, ct lcur imaginalignj scion sa coulumc,

1. Iliia, 169. 2. il/oiii7eur, XIII, /i'37, stance du 16 aout ; applaudisscmcnts r6it(5r6s ct

impression. 3. Rcedcrcr, CEuvrcs completes, VlII, 477 : a Les oralcurs des clubs mon-

« IraicnL aax prolctaires la France comme une proie qui leur eLait " assuree, s'ils voulaicnl la suisir. »

LA PREiAIIERE ETAPE DE LA CONQUETE. 257

!'a Iraduit en unc Icgcndc precise' : tons les habitants de Paris scront conduits dans la plaine Saint-Denis et d6ci-mcs sur place; an prealable, on clioisira les patriotes les plus ncLoires, et ils scront roues, ainsi que quarante a cinquante poissardes. Dcja, Ic 11 aoiit, le bruit se repand <]nG 800 hommes dc la ci-dcvanL garde royalo sent pvdls a fondrc sur Paris%- le m6me jour, pendant sopt heures (riiorloge, la maison de Beauniarcliais est fouillce', les murspcrces, les fosses d'aisances sondccs, lesoldu jardin ci'cuse jusqu'au tuf; m6me perquisilion dans la maison voisine; les fcmmcs surlout sont « enragees de ne ricn « Irouvcr «, vculent rccommencer el jurent qu'en liuit minutes cllcs decouvrironl la cachelle. — Manifestement le cauchemar est trop fort pour ccs pauvres cervelles sans lest; elles llechisscnt sous Icur royaute-dc rencon­tre, et I'amour-propre exalte, les convoitiscs demesu-rees, la peur intense et sourde y. coniposent' cetle mix­ture malsaine et malfaisante qui, dans la democratic

.conime dans la monarchic'', fait les Nerons.

Plus alarmes, plus infaf u6s et plus dcspolcs encore, Icursconducteursn'ontpasdescrupuiesquilesrelienncnt; car les plus notables sontdcs hommes tares, ol ce sonl jus -temcnl ccux-ci qui entraincnl les aulrcs ou agisscnt sculs. Des trois chefs de I'ancienne municipalile, le maire, Petion,

1. Moore, 1, 303-30'J. 2. Archives nationalcSj 474, 42G. Secliou des Gravilliers . leltrc de Charles

Chemin comniissaire, a Saiiterre, cl deposition de Ilingray, cavalier de la gendarmerie nalionale, 11 aouL.

3 Bcauinarcliais, (Euvns completes. Lellre du 12 aoill 1 7 9 2 . - Cclle |,llre tres curieuse, inontre bien la composition des atlroiipemcnts b. cclte epoque : dc petites bandcs de vrais brigands et volcurs qui complolent un bon coup, et une foulc qui, efTrayec, affolce, pcut dcvenir ferocc, mais rcste probe.

4. Paroles de Ilobbes, appliquccs par RoeJcrcr a la democratic de 1792 ;

u In democratia tot possent esse Nerones quol sunt oratores qui populo adiilanlur; simui et plures sunt ia democratia, et quotidie novi subo-riuntur. »

LA liEVOUTION. 1 1 — 1 7

553 I.A REVOLUTION.

annul6 cn fait cl honore cii paroles, est ccarle cl con­serve comme un vieux decor. Quant aiix deux autrcs qui rcstent actifs ct en fonclions, Manuel \ Ic procurcur-syn-dic, fits d'un portier, boheme eniphatique et sans talent, a vole dans un depot public, falsifie et vendu a son profit la correspondance privce de .Alirabeau. Lc subslilut de Manuel, Danton-, par une doubleinfidclil6, arccul'argent

1. Lucas de Monligny, Mdmoircs de Mlrubeau, II, 231 et suivanlcs. La preface que Manuel mil en Icle de son edition est un chef-d'ccuvrc dc sollise ct d'impertinence. — Pellier, Ilistoirc du 10 aout, 11, 20o. — Manuel, » sorli d'unc i)ctile bonliquc dcMonlargis, allait dons les sixicnics clages « colporler Jes brochures orduricres. Us'etail cmpard dcslellres dc Mirabcau « aux bureaux de la police, ct les avail vendues 2000 <5cus. » (Temoignage Uu jugo dc paix Boquillon.)

2. Lalayelle, I, 467, 471 : " La reinc avail fail remcllrc 50 000 i5cus a « Danlon pen de temps avanl ces tcrribles journees. . — . La cour payait « Danlon dei)uis deux ans et remployail comme espion des Jacobins.» — Con-espondance de Mirabcau et du comic de la Marc]:, III, 82. Letlre de Mirabcau, 10 mars 1791 : <• Danlon, a rcQu bier 30 000 livres.« — Autres Idmoignagcs, Certrand dc Mollevillc, I, 354, 11, 288. — Brissot, IV, 193. Miot de Melilo, Mcmoires, I, 40, 42. Miol assislail aux conversalions de Danlon, Legendre, etc., a la table dc Dcsforgcs, minislrc des affaires etran-g6res : « Danton ne deguisail pas son gout pour les plaisirs el pour I'ar-

« gent, cl se moquail des vains scrupulesde conscience elde delicatesse. » — " Legendre ne tarissait pas sur les clogcs de Danlon, quand il par-« lail de ses lalenls comnic homme public; mais il Ic blamait haulcmenlde « scs moiurs, de ses goiils faslueux, cl ne s'associa jamais a aucuno de « ses sp6culalions lionlcuscs. r.—La lh6.sc conlrairc a clc soutcnue par Ro-binel el liongearl dans Icurs eludes sur Danlon. La discussion serait Iron longue. Les points a noter sonl les suivanls : 1" Danlon, avocal aux con-seils du roi en mars 17S7. perd en 1791 environ 10 000 francs surle renibour-scnient dc sa charge. 2° Par ton conlrat de mariagc en juin 1787, il ne

. sc reconnaft que 12 000 francs de palrinioine en tcrrcs cl en niaisons, et sa fcmrac no hii apporto que 20 000 francs de dot. 3 ' Dc 1787 a 1791, il a du pen gagner d'argont, etant assidn aux Cordeliers et absorbe par la polilique; Lacrelellc I'a vu dans les emeutcs des 1788. 4" II laisse on niou-ranl environ 85 000 francs en biens nationaux achetes en 1791. 5° Proha-Ijlcmenl il avail, outre cola, des proprictes et valours sous Ic nom dc licrs qui les gardercnt apres sa mort. (Dc Martel, Tijpcs rcvolutionnalrcs, seconde parlie, p. 139. Enquele de L'lache a Ghoisy-sur-Scine oil un certain Fauvcl semble avoir etc le prete-nom de Danton.) — Voir, sur celle ques­tion, ks Avocats aux cnnscils du roi, parEmile Bos, p. 513 a 520. II re-siUle des complcs elablis par M. Bos, que Danton, a la fin de 1791, avail

LA PRKMIERE l^TAPE DE LA COXQUliTE. 259

[111 roi pour empeclier reiiicidc el s'on est scrvi pour la Uuiccr. — Yarlcl, « ccl exlraordinairc declamaleur, a mene « unc vie si sale el si prodigue, que sa mfere en cslmorlc « de cliagrin; easuile il a mange Ic rcslCjCt prescntement « il n'a plus rien *..« — D'aulres onl manque non seulc-menL a I'honncur, mais a.la probile vulgairc. Carra, qui a si6g6 dans Ic directoirc secret dcs federes et rcdige Ic plan de rcmcutc, a etecondamnepar Ic tribunal de Macon a deux ans d'cmprisoniicment pour vol avec cITraclion-. Weslermann, qui conduisait la colonne d'assaut, a vole un plal d'argent armorie chcz Jean Creux, rcsiauraleur rue dcs Poulics, et a elu cxpulse deux fois de Paris pour escroqucries\ Panis *, Ic chef du comilc do surveillance, a ele chasse pour vol, en 1774, du Tresor oii son oncle clait sous-caissier. Son collegue Sergcnt va s'npproprler

environ 53 000 francs de delles; c'esl ce Irou qui fill boucho par I'argcnt de la cour. D'aulre part, Danlon, avanl la Revolution, signc d'Anlon, meme en ecrilure aulhcnlique, ce qui est une usurpation de noblesse el pouvnil alors le condnire aux gal6res. — La double inridelile donl il s'agil a du elre fr6quente, car Ics nieneurs n'elaicnt vien moins que delicals. Lc 7 aoiit, Mmc Llisabclh dil Ji M. do Montmorin que rinsurredion n'aurail pas lieu, que " rction ct Sanlerre s'y elaiciil engages el qu'ils avaienl rcgu 750 OCO « livres pour rempeclier et pour ramcner les Marseillais dans lc parli de « Sa Majoslu. » {Malouct, 11, 233.) — Sans doulc, en cmployaul I'argent du roi conlrcleroi, Santerrc a crii fairo unc action patrioliquc. Au fond dc loutc emeulc il y a de I'argonl depenscj au nioias pour faire marchci' los agents suballcrncs et pour fairo boire.

1. L'uciicz et Rou.v, XXVIII, 92. Lctlre de Gadol a ndnnd, oclobre 1792, d'aprcsle recit du maitre dc quarlier de Varlol au college d'Jlarcourt.

2. lb., XIII, 25'i. 3. G. Desmoulins, par Clarclic, 238 (en 1773 cl en 17SG) : « L'nislruc=

« tionsubsistc;nialheureusenient die est probanle. » — Wcstcrmann fut dononce pour ces fails en dccembrc 1792 par la section des Lombards, " preuvcs en main. » — Gouvcrncur Morris, si bicn inforni6, ccrit a Washington lc 10 Janvier 1793 : « La relrailc du roi dc Prussc a valu a « Wcstcrmann environ 10 000 livres sterling. La-dcssus le conscil execulif - ... a provoquc unc poursuite contrc lui pour do viedlcs affaires de petite « filoulerie. »

4. \rchives nationales, F^ 4434 (papiers du comde de surele gdnerale). Note sur Panis, avec tons les details et references du fait.

260 LA REVOLUTION.

« trois montrcs d'or, une agale montec en bague cL cc autrcs bijoux « dans un d6p6t dont il 6tait gardien*. Poar le comilo tout entier, « les bris dc scclles, fausses^ cc declarations, infidelites », dctournements. sent choscs familicres ; entre ses mains, des tas d'argentcrie et 1100 000 francs en or vont disparailre ^ — Pc rmi les membres dc la nouvclle Commune, lepresidcnt Iluguenin, commis aux barritres, est un concussionnaire elionio \ Rossignol, compagnon orl'^vre, implique dans un assas-sinat, est en ce moment mCme sous le coup de poursuiles judiciaires*. Hubert, le sac a ordures du journalismc, an-cien contr61eur de contre-marques, a ete renvoye dcs Vari6t6s pour filoulcrie ^ Parmi les hommcs d'execution, Fournier I'Am^ricain, Lazowski, Maillard, sont non seu-lement des massacreurs, mais des voleurs % ct, i cute d'eux, s'el6ve le futur general de la garde nationale pari-sienne, Henriot, d'abord domestique chez un procureur, (jui I'a chasse pour vol, puis garde de la fermc et de la aussi expulsc pour vol, ensuite espion dc police et encore cnferme pour vol a Bicetre, enfin chef de bataillon et I'un des ex6culeurs dc septembre''.—En m6me temps

1. RSvolutions de Paris, n" 177 (seance du conseil general dc I'llolel dc Villc, 8 novembrc 1792, rapporl du comil6 de surveillance). Scrgcnl avoue, sauf pour unc des monlres, dit que " son intention dlait dc payer c Icsdits cffels au prix auqucl ils seraient portes. Ce disant, on a rcniar-« que qu'il avait au doigl I'agate reclaniee". . 2. Morliuicr-Ternaux, II, G38; HI, 500 et suivanlcs; IV, 13-2. — Cf.

II, 451. 3. 76., II, 456. 4. Buchez ct Roux, XVI, 138, 140. Temoignage de Mallion dc la Varenne,

qui a plaidc dans TafTaire. 5. Diclionnairc biorjraphique, par Eymcry (Lcipsick, 180?), article

IIEBERT.

6. Morlimer-Ternaux, III, 484, 601. Cf. leltre du represcntanl Cavaignac ib., 399.

7. Diclionnaire biorjraphique, article IIICNMOT. — La biographie de plusieurs de ces mcneurs subaltcrnes a etc tr6s bicn faiie. Cf. Stanislas Maillard, par Al. Sorel, le Patriole Palloy, par V. Fournel.

LA PREMIERE I^TAPE DE LA CONQUfiTE. 2C1

que les banails et les drolcs, Ics maniaqucs monslrucux sortcnt de leurs troiis. De Sadcs \ qui a praliqu6 Justine avant do recrire et que la revolution a fait soi'tir de l;i Bastille, est secretaire de la section de la place Yen-d6mc. Marat, le monomane homicide, s'cst constitue, dcs le 23 aoCit, ;\ I'llotcl de Yille, le journaliste en tilre, Ic con-seillcr politique, le directeur de conscience de la Commune nouvclle, et le plan qu'il pr£che depuis Irois ans, sous I'obsossion d'une idee fixe, se reduit au mcurtrc pratique en grand, tout de suite et sans phrases. « Donncz-moi, » disait-il a Barbaroux-, « 200 Napolitains armes de poi-« gnards et porlant a leur bras gauche un manchon en « guise de bouclicr; avec cux je parcourrai la France « et je ferai la revolution. « Scion lui, il faut supprimcr 260 000 hommes a par humanity «; car, sans ccla, point de salut pour les autrcs. « L'Assemblcie nalionalc pent « encore sauvcr la France : il lui suffira de decreter que « tous Ics aristocrates porteront un ruban bleu ct qu'on « les pcndra des qu'on en Irouvcra trois ensemble. » — Un autre moyen « serait d'attcndrc dans les denies des « rues ct des promenades Ics royalistes et les Fcuillants « pour les 6gorgcr. Si, sur cent hommes lues, il y a dix « patriotes, qu'importe? G'est quatre-vingt-dix hommes

L Granier dc Cassagnac, Ilislolve ties Girondins, ^09. —Arc!iives na-lionales, F', 3193. Lellres dc dc Sades, sur le pillage dc sa maison pn-s d'Apl, avec pieces a I'appui cl preuves do son civismCj eiilrc autrcs une pc-lilion redigee par lui au nom de la section des Piques ct lue i la Conven­tion, le 25 brumaire an i l , a Legislatcurs, le rogne de la pliilosopliic .vient « ancantir enfin celui de riinposlurc... Le culle d'un Juif, esclavc des Ro-a mains, ne poiivail convcnir aux enfanls de Scevola... La pi-osperilc gene-« rale, rcsullal cciiain du bonheur de I'individu, s'etcndra aux regions les " plus tiloignecs dc I'univcrs, et parloul I'hydre epouvanlable de la su-' pcrslilion ultraniontaine, poursuivie par les nand)eaux reunis dc la rai-« son cl do la vcrlu, n'ayanl plus d'asiie que les repaires degoulanls dc « Tarislocralie cxpi'ranle, ira perir prcs d'clle du dcsespoir de senlir « enfin la piiilosophie triomplier sur la Icrrc. n

2. Barbaroux, M^-moircs, 57, 59. Derniers mois dc rAsscmblce legisla­

tive.

262 LA BfiVOLUTION.

.« pour dix, ct puis on ne pout pas sc Irompcr : lombcz « sur ceux qui ontdes voiUires, dcs valets, dcs habits de « soic, ou qui sortent des spectacles; vous ctcs surs que « cc sout dcs arislocrates. » —11 est visible que la plebc jacobinc a Irouve I'etat-major qui liii convieut; I'un cl-Taulrc s'ciitendront sans difficulte; pour que le massacre sponlane devienne une operation administrative, les Nerons du ruisseau n'ont qu'a prendre le mot d'ordrc auprcs des Iserons de riiotelde Yille": -. ; •; /

LIVRE III.

LA SEGONDE ETAPE DE LA GONQUETE.

' UHAPITRE I.

{. Goiivcrncnicnt dcs bandos ca temps d'anarcliio. — Cas oii ['anarchic est roccntc et soiulaiiie. — La baiido iicriliero dii gouverncinont dixiui cl do son oulilkigc adminislratif. — II. Formation do I'idcc mcnrtriere dan.s Ic gros dii parti. — I.e k'ndcnniu du 10 aout. — Lo tribunal dn n aonl. —l.a fete funebre du 2" aout. — Lepfcndo-jJu comi)lot des prisons. — 111. Formation dc Fidco nieurtriorc cliez Ics mciicurs. — I.eursilualion. — I'ouvoirs qu'ils usnrpcnt. — Spoliatiuns cpi'Ils cxcrccnl. — Dangers qu'ils courcnt. — Leur saint est dans la terrour. — iV. Date do la premeditation. — Lcs actenrs el les roles. — .Marat. — Danlon. —l.a Commune. — Scs coUaborateurs. — Concordance des volontcs ct facilite dc l'oi)(5ralion. — V. Les manrenvres. — Leur nonil)rc.— Leur condi­tion. — Lenrs sentiments. — FiTet du meurlrc sur les mcurlricrs. — Leur degradation. — Leur licbclcmcnt. — YI. Effel du massacre sur le public. — AITnissemcnt univorscl cL dissolution .-ocialc. — L'asccnda'.il des Jacobins dovicnt delinilif ;i Paris. — Les scplembrisc-urs mainlenus i la Commune cl uommes ii la Convention.

I

Ce qii'il y a do pii'C dans ranai'chie, cc n'csl i)as Laiit Tab-scncc dii i^ouvcrncnienl delruil que la naissaiicc des gouvcriicnicnl.s tiotivcaiix cL d'cspecc inrericiu'c. En lotil Elal qui s'csL dissous, il sc foi'iiic des bandcs conquc-ranlcs cL souvcraincs : Icl fut le cas en Gaulc apres la chule dc I'einpirc roinaln et sous l e s dcrnicrs descen­dants dc Charlemagne; tel est le cas aujoufd'hui cii Rour melic et au JHc.\iquc. Avcnturiers, malfailcurs, gens tares ou declasscs, lioimnes perdus de dettcs et d'honncur, vagabonds, d6serteurs et soudards, tous les enncmis-

234 L.\ REVOLUTION.

nes du travail, de la subordination et de la loi se ligucnt pour francbir ensemble les barriferes vermoulucs qui retiennent encore la foulc moutonniiire, et, comme ils , n'ont pas do scrupulcs, ils tucnt 5. tout propos. Sur ce fondement s'etablit leur autonLe : a leur tour, ils rfegnent, chacun dans son canton, et leur gouvcrnemcnt, aussi brut que leur nature, se compose de vols et do mcurtres; on ne pent attendre autre chose de l)arbarcs et de brigands.

Mais jamais ils nc sont si dangercux que dans un grand Elat recemment dissous, ou une revolution brus­que leur a mis en main le pouvoir central; car alors ils se croient les heritiers legitimes du gouvernement dc-cbu, et, a ce titre, ils entrcprcnncnt de conduirc la chose publiquc. Or, en temps d'anarchie, la volonte ne vient pas d'en haut, mais d'cn has, et Ics chefs, pour roster chefs, sont tenus de suivrc I'avcugle impulsion de leur troupe'. Cost pourquoi le pcrsonnagc important et domi­nant, celui dont la pcnsee prevaut, le vrai successcur de Richelieu et de Louis XIY, cst^ci le Jacobin subal-tcrnc, le pilier de club, le faiseur de motions, I'emeutier de la rue, Panis, Scrgent, Ilebert, Varlet, Henriot, Mail-lard, Fournier, Lazowski, ou, plus has encore, le premier venu de leurs hommes, le tape-dur marseillais, le canon-nicr du faubourg, le fort de la Halle qui a bu et, entre deux hoqucts, claborc ses conceptions politiqucs". —

] . Tliierry, fils cic Clovis, ne voulanl pas prendre part ii I'expeJiLion que PCS fnjres faisaient en Bourgognc, ses liommcs Iiii dirent: « Si tu ne vciiv " pas aller en IJourgogne avcc tes freros, nous le quilterons et nous les sui-« vronsa la place. » — L'n autrC; Clolairc, ayanL voulu faire la pai.v avcc les Saxons, «les Francs, irritcs, so jeturentsur lui, raccablcrciit d'outrages « et nicnacercnl de Ic tuer, s'il diircrait de vcnir avec eux. Sur qupi, il se • mil en marclie a leur tute. " (Gregoire de Tours.) ^ 2. La condition sociale ct Ic dcgrc de culture sont souvent indiques par

I'orlhograplic-Granicr do Cassagnac, 11,480. Signature do Uecard, comman-aiu en second do I'expcidition qui ramena les prisonniers d'Orlcans : « Bc-

• card, comundant congointcmcnt avcquc M. Fournier gcncralle. " - Ar-

LA SFXOXDE 1-TAPE DE LA COXQUETE. 265

Pour toule iiiformalion il a dcs rumcurs dc carrcfourqui lui monti'cnt un trailrc dans chaquc maison, ct pour loul acquis, des phrases de club qui rappcllcnl a mencr la grandc machine. Unc machine si vaste cL si com-pliquee, un Icl ensemble de services cnchcvelres les uns dans les aulres et ramifies en offices innombrables, lanL d'apparcils si speciaux, si delicats cL qu'il fauL inces-sammcnt adapter aux circonslances changeanlcs, diplo-malie, finances, justice, arm6e, administration, tout cela deborde au dcia de sa comprehension si courtc : on nc fait pas tcnir un muids dans unc boulcillc' . Dans sa ccrvellc etroitc, faussee ct boulcvcrsec par I'enlasse-mcnt dcs notions disproportionnees qu'on y verse, il no se depose qu'une idee simple, appropriee a la gros-sitrete dc ses aptitudes et dc ses instincts, je vcux dire Fenvie de tuer ses ennemis, qui sont aussi les cnnemis dc I'Etat, quels qu'ils soienl, declares, dissimules, pre­sents, futurs, probables on meme possibles. II porLc sa brutalite el son effaremcnl dans la politique, et volUi pourquoi son usurpation est si malfaisanto. Simple brigand, il n'eut lue que pour volor, ce qui cut limite ses meurlrcs.Represcntant dc I'Elat, il cntreprend le mas­sacre en grand, et il a des moycns dc raccomplir. — Car il n'a pas encore eu le temps de detraquer le vieil ou-

chivcs nalionalcs, F^, 442G. Lellrc dc Glicmin, commissaire de la seclion dcs Gravillicrs, a Santcrre, 11 aoul 1792 : « Mois Charles Ciicmin comi-« sairc... fail part a Monsieur Santairc goneralc dc la Iroiipc parisicne quo « Ic iiommo lliiigray cavaliers de la gciularmcris nalionallc... ma declares « qu'ille seslcs Irouves aux jourduis 11 aoux avec unc home alaclies u la » cours aux Equris; quiUc lui aves dis quiere 800 home a peui)res des sidc-« vanl garde du roy elcs lous pres a fondrc sure Paris pour donaire dii « secour a naux rebellc et a signer avcc moi la prcsanle. «

1. Le 19 mars 1871, rue de Varenncs, rencontranl un federo qui availpris pari au pillage de I'llicole d'.'lal-major ct rcvcnait avcc deux fusils sur I'epaulc, je lui dis : « Mais c'esl la guerre civile, ct vous allcz faire entrer M les Prussiens dans Paris, — J"aime micux les Prussiens que M. Thiers* • M. Thiers est Ic Prussicn dc I'intcricur. »

26G LA REVOLUTION.

Ullage administralif; da moins Ics rouagcs subaUorncs, gendarmes, gcolicrs, employes, scribes eL coinplablcs, sonl toujours a leur place et sous la main. I)c la pari dcs gens qu'on arr^tcra, point dc rcsislancc; accoulum6s a la prolccliou dcs lois cL a la douceur dcs moaurs, ils iront jamais complc sur leurs bras pour sc defendre, cL n'imaginent pas qu'on veuillc tucr si sommaircincnl. Quanl a la foule, dcpouillee dc loulc inilialivc par la cenlralisalion anciennc, elle est iacrlc, passive, ct lais-scra falrc. — G'esl pourquoi, pendant plusieurs longucs journcGs' succcssives, sans hale ni cnconibre, avcc dcs ccritures corrcctcs et des complcs en regie, on pourra procedcr au massacre comme a unc op6ralion de voiric, aussi impunement et aussi methodiquement qu'a I'cn-IfevcmcnL des boues ou a I'abatage des chiens erranls.

II

Suivons dans le gros du parti le progrcsdc Tidcc homi-cide. Elle est le fond meme du dogme revolulionnairc, el, deux mois apres, a la tribune des Jacobins, Collol-d'llcrbois dira Ires justcmcnt: « Le 2 scplcnibrc est le grand arlicle du Cy^edo de noire liberie'. » G'esl le propre du Jacobin de sc considercr commcun souvcrain legitime ct dc (railcr scs adversaires, non en bclligcranls, mais en criminels. lis sent criminels de Icse-nalion, liors la ItDi, bons d tucr en lout temps et en tout lieu, dignes du supplice, mcmc quand ils ne sonl point ou ne sont plus en clat dc nuirc. — En consequence, le 10 aoul, on a cgorge les Suisses qui n'avaient point lire ct qui s'ctaicnt rendus, les blesses gisant a tcrre, Icurs cliirurgicns, tousles domcstiqucs du chiltcau, bicn micux des gens

1. Moniteur, w du 14 novembrc H ? !

LA SECOXDE £ T A P E D E LA COXQUETE. 267 .

qui, commc M. dc CIcrmont-Tonnerre, passaient dans la rue, ct, en langage officiel, cela s'appclle mainlcnanl la justice du pcuplc. — Le 11, les soldats suisscs recucillis dans Ic baLinient des Fcuillants manquent d'etre massa­cres; la populace rasseniblee alonlour dcmande leurs l(}-Ics' ; « on forme le projet de se Iransporler dans loules « les prisons de Paris pour y enlever tons les prison-« niers el; en fairc une prompte justice. » — Le. 12, aux riallcs-, « divers groupcs de gens du pcuplc discnt que « Pel ion est un scelerat; « car « il a sauve les Suisscs au a palais Bourbon »; done « il i'aut le pcndrc aujour-a d'liui, lui et les Suisscs ». — Dans ces esprils rcnvcr-scs, la vcrite prcscntc ct palpable fait place a son con-Ire-pied: « cc ne sont point eux qui ont altaqu6, c'est du « chateau qu'est vcnu Tordre dc sonner le tocsin; c'cst le « chateau qui a assiege la nation, et non la nation ([u'l « a assicgc le chateau'. » Les vaincus son t " des assas-« sins du pcuplc'>pris enilagrant delit, ct, Ic 14 aoCil, les federcs vicnncnt dcmandcr unc cour martialc cc pour cc vcngcr le sang de lours IVcrcs'' »; encore est-cctrop pen d'une cour martialc. cell no suffit pas dc punir les cri-cc mcs commis dans lajournee du 10 aout, ilfaut clcndrc cc la vengeance du pcuplc sur tons les conspiralcurs, » sur cc cc Lafayette, qui n"elait peut-ctre pas a Paris, cc onais qui aurail pu ?/ aire », sur lesministres, generaux, juges ct autrcs agents, coupablcs d'avoir soulcnu rordre legal quand il exislait ot de n'avoir pas rcconnu Ic gou-verncment jacobin cpiand il n'existait pas encore. Qu'on les traduise, non devant les Iribunaux ordinaircs qui sont

1. IJuclicz ct Houx, XVII, 31. . 2. Archives nalionalcs, F', 4426. LcUrc des adiniaistrateiirs de police,

11 aoiil. Declaration dc Dclaiinay. 12 aoiit. 3. Biichcz el Roux, XVII, GO, seance du 12 aout. Discoui'S de l.cpiiear i

la barre. 4. lb., XVII, 47. — Morlimer-Tcrnaux, III, 31. Discours dc Uoljcspicn'o

k la barro de I'Assemblec, au noai de la Commune, 15 aout.

268 LA REVOLUTION.

suspects puisqii'ils font partic du regime aboli, mais devant un tribunal d'exccption, sortc dc « chambrc ardcntc' « nommee par les sections, c'cst-a-dire par 1-a minorite jacobinc; qucccsjuges improvises, a conviction faite, decidcnt souvcrainement et en dernier rcssort; point d'interrogaloire prealable, point d'intcrvalle cnlrc I'arrefc et ['execution, point de formes dilatoircs et pro-tectrices. Surtout, que I'Assemblec sc liate dc rendrc Ic decrct : sinon, « lui dit un delcguc de la Commune-, « cc « soir, u minuit, le tocsin sonnera, la generale ballrn; Ic a pcuplc est las dc n'etrc pas venge: craigncz qu'il nc se « fassc justice lui-mcme. « — Un instant aprcs, nouvcUes menaces, et a plus courtc ecbcancc : « Si, avant deux on « trois beurcs,... les jurcs no sont pas en clat d'agir, dc « grands malhcurs se promtineront sur Paris. »

Installe sur-Ie-cbamp, le nouveau tribunal a beau 6trc expeditif et guillotiner en cinq jours trois innocents; on Ic Irouve lent, et, le 23 aout, unc section vient, en style furieux, declarer a la Commune que le pcuple, « fatigu6 et indign6 » de taut de retards, forcera les prisons et massacrera les prisonniers^ — Non seulement on bar-celle les juges, mais on poussc devant cux les detenus : une deputation de la Commune et des federes sommc I'Assemblec « de transferer i\ Paris les criminels d'Or-« leans,pour ysubir le supplice de leurs forfaits »; sinon dit I'oratcur, « nous ne repondons plus de la.vengeance « dupeuple' '. »Et, d'un ton plus imperatif encore : «Yous « avez cnlciidu, et vous savcz que Tinsurrcction est un « devoir sacre, » un devoir sacre cnvcrs et centre tous,

L Mol de Brissol dans son rapport sur ccUe pcliLiou de Uol)espicrrc. — Les iioms des principaux jiifrcs clus soiit significalifs : Fouqiiier-Tinvillc, Ossclin, Col'finhal.

2. Cuchcz et Houx, XVII, 91 (17 aoul). 3. Udcit de Pdlion dans son discours [Monitcur du 10 novembre 1792). ^. Luchez et Uoux, XVII, 116, seance du 23 aout.

LA SECONDE llTAPE DE LA CONQUETE. 269

onvers I'Asscmblue si clle rcfuse,_ eiivers le Iribuiial s'il absout. lis sc lanceat vers lour proic a Iravcrslcs formes legislatives on judiciaircs, cominc un milaiia travers des loiles d'araigncCj el rien ne Ics dolachc de Icur idee fixe. iM. Luce dc Monlmorin ayant ele acquille*, Fassislance f^rossiere, qui le confond avec son cousin, ancicn minis-Ire dc Louis XVI,delate en murmurcs. Le president essaye d'imposer silence; les cris redoublent, et M. dc Mont-morin est en danger. Alors le president, Irouvant un biais, annonce qu'un des jures est pcut-etre parent de Taccuse, que, dans cecas,il faudra un nouveaujury elunnouvcau jugcment, qu'on va s'assurer du fail, ct qu'cn allcndanl le prisonnier sera reconduit a la Conciergerie. La-dessus, il prend M. dc Montmorin par le bras et remmene h. tra­vers les liurlemenls, non sans peril pour lui-m6mc : dans la cour extcrieure, un garde national lui lance un coup de sabre, et, le lendemain, il faut que le tribunal aulorisc buit delegues de I'auditoire a verifier par Icurs proprcs yeux que M. de Montmorin estloujours sous les verrous.

Au moment ou on I'acquitlait, un mot Iragiquc a ele lance: « Yous le decbargcz aujourd'liui, ct dans quinze cc jours il nous fera egorgerl « — Manifcstemenl, la pcur s'est ajoutee a la baine. La plebe jacobine a vaguemenl conscience de son petit nombre, de son usurpation, de son danger qui croit A mesure que Brunswick approche. Ellc se sent campee sur una mine ; si la mine sautail! — Puisque scs adversaires sont des scelcrats, lis sont bien capables de faire un mauvais coup, complot ou massacre; n'ayant jamais fait elle-meme que cola, clle ne conQoitpas autre cbose, et, par une transposition ine­vitable, elle leur impute la pensee meurtriere qui s'ela-bore obscur{iment dans les bas-fonds de sa cervellc trouble. —Le 27 aout, aprfes lapompe funebre que Sergent

1. Moi'limer-Tcrnaux, III, 46L —Moore, 1,273 (31 aoill).

270 LA REVOLUTION.

a composee cxpres pour irrilcr les rcssentimcnls popu-laircs, scs soupcons, precises el diriges, commcnccnL a se iouruer en ccrliludcs: dix elcndavds « commemo.-« ralifs^ », porles chacun par un volonlaire a chcval, out fail dedlcr dcvanl scs yeux la longiio lisle dcs massacres executes « par lacour ctscs agents » : massacre de Nancy, massacre de Nimes, massacre dc Montauljan, massacre d'Avignon, massacre de la Chapelle, massacre de Carpcn-tras, massacre du Champ dc Mars, etc. Devanl im telle parade, niille hesitation ne suhsiste; desormais, pour les fcmmcs des Irihuncs, pour les hahilu6s des cluhs, pour les pifiuicrs dcs faubourgs, it esl averc que les arislocrates sont coutumicrsdu fait.

El d'aulrc part, signc aussi alarmant, « ccltc c6remonie « higubre, dont le sujet devait inspirer lour i tour le « recueillcmont ct rindignation,... n'a pas g(jneralcmcnt a produit eel eflct. » Les gardes nalionaux en uniforme, qui soul venus « apparemment pour se dedommager de « ne s'elre pas montresau jour dd'actioii », n'avaicnlpas la Icnue civique, au conlrairc « un air dc dissipation ct « memc de joie bruyante »; ils 6taicnt la en curicux, en badauds, en Parisiens, et bicn plus nombreux que les sans-culollcs a piques-. Ccux-ci ont pu so compter; il est clair a Icurspropres yeux qu'ils ne sont qu'une minorile une minorile tres pelilc, el que leurs fureurs n'ont pas d'c'cho; il n'y a, pour hater les jugcmcnls et dcmander dessupplices, que Ics figurants et ordonnatcurs de lalete. Un elranger, boii observateur, qui questionne les bou-liquicrs chcz qui il aclietc, les marchands avcc Icsqucls

L iJuclicz el Roux, XVII, 207 (arlicic dc Pnidhoinmcdans les Rcvolvlion^ de J'arii).

2. Us RcmhUions do Paris, ib.: « II y avail l i bon nonibrc de ^ans-- culoUcfc avec leurs piques; mais ils elalcnl de beaucoup surpasses par ' ^ mulhludc des uuilonnes dc lous les bataillons. ->-Moore 31 aoit •

" ^ouf'iru"' ' ' " ' liabilanls du faubourg SaiiiL-Antoinc el Sai'nl-Marccau loul ce qu on aperQoil [all Ihal is Jell) a Paris du pcuplc souvcraia. »

L.\ SECOXDE £ T A P E D K LA CONQUETE. 271

il cslcnafl'airo, les gens qu'il rcncoiurcau calc, ecritqu'il cc nc Irouvc nuUc part dc disposilions sanguinaircs, sauf « dans les galciies de rAsscmblce nalionalc el au club « dcs Jacobins ». Or aux galcries sont Ics clabaudcurs paves, « surLoul dcs fcmnics C[ui sont plus bruyanlcs ot « quloji pent avoir a meillcur marches?; an club dcs Jacobins sonl « les mencurs qui craignent un rcvircmenL « ou qui out dcs animosilcs a salisfaire' » ; ainsi les seuls enrages sonl les mencurs el la populace dcs fau­bourgs. — Pcrdus dans celle immense cile, en face d'unc garde nalionalc encore armee el Irois fois plus nombrcuso qu'enx, devant une bourgeoisie indilTercnlc ou mecoiilcnle, les palriolcs s'etlVayenl. En celelat d'angoissc, I'imagina-lion ficvreusc, cxasperec par rallenle, enfanlc involonlai-rcmenl des r^ves qu'ellc adoplc passionnemcnt commc dcs verilcs, cl mainlcnant il suflit cVun incident pour achcver la 16gende donl Ic germc a grandi clicz cux, a lour insu..

Lc i*"" seplembre, un cbarrclier, Jean Julicn-, condamn6 a douzc ans dc fers, a clc expose au carcan, el, au bout dc deux hcurcs, il est dcvcnu furicux, probablemcnt sous les quolibcls dcs assislants. Avcc la grossiorclc ordinaire aux gens de son esp6ce, il a dccharge en injures sa ragc impuissantc, il s'cst deboulonne, il a monlre sa nuditc au public, ot nalurellcment il a clierche les mots les plus blessants pour le peuple qui le regardait : « Yive lc roi! « vive la reine! vive monseigneur de la Fayellc! au f... « la nation! » Naturcllcmcnlaussi, il a failli olrc ccharpo, on I'a vile emmen6 a la Concicrgcrie, il a etc condamnc sur-lc-champ, et on raguilloline au plus vile commc pro-molcurd'une sedition qui se raltachail u la conspiration du 10 aoLit. — Ainsi la conspiration dure encore; lc

1. Mooi'c, 2G aoiU.

2. Morlimcr-Teniaux, lU, /i7l. Aclc d'accusalion coiUre Jean Julion. — Qiiaiicl nous reavoyons ;i xM. Morliiiicr-Tci'iiaiiv, c'ost parcc que, cu vrai criliquc, il appoilc des pieces auUientiques el souveut iacdilcs.

272 LA RfiVOLUTiON.

tribunal le declare, ct il ne Ic declare pas sans preuves Cortainement Joan Julien a fait dcs avcux : qu'a-t-il ro-xoXCi"* — Et Ic Icndemain, commc une moisson dc clr.im-pignons veneneiix poussus en une seulc nuit, le me me conic a pris racinc dans toules les cervelles. « Jean ,1 alien <c a dit que toutes les prisons de Paris pensaicnt comme « lui, que sous pen on vcrrait beau jeu, qii'ils avaicnt « dcs armes, el qu'on les lacherait dans la.vilie quand « les volontaires seraient partis \ » Dans les rues on nc rencontre que figures anxicuses: « L'un d'eux dit que « Ycrdun a etc Uvr6 comme Longwy; d'autrcs, hochant « la tcite, repondent que cc sont les iraltrcs dans I'ln-cc terleur dc Paris qu'il faut craindrc, et non les en-cc nemis declares sur la fronlifere-. « Le jour guivant, le roman s'amplifie : « II y a des chefs et des troupes roya-« lisles caches dans Paris et aux environs; ils vontouvrir « les prisons, armer les prisonniers, delivrer le roi et sa « famille, mettre a mort les patriotes de Paris, les fcmmes « el les enfants de ceux qui sont a I'armee. •• N'esl-il pas « naturel 5. des hommes de pourvoir k la silrcle dc Icurs « enfants et de leurs femmes, et d'employer le seul moyen « cfficacc pour arr^ter le poignard des assassins'? » — f.e brasier populaire est allumc; i present c'est aux en-ireprencurs d'inccndic public a conduirc la flamme.

1. liclif de In Ijrclonnc, les h'uils dc Pans. XI" ninl, p. 3T2. 2. .Moore, 2 seplembrc. 3. .Moore, 3 .scplembrc. — Diicliez ct Rou.v, XVI, l.J9. (Recit de Tallien).

— rroci;s-veri)aiix dc la Commune de Paris, 4 seplcmbre. (Dans la collection de Ij'arriore et Berville, volume intitule iMemoircs sur les journecs de safAcmire.) La Commune adoptc et grossit la fable qu'elle a peut-elre in-vcntec. — Prudiiommc reniarque tres bien que la legende dii complot dcs priions, si grossiercmcnt cxploitcc sous la Terrcur, apparail pour la pre-niifre fois au 2 scptenibro. Le nicme bruit fut repandii dans les campa"-nes. I'resde Genncvilliers, un paysan, tout en duplorant les massacres, disail a Malouet: « Aussi, c'est bien terrible que les aristocrates voulussent tuer lout le penple en faisant sauter la ville » (.Malouet, II. 244.)

LA tECONDE ETAPE DE LA CO^•^UETE. 273.

Ill

II y a longtcmps qu'ils soufflenLdessus.Deja le 11 aoiit, dans une proclainatioii', lanouvelle Commune annoncaiL que «• lous les coupables allaient perir sur Tecliafaud », et c'csL clle qui, par ses deputations menagantes, a im-pos6 i r.Assemblec nationale I'institution immediate d'un tribunal de sang. Portee au pouvoir par la force brutalc, elle perit si elle ne s'y maintient, et elle ne peut s'y mainlenirqueparla terreur. — En elTel, considerez un in­stant cette situation extraordinaire. Install6s i I'lIOtelde Ville par un coup de main nocturne, une centaine d'in-connus, d61egu6s par un parti et qui se (roient ou . e disent les del6guesdu peuplc, ont renverse I'un des deux

•grands pouvoirs de I'Etat, mutil6 et asservi I'autrc, et regnent dans une capilale de 700 000 dmes par la grdce de huit ou dix mille fanatiques et coupe-jarrets. Jamais changement si brusque n'a pris des hommes si bas pour les guinder si baut. Des gazcticrs infnnes, des scribes du ruisseau, des barangueurs de taverne, des moines ou pretres defroqu6s, le rebut de la lilterature, du barreau et du clerge, des menuisiers, lourncurs, epicicrs, serru-riers, cordonnicrs, simples ouvriers, plusieurs sans 6lat ni profession^, politiques ambulants cl aboyeurs publics, qui, comme les vcndeurs d'orvietan, expioilcnt depuis trois ans la crcdulite populaire, parmi eux nonibre de gens mal fames, de probit6 douteuse ou d'improbit6 prou-vee, ayant roule dans leur jeunesse et encore taches de leur ancienne fange, relegu6s par leurs vices bors de I'cnccinte du travail utile, cbass6s i coups de pied des emplois suballerncs jusque dans les metiers interlopes,

1. Proces-vefbaux de la Commune, 11 aout. 2. Mortimer-Ternaux, II, 446. Lisle des commissaircs de section qui

siegeaient a I'lldtel "dc Ville, le 10 aout avant 9 heurcs du matin.

LA REVOLUTION. H __ ^3

27'i LA REVOLUTION.

rompus au saul purilleux, u conscience disloquee comme les reins d'un saltimbanquc, et qui, sans la revolution, ramperaicnt encore dans leur boue nalale en allendant . Bic(itre ou le bagnc auxquels ils.6taient promis, se figurc-t-on Icur ivrcsse croissanle i mesurcqu'iisboivenl iplus longs trails dans la coupe sans fond du pouvoir absolu? — Car c'cst bien le pouvoir absolu qu'ils reclament ct qu'ils excrccnt*. Elev6s par unc delegation speciale au-dcssus dcs auloritcs reguliferes, lis nc les sou (Trent qu'i-lilre dc subordonn6es, et n'en tolerent pas qui puissent devcnir dcs.rivales. En consequence, ils ont rcduit le Corps legislalif k n'6trc que le r6dacteur et le b6raut do lours decrels; ils ont forc6 los nouvoaux 61us du d6par--komont ii « abjurer leur litre », u so borner k la reparti­tion des impots, et journellement ils metteht leurs. mains ignoranles sur.les services gdncraux, finances, armee, sub-sistances, administration, justice, au risque d'en briser les rouagcs ou d'en interrompre le jeu.

Aujourd'bui, ils mandent devant eux le minislre de la guerre, ou, a son d6faut, son premier commis; domain, c'est tout le personnel de scs bureaux qu'ils tiennent en arrestalion pendant deux heures, sous pretexte do cbcr-chcr un imprimeur suspect-. Tantot ils posent les. scelles

1. Proces-vcrbaux de la Commune, 21 aoiit, « Le conseil general dc la « CommunCj coiisideranl que, pour assurer ie salul publicella liberty, il a

.« besoin de tout le pouvoir que le peuplc lui a delegue aii momcnl oiiil « a cto forc(5 de reprendre I'cxercicc de ses droits," envoie une. deputation k rAssemljIoe nationale pour exiger que le nouveau ddpartemenl « soil " convert! purenienl et siniplement en coniinission des coulribulions. » — Morliiner-Ternaux, HI, 25. Discours de Robespierre au nom de la Com­mune : a Quand le peuple a sauve la jiatrie, quand vous avez ordoime une • Convention nationale qui doit vous remplacer, qu'avcz-vous a faire qu'a « salislaiio son vuju?... Le peuple, force de veiller a son proprc salut, a «pourvu a sa surcte par ses d61egues... II faut que ceux qu'il a clioisis lui-« meme pour ses magistrals aient loule la pleniludc du pouooir qui " conuien/ ait souvei-ain. »

,}(J'''''''''-'''^''^'^^^de la Commune, 10 aoul. — Mortimcr-Tcrnaux, III, =>^.Ulirc du minislreSorvan, 30 aout. - lb., 149. - lb., 148. La commis-

LA SECOKDE ETAPE DE LA COKQUETE. 275

siir la caisse de rcxlraordinaire; lanl6l ils casscnt la commission des subsislances; tantdL ils inlerviennent jjans le cours de la justice, soil pour aggraver la proc6-(Jurc, soil pour empGcher rex6cution des arrCls rendus^ Point de principo, loi, rfeglement, sentence, 6lablissement ou homnie public qui ne soil k la discretion de leur arbi-truire. — Et, commc ils ont fait main basse sur le pou-voir, ils font main basse sur I'argent. Non seulement ils ont arraclie a I'Assembl^e 850 000 francs par mois avec Ics arr^rages a partir du V Janvier 1792, en tout plus de 6 millions, pour defrayer leur police militaire, c'est-a-dirc pour payer leursbandes^; mais encore, « rev6tus de « Techarpe municipale, » ils saisissent, « dans les h6tels « de la nation, les meubleset tout ce qu.'il y a deplus pre-« cicux. » « Dans une seule maison, ils en cnl6vent pour cc 100 000 6cus'. » Ailleurs, cliez le Iresorier de la liste civile, ils s'approprient un carton de bijoux, d'effcts pre-cieux et 340 000 livres*. Leurs commissairesram^nent de Chantilly trois voitures c\ Irois cbevaux « cbarg6es des « depouilles de M. de Conde », et ils entrcprennent « le « demenagement des maisons des 6migr6s'». Dans les

5-iondes subsistanccs ayanl ele cassee par la Commune, Itoland, minislre da I inlerieur; prie rAssemblee de prendre des mesurcs jirumplcs, car «il ne " repond plus des subsistanccs de Taris ».

1. Proces-verhaux de la Commune, 21 aoul : Arrtilo.pour exigcr que, dans les proces de l6se-nalion, les d^fenscurs onicictix soionl nuinis d'un cerliiical do probile dtilivrd par leur seclion asseuiblL-c, ol que ics coufo-rcucos entre eux et Taccusc soicnt puLliqucs. — lb . , 17 aoill : ArriHe pour SMb|ieiidre I'execution des deux assassins du niairc Simonncau, coudaamcs k niort par le tribunal de Seinc-et-Oise.

2. Morlimer-Ternaux, 111, 11. Dccrel du 11 aout. 3. rrudhonmie, Hevolulions dc Paris, n"' du 22 septcmbre. (Uapport

dc Roland a rAssemblee natiojiale, le 16 seplembre, i 9 iieures du nialin.) 4. Mine Roland, Mcmoires, 11, 414 (ed. Barrierc el Rerville). Uapporl de

I'lOlaiid du 29 octobre. La saisie donl il s'agit est du 27 auul. b. Mdmoii^es sw?" Ics jouimees de septcmbre (6d. Uarrierc cl Berville

p. 1307-322). Ltal des sommcs pay6es par lo Iresorier de la commune. bur la i/iolongalion dc ces vols, voy. le rapport de Roland du 29 oclobre

276 LA REVOLUTION.

eglises de Paris, ils confisquent « les crucifix, lutrins, cc cloches, grilles, lout ce qui est en bronze » ou fer, chandeliers, ostensoirs, vases, reliquaires, statues, lout ce qui est « objet d'argenterie », tant « sur les autels que cc dans les sacristies * «, et Ton dcvine I'enormite du butin: pour emporter I'argenlerie de la seule 6glise de la Made-leine-la-Yille-rEveque, il fallut une voiture i quatrc chevaux. — Or, de tout cet argent si librement saisi, ils usent aussi librement que du pouvoir lui-m6me. Tel, aux Tuilcries, sans vergogne aucune, remplissait ses poches; un autre, au Garde-Meuble, fouille les secretaires et em-porle une armoirc pleine d'cffets^: on a d6ji vu que, dans les depots de la Commune. « la plupart des scelles sc cc trouvferent brises, » que.des valeurs 6normes en argen-terie, bijoux, or et argent monnaye disparurentj les inler-rogatoireset les comptes ulterieurs imputeront au Comite de surveillance ccdessoustractions, dilapidations, malver­sations «,bref,ccun ensemble de violations etd'iiifidelites. » — Quand on est roi et presse, on ne s'astreint pas aux formes, et Ton confond aisement le liroir oil Ton a mis I'argent de I'Etat avec le tiroir ou Ton met son propre

• argent.

Par malheur, cctte pleine possession de la puissance et de la fortune publiques ne tient qu ' i un fil. Que la liiajo-rit6 evincee et violcntSe ose, comme plus tard i Lyon Marseille ct Toulon, revenir aux assenibl6es de section et revoquer le faux mandat qu'ils se sont arrog6 par la fraude ct par la force, h. I'instant, par la volonte du

enlevement de I'argent, de Targenterie et des assignals do l'h6pilal de Senl'is (13 septembre), demenagement de I'hOtel de Coigny, vente du mobilier de I'hfliel d'Egmont, etc.

\. Proces-verbaux de la Commune, 17 et 20 aoflt. — i!:iat des sommes payees par le Irdsorier de la Commune, p. 321. — Le 28 aout, ua Saint Roch d'argenl est apportd k la barre de TAssemblee nalionale. J ' Monimcr-Ternaux, IH, 150, 161, 511. - Rapport de Roland, du W oclobre, p. klk.

I A SECOKDE KTAPE DE LA CONQUfiTE. 277

peuple souverain el en vcrtu de leiir propre dogme, ils redeviennent ce qu'ils sontefTcclivemcnt, des usurpatcurs,

.des concussionnaires el des voleurs : point dc milieu pour eux en (re la dictalure et les galferes. — Devant unc pa-reille alternalive, I'csprit, 6. moinsd'unequilibreextraor­dinaire, perd son assielte; ils n'ont plus de peine t\ se faire illusion, i croirc I'Elalmenacddans leurs personnes, ii poser en regie que tout leur est pcrniis, m6me le mas­sacre. Bazirc n'a-t-il pas dit i la tribune que, conlre les ennemis de la nation, « tons les moyens sont bons et « justcs ? « N'a-t-on pas enlendu un autre depute, Jean Debry, proposer la formation d'un corps de 1200 volon-laires qui « sc devoueront «, comme jadis les assassins duVieux de la Monlagne, pour « allaquer, corps i corps, « individuellement, les tyrans » et les gen^raux'? N'a-t-on pas vu Jlerlin de Thionville demander que les femmes ct « les enfanls des 6migr6s qui allaquent la fronliferc « soicnt retenus comme otages », et d6clares respon-sables, en d'aulres termes, bons a tuer, si leurs parents conlinuent c\ altaquer - ?

11 n'y a plus que cela i faire, car les autres mesurcs n'ont pas suffi. — En vain la Commune a decrele d'arres-tation les journalisles du parti contraire et distribu6 leurs presses aux imprimeurs palriotes \ En vain elle a declar6 incapables de toule fonction les membres du club de la Saintc-Chapelle, les gardes nalionaux qui onl prcl6

1. Monitew\ XIII, 514, hhl, seances des 23 ct 26 aoiil. 2.Mortimer-Tcrnaux, 111, 99, stances des 15 el 23 aout. — Pi^oces-ver-

baux tic la Commxcne, 18 aoflt : Arrule pour obtcnir une loi qui autorisc laConinnine o fi reunir les fcramcs et les enfanls des 6migr6s dans des « maisons dc sdrcld, et b. employer a cet efTet.les maisons ci-devant reli-« g'ieuses. »

3. Proccs-vcrhaux dc la Commune, 12 aout. — lb., 18 aoOt. I.a (..ommune n'ayanl pu mcllre la-main sur Ic journaliste GeoflVoy, « arrClc que les « scelles seronl apposds clicz Mme GcofTroy, qu'elle sera mise en clal d'ar-« reslalion. jusqu'a ce que son'mari vienne la delivrcr. B

LA. SECONDE fiTAPE DE LA CONQUIilTE. 279

un silence dc mort, puis, clans cbaquerue, une paLi'ouille de soixante hommes a piques, sept- cents escouades de sans-culottes operant 5. la fois et avcc leur brutality or­dinaire, des porles enfoncees i coups de crosse, les ar-moires crochetees par des serruriers, les murs sondes par des macons, les caves fouill6es jusqu'au sous-sol, les pa- • piers saisis, les amies confisquees, trois mille pcrson-nes arrfitees et emmenees*, prdtres, vieillards, inlirmcs, malades, et, dedixheures du soir i c inqheures du matin, comnie dans une yillc prise d'assaut, les lameiitations des femmes qu'on rudoie, les cris des prisonniers qu'on fait marcher, les jurons des gardes qui sacrent et s'attar-dent pour boire h, chaque cabaret; il n'y eut jamais d'cxecution si universelle, si methodique, si propre 5. terrasser toiite vell6ite de resistance dans le silence dc la stupeur. — Et pourtant, a ce moment memo, les hommes de bonne foi, aux sections et dans I'Assemblee, s'indigncnt d'appartenir b, de pareils maitres. Une deputation des Lombards et une autre de la Halle-au-Ble viennent h TAssemblee reclamer centre les.usurpations do la Com-' m u n e ^ Le montagnard Choudieu denonce ses prevari­cations criantes. Caihbon, financier severe, ne \ eu t plus souffrir que ses comptes soient deranges par des tripo-tages de filous'. L'Assemblee semble enfui reprendre conscience d'elle-niGme; elle couvre de sa protection le journaliste Girey contre qui les nouveaux pachas avuient lance un mandat d'amener; clle'mande d sa propre barrc

1. Selon Roedcrer, le nombre des personnes arrctees ftit de cinq ;i six mille.

2.Mortimer-Ternaiix,in, 147, 148,28 ct29 aout. —76., 176. D'autrcs sec­tions eltivcnl des plairites tr6s vives conlre la Commune. — Bucliez cL Roux, XVII, 358. — Pfoces-verbaux dela Commune, 1" septembre : a La secLion « du Temple envoic une dcpulalioii qui declare qu'en verLu du dC-crct do « I'AssembJee nationale elle retire ses pouvoirs aux 'CO!nmi.ssaires qu'clle

•o a nomnies au conscil general. " 3. Morlimer-Ternaux, III, 154, seance du 30 aoiU.

278 LA REVOLUTION.

serment k Lafayette, les signataires de la petition dcs 8000 et de la petition des 20 000 K En vain elle a niiilti-plie les visites domiciliaires jiisque dans I'hotel et les voi-tures de I'ambassadenr de Venise. En vain, par des inter-rogatoires insultants et reit6r6s, elle tient a sa barre, sons les liu6es et les oris de mort de ses tribunes, les hommcs les plus honorableset les plusillastres, Lavoisier, Dupon.t de Nemours, le grand chirurgien Desault, les femmes les plus inoffensives et les plus distinguees, Mme de Tourzel, Mile de Tourzel,- la princesse de Lamballe ^ En vain, aprfes des arrestalions prodiguecs pendant vingt jours, elle enveloppc Paris tout entier,d'un seul coup de filet, dans une perquisition nocturne ' : toutcs les barriferes ferm6es et par de doubles posies, des sentinelles sur les quais et des pataches sur la Seiiie pour empScher la fuite par eau, la ville divis6e d'avance en circonscriptions et, pour chaque section, unc liste de suspects, la circulation des voitures interdite, chaque citoyen consign6 chez lui, i partir de six heiires du soir

L Proces-verbaux de la Commune, 17 et 18 aoflt. De plus, arrfite pour demanderji I'Assembleenationale la liste des signataires et rimprimer.

2. lb., 18,19, 20 aout. — Le 20 aout la Commune interrogc I'ambassadcur de Venise qu'elle amandd devant elle. « Un ciloyen rdclame la parole centre « M. I'ambassadcur el dit que, sous le nom de cet ambassadeur, plusieurs « voilurcs sent sorties de Paris. Ce citoyen s'appelle Chevalier, garden " mareclial... Lo conseil arrete que mention honorable sera faite sur le « proc6s-verbal de la denonciation. » Sur le ton des inlerrogatoires, lire Vfeher (Mcmoires, II, 245), qui raconle le sien.

3, Buchez et Iloux, XVd, 215. Recit de Peltier. — Malgre les ordres de I'Assemblee nationale, ropcration recommenQa le lendemain et dura du 19 aofltjusqu'au 31 au soir. —Moore, 31 aout. La sottise vaniteuse ot moutonni6re du bourgeois racole pour faire I'olfice de gendarme au profit des sans-culottes est tr6s bien peinte ici. Le raaitre de rholcl Meurice, oil Moore et lord Lauderdale 6taient log6s, a ete de garde et de chasse la nuit prcciidente : « 11 parlait beaucoup de sa fatigue cl faisait quelques al-« hisions aux dangers qu'il avail courus dans I'exercice de ce p6nible devoir. •On lui demamla s'il avait cte heureux dans sa recherche des suspects. — «Oui, milord, dil-il, infiniment: notre bataillon aaltrape quatre prfilres. — « u n aurait pas eu I'air plus Cor. s'il avait pris le due de Brunswick. »

280 LA REVOLUTION.

Ics signal aires du mandat; ellc leur ordonnc dc sc rcn-fcrmcr u Tavonir dans les limitcs exaclcs de la loi qu'ils oulropassent. Bien mieux, ellc dissout Ic conscil intrus el lui siibsliluc qiialre-vingt-seizc dclegu6s que les sections dcvronl nonmicrdans les vingt-qiialrehcures.Bicn mieux encore, ellc lui commande de rendrc complc, dans les deux jours, de tous les cffets qu'il a saisis ct de porter les matiercs d'oret d'argent ^laTresorerie. Casses el somm6s de dcgorger leur proie, les aulocratcs de I'llulel de Yille onl beau, le lendemain, venir en force i rAssemblce', pour lui cxlorquer le rappel de ses decrcls : sous Icurs menaces ci les menaces de leurs salclliles, I'Asscmblce Ucnlbon. — Tant pis pour les opiuiiilrcs; puisqu'ils ne vculenl pas voir I'eclair du sabre, ils en scnliront lelran-cbant el la pointc. Sur la proposition de Manuel, la Com­mune decide que, tant que durera Ic danger public, elle rcstera en place; elle adoptc une adrcssc dc Robespierre pour « rcmettre aupeuple le pouvoir souvcrain», c'cst-i-dire pour faire desccndre lesbandcsarmees dans la rue^; elle se rallie les brigands en leur confcrant la proprietc de tout cc qu'ils onl vole dans lajourn6c du 10 aoiit ' . — V:.s6ancc, prolongee pendant la nuit, nc finit qu'a une bcureet deuiiedu matin ; on est arriv6 au dimancbc, et il n'y a plus de temps a perdre: car, dans quelqucs beurcs, les eleclcurs s'assembleront pour 61ire les deputes a la Convcnlion; dans quelques beures, en verlu du decrct de

1. Mortimer-Ternaux, III, 171, seance du 31 aofit. 76., 208. — Le lende­main, 1" seplembre, a I'instigalion de Danton, Tluiriol obtienl de I'Assem-IJICC nalionale un decret ambigu qui semble permcllre aiix nicnibres de la Commune de sieger encore, au moins provisoirenicnl, a I'llotcl de Yille.

2. Proch-verhaux de la Commune, ] " seplembre. 3. 7i., ] " septembrc : a 11 est arrCle que les effels qui sent tombes au pou-

• voir des ciloyens combatlant pour la liberie cl I'ogalilc dans la journde du • 10 aofii resleront en leur possession, el consequemnienl M. Tallien, sccrcS-• laire-gi-effier^ est auloris6 b. rcmettre une monlre d'or i M. Lecomle. " gcndarmo.

LA SECONDE KTAPE DE LA CONQUETE. . 281

I'Assembldc nationale, les seclions, selon rexemplc que la section du Temple leur adonne la vcille mCnic, revo-qiieronl pciit.-6lre leurs pr6tendus mandaLaires de I'llolcl-de Yillc. Pour rester i I'HdLel de Yille et pour se faire nommer i la Convention, les meneurs ont bcsoin d'un coup eclatant, ct ils en ont besoin le jour m<imc. — Ce jour-li est le 2 septembre.

IV

Dcpuis Ic 23 aoCit*, Icur resolution est prise, le plan du massacre s'cst dessind dans leur esprit, et pen i\ pen, sponlan6mcnt, cbacun, selon ses aptitudes, y prend son role qu'il choisit ou qu'il subit,

Avant tous, Marat a propos6 et prfiche I'opdration, ct, dc sa part, rien de plus nalurel. Elle est I'abrcgd de sa

1. Qiialre indices simultands et concordants fixent celte dale : 1° Ic 23 aoOl, le conseil {!;cncral arrfite o qu'il sera mdnage dans la salle unc tribune pour «un journalistc (M.Marat), lequcl sera charge de rediger un journal dcs . arrCtos el dc ce qui se passe a la Commune « [Proc.cs-vcvbaux dc la Commune, 23 aouL); — 2° le miimc jour, a sur la proposition d'un mcmbre «Icndant a separerlcs prisonniers de lese-nation de ceux dcs niois de nour-«rice et autres pareils dcs differenles prisons, Ic conseil a adople celle mc-« sure » (Granicr de Cassagnac, II, 100); —3° le mOme jour, la Commune applaudil les deputes d'une section qui, a en lermcs brulanls ", vicnnenl lui denoncer les lenteurs dc la justice et lui declarer que le peuple « inuno-o lera 1 les prisonniers dans leurs prisons (Monilcur, 10 novcnibrc 1792. Recit de Pction); — 4° le ni6mejour, elie depute a rAsscmblce, pour lui commander dc transferer a Paris les prisonniers d'Orleans (Buchez et Roux, XVII, 116). Le lendemain, maigre les defenses de rAsscmblee, elle aclicmine Fournicr elsa bande versOrl6ans (Mortimer-Ternaux.111,364), el cbacun sail d'avance que Fournicr a commission pour les egorger en route, (lialleydier, lfistoirepoliti(jue el miliiaire dupeuple de Lyon, I, ' 9 . Lellrc de I.aussel, dalde de Paris, 28 aoilt:) « Nos volonlaires sont a Orleans dcpuis deux ou « trois jours pour y expcdier les prisonniers conlrc-revolulionnaircs, qu'on . trailail trop bicn. » Le jour du depart de Fournicr (24 aoul), Moore re-marque au Palais-Royal et aux Tuileries que le nombre des oraleurs en plein venl csl plus grand que jamais, qu'ils sont visiblemcnl ajjoslcs cl payes, et qu'ils dcclamcnl centre les crimes des rois.

282 LA REVOLUTION..

poliliquo : un dictateur ou tribuii, avcc plcins pouvoirs poiirluer et n'ayant-de pouvoirs que pour cela, un bon coupe-tctc en chef, responsablc, « enchainc cL Ic boulct aux pieds », tel est, depuis le 14 juillet 1789, son pro­gramme de gouverncmcnt, et il n'cn rougil pas : « lant « pis pQur ceux qui ne sontpas a la hauleur do I'enlen-« dre* ». Du premier coup, il a compris le caraclcre de la revolution, non par g6nie, mais par sympalhie, lui-m6me aussi born6 et aussi monstrueux qu'elle, atteint depuis Irois ans de d6lire soupQonneux et de monomanie homi­cide, r6duit par rappauvrisscmcnt mental t\ une seu!e idee, celle du meurlre, ayant perdu jusqu'a la faculte du raisonnement vulgairc, le dernier des journalistes, saut pour les poissardes et les hommes k iiiqucs, si monotone dans son paroxysme continu% qu ' i lire ses numeros de suite on croit entendre le cri incessant et rauque qui sort d'un cabanon de fou. Des le 19 aoiit, il a pousselepeuple aux prisons. « Le parti le plus sur et le plus sage, dit-il, « est de se porter en armes a I'Abbayc, d'cn arrachcr « les traitres, particulierement les ofliciers suisses et « leurs. complic«s, et de les passer au fil de I'epee; « Quelle folic que de vouloir leur faire leur proces! II « est tout fait. —Vous avez massacre les soldats; pour-. « quoi 6pargneriez-vous les ofliciers, infiniment plus

1. Monileur du 25 septembre 1792. Discours do Marat a la Convention. 2. Voy. ses deux.journau.Y, r ^ m t du peuple el le Jour7ial de la Repu-

blique francaise, notamment de juillet a octobre 1792, — Titrc du n' du l6aout: « Odveloppement de Fatroce complot do la cour pour faire perir « par le fcr el le feu .tous les patriotcs. « — l i t re du n° du 19 aoiil: « Les inf&mes p6res conscrits du Manege trahissant le peuple et chercliant « h faire trainer le jugement des traitres jusqu'a I'arrivce de Mottiii, « qui marcheavec son armee sur Paris pour egorger les patriotes. » — l i t re du numero du 21 aout : «• Les gangrenes de I'Assemblee, complices du « perlide Molli6, lui m6nageant les nioyens de fuir... Les p6res conscrits, " assassins des patriotes dans les massacres de Nancy, du Champ do Mars » t'ldiis Tullerius ", etc. — Tout cela etalt Iiurl6 cliaque matin dans les lues par les colporteurs ambulants'du journal.

LA SECONDE fiTAPE DE LA CONQUlilTE. 2 8 3

« coupables? « — Et, deux jours aprfes, insislnnt avec son imaginalion de bourrcau : « Les soldats merilaicnt m i l b c. morts... Quant aux officicrs, ils meritent d'olrc 6car-« teles, comme Louis Capel ct ses supp6ts du Manage *. » — Li-dessus la Commune I'adopte comme son journa-lisle orricicl, lui donne une tribune dans la salle de ses

. stances, lui confic Ic compte rendu de ses actes, et tout k I'beure Va le faire enlrer dans son comit6 de surveil­lance ou d'ex6cution.

Mais un pareil cnergumfene n'est bon que pour t^lre un instigateur ct un trompetle; tout au plus au dernier mo­ment, il pourra figurer parmi les ordonnateurs subal-ternes. — L'cntrcprcneur en cbef- est d'une autre csp^ce etd'une autre taille, Danton, un vrai conducteur d'bom-mes : par son pass6 et sa place, par son cynismc popu-lacier, ses faqons ct son langage, par ses Cacultes d'initialive et de commandement, par la force intcmpe-

' ranle de sa structure corporelle etmentale, par I'ascendant pbysiquc de sa volonte dcbordanto et absorbantc, il est . approprid d'avancc i\ son terrible office. — Seal de la Commune il est devcnu ministre, et il n'y a que lui pour abriter I'attcntat municipal sous le patronage ou sous I'inerlie de rautorile centrale. — Seul do la Com­mune et du minist^re il est capable d'imprimcr I'im-pulsion et de coordonner Taction dans le p61e-mele du^ cbaos rdvolutionnaire; maintenant, au conseil dos mi-nistrcs, comme auparavant, h rHotel de Villc, c'cst lui qui gouverne. Dans la bagarre continue des discussions incobdrentes^ a travers « les propositions ex abrupto, les

1. VAmi du peuple, n" dii 19 et du 21 aout. 2. Lcllres nulographes de Mme Roland, l>uh]\ocs \)3iT Mme IJancal dcs

Issarls, 9 scplcmbre an soir : a Danlon conduit tout; Robespierre est son « mannequin ; Marat ticnt sa lorclic el son poignard. »

3. Mme Roland, Mcmoircs, II, 10 (Note de Roland). — lb., 21, 23, "24. Mot do Monge: « C'cst Danlon qui le veut; si je le refuse, il mo d^noncvra a la « Comipiine, aux Cordeliers, elmeferapendre. » — La commission del'our-

284 LA REVOLUTION.

« cris,les!JuremcnIs, lesallees et venues dcs pcliLionnaires « intciioculeurs », on le voit maitriser ses nouveaux col-lfe,q;ues par « sa voix de SLenlor, par ses gestcs d'alhlfete, « par ses efTrayanles menaces J), s'approprier leurs fonc-iions, leur dieter ses choix, « apporler des commissions « toutes dress<5es, » se charger de lout, « faire les propo-« sitions, les arr6t6s, les proclamations, les brevets, » et, puisant d millions dan^ le Tresor public, jeter la pdtce b. ses dogues des Cordeliers et de la Commune, « a run « 20 000 livres, A I'aulre 10 000, « « pour la revolution, i « cause doleurpalriotisme»:voilatouLson compte rendu. Ainsi gorgee, la meule dos « braillards » i jcun et « des « iiitriganls « avides, lout le personnel actiC des sections ct des clubs est dans sa main. On est bien fort avec ce cortege en temps d'anarchie; ^ffectivcment, pendant les mois d'aoiit et de septerabre, Danton a r6gne, etplus' tard 11 dira du 2 septembre aussi justement que du 10 aout : « C'est moi qui I'ai fait'. » • . .

nier i Orleans etait en regie, et Roland l*avdit signce.probablement par sur­prise, comniecellesf]es.commissaircs enyoy(5s darisles dcpartcmcnts par le conseil execulif. (Cf. Mortimer-Ternauxjj'll, 368.) .•,.••

1. La personne qui me raconle.le Tail suivanl^lc ticnt du roi Louis-Phi­lippe, alors officicr dans le corps de Kcllcrmann: — Lc soir de la balaille de Valmy, le jeune olficier est envoye i Paris pour porter la nouvelle. I'M arrivanl (22 on 23 septembre 1"92), il apprcnd qu'on Pa remplac6 qu'il est nomme goiiverneurde Sirasbourg. 11 va cliez Servan, ministre de Ja guerre; on refuse d'abord de I'inlroduirc: Servan est malade, au lit, avcc tons les ministres autour de lui. II dit qn'il arrive de I'armee et apporle des nouvelles; il est admis, trouve en eflel Servan au lit, avec diffd-rents personnages autour de lui, annonce la vicloire. — On I'inlerroge, il donnedes details. — Puis il se plaint d'avoir ete remplace, dit qu'il est Irop jeune pour commander avec autorite a Strasbourg, redeniande son postc dans Tarmee active. — a Impossible, repond Servan, la place est donnce, un « autre est nomme. » La-dessus, un des personnages presents, d'une figure dlrange et d'une voix rude, le prend & part et lui dit : « Servan est un '• imbecile, venez me voir demain, j'arrangerai votre affaire. — Qui etes-vous? — Danton, ministre de la justice, » — II va le lendemain cbez Danton qui lui dit: « C'est arrange, vous aurez lc nieme poste, pas sous Kcllcrmann, « mais sous Dumouriez. Cela vous va-t-il? » — Le jeune homme enchaul6.

LA SECONDE I^TAPE DE LA CONQUI^TB. 285

Non qu'il soit vindicatif ou sanguinaire par nature; lout au rebours : avec un temperament de boucher, il a un coeur d'homme, et tout h. I'heure, au risque de se compro-mettre, conlre la volonte de Marat et de Robespierre, il sauvera ses adversaires politiques, Duport, Brissot, les Girondins, I'ancien c6te droit*. Non qu'il soit aveuglc par ia peur, la haine ou la lh6orie : avec les emportemcnts d'un clubisle, il a la lucidity d'un politique, il n'est pas dupe des phrases ronflanles qu'il debile, il salt ce que valentles coquins qu'il emploie ; il n'a d'illusion ni sur les hommes, ni sur les Glioses, ni sur autrui, ni sur lui-m6me; s'il lue, c'est avec une pleine conscience de son oeuvre, de son parti, de la situation, de la revolution, et les mots crus que, de sa voix de taureau, il lance au pas­sage ne sont que la forme vive de la verite exacle : aNous « sommes de la canaille, nous sortons du ruisseau; » avec les principes d'humanite ordinaire, « nous y serions « bient6t replong6s'; nous ne pou\*ons gouverner qu'en

remercie. L'autre rcprend :.« Un coriseil avant voire depart. Vous avez du a talent, vous arrivcrez ; niais dcfailes-vous d'un defaut: vous parlez trop; « vous etes a Paris d,epuis vingl-qualre lieures, et, deji, plusieurs fois, vous o avez blame I'affaire de septembrc. Je le sais, je suis informe. - Mais •< c'est un massacre; peut-on s'empficher de trouver qu'il est horrible? — « G'est moi qui I'ai fait. Tous les Parisiens sont des j . . . f... II fallait mellre o une rivi6re do sang cnlre eux et les emigres. Vous 6tes trop jeune pour « comprendro de telles clioses. Retournez i I'armcej c'est le soul postc « aujourd'hui pour un homme comnie vous et de votre i-ang. Vous avez un « avenir; mais n'oubliez pas qu'il faut vous laire. »

1. Ilua, 167. R6cit de son h6te, le m^decin Lambry, ami inlime do Dantouj tres fanatique et membre d'un comild ou I'on avait examine s'il fallait tuer aussi les membres du c6te droit : « Danton avait repousse avec « force cette proposition sanguinaire. — « On sail, dil-il, que je ne recule " pas devant le crime quand il est n^cessaire, mais je le dedaigne quand » il est inutile, »

2. Mortimer-Ternauxj IV, 437. Mot de Danton i propos des commissaircs «effcrvescents» qu'il envoyait dans lesdepartements. « Eh I f...! croycz-vous nqu'on vous enverra des demoiselles? »

3. Philippe de Sdgur, Memoires, I, 12. Conversation de son pere avec Danton quelques semaines apr6s lo 2 septembro.

286 • LA REVOLUTION.

« faisanl peur. « « Les Parisicns sonLdes j . . . f..., il faut « mcllreune riviere de sang enlre eux el les emigres *. '> « Le locsin qu'on va sonner n'esl point un signal d'alarnie, .« c'esl la charge sur les ennemis de la palric... Pour les « vaincre, que faut-il?De I'audace et encore de I'audace, « el loujours de I'audace ^ « «J'ai fail venir ma mere, qui « a 70 ans; j'ai fail yeiiir mes deux enfanls, ils sonL arri­ve v6s hier au soir. Avant que les Prussicns enlrenL dans « Paris, je veux que ma famille pdrisse avec moi; je veux « que Yingt mille flambeaux en un inslanl fassenL de « Paris un las de cendres^ » <i C'esl dans Paris qu'ilfaul « se mainlenir par tons les nioycns. Les republicains sonl « unc minorit6 infime, el, pour comballrc, nous ne pou-« vons compter que sur eux; l_e reslc de la France est

' « attache a la royaute. llfauLiaire peur aux royalislesM » — C'esl lui qui, le28 a6ul,-obtlcntde l'Asscmbl6e lagrande visile domiciliaire par laqueiic la Comhmne emplil ses prisons. C'esl lui qui, le 2 seplehibre, pour paralyser la

1. \'oycz ci-dessiis lerecit dii roi Louis-I'hilippc. 2. liuchezel lloux,XYll, 347. Paroles do iJjinloii h rAsscmbl(5e nalionale,

le 2 seplcmbrCj un peu avanl deux heiires, juslc au moincul oil Ic locsin cL le canon d'alarme donnaienlle signal convenu. — Dejij lo3i aoiil, son af(id6 lallicn disail a I'Assemblee nalionale: " Nous avons fail arrOler les i)r^lrcs • perlurbaleurs; ils sonl eufermus duns une niaison parliculiirc el sous « pen de jours, le sol de la liberie sera purge de Icur prcSscncc. »

3. Meillan, Mcmoires, 325 (ed. Barriere el lierville). Discours de Fabre d'Kglanline aux Jacobins, envoyeaux socicles aflilices le 1" nuii 1793.

4. liobinet, Proccs cles Dayilonislcs, 39, 45 (paroles de Danlon dans le cuniite do defense gtineraie). — Jliue liulandjMeinoires, 11,30. Le 2 i^eptcni-Lru, Graudpre, ciiaige de rendre couiple au niinislrc de rinlerieur do I't'lal des pri.-ous, atlcud Danton a Tissue du couscil el lui expose ses aiannes. « banlon, importune de la representalion. s'ccriaavec sa voix beuglaiileet un «• gesle approprie a rexprcssion : « Je me f... bien des prisoniiiers; qu'ils .«•deviennenl ce qu'ils pourront. " Elil pas.-a son cliemin avec iiumeiir. C'e-« larl dans la seconde anliclianlbre, en presence de vingl personnes..o — Arnaull, 11, 101. A I'epoquvj des massacres de sejilciiihie, « Danloii,cn |)re-« sencc d'un de mes amis, avail repundu a qiielqu'iin (jui le jji-e.-sail « d'user de son aulorile pourarreier I'ellusioii du saiii; : «IN'osl-il [ as lenips « que le pei^ple ail sa revanclie-? .

LA SECONDE £ T A . P E D E LA CONQUJ^TE. 287

resistance dcs honn^tes gens, fait decreter la peine de mort centre quiconque, « directement ou indireclemenl, a.refuscm d'ex6cutcr ou entravera, de quelque mani6re « q'ue ce soit, les ordres donn6s et les mesuresprises par . « Ic pouvoir cx6culif». G'est lui qui, le m6me jour, an-nonce au journalisLe Prudhomme le prelendu complot des •prisons, et, le surlendemain, lui envoie son secretaire, Camille Desmoulins, pour falsifier le 'compte rendu dcs massacres *. G'est lui qui, le 3 septembre, au minisl6re dela justice, devant les commandants de bataillon et les chefs de service, dcvanl Lacroix, president de I'Assemblce nalionale, et P6tion, maire de Paris, devant Clavi6res, Servan, Monge, Lcbrun et tout le conseil executif, sauf Roland, r6duit d'un geste les principaux personnages de I'Etat ^ I'office de complices passifs et repond a un homme de coeur.qui se l^ve pour arreter les meurlres :

' « Sicds-ioi, c'etait n^cessaire -•.» G'est 4ui qui, le m6me

1. rrudhoinme, Crimes de la Revolulioyi, IV, 90. Le 2 seplembrCj au bruit du locsiii eldu canon d'alarme, Prudhomme va chez Danlon pour s'in-lormcr. Dantbn lui raconle la fable convcnue el ajoule : « Lc p'euple, irriLe « cl inslruil a temps, veut fairc justice lui-raemc des mauvais sujels qui « sont dans les prisons. »• — Survient Camille Desmoulins : « Tiens, lui « dit Danlon, Prudiiomme vienl me dcmander ce que Ton va faire. » — « Tu ne lui as done pas dil, reprit Camille. qu'on ne confondra pas les inno-« cents avcc les coupablcs? Tons ceux qui seronl reclames par leur section « seronl rendus. » — Le 4, Desmoulins-vienl au bureau du journal ct dit aux rddacleurs : « Eb bicn, tout s'est passe dans le plus grand ordrc. Le « peuple a mOme mis en liberte beaucoup d'arislocrales- conlre lesqucls il « n'y. avail pas de fails directs... J'espore que vous allez rendre un coniple « exact de lout ccci, car le Journal des revoliilioris est la boussole de « I'opinion publique. »

2. lb., 123. D'ajirds le rccil de Tlieophile Mandar, vicc-pr6sidcnl de sec­tion, temoin cl acteur dans la seine, et qui autorise Prudhomme a le nom-mer. — Ijisuite, dans la seconde pi6ce, Mandar propose a Pelion et a Ko-bespierre do vcnir.le lendemain a TAssemblee pour reclamer contre lo massacre; au bcsoin, I'Assemblde nommera un dietateur pour 24 hcures. « Garde-l'en bien, rdpondll Robespierre, Brissotserait dictaleur. » — I'elion ne dit mot. « Tons les ministrcs claienl parfaileniGnl d'accord pour lais-« scr coutinuer les (Juorgemcnls. •

288 LA REVOLUTION,

jour, faitcxp6diei sous son contreseing la circulaire par laquelle le comile de surveillance annonce le massacre et invile« sesfr^res des departcments » i suivre rexemple de Paris . G'est lui qui, le 10 seplembre, « non comme « ministre de la justice, mais comme ministre du pcuplc, » felicitera et remerciera les 6gorgeurs de Versailles ^ . — Depuis le 10 aout, par Billaud-Varennes,.son ancien secre­taire, par Fabre d'Eglanline, son secretaire du sceau, par Tallien, secretaire de la Commune et son plus intime affide, il est present b. toutes les deliberations de I'lIOlel de Yille, et, bi la dernitre heure, il a soin de mettre au comil6 de

• surveillance un homme i lui, le chef de bureau Des-forges'.:—Non seulemcnt la machine i faucher a 616 conslruite sous scs yeux el avec son assenliment, mais encore, au moment oii elle entre en branle, il en garde en main la poign6e pour en bien dinger la faux.

II a raison; si parfois il n'eurayait pas, ellese briserait par son propre jeu. Introduit dans le comile comme professeur de saign6e politique, Marat, avec la raideur de rid6e fixe, tranchait a fond au deli do la ligne pres-crite; d6jides mandats d'arr6t etaient lances conlre trcnte deput6s, on fouillait les papiers de Brissot, I'hOlel de Ro-

l.'Mme Roland, II, 37. — Angers el le ddpaviement de Maine-el-Loire dc 1787 d 1830, par Blordicr-Langlois. Ala circulaire elail joiule unc adresse imprimoc, inlilulee Compie rendu au pcuplc souverain, « revOlu du a contreseing du ministre de la justice, avec le sceau du ministre sur Ic « paquet ",61 adressce aux societes jacobines des deparlemcnls pour pi&-clier aussi le massacre.

2. Morlimer-Tcrnaux, 111,398, 391. —Avert! par Alquicr, president du tri­bunal criminel de Versailles, du danger que- couraient les prisonniers d'Or-Icans, Danlon lui dit : « Que vous imporle? L'affaire de ces gens-la ne « vous rcgarde pas. Remplisscz vos fonctions et ne vous mfilcz pas d'autre • chose. — Mais, monsieur, les lois ordonnent de veiller a la siirele des « prisonniers. — Que vous importe? II y a parmi eux de bien grands • coupables; on ne sait pas encore de quel oeil le peuple les verraetjus-« qu'oii peut aller son indignation. » — Alquicr voulut insislcr, mais I auLon lui lourna le dos.

3. it*., Ill, 217.

LA SECONDS I - : T A P E D E LA CONQUI-ITE. 289

land 6la5l ccrne, Duport, cmpoign6 dans un deparlement voisin, arrivail dans la boucherie. Celui-ci est Ic plus difficile a saiivcr; 11 faiil dcs coups de collier redoubles jiour I'aiTacher au maniaque qui le reclame. Avec un chi-rurgicn comme Marat, et des carabins comme les cinq ou six cents mcneurs de la Commune et des sections, on n'a pas bcsoin de pousser Ic manche du couteau, on sail d'a-vance que I'amputation sera large. Leurs noms seuls par-lent assez haul: i la Commune, Manuel, procureur-syndic, Ilebert et Billaud-Yarenncs, scs deux substituts, Iluguc-nin, Lhuillier, Marie Chenier, Audouin, Leonard Bourdon, Boula ct Trucbon, presidents succcssifs; h la Commune el aux sections, Panis, Sergent, Tallicn, Bossignol, Cliau-melte, Fabre d'Eglantine, Pacbe, llassenfratz, le cordon-nier Simon, I'imprimeur Momoro; a la garde nationale, Santerre, commandant g6n6ral,' Hcnriot, cbefdebataillon, au-dessous d'eux, la tourbe des demagogues de quarlier, •comparses de Danlon, d'H6bert ou de Robespierre, et guillotines plus lard avec leurs cbcfs de file', brel" la fleur des futurs lerroristes. — lis font aujourd'hui leur pre­mier pas dans Ic sang, cbacun avec son altitude propre etses mobiles personnels, Cbenier, denonce comme mem-bre du club de la Sainle-Chapelle et d'autant plus exagerc qu'il est suspect^ ;Maniiel, pauvrehomme excitable, effare,

1. Mme Roland, Lettrcs au(ographes, etc., 5 scplcmhro 1792: <i ZVoiis « sonimcs ici sous le couteau de Robespierre et de Maral; ccs gens-Ia s'ef-•' forceiit d'cxciler le peuplc et de le tourncr contre I'Asseniblce luilionale et « le conseil. Us ont fait unc chambre ardcnte, ils ont une petite armee qu'iig '< soudoient h I'aide de ce qii'ils ont trouv6 ou vole dans Ic chateau el ailleurs - ou do cc que leurdonne Danlon, qui., sous main, est le chefde celte horde. « — Dusauix, Memoircs, 441 : « Le Icndcniain (3 scptcinbre) j'allai trouver « Tun dcs personnag-cs qui avaientlc plus de credit a cclle (5j)oque. <• Vous « savez, lui dis-jc, ce qui se passe? — Fort bien, calmez-vous, cola Onira

bienlCt, niais ij fnul encore un pen do sang. » — J'cn vis d'autres qui s'expliqu6renl encore plus nellemenl. » — Morlimer-Ternaux. II, 445. 2. Proces-vcrbaux dc la Commune, 17 aoiil.—Buchez el lloux XII 206

« s

LA BEVOLUTION. U — | 9

290 • LA REVOLUTION.

enlraine, et qui fr6mira de son oeuvre aprts I'avoir vuc; Santerre^ beau figurant circonspect qui, le 2 scptcmbre, sous pr6lexte de garder les bagages, monte sur le siege d'une berline arrctee et y reste deux heures pour ne pas faire son office de commandant general *; Panis, president du comile de surveillance, bon subaltcrne, ne disciple et caudataire, admiratcur de Robespierre, qu'il a propose pour la (Jiclaturc, et de Maral, qu'il pr6nc comme un pro-ph^te^; Henriot^ Ilobert etRossignol, simples malfaileurs en 6cbarpe ou en uniforme; Collot-d'Herbois, comcdien-po6tercau, dont I'imaginalion IhetLtrale combine avcc sa-lisfaclion des horreurs de melodrame'; Billaud-Yarenncs, ancien oratorien, bilieux et sombre, aussi froid devant les meurlres qu'un inquisiteur devant un autodafo, enfm le cauteleux Robespierre, qui pousse les autres sans s'en-gager, no signe rien, ne donne point d'ordres, harangue beaucoup, conseillc toujours, se monlre partout, prepare

• sonrfegne, et, tout d'un coup, au dernier moment, commo un chat qui saule sur saproic, tdche de faire egorgcr ses rivaux, les Girondins*.

Recit (le la f6le du 27 aout, denoncialion contre Clionier « q-u'on n'appelle « plus a present que Chdnier le chapelain ». — Weber, II, 274, 275.

1. Mme deStael, Considei^alions sur la Rdvolution fvancaise, 3 ' partle, chapilrc x.

2. Prudliomme, les Revolutions de Pavis, n' du 22 septenibre. A I'una des derni6res seances de la Commune, « M. Panis park de Maral comme « d'un proplieLc', comme d'un autre Sim6on stylito. A Marat, dit-ii, est de-« meuresix semaines sur une fesse dans un cacliot. » — Barbaroux, G4.

3. Weber, II, 348. Collet s'dtendit tout au long « avec joie et sang-froid » sur le meurtrede Mmede Laniballe et sur les abominations.qu'avaienl subies son cndavre. « II ajoiita, en soupirant de regret, que, s'il avait 616 con-• sult6, ilaurait faitservir, dans un plat couvert, la I6te de Mme de Lam-

.« ballc pour le souper de la reine. » 4. Snr le rale et la presence continue de Robespierre i la Commune, voy.

Granierde Cassagnac, II, 55. — Mortimer-Ternaux, III, 205. Discours de Robespierre a la Commune, 1" seplembre: « Personne n'ose nommer les « traltres. Eh bien, moi, pour le salutdu peuple,je les nomme : jc d6nonce « lelibcrlicideBrissot, la faction de la Gironde, la sc616ratecommission des • Vingi elun de I'Asscmbl^e nationale: je les denonce pour avoir vendu la

LiV SECONDE I^TAPE DE LA C 0 N Q U I 5 T E . 291

Jiisqii'ici, quand ils tuaienfc ou faisaicnt tiier, c^tait en »5meuhiers, clans la rue; d present, c'csl, anx prisons, en magistrals ct fonctionnaircs, siir dcs regislres d'ecrou, apr6s constatalion-d'idenlil6 ot jngcment sommaire, par ' dss ex6cuteurs pay6s, au nom du saliit public, avcc mo-thodeet sang-froid, prcsque aussi reguli6rcmcnt que plus tard sous « le gouvcrncment r6voIutionnaire «. Edecti-vemcnt Septembre en estlc d6but, rabr6g6, le modMe; on ne fera pas autrement ni mieux au plus beau temps de la guillotine. Sculement, commo on est encore mat outille, au lieu dela guillotine, on emplole Ics piques, et, commo toutc pudeur n'cst pas encore abolic, les chefs se dissimu- . lent derrifcre les manoeuvres. Mais on los suit il la trace, on lesprend sur le fait, on a leurs autographes; ils ont concerte Fop^ralion, ils la commandent, ils la conduisent. Le30 aoilt, la Commune a decide que les sections jugeraicnt les ddtenus, et, le 2 seplembre, cinq sections affid6es. lui r6pondent en arrcilant que les detenus scront 6gorges^ Le n^Gmejour, 2 septembre, Marat enlre aucomite do surveil­lance. Le mfimc jour, 2 seplembre, Panis et Sergent signent la commission de« leurs camaradcs » Maillard ct coiisorts i I'Abbaye et Icur « ordonnentde jugcr », c'cst-a-dire de tucr les prisonnicrs^ Le mSme jour et les jours suivants, k la Force, trois membres de la Commune, Hubert, Mon-neuse et Rossignol, president tour J\ tour le tribunal des assassins'. Le m6me jour, un commissaire du comitc de

" France Ji Brunswick et pour avoir re^u d'avance le prix do leur lAchelo. » Le 2 septembre, il repcte sa d(5noncialion; en consdquence, le niOme jour, des mandals d'arrfit sont lances par le comitc de surveillance contre 30 do-putc's, contre Brissot et Roland. (Morlimcr-Ternaux, III, 216, 247.)

1. Procis-verbatix dc la Commune/iO aoui.—Mortimer-Tcrnaux III 217 (arrCt6s des sections Poissonni6re ct du Luxembourg). — Granier de Cassa-gnac, II, 104 (adhdsion des sections Mauconseil, Louvre et Qiiinze-Vin"-ls).

2. Granief de Cassngnac, II, 156. ° * 3. Morlimer-Ternaux, IH, 26:i. — Granier de Cassagnac, XII 40'> Lo9

cinq aulres juges elaienl aussi des membres do la Commune '

292 LA REVOLUTION,

surveillance vient 5. la seclion dcs Sans-Culollcs requ6-rir douzc hommes pour aider au massacre des prelrcs de Saint-Firmin'. Le m6me jour, un commissaire dc la Commune visite les diverses prisons pendant qu'on y 6gorge, et Irouvc que « lout s'y passe egalemenl bicn^ ». Le mCme jour, a 5 heures du soir, le subslilul de la Com­mune, Billaud-Varennes, « avec le petit habit puce et la « pcrruque noire qu'on lui connait, » niarchant sur les cadavres, dit aux massacreurs de I'Abbaye : « Peuple, lu « immoles les ennemis, lu fais Ion devoir; « dans lanuit, il revient, les comble d'61oges, et leur confirmc la pro-messe du salaire « convenu »; le lendcmain a midi, il revient encore, les f61icite.de plus belle, leur alloue i cbacun un louis et les exhorle b. continuer^ — Cependant, h Tctat major, Santerre, requis par Roland, deplore bypo-critcment son impuissance volonlaire et persislcane pas donner les ordres sans lesquels la garde nalionalo ne pent marcher*. Aux sections, les presidents Chenier, Ceyrat, Boula, Momoro, CoUot-d'Hcrbois, envoient ou ramenent dcs malheureux sous les piques. A la Commune, le conseil g6n6ral vote 12 000 livres h. prendre sur les morls pour solder les frais de roperation\ Au comite de

1. Granicr de Cassagnac, II, 313. Rcgislre de rasscmblee pdndralc de la section des Sans-Culoltes, 2 scptembrc. — Mcmoircs sur les jownics (iesep/emt/'p, 151 (declaration de Jourdan).

2. Mcmoircssiir lesjournecs deseplcmbre. Relalion deI'aLbe Sicard, 111. 3. Buciiez ct Roux, XVllI, 109, 1*8. (La verile lout cnliere, par Meli6e

fils.) - Relation de I'ahbi Sicard, 132, 134. 4. Granier de Cassagnac, II, 92, 93. — Sur la presence el la complicil6

de Sanlcne, ib., 89-99. 5. Morlimer-Ternaux, III, 277 el 299 (3 seplcmbre). — Granier de Cassa­

gnac, II, 257. Un commissaire de la seclion dcs Qualre-Kalions ecrit dans son comple rendu que « la section les a autorises a prendre les frais sur la "diose ».— Ddclaralion dc Jourdan, 151. — Lavalclle, Mcmoircs, I 9] . LMniLiativc dc la Commune esl encore prouvce par le detail suivant : a Vers « 5 heures ("2 seplcmbre), des municipaux u cbe^al, porlant un drapcau "rarcourenl les rues en criant Aux armcs! lis ajoutaicnt : « L'ennemi « approche. vous ties lous pcrdus. la villc sera livree aux Ilammcs et au

LA SECOXDE i^TAPE DE LA C O N Q U £ T E . 293

surveillance, Marat el ses collogues ecrivent pour propa-ger le meurtre dans les dcparleineuts. — Manifesleiiient, les mcneurs ct les suballernes soiit uuanimes, chacun i son poste et dans son emploi: par la coUaboralion spon-lanee de tout le parti, I'injonction d'en haut se rencontre avec rimpulsion d'en bas'; les deux se fondeut en com­mune volonl6 meurtriere, et I'oeuvre s'acconiplit avec d'autantplus de precision qu'elleest facile. — Les gedliers ont recu I'ordre d'ouvrir et de laisser faire. Par surcroit de precautions, on a 6te aux prisonniers leurs couteaux de table et m6mc leurs fourchetles-. Un a un, sur I'appel de leurs noms, ils delileront comme des bocurs dans un abattoir, ctune vinglaincdc bouchcrs par prison, en tout deux ou Irois cents', suffironti labesogne.

« pillage. N'ayez rienacraindredcs traJtrcset clcs conspirateursquo vous lais-• sezderriirc vous; ils sont sous laniain des patriotes, et la justice nationalcj, • avant voire depart, va les frappcr de sa foudre. »— Buclicz el RonVj XXVIII, 105. Lettrodc ChevalierSainl-Dizicr, membre du premier coinile d;5 surveillance, 10 septembre: <• Marat, Duplain, Freron, c lc , ne foul en gener:ii, «dans Icur surveillance, qu'exeixcr des vengeances parliculiores... Marat • dit lout haut qu'il faul aballre encore 40 000 lOles pour assurer Ic succcs « de la revolution. »

1. Bucliez ct R6ux, XVIII, 146. Ma Resurrection, par MaUion de la Va-renne : a La vcille, des femmes demi-ivres disaient publiquemcnl sur « la lerrasse des reuillauls: « C'est demain qu'on leur f... I'iine al'euvcis « dans les prrsons. »

2. Meinoires sur les jeurnces de septembre. Man agonic, par Journinc de Saint-Meard,, 22.. — Mnie de la Fausse-Landry, 72. Le 29 aoOt, die a obtenu la permission de rcjoindre son oncle en prison : « M. Serg-mt « et autres me dircnt que jc commettais une imprudence, quo les prisons m 7i'claicnl pas sures.o •

3. Granier de Cassagna'c, II, 27. Scion Kocb Marcandier, leur nomine .n'e\c(5dait pas 300". Selon Louvet, ils etaient « 200., pas 200 peut-etre « Selon Brissot, les massacres ont etc commis « par une ccnlaincde brigands « inconnus ". — Potion, i la Force [ib., 75},ne Irouve, le 6 septembre, qu'unc douzaine de boiirreaux. Scion Mine Roland (II, 35), u ils n'elaicnt pas «15 k I'Abbaye. » LavalcHe, le premier jour, ne trouve a la Force qu'uue cijiquanlaine de niassacrcuis.

294 LA REVOLUTION.

V

Deux sortes d'hommes fournissent les recrucs, et c'est ici suiiout qu'il faut admirer TcfTet du dogme revolulion-naire sur des cerveaux bruts. — H y a d'abord les feder6s du Midi, rudes gailfards, anciens soldats ou anciens bandits, d6serleurs, bohfemes et sacripants de tout pays et de toute provenance, qui, apres avoir travaille h Marseille ou Avignon, sont venus ci Paris pour recom-mencer. « Triple nom de Dieu, disait I'un d'eux, je ne « suis pas venu de 180 lieues pour ne pas f.....i80 tfites « au bout de ma pique M » A eel effet, ils se sont conslitucs d'eux-memes en un corps special, permanent, r6sidant, cl ne sou/Trent pas qu'on les detourne de remploi qu'ils se sont donn6. « Us n'ecouteront pas les mouvements « d'un faux patriotisme= »; ils n'iront pas a la fronlierc. Leur posle est dans la capitale, ils ont «jure d'y dcfendre « la liberie »; ni avant ni aprfes septemljre, on ne pourra les en arracher. Quand enfm, apres s'etre fait payer sur toutes les caisses et sous tous les pr6textes, ils consen-tiront a .quitter Paris, ce sera pour relourner k Marseille; ils n'operent qu'i I'interieur et sur des adversaires poli-iiques. Mais ils n'en sont que plus zeles dans cet office: cc sonl eux qui, les premiers, vicnnent prendre les vingt-quatre pr6tres de la mairie, et dans le trajet, de leurs propres mains, commencent le massacre *. — II y a

1. Mathon de la Varenne, 137. 2. Luchez et Roux, XYII, 183, seance des Jacobins du 27 aout. Discours

d'uii fodcre du Tarn. — Mortimer-Ternaux, III, 126. 3. Sicard, 80. — Meliee, 187. — Weber, II, 279. — Cf., dansJourniao

de Saint-Muard, sa conversation avec un Provencal. — Retif de laBretonne, les Nulls de Paris, 375: « Vers les deux beuresdu n:;alin (3 septenibre), j 'en-

endis passer sous mes fenetres une troupe de cannibales dont aucun • ue me parut avoir I'accenl du Pai'isis; ils elaicnt tous elrangers. »

• LA SECONDE liTAPE DE LA CONQUETE. • 295

ensuite les enrages de la plebe parisiemie, quelques-uns coinmis ou boutiquiers, le plus grand nombre artisans et

'de tons les corps d'etals, serruriers, macons, bouchers, charrons, tailleurs, cordonniers, cbarreLiers, notamment des d6bardeurs, des ouvriers du port, des forts de la Halle, mais surtout des journaliers, manoeuvres, coiu-pagnons et apprentis, bref des gens habitues k se servir dcleurs bras et qui, dans r^chelle des metiers, occupent le plus bas echelon ^ Parmi eux, on trouve des betes de proie, massacreurs d'instinct ou simples Yoleurs^. D'autres, comme un audileur de I'abbe Sicard, qu'il aime el vcnore, confcssent n'avoir marche que par contrainte*. D'autres sont de simples machines qui se laissent pous-scr : iel, commissionnaire du coin, Irfes honncte hommc, mais entraiiie, puis soOle, puis afiblc, tue ving-t prfilres pour sa i^art et en mcurt au bout d'un mois, buvant loujours, ne dormant plus, I'ccume aux 16vres et Iremblant de tons ses mcmbres*. Quelques-uns enfin, vcnus a bonnes intentions, sont pris de vertige au contact du tourbillon sanglant, et, par un coup soudain de la

L Granicrde Cassagnac, II, 164, 502. — Morlimer-TQi'imux, III, 530. — Les assosseurs de Maillard a I'Abbaye elaienl uu horloger -demeui-anl rue Cliildebert, un fruitier demeurauL rue Mazarine, un aubergisle demeu-rant rue du Four-Sainl-Germain, un conipagjion cliapelicr dcmcuranl rue Sainte-Marguerilo, et deux autres dont le metier n'esl pas iudiquc. —Sur la composition du tribunal de I'Abbaye et du tribunal do la Force, cf. Joui--niac de Saint-iMeard, 120, ct Weber, II, 261.

2. Granier de Cassagnac, II, 507 (sur Damicus), 513 (sur Lenipereur).— ftleillan, 388 (sur Lafor^t et sa femme, frijjicrs au quai du Louvre, qui, le 31 mai, se pr(Jparenl ^ iaire un second coup cl calculenl que, celle fois, lis auront pour leur part cinquantc maisons a piller). • 3. Sicard, 98. .

4. De Fcrricres (ed. Berville et Barriere), 111, 486. — Retif de la Bre-lonne, 381. Au bout de ia rue des Ballets, comme on venait de tuer un priaonnier, le suivaut enlilc le guichct ct se sauve: «Un liommc qui o n'elait pas des tueurs, mais une de ces machines sans rellexion, comme <t 11 y en a taut, I'arrOla par sa pique... Lc miscrajjlc ful arrete par les « poursuivcurs et massacre. Le piquicr nous dit fioideuient ; uMoi, jc ae « savais pas qu'on voulait lc tuer. »

206 LA RI5V0LUTI0N.

grace r6voluUonnaire, se convcrtissenfc d la religion du meurtre; un cerLaia Grapin, depute par sa secLion pour sauver deux prisoiiniers, s'assoit i c6l6 de MaillarJ, juge avec lui pendant soixante-trois hcures et lui en dcmande certificate Mais la plupart ont les opinions de ce cuisinier qui, aprfes la prise de la Baslille, s'ctant trouv6 Ici et ayant coup6 la lOte de M. de Launay, croyait avoir fait une action « palriotique » et s'estimait digue d'une a medaille pour avoir delruit un monstrc ». Ge ne sont pas des malfaiteurs ordinaires, mais des voisins de bonne volonle qui, voyant un service public installe dans leur quartier^, sortent de Icur maison pour donner un coup d'6paule: ils ont la dose de probitd qu'on rencontre aujourd'hui chcz les gens de leur 6tat.

Au commencement surtout, nul ne songe i remplir scs poclies. A i'Abbaye, ils apporlent fidelement sur la table du comity civil les porlefeuilles et les bijoux des morts^ S'ils s'approprient quelque cbose, ce sont des souliers pour leurs pieds nus, et encore apr6s en avoir dcmande la permission. Quant au salaire, loute peine en merile un, el d'ailleurs, entre eux el leurs embaucheurs, c'est chose convenue. N'ayant pour vivre que leurs bras, ils ne peuvent pas donner leur temps gratis*, et, comme la

1. Granier de Cassagnac, II, 511. 2. Les juges et Ics tueiirs de I'Abbaye, retrouves dans le proecs de I'an IV,

logeaient presque tous dans le voisinage, rues Dauphine, de Nevers, Gue-n6gaud, de Ijuci, Cliildcbert, Petite rue Taranne, de I'L'gout, du Vieux-Colombier, de rEcliaudo-Saint-Benoit, du Four-Saint-Gerniain, etc.

3. Sicard, 86, 87, 101. — Jourdan, 123 : « Le president du comite de « surveillance me repliqua que ces gens-Ii <5laient de tr6s lionn^tesgens, « que, laveilleou ravanl-veille, und'enlrceux s'elail prcsenlealeur coniilo « en \esle et en sabols, tout convert de sang, qu'il leur avail presenlo dans « son cliapeau 25 louis en or qu'il avail Lrouves sur une personne qu'il « avail luee, » ~ Autre trait de probilo, dans le Proces-verbal du conscil ee'ncmi de la commune de Versailles, 367, 371. — Le Icndemain, 3 sepleni-l>re, les vols coininencerit, puis se mnlliplieril.

<k. McUoe, 119: - Co^cz-vous que jc u'ui ga-ae quo ;i4 iivrcsV » disait

LA SECONDE ETxVPE DE LA CONQUftXE. 297

besognecst rude, la jounice doitleur6lrccompt6e double. Illeurfaut 6 francs par jour, outre la nourriture ct du vin a discrelion; un scul traileur en fournira 346 pintes aux homuies de I'Abbaye': dans un travail qui ne s'in-lerrompt ni de jour ni de nuit et qui ressenible a celui dcs -egoutiers ou des equarrisscurs, il n'y a que cela pour raettre du cocur au ventre. — Fournitures ct salaire, ia nation payera, puisque c'est pour elle qu'on Iravaille, et oaturellement, quand on leur oppose des fornialiles, ils se meltent en colere, ils se portent chez Roland, cliez Ic tresorier de la ville, aux comiles de section, au coniite de surveillance -, en grondant, en menacanl, et en montrant leurs piques ensanglanlees. Yoila la preuve qu'ils ont bien travaille : ils s'en vanlent a Petion, ils lui font valoir « leur juslice, leur attention' », leur discernement, la longueur de I'ouvragc, lant dc journecs a lant d'hcures; nul embarras chez eux, nul doute de leur bon droit; ils no reclament que « leur dOi » ; quand un tresorier, avant deles payer, vent ecrire leurs noms, ils les donnent sans difficulte. Ceux qui reconduisent un prisonnier absous, masons, perruquiers, fcd6res, ne veulent point de recom­pense, mais « un simple rafraichissement » : « Nous ne « faisons point, disent-ils, cc metier pour de I'argent; voila « votreami, ilnousapromis unverred'eau-de-vie, nous Ic •« boirons et nous retournerons k notre poste*. » — Hors

tiautement un garden boulanger armd d'une massue. « J'cn ai lu6 plus •« de quaranle pour nia part. •

1. Granicrde Cassagnac, H, 153. - Gf. ib., 202-209, ddlailssur Ic rcpas des manceuvrcs et siir le feslin plus dclicat de Maillard et de scs asscsscur 5.

2. Mortimcr-Ternaux, III, 175-176. — Granier do Cassagnac, II, 8't. — Jouidan, 222. — Mehee, 179: aAininuit, ils revicniicut jurant, sacraiit, « ecumaiil de rage et mcnagant le comitc collectivcmeut de lui couper so-« lidairement la gorge, s'ils ne sont a I'instant paycs. i>

3. .Morlimer-Tcniauv, III, 320. Dlscours de relion sur raccusalion intenlee a Uobespierre.

h. Mallioii dc la Varcnne, 156. — Journiac de Saint-Meard, 129. —

Moore, 2li7

298 - L A REVOLUTION.

de Icur melier, ils ont la sympalhie expansive et la scn-sibilite promple de roiivrier parisien. A I'Abbaye, • un federe^ apprenant que depuis vingt-six heiires on avait laisse les detenus sans eau, voulait absolument « exter-« miner » le guichetier negligent et I'eut fait, sans « les « supplications des detenus eux-mCmes ». Lorsqu'un pri--sonnier est acquitte, gardes et Incurs, tout le monde I'ombrasse avec transport; pendant plus de cent pas, AVeber passe d'accolade en accolade; on applaudit « a « outrance 3>. Giiacun veut faire la conduite au'prisonnier: It fiacre de Mathon de la Yarenne estenvalii, il y a des gens c: perches sur le sifege du cocher, aux portieres, sur I'im-« pcHale, etsur le derriere de lavoiture »-. — Quelques-uns mcme ont des acces de delicatcsse elranges. Deux tueurs, encore couverts de sang et qui ramencnt le che­valier de Berlrand; insistent pour monler avec lui, afin de contemplcr la joie de sa lamilJe; apres Icur terrible besogne, ils ont besoin de se delasser par des emotions donees. Une fois entr6s, ils attendent au salon, dis-crelemcnt, jusqu'a ce qu'on ait prepare les dames; le bonheur dont ils sont l6moins les attcndrit; ils restent longlcmps, refusent I'argent, et s'en vontcn disant merci^ — Plus etranges encore sont les vestiges subsistants de

1. Journiac de Saint-M6ard, 115. 2. Weber, II, 265. — Jouruiac de Saint-Mdard, 129. — Mathon de la

Vareiine, 155. 3. Moore, 267. — Cf. Malouel, 11, 240. Malouel, le 1" scplembre au

soir, (ilail cliez sa Ijeile-sosur; visile domiciliairc a ininuit : ello s'evanouit cii eulendant luoriLer la palrouillc: uJe les priai de ne pas enlrer dans c le salon, pour meiiager la pauvre malade. La viie d'une feniine evanouie c d'unc figuro agreable, les allcndrit. Ils sorlirent aussitot en me h i ' c sanl aupr^s d'elle.« - Leaulicu, Essais, I, 108 (a propos' de deux Incurs de I'Abljayo qu'il rencontre cliez Journiac de Saint-M-causcnt avec lui en lui faisanl la conduite) • «('e QU\ m r ^" ' . qu'a traversleurs propos feroccs j'apergus des senlimenU V/n^' ' ' ' ' ""T^ • hommes decides a tout enlreprendre p . ^ / ' " '"'^'^^ S'^ncreux, des . avaient einLrass6 la cause.. ^ I'loteger ceux dont ils

LA SECONDE ETAPE DE LA CONQUETE. 299

polilcsse innde. Tel, fori dc la Halle, voulant embrasser uii prisonnier absous, commence par lui en demander permission ; dcs « megercs », qui batlaient des mains aux mcurlres precedents, arrtilcnt « avec violence » les gar-d.es qui, sans precaution, font marcher Weber en has de spie blancs k travcrs les flaques rouges : « Prencz done « garde, vous failcs marcher monsieur dans leniisseauM a Bref, ils ont les qualiles pcrmanenles dc Icur race et de leur classe; il ne semble pas que, parmi leurs pareils, ils soient au-dessous pu en dehors du niveau moyen, et probablcment la plupart d'cnlre cux n'auraicnt jamais .rien fait d'enormo, si une police exacle, comme ccllc qui mainlicnt I'ordre en temps ordinaire, les avait rclenus dans leur alelier, dans leur guinguelle ou dans leur garni.

Mais, a leurs propres yeux, ils sont rois; « la souverai-« ncle leur estcommise- », leurs pouvoirs sont illimiles; quiconque en doutc est un Irailre, son supplice est juste, sa mort est urgenle, et, pour conseillers de leur r6gne, ils put pris les fous et les droles qui, par monomanie ou calcul, leur prechcnt tout cola : de m6me un roi nbgrc, enlourc de ncgricrs blancs qui lepoussent aux razzias et de sorciers noirs qui le poussent aux massacres. Avec de tels guides et dans un tel office,.comment un tel homrae pourrait-il s'attarder aux formes de la justice ou aux dis­tinctions de requite? Equilc ct juslico soufdes produits elaborcs de la civilisation, et 11 n'est qu'un sauvagc en politique. On a beau lui rccommandcr les innocents:

1. Weber, n , 2G4, 3'i8. 2. Sicard, 101. J'aroles de Eillaud-Varcnncs aiix egorgcurs. — lb.,

15 : « Do plus grands pouvoirs, ropondit uii incml)re du comito de sur-*, veilliince, vous n'y pcnsez pas! Vous en doiiner de plus grands serail a bonier ceux que vous avez ddja. Oubliez-vous que vous Oles souvcrains, o nuisque la souveiaiiielo du peupio vous csl confitc cl que vous I'cxcrccz « en ce momeul?»

300 LA REVOLUTION.

« Ditcsdonc, monsieur le citoyeii', est-ce que vous aussi cc vous voulez nous cndormir? Si les sacres gueux de « Prussiensctd'Autrichiens etaicnta Paris, cherchcraicnt-« ils les coupables? Ne frapperaient-ils pas i lort cL i « travers comnie les Suisscs du 10 aoCit? — Eh bicn, moi « je ne suis pas oraleur, je n'endors person ne, et je vous « dis que je suis p(ire de famille, que j 'a i unc femme et « cinq enfants que je veux bicn laisser ici i la garde de « ma section pour aller combattre i'ennemi. Mais je « n'entends pas que, pendant ce tcmps-la, les scel6rats « qui sent dans cetle prison, 6. qui d'aulres scelerats cc viendront ouvrir les portes, aillent 6gorger ma femme c< et mcs enfants. J'ai trois gargons qui seront, je I'espfere, « un jour plus utiles i la patrie que les coquins que vous cc voulez conserver. Au reste, il n'y a qu'a les faire sor-« tir; nous leur donnerons des amies ct nous combat-« trons i nombre 6gal. Mourir ici, mourir aux frontieres, « je n'en serai pas moins tue par des scelerats, et je cc leur vcndrai chbrement ma vie. Mais, soit par moi, cc soit par d'autres, la prison sera purgee de ces sacres cc gueux-li . » — Un cri general s'61feve : cc U a raison, cc point de grdce, il faut cntrer. » Tout ce que la foulc accorde, c'cst un tribunal improvis6, la lecture du livrc d'ecrou, des jugements accelcres : on condamnera et on tuera d'aprfes la commune renomm6e; cela simplifie. — Autre simplification plus redoutable encore : on condam­nera et tuera par categories. Suisses, pr6tres, officiers ou serviteurs du roi, cc chenilles de la liste civile, » chacun de ces titres suffit. Dans les enclos ou il n'y a que des prCtrcs ou des Suisses, on ne prendra pas la peine de juger, on 6gorgera en tas. - . Ainsi reduile, I'operation est k la porlec des opcrateurs; le nouveau souverain a les bras forts autant qiie inUclli-eiice courlc, et, par une

1. M^hce, 171.

LA SEGONDE l^TAPE DE LA COXQUETE. ' " 3 0 1

adaptation inevitable, il ravalc son ocuvre an niveau de ses facultes.

A son tour, son auvre Ic pervcrtit et le d6graclc. Ce n'est pas impnnement qu'un homme, surloul unhomme du peuplc, paciri6 par une civilisation anciennc, sc fait souverain et, du m6me coup, bourreau. 11 a beau s'exciter conlre sos patients et s'entrainer en Icur criant des inju­res 1; il sent vaguemcnt qu'il commet une action 6norme, et son ame, comme celle de Macbeth, est « pleinede scor-« pions ». Par nne contraction terrible, il seraidit conirc rhumanit6 hcredilaire qui tressaille en lui; die rcsisle, il s'exaspcre, ct, pour relouffer, il n'a d'autro moyen que de « sc gorger d'horreiirs^ « en accumulant Ics meurtrcs. Car le meurlre, surtout tel qu'il Ic pratique, c'est-a-dirc ^ I'arme blanche et sur des gens desarmes, introduit dans sa machine animale et morale deux emotions extraordinai-reset disproportionndes qui la bouleversent, d'une part la sensation de la toute-puissance cxercee sans contrOle, obstacle, ou danger sur la vie humaine et sur la chair sensible', d'autre part la sensation dc la mort sanglantc et diversifice, avcc son accompagncmcnt loujoursnouvcau de contorsions ct de cris'^; jadis, dans les cirques re­mains, on ne pouvait s'cn detacher : celui qui avait vu le spectacle une fois y revenait tousles jours.Etjustement, aujourd'hui, cliaque cour de prison est un cirque, avec cette aggravation que les spcclalcurs y sont aclours. —

1. Sicard, 81. Au commencement, les Marseillais eiix-mcmcs rcpu-gnaient i frappcr cics homnies clcsarnids ct disaicnt k Ja foule : « Voila • nossalires el nos piques; donncz la niorl a cos monslrcs. T.

2. Molde Macbelli dans Sliakspeare : «7 have supped full wilh /io?'>'ors.. 3. Voyez Ics enfanls qui noienl un chien ou lucnt une coulcuvre : la

Icnaclle de la vie ics ofrensc comme une revoile conlre leur desjiolismc, el Us s'acharnenl sur la Liile h. coups redoubles.

4. Sc roppeler reflel des courses dc (aureaux, etratlrait irrcsisliblc des spectacles du cirque sur sainl Augustin, lorsqu'il eul enlendu pour la premi6rc fois le cri d'un gladialeur frapp6 a niorl.

302 L:V REVOLUTION.

Ainsi, pour eax, les deux brCilantcs liqufiurs se mJlcnt en un seul brcuvage. A Tivressc morale ajoulez I'ivresse physique, le vin i profusion, lesrasades i chaque pause;, I'orgie siir les cadavres; ct tout de suite, de la creature d6natur6e, vous verrcz sortir le d6n;)Lon de Danle, h la fois_ bestial et raffine, non seulement dcstriicteur, mais encore bourreaiijinventeur ct calculateur de souITrances, tout glorieux et joyeux du mal qu'il fait.

lis sont gais; autour de chaque nouveau cadavre, ils danscnt, ils chantent la carmagnole'; ils font lever- les curieux duquartier pour les« amuser», pour leiir donncr part « a la bonne f6tc^». Des bancs sont dispos6s pour a les" messieurs », etd'autres pour « les dames »> : ccUes-ci, plus curieuses, veuleut en outre conlcmpler i leur aise « les aristocrates » deja tucs : en consequence, on requiert des lampions et on en pose un sur chaque ca­davre.—Cependant la boucheric continue et se pcrfec-tionne. A I'Abbaye \ « un Incur so plaint de cc que les « aristocrates meurent trop vite ct de cc que les premiers « ont seuls le plaisir deles frapper « ; desormais on nc les frappera plus qu'avec le dos des sabres, et on les fcra courir entredeux haies d'egorgeurs, commejadis le sold at qui passait par les baguettes. S'il s'agit d'un homme connu, on s'cntend encore plus soigncusemcnt pour pro-longer son supplice. A la Force, les f6deres qui viennent prendre M. de Rulhi6rcsjarent avec « d'affrcux sermcnls

1. Mortimer-Ternaux, III, 131. Proci's des septembrfseiirs, resnmd dii president. " Le 3° temoin et le 46° vous ont (lit avoir vu Monneuso " (menibre de la-Commune) aller et vciiir a la Force, se rejouirdes IrisLcs « ^venements qui venaient d'y avoir lieu, y temoigner beaucoup d'inimora-" lit(5, ajoutant qu'on joua du violon devantluiet que son collegue dansa. » T- Sicard, 88.

2. Sicard, 91, 87. Ce mot est d'un marcliand de vin qui demand*? »la pratiques des (5gorgcurs. — Granier de Cassagnac, II, 197-200. Les comples du vin, de la paillc et des lampions ont eto retrouves en original.

3. Sicard, 91. - Malhon de la Varcnne, loO.

LA SECONDE lilTAPE DE LA CONQUlilTE. . 303

« dc coiipcr la tele fi cclui d'enlre eiix qiii lui donncra un « coup de poinle »; au pr6alable, ils le meUcnt nii, puis, pendant une dcmi-heure, i\ coups de plat dc sabre, ils le dechiquctlent tout ruisselant dc sang ct le « depouillcnt ccjusqu'aux entrailles ?>. — Tous les monslres qui rani-paient enchain6s dans les bas-fbnds du cccur sortcnt ci la fois de ia cavernc humaine, non seulement les instincts haineux avec leurs crocs ', mais aussi les instincts im-mondes avec leur bave, et les deux meutes r6nnios s'acbarnent sur les femmes que leur c6I6brit6 infAme ou glorieuse a miscs en evidence, sur Mme dc Lamballe, amie de la reine, sur la Desrucs, veuve du fameuxempoi-sonneur, sur une bouquetibre du Palais-Royal qui, deux ans auparavant, dans un acccs de jalousie, a mutil6 son aniant, un garde-francaise. Icii la fcjrocild s'adjointla lu-bricite pour inlroduire la profanation dans la torture et pour attentcr h la vie par des attentats ci lapudeur. Dans Mme de Lamballe tuce trop vitc, les bouchers libidincux ncpeuvcnt oulrager qu'un cadavre; mais, pourla Desrucs \ surtoulpour labouquelifere, ils retrouvent, avec les ima­ginations dc Neron, le cadre de feu des Iroquois'. — Dc I'Iroquois au cannibale la distance est courtc, ct qucl-qucs-uns la franchisscnt. A I'Abbaye, un ancien soldat, nomm6 Damiens, enfonce son sabre dans le flanc de Tad-

1. Matlion «Ic la Varenne, 154. Un horn me du faubourg lui dit (Mafhon estavocal) : « Va, monsieur de la pfeau Gae, je vas me r(5galer d'un verre de ton sang. »

2. n6lif de la Brelonne, les Nidts de Paris, IX' nuit, p. 388 : « Elle • poussait des cris horribles, pendant que les brigands s'amusaiont a lui fairo " des indignit(5s. Son corps n'cn fut pas exempt apris sa morl. Ces gens « avaient ouT dire qu'elle avail ele belle. »

3.. rrudhomine, les Revolutions dc Paris, n" du 8 fcptembrc 1792: ^Le peuple Qt subir la peine du lalion i la bouqueli^rc du Palais Royal. •

Uranierdc Cassagnac, H, 329, (D'apris le bulletin du tribunal r(SvolMtion-nau-o, n du j septembrc). _ Mortimcr-Ternaux, III, 291. n^position du concierge de m Conciergerie. _ Bucbezet Roux Wll , 193. IJisloirc des hommes de proie, psLv noch V:u'iitimUor. '

304 ' LA REVOLUTION.'

jiulanl general de Lalcu, plongc sa main dans I'onverlurc^ arrachc le coeur, « et le porte i sa bouche commc pour le. « devorcr ». « Le sang, dil un Icmoin oculaire, degoullait K dc sa bouche el lui faisail une sortc de moustache '.' " A la Force on d6pfece Mmc dc Lamballc; cc qu'a faille per-ruquicr Chariot qui portaitsa tele, je ne puis I'ecrire; je dirai sculemenl qu'un aulre, rue Sainl-x\nloine, porlait son cceur el « le mordait *».

lis luent et ils boivenl; puis ils tuent encore et lis boivenl encore. La lassilude vient et rhcb6Lcmcnt com­mence. Un d'eux, garcon charron, on a cxpedic dix-sept pour sa pari; un autre « atanl travaillc la marcliandisc « que la lame de son sabre y cslrestee »; « dcpuis deux « heurcs, dit un fddcrc, que j'abats des mcmbrcs dedroile « el de gauche, je suis plus faligud qu'un macon qui bat « du pldfrc depuis deux jours ' M. Lcur premiere col6rc s'esl usee, maintenanl ils frappent en automales \ Quel-ques-uns dorment etendus sur dcs bancs. D'aulrcs, en las, cuvenl leur vin a I'ecarl. La vapcur du carnage est si forte, que le president du comitc civil s'evanouit sur sa chaise ^ et lesexhalaisonsdu cabaret montentavcc celles du charnier. Une lorpeur pesante et morne envahil par dcgr^s Ics cerveaux offusques, et les dcrnitres lueurs de

1. Morlimer-Tcrnaux, III, 257. ProcSs des seplcmbriscurs, deposition dc Houssel. lb., 628.

2. lb., 633. Deposition dc la femme Willet. — Weber, II, 350. — RocU Marcandier^ 197,198. — R(5tif de la Brctonne, 38L

3. Mallion de la Varcnne, 150. — Granicr de Cassagnac, 515, 508. Procr? des septembriscurs, affaires Saintc-Foy, Debociie. — lb., 507, 513. Affaire.- Corlet, Crapier, Ledoiix.

4. Sur ce geste machinal et n)curlricr, cf. Dussaulx, Mdmoires, 440. 11 harangue en faveiir dcs prisonnicrs, cl Ic penple touche lui lend les bras. " Mais d(5j;i les bourrcaux me fi'appaienl les joucs avcc le fcr do lours-" piques d'oij pendaii^nt des lambeaux dc chair pal]jilantc. D'autres vou-• laient nic couper la t6te. C'en 6kul fait; sans deux gendarmes qui les retiu « rent. »

5-Jourdan, 219.

LA SECONDE ETAPE DE LA CONQUKTE. ::05

raison s'y elcigncnt line a line, comme les lampions fu-meux qui brulcnL alcnlour sur les poilrincs (16jci froi-dcs des morLs. A travers laphysionomie qui s'ab^lil, oiv voil, au-dessousdu boBiTeau ct du cannibale, apparailrc ridiot. C'esL I'idiot rcvolulionnaire, en qui loutes les idees ontsombrc, saufdeux, rudinientaircs, macbinales et fixes, I'une qui est I'idee du meurtre, I'autre qui est I'idec du salut public. Solilaires dans sa tele vide, elles se rejoi-yncnt par une aUracLion irresisliblc, et Ton devine I'elTel qui va jaillir dc leur rencontre. « Y a-t-il encore de la « besogne? » disait un lueur dans la cour d6serle. — « S'il cc n'y en a plus, rcpondent deux fenimcs a la porle, ilfau-cc dra bien en/'aire '. » Et naturellement on en fait.

Puisqu'il s'agitde nettoyer les prisons, autant vaut les neltoyer touLes et tout dc suite. Apr6s les Suisses, apr6s les prelres, aprfes les arislocralcs et les « messieurs de la « peau fine », il reste les condamn6s et les rectus de la Justice ordinaire, les voleurs, assassins et gal6riens de la Conciergcric, du Chdtclet ct de la tour Saint-Bernard, les femmes marquees, les vagabonds, les vieux mendiants ellesjeunes detenus de Bicelrc et de.la Salpetri6re. Tout cela n'est bon a rien, coiite a nourrir^, et probablcmcnt a de mauvais projcts. Par exemple, a la Salpetrifere, la remme de I'empoisonneur Desrues est cerlainemcnl, comme lui, « intrigante, mecliante et capable dc tout; » elle doit etre furieusc d'etre en prison; si cllc ponvail, ollc metlrait le feu ii Paris; cllc doit I 'avoirdil; cllc Ta dit* : encore un coup de balai. —El le balai, pour celtc

l.Mchcc, 179. '2. Mni-Limcr-Tcrnaux, III, 558. La m<imc icldc gc rclrouvc clicz les fdde-

rcsel I'arisicns composant la compagnic derKgalilo, quionlraincne les pri-<onuicrs d'Orleans cL les out nVassacrc-s a Versailles. lis e\|/liquciiL leur coiuluilc, eii (lisanl « qu'ils csperaiciit mcUrc fin aux depeiises cxccs-u sivcs qu'oeca&ionnc ti I'empirc frant^ais la Irop longue delcnlion des coii-i< spiralcurs. »

; 3. Rclifdc laBrelonnc, 388.

LA neVOLUTION. U — 2.0

306 LA REVOLUTION.

bcsognc plus sale, enlrc en mouvcmenl sous do plus sales mains; il y a dcs habilues de g. Ole parmi ceux qui empoi-gnent Ic manclie. Deja il 'Abbayc, surLouL vers la (in, Ics Incurs volaient*; ici, an Clu\lelet el k la Concicr^eric, lis emporlcnl « loul cequileur parailproprc a empopter», jusciu'aux babils des morts, jusqu'aux draps cL couver-turcs de la prison, jusqu'aux peliles cpargnos dcs ge6-liei's; el, de plus, ils racolenL des confreres. « Sur 36 pri­ce sonniers mis en liberie, il y avail beaucoup d'assassins « et de voleurs; la bande des Incurs se les associa. II y « avail aussi 75 femmes, en partie dclenues pour vol; K dies promirenl de bien scrvir leurs liberalcurs « ; effec-livemenl, plus lard, aux Jacobins ct aux Cordeliers, clles scronl les Iricoleuses des Iribur.es 2. — Ala Salpiilriere « lous les soulcneurs do Paris, les anciens cspions,... les « libertins, les sacripants do la France el dc TKuropc se « sont prepares d'avance a roperalion », el le viol alterne avecle massacre'. — Jusqu'ici du moins le meurlre a en pour assaisonnemcnl lo vol el la debauche; mais i Bic(ilre il est tout cru; il n'y a que I'inslincl carnassier qui so gorge. Entre aulres detenus, 43 cnfanls du bas peuple, ages de douze a dix-sept ans, etaienl la, places en cor­rection par leurs parents on par leurs patrons' ' ; il n'y avail qu'a les regardcr pour reconnailre en eux les vrais voyous parislens, les apprenlis dc la misere ct du vice, les ruturesrecrucs dcla bandercgnantc, ct la baiide tombesur cux a coups dc massue. Ricn de plus dilTicilc a tuer; a eel agCjlavie est tenacc, il fautredoublcr pour en venir a bout. « L^i-bas, dans ce coin, disait un geulicr, on avail fail do

1. Mthce, 177. 2. Prudliommc, les Crimes de la Revolulion, III, 272. 3. Relff dc la Urctonnj, 388. 11 y avail deux sortes dc femmos k la Sal-

pCtrlerc, les fcinmes maniuees et les jcuiies Ulics elcvecs d;uis la maisoii. I'f l;i les deux sortes dc traiteinont.

4. Moiiimcr-Temaux, III, 293. Lisle des noms, Ayes el metiers.

L.V SECONDE ETAPE DE LA CONQUETE. 307

« lours corps une monlagiic. Lc lendemain, quand il a I fallu les ciiLcrrcr, c'elait un spectacle a fendrc rdme. II

•<: y en avail un qui avail I'air dc dormir, commo un ange "• du bon Dicu; mais les aulres etaient liorriblenienl '• muliles '. » — Celtc fois, on est descendu au-dessous (lc riiommc, dans Ics basses couches du regno animal, au-dessous du loup : les loups n'elranglent pas les lou-veleaux.

VI

Six jours el cinq nuits de tuerle non inlcrrompue', 171 meurlrcs a I'Abbaye, 169 a la Force, 2-23 au GluUelel, 328 i la Concicrgerie, 73 i\ la lour Saint-Bernard, 120 aux Carmes, 79 a Saint-Firmin, 170 a Bic^trc, 35 a la Salpetriere, parini les niorls 250 prelres, 3 6vSques ou archevCques, des ofHciers generaux, des magistrals, un ancien ministre, une princcsse du sang, les plus beaux noms de la France, et d'autre part un nbgvo, des femmes du peuple, des gamins, des forcals, de vieux pauvres: a present, quel est lliomme, grand ou pelil, qui ne sc scnlc pas sous le couteau? — D'autant plus que la bande s'est accrue. Fournicr, Lazowski et Becard, assassins ct voleurs en chef, reviennent d'Orleans avcc Icurs 1500 CO up e-Jarre Is ; en chemin, lis ont cgorgc

1. DarUioIcmy Maurice, Hisloire politique el anecdotique des prisom

de la Seine, 329. 2. Granierdc Cassagnac, II, 421. Procus-verbal du commissairc de police

AiizoUe. D'apres la declaralion du concierge de la Force, le massacre s'y Oil prolongejusque dans lajourneedu 7 septembrc. — MorUnicr-Ternaux, III, 548.

3. Mortimcr-Ternaux, III, 399, 592, 602 a 606. — Proces-verbal des 8, 9 cl 10 septembre, extrail des regislrcs dc la municipalite de Versaille'i (clans Ics Memoires sur les journces dc septembre), p. 358 el suivanlcs. — Granier de Cassagnac, II, 483. Exploit dc riiuissicrDonnet a Orleans, signi-fle a Fournicr lc 1" septembre. Fournicr repond : <• S. n. dc D., jc n'ai

308 I-'^ REYOI.UTION.

M. dc Brissac, M. Dclcssart ct 42 aulres uccusos de lesc-nalion qu'ils onL arraclies a Icurs jugcs, puis par sur-croU, « a I'excmple dc Paris, » 21 d6lcnus qu'ils sont allcs prendre dans Ics prisons dc Versailles; mainlenanl, a Paris, ils sonL remercies parole minislre de la justice, feliciles par la Commune, fcLcs el embrasscs dans leurs sections'. — Qiiclqu'un peut-il douler qu'ils ne soicnl prcls a recommenccr? Pcul-on fairc un pas dans Paris ou liors dc Paris sans subir leur oppression on le spec­tacle dc leur arbilraire? — Si Ton sort, on trouve leurs pareils en senlincUe a la bafricre, puis en permanence au comitc dc la section. Malouet, conduit devant cclui duRoule-, voitunpandemonium d'energumcnes, cenlindi-vidus au moins dans la memo sallc, suspects, denon-cialeurs, cooperalc.urs, assislanls, au centre une longne table vertc cliargec d'epees et dc jjoignards, alentour Ics mcnibrcsdu comile, ccvingtpatrioles en chemise, lesbras « rclrousscs, Ics uns tenant des pistolets, Ics autrcs dcs « plumes », et signant des mandats d'arret, « s'injurianl, « sc menacant, parlant lous a la fois ct criant : Traitrc! « — Conspiralcur!— En prison!—A la guillotine!— der-« ribre eux Ics spectateurs pelc-m(ilc, vociferanl ct gos-« ticulant « comme des botes fauves qui, entass6cs dans la meme cage, sc montrcnt les dents ct vont sautcr los

« auciin orJrc a rcccvoir; quand les sacrcs gacux auroiiL la Iclc couiiecun • fera le proccs aprcs. "

1. Uoch .Maicaadier, 'ZIO. Discour- do Lazowski a la socCion du FiiiisU-io, faubourg Sainl-.Marccau. Lazowski avail, par surcroit, olargi les assassins du inairo d'EUmpcs et depose leurs fcrs sur le bureau.

2. Malouet, 11, 243 (2 scptcnd.re). — Monilcur, XIII, 48, sdancc du27 scp-lenibro 1192. Par le discours dc I'ani?;, on y voit ([uc les scenes elaient ana-' logucs au couiilcdc surveillance : « Ou'on se repre-enlo notre situation : nous ' « (5tion<; entouresdc citoycns irrites des trabisons de la cour; onnousdisait : • voici un arislocrate qui prcnd la fuite, ii I'aut que vons I'arVeticz.ou vous • <iles vous-niume un Irailre. On nous nicltait le pistolcl sur la gorge, et • nous nous sommcs vus obliges de .-igncr des mandats, moins pour notre • ^urclo que pour ccllc dcs personncs denoucccs. .

LiV SECOXDE ETAPE DE LA COXQUKTE. COO

lines sur Ics aiilros. « L'un ties plus animcs, brandissanl « son sabre pour frappcr son antagonislc, s'arr^la on « mo voyant el s'ecria : Voila MaloueL! —Mais le chani-, « pion adverse, mains occupe de moi que dc son en-, « nomi, saisit cct instanl pour rassommer d'un coup de « crosse. » Malouctest sauvo, iouljuslej on ne s'cchappci dc Paris que par ces sorles de chances. — Si Ton -rcslo, on est assiege d'images funebres : c'cst dans chaque rue le pas accelere des escouades qui menenl Ics suspccls . au comile ou en prison; c'esL aulour de cliaquc prison un aUroupemcnL qui « vicnt voir Ics dcsaslrcs »; c'cst la crice cLablic dans la cour dc TAbbaye pour vendre al 'encan les habits dcs morls; c'csl Ic bruit des lombe-reaux qui, jour ct nuit, roulcnt sur Icpavc pour cmportcr 1300 cadavres; ce sont les chansons dcs fcmmcs qui , monlcessurlacharrelleplcine, baltcnt la nicsurc sur Ics corps nus ' . Est-il un liomme qui, apr6s une de ces ren­contres, nc se voic en imagination, lui aussi, au comile de section devant la table vcrtc, puis dans la prison sous les sabres, puis sur lacharrcile dans lemonccau sanglant?

Sous une parcillc vision, les courages s'adaissent; tons les journaux approuvcnl, pallicnt ou sc laisent; per-sonnc n'osc resisler a ricn. Les biens connne les vies appartiennent a qui vent les prendre. Aux barrifercs, aux llallcs, sur le boulevard du Temi)lc, des illous pares du ruban tricolore arrctent les passanls, saisisscnt Jos marchandes, et, sous prclcxtc que les bijoux doivcnt clre deposes sur rautc ldela Palric, prcnncnt les bourses, les montres, les bagues et le rcsle, si rudement, que dcs lemmcs ont les orcillcs arrachccs faute d'avoir dccroclic Icurs boucles assez vitc^ D'autrcs, inslallcs dans Ics

1. Granier do Cassa^nac, II, •JoS.— Pnullionime, les Crimes dc la Hcvo-lulion, 111,272. — MorLiincr-Tcniaii.v, HI, Glil. — Do Fcmerc, 111,391. ~ (Lc mot cite a etc recueilli par Retif dc la l]rclonnc.)

2. Monilcur, XIII, 688, G98 (a" dcs 15 cL 16 scplcnibrc). 76. Lcllrc de

310 L\ REVOLUTION.

caves dcs Tuilcrics, y vendcnt a leur profit le vin ct riiuilc de la nalion. Quclqucs-uns, elargis liiiit jours

•auparavant par le pcuple, flairent un plus grand coup, s'inlrodviiscnt dans le Garde-Meublc ct y volcnt pour 30 millions do diamanls^ — Conime un liomme frappe d'un coup de masse h. la tete, Paris, assommc, se laisse fairc, ct les auleurs dii massacre out alleint leur objeL: la faction s'cst ancrec au pouvoir, on ne Ten arrachera plus.:Ni danslaLegislalive nidansla Convention, lesvcUci-tcs dcs Girondins ne prevaudront contre son usurpation tenacc.-EUc a prouve par un exemplc eclatant qu'elle est capable de tout, et elle s'cn vante; clle n'a pas des-armc, elle est toujours la dcbout, anonyme et prctc, avcc son principc mcurtricr, avcc ses precedes expcditifs avec son personnel de fanaliques etdesicaires, avcc Mail-lard et Fournier, avcc ses canons et ses piques. Tout ce qui n'est pas elle ne vit que sous son bon plaisir au jour le jour et par grace. On le salt: I'Asscmblcc ne songe plus a dcloger des gens qui rcpondcnt anx dc-crcls d'expulsion par le massacre; il n'est plus qucs tiond'examiner Icurs complesou de les contenir dans les limiles de la loi. Leur dictature est inconlestee ct leurs epuralions conlinucnt. En onzc jours, quatrc a cinq cents nouveaux prisonniers, arrfitcs par I'ordre de la muni-cipalite, des sections, d'un Jacobin quelconque, sont en lasses dans les cellules encore tachees du ' s repandu, et le bruit court que, le 20 seplembre, les prit

Roland, 701, de retioii, 711. — Eucliez cl Roux, .Will, 33, 34. __ n dans !e journal de Pi-udliomme une gravurc sur ccsujct (14scptcmbre') '-^ <« Un Anglais, admis a la barre. denonce a I'Asscmblee nalionale un vol c"

mis, dans uncmaison occupccpar Una Lliaillot, rardeuxhuissiersel! • satellites. Cc vol consiste en 12 louis, 5 guinecs, 5000 livio • assignats el phisicurs autres cfTcls. ' Les li'iljunaux qu'il a saisis n'osent donner suite a sa plainte. (Ducliez ct Floux, XVII, p. 1, 18 septenibre )

1. Bucbez el Roux, XVII, 461. — rrudliomme, les Rcvohiiions de Paris n°du 2'2 seplembre 1792. '

LA SKCOXDE KTAPE DE LA COXQUETE.. 311

sons scronl yidecs par un second massacred — Que la Convcnlion, si cllc vent, s'inslalle pompcuscmcnt en souvcrainc cL fasse tourncr la machine a dccrots: pen 'importc : regulicr ou irrcgulicr, Ic gouverncmcnt mav-cliera lonjonrs sous la main qui lient le sabre. Par la Icrrcur improvisoc, Ics .Tacol/ms ont mainlcnu Icur aulorilo illegalc; par la lerrcur prolongce, Ms vonl ela-blir Icur aulorilc legale. A I'llolel dc Yillc, dans Ics Iribunaux, a la garde nalionalc, aux sections, dans les adminisLralions, les suffrages conlrainis vont Icur don-nor les places, ct deja ils onl fail elirc a la Convcnliou Maral, Danlon, Fabrc d'Eglanlinc, Camillc Dcsmonlins, Manuel, Billaud-Yarenncs, Panis, Scrgcnl, CoUot-d'Hcr-bois, Piobespierre, Lcgcndre, Ossclin, Freron, David, Piobcrt, Lavicomlerie, brcf les insligalcurs, les conduc-tcvirs, les complices du massacre-. Ricn n'a cLc omis de cc qui poiivaifc forcer efc fausser le vote. Au prealable, on a impose a rAsscmblcc clccloralc la presence du peuple, ct, a cet clfet, on I'a transferee dans la grande sallc des .lacobins sous la pression dcs galcrics jacobincs. Par unc sccondc precaulion, on a exclu du vote tout oppo-

L Monilcu-r, XIII, 711, seance iln 16 soplcmbrc. Lcllrc dc Roland a rAsscmblcc nalionalc. — Duchez clRoux. Will , k1.— Monileur. XIII. 731, .seance dii 17 scplcmbrc. Discours dc Pclion : « Hicr, on pariait de so " rendrc de nouveau dans les prisons etnolammenl a la Concicrgcric. "

2. Archives nalionalcs, CII, 58 a 76. Proces-verbaii.x de rAsscmblcc clcc­loralc dc Paris. — Robespierre est clu Ic premier (,'iscplenibrc), puis Danloii el Collol-d'llcrbois (fi septcmbrc), puis ^laimcl et Pillaiid-Varcnnes (7 scp­lcmbrc), cnsuile C. Dcsmoulins (8 scplcmbrc), :Marat (9 scplcmbic), cic. — Morlimer-Tcrnaux, IV, 35 (arrelc de la Commune, siir rinsiigaiion do Robespierre, pour le rcglement des operations clectoralcs). — Lonvet. Mc-moircs. A I'Asscmblee clccloralc, Louvel demandc la parole pour disculcr la candiJalure de MaratjCt nc pent I'oblenir. « Comme jc sorlais, jc fiiscn-<c tourc de ces bommcs a gros balons ct a sabres donl Ic I'ulur diclalcur mar-« chait loiijours cnvironnc, dcs gardes du corps dc Robespierre. Ils me « nicnaccrent, ils mc dirent en proprcs Icrmes : « Avanl pen, In y pas-« seras. » Ai'nsi Ton clait libre dans ccltc Asscmblee oii, sous les poigaards a on volail a baule volx! »

312 .LA Rl'iVOLUTION.

saiit, tout constilutionnel, tout anclen membre du clul) monarchiquc, du club dc la SaintC'Chapcllc et du dub des Feulllanls, tout signalairc de la petition dcs 20 000 ou de la piilition dcs 8000, et, quand des sections onl proteste, on a rejetc leur reclamation comme Ic fruit d'une « intrigue ». Enfin, a chaque tour de scrutin, on a-fait I'appel nominal, et chaque oleclcur a du voter a haute voix; on etait sur d'avance que son vole scrait bon;'les avcrtissemcnts-qu'il avait rcQus dtaicnt trop nets. Lc 2 septembrc, pendant que I'assemblec elccloralc tenait ii reveche sa premiere seance, les jMarscillais, a

• cinq cents pas dc la, venaient prendre les vingt-quatrc; prctrcs de la mairie et dans le trajet, sur le Pont-Ncuf, • les lardaient dcji'a coups dc sabre. Toute la soir6c ct toute la nuit, a I'Abbaye, aux Carmes, a la Force, les ouvriers de la municipality ont travaille, ct, lc 3 scp-tembfe, quand rassembleo elcctorale s'est transportec aux Jacobins, elle a passe sur le Ponl-au-Changc cntrc deux hales de cadavres que les lueurs apporlaient du Chatclcl ct dc la Concicrgcrie.

CIIAPITEE IL.

I.cs departcmculs. — Caraclorc ci/ideniiiiuc ct conUii^icux tic \w iiuiUuli3 revolulioniiaire. — I . Sou priucipc est Ic tlogmc jacobin dc la soiiverai-ncle du pcuple. — Proclamalion ofriciello dii nouvcan droit. — DtiDnilion publiqiic du nouvoau regime. — Son olijol, sos advcrsaircs, ses 4)roceJ6-?. — Do Paris, il so propagc cp proviiict^. — II. En piti-sieurs deparlcincnls, il s'csl olabli d'avancc. — Kxeniplc dans le Var. — III. Diclaturc dc cliaqne peloton jacobin dans son cndroit. — Saint-Affriquo pendant I'intcrregnc. — IV. Pratiques ordinau-cs de la dicla­turc jacobinc. — La bandc sedentaire dcs clnbistcs. — Son personnel. — Scs mcncurs. — Y. La bandc anibulantc dcs voionlaircs. — Quaiites dcs rccrucs. — L'Icction dos officicrs. — lirigati.dages ct assassinals. — VL Un lour de France dans le cabinet du ministrc de rinterieur. — De Carcassonne i Bordeaux. — Dc Bordeaux a Caen. — Le Nord et I'Est. — De Chalons-sur-Marnc a Lyon. — Lc Comlat el la Provence. — Ton et reponscs dcs administralions jacobines. — Programme du parti.

Dans Ics deparlcmenls, c'est par cenlaincs que Ton comple les journecs scmblablcs a ccUcs du 20 juin, du 10 aout et du 2 scptcmbre; s'il y a pour les corps dcs maladies 6pidemiqucs ct conlagicuscs, il y en a aussi pour les esprits, et telle est alors la maladie rtjvolation-nairo. Elle se rencontre en mcmc temps- sur lous les points du territoire, ct chaque point .infecte conlribuc i rinfeclion dcs autres. Dans toute ville ou bourgade, lc club est un foyer inflammatoiro qui desorganise les parties saines, et cbaque centre dcsorganise 6mct au loin scs exemplcs comme dcs miasmcs ^ Dc loutcs parts

1, Guillen do Montlcon, I, IS^.-Lcllre dc Laussol aux Jacobins dc Lyon,

314 LA REVOLUTION.

Ici mcme iicvrc, Ic meme delirc ct Ics memcs convul­sions indiqiicnt la presence du mcme virus, cL cc virus est Ic dogmc jacobin : grace a lui, I'usurpalion, Ic vol, I'assassinat, s'envcloppent dc philosophic polilique, cL Ics pircs alienlals c^nlre Ics pcrsonncs el Ics propriclcs publiques ou privces dcvicnnenl legilimcs; car ils sonl ics acles du souvcrain Icgilinie charge dc pourvoir au salul public.

I

Que chaquc pclolon jacobin soil dans son canlon in-vcsli de la diclalurc locale, scion Ics Jacobins, ccla est dc droit naUircI, el, dcpuis que rAsscniblce nalionale a declare la palric en danger, ccla est dc droit ecrit. « A « parlir de ccltc dale, » dit leur journal Ic plus repandu', ct par le seul fail dc ccltc declaration, « Ic pcuple de « France est assemble, insurge... II est rcssaisi do « raulorite souverainc. » Scs magistrals, scs deputes, loules Ics auloriles consliluecs renlrent dans Ic ncant qui est leur essence. Representants temporaircs ct revo-cables, « vous n'clcs plus que Ics presidents du pcuple; « vous n'avez plus qu'a recueillir son vote,... a Ic pro-« clamer quand il I'aura eiiiis d'une manicre solcn-« nellc. » —i\on sculcmcnl telle est la theorie jacobinc, mais encore telle est Ja Iheoric of/lciellc. L'Asscmblce nationalc approuvc rinsurrcftion, rcconnait la Com-nuine, s'clTacc, abdiquo aulant qu'cllc pent, ct no rcslc en place provisoircmcnt que pour nc pas laisscr la place vide. Elle s'abslient de commandci*, memo pour sc don-

daloe cle Paris. 58 aoiit 1:92 : «Di(o-iiioi comljicn on a coupe dc tcHcs <• Chez nous; ccscrailuiie infaniie uavoir Ini«e echoppcr nos cnncmis.«

1. /.cs RevoUiilons de Paris, [^ar rniflhoiiimc, Lome XIII, p. 59-03 (14 jiiillet 1795),

LA SLXOXDE I^TAPE DE LA COXQL'KTE. 315

ner dcs successcurs; cllc « invite » soulcment « Ic « pciiplc IVanrais a former uiie Convention nationale»; cUe conCcsse qu'clle « n\a pas le droit dc sonmettre a « dcs regies imperatives I'oxercice dc la soiivcraincte «; cllc no fait « qirinJiqucr aux citoyens » Ic rtglcmenl d'eleclions « auqiiel cllc les engage a sc conformer ' ». — En attendant clle subit lontes les volontes de cc qu'on appelle alors le peuplc souverain; elle n'osc s'opposer a scs crimes; cllc n'inlervient auprcs dcs massacrciirs que par dcs prieres. — Bien mieux, pr r la signature ou Ic contrcscing dc ses ministrcs, cllc les aiitorisc a rccommcnccr aillcurs : Roland a signe la commission dc Fournicr u Orleans; Danton aexpeditd loute la "France la circnlairc dc Marat; le conseil des mi­nistrcs envoic, pour rcgenerer les deparlcnienls, les plus furieux de la Commune et du parti, Chaumctic, Freron, Wcstermann, Audouin, lluguenin, .Alomoro, Couthon, Billaud-Varcnncs-, d'aulrcs encore plus lares ou plus grossiers qui preclient dans loulc sa purclc Ic dogir.c jacobin: « lis annonccnt ouvcrtemcnt^ qu'il n'y a p h i s « de lois, que chacun est mailrc puisquc le peuplc e^t « souverain; que chaquc fraction de la nation pcui. « prendre les mcsurcs qui lui convicnncnt au nom da " saint de la palric; qu'on a le droit dc laxer le blc, dc ' le saisir dans les granges dcs laboureurs, dc fairc

« tomber les letes des fcrmicrs qui rcfnscnt d'amcncr < les grains sur Ic marclic. > A Lisiciix, nufour cl Co­moro prcchent la loi agrairc. A Douai, d'aulres predi-rateurs parisicns disent a la socicto populairc : « Drcs-

1. Duci-cls des 10 et 11 aouL 179.!. 1. rrudliommc, n° du 15 scplcnibre, p. 483. — .Moilimcr-Tcrnai:\

IV, 430 3. Morliiucr-Tcniaux-. IV, ILHapport de Faiiclict, 6 novemhre Vi?i2.

— lb., 1Y,91,14'2. fJi-icours dcnM. Focliedcy, adniiiiislralcui' du dcpartemenldu Novdj et dc M. ljailly_ depute dc Scinc-cl-Manic.

L-A SECOXDE £ T A P E D E LA CONQUETE. 317

le> mcmbrcs dii dirccloire de Paris, « Pioedercr el Blon-« del a leur lelc, » pour les officicrs gonoraux, « La--« faycUe ct d'ATfry a lour tele, » pour « les dcpul6s rcvi-cc seurs dc la Consliluante, Barnave et Lamelli i . l e u r « l^lc «, pour « les deputes feuillants de la Leg-islalivc, « Ramoiid cl Jaucour t i leiirtctc^ ", pour «tous ceux qui « consoutaicut ii se souiller les mains en louchauL i la <•'- lisle civile », pour.« les 40 000 sicaires qui s'etaient « rassemi3les au cliilleau dans la nuit du 9 au 10 aout,... cc cc souL des monstrcs furieux qu'il faut dtouffcr jus-« qu'au dernier. Pcuplc,... tu t'es Icve; reslc deboul « jusqu'a ce qu'il n'cxisle plus un scul dcs couspira-" lours. JJ est dc Ion humamie de lo monlvcr incxo-' rable une fois. Frappc les mechanls dc lerreiir; les « proscriptions dont nous Ic faisons un devoir sonl la' " sainlc colere de la palric ». — U.'n'y a pas A se mc-prendre : c'esLlc locsin qui sonne centrelous les pouvoirs clablis et conlre loutcs les sup6riorites sociales, conlre les adminisLrolions, les Iribunaux et les clals-majors, conlre les prelres cl les nobles, conlre lespropri6laircs, les capilalislcs, les rcnliers, les cbcfs du negocc ct dc I'induslric, brcf, conlre Telilc ancicnnc ou nouvellc dc la France. Les Jacobins de Paris donnent Ic signal par leur excmplc, par leurs journaux, par Icurs niissionnai-rcs, cl, dans les deparlemenls, leurs pareils, imbus dcs incMues principes, n'attendent qu'un appel pour s'elanccr.

II

En plusicurs deparlemenls-, ils onl devance Tappcl, cl, dans le Var par excmplc, des lemois de mai, les pillages

1. rnidiiommc, n° du 28 aout 1792, p. 284 a 287. 2. Cf./a niivolulion, \, h^l. Dans dix deparlemenls, la sepliemo jac­

querie conlinuo sans inlcnupUon la sixienui. Entrc aiilies e-xemples,

315 LcV REVOLUTION.

« scz dcs ecliafcuids; que Ics rcmparls do la villc soient a herisscs de polcnccs, et que cclui qui nc sera pns do « noli'c avis y soit attache. » — Rien dc plus corrccl, dc plus conforme aux principcs, ct Ics journaux, liraul les consequences; expliqucnt au peuple I'usagc qu'il doitfaire de sa souverainete reconrpiise' : « Dans les cir-« Constances oii nous sommes, la prdmiscuite dcs bicns « est de droit : tout appartient a tons. » D'aillcurs « il « est necessaire qu'on opere dans les fortunes un rap-.- procliement,... un nivellement qui deti'uise Ic principe cc vlcleux de la preponderance dcs riches sur les pan­ic vres. « Cola est d'autant plus urgent que « le peuple, « le veritable peuple,' Ic souverain, a prcsfiue autant a dennemis qu'il y a en France de propri6taires, de « gros marchands, de gens de finance et d'homnies u riches... Tons les homnies a superflu doivent 6trc u regardes, en temps de revolution, commc ics cnnemis « secrets ou declares du gouvernemcnt populaire. » Ainsi, cc qu'avant de quitter leurs foyers » et de partir pour Tarniee « les habitants de chaque commune met-« lent en lieu de surete, et sous la sauvegarde dc la loi, <s tous ceux qui sent suspectes de ne pas aimer la li-« bertc; qu'on Ics lienne enfcrm6s jusciu'i la fin de Ui a guerre; qu'on les garde avcc des piques », et que chacun de leurs gardiehs recoive trente sous par jour. Pour les partisans du gouvernemcnt dcchu, pour

1. Prudhommc, n" du 1" seplembrc 1701, p. 31'). 381, 38'); n" Gu 2^ sep-lembre, p. 528, 530. — Cf, Guilloii Jc Monlloon, I, 14 j . Principcs enonccspar les clicfs jacobins dc Lyon, CluMicr, I.ansscl. Giissct, Roiiilloi etc.: tLe temps est arrive oil doit s'accomplir celtc proplicije : les ricl • « scront mis k la place des pauvres, cl les pan vres a la place dcs ri -I — «L2s riciies scront encore hcurcux, si on leiir lai sf. i . .^^ "

1 1 ' ^ . • - 1 1 ' " ' - s L l a i i io i i i (> (lf> « leurs bicus. n — « Si les ouvncrs de Lyon niannimnt ,)'„ « pam, lis pcurront mctlrcccscalaiuitesaproniciis'enim .' • « uc6tc dcsrpicllcs ils se tvouvcnt. . — « N(j| iiidivid '''^'"^^''^^'''^''^sscs « faim aupi-es d'un sac de blc. Voulcz-vous un mot " "^ ^^^^ nwnnv de « dont vousavcz bcsoin? Moiircz, ou fuioc •> • ^'"' ' -'* 1^°"'' ^O" o

318 LA REVOLUTION.

ct les proscriptions onl commence. — Scion Tusogc, on s'cn preud d'abord aux chalcauxeL auxmonasLercs, quoi-qu'ils soionl dcvcnus propricles nalionales, cL Ton alleguc poui- raison, lanlut que radmhiislralion ^ est tvop Icntc cc ii cxecLilcr les dccrcts coiilrc les emigres », lantot que « lcchaLcaLi,placesuruneemincuce,p5se auxhabilauls^ ». !l nV a fTucredc village en France qui nc conLicnnc une quaranlainc do mauvais sujeLs loujours prels a scga rn i r lc3 mains, et tcl est juslement le nombrc dcs coquinsqui pillent tout au chilteau dc Monlauroux, « mcublcs, den-<.<. r6cs, elVels et jusqu'a la vaisselle de cave. » M6me ope-ration par la meme troupe au chateau de Tournon; celui dc Salerne est brule; celui dc Flagosc est demoli; on dc- • Iruitle canal deCabris; ensuitcla chartreuse dcMontricux, les chateaux dc Grasse, du Canet, dc Regusse, dc Brovaz," d'aulres encore sont devasl6s, et « les devastations sont « journalieres ». — Impossible de reprimer cc brigan­dage rural : le dogme regnant enervc rauLoriteauxmains dcs magistrats, et les clubs, « qui couvrent le dcpaii'c-« mcnl, » ont propage partout les ferments d'anarchic. « Adininistrateurs, jugcSjOfficiers municipaux, lous ceux « (iui sont revetus d'une autorite quelconque et ont Ic « courage de rcniployer a faire respecter la loi, sont suc-« cessivement denonces a I'opinion publique commc dcs

on pent lire (Archives nationales, F% 3271) celle lellre dcs adminisUa-teiii's (iu Tarn, 18 juin 1792: uDes altroupenients nonibrcux parcouraicnl « la ville (Caslrcs) et la campagne, lis entraiciit dc force dans les niaison-" dcs citoyens, brisaient les nieubles ot pillaicnt tout cc quitonibail sous « leurs mains. Dos fenimcs el des DUcs 6prouYaicnl dcs li-ailcmcnls ignomi-« nicux. Les comniissaires envoyes par Ic district ct la niunicipalile pour « precher la pai.v lurcnt in-ultes, menaces. Le pillage fut renouvclo, I'asile • du citoyen viole. n — a En tout cas, ajoutent les adniinistratcurs, « les progr6s de la constitution devienncnt sensibles par l'umi"-ralion « subite et considerable de ses enncmis. »

L Archives nationales, F', 3272. Leltre des adminislrateurs du Var, T mai 1792. _ Lcltrc du minislrc Durantbon, 28 mai. - Lettre de in

comuMssion composanl le dircctoirc, 31 oclobre.

LA SECOXDE ETAPE DE LA COXOUETE 319

« cnncniis dc la consliLulion et do la. liberie, parce que, cc dit-on^ Us ne parlenl jamais qua de la hi, comme s'ils ne « savaienl pas que la volonle du peuple fait la hi, ci que <•' nous sommcs le peuple'-. » Yoila le vrai principe, cl, ici coiiimc ;"i Paris il eugcndre a riiislaiil ses consequences, « Dans plusicnrs dc ccs clubs, on no s'cntrelicnl que de « devasLcr Ics propriclcs, que de couper Jes tfilcs des « arislocratcs. Et qui designe-t-on par cctle infdmc qua-« lificalion? Dans ics villcs, les gros negocianls, les riches « propriclaires; dans lescampagncs, ccux que nous appe-« Ions les bourgeois; parlout, Icsciloycns paisiblos qui, « amis de I'ordrc, voudraicnt cnfin jouir, a I'ombre de « lois prglcclrices, des bieiifails dc la constitution. La « rage dc ccs denoncialions est telle, que dans une dc « ces societcs, on a recemmcnt denonc6 comme aristo-c crate un bon et brave paysan, dont toule I'aristocra-« tie consistaiL i avoir dit a ceux qui avaient pille Ic « chateau du ci-dcv^ant seigneur dc I'endroit, qu'ils ne « jouiraient pas en paix du fruit de leur dclit. » — Yoilii dejc'i par avance le programme jacobin de Paris, i\ savoir la separation des Francais en deux classes, la spoliation dc Tune, Ic despolisme de I'autre, I'ecra-scment des gens aises, ranges et probes sous la dicta-lure des gens qui ne Ic sont pas.

Ici, comme i Paris, le programme s'ex6cute dc poini en point. Au Beausset, pres de Toulon, un certain Yidal, capitaine de la garde nationalc, « elargi deux lois par « le benefice de deux amnisties cons6culives- », punit de

1. Archives nalionalcs, !•', 3272. LeLlre des adminislralcurs du Var, 27 mai. — Ccinoleslle resume de I'espril rcvolulionnairc, elrevicnlparlouL. — Cf. Due de Montponsier, Mcinoires, p. 11. A Aix, un dc ses gnrdiens disail aux sans-culolles qui faisaicnt irruplion dans la sallc oil il elait depose : « Ci-« loyens, par quel ordro oLcs-vous entrcsici, el pourquoi avcz-vous force la « garde qu'on avail mise a la porle?» — Un d'cux repondit : « Par orure « du peuple. No sais-lu pas que le peuple est souverain? »

2. ib. Lcltrc de I'accusaleur public, 23 mai. — LcLlres des adminisU'a-

320 LA-RI^VOLUTION.

luort, non sculcmcut la resistance, mais encore Ics mur-niurcs. DcuK vieillards, I'un nolairc et I'aulrc lourncur, s'elanl plaints de lul ii, raccusatcur public, la gei]e- . i-alc bat, un rasscmblemcnt d'bommcs amies sc ibrmc dans la rue, les deux plaignants sont assommes, criblcs de balles, ct leurs cadavres jetes dans un puits. 'Plii- _ sieurs de Icurs amis sont blesses, d'autrcs prcnnent •la i'uite; sept maisons sont saccagees, et la municipalitc, « asservic ou complice «, n'intervient quo lorsquc tout est Tinl. — ISIul moyen de poursuivre les coupables : le dlrecleur du . ju ry , qui, avec une cscortc de mille hommcs, vlont proceder a I'enquctc, ne pout obtcnir de depositions. La municipalitc pretend n'avoir ricn cnlcndn, ni la gen6rale, ni les coups dc fusil tiros sous scs fene-Ires. Les autrcs t6moins no disent mot, ct avouent tout bas le motif de leur silence : s'ils deposent, « lis sont « surs d'etre assassin6s aussitot que la troupe sera _cc partie. « Ledirccteur du jury est lui-memc menace, et, apres trois quarts d'lieurc de s6jour, trouve prudent de quitter la viUe. - La-dcssus, les clubs du Boausscl et dcs environs, enhardis par I'impuissance dc la loi, cclalent on motions incendiaires : « On y annoncc « quap r t s la rctraite dcs troupes d ix -ncu t autres « maisons scront dcvastees; » on propose « de coupcr u la lete aux aristocrates, c'esl-a-dire i'l lous les pro-cc prietaircs de la contree ». Beaucoup out fui, mais on nc sc contcntc pas de leur fiiile. Vidal enjoint a cciix du Beaussct qui sc sont refugies ti Toulon de revenir a I'instant; sinon on demolira leurs maisons ct dc Tail, le jour meme, en maniere d'avertissenient nl sieurs maisons du BcausscI, cnlrc autrcs col! ' l' notaire, sont demolics ou pillees de fnnri *" ' ''

lond en comblc;

lours du depailcmcnl, 22 el 27 mai. (Sur |A • . au Lcausscl.) "- ' • 'Dcmcnts du 13 mai^

LA SECONDE ETAPE DE LA COXQUETE. 321

loulc la canaille dc la villc est a I'oeuvre, « homines ct « femmcs a dcmi ivres, » et, commeil s'agit devoler ct de boire, ils ne dcmandcnt qu'a recommcncer au chcf-licii. — AiissI bien Ic club a declare « que Ton ferait « bicnloL a Toulon une Saint-Barlbclemy nouvcllc »; on y a des allies, on sc concerle avec cux : chaque club des peliles villcs.voisincs fournira ses hommes; tons mar-cheront sous la direction du club dc Toulon. A Toulon comme au Beaussct, la municipalit6 laissera fairc, et Ton appliquera ci I'accusateur public, aux administra-teurs du dislrict ct du departcment Ics proced6s dont ils se plaigncnt. Libre a cux d'ecrire a Paris el de denonccr les patriotcs a I'Assemblee nalionalc ct au roi; Ic club rdpondra par des actcs a leurs paperasses. Leur tour ap-proclie; a Toulon aussi il y a des lanlerncs et des sa­bres, ct la faction les assassine, parcc qu'ils ont informe conlrc ses assassinats.

I l l

D'aprfes ce qu'ellc a os6 quand le gouverncment clait encore deboufc, on peut conjecturer ce qu'ellc va sc pcrmettre pendant rinlerregne. Alors, comme toujours, il n'y a que les excmples qui pcignent, et, pour connaUrc le souverain nouvcau, il fautd'abord Tobscrver sur un lli6dtre restreint.

A la nouvcllc du 10 aoiU, les Jacobins deSaint-Affriquc, petite ville de I'Aveyron ', ont entrepris, eux aussi, dc

1. Archives nationales, F', 3193 et 3194. On Irouvera dans ces dossiers Ics details anldricurs; ce departcment est un de ceuxoii la septifenie jacque­rie n'cst que le prolongenient de la s)xi6me. — F', 3193. Leltre du com-missaire du roi prtis le (ribunal dc IMilliau, 5 mai 1791 : « Notre position « empire; les corps adminislralifs conlinuenl d'etre sans force ct sans . moycns.La plupart des membros n'ont pu encore rcntrerdans rexercice dc < leurs for.clions, ct les faclieux, dominant toujours, muUiplienl Icurs exces

L\ nevOLUTION. U — 21

S22 ' LA. REVOLUTION. •.

sauver la patrle, ct, b. cet effet, comme leurs pareils'er. d'aulrcs bourgades du district, ils se sont constitaes en pouvoir execiUif. L'lnsliiMilon est ancienne. surtout dans le Midi: dcpuis Lyon jusqu'a Montpellier, depuis Agcn jusqu'a Nimes, il y a dix-huit mois qu'cUc neurit; mais, aparlir de I'interregne, elle reHeuritde plus belle.: c'csl une societ'e secrfete qui se charge de converlir en actc: Ics motions et instructions du club^ Orclinairement ik travaillcnt de nuit sous le masque ou avcc de grands chapcaux rabattus et des cheveux lombants sur le visage. Leurs noms sont inscrits au siege de la soci6tc sur un tableau, cliacun sous un num6ro. Pour arme et pour insi-gnc ils portent un grosbiton triangulaire orne d'un ruban tricolorcjavec ce baton, chaquc mcmbre « pcutallerpar-cc tout> , fairc ce quebonlui semble. A Saint-Affrique, ils sont environ quatrc-yingts, el parmi cux il faut compter

.les vauriens de la 7' compagnie du Tarn en residence dans la ville; pour les cnroler dans la bandc, on n'a cesse «deleur prScher le pillage » etde leur dire que dans les

« dans tons les geiires du mal. Nouvel incendic k une raaison de campn-« gneplusprfes de la ville; invasion d'une autre, deslrucLion dotoutle mobi' " Uer cl d'une parlie du couv'crl, hris cl fracluve dcs povLes el dcs fenelres : « v\sUe dans plusieurs maisons sous prelexlc d'un i"ec61cmcnt d'arracs ou de tt poudre- enlevement do loule ceUe qui s'esl lrouv6e chez les parliculicrs « et marchandsqui n'claient pas voues au parti factieux; cris lumultueux « rassemblemcnls nocturnes, complots formes pour le pillage ou I'inccndie-a troubles causes par la ventc des grains, rechcrclics sous cc prctcxte dans ics " greniers des particuliersj prix fixe aurabaisdu courant, enlevement de 40 «louis en especes a une dame qui se relirait a la campagne, et qui furenl « Irouv^s dans sa nialle, qui fiit enfoncee, et qui doivent c lre, dit-on, rem-" places par des assignals. Les officiers de police et la municipalile. tcmoins " de ces exciis, sent parfois forces de Ics .autorisor par leiir presence; ils

nosent ni les r6primer ni en punir les aulciirs connus. Tel est Vabrdge • " ^:-^^'^'^^<^^'dres qui se sont commis enmoins dchuit jours. » — Pour Sainl-Aflnquc en parlicnlier, cf.F^, 3194,entreautrcs la lel'lre dcs administraleurs "" departcment, 29 mars 1792. ' •

' d e ' p a t ; t Sni Sf "AI?"^^ ' ' ' ^'' ^^^^- "^'^"^^ "^'^ ^'Sislres du greffc du jnffo vcinhiei-no '"' ' ' ^ '"''PP'^'^ '^' commissaircs dudcpartement, 10 no-

,• Ji^a^cclcsd,spositions des temqins formant un caliier de 115 pages).

LA SECONDE ETAPE DE LA CONQUfiTE. ' 323

clicLleanx voisins tout leur appartcnait *. - N o n que Ics chateaux voisins soicnta redouler : la plupartsont vides; i;i dans Sainl-Affrique ni aux environs, les liommos de I'ancien regime nc font un par t i ; depuis plusieurs mois,-les pri^lres orthodoxes ct les nobles on I du fuir, et main-tenant les gens ais6s se sauvent. Mais la population est catholique ; beaucoup de boutiquiers, d'artisans ct de lermiers sont m6contcnts, il s'agit de metlre au pas tons ces trainards. — En premier lieu, ordrc aux femmes de loule condition, ouvriercs et servantcs, d'assister a la messe du cure asscrmcnle i sinon elles fcront connais-sancc avcc la Irique. — En second lieu, d6sarmemcnt de lous les suspects: on entrc chcz cux la nuit, de force, a Timprovisto, ct, outre leur fusil, on emportc leurs provi­sions et leur argent. Tel, epicier, qui s'obsline a de-meurer tifede, est visits une secondc fois: sept ou huit liommes, un soir, enfoncent sa porte avec une poulre; lui, refugie sur son toit, n'ose descendre que le Icn-dcmain au petit jour, et Irouve tout vole ou brise dans son magasin -.

En ti'oisieme lieu, « punition des malvcillants » : a neuf heurcs du soir, une escouade beurlc k la porle d'uii cordonnier mal nolo; son apprcnti ouvrc; six tape-dur entrent, et Tun d'eux, montrant un papier, dit au pa,u-vre homme elfare : « Je suisicide la pai't du pouvoir cxc-« cutif, par lequel vous 6tes condamni5 a rcccvoir une « bastonnade.— Pourquoi ? — Si vous n'avez pas fail « de mal, du moins vous en avez pense^ » En elTel, on le batonne sur plane en presence de sa famille, ct quan-lite de gens, enlpoign6s comme lui, sont, comme lui,,

L Deposilions d'Alcxis Bro, vplontairc, cl de Irois aulres. • 2. Deposition de Tons, riiarchand. Apr6s cettc devaslalion, il a elti oblige

d'adresser unGcpelilion au pouvoir .executif pour obtenir la permission de rcslcr dans lavillc.

3. Deposition de Capdenet, cordonnier.

324 L-^ REVOLUTION.

roues dc coups u domicile. — Quant aux frais dc I'opera-lion, c'est aux malveillants a les supporter; pour ccla, ils sont taxes, cliacun selon scs facultes : tel, lanneur outrafiquanten besliaux, payera 36 livrcs; lei autre, cha-pelier, 72 livres; sinon, « on rexeculera Ic jour mcime « k ncuf hcures du soir. » Nul n^est exempt, s'iln'est de la bande. De pauvres vicux qui n'ont rien sont contraints de donner, Icur unique assignat dc 5 livres; cliez la « fcmme d'un travailleur i la terrc » dont tout Ic p6-cule consislc en 7 sous et demi, on prend les 7 sous ct dcml, en disant : « Yoila de quoi boire 3 pintons' . » Au reste, faulc d'argent, on Y)rend en nature ; on fait main basse sur la cave, sur la huclic, sur Tarmoirc, sur la basse-cour; on mange, on boit, on casse, on s'en donnc i coeur joio, non seulemcnt dans la ville, mais dans les villages voisins. Un delachcmcnt vient operer, a Brusque, si vigoureusement, que le mairc ct Ic pro-cureur-syndic sc sauvent a travcrs champs et irosent rcntrcrde deux jours^ A Yersol,clicz Ic cur6 asscrmente, i Lapeyre, chez le vicaire asserment6, lout est saccagc; I'argent est vole, les tonneaux sont vides. Chez le cure de Bouyre, « les meubles, cffets, cabinets ot vitres sont « brises; « on fait ripaille avcc son vin ct son garde-manger, on jette ce qu'on n'a pu consommer, puis on clicrcliele cure et son frere, ci-devant charlreux, en criant qu'il faut « leur coupcr la tele et du reste dc leur corps « fairc de la saucisse ». Quelques-uns, plus avis6s, sc ra-. massent un magot; par exemple un certain Bourguierc cavalier dans la troupe de ligne, s'est empare de la vigne d'une dame, veuve d'un m6decin, aiicien maire^-

1. Deposilions de Marguerite Galzeng, de la fcninie do r,^r,\. i dc Pierre Canac, etc. ^^'' meunieP;

2. Depositions dc Martin, procurcur-syndic dc ia comm d'Aubscl, cure deVersol,dcMartial Aussel, vicaire do i ""^ ^° Brusque.

3. Deposition d'Anne Tourtoulon. Lapeyre, etc.

LA SECOXDE i^TAPE DE LA CONQUETE. 325

il vcndangc ccllc vignc « puDliqucmcnt, en plein jor.r », ii son profit, annoncc a la proprielairc qu'il Tegorgcra, si die se plaint, et, commc probablemcnt elle s'esL plainle, il I'obligc, aunom du pouvoir cxeculif, k lui compter, en dedommagcment, 50 ecus. —Quant au commun dcs as-somnicurs, ils ont pour salairc, outre la ch6rc lie, la li­cence parlaite. Dans ccs maisons cnvahies A onzc hcures du soir, pendant que Ic p^re s'enfuit ou que le mari eric sous le baton, I'un des garnemcnls se ticnt k la porte, le sabre nu dans la main, ct la fcmme ou la fillo rcslc i la discretion dcs aulres; ils la saisisscnt par le cou cl la maintienncnt'. Elle a beau appcler au secours; « per-« Sonne a Saint-Affriquc n'ose plus sortir de nuit »; per-sonne nc vicnt; lelendcmain, le juge de paix n'ose rccevoir la plainte, et son excuse est « qu'il a peur lui-m6mc ». — Aussi bien, le 23 septembre, dcs officiers municipaux ct le greffier, qui faisaient patrouillc, ont 616 presque as-somm6s k coups do bdlon ct de pierrcs; Ic 10 oclobrc, un autre officier municipal a et6 laiss6 pour mort; quinzo jours auparavant, un lieutenant des volontaircs, M. Ma-zitres, « ayant voulu faire son devoir, a etc assassinc « dans son lit par scs proprcs bommcs. » — Naturellc-inent, pcrsonne n'ose plus souffler mot, ct, aprts deux mois do ce regime, il est a presumcr qu'aux clcclions municipales du 21 octobre les electeurs scront docilcs. En loutcas, par precaution, on so dispense de Ics pr6vcnir, scion la loi, buit jours d'avance; par un surcrolt do pre­caution, on Icur fait savoir que, s'ils ne votent pas pour le pouvoir exccutif, ils auront affaire au bdton triangu-lairc-. — En cons6quence, la plupart s'absticnnent: dans

1. Depositions do Jeanne Tuffon, dc Marianne Tcrral, de Marguerite Tiio-maSj de Martin, procureur-syndicde la commune de Brusque, de Virot, de lirassicr, etc. Les details sont trop precis pour ctre Iranscrits.

2. D6posilions dc Moursol, cardcur de laine, dc Louis Grand, adminis-Iralcur du district, etc.

C26 LA REVOLUTION.

une villc qui complc plus de six: cents ciloyens actifs, qua-rantc voix donnenl la majorile; Bourgougnon et Sarrus, les deux chefs du pouvoir cxdculif, sont elus Tun maire. I'aulre procureur-syndic, et desormais I'aulorit^ qu'ils avaient prise par la force Icur est conferee par la loi.

IV

Tel est ^ peu prts le type du gouvcrnemcnt qui surgit, apr^s le 10 aout, dans chaque commune de France : le club rfegne; mais, selon les circonslanccs, la forme et Ics proced6s de sa diclaturc sont diffdrents. — TanlOt il opere directement par la bande executive qu'il conduit ou par la populace ameut6e qu'il lance; tanlot il opfcrc indifcctement par Tassemblee electorate qu'il a fait61ire ou par la municipality qui est sa complice. Si les admi­nistrations sont jacobines, il gouverne a travers elles; si elles sont pas.sives, il gouverne i c6t6 d'cllcs; si cllcs sont refraclaires, il les epure* ou les casse% et, pour les dompter, il va non seulement jusqu'aux coups, mais jusqu'au meurtre' et jusqu'au niassacre*. Entre le mas­sacre et la menace, tous les interm6diaires se rencon-tr.ent, et le sceau r6volulionnaire s'imprime partout avcc des in^galites de relief.

En beaucoup d'endroits, la menace suffit. Dans les contrees oii le temperament est froid ct ou la resistance est nulle, il est inutile d'employer les voies de fait. A quoi bon tuer, par exemple, dans une ville comme Arras,

1. Tar exemple a Limoges, 16 aoiit. — Cf. Louis Guibert, le Parti giron-din dans la Ilaute-Yienne, p. 14.

2. Paris, Ilisloire de Joseph Lebon, I, 60. Rcnouvellemcnt de la muni­cipal ite d'Arras; Joseph Lebon est proclame maire, 16 seplcmbre.

i. Par exemple a Caen et a Carcassonne. 4- I*ar exemple a Toulon.

LA SECOXDE KTAPE BE LA COXQUETE. 327

Oil, Ic jour clu scrmcnt civique, le president dii d6par-lement, Ires prudent millionnaire, parade dans Ics rues, bras dessus, bras dessous, avec la mfere Duchesne qui vend des galeltes dans une cave; ou, le jour des 61cctions, los bourgeois qui volent nomment, par pollronnerle, les candidals du club, sous prdtcxte qu'il faut cnvoyer u Paris « les gueux ct les scclcrals » pour en purger la ville'? Ce serait peine perdue que de frapper sur des gens qui rampent si bien-. La faction se conlenlc de les marquer commc des chiens galeux, de les parqucr, de les Icnir en laisse, de les vc:vcr\ Ellc affiche a la porlc des corps de garde la lisle des habitants qui sout parents d'un emigre; clle fait des visiles domiciliaires; elle dresse a son gre une lisle de suspects, et il sc trouvc que sur cctte lisle elle a inscrit lous les riches. Elle les insulle et les desarmo; elle les interne dans la villc; ellc Icur ddfend d'cn sorlir, raemc i pied; elle leur ordonnc de sc presenter chaquc jour devaiit son coniile de surele publique; elle les condamnc a payer dans les vingt-qualre heurcs loutes leurs contributions de I'annee; elle decachctlc leurs letlres; ellc confisque, rase et vend dans les cimelieres leurs tombeaux de famille. Tout cela est de regie, commc aussi la persecution religiciise, I'irrup-lion dans les sanctuaircs prives oil se dit la messe, les coups de crosse et de poing prodigues a I'officiant, I'obligation pour les parents orlhodoxes de faire bapliser leurs enfants par Ic cure schismalique, rexpulsion des religieuses, la poursuile, remprisonnement, la deporta­tion des prfilrcs insermentes.

1. Un se jour en France, p. 19, 29. 2. lb., p. 38 : uM. de M..., qui a scrvi pendanl trenle ans, a rendu scs

. annes i n n loul jcune gar^on, ct cclui-ci s'cst condiiil cnvcrs luiavecla « plus extreme insolence. »

3. Paris, Ilistoire de Joseph Lebon,\, p. 55 et snivantes. — Albert Babeau Ilisloirc de Troycs, Ij503-515, — Sauzay, 111, cU. i.

328 LA RliiVOLUTlON.

Mais, si la dominalion du club n'cst pas loujours sanglanle, son arbitraire est loujours celui d'un hommc armc, qui, cpaulant son fusil, couchc en joue des pas-sants qu'il vient d'arreter sur la route; ordinaircmciil les passants se mettent c\ genoux, Icndcnt leur bourse, et le coup ne part point. Ncanmoins Ic coup est loujours pr6t a partir, ct, pour en etre siir, il n'y a qu'a rcgardcr la main crispee qui tient la gacbette. Rappclons-nous celte population de malandrins qui puUulait sous I'ancicn r6gimG', le double cordon de contrebandicrs, faux sau-nicrs el rcccleurs, qui cnserrait les douze cents lieucs de douancs int6ricures, les braconnicrs qui foisonnaienl dans les qualrc cents lieues de capitaincries gard6cs, les d6serteurs, si nombreux, qu'en hull ans on en complait soixante mille, les mendiants dont rcgorgeaient les mai-sons do force, les milliers de brigands et de vagabonds qui infestaicnt les grands chcmins : c'est tout cc gibier de marecbaussee que la revolution a Kicbe et armc; ii son tour, le gibier est devcnu Ic cliasscur. Pendant trois ans, les r6dcurs aux bras forts ont fourni le noyau dcs jacqueries locales; a present ils forment le personnel do la jacquerie universelle. A Nimes% le pouvoir executif a pour clicf « un mailre a danscr ». Les deux principaux demagogues de Toulouse sont un cordonnier et un acteur qui au tbeaire joue les valets^ A Toulon*, le club plus absoiu qu'aucun despote asiatiquc se recrule parmi les indigents, les matelots, les ouvricrs du port, les soldats, « les forains sans aveu, » et son pr6sidcnt, Sylvestre, cx-pcdi6 de Paris, est un forcene du plus bas etage. A Reims ,

1. VAncien mgime, 499, 512, 513. 2. Arcliivcs nalionales, F' 3217. Leltre dc Castanet, ancien {rendarme

21 aoul n92. 3. Ib.,V\ 3219. Lcllre de M. Alqiiicr au premier consul, 18 nluviOsc.

anVlH. • I '

4. Lauvergne, IHsloiredu Var, p. 104. &• Morlimcr-Tcrnaux, III, 325, 327.

LA SECOXDE KTAPE DE LA COXQUETE. 329

Ic grand menciir est uii prelre defroque, mari d 'unerc-ligicusc, assisle d'un boulanger qui jadis, ancien soldat, a failli 6lrc pcndii. Ailleurs', c'est iin descrlcur, tra-duit dcvant les Iribunaux pour vol, ici un cuisinier ou un aubergisle, li-bas un ci-devant laquais. Lyon a pour oracle un ex-commis-voyageur, emule dc i\Iarat, Chalier, dont le dclire meurlrier so compliquc dc myslicisme maladifj les acolytes de Chtilier sont un barbier, un poiTuquicr, un marcliand fripicr, un fabricant de mou-tarde ct de vinaigre, un appreteur de draps, un ouvrier en soic, un ouvrier en gaze, el Ic moment vient oil Taulo-rile tombe plus basencore, aux mains « des femmcs dela « lie, des coquincs », qui, aideespar « des souteneurs en « petit nombrc", nomment« descommissaircs femcUes «, taxent les denrees, ct, pendant trois jours, pillcnt les magasins-. Avignon a pour mailres les bandits dc la Glaciere. Aries subit le joug de ses mariniers et de ses portefai\.3IarseilIc apparlient a « unc bande de scelerals, « vomis des maisons de debauche, qui ne rcconnais-« sent ni lois ni magistrals et dominent la villc par la « te r reur^»_Rien d'etonnant si de lels hommes,investis d'un tel pouvoir, en uscnt conformement i leur nature,

L Arcliives nalionales, F', 3'27L Letlre du niinislrc do la jiislicc, avcc li'oces-verbaux de la nuinicipalile de Rabastens : a Le juge de paix dc Ra-•' hastens a ole insiille dans sa niaison:on lui a cnievo la procedure coni-• mcnccc contre le clicf d'unc municipalUe, ancien soldat ddscrteur, tra-" duit dcvant les Iribunaux pour vol; on a menace lo jugc de paix de le " poignarder, s'il la recommensait. De nombrcux allroupcmcnts de gens - sans aveu parcourent les campagnes, pillant ct ranconnanl les proprietai-« res... Le peuple a elc cgarc par un officicr municipal, un cure conslitu-« lionnel et un frcre du sicur Tournal, I'un des auleurs des maux qui ont « desole le Comtat » (5 mars 1792).-

2. Guillon de Montleon, I, 81, 109, 139, 155, 158, 46i — lb., p. 441, details Eur Cbaiier, par son camarade Cliassagnon. — Archives nalionales, F', 3t>:)5. Leltre de Laussel, 22 scplembrc 1792.

3. Rarharoux, Mcmoircs, 85. Rarbaroux est temoin oculaire, car il vient de revenir a Marseille et va prcsider i'assemblcc eloctoralc des Bouches-du-Rhonc.

;30 L:V HKVOLliTlON.

et si riiilcrrcgiie, qui est Icur rcgne, clciid sur la France un cerclc de devaslalions, de vols ct d'assassinals.

V

Ordinaircmont la bandc sedentaire dcs clubistesapour auxiliaire line bandc ambulanle de la memo espece; je veux parlor des volontaires, plus rcdoulablcs ct plus malfalsanls; car ils niarchent en corps et sont amies*. Comme leurs confreres civils, nombre d'entre eux sont des va-nu-pieds de la villc ct do la campagne; la plu-part, ne sachant comment subsistcr, ont ete all^ches par la soldo de 15 sous par jour; c'cst le manque d'ou-vrage et de pain qui les a faits soldats^. D'ailleurs. chaque commune ayant 6t6 chargde de fournir son con­tingent, « on a ramasse dans les villes ce qu'on a Irouve, « les mauvais sujets au coin des ruo„s, les gens sans aveu, « et, dans les campagnes, tous les malheureux, tous les « vagabonds : on a presque tout fait marcher par Ic « sort ou par argent, » et probablement les administra­tions, « par ce moyen, ont entendu purger la France'. » Aux malheureux « achcLcs par les communes « ajoutcz les gens du m6me acabit que les riches ont payes pour remplaccr leurs fils' On a puisc ainsi a la pelle et au

1. C. Rousset, les Voloniaires. etc., p. 67. — Dans son rapport du 27 ' • 1792, Aubert Dubayet cvalue le nombre dcs voloniaires a 84,000,

2. G. Roussct, ib., 101. Lettre deKellorniann, 23 aout 1792 — ih-, o -en France, 27, 28. — Sur la misere generale, les texles sont innonibral I Cf. la Revolution, I, 347 et suivantcs. — Archives nationales p -lo^f' Lethe d'un iiabltant do Nogent-le-Rolrou (Euro). « Sur 8000 haL"l ' ' ' " moilid au moins a bcsoia de secours, et les deux tiers de '^'}^^> '^i « dans la plus affrcuse ndcessileet ont i peine de lamilln ' ' "' -ci soul (3 dccembre 1792). P""** e reposcr»

3. C. Roussct, (6., 106. Lcltie du general Ripon 90 226. Lcllrede Vczu, chef de balaillon, 24 juJUct I793 ^°"^ ^'^^" ~ ^^'

4. C. Roussct, ib., 144. Lettre d'un admini.i,.., ' ", ^ '^^cur du district de Mou-

LA SI-XOXDE KTAPE DE LA CO.NQUETE. 331

rabais dans Ic fuuiicr social, parmi Ics h6tcs naUirois et predesLines des maisonsdc force, des depots dc mendicile el des,li6pitaiix, sans s'inquieter de la qualite, m6mc physi­que : « infirmcs, imbeciles, borgnes, boileux, » conlrefails oil avari6s, « les uns Irop dges, les aiilres trop jeunes cL « Irop faibles pour soutcnir les fatigues de la guerre, « d'autres si petils, que leurs fusils leur passcnt la tele « d'un pied, » quanlil6 d'enfanls de seize ans, de qua-lorze ans, de treize ans, bref le voyou des grandes cites, lei que nous le voyons encore aujourd'hui, rabougri ol malingre, naturellcment insolent et insurge*. Arrives a la frontiere, il s'en trouve « un tiers incapable de ser-« vice- :>. Mais, avant d'arriver sur la frontiere, ils Ira-

lins au gdneial Cuslincs, 27 Janvier 1793. — Un scjowcn France, p. 27 : « Jc siiis fach(5c de voir que la phiparl des volontaircs qui vont rejoindrc « rarnioe sont des vieillards ou de tres jeunes garijons. » — C. Ronssct, ib.^ 74, 226,1C8. Letlro dc Ciron, 7 novemlirc 1792. — 105. 76., Leltre du com-mandanl de Forl-Louis, 17 aoiit. — 127 lb.. Lellre du capitainc Molme. Un liers du 2= balaiilon de la Ilaule-Saone est compose d'enfanls de 13 ii 14 ans.

\.iMonilcur,\lU, 742 (21 scplcmbro). Lc niar6clial Liickncr cl scs aides de camp manquent d'cHre lues par Ics volonlaires parisicns. — Archives nalionalcs; \',\], 16 703. Lellre dc Lal)arri6rc, aide de camp du general Flei's, An vers, 19 mars 1793, sur la deserlion en masse des gendarmes de rarniec de Dumouricz, qui revicnncnl a Paris.

2. Cf. I'Anncc ct la garde naiionale^ par le baron Poisson, III, 475: » Lorsque les hostililes furcnt dcclarees (avril 1792), le contingent volonlairc • ful lixe a 200 000 liommes. Celte seconde Icnlalivc n'amcna que des « levees confuses et desordonnees. Le peu de consislance des troupes " volonlaires rendit impossible dc continucr la guerre en Rclgique ct « permit a l'6lranger de francbir la rronli<>ro. » — Gouvcrneur Morris, si bien inform^, ccrit deja le 27 dtScembrc 1791 : .. Les gardes nalionaux « qui so sont cnrOIcs comme volonlaires sont, en bcaucoup de cas, cetlc «•• (vccroissance malsaine qui se developpe dans la population surabondanle « des grandes cites,... sans force physique pour supporter les fatigues de '• la guerre,... avec tons les vices et tonics les maladies qui peuvent lairc .. d'eux lc flcau de leurs amis el la risde de leurs ennemis,» —P.uchez et Roux, XXVI, 177. Plan des adminislraleurs dc Pllerault presenle ^ la Convention, le 27 avril 1793 : « On ne doit pas dissimuler quelle est la u composition du recrutement. La plupart des hommes qui le ferment ne « sont pas des volonlaires, ne sont pas des citoyens de loules les classes « de la socicle qui, ayant subi le sort ou lc scrulin, so soicnt decides

LA SECOXDE ETAPE DE LA COXQLJETE. 333

« il n'en fait pas plus dc cas qii'on n'cn fait oi'tlmaire-« mcnl dc sa creaLurej » loin d'etre obcis, ils ne sont pas„mcme consideres, « cl cela vient dc cc qu'il a choisi « dans scs analogies, sans 6gard aux lalcnls mililaires ni « a la superiorite de la region morale*. 3> Par un cffet na-lurel dc Felection, Ics grades ont etc conferes aux brail-lards et aux demagogues. « Les intrigants, les grands « parlcurs et surlouL les grands buveurs Font emporle « surlcs gens capables-. » De plus, pour gardcr sa po-pulariLo, le nouvel officicr va boire au cabaret avcc scs hommcs^ ct il est tcnu dc sc monlrcr plus jacobin qu'eux-memcs; d'oii il suit que, non contcnl de tolercr leurs cxces, il les provoquc. — C'cst pourquoi, d6s Ic moisdc mars 1792, et plus tot encore \ on voit les volon-

1. C. Rousset, les Volonlaires, d c , 189. Lctlre an ministrc de la guerre, dalec dc Dunkcrque, 29 avril 1793. — Archives nalionales, BlJ, 16 703. (jarde nalionalc parisicnnc, elal-niajor gcn6ral, ordro du jour, lellre du citoyen F(5rat, commandant d'Ostende, au minislrc de la guerre, 19 mars I793 : « Dcpuis que les gendarmes sonl avec nous ii Oslendc, il n'y a que « bruit journollement; ils altaqucnt les officiers ct volonlaires, se per-« mctlent de Icur arraclicr les epaulettes, ne parlent que de coupcr, de <• haclicr, ct disent qiCils ?ie connaisscnl aucim supericur, qiCils sont d « rdgalilc, et qu'ils vculent agir a leur fanlaisie. Tous ceux a qui je donne " des ordrcs pour les fairc arreler sont menaces ct poursuivis a coups de « sabre ct le pistolct a la main. «

2. C. Uoussct, ib.^ 20. Lcttrc du general \Yimpren, 30 decemhrc 1791. — Souvenirs du general Pclleporl, p. 7 ct 8.

3. C. Rousset, ib., 45. Rapport du general Wimpfcn, 20 Janvier 1792. — ^''. ,103. Lcttrc du general Biron, 23 aoiJt 1792.

4. C. Rousset ib., 47, 48. —.\rc!iives nationalcs, F^, 3249. Proces-verbnI lie la municipalite dc Sainl-Maxencc, 21 Janvier 1792. — F', 3275. Proc6s-verbal de la municipalite de Cliaiellerault, 27 decembre 1791. — F', 3283 et 328G. Leltrcs du direcloire du departement de I'Aisnc, 9 ct 10 mars 1792. — F', 3213. Lcttrc de Servan, minislrc de la guerre a Roland, 12juin 1792: « Jc reoois, ainsi que vous el M. le ministrc de la justice, des plainles u tris fruquenlcs conlrc les volonlaires nalionaux. lis sc ]iortent journelle-a mcnl a des cxces lr6s reprdhcnsibles dans les lieux oil ils sont cantonncs " ou par oil ils passcnt pour sc rendrc a leur destination. » — lb. LcUrc dc Duranlhon, minislrc de la justice, 5 mai : « Ces fails se reptjlent, avec . des circonslances plus ou moins aggravanles, dans tous les deparlemcnls. »

332 LA RJ^YOLUTION.

vaillcnt sur Iciir chcmin en vrais « pirates ». — Plus validcs dc corps ctplus honnclcsdc coeur, lesaulrcs, sous la discipline du danger conlinii, deviendront au bouL d'un an de bons soldals. Mais, en aUcndanl, Ic de-gat qu'ils font n'est pas moindre; car, s'ils sent moins voleurs, ils sont plus fanatiques. Ricn de si dclicat que rinslitution mililaire : par cela scul qu'il a la force, riiomme est toujours tcnte d'abuser dc la force; pour (lu'un corps franc resle inoffcnsif au milieu dc la popu­lation civile, il faut qu'il soit retenu par les freins les plus forts, ct tous les freins, interieurs ou exterieurs, nianqucntaux volontaircs dc 1792'.

Artisans, paysans, petits bourgeois, jcuncs gens en-lliousiastes et enflammes par la doctrine regnante, ils sont encore plus jacobins que palriotes. Le dogme de la souverainete du peuple, comme un vin fumeux, a enivre leur cerveau novice; ils sc sont persuades « que I'hon-« neur d'etre destines a combaltrc les ennemis dc la repu-« blique les aulorisc a tout exigcr et a tout oscr-». Le moindre d'enlre eux sc croit au-dcssus dcs lois, « comme jadis un Conde' >, et devicnt un roi au petil picd, institue par lui-meme, un autocrate justicier et redresseur de torts, appui des patriotes et fleau des aris-tocrates, qui dispose des biens et des vies et, sans for-malitesni delais, se cbarge, dans les villes qu'il traverse, d'achever la revolution sur place. — Ce ne sont pas ses officiers qui I'cn empecheront. « Creatcur dc ses cbefs,

• volonliers h allcr dcfcndre la republique. La plupavt des rccnics sont ". dZnn'^^'^^ ^'^ '''^"^P^accmcnt, qui, par Vappul d'un salairc consi-

<i^^rable, sc sont determines a quillcr leurs foyers. -''" AirhTv^^'^' V' ^''^^"' '^" di'-cctoirc de la Somme, 26 fcviicr 1792.

co^m^n I n ' ' " ' " ' ' ' ^ ' ' ' ~ " ^ - ^'^''•^'^'ralion du conscil general de la C i visions 1 ' ' ' \"''''''' '''''^ (^I^™P°« ^'^ violences cxcrcces par 8 oclobre;. Sendarn.crie parisienne pendant leur passage, les 6, 7 ot

3. Moore, I, 338 (8 scplcmbre 1792).

334 LA REVOLUTION.

laires se comporlcr en France commc en un pays con-quis. Tantot ils opereiiL dcs visiles domiciliaires el casscnl loulcUez le parliculicr visile; lantot ils fonl rcbapl.iscr des cnrants par Ic cur6 conformisle et lircni sur Ic perc orthodoxe. Ici, dc leiir proprc chef, ils foul des arrcsta-lions; la-bas, ils se joigncnt aiix seditieiix qui relienncnl^ des baleaux de grains. Ailleurs, ils conlraignenL la mu-nicipalilei taxcr le pain; plus loin, ils brulent ou sacca-genl dcs chdlcaux, et, si le maire Icur roprcscnlc que le chalcau apparlicnt mainlcnant, non a un emigre, mais a la naliou, ils lui rcpondcnl « par dcs poussces » en le menacant dc lui coupcr Ic cou ' . — Aux approclies du . 10 aodt, le fanl6mc d'aulorile, qui parfois Icur iniposall encorC; s'evanouit loul a fait, et « il nc Icur en coulc rien « dcinassacrcr 5) qui Icur deplait-. Exaspcrcs par Ics pe-

L Arcliives nationales, F', 3193. Proces-verbal dcs commissaircs du de-[larlcmcnl de rAveyroii, 4 avril 1792 : " Parmi Ics pillards el Ics inccndiaires u dcs cliatcaii.v dc I'rivesac, Vaurcilles, Pc^cliiiis ctaiiti'cs maisons mcnacccs, " i! y avail nomijrc de recruesqui avaicnl deja pris la route de Rode/, pour •• se rendre a leurs rcgiinenls rcipcctifs. » Du clialcau do Privcsac, il ne reslc qu'un tas de ruines; Ics niaisons du village " sonl gorg6cs d'elTcts « pilies n, et lesliabilnnls se sont parlagcs Ics besliaux du propriolaire. — Comic de".Scilhac/.S'ccjics cl portrails de la Revolution dans Ic bag Limousini p/-305: Pillage dcs chateaux de Sainl-Jcal cl de Scilliac, le n aviil 1792, par Ic 3° balaillon dc la Corrczc, comniaiulo par Ccllcgarde, ancicn domesliqnc du clialcau.

2. Arcliives nalionalcs, F-', 3270. Dclibcraliondu conseil general dc la com-nninc de Roye,. 8 oclobre 1792 (passage de deux divisions de gendarmerie I arisienncs): « Lcs Iiabilanls cl les officiers municipaux onl clc successive-•• menl le jouel de leur insolence el de leur brutalilc, conlinuellemcnl « menaces, en cas de refus, de se voir coupcr la l«ile, et voyanl Icsdils • gendarmes, nolaninienl Ics canonniers, toujours nicnacanls el le sabre « nu a la main. Lc ciloven mairc surloul a cle exccde par Icsdils canon-« niers,... le faisant danscr sur la place d'Armes, oil ils se sonl |)Ortcs avec " des violons el oii ils sonl reslcs jusqu'a minuit, en le pre.«sant ct le <• poussanl rudemcnl dans leurs rangs, en le Irailanl d'arislocralc, en le <• faisant affublcr du bonnet rouge, en le mcnaganl continuellement dc •• lui couper la tele a lui e ta tous les arislocratcs dc la ville, menace qu'ils « jjiraicntd'excculerpour le Icndemain, declarant ouvcrlcmenl, nolanimenl

eux ou Irois d'cnlrc eux, qu'ils claieut de ceux qui avaienl niassacn-

LA SL;C0X1)E L T A P E 1)E LA C O N Q U E T E . 335

rils qu'ils vont courir i la fronliere, ils commcnceiit la guerre des riiilericur; par provision el precaiilion, ils c\'p6dient en passani, Ics arislocrates probables, el, conlro

.iesofficicr.s, les nobles, les prclres qu'ils renconlrcnl sur Icur rouLc, ils font pis que leurs allies du club. Car, d'une pari, etant de passage, ils sonL encore plus surs dc I'im-IMinile que les meurtriers scdenlaires ; hull jours aprcis, pcrdusdans I'armee, on n'ira pas les reclierclier aucamp ; ils pcuvenl luer avec securile complete. El d'aulre pari, clrangers, nouveaux venus, incapablcs dc fairc, commc les gens du pays, acception des personncs, sur un nom, uncoslume, une qualificalion, un bruit de cafe, une ap-parcnce, si inoffcnsif et venerable que soil I'liomme, ils le luenl, non parce qu'ils le connaissenl, mais parce qu'ils ne le connaissenl pas.

VI

Enlrons'dans le. cabinet dc Roland, niinislre de rintc-rieur, quiuze jours aprfes rouverlure de la Convention, el supposons qu'un soir il ail voulu contempler;dans le raccourcid'un tableau, I'etaldu pays (lu'il adnijnislre.Scs conimis ont depos6 sur sa table la correspondance des (lix deriiieres semaines, rang6e par ordre; en marge, il rclrouvc Tabregc de ses propres reponses; sous ses yeux est une carte de France, et, parlant du Midi, il suit du doigt la grande route ordinaire. A cliaque elape, il feuil-lettc le dossier correspondanl, et, negligcant d'innombra-Ijles violences, il rcleve sculemenl les grands exploits revolutionnaires ^ Mme Roland, j'imagine, Iravaillc avcc

• Ics prisonnicrs de Paris a la journec du 2 scptembrc, el qu'il ne Icur . en coulait rien de uiassacrci". »

L Des resumes, par ordre de dales ou par ordre de lieux. ct seniblablcs acelui qu'on va lire, se rencontrent parfois avec les dossiers. Je n'ai f- "i ici que la bcsogne du commis ordinaire, en me conformant aux huliiuidcs mctliodiqucs dc Roland.

336 LA REVOLUTION.

lui, et les deux cpoux, seuls sous lalampc, rcnechisseiit en Yoyant a Tocuvrc la bele feroce qu'ils out Idchee en pro­vince commc a Paris.

I lis jeltent d'abord les yeux vers I'extremil^ meridionalc de la France. La', sur le canal des Deux-Mers, i Carcas­sonne, la populace a saisi trois bateaux de grains, exigc des vivres, puis une diminution sur leprix du ble, puis Ics fusils cL canons de I'entrcpOt, puis les I6les des admi-nistrateurs : I'inspecteur general des roles a ete bless6 a coups de bache, et le procureur-syndic du departemenl, M. Yerdier, massacre. — Le ministre suit du regard la route de Carcassonne i Bordeaux et, k droite comme a gaucbe, il trouve des traces,de sang. A Castrcs% le bruil s'6tant repandu qu'un marcband de ble cbcrcbait a fairc bausser le prix des grains, un attroupement s'est forme,, et, pour sauver le marcband, on fa mis au corps de garde; mais les volontaires ont forc6 la garde et jele Fbomme par une fcniitrc du premier 6lage; puis lis I'ont acbeve « a coups do b;Uon et de poids », traine dans les rues el iance dans la riviere. — La veille,a Clairac\ M. Lartiguc-Langa, pretre insermente, poursuivi dans les rues par une Iroupe d'bommcsetde fcmmcsqui voulaicnt le depouiller (Ic sa soutane et le promcncr sur un ane, s'est refugic ;\ grand'pcinc dans sa maison de campagne; mais on est alle I'y reprendre, on I'a ramene sur la place de la Pro­menade et on I'a tue. Quelques braves gens qui s'inler-posaient ont ete taxes « d'incivisme » et cbarg6s de coups. Point do r6pression possible; le departemenl mande au ministre « qu'en ce moment il serait impolitique de pour « suivrc raffaire «. Roland sait cela par experience, ct

; 1. 17 aoilt 1192 {Momteur, XIII, 383. Rapport de M. Emmery). 2. Archives nalionales, F', 3271. Lellre des admiiiislralcurs du Tarn,

21juillet. 3 Ib.,V>, 3234. Rapport des ofncicrs municipaux do Clairac, 20iuillet. —

i.ellre .lu procureur-syndic dc Lot-ct-Garonne, 16 seplembre.

LA SECONDE KTAPE DE LA CONQUlwr:. 337

Ics Icllrcs qiril a dans les mains lui monlrcnt que, la-bas commca Paris, Ic mcurlrc cngenJre Ic meuiire : un gcii-iilhoinmc, M. d'Alespcc, vicnl d'clrc assassin6 a Ncrac. « Tous Ics ciLoyens un pcu marquanls lui onL fait un rem-<•< par tdc leurs corps; » mais la canaille a prevalu, eL les meurlriers, « par leur obscurile, » echappent aux rqclier-•ches. —LedoigLdu minislre s'arrele sur Bordeaux : la • les fcLcs dc la Fedoralion onl 6Le signal6es par un triple assassinate Pour laisser passer cc moment dangcrcux, M. de Langoirac, vicairc general de rarcheveclie, s'etait retire a une demi-lieuc, dans le village de Cauderan, chez un prelre ocLog6naire qui, comme lui, nc s'etait jamais mele des affaires publiqucs. Le 15 juillet, les gardes na-Ijonaux du village, 6chauffes par les declamations de la veille, sont venus les prendre tous deux a domicile, et avec eux, par surcroit, un troisifeme prfitrc du voisinage. Nul pretexte contre eux; ni les officiers municipauxni lejugc de paix, devant lesquels on les conduit, ne peuvent s'em-pficher dc les d6clarer innocents. En dernier ressort, on les conduit i Bordeaux devant le directoire du d6partemenl. Mais le jour baisse, et la cohue ameulee manque de pa­tience; elle se jette sur eux. L'octog6naire«TeQoit lant de « coups, qu'il est impossible qu'ilen revienne»; rabb6du Puy est assomme ettratnepar une corde qu'on lui attache au pied;la t6te de M. de Langoirac est coup6e, on la pro-ni^ne sur une pique, on la porte chez lui, on la presenle a sa servante en lui disant « que son mailre ne viendra « pas souper ». La passion des trois prctres a dure de cinq heures du matin a sept hcuresdu soir, et la municipalite etait prevcnue; mais elle ne pouvait sc deranger pour Ics sccourir; scs occupations etaient trop graves : elle plan-lait un arbre dc la LiberL6.

Route de Bordeaux d Caen. — Le doigt du minislro

1, Akvcui'c de France^ n" du 28 juillet. Leltrcs dc Cordeaux.

LA HtVOLUTION. H _ 2 2

338 , LA REVOLUTION'.

rcmonle vers le nord, et rencontre Limoges. Li le Icn-dcmain de la Federation a etecel6bre commc a Bordeaux*. IJn priHrc insermcntc, I'abbc Cliabrol^ assailli par line Ijande d'hommes.et do femmes, a d'abord etc mcn6 an corps de garde, puis dans la maison du juge de paix; on a decern^ conlro lui, pour son salut, un mandat d'arret ct on Ta fait gardcr a vue par quatre chasseurs dans une chambre. Mais rien de tout cela n'a suffi a la populace. Vainement Ics officicrs municipaux Font suppliee; vainc-ment les gendarmes se sont mis entre elle et le prisonnier; elle les a bouscul6s ct disperses. Gepcndant les vilres de -lamaison volaicnt en eclats sous lespoicrres, et la porte s'ebranlait sous les coups de hacbe; une trentaine de for-cenes ont cscalad6 les fenctrcs et descendu le prctrc comme un paquel. A cent pas de l i , « exccd6 de coups « dc baton et d'autres instruments, » il a rendu le der­nier soupir, la tete « ecrasce » dc vingt coups mortcls. — Plus baut, vers Orleans, Roland lit dans Ic dossier du Loiret les depeches suivantes^ : « L'anarchic est a son « comble, ecritun district au dircctoire du departemcnt; « Ton ne connaitplus d'autorites; les administrations de « district et les municipalites sont avilies et sans force « pour se faire respecter... On no menace plus que de « tuer, qued'ecraser lesmaisons, les livrcr au pillage; on « projetle d'abatlre tous les chateaux. Deji la municipa-« lite d'Acheros, avec bcaucoup d'habilanls, s'est trans-« porlee a Oison et a Ghaussy ou Ton a tout cass.6, brise, « emporte. Le 16 septcmbre, six particuliers amies sont « alios chez M. de Vaudeuil et se sont fait remeltre une « somme de 300 livres pour amendes qu'ils ont protendu « avoir ci-devant payees. Nous avons 6t6 avertis qu'oa

.1. Archives nalionales, F', 3275. Leltie des administrateurs de la llaute-Vienne, 28 juillct (avec proces-verbaux),

2. Archives nationales, F', 3223. Lettre du direcloire du district do ^euvlUe aux admini.tratcurs du deparlomcnf, IS septcmbre.

. LA SKCONDE KTAPE DE LA COXQUETE. 339

« doit allcii' aujourd'hui pour le memo objct chez M. Dede-'•Icy, a Achei'cs. M. de Lory est menace de la m6me " cliose... Enfin,.lous ccs gciis-la disent qu'ilsne veulent •' plus aucuncs administrations ni tribunaux, qu'ils ont ' la lol ct la feront execuler. Dans rcxlremile oii nous

« nous sommcs trouves, nous avons pris le seal parli ' convcnable, cclui dcsoudrir en silence toules les avanies t donl nous avons 6t6robjet. Nous n'avons pas cu recours « a vous; car nous avons senLi combieii vous 6liez vous-« memcs embarrasses. » — ElTectivement, au chef-lieu, la mcillcure partic de la garde nationale ayant ete desar-mee, il n'y a plus de forces conlre Femeutc. Par suite, h la meme daie^, la populace, grossie par I'afflux des « etrangcrs » et nomades ordinaires, pcnd un commis-saire en grains, plante sa lete au bout d'une pique, tralne son cadavre dans les rues, saccage cinq maisons et brule les mcubles d'un officier municipal devant sa propre porte. La-dessus, la municipalite obeissante relaclie les cmeulicrs arret(^s et baisse d'un sixifeme le prix du pain. — Au-dessus de la Loire, les depechcs de I'Orne et du Calvados achevent le tableau. « Notre district, » 6crit un lieutenant do gendarmerie-, « est en proie k lous les « brigandages... Une trentaine de gueux viennent de sac-" eager le chateau de Dompierre. A chaque instant, il « nous surv'ient des requisitions » auxquelles nous ne pouvons satisfaire, « parce que de toutcs parts ce n'cst « qu'une reclamation g6n6rale. » Les details sont sin-gulicrs, et ici, tout habitu6 que soit le ministrc aux mefaits populaires, il ne pcut s'empccher de noler une

1. Archives nalionales, F', 3223. Rapport des adminish-aleurs du depar-Icmcnl el du conscil general de la commune d'Orlcans, 16 cl 17 seplcmbrc. (Le dcsarmement avail el(5 exdcule en verlu des decrels du 26 aoul cl du 2 septembre.)

2. lb., ¥'', 3249. Leltre du lieutenant de gendarmerie de Domfronl, 23 sep­tembre (avec le proccs-verbal du 19 septembre).

340 LA REVOLUTION.

cxtorsion d'un genre nouvcau. « Les habitants des villa-« ges^ s'attroupent, se rcndent aux difTerents chateaux, « s'emparcht des fenimes et des enfants des proprictaires u et les retiennent commc cautions des promcsses qu'ils « forcent ccs derniers a signer du remboursement, non « sculenicntdes droits feodaux, mais encore desfrais aux-« quels ces droits peuvcnt avoir donne lieu, » d'abord sous le proprietaire actuel, ensuite sous ses predccesseurs; ccpcndant ils s'installent chez lui, se font payer des vaca­tions, devastentses bdtiments ouvcndentses meubles'. — Toutccla avecraccompagnementdesmeurtres ordinaires. Unc Icttre du directoire de I'Orne annonce au minislrc^ « qu'un ci-devant noble a 6te homicide dans Ic canton de « Sep, un ex-cure dans la ville de BcllGmc, un pr6lre inser-« mentddans le canton dcPutanges, un ex-capucin.sur Ic « terrlloire d'AIencon ». Le meme jour, h Caen, le procu-reur-syndic du Calvados, M. Bayeux, homme du premier m6rite, emprisonne par les Jacobins du lieu, vient d'etre tu6 dans la rue a coups de fusil et de baionnette, au moment oiiund6cretde I'AssjBmblee nationaleproclamait son innocence et ordonnait son elargissement^

Route de I'Est. — A Rouen, devant l'h6tel de ville, la garde nationalc, lapldce pendant plus d'une heurc, a fini par tirer et tucr qualrc hommes; de toutes parts dans le ddpartement, il y a des violences k propos des grains; le ble est taxe ou emporte de force*; mais Roland

L Archives nationales, F ' , 3249. Brouillon de lellre de Roland, 4 oclobre et divers autrcs. — Lcttrc des officiers municipaux de Ray, 24 septembre — LcUre de M. Desdouils, propiielaire, 30 seplembrc. — Lctlre du conseil permanent de I'Aigle, 1" oclobre, etc.

2. lb. Lellre des adminislraleurs deTOrne, 7 soptcmbro 3. Mortimer-Tcrnaux, III, 337 (6 septembre). 4. Archives nalionales, F', 3265. Lcttrc du lieutenant con/.r i j

merie, 30 aoilt. - Proces-vcrbal de la municipalilo de Rn Sendar-rectiou du 29 aout. — Lellre des administrateurs du 1 • "* " ^"'" '''"^"'•" Icnibre. — Lellre de David, cultivateur et admJnist "'^P^'"''^"^'^"^ IS sep-11 oclobre. — Lellre des adaiinislrateurs dn ,) • "" ^" dcpartement

^•-Tarlcment, 13 octobre, etc.

LA SKCOKDE LTAPE DE LA CO>;QULTE.- 341

est Icnu do se restreindrc, il ne pcut iiotcr que Ics. cmeutes poliliqiies. Encore esL-il oblige d'aller viLe;' car, sur tout ce x^arcours, Ics meiuii'cs- foisoniient : cntre rcfTervcscence dc la capilalc ct rclTcrvcscencc dc rarmee' , cliacun. dcs deparlcmcnls qui avoisinent Paris, ou qui bordcnt la fronlicrc fournit son contingent d'assassinals. II y en a il Gisors dans TEure, i (IlhanLilly ct h Clermont dans I'Oisc, h Saint-Amand dans Ic Pas-dc-Calais, a Cambrai dans leKord, a Relhcl et a Char-levillc dans les Ardennes, a Reims et i\ Chalons dans la Marne, d Troyes dans I'Aubc, a >Ioaux dans Scinc-et-Marnc, a Yersaillcs dans Scinc-ct-Oise ••. —Roland, j'imaginc, n'ouvre pas cc dernier dossier, el pour cause : il salt Irop bien comment onl peri M. dc Brissac, M. Delessart et les soixante-trois autr.cs prlsonnicrs massacres ii Versailles; c'est lui qui a commissionnc de sa main Fournier, Eassassin en clicf: en ce moment meme, il est oblig6 de correspondre avcc ce drule, dc lui delivrer dcs cerlificats « de zele et de patriolisme », dc lui allouer, en sus dcscs -vols, 30 000 livrcs pour les frais de roperation' . — Mais, parmi les an Ires depeclics, 'il en est qu i l nc pcut se dispenser de par-courir, s'il veut savoir 5, quoi se- reduit son auioril6,

1. Albert Ilabeau, Leltres d'an dcpule de la municipaJilc dc Troyes a Varmile dc Dumonriez, p. 8. Saiiile-McnelioulJ, 7 seplcmbrc 1792 : « Nos « Iroiipcs I)rulcnl dc se mesurcr avec I'enncnu. Le massacre qii'on aniionce • avoir ct6 fail a Pari-s ns les dccoiirage pas; an contraire, lis sont char-« mcs qu'on se dcbarrasse dans rinlcrieur dcs" pcrsontics suspcclcs. »

2. Moore, I, 338 (4 scptcmbre). A Clernionl, ineiirlrc d'un marcliand de poisson, tue pour gros mots par dcs volonlaires brctons. — lb., 401 (7 scp­tcmbre), mcurtre du fils du maiire dc poslc a ?aint-Aman.l, sojipronnc d'inlelligorice avcc rc'nncmi. —Archives nalioiialcs, F', 3'249. LeUrc dcs adminislratcnrs du district de Senlis, 31 oclobrc. (Le 15 aout, aChnntilly, assassinatde M. Pigeaii an milieu dcdouze cents pcrsonncs.) — C. Ronsset, les Volontaires, 84. (Le2I scptcmbre, u Cbalons-sur-JIarnc, assassinat du lieutcnant-colonellmonnier.) —Mortinicr-Tcrnaux, IV, 172. (.Mcurtre de qiia-tre dcserteurs prussiens a Rethel, le 5 oclabrC; par Icsvolonlaircsparisicns.'i

3. Morlimcr-Ternaux III, 378. 594 et suivantcs.

342 LA REVOLUTION.

en quel mepris est lombcc loule autorite, comment la plfebe civile ou militairc excrcc son empire, avcc quelle promptitude elle tranche les vies les plus illustres et Ics plus utiles, nolamment celles des hommes qui ont com-mande ou qui commandonl, el le minislrc so dit peut-ctre que son tour vicndra.

Philanthrope dbs sa jeunesse, liberal d6s son entr6e a la Constiluante, president 61u du d6partcmcnt de Paris, I'un des palriotes les plus perseveranls, les plus g6ne-reux et les plus rcspectes de la premiere et dc la dcrni6re lieure, qui meritait. mieux d'etre 6pargne que M. dc la Rochefoucauld? Arrele a Gisors par ordre dc la Commune de Paris, il sortait de I'aubcrge, i pied, condvilt par le commissairc parisien, enlour6 du conseil municipal, escorte par douze gendarmes et par cent gardes natio-naux; dcrrierc lui sa mere, agec de qualre-vingts ans, sa femme, suivaient en voiture; on ne pouvait craindre qu'il s'6chappdt. Mais, contre un suspect, la mort est une precaution plus sure que la prison, et 300 volon-taires de I'Orne et de la Sarthe, qui sont de passage i Gisors, s'atlroupent en criant : « Nous allons avoir sa « tete; ricn ne pent nous en empfichcr. » Un coup dc picrre attcint M. de la Rochefoucauld i la tempe, il s'affaisse; son escorte est enfoncee, on l'ach6ve a coups de sahre et de bdlon, et le conseil municipal n'a que le temps de « faire sauver la voiture qui cnferme les « femmes'». — Aussi bicn, entre les mains des volonlai-res, lajiislice nalionale a des brusqucries, des inlemperan-ccs ou des rolours dont il est prudent de nc pas attendre 1 elTet. Pur exemple, a Cambrai% une division de gendar-

1. Lacretelle, Dix ayvic'es d'cjiveuves, p. 53. Description de LiancourL — Arch.ves nationales, F7, 3249. Leltro des adiiiinislralcursde TEure, llscp-ombre (avcc le proces-verbal de la municipalite de Gisors, du 4seplciabrc.) -• Mortimer-Tornaiix, Ilf, 550.

2. Archives nalionales, P , 4394. Lettre de Roland a la Convention,

LA SECONDE ETxVPE DE LA COXQUETE. 343

mcric i pied, qui vicnl de quillcr la villc, s'apcrcoit qiLcllc a oiiblie « de purger la prison »; ellc rcvieiU

.sur scs pas, prend Ic concierge, Ic mcne a I'liulcl do ville, sc fait lire Ic livrc d'eci'ou, elargit les d6lcnus donl les delils luiscmblent pardonnablcs, et Icur faitdeli-vrer des passeports; pD.r contrc, ellc massacre iin ancien procurcur du roi sur lequel on a trouve des adresses entachecs « de principes aris'iocratiqucs », puis un lieu-lenanL-colonel pcu populaire et un capitaine suspect. — Si leger et si mal fonde que soil le soupcon, tanl pis pour rofficier sur lequel il lombe. A Charlevillc^, deux voiturcs d'armes ayant passe par une porte au lieu d'unc autre pour eviter un mauvais chcmin, M. Juchcrcau, inspectcur de la manufacture el commandant do la place, est declar6 Irailrc par les volontaircs et la populePcc, . arrachc des bras des officiers municipaux, assomme k coups de crosse, foulc aux pieds, perc6 de coups. Sa tele, fichee sur une baionnelle, est promenec dans Charlevillc, puis dans Mezi, res, et jctec dans'la rivifcrc qui s6parc les deux villes. Reste le corps que la muni-cipalite ordonne d'cntcrrer; mais il est indigne de s6pul-ture; les meurtriers s"en emparent et le lancenl a I'eau pour qu'il aille rcjoindre sa lete. Cependant la vie des officiers municipaux ne tienl qu'i un fit; Tun d'eux a et6 pris au collet, un autre jetc 4 bas de son s'lbgc, menace de la lantcrne, coucliu en jouc, bourrc dc coups

31 oclobrc (avec la copic des pieces envoyces par Ic departemeiil du Nord sur les cvcncmcnls des 10 el 11 oclobrc).

1. Arcliivcs nalioimlcs, F', 3191. Proccs-vcrbal dc la municipalile de Charleville, 4 scplembre, cL IcUre dc la m6mc, G septembrc. — Monileur, XIU, 742, n^clu 2lseplembrc 1792. Letlro du ITscplembrosurlcs volontaircs [jarisiens de I'anuee du mareclial Liickner : « riiisicurs teles ont etc nicna-a cees encore hier soil- par les volonlaires parisieiis, ciitre autrcs ccllcs du ^ mareclial cl dc scs aides de camp. II a menace quclques fuyards de les u renvoycr a Icurs regiments. AussitOt ils sc sont ecnes qu'on n'etail plus •I sous I'ancien regime, qu'on nc pouvait pas trailer ainsi des frereSj qu'il a fallait arreler le general. Plusicurs Icnaicnt dejala bride du chcval. »

3.44 LA REVOLUTION.

de pied.; Ics jours suivanls, on agite le projct « de coupcr « leurs twites et de piller leurs maisons ».

En efTel, quiconqiic dispose des vies dispose aussi des hiens, et Roland n'a qii'a feuilleter deux ou Irois rapports jiour voir comment, sous le convert du patriolismc, les convoitises brutales se donnent carri6re. A Coucy, dans I'Aisne*, les paysans de'dix-sept paroisses, assembles pour fournir lour contingent militaire, se sont rues, avcc do grandes clamours, sur les deux maisons do M. des Foss6s, ancien depute de la noblesse i la Constituantc; c'6laient les deux plus belles de la ville: I'une avait etc liabit^e par Henri lY. Des oniciersmunlcipaux qui veulont intcrvenir manquent d'etre 6charp6s, loule la municipalit6 s'enfuit. M. des Fosses, avec scs deux filles, parvient b. se eacher dans un coin obscur d'une maison voisine, puis dans unpclitreduitpr6t6 par un jardinier humain; enfm, i'l grand'peine 11 gagne Soissons. De ses deux maisons « il ne rcsle plus que les murs. Fenfitres, vitrcs, portcs, « panneaux, lout a .616 ffac3ss6 »; 20 000 livres d'as-signals en portefcuille ont ete dechir6es ou vol6es; les litres de propriete ont disparu; on evalue le dommage a 200 000 francs. Le pillage a dure de sept heurcs du matin a sept heures du soir, et, comme toujours, a fini par uito kermesse :'descendus dans les caves, les pillards y ont l)u « deux muids de vin et deux tonneaux d'eau-de-vic-'•<• trenlc ou quarantc y sont -resLes morts-ivres, et Pon a « cu de la peine a les en relirer «. Nulle poursuite ou enquete; le nouvcau mairc, qui, au bout d'un mois, so decided d6noncerle fait, prie le ministre de laire son nom;car, dit-il, « dans le conseil g6n6ral de la commune, « les agitateurs ont provoque des menaces et des projels « affreux contre quiconque serait decouvcrt vous avoir

1. Archives nalionalcs, F'.3185. Pieces relatives k raffaire *de M des r^sses. (Le pillage est du 4 scplembre.)

LA SECOXDI-: KTAPE DE LA CO.XQUl^TE. ' 345

c< (5crit'. » — Telle est la menace co^liiuio sous laqnelle vivenl les genlilshommcs, mcme qiuind ils sent ancicns dans Ic service de la libcrte, cL Roland Iroiive en I6le des dossiers les Icllrcs desesperees, dirccles et porsonnellcs par Icsqucllcs ils s'adressenta lui en dernier recours. — Au commcnccmenl de 1789, M. de Gouy d'Arcy- a le pre­mier revcndique par ecrit les droilsdu peuplc ; depu.l6de la noblesse i\ la Cbnslituante, il est lo premier qui se soil rallie au tiers ctat; quand la minorite libcralc de la noblesse est venue s'asseoir dans la sallc des communes, il y siegcait dqja dcpuis huit jours, ct, pendant trentc mois, il a siege « invariablcment du cote gauche «. Marechal de camp a rancicnneto et charge sous la L6gis-lalive de reduirc les 6000 insurges de Noyou, «il agard6 « dix jours, dans sa poche, les ordres rigoureux dont il « 6lait porteur, » il s'cst laiss6 insullcr, il a risque sa vie cc pour 6pargner celles de' ses conciloyens egares, il a « cu le bonheur de ne pas verscr unc goutte de sang «. Epiiis6 par tant de Iravaux et d'clTorts, prcsque mourant, rcnvoye h la campagne par les m6decins, « il y a employe « tons ses reveiius a soulager la mis6re, » il a plant6 le premier chez lui Tarbre do la Libcrte, il a donne pour riiabillemcnt et I'armement des volonlaires, « il a vcrsd, « a titre d'imposilion, le tiers, au lieu du cinqui^me, de

1. Arcliives nnlionalcs, F', 3J85. LcUrc de Goulard, niairc do Coucy,4 oc-lobic. — Loltrc d'Ossciiiij notairc, 17 novemhrc : « On menace d'incendicr " les deu\ feriiics qui rcstcnt a M. des Fosses. » — Leltrc dc M. des Fossc.^. 18 Janvier 1793. H declare n'avoir pas portc dc plainte; si quekprun I'a fail potir lui. il en est Ires faclie: " Cettc plainlc peulnic mclLre dans leplus grand " danger, d'apr6s la connaissancc quo j'ai do I'espril public de la villo de . Coucy et la nianiere dont les coupables ont Iravaille et Iravailleront I'es-.. prit des dix-sopt communes qui ont pris part a la devaslalion. »

2. lb., F', 32A9. Leltre dc M. de Gouy a Roland, 21 scplembre. (Trcs belle leltre et qu'il Caudrait transcriro tout cnlicro pour montrer le caractcre du gcnlilbonime de 1789. Beaucoup decoour el d'illusions, un pen trop de phrases.) La premi6re visile est du 4 seplembre, la scconde du 13 scplembre.

346 LA REVOLUTION.

« son revcnu. » Ses cnfimls vivent avcc lui dans cc domaine qui est a sa famillc dcpuis quatrc si6clcs, ct Ics paysans du lieu le nomment « leur perc ». Rjcn de plus pacifique ct mfime de plus meritoirc que toule sa conduilc. Mais, elant noble, il est suspect, ct un delcpjue dc la Com­mune de Paris I'a denonce a Compifegne comme ay ant chez lui deux canons et 550 fusils. AussiLot visile domi-ciliaire: 800 hommes, infantcric, cavalcrie, arrivent en ba-laillc au chAtcau d'Arcy. II va au-devant, prcscnlc ses clefs. Apriis six hcurcs de perquisition, on trouve douze fusils dc cbasse et Ircizc mauvais pistolcts dont il a dcja fait decla­ration. Dcsappointes, Icsvisitcurs grondcnl, casscnt, man-gent, boivcnt et font un dcgilt dc 2000 6cus^; pourtant, sur rinsislancc de leurs cbcfs, ils finissent par rcpartir. Mais M. de Gouy a 60000 livrcs dc rente; cc serait autant de "•agnepour la nation, s'il emigrait; il fauL I'y conlraindre en Texpulsant, et d'ailleurs, pendant I'expulsion, on so garnirales mains. Huit jours durant, on raisonne de cela dans le club dc Compicgnc, aux cabarets, dans la caserne, ct, le neuviemc jour, 150 volontaires sortcnt de la vilie en plein midi, disant qu'ils vont tuer M. de Gouy avcc lous les siens. Lui, averli, s'eloigne avcc sa famille, lais-sant toules les portes ouvcrlcs. Pillage general pendant cinq Iieures; ils boivent les vins precieux, volentTar-i;enlcrie, exigent des cbcvaux pour cniporler leurbu-(in, et promcLtcnt de revenir bientOt pour avoir la tele du proprielairc. — EffeclivcniciU, le Icndcniain matin a (luatre bcurcs, nouvclle invasion, nonvoau pillage, defi-nllif cetLe ibis; a travcrs les coups de fusil, les domcs-

\. La phipart dcs visiles doniicili.xircs aboulissciit a des deguls scmbla-Wes. I'ar c\cmi)!c (Archives naliouaies. F'. 3265. Lcltrc desadministralcur^ dc la Seine-Infuriciire, ISscplcmbiv 1792), visile du chaleau de Caltevilic, ' seplembre, par la garde nationale descnvirons. « La garde nalionalo s'onl-• vr.x brisc lous les mcubles, fail des decliarges redoublees dans les vi-" li-es el les glaces,, el le clialcaii csl dans line enliere niine. » Des offlcicrs '"'uucipaux, qui vculcnt s'inlerposcr, manciuenl d'elre lues.

j.A SECOXDH I':TAPE DE LA CONQUETE. 347

tiqucs SO sauvcnl, ct M. dc Gouy, siir la rcqufele du village (lonl oil dcvasfe les vigiics, est oblige dc quitler le pays'. — IniUilc d'achcver Ic dossier. Chez M. de Sainl-Mauricc a HoLulainvillc, clicz lo due dc Courbon aNoiiiLel, chczle prince de Conde aChanlilly, cbcz M. dc Filz-James et ail-leursjiin ccrlain Gaulbicr, « commandaiil du dclacbcmcnt « de Paris en pcrqiiisilion el cbarge des pouvoirs du co-cc mile de surveillance, » operc sa lournee palriolique, et Roland sail; d'avance en quoi ellc consisle : c'esl une dragonnadc en rfegle cbez tons les nobles, absents on presents-.

Pourtant il est un gibier dc predilcclion, Ic clcrgc, oncoro plus ponrcbasse que les nobles, el Roland, charge deponrvoi rau mainlicn de I'ordre public, se demande comment il pourra prolegcr la libcrtc et la vie des prclres inoflcnsifs qui lui sont recommandes par la loi. — A Troyes, chez M. Fardeau, ancien cure non conformisle, on a dccouvert un autel garni de ses vases sacrcs, et M. Fardeau, arrfite, a rcrus6 de prater Ic scrment civiquc; arrach6 dc prison et somm6 de crier Vive la nation! il a refuse encore. La-dessus, un volontaire, empruntant une hache chez un boulangcr, lui a tranche la tcte, et celte 16tc,

1. La Iclli'c liniL aiasi : » Non, je n'abandonncrai jamais Ic sol fraii^ais. » — Giiilloliii6 i Paris, le 5 tlicnniclor an II, commc complice de la pr6lenduc conspiration des prisons.

2. Archives nalionales, F', 32G5. Lollrc des adtninislralcurs dc I'Oisc, 12 el 15 seplembrc. — Letlre du procurcur-syiulic du dopaifemcnl, 23 scplcm-brc : — Lellrc des adminislratciirs dc lOise, 20 seplembrc (sur Clianlilly); « Les riclicsscs immenses de eel eiidroit sont au pillage. " — Dans la forei dc Ilez el dans Ic pare do fli. Filz-Jamcs, devcmis propriety nationules, « les plus beaux arbres sonl dcbilcs sur place, fran.-porlcs, vcndus publi-« qucmenl. « — F^, 3-2G8. Lcltrc du dircctcur des domaincs nalioaaux dc Ramboiiillcf, 31 ocfobre. Devastation de-- bois, " pcrtc do pliisde 100 OOOdcus « depuis le 10 aoiil.n — « Les agitateurs qui prcichcnt la liberie aux ciloyens u des campagnes sonl ccux-la mOmcs qui occasionneiil les des-ordrcs donl tout "lepays est menace. Ce sont cnx qui provoqucnl loutes les demandes de • parlagequi sonl, failes avcc menaces- »

r^/iS LA REVOLUTION.

lavco dans la riviere, .a ete porlec i Tholcl dc v i l l c ' .— A Mca'ux, unc brigade de gendarmerie parisienne a egorgc sept prclrcs, el, par snrcroU, six delenns de droit coni; mun- . — A Ueims, les volonlaircs parisicns ont cxpcdie d'abord le direcleur de la posle et son connnis, tons deux suspects parce qu'on a vii sor-lirdc leur chcminec nne fumoc dc papiers briiles, puis 31. de Montrosier, vicil offi-cicr demissionnairc : c'cst leur ouverture de chassc. En-suilc, {i coups de pique ct de sabrCj ils selancent sur deux cbanoincs que Icurs rabatlcurs ont ramencs de la campa-gnc, puis sur deux autres pretrcs, puis sur Tancicn cur6 dc Saint-Jean, puis sur Ic vicux cure dcUilly; Ics cadavrcs sont d6pcces, promcn6s par morccaux dans la villc, brul6s dans un brasier; I'un des prctres blesses, I'abbd Alexan­dre, y esljete encore vivant^ —Roland reconnait les scp-lembriseurs qui,mon(rantleurs piques encore snnglantcs, sont venus dans son propre hotel reclamcrleur salairo; la, oil la bande passe, ellc annonce, « an nom dii pcuple, » qu'elle a « plcins pouvoirs pour propager sur toutc sa « route Texemple d e l a capitale ». Or 40 000 prctres in-sermentcs sont, par Ic decret du 26 aout, condamncs k ((uilter leur departement sous huitjours ct la France sous-(luinze jours: les laisscra-t-onpartir?ll y cnaSOOO aP.oucn qui nolisent des gabarrcs pour ob^ir au dccrct, et la popu­lace ameutce des deux cotes de la Seine reticnt Icurs

• navircs. Roland voit par les depeches qu'a Rouen et ailleurs ils se prcsentcnt en foulcaux municipalites pour obtenir despasseports*, mais que souvent on leur en refuse; bicn

L Albert lialjcau, I, 504 (20 aoul). 2. -Morlimcr-Ternaux, HI, 322 (4 scplcmbre). 3. lb., lU, 32-5. _ Archives nalioiiales, F', 3239. Proces-vcrljal de la niu-

nicjpalilo dc I!cims, du 3 au V scplcnibvc.

•i. lb.. F', /i39i. Correspondancc des minislres en 1792 ct 1793. (Flats Fcseatcs par Roland a la Convention de )a part do di.vcrs dislricls

porVs"^''"''"!'-'^ ''^^° nominative des prctres qui deniandcnl des passc-pour clrangcr, des prOlres qui soul partis sans passcjiorts, ct d.cs

LA SECONDE ETAPE DE LA CONQUETE. oij

inicux, a Troycs, ii Meaux, a Lyon, a Dole cldans quanlilo d'aulrcs vlllcs, on fail comme a Paris, on les interne ou on Ics cmprisonnc, aumoinsprovisoircmcnt, « dc pcur qu'ils « n'aillcnt se rassemblcr sous I'aiglc gcrmaniquc; » en !<orleque,dcvenusrcbclles malyrccuxel declares Lrallres, ils resLcnt parques sous Ic couLeau. Comme rcxporlalion du numeraire est interdite, ceux qui se sont procure dcs -iaissez-passer sont voles de tout leur argent d la frontiere, et les autrcs, qui fuient a tout liasard, traques comme dcs sanglicrs ou tires comme des lievres, doivent s'echapper, comme rev6quo dc Barral, a Iravers les baionnetles, ou, comme I'abbe Guillon, a Iravers les sabres, quand ils nc sont pas abattus, comme I'abbe Pescheur, a coups de. I'usiP.

La nuit s'avancc, les dossiers sont trop nombreux cL Irop gros, Roland voit que, sur quatre-vingt-trois, il n'eii pourra guferc feuilletcr que cinquante; il faut se hater, ct de LEst ses yeux redesccndent'vers le Midi. — De cecote aussi il y a d'etranges spectacles. Le 2 septembre, a Cha-lons-sur-Marnc^, M. Chanlairc, octogenaire et sourd, son paroissicn sous le bras, revcnait du Mail ou tons les jours il allait dire ses hcures. Dcs volontaircs parisicns, qui le rencontrcnl, lui trouvcnt la mine d'un devot, cllui ordon-nent de crier Vive la liberie! Lui, faute d'enlcndre, nc re-

preU'cs"iiifirmcs ou sexagunaires internes au chcf-licii dii deparlcincnl). L Albert Babeau, I, 515-017. — Guillon de .Montleon, I, 120. A Lyon

Jipres le 10 aoiil, les insermcnlcs so cacliaieiil; la municipalito leur oIlVo dcs passeporls; ()lusicurs, qui vicunent en clierclier, sont incarcercs; d'au­lrcs recoiveiil un passcport marque d'un signe qui les fait rccounailre et provoqne contrc eux sur la route la fureur des volontaircs. « La phipart des " soldats faisaiciil retentir I'air dcs oris : A mort les rois ct les pvclrcs! • — Sauzay, III, cli. ix, et nolaniment p. 193 : « M. Pescheur longcait en cou-« rant la route dc Belforta Porenlruy, lorsqu'un capilaine de volonlairoSj qui a passait en voilure surlamcnie route avcc d'aulrcs oflicicrs, a|)crcevant le « fuyai'd, dcmandason fusil, visa iM. reschcur et Ic lua. »

2. Hisloivc de CIidlons-sur-Marne ct de ses monuments, par L. Barbal p. 420,425.

350 LA REVOLUTION.

pond pas. lis Ic prenncnL par Ics orcillcs el, comme il nc marchcpas assez vile, ils Ic IraiiienL; Ics vicillcs orcillcs se ca.sseiil, la vue du sang Ics cxcile, ils coupcnt Ics orcillcs ct Ic ne/, ct arrivcnl avec Ic pauvre hommc sanglant dc-vanl riiotcl de ville. A cellc vue, un notairc, liomme sen­sible, qii'on a mis la en scntinellc, esl saisi d'horrcur, so saiive, el Ics aulres gardes naLionaux du poslc sc halcnt dercrmer la grille. Lcs Parisiens, poussanL loujours Icur caplif, vonlau dislricl, puis au deparlemcntj « pour de-« nonccr lcs arislocratcs; » en cliemin, ils conlinuenl a frapper sur Ic vicillard, qui louibe; alors ils lui Iranchcnt la IfetCj mollcnl le corps en morccau\ ct promiincnlla [die au boul d'une pique. Cependanl, dans la nicmc ville vingL-deux genlilshommes, a Beaune quarantc prcLrcs cL nobles, a Dijon qualrc-vingl-trois chefs defaniille, ecroucs comme suspects sans interrogatoire ni preuves et dclenus a leurs frais pendant deux mois sous ics piques, se demandcnt •chaque matin si la populace ct les volonlaires, qui pous-sent des cris de mort dans les rues, ne vont pas les elargir comme ti Paris'. — Un ricn suffitpourprovoqucr le mcur

L Archives nalionales, F^ 3207. LcUres du direcloire de la C6lc-d"0i, 28 aoul cl '2G seplembrc. — Adrcsse de la muuicipalilc de Ueaune, 2 sep-leniljre. —l.cUre de M. Jean SuUio.r, 9 oc lobro PcnneUez-moi, monsieur, dc « rcclamer voire justice et voire sollicitudc pour mon frorej moi el cinri • domesli(iues qui, le 14 seplembrc dernier, sur Tordrc de la municipalilc' « dc la Hoclie-en-Urossy, lieu dc noire residence depuis Irois ans, avons eie " arrGles par la garde nationale dc Saulieu, Iransfcros d'abord dans los • prisons de cclle viilCj puis, le 18. dans celles dc Senuin sans y consigner • Ics motifs de noire detcnlion, oil nous a,von? en vain reclame par recpicle « la justice du direcloire du dislricl; lequel, .- ans nous inlcrrogcr ni rion " faire conr.ailre, nous a rcnvoves, le 2o, avec de. frais enormes, a Dijcn " oil le deparlcmenl nous a fail ccroucr.loujours sans ricn consigner, n — Le direcloire du deparlcmcnl ccril que « lcs communes des villcs ct des cam-•• pagnes arrelenl lcs pcrsonncs qui Icur sont suspecles, et, an lieu dc lcs « survcillcr ellcs-memes, les conduiscnl au dislricl.« — Ces emprison-nementsarbilraires sc multiplicnt a la fin de 179-2 el dans lcs premiersjiiois dc 1793. Lcs commissaircs de la Convenlion font arrelcr a Sedan 55 per­siennes en un jour, a Nancy 104 en trois .semaincs, a Arras plus de 1000 en deux mois, dans le Jura 4000 en deux mois. A Lons-lc-Saulnier, lous les

LA StCOXDE KTAPK 1)E LA COXQUKTE. 351

trc. Le 19 aoCit, u Auxcrrc, pcndanl Ic dcTilc de la garde naKonalc, trois ciloycns, apros avoir prelo Ic scrmcnl civique, « ont qiiillc Icnrs rangs, » ct. cominc on les rap-pcllc u pour Ics faire rejoindro », Tun d'eux, par impalience ou mauvaisc luimcur, « fait un geslc indecent; « a I'in-stant, la populace, qui se croil insullec, fond sur cux,

" ecarlc lamunicipalile et la garde nalionalc, blcssc I'un et Uic les dcnxaulrcs^ Quinze jours aprcs, au memo endroit, dcjcuncs ecclesiasliqucs sont massacres, ct « Ic cadavrc « dc Tun d'eux rcslc Irois jours sur un fumicr, sans qu"on « pcrmellc a scs parents do renlcrrcr ». Prcsque a la memc dale, dans un village dc saboLicrs a cinq licucs d'Aulun, qualre ccclcsiastiqucs munis dc passcporls, parmi cux un cveque et scs deux grands vicaires, onl ctcarrclcs, puis fouillcs, puis voles, puis assassines par les paysans. — Au-dessous d'Autun,nolammentdans Ic dislrictde Roannc, les villagcois brCilenlles terriers des propricl6s nationalcs; les'volontaircs ranconnent les proprielaircs; les unset les autrcs, ensemble ou scparcs, sc livrcnt « a tons les execs « el t\ toules scries d'horreurs conlrc ceux qu'ils soup-« connent d'incivisme sous prdlcxlc des opinions rcli-« gicuses- ». Si rempli ct si offusqiie que soil rcspril de

nobles avec Icurs domesliqucs, ii Aix, lous les habitants d'lin quaiiicrj sans exception, sont mis en prison. (De Sybel, 11, 30o.)

1. Archives nalionales, F' , 3276. Lcllrcs des adminislratcurs dc rVonne, 20 ol 21 aoiU. — lb., F ' , 3255. Lcllrc du conimissaire iJonnenianl, 11 sep-lcmb:e. — Moitimer-Tcrnaiix, 111, 338. — Dc LavalcUo, Memoires, 1, 100.

2. Archives nationalcs, F", 3255. Lcllrc des adminiblratcurs du dislricl ^^ Hoanne, 18 aout. Quatorzc voloiilaircs du canlon dc Xcrondc sc por-> nt a Cliencvoux, maison apparlenant a M. Dulicu, qu'on presume emigre,

"s exigent du gardien du sequcslre dc la maison 200 francs sous peine dv; "^ort, ct cclui-ci les donne. — Lcllrc des mcmes, 11 seplend)rc:« Lcsmoyens " de repression dcviennent nuls lous les jours. Les jtigcs de paix, a qui

on denoncc les dtlits, n'oscnl informer et jugcr des ciloycns qui sc * font craindrc. Les lemoins n'oscnl dcposcr, dc pcur d'Olre mallrailes • 0" pillespar lesuialfaitcurs.>>—LcUre dcsmcnics, 22 aout.— l'roc6s-vcrbal ^^ la municipaliie de Charlicu. 9 septcnibre, sur la dcstrucliondes terriers :

fUioi ncus' leur avons rcpujsculc que, n ' apn l pas la force en main

352 LA RGVOLUTION.

Roland paries gcn6raliLcs philosophiques, il a longlcmps inspcclc dans ce pays les manufactures; tons Ics nomsde lieuxlui sont familiers; cette fois les objels ct les rornies sc dessincnt dans son imagination dcsseclice, ct il com­mence i voir les choscs a Iravers les mots.

Le dofgt deMme Roland seposc sur cc Lyon qu'clle con-nait si bien. Deux ans auparavant, cllc s'indignait contrc « Ja quadruple aristocratic dc la ville, pctits nobles, « prelres, gros marchands et robins, bref cc qu'on appe-« lait les honnetes gens dans rinsolencc dc I'ancien u regime 1 »-, a present, cllc y irouvc une autre aristo­cratic, celle du ruisseau. A Tcxcmple de Paris, les clu-bistcsde Lyon, conduits par Chalier, ont prepare le mas­sacre en grand de lous les malvcillants ou suspects; un autre meneur, Dodieu, a dressela listc nominative dc deux cents aristocrates a pendre, ct, lc9 septembrc, les femmes a piques, les enrages dcs faubourgs, dcs bandcs « d'incon-«nus«, ramass6s par Ic club central-, entreprcnnent de netloyer les prisons. Silabouchericn'y est pas aussi large qu'a Paris, c'est que la garde nationalc, plus encrgiquc, intervient au moment ou, dans la prison dc Roanne, un emissaire parisicn, Saint-Charles, tenant sa liste, rclc-vaitdcja les noms sur Ic livrc d'6crou. Mais, en d'auli'cs en-droits, elle est arrivec trop tard. — Hull officiers de Royal-

« pour nous y opposer, p.uisqu'ils ctaient eux-mumcs la force, nous nous a relirions.B — Lellre de J'officicr de gendarmerie, 9 septembre, etc.

1. Lettres aulographes'dc Mme Roland, publiees par Mme Bancal dcs Issarts, p. 5 (2 juin 1790}.

2. Arcliives nalionales, F' , 3245. — LcUre du maire el des'ofQcicrs niunicipaux de Lyon, 25 aout; — Lcltre du subslitut du procurcur de la commune, 29 aout. — Copie d'une Icttre dc Dodieu, 27 aoilt. (lloland repond avec horreur, et dit qu'il faul poursuivre.) — Procus-verbal dc la journcc du 9 septembre, et letlrc de la hiunicipalito, 11 septenibrc. — Memoire dc^ officiers de Uoyal-Polognc, 7 septembre. — Lellre de M. Terigny, bcau-pCrc d'un des officiers assassines,' 19 septembre. — iMorlimer-Ternaux, HI, 3 « . - Guiilon de Montleon, I, 124. -Dalleydier, Ilisloire du pcuple de

' i-you, 91 . ' ' •

LA SFXOXDE ETAPE DE LA CONQUETE. 353

Pologne, en gariiison a Auch, quelqiies-uns ayant vingt eL Irenlc ans de service, avaient etc conlraiiils, par I'insu-bordiiuUioii de leurs cavaliers, de donner leur demission-cepcndanl, sur la demande expresse du minislre de la

-; gucrrc,ils(Maicntreslesaleurposte,parpatriolisme,ct, en vingL-dcux jours de marches penibles, lis avaicnl conduit leur regiment d'Auch u Lyon. Trois jours apres leur arrivcic saisis de nuit dans leurs lits, mcnes 4 Picrre-Encizc' lapides dans le trajet, tenus au secret, Tinterrogatoire' repel6 et prolong^, n'a mis au jour que leurs services el leur innocence. Ce sont eux que la populace jaco binevient enlever de prison; des huit, elle en eo-oro-c sept dans la rue, avec eux quatre pr6trcs, et relala-c •(lue les assassins font de leur oeuvre est encore ijlus impudent qu'd Paris. Toule la nuit, ils paradent dans la viUc avec les tetes des mortsau bout de leurs piaues-ils les portent, place des Terreaux, dans les cafes [L \2 posent sur les tables et, par derision, leur ollrenl de 1 bi6re; puis Us allument des torches, eulrent J 1. V des Celeslins, et, defdanl sur la sc no a ^ T "^ ' '^ '^ Ph6es, ils inlroduisent la tra^^M e 111 i " ' ^'"• . .die feinte -Epnogue g r o t e ^ t Z ^ ' / ^ / ^ • du dossier, Roland trouve une lettre d. ! ^'"

Danton^ qui le pde de faire 61arri. " rr ' ' ' ''^^^^"^ dcpuis irois semaines; ca'^d ^.^^,f ^ ^ ; ^^^^acres « lieu a accusation co^tre ::;x \'i ^ ^ t d ' ' ' ' • ' ' ' ' « revoltanle de les retenir nln« i . , """^ injustice

note : „ AlJaire pni. „ - Ici, je suppose t l u " - " ' "

so regardont sans ricn di.-o. Mmo RoiLd so s uw ' , ' ' ° ?

"•e qu'au con:me„cemont de la revolul o„ e ' " • ' '

de>na.da,t des totes, surtout « deux I6tes i l ' u , ' " ' " ' '

-u .uaaa_« ,ue l^.sse,nM.e nationale le::. ; ; ; C ; ; ; ; •

>• Archives „aU„„aIes,F', 3345. Lemo do tao„, 3 oclo.., LA REVOLUTIO.'^.

II ^ 23

354 '• - LA KfiVOLUTION. ' .

« en r6gle, ou que de gen6reux D6cius » sc dcvouassent pour « les abaltre* ». Ses vceux.sont exauces; Ic proc6s en rfegle va conimencer, et les D6cius qu'elle a invoques fourmillent dans toute la France.

Restc le coin du Sud-Est, celte Provence que Barbaroux lui represenlait comme le dernier asile de la philosopliie et de la liberte. Le doigt de Roland descend le Rlione, ct des deux c6Les, en passant, il rencontre les m6faits ordi-naires. —Sur la droite, dans le Ganlal et dans le Gard, « les d6renscurs de la palrie » se remplissent les poches aux d6pens des contribuables qu'ils ddsignciit eux-m^mes -, et, dans la langue nouvelle, cettc souscriplion

1. Elude sur Mme Roland, par Dauba 8 . Leltre de Mme Roland a Copc, 26 juillet 1789: « Yous vous occupez d'unc municipalil6, et voiis « laisscz dcliappcr des teles qui vont conjurer de nouvelles horrcurs. Yous « n'tJlcs que des enfanls, voire enthousiasme est un feu de paille, et, si « i'Assembl^e nationale ne fait pas le proctis en regie dc dciix teles « illustres, on que de genereux Decius ne les abattent, vous iiles tons f n — lb., n mai 1790: "Nos campagnes sont Iris mccontcnles du decret sur o les droits feodaux... II faudra une reforme, on il y aura encore des « chateaux brulcs. Le mal ne serait pas grand, s'il n'elait i craindre que les « cnncmis de la revolution ne profitassent dc ces mecontcnlenicnls pour

." diminuer la conQance des peuples dans I'Assembice nationale. » — 27 sep-lembrc 1790: « Le mauvais'parti triorapho, el I'onbublic que I'insurrcction « csl le plus saint des devoirs, quand la palrie est en danger. » — 2't Jan­vier 1"91 : a Le sage ferme les yeux sur les lorls ou les faiblcsses de « rhomme prive; maisle citoyen ne doil pas fairegra.ce, mfime a son pere, a quand il s'agil du bien public.»

2. Arcliives nalionales, F^, 3202, Rapport du conimissaire, membre du directoire du Canlal, 24 octobre. Le 16 oclobro, a Chaudesaigncs, les volontairesveulent enfonjeruneportc, puistucr undo leurs camaradesoppo-sant que le cornmissaire sauve en le couvrant deson corps. G'est Ic maire du lieu qui, revetu de son echarpe, les conduit chez les aristocrates, en les exhor-lanl au pillage; ils entreat de force dans diverses maisons ct exigent du vin. Le lendemain, i Saint-Urcize, ils enfoncent la porle du ci-devant cure, d^vaslcnl ou pillenl sa maison, et « vendent ses meubles a differentsp ar-« ticuliers de I'endroit ». iMfime Iraitenient infligc au sieur Vaissicr, maire, et i la dame Lavalelte;leurs caves sont forc(5es,on porle des barriques sur la place otonboit au robinet. Ensuite «Ies volontaires vont par bandes dans les « paroisses du voisinage contraindre les habitants i leur donfier des elfcts ou ^ de I'urgcuu» Lc cornmissaire et les officiers municipaux dc Sainl-Urcizc, qui

LA SECONDE ETAPE DE LA COXQU]>TE. 355

lorccc s'appclle « don volontaire». « Dc paiivrcs ouvricrs « de Nhnes ont 616 tax6s i 50 livrcs, d'autrcs i 200, 300, «^96o, 1000, sous peine de devastation etdc mauvais Irai-« temcnls.3) Dans la campagne, prts dcTarascon, Ics vo-lontaires, rcprcnant les pratiques des anciens brin-aiids ifevcnt le sabre sur lattite de la mbre, menaccnt d'otouITcr la tantc dvanouie dans son lit, tiennentl'enfant suspcndu au-dessus du puits, ct extorquent ainsi au proprietairc oufcrmierjusqu'a 4000 et 5000 livres : le plus souvcnt celui-ci n'ose rien dire; car, en cas dc plainto, il est sur de voir incendier sa forme et couper ses olivicrs » —Sur la rive gauche, dans risfere. le lieutenant-colonel Spcn deler, saisi par la populace de Tullins, a etc assassine puis pcndu par les pieds i un arbre de la route «• dans iL Dr6me, les volontaires du Card ont force la pdson de Montehmar et haclie un innocent i coups de sabre'• danslc Yaucluse, le pillage est univcrscl ct en i^ernr/ nonce. Seulsadmis dans la garde nationalo et aux one' Uons Publiques, les anciens brigands d'Avi-nnn T -nicipalit6 pour complice, fo.U des ^ i ^ C C ^

• cs ™ch,.,S3„,.s 01 s'«aU fail a g t , | : : r r ; u " " - " " ' ^ '''''' ^""^ 1- Archivesnalionales, FT 3917 \ L° , n ' ' P^''^"-

- <^o»GJcnlielle;jcvouspriede^as^'^ ' ParUcuhers, ceUe leltrc soil

3. lb., V, 3190. Lettre de Danlon 9 octohrP " l^ / " ' '" > 8 scplembre. f>^ ;iTrel (.voc pieces a l ^ p u i / . L fifa^^^^^ ^«^i>nir la place d'un aulre Audiffret; iabUant du CouL M T " ' ^'^ '''''^^^ ^ sapnson.le 25 aoOt. Uapporl d T c nrur^ e^ ^ ^ ^ ''' '^'^^'^ dans encore deux grandes. plal s i la V e " „ : ^ I- ' ' "' '' ' ' ^''''^ ^ droite paralysde; i, a'ete J : , !'TXIZ'T'^^^^^ '^ j - ^ b o qu-.l a un abces au poigaet, et, si on per s e . , ^'T- '' ''^'"^'^'^

356 LA REVOLUTION.

dcs razzias dans lacampagne: dans la villc, 450 000 francs de « dons volonlaires » verses aux meurtriers de la Gla-cifere par les amis on parents des morls; dans la campagne, dcs rancons de 1000 4 10 000 livrcs iniposces aux culliva-tcurs riches, sans compter les orgies de la conqiniteeL les gaieles de I'arbilraire, les quotes i main armc-c et a domi­cile pour arroscr la plantation des innombrables arbres de la Libertd, les repas de 5 i 600'livres fails avec I'ar-gent extorqu6, la ripaille i discretion et le degat sans frein dans les fermes envahies*, bref tousles abus de la force en goguette qui s'amuse de ses brutalites et s'enor-gueillil de ses atlenlats.

Sur celie trainee de meurlres et de vols, lo minislrc arrive k Marseille, et subitement, j'imaginc, il s'arr(itc avec une sorte de stupeur. Non pas qu'il soil 6tonn6 par les assassinats populaires; sans doute, on lui en mandc d'Aix, d'Aubagne, d'Apl, de BrignoUcs, d'Eyguieres, et il y en a plusieurs series ti Marseille, une en juillel, deux en aout, deux en septcmbre'; mais il doit y (Hre accou-lum6. Ce qui le trouble, c'est que la-bas le lien national se rompt; il voit dcs deparlemenls quise d6tachent: dcs Elals nouveaux, diblincts, independants, complets se fon-

1. Archives nalionalcs, F ' , 3195. Lettre de M. Amicl, president du bureau de conciliation, 28octobrc. —Lellre d'un habitant d'Avignon, 7 oclobre. — Autres Icllrcs uon signees, — LeUre de M. Giiles, juge de paix, 23 Jan­vier 1793.

2. Fabre, Uisloire de Marseille, II, 478 el suivantcs. — Archives nnlio-nales, F^ 3195. Lettre du ministre de la justice, M. de Joly (avec pieces a I'appui), 6 aoilt. — Proc6s-verbaux de la municipalil6 de Marseille, 21, 22 et 23 juillel, — Proc6s-verbal de la municipalite d'Aix, 24 aotlt, — l.eltre du procureur-syndic du diJpartenient (avec une IcUre de la nnini-cipalitd d'Aubagne), 22 septcmbre, etc. M. Jourdan, oflicier niinistdrici a Aubagne, 6lait accuse «d'aristocratie» ; on lui avail donne une garde- vers niinuit etdemi, la garde est enfonc^e, il est enlev6, puis tu(S, nialgro los sui> plications de sa femme et de son fils. La lettre de la municipalite finit ainsi : « Leurs lamentations nous percent le cocur. Mais, hdlas! qui pcul " resisler au peuplc fran^ais dans sa fureur? Nous sommes Ires cordiale-' mem, mesbieurs, les oiliciers municipaux d'Aubugue. »

LA SECONDE I;:TAPE D E LA CONQUETE. 357

dent en invoqiiant la souverainct6 du pciiple; pnbliqiie-ment el officiellcment, ils gardent pour leurs bcsoins lo-caiix les impols pcrcus pour le gouverncmcnt du centre, ils dccernent dcs peincs conlre leurs riabilailts r6fugi6s en France, ils inslituent des Iribunaux, ils imposent des contributions, ils Invent des troupes ct font des expddi-tions mililaires ' . R6unis pour nommer leurs repr6-sentants i\ la Convention, les 61ecteurs dcs Boucbes-du-Rb6ne ont voulu par surcroit 6tablir dans tout le ddpar-tenicnt « Ic regno de la libert6 et de Fegalitc » ct, k cct cfTct, ils ont forme, dit I'un d'eux, « une arnide de « douze cents beros pour purger les districts ou I'aristo-« cratie bourgcoise 16vc encore sa t6te imprudcnlc et t6i"n6-« raire.»Eiicons6quencc, aSonas, Noves, Saint-Remy,Mail-lane, Eyrages, Gravcson, Eyguiferes, dans toute I'^tendue des districts de Tarascon, Aries et Salon, les douze cents b6ros sont aulorises h vivre h discretion cbez I'babitant, et les aulres frais de rexp^diljon seront supporlcs « par « les ciloyens suspects- ». Cos expeditions se prolongent

1. Mcniteuv, XIII, 560. Arrete des adniinistrateiirs des Rouches-<Iu-Rhoiie, 3 aoul, « pour defcndre aux rcceveurs paiiiculiers do verscr « dorenavant les impols a la trcsoreric nationale. » — lb.. 744. Ilapporl de Tloland. Le dcparlenient du Yar a convofiu6 i Avignon une reunion de comniissaires, a reflet de pourvoir d la dJfcnse de ces conlrecs : <• CcUc « mesure. dil le mini.-jlre, subversive dc tout gouverncment, rend nullcs « les disposilions generates du pouvoir cxeculif." —Archives nationales, F", ,3195. DclibcratioH des trois corps administratifs r6unis a Marseille. i» novembro 1792. — Petition d'Anselme, habitant d'Avignon, rdsidant i Paris 14 d6ceuibre. — Rapport sur radaire de Saint-netiiy, clc.

2. Archives nationales, ClI, I, 32. Proc6s-verbal de I'assemblee 61cctora!o dcs Iiouches-du-Rh6ne, 4.scptenibre: « Pour pourvoir aux frais de cclte . expedition, le procureur-syndic du district de Tarascon est autorisc a « puiser dans la caissc du receveur des impositions du timbre ct de I'enrc-> gislrenient et, par supplement^ dans la caisse dcs. impositions dircctts. . Les frais de celte expedition seront supporles par les agilatcurs contrc-« rcvolutionnaires qui I'ont neccssitec. II en sera en consequence drcsse « un tableau pour 6tre envoyd a rAsscmblce nationale. Les commis-• s.iircs auronl pouvoir de suspend re les administrations de district, les

358 LA. RI^VOLUTION.

pendanl six scmaines et davantage ; il s'cn fail one au deli du deparLemcnl, ci Manosquc dans Ics Basses-Alpes, ct Manosque, obligee de yerscr pour indcmnild dc deplaccmenl lOi 000 livres « a ses sauvcurs el ii ses « p5ros », ecrit au minislrc qiie dcsormais clle nc peul plus acquUter ses imposilions.

De quelle cspccc soul les souverains improvises qui ontinsliluc ce brigandage ambulant?— La-dcssus Roland n'a qu'a interroger son ami Barbaroux, lour |)residenl ct I'cxi^culeur de IcursarrCls: « neuf cents pcrsonnes, » ccril Barbaroux lui-meme, « en gen6ral pcu inslruites, « n'ecoutanlqu'avecpeiiielcs gens moderns et&'abandon-« nanl aux effervescents, dcs intrigants liabilcs a scmcr « lacalomnie, de petils esprits soupQonncux, qaclqucs « hommes verlueux, mais sans lumieres, quclqucs gens « 6claires, mais. sans courage, beaucoup dc palriotcs,

,« mais sans mcsure, sans pliilosopliie,» bref un club jaco­bin, si jacobin, « qu'a la nouvcllc dcs massacres du « 2 scptembrc, il lit rctcntir la salle de ses applau-

. ^ dissemcnts *; » au premier rang, «imc foule d'liommcs « avides d'argont et de places, denonciatcurs etcrnels, •« supposan t dcs t roubles ou les cxageran t 2'>our se faire

« donnerdes commissions Incratives ^, » en d 'au l rcs tc rmcs

« offlciers municipaux et gencralement tous Ics foncUonnaires publics " qui, par leur incivisme ou leur inconduite, auront compromjs la chose « publique. lis pourront meme les faire arrtSlcr, ainsi que les ciloyens « suspects. lis fcront cxecuter la lol sur le desarnieinent dcs ciloyens « suspects et sur la deportation dcs prtitres. » — lb. , F', 3195. Lcllre de Truchement, comniissaire du d(5partement, 15 iiovembre. — Memoire pour la communaute d'Eyguiferes, et letlre de la inunicipalitc d'Eyguieres, 23 soptembre. — Lcltrc de M. Jaubert, secretaire do la socicte populairc de Salon, 22 oclobrc. o Le deparleineut des Bouchcs-du-Rlioiie est, depuis « un mois el demi, ravag6 par des commissions... Le despotisme d'un • seul est detruit, et nous gemissons sous le joug bien plus pesant d'une - foulc de despoles. » — Situation du departement en septembrc et octobre l'i92(avec pieces a I'appui).

1. barbaroux, Memoircs, 89. 2. AicLiives nalioualcs, F^ 319G. - Letlres cl pctilLon du citoyeu de

LA SEGONDE I^TAPE DE LA COXQL'ETE. 359

la mcutc ordinaire des appclils aboyanls qui sc lanccnt h la curee. — Pour les connaitrc a fond, Roland n'a qii 'i fouillcLcriin dernier dossier, cclui du dei)arlcmcnl voisin, cl a consid6rer Icurs coUegues du Yar. Dans cc grand naufrage de la raisoi'r.Gl dc la probile qu'on appellc la revolution jacobine, quclqucs 6paves surnagcaient encore: c'6Uiicnt les adminisLralions dc deparlenicnl, coniposces en beaucoup d'endroils de libcraux, aiiiis dc I'ordre, (5claires, inlegres cl dcfenseurs persevci'anLs dc la loi. Tel elail le direcloire du Yar '. I'our se dcbarrasser de lui, les Jacobins dc Toulon onL imagine un gucl-apens digne des Borgia et des Oliveretlo du scizieme siecle -. Le 28 juillcL au nialin, Sylveslrc, president du club, a dislri-buu a scs affides de la banlicuc cL de la ville un enorme sacdeboiinelsrouges, cL il adisposc au.v bonscndroitsscs escouadcs. Ccpcndant la municipaiil6, sa coniplicOj vienl en cdremonie visiter les administrateurs du departcment, el les invite 4 fralcrniser avcc d ie devant le peuple. Us

Sadcs, novembrc 1792, 17 fdvricr 1793,, ct 8 ventOse an III : < Vers Ic o milieu (]e seplenibrc 1792 (vieux style), des brigands marseillais se sont « inlroJuils dans une maison i moi, siluee pros d'Apl. Non conlenls d'cn-« lever six cbarrelccs dc meubles,... ils onl encore brise les glaccs el les «.boiseries. » Le domniage est dvaluc 80 000 francs. — Rapport au Con-soil cxccutif d'apres le proc6s-verbal de la municipality de la Coslc. Le 27 septcmbre, Monlbrion, conimissaire de radminislralion des Uouclies-du-Uh6nc, envoie deux huissiers pour amcner le mobilicr a A])l. Arrives a Apt, Montbrion ct son colldguo Dergier font d(5charg-cr les voilures, ea cliargent une avcc les eflcts les plus prdcieux, sc I'appropricnl cl rcmni6-nent fort loin i I'ecart, en payant pour cellc-ci les voitiiriors, dc Icur pocbc: « II ne resto aucun doutc sur la friponnerie dc Monlbrion el de " Dergicr, administrateurs et commissaircs de radminislralion du departe-«mcnl. » — Dc Sadcs, qui est Pauleyr de J us I inc, aWcguc son civisme notoiro el les p6lilions ultra-revolulionnaircs qu'il a redigees au nom de la section des I'iques.

1. Archives nalionalcs, F' , 3272. Lire dans co dossier toute la correspon-dance du direcloire et de I'accusatcur public.

2. 10. Delijjcralion de la commune de Toulon, 28 juillel et jours sui-y3jj[s_ — Deliberation des trois corps administralifs, 10 seplembre. — Lauvcrgne, Iliiloire du departcment du Yai\ 104-137.

^^^ LA REVOLUTION.

sortent sans ddfiance, chacun au bras d'lin officicr muni­cipal ou d'un delegu6 du club. A peine onl-ils fail quel-ques pas sur la place que, de chaque avenue, debouchc une roupe de bonnets rou.-es apostds. Le procureur-syn-Clio, le y.ce-president du deparlement ct deux aulres ad-mmislraleurs sont saisis, sabres et pendus; un autre, M. Delmux, parnent d s'echapper, se cache, saute la nuit par-dessus les remparts, se casse la cui se et rcste a gisant; Ic lendemain matin on I'y decouvre ; une

bande conduite par Jassaud, ouvrier du port, et par Lcma.lle qui s'inlitule « lependeur de la ville », vient le reievcr, 1 cmporte sur un brancard et raccroche au premier reverbfere. D'autres bandes expedient dc mfimc. laccusateur public, un administratcur du district, un ncyociant, puis, se repandant dans la campagnc, pillent et tuent dans les bastides. — Vainement le commandant do place, M. Dumerbion, a supplie la municipalil6 de proclamer la loi martiale. Non seulemcnt ellc refuse, mais cite lui enjoint de fairc rentrcr dans les casernes la moiti6 de ses troupes. En revanche, clle met en liberie dTter!! f ^^"^^"J^^s au bagne et tous les militaires

ombre de discipline s'evanouit, et, dans le mois qui suit les mcurlres se mulliplient. L'administrateur de la manne, M. dePossel, est enlev6 de sa maison, et on M passe la corde au cou; il est sauve lout juste par un bombardier, secretaire du club. Un membre du direc-loire, U. Senis, empoigne dans sa maison de campagne est pendu sur la place du Vieux-Palais. Le capitaine de vaisseau Desidery, le cure de la Valette, M. de Sacqui

rappo t6es au bout de trois perches. M. de Flotte d'Ar- . mh^si ' r ' ? " : ' ^ ' ^''^^"^' ' '''''''' ^'"^rcule, d'une " S e'sf " , ^ r ' " " ' ^" ' ^" ' ' -rnommait X P.re

> est att,r6 en trahison a la porte de I'arsenal

LA SECONDE ETAPE DE LA COXQUfiTE. 361

ct voit la lanternc dcja descciiduc; il arraclie iin fusil, se defend, succombe sous le nombre, ct, aprts avoir etc sabre, il est pendu. Sabr6 de m6mc, M. de Rochemaure, major general de la marine, est pendu de memc : une grosse arttre, Iranchee sur le cou du cadavre, jelait d'en haut un filet dc sang sur Ics pav6s; Barry, I'un dcs ex6cu-teurs, y lave ses mains et en asperge I'assislance. — Barry, Lcmaillc, Jassaud, Sylvestrc ct les aulres assassins principaux, voilu. les nouvcaux rois dc Toulon, assez semblablcs a ceux de Paris; ajoutcz-y un certain Figon qui donne audience dans son galctas, rcdresse les in6ga-litcs sociales, marie de force dcs fillcs de gros fermicrs. a dcs rcpublicains pauvrcs, ou dcs fillcs pcrdues A dcs jeunes gens riches', et, sur des listes fournics par le club ou par les municipalites voisines, rangonne un a un les gens opulents ou aisds. Pour que rien nc manque an portrait dc la bande, notcz que, le 23 aoilt, ellc a tenl6 dc mettrc en liberte les 1800 forcats; mais ccux-ci se sont mefies, ils n'ont pas compris qu'on pilt les prendre pour allies politiqucs, ils n'ont os6 sortir, ou, du moins, la portion honnele de la garde nationale est arrivcG a temps pour les remettrc a la cliaine. Mais son

1. Souvenirs (manuscrits) de M. X.... —M. X..., arr6te avcc sa femme, en Picardie, ful ramcne a Paris par un niembre de la Commune, petit bancal, ancien loueur de chaises dans I'eglise de sa paroisse, imbti des doctrines du temps et franc nivelcur. Au village de Sarallcs, on passail devant la maison de M. de Livry, riche de 50 000 iivres de rcnie et amanl dc la Saunier danseuse h. TOpera. «C'est un bon enfant^ s'ecria le bancal; « nous venons dc le marier. « Ah qa, lui avons-nous dit, il est temps que « ce mauvnis train-la finissc; a has les pr(5juges! II faut que le ci-devanl « marquis (Spouse la danseuse. »II I'aepousee, et ila bien fail; autrement, u ir aui-ait deja saut6 le pas, ou serait au moins a I'ombre, derriero les a murailles du Luxembourg. » —Ailleurs, devant un chateau qu'on diimo-lissait, I'ancien loueur do chaises repctait la phrase de Rousseau : o Un chciteau no tombe jamais qu'on ne voie s'clever vingt chaumi6res a « la place." Sa memoire elalt farcie de sentences et de tirades sembla­blcs qu'il appliquait a I'occasion. — On peut considcrer cet homme conime un specimen assez exact dc la moycnne jacobine.

362 LA RIiIVOLUTION.

ciTort s'est arrel6lci, ct, pendant unc anncccncore, I'aulo-ril6 publiquc rcstera aux mains d'unc I'acLion qui,, en fail d'ordrc public, n'a pas mcmc Ics senLimcuLs d'un lb re at.

' Plus d'unc fois, pendant le cours de cctte longue revue, Ic niinistre a du sentir une rongeur dc liontc lui monlcr au visage; car, aux reprimandcs qu'il adrcsse aux admi­nistrations inertcs, dies repliquent par son proprc excmple :c<Yous voulczquenousdenoncwnsaraccusatcur « public Ics arrcslations arbitraires; avez-vous denoncc « les coupablcs de pareils delits et dc plus grands, dans « la capilalc* ? « — Dc loulcs parts, les opprimcs ont cri6 vers lui, vers « Jc ministre patriote, cnncmi- prononcc de « Fanarcliie », vers « le bon et incorruptible ministre de « rinterieur... a qui on n'a pu reprocber que le bon sens « de sa femme «, el il n'a su Icur cnvoycr pour r6ponse que des dissertations et des condoleanccs : « Gcmir sur «Icsevcncmcnts qui dcsolent Ic d6partcmcnt, dire que Ics « administrations sont vraiment utiles quand dies pr6-« viennent les maux, que c'est unetriste n6cessit6 d'Otre « rcduit acberclicr des rcm6dcs, Icur recommander une « surveillance plus active^. «« G6mir, cllrouvcr des con-« solalions dans les observations en lalettre » qui annonce quatre assassinats, mais fait observer que « Ics victinics « immolces 6taient des antircvolutionnaires ^ ». II a dia­logue par ecrit avec des municipaliles de village et donne des Jccons de droit constitulionnel i des communaut6s do casscurs de gres*. — Mais, sur ce terrain, il a ete

1. Archives nationales, F', 3207. LeUre des aclministrateurs do la Cote-d'Or au minislro, 6 octobre 1792.

..lb., F', 3195. Lcltre des adminislratcurs des BoucIies-du-Rli6no, 29 oc-lobre, elreponsc en marge du ministre.

3. lb., F', 3249. Leltre des administrateurs de I'Orne, 7 septembre, ctr6-ponse en marge du ministre.

I eiLiwip n''?^'^^' ""•' spondanceavec la municipalito de Sainl-Firniin (Oise). «e iioland, 3 dccembro: « J'ai lu la lcltre que vous m'avcz adrcssce Ic

LA SECONDS fiTAPE DE LA CONQUfiTE. 363

balLu par ses proprcs principes, et, d Icur tour, Ics purs Jacobins lui font .la le^on; cux aussi, ils savcnl lircr Ics cGfis6c{uciiccs clc leur dognic. « Frere el ami, monsieur, « 6crivenL ccux do Rouen', /)0i«' oi'etre 2jas sans cesse « comma aux gcnoux de la municipalilc, nous nous «• sommes declares sections de la commune dclib6ranlcs « et permanentes. » Que les soi-disant autoritcs consli-tu6es, que les formalistes et pddants du conseii cxecutif, que le minislre de I'interieur y regarde d deux Ibis avanl dc bldmcr rcxercico de la souvcraincle populairc. Lo souverain cleve la voix et fait rentrcr ses commis sous lerre : spoliations ct meurtrcs, tout ce qu'il a fail est juste. « Auricz-vous oublie, apr6s la tempelc, ce que « vous avez dit vous-m6mc, dans le fort dc I'orage, que « c'est u la nation a se sauver clle-m^me? EIi bicn, c'cst « ce que nous avons fait-... Quoil lorsquc la France

" '2o du niois dernier, ct, jc ne dois pas vous le dissimuler, c'csl avec dou-" Icur que j'y ai Irouvc des principes destruclifs de tout lien dc suiiordina->i tion cnvcrs les aulori(6s conslituees, des principes lellement crronds que o du nioiiieiit oii les communes les adopteraient, toute forme do gouverne-a ment scrait impossible el la societe serait dissoule. En elTct, la commune <• dc Saint-Firmin a-l-clle pu se persuader qu'clle clait le souverain, ainsi « qu'clle-mOme rannonce, el Ics ciloyens qui la composenl onl-ils oublie " que le souverain est la nation eniiere, et non la 4'i 000' partie du lout; " que Saint-rirmin n'cst que cette fraclion.qui a conlribuc a revetir les deputes « a la Convention nationale, les administrateurs de departemcnl ct de dis-« Iricl, de lafaculld d'cxercer el d'agirpour le plus grand avantago de la « commune, niais que, du nionicnl qti'elle s'est nomm& dcsadniinislraleurs « et des agents, cllc ne pcut plus, sans une subversion totalc de Tordrc, « ressaisir lespouvoirsqu'ellc a donnes, etc. ?» — lifaudrait pouvoirciter lou-tes les pieces de cette affaire; rien de plus instructif et de plus comique, uola'mment le style du sccretaire-grefQer de Saint-Firmin : « Nous vous * conjurons de vous souvenir que les administrateurs du district de Sculis aveuleut jouer le rdlc des Sir^nes qui cssayerent d'enchantej- Ulysse.»

1. Archives nalionales, F', 3265. Lettre du bureau central des sections de ilouen, 30 aotlt.

2 Ih., F ' , 31.95. Lettre des trois corps adminislratifs etdes commissaires des sections dc iMarscille, In novembre 1792. Lettre des ilecleurs dos l!ou-clics-du-lUioiic, 2(S novembre. — (Les formules de polilosse soul omises i

364 LA RfiVOLUTION.

« enli6re retentissait de celte proclamation si longlempFi c attendue que la tyrannie est abolie, vous auriez voulu « que des traitres, qui s'elTorcaient de la fairc revivre,. « n'excitasscnt pas contre eux lavindicte publique?T)ans « quel sifecle, grand Dieu, trouve-t-on de semblablcs « ministrcs! » Taxes arbitraires, amendes, confisca­tions, expeditions r6volutionnaires, garnisaires ambu-lants, pillages, qu'y a-t-il i reprendre dans tout cela? « Nous ne disons pas que ces voies sont legales; niais^ « nous rapprocbant de la nature, nous demandons quel « est le but que ropprim6 se propose en invoquant la « justice. Serait-ce de languir et de poursuivrc en vain « une reparation Equitable que les formes judiciaires « font fuir devant lui? Gorrigez ces abus, ou ne trouvez « pas mauvais que le peuple souverain les supprime « d'avance... A tant de litres, vous voudrez bien, Mon-« sieur, revoquer vos injures ct reparer vos torts, avant cc que nous ne venions b. les rcndrc publics »... « Gitoyen « ministre, on vous flatte, on vous dit trop souvent que « vous 6tes vertueux; dfes que vous vous plaisez b. Ven-« tendre dire, vous cessez de Ffitre... Chassez,les brigands « astucieux qui vous entourcnt, dcoutez le peuple, ct « souvenez-vous que le citoyen ministre n'cst que I'e'xe-« cuteur de la volont6 du peuple souverain. » — Si born6 que soit Roland, il doit enfin comprendre : les vols et assassinats sans nombre qu'il vient de relevcr ne sont pas une explosion irrefl6chie, un acces de delire passager, mais le manifeste du parti vainqueur, le debut d'un regime 6tabli. Sous ce regime, 6crivent les Jacobins de

la Cn dc ces lellrcs, et cerlainement avec intention.) — Roland leur repond . (31 decembre) : « Tout en applaudissant au civisme des courageux habitaots

" de Marseille,.,, je ne pensepas tout a fait comme vous sur I'exercice de la « souverainete du peuple. » II flnit par declarer qu'il a communique leurs lettves cl ses reponses aux dcpal6s des Bouche.s-du-l!h6ne, que ceux-ci sont d accord avec lui et que tout s'arrangera.

LA SECONDE l^TAPB DE LA CONQUfiTE. 365

Marseille, « aujourd'hui, dans nos conLrces hcureuscs, « les bons domineyit les mauvais et forment un corps qui « ne sou/fre point de melange : tout ce qui est vicieux se <c cache ou est extermine. » — Le programme est net, ct il a 6t6 comments par des acles. G'est ce programme que la faction, pendant lout I'inLcrrdgne, a signifie aiix <^lecleurs.

CHAPITRE TIT.

I La sccondc dtape de la conquiJte jacobine. — Grandeur et multitude dcs places vacantcs. — II. Les elections. — Appel an scrutin dcs jounes gens el dcs indigents. — Danger des mod6r6s, s'ils sonl candi-dals. — Abstention de teurs chefs. — Proportion des ab?ents aiix assera-blccs primaircs. — III. Composition et ton des assemblies secon-daircs. — Exclusion dcs dlccteurs feuillants. — Pression sur les autrcs dleclcurs. — Les 61us des moddres sont obligds do se d6mellro. — Annu-lalion des Elections calholiques. — Scission dcs minoviles jacobincs. — Validation de leurs elus. — Dcsaccord dcs choix officiels ct de I'opinion publiquc. — IV. Composition de la Convention nationale. — Nomljre priniitif des Montagnards. — Opinions et sentiments des deputes de la riainc. — La Girondc. — Ascendant des Girondins dans la Convention.— Leur esprit. — Leurs principes. — Lcur plan de constitution. — Leur fa-

. nalisme. — Leur siucerile, leur culture et leurs goiits. — En quel ils se gdparent des purs Jacobins. — Comment ils entendent la sonverainele du pcuple. — Procddure qu'ils imposent a I'initiative des individus et des groupes. — Faiblesse du raisonnement philosophiquc et de I'autorite parlemenlaire en temps d'anarchie. — V. L'opinion i Paris. — La majo-rile de la population resle conslilulionnelle.—Impopulaiit6 du rdgime nouveau. — Rarele el chert6 des denrdes. — Froisscmcnt dcs habitudes calholiques. — Desaffeclion universellc et croissanlc. — Aversion ou in-diffdrence pour les Girondins. — D6mission politique do la majorite. — Incompatibilit6 des moeurs modernes et de la democratic directe. — Abs­tention des propridtaires et des rentiers. — Abstention des industriels ct des boutiquiers. — Division, timiditc, impiiissanco des moderes. ~ Les Jacobins ferment seuls le peuple souverain. — VI. Composition du parti. — Son nombre el sa qualite baissent. — Les artisans subalternes, les pelits dctaillants, les domesliques. — Les ouvriers viveurs et fla­neurs. — La canaille suburbaine. — Les chenapans et les bandits. ~ Les rdles. — Lc^ septcmbriscurs. — VII. Lc personnage regnant. — Son caractire-et sa portde d'esprit. — Les idecs politiques do M. Saule.

T

Ai'nsi s'achfeve la'seconde 6tape de la conqii6le jacobine : ^ parlir da 10 aoCit, pendant Irois mois consecutifs, du

LA SECONDE l5:TAPE DE LA C0NQU£:TE. 367

haul en bas de la hicrarchle, les Jacobins ont <ilargi et muUipli6 les vacances pour les remplir. — D'abord, au sommct des pouvoirs publics, la faction installe des rcpresentants qui ne represenlent qu'elle, sept cent qua-ranle-neuf deputes omnipotents, unc Convention qui, n'elant bridee ni par des pouvoirs collat6raux ni par unc constitution pr6etablie, dispose h son grc des biens, do la viect de la consciencc.de tons les Fran^ais. —Ensuite, par celte Convention i peine install6e, elle fait decr6tcr le renouvellement complete do tons les corps adminis-Iratifs et judiciaires, conscils ct directoires de depar-lement et de district, conseils et municipalil6s de com­mune, tribunaux civils, Iribunaux crimincls, Iribunaux de commerce, bureaux de paix, juges de paix, assesseurs des juges de paix, suppleants des juges, commissaires nationaux prfes des Iribunaux civils-, secretaires et grefders des administrations et des tribunaux. Du m6me coup, robJigation d'avoir e.\erc6 comme homme de loi . estabolie, en sorte que le premier venu, s'il est du club, pent dcvenir jnge, sans savoir ecrire et prcsque sans savoir lire^ — Un pen anparavant*, dans toutes les villes

1. Duvergicr, Collection des lois ct dccrels, decrets du 22 seplembre ct du 19 oclobrc 1792. De leur aulorile propre, les assemblecs eleclorales et les clubs avaicnt deji, en plusicurs endroits, procede ii ce renouvellcaicnt, et le decrct valide leurs cboix.

2. Le bcsoin de meltre des Jacobins parlout se monlrc Ires bien dans la lellrc suivante : « Sur Ic tableau des jur6s de voire district,... jc vous prie « do mo designer en marge, par une croix, les bons Jacobins i choisir a pour former la lisle des 200 pour le Irimestro prochain; nous avonsbesoin a de palriotes, » {Leltrc du procureur gendraldu Doubs, 23 decembre n92. Sauzay, III, 220.)

3. Petion, Memoires (ed. Dauban), p. 118 : « Le juge de paix qui m'ac-« compagnait elait tres bavard el ne disait pas un mot de franQais • il me a raconla qu'il avail 616 lailleur de pierrcs avant d'etre juge do paix mais . quo son patriolisme I'avait porte Ji cette place. 11 voulul dresser un petit . proces-verbal pour me confier i la garde de deux gendarmes; il ne sul . comment s'y prendre, je lui diclai, ct il poussa ma patience h bout par la «ienteur incroyable avec laquelle il dcrivait. n

i\. Decrets dos 6 juillet. 15 aoul, 20 aoill, 26 seplembre 1792.

368 LiV REVOLUTION,

au-dcssus de cinquanle mille Ames, puis dans toutes les villcs-fronlicres, rctat-major de la garde nationale a re-pass6 par le crible Electoral. Pareillemcnl, les officiers de gendarmerie, i Paris et dans loute la France, subissent dc-reclief le choix de leurs liommes. En fin les dirccteurs et les conlroleurs de la poste sont soumis i I'eleclion. — Bien mieux, au-dessous o u i c o t e des fonctionnaires elus, I'epuralion administrative alteint les fonctionnaires et les employes non electifs, si neutre que soit Icur emploi, si indirect et si faible que soit le lien par lequcl leur office se raltache aux affaires politiques, rcceveurs et pcrcepleurs des imp6ts, directeurs et procureurs des eaux el forets, ing6nieurs, notaires, aYou6s, commis ct scribes d'adminislration; ils sout revoques si leur municipalile ne leur accorde pas le certificat de civisnic : A Troyes, sur quinze notaires, elle le refuse a quatre*; cela fait quatre eludes a prendre pour leurs clercs jacobins. A Paris-, « tous leshonn6les gens, lous les commis inslr.uils » sont chasses des bureaux de la marine; le ministcre do la guerre devient « une caverne, oil Ton ne travaille (ju'en bonnet « rouge, oil Ton lutoie tout le monde, m6me le ministre, •« oil quatre cents employes, parmi lesquels plusieurs « Icmmes, alTcctent la toilette la plus sale et le cynisme « le plus impudent, n'exp6dient ricn et volent sur toutes « les parties. » — Sous la denonciation des clubs, le coup de balai descend jusque dans les bas-fonds de la hierarcliie, jusqu'aux secretaires de la mairie dans les villages, jusqu'aux expeditionnaires et garcons do bureau dans les villes, jusqu'aux geoliers et concierges, bedeaux et sacristains, gardes foreslicrs, gardes champOlrcs, gar -

1. Dcci-et du 1" novcmbre 1792. — Albert Babcau, II, 1 J, 39, 40. 2. Dumouriez, III, 309, 355. - Miot de Melilo, Mcmoires, I, 31, 33. -

Oouverneur Morris, leUre du 14 fevrier 1793 : « L'etat de dcsorganisalion - parait.tre irremediable. La venalit6 est telle, que, s'il n'y a pas de trailrcs, " c est parce que les ennemis n'ont pas le sens comniun. »

LA SECONDE l^TAPE DE LA C 0 X Q U I ; ; T E . 369

dicnf? de sdqueslres*; il faut que lous ces gcns-hY soient on paraissent jacobins; sinon leur place se derobe sous cux, car il y a toujours quelqu'un pour la convoiter, la sdllicilcr et la prendre. — Par dela Ics employes, le ba-layage alteint Ics fournisseurs; en effct, dans les fourni-tures aussi, il y a des fiddles k pourvoir, et nulle part i'appat n'est si gros. M6me en temps ordinaire, I'Etat demeure encore le plus grand des consommateurs, et, en ce moment, il ddpense par mois, pour la guerre seu--lenient, 200 millions d'extraordinaire : que de pois-sons a peclicr dans une eau si trouble-! — Toulcs ces commandes lucratives, comme lous ces cmplois r6lri-bu6s, sont t\ la disposition du peuple jacobin, et il les disLribue : c'est un proprielaire legitime qui, rentrant

. ] . Archives nationales, F', 3268. I.cllro des officicrs mnnicipaiix do Ham-bouillet, 3 octobre 1792. lis denonccnl unc pctilion des Jacobins.do la villc qui vciilcnt faire dcstituer les quarante gardes do la foret, presquo lous pores de famille, <• coniine ayant»5t6 ci-devant gagtis par un roi parjiire. » — fi^ynaull, Souvenirs d'un sexagdnairc, II, 15. II se doniet d'un pelil emploi qn'il avail dans ia fabrique des assignals, parcc que, dit-il, a la moindrc « place 6tant convoitee, le moindre employe se trouvait en butteaux dcnon-0 cialions de lout genre. »

2. Dnnionriez, III, 339. — Meillan, Mtimou'es, 27: <• Unit jours apris son u installation au niinislere de la guerre, Beurnonville m'avoua qu'on lui « avail fail des offresjnsqu'a concurrence de 1 500 000 francs, pour se pre-« tor a des nialversalions, » II laclie. de balayer la vcrniine des employes voleurs, et aussil6t il est denonce par Marat. — Darbaroux, Mcmoircs ((5d. Dauban). Lctlrc du '•> fevrier 1793: « J'ai trouvo Ic minislrc de Tin-» lericnr plcurant de I'obslinalion dcVicilz qui voulait lui faire violer la loi c du 12 oclobre 1791 (sur ravancemenl). » Vieilz n'avaitque quatro moisdc service au lieu des cinq ans exig^s par la loi, et le ministre n'osait se faire un ennenii d'un liommc influent dans Ics clubs. — Duclioz et Roux, XXVII, 10 14 mai. Discours de Darbaroux : « La societo des Jacobins sc vaulc « d'avoir place 9G01 agents dans les administrations, r, — n,,^ XXYllI, 19 {Pnblicadon des pi<-ces relatives au 31 mai, a Caen, par I'crgocing, 28 jnin 1703) : " Mon ami apprit qne la place avail Olcaccordee a un autre « qui avail compt6 50 louis au depute. — Les deputes de la Monlagnc a disposent sonverainement de ces places, et les nictlenla prix; les larifs u sont presqiie publics. " — Lc nomhrc des places augmente beaucoup dans rannee qui suit. (Mallcl-Dupan, II, 50, mars 179'i.) -» On compte trenlc-a cinq millc employes publics dans la seule capitale. «

LA K2V0LUTI0N. U — 24

370 LA RfiVOLUTION.

cliez lui aprfes une longue absence, donne ou retire sa pratique comme il lui plait, et, au logis, fait maison nette. — Dansles seuls services administratifsetjudiciaires Ireize cent mille places; toutes celles des finances, des travaux publics, de I'instruction publique et de TEglise: dans la garde nationale et I'armee, tons les postes, depuis celui de commandant en chef jusqu'^ celui de tambour; tout le pouvoir, central ou local, avec le patronage immense qui en derive: jamais pareil butin n'a 6t6 mis en tas et i la fois sur la place publique. En apparence, I'^lection fera les lots; mais il est trop clair que les Jacobins n'entcndent pas livrer leur proie aux hasards d'un scrutin libre; ils la garderont, comme iis Font prise, de force, et n'omettront rien pour mailriser les Elections.

II

Pour commencer, ils se sont fraye la voie. Des le premier jour^, les faibles et derni^res garanlies d'inde-pendance, d'honorabilit6 et de competence que la loi exigeait encore de I'^lecleur et de r6ligible ont 6te sup-prim6es par decret. Plus de distinction entre les ciloyens actifs et les citoyens passifs; plus de diir6rence entre le cens de Felccieur du premier degr6 et le cens de I'^lec-tcur du second degrc; plus do cens 61ectoral. Tons les Francais, sauf les domestiqucs dont on se d6fie parce qu'on les suppose sous I'influence de leurs maitres, pourront voter aux assembl6es primaires, et ils vote-ront, non plus k partir de vingt-cinq ans, mais dhs vingt et un ans; ce qui appelle au scrutin les deux groLipes les plus revolulionuaircs, d'unc part, les jeunes

1. Decret du 11-12 aouL 1792.

LA SECONDE fiTAPE DE LA CONQU^ITE. 371

gens, d'aiitre part, Ics indigents, cenx-ci en nombre pro-digieux par ce temps de chomage, de diselle et de mis^rc, en lout deux millions et demi et peut-6tre trois millions de nonveaux 61ecteurs : ci Bcsancon, le nombre des inscritsest doubl6*. — Ainsi la clientele ordinaire des Ja­cobins est admise dans renceinle electorale d'oii jus-qu'ici elle 6tait exclue', et, pour I'y pousser plus sOre-ment, ses patrons font d6cider que tout electeur oblige de se deplacer « rccevra 20 sous par lieue », outre 3 livres « par journde de s6jour' ».

En m6me temps qu'ils rassemblent leurs partisans, ils ecarlent leurs adversaires. A cela lo brigandage politique par Icquel ils dominent et terrifient la France a deji pourvu. Tant d'arrestations arbitraires, de pillages to-16r6s et de meurtres impunis sont un avertissement pour les candidats qui ne seraient pas de leur secle; et je ne parle pas ici des nobles ou des amis de I'ancien regime, qui sont en fuite ou en prison, mais des monar-chistes constilutionnels et des Feuillants. De leur part, toute initiative 61ectorale serait une folie, presque un sui­cide. Aussi bien, pas un d'eux ne se met en avant. Si quelque moddre hontcux, comme Durand-Maillane, figure sur une liste, c'est que les revolutionnaires I'onl adopLe sans le connaitre et qu'il jure haine a la royaute*. Les

1. Sauzay, III, 45. De 3200, le nombre des inscrits monte k 7000. 2. Durand-iMaillano, McmoircSy p. 3P: « Cela fit de tons les proletaircs de

« la Franco, qui n'avaient ni bicns ni consistance, le parti dominant dans o les assemblecs dlectorales... Les divers clubs ctablis en France (furcnl) « alors maitres des Elections. » Dans les Bouches-du-Rli6ne, « 400 electcurs « de Marseille, donl ledixiSme n'avait paslo revenu du marcd'argent, mai-« trisdrent despotiquement notre assemblce 6Ieclorale. Ils ne permetlaient a « pcrsonne d'61ever la voix conlre ciix... On n'elut que ceux que dcsigna « Barbaroux. »

3. Ddcret du ll-]2aotit . —Archives nationales, CII, 58 a76. Proces-vor-balderassembl(5e61ectoraledeR!i6ne-el-Loire tenue iSaint-Elienne. Les elec-teurs de Sairjt-Elienne demandent a otre indenmis^s comme les autres, altendu qu'ils donnent leur temps comme les autres. — Accorde.

4. 76., CII, 1 a 32. Proc6s-verbal de I'assemblee electorale desBouches-du-

372 • LA REVOLUTION. .

autres, qui, plus francs, ne veulont pas endosser la livr^e populaire ct recourir au patronage des clubs, se gardcnt soigneusement de se presenter; ils savent Irop bien que ce serait designer leurs teles aux piques et leursmaisons au pillage. Au moment mCme du vote, les propriet6s de plusieurs deputes sent saccagoes, par cela seul que, « dans le tableau comparatif des sept « appels nominaux-» envoye aux dcpartements par les Jacobins do Paris, leurs noms se trouvent a droilc*.— Par un surcroil de precautions, les constitutlonnels de la Legislative ont 6t6 relenus dans la capitale; on leur a refuse des passcporls, pour les cmpGcber d'aller en pro­vince rallier les voix et dire au public la ver i t6sur la revolution recente. — Pareillement, tous les journaux conservateurs ont 616 supprim6s, rdduits au silence, ou conlraints i la palinodie. — Or, quand on n'a pas d'or-gane pour parler ni de candidal pour eire rcpresente, a quoi bon voter? D'autant plus que les assemblces pri-maires . sont dps lieux de d6s6rdre et de violence-,

Uhone, discours de Durand-Maillanc : a Pourrais-je, dans la Convention na-« lionale, 6lre difl^rent de moi-mgme sur le comple du ci-devant Louis XVI, • <}ui, des saTuile du 21 juin, m'a paru iiuligiic du trOne ? rourrai-je, apros « tous les crimes dc nos rois, ne pas"abliorrer la royaulc? i

1. Monilcur, XlII, 623, s6ance du 8 seplenibre. Discours de Larivi6re. — Archives- nalionales, ClI, 1 k 83. (Les proccs-verhaux des assemblces eleclorales mcnlionnenl fi-equcmmcnt Teavoi dc ce tableau comparatif et les Jacobins qui I'envoienl invitent rasscmbluc 6lcctorale a en faire la lec­ture, seance lenanle.) Voyez, par e\-emple, le proces-verbal de rassemblee electorale de I'Ardeclie. — Ballcydicr, I, 79. (Lettre- de Laussel, datee de I'aris, 28 aout 1792.)

2. I\6tif de la Brelonne, les Nulls de PariSjX." 7iuit, p. 301: c-Aussilot les « assembl6es primaires se formcrent, les intrigants s'agit6rcnt, on nomrna « les electeurs, et, par le mauvais mode adopte dans les sections lo n bruit lint lieu de majoritd. <- — Cf. Schmidt, Tableaux dc la Ucvolulion frangaise, 1, 98. Lettre de Damour, vice-prteidenl de la section du Thdalre-Fran^ais, 29 octobre. — Un sejour.cn France, p. 29 : • Les asscmbldes pri-« maires ont d(5ja commcnc6 dans ce ddparlemenl (Pas-dc-Calais). Nous « sommes enlrcs par liasard dans une eglisc, oil llobespierre le jeune ha-«• ranguail unauditoire aussi peu nombicux que peu respectable. lis applau-

LA SECONDE fiTAPE DE LA CONQUfiTE. 373

qu'en beaucoup d'cndroUs Ics palrioLes y sonL seuls admisS qu'un moderc y est « insullc et accable par le

.« nombre «, que, s'il y paiie, il est en danger, que, memeen se laisant, il a chance d'y rccolter des denoncia-tions, des menaces et des coups. Ne pas se monlrer, rosier i I'ecarL, 6viler d'Otre vu, faire oublier qu'on cxisle, telle est la vbglc sous le r5gne du pacha, surlout quand ce pacha est la pl6be. C'est pourquoi la majorile s'abslienl, et, autour du scrulin, le vide est 6norme. A Paris, pour rclcction du mairc ct des ofricicrs munici-paux, les scrutins d'oclobr.e, noYcmibrc et decembre, sur 160 000 inscrits, ne rassemblent que 14 000 volanls, puis

• dissaicnt du resleassez bruyammcnl pour coinpcnser cequi leur manquail « d'aiHours. » . L Albert Babcau, I, 518. A Troyes, 26 aoilt, dans la plupart des sections,

Ics rcvolulionnaircs font decider que les parents d'un emigre, designcs conime olagcs, ct les signataires des adresscs royalisles ne scront pas adaiis h voice: * Le pcuple souverain, reuni en asscmblee primairc, nc peul ad-c< niettre au nombre de scs mcmbres que des ciloyens purs et sur lesquels on « ne puisse jeler le nioindre soupgon. n (Arrclc de la section do la iMadcleine.) — Sauzay,.III,47, 49 et suivantcs. A Quingey, le 26 aoiit, Louvot. fermier des forges de Cliatillon, avcc une ccnlaine dc ses ouvricrs munis de batons exclut du scrulin les eleclcurs de la commune de Courcellcs, comme « sus-« peels d'incivisme». — Archives nationalcSj 1", 3217. Lellres de Gilles, juge de paixdiicanlon de Roqucmaure (Card), 31 oclubre 1792 et 23 Janvier 1793, sur les procedes electoraux employes dans son canton : « Dulour quilla « sonfauteuil de president du club pour appuycr la motion de faire lanlerner « les revOcbes ct les faux palriotcs... Lc 4 novenibre, il Ct conlribuer les <i citovens, en mcnayant de couper des lOles el do ddlruire les niaisons. » II a etc elu juge de paix. — Uii autre, Magdre, « a apprduve la motion de faire « dresser uncpoleucc, pourvu que cc ne fill pas dovant ses fenfires, el a dit « cnplcin club que, si Ton suivait les lois, on ne ferait jamais rien de mcmo-« rable. » II a el6 elu mcmjjre du dirccloire du dopartemcnt. — Uii Iroisieiut, Tournier, « a ecrit que les dons sont volonlaires, alors que les ciloyens ifonl « donn6 que pour sauvcr leurs vies. » II est elu membre du conseil du de-partemenl. — a Les paisiblcs ciloyens font mcUre leurs meubles on sui'cte « pour prendre la fuile... II n'y a plus de sccurile eu France; I'epillnJte d'a-• ristocrate, dc feuillanl,' de niodere, ajoutce au nom du j)his lionudtc ci-. loyen, sufljt pour le faire Spoiler ct Tcxposer a pcrdre la vie... Je persiste « a voir laprincipale cause de Tanarcliie dans la fausse idee iiu'on se forme •t de la souveramcte du pcuol^. - •

374 LA REVOLUTION.

10 000, puis 7000^ A Besancon, les 7000 inscrits ddposcnt moins de 600 suffrages; m6mo proportion dans les autrcs villes, i Troyes par exemple. Parcillement dans les can-Ions rurauX;, h Test dans lo Doubs, i I'ouesl dans la Loire-Inferieure, il n'y a qu'un dixi^mc des 6lecleurs qui ose user de son droit de vole". On a lant 6puise, boulc-vcrs6 et bouch6 la source 61eclorale qu'elle est presquc larie : dans ces asscmblees primaires qui, direclemcnt ou indireclement, dclfeguent tous les pouvoirs publics et qui, pour exprimcr la volont6 gcneralc, devraicnt 6lre pleines, il manque six millions trois cent mille electeurs sur sept millions.

I l l

Par celte purgation anticipce, les asscmblees dii pre­mier dcgrc sc irouvcnt, pour !aplupart,jacobines; en con­sequence, les 61ecteurs du second degre qii'elles cliscnt sont, pour la pluparl, jacobins, et, dans nombre de depar-tements, leur assemblee devient le plus anarchique, le plus turbulent, le plus usurpalcur de tous les clubs. Co lie sonL ( ue cvis, d6uonciations, sermouts, motions in-cendiaires, acclamations qui emportent les suffrages, harangues furicuses des commissaircs parisicns, dcs dc-legues du club local, des fedcrcs qui passcnl, dcs pois-

1. Scliinitll, i 'ar/ser Zuslande, 1, bO cl siiivanles. — Morlimcr-Tcrnaux, V, 95, 109, 117, 129. (Scrulin du 4 oclobre, 14 137 volaitis; du 22 oclobre, UOOG; du 19 uovembre, 9 800; du 30 uovembre, 10 223; du 6 decenibre, 7062.)

2. Sauzay, III, 45, 46, 221. — Albert Rabcau, I, 517 — Lallio, [e bhlrkt de A/(ic/tfcoui, 225. - Cf. ci-dcssusrhisloiredes oleclions do Sainl-Affriqne: evir i>Uisde GOOcleclcurs iuscrilS;, le luairo cl le procureur-synJic soul uoin-iiies par 40 voix. — Le plebiscite de septembre 1795 sur la constitulioa de Ian 111 lie reuaira que 95S 000 volants; c'est quo la repiigHance pour Ic ^oledul•o loiijoui's. » Sui- cenlfois quo j'ai deiuaiidu : Ciloycn, commcnl s'csl • passdc russcmblec elcClorale de voire canlou? on m'a rcpondu qualre-

LA SECOND E ETAPE DE LA CONQUfiTE. 375

sardcs qui reclamcnt des arraes^ L'asscmblee du Pas-de-Calais61argiletapplaudit une femmc d6lenue pour avoir b"aLlu la caisse dans un allroupemenl populaire. L'assem blee de Paris fraternise avcc icsegorgcurs de Versailles et arec les assassins du maire d'Elampes. L'assemblee des Bouchcs-du-Rh6nc donneun certificat de vertu i Jourdan le massacreur de la Glaci6rc. L'assombl6e de Seine-ct-Marnc applauditi la proposition de fondre un canon qui puissc contenir, en guise de boillet, la t6te do Louis XYI et la lancer a I'ennemi. — Rien d'6tonnant si un corps elec-" toral qui ne respccte rien ne so respecte pas lui-mGrnCj et se mutile sous pretcxte de s'6purer-. Tout de suite lama-jorite despotique a voulu regner sans conleste, ct, de son autoritdpropre, elleaexpuls6 les elcctcurs qui hii dcplai-saicnt. A Paris, dans I'Aisne, dans la Ilnutc-Loirc/dans rille-ct-Yilaine, dans le IMaine-et-Loire, cllc cxclul, comme indigncs, Ics membres des anciens clubs fcuillants ou monarcbiques ct Ics signalaires des proicslations con-stilulionnelles. Dans I'llcrault, ellc annule les 61ections du canton de Servian, parcc que les elus, dit-cUe, sont

« vingl-dix fois : « Moi, citoyen! Qirhscc que j'irions faire Ui? Ma fi, Tont « bin do la peine k s'enlcndre. » Ou : « Que voulez-vousl On elail on bin « petil nonibre; les honn6les gens rcstions chez eux. » (Meissncr, Voyage d Pans, vers la fin dc 170.").)

1. Archives nationalcs, Gil, 1 b. 16, passim, notamment les proc6s-ver-baux des assemblecs des I}ouclics-du-Uli6ne, de I'lIoraiiH et dc Pans. Dis-coiirs dc I'arbaroux a I'assembldo (•iectorale dos Roiiclics-dii-RliAne : <> Fr6-« res el amis la liberty p6rit, si vous no iionimcz i'l la Coiivcnlion nalioiialo « des liommcs qui portent dans leur coour la haine de la royauto... Mon kme ' est celie d'u'n honime libre; ellc s'est nourrie do la haine des rois depuis « qualrc ans. Je delivrcrai la Franco dc cello race mairaisanlo, ou je niourrai. • Avaiil nion d6part, jc signerai nia sentence deniorl, je desigiiorai tous « los objots de mon alTcclion, j'indifincrai tous mes bicns, jc deposerai sur « Ic bureau nti p(;i^imr<l, il sera desliu6 a uic pcrcor le Cd-ur, si jt> siiis ind-o dele un moment a la cause du peuple. » (Seance du 3 septembre.) — Guil­len de Monlicon, I, 135. — Sauzay, III, 140.

2. Duraiul-Maillano, I, 33. Dans l'asscmblee olcclorale des Boucl\os-du-Rh6ae, « on voulail tuer un elccteur accuse ou soupsonne d'arislocratie. •

?,75 • LA REVOLUTION.

« d'enragds arislocralcs ». Dans I'Orne, clle chasse un ancien constituant,GoupiL de Prefcln, parce qu'il a vole "la revision, et son gendre, parce qu'il est son gon-dre. Dans les Bouches-du-RhOnc, ou lo canton dc Sei-gnon a, par megarde ou routine, jure « de mainlenir « la conslilution du royaume », clle cassc ces clus retrogrades, institue des poursuites contre « Tatlcntat « commis », et envoie des troupes contre Noves, parce que I'^leclear de Noves, un ]uge de paix denoncc ct en danger, s'est sauv6 de la cavcrne Electorate. — Aprfes V6puralion des pcrsonncs, clle precede 5. repu­tation des sentiments. A Paris ct dans ncuf deparlc-mcnls au moins*, au mepris dc la loi, clle supprimc •le scrutin secret, refuge supreme des moddres timidcs, et impose ci chaque electeur le vote public h haute voix, sur appel nominal, c'esl-i-dire, s'il vote mal, la perspective de la lanterne*. Rien de plus efficace pour iourner dans le bon sens les volont6s indeciscs, et, en maint endroit, des machines encore plus puissantes se sont appliquees violemment sur les elections. A Paris, on a v6t6 en pleine boucherie et pendant tout le cours de la boucherie, sous les piques des ex6cuteurs et sous la conduile des entrepreneurs. A Mcaux et a Reims, les 61cc-

l.Morlrmer-Tcrnaux, IV, 52. — Archives naliohales, C II, 1 a32. Pi-oc6s-verbal de rasscuibltie cleclorale des Bouches-du-Ulione, discours de Pierre Cayle, 3 septembrc : » Celui-lii n'est pas libre qui cherche a cacher sa con-« science h. roiubre d'un scrulin. Les Remains nommaienl leurs Iribuns i • haute voix... Quel est celui d'enlre nous qui voudrail rejeler une incsure « aussi salulaire? Les tribunes de VAssemblie nallonale ont aulanl fail « en faveiir de la revolution que les baionnelles des patri'otes. » — Dans beine-cl-Marue, I'assemblee avait d'abord ople pour le scrulin secret; sur i'lnvitalion des commissaires parisiens, Ronsin et Lacroix, clle rapporle sou premier arrCle et s'impose le vote a haute roix par appel nominal.

2. Barbaroux, Mcmoires, 379 : « Un jour qu'on procedait aux elections, « des oris lumullueux se font entendre : « Cost un contre-vevolulioniiaire • a Aries, ii faut Ic pendre! » On avail en eHel arri-tti sur la placo un Arlosieu, « c iVr^ ' ^ '*'"^"" '^^"^ I'assemblee el I'ou desccudail une lampe pour Tac-

LA SECOXDE iilTAPE DE LA CONQUHTE. 377-

teurs en seance on I pu entendre les cris des prClres qu'on 6gorgeait. A Reims, les massacreurs onl eux-mOsmcs inlim6 a I'assemblce 61eclorale I'ordre d'61ire Iciirs can-didals, Drouet, le fameux mailre de poste, et Armonville, un cardeur de laine ivrognc; sur quoi la moili6 de I'as-semblee s'est retiree, eties deux candidats des assassins ont ete 61us. A Lyon, deux jours aprcs le massacre, le commandant jacobin 6crit au minislre : « La catastrophe <' d'avant-hier met les arislocrates en fuite ct nous assure « la majoritedans Lyon'. » Du suffrage universel soumis i lant de triages, foule par une si rude pression, cliauffe cl filtre dans Talambic revolutionnaire, les operaleurs lirent ce qu'ils veulent, un extrait concentre, une quin­tessence de I'esprit jacobin.

Au reste, si Textrait obtenu ne leur semble pas asscz fort. Id oil ils sont souverains, ils le rejcttent ct recom-mencent I'operation. — A Paris-, au moycn d i m scrutin dpuratoire et surajout6, le nouveau conscil de la Com­mune entreprend I'expulsion de ses membres titdes, el le maire 61u des moderns, d'Ormcsson, est assailli de tant de menaces qu'au moment d'etre installe il se dcmet. A Lyon', un autre modere, Niviere-Chol, 61 u deux fois et par prfes de 9000 votanls sur 11 000, est contraint deux fois d'abandonner sa place; apr^s lui, le m6decin Gilibert, qui, porte par les mfimes voix, allait aussi r6unir la majorite des suffrages, est saisi tout d'un coup et jet6 en prison; m6mc on prison, il est elu- les clubisles I'y mainliennent d'autant plus etroitem'ent et ne le Idchent pas, mcMne aprfcs qu'ils lui ont cxlorque sa demission. — Ailleurs, dans les cantons

1. Mortimer-Ternaux, III, 338. — De Sybel, Ilistoire de VEurope pen­dant la Revolution francaise (traduclion Dosqucl), I, 525. (Concspondaace cic I'arniee du Sud, Icltre do Charles de Uessc, comuiandanl des Iroupes de ligne a Lyon.)

2. Mortimer-TcrnauXj Y, 101, 122 ct suivanles. 3. Guiilon de Monlloon, I, 172, 196 et suivaulcs.

378 LA REVOLUTION.

ruraux, en Franche-Comte par exemple*, quantil6 d'61cc-tions sont cass6es, si I'^lu est calholique. Souvent la minoril6 jacobine fait scission, s'asscmble 5. part au cabaret, 61it son maire ou son juge de paix, et c'est son clu qui est valide comme patriolc; tant pis pour celui de la majorite; les suffrages bien plus nombrcux qui Font clioisi sont nuls, parce qu'ils sont « fanali-« ques ». — Interroge de cetle faqon, le suffrage uni-versel ne peut manquer de fairc la rcponsc qu'on lui dlctc. A quel point cette rdponse est forcce et faussee, quelle distance scpare les choix officiels et I'opinion publique, comment les elections traduisent k rebours Ic sentiment populaire, des fails sans r6plique vont le montrcr. Les Deux-Sfevres, le Maine-ct-Loire, la Yend6e, la Loire-Inf6rieure, le Morbihan et le Finisttrc n'ont envoyc a la Convcnlion que des republicains anti-catho-liques, et ces m6mes departements scront la pcpini^re inepuisablcde la grande insurrection calholique et roya-liste. Trois regicides, sur quatrc d6putes, repr^sentent la Lozere ou, six mois plus tard, trente mille paysans marcheront sous le drapeau blanc. Six regicides, sur neuf deputes, reprdsentent la Vendee qui va se lever lout entierc au' nom du roi^.

IV

Si vigoureuse qu'ait ete la pression 61ectoraIe, la machine i voter n'a point rendu tout ce qu'on lui de-

1. Sauzay, III, 220 et suivantes. — Albert Dabeau, 11, 15. A Troyos tieux maires elus rcfiisent tour a tour. Au Iroisiome scrulin, dans celte ville clc 32 000 a 35 000 iimes, le maire elu oblicut 400 voix sur 555.

2. Moiiiteur, XV, 184 a 223 (appel nominal sur la peine a inniger a LOUIS XVI). -Duniouriez, II, 73 (Dumouriez arrive a Paris le 2 fcvricr

'93 apros avoir visile les cotes de Dunkcrque a Anvers) : « Dans toule » la 1 icard.e, PA.lois el la Flaadre maritime, Dumouriez avail Irouve Ic

LA SECONDE ETAPE DE LA C O N Q U E T E . 379

mandait. Au debut de la session, sur sept cent quaranle-neuf d6piites, il nc s'en troiivc qii'une cinquanlaine' poiH" approuver la Commune, presque tous elus, comme k Reims et A Paris, l i oil la terreur a pris relccteur i. la gorge, « sous les crocs, sous les baches, sous - les .« poignards et les massues dcs assommcurs% » Ailleurs, ou la sensation physique du meurtre n'a pas dt6 aussi pr6scnte et poignante, un reste de pudeur a empCchd les eboix trop criants. On n'a pu defendre aux sufrrages de se porter sur des noms connus; soixante-dix-sept mem-brcs do la Constituante, cent quatre-vingt-six de la L6gis-lalive cntrent a la Convention, et i beaucoup d'cntrc eux la pratique du gouvernement a donn6 quelqucs lumi^rcs.

« peupJe consternd de la mort tragique de Louis XV7. II avail apergu « aulaiil d'horrcur que do crainlo au scul nom des Jacobins. "

1. Ce chiCfre si iniportanl est constate par les textes suivanls. — Moyii-leur, seance du 29 deccnibre 179*2. Discours de Birottcau : « Une cinquan-« laine do merabres conlre 690... Uue vir.glaine de ci-dcvanl nobles, quuize a a vingt pr6lres et unedouzainc de jugcs de seplembrc (vculent dominer) « 700 deputes, i>~/6 . , 851 (26 decembre, sur la motion de difforer le juge-nient du roi): » Une cinquanlaine de voix, avec force : Non , non. » — lb., 865 (27 decembre, discours violent de Lequinio, applaud! par rextremite gauche ct les galeries; le president les rappelle a I'ordrc) « : Los applau-« disseiucnls d'uno cinquantaine de membres dercxlremile conlinucnl. » — Morlimcr-Ternaux, VI, 557 (Adresse de Tallien aux Parisiciis, 23 decembre, contre le bannissement du due d'0rl(5ans) : « Demain, sous le vain pretcxte « d'une autre mesure de sCirete g(5nerale, on aurait cliasso les 60 ou 80 « membres qui, par leur courageuse energie et leur inqierturbable atta-« clienient aux principes, ddplaisent beaucoup i loute la faction brissotine. «

Jiloniteur XV, 74 (6 Janvier), Robespierre, parlant a Holand, a prononc6 ce mot : ^ les ministres factieux. " a Cris : A Vordre, a. la censure, a VAb-" bayc! » » Peut-on trailer ainsi, dit un membre, le minislrc honntJte qu'es-« time la France? » — o Les eclats de rire d'une soixantainc de membres

,}. couvrcut cetle exclamation.') — lb., XV, 114 (U Janvier). Deuonciatioa du parti anarchiquopar Duzot. Garnier lui rcpond: « Vous calomnicz Paris, « vous pr(Jchez la guerre civile. — Qui, oui! B s'ccricnt une soixantainc de a membres." — Duchez ct Roux, XXIV, 368 (26 fevrier). II s'agit de dd-cidcr si Marat sera mis en accusation. « Murmures de rextremite gauche, • uue soixantainc do membres reclament a grands cris Tordre du jour. •»

2. Mcrcier, le Nouveau Paris, II, 200.

380 • LA REVOLUTION..

Bref, chez six cent cinquanle deputes, la conscience et rintelligence ne sont fauss6es qu'i demi.

Sans doute, ils sont tons republicains decides, enncmis dc la tradition, ap6tres de la raison, nourris de politique deductive; on nc pouvait 6lre nomine qu'i ce prix. Tout candidat 6tait tenu d'avoir la foi jacobine ou du moins de reciter le symbole revolulionnaire. En conse­quence, dcs sa premiere seance, la Convention, a I'unani-mit6, vote avec enthousiasme et par acclamation I'aboli-lion de la royaut6, et, trois mois plus tard, a la Ires grande. majoril6, clle jugcra Louis XYl « coupable dc coiispira-« lion contrc la Uberte do la nation ct d'atlcntat centre la « SAiretc g6nerale de I'Etat * ». — Mais sous les prejuges politiques subsistent les habitudes socialcs. Par ccla scul qu'un homme est n6 et a vecu longlemps dans une soci^te ancienno, il en a regu I'empreinte, et les pratiques qu'elle observe se sont deposees en lui sous forme de sentiments : si elle est reglee et policee, il y a contracl6 involontairement le respect de la propri6t6 ct de la vie humaine, et, dans la plupart dcs caract6res, ce respect s'est enfonc6 tres avant. Une theorie, memo adopt6e, ne parvientpas ^ledetruire; elle n'y r6ussit que dans dcs cas rarcs, lorsqu'elle rencontre des naturels bruls ou mal-sains; pour avpir toutes ses prises, il faut qu'elle lombe sur les hcritiers clairsemes de vicux appetits des-Iructeurs, sur les amcs arrierees en qui sommeillent des passions d'une autre date; alors sculcment, elle pout manifester loute sa malfaisancc; car clle r6vcille les instincts feroccs ou pillards du barbare, du rcitre, de Tinquisiteur et du pacha. Au contraire et quoi .qu'elle fasse, chez le tres grand nombre la probite etrhumanite

1. Buchez et Rou.x, XIX, 17, et XXIII, 168. - 683 voix declarcnt le roi coupablo; 37 niemln-cs se rccusent, commcjuges; sur.ccs 37, il s'uQ, rouve 26 qui, soit comme parliculiers, soil comnie legislaleurs, dcclureul

01 coui.uUe. Aucun dcs 11 autrcs ne le declare iauocciU.

LA SECONDE I'lTAPE DE LA COXQUfiTE. 381

rcstcnt loujoiirs de puissants mobiles. N(5s presqiic tous dans la bourgeoisie moyenne, presque I0113 nos Id'gisla-teurs, quelle que soil I'elTervesccnce momenlancede leur cervelle, sont au fond ce qu'ils ont 6te jusqu'ici, des avo-cats, procureurs, negocianls, prfitres ou medccins de rancicn regime, et ce qu'ils sero.nt plus lard, des admi-•nislr^s dociles ou des fonctionnaires zoles de rcmpirc '•, c'est-i-dire des hommcs civilisds de Fespice ordinaire, des bourgeois du dix-builieme et du dix-neuvifeme siecle, assez bonn^tcs dans la vie priv6e pour avoir cnvie de I'fitre aussi dans la vie publiquc. — C'cst pourquoi ils dnt horreur de I'anarchic, de Maral% des egorgeurs ct des voleurs de scplcmbrc. Trois jours aprts leur reunion, .« presque i\ I'unanimild,« ils votcnt la preparalion d'une loi « contrelcs provocateurs au mcurtre eta I'assassinat ». « Presque a I'unanimile,»ils vculcnt sc donner unc garde rccrul6e dans les qualrc-vingt-lrois departeniBnls conlre lesbandes armdes de Paris et de la Commune. Pour pre­mier pr6sident, ils ont clu Pelion « presque a la lolalilc « des suffrages ». Roland, qui vient de leur lire son rap-

1. Didionnairc biographiqiic, i)s,v Eymcry, 1807 (4 volumes). On pcut y rclcvcr la situation des convcntionncls qui onl survccu i la nivolulion. La |ikipaii sont juges au civil ou au crimincl^ picfels, commissaires de policCj chefs dc bureaux, employes des posies ou de renrcgislrement, recevcurs des finances, inspocleurs aux revues, etc. — Parmi Ics convcn-lionnels ainsi places, voici la proportion dos regicides : sur 23 prcfels, 21 onl vote la mort; sur 43 magistrals, 42 onL vole la niorl; le 4:i° etait maiade, a I'epoque du jugcmcnl; des 5 senaleurs, 4 ont vole la morl; sur 16 di'pules 14 ont vole la morl; sur 36 aulres fonclionnaires dc divcrscs cspeccs 35 ont void la morl. Parmi les aulres regicides, on trouvo encore 2 conscillers d'Elat, 4 diplomateset consuls, 2 generaux, 2 receveurs genc-

• raux, un commissaire general dc police, un colonel de gendarmerie, un mi-nlsirc du* roi Josepli, le ministre de la police ct rarchichancelicr de I'Empiiv.

2. iiuciiez ct Poux, XIX, 97, stance du 25 septembre 1792. jMaral: « J'ai, . dans cettc Assemblee, un grand nombre d'ennemis personnels. • — • Toils, tous! B '5 sY'cHe TAsscmblce en sc levant avec indignation. » — /6., XIX, 9 ,49, 63, 338.

382 LA. REVOLUTION.

port, reQoit«Icsplus vifs applaudissemcnls clel'Assembl6e a prcsquc enlierc ». — Bref, ils sont pour la rcpublique id^ale contre les brigands de fait. Dc l i vicnt qu'ils se rangcnt autour des deputes probes ct convainciis qui, dans les deux precedeiiLcs Asscmbl6es ou k c0t6 d'ellcs, onl le mieux d6fendu tout a lafois I'humanitd et les prin-cipcs, aulour de Buzot, Lanjuinais, P6tion, Rabaut Saint-EUenne, autour de Brissot, Yergniaud, Guadet, Gen-sonne, Isnard et Condorcet, autour de Roland, Louvct, Barbaroux, et les cinq cents deputes de la Plaine mar-cbcnt en corps sous la conduitc des cent quatre-vingts Girondins qui formcnt mainlcnant le c6t6 droit ^.

Parmi les rcpublicains, ceux-ci sont les plus cstimables ct les plus croyanLs; car ils le sont depuis longtcmps, par reflexion, 6tude et systbme, prcsquc tons Icllres et liseurs, raisonncurs et philosophes, disciples de Diderot ou de Rousseau, persuades que la verit6 absolue a ete rdvel^e par leurs mailres, imbus de VEncyclopedie ou du Contrat social, comme jadis les purilains do la Bible-. A I'age oil I'csprit, devenant adulte, s'6prend d'amour pour les id6es gen6rales*, ils ont 6pous6 la tbeorie et Youlu rebdlir la soci6te sur des principes abstraits. A cet cffet, ils ont proc6de en purs logicicns, avec loulc la ri-gueur superlicielle et faussc de I'analyse en vogue : ils

1. Meillan, Mcmoires, 20. — Buchez et Roux, XXYI, seance Ju 15 avril 1793. Denoncialion des Vingt-deux par les sections dc Paris; Boyer-Fon-fiede regrelte « que son nom ne soit pas inscrit sur cctte liste honorable ». — a Et nous aussi, tous, tous ! » s'ccrient les Irois quarts de rAsscmblee « en se levant. »

2. Archives nationales, AF II, 45. Lettre de Thomas Payne a Danton 6 mai 1192 (en anglais). « Je ne connais pas d'hommes ni€;illcurs ni « de meilleurs patriotes. » — Cette lettre, comparde aux discours ou aux ccritsdu temps, faille plus dtrange effet par son bon sens pratique. L"Anglais-Am(5ricain, si radical qu'il soit, ne s'appuie, dans ses raisonne-menls poliliques, que sur les exemples et rcxperiencc.

3 Cf. les Memoircs de Buzot, de Barbaroux, de Louvct, de Mme Ro­land, etc.

LA SECONDE ETAPE DE LA CONQUfilE. 383

se sont represcnt6 I'homme en general, Ic m<^me en lout lemps ct en lout pays, un cxlrait ct un minimum do riiomme; ils onl consid6r6 plusieurs milliers ou millions de CCS (ilres reduils, 6rig6 en droits primordiaux Icurs volonles imaginaires et redig6 d'avance le conlrat chimc-rique do leur association impossible. Pius de privil6ges, plus d'h6r6dil6, plus de cens, lous electeurs, lous eligi-bles, lous membres 6gaux du souverainj lous les pou-voirs ti court terme et conf^res par I'^lection; une assem-blee unique, 61ue et renouvel6e en entier tons Ics ans, un conseil cxdculif 61u et renouveld par moitid tous les ans, une trosoreric nationale 61ue ct rcnouvelee par tiers tons les ans; dcs administrations locales 61ues, des tribunaux 61us; referendum au peuple, initiative du corps dlcclo-ral, appel incessant au souverain qui, toujours consuUe, toujours agissant, manifcstera sa volonl6, non sculement par le choix de ses mandataires, mais encore par « la « censure » qu'il exercera sur les lois: telle est la consli-tution qu'ils se forgent*. « Celle d'Angleterre «, dit Con-dorcet, « est faile pour les riches, celle d'Am6rique pour « les ciloyens aises; celle de France doit 6lre faite pour « tous les hommes. » — A ce litre, elle est la scule 16gi^ time; toule institution qui s'en dearie est conlraire au droit naturel et, partant, n'est bonne qu ' i jcter bas. — G'est ce que les Girondins ont fait sous la Legislative; on sail par quelle persdcuLion des consciences calhoIiques,i)ar quelles violations de la proprietd fdodale, par quels cni-pidtements sur rautoritd Idgale du rol, avcc quel achar-nement conlre les restes de I'ancien rdgime, avec quelle complaisance pour les crimes populaires, avec quelle rai-deur, quelle prdcipitation, quelle temdrild, quelles illu-

1, Duchcz et Roux, XXIV, 102. Projct de Gondorcct, presente au iiom du coniile de constitution, 15 et 16 avril 1793. A ce projet est joint un long rapport de Gondorcct, qui en outre, dans la ChroniquG de Paris, public uue analyse de son rapport.

384 LA REVOLUTION.

sions*,jusqu'i lancer la France dans iine guerre curo-pccnne, jusqu'a confier Ics armcs a la dernibre plebe, jusqu'a voir dans Ic rcnversemcnt de lout ordre I'avenc ment de la philosopbie et Ic triomphc de la rai^on. — Quand il s'agit de son utopie, le Girondin est iin scctairc et ne connait point de scrupulcs. Pen Ini imporle que ne'uf clectcurs sur dix n'aient pas vole: il se croit le re-prescntant auloris6 des dix. Pen Uii imporle que la grande majorite des Francais soit pour la constilulion de 1791 : il pretend Icur imposer la sienne. Pen lui importe que ses anciens adversaires, roi, Emigres, in-sermentes, soicnt des gens honorables ou du moins ex-cusables : il prodiguera conlre cux ioules les rigueurs 16gales, la d6porlalion, la confiscalion, la mort civile, lamorl pliysique ^ A ses proprcs yeux, il est justicier, et son inveslilure lui vient de la justice elcrnelle: rien de plus pornfcieux chcz Thomme que cclte infalualion de droit absolu; rien de plus propre i dcmolir en lui I'cdi-ficc her6ditairc des notions morales. — Mais, dans I'enceinte 6troite de leur dogme, les Girondins sont consequents et sinceres; ils comprennent leurs for-mules; ils savent en deduire les consequences; ils y croicnt, com.me un gcomclrc il ses Ibtorfemcs ct comnie un Ibcologidn a ses arlicles-de foi; ils veulcnt les appli-quer, faire la' constilulion, 6tablir un gouverncmcnt rd-gulicr, sorlir de I'etat barbare, meltre fin aux coups de

_ main de la rue, aux pillages, aux meurlres, au regne de la force brulale et des bras nus.

B'ailleurs le desordre, qui leur r6pugne i litre de lo-

1. BucW. ci P.oux, XXIV. 102. - Uanalysedc Condorcct ronlioht coU^ Tilirase exlraovdmaire : . Dans loiis les pa js libres on cr•^• « rinfluenccdclapopulncc; mais donnez a (ous le. . """^ ^'^'^'•^•«^" « droits, et il n'y a plus do populace. r> " """"^•'' '• s menics

2. Sur la part qu'ont prise les Cirondins a lonlo. r.. cf.-Edmond Birc, la Legende des Givondins. mesurcs odieuscs,

LA SKCONDE KTAPE DE LA COXQUKTi-:. 385

gicicns, Iciir rcpiigac encore a litre d'hommes culliv6s ct polls. lis oiiL ties habiLudes de Icniie', dos bcsoins de dcccncc el menie des goutsd'clegance. lis ne savent ni ne veulent imilcr les facoiis rudcs de Danlon, ses gros mots, scs juroiis, ses fainiliarilcs populacidres. lis ne sent })oinl alles, comme Robespierre, sc loger cliez un mailre incnuisier, pour y vivre ct manger avec la famiilc. Aucun d'eux ne « s'lionore », comme Pache, ministre do la guerre, <c do desccndre diner chcz son porlier » ct d'en-voycr ses fillcs au club pour donner le baiser fralcrnel a (!cs Jacobins ivrcs'-. II y a un sulon, quoiquc pedant el laide, chcz 3Inie Roland, llarbaroux adresse dcs vers a line marquise qui, apres le 2 juin, le suivra a Caen' Condorcel a vecu dans le grand monde, et sa femmc, ancienne cbanoincsse, a les grdccs, le sericux, Tinslruc-lion, la finesse d'une personnc accomplie. De leis liommes ne peuvent soudrir a demcure la diclalure ineple cl grossiere de la canaille armee. Pour remplir le

1. Ce caraclcre est trcs biea marque dans les rcproches que Icur fail le parli populairo, par la bouche de Fabre d'Eglanline. (iMeillan, Mcmoires, 323. Discours de Fabrc d'Eglanline aux Jacobins, a propos de radresse de la Commune pour demander I'cxpulsion dcs Vingl-dcux) : " Vous avcz qnclquefois regenle le pcuple, vous avez meme qucUiuerois « cbcrchc a le caresser; mais ces caresses porlaienl alors ce caralcre de » scchci-csse ct do repugnance arislocralicjuc auquel on n'a jamais pu » sc ni6prendre. Voire sijslemc dc pulriciat bourrjcois a toujours perc(S c dans vos paroles cL dans vos acles: vous ne vouliez pas vous mclcr au " pcuple. En un mot, voici voire doctrine : le pcij/))e; ajjres avoir scrvl <• dans les rcvohilioiis, doil rentrcr dans Ja poussierc, nc phis Olrc " complc pour rien, cl se iaisscr conJuire par ccux qui en savent plus <. que lui el veulenl bicn se donner la peine dc le mcncr. Vous^ IJrissot, <• cl vous surloul, retion, vous nous avcz rcgus avec morgue, avec bauleur, " avec distance. Vous nous lendicz un doigt, jamais la main ; vous nc vous a ctL's'pas nienic inlcrdil ccUe 'volnplc dcs arabilicux. I'insolencc et le » dedain. »

2. Cuzot, ilcmoircs, 7a. 3. Edmond Lire, la Lcgende dcs Girondbis. (Fragments incdils dcs

Mcinoircs de Pelion ct de IJarbaroux, cites par Valel dans Charlotte Corday et les Girondins, III, 411, 478.)

L.V nEvo:.UTioN. n — 2a

386 LA REVOLUTION,

tresor iniblic, Us vculcnt des iniijOts rcguliers, ct non des confiscations arbilraires ^ Pour reprimcr les malvcil-lants, ils deniandcnt « des punitions, cL non des pro-«• scriplions - ». Pour jugcr les crimes d'Elat, ils repous-senL les Iribunaux d'exceplion et s'c(TorcenL dc mainlcnir aux accuses quclques-unes des garantics ordinaires^ S'ils d^clarcnl le roi coupable, ils hesitent a prononccr la mort, el lacbcnt d'alleger leur rcsponsabilite par Tap-pel au peuple. « Des lois, et non du sang», ce mot, pro-nonce avec eclat dans une coni6die du temps, est Tabregc de leur pcnsce politique. — Or, par essence, la loi, sur-toul la loi republicaine, est generale ; une fois edictcc, personne, ni ciLoyen, ni cite, ni parti, ne pcut sans crime lui refuser obcissance. 11 est monslrueux qu'une villc s'arroge Je privilege de gouverncr la nation; Paris, comme les autres departemenls, doit 6lre rcduit a son quatre-vingt-lroisiemo d'influence. 11 est monstrueux que, dans une capitate de 700 000 dmes, cinq ou six mille Jacobins extremes oppriment les sections ct fassent seuls les elections; dans les sections ct aux elections, tous les citoyens, ou du moins tous les rcpublicains doivent avoir un vote egal ct libre. II est monstrueux que Ic principc de la souvcralnclc du peuple soit employe pour couvrir les attentats centre la souvcrainet6 du peuple, que sous pretexte de sauver I'Etal, le premier venu puissc tucr qui bon lui semble, que, sous couleur de resisler i Topprcssion, tout atlroupcmcntsoiLen droit de renvcrser toutgouverncment. — C'est pourquoi il faut pacifier co droit militant, renfermer dans des formes legales, Pas-

L Buclicz cl Reux, XXVI, 177. Plan financier prescnte par !e dcparlc-T ^ / ' " vvv'"""'^' " P * P= '- C^ 'ubon, repousse par les Girondius.

^. lb \\\, p. 376, 377, 378. DUcours de Vergniaud (10 avril): .On .cierdicacoasommer la revoluUon par la terreur : j'aurais voulu la « consommer par Tamour. .

3' Meillan, 22.

LA SECONDE KTAPE DE LA COXQUETE. 387

sujcLlir 5. line procedure fixe'. Si quclqiie parliculier soLiliaiLc line loi, r6forme on mcsure piibliqiie, qu'il Ic disc dans un papier signe de lui et de cinqiianle aiifres ciloycns de la mcme assemblee primaircj alors sa pro­position sera soumise a son assemblee primaire; puis, en cas de majorite, aux assemblees primaircs de son arrondisscment; puis, en cas demajorile, aux assemblees primaires de son deparlement; puis, en cas de majorile, au Corps legislalif; puis, en cas de rejct, i loulcs Ics assemblees primaires de I'empire, tellemeni qu'aprcs un second verdict dcs memes assemblees une secondc fois consultees, le Corps legislatif, s'iuclinant dcvant la majo­rite dcs suffrages primaircs, devra se dissoudre et laisscr la place a un Corps legislatif nouveau d'oii tous ses mem-bres seront exclus. — Yoila le dernier moL cL le chef-d'oeuvre de la tlidoric ; Condorcet, le savant conslructeur, s'esl surpassc; impossible de dessiner, sur le papier, une mecanique plus ing6nieuse et plus compliquecj par cct article final d'une constitution irrdprochable, les Giron-dins croient avoir decouvert le moyen de museler la bete ct de faire prevaloir le souverain.

Comme si, avcc une constitution quelconque, surtout avcc une constitution pareilie, on pouvait museler la bete! Comme si elle etait d'liumeur i tendre le cou pour rccevoir la muselifere qu'on lui presente! A Tarlicle de Condorcet, Robespierre, au nom des Jacobins, repond par un article contraire-: « Assujettir a des formes legates cc la resistance a I'opprcsslon est le dernier raffincmciit de u la tyrannic... Quand le gouvernement viole Ics droits « du p^uple, I'insurrection du peuple entier et de cliaque

1, Bucliez el Roux, XXIV, 109. Projel de conslilution in-cscnle par Condorcet. Declaration c'es droits^ article 32 : . Dans lout goiivcrnemenl « librc, le mode de resistance a cos dilTerenls acles d'opprcssion doit ^Ir^ . regie par une loi.» — lb., 136. l i t re VIII de la conslilution, De la cen­sure dcs lois.

2.76., XXVI, 93, sdance des Jacobins, 21 avril 1793.

388 • LA REVOLUTION.

« portion du peuplc est le plus saint des devoirs. » Or, contre cette insurrection toujours grondante, Tortho-doxie politique, rexactitude du raisonnement et le talent dc la parole ne sont pas des armes. « Nos philosophes, » dit un bon observateur', cc veulent tout gagner par la « persuasion; c'est comme si Ton disait que c'est par des « arguments d'eloquence, par de brillants discours, par a des plans de constitution, qu'on gagne des balailles. « Bient6t, suivant eux,... il suffira de porter au combat, « au lieu de canons, une Edition complete de Machiavel, c de Rousseau, dc Montesquieu, et lis ne font pas atten-« tion que ces hommes-li, comme leurs ouvrages, n'ont « ete et ne sont encore que des sots, 5. c6tc d'un coupc-« tcte muni d'un bon sabre. » — En cffct, le terrain par-icmentairc s'est derobe; on est a I'^tat de nature, c'est-u-dire de guerre, et 11 ne s'agit pas de disculcr, mais d'avoir la force. Avoir raison, convaincrc la Convention, obtenir la majorit^^, faire rendre des decrets, tout cela serait demise en temps ordinaire, sousun gouvcrnement pourvu d'une force arm6e et d'uiic administration rogu-

- Here, lorsque, du haut de I'autorite publique, les decrets de la majorit6 descendent, k travers des fonctionnaires soumis, iusqu ' i la population sympathique ou obdis-

1. Schmidtj Tableaux de la Revolution francaise, II, 4. Rapport de Dutard, 6 juin 1793. —L'6tat d'espril des Jacobins fait contrastc, et sc marque tr6s bien dans les discours suivants : « Nous voulons lies^^oa'^ue-<• menl une constitution populaire. » (Adressc dc la socicLe des Jacobins de I'aris aux societes des departements, 7 Janvier 1793. — Bucliez et Uoux, XXllI, 288.) — lb., 274. Discours de Legros aux Jacobins, 1" Janvier : « Les patriotes ne se comptent pas, ils se pesent... Un patrioto, dans « la balance de la justice, doit peser plus que 100 000 aristocrates. Un « Jacobin doit peser plus que 10 000 Feuillants. Un republicain doit poser " plus que 100 000 monarchiens. Un patriote dc la Monlagne doit peser « plus que 100 000 brissolins. D'ou je conclus que Ic grand nombre dc - volants centre la mort dc Louis XVI ne doit pas arrotcr la Convention, (ct « cela) quand bien mGme (il n'y aurait que) la minoritc de la nation pour lV,w """'^'^ deCapct.» - «Applaudi.» (J'ai etc oblige'de redresser

dernier membre de phrase qui, mal redige, rcstait obscur.)

LA SECONDE ETAPE DE LA COXQUETE. 389

santc. Mais, en temps d'anarchie, suiioiit dans I'anlre de la Commune, dans Paris tel que I'a fail le 10 aoiit el Icl gue I'a faitlc 2 scptcmbrc, ricn de ton I ccla nc sort.

V

Et d'abord, dans ce grand Paris, ils sont isoles; en cas de danger, ils ne peuvent compter sur aucun groupe zele de partisans rid61es. Car, si la grande majorilc est centre leurs adversaircs, cllc n'est pas pour cux; dans le secret du cocur, elle est restee « constitntionncUe *». « Je vou-« drais, dit un observalenr de profession, me rendre mat­te tre de Paris en liuit jours ctsans coup ferir, si j'avais six « miile hommes et un valet d'ccurie de LafayeHc pour Ics « commander. » EfTeclivement, depuis que les royalisfes sont parlis ou se cachent, c'cst Lafayclte qui repr^sentc le micux ropinion intime, ancienne el fixe de la capitalc. Paris subit les Girondins comme les Monlagnards, i litre d'usurpaleurs; la grossc masse du public leur tient ran-cune, et ce n'est pas seulement la bourgeoisie, c'est aussi la majorilc du peuple qui repugne au regime 6labli.

L'ouvragc manque, touteslesdenrees sont cheres; I'eau-de-vie a tiiple de prix; il ne vient au marclic de Poissy que quatre cents bocufs, au lieu de sept ou huit millc; les bouchers disenl que la scmaine suivanle il n'y aura plus de viande i\ Paris, sauf pour les maladcs-. Pour pbte-nir une mince ration de pain, il faut faire queue, pendant

1. Buzot, Memoires, 33 : «La majorilc du peuple frauQais soupirail «. apr5s.laroyautc et la constilulion de 1790. C'est a Paris surtout que ce « voDu etail le plus general.... Ce peuple est repuLlicain a coups de guillo-« tine.... Tous les vccux, loutos les cspcrances se portent vers la consli-« tution de 1791. » — Schmidt, I, 232 (Dutard, 16 mai). Dulard, ancicn avoucj ami dc Carat, est un de ces hommes rares qui voient les choses a Iravers -les mots; perspicacc, energiquCj aclif, il abonde en conseil-pratiques, et meriterait d'avoir un autre chef que Carat.

2. Schmidt, ib., I, 173, 170 ( 1 " mai 1793).

390 LA REVOLUTION.

cinq oil six heures, a la porle dcs boulangers' , ct scion Icur couLumc, les ouvriers etles menagferes imputcnt lout cela ail goiivernement. Ce gouverncment, qui pourvoiL c-i mal a leurs besoins, Ics froisse encore dans leurs senti­ments Ics plus profonds, dans leurs habitudes les plus cheres, dans leur foi et dans leur culte. A cette date, Ic petit peuple, mcme a Paris, est encore tres religicux, bien plus rcligieux qu'aujourd'hui. Si iin prGlre, por-tant le viatique, passe dans la rue, on voit la mult i­tude « accourir de toutes parts pour se jeter a gc-« noux, tous, hommcs, fcmmcs, jeunes et vieux, sc « precipitant en adoration- ». Lc jour oil la chdsse do Saint-Leu est portee en procession rue Saint-Martin, « tout le monde se prosterne; je n'ai pas vu, >5 dit im spec- ' lateur altenlif,« un seul homme qui n'ait 6te son chapeau. « Au corps de garde de la section Mauconseil, toute la « force arm6e s'es-t mise sous les amies. » En mSmetemps « les ciloyennes des Ilallcs se concertaient pour savoir « s'il n'y aurait pas moyendc tapisscr''. 3) Dans la semainc qui suit, elles obligent le comite revolutionnairo de Saint-Eustache k autoriserune autre procession, ct, cette fois encore, cbacun s'agenouille : « tout le mondeap -« prouvait la c6remonie, ct aucun, que j 'aie cntendu, ne « la desapprouvait. C'est un tableau bien frappant quo « celui-ia... J'y ai YU le repentir, j Y a i vu lc parallele « que chacun fait forccment de I'elat acluel des choses

• L Dauhan, laDemagoQied PariscnVtd^, p. 152. {Diurnal do Ceaulicii, n avril) — Archives nalionalcs, AF,11, 45 (Rapports de police, 20 mai): « La « cliertd dcs denrees est la principalc cause des agitations et des mur-« mures. » ~ ^i)^ 24 ,nai.) « La tranquillite qui parait rcgner dans « Pans sera bientol iroublee, si.les objets de premiere neccssitc ncdinii-- nuenl pas lr6s promptement. • ^ {lb., To mai.) « Les murmures centre ' lacherle des denrees vont chaque jour en augmentant, et cette circon-

. 'Stance parait devoir devcnir un des motifs des cvenemenis qui sc " prepaveiit. »

^. Schmidt, I, 198 (Dulard, 9 mai). • 3.Sd.midl, 1, 350.. II, 6 (Dutard, 30 mai,. 6 et 7 juin).

LA SECOXDE ETAPK DE LA GONOUETE. 391

. avec celiii d'aulrcfois; j 'y ai va la privation qa'epro.u-c< vait Ic pcuple par la porte (Vane ccrcmonic qui ful c<.jadis la plus belle dc I'cglisc. Le peuplc de lous les <' rann-s,dc tous Ics dges.cst reslc honlcux,abaUu, et quel-< quc' s pcrsonnes avaicnl les larmes aux ycux. « Or, sur c I arlicle, les Girondins, en Icur qualite dc pliilosophes, sonlplus inconoclastes, plusinlol^ranls quepersonneS et il n'y apasdc raison pour les prcferer i leurs adversaires. Au fond, pour le tres grand nombrc dcs Parisiens, quelle que soit leur condition, Ic gouvcrncmcnt instaUc par la dcrnicre comidic clcctoralc n'a qu'une autoritc dc fait; on s'y rcsignc, fautc d'un autre, et tout cnrccon-naissant qu'il ne vaiit ricn^-: c'cst un gouvcrncmcnt d'ctrangcrs, intrus, tracassiers, maladroits, faibles et violents. Ni dans le pcuple, ni dans la bourgeoisie, la Convention n'a de racines, et, a mesure qu elle glisse plus bas sur la penle revolulionnaire, elle rompt un a •iin les fils par lesqucls elle se rattachait encore les indil-f6rcnls.

1 Durantl-Maillanc, 100: «Le parti girondin elail encore plus impie mie'Robespierre " - Un depute ayanl dcmande que, dans le preambule

dc laconstitulion, on fit mention dcl'Elre supreme, Vergniaud lui rcpond : Nmis n'avons que faire de la nymphe de Numa, non plus que du pigeon

I de Mahomet; a raison seule nous sufGt pour donner i la France la plus « de '^^^"°" '^.^^ _ _ Buchcz el Roux, XIII, 444. .Robespierre ayanl « sage cons i u . . AQ^QU comme d'un coup de la Providence, parte de la mort ^e n.p ^ur Le K>^ . ^^^^^ .^.^ ^ I ^ ^^^^^^^^ ^^^^^^_

' " t ' d T c t c I i r - t t r ; le peuple sous fesCavage de ia .supersti-. p.crre "'^''J''^'''^^^,^ ^3 (^^.^^e du 19 avril 1793). Discours de'Vergniaud

" ^ r r .Hir lc 'Vde la D6claralion dcs droits qui pose que « tout bomme centre 1 article j uc la i „ r.>l-irticle dil Yer^niaiid est a c< librc dans rexcrcicc de son cul e». - CU ailiclc dil V ei^niaua, est

un Sullat du despolismc ct do la superstition sous lesquels nous avons : i i r ^ e m p s gemi. » - Salles :. « J-engage la Convention a rediger un . arlicle par lequel lout citoyen s'engagcra, quel que soil son cullc, a se . soumcttrc a la loi.» - Lanjuinais, que Ton range souvcnt parmi les Girondiiis, csl catholique el gal'ican convaincu. _

2 ScbmidL 1, 347 (Dulard, 3J mai) : « Que vois-je en ce moment? Un . peiq)le mkonlent qui bait la Convention, lous les adminislratcurs el , '. gcncralcment, I'ordre dc cboscs aclucl. -

302 l A REVOLUTION.

Aprts huii mois do rcgnc, cllc s'est alicne loiilc I'opi-nion publiquc. c Presquc lous ceiix qui onl quelque « chose sont moderesS » et lous les moderes sont conlrc d i e . « Les gendarmes qui sonl ici paiient ouverlemcnt « conlre la revolulion, jusqu'A la porlo du Tribunal re-« voluUonnaire donl ils improuvcnt liaulcmcnl les juge-« menls. Tous les vieux soldals dclcslent le regime « aclrel-. » — Les volonlaircs « qui revicnnenl dc I'armce « paraissent filches de ce qu'on ait fait mourir le roi, el, « k cause dc cela seul, ils dcorcheraicnt lous les Jaco-« b i n s ' " . — Aucun parti dans la Convention n'echappe i\ cette dcsaffcclion universelle cl i celle aversion crois-sanle. « Si Ton dccidail par appel nominal la qucslion « de guillotincr tous les membres de la Convcnlion, il y « aurait conlre eux au moins les dix-neuf vingliemes » des voix*, cl, defait, .telle esta pcu pres la proportion dcs elecleurs qui, par effroi ou degoul, n'ont pas vote et ne votent plus. — Que la gauche ou la droile de la Convcn­lion soil vlclorieuse ou vaincue, c'est Taffaire do la droile ou de la gauche; le grand public n'cntre point dans les d6bals de ses conqueranls el nc se derangcra pas plus pour la Gironde que pour la Montague. Ses anciens griefs lui rcviennent toujours « centre les Vcrgniaud, les Gua-<c del » et consorts'^; il nc les aime poinl, il n'a pas con-fiancc en eux, il les laissera ccraser sans leur porter aide. Libre aux enrages d'cxpulser les trentc-deux, puis de les mellrc sous les vcrrous. « L'aristocralie » (enlen-dcz par la les proprictaires, les ncgocianls, les banquiers, la bourgeoisie richc ou aisec) « ne souhaite rien lant que « de les voir guillotines". » « L'aristocralie mCme subal-

1. ScIimicU, I, 278 (Dulard, 23 mai). 2. /6., I, 216 (Dulard, 13 inai). - 3. lb., I, 240 (Dulard, 17 mai). J- K^., I, 217 (Dulard, 13 maijt. - 5. lb., I, 1G3 (Dulard, 30 avril).

. mon •-," ' " ^""^'"•'^' ^^J"'"^- ~ *'- '"''•' " ' SO (Dulard, 21 juin) : « Si I'on cuau al'appcl nomiual si.les.lrcalc-dcux doivenl elre guillolincs, et

LA SECONDE ETAPE DE LA CONQUETE. . 393

« tcnie » (cnlcndcz par UY Ics pelils bouliquicrs cl les ouvricrs mailrcs) « ne s'interesse pas plus a leur sort « que s'ils elaient dcs bfilcs fauvcs cchappecs... et qu'on « r6encage'. » « Guadet, Pelion, Brissot, nc trouvcraicnl « pas a Paris trenlc personne.s qui prisscnl leur parli, qui « fissent mCme la moindrc demarche pour Ics empSchcr

« de pcrir-. » • Au restc, peu importe que la majorile aiL des preferen­

ces; ses sympathies, si ellc en a, nc seront jamais que plaloniques. Elle nc compte plus dans aucun des deux camps, ellc s'est rcliree du champ dc bataillc, cllc n'c^t plus que I'cnjeu du combat, la proic ct le butin du futur vainqueur. Car, n'ayant pu ni voulu se plier a la forme politique qu'on lui imposait, elle s'est condamnee ellc-meme b. Timpuissancc parfaite. Celtc forme, c'esL Ic gou-vernement dh-ect du pcuple par le pcuplc, avec lout cc qui s'ensuit, permanence des assemblees de seciion, delil)6rations publiques des clubs, tapage des tribunes, motions en plein air, rassemblements et manifestations dans la rue ; rien de moins attrayant et de plus imprali-cable pour des gens civilises et occupes. Dans nos socie-tes modernos, le travail, la famille ct le monde absorbent, presque toutes les heures; c'est pourquoi un tel regime ne convient qu'aux declasses oisifs et grossiers; n'ayant ui intcrieur ni metier, ils passcnt leur journee au club comme au cabaret ou au cafe, et ils sont les seuls qui

• s'Y irouvent a leur place; les autres refusent d'enlrer dans un cadre qui semble taille uniquemcnt et tout

. que ce fat a scrulin fcrmc, je vous declare que les gens comme iUaul

. accoun-aienl de toutes les campagncs voismcs pour donncr leur voeu, ct

. qu'aucun dc ccux qui sont h Paris ne manquerait de se rendre i sa scc-

1 Schmidt, II, 35 (Dulavd, 13 juin).—I'our le sens do ce mot arislocraiie sub'aUcrnc, voyez lous les rapports de Dutard ct des autres obscrvalcurs cm-

: ploycs par Garat. 2./i>.,l^. 3'(D"l3i''^'13j"'")-

394 LA REVOLUTION,

cxprcs pour des celibalau'cs, enfanls Irouves , sans profession, log6s en garni, nial embouches, sans odoral, Ibrls en gueule, aux bras robustcs, a la pcau dure, aux reins solides, experts en bousculadcs, et pour qui los horions sent des arguments'. — D'abord, aprbs les massacres dc seplcmbrc et d^s I'ouverturc des barriercs, nombre de propriclaires cL de rentiers, non seulemenl los suspects, mais ceux qui croyaicnt pouvoir I'etrc, se-sont sauves de Paris, et, pendant les mois qui suivent, I'cnii'^ration recommence avcc le danger. Yers le moir. (\c d6ccmbrc, des llsles ayant couru contrc les ancicns Fcuillanls, « on assure que, dcpuis Imit jours, plus de « qualorze mille personnes out qulLtu la capitalc-. » Au rapport du ministre lui-meme% « beaucoup dc personnes c indcpendantes par leur etat et leur fortune abandonnent « une ville ou Ton ne parte cliaque jour que dc renou-« veler les proscriptions. « — « L'herbe croit dans les « plus belles rues, ecrit un depute, et le silence des tom-« beaux rfegne dans les Thebaides du faubourg Saint-« Germain. « — Quant aux moderes qui restent, ils se confinent dans la vie privee; d'oii il suit que, dans la ba­lance politique, les presents ne pesent pas plus que les

1. Schmidt, I, 328 (Pern6re, 28 mai) : « Les hommcs d'cspril cl les pro-« prielaires onl c6de aux aulres les assemblees de section, comnic des lieux « oil la poigne de Touvricr triomplic de la langue dc roratcur. » — Moni-ICiU'^W, 114, seance du 11 Janvier. Discours de Biizot: « II n'y a pas uu " sen! Iiomrae ayant quelqnc chosCj en cettc ville, qui ne craignc d'etre a insulle, d'etre frappe dans sa section, s'il ose elever la voix conlre les « doniinateurs... Les assemblees permancnles de Paris sont composccs d'liii " petit nombre d'hommcs qui sont parvenus a en eloigner le reslc des ci-« loyens.» — Schmidt, I, 325 (Dutard, 28 mai): «Une seconde mcsure serait « dcfairc exerccr les jeunes gens au jeu de bi\lon. 11 faut otre sans-culottc, <• vivrc avec les sans-culoltes, pour detcrrer des expedients de ce genre. II n'esl « rien que les sans-culollcs craignent tant quo le baton. Derni^remcnt, 11 y « avait dcsjeunes gens qui en porlaient dans leurs pantalons ; tout le monde « Iremblait en les regardant. Je voudrais que la mode en devintgdneralc. »

^. Monilcur, XY, 9b. Lellre de Charles YiUelte, depute. <5- '1^; XV, 179. Lcltrc dc Roland. 11 Janvier 1.93

L.V SECOXDE ETAPE UE LA COXQUETE. 303

absents. Aiix clcclions municipales d'oclobre, novcmbrc cl decembre, sur 160 000 inscrils, il y en a 144 000, puis 150^000, puis 153 000 qui s'absliennenL; cerlainemcnl, cl i plus forlc raison, on ne voit point ceux-la Ic soir il Tasscmblee de leur section. Le plus souvent, sur (rois ou qualre mille ciloyens, il ne s'y trouvc que cin-

•quante ou soixanle assistants; telle assemblee, dile gene-rale et qui, en cclle qualile, signitie a la Convention Ics volontes du pcuple, se composait de vingl-cinq volants ' . Aussi bien, qu'esl-ce qu'un liomme de sens, ami de Tor-dre, irait fuire dans ces bougcs d'encrgumcncs? II rcsle chcz lui, commc aux jours d'orage; il laissc couler I'a-vcrse des paroles, et ne va pas clicrcbcr dcs eclaboussu-rcs dans le ruisseau dc bavardage ou s'entasse et bouil-lonne toute la fange dc son quartier.

S'ilsorL, c'esL pour sc promcner comme autrefois, pour suivre Ics gotils qu'il avail sous I'ancien rdgime, ses gouts de Parisicn, d'adminislre, dc badaud, de causeur et flaneur aimable. « Hiersoir, » ecrit un Iiomnie qui sent approcher la Terreur, «je vais me placer an milieu de « I'aile droite dcs Champs-Eiysees*,- je ia vols iapissee, cc de qui? Le croiriez-vous? De moderes, d'aristocrates, « de proprietaires, de fort jolies pelites fcmmes bien « ajustees s'y faisant caresser par le zephyr prinlanier. « Ge coup d'ocil elait charmanl; tout le monde r iai t ; il « n'y avail que moi qui ne riais pas... Je me retire prc-« cipilammenl, el, en passant par le jardin des Tuilcries,

1. Moniicur, XV, 66, seance du 5 Janvier. Discoiirs du maire de Paris. — It)., XV, 114, seance du 14 Janvier. Discours delJiizoI. — lb., XV, 13G, seance du 13 Janvier. Discours d'unedeputalion de federcs. — Buchcz ct lloux, XXVllI, 91. LeUre de Gadol a Roland, oclobre 1792. —76., XXI, 417 (20 de-ccnibre, article de Maral) : « L'cnnui et le degout ont rendu les asscni-blces descries. » — Sciimidt, II, 69 (Dntard, 18 jnin).

2, Schmidt, I, 203 (Dutard, 10 mai). Au movcn des cstampes puhlices dans les premieres annees de la Revolution el sous le Directoirc, on peul revoir la sc^ne complete. (Cabinet dcs estamircs.)

396 I A. REVOLUTION.

« j'y Irouve Ic duplicala dc cc que j'avais vu, quaranlc <c millc proprietaircs disperses ca el la, prcsquc aulanl « que Paris en conlient. » — Manifeslemenl, ce soiiUles moulonspr6ls pour la boucherie.lls ontrenoncca se defcn-dre, ils ont abandonne toules les places aux sans-culolles, « ils refiisent loutes les fonclions civiles ct mililaires', >' lis se dcrobent au service de la garde nationale, ils payent* des rcmplacants. Brcf, ils se retircnl d'un jeu qu'cn 1789 ils ont voulu jouer sans Ic.connaUrc el oil, dopuis la fin dc 1791, ils se sont loujours brule les doigls. A d'aulrcs les carles, surtout depuls que les carles sonl sales, et que les joueurs se les jeltent au visage; pour eux, ils sont la galcrie, ct ne veulent pas 6lre autre cbosc. — « Qu'on « leur laissc leurs anciens plaisirs-; qu'on ne les prive « pas de Tagrcment d'aller, de vcnir, dans rinterieur dii « royaumc; qu'on ne ics force pas d'aller a la guerre. « Dut-on les assujeltir aux conlributions Ics plus fortes,

' « ils ne feront pas ie moindre mouvemcnt, on nc saura « meme pas qu'ils existent, ct la plus grando question « qu'ils pourront agiter dans les jours ou ils raisonncront « sera cclle-ci: S'aniusc-t-on autant sous le gouverncr « mentrepublicain que sous I'ancicn regime?« — Peut-etre ils espercnt, i force de neutralitc inoffensive, se mellre a I'abri : comment supposer que le vainqueur, quel qu'il soil, veuille trailer en ennemis des gens resignfis d'avance

•d son r6gne?« Un petit-maitre^ disait hier matin a cote « de moi: « Pour moi, on nc me desarmcra pas, car je « n'ai jamais eu d'armcs. « — « Hclas 1 lui dis-je, nc « vous en vanlez pas; car vous trouveriez a Paris qua-

« ranlc mille j . . . f qui vous en diraient autant, et, « vraimenl, ce n'est pas proprc a faire bonncur iiia ville

1. M07iitcui', XV, 67, seance du 5 Janvier 1793. Discours du mairc do l ans .

2. Schmidt, I, 378 (Blanc, 12 juin). 2- - 6 , 11, & (Dulard, 5 juin).

LA SECONDE ETAPE DE LA CONQUETE. ' 397

« do Paris. » — Tel est I'avcuglcmcnl ou I'cgoTsmc du ciladin qui, ayaiit lonjours vccu sous uiVc bonne police, ne Ycul pas changer scs habitudes et nc comprcnd pas que, pour lui, le temps est venu d-clrc gendarme a son

lour . . . I , \u-dessous du rentier, I'industricl, le negociant, Ic

•boutiquier est encore moins dispose i quitter ses alTaircs nrivocs pour les aOaires publiques; car Ics aflaires pri-vees n'attendcnt pas, et il a son bureau, son magasin, son comploir, qui le retiennent. Par excmple, « les mar-« chands de vin' sont prcsque tous aristocratcs dans Ic a sens qu'on enlend en ce moment; » mais «ils nc Ycn-« dent jamais lant que les jours de revolution ou d'in-cc surrection du pcuplc «. Pariant, ces jours-la, impossible d'avoir leur aide. c. On les voit chcz ciix, avec Irois ou ccquatrc garcons », fort aclifs, et, i lous les appels, ils font la sourde orcille. « Coihmcnt quitter, lorsqu on a « lant de pratiques? II faut bien servir le mondc. Qui le « servira, si moi et mes garQons nous nous en allons? « — Autrcs causes de faiblesse. Ayant abandonne aux Jacobins extr6mes lous les grades do la garde na--

1 Schmidt n 19lDulard,ll juin).-7i. ,II .70(Dulard, ISjuin) :« Jc vou-• . drais s'il dlail possible, pouvoir visiter avec vous les 3000 ou iOOO mar-

. chands de vin cl aulant de limonadicrs qui sont i peu pr6s a Paris;

. vousv irouvcrie/. fori occupes les 15 000 comm.s qu'ils ont chez ciix. - •

.. One si nous allions de la chez les 114 nolaircs, nous y trouvei-ions encore lo. donx tier^ de ces messieurs en bonnet cl en panlouOes rouges, avec

. lours scribes^fort occupes aussi. - Nous pourrions encore aller chcz les oo ou 0 imprimeurs; nous trouverions les 4000 ou 5000 journahstes,

u i l r i m e u r s , commis, faclcurs, etc., tous moderanUscs, parco qu .Is no . gagnent plu's ce qu'ils gagnaient autrefois, et quelques-uns, parce qu jl. . on^ fait fortune. = - L'incompalib.hte de la v,c modcrnc ct dc la dc-mocraliedirecle cclale a chaque pas; c'cst que la vie modcrnc s'accomplit dans d'autres conditions que la vie antique. Ces conditions, pour la vie moderne, sont la grandeur des Etals,- la division du travail, la suppression de rcsclavage el le besoin du bicn-etre. Ni les Girondins ni les Monta-gnards, rcskuualeurs d'Athencs el dc Sparte, no comprcnaicnt les condi­tions cxactemcnt conlraires dans lesquellcs Alhoncs cl Sparle avaienl vecu.

393 LA REVOLUTION,

tionale el loutcs les places dc la municipalile, ils ii'onl point dc chefs; la Gironde ne saU pas Ics raliicr; Ic muiislrc Garat nc vcut pas les employer. D'ailleurs, ils sont divises cntre eux, ils ne peuvent pas coniplcr les uns sur les aulres, « il faudrait les enchaincr Ions « I'un conlre Taiitre, pour en lirer qiiclqiie chose ' . » Enfin le souvenir de septembrc peso sur Icur esprit comnie un cauchemar.—Tout cela fait d'eux un Irou-peau ([ui prcnd peur et se disperse a la moindrc alarmc. « Dans la section du Contrat-Social, » dit un oiTicier de la garde nationalc, « un tiers de ceux qui sont en ctat « dc dcfcndre la section sont i\ la canipagnc; un tiers «. sc cachcnt chcz eux; et I'autre tiers n'ose rien faire*. > — :< Si, sur cinquantc mille moderanlisds, vous pouvcz « en rcunir trois mille, je serai bien 6lonn6. Et si, sur « CCS Irois mille, il s'en Irouve sculement cinq cents qui « soienl d'accord et assez courapreux pour euoncer leur c. opinion, jc serai plus ^Lonn6 encore. Ceux-ld, par « exemplc, doivent s'attendre a etre sepie^nbrisesK » — Ils Ic savcnl, el voila pourquoi ils se laiscnl, plient le dos. ~ « Que fcrait la majorite meme des seclions, lorsqu'il « est prouve que douze ions bien en fureur, a la IGle dc « la section sans-culottiere, fcraient fuir les quaranlc-« sept autrcs sections dc Paris '? » —Par cct abandon de \i\ ciiose publique et d'eux-mcmes, ils se livrenl d'avance, et, dans la grandc cite, comme jadis a Spartc ou dans ranciennc Rome, on voi(, k cole ct au-dessus d'unc immense population dc sujcls sans droits, une pclilc

1. Sclimidl, I, 207 (Dutard, 10 mai). 2. IIJ., II, 79 (Dulai'd, 19juin). 3. Ih.n, 7Q(l)uiard, lOjiiin). J. / i . , II, 81 (IJutaid, 19 j u i u ) . - Cf. I, 333(D.ilard, 29 mai) : « II est dc

<• failque viuglmoderesenlourentquelquefois deux on Irois aboycurs ctquc " les premiers sont comme forces d'applaudir aiix moLions les plus incen-« (iwires. n _ ib.^ I, 163 (Dutard, 30 avril):« Une douzainc dc jacobins fait • peur a deux cents ou Irois cents aristocralcs. ,

LA SECONDE KTAPE DE LA COXQUKTE. 399

oligarchic dcspolique qui compose a cllc sculc le pcuple

souvcrain.

VI

Non que ccUc minorile se soil accrue depuis le 10 aoiil; au conlrairc. — Le 19 novembre 1792, son candidal a la mairic, Lhuillier, n'a oblenu que 4896 voix^ Le 18 juin 1793, son candidal au commandemeni dc la garde nalio-nalc, Henriot, n'aura que 4573 suffrages; pour le fairc clirc, il faudra, i deux reprises, annuler relcclion, impo-ser le vole a haulc voix, dispenser les volanls de monlrcr Icur carle de scclion, cc qui permeltra aux affides dc se presenlcr successivemenl dans les divers quarlicrs el dc doubler Icur nombre apparent en donnantchacun deux ou Irois fois Icur vole-. En lout, il n'"y apas A Paris six mille Jacobins, bons sans-culolles el partisans dc la Monlagne^ Ordinairemcnt, dans une asscmblee de scclion, ils sonl « dix ou quinze », au plus « trente ou quaranle », « con-(c slilucs en tyrannic pcrmanenle »... « Le resle iconic, el « 16ve la main machinalcment »... « Trois ou qualre cents « illumines donl la devotion est aussi franche que slu-

1. Morlimcr-Ternaux, V, 101. 2. Mcillan , 54. — Uaflet, concurrent d'llenrioi ct denonco conimc arislo-

cratc, cut d'abord plus do voix que lui, 4933 centre 4578. Au dernier scrulin, Kur 15 000, il a encore 5900 conlrc 9087 a Ilcnric-t. — Morlimer-Tcrnaux, VIM, 31 : c> Les elcclcursdurcnl voter ii liaulc voix; lous ccux qui so liasar-« dorenl a donncr Icurs suffrages a Raffet ctaicnt marques d'une croix « rouge sur le regislrc d'appcl, ct Ton faisait suivre Icurs noms de Pepi-« llietc de contrc-i'cvolulionnait'cs. •

3. Sciunidt, IF, 37 (Dulard, 13 juin) : « Marat et autrcs onl ua parli dc « qualre luillca six miiic honimcs qui fcraicnt lous les cfl'orls pour les sau-' K vcr. " —Mcillan, 155 (Depositions rcciicillics par la commission desDouze) • « Laforet a dit qu'ils etaient au nonibrc dc six mille sans-culotlcs prOls u i massacrer au premier signal les mauvais deputes, n _ Schmidt II, 87. (Dutard,.24 juin) : « Jc hais qu'il ne rcstc pas dans loul Paris Irois « mille rcvolulionnaircs dcciJc.s. .

400 - •">;.'LA REVOLUTION.

« pide, el deux ou (rois ccnls aiixquels Ic rcsuUal dc la 'c dernicrc revoUilion n'a pas procure les cmplois cl Ics >c honncurs sur .lesqiicls ils avaicnt Irop evidcmnicnl « comple, 5) font lout le personnel aclif du parti; voila « Ics vocifcrants dcsscclions et dcs groupcs, Ics souls « qui soicnt dislinclcmcnt prononces conlrc rordrc, . . . « ap6tres d'unc. nouvellc sedition, gens flJlris ou rui-« nes qui ont besoin de troubles pour vivrc », au-dcssous d'eux la queue dc Marat, les femmcs du ruisseau, les voyous ct cclcs clabaudcurs a 3 livrcs par jour ' ».

En clTct, la qualile des faclieux a baissc encore plus (\uG leur nombrc. Quanlitc dc braves gens, petils d6lail-lants, marchands dc vin, rOlisscurs, commis dc boutique, ([ui, le 10 aoiit, etaient centre la cour, sont maintenanl contre la Commune-; probablement septcmbrc les a rc-bules, ils ne veulent pas que les massacre's recommen-cent: par exemple, I'ouvricr Gonclion, orateur ordinaire du faubourg Saint-Anloine, homme probe, desinteresse et de l)onnc loi, appuie Roland, et, lout a I'heurc, a Lyon, voyant los choses de ses propres yeux, il approuvera loyalemcnt la revolte des moderes contre les Maralistcs'. — « Insensiblement, disent les observateurs, la classc «.respectable des arts declino dc la faction pour s'atta-« clier h la sainc parlic*. » — « Dcpuis que les porleurs

L MonUeur, XV, 114, sOancD du 11 Janvier. Discours dc liiizot. — lb., 136, seance du 13 Janvier. Discours dcs fediircs. — lb., XIV, 852, seance du 2'3 dccembre 1792. Discours des fedores du Finisterc. — Uucliez cl Roux, XXVIII, 80, 81, 87, 91, 93. LellrCs deGadol a Roland, oclohrc 1792. — SclimidLI, 207 (Dulard, 10 mai 1793.)

2. Schmidt, II, 37 (Dulard, 13 juin). 3. Morlimcr-Tcrnau.x, IV, 269 (Pclilion presentee par Gonclion).—Duchez

cl Roux, XXVIU, 82, 83, 93. Lellres do Gadol, temoignnges sur Gonclion. — Archives naiionalcs, AF, II, 43. Lellres de Gonchon an ministre Garat, 31 mai, !"•• juin, 3 juin 1793. Ces IcUres sont tres curieuscs et naVvcs. li <icril : a ciloyen Garra. » "

4. Schmidt, I, 254 (Dulard, 19 mai). — Alonitcur, XIV, 522. (Lcttre aUresseoi Roland), n- du 21 novembre 1792 :« Les sections (sont) coniposccs

LA SECONDE ETAPE DE LA CONQUETE. 401

« d'caii, Ics poiicfai>: cL autres font grand fracas dans Ics « seclions, on voit a plains ycux que la gangrene du de-c< gout gagne les fruilicrs, Ics limonadiers, les tailleurs, « Cordonnicrs', » et autres scmblablcs. — Vers la fin, « Ics bouchers dc I'une et I'autre classe, haute et basse, « sont arislocralis6s. » — Parcillement, « Ics femnies do « la Halle, sauf quelqucs-unes qui sont soldees ou dont " les maris sont jacobins, jurcnt, pcstent, sacrent, mau-« grcent. » — « Ce matin, dit un marchand, j'cn avais '< qualre ou cinq ici; elles ne veulcnt plus qu'on les cc appelle du nom dc citoyenncs; dies discnt qu'e//es cm-c< client sur la repiiblique-. » — II no rcslc dc femmcs palriotes que ics dcrnieres dc la derniiirc classe, les mcgcres qui pillcnt les bouliques, aulant par envie que par bcsoin, « les femmcs de balcau"', aigrics par la « peine,... jalouses dc I'^piciere micux habillde, commo « celle-ci I'ctait de ravocato et do la conseillere, commo « celles-ci I'elaient de la fmancicre et de la noble. La I' fcmme du peuple ne croit pouvoir trop fairc pour ra-u valer I'cpicitre b. son niveau. »

Ainsi r6duite i sa lie par la relraite de ses recrues d pcu prfes honnCtes, la faction ne comprend plus que la populace de la populace, d'abord « les ouvriers subal-< Icrnes qui voient tons avec un certain plaisir la defaite « de leurs patrons », cnsuite les plus bas delaillants, les fripicrs, les regrattiers, « les revendeurs d'habits au « carreau de la Ilalle, les gargotiers qui, au cimelicre dcs

•« Innocents, dcbilent sous dcs parasols de la viande et '« dcs haricots *», puis les domesliques^ charm6s d'etre a

' ou du moins frcqucntees, pour Ics Jix-ueuf vingtiemes, par la classe lu « plus infcriourc en mcours elcn connaissances. » .

1. Schmidl, II, 3!) (Dutard, 13 juin). 2. lb., 11, 87 (Dulard, 14 juin). Le mol des poissardes est plus cru. 3. R6lif dc la Brclonnc, Bibliorii'aphie de ses onuvrcs, par Jacob ':87.

— (Sur le pillage dcs bouliques, le 25 et le 26 fevrier 1793.) 4. Schmidt, II, 61; I, 265 (Dulai'd, 17 juia el 21 mai).

LA BKVOLLTION. , , „ . .

402 LA REVOLUTION.

present Ics mailresde leurs mallrcsS marmilons, palefi'c-nicrs, laquais,-concierges, valets de tonic cspf-'cc, qui, au mepris dc la loi, ont vot6 dans les elections, el qui, aux Jaco­bins, formcnl «Ic peuplc b6le », persuades « qu'ils pos-« sedent la geographic universellc, parcc qu'ils ont couru c< une ou deux fois la poste», et qu'ils savcnt a fond la politique, « parcc qu'ils ont lu les Qualre ftls Aymon- ». — Mais, dans ccltc boue qui deborde et s'clale en plciu solcil, c'cst la fange et I'dcume ordinaircs des grandes vlUcs qui ferment le plus gros afflux, mauvais sujcts de loulc profession ou metier, ouvricrs vivcurs, irreguliers et maraudeurs dc I'armee sociale, gens « qui sorlent de « la Pitie et, aprfes avoir parcouru une carribrc desor-u donnee, fiuissent par retomber i BicGlrc^w. « Dc la « Pilie a Bicelre est un adage recu parmi Ic peuplc. « Ccllc cspece d'liommes n'a aucune sorlc dc conduile : « elle mange 50 livres, quand cllo a 50 livrcs, ne « mange que 5 livres, quand cllc n'a que 5 livres; « de manicre que , mangcant d peu pr^s loujours « lout, ellc n'a h peu pres jamais ricn, cllc no ramasse

1. Schniidl, l,96.(LcUrcdu ciloyen Lauchou au presidcnlde laCoiivcnlioii. 11 oclobre 1192.) — 11, 37 (Dutard, 13 juin). Rccil dc la fcnime d'lin peiTU-cinier; « Cc sonl de vilains animaux que les domestiqucs. II en vienl lous les « jours ici: Us jasentj ils parlent conlre leurs niailrcs, il u'y a pas d'horreurs « qu'ils n'en disent. Us sont tous conime a il n'y a pas dc plus curages « qii'cuv. J"cii ai vu qui avaicnt rcni des bienfails do leurs uiaitrcs, d'au-« Ires qui en rcccvaient encore : rien ne les arrOle. »

2 76., 1, 246 (Dulard, 18 mai). — Gregoire, Mcmoircs, I, 387. L'a-Laissement moral et mental du parti se mauifeste lr6s bleu dans la com-posiLion nouvelle de la societe des Jacobins, ii partir de septembro 1792 : «J'y reparus un moment, dit Gregoire, en septembro 1792 • (apres un an d'alisence). u Elle elait meconnaissable ; il ii'clait plus permis d"y opiner « aulrenient que la faction parisienne... Je n'y remis plus les pieds. . (C'etiit) un iripot factieux. » — Bucbcz ct Roux, XXVI, 214 (seance du 30 avril 1793, discours de Buzot) : • Voycz ccltc sociiilc jadis cdobre, il « n'y reste pas 30 de ses vrais fondatcurs; on u'y trouvc que des homnioi-« pei'dus de crimes el de deUes. «

•3. Schmidt, I, 189 (Uulard, 6 mai).

LA SECOXDE ETAPE DE LA COXQUETE. 403

c ricn. C'csl cclle classe qui a pris la Baslille' , qui a o fait Ic 10 aoLiI, elc. C'est elle aussi qui a garni Ics tc_ Iribuncs dcs Asscmblocs cic toulc cspecc, qui a rcm-<•<• pli les groupcs », cL qui, pendanL touL cc Lcmps-Ui, n"a jilus fail ocuvrc de ses dix doigts. Par suite, « la fcmme, ^ qui avait unc montre, dcs pendants d'orcillcs, des « bagucs, dcs bijoux, Ics a d'abord porles au mont-dc-piele, « cl puis ils out etc Vcndus. Dans ce moment, beaucoup dc « CCS pcrsonnagcs doivciit au bouchcr, au boulangcr, au « marcband dc vin, etc.; personnc ne vcut leur prelcr « davanlage. lis out une femme dont ils sonl dcgoulcs, « dcs cnfanls qui orient la faim, lorsquc le p6re est aux t< Jacobins ou aux Tuileries. Beaucoup d'entrc cux onl « quillc leur elal, leur metier », et, soit « paresse », soil conscience « dc leur incapacity »,... « ils verraicnt avcc « une cspecc de peine ce metier reprcndre vigucur. » Celui de comparse politique, de claqueur solde est bien plus agreablc, et telle est aussi I'opinion dcs flaneurs ([u'on a recrut6s a son de trompe pour travaillcr au camp iious Paris. — La% Imit mille hommcs loucbcnt cliacun 'J2 sous par jour « i nc rien faire »; « on voit les ou-« vriers arriver a liuit, neuf, dix lieures. L'appel fail, « s'ils rcstent,... c'est pour transporter a grand'pcinc <c quelques broueiles de Icrre. Les autres joucni aux « carles toutc la journee, et la plupart quiltcnt a Irois, « quatrc heurcs de Fapres-diner. Si on inlcrrogc les

L Cf. Relif de la Drolonne, Nuiis da Paris, I. XVI (12 juillcL HSO). Gc jour-Uij Uelif est au I'alais-Uoyal « oii, tlepuis le 13 juin, sc tenaicnl de « nombreiiscs asscmblees, et se faisaienl des molioiis.... Je ivy Irouvai <- que dcs hommcs grossiei's, rceil ardent, qui se prcparaienl plutul au a Lulin qu'a la liberie. »

2. Moi-limer-Tcniaiix, V, 226 et suivanles (adrcsse de la section des baiis-cuiolles, 25 sci)leinbi-c). — Arcliives nalionales, F' , 146. (Adrcsse dc la section du Uoulc, 23 scplenibre). A propos du ton mcnagant dcs ouvricrs du camp, lo;s [)6titionnaii'C3 ajoulcnt : «Tel elait le langage des ateliers dc . 1789 cl 1790. »

kO'i LA R?^VOLUTION.

« inspecteurs, ils vous discnt aiissiLot qii'ils iie soiit pas « en force pour se faire obcir et qii'ils iie veulent pas se « faire egorger. » La-dcssus, la Convcnlion ayanl decrcLe Ic travail a la taclic, les prctendas travaillcurs r6damcnt ail nom de r6galiL6, rappellcnt qu'ils sc sont leves Ic 10 aOLit, el veulent massacrer les commissaires. On ne vient a bout de les dissoudre que le 2 novcmbre, en al-louant 4 ceux dcs departemenls 3 sous par lieue; mais il en rcsle assez aParis pourgrossir outre mesure la troupe dcs frelons qui, ayant pris I'habitude de consommer le miel des abeillcs, se croicnt en droit d'etre payes par le public pour bourdonncr i vide sur les affaires de I'Etal.

Comme arriere-garde, ils ont « toute la canaille des « environs de Paris, qui accourt au moindre bruit de « tambour, parce qu'elle espere faire un coup lucratif' ». — Comine avant-garde, ils ont « les brigands », en prc-m\bvQ ligne « tons les voleurs que Paris recblc et que <i la faction a enroles dans son parli pour s'en servir « au besoin », en scconde ligne « bcaucoup d'ancicns •« domesliques, les supp6ts de jeu et des maisons de « tolerance, toute la classe avilie ' ». — Nalurcllenient, les femmes perdues en sont. « Citoycnncs, » dira Ilenriot aux fillcs du Palais-Royal qu'il a fait dcsccndre en masse dans le jardin, « cUoyennes, 6lcs-vous bonnes rcpubli-« caines?— Oui, oui, notre gcn6ral. — N'auriez-vous pas « par liasard, cache dans vos cabinets quelquc prelre « refraclaire, quelquc Autrichien, quelque Prussicn? — « Fi, fi, nous ne recevons que des sans-culoltcs \ » -_

1. Schmidt, II, 12 (Dulard, 7 juin) : «Jai vu, ces jours passes, dcs scm a de NeuiUy, de Versailles, de Saiat-Gennain, etc., qui elaient icia d^ a meure, par i'odeur allcchcs. »

2. Jb., I, 254 (Dulard, 19 mai). - A celte date, les voleurs foisonnent a Paris, et le maire, Chambon, dans so.i rapport a la Coavealion ZTaZ hn-m(imo. [Monitcur, XV, 67, s6ance du 5 j;i„vior I793 )

3. De Goncourt, la Societe fran^aisc pcndanl la lic.oluUoh (d'apr6s le Cuurricr de Vtgalile, juiUel 17UJJ. *

LA SKCONDE ETAPE DE LA COXQUETE. 405

Avcc ellcs, Ics volciises cl Ics prostiLuecs que les scp-Icmbriseurs, aii Clialclet eL u la Concicrgcrie, onl 61ar-gics, puis cnrolccs en scplembre, foul, sous le com-mandemcnt d'uiio « vieillc barboleuse >), nominee Rose Lacombe*, le public ordinaire de la Convcnlion; aux grands jours, on en coniplc scpl ou huiL cenls, parlbis deux mille, des ncuf heurcs du malin, i la porle eL dans les galeries-. — Male eL fcmclle, « la vermine antiso-cc ciale^ » grouillc ainsi aux seances de rAsscniblee, de la Commune, des Jacobins, du Tribunal revoluLionnaire, des sections, el on imagine Ics physionomies. » «llsemblail, dit un dcpule*, « qu'on oiil cbcrclie dans lous Ics degor-« geoirs de Paris cl des grandcs villcs cc qu'il y avail « partout de plus sale, de plus hideux, de plus infect... « Dc vilaines figures lerrcuscs, noircs ou couleur de cui-« vre, surmonli^es d'unc grosse louITc do clieveux gras, « avec des ycux cnfonccs a mi-LuLe... lis jelaient, avcc « leurs haleines nausdabondes, les plus grossicres inju-« res, au milieu des cris aigus dc betes carnassifercs. » — Parmi eux, on distingue « ces sabreurs du 2 sep-cc lembrc, que je compare «, dit un observaleur = bien place pour les connaitrc, « a des ligrcs oisifs qui Icclicnl en « murmuront Icurs grilles, pour y decouvrir encore quel-« ques goultes du sang qu'ils vicnnent de verscr, en « attendanl le nouveau. » Bien loin de se cacher, ils Licn-

1. Duzot, 72. 2. Moore 10 novembre 1792 (d'apris un article de la Chro7iique dc Paris).

— Lc jour oil Robespierre prcscnla son apologie, « les tribunes contenaient « sept k buit cents femmcs et deux cenls liommes au plus. Robespienc « eslunpr6lre qui a ses devotes. » — Mortimcr-Ternaux, VII, 562 (lellrc du depute Michel, 20 mai 1793) : « Deux ou trois millc femmes, organisees ei « enrcgimentees par la Socicte fraternelle scante aux Jacobins, ont com-u nience Icur tintamarre, qui a dure jusqu'isixlieures, qu'il a fallu lever la « seance. La pluparl de ces creatures sont des fillcs publiqucs. »

3. Expression dc Gadol dans ses letlres a Roland. 4. Buzot, 57.-5. Duchcz el Roux, XXVllI, 80. Lcllre dc Cadol a Roland.

4C6 LA REVOLUTION.

nenl Ic haul du pave. L'un d'eiix, Pelit-Mamain, fils d'un aubcrgislc de Bordeaux ct ancicii soldat, « figure bleme « ct tirce, Ics ycux clincclanls, I'air audacieux, avec un « cimelciTC au cole et une paire de pislolets u la cein-« Lure' «, se promcne au Palais-Royal, « accompagne « ou suivi de loin par d'autres individus do son cspccc, » ^ cL « sc mcle i loutcs les conversations «. « C'est moi, dil-« 11, qui ai eventre la Lamballe et qui lui ai arrache le « cocur... Tout mon regret est que Ic massacre ait etc si « court, mais il recommencera; laissez sculemcnt passer « quinze jours. « Et, la-dessus, il se nomnie lout haut, par defi. — Un autre, qui n'a pas besoin dc dire son nom h-op connu, Maillard, le president des massacres i I'Ab-iiaye, lienl son quarlier general rue Favarl, au cafe Chre-lien=; de la, tout en lampant des pclils vcrres, « il lance « scs hommes a moustaches, soixanle-huit coupe-jarrets /'. qui sent la Icrreur des quartiers environnanls; >: dans Ics cafes ou aux foyers des lh6iitrcs, on les voit lout a coup cc tircr Icurs grands sabres » et dire b. des gens inof-fensifs : « Je suis untel, et, si tu me regardcs avec me-« pris, je lehache. » — Encore quelques mois, et, sous le commandement d'un aide de camp de Ilenriot, une cs- . couade dc cctte bandc volcra et clmuffera les paysans aux environs de Corbeil ct de Meaux^ En attendant, a Paris

1. Beaulic'j, Essais, I, 108 (lemoin oculairc). — Schmidt, II, 15. Rapport de Perricre, 8 juin.

2. Ceaulicu,f6., I, 100 : «Maillard est mort les cntraillos brfllces d'cau-« de-vie (!e 15 avril 1794). — Alexandre Sorel, Stanislas Maillard, p- 32 a 42. (Rapport de Fabre d'Cglantine sur Maillard, 17 dccembre l";93.) D^crele d'accusalion avec Ronsin el Vincent, Maillard public son apologie, cl Ton y voit qu'il cxersail deja avant le 31 mai, au club dc la rue Favart: « Je suis un des sociclaires de celte reunion de vrais palriotes, et'je m'cn « fais honneur; car c'est dc la qu'cslparlic rclincclie .le la sainleinsurrec-« tion du 31 mai.»

3. Alexandre Sorcl, ib. (Ucnonciation du fait par Lecoialre, 14 dccembre 1793, avec proces-verbaux des jugcs de paix.) — Archives nationales, ^', 3268. Letlre du direcloirc dc Corbeil au ministre, avec proces-vcrbal,

novembre 1792. Le 26 novcmbre, liuil.ou dix hommes armcs, fanlassins,

LA SECOXDE KTAPE DE LA COXQUETE. 407

ni6me, on chaulTe, on vole cL on violc dans les grandes occasions. Lc 25 eL le 26 fcvrier 1793 , chcz les epiciers gH'ands ou pelUs, « sauf cliez quelques-iins jacobins ", rue dcs Lombards, rue des Cinq-Diamants, rue Beaure-paire, rue Monlmartre, dans I'ile Saint-Louis, sur le port au Ble, devant I'Hdtel dc Yille, rue Saint-Jacques, brcf dans douzc cents boutiques, on pille, non seulemcnt les denrees dc premiere necessite, savon et chandelle, mais encore le sucre, I'eau-de-vie, lacannelle, la vanille, I'indigo et le the. « Rue de la Bourdonnaie, plusieurs « personnes sortaient avoc des pains dc sucre qu'elles « n'avaient pas payes et qu'ellcs rcvcndaient. » G'est un coup monte : commc au 5 octobre 1789, on voit, parnii les femmes, « beaucoup d'homnies deguisds qui n'ont « pas mfime pris la precaution de faire leur barbe, » et, en quelques endroits, grdce au d6sordre, its s'en donnent a cceur joie. Les pieds dans lc feu ou le front sous un pistolet, le maitre de la maison est contraint de leur livrer « or, argent, assignats et bijoux », trop heurcux quand sa femme et ses filles ne sont pas outrag6es de­vant lui, comme dans une ville prise d'assaut.

VII Tel est le peuple politique qui, i partir des dernicrs

mois de 1792, ri^gnc sur Paris ct, A Iravers Paris, sur la

cl plusieurs autres, cavaliers, souL entriJs chez Ruelle, formier a la ferme des Folies, commune de Lisse. lis ont sabre Ruelle, puis lui ont mis la t6te dans un sac, lui ont donne un coup de pied dans le visage, I'ont supplicie, ont presque etoufle sa femme ct deux servantcs, pour lui faire livrer son argent. Un charretier a regu un coup de pistolet dans I'cpaule et deux coups de sabre; les autres valets et batleurs en grange ont el6 lies et attaches comme des veaux. Enfln les bandits sont partis, emi)orlant I'argentcrie, une monlre, des bagues, des dentelles, deux fusils, etc.

1. Alonilcur, XV, 565. — Bucliez et Roux, XXIV, 335 ct suivantes. — Retif de la Bretonne, Nuils de Paris, VIII, 4G0 (lemoin oculaire). Les dernicrs details sont de lui.

408 LA REVOLUTION.

France, cinq millc brutes on vauricns' avcc deux millc drolesscs, u pen pres ce qu'une bonne police expulscrail, s'il s'agissaiL de neltoyer la capitale^, ciix aiissi convain-cus de lour droit, d'aulant plus ardents dans Icur foi rdvolutionnaire que leiir dogme erige en ycrlus leurs vices ct Iransforme leurs m6fails en services publics. lis sent

1. Cf. li'd. FIciiry, Dabeut, p. 150 ol 130. — Par \mc coVm.-iiUncc fiajv panlCj le personnel du parli se. Irouve encore Ic mOnic en 119G. Uabcuf csUmc qu'il a pour adherents dans Paris a 4000 rcvoiulionnaircs, 1500 mcni-- brcs dcs ancicnncs aulorilcs, IGOOcanonnicrs bourgeois, » oulrc dcs mili-laires, des detenus et des gens dc la police. 11 a rccrule aussi beaucoup de fillcs; les liommcs qui viennenl a lui sonl dcs ouvricrs = qui prctcndcnl « avoir arsouiUc dans la revolulion et qui sont tons prc/s d se rcmcll)-e * d la bcsogne, pourvu que ce soil pour tuer Ics coquins dc ridies, dCac-* caparcurs, de vxarchands, dc mouchards cl de panache's du, Luxenx-* bourg. » (Lctlre de I'agenl de la section Lonne-Nouvelle, 13 avril 1"9G.)

2. La proportion, la composition et Tcsprit du parli sont ics niCnics parlout notamnicnt a Lyon (Guilion dcMontleon, Mcmoircs, cl Bailcydicr, Ilisloire du peuple de L\)on. passim), i Toulon (Lauvcrgnc, Ilisloive du dcparlemcnt du Var), a Marseille, Bordeaux, Toulouse, Strasbourg, lJcsan<;on, etc. — A Bordeaux (Riouffe, !\Iemoircs, Ti], « cclaicnt lous « des gens sans aveu, des Savoyards, des Biscayens, dcs Allenuuids ratJine,

• « ,„ commissionnaircs et porleurs d'eau... devenus si puissanls, . qu'ils arrOtaicnt les gens riches, et si hcurcux, qu'ils couraicnt la

. • posle. » UiouITe ojoule : «Lorsque je Uis cc morceau i la Concicr-« gcric, des iiommos de lous les points dc la republiquc s'6cri6rcnt « unanimcmcnt; « C'cst ie tableau dc cc qui s'cst passe dans loules nos « communes.» — Cf. Duraud-Maillane, Mcmoivcs, 67 : » Ce peupio, ainsi « quniilie, n'elait, depuis la suppression du marc d'argent, que la parlie « la plus vickusc el la plus de'pravcc de la socicle. f — Dumouriez, 11, 51 : • Le5 J;.cobius, elant pour la phipart tires dc la parlie la plus abjecte et « la i.l!;s grossierede la nalion, ne pouvanl fournir de snjcls asscz elevcs « pour les places, ontbaisse les places pour se nieUre de niveau... Ce « sonl des Holes ivres ct barbares qui onl usurpc la place dcs Sparliales. •• — I.aur av6nemcnt a pour signe I'expulsion des libcraux el gens cullivcs de 1189. {Archives nationales, F^ 4434, n° 6. Letlrc dc Richard an Comile de salut public, 3 venlOse an II), Pendant le proconsulat de Raudot i Tou­louse, a on a exclu presque tous les patrioles de 1789 de la societo popu-» laire qu'ils avaient fondde; on y a introduit un nombrc infini de ccs " liommes dont le patriolisme remonte tout au plus au 10 aoiit 1792, si ^ loulerois il no date pas du 31 mai dernier. On met en fait que, sur plus • de millc individus qui composent aujourd'hui la socidle, il n'y en a pas « cmquanle dont Ic palriotisme date do la naissance de la r6voluUon. •

LA SKCUXDH ETAPK DE LA COXQUlilTE. 40G

bicn YcrilablcmcnL Ic pcuple souvcrain, ct c'esL Icui' pcns6e inlimc qu'il imporlc de demeler. Si Ton veuL comprendro Ics uvenemcnts, il faut apcrcovoir remolion sponlancc que soiiI5ve en eux le proces du roi, la dc-faile dc Neerwindcn, ]a d6ieciion de Dumouriez, I'insur-rcclion dc la Ycndcc, raccusation de Maral, rarreslalion diI6i3erl, el ciiacun dcs dangers qui lour i lour vienncnl fondre sur leurs leles. Car celle emotion, ils ne I'emprun-lenl point a aulriii, ils ne la rccoivent pas d'en haut, ils ne sont pas uno armec conPianle de soldnis disciplines, mais an amas mefianl d'adherents provisoircs.Pour Icur commander, il faiil Icur obeir, el leurs conduclcurs seronl toujours leurs inslrumcnls. Si applaudi ct si alTcrmi que semble un chef, il ne subsislc que pour un temps, sous bdneficed'inventairc, comme porle-voix de leurs passions et comme pourvoycur dc leurs appelits. Tel 6lait Potion en juillet 1792, et tel est Marat depuis les journ^es de sep-tembrc. « Un iMarat de plus ou de moins (et il y pnraltra cc tout t\ I'beure) ne changerait rien au cours des evenc-« monls ' . » — « II n'en resteraitqu'un seul", Cbaumelle « par exemple, que e'en serait assez pour conduire la « horde,» parce que c'csl la horde qui conduit. wEUc s'al-« tachera toujours, sans aucun respect pour ses ancicns « patrons, a celui qui parailra la suivre davanlage dans « ses debordements... Ils n'aiment Maral, Robespierre, « qu'autant que ceux-ci leur diront: Tuons, depouillons, » et sitOt que le meneur du jour ne sera plus dans le cou-rant du jour, ils le briseront comme un obstacle ou le rejetteront comme une epave. — Jugez s'ils consentironl a s'empdtrer dans les toiles d'araignee que leur oppose la Girondc.En face de la constitution mclaphysiquc qu'on leur prepare, ils ont dans la I6le une constitution toulc

l.RcGdcrer, Chroniquc des cinqvante]our». iisclmiidl, I, 246 (Dulard;,18 mai).

408 LA REVOLUTIOX.

France, cinq millc brutes on vauriens* avcc deux mille drolesscs, u pcu pres cc qu'unc bonne police expnlscrail, s'il s'agissait de neUoyer la capilale^ eux aussi convaiw-cus dc Icur droit, d'autant plus ardenls dans Icur foi revolutionnaire que leur dogme crige en vertus leurs vices ct Iransformc leurs mefails en services publics. lis sent

1. Cf. Ed. Ficuiy, Dabcut, p. loO ct 130. — Par iine coTnci-Icncc fiap-panle, le personnel clu paiii ae Irouvc encore Ic mume en 1796. Dabeuf esUmc qu'il a pour adlierenls dans Paris « 4000 rovolulionnaires, 1500 nicm-« brcs dcs ancicnnes auloritcs, ICOO canonniers bourgeois, » oulrc dcs niili-taires, dcs dcloiuis ct dcs gens dc la police. II a rccruld aussi bcaucoup dc fiUcs; les hommcs qui vicnnenl a lui sonl dcs ouvriers a qui prdlcndenl « avoir arsouilld dans la revoluUon el qui sonl lous pixels d se rcmcllre m a la bcsognc, pourvu que ce soil pour tuo' les coquins de riches, cVac-•L caparcio's, de vxarchands, dc mouchards ct de panaches du Luxcrn-« bourg. » (LcUre de I'agent de la scclion Donne-Nouvelle, 13 avril 179G.)

2. La proportion, la coniposilion ct rc^pril du parti sout les mcnics partout, nolammenl a Lyon (Guillon deMonllcon, Mdmobxs, ct Ballcydicr, Ilisloire du peuple de Djon, passim), i Touloa (Lauvergne, Ilisloivc da ddparlcmcnt du I 'ar), a Marseille, Dordcaux, Toulouse, Strasbourg, Besancon, etc. — A Bordeaux (Riouffe, Mcmoircs, 23), « c'etaient lous «- des gens sans aveu, des Savoyards, des Biscayens, dcs Allemands radmc,

• « ... commissionniiircs ct porleurs d'cau... dcvcnus si puissants, • . qu'ils arr6laicnt !cs gens riches, el si heurcux, qu'ils couraicnt la . . poste.» Uiouffe ajoulc : «Lorsque je lus cc morceau a la Concicr-•« geric, des hommcs dc lous Ics points de la republique s'ecri6rent c unanimcment: » C'cst Ic tableau de cc qui s'csl passe dans toules nos « comninncs. •> — Cf. Durand-Maillane, Mcmoircs, 67 : o Ce peuple, ainsi « qualilie, n'elail, depuis la suppression du marc d'argent, que la partie o /;( plus vicieusc cl la plus deprave'c de la sociele, » — Dumouricz, II, 51; • Les J;.col)ins, clant pour la plupart tires dc la parlic la plus abjccte ct « la plus grossiere de la nation, ne pouvant fournir de sujels assez eleves « pour les places, ont baisse les places pour se moltre de niveau... Ce « sonl des Holes ivros et barbares qui ont usurpe la place des Spartiales. » — .Laur av6ncnient a pour signe I'expulsion des libcraux ct gens cullivcs de 1789. (Archives nalionales, F^, 4434, n" 6. Letlrc dc Richard an Comile de salut public, 3 vcnluse an II). Pendant le proconsulat de Baudot 5 Tou­louse, c-on a cxclu prcsque lous les palriolcs dc 1789 de la sociele popu-« laire qu'ils avaienl fondle; on y a introduit un nombrc infini de ccs - hommes dont le patriotisme rcmonle lout au plus au 10 aoiit 1792, si ^ loulefois il no date pas du 31 mai dernier. On met en fait que, sur plus • de mille Individus qui composent aujourd'hui la sociele, il n'y en a pas «= cmquanle dont Ic patriotisme date do la naissance de la rdvolulion. •

LA SECUXDH ETAPK DE LA COXQUETE. 40S

Ijien YcrilablcmcnL Ic pciiple souverain, ct c'csL Icup pcns^e inlimc qu'il imporlc dc demGlcr. Si I'oii veul com prendre Ics 6vencmcnls, il fau[ apcrcovoir remolion sponlance que soulbve cii eux le proccs tin roi, la dc-faile de Neerwindcn, la d6fcclion de Dumouricz, Finsur-rcclioii de la Vendee, raccnsalion de Maral, I'arreslalion dilcbert, et cliacun des dangers qui lour a lour vienncnl fondre sur lours lelcs. Car celle emotion, ils ne I'emprun-lenl point a aulrui, ils ne la rccoivenl pas d'en haul, ils ne sont pas une armc>c confianle de soldals disciplines, mais un amas mcfiant d'adhcrents provisoircs.Pour Icur commander, il faut leur obeir, et Icurs conduclcurs seront loujours leurs instruments. Si applaudi et si alTermi que semblc un chef, il ne subsistc que pour un temps, sous bdneficed'invenlaire, comme porle-voix de Icurs passions et comme pourvoyeur dc Icurs appelits. Tel 6[ail Pelion en juillet 1792, et tel est Marat depuis les journ6es de sep-lembre. « Un Marat de plus ou de mo ins (et il y paraitra cc tout i rhcure) ne changcrait rien au cours des evene-<c ments ' . » — « II n'en resteraitqu'un seul-, Chaumette

'« par exemple, que e'en serait assez pour conduire la « horde, ^ parce que c'cst la horde qui conduit. «Ellc s'at-« tachera toujours, sans ancnn respect pour scs anciens « patrons, a celui qui parailra la suivrc davantage dans « scs debordemenls... lis n'aiment Marat, Robespierre, « qu'autant que ceux-ci leur dironl: Tuons, dcpouillons, » et sitot que le meneur dii jour ne sera plus dans le cou-rant du jour, lis le briseront comme un obstacle ou lo rejetleront comme une cpave. — Jugez s'ils consentironl i s'emp6trer dans les loiles d'araignee que leur oppose la Gironde.En face de la constitution mctaphysique qu'on leur prepare, ils ont dans la t6te une constitution toulc

l.Rocdcrer, Chronicjue des cinrjtianle jouri. 2. Schmidt, I, 246 (Dulard, 18 mai).

410 LA Rl^VOLUTlON.

I'aile simple par excellence, adapl6c a. Icur capacilc el h leurs instincls.Rappelez-vous iin de leurs coryphees que nous avons d6ja rcncontr6, M. Saule, « gros pclit vieux a tout rabougri, loulc sa vie ivrogne, jadis lapissier, puis « colporteur charlatan, aux boites de 4 sous garnics de « graissc de pendu pour gu6rir les maux de reinsS »_ ensuile chef de claque dans les galeries de la Consli-Uiante et chasse de la pour friponnerie, reintegrc sous la Legislative,etjpar la protection d'un palefrenier de lacour, graliri6 d'un emplacement a la porte de I'Asseniblde pour y etablir un caf6 patriolique, par suite honore d'une re­compense de 600 livres, pourvu d'un logement natio­nal, nomme inspecteur des tribunes, dcvenu regulateur de I'esprit public, et mainlenant « Pun des enrag6s de la • « Halle au BI6 ». Un pareil liomme est un type, le speci­men moyen du parti, non seulement par son Education, son caractere et sa conduile, mais encore par ses ambi­tions, ses principes, sa logique, et ses succes. « II a jure « de faire sa fortune, et il I'a faite. II a constamment eric « qu'il fallait abattre les nobles el les prfitres, et les uns « et les aulres ne sont plus. II a constamment crie qu'il « fallait abaltre la lisle civile, et la lisle civile a 616 sup-« priraee. Enfin, log6 dans la maison de Louis XYI, il lui « a dit, i son nez et i sa barbe, qu'il fallait lui couper la a tele, et la t6lc de Louis XYI est lombee. ^ — Voili, en abrege, I'histoire et le portrait de tons les aulres; rien detonnantsi les vrais Jacobins entendenl la revolution a lafacon de M. Saule-, si, pour eux, la seule constitution

1. Schmidt, 1, 215 (DuLard, 23 mai). 2. Buchez ct Roux, XXV, 156 (exlrail du Palnole francais, 30 mai-s 1793)

Discours dc Cliaslcs aux Jacobins, 27 mars: « Nous avons annonce aux « ciloycns des campagncs que, par Ic nioycn de la laxe de guerre, lea « pauvrcs seraientnourris par les riclies, el qii'ils Irouveraicnt dans Icspor-"Icfeuilles des cgoTstes de quoi subvenir a leurs besoins. » — Jb., 269. Discours de IloseLacombe aux Jacobins: a II faut s'assurerdes arislocrales, « les fairc marcher au-devant des ennemis que Dumouricz am6nc sur

LA SKCONDE KTAPK DE LA COXQUliTE. 411

Icgilimc est r6lablissemcnl dcRnilif de Icur omnipotence, s'ils appcllcnt ordre el justice Tarbitrairc illimild qu'ils cxcrcent sur Ics bicns et sur Ics vies, si leur instinct, court et violent comme celui d'un bey, ne comprend que les mesiircs extriimcs et destructives, arreslalions, d6por-

. lations, confiscations, executions, lout cela accompli Ic front baut, avec joie, comme un office patriolique, en vertu d'un sacerdoce moral, au nomdu peuple, soit direc-temcnt ct tumultuairement par leurs propres mains, soit indircclement et regulierement par les mains de leurs elus dociles. Leur politique se reduit a cela; rien nc les en decrocbcra; car ils y sont ancres de tout le poids ct de toutes les atlacbes de leur immoralile, de leur ignorance ctdclcur bfilise. A travers rhypocrisie des parades obli-gatoires, leur idee fixe s'impose au parlour pour qu'il la mette en tirade, au Idgislatcur pour qu'il la mette eu d^cret, i I'administrateur pour qu'il la mette en Oiuvrc, et, depuis leur entree en campagne jusqu'a leur vicloire finale, ils n'y soiilTriront qu'unc variantc, une variante iegtrc. Au mois de soptembre 1792, ils disaient par leurs

<< Paris; nous leur significrons que, s'ils Irahisscnt, leurs fcmmcs ct leurs « enfants seront cgorges, el leurs proprictes incendiees... Je nc veux pas « que les patriotes sorlcnt, je veux qu'ils gardcnt Paris; ct, si noussuccom-a bons, le premier qui hesilcra a mctlre Ic feu sera poignarde a I'instant. « Je veux que Ics proprietaires, qui ont lout accaparc pour cxasperer le « peuple, tucnt les lyrans ou qu'ils perissenl, » (Applaudisscmcnls. — 3 avril.) —lb. 302 (Convention, Savril): a Marat demandequc 100000parents « et amis des emigres soient pris en otagcs pour la sQreld des comniis-•< sairesiivrcs a rcnncmi. >• — Cf. Balleydicr, 117, 122. A Lyon, Ic 26 Jan­vier 1793. Chalier disait au club central : « Sans-culottcs, rejouisic/.-vous, o le san"- du ti"Te royal a coule en vue de sa taniere: mais le peuple n'a pas - failjuslicc enliere, il y a parmi vous encore 500 teles qui meritent le K sort du lyran.» — II propose (5 fevrier) un tribunal rcvolulionnaire pour juger rdvolutionnairement les gens arrtitcs : « Cost le scul moyen « d'cn imposer a lous les faclieux royalisles et aristocrates, le seul nioycn « raisonnable de venger la souvcrainde des braves sans-culollcSy qui « n'dpparl\c]\t qiCd nous. » — llvdcns, commissaire national, ajoute : . P^rissent cent mille fois les 25 millions de Frangais plulot qu'unc scula « fois la rcpublique unc ct indivisible!»

412 - \ . • • . . LA REVOLUTION.

acles : « Ccux qui ne pensent pas comnie nous sci'ont « assassines, et nous aurons Icur or, leurs bijoux, Icurs « portefeuillcs. » Au mois de novcmbrc 1793, ils difonl par rinstitulion orficiclle du gouverncmcnl revolulion-nairc : « Ccux qui nc pensent pas commc nous'scront « guillotines, ct nous scrons leurs heriliers ' . » — Enlre ce programme soulenu par la piebe jacobine et le pro­gramme des Girondins soutcnu par la majorite do la Con­vention, cnlre la constitution de Condorcet" et rarliclc iibrevialif de M. Saulc, il est aise de voir lequel prdvau-di-a. « Ces polissons de Parisiens, dit un Girondin, nous <c prenaient pour leurs yalels^, « el un valet est sur d'etre renvoyd, s'il contredit son mailre. Des le premier jour, quand la Convention en corps travcrsait les rues pour se rendrc en seance, elle a pu comprcndre, a cerlaines plirases significatives, en quellcs mains imbeciles et ter-ribles elle 6lait tombec. '< Pourquoi, » disait-on sur son passage, « pourquoi faire venir tant dc gens pour gou-«. verner la France? N'y en a-t-il pas assez i Paris'? »

L Ce dernier mol est de Mallet-Dupan. 2. Buzot, 64. 3. Michelet, IV, 6 (d'apres le rtScit oral de Daunou). —Buchez el Roux,

XXYUI, lOL I.ellre de Louvel a Roland : = Au moment oil les pretendus « commissaires des 48 seclions de Paris vcnaient presenter leur pcililion « centre la force armce (dcpartemcnlale), j'ai entendu Santerre, qui sortait « aussi, dire a haute voix aux pcrsonnes qui rcnvironnaient a pcu pres « ceci : « Vous voycz que les deputes ne sont pas a la hauteur de la • revolution.... Ca arrive de 50 lieues, de 100 licues, de 200 lieues ; Qa ne

ri.mprend ricn a ce que vous dites. »

GHAPITRE IV.

Siiiialion prdcairo d'un gouvernemenl cenlral enfernic dans une ji.ridictiun locale. — I. Avanlages des .Jacobins. — Leiir predominance dans les ussemblues de section. — Mainlien, reelection ct aclicvement de la Commune. — Ses nouvcaiix chefs, Cliaumelle, ilebcrl cL Pachc. — Uefonle de la garde nalionale. — Les Jacobins clus officiers et sous-officiers. — La bande soldee des tape-dur. — Fonds publics et secrets du parti. — 11. Ses rccrues parlemeataircs. — Leur caractoro ct leur esprit. — Saint-Just. — Violences de la minority Jans la Convention. •— Pression des galcries. — Menaces do la rue. — HI. Defections dans la niajoritc. — ElTet de la peur physique. — Effct dc la liniidile morale. — Eflet de la necessity politique. — Defaillance interne des Girondins.— Pai* Icurs principcs, ils sont complices des Montagnards. — IV. Princi-paux decrels de la majorite girondino. — Amies el moyens d'attaqiie qu'ellclivroa ses adversaires. — Y. Les comites de surveillance a parlir du 28 mars 1793. — Restauralion du regime d'aoul etscptembre 1792. — Lc desarmemcnl. — Les ccrliQcats dc civismc. — L'enrOlcmcnt force. — L'emprunt force. — Emploi des sommos persncs. — Vaine resistance de

. la Convention. — Marat, d6cr6l6 d'accusalion, est acquitle. — Yaine resistance de la population. — La manifestation des jcuncs gens est rcprimce. — Violences el vicloirc des Jacobins dans les assemblees de section, — VL Tactiqne des Jacobins pour contraindre la Conven­tion.— Petition du 15 avril conlre les Girondins. — Moyens employes pour obtenir des signatures. — La Convention declare la petition calom-nieusc: — La commission des Douze el I'arrestation d'llebcrl. — Projels de massacre. — Intervention des chefs de la iMonlagne. — VJI. Lc27 mai. — Le cdmit6 central revolutionnairc. — La municipalito destitude, puis reinstallee. —-Henriot commandant general. — Lc 31 mai. — Mesures de la Commune. — Lc 2 juin. — Arrcstalion des Douze ct des Yin"-t-dcu.v. — VIII. QuaUl6.des nouveau.x gouvcrnants. — Pourquoi la France les a suivis.

<c Ciloyen Danlon, 6crivait ie cl6pule Thomas Payne*, le danger d'une rupture cnlrc Paris el les dcparlements

\, Archives nalibnalcs, AF, II, 45, 6 mai 1793 (en anglais).

414 LA REVOLUTION.

a'crotl lous les jours : les deparlemcnls n'ontpoint cnvoye (c lours depulds a Paris pour elreinsult6s,elchaqueinsulLo. c< qu'on fait aux deputes est unc insultc pour les dcpar-c< temcnts qui les out choisis ct cnvoy6s. Je no vois qli'un <c plan cfficace pour enipeclier ccllc rupture d'eclalcr, « c'cst dc fixer la residence de la Convcnlion ct dos fu-« turcs Assemblces i\. une distance dc Paris... Pendant la « revolution americainc, j'ai constate les enormcs incon-u venients attaclics a la residence du gouvernement du « Congres dans I'enceinte d'une juridiction municipalc « quelconque. Lc Congres se lint d'abord a Pliiladclphie « ct, aprcs une residence de quatrc ans, trouva neces-« saire de quitter cctte ville. II s'ajourna dans I'Etat de « Jersey. Ensuite 11 se transporta a New-Yorlc. Enfin, c< quitlant New-York, il revint a Pliiladelphic, et, aprcs « avoir 6prouve dans chacun dc ccs endroils lc grand « cmbarras qui nait du sejour d'un gouverncmenl dans c< un gouvcrncment, il forma lc projet dc batir, pour la « future r6sidence du Congres, une villc qui nc serai I; « comprise dans les iimitcs d'aucune juridiction munici-« pale. Dans chacun des licux ou avait r6sid6 lc Con-'< gres, I'autorite municipale s'opposait, par voio pu-« bllque ou privee, i I'autorite du Congres, ct lc pcuple* « dc cliacun de ces lieux s'attendait i cLre complo ct cou-« sid6r6 par le Congres pour une part plus grande que « celle qui lui revenait dans une conf6d6ration d'Etats « L'gaux. Les mfimes inconvcnienls se produisent mainle-« nant en France, mais avec de plus grands exc6s. » — Danton salt cela et il est asscz clairvoyant pour com-prcndre le danger; maisle pli est pris, et il I'a donne lui-n-i(ime. Depuis le 10 aoat, Paris ticnt la France asservic, ct une poignee de revolutionnaircs tyrannise Paris'.

1. Moore, I, 185 (20 octobre): « II esl evident que, quoique lous les • deparlements de la France aient en Iheorie unc pari cgaje dans le gou-• veriicmenl, pourlant, en fait, le deparlcmcnt dc Paris s'est approprie a

LA SI-COXDK KTAPE DE LA COXQUETE, 415

I

GrAcc ti la composilion ct a la tenue dcs assemblees de fcclion, la source premiere du pouvoir est resleo jacobine plsc Icint d'une couleur de plus en plus foncee; par suite, les proced6s 61ccloraux qui, sous la Legislative, avaient I'orme la Commune usurpatrice du 10 aout, se sont per-pelues et s'aggravcnl sous la Convention'. « Dans presque cc loulcs les sections-, ce sont les sans-culotlcs qui occu-« pent Ic fauteuil, qui ordonnent I'interieur dc la sallc, « qui disposent les senlinelles, qui etablissont les cen-« seurs ct reviseurs. Cinq ou six espions habitues dc la « section, soldes a 40 sous, y sont depuis le commen-« cement jusqu ' i la fin de la seance; ce sont dcs gens « a tout entreprendre. Ges mfimes hommes sont encore « destines d porter les ordres d'un comite de surveillance « d I'autre,... de sorte que, si les sans-culottes d'une scc-

« lul seul loiil Ic pouvoir dii gouvernement. — Par la pression do I'emeute a Paris fail la loi k la Convention ct a toiite la France. » — Moore, II, o3'i (pendant lo proces du roi) : « Tous les departemenls, y compris cehii ilc

• u Paris, sent cu rcalile obliges de se soumellre souveul a la tyrannic " criardc d'une bandc de coquins soldes qui, dims les tribunes, usurpenl " lo iioni ct les fonclions du peuple souverain, et qui, diriges sccr6tcment « par un petit nombre de demagogues, gouvernent cettc malheureuse " nation." — Cf. ib., 11 (13 novenibre).

1. SciiniiJt, I, 96. Lellre de Laucliou an president dc la Convention, 11 oclobre 1192 : « L>c sa pleine aulorile, la section de 1792 a arr6te, le " 5 de ce niois, que les pcrsonnes en etat de donieslicilc pounaient voter » dans nos assemblees primaires.... II serail bon que la Convention na-« lionale Irouvat moyen dc persuader aux babitanls de Paris qu'eux seuls « ne composenl pas la republique enliere. Cette idee, quoique absurdo, 0 ne laisse pas de se realiser lous les jours. » — lb., 99. Lettrc de Dair.our, vice-president de la section du Pantheon, 29 oclobre: « Le citoyen Paris... « a dit qiiCj lorsque la loi biesse I'opinion generale, il ne faul plus y avoir • egard... Ges perlurbateurs, qui veulent a loute force atlraper des places, u soil a la municipalite, soil ailleurs, causent les plus grands vacarmcs. »

2. Ib.) 1, 223. llapport de Dutard, 14 mai.

416 LA REVOLUTION.

« lion ne sonl pas assez forls, ils appellcnt ccux de la scc-« tion voisinc. '> — En de pareillcs assemblces, les elec­tions sont failcs d'avance, ct Ton volt comment toutes les places 61cctives dcmcurent par force ou iirrivent force-ment aux mains de la faction. A travers les velleiles lios-tiles de la Legislative et de la Convention, le conseil de la Commune est parvenu d'abord a se mainlenir pendant-qualre mois; puis, en decembreS qiiand il est enfin oblige dese dissoudre, il reparait autorisc de nouveau par le suf­frage populaire, renforc6 ct complet6parses pareils, avec Irois chefs, procureur-syndic, substitut ct maire, lous les trois auteurs ou fauteurs de septembre, avec Chaii-mette, soi-disant Anaxagoras, ancicn mousse, puis clcrc, puis commis, loujours endctl6, bavard et buveur; avec Hubert, ditle Pere Duchesne, et c'est tout dire; avec Pache, subalterne empress6, intrigant doiicereux, qui a exploile son air simple ct sa figure de brave liomme pour sc pous-ser jusqu'au minislere de la guerre, qui.a mis l i lous les services au pillage, el qui, ii6 dans une lege de concierge, y revient diner par . calcuV .ou par goCit. — Par deli Tautorite. civile, les Jacobins out accapar6 aussi le pou-voir mililairc. Aussit6t apTfesle-lO aoiil', la"" garde natio-nale rcfonduo a el6 dislribudc* en "'auLant dc balaillons (\u'il y a do seclions, el chaquc balaillon est ainsi devenu « la seclion arm6G » ; l&r-dessus, on dcvine dc quoi maiii-lenant il se compose, el quels demagogues il se choisit pour officiersetsous-officiers. «0n nepeutplus,»6crit un

L Morliiner-Ternaux, VI, 117; VII, 59 (Hcrulins dcs 2 el 4 dccenibre). — Dans la plupart de ces scruliiis el de ceux qui suivent, le noiiibre des votanls n'esl que Ic vinglieme de celui des inscrils. Gliaumclte esl clu dans sa seclion par 53 voix, llebcrl par 56, Geney, mailre lonnclicr, par 34, Lachenard, lailleur, par 39, Douce, ouvrier en batimcnt, par 24. — Pachc, elu malrc le 15 ftivrier 1793, oblient 11881 voix sur 160000 inscrils.

2. Duchez ct Roux, XVII, 101. (Decrel du 19 aoiil 1792.) — Morlimer-Ternaux, IV, 223. — Deaulicu, Essais, III, 454. « Depuis le 10 aout, la • garde nalional.; a cesse d'exister. » —' Duzol, 454. — Schniidl, X- "•"• lUulard, -ig luai). u 11 esl dc fail que la force ai-niec de Paris esl nulle.»

LA SECONDE ETAPE DE LA CO.XQL'ETE. 417

depiile, « donner le nom de garde nationale au ramassis « de gens a piques el de remplacants, nielcs dc qiiclques « ].io'urgcois, qui, depuis le 10 aoiil,. conlinueiit i Paris Ic « service mililaire. '> A la vcril6, 110 000 noins soiit sur le papier; aux grands appcls, lous Ics inscrils, s'ils n'ont pas elc desarm6s, peuvent vcnir; mais, a I'ordinairc, prcsque lous rcslent chcz cux ct payent un sans-culolle pour monler Icur garde. En fail, pour fournir au service quolidien, il n'y a, dans cliaque seclion, qu'unc reserve sold(!:e, environ cenl hommes, loujours les mcmcs. Cela fait dans Paris uncbandc dequalrca cinq mille lapc-dur, dans laquelle on pcul demeler.dcs pclolons qui out deja, figure en septembre, Maillard et ses 68 liommcs a TAbbayc, Gaulbier et ses 40 hommes a Chanlilly, Audouin, dit le Sapeurdes Carmes, el ses 350 hommes dans la banlicue dc Paris, Fournier, Lazowski el leurs 1500 hommes a OrleanselaYcrsailles^ — Quanta Icursolde elalasolde dc leurs auxilialres civils, la faclion n'csl pas en peine; car avec le pbuvoir, .cllc a pris Targent. Sans compter ses rapines de septembre '• sans parlcr des innombrables places lucratives dent ellc dispose, quatre cents distri-buecspar Ic scul Paclie, quatre cents autres distribuecs

1. Bcaulicu, Essais, IV, 6. - Archives nalionalcs,F^ 32i9 (Oise). LeUrcs dc? adminisliatcurs dc POise, 24 aout, 12 scplenibre, 20 septembre 1792. LcUrc dcs adminii-lrateurs du disUicl dc Clermont, 14 sci.tenibrc, etc.

2 C( plus haul, chap. ix. - Arci.ives nalionales, !•', 324'J. I.etlre des adminisiralcnrs du district de Senlis, 31 oclol.re 1792. Deux admin.slra-icurs de I'l.opilal dc Senlis ont etc arrelcs par des comm.s.a.rcs par.s.ens et conduits .^au prelendu Comilc de .alut pul.hc de Par.s, avec tout ce . qu'ils pouvaient avoir d-argcnt bijoux, as^.gnals ». Les nuMues comm.s-

A 1 .i„„v tniiire (lp riioDilal avec loule 1 arirculene de la saires enimtneiu acu\ i-ccuis cit- i uui mw e aiaison; les socurs ont etc relacliccs, mais l-argcnlerie n'a pas et6 reudue. _ Buchcz et r.oux. XXVI.. 209 (Patriolc franrais), seance du 30 avril 1793,

coniple rendu lina'l dc la commission ciiargec dexamincr les cc.nii)les de I'ancicn coniil'-dc surveillance •." Tanis el Scrgent (sent) con\aincus dc « bris dcs scellcs .... <• 67 580 livres Irouvces chcz Scpleuil oaldisparu. , ainsi que bcaucoup d'cffcls prccicux.

tA REVOLUTION. " "" ~^

418 LA REVOLUTION.

par le seul CbaumellcS la Commune a 850 000 francs par mois pour sa policemilitaire. D'autres saignees pratiqu6es au Tr6sor font encore couler I'argent public dans les poches do sa clientele. Un million par mois entrclient les ouvricrs fain6ants qu'elle a racoles a son de trompe pour elablir un camp sous Paris. 5 millions de francs couvrent les ^ petits detaillants de la capitale contre la d6pr6ciation dcs billets de confiance. 12 000 francs par jour main-tiennent le prix du pain k la port6e des indigents de Par^s^ A ccs fonds r6gulicrement alIou6s, joignez les fonds qu'elle detourne ou qu'elle .exlorque. D'une part, au ministfere de la guerre, Pache, son complice avant d'etre son maire,a inslitu6 le gaspillage elle grappillage en permanence : en trois mois d'administration, il par-viendra b. kiisser un dccouvert de 130 millions, « sans « quiltances^». D'autre part, le due d'0rl6ans, deveuu Pbilippe-Egalite, trainc en avant par ses anciens stipen-dics, la corde au cou, presque etrangl6, doit financcr plus que jamais et de toute la profondeur de sa bourse; puisque, pour sauver sa vie, il consent a voter la mort du roi, c'est qu'il estvdsisnc a d'autres sacrifices*; pro-.

1. Schmidt, 1, 270. ,, 2. Moi'limer-Tcrnaux, IV, 221 a 229, 242 a 2G0 ; VI, 43 a 52. 3. De Sybel,//isioiVe rfe VEurope pendant la Revolution francaisc IL,

76. —Mine Roland, 11,152: "La complabilile ful impossible, non seulemcut « a elablir, laais a figurer, pour 130 millions... Dans les 24 heurcs qui « suivircnt sa demission, il nomma a soixante places... depuis son gendre, « devcnii vicaire ordonnateur a 19 000 livres d'appointements, jusqifa " son perruquier, polisson de 19 ans fait commissaire des guerrcs. •> — «II ful prouve qu'on payait au complet des regiments reduils a un " petit nombre d'lioramcs. » — Meillau, 20 : « La faction devint maitrcsso » a Paris par les brigands qu'elle soudoyait, a I'aide des milliouo qu'elle " '^'^^''- mcltre a la disposition de la municipality, sous prclcxte d'assurcr " les subsislances. »

A. Voyez, dans les Mcmoires de Mme Elliot, les circonslanccs de ce vote. Beaulieu, I, 445 : . J'ai vu, afncbe, au coin des rues, uq placard, signe

« 'larut, par lequel il demandait 15000 livres a M. le due d'Orleans, en • -rocompcusedecequ-il faisait pour lui. » - Gouverneur Morris, I, 160,

LA SECONDE ILT.'LPE D E LA COXQUETE. 419

bablemenl, des 74 millions dc dcUes qu'on Irouvera h son invenlairc, line grosse part provient de Ih. — Ayant ainsi les places, les grades, les armes et I'argent, la faction, maitressc de Paris, n'a plus qu'i mailriser la Convenlion isol6e' qu'elle investit de toutes parts.

IT

Par les Elections, elle y a d^ji.porte son avant-garde, cinquante deputes, et, grdce i I'aLtrait qu'elle exerce sur les naturels emportes et despotiques, sur les tempera­ments brutaux, sur les esprits courts et d^Lraques, sur les imaginations atlblees, sur les pro bites v6reuses, sur les vieilles rancunes religieuses ou sociales, elle arrive, a'u bout de six mois, ci doubler ce nombre^ Sur les bancs de rextreniit6 gauche, autour de Robespierre, Danlon et Marat, le noyau primitif des septembriseurs attire k lui les hommes de son acabit, d'abord les pourris comme Ghabot, Tallien et Barras, les scelerats comme Fouchc, GulTroy et Javogues, les cnfievr^s et poss6des comme David, les fous leroces comme Carrier, les demi-fous mechants comme Joseph Lebon, les simples fanatiqucs comme Lcvasseur, Baudot, Jean-Bon Saint-Andr6, Romme et Lebas, ensuite et sur tout les futurs representants a poigne, gens rudes, autoritaires et bornes, excellents troupiers dans une milice politique, Bourbotte, Duques-noy, Rewbell, Bcntabolle, « unlasdeb.... d'ignorants, »

lellre du 21 decembre 1792. Les tribunes forccnt la Convention i rovo-(luer son decret contre rexpulsion des Bourbons. — Lc 22 decembre, les sections presentent une p^Ution dans lc mOmc sens, et il y a dans les fau­bourgs une sorte d'cmeuts en faveur dc rhilippe-Ef,alile.

1. Sclmiidt, I, 246 (Dulard, 13 mai) : aLaConventi.on ne pent pas compter a. i Paris trente pcrsonncs qui soient de son parti. »

2. Buchez et Roux, XXV, 463. Appel nominal du J.3 avril 1793 ; qualre-v'ingt-douze deputes votent pour .Marat.

420 LA REVOLUTION.

disail Danton*, « n 'ayantpas le sens commim, ct pa­ce Iriolcs sculcment quand ils sont souls.. Marat n'est 'X qu'un aboyeur; Legcndrc n'est bon qu'i'i d6pecer sa « viande; les aulres ne savent que voter par assis et « Icve; niais ils ont des reins et du ncrf, « Parmi ces nulliles energicjues, on volt s'elever un jeunc monstrc, au visage calme et beau, Saint-Jusl, sorte dc Sylla pre-coce, qui, a vingt-cinq ans, nouveau venu, sort tout de suite des rangs et, a force d'alrocit6, sefait sa placed Six ans auparavant, il a debute dans la vie par le vol doraes-lique : en visile cbcz sa mere, il est parti de nuit, eni-porlanl I'argcnteric el des bijoux qu'il est venu manger dans un hotel garni, rue Fromenlcau, au centre de la prostitution parisienne'; la-dessus, . a la demandc des siens, on I'a enferme six mois dans' une sorle de maison d'arrfit, De retour au logis, il a occupe ses loisirs d com­poser un poeme orduricr d'apres la Pucelle; puis, par une contraction furieuse qui rcsscmblc a un spasme, il s'est lance, la tete en avant, dans la rcvolulion. « Un « sang calcine par I'^tude, » un orgueil colossal, une conscience horsdes gonds, une imagination emphatique, sombre, banl6e par les souvenirs sanglants dc Rome et

1. Pnidhomnie, Crimes de la Revolulioii, V, 133, Conversation avec Danlon, en decenibre 1792. — De Uaranle, Ul, 123. M(ime conversalion, niais probablcmcnt d'apres line autre Iradilion orale. — J'ai cte oblige dc EuLslituer un equivalent aux derniers mots trop crus dc la citation.

2. II porle le premier la parole, au noni de la .Mont.-igne, dans le proccs du roi, et dcvienl tout, de suite president des Jacobins. Son discours conlre I.ouis XVI est signiCcatif. «Louis est un autre Calilina »; il faul le tuer, d'abord comme Iraitre, saisi en flagrant delit, cnsuitc comnie roi, c'est-ii-dire a litre d'cnnemi naturel et de iietc ferocc prise dans un rets.

3. Valolj Cliarloiic Corday cl les Girondii^s, I, preface, CXLI (avec ioutes les pieces dc rafTaire, les Icllres de Mme de Sainl-Jusl, I'inlcrrogaloire du Ji oclobrc n^:G, etc.). Les objets voles etaienl .MX pieces d'argenlerie, une bague line, des pistolels garnisen or, des paquetsde galou d'argcnl, etc. — l-c jeune honnne di 'clare « qu'il c. l au niomer.l d'etre place dans les gai-des

". .I'.n ; '" ''*'"'^'' ''''^''^''''' ' '" allcndanl qu'il soil a...cz grand 'pour enlrer uan. les gmdcs du corps. . 11 a songe aussi u eulrer a l-Oraloire.

LA SECONDE ETAPE DE LA CONQUETE. 421

de Sparto, iinc inlelligence fauss6e et tordiie jusqu ' i se troiivcr c\ I'alse dans riiabilude du paradoxc enormc, du sophisme elTronlc et du mensonge meuiirier ' , lous ces ingredienls dangereux, amalgames dans la lour-naisc de I'ambUion rcfoulee et concenlree, onL bouillonne en lui longlcmps cL silencieusemcnt, pour aboulir 4 I'ou-Irance continue, i rinscnsibilitd voulue, a la raideur automalique, i la politique sommaire de ruloplslc dicta-leur et cxlerminaleur. — Manifcslemcnt, uue minorit6 pareille n'acceptera pas la r6gle des debals parlemen-taires, et, plulot que de ceder a la majoritc, clle impor-tera dans la discussion, les vociferations, Ics injures, les menaces, les bousculades d'unc rixe, avec les poignards, les pislolcls, les sabres el jusqu'aux « espingolos » d'un vrai combat.

« Vils intrigants, calomnialcurs, sc61crats, monslres, c< assassins, gredins, imbeciles, cochons-, >) voilti leurs aposlropbcs ordinaires , et ce ne sont la ([ue leurs moindrcs violences. II y a telle seance ou le president est oblige de se couvrir trois fois et finit par briser sa son-nette.Ils rinjurienl,ils le forcent 4 descendre du fauteuil, lis demandent « qu'il soit casse ». Bazire vcut « lui arra-« cherdes mains » unedeclarationqu'il presente; Bourdon, de rOise, lui crie que, « s'il est assezosepourla l ire ' , il

1. Cf. son discoiirs conlrc Ic roi, scs rapports sur Daiilon, sur les Girondins, tic. Tour coniprendrc le caraclorc de Saiiit-Jusl, lire s;i Icllro il d'Anbigny, 20 juiHel 1792: » Dcpuis que je suis ici, je siiis dcvori « par unc Dcvrc r(5publicainc qui me dcvore cL me consume... II est mal-« hcuroux que je ne puissc rosier a Paris. Jc me sens de qiioi surnager « dans ce siecle... Vous 6lcs lous des liclies qui ne ni"avoz jjas apprecie. <• Ma palmc s'elovtra pourlant et vous obscui'cira pcul-el;c. lai'aincs qu . vous eles, je suis ua fourbe, un sccleral, parce que je n"ai poiiU d'argcul u h vous douuer? Arraclicz-moi le coour, el aiangcz-le; vous dcviendrcz co « que vous n'elcs point : grands. »

2. lUichez ct Roux, XXIV, 'JOG, ;!63) XXV, 323; XXYIl, ]4'i, l-'ia. — Monitcur, XIV, 80 (paroles de Danlon, David, Lcgendre, Maral).

3. Monitcur. XV, 74. — Duchcz et UouXj XXYll, 25i, 257, seances du 6 Janvier el du 27 mai.

422 LA REVOLUTION.

« rassassine. « La salle <^QS[ dcveniic unc arfenc de gla­ce dialeurs* ». Parfois laMonlagne seprccipUe lout enlierc hors dc scs bancs, et, conlre celle vague humaino qui, descend dc gauche, unc vague pareillc descend dedroile: les deux s'enlre-choquent au cenlre dc la salle, parmi dcs cris et des gesles furlcux, cl, dans une de ces bagarres, un Monlagnard ayant prcscnlc son pistolcl, le Girondin Duperrct tire I'ep^c^ A parlir du milieu de decembre, ies membrcs marquanlsdu c6lc droit, « conlinuellcmcni .I)oursuiYis, mcnac6s, oulrages, « r6duils « i dccoucher loutes les nulls, sont forces d'avoir dcs arnies pour Icur defense* », cl, aprfes le supplicc du roi, ils en ap-

vX)rlenl « prcsquc lous » aux seances do la Convcnlion. En €ffcl, chaque jour, ils peuvent s'allendrc i\ I'assaul final, et ils no veulent pas mourir sans vengeance : dans la null du 9 au 10 mars, no sc Irouvant plus que quaranle-Irois, ils se font passer le mot pour s'clanccr ensemble, « au premier mouvement hostile, centre leurs adver--K saircs et pour en tuer le plus possible, » avant dc p6rir*.

Ij'expcdient est desespcrc, mais c'est I'unique; car, mlrc les forcen6s de la salle, ils ont conlre eux les for-•cn6s dcs tribunes, et Ki aussi il y a dcs seplcmbriscurs. ta pirc canaille jacobiue les cnveloppe i demcur<} cl dc parli pris, d'abord dans la vieille salle du Manage, puis dans la nouvelle salle des Tuileries. En cercle aulour d'cuxctau-dcssusd'eux,ils voienltousles jours desadver-

1. iVonilcw, XIV, 851, stance dii 26 decembre 1792. Discours de Jiilicn. 2. /6., XIV, 768, Stance du 16 deccmLie. Lc presidcut : <• J'ai rappele

« liois fois Galon a I'ordre; trois fois il a resisle. » — Ycrpniaud : = La « iiiajoritti de I'Asscnihlec (est) sous le joiig d'line minoritc scdilicusG. » — llj., XIV, 8ol, 853, 865, seancoa du 26 el du 27 deccniLre. — iJuchcz cl Koux, XXV, 396, .seance du 11 avril.^

o. Louvet, 72. •1. Meillan, 24: « Depuis quclque Icmps, nous elions lous armes de sabres,

° de pislolels, d'espingoles. » — Moore, II, 235 (oclobre 1.792). Dcja a c-Uc ca'.c, un grand nonibre de deputes ne sorlaienl qu^armes de cannes a dard el de pislolels de poclic. •

LA SECONDE J L T A P E D E LA COXQUJGrE. 423

saires cnregimcnles, « huil ou ncuf ccnls letcs cncaqu^es « dans la grande galcric du fond sous une voulu pro-« fondcelsourdG»cLdcplus, surlesc6lcs, milloou quinze cents aulrcs, deux immenses tribunes loules plciucs*. Comparces a cellcs-ci, les galerics dc laConstiUianlc etde la Legislative etaient calmes. « Rien ne deshonore plus « la Convention, 6crit un specLaleur 6lranger-, que I'in-« solence de sesauditeurs; » i la verile, un dccretinlcr-dit toules les marques d'approbation ou dc desapproba-tion; mais « il est viole tons les jours, et pcrsonnc n'a « jamais ele puni pour ce delil. » Yaiuemcnt la majorilc s'indigne centre « la troupe de grcdins soldes » qui I'ob-sedent-ct qui Toppriment; louL en reclamant ct en pro-ieslant, elle subit cette obsession et ceUe oppression. « Effroyable lutte, dit un depute % cris, murniurcs, Ir^pi-« gncmenls, huecs... Les injures les plus orduri6rcs out « ctu vomics par les tribunes. » « Dcpuis lougtemps,» dit un autre, « on nc pent parler icij si I'on n'a obtenu leur c< permission*3). Le jour ou Buzot oblicnt la parole coalrc Maral, « ellcs CDlrcnl en furcur, hurlenl, Irepi-« gncnL cL mcnaccul^; «cliaquc fois queBuzol veut com-nicncer, les clameurs couvrent sa voix, et il reste une demi-heure a la tribune sans pouvoir aclicvcr une pbrase, Aux appels nominaux surlout, les cris ressem-blent i ccux de la foulc en delire qui, dans un cirque

L Daiiban, la DdmagoQic en 1793^ p. 181. Descrij)tion dc la salle par i'mdliomiiic. avcc cslampcs. —lb., 199. LeUro de IJrissot a scs.conunet-laats : " Les l)ri"aiuls cl les bacciianlcs oiU Irotivc moycn do s'eniparcr dc <: la nouvello salle. » — Selon rruditomme, Ics tribunes peuvenl conLenir ea foul qualoiv.e cents pcrsonnes, et, scion Dulaure, deux ii trois mille.

2. Muore, I., 44 (10 octobrc), el II, 53i. 3. xMonitcuv, XIV, 795, 19 deccmbre 1792, Discours de Lanjninais. 4. biicbcz ol RouXjXX, 5, 396 seance du 11 avril 1793, Discours do

Dupcrrct, 5. Daiiban, 143. Letlrc de Valazc, l-'i avril. — CL Monilcuv, .MV, 74G,

g.'ancc du 14 dece.mljro. — /ft.- 800, seance du 520 dcceuibro, loulenlierc. — Ih., 853, seance uu 26 deccmbrc.

424 LA REVOLUTION.

espagnol, suit des yeiix et du coeur le combat des pica­dors et du taureau : « vociferations de cannibalcs, » chaque fois qu'un depute ne vote pas la mort du roi ou vote Tap pel au peuple; « hudes intcrminablcs, » chaque fois qu'un depute vote I'accusation deMaral. «]G declare, » • disent des deputes u la tribune, « que je ne suis pas « libre ici; je declare qu'on me fait deliberer sous le « couteau*. » Ala porle de lasalle, on annonce a Ciiarlcs Yillelle que « s'il ne vote pas la mort du roi, 11 sera mas-« sacre ». — Et ce ne sont pas l i des menaces en Tair. Le 10 mars, en attendant rcmcute promise, « les tribunes « averties... armaient dcja leurs pislolels-.» Au mois de mai, les femmes d6guenillces ct pay6cs, qui, sous le nom « de Dames de la Fraternity «, se sont formees en club, vicnnent tous les jours, des le matin, monter la gai de en armcsdans les couloirs de la Convention; elles dechirent les billets donn(5s i ceux ou k celles qui ne sont pas de leur bande ; elles accaparent toutes les places; cllcs monlrent des pistolets etdes poignards, et disent « qu'il « faut faire sauter dix-huit cents t6tes, pour que tout « aille bien^>.

Derrifere ces deux premieres lignes d'assaillants, il en est une Iroisifeme, bien plus epaisse, d'autant plus ef-frayante qu'elle est obscure et ind^fmie, je veux dire la multitude vague de la s6quelle anarchiste, eparse dans lout Paris et loujours pr6le h renouvcler contre la majo-rile recalcilrante le 10 aoiit et le 2 septembre. De la Com-

1. Discours de Salles. — Lanjuinais (lit aussi : « On parait deliberer ici « dans une Convention libre; raais c'esl sous les poignards el les canons • des faclieux. » — Monileur, XV, 180, seance du 16 Janvier. Discours de N. depul6, prononce h la demande de Charles Vlllette.

2. Meiilan, 24. ' 3 Archives nalionales, AF, II, 45. Rapports de police des 16, 18 et 19

jnai. « On craint an premier jour queique sciine sanglante. ^ — Bucheri ct _onx, XXVII, 125. Rapport de Gamon, inspecteur de la salle de la Coaveu-

LA SECONDE ETAPE DE LA CONQUETE. 425

munc, des Jacobins, des Cordeliers, de I'EvSch^, des as-semblees de section, des groupes qui stalionnent aux Tuileries et dans les rues, partent incessamment des motions inccndiaires et des appels h I'enieute. « Ilier, » ecriL le president de la section des Tuileries^, « au meme « moment et dans dilT6rents points de Paris, rue du Bac,

• « au Marais, ti I'^glise Saint-Euslache, au palais de la Re-« volution, sur la terrasse des Feuillants, des sc616rals « prfichaient le pillage et I'assassinat. » — Le Icndemain, encore sur la terrasse des Feuillants, c'cst-a-dire sous les fenfitres mi^mcs de la Convention, on « provoque I'assas-« sinat de Louvet, pour avoir denonc6 Robespierre ». — <• Je n'entends parler, ecrit le ministre Roland, que de « conspirations, de projets de meurtre. » — Trois semai-nes plus tard, pendant plusieurs jours « on annonce UQ « soul6vemcnt dans Paris-»; le minislreest averli « qu'on « avoulu tirer le canon d'alarme », et les teles sur les-quelles fondra ccttc insurreclion ioujours grondante sont designees d'avance. Dans le mois qui suit, au mepris de la loi expresse et recente, « rasscmblee electorale fait ini-« primer et dislribuer gratuitcment la lisle des individus « associes aux clubsde la Sainle-Cbapelleet des Feuillants; « elle ordonne aussi llmpression et la distribution de la « liste des huit mille et des vingt mille, ainsi que celle ( des clubs de 1789 et de Montaigu^ » Au mois de Janvier, « les colporteurs cricnt dans la rue la lisle des arislocrales « et royallstcs qui ont vole I'appcl au peuple*. » Quelques-

L Moniteur, XIV, 362 ( l " novcmbre 1792). — 76., 387, scanco du 4 no-vcmbre. Discours de Royer el de Gorsas. —/6 . , 382. LcLli-ede Roland, 5 ao-vcmbre.

2. lb., XIV, G99. Lettre de Roland, 28 novcmba'e. 3. lb., XIV, 697, nMu 11 dcccmbi'C. 4. lb., XV, 180, seance du 16 jaiivier. Discours de Lcliardy, Ungues et

Thibav't. — Mcillan, 14 : « Mors fut Iracce une ligne de scparalion eiitrc les « deux cotes do I .A.ssemblee. Plusieurs dopnlcs que la faction voulail pcrdre a avaicnt vole la inert. On prclera prendre pour base la lisle des suITraj;;es

^26 LA REVOLUTION.

uns des appelanls sont signales nominativemenl par des placards, el Thibaut, 6vcque du Ganlal, occupe a lire sur un miir I'affiche qui le concerne, entend dire iisos coles : « Je voudrais bien connailre cet 6v6que du Ganlal, je lui « fcrais passer le goilt du pain. » Des lape-dur monlrent du doigt des deputes qui sorlenl de seance, et crienl: « II «faut echarper ces gueux-Ia! » — De semainc en semaine les signes avant-coureurs d'unc insurreclion sc suivent el se mulliplient, comme les eclairs dans un ciel charge d'orages. Le 1" Janvier, « le bruit court que les barritres « doivent 6lre fermees la nuit meme el que les visiles « domiciliaires vonl recommencer^ « Lc 7 Janvier, sur la motion des G ravilliers, la Commune demandc au minislre de la guerre 132 canons qui sonl aux magasins dc Saint-Denis, afin de les rcparlir cntre les sections. Le 15 Janvier, les Gravilliers proposcnt aux quarante-sept autres sec-lions de nommer, comme au 10 aout, des commissaires spcciaux qui s'assemblcront a I'Evcche et vcillcront a la surete publiquc. Le meme jour, pour que la Convention ne se mcprenne pas sur I'objet de ces menccs, on dit lout haul dans ses tribunes que les canons ramcnes soiit a Paris cc pour faire un 10 aout centre elle «. Le mcime jour, il faut un deploicmcnt de force militaire pour emp6-' Cher les bandits dc se porter aux prisons et d'y « renou-« vcler les massacres «. Le 28 Janvier, le Palais-Royal centre des gens de plaisir, est cerne par Santerre a huit iieures du soir, et « six millo homines environ, trouv6s " sans carle de civismc »,sont arrfites pour subir un a un le jugement de leur section. — Non seulement I'eclair

« pour I'appcl au peupic dans laquclle ils e(aicnt prcsque lous inscrits « Aous fumes done designes sous le nom iVappdanls. » X\in o r ^ ' T ; ^^'' " ' ' ' ° " ' ' '•' KabauL-Saint-Eliennc. - Euchczct Roux-to L t r y '" " ^ '•-T ™' "- -. V, 418. - Monileur, XV, 180, .eancc da

"oux, AXiv, 448. Rapport de Santerre.

LA SECONDE ^TAPE DE LA CONQUETE. 427

brille, mais dcjA, par coups isoles, la foiidre frappe'. Le 31 d^cembre, un nomme Louvain, d6noiice jadis par Marat comme agent de Lafayelle, est ogorge au faubourg Saint-Antoine, et son cadavre est Irainc dans les rues jusqu'a la Morgue. Le 25 fevrier, c'esL le pillage des cpiciers, sur les provocations de Marat, avec la connivence ou la tole­rance de la Commune. Le 9 mars, c'esl I'imprimerie de Gorsas saccag6c par deux cents hommes amies de sabres et de pislolcts. Le mCme soir et le Icndemain, c'est I'c-meule preparee et lanc6e contre la Convention elle-meme; c'est « le comitc des Jacobins appelant loutes les sections « de Paris a se lever en amies », pour « se debarrasscr » des deputes appelants et des minislres; c'est la socictc des Cordeliers invitant les autorilcs parisiennes « i s'eni-« parer de I'exercice de la souveraincte el a mcllre en « arrestation les deputes traitres »; c'est Fournier, Yarlet et Champion requcranl la Commune « de se declarer en « insurrection el de fermer les barrieres «,- ce sont loutes les avenues de la Convention occupecs par « des dicla-« tcurs de massacre », Petion- et Bcurnonville reconnus au passage, poursuivis et en danger de mort, des atlroii-pomenls furibonds sur la terrassc des Fcuillanls pour « juger populaii-cmcnt », pour « coupcr des teles » etpour « les envoyer aux departemcnts «. — Par bonheur, 11 pleut, ce qui refroidit toujours reffcrvescence populaire, et un depute du Finisterc, Kcrvelcgan, qui s'echappe, trouve moyen d'aller chercher au fonddu faubourg Salnt-Marceau un bataillon de volonlaires brcstois, arrives

1. Buchcz ct Roux, XXV, 23 a 2G. - Moilimer-Tcniaux, VI, 184.(.Mani-icbLe du comilc ccniral, 9 mars, 2 heiircs du malin.) — lb., VyS. Uocil do rournicr 4 la barrc dc la Gonvenlion, 12 aiai's. — Raj)port du iiuiire do Paris, 10 mars. — Rapport du miaislre dc la justice, 13 mars. — Meiilanf 2i . — Louvct, 72, 74.

2. PcLion, Mcmoires, 106 (edition Dauban) : « Combien de fois me suis-„ je cntendu dire : « Scelerat, nous aurons la tele! » — Et je ne puis pas « douter que plusicurs fois on n'ait cu le projet dc uvassasiiucr. .

428 LA REVOLUTION.

dcpuis quelques jours cl encore fideles; ils accourcnl A temps pour dcgager la Convenlion. — Ainsi viL la majo-rile, sous la triple pression de la Montague, des tribunes, de la plcbc exlerieure, et, de mois en mois, surtout i parlir du 1.0 mars, la pression va s'aggravant.

in Demois en mots, sous cette pression,lamajorit6ncchit.

— Quelques-uns sonl domples par le pur elTroi physique : dans le procfes du roi, au Iroisicme appel nominal, lorsque Ics voles de mort tombaicnt du hauL de la tribune, un. depute, voisin de Daunou, « lemoignait par ses gcstes sa « desapprobalion cnergique. Son tour arrive; Ics tribunes, « qui sans doulcavaientremarqae son attitude »,eclalent en menaces siviolentes, que, pendant quelques minutes, ilest impuissant a se faire entendre; « cnfin le silence so reta-« blit, et il vote... la mort'. » — D'autres, conime Darand-Maillane, avertis par Robespierre que « le parti le plus « fori est aussi le plus silr », se r6pfetent « qu'il est pru-« dent, necessaire de ne pas contrarier le pcuple en enio-«' lion », et prcnncnt la resolution « de se lenir conslam-« mcnt i I'dcart sous I'egide de leuT silence et de leur « nullile' «. Parmi les cinq cents deputes de la Plaine, il y en abeaucoup de cclte sorle; on commence i Ics appe-

1. Taillandicr, Documcnls biographiques sur Daunou. (Recit de Daunou), ji. 38.— Doulcet de PoiUecoulant, Mdmoires, I, 139 : « C'csL alors qu'on vil « la Montague user de tous Ics moyens d'inliitiidalion qu'clle savait si bicn « mcUre en ceuvrc, rcniplir les tribunes de ses salclliles qui se dcsijuaienl « ahaule voix chaqwe depute, a mesure qu'il montaitau bureau dif president a pour molivcr son vote, et qui poursuivaieiil de liurleaienls forpces cha-« can de ceux qui ne votaicnt pas pour la mort immediate et sans restric-0 tion. » — Carnot, Mcmoires, I, 293. — Carnot a vote la mort du roi ctcc-pcndanl avoue que « Louis XVI eut etc sauve, si la Convenlion uciit pa» • delibcre sous les poignards, »

2. Durand-Mailianc,^35, 38, 57.

LA SECONDE ETAPE BE LA CONQUfiTE. 429

Icr « crnpaiids dii Mnrais »; dans six mois, ils se r<5dui-ront eiix-m6mcs i Tclat de figuranls mucls ou plutot de mannequins homicides, et, sous un regard dc Robes­pierre, «leur cccur, maigri d'cpouvanlc', » leur rcmonlcra jusque dans la gorge. Bien avanl la chule des Girondins, « allcrres dupreseni, ne Irouvant plus dans leur Ameaucun wTCssorl, » lis laissentd^jA voirsur leur visage «la paleur « de lacrainleou I'abandon du desespoir^ 3>. Cambac^r^s louvoie, puis se refugie dans son comilo dc legislation'. Barrcrc, ne valet et valet a lout faire, met sa faconde m6-ridionalo an service dc la majoriio probable, jusqu'au moment oii il mellra sa rhetorique alroce au service de de laminorilemaitrcssc. Sieybs, apres avoir vole lamorl , cntrc dans un silence obstinc, aulanl par degout quo par prudence: « Qu'impprle,dit-il,leIributdemonvcrrc dc vi'n « dans ce torrent dc rogomme*?» — Plusiours, memo dans la Girondo, colorenl d ieurs proprcs ycux leurs conces­sions par des sophismes. II yen a qui, « se croyanl quelquc « popular! 16, craignent de la compromcllrc". Parfois on « pr6lexlc la necessile de conserver son influence pour cc des circonstances imporlanles. Quolqucfois on afTccle « do dire ou mfimc on dit dc bonne foi : Laisscz (aire (Ics « exlravaganls), ils se lonl connailrc, ilss'usenl.« — Sou-vent les motifs allegues sont scandalcux ou grotesques.

1. Mot dc Diissaulx dans scs FraQincnts pour scrvir a V/tisloire de Li Convention.

2. Mnic Roland, Mcmoircs, edition Barricrc ct Eerville, U, 52. (Note de Roland.)

3. Monitcur, \ \ , 187. Vote de Cambaceres : « Louis a cncourn ics peincs . ciailics centre' les conspiralcurs par le Code penal... II faut suspendrc « I'cxeculionjnsqu'a la cessation des ho^lililcs; en casd'invasiou dulerritoirc o fran(;ais par les cnneniis dc la lepublique, le docrel sera mis ii'cxecu-^ ^^[Q^_ „ _ ^urlJarrerc, voyczic terrible article dc Macauiay {Dioymphical Essays).

4. Sainle-Deuvc, Causcries rfii/i(nc//. Y, 209 (Si'cj/t'S, d'apres scs papjc;s inedi(s).

5. iMuic Roland, II, 56. (Note de Roland.)

430 L ^ REVOLUTION.

Scion Barbaroux, il faut voter rexdcution immediate, parce que c'esl le mcilleiirmoyen de disculper la Gironde el dc former la bouchci sescalomnialeurs jacobins'. Scion "Rerlicr, il faut voter la mort; car i quoi bon voter I'cxil? Louis XYI serait dechirc avant d'arriver a .la fronlibre-. — La vcillc de I'arrfit, Vergniaud disait a M. de S6gur : « Moi, vo.ter la mort! c'est m'insuller que de me croire « capable d'une action aussi indigne.» Et« il en delaillait « FalTreuse iniquile, I'inutilite, le danger m6mc. — « Je « rcstcrais, disait-il, seul de mon opinion que je no vote-« rais pas la mor t ' »; et le lendcmainj ayant vote comme on sail, il s'excuse en disant « qu'il n'a pas cru devoir « mcllre en balance la chose publique avec la vie d'lui « seul homme" ». Quinzc a vingt deputes, entraln6s par son excmple, ont vole comme lui, et cet appoint a suffi pour deplacer Ja maJGn't6^ — Meme faiblesse aux aulres moments decisifs. Chai'ge do denonccr la conjuration du 10 mars, Yergniaud raltribuc aux aristocralcs et ayoiie i Louvet « qu'il n'a pas voulu nommcr les vrais con-« spiraleurs, de peur de trop aigrir dcs hommes violcnts « el drja porles a tous les execs" ». Le fait est que les Girondins, comme jadis les constilutionnels, soul trop civilises pour leurs advcrsaircs el subisscnlla force, faiite de sc resoudre a remploycr.

« Subjnguerla faction, ditl 'un d'eux', cela nc se pen­ce vail faire qu'cn regorgcanl, ce qui pcut-elrc n'elail pas « bion dii'llcile. Tout Paris 6lail aussi las que nous de son

1. Moiiimer-Ternaux, V, 476. 2. / /^ ,V,o l3 . 3. I'hilippe dc Segur, Manove^:, I, 13. 4. IlaruuuKl do la Meuse (membre dc la Convention), Ajiecdolcs relatives

a la Ri'volulion, 83, 85. ° •0. Mcissncr, p. US, VoyaQcdParis (deralers mois de 1795). Tcmoigiingc

du regicidu Aiidrcin, 6. Louvel, 75. 7. Meillun, IG.

LA SECONDE I'iTAPE DE LA COlNQUfiTE. 531

« joug, et, si nous avioiis eu le goCit ct la science dcs « insurreclions, cUc cut 616 bientut delrLiile. Mais coni-« mcnl faire adopter dcs nicsuros aussi atroccs i des hom-« mes qui en rcprocliaient I'usage h leurs advcrsaires? « Et ccpendant elles auraient sauv6 la palrie. » Par suite, incapables d'agir, ne sacliant que parler, rcduits ci protester, h barrer la voic aux decrets rcvolulionnaires, i faire appcl aux departements conlre Paris, lis appa-raissent comme un obstacle aux gens pratiques ct en­gages de loutleur cocur dans le fort de Taction. — Sans doute, Carnot est aussi honnete qu'eux, aussi honnfite « que peut retro un fanatique badaud^ «. Sans doute, Cambon, non moins intcgre que Roland, s'est prononce aussi haut que Roland contrele 2 septembre, la Commune et I'anarchie^ —Mais, t\ Carnot et i Cambon qui passent leurs nuits,runictablirscsbudgets, I'autre i 6tudier scs cartes, il faut avant tout un gouvernement qui leur four-nissc des millions et des arm6es, partant unc Convention unanime et sans scrupules, c'est-a-dirc, puisqu'il n'y a pas d'autre exp6dicnt, une Convention contrainte, c'est-i-dire enfia unc Convention purg6e deses oratcurs incom­modes et dissidents', en d'aiitres termes, la dictature do la populace parisicnnc. \)hs le 15 decembre 1792, Camboa s'y est rcsigne, ct m6mc il a erigc Ic terrorisme popula-cier en systeme europ6eii; 6, partir de cette date*, il pre-

L Mot deM. Guizol {i][cmoircs, II, 73). 2. Moniteicr, XIV, 432, su.iiice tlu 10 novembro 1102. Discours dc Cam­

bon : « Voila ce qui mc fera loujours hair le 2seplcinl)re; car jc n'approu-« vorai jamais les assassinals. » Danslemiime discours, il juslifielesGiron-dins du rcproclie de feddralisme.

3. Le Marechal Davoust, par Mme do Elocquevillc. Lellro de Davoust, chef de balaillon, 2 juin 1793 : « L'ume de LepcUelier osl passec dans les « notres; c'est assez vous dire quelles sont nos opinions cl quelle sera tt noire conduilc dans la crise oil va peul-etre nous pionj^cr do nouveaw tt iqie faction qui chevche a meUrc la guerre civile cntre les dcparlcmenl^ « el Paris.:, rerfido 6!oi[uoiico... Tarlufes moderes. »

4. Moniteur^ XIV, 758. llapporl de Cambon, 15 decembre, « sur la con-

432 LA. BfiVOLUTlON.

che la sans-culollcric umverselle, un regime qui, pour adminislraleiirs, aura les pauvrcs et, pour coiilribuables, Ics riches, brcf le reiablisscment des privileges en sens inverse; c'est que Ic fulur mot de Sieyfes cstdcja vrai : il nes'agil plus d'appliquer les principcs dc la revolution, niais d'en sauvcr Ics hommes. Devant cclle necessile dc plus en plus poignanle, nombre de dcpules indecis sui-vent le courant, laissenl fairclcs Monlagnards el scdela-chcnl des Girondins.

Et, ce qui est plus grave, par deli toutes ces defections, la Glronde sc manque a ellc-meme. Non sculcmcnt cllc nc sait pas faire une ligue, ctre un corps; non sculcmcnt « la scule pcnscc d'unc demarche collective la rcvoUc, « chacun de ses membrcs voulant Glre indepcndant, se « conduirea sa manicrc^», presenter sa motion sans prc-venir ics aufres et voter a i'occasion centre son parti; mais dc plus, par son principc abslrail, die est d'accord avecses adversaircs, et, sur la pcntc falalc oii scs in>lincls d'honucur et d'humanite la relicnncnt encore, cc dognie commun, comnic un poids intericiir, la fait glisscr de plus en plus has, jusque dans rabimc sans fond ou I'Elat, scion la formule de Jean-Jacques, omnipotent, philosophe, anticatholique, antichreticn, autorituire, egalitairc, into­lerant ct propagandislc, confisque I'education, nivcUe les

a (Initc a len'iv par los generaux fraiKnis, dans Ics pays occiipcs par Ics « ••irmecs do la rcpiiblicpie. » — Celte piece cssenliclle est le vrai mani-fesfe do la revolution. — Diicliez el Roiix, XXVll, 140, seance du 20 mai, cl XXVI, 177, seance du 27 avril, discours de Canibon : « Le doparlenienl « do rilcraiiU a dit a tei individu : u Tu es riclic, lu as unc opinion qui « nonsoccasionne des dcpcnses... Je vcux rencliaiiicr nialgrc loi a la rcvo-« Inlion; je veux que tu proles la foiUine a la rcpublique, ci, quand la « hberld sera olablie, la rupublique tc rcndra (cs capilaux. » — « Jo vou-« drais done qu'imilanl le doparlcmenl de rileiaull. la Convention ouvril " un eniprunt civiquc d'un milliard qui serait rcmpli par lesoyoisles el les « imlinorcnts. .. - Decret du 20 mai « rendu h la presquc unaniiniio » : « I y aura un cmprunl force d'un milliard sur Ics ciloyens riches. »

1. .Sicilian, 100.

LA SEGONDE ETAPE DE LA CONQUETE. 4 3 3

'.ortuncs, pcrsdcuLc I'Eglise, opprime la conscience, 6crase rindividu et, par la force mililaire, impose sa forme a I'elrangcr^ Au fond, sauf unexces de brulalile el de prc-cipilalion, les Girondins, parlis dcs monies principes que .la Monlagnc, marchenL vers Ic meme but que laiMonlagnc; c'osL pourquoi Ic prejugc seclaire amollil en eux les repu-

"gnances morales; dans le secret do leur cocur, I'inslinct rcvolutionnaire conspire avcc leurs ennemis, et,en mainte •occasion, ils se trahissent cux-momcs. — Par cos defail-lanccs diverses et niultipliees, d'unepart, la majorile di-minue jusqu'a ne plus reunir que 279 voix conlre 2-28" ; d'aulre part, i force de reculadcs, die livre, un a un, aux assiegcants tons les posies dominants de la citadcUe pu-blique, en sorte qu'au premier assaut elle n'aura plus qu'a fuir on ti crier mcrci.

\. Discoui's de Ducos, 20 mars : « U faul opler cnUe l"eJiicalion doiues-o tique cl la liberie. Tant que, par une eJucaliou cominuiic, vous n'aurex • pas rapproche le pauvre du riche, c'esl en vain que vos lois proclauieroul « la saiiilc Egalilc. » — Rabaul-Saial-Elicnne : « Dans cliaque canton, « on erigcra un Icniple nalional oil, chaque dimanclie, les ofricicrs niuni-« cipaux donueronl une IcQon morale aux ciloyens assembles. Gelle Icf on . sera lirce de livrcs approuves par le Corps legislalif el suivie d'byumcs u aussi approuves par le Corps legislalif. Un calechisuie, aussi sim[)lc que

• court, dresse par le Corps legislalif, sera enseigne, el loul gavQon d-^vra 0 le savoir par coeur. » — Sur les seulimenls des Girondins a legard du christianisme, voycz les chapilresv et xi du present volume. — Sur les nioycus d'egaliser les fortunes, articles de Rabaul-Sainl-Llienne (Uucbcz cl Ruux, XXlil, 467.) —i&., XXIV,475 (7-11 mars), decrcl abolissaul le droit de tes­ter. -=• Condorcet, dausson Tableau des p)-ogresde I'cspril huinain; a£si;.;iie aussi pour bul a lasocicle le nivellemeiil des conditions. — Sur la pri[)a-gande a I'dlranger, lire le rapport de Gambon (15 decembre). Gc rapport passe h la prcsquc unanimite, el Buzot I'aggrave par un ameudemont. {Mo7iiteur, XIV, 761.)

2. Buchez«el Uoux,-XXVlI; 287, seance du 28 mai, vole sur le mainlieu de la commission des Douze.

LA. REVOLUTION. U — 2 8

434 LA KEVOUITION.

IV

Elle s'est Yot6 en principe une garde cl6partcmentale, 3t, devant les protcslalions de la Moiilagnc, die n'a pas os6 converlir son principe en fait. — Ello a cLe prot(^gee pendant six mois et sauvee le 10 mars par I'assislancc sponlan^e des f6d6r6s provinciaux, el, loin d'organiscr ces auxiliaires de passage en un corps permanent de dcCenseurs fidbles, elle les laisse disperser ou corrompre par Pache et les Jacobins.—Elle a decrel6 4 plusieurs reprises la punilion des fauteurs de seplembre, ct, sur leur pelilion menagante, elle ajourne indefmiment les poursuKes^ —Elle a mandc i sa barre Fournier, La-zowski, Deffieux et les autrcs meneiirs qui, Ic 10 mars, ont voulu la jclcr par les fenelres, et, sur leur apologie impudente, elle Ics renvoie absous, librcs et pruts a re-commencer-. — Au minislere de la guerre, elle clove lour a lour deux Jacobins sournois, Pache el Bouchotle, qui ne cesseront de travailler conlre elle. Au minislere de rinldrieur, elle laisse tombcr Pioland, son plus ferme appui, el nomme il sa place, Garat, un ideologue, dont Tespril, compos6 de g6n6ralites creuscs, ct le caract6re, petri de yelleit6s contradictoires, s'efTondrenl en reli-cences, en mcnsonges, en demi-lrahisons sous le poids do son office Irop lourd. —Elle vole le meurtre du roi, ce qui met une mare de sang infranchissablc cnlre elle et les gens honneles.—Elle lance la nalion dans une guerre de principes^ et provoque conlre la France une

1. Monilem^, XV, 395, seance du 8 fevricr 1793. •2. Dccrets des 13 el 14 mars. :i. Moore, 11, 44 (oclobre 1792), Danton declare h la Iribune que « -la Con-

- voiilion doil elre un comitd d'insurvcction conlre tovis les rois de I'uui-• vers. « _ Sur quoi Moore remarque que c'cat declarer la guerre a touLe

LA SECONDE £ T A P E D E LA CONQUI^TE. 335

ligue europ6enne, ce qui, en ramenant sur la frontiere les p6rils de seplembre, etablU en permanence le regime de. septembre a rinterieur. — Elle forge d'avance les pires instrunienls de la Terreur procliaine, par le decret qui inslitue le tribunal revolutionnaire, avec Fouquier-Tinville comme accusateur public et I'obligation pour cha-que jure de prononcer i Iiaule voix son verdict^ ; par le decret qui condamne i lamort civile et a la confiscalion dcs biens tout emigre « de I'un ou I'aulre sexe », m6me simple fugilif, meme renir6 depuis six raois'; par le decret qui met « hors la loi les arislocrates et les enne-cc mis de la revolution' »; par le d6cret qui, dans cliaque commune, elablit une taxe sur les riches do la commune, afin de proportionner aux salaires le prix du pain*; par le d6crct qui soumet tout sac de grain i la declaration el au maximum^; par le decret qui punit de six ans de fcrs la vente du numeraire **; par le decrel qui ordonne « I'emprunt forc6 d'un milliard sur les riches ^»; par le decret qui, dans chaque grande ville, leve une armee de sans-culoUes salaries « pour lenir les arislocrates sous « leurs piques^ »; enfin par le d6cret qui, instituant le

I'Europe, sauf la Suisse. — MoUet-Dupan, ConsicUralions sur la Rdvolu-lion de France, p. 37 : « Dans une Icllre donl le hasard m'a procure la a. connaissance, Brissot ecrivail a I'un de ses uiinistrcs-gcncraux, vers la « fill do I'annce passee : o II faut Incendier les quatre coins de TEurope, « notrcsalul est li. »

1. Duvcr"-icr, Collection des lois el dccrcts. Decret du 10-12 mars, litre 1 arllclcs 1. 12, 13; tilre \\, articles 2, 3. Ajoutez-y le docrel du 29 31 mars dtablissanl la peine de mort contrc quiconque aura compose ou imprime' des ecrils provoquanl au relablis.ement de la royaulci.

2. lb. Decret du 28 mars-5 avril (article 6). - Cf. les decrcls du 18-22 mars et*du 23-24 avril.

3. Decret du 27-30 mars. 4. Decret du 5-7 avril. 5. Decret du 4 mai. 6.'Decret du 11-16 avril. 7. Decret du 20-25 mai. S. Decret du 5-7 avril. Paroles de Danton au cours de la discussion.

436 LA REVOLUTION.'

Comile de salut public S fabrique un motcur central pour manccuvrer a loule vilesse toules ces faux Iran-chantes i Iravers Ics fortunes et les vies. — A ces engins de desiruction g6ncral€, elle en ojoute un, spe­cial, contre elie-meme. Non seulemcnl elle fournit i ses rivaux de la Commune les millions dont ils ont bcsoin pour solder leurs bandes; non seulcment elle avance, sous forme de pr6t, aux diverses sections* les cen-taines de mille francs dont elles ont besoin pour abreu-vcr Icurs aboyeurs; mais encore," dans les derniers jours de mars, ju'sle au moment ou elle vicnt d'6cbapper par hasard k la premibre invasion jacobine, elle fait elire dans cliaque se'ction un comil§ de surveillance, elle I'autorise k faire des visiles domiciliaires et 6. d6sarmer les suspecls ^; elle tolere qu'il fasse des arreslalions et qu'il impose des taxes nominatives; elle ordonne, pour lui facililer ses operations, que la liste de lous les habi­tants de chaque maison,' « avec leurs noms, prcnoms, « surnoms, dges et professions, » soit affichce sur la

. porte et bien lisible*; elle lui en. fait delivrer copie, elle la soumet a son contrOle. Pour achever, elle s'y soumet elle-mfime, et, « sans avoir egard i rinviolabilil6 d'un « represenlant de la nation francaise^, » elle decide qu'cn cas de ddnoncialion politique ses propres mem-brcs pourroiit 6tre mis en accusation.

V

«11 me semble, ecrit un observaleur ironique', vous « entendre dire a la faction : Tenez, nous avons des

1. D^cretdu 6-11 avril. 2. n^crets des 13,16, 22, 23, 24, 25, 26, 29 uiai et 1" juin. 3. Decret du 21-23 mai's, el du 26-30 mars. 4. Decret du 29-31 mars. — 5. D6crel du 1-5 aviil. 6. Schiuidt, 1, 232. Uapporl de Dulard, 10 nui.

LA SECOND!- £ T A P E D E LA COXQUETE. 437

cc moyens, mais nous'ne voulons pas en fair6 usage « centre voiis; il n'y aurait pas de cocur i vous allaquer, « lorsqiie vous n'Ctes pas en force. La force publique -.t 6mane de deux principes, de raulorilc legale et de la • force arm6e. Eh bien, nous aliens d'abord cr6cr des '• comiles de surveillance dont nous vous 6tablirons les c chefs, parcc que, avec ccllc verge, vous ppurrez don-« ner le fouet il toules les personnes honnGles de Paris « el rcgler I'esprit public. Nous voulons faire plus, car le «'sacrifice ne serait pas complet; nous voulons vous « fa.irc present de notre force arm6e, en vous aulorisant V i desarmer les gens qui vous seront suspects. Quant ci « nous, nous sommes prfits i vous rendre jusqu'i nos « coutcaux depoche'; nous rcslons isoles avec nos ver-« tus et nos talents. Mais prenez-y garde. Si, manquant « 4 la reconnaissance, vous osiez allcnler i nos per-« sonnes sacr6es, nous trouvcrions des vengeurs dans les « d(5p.artements. — Eh, que vous importe ce que « pourront faire les dcparlcmcnls dcchain6s I'un contre c< I'autre, lorsquc vous ne screz plus? « — Uien de plus e.xact que ce resume ni de mieux fondc que cctle pre­diction. Desormais, et en vertu des dccrels de la Conven­tion elle-mSme, les Jacobins ont non seulement le pou-voir ex6culif tout entier, Icl qu'on le rencontre dans les pays civilises, mais aussi le pouvoir discrctionnairc du lyran antique ou du pacha modernc, cette niain-forle arbitrairc qui, choisissant I'individu, "s'abat sur lui pour lui prendre ses amies, sa liberty et son argent. A portir du 28 mars, on voit rccommencer 4 Paris le regime

]. ArchiNcs nationales, F', 2401 a 2505. Regislrcs des deliberations des sections do Paris. — Heaucoup de ces regislres commencenl le 28 mars 1793 el conlicnncnt les deliberations des comiles revohilionnaircs, par excmple, F' , 2475, section des Piques ou de la place Vend6me. On voit par Ics proc6s-vcrbaux du 28 mars et des jours suivanls qu'on enleve aux suspect? jusqu'aux moindres amies, Cannes a epee, Cannes a poignard, canncs a dard, dpces de toilette b. poignee d'acier ou d'argcnt.

438 LA. REVOLUTION.

qui, inslilii6 Ic 10 aoCit, s'est achcv6 par Ic 2 scplembrc. D6s le malin, le rappel est ballu; i midi, Ics barribrcs sont fermees, les ponls cl les passages inlcrcoples, uii faclionnaire est au coin de cbaqne rue, nul nc pcut « sorlir des limiles dc sa section » ; nul nc pout circulcr dans sa section sans montrer sa carle dc civisnic; les maisons sont inveslies, nombre d,e personncs sont arrc-t6es% et, pendant les deux mois qui suivenl, I'op^ralion se poursuit sous Tarbitraire des comil6s dc surveillance. Or, dans presquc loules les sections, « cc sont des sans-« culottes qui remplissent le comil6, » non pas des pbres de famillc, des bommcs de quaranlc ans, des gens domi-cili6s depuis longtcmps dans le quarlicr, mais « dos « 6lrangers ou des jeunes gens qui cbercbent ii dcvenir « quelque cbose^ », ambilieux suballernes, casse-cou ignorants, inlrus despoliques, inquisileurs novices, acharnds et ombrageux.

D'abord, d6sarmement des suspects. « II suffit qu'im « citoyen soit d6nonce comme lei et que cctle suspection « soit ti la connaissance du comit6% « ou que sa carte civique lui soit delivree depuis un mois seulement*, pour

1. Buchcz el Roux, XXV, lo7. — Archives nalionales, F ' , 2494, section dc la Reunion, procis-verbal du 28 mars.

2. Schmidt, I, 223 (Dutard, 14 mai). — fb., 224: -Si la Convention € laisse subslituer a son autoril6 celle des comiles de surveillance, je ne « lui en donne pas pour huit jours. " — Meillan, 111 : « Les ngitateurs des « sections (5laient presque tous des etrangers. » — Archives nationalcs, F^, 3294 et 3'297, regislres des deliberations des comites de surveillance de la section de la Reunion ct de la section des Droits-de-rilonimc. L'ortho-graphe et le style indiquent la qualite des esprits et des educatijns. Par excniple : « Le dit jour el an que decus. « — « Orlogcr.» « Lecture d'une « letres du comile de surte general de la convention qui invite le coniile « a se transporter de suites chez le citoyen Louis Feline rue Baubourg, « a leffels de faire perquisition chez lui et dans tout ces papicrs; et que « ceux qui paraitrons suspect Ion y metes les seles. •>

3. Archives nationales, F', 3294, section de la Reunion, proci^s-verbal du 28 mars.

4. bachez etRoux, XXV, 168. ArrSte de la Commune, 27 mars.

LA SECONDE KTAl'E DE LA GOXOUETE. 439

qu'iin clcl6gu6, avcc dlx liommcs armos, vicnne chez liii faire pcrquisilion. Dans la sonic scclion do la Reu­nion cl des Ic premier jour, on desarmc ainsi 57 per-sonnes d6noncces « pour fait d'incivisme ou pour pro-« pos conlraircs i\ la rcpublique », non scnlemenl des avouos, nolaircs, archilcctes ct aulres bourgeois nota­bles, mais encore de petits commercanls ou bouh'quiers, cbapeliers, leinturiers, serruriers, mccaniciens, doreurs et limonadiers. Telle section, au mepris dc la loi, y ajoule en bloc Ics sii^mataires de la pelilion des huil niillc cl de lapctilion des vingt mille : c< par ces maniganccs ;», d i tun observalcur', « tons Ics fusils qui sent i Paris, au nom-« bre dc pins de ccnlmillc, vonl passer aux mains dc la a faction. » II n'y en a plus, memo chez Ics armuriers, pour SGS adversaires; car, par un arrclc dc la Commune, « nut ne peut en acbcler un, sans un cerlifical delivr6 par « Ic comit6 de surveillance de sa section^. » — D'autre part, gvAce i la facullc d'accorder ou refuser les cartes de civisme, chaque comite barre t\ son gre, dc sa scule autoril6, ct fi tons les habitants do sa circonscrlption, non seulemcnt la vie publique, mais encore la vie privce. A qui n'oblienl pas sa carte^ impossible d'avoir un passe-port pour voyager, s'il est commerqant; impossible de garder sa place, s'il est employe public, commis d'admi-nislralion, avou6 ou nolaire; impossible de sortir de Pa­ris ou de renlrer lard. Si Ton se promene, e'est au risque d'etre arrCl6 et ramen6 enlre deux fusiliers, devant le comil6 de la section; si I'on reste chez soi, c'cst avec la chance d'etre visite comme rec61eur de prfitrcs ou do

1. Schmidt, I, 223. Rapport dc Dulard, 14 mai. 2. Bnchcz ct Roux, XXV, 167. An-6l(5 du 27 mars. — XXVII, 151. Arreta

dii 20 mai. 3. Archives nalionalcs, F', 3294. Voir nolammcnt les procus-vcrbaux du

nioisd'avril.'— Ruchez ct Roux, XXV, 149, et XXVI, 342 (arrOles de la Com­mune, 27 mars ct2mai).

440 L.\ REVOLUTION.

nobles. Un Parisien qui ouvre le matin ses fenfitres s'expose a voir sa maison cern6e par unc cscoiiadc de carmagnoles, s'il n'a pas en poclie le cerlifical indispen­sable*. Or, aux yeux d'lin comile jacobin, il n'y a do ci-visme que dans le jacobinisme, et Ton imagine s'il en delivre volontiers le brevet i des adversaircs ou m6ni(i .\ des inditferents, par quels exameris il les fait passer, a quels intcrrogatoires il les soumet, combien d'allecs, de venues, de sollicitations, de comparutions et d'atten-Ics il leur impose, avec quelle persislance il atcrmoie, avec quel plaisir il refuse. Bnzot s'est pr6sen.t6 quatre fois au comite des Qualre-Nalions pour obtcnir une carte a son domestique, et n'a pu en venir a bout^. — Autre expedient plus efficace encore pour tenir les malveillants en bride. Dans chaque section, c'est Ic comil6 qui, avec I'aide d'un mcmbre de la Commune', designe les r6qui-sitionnaires pour I'expedttion de Vendee, et il les designe nominativement, un i un, a son choix : cela purgera Paris de douze mille anlijacobins et pacificrales assem-bleos de section ou les opposants sont parfois incommo­des. A cet effel, le comity choisira d'abord et de preference parmi les clcrcs de notaire et d'avoue, les commis de bauque, de negoce et d'administration, les garcons mar-

1. Buchez et Roux, XXVI, 402 (article du Patriole franmis, 8 mai) : « Les arrestations se sont multipliees ces jours dcrniers, a un point « elTVayant. La mairie rcgorgeait de prisonniers, et on ne pent se faire une « idee de I'insolence et de la durele avec lesquclles on fraitait les citoyens. « On n'y parlait que d'egorger, que de faire une Sainl-Barlhelemy. — Meillan, 55 : « Qiielqii'un dans une assemblee ou seulemcnt dans un cercle « laissait-il percer une opinion qui ne fiil pas conforme aux vucs « de la municipalile, il elait si'ir d'etre arr6le la nuit suivanle.« — Gouverneur Morris, 29 mars 1793 : «Ilier je fus arr6le dans la. rue et « conduit h la section de la Bulte-des-Moulins... Des Iiommes armes • sont venus dans ma maison hicr. » — Rcponse du ministre Lebrun, 3 avril : « Les visiles domicUiaires etaient uue • mesure generale donl •• aucune maison a Paris n'etait exempte. »

2. Bucliez et Roux, XXYI, 384. Discours de Buzot, scancb du 8 mai. 3. lb., XXVI, 332. ArrMe de la Commune, 1" mai.

LA SECONDE ETAPE D'E LA CONQUETE. 441 cliands, les garcons de bureau, bref parmi les c6Iiba-laires de la bourgeoisie ct de la demi-bourgeoisie; il y en a plus de vingt-cinq mille 4 Paris'; d'aprfes I'ar-re(e, on en prendra. un sur deux, sans doule le plus mol not6, ce qui clora la bouchc d I'aulre, et remp6chera de mal parlcr dans sa section'.

Tandis qu'une main tient ainsi rhomme au collet, I'au-tre main fouille dans ses poches. Dans chaquc section, le comile de surveillance, toujours assiste par un mem-bre.de la Commune', dcgignc les gens aises, evalue leur revenu ci son gr6 ou d'aprcs la commune renomm^e, et leur envoie I'ordre de payer lant, b. proportion dc leur fupcrflu, selon une taxe progressive. Le necessaire ad-mis est de 1500 francs par an pour.un chef de famille, outre 1000 francs pour sa femme et 1000 fi-ancs pour cha-cundescsenfants; sil'excedentestdc 15 000 A 20 000 francs, on en requiert 5000; s'il est de 40 000 k 50 000 francs, on en requiert 20 000; en aucun cas, le superflu conserve ne poiirra 6lre au-dessus de 30 000; tout ce qui dcpasse ce chiffrc est acquis ci I'Elat. De cclle contribution subite, on exige le premier tiers dans les quaranlc-huit heures,

1. Sclmiidt, I, 216. Rapport de Dulard, 13 mai. l.'Ib., I, 301.(Dutai*d, 25 mai): «Dans nossedions, les meillcurs ciloyens

« ont encore pour d'filre emprisonnes ou desarmes; on n'y parle qu'i « contre-coeur. » —Meme calcul des revolutionnaires iLyon. (Archives na-lionales, AF, 11,43.) LeUre desadministrateursdu deparfement. du Rli6ne aux rcprfscnlanls du pcuple, 4 juin 1793. Le comitc revoliitionnaire « ddsigna, << pour aller en Vendee, les citoyens les plus aiscs ou ccux que la haine f. avait marques, landis qu'on admettail des inscriptions conditionnelles « pour resler dans le departement uniquemcnt en favour de ceux inl6ressds . a la desorganisaUon. « — Cf. Guillon de Montieon, I, 235.

3. Buche^ el Roux, XXVI, 399. khite dc la Commune,- 3 mai, sur I'emprunt forcd de 12 millions, article 6 : "Les comites revolutionnaires i rccevront les r6les des contributions pour leur scrvir sculemenl de a renseignemenls, sans qu'ils soient tenus de les prendre poiir bases. » ~ Aiiiele 14 : « Les meubles et immcubies de ceux qui n'auront point sali< -« fait a la requisition patriotique seront saisis et vendus sur la poursuile « des comiles revolutionnaires, et leurs personnes dcclarces suspectcs. »

442 " LA REVOLUTION.

le second Hers dans la quinzaine, Ic dernier licrs dans le mois, cl sous dos peines graves. Tanl pis pour I'imposc, si la laxG csL cxagcree, si son revcnu csl al(!;aLoirc ou inia-ginaire, si scs rcnlrees sonl futures, s'il nc pent so pro­curer d'drgcnl complant, si, commc Francocur, entre­preneur de I'Opera, •-.c il n'a que des dettes. » « En cas « de rcTus, lui (icrit le comite de la section Bon-Conseil, " tes meubles cl irnmcublcs scronl vendus par Ic co-« mite revolutionnaire, et ta personne sera declarce sus-«peclc*. » — Encore n'est-cc la qu'un acomple : « Le « comllc vcul bicn en ce momenl n'cxigcr qu'une portion <c de ton supcrflu; » le demcuranl sera saisi plus lard. Dcja, a la tribune dcs Jacobins, lo banqucrouticr Dcf-fieux^ csllme a 640 millions la fortune dcs 100 plus ri­ches nolaircs et financiers de Paris ; la lisle de leurs noms a clc envoyce par la municipalile aux sections, afin d'6lre complolee; a ne Icur prendre qu'un dixieme, cela ferait 64 millions, eL ccs grosses « 6ponges, » vigou-reusement prcssces, pourront dogorgcr bien davanlage. « 11 ne faut pas, dit Robespierre, que Ic plus richc dcs « Frangais ail plus de 3C00 livres de rente '. » Avcc Ics contributions des « messieurs », on arniera les sans­culottes, « on paycra les artisans pour assister aux assem-cc blees de section, on nourrira les ouvriers sans ou-« vrage \ « D(iji, par la verlu souvcraine des requisitions

L Buchez et Roux, XXVII, 17 {Patriole francais, n" du 14 mai), Fran-coaur est laxe i 3G00 livres, — M6me operalion i Lyon (Balleydier, 174, cl Guillon de Monllcon, I, 238). La taxe aulorisde par les commissaires de la Convention 6lailde 6 millions;le comite rdvolulionnaire en pergoil 30 a 40, par mandats impdralifs, payables dans les vingt-qualre heures (13 el 14 mai). Plusieurs pcrsonnes sonl laxees a 80 000, i 100 000 livres, et le texle de la rcquisilion porle les traces d'une lioslilite ironique.

2. Buchez ot Roux, XXVL 463, seance des Jacobins, 11 mai. 3. Median, 17.

•4. Buchez cl Roux, XXVI, 463, seance des Jacobins, 11 mai. Discours Ilassenfralz. — lb., Aaa, seance des Jacobins, 10 mai. Discours de Robes­

pierre: «Tous Ics riches font dcs vceux pour la contre-rcvolulionj il n'Y

LA SECO^•DE ETArE DE LA COXQUETE. 4 4 3

sommaircs, lout est en proie : on saisiL a I'^curie les chcvaux de luxe, ct Ton va prendre sous la remise, clicz do .vieilles dames, la pluparl veuves, les dernicres ber-lincs on voilures de maitre qu'il y ait encore ;\ Paris ' . — Avec de lels pouvoirs ainsi mani6s, la section exploile I'envic cnracincc el I'anlique animosile du pauvre centre le riclie-; ellc s'allache a demeure les ncccssileux ct les vagabonds, et, grdce aux bras vigoureux de sa clientele active, elle achbve de briser les resistances debiles, pas-sag^res, mal concerlees que la Convention nationale c t la population parisiennc opposcnt encore a sa doniinalion.

Lc 13 avril, Marat, accus6 dcpuis trois mois el, dc jour en jour, plus audacieuscment incendiaire, a etc enfin d^crete d'accusation par la majoritc indignce', el, lc 24, il comparait dcvant lc tribunal revolutionnaire. Mais le tribunal revolutionnaire, commc ious les corps nouvel-lemcnt inslilues, est conipos6 de Jacobins purs, et d'ail-Icurs lc parti a pris ses precautions. Pour cor[5ge ci Tau-

« a que les hommes gncnx, il n'y a que le peuple qui puissc sauvcr la « palric. n — lb., 453, N.... : « II faut former dans clinquc deparlemcnt a dcs bataillons rdvohilionnaires enlretcnus aux depens des riches qui « n'onl pas de courage. » — lb., XXVII, 317. Pclilion du faubourg Saint-Anloine, 11 mai. — Scliinidt, I, 315. Rapport de Dutard, 13 mai : « Les

• faubourgs ne se recrutenl pas parce qu'ils savent qu'ils soul plus neccs-• saires ici que dans la Vendee. Us laissent les autres plus riches aller « i la guerre. lis veillent ici, ct nc coniplcnt sur pcrsoane conime sur u cux, pour gardcr Paris. »

1. Arciiives nationales, F', 2494, scclion de la Rdunion, procis-verbaux des 15 et 16 mai. — Duciiez et Uoux, XXV, 167, arrCtd de la Commune, 27 mars.

2. Schmidt, I, 327. Rapport de Perriere, 28 mai : « Noire groupe lui-meme « paraissait_ n'obcir qu'a cettc antique haine du pauvre centre le riche. « II faudrai'l 6tre bicn incple obscrvatcur pour ne pas s'apercevoir, a . milla symptomcs, que ces deux cnnemis nalurcls sonl ranges en < bataille et n'altcndcnt plus ([ue le signal ou roccasion. »

3. Buchez et Roux, XXV, 460. I.es 6crits vises par I'accusalion sont les numdros du 5 Janvier et dii 25 fevricr du journal dc Marat. La piiicc qui provoque le d'ecret est son Adresse a la Convention nalionalc; ib., p. 446 ct 450.

•kkk • LA REVOLUTION.

dience, Marat a « les commissaircs miinicipaux, Ics « envoy^s de plusieurs sections, les d61(!;gu6s de toutcs « les socieles patriotiques »; en outre, « unc muUi-Lude cc de bons patriotes » ont d'avance occiipd la salle ; « dcs « le matin, les aiilrcs salles du Palais, les corridors, les « coiirs, les rues adjacenlcs, » regorgent de « sans-« culolles prels a venger les outrages qui fourraient elre « fails a leur fiddle defenseur^' :>:>. Naturellcmcnt, avec son infatuation souvcraine, 11 parle, non en accus6 mais « en ap6lre ct en martyr », il est convert d'applaudisscmenls, i\ est absous k I'unanimil^, on le couronne de lauricrs, on le porle en Iriompbe jusquc dans la Convention, il y enlonnc un chant do victoire, et la majorite girondinc est tenue de subir sa presence en attendant qu'ellc subissc ses proscriptions, — Aussi impuissants que les moderns du Corps Icgislalif, les moderes de la rue no se redrcsscnt que pour 6;re rabalUis par Icrre. Le 4 ct le 5 mai, dcs bandos de cinq ou six cenis jcunes gens, bien vClus ct sans armes, se sont formccs aux Cliamps-Elysecs et au Luxembourg, afin de prolester coulrc l"arr6te de la Commune qui les choisit pour rexpedilion de Vendue'; ils crient: Vive la republique I Vive la loi! A has les anar--chistes! Au diable Marat, Dantoji, Robespierre! '^aiurdle-ment, la garde soldee de Santerrc disperse ces musca-dins; on en arrfite un millier, et dorenavant les aulres s'abstiendront de loule manifestation bruyante sur la voie pubJique. Alors, faute de mieux, on les voit 5. plu­sieurs reprises, surloul dans les premiers jours do riiai, revenir aux assemblees de section; ils s'y trouvent en majorite et prennent dcs deliberations conlre la tyrannie

L Biicliez etRoiu; XXVI, 149. 76.,Recit de Marat, 114. Rulletin du tribunal r^volulionnaire. lb., ]hi, seance de la Convention.

2. lb., XXVl, 358, article de la Chronique de Paris, 356, article de Marai. — Schmidt, I, 184. Rapport de Diitard, 5 mai. — Paris,//fsfoirf

'' '^^^'^P^'' ic^o"; I, 81. Lellre de Robespierre jeune, 7 mai.

LA SECONDE ETAPE DE LA CO^QU^TE. 445

jacobine: a la scclion Bon-Conseil, aux scclions de iMar-seille et de rUnile, Lhuillicr est hue, Marat menace, Chau-mette denonce'. — Mais ce n'cst l i qu'iin feu de paillc; pour domincr i demeure dans ces assemblces pcrma-nentes, il faudrait que les moderes, comme les sans­culottes, fussent assidus et prets h faire Je coup de poing tous les soirs. Par malheur, les jeunes gens de 1793 n'ont pas encore I'experience douloiireusc, la rancune profonde, la rudesse athletique qui les soutiendra en 1795. cc Apr6s une soiree ou prcsque partout les chaises ont « etecass6es^ « surle dos des contendants, ils faiblissent, ils ne reviennent plus, el, au bout do quinze jours, les tape-dur de profession triomphenl sur loule laligne. — Pour mieux terrasser les resistances, les assommeurs se sont ligu6s par un acte expr^s, et von I, de seclion en section, au secours les uns des aulres \ Sous le uom do

1. Buchcz el Roux, XXV, 240 el 24G. Prolestalions de la seclion du Mail, du corps electoral, des seclior.s de rArsenal, du Marais^ des Gravillicrs et des Arcis. (Convention, seance du 2 avril; Commune, seance du 2 avril.) —' XXYI, 3o8. I'roteslalions des sections Uon-Conscil cl de TUnitc (5 niai).— XXYII,/l.Delaite des anarchistes dans la seclion de la Dulte-dcs-Mouiins. • Un grand nombrc de seclions manifestenl haulemenl rinlention dc a terrasser ranarchie. » [Palriole franr.ais, 15 mai.) — lb., 137. Proles­talions dos seclions du Tanlheon-l-ranQais, des Piques, du Mail el de pliisieurs aulres. {Patriole [rancais, Id mai) — 76., 175. Proleslalion dc la scclion de la Fralernile (seance dc la Convention, 23 mai).

2. Schniidl, I, 189 (Dutard, 6 mai). 3. Morliiucr-Teiiiaux, VII, 218. I'roces-vevbal de la reunion des deux

seclions des Lombards cl Uon-Conscil (12 avril), « par lequcl les dciix « dites sections se soul promis el jurd union, aide, fralernitd et assistance a dans le cas ou I'arislocratie voudrail aneanlir la liberie. » — "En conbc-« qucnce, dit la scclion Uon-Conseil, il s'est prcsenle une quantity dc « citoyens do la section des Lombards, justement aiarmcs du trouble « occa?ionire par des malveillants, pour nous porter aide et assistance. » — Adhesion de la scclion des Amis-de-la-Palrie. — Bucliez et Roux, XXVII, 138 (article du Palriolc francais, 19 mai.) : « Ce brigandage s'ap-. pelle assemblee des sections rcunies. » — lb., 236, .26 mai, seance de la Commune. « Des depulations des seclions de Monlreuil, des Quinzc-s Viii'^ls. dc3 Droits-dc-rilomme sont venues au secours des patriolcs de • 1'Ari.enalj les arislocrales ont pris la fuile, cu abandonnant lours clia-

446 ' L A REVOLUTION.'

deputation on sous prclcxte d'cmpcclicr les iroubles, unc troupe de gaillards solidcs, envoyue par la section voi-sine, arrive dans la salle et, subitement, y change, la minorite en majorilc, ou, a force de vociferations, mallrise Ic vole. Parfois, a I'heure tardive ou la salle est prcsque vide, ils se declarent asscniblce g6n6rale, et, au nombre dequinzc ou vingt, rctractenl la deliberation du ' jour. D'aulres fois, comme par la municipalite ils ont la police, ilsappellenta leur aide la force armee et obligent les recalcilranls ii deguerpir. Et, comme it faut des exem-ples pour imposer le silence dcfinitif, lesquinze ou vingt, qui se sent eriges eux-mdmcs en asscmblec plcniere, les cinq ou six, qui formenl Ic comit6 de surveillance, d6cer-ncnt dcs mandals d'arrCt conlre Ics plus notables des opposants. Dans les prisons municipales, le vice-presi­dent de la section Bon-Conseil, le juge de paix de la sec-lion dc rUnite, apprcnnenl qu'il est pcrilleuxde presenter a la Convenlion une adresse centre les anarchistes ou de signer uned6lib6ration contre Ghaumetlc '. — Vers la fin dc mai, dans les assemblees de section, pcrsonnc n'osc plus ouvrir la bouche contre une motion jacobine; sou-vent meme, il n'y a pour assistants que des Jacobins; par cxemple, aux Gravilliers, ils ont chasse tout ce qui n'etait pas de leur bande, et d6sormais aucun « intri-

pe.iux. » — Schmidt, I, 213, 313. (Dulard, 13 et 27 mai.) Violences conlre les modores dans les sections I>'on-Conseil et dc lArsenal : « coups de « chiise donnds, plusieurs personnes Llessces, un capilaine cmpoiLe dans « nn fauteuil; les saiite-ruisseaii, les courlauds de boiiliqiio, avaienl fui, " les sans-culoUes etaienf, restcs maitrcs. J> — Meillan, 111. — Buchez et Ronx, XXVII, 237, seance des Jacobins, 2G mai : « Dans la section dc la » Dulle-des-iMoiilinS; les patriotes, voyanl qu'ils n'ctaieat pas en force, « ont pris des cliaiscs et ont cliass6 les arislocrales. »

1. Buchez et Boux, XXVII, 78, sur le juge de paix Boux, cnleve tic nuit et emprisonn(5 le 16 avril. — .Moiiimer-Ternaux, HI, 220, sur le vice-president Sagnier, 10 mai. —Buchez et Roux, XXVII, 231, 26 mai, sur.cinq oiloyens de la section de TUnite arretes par le comito rwolulionnairo tie la section, . pour avoir parlo conlre Robespierre el Marat.»

LA SECOXDE ETAPE DE LA CONQUETE. 447

gant'w n'a rimprudence dc s'y presenter. — Devciius le peuple. dcliberant el muuis dc plcins pouvoirs pour desarmer, metlre h Tindex, deslituer, laxer, deporter i I'armde, lenir en prison quiconquc leur portc ombrag-e, ils peuvcnl mainlenanl, avcc la munlcipalite pour com­plice et pour guide, lourner conlre la Convenlion les amies qu'ils onl regues d'cUe, altaquer les Girondins dans leur dernier asile et s'emparer du seul fort qu'qn ne leur ait pas encore rendu.

VI

Pour eel a, ils n'ont qu'a faire dans toulcs les sections i la fois cc qu'ils out coutumc de faire dans cliaque section ' prise ci part : substitu6s ainsi par force cl par fraude au peuple veritable, ils pourront dresser devant la Conven­tion le fant6me dc la reprobation populaire. — De la municipality qui si6gc i I'Hdtel de Yille et du concilia-bule central qui se tient i rEv6ch6 parlcnt des 6missaircs qui, au meme instant, presentcnt la meme adresse dans toutes les sections de Paris ^: « Yoici unc p6tilion qu'il « faut signer. — Lisez-la. — Inutile, elle est deja adoptee « par la majoritc des sections. « « Ce mcnsongc reussit « auprfcsde quelques-unes, oii plusieurs signent de bonne « (oi, sans lire. Dans plusieurs, on lit et on refuse de « signer; dans d'aulres, on lit el Ton se contcnlc de ])asscr « a I'ordre du jour. Qu'arrive-t-il? Les intrigants et les « meneurs demeurent, jusqu'4 ce que les bons citoyens se

1. Biichcz et Roux, XXVII, lo'i. Discours dc Leonard BourJoa aux Jacobins, 20 mai.

2. llucliez et Roux, XXVI, 3. Adresse redigce par les cominissaircs des 48 sections, approuvdc par 35 seclions cl par la Commune, cl prescnUe u la .Convention, le 15 avrlL — Elle a cl6 preccdce de |)lusieiirs aulrcs, laiv-ceescoviimcballons d'essai. — lb., XXV, 319. Pcliliondela section Ijon-Con-pcil 8 avril. — XXV, 320.- Piililion dc la section do la Ikille-au-LIc, 10 avril.

448 • LA HE VOLUTION.

« soient rotires ; alors, maltrcs de la cieiibcration ih ^ ciecKlent qu'il fa^t signer la petition, el i l f a " n e ^ r

Ton ::'r"' rr' ^ ^^" -- ^ ^ - S lan e r ueiques observations, on leur reponci par ces mols

J^ierijb/es: « Sig-nez,. on point de cerlificatde civisme. »• , iit, conime sanction a cclle menace, plusieurs - sec-" tions, ou regnent en maltres les r6dacleurs des listes de « proscription, ddcident que I'on changera les cartes de « civisme et rcfasent d'cn accorder de nouvelles"d ceux « qui ne veuicnt pas signer la petition. On ne s'en lient « pas a ces manoeuvres; on aposte dans les ru«s des « iiommes armes -de piques pour forcer les passaats 4 « signer^. ?:> — Tout le poids de l'autoril(5 municipale a el6 pubJiquement jehe dans Ja balance. « Des commissaires « de la Commune, accompagnes de secretaires munici-« paux avec tables, encre, papiers et registres^ _se pro-« menent dans Paris, au son d'un tambour d'alarme, et . « precedes d'une miiice,» De temps en temps, ils font

1. Bucliez et Roux, XXVI, S3. Discours de Vergiiiaud a la Conveiilion, seance du 20 avril : « Tous ces fails sont notoires, il ji'y a personne qui « puisse les conlredire; ils seraieut aUcstcs par plus de 10 000 leiiioins. » — .iMemes precedes a Lyon le 13 Janvier 1792, pour fairc signer une ])cli-tion contre J'appel au pcuplc. (Guillon de Montleon, I, \!io, 155.) Lc proces-verba] des Jacobins pretend que la petition a recucilli 40 2J5 signatures : a La peliLion fat d'abord signoo par deux cbnls dubisles oavh-on qui se « ditaienl ie peaple... Us oni repandu dans le peuple que tous ceux qui « ne si^'-neraient pas cclte adresse seraient notes sur une liste noire ou « de proscriplion. De lit, Us sont alios placer des banques dans toutes « les places publiques, prenant par Je bras tous ceux qui se presentaiea t a pour Jes [ovcer ii signer. Cette dcmarclie nayaiit .pas cte»fructucuse, '« ils ont fait signer des enfants de six a sept ans, des feinmes, des « gens de campagne illettres. » On leur disait que cela ferait baJsser le prix du pain... « Je vous jure que cette adresse est lo fruit de cent per-« sonnes au plus; la tres grande majoritc des citoyens de Lyon d&i-

*" rent jouir de leur souverainele pour juger Louis. » (Lettre de David,, de Lyon, au'pre«ident de la Convention, 16 janviei'.)

LA SECOXDE ETAPE DE LA COXQUETE. 449

« line lialtc soleiinelle, « et declament conlre Brissot, Ycrgniaud, Giiadet, puis, « ils demandeiit et rccucillent cc des signaLurcs ^ » — Ainsi exlorquceelporleeala Con-venlion par le maire, au nom du conseil general de la Commune et de Irenle-cinq sections, la petition ini-perieuse dcnonce vingt-deux Girondins conniie traitrcs et reclame insolemment leur expulsion. — Un aulrc jour, il se trouve qu'une sommation pareille et pre­sentee de m^me au nom des quarante-huit sections n'est autorisee que par treize ou quatorze -. — Parfois la pa­rade politique est plus impudenle encore. De pr6ten-dus deputes du I'aubourg Saint-Antoinc viennent signilicr a la Convention le programme revolutionnaire. « Si vous « ne I'adoptez pas, disent-ils, nous declarons que nous « sommes en etat d'insurrection ; 40 000 hommes sent u la « porte ^ 5> Le fait est« qu'une cinquanlainede bandits, a « peine connus dans le faubourg », et conduits par un ci-devant tapissier devenu commissaire de police, out « ramasse sur leur route tout ce qu'ils ont trouve dans les « ateliers et dans les boutiques, » etque la multitude, eu-lassee sur la place Yendome, ne salt pas ce qu'ils vien-nentdireen son nom*.— Sifaclieequcsoitle tumuUe,ilest utile d'enfaire; cela montre ala Convention son mailre, et cela prepare les voies pour une invasion plus efficace. Le jour oii Marat a 6te absous, toute sa « crapaudiere », nitLle et femcUe, est venue avec lui; sous prelcxte de dcfiicr devant la Convention, elle a envahi la salle, elle s'est repandue sur les gradins, et, soutenue par lesgaleries, au milieu d'une tempfite d'applaudissements et de clamours,

L Fragment, psiV Lanjiiinais (Jans les Memoircs de Durand-Maillane, p. 297).

2. Mcillan, 113. 3. Biicliez el Roux, XXYI, 319 (12 mai). — Mcillan, 113. 4. Buchcz et Roux, XVI, 327. La foule averlie finit par cnvoyer dc

nouveaux deputes qui discnt des premiers ; «iNou3 les desavouons. «

U REVOLUTION. U — 29

.450 L.V REVOLUTION.

die a inslalle de nouvcau i la tribune le promoteur alti-Irc dc rinsuiTCclion, du pillage cl de I'assassinaL*. — Pourlanl, si energiquc et si persislante que soil I'obses-sion, la Convenlion, qui cede sur lant dc points, ne con­sent pas a se mutiler elle-mcme. Elle declare-calom-nicuse la peLilion presentee conlre les Vingt-deux; elle inslilue une commission extraordinaire de douzemembres pour rccherclicr dans les papiers de la Commune "ct des ficclions les preuvcs legales de la conspiralion perma-nente que les Jacobins trament 6, ciel ouvert contrc la representation nationale; le maire Paclie est mand6 a la barre; des mandats d'arret sont lances contre liebei^l, Dobscn et Yarlct. — Puisque les manifestations de la volontc populaire n'ont pas suffl et que la Convention, au lieu d'obeir, se rebelle, il ne resle plus c\ employer que la force.

« Depuis le 10 mars, dit Vergniaud a la tribune-, on « ne cesse de provoquer publiquement au mcurlre con-« Ire Yous. » — « Ce moment est terrible, » ecrit le 12 mat un observateur', « et ressemble beaucoup a ccux qui « ont prepare le 2 septembre. »,— Le memo soir, aux Jacobins, un membre propose, « d'exterminer tons les « scelevats avant dc partir. » « 3'ai ctudie la Conven-« lion, dit-il*; elle est compos6e en partie de scelerats « dont il faut faire justice. II faut que tons les partisans cc de Dumouricz et tous les conspirateurs perissent; il « faut tirer le canon d'alarme et fermer les barricres. » Le lendemain matin, « les murs de Paris sont fapisses « d'affiches » invilant les Parisiens « a se hater d'egor-

.. Buchcz et Roux, XXYI, 143, 2. lb., XXVII, 175, 23 mai. 3. SclnnicU, I, 212. Rapport de Dutard. 13 mai. — lb., I, 218: « II y a

o verilablement un projet, ct plusieurs totes sont marquees. » (Terrasson, \3 mai.)

<*• BucheEclRoux, XXYII, Q.Rucit de Guadel k la Convention, 14 mai.

LA SECOXDE liTAPE DE LA' CONQUl^TE. 451

« ger les homines d'ELat^ «. — « II faut en finir », c'est jc mot dcs sans-culolles. — La semaine suivante, aux. Jacobins comme parloul, « rinsurreclion inslanlance « esl a Tordre du jour... Cc que nous appelions aulre-« fois le saint cntliousiasme de la liberie, du palrio-« tismc, est melamorpliose en une furcur que fait ecla-a Icr un people enrage et qu'il n'cst plus jDOssible de <t regler, de discipliner que par la force. II n'y a aucun (c dc CCS mallieureux qui ne consentit a la conlrc-revo-<• lulion, a condition qu'on lui laisscrait ecrascr sous a scs doigts, sous scs pieds, ceux des noirs qui sont t'. le plus notes-... Conclusion : le jour, I'heure, le mo-<c ment ou I'insurrection aura lieu sera sans doule celui « oil la faction croira pouvoir ulilemcnt et sans risque « mcttre en jeu tous les brigands dc Paris^;, » et a la mairie, a I'Eveche, aux Jacobins, les encrgumenes de bas 6tage arrangent dcjc\ le plan du massacre".

On choisira une maison isolee, avec trois pieces au rez-de-chaussee, en enfilade, et une petite cour par derriere; on enltivera de nuit les vingt-deux Girondins, et OH les menera dans cet abattoir prepare d'avance; on les pous-scra tour a lour dans la dcrniere piece; la on les luera, puis on jettera Icurs corps dans une fosse crcusee au milieu de la cour, on versera dessus de la chaux vive; ensuile on les supposera emigres et, pour prouver le fait, on imprimcra des corrcspondanccs fausses^ Un mcmbro

1. Buchez et Roux, XXVU, 2. [Palviolc franr.ais. 13 niai.) 2. Sclunidt, I, 24'2. Rapport de Du lard, 18 mai. — lb., 245. 3. lb., I, 254. Rapport de Diilard, 19 mai. 4. Bergoeing, Clialry, Dubosq, Pieces recucillics par la commission dcs

Douze crpubliccs a Caen, le 28 juin 1793. (Dans les jUJmoires dc Meillan, p. 176 a 198): Au rcstc, les tenlalives de niciirlrc avaicnl dc-ja comincnce. 1 Lanjuinais a failli &tvo assassine; plusieurs deputes onl ete insullcs et . menaces. La force armce est d'accord avec les malveillanls; aiusi. nous « sommes sans aucun moycn dc repression. » (Morlimer-Ternaux, Vll, o62, lellre du depute Michel a ses commeltantSj 20 mai.)

b, Bergoeing, Pieces, etc. — Mcillan, 39 ct 40. — Les deposiUons soat

452 DA REVOLUTION.

du comil6 municipal de police declare que rop6mlionest facile : « Nous les scplcmbriscrous, non pas.nous-memes, « mais nous avons dcs hommes tout prels que nous paye-cc rons bien.» — Nulle oi^jeclion de 11 part desMontagnards presents, L6onard Bourdon et Lcgendre; cclui-ciremarque sculemcnt qu'on ne doit pas toucher aux Girondins dans la Convention; hors de la Convention, « ce ne sont que dcs « scelerals dont la mort sauverait larepublique », et Tacle est licite; il verrait « perir a cote d'eux tous les coquins du « c6t6 noir, sans s'opposer a Icur destruction ». — Plu-sieurs, au lieu de vingt-dcuxdeputds, en demandent Ircnle ou trcntc-dcux,et quelques-uns trois cents; ony adjoindra les suspects de chaque section, et dix ou douze listcs de proscrils sontdeja failes. Par une rafis g6neralc, cxecutce la memcnuit, i l a m c m e heure, on les conduira aux Cannes pres du Luxembourg, et, « si le local est insuffisant, » a Bicelre; la « on les fera disparaitrc de la « surface du « globe' ». Certains meneurs voudraient conficr I'epura-

toutes faitcs par des lemoins oculaires. Les propositions de massacre out 616 failes a rassemblee de la mairic, les 19, 20 et 2'. mai, aux Cordeliers, les 22 cl 23 mai.

\. MiJnies projcls d'exlcrminalion par les Jacobins a Lyon. (Guillon de MonUeon, I, 248.) Cliulier disail au club. >< Trois cents tctcs marquocs ne a nous manqueront pas. Allons nous emparer des mcmbres du doparlc-. ment, des presidents el des secretaires des sections; faisons-cn un fais-« ceau que nous mellrons sous la guillotine, el nous nous laverons les mains « dans leiir sang. « La-dessus, dans la nuit du 28 au 29 mai, la munici-palite revolulionnairc s'cinparc de I'arsenal et garnit de canons riiutcl de vilie. .Mais les sections de Lyon, plus cnergiques que celles de I'aris, prennent les amies, et, apres un combat terrible, s'emparent dc rii6tel de ville. La difference morale dcs dcuv partis est tres bien marquee dans les lettres de Goncbon. (Arcbives nationalcs, AF, 11, 43. Lettres dc Gonchon a Garat, 31 mai, l " et 3 juin): a Rassurez bien la Convenlion; qu ollc jvait « aucune crainte. Les citoyens de Lyon se sont converts de gloire; i lsont ' « montrc Ic plus grand courage dans tous les combats qui cat cu lieu dans " les diflercnts quarliers de la ville, et hi plus grande generosite cnvcrs « Icurs enncmis, qui se sont conduits comme des scelurats. r, — La municy-paUle avail cnvoye un trompetle avec drapeau comme pour parlemenler, pins, tout d'un coup, en Irabison, avail foudroy6 dc scs canons lacolonne dcs

LA SECOXDE £ T A P E D E L A - C O X Q U E T E . 453

{ion do Paris i la sagacilc dc I'inslinct populairc. « En cv phrases coup6os ctnon delcrminecs, » ils discnt au pcu-ple: « Lfeve-loi ct agis d'apres Ics mouvcmcnls de Ion ame^ « piiisquG jc nc puis le donner des conseils qui feraient « fuir ccux que Ui dois frapper. « Au conlrairc, Yarlct propose un projet de salul pujjlic, Ires precis el coniplel, en quinzc articles : « cnlevcr les deputes de la Plaine ct « aulres deputes de rAssemblce constituanlc ct legisla-« live, tons les nobles, pretrcs, robins, etc.; cxtcrmincr « loule cellc race el les Bourbons, avec suppression cn-cc tierc des ministrcs. » Dc son cute, Ileberl, parlanl dcs Girondins, 6crit dans sa gazelle que « la dcrnierc hcurc « de Icur mort va sonncr «, ct que, « lorsque Icur sang « impur sera verse, les aboycurs de Taristocratie rcnlre-« ront dans Icurs caves, commc au 10 aoilt. " —. Naturel-Icment, les Incurs de profession sont averlis. Un certain Laforet, fripicr au quai du Louvre, qui, avcc sa fcinme, s'est d6ji distingue au 2 septembrc, calcule « qu'ils sont « c\ Paris six mille sans-eulottes pretsa massacrer, au prc-« mier signal, les mauvais deputes et huil mille petition­ee naircs '>, sans doute les p6titionnaires qui, dans plu-sicurs sections, ont sign6 des adresses a la Convention conlre la Commune. — Un autre septembriseur^, com­mandant du bataillon du Jardin-des-Planles,IIcnriot, ren-conlrant des ouvriers du port, leur dit de sa voix rauque: « 13-onjour, camaradcs; nous aurons bientdt bcsoin dc

scclionnaires et jelc les blesses dans !a riviere: « Les ciloyens dc Lyon . qu'on a lant calomnies aiiront donne les premiers rcxemplo du caraclore « d'un vraircpublicain; parcourez riiistoirc des revolutions et trouvez-moi a un excmpie pareil : elant victoricux, nc pas faire rcpandre vine goulle o dcsnn^. ..' lis ont soigne les blesses, souscrit pour les veuves ct les en-fants des morts sans acceplion dc parti. — Cf. Lauvergne, Histoire du Var, 1^5. Miime spectacle i Toulon (insurrection dcs modcres, 12 et 13 juil-Ict 1793). — A Toulon, comme a Lyon, il n'y cut auciin nieurtre aprcs la victoire, mais seulcment jugemcnt regiilier, puis execution do doux on Irois assassins dont les crimes furent legalement prouves.

1. Schmidt, 1,335. Rapporl de Pcrriirc, 29 mai.

454 LA REVOLUTIOX.

« voiis, cLpoiir iin mcillcurouvragc; ce n'csl pas du bois, « cc sonl dcs cadavres que vous Iranspoiiercz dans voire « lombcrcau. — Eh bicn, eh bicn, c'cst bon, repond « uii manosuvre, d'un (.on demi-ivrc; nousTcrons comme ct nous avons deja fait le 2 seplcnibrc; ccla nous fera « gagncr des sous. « — « On fabriquc dcs poignards chez « Cheynard, mailrc scrruricr, machinisle de la Monnaie..., « clles fcmmcs des tribunes en ont deja recu deux cents. » — Enfin, le 29 mai, aux Jacobins^, [lebcrl propose « de cc courir sus aux membresdela commission dcs Douze », el un autre Jacobin d6clare que cc ccux qui ont usurpe ie cc pouvoir dictatorial ^^, cntendcz par Ki Ics Girondins, cc sont hors de la loi. »

Tout cela est excessif, maladroit, inutile, dangcrcux, ou du moins premature, et les chefs de la Monlagne, Danton, Robespierre, Marat lui-meme, mieux inform^s et moins bornes, comprennent qu'un massacre brut rcvol-terait les ddpartements deja a demi soulevcs-. II ne faut pas casser I'instrument legislatif, mais I'employcr : on se servira de lui pour praliquer sur lui la mutilation re-quise: de cette facon, I'operation aura de loin une appa-rence legale, et, sous le decor dcs phrases ordinaires, . pourra Gtrc imposoe aux provinciaux. Des Ic 3 avril ' , aux Jacobins, Robespierre, toujours circonspect et decent, a d'avance d6fini et limite Femeute prochaine. cc Que les <c bonscltoyens, dit-il, se reunissent dans leurs sections et « viennen t nous forcer a metlre en elal d^arresiation les depii-« tes in fiddles. » Rien de plus mesure, et, si I'onse rcporle

1. Dergoeing, Pieces, etc., p. 195. — Biichez cl Roux, XXVII 296. 2. L'insurrcclion de Lyon est du 29 niai. Le 2 juin, on annonce a la Con­

vention que I'armee des insurges de la Lozere, forte do plus do 30 OQO hom-mes, s'csl eniparee de Marvejols el va prendre Mendc. (Buclicz el Roux, XXYII, 387.) — Adresse menacanlc de Bordeaux (14 mai) cl dcs Ircnle-deux

. scclions dc Marseille (25 mai) conlre les Jacobins. (Duclicz cl Roux, XXVII, 3 el 214.) — Gf. Robinet, le Precis des Danionisies, 303, 305."

3. Moriimer-Ternaux, VII, 38.

LA ShXONDE KTAPE DE LA CONQUfiTE. 455

aux principGs, ricn de yjlus correcL Lc peuple garde toii-joiirs 1G droit de collaborcr avec scs mandataires, et, dojc\ dans les iribiincs, c'csl ce qu'il fail tons Ics jours. Par uncprecaiUion supreme ct qui lepoint bien', Robespierre refuse d'inlervcnir davanlage. « Je suis incapable de -< prcscrirc an peuple les moyens de se sauvcr; ccla n'est « pas donne a nn soul homme; cela n'est pasdonne a « moi qui suis epuisc par qualrc ans de revolution et « par le spectacle dcchirant du triomphe de la tyrannic,... « a moi qui suis consum6 par uno fiovre lenlc et surlout « par la fiovre du patriotismo. J'ai dit; il ne me restc « pas d'autrc devoir a rcmplir en cc moment. » D'ail-Icurs, il cnjoint a la municipalile « de s'unir an peuple, '•<• doTormor avec lui nne etroite alliance ». — En d'antres termes, c'est a la Commune a fairc le coup; il no fautpas que la Monlagnc paraisse. Mais « ellc est tout cnlicre dans le secret* », ses chefs tiennent les ficelles des grossiers pantins qui s'agitent sur les Ireleaux publics a rriotel de Yiile; « Danton et Lacroix ont ecrit, sur le bu--cc rcau memo du Comite de salut public, » la somma-

L Duclicz el Roiix, XXVII, 297, seance des Jacobins, 29 mai. 2. Liarrerc, Mtiinoires, II, 91, 94. Si mentour que soil BarrerCj on peut

ndmclti'c ici son temoignagc; jc ne lui vois aucunc raison pour mcnlir, el ii a pii elrc bicn informc, puisqn'il etail du Comilc dc salul public. Au rcste, scs asscrlions sur la complicile de la Montague cl sur le role de Danloii sent coHlirmeo^ par loutrcnseiiiblcdos fails. — Buchcz cl Rou\"_, XXVIII, 200. Dis-cours de Danton a la Convention, 13 juin : « Sans les canons du 31 niai, « sans I'insurrcclion, les conspiratcurs Irionipiiaicnl, ils nous donnaicnl la a loi. One le crime dc celle insurrection retonibe sur nous ! Je rai appclcc^ u moi cette insio-rxclion... Je demande que la Convention declare que, « sansrinsurrection du 31 mai, il n'y avail plus do liberie. » — 76., 220 Discours -Jc Leclerc aux Cordeliers, 27 juin : « N'esl-ce pas Lcgcndre qu » a fail ociiouer les sages mcsurcs que nous avions prises lanl dc fois pow a cx'lcrmincrnosenncmis"C'csl lui avec Danton qui, par lew coupable a resistance, nous ont rcduils an modcranlisinc dans les journdcs du c 31 7nai; c'csl Legendrc cl Danlon qui se sonl opposes aux moyens revo-« lulionnaires que nous avions pris dans ces grands jours pour ecraser <i lous les arislocrales de Paris »

456 ' LA REVOLUTION.

tion insiillanLe que I'oraleur de la Commune viendra, le 31 mai, lire a la Convention, ct, pendant les sept jours de crise, Dan ton, Robespierre, Marat, conseillers, direc-teurs, moderateurs de toutes les mences, conduiront, pousseront, retiendront dans les limites de leur pro­gramme les comparses de I'insurrection.

VII

G'est un drame tragi-comique, en Irois actes, dout cliacun s'acheve par un coup de theillre Loujours le niGme ct loujours pr6vu : un des principaux macliinistes, Legendre, a pris soin de I'annoncer d'avance. « Si la cc chose dure plus longtemps, dit-il aux Cordeliers*, si la « Montagne est plus longtemps impuissante, j'appelle le « peuple et je dis aux tribunes : Descendez ici deliberer « avec nous. " — Pour commencer, le 27 mai, A propos de I'arrestation d'liebert et consorts, la Montagne, ap-puy^e par les galeries, fait rage^ Yainementlamajorite s'estprononcee et sc prononcc a plusieurs reprises. « S'il « y a- cent bons citoyens, dit Danlon, nous r6sisterons. «—President, crie Marat 5. Isnard, vous 6tes un tyran, « un infdme lyran. — Je demande, dit Couthon, que le « president soit casse. —A I'Abbaye le president! » — La Montagne a decide qu'il ne prcsidera pas; elle d>3s-cend de scs bancs et court sur lui, elle parle de « I'as-« sassiner », elle brise sa voix h, force de vociferations, elle I'oblige ci quitter son fauteuil, de lassitude et d'epui-seraent; elle chasse de m6me Fonfrede, qui lui succ^de, et fmit par mettre au fauteuil un de ses complices; IIc-

1. Schmidt, I, 244. Rapport de Dutard, 18 mai. ^. Buchez ct Roux, XXVII, 253 et suivantes, seance du 27 mai. — Mofti-

mer-Ternaux, VII, 294. — Buchez et Roux, XXVIII, 9 [Precis rapide, par Gorsas).

LA SECOXDE ETAPE DE LA CONQUETE. 457

raiill Secliclles. —Cependant, al'enlr^e de la Convention, « les consigncs ont 616 violccs, « iinc mullilude de gens amies « se sont repandiis dans les couloirs et obslruent « lollies les avenues i; les depules Meillan, Chiappe et Lydon, ayant voulu sorlir, sont arreles, on met a Lydon « le sabre sur la poilrinc^ «, et les meneurs do dedans cxcilent, proltgent, justifient Icurs afrid6s du dehors. — Avec son audace ordinaire, Marat, apprenant que le commandant Raffet fait 6vacuer les couloirs, vient a lui « un pistolet ci la main et le met en etal d'arrestalion- 5-> : car il faut respecter le peuple, le droit sacre de petilion et les pctilionnaires. II y en a « cinq ou six cents, presque « tons en armcs^ «, qui depuis trois heurcs stalionnent aux portes de la saile; au dernier moment, deux autres troupes, envoyces par les Gravilliers et par la Croix-Rouge, viennent leur aiDporter I'afflux final. Ainsi accrus, lis d6bordentau dela dcs bancs qui leur sont assign6s, se repandent dans la salle, se melent aux d6put6s qui si6-gent encore. II est plus de minuit; nombre de repr6sen-taiits, exc6des de fatigue et de degout, sont partis; P6tion, Lasource et quelques autres, qui veulent rentrer, « ne cc peuvent percer la foule menaQante. » Par compensation et ci la place des absents, les p6titionnaires, s'6rigeanteux-mfimes en representants de la France, votent avec la Mon­tague, et le president jacobin, loin de les renvoyer, les inviie lui-m6me « h ecarler lous les obslacles qui s'oppo-« sent au bien du peuple ». Dans cetle foule gesticulante, sous le demi-jour des lampes fumeuses, au milieu du tintamarre des tribunes, on n'entend pas bien quelle motion est niise aux voix; on distingue mat qui reste assis ou qui se leve; et deux decrels passent ou semblent passdV, Tun qui 61argit H6bert et ses complices, I'aulre

L Buchcz et Roux, XXVII, 258. — Meillan, 43. 2. Buchezet Roux, XXVII, 239 (Paroles de RaffcL). 3. Meillan, 44. — Buchcz et Roux, XXVII, 2G7, 280.

458 • . LA-REVOLUTION.

f[iii casse la commission dcs Douzc*. Aussilul dcs-mes-sagcrs, qui allcndaicnt Tissue, courent porlcr hi bonne nouvcUe a riiolcl de Villc, eL la Commune ccliiljrc son Iriomphe par unc explosion d'applaudisscmcnIs.

Mais le lendemain, malgre les lerreurs dc I'appel no­minal cL les fureurs de la 3Ion(agne, la majorile, par un relour defensif, revoque Ic dccrel qui la desarmc, eL un decret nouveau mainlienl la commission dcs Douzc. [/operation est done a rcfaire; non pas toule Toperalion : car Hebert el les autres delenus reslenl en liberie, eL la ma]oril6 qui, par pudeur ou par instinclde conservaLion, a rcmis en place sa garde d'avant-posLc, consent, par faiblesse ou par espoir de concilialion, ei relaclier ses lU'isonniers. —Ellc a done eu Ic dessous dans to combat; parlant, ses advcrsaires encourages rccommenccnL aus-si(6t raLtaquc, cL leur tactiquc, Ires simple, est celle qui deja, le 10 aouL, Icur a si bien reussi.

II s'agiL d'invoquer conlrc les droits derives oL provi-soires du gouvernemenL eLabli le droit supericur ct inalie­nable du pcuplc, et de subsLilucr aux auLorites legalcs, (pii par nature sont bornecs, le pouvoir revolutionnairc, qui par essence esL absolu. A eel effel, la section de la Cite, sous la vicc-presidence de Maillard le scptembri-seur, invite les quarante-sepl aulrcs a nommer cbacune deuxcommissaires munis dc « pouvoirs illimiles ». Dans

I. Meillan, 'ii:.« I'lacii vis-a-vis du pivsicleiit, a dix pas dc lui, les regards - fcoiijours Qves siir lui, parco que, a travcrs le tuinulte horrible qui dogra-" dait I'Assembloc, nous nc pouvions avoir d"aulrc boussolo, jc puis altes-» Icr rpie je n'ai ni vu ni cnlendu nicttro aux voix le decret. » — Bucliez et Worn, XXVll, 278. Discours d'Osseliu, seance du 28 mai: « J'ai prcscnle cc » matin la redaction du decret a la signature des secretaires; L'un d'eux, « apres I'avoir lu, m"a observe que le dernier article n'avaiL pas etc decrete, " mais que les articles precedents I'avaient etc. « — Morliiner-Ternaux, Ml, r,62,Lcllre du depute Michel, 29 mai. « I.es gardes onl ete forcces, et le « sanctuaire des lois invcsti dcpuis environ quatre beures jiisqu'adix hcures • passees : de nianicre que personne nc pouvait sorlir, niemc pour les « hesoins les plus pressants. »

LA SIXOXDE KTAL'E DE LA COXOUKTE. 459

Irenlc-lrois sections, piirgccs, lerrifieos ou dcscrlces, Ics Jacobins, seuls ou presquc sci i ls ' , clisenl Ics plus deler-mincs dc Icur bandc, nolfimmcnt des clrungcrs- cl des drulcs, on louL soixanlc-six commissaircs qui, la 29 au soir, s'asscmblent a rEvccb6' et choisisscul iieuf d'eulro eux, pour composer, sous la |>residcnce dc Dobsen, ua comilo central et revolutionnairc d'cxeculion. Ricn de plus inconnu que ces neuf, tous suballcrnes obscurs, simples mannequins el marionnelles; buil jours apres, quand ils auront joue Icur role et. qu'on n'aura plus bcsoin d'ciix, on les fcra rcnlrcr dans la coulisse. En allcndanl, ils sonl censes Ics mandataircs du pcuplc sou-vcrain, aulorises a lout, car il Icur a delegue son omni­potence, seuls aulorises, car leur inveslilurc csl toutc ucuve, cl ils paradent en celtc qualile, ;\ pcu pr6s couimc Ics figurants cliamarrcs d'or cL de pourprc qui, a I'Opera, rcprescntcnl Ic conclave des cardinanx ou la diele du Gaint-cmplre : jamais la comedie politique n'a degenerc

} . Morliiiier-Tornau.v, YII, 308. Kxlrait des proces-vcrbaux dc la soci('le palrioliquc dc la llulle-dcs-.Moulins, 30 mai : « Altcndii inic la majoritc de .« la seclion, connuc par son iacivismc cl tOii c?pril anUrcvolulionnairc.... a EC rcriiio.railii ceUc nominaliou ou iiommerait des commissaircs qui n'au-« raienl pas la confiancc des pali'iolcs ».... la societc paU'iolique so charge ellc-meme dc nommcr les deux commissaircs dcmandcs.

?. Durand-Maillanc, 297. Fragment, par Lanjuinais: <> Scpl (Hrangors, sept a agents du dehors, Uefueux, Troly, Pcrcyra, Dubuisson, Gusman, les « dci^x ficrcs Frcy, etc., fureni. par la Commune, erigos en comilo d'insiir-<i rcclion. » — L;i pliipart sonl aiissi des gredi / is ; c'c.*l Ic cas nolaniment |)Our Vailet, Dobsen,' llassenfralz, Housselin, Deflieux, Gusman, cic.

3. Buchez cl lloux, X.WIII, loG : » Nous, les membrcs de la commission . roYoIulionuairc, Ics ciloyens:CI»5me[ice,de la section LJon-Conseil-Ddnoiiy, a section des Sans-Culoltes; Bonin, dc la seclion des Marches; Auvray, do . la section-du iMonl-Blanc; Seguy, de la section de la Bulle-des-Moulins; u Moissard, dc Crenelle; Berot, caulon d'Issy; Roussclin, seclion dc I'Unilc ; « Marchand, section du Mont-Ulanc; Grcspin, seclion des Graviilicrs. • lis donnent Icur demission le 6 juin, — La commission, composce d'abord de 9 membrcs, finit par en comprendrc 11 (Buchez el Boux, XXVII, 310. proch-verhauxde la Commune/i\ mai), puis 25 (discours de Paclie aii Con:ile desalut public, 1" juin).

460 • LA REVOLUTION.

en une farce si cITronlee. — Le 31, a six Iicurcs et demie dumal in , Dobsen el scs suppols se prcsentent au conseil general de la Commune, hii exliibent leurs pouvoirs ct lui signiQent qu'il est casse. Avcc unc complaisance edi-lianle, le conseil se reconnait dichu ct sort do la salle. Avec une gratitude non moins empressee, Dobsen le rap; pcllc aussil6t, Ic r6lablifcdans ses fonclions au nom du peuple, et declare qu'il a bien meriL6de la palrie^. En mCme temps, un autre demagogue, Yarlel, fail la m^ime operation sur le conseil du deparlement, ct Ics deux corps, consacres par un nouveau baplOme, se reunissent aux soixante-six commissaires pour exercer en commun la dictature. — Rien de plus legitime, et la Convention aurait tort de s'y opposer : « elle n'a el6 nomm6e que « pourjugcr le tyran etfaire la constitution; le souverain « ne lui a donne aucun autre pouvoir-; » partant, ses autres actes, ses mandats d'arret, ne sont qu"usurpa-lion et despotisme. D'ailleurs Paris, bien mieux qu'elle, represente la France; car il est «I'extrait de tons les de-« partements, le miroir de I'opinion * », I'avant-garde du patriotisme. « Souvenez-vous du 10 aoiit*; avant celte « 6poque, les opinions etaient partagees dans la repu-* « blique; mais, a peine avez-vous eu frapp6 lecoupd^ci-« sif, tout est rentrc dans le silence. Ne craignez rien « des deparlements; avec un peu de terrcur et des in-« structions, nous tournerons les esprits a notre gre. » Des chicaniers s'obstinent k demander la convocation des assemblies primaires. «Est-cc qu'il en a fallu le 10 aorit? « Et les dcpartcments n'ont-ils pas alors approuve Paris?

1. Buchez ct Roux, XWII, 306. Proccs-vcrbauxdc la Communc'Sl nwi. — lb., 316. — Moilimcr-Ternaux, VII, 319. o

2. Biichez et Roux, XXVII, 274. Discours d'llassenfratz aux Jacobins, 27 mai. . 3. lb.J 346. Discours de Lhuilliei-a la Convention, 31 mai.

4, lb., 302, seance de la Convention, 30 mai. Paroles prbnoncees pa'" Ilassenfralz, Varlet, Cliabot et dcnoncees par Lanjuinais.

LA SECOXDE ETAPE DE LA COXOUETE. 461

a lis feront cle m6me ccttc fois ; c'cst Paris qui les saiive '. » — En consequence, Ic nouveau gouvornement donne le commandement g6n6i'al dc la force armee k un liomme sur, Henriotj I'un des massacreurs de seplembre; puis, par un attenlat que la loi declarait capital, il prescrit de tircr le canon d'alarme; d'aulrc part, il fait batlre la ge-ncrale, sonncr le tocsin, former les barrieres; les admi-nistrateurs des postes sont mis en etat d'arreslation, les lettres interceptees et ouvcrles; ordrc est donn6 de d6s-armer les suspects et de remettre leurs armes aux pa­ce Iriotes; kO sous par jour sont accordds aux citoycns « peu fortunes, tant qu'iis rcsleront sous les armes-.« On n'a pas manque d'averlir la veille les affidds de quar-iier; par suite, des le matin, dans les sections jacobines, le comit6 de surveillance a d6ja cboisi « les conipagnies « les plus n6cessiteuses, afin d'armer les bras qui sont « vraiment dignes de comballre pour la liberty, » et il a distnbu6 lous ses fusils « aux ouvriers bon republi-< quains^ ". — D'heure en heure, h. mesure que la jour-n6c s'avance, on voit, dans les sections refraclaires, I'au-torite passer du cote de la force; au Finist^re, a la Butl'e-dcs-Moulins, aux Lombards, i la Fraternite, au Marais*, les sans-culoltes encourages prennenl I'asccn-dant, cassent les deliberations des moderes, et, dans I'apres-midi, leurs dclegues viennent preter serment a I'lIOLeUdc Villc.

Cependant la Commune, trainauL derriere clle le simu-

L Mme Roland, Appcl <l Vimpariialc posU'rite. Conversation de Mnie Roland, le soir du 31 mai, sur la place dn Carrousel, avcc un ca-nonnier. „

0. Buchez et Roux, 307 a 323. Proccs-verbaux cle la Commimc, 31 mai. 3. Archii'cs nalionalcs, F' , 2^9i, regislre du comite revolulionnaire de

la section de la Reunion, proces-verbal du3l mai, six hcurcsdu malin. 4. Rucliez et Roux, XXVII, 335, seance dc la Convention, 31 mai. Petition

nresenlee par les commissaires au nom des 48 sections; il resuite de leurs pouvoirs qu'iis nc sont d'abord autorises que par 26 sections.

462 . LA Ri^VOLUTION.

lacre de runanimite populairc, assi^gc la Gonvenliou cle pulillons muUipliees cL menacanles. Commc au 27 mai, Ics p6lilionnaircs pnvahissent la sallc cL « sc confoiulenl « fralcrncUcmenl avec les mcmbrcs du cole gauche ». AussiLol, siir la motion de Lcvasseur, la Montague, sa-clianl que « sa place sera bicn gardce », la cpiitlc et passe ail cote droit ' . Envahi a son tour, le cote droH refuse de deliberer; Ycrgniaud demande epic « rAsscm-« blee aillc se joindre a la force armee qui est sur la « place et se melte sous sa protection »; il sort avec ses amis, el la majorite decapilee relombe dans ses hesita­tions ordinaircs. Aulour d'clic tout est vacarme el ba-gaiTc. Dans la salle, les clamcurs do la Montagne, dcs

• pclitioimaircs et des galcries, scmblcnL le mugisscmcnt continu d'linc tcmpcle. llors de la salle, vingt on Irenle millc hommcs vont pcut-elre s'cnlre-choquer dans les rues = ; le bataillonde la Butlc-des-Moulins, avec des dela-chcmenls cnvoyespar les sections Yoisiiies,s'cstrolranchc dans le Palais-Royal, cL Ilcnriol, criant parlout que les riches sections du cenlre on I arbore la cocardc blanche, envoie conlrc elles les sans-culottes des faubourgs Saint-Anloine et Saint-Marceau ; dcs deux cutes, les canons sonL braqucs. — II iic Taut pas nicllre Ic feu a ccs canons charges, 11 nc faut pas donnor le signal do la guerre ci­vile, il faut « prcvenir les suites d im mouvcnient qui ne « pourrail qu'elrc funcsle a la liberie' », il est urgent de

L L'uclicz et Roiix, XXVil 3i7, 3»8. — Moitiinci'-Tcrnanx, VH, ,'550 3° (lepoclic des dolcgiics de rilolcl de Yillc, presents a la seance) : « L'As-« sembliie nalionale n"a pu parvcnir a prendre les grandes mcsiircs ci-o dessus... qu'apres que les pcrlurbaleursde i'Assemblecr con;uis sous la <• denominalion dc cole droit, sc sotit rendus asscz dejnstieepour voi^' rju'ils « u'ctaicnl pas dignes d'lj parltcipcr, el out cvacue rAKSenibR-c apres de « grands gcstes el les imprecations donl vous les savez susceptibles. »

•2. Daui)an, la DcmarjOQic en 1193. — Diuiviul dc L'caulieu, 31 niaj. — D«J-claralion de llcnriot, 4 germinal, afi 111. — Uuchcz el Rou:i, .\XVlllV 351.

3. Morlivncr-Tcraaux, VII, 5G3. Lcltre du depute Loiican, 5 juia.

LA SECOxXDE KTAPE DE LA COXQaETE. /i63

rclablir ct d'assurcr la paix publiqiie. La majority croit done fairc un aclc dc courage en refusant ci la Commune I'aiTcslalion dcs Yiiigi-dcux, des minislrcs Lebrun et. Clavierc; en cehange, cllc consent a supprimer sa com­mission dcs Douze; elle confirmc I'arrele par lequclla Commune allouc 40 sous par jour aux ouvriers qui •sonL sous les amies; elle declare libre I'enlree de ses Iribuncs, et, rcmerciant toutcs Ics sections, tant cellos qui voulaicnt la dcfcndrc que cclles qui voulaicnt I'atla-(juer, elle mainlienl la garde nalionale en requisition pcrmancnlc, elle annonco unc federation generalc pour le 10 aoul suivanl, elle va fratorniser an Palais-Uoyal avec les balaillons que les calomnies de la Commune avaicnt amies Tun conlrc I'autre et qui, delrompes a la derniere minute, s'cmbrasscnt mainlenanl au lieu dc s'egovgcr.

Encore cetle fois, tout I'avanlagc est pour la Commune. Nonseulemcnt phisieurs de ses demandes ont ele conver­ges en diicrets, mais encore son baplemc rcvolutionnaive demeure valablc, son comile d'cx^cution est tacilc-nient rcconnu, Ic gouvcrnemcnt nouvcau resle en fonc-lions, ses usurpations sonl consucrees, son general Ilcn-i-iot garde le commandement de touto la force armec. loutes ses mesurcsdictatorialcs s'execulent sans cntravcs. — Raison deplus pour les continueret pour les aggravor. « Yous n'avez qu'une demi-victoire, » ecrit Ilebcrt dans son Bere DucJics7ie, « Ions ces b . . . . d ' in l r jganls vivcnl cn -

cc core. « — Des le soir du 31 mai , la Commune a lancc

lies mandals d'arrCL contre les minislres Clavitrc et Lebrun, centre Roland ct sa femme. Le meme soir, el le Icndemain pendant toute la jonrnee et pendant toule la nuit, puis le surlendcmain encore, dans les quaranle-huit section's, les comitcs de surveillance, conformement aux instructions de I'llolel de Yille', relisent leurs lisles de

1, Buchez el Roux, \XY1I, Shi a 360, 368 a 317. Proces-vcrbaux de la

464 • LA Rl^VOLUTION.

quarlierS y poinlent do nouveaux iioms, envoiciit des commissaires pour desarmcr cl arrciler les suspects. Qui-conque a mal parlc des comH6s rcvoluUonnaires, ou s'est 'Oppose aux alienlals du 31 mai, ou ne s'est pas £ieii monlrc le 10 aoul, ou a mal vole dans Tancienne Assem­bler legislative, est bon a prendre : c'esl une razzia uni-vcrsclle et simultanee; dans toutcs les rues, on ne voit' que gens empoigncs et conduits au comilc de la section ou en prison, sous escorte, en premiere ligne les journa-lisles « antipatriotcs »; par surcroit, leurs feuilles lirees sonl confisquccs el leurs journaux cessent de parailre; les ateliers do Gorsas sont saccag6s, les scell6s sont mis sur ses presses-, Prudhomme lui-mOmc est ecroue. Dans les sections du Gontrat-Social, de la Fraternity, du Marais, de Marseille, les dernieres resistances sont brisdes, et la Commune, Iranquille du c6lc de la rue, peutrecommencer son altaque contre la Convenlion.

Commune, 1" cL 2 juiri. Prochiiiialioii du comitc rcvolutionnaire, 1" juin : • Vos delcgucs ont orJonne I'arreslalion de tous les gens suspecls qui so • caclicnt dans les sections de I'aris. Cellc arrcslalion s'cffeclue en ce « moment de toutes parts. •

1. Archives nationalcs, F*. 2494, section de la Reunion^ proces-verbal du l"juin. — l b . , 2 juin. Le 2 juin, lociloyen Robin est arrelo « conime ayant " maiiifcsld des opinions contraires a la souvcrainelc du peuplc dans I'As-« scmblec legislative. « Le memc jour, sur Ic Icrriloirc de la scclionj pro-clainalion, par une deputation de la Commune cscortee d'un membre du comile et de deux tambours, « tendantes a faire connailre au pcuple que " la jjalrie sera sauvee en alcndaas avec courage Ic decrct qui dQit Otre « rendu pour quo jcs (raitre ne siege plus dans le senat. » — lb., 4 juin. Le comile arrete qu'il s'adjoindra do nonveaux membres, mais qu'il les choi-siralous « boas sans-culole el ne recevra auqu'un nolaire, clerc de nolaire, « avoue et leurs clcrCj banquier ct gros rentier », a moins qu'ils n'aienl fail preuve d'un civismc irreprocliable depuis 1789. — Cf. F' , 2497 (section des l)roits-de-riIommc), F ' , 2484 (section dc la llalle-au-Blc), analogic des arrCtus et de rorlhographe. Lc regislre de la section des Piques (F^ 2475) est un des plus inleressanls; on y Irouvera les details de la coi/iparnlion des minislrcs; le comile qui les inlerroge no sail pas m(imc I'orthograpbe

• dc leurs noms; il ccrit a plusieurs reprises « Clavier » pour Clavicre, <l « Goycr » pour Goliier.

2. Ruchez et Roux, XXVIII, 19.

LA SECONDE ETAPE DE LA COXQUETE. 465

Elle a fait dresser, dans cliaque section, « la lisle des c< oiivricrs sans-culoltcs, » el lour alloiic 6 francs par tCtc, payables par la Convenlion, pour les indemniser dc leur chOmagc temporairc^: c'csl une prime offcrle i I'cmeule, cl, comme il n'y a rien de plus efficace que I'argenL comp-lant, Paclic fait les fonds cndetournanl 150 000 francs des­tines aux colons de Saint-Domingue; pendant la journec du2juin, on vcrra des affides passerdans les rangs et distribucr des assignats dc 5 livres-. Pour mieuxrclenir les hommes sous les armes, des voilures de subsislances accompagnent cliaque balaillon^; reslomac a besoin d'etre rempli, et une pointe de vin est un tres bon reconfortant dii palriolismc. llcnriot a fait revenir de Courbevoie des bataillons de volontaires qui, pen de jours auparavanl, se sont enr616s pour la Vendee*, « avenluriers » crapu-leux et pillards qu'on appcilera plus lard « les l)6ros A « 500 livres ». II a encore sous la main les hussards de Rosenthal, soudards allemands qui, ne comprenant pas le francais, resteront sourds i toutes les sommations legates. Enfin, aulour de la Convention, il range en cerclc ses sans-culottes de choix, notamment les canon-niers, jacobins par excellence', qui Irainent avec cux le

1. Buchcz elRoux, XXVII, 357. Pvoccs-vcrbauxdcla Commune, 1" juin. 2.Meillanj 307. — Frai7??ien^, parLanjuinais. — Dhir7ial dc Beaulieu,

2 juin. — Buchez et Roux, XXVII, 399 (discoursde Barrorc). 3. -Qiicliez et Rouv, XXVH, 337. Proces-verbavx dc la Commune, \" juin. 4. Mcill.'in, 5S, 53, 307. — Bticlicz et Roux, XXVIII, 14 (Precis, par Gorsas). 5. lb.,'S.\\'ll,^^-)0. Proccs-veybaiixdclaCoi7vntnw, l"juin:>Un membre

. du conscil. qui est alio a la section Bcaui-epaire, annonce qu'il n'y a pa.s . etc i)ien accueilli, que le president de cclte section lui a dit des poroles . assez dures et I'a pris pour un municipal imaginaire, qu'on Pa menace V de Ic .niell?e au violon, qu'il n'a dil sa liberie qu'aux braves ciloycns de , la section des Sans-CuIottes et aux canonnicrsdc la section Beaurcpaim ,, fiui I'onl accompagn6. » — Les prcparatifs d'invcstissemenl coniincncent des le 1''juin. (Arcliives nationales, F', 2497, section des Droits-de-!"lIommc, nroces-verbal du l"juin.) Ordre d'llenriot au commandant de la scclioi; pour qu'il envoie « 400 hommect la compagniedo canonier avcc les 2 piic^s « de canon au Carouzel le long des Thuilerie plasse de la Revolution . .

LA BEVOLUTION. 1 — 30

466 • LA REVOLUTION,

plus formidable appareil d'arlilleric, 163 canons, avcc des grilles cL du charbon pour fairc rougir les boulets. Aiiisi Ics Tuileries sont cernees par la bandc des lapc-dur et des energumencs; la garde nationale, cinq ou six fois plus nombreuse*, qu'on a convoquec « pour donn.er k « I'enlreprise de quatre ou cinq millc bandits I'apparcnce « d'un mouvcment populaire », ne peul venir au sccours de la Convenlion ; on I'a rcl6gu6e ho r sde porlce, au deli du ponl tournant, qui est lev6, derrifere la barri6re en bois qui scpare le Carrousel du chcLtcau. Encbain6e i scs posies par la consigne, reduile i relat do decor immobile, employee a son insu^ conlre elle-m6me, elle ne pent que laisscr fairc les factieux qui lui servent d'avant-garde. — Dfes le malin, les vestibules, b s cscaliers ct les couloirs de la Convention ont 616 envahis par les habitu6s des tri­bunes et par les femmes soldees; des « hommes a mous-« tachcs «, armes de sabres et do pistolets, ont consigne le commandant du poste avec ses officiers; la garde legale a 616 remplac6e par line garde extraordinaire'; et les de-pul6s sont prisonniers. Si quelqu'un d'enlre cux est obIig6 de sorlirpour un instant, c'est sous la surveillance de quatre fusiliers « qui le conduisent, I'atlendent et le, « ramtnent* ». D'aulres, ayant voulu regardcr par les fe-n6lres, sont coucb6s en joue; Ic vieux Dussaulx est frapp6, Boissy d'Anglas, pris d la gorge, rcnlre avec sa cravalc

L Lunjuinais (lit 100 000 Iiommcs, Meillan 80 000; Ics dcpules de la Sonime diient 60 000, niais sans aucune preuve. D'apres divers indices, jc crois le cliiflrc beaucoup moiiidre, a cause du dcsarmemcnt et des aLsteii-lions; il est pcut-ulrc de 30 000 hommes, commc au 31 mai. -

2. MorUmcr-Ternaux. Vli, o66.LeUre Ju depute Loiscau : <- Je parcourus " tout un balaillon; tous Ics soldals nic dirent qu'ils ignoraient lacause de « ce mouvemcnl, qu'cllc n'elait coniiue quo deleurs chefs. » (l"jiiin.)

3. IJiichez ol Uoux, XXVII, 40J, seance de la Convention, 2 juiu. —XXVlil, •i.i. Conii/lc rendu de Saladin.

4. .Morlimcr-Tcrnaiix, VIL 392. Procis-vci-bal do la sociulc des Jacobins, 'i juui : a Les dtiimles elaient entour(5s au point qu'ils ne pouvaicnt sorlii', « uiemc pour fuiic lours besoins. . — lb., 5G8. Lctlre du depute Loiscau.

LA SEGOXDE £ T A P E D E LA COXQUETE. 467

et sa chemise en lainbcaux. Pendant sept heurcs d'liur-loge, la Convcnlicn resle aux arrcls, el, lorsqu'elle a de-^ creleVcloigncnicnt dc la force armee qui I'assicge, Ilenriot

'repond ariiuissier charge de lui nolificr le decret : « Dis « a Ion f... president que je me f... de lui el dc son As-« semblee, ct que si dans une hcurc cllc ne me livre pas « les Yingt-deux, je la fais foudroyer'. »

Dans la sallc, la majorilc, abandonnce par .ses guides rcconnus et par ses orateurs pr6feres, faiblit d'heure en lieurc. Brissot, Pelion, Guadet, Gensonnc, Buzol, Salle, drangcneuve, d'aulrcs encore, les deux tiers dcs Yingt-deux, relenns parlours amis, sont restes chcz eux-. Yer-gniaud, qui est venu, se lait, puis s'en va; probablement, la Monlagne, qui gagne i son absence, a lev6 pour lui la consignc. Quatre aulres Girondins qui restenl A I'Assem-blee jusqu'a la fin, Isnard, Dussaulx, Lanlhcnas et Fau-clict, consenlcnt h se demeltre; quand les gcneraux ren-denl leur 6p6c, les soldats ne lardent pas a poser les amies. Seul, Lanjuinais, qui n'est pas Girondin, mais ca-Iholique et Breton, parle en homme conlre I'altentat que subit la representation nalionalc; on )ui court sus, il est assailli i la tribune; le boucher Legendre, faisant de ses deux.bras « le geste du merlin », lui crie : « Descends ou « je t 'assommc»; un groupe de Monlagnards s'elance pour aider Legendre, on porle a Lanjuinais un pislolcl 8ur la gorge ^; il a beau persevcrer, se craniponncr i la tribune; autour de lui, dans son parti, les volont6s defail-Icnt. — A CO niomenl, I}arr6re, J'iiomme aux expedients,

L Biicliez elRoux, XXVlli, 4i. Comple rcnlu dc Saladin. — Mcillan, 237. — '\Iortiriicr-Tcrnaux, VII, 547. Dc-claratioii des dcpiilds de la Somnie.

2. Median, 52. — Ptiiion, Mtwoircs, 109 (edition Daidwn). — Lanjuinais, Fi-'agmcul, 299 : « Presq'iic tons ceux qu'on appelaiL Girondins avaicnt jufni u a propos de s'absenter. a — Leltro de Vergniaud. 3 juin (dans le liepnbli' <:ain frannais, du 5 juin 1793) : c Je sortis hicr dc I'Asscmblec enlrei'ne ct a deux heurcs. »

3. Lanjuinais. Fragment, 299

468 EA REVOLUTION.

propose a la Convcnliondc lever la sdancc et d'aller d6Ii-berer « au milieu de la force armee qui la prol^gc^a'. 55 Faute de mieux, lamajorites'accrochc ci cc dernier debris^ d'esperancc. Elle se Icve, malgre "les oris des tribunes, descend le grand cscalier et arrive jusqu'a I'enlr^e du Car­rousel. Lc , le president montagnard, Ilerault Scchclles, lit h Henriot le dccret qui lui cnjoint de se retirer et, correcLemcnl, officiellcment, lui fait les sommations d'usage. Mais quantit6 de Montagnards ontsuivi la majo-rite et sont la pour cncourager I'insurreclion; Danton scrre la main de Henriot et lui dit i voix basse : « Ya « loujours Ion train, n'aie pas peur, nous voulons « constatcr que I'Assemblee est libre; liens bon-, « Sur cc mot, le grand escogriCfe i panaclie relrouve son assu­rance, et, de sa voix avinee, dit au president « H6rault, « le peuple ne s'est pas leve pourecouter des phrases. Tu « cs un bon patriote;... promcls-tu, sur ta t(}le, que les « Yingt-deux seront livres dans vingt-quatre heures? « — Non. — En ce cas, jene r^ponds de rien. Aux armcs, « canbnnicrs, a vos pi6ces! » Les canonniers prennent leurs meches alliimces, « la cavalerie lire Ic sabre, et « I'infanterie couche en joue les dcput6s^ » — Repoussee de ce cOte, la malheureuse Convention lournc i gauche, traverse le passage voCite, suit la grande all6e du jardin, avance jusqu'au pont tournant pour trouver une issue. Point d'issue : lepont tournant est leve; partout la bai*-riere de piques et de baionnettes reste impenetrable; on crie autour des d6pul6s: « Yive laMontagne! vive Maral! « A la guillotine Brissot, Yergniaud, Guadet, Gensonne! « Purgez le mauvais sang! » el la Convention, pareille a

1. Buchez el Roux, XXVil, 'lOO. * 2. Robinet, le Proces des Danlonisles, 169. Paroles de Danton (d'aprds

les fiolcs du jure Topino-Lcbrun). 3. Buchez olUoiix, XXYII, 4 i . Complc rendu par Saladin. - Mcillan, 59.

— lanjuinais, 308, 310.

LA SECONDE r T A P E DE LA' CONQUlilTE. 469

un Iroupcau de moulons, lourne en vain dans son enclos ferme^ Alors, pour les fairc rcnlrcr au bercail, commc un ciiien dc garde aboyant, de loule la viLcsse de ses couiies jauibes, Marat accourl, suivi de sa troupe de polissons deguenilles, et crie : « Que les deputes lidfelcs « relournent a leur posle ! » Machinalcment, la tele basse, ils revicnnent; aussit6t leur salle est fermee et iis y sont consignes de nouveau. Pour collaborcr a leurs d61iberalions, dcs elrangers de bonne volonte sont entres pele-mcle avec eux. Pour surveiller et hater leur be-sogne, des sans-culottes, la baionnelle au boul du fusil, gcsticulcnt et mcnacent du haut dcs galcries. Au dehors, au dedans, la necessit6, de sa main de fcr, les a saisis et les serre a la gorge. Silence morne. On voit le para-lytique Couthon se soulever de son banc : ses amis le portent i bras jusqu'i la tribune,- ami in lime de Ro­bespierre, c'est un personnage important et grave; il s'assoit, et, de sa voix douce : « Citoyens, tons les mem-« bres de la Convention doivent etre maintenant rassu-« r6s sur leur liberie... Maintenant vous rcconnais-« sez que, dans vos deliberations, vous 6les libres'. » — Yoila le mot final de la comedie; il n'y en a pas d'egal, mome dans Moliere. — Aux applaudissements des galc­ries, le cul-de-jatte sentimental conclut en demandant que Ton mette en arrestation les Yingt-deux, les Douze, les minislres Claviere et Lcbrun. Nul ne combat sa mo­tion °, « parce que les besoins physiques commencent a « se fairc senlir, et qu'unc impression de terreur est re-« panducsur rAsscmblce. » Plusieurs se disent« qu'apres « tout .les proscrits ne seront pas bien c\ plaindrc d'etre « obliges de rester clicz eux, qu'ils y seront en surete,... a qu'il vaut mieux faire un petit mal que de s'exposer a

1. Buclioz el Roiix, XXVII, 401. 2. Moiiimci-Tcinaux, VII. iJG9. Lellre du depute Loiscau. — Mcillan, 6i

470 LA REVOLUTION.

« (le grands perils. » Un autre s'ccrie : « M.icux vaul se « dispenser dc voler que de Iraliir son devoir! » —' Yoilci le l)iais Irouve cL Ics consciences a I'aisc. Les deux tiers dc rAsscmblec declarent qu'ils ne prennent plus part a la deliberation, s'abstiennent, reslenl assis ii I'^preuvc et u la conlre-epreuve. Sauf une cinquanlaine de mcmbres de la droite qui se levent poiir les Girondins, la Monta-gne, accrue des insurges ou amateurs qui fraterncUe-ment sifcgent avec elle, vote seule et rend enfin le decret. — A present que la Convention s'cst mutilee elle-memc, elle est matee pour loujours, et va devenir une machine de gouvernemcut au. service d'une clique; la conqu6te' jacobine est achev6c, et, sous la main des conqu6rants, le grand jeu de la guillotine pent commenccr.

VIII

•Regardons-les 6. ce moment dccisif: je nc crois pas qu'en aucun pays ni en aucun siecle on ait vu un tel contraste entrc une nation et scs gouvernanls. — Par une serie d'epurations pratiquees i contre-sens, la faction s'est r6duile t\ sa lie; du vastc flot souleve en 1789, il ne lui est demeurc que I'dcume et la bourbc; tout le reste a ele rejete ou s'est ecartc, d'abord la haute classe, clerg6, noblesse et parlcmcnlaires, cnsuile la classe moyenne, induslriels, negociants el bourgeois, enfin I'elite de la classe inferieure^ petits proprietaires, fermiers'l et artisans-maitres, bref tous les notables dc toute pro­fession, condition, (itat ou metier, lout ce qui OA ait un capital, un revenu, un etablissemenl, de riioiiorabi-lile, de la consideration, de I'^ducation, une culture

• mcntale et morale. Pour composer le parti, il n'y a plus

1. buchcz el Roux, XXVI, 34L Discours de Cliasles a la Convention, "lai ; . Les cullivaleurs... sent prcsquc lous arislocralcs. .

LA SLCONDE I L T A P E BE LA -CO.NQUJyTE. 471

gu6rc, CIV juin 1793, que les ouvriers instables, les va­gabonds de la ville el dc la canipagne, les habitu6s d'bd-pital, les souillons dc mauvais lieu, la populace dc-gi-adec et dangercuseS les dcclasses, les pcrverlis, les d(3Vcrgond6s. les d^lraques de toule cspece, e(, k Paris d'oLi ils commandeiiL au rcsle de la France, Icur troupe, une minorile infime, se recrule juslemciU dans ce rebut liumain qui infesle les capilales, dans la canaille dpilcp-lique el scrofuleuse qui, beriliere d'un sang vicie et avarice encore par sa propre inconduite, imporle dans la civilisation Icsdegcnerescences, rimb6cillitc, les alTole-ments dc son lcmp6rament delabre, dc ses instincts r6-(rograclcs ct dc son ccrveau mal conslruit^ Ce qu'clle a fait des pouvoirs publics, Irois ou quatrc tcmoignages conlemporains vont le dire; on la voit face a face, en cllc-mCme et dans ses clicfs; on con temple en plein visage les Iiommcs d'actionet d'initiativequi onl conduit son dernier coup de main et.qui la repr6senlent le mieux. — A la Con­vention, depuis le 2 juin, « lamoitiedes deputes i peu pres « s'absliennentde prendre part aux deliberations; plusde « cent cinquante ont memc fui ct disparu' »; des mucls, des Fugitifs, des detenus, des condamnes, voila son ceuvrc, et, dans la soiree du 2 juin, son ami dc coeur, son direc-

1. Sieyes (cite par Uaranle, llisloire de la Convention, HI, 169) la dc.crit ainsi : « Ce faux pcuple, le ])lus morlel ennenii qii'ail jamais eu o Ic pcupic frangais, obslruait sans cesse Ics avenues de la Convention... « A I'cnlrcc et t la sortie de la Convention, Ic s|)cctatcur interdil etait « tente de croire i I'irriiption soudainc de nouvelics hordes barbarcs, a u I'irruplion soudaine d'unc nucc dc liarpics voraces ct sangdinaircs, . accourucs pour se saisir de la revolution commc d'unc proie naturclle

• a Icur c^pcce.» 2. Gouvcrneur Morris, II, 241. Lcltrc du 23 oclobre 1792: «La populace,

« cl'iuse qui.gracc iiDicu, est inconnuc en Amerique... » — A plusieurs (vprises, il insisle sur ce trait cssentiel de la revolution franraise. — Sur cellc classe toujours vivantc, lire lo livrc si exact, si coinplet, si bicn docuniente du docleur Lombroso,• i'f/omo dclinquenle.

3 Mortimer-Tcnnux, VII. Lcltrc du depute Laplaignc, 6 juillct.

472 -LA RfiVOLUTION.

Iciir dc conscience, Tavorlon crasseux, chaiialan, mono-mane e tmeur l r i c rqu i lu i verse tons les malins le poison poliliquc, Marat, a obtenii cnfin lepouvoir discrelionnairc que depuis qualre ans il demandail, celuide Marius el dc Sylla, cclui d'Octavc, Anloine elLcpide, le pouvoir de raycr ou d'inscrire des noms sur la lisle des proscrils :« a mcsure « qu'on lisait, il indiquait des rclranchcmcnls ou des aug-« mcnlalions , ct le leclcur ciracail ou ajoulail des noms « sur sa simple indication, sans que I'Assemblee fut aucu-« nemcnt consultee^ » — k I'Hdtel de Yille, le 3 juin, dans la salle delaRcine, Pctlon et Guadct, arrCtes, voient de Icurs yeux cc comile central qui vicnt de lancer I'in-surrection el qui, par unc delegation extraordinaire, Ironc au-dessus de toutcs les autorit6s 6tablies. < lis ron(laicnt% « les uns elendus sur les bancs, les an Ires les coudes « appuy6s sur la table; les uns 6taient nu-pieds, les « aulres avaient leurs souliers en pantoudes, presque « tous mal vetus, malproprcs, lout deboulonnes, les « clieveux herisses, des ligures affreuses, des pistolcls a « leurs ccintures, des sabres et des echarpcs en ban-« doulicrc. Des bouteilles claient jetees Qa et la; des « morccaux de pain, des debris dc viande, des os jon-« cbaient le planciier; I'odeur elail infecte«; c'est I'as-pect d'un tapis franc. L i , le chef de bandc n'est pas Cliau-melle, qui a des scrupulcs dc legalite% iii Pache, qui louvoic en souniois sous Je masque de son flcgme suiss'e,

1. Meillan, 51. — Bucliez el Roux, XXVII, 3.j6. Proces-vcrbaux dcla Commune, seance du 1" juin. Dans rapres-midi. Maral vicnl a la Commune, harangue le conscil general, et donne le dernier coup d'epaulc a Tinsurrec-tion. — Yislljlemenl il a eu dans ces deux journecs (1"" el 2 juin) le premier role.

2. Pelion, 116.

3. Schmidt, I, 370. — Mortimcr-Ternaux, VI!, 391. Lcltrc dc Marchand, membre du comile central : « J'ai vu CliaumcLlc, faire tous ses clTorls • pour entraver celle revolution glorieuse,... crier, pleurer, s'arracher I'-'S « cheveux.» — Duchcz ct Roux, XXVIll, 46. Selon Saladin, Chaumelle allajusqu'u dcmandcr Tarreslation d'llebert.

L.V SECONDE ETAPE DE LA COKQUETE. 473

mais un aulrc Maral, plus grossier et surtout plus vil, Ilcberl, qui profile dc I'occasion « pour meltre « dc la braise dans les fourneaux dc son Perc Duchesne, « lire ci 600 000 excmplaircs, se fail donner 135 000 livres comme prix dcs numeros adresses aux armccs, cL gagne 75 pour 100 sur la fournilure'. — Dans la rue, le per­sonnel aclif se divisc en deux bandcs, I'une mililaire, I'aulre civile, la premiere compos6e des lape-dur qui lout h I'henrc fournironl I'armee rcvolulionnaire. « Cetlc a, armee^, qu'on croiL une inslilulion nouvelle, cxisle « (en fail) depuis 1789. Les agenls du due d'Orlcans en « formferent le premier noyau. Elle se grossit, s'orga-« nisa, rcQuldes commandants, des lieux de rcndez-vous, « dcs mols d'ordre, un argot.... Toules les revolu-« lions se sont execulces avcc son secours; die donnait « le mouvement aux violences populaires partout ou « elle ne paraissait pas en masse. Elle faisait porter le «• buste deNecker et fermer les thedlres, le 12juillcl 1789, « courir la populace i Versailles, le 5 oclobre, arreter Ic « roi dans la cour dcs Tuileries, le 20 avril 1791... u Conduile par Weslermann et Fournier el grossic par « les gal6riens de Brest et dc Marseille, elle fut Ic batail-a Ion central dc I'attaque du 10 aout 1792; elle cxecula « les massacres de scptembrc; elle a couverl les Mara-

IrMorlimci'-Tcrnaux, VH; 300. — Cf. Lc vieux Cordelier, par C. Dcsmou-lins, n° 5.

2. Mallet-Dupan, II, o2 (8 mars 1794). — Lc general en litre de rarmce revoUilionnaire fut Ronsin : « Avant la revolution, c'elail un u'autcur dc grcnicr, travaillant pour vivre ct bornanl sa gloire aux « trefcaaxo'es boulevards... Un jour, on vint lui dire : « Voire etal-major . seccndui: bien mal; aux spectacles ct parlout 11 cxcrce une tyrannic « execrable; il bat les fcmmcs, met Icurs bonnets on pieces. Voire troupe . viole, pillc, massacre. » II rcpondit : « Que voulcz-vous que j'y fasse? Jo a sais comme vous que c est un ramas de brigands ; mais il me faut de ,, ces coquins-la pour mon armee revohUioniiaire. Trouvcz-moi dos hoii.-. nfites gens qui veuillent faire cc mclicr. " (Prudhomme, Crimes de lo Revolulion, V, 130.)

474 . ' LA REVOLUTION.

« listes i\ la journce du 31 mai 1793... Sa composilion r6-« pond c'l ses exploits cL a scs. fonclions. Elle renOirme Ics « scelerals les plus delermines, Ics brigands d'Avignon, <c rccumc dc Marseille, du Brabant, dc Li6go, dc la <•<• Suisse, dc la cote de Genes. » Par un triage soigne*, on va la Ycrificr, ia fortifier, Tempirer, ct faire d'ellc un corps legal dc janissaires a triple soldc; une fois « grossic < des perruquicrs desoeuvrcs, des laquais sans place, dcs « faiseurs dc motions en plcin air, des miserablcs hors « d'etat de gagner Icur pain par un travail honiifitc, » d ie pourra Iburnir les detachenicnts qui tiendront gar-nison a Bordeaux, Lyon, Dijon, Nantes, et il .reslcra encore -« dix niille de ces mamclulvs pour contenir la « capilalc ^^. Quant au personnel civil", il comprend, d'a-bord les habitues de section que Ton va payer 40 sous

.par seance, ensuite la troupe dcs figurants qui, dans les autres lieux publics, doivent representcr le peuple, environ mille claqueurs et clabaudeurs, « dont les deux « tiers de feninies. » « Pendant tout le temps que j 'ai 616 « libra, dit Bcaulieu-, j 'a i beaucoup observe leur manege: « c'ctait une lanternc magique continuellemcnt en « mouvement. lis allaient de la Convention au Tribunal « rcvolutionnaire, ct du Tribunal rcvolutionnaire aux (c Jacobins ou 4 la Commune qui tenaient leurs seances « le soir... lis prenaient a peine le temps de salisfaire a « leurs besoins naturels; souvent on les voyait diner et « souper a Jeur poste, lorsqu'il s'agissait de quelque « mesurc generate ou de quelque assassinat important. « Comme general en chef, les deux hordes ont Ilenriot, jadis escroc, puis mouchard, puis d6tenu pour vol a Bic6tre, puis massacreur de septembrc; autrefois, .dans les carreCours, sur I'eslrade des vcndeurs d'orvictan, il

1. liuchez et Roux, XXIX, 152. • 2. Ueaulicu, Essais sur la Revolution, V, 200.

LA SECO^'DE ETAPE DE LA CONntlETE. 475

a joiio la parade en coslume de general; de la sa lenuc milifaire eL sa popularile; c'cst le parfail sacripanl, fou-jours ivre ou imbibe d'eau-de-vie. Tele de busc, voix do rogomme, ail ciignolant, visage Iraverse de lies ncrvcux, 11 a lous Ics dehors de reiiiploi. « Quand il parle, 011 « enlend dcs vocifcralions pareilles a celles des homines '« qui onl un scorbiit; line voix s6pulcrale sort de sa " boiiche, et, quand 11 a parle, sa figure ne' rcpi cnd' son c< assielte qu'apres des vibralions dans les trails; il « donne de Foeil par trois fois, el son visage reprend son c< equilibrc ^ « — Marat, Ii6bprt el Henriol, le I'ou, le coquin et la brute; sans le couteau de Gharlolle Corday, ii est presque probable que ce Irio, mailre de la presse et de la force armee, aide de Jacques Roux, Lcclcrc, Yin-cent, Ronsin et des enrages dcs bas-fonds, aiirait (dearie' Danton, supprime Robespierre et gouvcrn6 Ja France. Tcis sont Ics conseillers, les favoris etJes meneurs de la classc gouvernante-; si Ton ne savait pas ce que pen­dant quatorze mois elle .va faii-c, on pourrail, d-'apr^s sa qualite, se ligurer son gouvernemcnt.

Et pourtant, ce gouvernemcnt, tel qu'ilest, la France i'acceple ou le subil. — A la verite, par un premier mou-vcment d'horreur, Lyon, Marseille, Toulon, Nhncs, Bor­deaux, Caen, d'aulres villes encore, qui se senlenl Ic coulcau sur la gorge ', (16tournont le .coup, se soul6vcnl

I. ScliniiiJl, II, 8b. Rapport dc Dulard, 24 juin (sur Ja rcvuc passec la vcillc) : "Uiic csp6ce d'arlisan dii has rang, qui m'a paru avoir cto soldat.

II in'a nam n'avoir frequcnlc que dcs hommes dcsordonncs; je suis *. sur qu'on Irouvcrail cii lui r amourdu jcu, du vin, dcs feiumcs, cl o lout ce qui peut constilucr un mauvais sujct.«

o lJarbar(^x, 12: » Le mouvcmcnt impnmo a la rcvoluUon lend a .. fairc disparai'lrc Ics iionunes de bicn, ct a iiorlcr au Union dcs affaires i Ics homnics les plus gangrenes d'ignorance et de vices. ->

3 Lauvcrirne, IJistoirc de la Bcvolution dtins le dcparlcmcnt du Var, 170! A Toulon, "Tcspril conlrc-revolutionuaire nc ful autre cliosc que .'le'sentiiiicnt de la conservation individucUe." — Memo motif a Lyon. ("Nolliac, Souvenir de trois annccs de la Revolution a Lyon, p. 14.)

476 LA Rll:VOLUTION.

centre Icurs Jacobins locaux; mais ce n'esl li cju'un geste insUncUf; ellcs ne songont point a former des Etats dans I'Elat, commc le pretend la Moutagne, ni c\ usurper I'au-lorile centralc, comme le fait laMonlagne. Lyon crie « Yivc « la rcpublique unc et indivisible! » accueille avec lion-neur les commissaircs de la Convention, laisse passer les convois d'armes et de chevaux destines a I'armce des Alpes; pour le revoller, il faudra les exigences insensces du despotismc parisien, comme, pour insurger la Yendec, il a fallii la persistancc brutale de la persecution rcli-gicuse. Sans Foppression prolongce qui peso sur les consciences el sans le danger imminent qui plane sur les vies, aucune ville ou province ne se delacberait. M6me sous ce gouvernement d'inquisiteurs el de bourrcaux, nul.gronpe, sauf Lyon 5I la Vendee, ne fail un effort per-severant pour rompro I'union, se cantonner et vivre i part. Le faisceau national a etc Irop solidcmenl lie par la centralisation seculaire ; il y a unc patrie, et, quand la palric est en danger, quand I'etranger en armcs atlaque la frontiere, on suit le porte-drapeau, quel qu'il soit, usurpateur, aventurier, cbenapan, coupe-l6te, pourvu qu'il marche en avant et tienne le drapeau d'une main ferme ' .A lui.arracher cc drapeau, i conlester son pre-tendu droit, i l o chasscr, a le rcmplaccr, on pcrdrait la chose publique. Les braves gens sacrifient leurs repu­gnances au salul commun, e(, pour servir la Frc\ncc, servent son indigne gouvernement. - Au comite de la guerre, les officiers de g6nic ct d'6lat-mojor, qui passeni loursjournces aetudier la carte, ne songent qu';Y la bien

" c i n u i T r ? " ' ' ! ^ ' " ' 305.Lellrodu 21 Janvier 1794 : .£n ailmcUant - veri e el ZJ V'T ^ ' ' ' ' ' ' P^''^°""^^ ' i«" P'acees pour connailrc la « a io r ' o " " • ? ' ' " " ' "''"-'^ ' P^^" ' '- '« -n.raircMc lour

« q..atre-vin-t-dk no ,f - ? " " ' " " ' ""'"'^^ inconlesLable que les

LA SECO-XDE liTAPE DE LA COesQUJ^TE. 477

lire; I'lin d'ciix, d'Arron, « a dirige la levee du sibge do « Dunkcrquc ct Ic deblociis dc Maiibeuge'; persoiine ne « le surpassc en penelralion, en connaissances pratiques, « en prompliliide de coup d'ail et en imaginalion; « c'est unc Cimc de feu el unc tete petrie de ressourccs. « — Je parle dc lui, dit Mallel-Dupan, par une liaison in-

''« limededix annees; il n'est pas plus revolulionnaireque « moi. » Carnot fait davanlage; il donne son honneur, en signant, avec ses collfegues du Comitd dc salut public, avcc Billaud-Varennes et Couthon, avec Saint-Just et •Robespierre, des arr^les qui sont des assassinats. Un d6-vouemenl cgal jette dans les armies les recrues par cen-laincs dc" mille, bourgeois* et paysans, depuis les volon-taires dc 1791 jusqu ' i la requisition dc 1793, et ceux-ci combattent, non seulemcnt pour la France, mais encore ct surlout pour la revolution. — Car, a present que Tepee est tiree, Texasp^ralion mutuclle ct croissanle n'a laisse debout que les partis extrSmes. Depuis le 10 aoiM et sur­lout depuis le 21 Janvier, il ne s'agit plus de trailer avcc I'ancien regime, d'en 61aguer les portions mortes ou les

. 1, Mallet-Dupan, II, 44. 2. Enlre autres documents, la letlre suivante montrcra la condition

dos rccrues, surlout des recrues de 1791, qui furent de beaucoup les nieillcures. (Lcltre des officiers municipaux de Dorat, 28 d6cembrc 1792, Archives nationales, F' , 3275): a La commune de Doral.est composee de « Irois classes dc citoyens. La plusriciic, formcJe des personnes enl6tecs des' « preiugcs de I'ancien regime, avail ctd desannee. La seconde, composee • de gens aiscs, occupo les places d'administration; c'est conlrc cllc « que se dirigcait la furcur des malveillanlsj encore, cc qiCil y avait . dans cetle clause de capable dc resislcr est alle combatti'c I'cmicmi « du dehors. Enfin la troisi6me, qui est la plus nombreuse, est composco .« parlie des sedilieux, partie d'ouvriers, qui, n'osant se mCler a la « revolte, convoitaienl la taxe des grains. « — Toulongcon, Ilisloire de f ranee depuis la Rcvoliitio7i, IV, 94: « II ne faut pas degrader une u nation' en lui supposant des motifs bas et unc crainte servile. Co fut au . conlraire un instinct relevo de salut public dont chacun se senlit interieu-. rement penelre.» —Gouvion Saint-Cyr, iWmoiVcSj I, 55: «Unjeunehomme_ « aurail rougi de rcster dans ses foyers, quand I'indopendance nalionale « paraissait mcnaccc : chacun abandonna ses eludes, sa profession. •

478 . LA REVOLUTION,

epincs blessanles, dc raccommoder aux besoins moclcrncs, d'etablir regalitc civile, la mouarchie tempcrcc, le gou-vernement parlemcnlaire. II s'agit de ne pas siibir la con-qut^le a main armce, Jes excculions milUaires de Bruns­wick , la vengeance dcs Emigres prosci'its,la restauralion et I'aggi'avalion de I'ancien ordrc.feodal et fiscal. Get ordre ancien, la grosse masse ruralc Ic liait, par experiencd' et tradition, de toute la liaine acciimulee que pcutenfan-ter une spoliation incessante et s^culaire; i aucun prix, clle ne soutTrira le rclour du collecteur, du rat-de-cave et du gabelou, et, pour elle, I'ancien regime n'est que ccla; car, depuis la r6volulion, elle ne paye plus ou pres-que plus d'impots. Li-dessus son idee est faite, fixe, inebranlablc; sit6t qu'cUe apcrcoit dans le loinlain le rclablissement possible de la laillc, de la dime el dcs droits seigneuriaux, son parli est pris : elle se bat i\ mort. — Quant aux artisans et petits bourgeois, ils- ont pour stimulant la grandiose perspective de la carrierc ouverte a deux battants, de I'avanccment illimitc, dcs grades offerts au merite; mais surtout Icurs illusions sont encore intactes. La-bas, au camp, devant I'enncmi, Ics nobles idees g6nerales, qui, entre Ics mains des dema­gogues parisiens, sont dcvenues dcs prostiluces sangui-naircs, rcstent dcs vicrgcs purcs dans I'imaginalion dc rofficicr et du soldat. Liberte, 6galite, droits dc I'liomme, avcnement de la raison, loules ccs vagucs et sublimes images flottent devant leurs ycux quand ils gravissent sous lamilraille I'escarpement dc Jcmmapcs, ou quand ils bivernent, pieds nus, dans la n'eige dcs Yosges. Ellcs no se sont pas souillecs et dcformccs sous leurs i3as, en lom-bant du cicl en terre; ils ne Ics ont pas vacs se changer dans leurs mains en hideuscs caricatures. Ils nc foi'it point

- 1. Gouvion Saint-Cyr, 1,56: «Le manifesto de Brunswick donna a la France 1 ^ "!• • ''''"^ l^alaillons, qui, en moins de Irois semaines-, furcnt loves, * armcs et mis en route. »

. LA SECOKDE ETAPE DE LA CO^^QUJilTE. 479

le sale menage qiiolidien de lapolilique et dc laguilloline. lis nc soiit.pas des piliers de club, des braillards de sec­tion, dc^ inquisHcurs de comit6, des • d6nonciateiirs a prii*ne, des poiirvoyeurs de I'^cliafaud. Hors du sabbat revolutionnaire, ramenes an sens commiin par la pre­sence du danger, ayant compris I'inegalit^ des talenls et la ncccssile de I'obeissance, ils font ocuvre dhommes, ils' palissent, ils jctlncnt, ils alTronlent les ballcs, ils ont con­science de leur desinl6ressemenL et de Icnrs sacrifices, ils sont des heros 'et ils peuvents'envisager commedes libc-rateurs. Sur celte idee, leur orgueils'exallc. Selon un grand observateur^ qui a connu leurs survivants, « beaucoup « d'enlre eux croyaient que les Francais seuls 6taient des cc filrcsraisonnables... A nosyeux, leshabitanlsdurestede « I'Europe, qui se battaient pour conserver leurs chaines, « n'ctaient que des imbeciles piloyables on des fripons « vendus aux despotes qui nous atlaquaient. Pitt et Co-« bourg nous scmblaient le5 fhefs de ces fripons... et la « personnification de lout ce qu'il y a de Irailre et de stu-« pide au monde... En 1794, notrc sentiment interieur et « s6rieux elait lout renferm6 dans celle idee : etre utile a a la 2J CI trie. Toul le resle, I'habit, la nourrilure, ravancc-ci ment, (^lait ti nos yeux un miserable detail ephemere, « Comme il n'y avait pas de sociel6, les succes desociete, (c chose si principale dans le caraclere de notre nation, a njexistaient pas. Nos scutes r6unions elaient des f6tcs, « des ceremonies louchantes qui nourrissaient en nous « ramour de la patrie. Dans la rue, nos yeux se rcmplis-« saient de larmes, en renconlrant une inscription en « I'honneur du jcunc tambour Barra... Cc sentiment fut « notrc seule religion, « mais il en fut une. Lorsque dans

1. Sur ces senlimcnls, cf. Gouvion Saint-Cyr, Mcmoircs, cl Fcrvcl. Campufjncsxle la Rcvolulion frannaise dans les Pyrenees Oricniaks.

2. Stendhal, Mcmoires sv,r Napoleon.

4S0 LA REVOLUTION.

line nation le coeur est si Iiaut', elle se sauve, malgr6 ses gouvernants, quelles que soient leurs extravagances et quels que soient leurs crimes; car elle racliete^leur inep-tie par son courage et couvre leurs forfails sous ses' ex­ploits.

L Gouvion Saint-Cyr, Memoires,^^. 43 : « Lc patriolisme siipplea a tout;.? H lui seul nous a donne la vicloire. el cclle-ci a pourvu aux plus indispen-a Babies Lctoins. »

K I . N .

TABLE DES MATIERES.

PREPACE.

LIVRE PREMIER.

LES JACOBINS.

ClIAPITRE I

Formation du nouvel organe politique. — I. Principe du parti r^volutionnaire. — Ses applications, p. 4. — II. Formation du Jacobin. — Les ^Idments de son caractiire consid^rds dans I'espece humaine. — Dans toute societd, I'orgueil et le dogma-tisnie sont froisses et rfivolt^s. — Comment ils sont contenus dans les socidtes bien assises. — Comment ils se ddveloppent dans le rdgime nouveau. — Effet du milieu sur les imaginations et les ambitions. — Provocation h I'utopie, d(5bordement de la parole, derangement des idees. — Vacance des places, appel aux convoitises, deroglement du occur, p. 9. — III. Psychologie du Jacobin. — Son proc6d6 intellectuel. — Domination des formules et suppression des faits. — Alteration de Tequilibre mental. — Indices de cette alteration'dans le style revolution-naire, — Langue et portde d'esprit du Jacobin. — En quoi son procdde est malfaisant. — En quoi il est efficace. — Illusion qu'il produit, p. 18. — IV, Promcssos de la th6orie. — Com­ment elle flatte I'amour-propre souffrant. — Passion maitresse du Jacobin. — Indices de cette passion dans son style et dans sa conduite. — A ses yeux, il est seul vertueux ct ses advcrsaires sont des scdldrats. — En consequence il doit les supprimer.

LA REVOLUTION. 1 1 — 3 1

482 TABLE DES MATIERES.

Acbfevement de ce caractere. — Perte du sens comtnun et perversion du sens moral, p. 2k.

ClIAPITRE II 3 3 ' 1. Formation du parti. — Ses recrues. — EUes sont rares dans la

classe sup^rieure et dans la grosse masse populaire. — Elles sontnombreuses dans la bourgeoisie moyenne et dans la couche supSrieure du peuple. — Situation et Education qui enr61ent un homme dans le parti, p. 33. — II. Les associations spontandes aprfes le 14 juillet 1789. — Comment elles se dissolvent. — Retraile des hommes senses et occupds. — Nombre des absents aux Elections. — Naissance et multiplication des societSs jaco-bines. — Leur influence sur leurs adhdrents. — Leurs manoEsu-vres et leur arbitraire, p. 39. — III. Comment elles entendcnt la liberty de la presse. — Leur role politique, p. 49. — IV. Leur centre de rallicment. — Origine et composilion de la soci6t4 de Paris. -^ EUe s'affilie les soci^les de province. — Ses meneurs. — Les fanaliques. — Les intrigants. — Leur but. — Leurs moyens, p. 55. ^ V. Petit nombre des Jacobins. — Sources de leur puissance. — lis font uneligue. — lis ont la foi. — lis sont exempts de scrupules. — Dans I'int^rieur du parti, la pr6pondti-ranee appartient au groupe qui remplit le mieux ces conditions, p. 62.

LIVRE II.

LA PREMIERE ETAPE DE LA CONQUETE.

CllAPlTRE* 1 72

Arriv^e des Jacobins au pouvoir. — Elections de 1791. — Propor­tion des places qu'ils ont conquises. — I. Leurs instruments de siege. — Moyens employes pour rebuter la majority des dlecteurs et les candidats mod^r^s. — Frequence des Elections. — Obliga­tion .du serment, p. 72. — II. Dugouts et dangers des fonctions publiques. — Les Gonstituants exclus de la Legislative, p. 75. — III. Le droit de reunion retire aux amis de Tordre — Vio­lences centre leurs cercles, k Paris et en province. — Interdiction legale des associations conservatrices, p. 78, — IV. Violences aux Elections de 1790. — Les Elections de 1791. — Effet de I'^va-sion du roi.— Les-visites domiciUaires. — Mortagne pendant la p6node ^kctorale, p. 83. - V. Intimidation et retraite des mo-aeres. - Explosions populaires en Bourgogne, dans le Lyonnais,

TABLE DES MATIERES. 483

en Provence et clans les grandes villes. — Precedes electoraux des Jacobins. Exemples a Aix, Dax et Montpellier. — Impunity des perlurbateurs. —' Ddnonciatlons nominatives. — Manoeuvres

" sur les paysans. — Tactique g6n6rale des Jacobins, p. 88.

GllAPITRE II 94

I, Composition de I'Assemblde legislative. — Rang social des d6-put6s. — Leur inexperience, leur insuffisance, leurs pr^juges, p. 9k. — IT. Degr6 de leur intelligence et qualitd de leur culture, p. 99. — III. Aspect de leurs stances. — Scfenes et parades de club. — Cooperation des spectateurs, p. 102. — IV. Les partis. — Le cole droit. — Le centre. — Le c6t6 gauche. — Opinions et sentiments des Girondins. — Leurs allies dc Textrfime gauche, p. 106. — V. Leurs moyens d'action. — Dispersion du club des Feuiliants. — Pression des tribunes sur I'Assemblee. — Atlrou-pemenls an dehors, p. 110. — VL •Manoeuvres parlementaires. — Abus dc I'urgence. — Vote du principe. — Appel nominal. — Intimidation du centre. — Abstention des opposants. — Op­pression definitive de la majorit<5, p. 113.

ClIAPlTRE i n 116

1. Politique de I'Assemblde. — Etat de la France a la fin de 1791. — Impiiissance de la loi, p. 116. — II. L'Assemblee hostile aux opprim6s et favorable aux oppresseurs. — D^crels contre la no- -blesse et le clergS. — Amnistie aux d^serteurs, aux gal6riens et aux bandits. — Maximes anarchiques et niveleuses, p. 122. — III La guerre. — Dispositions des puissances 6trangferes. ^ R6pu"-iiances' du roi. — Provocations des Girondins. — Date et cause's do la rupture, p. 129. — IV. Motifs secrets des meneurs. — Leur ascendant compromis par la paix. — Mecontentemcnt , J (,]jis'se ais6e et cultivde. — Formation et accroissement du

,.. ,g I'ordre. Rapprochement du roi et de ce parti, p. 137. » ^V Ffl'et de la guerre sur la plfebe. — Ses alarmes et sa fu-

'~' . 1 Le second accfes de revolution et ses caracteres. — Al-r^ n re des Girondins et de la populace. - Le bonnet rouge ot

• iianoe ^ Substitution universelle du gouvernement de la t r r c f a u " o u v e n « m e „ t d e l a I o i , p . U 3 .

150 ClfAPITRE IV los 'departements . -I .Exemple la Provence en 1792. - Domi-

rTn nrecoce des Jacobins a Marseille. — Composition du " _- Le club et la municipality. — Expulsion du regiment

' K est P 150 — ^ - Expedition des Marseillais k Aix.— • TP regiment desarm6. - Le directoire chass6. - Pression sur le directoire nouveau, p. 156. - III. Les constitutionnels

484 TABLE DE£ MATIERE3.

d'Arlc:-. — ExpcdiLion des Marseillais conlrc Aries. — Lcurs execs dans la ville et aux environs. — Invasion d^Apl, Ic club cl SOS volonlaires, p. 160. — IV. Les Jacobins d'Avignon. - Com­ment leur arnice s'est recrulde. — Lours brigandages dans le Comlat. — La municipalit6. d'Avignon en fuilc ou en prison. -Mcurlre de Ldcuyerel massacre de la Glacidre. — Ucnlrcc dcs massacrours soulenus par lcurs allids marscillais. - - UiclaUiro des Jacobins dans le Vaucluse et les Bouchcs-du-Hliunc, y. 16S. — V. Les aulres ddpartements. — Procddd uniforme do la con-quite jacobine. — Formation anticipde de I'Etat jacobin, p. 177.

CHAPITRE "V 1^^

Paris. — L Pression de I'Assemblee sur le roi. — Son veto annu!6 ou 61ud6. —Ses ministres insuUds et chassds. — Usurpations de ses ministres girondins. — II les rcnvoie, — Pr6paratifs d'dmeute, p. 186. — 11. La population floltante ct indigenle de Paris. — Dispositions des.ouvriers. — Effet du cUamage el do la misere. — Effet de la predication jacobine. — L'arm^o riivolu-tionnaire. — Quality de ses recrues. — Sa premiere revue. — Son effeclif rdel, p. 191. — III. Ses chefs. — Leur coiniti^. — Leurs precedes d'excitation, p. 195. — IV. Le 20 juin. — Le programme. — Le rassemblement. — Le defili devant rAsscin-bl6e. — L'irruplion dans le chdteau. — Lc roi en prciscnce du pouple, p. 199.

CHAPITRE VI 210

I. Indignation des constitutionnels. — Cause de leur faiblcssc. — Les Girondins recommencent Tattaque. — Leur double plan, p. 210. — U. Pression sur le roi. — Piition et Manuel ramends a I'llolel dc Villc. — Les ministres obliges de se demettrc. — Agitation jacobine contre le roi. — Pression sur TAssemblee. — Petition de la Commune de Paris. — Menaces des petition-naires et des galeries. — Seance du 8 aout. — Double c chec da la straldgie girondine, p. 21i. — III. Les Girondins ont Iravailld pour les Jacobins. — La force armec eloignde ou ddsorganis6e. — Appcl des fdddrds. — Les Brestois et les Marscillais. — Pu-blicit6 des stances des corps administratifs. — Permanence des corps administratifs et des sections. — Effet de ces deux mc-sures. — Le bureau central des sections k I'lldtel de Ville. •— Origine ct formation de la Commune rdvolutionnaire, p. 219. -iV. \ ams efforts des Girondins pour enrayer. - Alarmes des i T « nar; cf ^^^^* "' ^ '^ ' programme, p. 227. - V. Soiree catfon 1 r 7 T T " ^ ^ '°^'^- - ^^^"""^^ ^'^ 10 ao^'t. - P u r -

- U s sectfonT ' i ' ' P- '''' - ^^- ^^ ""^^ ^ ^ 9 au VO aout. secuons. - Les commissaires des sections k rilutel de

TABLE DES MATIERES'. 485

Ville. — La Commune rcvolulionnaire se substitue h. la Com­mune Ic^gale, p. 235. — Vll. Le 10 aout. — Forces du roi. — Dissolution de la rdsislance. — Le roi dans I'Assemblde nationale. -r- Rixe au chAtcau ct d^charge des Suisses. — Le chdleau ( ,va-cu6 par I'ordre du roi. — Les massacres. — L'Assembl6e esclave et ses d(5crets, p. 240. — VIIl. Etat de Paris pendant I'interrfegne. — La grosse masse de la population. — Les Jacobins subalternes. — Les meneurs jacobins, p. 251.

LIVRE III.

LA SECONDE ETAPE DE LA CONQUETE.

GllAPITR. 1 26.3

• I.Gouverncmcnl dos baudes en Icmps d'anarchie.— Cas ou I'anar-chie est rdcenle ct soudaine. — La bande heritiere du gouver-nement ddclui et do son outillage administratif, p. 263. — n . Formation de I'idde nieiirtrifere dans le gros du parti. — Le lendemain du 10 aout. — Le tribunal du 17 aout. — La fole fun6bre du 27 aoilt. — Ldgende du complot des prisons, p. 266. — III. Formation de I'idde meurtrifere chez les meneurs. — Leur situation. — Pouvoirs qu'ils usurpent.— Spoliations qu'ils exer-cent. — Dangers qu'ils courent. — Lcur salut est dans la ter-reur, p, 273. — IV. Date de la premeditation. — Les acteurs ct les r61es. — Marat. — Danton. — La Commune. — Ses collabo-rateurs. — Concordance des volontes et facilitd de rop6ration, p. 281. — V. Les manoeuvres. — Leur nombre. — Leur condi­tion,— Leurs sentiments.— EfFet du meurlre surles meurtriers. — Leur degradation. — Leur hebetement, p. 294. — VL Effet du massacre sur le public. — Affaissement universel et dissolu­tion sociale. — L'asccndant des Jacobins deviant ddfinitif k Paris. —'Les septembriseurs maintenus h la Commune et nommes a la Convention, p. ?07.

Cll.' PlTRE II 313 Les departements. — Caract^re epidemique et contagieux de la

mo'adie r^volutionnaire. — L Son principe est le dogmo jacobin de la souverainete du peuple. — Proclamation officielle du noliveau droit. — Definition publique diinouveau regime. —

- Son objet, ses adversaires, ses precedes. — De Paris, il se pro-paf c en province, p. 314. — II. En pliisieurs doparlements, il , s'est etabli, d'avance. — Exemple dans le Var, p. 317. — III. Dic-tatnrc de cliaque peloton jacobin dans son endrolt. — Saint-

485 TABLE DES MATIERES.

Affrique pendant I'interrfcgne, p. 321.— IV. Pratiques ordinaires de ladictaturejacobme. — La bande sedenlaire des clubistes. — Son personnel. — Ses mencurs, p. 326. — V. La ba.ide ambu-lante des volontaires. — Qualites des recrues. — Election des officiers. — Brigandages et assassinats, p.. 330. — VL Un lour de France dans le cabinet du ministre de I'intdrieur. — Dc Car­cassonne a Bordeaux. — De Bordeaux a Caen. — Le Nord et I'Est. — Pe Clialons-sur-^larne a Lyon. - Le Comtat et la Pro­vence. — Ton et rdponses des administrations jacobines. — Programme du parti, p. 335.

ClIAPITRE III 36^

I . La seconde 6tape de la conquete jacobine. — Grandeur ct mul­titude des places vacantes, p. 356. — IL Les Elections. — Appcl au scrutin des jeunes gens el des indigents. — Danger des mo-d6rc3 s'ils sent candidats. — Abstention de leurs chefe — Pro­portion des absents aux assemblees primaires, p. 370. — III. Composition et ton des assemblees secondaires. — Exclusion des electeurs feuillants. — Pression sur les auLres clecteurs. — Les elus des modir^s sent obliges de se d^meltre. — Annulalion des elections catholiques. — Scission des minorites jacobines. — Validation do leurs dlus. — Dcsaccord des choix officiels et do I'opinion publique, p. 374. — IV. Composition de la Convenlion nationale. — Nombre primitlf des Monlagnards. — Opinions et sentiments des d6put6s de la Plaine. — La Gironde. — Ascen­dant des Girondins dans la Convention. — Leur esprit. — Leurs principes. — Leur plan de constitution. — Leur fanatisme. - -Leur sinc6rit6, leur culture et leurs goOts. — En quoi lis se si-parent des purs Jacobins. — Comment ils entendent la souve-' rainetfe du peuple. — Procedure qu'ils imposenl a I'initiative des individus et des groupes. — Faiblcsse du raisonnement phi-losophique et de I'autoriti parlemenlaire en temps d'anarchie, p. 378. — V. L'opinion a Paris. — La majoritd do la population reste constitutionnelle. — Impopulariti du regime nouvea®. — Haretd et cherts des denries. — Froissement des habitudes ca­tholiques. — D(^safrection universelle et croissante, — Aversion ou indifference pour les Girondins. — Demission politique de la majority. - - Incompatibility des moeurs modernes et de la d6-mocratie directe. — Abstention des propridtaires et des rentiers. — Abstention des industriels et des boutiquiers. — DK'i^ion, timiditd, impuissance des mod6r6s. - Les Jacobins forme-nt seuls le peuple souverain, p. 389. - VI. Composition du parti. - Son

' n.f'?! L ? •,? " "" '' ^ ^^^^^^"t. - Les artisans subalternes, les flWnrc ? ^ ' ' ^' '. domestiques. - Les ouvriers viveur^ et bandt, ~ / % « i l " a ' l l e suburbaine. - Les chenapans et les bandits. - Les filles. - Les septembriseurs, p. 399. - VII. Le

TABLE DES MATIERES. 487

{iersonnagc regnant. — Son caraclcre et sa portee d'esprit. — Les idtJes politiques de M. Saule, p. 407.

ClIAPITRE' IV 413

Skuation pr6caire d'un gouvernenient central enferme dans une juridiction locale. — I. Avantages des Jacobins. — Leur predo­minance dans les assemblies de section. — Mainlien, reelection et achfevement de la Commune. — Ses nouveaux chefs, Chau-melte, Mebert et Pache. — Refonte de la garde nationale. — Les Jacobins 61iis officiers et sous-officiers. — La bande soldee des tape-dur. —Fonds publics et secrets du parti, p. '*15. — IL Ses recrues parlemenlaires. — Leur caract6re et lour esprit. — Saint-Just.— Violences dela minority dans la Convention. — Pression des galeries. — Menaces de la rue, p. 419. — III. Defections dans 4a inh}onl6. — Effet de Ja peur physique. — Effet de Ja timidit(i morale. — Effet do la neccssiie politique. — Defaillance interne des GirSndins. — Par leurs principes, ils sent complices des Mon-tagnards, p. 428. — IV. Principaux d^crels de la majoritegiron-dine. — Amies et moyens d'attaque qu'elle livro h ses adver-saires, p. 434. — V. Les comites de surveillance i partir du 28 mars 1793.— Restauration du regime d'aoiit et de septembre 1792. — Le ddsarmement. — Les certificats de civisme. — L'en-rolement force. — L'emprunt force. — Emploi des sommes per-gues. — Vaine resistance de la Convention. — Marat, decrete d'accusation, est acquitte. — Vaine resistance de la popula­tion. — La manifestation des jeunes gens est reprimee. — Vio­lences et victoire des Jacobins dans les assembiees de section, p. 436. — VI. Taclique des Jacobins pour contraindre la Con­vention. — petition du 15 avril contre les Girondins. — Moyens employes pour obtenir des signatures. — La Convention declare la petition calomnieuse. -^ La commission des Douze et Tarres-tation d'llebert. — Projets de massacre. — Intervention des chefs de la Montagne, p. 447. — VII. Le 27 mai. — Le comiie central rdvolutionnaire. — La municipalitd deslituee, puis rein-stiTUee. — Henriot commandant general. — Le 31 mai. — Mesures de la Commune. — Le 2 juin. — Arrestation des Douze et des Vingt-deux, p. 456. — VIIL Qualite des liou-veaux n-ouvernants. — Pourquoi la Franco les a suivis, p. 470.

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