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Kazepov-2014-Les nouvelles frontières de la citoyenneté sociale Les villes au sein de dispositifs...

Date post: 22-Feb-2023
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SociologieS Dossiers, Les échelles territoriales de l’intervention sociale ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Yuri Kazepov Les nouvelles frontières de la citoyenneté sociale Les villes au sein de dispositifs de gouvernance multi-niveaux en Europe ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Yuri Kazepov, « Les nouvelles frontières de la citoyenneté sociale », SociologieS [En ligne], Dossiers, Les échelles territoriales de l’intervention sociale, mis en ligne le 10 novembre 2014, consulté le 14 novembre 2014. URL : http://sociologies.revues.org/4819 Éditeur : Association internationales des sociologues de langue française (AISLF) http://sociologies.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://sociologies.revues.org/4819 Document généré automatiquement le 14 novembre 2014.
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SociologieSDossiers, Les échelles territoriales de l’intervention sociale

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Yuri Kazepov

Les nouvelles frontières de lacitoyenneté socialeLes villes au sein de dispositifs de gouvernancemulti-niveaux en Europe................................................................................................................................................................................................................................................................................................

AvertissementLe contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive del'éditeur.Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sousréserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue,l'auteur et la référence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législationen vigueur en France.

Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'éditionélectronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV).

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Référence électroniqueYuri Kazepov, « Les nouvelles frontières de la citoyenneté sociale », SociologieS [En ligne], Dossiers, Les échellesterritoriales de l’intervention sociale, mis en ligne le 10 novembre 2014, consulté le 14 novembre 2014. URL :http://sociologies.revues.org/4819

Éditeur : Association internationales des sociologues de langue française (AISLF)http://sociologies.revues.orghttp://www.revues.org

Document accessible en ligne sur :http://sociologies.revues.org/4819Document généré automatiquement le 14 novembre 2014.

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SociologieS

Yuri Kazepov

Les nouvelles frontières de la citoyennetésocialeLes villes au sein de dispositifs de gouvernance multi-niveaux en Europe

Introduction1 La dimension territoriale de la citoyenneté sociale et le rôle des villes en tant qu’éléments

de base des stratégies d'inclusion sociale ont longtemps été des perspectives négligées dansl'analyse comparée des politiques sociales. Inversement, dans les études urbaines, l'importancedes systèmes de réglementation nationaux a été minimisée et le fait que les villes y sont parnature imbriquées n'a longtemps pas été pris en compte. Cette situation a de quoi surprendrepuisqu’étymologiquement et historiquement, les deux termes sont fortement liés, les villesétant des laboratoires sociaux où se forgeaient les citoyens en tant que porteurs de droits et dedevoirs. De façon plus générale, les chercheurs ont considéré pour acquis que les systèmes decitoyenneté étaient liés au niveau national. Mais ceci est moins étonnant. En fait, l'inclusionde communautés redistributives qui définissent les frontières de la citoyenneté sociale s'estprincipalement développée par le biais de programmes d'assurance sociale réglementés auniveau national qui, dans tous les pays, absorbent encore de nos jours la plupart des ressourcesdestinées aux politiques sociales. On croyait aussi que les politiques nationales pourraientaplanir les différences locales. Dans ce scénario, les services fournis au niveau local oules politiques de protection sociale traditionnellement réglementées au niveau local, étaientconsidérés comme résiduels.

2 À partir de la fin des années 1970, de profonds changements structurels se sont produits. Ils onttransformé la structure socio-démographique de la population, la structure socio-économiquedes marchés du travail et les systèmes de production. Ces changements ont bousculé lecontrat social fondateur des régimes de citoyenneté dans les pays européens, affectant ainsi lefonctionnement des institutions de protection sociale (Rhodes & Mény, 1998) et leur efficacité.Plus spécifiquement, ils ont influencé la manière dont les risques sociaux se réalisent et lacapacité des politiques sociales à réagir face à ces risques, qu’ils soient nouveaux ou anciens,s'en est trouvée ébranlée (Castel, 1995 ; Taylor-Gooby, 2005 ; Bonoli, 2006 ; Ranci, 2010).

3 Ces transformations ont donné lieu à d'importants processus de réorganisation des politiquessociales, qui redessinent les frontières de la «  citoyenneté sociale  ». Au cours des deuxdernières décennies, une intense activité réformatrice s’est développée autour de deux grandsaxes  : d'une part, les réformes ont modifié les dimensions des territoires pour lesquels lespolitiques sociales sont conçues, gérées, financées et mises en œuvre ; d'autre part, elles ontfait augmenter le nombre et le type d'acteurs impliqués dans ces mêmes activités (Kazepov,2010). L'effet conjoint de ces deux processus a entraîné une décentralisation des pouvoirs deréglementation et un renforcement du rôle des acteurs non gouvernementaux.

4 Cet article vise à explorer les frontières mouvantes de la citoyenneté en tenant compte deces deux changements et du processus de subsidiarisation sous-jacent. Partout en Europe, lacroyance dominante sur laquelle reposent la rhétorique et le discours sur la subsidiarité est queles meilleures solutions à tous les problèmes consistent à se tourner vers le niveau local ou àparvenir à des arrangements entre plusieurs acteurs. Il se peut que cette solution ne soit pas labonne en soi mais quoi qu'il en soit, elle accorde aux systèmes locaux de protection socialeune importance de plus en plus grande.

5 Des chercheurs ont commencé à mieux intégrer la dimension territoriale et le nouveau rôle desvilles et des systèmes locaux de protection sociale dans les processus d'exclusion, de cohésion/inclusion et de citoyenneté sociales (Kazepov, 2005, 2010 ; Andreotti et al. 2012 ; Eizaguirre etal. 2012). Dans cet article, j'étudierai ce qu'implique le changement de configuration d'échellesde territoires et les arrangements de la nouvelle gouvernance et je proposerai une descriptionterritorialisée des régimes de citoyenneté dans quelques pays européens, en envisageant les

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systèmes de protection sociale à la fois dans leur dimension verticale et horizontale. Lessources utilisées sont multiples et je me référerai également aux résultats de différents projetsauxquels j'ai participé au cours des dix dernières années 1. Dans la première partie, j'aborderaila relation entre citoyenneté, politiques sociales et production d'échelle. J'examinerai commentla définition de nouvelles frontières de réglementations établit de nouvelles collectivitésde redistribution, avec des conséquences spatiales. Dans la deuxième partie, je présenteraiquatre régimes scalaires (scalar regimes) complétant une vision nationalisée des modèlesde citoyenneté et de politique sociale avec une dimension territoriale souvent négligée. Latroisième partie consistera en une présentation comparative des similitudes et des différencesentre les relations d'échelle et le rôle des différents acteurs dans les différents régimes scalaires.L'hypothèse est que le processus de subsidiarisation est une rhétorique normative convergentedans la plupart des pays européens, mais que les résultats divergent. En conclusion, jeprésenterai les perspectives et les écueils qui accompagnent le nouveau rôle que les villes etles systèmes locaux de protection sociale acquièrent en devenant des laboratoires sociaux.Je plaide pour que l'effet de synergie des politiques à différents niveaux territoriaux et lesdifférences existant au sein des pays soient envisagés en tant que dimensions-clefs pourcomprendre les répercussions des changements.

Les frontières mouvantes de la citoyenneté, les ressorts duchangement, échelles et ambiguïtés

6 Selon Jane Jenson, «  la citoyenneté implique l'expression de valeurs de base qui ont traitau mélange des responsabilités. Les limites des responsabilités de l'État sont définies et sedistinguent de celles des marchés, des familles et des communautés » (c'est moi qui souligne)(Jenson, 2007, p. 58). Je rejoins Jane Jenson, en particulier sur le point suivant :

« à travers la reconnaissance formelle des droits et des devoirs particuliers (civils, politiques,sociaux et culturels ; individuels et collectifs), un régime de citoyenneté identifie les personnes quiont droit au plein exercice de leur citoyenneté et celles qui, en réalité, ne disposent que d'un statutde citoyen de seconde classe et les non-citoyens. Un tel régime trace les limites et les frontièresde l'inclusion et de l'exclusion d'une communauté politique ».

7 Jusqu'à récemment, ce pouvoir de réglementation était rattaché à l'État national. Toutefois, lesautres échelles deviennent de plus en plus pertinentes et acquièrent un rôle plus important quele simple rôle d'exécutant, érodant les prérogatives nationales. Le débat entourant le conceptd'échelle précise la nature des processus de changement, ce qui permet de dépasser aussi l'idéeque les systèmes de citoyenneté et les territorialités de l'État constituent une base immuable dudéploiement des processus de réglementation. En termes généraux, le terme « échelle » peutêtre défini comme « ce qui résulte du balisage des territoires [...] au moyen de frontières et delimites, de documents et de règles, d'agents exécutoires et de sources officielles » (Marston,Jones III & Woodward, 2005, p. 420). L'échelle peut aussi être définie comme « une hiérarchied'espaces imbriqués, clairement délimités et de différentes tailles » (Delaney & Leitner, 1997,p. 93). L'important est de comprendre les raisons et les leviers de ces transformations, leurorientation et leurs conséquences potentielles.

8 Dans cet article, je me contenterai de mettre en lumière quelques caractéristiques qui,selon moi, sont cruciales pour structurer notre compréhension des changements. Il s'agitd'établir quelques liens entre les différents courants de recherche, de lancer un dialogueinterdisciplinaire sur la question et de voir comment ces courants peuvent s'enrichirmutuellement pour comprendre le rôle émergent des villes et des dispositifs locaux deprotection sociale. Le débat sur la question de l'échelle territoriale a débuté au milieu desannées 1990 en géographie humaine et économique et dans d'autres disciplines proches. Lescourants politico-économiques considèrent généralement que les moteurs du processus sontliés au besoin de créer, au sein du capitalisme, des conditions favorables à l'accumulationde capital (Somerville, 2004). Le changement d'échelle est plus spécifiquement considérécomme une tentative de trouver une nouvelle organisation territoriale pour le développementdu capitalisme (Peck & Tickell, 1994  ; Brenner, 2004), c'est-à-dire de nouvelles échellesdans lesquelles les configurations réglementaires favorisent le développement d'un cadre

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néolibéral pour des activités économiques. L’objectif de ces analyses n'était pas d'expliquerles changements survenus dans les régimes de citoyenneté (voir Jessop, 2008).

9 Que se passe-t-il lorsque nous utilisons le concept d'échelle pour étudier les régimes decitoyenneté par le biais des politiques sociales  ? Les politiques sociales jouent un rôleimportant car elles tracent les contours des régimes de citoyenneté. Elles identifient lescritères d'accès à certaines prestations : certains individus, familles, communautés, groupessont inclus dans des collectivités données, d'autres en sont exclus. Ce faisant, elles nourrissent,depuis le tout début de la construction de l'État-nation, la légitimité et l'identité de cedernier (McEwan & Moreno, 2005). Jusqu'à présent, les politiques sociales ont structuré descommunautés redistributives grâce à la compétence et au pouvoir des États à définir des cadresréglementaires attribuant des devoirs et des droits et redistribuant des ressources (Kazepov,2010). Dans cette perspective, l'État-providence peut être considéré comme la dernière étaped'une évolution historique de longue durée (Ferrera, 2005). La difficulté, cependant, est quele lien territorial des communautés politiques est en train de changer d'échelle et déplaceles capacités redistributives de l'État à la fois vers le haut, c'est-à-dire vers les organessupranationaux (principalement l'Union européenne) et vers le bas, c'est-à-dire vers les organesinfranationaux (régions et villes).

10 Si l'on suit le courant critique de l'économie politique, il faut considérer les processus dechangement d'échelle et la multiplication des acteurs comme une réponse explicite du systèmecapitaliste à l'effondrement 2 du jeu à somme positive de la croissance économique et de laredistribution. C'est ce qui a caractérisé et légitimé le système capitaliste durant les Trenteglorieuses de l'après-guerre. Grâce à ce système, les conflits redistributifs ont pu être évités(plutôt que résolus) en permettant à la plupart des acteurs d'améliorer leur position économiqueet sociale. Bien que le néolibéralisme soit perçu comme comportant plusieurs aspects et commelié à un contexte (Brenner et al., 2010), il ne peut décrire qu'une partie des changementsqui se produisent. L'envisager comme l'unique processus pourrait minimiser (voire négliger)le rôle d'autres ressorts. En effet les causes des changements que connaissent les politiquessociales sont multiples. Elles peuvent être exogènes : ce sont par exemple les changementsdémographiques tels que le vieillissement de la population, les flux migratoires et l'instabilitéfamiliale, ou les évolutions du marché du travail comme l’accroissement de la participationdes femmes et l’installation du chômage sur le long terme. Il existe aussi des causes endogènesdues à la logique de fonctionnement interne des institutions chargées des politiques sociales.Les pensions destinées aux personnes âgées ou les autres politiques basées sur des assurancesreposent sur des calculs spécifiques des facteurs de risques car elles ont été conçues pourrépondre à des risques précis, dans certaines conditions (Ferrera, 1998).

11 Ces causes ne sont pas toutes liées à la néolibéralisation des politiques sociales, même si laplupart convergent vers une large critique des institutions publiques nationales.

12 Pour les raisons mentionnées ci-dessus, je me rapproche des théoriciens de l'État etdes analystes des politiques sociales. Ceux-ci tendent à adopter une démarche théoriqueintermédiaire qui ne consiste pas à élaborer une grande théorie mais tente plutôt de rendrecompte de la coexistence de différentes idéologies (voir Leibfried & Zürn, 2005). Le résultatde leur interaction n'est pas aussi net que l'on pourrait le prévoir. D'un côté, il n'est pasprédéterminé et il est dépendant de la perspective pragmatique des acteurs impliqués dans leprocessus d'élaboration des politiques et des compromis que ces derniers négocient. De l'autre,il est influencé par les caractéristiques plus structurelles des systèmes de protection socialeeuropéens. Ce sont ces caractéristiques qui contribuent à traduire les processus communsde transformation que sont les changements d'échelle et de gouvernance en résultats etpratiques propres au contexte. Ceci produit des effets sur l'attribution des ressources et desresponsabilités dans les différents pays et systèmes locaux de protection sociale. Comme RayPawson et Nicholas Tilley l'ont formulé, la bonne équation est  : «  contexte + réformes =résultats » (Pawson & Tilley, 1997).

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Vers une perspective de régimes de citoyennetéterritorialisés

13 Pour décrire l'organisation des régimes de citoyenneté du point de vue du territoire, jem’appuierai sur des travaux antérieurs (Kazepov, 2010  ; Kazepov & Barberis, 2012). Ladémarche repose sur une base empirique qui consiste à analyser l'architecture institutionnellede la réglementation, du financement, de la gestion et de la mise en œuvre de la protectionsociale  3 dans huit pays européens. Quatre grandes configurations d’échelles ou cadresscalaires (scalar frame) structurant les politiques sociales du point de vue territorial ont étéidentifiés :

1. une forte autonomie locale organisée au niveau central ;2. une forte organisation nationale/centrale ;3. une forte organisation régionale (ou fédérale) ;4. un mélange de cadres en transition d'une organisation vers l'autre (Kazepov, 2010,

pp. 51-63).

14 Ces configurations verticales croisent une dimension horizontale de subsidiarité qui engendreune situation plutôt complexe. Les arrangements des acteurs publics avec la société civile,les acteurs du secteur bénévole et les prestataires privés aux différents niveaux territoriauxvarient et jouent des rôles divers selon les contextes réglementaires. Je vais décrire ci-aprèsles principales caractéristiques de ces quatre régimes scalaires, que j’associerai à différentestypologies de protection sociale et j’illustrerai les changements qui ont eu lieu au cours desdernières décennies.

Pays avec une autonomie locale organisée au niveau central15 Dans les pays où «  l'autonomie locale est organisée au niveau central », la responsabilité

de la réglementation (c'est-à-dire le pouvoir législatif) incombe à l'État central. Par contre,la gestion et le financement des politiques sociales en général et des prestations d'aide enparticulier reviennent aux municipalités, qui disposent d'un degré élevé d'autonomie pour lamise en œuvre des prestations sociales elles-mêmes. Cette autonomie est « organisée » parl'État central par le truchement de plusieurs outils institutionnels : recommandations nationalessur la manière de déployer les politiques, définition d'un montant de base pour les prestationssociales, etc. Les institutions parties prenantes jouent un rôle dans la négociation nationale,alors que les prestataires privés ont un rôle limité et clairement défini dans un contrat pourfaire appliquer certaines mesures au niveau local.

16 La Finlande, la Norvège et la Suède, qui illustrent le système social-démocrate de protectionsociale des pays scandinaves, sont caractérisées par ce cadre scalaire. Jefferey M. Sellerset Anders Lidström les décrivent comme des pays marqués par des gouvernements locauxnationalisés (Sellers & Lidström, 2007, p.  622). Comparativement, leurs politiques pourle marché du travail et pour l'emploi sont solides, ils disposent d'un système universel deprestations sociales de base, avec des suppléments octroyés en fonction des revenus et unmodèle général unique conférant un droit exécutable à la protection sociale. Ceci implique queles gouvernements locaux ne peuvent pas légalement refuser des prestations et des servicesaux personnes qui remplissent les critères d'admissibilité (Minas & Øverbaye, 2010). Lesdroits (et les normes nationales, ainsi que les capacités de surveillance) sont créés au sein delois-cadres ou de recommandations nationales, accordant un niveau élevé d'autonomie auxgouvernements locaux et aux administrateurs de terrain pour la réalisation et la gestion desservices. Les municipalités disposent également d'une grande autonomie pour les politiquesde gestion et de financement. En général, les critères de planification et d'admissibilité de basesont définis au niveau national, alors que la gestion et la réalisation sont définies localement.

17 En ce qui concerne la dimension horizontale, le champ d'action des acteurs privés estfortement contractualisé et orienté vers des mesures d'activation individualisées en rapportavec le marché de l'emploi. La primauté des acteurs publics est largement incontestée et laredistribution par l'État garde une place prépondérante, même si l'accès aux prestations est deplus en plus soumis à certaines conditions.

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18 La dimension verticale implique en général seulement deux niveaux (national et municipal).La division entre les deux s'effectue selon leur fonction : le pouvoir législatif et de planificationd'un côté (l'État) et la responsabilité de la gestion et de la réalisation de l'autre (municipalité).Les agences et organismes intermédiaires sont les principaux perdants du processus dechangement d'échelle. Leurs responsabilités sont transférées aux municipalités et à l'Étatdepuis les années 1990  : les premières ont acquis de plus en plus de responsabilités (etaussi une importante part de financement), alors que les agences impliquées au niveaude l'État (par exemple, le Conseil national de la santé et de la protection en Suède) ontpour responsabilité d'évaluer les résultats, contrebalançant ainsi l'autonomie municipale. Parconséquent, la décentralisation s'accompagne d'un contrôle sur les pouvoirs locaux qui, aucours des dernières années, s'est en quelque sorte orienté vers une recentralisation (notammentpar la définition de seuils et de garanties nationales).

19 En dépit d'un tel niveau de coordination par l'État, des variations territoriales sont possiblescar les lois-cadres fournissent suffisamment de marge pour qu’elles s'expriment et parcequ’elles représentent la liberté qui reste aux municipalités pour la gestion, la réalisation et lefinancement des services. En Finlande, en Norvège et en Suède, l'État définit au moins unterrain commun de base, alors que les différences portent souvent sur les services qui sortent decette norme minimale (Kazepov & Barberis, 2012). En général, on peut dire que l'État conservesa primauté et que dans la décentralisation qui se met en place, les processus de différenciationsont étroitement contrôlés. Les tentatives de réduire les variations territoriales peuvent êtreplus efficaces que dans d'autres contextes (notamment les pays organisés au niveau régionalou fédéral).

Les pays organisés au niveau central20 Dans les « pays organisés au niveau central », le pouvoir législatif appartient à l'État central,

dans un contexte où le degré de liberté accordé aux niveaux territoriaux infranationaux, quiont des responsabilités de gestion et de financement, est très faible : critères d'accès, montants,durées, etc. sont strictement réglementés par l'État central. Ceci implique une forte limitationde la variation intranationale et des prestations sociales pratiquement identiques à travers toutle pays. La société civile a un rôle de négociation au niveau national. Elle est aussi impliquéedans des mesures aux niveaux local et national, mais ces mesures doivent être en accord avecles normes nationales.

21 La France, exemple de système de protection sociale européen continental corporatiste etconservateur, est caractérisée par des politiques organisées au niveau central. Jusqu'en 1988,le système français de protection sociale était caractérisé par des schémas catégoriels destinésà des groupes sociaux spécifiques. Ces schémas dérivaient d'une réglementation précise maisfragmentée de la protection sociale de l'État. L'introduction du revenu minimum d’insertion(RMI), un programme national global qui prévoyait un soutien de revenu et une insertionsocio-professionnelle, a modifié les contours du système français de protection sociale. Malgréun processus de décentralisation du financement et de la mise en œuvre des prestations, lesmontants alloués et les critères sont toujours réglementés en détail par la législation nationaleet l'autonomie locale est fortement limitée. En ce sens, les politiques sociales sont organiséesà l'échelon central. Ceci ne limite pas toujours le pouvoir discrétionnaire local, car il existeune myriade de mesures catégorielles qui se chevauchent et sont en partie concurrentielles,mais la source de la réglementation reste claire. La réforme de 2009, qui introduisait unrevenu de solidarité active (RSA) a renforcé l'accent mis sur la responsabilité individuelle etl'employabilité des bénéficiaires, mais elle visait aussi à surmonter certains problèmes liés àla fragmentation de l'accès aux droits.

Les pays organisés au niveau régional22 Dans les « pays organisés au niveau régional », la responsabilité de la réglementation se trouve

à l'échelon infranational. En ce qui concerne les responsabilités de gestion et de financement,ce groupe de pays est caractérisé par différents dispositifs en fonction de l'organisation dechaque État, qui va du fédéralisme au régionalisme. Certains de ces pays (tels que l'Italie) sontmême caractérisés par des dispositifs de protection sociale encore plus « localisés », où les

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municipalités tiennent le plus grand rôle. Pour ce qui est des variations à l'intérieur du pays,ce groupe présente, hormis quelques exceptions comme l'Allemagne, une forte différenciationterritoriale du montant des prestations sociales. Le rôle de la société civile est plus étendu. Ellenégocie à l'échelon national et régional, mais elle gère également des réseaux et des partenariatsau niveau local.

23 Les programmes italien et espagnol de protection sociale, qui illustrent le systèmeméditerranéen ou méridional de protection sociale «  basé sur la famille  », sont marquéspar des prestations minimes, définies localement et caractérisées par un faible accès officielaux droits. Tony Eardley et ses collaborateurs ont identifié quelques-unes des caractéristiquescommunes telles que «  l'aide localisée, discrétionnaire, dépendante des services sociaux etmarquée par des obligations familiales plus larges » (Eardley et al., 1996, p. 170), ainsi qu'unpetit nombre de bénéficiaires qui s'explique par des contraintes budgétaires, la stigmatisationet le pouvoir discrétionnaire des travailleurs sociaux. Par conséquent, comparativement, lesdisparités régionales et locales sont particulièrement élevées. Contrairement au système deprotection sociale corporatiste, la différenciation régionale n'a pas lieu au sein d'un cadrejuridique relativement bien garanti. Au contraire, les villes ont souvent une autonomie élevéepour la conception, la gestion et la mise en œuvre des programmes de protection sociale.La Suisse fait également partie de ce régime scalaire mais elle se distingue de l'Italie et del'Espagne par la générosité de ses mesures (Obinger, 1999), sa taille et son type de fédéralisme(voir aussi Obinger, Leibfried & Castles, 2005). Les prestations sont plus généreuses dans unpays plus petit dont la structure fédérale est plus forte et où des formes actives de subsidiaritésont favorisées.

24 Toutefois, quelques caractéristiques organisationnelles sont communes à l'ensemble des paysappartenant à ce régime scalaire. D'abord, tous ont, à côté de l'État, un deuxième niveaulégislatif : les Cantons, les Comunidades autonomas et les Regioni ont des pouvoirs législatifsexclusifs sur quantité de politiques sociales. En outre, même si certaines obligations sontnationales, l'exécution a lieu au niveau régional voire local. Les pays organisés au niveaurégional sont donc caractérisés par une forte fragmentation territoriale. Dans ce contexte,l'Italie est, avec la Grèce, l'un des rares pays d'Europe où il n'existe pas de programme nationalde revenu minimum. En Espagne, les programmes régionaux ont été introduits au cours de ladernière décennie par les Comunidades autonomas et la couverture et l'accès y sont caractériséspar un fort degré de variabilité. Il en va de même en Suisse. Les cantons francophones(tels que Vaud et Genève) ont introduit une mesure inspirée du revenu minimum d’insertion(RMI) français et baptisée « revenu minimum de réinsertion », ou RMR, mais pas les cantonsalémaniques.

25 Au niveau horizontal, les acteurs du secteur privé jouent un rôle important et exercent parfoisune forte pression ainsi qu'un rôle de substitution par rapport à l'État dans différents domainesde politiques. Outre leur rôle dans la prestation, sous contrat, de quelques mesures, ils sontaussi impliqués dans la gestion, la planification et la prise de décision. En Suisse, l’organisationnon gouvernementale (ONG) bien implantée Swiss Konference for Social Welfare proposedes recommandations de normes destinées à l'ensemble du pays sur la prestation de servicessociaux, alors que les arènes de la négociation locale à laquelle participent les prestatairesprivés jouent un rôle dans les projets d'employabilité pour les personnes désavantagées. EnItalie, le rôle de Caritas et d'organisations similaires n'est pas négligeable.

26 Les réglementations que l'on trouve dans les pays scandinaves ou en France attribuent auxONG des rôles assez nettement définis. Dans les pays organisés au niveau régional, cesréglementations sont remplacées par des arrangements de réseaux complexes qui posent desérieux problèmes de coordination dans les arènes où la négociation généralisée et continuelleentre les acteurs peut s'avérer inefficace et entraver le développement de la protection sociale(Ibid., 2005).

Pays avec une réglementation mixte en transition27 Dans les pays qui ont des cadres mixtes en transition, les évolutions ne sont pas

encore suffisamment institutionnalisées pour définir une trajectoire nette. Une gamme de

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caractéristiques appartient à la fois aux pays organisés au niveau central et aux pays oùl'autonomie locale est élevée. La responsabilité de réglementation revient en général à l'Étatnational, mais dans certains pays, les systèmes locaux de protection sociale montent enpuissance. La variation territoriale s'accroît, quoique dans une moindre mesure. Dans cecontexte, la société civile peut jouer un rôle considérable au niveau local afin de combler lesvides structurels des nouvelles configurations territoriales.

28 Les pays caractérisés par des cadres mixtes en transition, dont la Pologne est un bonexemple, montrent à quel point les changements politiques radicaux impliquent un importantchangement d'échelle, entraînant des processus de décentralisation ainsi qu'une organisationinfranationale réformée des pouvoirs. Dans ces pays, le cadre national de l'aide sociale interagitavec une structure de décentralisation caractérisée par l'attribution fragmentée du pouvoiret par le considérable pouvoir discrétionnaire dont jouissent les travailleurs sociaux locaux(Cerami, 2006). Ces pays, à travers le rôle de l'UE, sont en train de bâtir un modèle degouvernance multi-niveaux innovant. L'héritage de l'organisation au niveau central est sansrelâche mis à mal par une décentralisation plurielle et fragmentée qui brouille, dans unecertaine mesure, l'orientation du changement.

29 En général, les pays d'Europe centrale et orientale n'ont pas accordé leur priorité auxinstitutions des pouvoirs intermédiaires. À ce propos, la Pologne s'est nettement distinguéelors du lancement de la réforme de l'administration publique de 1990 (Kulesza, 2002). D'unautre côté, la Pologne est aussi entrée dans une ère de transformation en ayant une diversitérégionale significative, répartie de part et d'autre des axes rural/urbain et agricole/industriel.

Changements d'échelle, sentier de dépendance,changements de régime et villes au premier plan

30 Les régimes scalaires, bien que leur organisation territoriale soit institutionnalisée, ne sontpas statiques. L'ampleur et la direction de leurs changements peuvent varier et ne doiventpas être considérées comme acquises. L'idée que la demande dominante de décentralisationest une tendance homogène, par exemple, doit être manipulée avec précaution. Au contraire,les changements de régime scalaire doivent être replacés dans le contexte des fondementsnormatifs de l'État, qui sont profondément enracinés et du sentier de dépendance des systèmesde protection sociale des différents pays. Le tableau 1 illustre les principaux changementsapportés aux configurations territoriales de trois politiques choisies dans quatre pays : l’Italie,la Finlande, la France et la Pologne 4.Tableau  1  : Changements d'échelle pour quelques politiques sociales dans quatre payseuropéens.Les différents rôle des acteurs dans les régimes de citoyenneté territorialisés

Rôle du tierssecteur

Niveau deFinancement

Principauxprestatairesprivés

Type degouvernance

Niveau ettype de marged’autonomie

Pays oùl'autonomielocale estorganisée auniveau central

Limité(croissant) Élevé Secteur privé

lucratifManagériale etparticipative

Moyenintra-legem

Pays organisésau niveaucentral

Important(croissant) Élevé

Secteur privélucratif/nonlucratif

Managériale etcorporatiste(centralisée)

Moyenintra-legemparfois extra-legem

Pays organisésau niveaurégional

Très important(croissant)

Variable(ITALIE trèslimité)(SUISSE trèsélevé)

Secteur nonlucratif

Corporatiste(pluraliste et trèsfragmentée)

Moyen – élevéextra-legemtrès différencié(IT aussi contra-legem)(CH aussi intra-legem)

Pays avec uneréglementation

Très important(croissant) Limité Secteur non

lucratif Corporatiste Élevéextra-legem

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mixte entransition

(pluraliste et trèsfragmentée)

(parfois contralegem)

Source : Kazepov & Barberis, 2013, p. 238. Traduit de l’anglais.31 Le tableau 1 illustre que dans certains pays, la résilience au changement est plus forte que

dans d'autres et que même lorsque les changements sont profonds, le rôle des différenteséchelles peut diverger. En Finlande, par exemple, les pouvoirs locaux prennent de l'ampleurdepuis la deuxième moitié des années 1990, même si des réformes récentes ont réaffirméle rôle de l'État (notamment en termes de contrôles et de recommandations). En France lesprocessus de décentralisation n'affectent qu'à la marge l'équilibre général des pouvoirs entreles différentes échelles, car l'État national a à peine perdu certaines prérogatives. Les réformesde l'aide sociale italienne, au contraire, ont ouvert la voie à un changement de régime scalairemajeur. On est passé d'un État centralisateur (même s'il était marqué par une considérablevariabilité locale) à une configuration quasi fédérale. En Pologne, à ce jour, aucune échelle nese dégage clairement et la confusion caractérisant la division (scalaire) des tâches est en trainde se renforcer (Kazepov, 2010).

32 L'unique tendance commune dans les quatre pays a trait au rôle croissant des pouvoirsinfranationaux et donc des systèmes locaux de protection sociale. Toutefois, cette tendancen'a pas la même signification et se rapporte à des échelles différentes (locale en France et enFinlande ; régionale en Italie ; à la fois locale et régionale en Pologne). Elle implique aussidifférentes relations entre les échelles : les changements ne sont pas nécessairement le résultatd'un jeu à somme nulle et l'État national peut rester le principal acteur en France, en dépit dela montée en puissance des départements. Elle peut acquérir une plus grande importance enFinlande (voir la forme en U) et décliner en Pologne et en Italie. C'est au sein de ces tendancesgénérales que les réformes de politiques de protection sociale prennent place et que leursconséquences se déploient (Kazepov & Barberis, 2012).

Une analyse comparative des relations entre échelle et gouvernancesous l'angle du pouvoir discrétionnaire

33 Quelle est la relation entre échelle et gouvernance dans les processus de subsidiarisation ? Pourcomprendre cette relation, il faut envisager les interactions complexes entre les responsabilitésattribuées officiellement aux différents niveaux de gouvernement et l'hétérogénéité des acteursimpliqués. Il est impossible de décrire avec précision cette complexité. Je considérerai donc leniveau et le type de pouvoir discrétionnaire dont disposent les praticiens comme significatifspour évaluer les régimes de citoyenneté et pour extrapoler les risques potentiels au niveau dessystèmes locaux de protection sociale.

34 Il ne fait aucun doute que dans tous les pays, un certain degré de pouvoir discrétionnaire estpossible. Mais l'architecture institutionnelle spécifique des politiques fournit aux acteurs etaux bénéficiaires différents degrés de liberté et des ressources variées (en nature et en argent)par le truchement de procédures, droits et devoirs divers.

35 Si l'on se penche sur la littérature à ce sujet (Lipsky, 1980 ; Evans & Harris, 2004 ; Saruis,2012) on peut constater que les employés de l'administration publique de terrain détiennenttrois grands types de pouvoir discrétionnaire : 1) le pouvoir discrétionnaire intra-legem, où lescompétences professionnelles sont utilisées pour déterminer le niveau de prestation et la miseen place de mesures uniques au sein d'un ensemble donné d'options officiellement disponibles ;2) le pouvoir discrétionnaire extra-legem : dans ce cas, le flou des règles, leurs chevauchementset leurs lacunes offrent aux praticiens un plus grand rôle d'interprétation (Sosin, 2010) ; 3) lepouvoir discrétionnaire contra-legem, où les praticiens ne tiennent pas compte des critères deprise de décision et agissent contre la loi pour soutenir (ou non) les demandeurs, notammentlorsqu'il n'y a pas moyen d'établir un lien entre la décision prise et un droit exigible ou uneprocédure formalisée (Kazepov & Barberis, 2012, pp. 218-224).

36 La figure 1 présente une synthèse des différents modèles d'aide sociale en tenant compte durôle des acteurs concernés dans les différents régimes scalaires.

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Figure 1 : Les différents rôles des acteurs dans les régimes scalaires

37 Les pays où l'autonomie locale est élevée et organisée au niveau central (c'est le cas des paysscandinaves) ont des systèmes où la gestion et la réalisation sont locaux, mais la conceptionest nationale. En ce qui concerne les acteurs, dans les pays scandinaves, les partenairessociaux (employeurs et syndicats) constituent des groupes de pression décisifs au niveaunational, alors que la prestation des services au niveau local peut souvent être marquée parune réglementation locale de quasi-marché. Souvent, les petits bureaucrates ont un pouvoirdiscrétionnaire intra-legem : des recommandations nationales plus ou moins contraignantes,que complètent parfois des recommandations locales, guident leurs prises de décisions. Latransparence et la responsabilisation sont garanties par divers moyens : « politiques de guichetunique  », possibilité de faire recours et évaluations officielles des critères d'accès et desprocessus de prise de décision. Généralement, la structuration légère de la gouvernance multi-niveaux favorise une certaine réactivité et on peut trouver une base commune (principalementfinancière) définie par des règles nationales et des droits bien déterminés. Des ressources oudes services spécifiques peuvent être fournis grâce à l'autonomie du niveau local, qui complèteles mesures nationales. Ils dépendent aussi du rôle que joue le pouvoir discrétionnaire destravailleurs sociaux dans l'élaboration de parcours individualisés de réinsertion professionnelleet sociale.

38 Dans les pays organisés au niveau central, comme la France, la situation n'est pas si différente,si on l'examine d'un point de vue vertical. La différence provient du degré d'autonomie desniveaux locaux, qui est très faible, car les institutions décentralisées représentant l'État (lesPréfectures et les services déconcentrés des ministères) ont un rôle significatif. Par ailleurs,le rôle des partenaires sociaux et des parties prenantes est plus fort en France, notammentdans la gestion de certains dispositifs d'assurance tels que la Caisse nationale d'allocationsfamiliales (CNAF). Par rapport aux pays scandinaves, on s'attend à ce que le rôle des typescomplémentaires d'interventions organisées à travers des partenariats public-privé prenne del'ampleur. Le rôle des acteurs privés (y compris les bénévoles) reste pourtant principalementcomplémentaire et consiste en des services en nature (Feiock & Andrew, 2006 ; Bergmark& Minas, 2010).

39 La structure de ces pays est semblable à celle des pays scandinaves, mais l'idée de la primautéde l'État est plus forte et le rôle des pouvoirs locaux est plus dépendant.

40 Dans les pays organisés au niveau régional, tels que l'Italie, l'Espagne et la Suisse,l'échelon national fournit quelques services d'orientation générale et le rôle des Regioni,

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des Comunidades Autonomas et des Cantons est prépondérant. La différentiation des règlesest notable parce que les gouvernements du niveau infranational adoptent des règles et desstratégies variées, de façon autonome. Dans ces trois pays, le rôle des acteurs privés dusecteur non lucratif est essentiel. Ceux-ci proposent notamment les critères d'admissibilité(les recommandations SKOS en Suisse), apportent leurs propres solutions, plus ou moinscoordonnées avec les prestations publiques (en particulier en Espagne et en Italie). Cetableau est complexe et souvent, la prise en charge des interventions de ces acteurs pardes financements publics est minime (Ranci, 2002). Les rôles de complémentarité et desubstitution et la reconnaissance de l'autonomie des forces privées et du marché peuventaussi être teintés d'une certaine ambiguïté, particulièrement en Espagne et en Italie. Lesfonctions de substitution y sont très étendues car, à cause du déficit de prestations publiques,certaines organisations privées (du troisième secteur, notamment les organisations bénévoles)fournissent aussi des services de dernier recours.

41 Dans les pays en transition, comme la Pologne, le rôle prédominant de l'État, héritage durégime précédent, interagit avec les responsabilités des pouvoirs intermédiaires et locaux.Celles-ci ne sont pas clairement définies et les chevauchements sont de plus en plus importants.La coopération entre les services du travail (PUP) et ceux de la protection sociale (MOPS)est souvent limitée.

42 Dans les pays organisés au niveau régional et dans les pays en transition, le pouvoirdiscrétionnaire est extra-legem. Il est caractérisé par un degré de variation élevé car lestravailleurs sociaux de terrain interprètent ce qu'ils ont à faire et comment le faire. Dans certainscas, il s'agit d'un complément au pouvoir discrétionnaire intra-legem (c'est le cas en Suisse) ;dans d'autres, comme en Italie, le pouvoir discrétionnaire sert à promouvoir des catégories« méritantes » ou à dissuader celles qui ne le sont pas. Les cas de transgression (contra-legem)ou d'autonomie démesurée concernant le choix des cibles sont rares, mais on peut en trouver enPologne, en Espagne et en Italie. Le pouvoir discrétionnaire extra-legem est plus susceptibled'exister dans les pays organisés au niveau régional, parce que la protection sociale est miseen place par un plus grand nombre d'acteurs institutionnels. Les fonctions s'entremêlent, lesresponsabilités se recoupent et les sujets de désaccords se multiplient (Ferrera, 2008). Il s'ensuitque les différences se manifestent dès la définition du montant des allocations de base, quiest établie, dans la plupart des cas, par les pouvoirs régionaux ou infrarégionaux. Mêmel'administration des mesures qui existent au niveau national (par exemple le revenu minimumen Espagne et les soins aux personnes âgées en Italie) est affectée par des variations localesconsidérables. Dans les contextes où le dernier filet de sécurité public est plus faible, lesréseaux sociaux primaires et le secteur du bénévolat font office de substituts fonctionnels. Cettesituation contribue à accroître encore la complexité du système et à amoindrir la responsabilitédes acteurs concernés.

43 La relation entre le faible degré d'institutionnalisation des arènes décisionnaires, la multiplicitédes niveaux et des acteurs impliqués et le pouvoir discrétionnaire doit encore être démontrée.Il est impossible d'affirmer que la régionalisation explique en soi la faiblesse de l'organisationet le flou qui entoure les droits. D'autres facteurs sont en jeu, tels que l'existence de poidset contrepoids entre les niveaux et les acteurs territoriaux, leur degré de formalisation,l'efficacité globale des États-providence. Dans les pays où les dispositifs institutionnels sonthétérogènes, la négociation entre les acteurs porte sur une vaste étendue de sujets et ne cible pasuniquement l'offre de prestations, ni des cas individuels. Les acteurs privés, les organisationscaritatives à but non lucratif et les parties prenantes ont leur mot à dire, notamment sur lescritères d'admissibilité et sur la conception des mesures. Cette différentiation interne a desrépercussions négatives sur le rôle des politiques sociales dans la construction de la citoyennetésociale.

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Conclusions

Tendances de la subsidiarité dans les régimes de citoyennetéeuropéens : perspectives et écueils

44 La réorganisation territoriale des systèmes de citoyenneté laisse incontestablement paraîtredes schémas convergents. Il en va de même pour les nouveaux dispositifs de gouvernance.Tous les pays, même si leur calendrier et leur rythme diffèrent, accordent une importancecroissante aux systèmes locaux de protection sociale et aux acteurs non institutionnels. Cettetendance convergente ouvre des perspectives mais fait aussi apparaître certains écueils dus àl'interaction avec les sentiers de dépendance des différentes configurations institutionnelles.

45 Les perspectives sont principalement liées au nouveau rôle qu'acquièrent les acteurs noninstitutionnels. Les possibilités d'expérimentations locales durant lesquelles ces acteurspeuvent trouver de nouvelles solutions se sont élargies (Moulaert et al., 2007  ; Silver etal., 2010). Dans une telle situation, les villes redeviennent des laboratoires sociaux pourl'innovation des politiques sociales (Gerometta et al., 2005), même si la nécessité de fairepasser les meilleures solutions à l'échelle supérieure apparaît comme une question importantemais encore négligée.

46 Les écueils sont liés aux façons dont la réorganisation territoriale et les nouveaux dispositifsde gouvernance modifient les modes de traitement institutionnels de la vulnérabilité et desrisques sociaux. Il s’agit notamment de :

• la coordination des acteurs impliqués dans les politiques. La multiplication des acteurspublics et privés à différents niveaux territoriaux déclenche la nécessité de coordinationet, en même temps, ouvre la voie au pouvoir discrétionnaire, à des conflits potentielset à une implosion des politiques (refus réciproques, incapacité à prendre de bonnesdécisions, stagnation des politiques, etc.) (Øverbye et al., 2010) ;

• l'institutionnalisation des disparités croissantes entre territoires infranationaux. Lalocalisation de plus en plus importante des processus de prise de décision consolide lespratiques différenciées, mais aussi l'élaboration de réglementations différenciées, quipourraient institutionnaliser les traitements inégalitaires ;

• la responsabilité du processus de prise de décision. La multiplication des acteurs etleur fragmentation territoriale ont tendance à affaiblir le contrôle démocratique desresponsabilités des acteurs dans le processus de prise de décision, la gestion et la miseen œuvre (Crouch, 2004 ; Bovens, 2007 ; Brodkin, 2008) ;

• l'expansion de stratégies d'évitement du blâme (blame avoiding) des États-nations quiimputent la réduction des dépenses aux gouvernements infranationaux ou aux acteursnon institutionnels. Cette situation favorise une subsidiarité passive, c'est-à-dire queles responsabilités sociales sont déléguées aux systèmes de protection locaux sansressources publiques ciblées ;

• les ambiguïtés du rôle de la société civile : d'un côté, le risque d'une représentativitétrompeuse, où l'on suppose que la société civile « représente » les pauvres et est orientéevers le « bien public » ; de l'autre, le fait que la société civile, lorsqu'elle institutionnaliseses pratiques, reproduit la rigidité publique ;

• la production de pratiques incertaines qui pourraient ne pas avoir d'effet si ellesne sont pas transposées à l'échelle supérieure ou institutionnalisées. Le passage àl'échelle supérieure et la décontextualisation affectent-ils les degrés d'innovation et cesinnovations sont-elles vouées à l'échec ?

47 Ces écueils sont liés mais ne sont pas présents de la même manière partout en Europe.48 La tendance convergente vers la décentralisation s'accompagne, dans certains pays, d'un degré

croissant de contrôle exercé par les instances supérieures, notamment dans la plupart des paysscandinaves. En Norvège, par exemple, les institutions centrales se sont attaquées au défi dela coordination au moyen d'outils de « gouvernance souple » (soft governance) (Øverbye etal., 2010). Cette stratégie nécessite un plus grand investissement dans la négociation. De cepoint de vue, l'idée d'un jeu à somme nulle entre la centralisation et la décentralisation sembleinadéquate. La Finlande, la France, l'Italie et la Pologne affichent des différences notables.En Italie, les taux de dispersion peuvent être presque quatre fois plus élevés que dans tous

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les autres pays, pour l'ensemble des principaux indicateurs socio-économiques (Kazepov &Barberis, 2012) et les capacités de redistribution des prestations sociales sont parmi les plusbasses : en 2011, seulement 19,7 % des familles à faibles revenus ont dépassé le seuil grâce auxtransferts de prestations sociales. En France, cette proportion était de 43,3 % et en Finlandede 50 % (Eurostat, 2013).

Les villes comme laboratoires de l'innovation sociale49 L'expansion des changements d'échelle et des processus de gouvernance se traduit par un rôle

accru des villes et des systèmes locaux de protection sociale, de plus en plus sollicités pourfaire office de laboratoires où de nouvelles solutions peuvent et doivent être élaborées. Onsuppose communément que les systèmes locaux de protection sociale promeuvent l'innovationsociale qui sera à son tour capable de surmonter la plupart des écueils évoqués. Les moyensd'y parvenir consistent à :

• satisfaire de nouveaux besoins sociaux ou des besoins déjà existants, mais de façoninnovante ;

• responsabiliser et mobiliser les acteurs, renforcer la capacité de la société à agir pour sapropre amélioration et favoriser la participation de tous ;

• transformer les relations sociales entre les acteurs, identifier ceux qui pourraient êtreplus efficaces pour atteindre des objectifs sociaux par le biais de moyens sociaux.

50 La société civile, en particulier le secteur bénévole, est considérée comme le principal acteurcollectif, le deus ex machina qui surmonte les faiblesses des institutions publiques par lebiais de pratiques innovantes (Oosterlyink et al. 2013). Cependant, la situation n'est pas sinette et se déploie différemment selon les pays. Mais quelles conditions préalables les villeset leurs systèmes locaux de protection sociale doivent-ils remplir pour bâtir des dispositifsde protection socialement innovants qui impliquent la société civile en général ? Cet article,en esquissant le contexte, a fourni quelques éléments de réponse. Les institutions publiquesdoivent subir des transformations de taille et créer une nouvelle culture organisationnelle, denouvelles compétences, de nouveaux instruments et des outils permettant de coordonner et degérer des systèmes mixtes et complexes de protection sociale. Les conditions préalables nesont pas données mais doivent au contraire voir le jour en même temps que la transformation !

51 Globalement, les degrés de l'autonomie et les ressources dont disposent les systèmes decitoyenneté locaux et régionaux reposent encore largement sur des réglementations généralesissues du niveau national. Il faut garder à l'esprit que les systèmes de citoyenneté en général –et les politiques sociales en particulier  – ont souvent une multitude d'applications. Lespolitiques de contribution passives (comme les allocations de chômage) sont encore largementdéfinies au niveau national et ce, dans presque tous les pays étudiés. Par contre les politiquesd'activation et de prestations en nature sont de plus en plus définies au niveau local. C'estpour cela que les systèmes locaux de protection sociale sont plus cohérents avec les systèmesnationaux que l'on ne pourrait le croire (Kazepov, 2010).

52 Le vrai défi réside dans l'interaction entre les différentes définitions de l'inclusion etde l'exclusion selon les niveaux territoriaux. L'émergence de processus de gouvernementdécloisonnés dans lesquels plusieurs acteurs (publics, mais aussi privés) acquièrent davantagede fonctions exige de nouvelles compétences et des fonctions de négociation. La coordinationnécessite une réflexion consciente, au niveau de la méta-gouvernance, sur les réseaux despolitiques (Jessop, 2002 ; Kazepov & Barberis, 2012, p. 244). Si les villes et les systèmeslocaux de protection sociale sont négligés, les inégalités sont vouées à croître et tout potentield'innovation sociale sera perdu.

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Notes

1 Les projets auxquels je fais référence sont : Rescaling Social Policies towards multilevel governancein Europe, Improve (www.improve-research.eu), GOETE (www.goete.eu). Les résultats de ces projetsont été publiés dans Kazepov (2009), Kazepov (2010), Kazepov & Barberis (2012), Kazepov & Barberis(2013), Oosterlynck et al. (2013).2 Les raisons qui expliquent ce phénomène et le rapport avec l'État-providence ont été abondammentétudiés et les angles adoptés varient selon l'idéologie, la discipline et les objectifs visés. Ian Gough, parexemple, fournit une analyse néo-marxiste (Gough, 1979), alors que la perspective de Charles Murrayest néolibérale (Murray, 1994).3 Pour plus de précisions sur les méthodologies adoptées, voir : Barberis et al. (2010, pp. 386-388) etBarberis (2010).4 Pour élargir le contexte, les tendances des changements d'échelle reportés dans le tableau 1 prennenttrois politiques en compte  : 1) la protection sociale, 2) les politiques d'activation sur les marchés del'emploi et 3) les soins aux personnes âgées. Les scores finaux reflètent l'importance des échelles pourtrois aspects : a) la réglementation, b) la gestion et 3) le financement. Pour chacun de ces aspects, lesscores vont de « responsabilité totale/rôle majeur » (=1) à « aucune responsabilité (ou responsabilité trèslimitée) » (=0). Les responsabilités partagées ou partielles donnent un score de 0,5. Le score total vade 0 (aucun rôle dans aucun domaine ni activité liés à des politiques) à 9 (responsabilité totale et rôlemajeur dans tous les domaines et activités relatifs aux politiques sociales). Les scores ont été calculésà différents moments afin de visualiser le processus de changement d'échelle. Pour plus de détails, voirBarberis et al. (2010, pp. 386-388) et Kazepov & Barberis (2012).

Pour citer cet article

Référence électronique

Yuri Kazepov, « Les nouvelles frontières de la citoyenneté sociale », SociologieS [En ligne], Dossiers,Les échelles territoriales de l’intervention sociale, mis en ligne le 10 novembre 2014, consulté le 14novembre 2014. URL : http://sociologies.revues.org/4819

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Yuri KazepovUniversité d'Urbino (Italie) - [email protected]

Les nouvelles frontières de la citoyenneté sociale 17

SociologieS

Résumés

 La plupart des politiques sociales qui ont été mises en œuvre depuis les vingt dernièresannées dans tous les pays européens présentent deux changements majeurs : 1) elles modifientle nombre et le type d’acteurs impliqués dans le pilotage et le financement des politiquessociales et elles dessinent les contours de nouveaux modes de gouvernance ; 2) elles transfèrentla responsabilité des politiques sociales au niveau supra national (Européen) et/ou plussouvent, infra national (régions, municipalités). Dans cet article, je m’efforcerai de montrerles ambiguïtés de ce processus concernant le rôle de l’État (national et local), l’applicationdu principe de subsidiarité et le besoin d’innovation. Je mettrai en évidence l’importancedu contexte général relatif à l’innovation et je soulignerai le rôle des villes, notamment desgrandes villes, au sein de dispositifs de gouvernance multi-niveaux et comme laboratoires desnouvelles frontières de la citoyenneté sociale. New boarders of citizenship. Cities in multi-level governance in EuropeAlmost all social policy reforms that have been implemented in the last 20 years in all Europeancountries present two major changes: 1) they widen the number and type of actors involvedin social policy design, management, financing and delivery bringing about new governancearrangements; 2) they rescale the responsibility of social policies from the national stateupwards (EU level) and/or – most frequently – downwards (regions, municipalities…). Inthis paper I will try to highlight the ambiguities this process brings about in the intersectionbetween the role of the State (national and local), the implementation of subsidiarity and theneed to innovate. I will highlight the importance of disentangling the context related elementsof social policy innovation from those characterizing it in more general terms and underlinethe importance cities are gaining. In this frame the latter become again laboratories where theboarders of citizenship are made. Las nuevas fronteras de la ciudadanía social. Las ciudades dentro de los dispositivos degobernanza a niveles múltiples en EuropaLa mayor parte de las políticas sociales que han sido organizadas desde los últimos veinte añosen todos los países europeos presentan dos cambios importantes: 1) modifican el número y eltipo de los agentes implicados en la dirección y en la financiación de las políticas sociales ydibujan la forma de los nuevos modos de gobernanza ; 2) transfieren la responsabilidad de laspolíticas sociales al nivel supra nacional (Europeo) y frecuentemente, infra nacional (regiones,municipios). En este artículo me esforzaré de mostrar las ambigüedades de este proceso queconcierne el papel del Estado (nacional y local), la aplicación del principio de subsidiaridad yla necesidad de innovar. Pondré en evidencia la importancia del contexto general por lo que ala innovación respecta y subrayaré el papel de las ciudades, en particular las grandes ciudadesen el seno de los dispositivos de gobernanza a niveles múltiples, y como laboratorios de lasnuevas fronteras de la ciudadanía social.

Entrées d’index

Mots-clés : intervention sociale, villes, échelle territoriale, citoyenneté sociale, acteur


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