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La reforme du chapitre cathédral de Grenoble

Date post: 29-Jan-2023
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1 La Réforme du chapitre cathédral de Grenoble MARET Yvain Mémoire de Master 1 sous la direction de M. Laurent Ripart Université de Savoie -2009/2010
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La Réforme du chapitre cathédral de

Grenoble

MARET Yvain

Mémoire de Master 1 sous la direction de M. Laurent Ripart Université de Savoie -2009/2010

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Table des abréviations

Marion, Cart. A : Jules Marion, « Cartulaire A » dans Cartulaires de l’église cathédrale de Grenoble dits cartulaires de Saint Hugues, Colmar, 1869.

Marion, Cart. B : Jules Marion, « Cartulaire B » dans Cartulaires de l’église cathédrale de Grenoble dits cartulaires de Saint Hugues, Colmar, 1869.

Marion, Cart. C : Jules Marion, « Cartulaire C » dans Cartulaires de l’église cathédrale de Grenoble dits cartulaires de Saint Hugues, Colmar, 1869.

Monteynard : Charles De Monteynard, Cartulare monasterii beatorum Petri et Pauli de Domina, Cluniacensis ordinis, Gratianopolitanae diocensis, Lyon, 1859.

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Chapitre Introductif

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Né à Valence, Hugues de Châteauneuf fit quelques études hors du Valentinois1, avant de retourner dans sa ville natale où il devint chanoine de la cathédrale. Il y fut remarqué par le légat Hugues de Die lors d’un passage de ce dernier par Valence2. Cette rencontre fut sans doute déterminante pour le jeune chanoine puisque selon Guigues le Chartreux, auteur de la Vie d’Hugues de Châteauneuf, c’est à cette occasion qu’il choisit d’aider Hugues de Die dans sa mission réformatrice. En 1079, à l’occasion d’un concile provincial qu’organisa Hugues de Die à Avignon, les chanoines de Grenoble qui n’avaient plus d’évêque depuis 1076, année où Pons II, l’évêque précédent fut excommunié et déposé par le légat des Gaules pour simonie3, demandèrent à ce dernier de leur en fournir un4. C’est à cette occasion, qu’Hugues de Die, désigna pour ce siège épiscopal, le futur Saint Hugues.

I. Un état du chapitre en 1080

Après sa nomination en 1079, Hugues partit non pas à Grenoble rejoindre sa cathèdre, mais à Rome pour recevoir sa crosse du pape en personne. Si l’usage voulait que l’évêque reçoive ses attributs ecclésiastiques de son métropolitain, Hugues ne souhaitait pas les recevoir de l’archevêque Armand, qui avait été jugé comme simoniaque par le pape. Ce choix montre que Hugues faisait bien partie de cette jeune génération de grégoriens intransigeants qui refusaient tout contact avec les simoniaques. Il comptait pour cela utiliser l’autorité romaine, selon les nouvelles logiques de l’église réformée.

A. Les mœurs du chapitre cathédral de Grenoble

En arrivant à Grenoble, Hugues prit contact avec son chapitre, dont nous ne savons que peu de choses, car nous disposons de peu de sources pour les années antérieures à l’épiscopat d’Hugues. S’il est donc difficile de décrire la vie du chapitre en 1080, nous en percevons néanmoins quelques aspects, grâce aux principaux personnages qui le composaient.

Les renseignements dont nous disposons à propos du premier clerc du chapitre sont particulièrement éloquents. De 1073 à 1111, le doyen du chapitre est dénommé Guigues. Nous ne connaissons ni ses origines géographiques ni ses origines sociales, mais celui-ci apparaît dans les sources de la prévôté d’Oulx, affublé du cognomen « mauvais clerc » à deux reprises en 1073 et 10765. Ce sont les deux seules mentions d’utilisation de ce surnom dans les sources étudiées et il est révélateur que ces deux mentions sont issues de sources

1 Guigues le chartreux, Vie de Saint Hugues, évêque de Grenoble, l’ami des moines, trad. M.A. Chomel, Intro. B.Bligny, Grenoble, 1984, p.32. 2 Légat des Gaules et évêque de Die de 1073 à 1082, date où il fut transféré sur le siège épiscopal de Lyon. 3 Il est fort probable, que bien qu’excommunié en 1076, Pons resta sur le siège épiscopal jusque à sa mort que l’on place dès lors en 1079. La sentence fut confirmée par Grégoire VII au synode romain de 1076.cf : Bligny, L’église et les ordres religieux dans le royaume de Bourgogne au XIe et XIIe siècles, Grenoble, 1960, p.59. 4 Guigues le Chartreux annonce clairement, que les chanoines de Grenoble demandèrent au légat Hugues de Die, Hugues de Châteauneuf pour évêque. Cependant le style hagiographique du récit de celui-ci, trop enclin à voir en Hugues un Saint avant l’heure, nous invite à rejoindre l’opinion de Bernard Bligny qui pense que les chanoines demandèrent un évêque à Hugues de Die. Il est en effet peu probable, que les chanoines de Grenoble furent informés de l’existence d’Hugues de Châteauneuf avant leur rencontre au concile de 1079. De plus selon B.Bligny, le concile répond précisément au but de pourvoir les siéges épiscopaux Bourguignon. Bligny, L’église et les ordres….p.60. 5 G. Collino, Le carte della prevostura d’Oulx raccolte e riordinate cronologicamente fino al 1300, Pinerolo, 1908, N° XXIII. Et A.Rivautella, Ulcensis ecclesiae chartularium animadversionibus illustratum, 1753, Charte CCXLII, et G. Collino, Le carte…, N° XXVIII.

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extérieures au diocèse1 , qui proviennent de chanoines réguliers. A mon sens, le fait d’exprimer aussi clairement les défaillances spirituelles de ce doyen, était un moyen pour la prévôté d’Oulx de se démarquer et de se désolidariser de pratiques jugées non conformes à la vie canoniale, et ainsi de réaffirmer le caractère exemplaire de la prévôté d’Oulx. Elles montrent en tout cas que les qualités spirituelles du doyen du chapitre de Grenoble ne faisaient pas l’unanimité chez les chanoines réformés.

Les réformateurs dénoncent essentiellement les pratiques simoniaques et nicolaïtes. A partir de 1059 et des décrets de Nicolas II, l’interdiction pour les clercs de prendre femme est réaffirmée. Malgré l’invective de Guigues le chartreux qui affirme que dans le diocèse, « non seulement les clercs mineurs, mais les prêtres même se mariaient et fêtaient officiellement leurs noces »2, à Grenoble, nous ne trouvons aucun acte qui dénonce les pratiques nicolaïtes des chanoines. Nous ne trouvons pas non plus de chanoines ayant une épouse ou des enfants.

Outre les pratiques nicolaïtes, la simonie est vivement dénoncée par les grégoriens. Selon Guigues le Chartreux, dans le diocèse de Grenoble « on n’hésitait pas à acheter ou à vendre le sacré ; les laïcs possédaient les églises, les offrandes, les dîmes et les cimetières, les prêtres étaient soumis à leur autorité »3. Cette opinion est corroborée par la charte XVI du cartulaire B qui prétend qu’au temps d’Isarn, celui-ci possédait son diocèse en alleu et que Mallen dilapida les biens de l’évêque au profit de sa famille. Ce phénomène s’explique par le recrutement des évêques de la première moitié du XIème siècle, qui s’était fait au sein de la famille des Guiguonides.

Il est par ailleurs notable que Pons II fut excommunié au synode romain de carême en 10764, sans doute pour simonie. Ce contexte ainsi que la présence d’un doyen « mauvais clerc » donne à penser que les pratiques simoniaques ne devaient pas être étrangères au chapitre, essentiellement issu de l’aristocratie locale. En effet, il est clair que les biens de l’Eglise étaient aux mains de celle ci. Ils contrôlaient églises et investitures.

B. Un chapitre qui se tourne vers Rome

Il est symptomatique que le chapitre demanda au légat, de nommer un évêque5. Le recours au légat pontifical mérite réflexion, car le fait de demander à un arbitre de désigner l’évêque de la ville peut être interprété comme le signe de dissensions internes dans l’aristocratie locale. Il ne faut pas se méprendre, cette aristocratie est avant tout rurale et basée sur la propriété foncière : les bénéfices ecclésiastiques sont un moyen d’augmenter la puissance de la famille et d’acquérir, outre un prestige certain, des revenus confortables. Etre chanoine permet aussi d’intégrer au patrimoine familial un nombre important de bénéfices ecclésiastiques, c’est d’ailleurs une raison évidente d’expliquer la présence aussi importante de l’aristocratie locale au sein du chapitre.

Il est aussi possible que la montée en puissance des Guigonides soit un facteur de division du chapitre. Le pouvoir des Guigonides n’est plus vu comme un héritage6 mais comme une

1 La prévôté d’Oulx est située dans le diocèse de Turin, cependant, selon Alexis Billet, la vallée de Suse est partie intégrante du diocèse de Maurienne jusqu’au XIII ème siècle (A. Billet, « Mémoire sur les premiers évêques de Maurienne » dans Mémoires de l’Académie de Savoie, 2ème série, t. 4, 1861, p.334 sq.). 2 Guigues le chartreux, Vie…, P.37. 3 Guigues le chartreux, Vie…, P.37. 4 Bligny, L’église et les ordres…,p. 59. 5 Guigues le Chartreux, Vie…, p.33. 6 Au XIX ème siècle, les érudits locaux se disputèrent sur l’authenticité du préambule de la charte XVI du cartulaire B. L’enjeu de ce conflit était simplement l’origine des Guigonides. Le pouvoir comtal était quelque

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construction. La principauté « dauphinoise » et le pouvoir de plus en grand de celui qui se fait appeler « comte » à partir de 1079 se sont bâtis à partir de la maîtrise des évêchés, notamment celui de Grenoble1.

Au début du XIIème siècle, la puissance princière est encore en construction. Si un nombre certain des membres de l’aristocratie locale est entré dans l’orbite du comte, ce n’est pas le cas de tous. En effet la famille des Sassenage, puissant lignage indépendant, est une force d’opposition au comte (et à l’évêque !) dans son expansion au sud de Grenoble. Ceux-ci se rangent, dès le début de l’épiscopat d’Hugues, aux côtés de la puissance capable de contrer les ambitions du prince, c'est-à-dire l’évêché. Au sein du chapitre nous n’avons pas d’exemple d’une famille aussi puissante mais nous en avons d’autres, plus petites, qui s’imposent dans le chapitre à l’exemple de la famille de Lans, dont le lignage qui semble vouloir échapper à la domination comtale occupe de manière continue un canonicat grenoblois2.

En 1080, le choix fait par le chapitre de nommer un évêque extérieur au diocèse est donc révélateur de tensions internes. Les Guigonides ne font plus l’unanimité. Leur maîtrise de l’épiscopat grenoblois est contestée. L’arbitrage extérieur et la séparation de type grégorien semblent être alors des solutions pour freiner l’expansion du comte.

II. Hugues a t-il échoué à réformer son chapitre ?

Il est connu qu’Hugues a réformé un grand nombre de collégiales dans son diocèse, parmi les plus importantes de celui-ci. Il impose la règle augustinienne à tous les chanoines de son diocèse par la réforme et la création de nouvelles collégiales3. La préoccupation d’Hugues pour les chanoines de son diocèse semble alors être en contradiction avec l’échec supposé de la réforme de son chapitre cathédral.

Depuis le XIXème siècle et en dernier lieu dans les années 1950 grâce aux travaux de Charles Dereine et de Jean Becquet, les historiens considèrent que le chapitre cathédral reçut la règle augustinienne en 1136, grâce à l’action du successeur de Saint Hugues, le chartreux Hugues II4. Ce point de vue est basé sur une bulle d’Innocent II. Elle précise que « pour l’avenir soit observé d’une manière indéfectible, l’ordre qui grâce à Dieu a été institué dans l’église de Grenoble d’après la règle de Saint Augustin grâce à ton louable empressement» 5. Cette bulle de confirmation est le seul élément dont dispose les érudits locaux et historiens pour affirmer que le chapitre reçu la règle de Saint Augustin sous l’épiscopat d’Hugues II. Cependant, un certain nombre de points concernant cette bulle doivent être éclairés.

soit le parti pris, l’héritage d’un pouvoir Carolingien (accordé par les rois de Bourgogne). La question était de savoir quel crédit accorder aux cartulaires de saint Hugues. 1 L.Ripart, « Du royaume aux principautés (Savoie-Dauphiné, Xe-XI e siècle) » dans Le Royaume de Bourgogne autour de l’an Mil, Bresson, 2008, p. 247-276. 2 Il s’agit de Guigues de Lans, son frère ainsi qu’à partir de 1111, à la mort de ce dernier, d’un autre Guigues, neveu du précédent. Nous savons aussi que Foulque de Lans fut chanoine en 1105. 3 Sabrina Zurcher, Des chanoines séculiers aux chanoines réguliers : recherches sur les maisons canoniales dans les diocèses de Grenoble, Genève et Maurienne (fin Xe- fin XIIe siècle), Mémoire de master 1, Chambéry, 2007, p.31 et 37. Ainsi que la carte en Annexe. 4 Au XVème siècle, l’évêque est persuadé que c’est Saint Hugues qui a réformé le chapitre cathédral. Il situe la date de la réforme entre 1130 et 1132 c'est-à-dire du temps de l’évêque Hugues et du pape Innocent II. Marion, Cart. D N° II. Tempore Innocencii pape secundi, procurante sancto Hugone tunc episcopo, idemdominus Innocencius, papa, statuit quod ord, qui secundum regulam sancti Augustini fuerat in dicta ecclesia, laudabili studioprefati sancti Hugoni… 5 Ce pronom désigne Hugues II puisque en 1136, date de rédaction de l’acte, c’est lui qui trône sur le siège épiscopal.

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A. Le problème de la datation

La bulle pontificale est datée du millésime 1136, le deux des calendes de juin, indiction XIII 1. Cette date correspond alors au 31 mai 1136. L’indiction est fausse puisqu’un calcul rapide nous indique que l’année 1136 correspond à l’indiction IV. Cette erreur fréquente n’a rien de surprenant. Ce qui l’est plus c’est l’erreur d’interprétation commise dans le millésime qui s’est perpétuée. En effet le document fut rédigé à Pise. Or le style Pisan commence le jour de l’annonciation précédant l’année en cours. C'est-à-dire que les dates comprises entre le 25 mars et le 31 décembre, doivent être reculées d’une année pour correspondre à notre calendrier qui commence le 1er janvier. Ainsi la bulle d’Innocent II a été émise en 1135 et non en 1136.

Cette bulle de confirmation est écrite dans un contexte difficile pour la papauté. Le 14 février 1130, deux papes sont élus, chacun par un groupe de cardinaux : Innocent II et Anaclet II. A l’automne 1130, après le concile d’Etampes, le roi de France, sur les conseils de Bernard de Clairvaux, a pris le parti d’Innocent II. Ce dernier resta en France, au moins jusqu’au mois d’avril 1132, le temps que sa cause fasse une unanimité plus grande.

Dans ce contexte particulier, d’une chrétienté romaine divisée, Guigues, cinquième prieur de Grande Chartreuse, écrit au pape Innocent II pour lui rendre hommage et lui accorder son soutien dans sa lutte contre Anaclet2. Cette lettre écrite à l’automne 1131, fut lue à Innocent II lors du concile de Reims d’octobre 1131. Peu de temps après, Guigues le Chartreux, écrivit au cardinal Aimeric, chancelier de l’Eglise Romaine, afin de le remercier de sa visite au monastère de la Grande Chartreuse à l’occasion du séjour d’Innocent II à Valence au début du mois de mars 11323. C’est donc un pape en exil mais soutenu par les clercs du diocèse de Grenoble qui confirme en 1135 l’adoption de la règle de Saint Augustin par le chapitre de Grenoble.

B. Le contexte de la bulle : Une correspondance abondante entre Grenoble et la papauté

Au cours du paragraphe précédent nous avons pu voir qu’il existe une correspondance régulière entre Grenoble et le pape. Celle-ci est mise en place dès le début de l’épiscopat d’Hugues. Dans les cartulaires de Saint Hugues nous trouvons dix actes pontificaux émis sur la période 1080-1130. Si ceux-ci concernent essentiellement le conflit qui opposa Hugues avec son métropolitain viennois, Guy de Bourgogne, d’autres en revanche accordent et confirment les privilèges de l’évêque de Grenoble sur Saint Donat4.

1 Cf. Annexe 3. 2 Conservée dans la chronique de Morigny, Chrinicon Morigniacensis Monasterii ab anno MCVIII usque ad annum MCXLVII, quo Rex Ludovicus VII in Terram Sanctam profectus est, la lettre a été publiée par F.Duchesne dans Historiae Francorum scriptores,t.IV, Paris, 1641, p.379 ainsi que par un Chartreux dans Lettres des premiers Chartreux, t.1, Paris, 19882 (1ère ed. 1962) p.166-171. 3 Conservée dans un manuscrit de la Chartreuse de Cologne la lettre fut publiée une première fois par Horstius dans son édition des œuvres de Saint Bernard en 1661. Plus récemment une édition de celle-ci se trouve dans Lettres des premiers Chartreux, t.1, Paris, 19882. p.181-195. 4 Marion, Cart. C N° CI 1117et Marion, Cart. C N° CIII en 1129.

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Figure 1 : Les actes de la papauté à destination de Grenoble.

ACTES DE LA PAPAUTE

01234

1090 1095 1100 1105 1110 1115 1120 1125 1130

ANNEES

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ACTES DE LA PAPAUTE

La répartition des actes de la papauté sur la période ayant pour destination l’évêque de Grenoble, nous indique que la correspondance entre l’évêque et le pape est fréquente et régulière.

Les privilèges accordés à l’évêque réformateur ne sont pas les seules préoccupations de la papauté concernant le diocèse de Grenoble. L’établissement d’un nouvel ordre religieux en 1084 attise l’intérêt du pape pour le diocèse de Grenoble. Vers 1087, le nouveau pape, Victor III, approuve l’institut des Chartreux1.Cette missive qui semble aujourd’hui disparue inaugure la correspondance abondante entre les chartreux et la papauté. Peu de temps après, Saint Bruno reçoit un bref d’Urbain II qui l’appelle à Rome2. Ce dernier profite du voyage en Italie pour se rendre visite à la Chartreuse de Torre en Calabre. Il y meurt en 1101.

Le cinquième prieur le la Chartreuse, Guigues, inaugure une nouvelle ère dans les relations entre le diocèse de Grenoble et la papauté. Sa correspondance avec Innocent II et ses proches met en avant, une fois de plus, le diocèse de Grenoble. Guigues le Chartreux écrivit en 1131 au pape une lettre fort pressante en chargeant l’abbé de Pontigny, qui allait à Reims de la remettre lui même au chef de l’église. Cette lettre fut lue au concile de Reims, en présence du pape Innocent II. Celle-ci appuyait la demande de démission d’Hugues. Ce dernier avait tenté plusieurs fois d’abandonner sa charge épiscopale, mais sa démission s’était vue repoussée par plusieurs souverains pontifes3. Innocent II exempta alors Hugues de ses fonctions car ses infirmités l’empêchaient de remplir son rôle de prélat. D’après la désignation d’Hugues, il lui donna pour coadjuteur et pour successeur un religieux de la Chartreuse, appelé Hugues comme lui. Hugues II prit donc, dès l’année 1131, les rênes de l’administration du diocèse4. A la fin de l’année 1133, Guigues le Chartreux ainsi qu’Hugues II écrivirent une lettre au concile de Jouarre. Ce courrier s’inscrit tout à fait dans la logique du concile. Les auteurs demandent et obtiennent l’excommunication de l’auteur du meurtre du prieur de Saint Victor,

1 A.Du Boys, La Grande Chartreuse, tableau historique et descriptif de ce monastère, 19992 (1ère ed. 1845), p.102. On peut dater l’approbation à l’année 1087. A. Rony, « Conflit entre le nouveau pape et Hugues archevêque de Lyon », Revue d'histoire de l'Église de France, 1928, Vol. 14, n° 63, p. 145-160. 2 A.Du Boys, La Grande Chartreuse…, p.103. 3 Guigues le Chartreux, Vie…, p.56_59. 4 Albert du Boys fait remonter l’évènement à l’année 1130 (Vie de Saint Hugues…, p.271-272). Le concile de Reims se tenant au mois d’octobre 1131, il paraît inenvisageable qu’Hugues II monte sur le siège épiscopal avant la fin l’année 1131. En effet il semble peu probable qu’Hugues n’attende pas l’accord du pontife, comme il le fit jusqu'alors, avant de quitter ses fonctions.

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Thomas1. Enfin, le 22 avril 1134 Innocent II écrit à Guigues, prieur de Chartreuse pour lui demander de célébrer le jour de la mort d’Hugues de Châteauneuf ainsi que d’écrire sa vie2.

Ainsi nous voyons que la bulle de confirmation de la réforme augustinienne du chapitre de Grenoble s’inscrit dans deux traditions. La première concerne les privilèges et confirmation accordés à l’évêque du diocèse de Grenoble depuis l’avènement de Hugues de Châteauneuf. La seconde concerne la correspondance épistolaire entre la Grande Chartreuse et la papauté. Celle-ci est régulière et s’intensifie autour des années 1130, notamment après la mort de Hugues de Châteauneuf.

C. Une importance relative de la bulle pontificale.

La nature de la bulle n’est pas une nouveauté. La papauté a l’habitude de confirmer les réformes des chapitres depuis la fin du XIème siècle3. Il est d’ailleurs saisissant de s’apercevoir que le pape émet à huit jours de distance, une bulle similaire pour l’abbaye de Saint Maurice d’Agaune qui ordonne que l’ordre de Saint Augustin soit observé dans cette abbaye4 . L’institution de cet ordre avait déjà été confirmée par le prédécesseur d’Innocent II, Honorius II. L’intérêt de la missive destinée aux chanoines de Saint-Maurice est donc très limité. Cependant, il semble qu’Innocent II soit à cette date, préoccupé par les chanoines de royaume de Bourgogne puisque deux bulles semblables sont émises à huit jours d’intervalle. Hugues II ne reçoit la bulle d’Innocent II uniquement car ce dernier semble s’intéresser alors à la question des chanoines régulier dans le Royaume de Bourgogne.

Cette bulle pontificale, qui semble alors relever d’une préoccupation de la papauté, n’est qu’une bulle de confirmation et non une bulle de réforme. Elle reconnaît l’ordre qui a été institué par Hugues II pour ses chanoines5. Ainsi, si la date d’émission de la bulle est connue, la date de l’institution de la règle augustinienne ne l’est pas. Celle-ci est forcement antérieure au 31 mai 1135. La bulle pontificale n’est alors qu’un révélateur de cette réforme et non l’institution de celle ci.

1 A Du Boys, Vie de Saint Hugues… p. 279-280. La lettre fut publiée une première fois en 1615 à Paris par un éditeur inconnu, puis en par Mabillon, S.Bernardi Opera amnia, Paris 1690. La publication la plus récente fut faite par un Chartreux dans Lettres des premiers Chartreux, t.1, Paris, 19882. p.197-203. 2 Cette bulle d’Innocent II a été publiée en introduction de la vie de Saint Hugues, évêque de Grenoble et ami des moines de Guigues le Chartreux par M.A.Chomel et B.Bligny. p. 25. 3 C.Dereine, « Vie commune, règle de Saint Augustin et chanoines réguliers au XIème siècle » in Revue d’histoire ecclésiastique, 41, 1946, p. 365-406. 4 B.Andenmatten,G.Hausmann, L.Ripart et F.Vannotti, Ecrire et conserver. Album paléographique et diplomatique de l’abbaye de Saint Maurice d’Agaune (VIe-XVIe s.), Chambéry, Lausanne, Saint Maurice, 2010, p.25-28 et doc. 4. 5 libenter admittimus, statuentes ut ordo qui secundum beati Augustini regulam tuo laudabili studio est in Gratianopolitana ecclesia.

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Conclusion

Le chapitre cathédral n’est connu, lors de l’accession du nouveau prélat grégorien, que par une documentation très limitée. Celle-ci est toutefois suffisante pour nous montrer qu’il ne correspond pas aux idéaux grégoriens que souhaite mettre en place Hugues de Die par l’intermédiaire d’Hugues de Châteauneuf. Cependant la réforme du chapitre, peu de temps après l’épiscopat d’Hugues, témoigne d’évolutions palpables que l’on doit attribuer à cet évêque grégorien. Ainsi, le rôle d’Hugues dans la réforme du chapitre cathédral doit être redéfini. Afin d’avoir une vision plus globale de son action, notre regard ne doit pas se porter uniquement sur le chapitre mais s’ouvrir à l’entourage épiscopal dans son ensemble. En effet réformer le chapitre n’est pas une tâche aisée du fait de l’inertie de cette institution liée au poids des traditions et coutumes forgées au cours du siècle précédent. Ainsi le rôle tenu par l’entourage de l’évêque doit être considéré comme fondamental dans la réforme du chapitre. Nous verrons donc ce que fut l’entourage de l’évêque ainsi que les rapports entre l’évêque et son entourage.

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Première partie :

l’évêque, son diocèse et son entourage de la fin du XIe siècle au

milieu du XIIe siècle.

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I. A la recherche de l’entourage épiscopal

A. Une source exceptionnelle : les cartulaires de Saint Hugues

Edités par Jules Marion en 1869, les cartulaires de l’église cathédrale de Grenoble sont la

première des sources utilisées pour l’établissement de ce mémoire. Compilés au XIIème siècle essentiellement par Saint Hugues et son successeur, Hugues II, ces cartulaires furent progressivement mais brièvement complétés par les évêques de Grenoble jusqu’au XVème

siècle. Les cartulaires de Saint Hugues sont au nombre de trois que nous désignerons désormais par les lettres A, B et C.

Le premier cartulaire ou cartulaire A

Compilé certainement peu après 1107, date du partage du Sermorens entre les évêques de Grenoble et de Vienne1, il renferme 34 actes (le plus ancien est daté de 739 et le plus récent de 1109) qui s’organisent en 4 parties :

-un premier cahier, contient la bulle de partage de 1107 ainsi que 4 autres actes qui concernent tous le prieuré de Saint Donat2. Ce prieuré, bien que dans la juridiction de l’archevêque de Vienne, était en possession de l’évêque de Grenoble. Il fut une des sources du conflit entre les deux hommes.

-Les 17 actes suivants concernent tous les terres relevant de l’archidiaconé de Sermorens. On y trouve entre autre le testament du patrice Abbon daté de 739. Ce dossier visait à prouver que le Sermorens se trouvait dans la juridiction épiscopale de Grenoble.

-la « notice 23 », rédigée certainement en 1097, relate le conflit entre l’évêque de Vienne et son suffragant. On trouve aussi les copies de six lettres d’Urbain II qui traitent toutes du pagus de Sermorens.

-Les cinq derniers actes concernent les régions de la frontière méridionale de l’évêché de Grenoble. Saint Donat et Royan étant en contact avec les deux évêchés en conflit, l’évêque rassemble les preuves de son autorité dans la région.

Le deuxième cartulaire ou cartulaire B

Sur les 116 feuillets du manuscrit original, nous n’en possédons que 104. Il manque douze feuillets qui originellement faisaient partie de ce cartulaire3. Dans son état actuel, le deuxième cartulaire contient 129 chartes. Les chartes datées se répartissent entre le 3 août 1059 et 1111. Les chartes non datées s’étalent entre 1015 environ à 1130 environ. A ce corpus réalisé au XII ème siècle, ont été rajoutées, 4 chartes du XIIIème, XIVème et XVème siècles4.

D’un contenu plus hétérogène que le cartulaire A, le deuxième des cartulaires attribué à Hugues Ier concerne essentiellement des restitutions, des ventes ou des dons, de biens ou de dîmes. La charte la plus célèbre de ce corpus est sans conteste la charte XVI dont le

1 Sur le partage du pagus de Sermorens voir L.Ripart, « Du comitatus à l’épiscopatus : le partage du pagus de Sermorens entre les diocèses de Vienne et de Grenoble » dans L’espace du diocèse. Genèse d’un territoire dans l’occident médiéval (Vème-XIIIème siècle), Rennes, 2008. p.253-286. 2 En Drôme, arrondissement de Valence. Saint Donat est situé dans le diocèse de Vienne. 3 Chorier a numéroté tous les feuillets des trois cartulaires. Aujourd’hui le deuxième cartulaire commence avec le feuillet dont Chorier avait attribué le numéro treize. Voir Marion, p.VII et VIII. 4 Charte LXXXII, CXXIX pour le XIIIe siècle. Charte CIII et XXX au XIVe siècle. La charte XXX, composée au XIVème siècle énumère la liste des évêques de Grenoble. Elle est complétée vers 1450-1477.

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préambule fit débat au XIXème siècle1. Dans celui-ci l’évêque affirme ses droits face à ceux du comte avec qui il est en conflit. Son authenticité a longtemps été débattue car l’enjeu de celle-ci était l’authenticité des cartulaires de Saint Hugues autant que l’origine des comtes d’Albon.

Le troisième cartulaire ou cartulaire C

Le troisième cartulaire est composé de cent trente trois documents. L’écriture est semblable à celle du premier cartulaire2 . Le plus ancien document est daté de 1094 et le plus récent de 1224. Le contenu de ce cartulaire est assez proche du contenu du cartulaire B. On y trouve pêle-mêle, des restitutions de biens (sous forme de ventes ou de dons), des accords conclus entre les évêques et les comtes. Il est à noter que tous les documents de l’épiscopat d’Hugues II sont contenus dans ce troisième cartulaire. Cette remarque corrobore la thèse controversée au XIXème siècle selon laquelle Saint Hugues est l’auteur des cartulaires3 . Hugues II ne faisant que compléter l’œuvre de son prédécesseur.

Les chartes supplémentaires ou cartulaire D

Ce dernier n’est pas une réalité du XIIème mais une création de Jules Marion pour rationaliser son œuvre de publication. Ces « chartes supplémentaires » comportent 11 actes qui constituent en fait les dernières chartes du cartulaire C. Jules Marion les a séparés du cartulaire C car le cahier qui les contient a été cousu et relié postérieurement au reste du cartulaire C. La pièce la plus ancienne date de 899, la suivante date de l’épiscopat d’Hugues II, les 9 autres pièces sont datées des XIV et XVème siècles.

Quelques remarques d’ordre général doivent être évoquées. Parmi celles-ci il faut soulever la présence de nombreux doublons. Les chiffres que nous avons évoqués occultent une réalité. De nombreuses chartes sont présentes dans deux, voire trois cartulaires. Ainsi nous possédons 6 chartes en trois exemplaires et 82 chartes en deux exemplaires. Donc sur les 296 actes répertoriés dans les trois cartulaires utilisés dans notre étude nous en avons donc en réalité 202 distincts.

Il faut aussi remarquer que les cartulaires de Saint Hugues sont porteurs d’effets de sources. Le graphique ci-dessous illustre la répartition de tous les actes présents dans les cartulaires de l’église cathédrale de Grenoble4.

1 Sur le préambule de cette charte voir Marion, Cartulaires de l’église cathédrale de Grenoble…, Introduction. Mais voir aussi les controverses entre les érudits, locaux pour la plupart : A. De Barthélemy, « sur les cartulaires de Saint-Hugues de l'évêché de Grenoble » dans Revue des questions historiques, t. 3, 1867, p. 563-566. H.Gariel, "Réponse à la protestation de l'abbé Trépied à propos du préambule de la charte XVI du 2e cartulaire de l'église de Grenoble", Bulletin de l'Académie delphinale, 3e série, t. 1, 1866, p. 94-115. A. Trépier, "Sur la valeur historique des cartulaires de Saint-Hugues", Bulletin de l'Académie delphinale, 2e série, t. 2, 1863, p. 535. Chanoine Gros, "A propos d'une charte des cartulaires de Saint-Hugues" dans Bulletin de l'Académie delphinale, 5e série, t. 17, 1926, p. 119-121. C.De Batines et O.Jules, "Notice historique et bibliographique sur les cartulaires inédits de Saint-Hugues ", Mélanges biographiques et bibliographiques, 1837, p. 233-292. Mais on retiendra surtout l’abbé Trépier, La vérité sur Saint Hugues et ses cartulaires... Réponse à M. Gariel, Grenoble, 1867. 2 Marion, Cartulaires de l’église cathédrale de Grenoble ou cartulaires de Saint Hugues, Colmar, 1869, p.XI. 3 Trepier, La vérité sur Saint Hugues et ses cartulaires, Grenoble, 1867. 4 Ce graphique tient compte des doublons des actes. Il semble en effet intéressant de pondérer les actes qui furent jugés « utiles » en comptant chaque acte en fonction du nombre de copies produites. Nous ne considérons pas non plus les chartes supplémentaires, qui furent peu utiles à notre étude. Pour plus de lisibilité nous soustrayons deux actes datés de 1224 et 1460.

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Figure 2 : Répartition des actes des cartulaires A, B et C

Répartition des actes des cartulaires A, B, C

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800 850 900 950 1000 1050 1100 1150 1200

Années

Nom

bres

d'a

ctes

Cart. A. Année exact Cart. A. Année aprox. Cart. B. Année exacteCart. B. Année Aprox. Cart. C. Année exacte Cart. C. Année Aprox.

Il est important de noter une explosion des sources épiscopales datant des années 1080-1140. Cette remarque n’est pas sans conséquences. L’arrivée d’un grégorien sur le siège épiscopal est synonyme d’une intensification de la production de l’écrit. Ce phénomène est constaté dans de nombreuses régions et indique vraisemblablement que la culture de l’écrit et de la conservation sont des composantes importantes de la réforme grégorienne.

Après l’examen des dates des cartulaires de saint Hugues, nous constatons qu’ils contiennent 199 actes datés et 46 actes non datés rédigés sous les épiscopats d’Hugues Ier et d’Hugues II. Ainsi les actes émis au cours de ces deux épiscopats représentent 49% des actes des cartulaires A, B et C.1

Dans le graphique ci-dessous, nous considérons une échelle de temps bien plus courte puisqu’elle se limite aux épiscopats d’Hugues Ier et d’Hugues II :

1 Dans ces statistiques, nous ne prenons pas en compte les chartes supplémentaires qui furent peu utiles à notre étude.

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Figure 3 : Répartition des actes entre 1080 et 1148

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1090

1095

1100

1105

1110

1115

1120

1125

1130

1135

1140

1145

1150

CARTULAIRE A _ ANNEE CARTULAIRE A _ CIRCA

CARTULAIRE B _ ANNEE CARTULAIRE B _ CIRCA

CARTULAIRE C _ ANNEE CARTULAIRE C _ CIRCA

Au sein même du pic des productions (et de conservation) épiscopales, nous observons de fortes disparités. L’épiscopat d’Hugues II est très peu documenté dans les cartulaires. Inversement, les années 1000 à 1115 regroupent à elles seules 144 actes, ce qui représente plus de 75% de la documentation utilisable.

Il ne faut pas oublier que ces cartulaires sont une compilation de l’évêque. Les actes conservés sont en grande majorité des actes qui notifient les biens et les droits de l’évêque. Les restitutions diverses se font toutes au profit de l’évêque1. Les conserver comme autant de pièces juridiques est ce qui a compté dans l’élaboration du cartulaire. Les informations qui nous semblent utiles pour notre étude, c'est-à-dire les témoins des actes, furent au moment de la rédaction complètement secondaires. Le chapitre n’étant jamais concerné de manière collective, il n’est donc jamais mentionné comme un groupe cohérent2. Cela ne signifie pas forcément la présence de tensions entre les deux institutions mais cela signifie que le chapitre et l’entourage plus large de l’évêque n’avaient simplement pas lieu d’être visibles dans une documentation qui visait à défendre les intérêts de l’évêque.

B. Méthodes

La première démarche à suivre pour étudier l’entourage de l’évêque consiste à identifier les chanoines du chapitre. Puis il faut déterminer les principaux personnages qui entourent l’évêque. Cependant cette démarche est rendue compliquée par l’absence de mentions claires des fonctions de chacun. La grande variété des désignations rend le processus délicat et ce n’est qu’en croisant le peu d’informations que nous avons que nous pouvons établir un profil plus ou moins précis de l’entourage de l’évêque.

1En effet la donation directe à un monastère est interdite depuis le concile de Melfi. Toutes les donations doivent nécessairement être effectuées dans les mains de l’évêque, qui éventuellement respecte la volonté du donateur en transférant le don à l’établissement choisi par le donateur. 2 A l’exception d’un acte qui mentionne les 20 chanoines du chapitre. Marion, Cart. A N° III. 1105.

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Identifier l’entourage épiscopal revient pour l’essentiel, à analyser les témoins des actes et à comparer les indices utiles pour établir leurs rangs et leurs dates d’entrée et de sortie de charge. Ce travail est rendu fastidieux par le médiocre index des noms de l’édition de Jules Marion, et par la variété de leurs désignations qui rend leur identification délicate. Il convient de lister les principales désignations.

Les chanoines

Souvent dans les cartulaires, un prénom est associé au vocable de « chanoine ». La difficulté est alors d’identifier à quelle institution il appartient. Lorsque l’information est recoupée par la précision de « chanoine de l’église de Grenoble » il est clair que ce dernier fait partie du chapitre cathédral. Cependant un grand nombre de chanoines échappe à cette mention très explicite. Souvent ces derniers viennent des maisons canoniales du diocèse mais parfois, malgré les imprécisions de ce terme nous sommes invités à les classer parmi les membres du chapitre cathédral. En effet, lorsque ceux-ci interviennent très régulièrement, et dans des actes de natures très différentes, ou concernant des intérêts très variés, il est probable qu’ils défendent les intérêts de l’évêque et non ceux d’une maison canoniale précise.

Les clercs

Le vocable de « clerc » pouvant s’appliquer à d’autres qu’aux chanoines, il est très difficile, sur ce simple titre, de déterminer une appartenance au chapitre. Parfois ce terme, vague par essence est précisé par les expressions « clerc du seigneur Hugues » ou « clerc de Grenoble ». Nous trouvons aussi la mention de « clerc de la Sainte Eglise Romaine » pour désigner Amat un « chanoine ou clerc de Saint Ruf »1, ce qui constitue un titre certainement très signifiant dans le contexte grégorien. Ceux ci semblent être très proches de l’évêque mais n’appartiennent pas au chapitre cathédral.

Le convers

Un proche de l’évêque, est constamment affublé du terme « convers » : il s’agit de « Guigues convers », qui n’apparaît sous aucune autre forme de dénomination. Cependant son apparition extrêmement fréquente dans les cartulaires (c’est le personnage le plus représenté sur l’ensemble de la période étudiée) nous fait penser qu’il assume un rôle crucial durant l’épiscopat d’Hugues. Il est peu probable qu’il appartienne au corps du chapitre puisqu’il n’est jamais appelé « chanoine » sur ses 56 apparitions. Toutefois son rôle fut sans doute crucial puisqu’il est témoin dans presque un acte sur deux dans la décennie 1115-1124 et toujours auprès des chanoines de l’église cathédrale.

Les charges explicites

L’entourage de l’évêque se compose aussi de laïcs qui disposent de charges de type seigneurial. Lorsque celles-ci sont clairement désignées, la difficulté est de chercher de plus amples renseignements sur le détenteur de la charge, car parmi l’entourage de l’évêque se trouvent des clercs et des laïcs. L’enjeu est alors de savoir si cet entourage est subi ou choisi par l’évêque.

Une fois l’entourage épiscopal identifié, il faut, pour retracer les parcours respectifs, élargir les horizons. Les cartulaires de saint Hugues sont des sources exceptionnelles mais restent néanmoins des sources peu prolixes pour l’étude des chanoines qui sont souvent cantonnés aux rôles de témoins de l’évêque. Il faut alors repérer dans d’autres sources régionales les éventuelles mentions de leurs existences, ce que nous avons fait en étudiant systématiquement les cartulaires de Domène, d’Oulx, ainsi que les chartes de la Grande Chartreuse. Ces actes

1 Voir Annexe 1.

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nous renseignent sur les origines géographique et sociale de certains proches de l’évêque et nous offrent un éclairage et une terminologie différents des actes épiscopaux.

Après avoir vu les méthodes d’identification de l’entourage de l’évêque grenoblois, il convient de voir les différentes charges occupées par celui ci.

II. Les charges et fonctions de l’entourage épiscopal

A. Les charges canoniales

Chantre :

Un Gérald, chanoine du chapitre de Grenoble, est chantre en 1101. C’est la seule mention de cet office dans les cartulaires de saint Hugues qui amène son titulaire à diriger le chant du chœur lors des offices1.

Chapelain :

Le seul chapelain identifié au cours de la période étudiée est Gérald de Savoie qui apparaît à une date non précisée. Il est alors le principal clerc attaché au service de la cathédrale2.

Doyen :

Il préside les réunions et cérémonies liturgiques et dirige la communauté après la suppression de la charge de prévôt3.

La documentation nous permet de dresser une liste relativement complète des doyens de Grenoble et permet de corriger les lacunes de celle fournie par Albert Du Boys4. De 1073 à 1111, Guigues est doyen de l’église cathédrale de Grenoble. Sa mort peut être datée avec assez de précision car la dernière mention de ce personnage est datée de 1111 tandis que la première mention de son successeur, Oldéric, à ce poste est datée d’environ 1110 Ce dernier reste doyen jusqu' à son épiscopat diois en 1129-1130. La charge de doyen échoit alors à Guillaume, dont la première mention est datée de l’épiscopat d’Hugues. La date probable de son arrivée se situe entre 1130 et 1132. Il occupe la charge de doyen jusque vers 1140, date approximative de sa dernière apparition dans les cartulaires et d’arrivée de son successeur Radulf qui occupe toujours le poste vers 1161, sous l’épiscopat de Geoffroy5.

Selon Albert Du Boys, le doyen de l’église cathédrale de Grenoble est aussi l’archiprêtre du Grésivaudan6. Cette affirmation ne repose sur rien d’autre qu’une intuition de l’auteur7. En

1 Cf. Annexe 1. 2 Cf. Annexe 1. 3 G.Michaud, le chapitre de Saint Jean de Maurienne…p.26. La suppression de la charge de prévôt est un phénomène classique lors des réformes canoniales de type grégorien. A Saint Jean de Maurienne, la fonction du prévôt disparaît en 1145. 4 En appendice de la Vie de Saint Hugues…, Albert du Boys propose une chronologie des doyens de Grenoble. Nous trouvons en 1090 : Aymon de la Balme ; 1100 : Bernard ; 1105 : Guigues ; 1124 : Oldéric ; 1147 : Guillaume. Il est clair qu’une lecture plus attentive des cartulaires de Saint Hugues nous permet de démontrer que cette liste est peu précise et incomplète. 5 1151-1163. 6 A. Du Boys, Vie de Saint Hugues…, Appendice. 7 Les conclusions d’Albert Du Boys sont souvent à prendre avec prudence. En effet, dans le paragraphe suivant il affirme que l’évêque de Grenoble est aussi doyen de Savoie. Au XIème siècle l’affirmation s’avère fausse. Il est attesté que le doyen de Savoie ou de Saint Andrée est distinct de la personne de l’évêque puisque vers 1110, c’est Airald, futur évêque de Maurienne qui occupe le poste (Marion, Cart. C Charte LII par exemple).

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effet le seul élément probant qui va dans ce sens est qu’il n’est jamais fait mention d’un doyen ou archiprêtre du Grésivaudan, tandis que le doyen du décanat de Savoie apparaît régulièrement. Face à cet argument, il est tentant de suivre Albert Du Boys dans cette conclusion. Cependant, la prudence s’impose : la fonction d’archiprêtre ou de doyen s’est sécularisée au cours des Xème et XIème siècle1, et il est donc possible que le doyen du Grésivaudan soit un laïc. Si tel est le cas, il serait logique qu’il n’apparaisse pas dans les cartulaires de Saint Hugues. Cependant, sachant que c’est bien souvent l’évêque qui nomme les archiprêtres et doyens2, il me semble peu probable que Hugues ait choisi un laïc pour l’archiprêtré de Grésivaudan tandis qu’il nomme un réformateur comme doyen de Savoie3. Il semble alors logique que l’archiprêtre de Grésivaudan apparaisse avec approximativement la même fréquence que le doyen de Savoie. Or ce n’est pas le cas, il n’y a pas de « doyen de Grésivaudan ». Deux options s’affrontent alors : soit l’archiprêtre susdit est le doyen du chapitre cathédral, soit il n’existe pas d’archiprêtre de Grésivaudan. La deuxième solution est plus attractive car la fonction d’archiprêtre est dans de nombreux diocèses, remaniée au cours des XIème et XIIème siècles4. L’attestation de l’archiprêtré de Grésivaudan n’existe pas dans le pouillé datant d’environ 11005. Il est donc possible que la fonction n’existe tout simplement pas sous l’épiscopat d’Hugues.

Magister :

Nous avons quatre chanoines qui occupent le poste de Maître. Selon Gérard Giordanengo, il s’agit de maîtres du droit6. Cependant la réalité de la charge canoniale reste discutée et mystérieuse. Il semble probable que le Magister soit l’écolâtre de l’école cathédrale.

La charge est occupée par Oldéric de 1107 à 1111 date à laquelle il devient doyen. Othmar est magister vers 1140. A une date indéterminée Amat occupe le poste. Nous avons aussi l’attestation qu’un « W » occupe cette charge canoniale. Il apparaît alors comme magister W phisicus7 . Il s’agit certainement de Guillaume, doyen des alentours de 1132 jusqu’ approximativement 1140. Il semble en effet possible que cette charge fasse partie du cursus honorum canonial et mène souvent aux fonctions de Doyen.

1 J. Avril, « Une association obligée : l’archiprêtré ou doyenné » dans Revue d’Histoire de l’Eglise de France, t.93 (n°230), janvier-juin 2007, p.30-31. 2 Id. 3 G. Michaud, Le chapitre de Saint Jean de Maurienne…, p.56. Ce dernier semble déployer de grands efforts pour recouvrer les biens du clergé, 4 J. Avril. Ibid. 5 Marion, Cart. C .Charte I. S’il n’est pas fait mention d’un archiprêtré de Grésivaudan, ce pouillé est cependant organisé avec une logique administrative et territoriale. On y trouve la mention des archiprêtrés de Viennois, d’Outre Drac, de Grenoble ainsi que l’archiprêtré ou décanat de Savoie. Il est ainsi probable que les auteurs modernes aient dénommé « archiprêtré de Grésivaudan » ce qui au XIIème siècle s’appelait « archiprêtré de Grenoble ». Cette confusion est rendue possible par le recensement des bénéfices du diocèse de Grenoble (Marion, Cart. C Charte II) qui utilise une logique territoriale et non administrative pour classer ces derniers. Ainsi, les églises de l’archiprêtré de Grenoble apparaissent in graisivodano. 6 G. Giordanengo, Le droit féodal dans les pays de droit écrit, l’exemple de la Provence et du Dauphiné, XIIème début XIVème siècle, Rome, 1988, p.17. 7 Marion, Cart. B N° CVI. Gérard Giordanengo pense qu’Amat n’est pas magister. L’acte LVI du cartulaire B, contiendrait alors une erreur. Selon lui il existe aussi un « Maitre » Guillaume, et « un maître W » qui sont deux personnes distinctes. G.Giordanengo, Le droit…, note 85, p. 17. Le terme phisicus pourrait faire référence à des capacités de soignant du personnage.

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Prévôt :

Le prévôt dirige le chapitre. La seule attestation qui prouve que le prévôt est à la tête du chapitre cathédral date des environs de 10801. Il semble que la fonction disparaisse peu de temps après l’arrivée d’Hugues sur le siège épiscopal, car Pierre, le prévôt de 1080, apparaît alors comme un simple chanoine et n’est plus affecté de son titre lors du synode diocésain de 10862. La disparition de cette charge canoniale est couramment constatée dans les autres chapitres cathédraux. Le prévôt, à la tête des chanoines, peut présenter une force d’opposition conséquente pour l’évêque. Ceux-ci, dans un processus grégorien, s’octroient fréquemment le poste ou le font disparaître Cette action de l’évêque de Grenoble montre alors sa volonté réformatrice dès son arrivée à Grenoble. Il s’impose alors comme le véritable chef des chanoines en brisant l’opposition de la prévôté.

Procurateur :

Au sein du chapitre de Grenoble nous connaissons trois procurateurs. Oldéric occupe brièvement le poste en 11243. Vers 1140 Pierre occupe ce poste et enfin nous savons que aux alentours de 1145 à 1161, Pagano est dénommé à son tour procurateur de l’évêque.

Il semble que ce poste soit affecté pour des missions très temporaires car Oldéric est doyen avant et après 1124. Il n’est procurateur que durant un temps très court que l’on pourrait supposer être le temps d’accomplir une mission particulière.

Il est probable qu’au XIIème siècle, le procurateur avait un tribunal et rendait la justice au nom de l’évêque. Au cours du XIIIèmè siècle, le procurateur de l’évêque devient un procurator anniversariorum et ne semble pas avoir de prérogatives judiciaires4.

B. Les charges de type seigneurial

Cellérier :

Si Gabriel Michaux identifie ce poste comme celui de la gestion du réfectoire à Saint Jean de Maurienne5, il semble qu’à Grenoble il soit l’officier chargé de la garde des clefs du palais de l’évêque. Le cellérier doit avoir en personne les clefs et ne doit les confier à personne sous peine de perdre sa charge. De même, il ne doit en aucune façon frauder dans l’administration de sa charge.

Cet office est inféodé par l’évêque qui peut reprendre le fief en cas de manquement du cellérier6. Son fief est composé d’un casamentum, d’un courtil ainsi que d’un four dans la ville de Grenoble et une chabanne à Saint-Martin de Miséré. De plus le cellérier a sa

1 Charles De Monteynard, Cartulare monasterii beatorum Petri et Pauli de Domina, Cluniacensis ordinis, Gratianopolitanae diocensis, Lyon, 1859, N° 163. 2 B.Bligny, Recueil des plus anciens actes de la Grande Chartreuse (1086-1196), Grenoble, 1958, p.3_8. 3 Marion, Cart. C N° LIV. 4 C. Du Cange, « Procurator », Op. cit. p.521-522. 5 G .Michaud, Le chapitre cathédral de Saint Jean de Maurienne du XIème au XIVème siècle, Travaux de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Maurienne, Tome XXXVII, Chambéry, 2003,p.26. 6 Marion, Cart. B Charte XLV. sed, si Leotardus in suam personam claves tenere noluerit, vel, si tenuerit et res episcopales defraudaverit, ego committam eas cuicumque voluero;

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nourriture, pour une valeur d’un sou, dans le palais lorsque l’évêque s’y trouve. Il touche aussi pour son office chaque année, la somme de dix sous1.

Vers 1100, lors du partage des contamines entre le comte et l’évêque, ce dernier envoie son cellérier, Guillaume Létard2. A la mort de Guillaume Létard, Létard, son fils est inféodé de la charge de cellérier3. A la mort d’Hugues Ier, ce même Létard, avec ses frères Beto et Artaud élève contre son successeur Hugues II, « d’injustes prétentions ». Hugues II les soumet à sa justice, en présence d’Oldéric, évêque de Die, et d’Ayrald, évêque de Maurienne4, ainsi que d’anciens témoins de l’acte passé entre Hugues Ier et les enfants de Guillaume Létard5. Le procès donne raison à l’évêque. Ainsi Létard et ses frères doivent confirmer l’hommage de la cellérie à Hugues II6.

Cet office, inféodé, est donc une source de discorde entre Létard et Hugues II. Il s’agit de la seule mention d’un conflit existant entre l’évêque et un membre de son entourage.

Convers :

Il semble que le terme convers recouvre une réalité plus large qu’un simple surnom dû à un parcours ecclésiastique tardif ou à un statut monastique (tel qu’on peut supposer être celui de Pons ou de Chabert7). En effet, dans les cartulaires de Saint Hugues, nous trouvons deux « convers » à des dates qui ne se chevauchent pas. Il est très tentant de suivre alors l’hypothèse de Charles Du Fresnes Du Cange8, qui sur l’exemple de Grenoble et des deux convers, Guigues et Théobert, suppose que dans ce cas précis, le convers est un administrateur de l’évêque. Il est frappant en effet de voir le rôle crucial de « Guigues convers » au sein du chapitre : il figure toujours le premier dans les souscriptions des actes. De plus, en l’absence de l’évêque, c’est lui qui passe les actes de donations et d’hommages. Ainsi, il est largement envisageable de faire des « convers de l’évêque », les administrateurs des biens temporels de celui-ci.

Décimateur :

En 1109, Benoît est collecteur de dîmes9, puis il apparaît une dernière fois en 1111. Un acte daté d’environ 1111 mentionne un Pierre lui aussi decimator et homo episcopi10. Il s’agit des deux seules mentions de cette charge qui consiste à la levée des dîmes pour le compte de l’évêque.

Maréchal :

Certainement en charge du commandement des troupes, nous n’avons qu’une seule attestation de cette charge. Elle est occupée par Pierre de Saint André qui est nommé dans la liste des témoins avant Radulf d’Allevard, neveu du doyen Oldéric.

1 Id. dedi ei, quoque anno, pro feudo cellarie, X solidos et victum sibi soli in domo mea, quandiu ego ibi manerem […] ipsam dedi eis (référence aux fils de Létard qui hériteront de sa charge), profeudo cellarie, et casamenta et cortilia que habent Gratianopoli et unum furnum… 2 Marion, Cart. B N° XVI. 3 Marion, Cart. B N° XLV. Post mortem vero ejudem Wilelmi, fecerunt michi placitum filii sui, Beto, Leotardus, et alli fratres eorum. 4 Il est à remarquer que les deux évêques sont issus du diocèse de Grenoble. Oldéric fut doyen du chapitre cathédral tandis qu’Ayrald fut doyen du décanat de Savoie. 5 Marion, Cart. B Charte XLV. 6 Marion, Cart. C Charte CXXV. 7 Marion, Cart. B Charte. XIII. 8 C. Du Cange, « Conversio », Glossarium mediae et infimae latinitatis. T2, 1883 9, p. 547-548. 9 Marion, Cart. B N°XCIII. 10 Marion, Cart. B N° CIV.

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Mistral :

Selon Gabrielle Michaux, à Saint Jean de Maurienne, le mistral administre la terre canoniale. Cependant, à Grenoble, ce dernier semble gérer les biens, non pas du chapitre, mais de l’évêque.

Nous connaissons deux mistraux. Borel, est mistral de 1108 à 1111, puis son successeur à cette charge, Adon a pu l’être jusqu’en 1121. Borel opère une vaste campagne de restitution de biens à Saint Donat. Ces biens sont des terres prévôsitales de Saint Donat. Il s’avère que l’évêque est prévôt de cette maison canoniale régulière à partir de 11051. Quant à Adon, lui aussi semble avoir eu un grand rôle pour l’évêque. En effet, en 1121, il reçoit dans ses mains, au nom de l’évêque, une restitution de dîmes2.

Scribe :

La fonction de scribe n’est pas à proprement parler une fonction seigneuriale. Aucun des rédacteurs des actes ne se désigne sous le vocable de « scribe de l’évêque » ou encore « scribe de l’église de Grenoble ». Cependant ce poste est déterminant dans le cadre de la réforme engagée. Ecrire les actes au nom de l’évêque est un moyen de véhiculer une idéologie. D’ailleurs, il est notable, que les trois scribes connus sont des proches de l’évêque. Tous les trois sont des chanoines réguliers.

Amat, chanoine régulier de Saint Ruf, occupe le poste de 1080 à 1111. Durant cette période, il ne cède la plume que deux fois, à Richard. S’il est difficile de savoir le genre de vie que menait Richard en tant que chanoine grenoblois, la suite de son parcours, au sein de l’abbaye canoniale d’Oulx, nous invite à penser qu’il fut un chanoine exemplaire3. Le dernier scribe connu est Pierre-Etienne. Ce dernier fut chanoine de Maguelone avant de s’installer à Grenoble. Le chapitre de cette cité adopta la règle de Saint Augustin avant 1095. Ainsi ce dernier était déjà soumis à la vie commune lors de son arrivée à Grenoble vers 1100.

Sénéchal :

Le sénéchal est l’officier chargé de l’approvisionnement en nourriture. La présence d’un sénéchal fusse-t-il en conflit avec l’évêque4, suggère la nécessité de la présence de la charge. Le sénéchal avait en charge l’approvisionnement du réfectoire. Les chanoines prenaient-ils un ou plusieurs repas en commun ? Le sénéchal n’approvisionnait-il que la table de l’évêque ? La prise des repas en commun était l’un des enjeux majeurs de la réforme des chapitres cathédraux et si à Grenoble aucune preuve ne vient trancher la question, la présence d’un sénéchal, laïc, peut laisser croire que son utilité est uniquement l’approvisionnement de la table de l’évêque.

Le seul sénéchal connu est Létard. Il est dénommé de la sorte en 1110 lorsque Ponce de Tour rend à Hugues la terre prévôsitale de Saint Donat qu’il détient illégalement5. Le cas d’Adon est plus complexe. En effet aux alentours de 1110 il est alors dénommé inferioris dapium sive senescali. Si dapium peut être traduit par sénéchal (Dapifer), et donc renforcer sa position, l’adjectif inferioris tend à montrer qu’il est aux ordres d’un chef sénéchal. Comme la date de cette mention correspond approximativement à la date où Létard est sénéchal, affirmer qu’Adon est sénéchal est osé. Il semble plutôt qu’il soit le subordonné de Létard.

1 Marion, Cart. A N° III. 2 Marion, Cart. C N° L. 3 Cf. Annexe 1. 4 Cf. Annexe 1. 5 Marion, Cart. B Charte LXXV.

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Au cours de cet exposé des charges canoniales et seigneuriales, nous avons pu voir que certaines étaient inféodées tandis que d’autres induisaient des privilèges. De telles pratiques posent la question des rapports entre les charges canoniales et les prébendes qui en découlent, autant que des fiefs liés aux charges de type seigneurial.

III. La mense canoniale et le problème des prébendes

Les biens canoniaux sont des enjeux fondamentaux de la réforme grégorienne, qui vise à contraindre les chanoines à la possession commune. Bien que notre documentation soit abondante, nous ne trouvons nulle part la mention explicite ni de la constitution de la mense canoniale, ni de prébendes canoniales. Cependant une lecture attentive des documents nous permet de faire le lien entre un certain nombre de restitutions de biens et la constitution de prébendes canoniales. Pour mieux comprendre comment s’organisent les relations matérielles entre l’évêque de Grenoble et son chapitre, il convient au préalable d’analyser les restitutions de l’aristocratie laïque à l’église grenobloise : signe des temps, la constitution des prébendes canoniales n’est en effet guère différente de celle des fiefs de l’aristocratie laïque.

A. Un modèle laïc et seigneurial : le cas de Guillaume Létard

Guillaume Létard est un laïc, proche de l’évêque, occupant pour le compte de celui-ci, le poste de cellérier. Or le jour précis où ce dernier entre en charge, il abandonne devant des chanoines de Grenoble un manse qu’il reprend pour son office de cellérier1.

L’inféodation pour une charge laïque se justifie tout à fait dans un contexte de mise en place d’une féodalité épiscopale2, mais il faut noter que c’est le bénéficiaire de la charge qui constitue le fief relevant de sa charge. Dans un contexte où l’Eglise de Grenoble se propose de restituer les biens « usurpés » par les laïcs au cours des épiscopats précédents, on peut interpréter ce geste comme une régularisation du statut des biens de Guillaume Létard. Ces derniers sont rendus à l’évêque, mais l’ancien propriétaire en garde la jouissance de par sa fonction de cellérier. Ses enfants en gardent aussi l’usufruit car vers 1140 ils font l’hommage de la cellérie à Hugues II.

Ce modèle sans grande originalité semble être aussi appliqué pour la constitution des prébendes canoniales.

B. Des prébendes canoniales ?

La réforme grégorienne entend combattre les pratiques simoniaques néanmoins il semble que le promoteur de la réforme à Grenoble ait utilisé ces pratiques pour parvenir à obtenir de l’aristocratie locale des biens que l’évêque estimait être les siens, en les réattribuant à ses proches à titre de prébendes canoniales. Ces actes sont très similaires à ceux qui concernent l’aristocratie laïque : bénéfices seigneuriaux ou terres concédées à titre de prébendes sont d’ailleurs qualifiées les unes et les autres de fiefs.

Beaucoup de restitutions concernent la parenté des chanoines. Dans un acte non daté, Rainald de Lans, le père de Guigues, chanoine au chapitre cathédral, donne toutes les dîmes

1 Marion, Cart. B N° XLV. Dereliquit (Guillaume Létard) ergo mansum unum, quem, sicut ibidem testibus comprobatum fuit, mentitus fuerat se habere pro feudo cellarie. 2 G.Giordanengo, Le droit…

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qu’il possède dans la paroisse de Lans1. Gérald, père d’Oldéric, agit de même en restituant à l’évêque, vers 1100, une chabane à Saint Martin des Vignes2. De même le père du chanoine Adon, Gérald de la Palud, rend l’église de Chignin à une date non déterminée3.

Dans un second temps, l’évêque inféode les biens rendus à des chanoines, qui sont en fait les fils des donateurs laïcs. Ainsi lors de sa restitution, Gérald de Lans veut que son fils Guigues, chanoine, possède les dites dîmes en fief par la main de Hugues sa vie durant. Après la mort de Guigues la dîme prédite doit retourner aux évêques de Grenoble4. Il en va de même pour la donation de Gérald Roux, qui désire que son bien soit inféodé par l’évêque à son fils, sa vie durant. C’est seulement après la mort d’Oldéric que l’évêque jouit de ce bien à sa guise5. Adon garde lui aussi toute sa vie de l’église qu’a restituée son père6.

Il semble donc que les biens restitués intègrent ou constituent les prébendes canoniales, selon une procédure de type féodal. Il est d’ailleurs caractéristique que ces biens soient qualifiés de fiefs dans l’entête des actes.

De plus il semble que ces restitutions aient lieu lors de l’investiture des chanoines, car pour trois de ces actes nous avons des éléments de datation précise. En 1111, la restitution de Gérald, père du chanoine Oldéric, ne coïncide certes pas avec l’arrivée de son fils au sein du chapitre, puisque ce dernier est chanoine depuis 1086. Cependant, l’année 1111 est déterminante pour lui ; c’est la date à laquelle il devient doyen du chapitre. Cette concordance soulève quelques interrogations : est-ce pour la prébende de sa nouvelle charge que le père d’Oldéric rend la chabane de Saint Martin des Vignes ?

La concordance entre l’investiture d’Oldéric comme doyen et la restitution faite par sa famille de la chabane de Saint-Martin-des-Vignes n’est pas isolée. En 1111, Rainald, le frère de Guigues de Lans confirme à l’évêque les donations de son père, Rainald de Lans, et ajoute que la confirmation fut faite le jour où son fils fut fait chanoine7. La relation entre ces événements semble confirmer que ces restitutions servent en fait de prébendes aux nouveaux chanoines. Ces restitutions portent bien souvent le titre de « fief de … », ce qui montre la proximité entre une prébende canoniale et un bénéfice seigneurial8. On s’interrogera aussi plus loin pour savoir si la méthode employée par l’évêque a une incidence sur la qualité des restitutions.

C. La pratique du népotisme

Avoir une charge auprès de l’évêque semble être un phénomène familial. Nous avons dit plus haut que le fils de Rainald de Lans, Guigues, fut fait chanoine en 11119. Ce chanoine le devient juste après la mort de son oncle Guigues. Le prénom Guigues semble être alors, pour cette famille, voué à une destinée canoniale. Le népotisme dont fait preuve la famille de Lans

1 Marion, Cart. B N° L. 2 Marion, Cart. B N° XLIII. 3 Marion, Cart. B N° XXIX. 4 Marion, Cart. B N° L. 5 Marion, Cart, B N° XLIII. 6 En réalité, Adon la donne à Hugues qui la donne à son tour au tout jeune chapitre de chanoines réguliers de Saint Jeoire (dans le décanat de Savoie) créé en 1110 (Marion, Cart. B N° LXXI). 7 Marion, Cart. B N° CII. 8 On citera en exemple Marion, Cart. B N°XLIII : Carta Odolrici de suo feudo S.D. 1080-1132. Circa 1100 (Charte en Annexe 4) ainsi que La charte L du cartulaire B : De feudo Guigonis de Lanz S.D. 1080-1132 qui sont les deux cas les plus emblématiques. 9 Marion, Cart. B N° CII.

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n’est pas isolé, puisque l’on voit se dessiner de véritables dynasties de chanoines, souvent spécialisés dans la même charge.

C’est ainsi que Radulf, neveu du doyen Oldéric, devient à son tour doyen vers 1140. Il est toujours en charge vers 1161. Ainsi, malgré l’épisode qui suit l’élection de son oncle vers 1130 sur le siège épiscopal jusqu'à sa propre nomination en 1140, où le doyen est Guillaume, l’oncle et le neveu occupent le même poste.

On peut remarquer que la patrimonialisation des charges canoniales semble bien acceptée, puisque nous n’avons aucun conflit entre l’évêque et ses chanoines sur la gestion de ces bénéfices. Tel n’est pas toujours le cas avec les charges laïques, qui suscitent parfois des conflits avec l’évêque, comme par exemple avec Létard qui, à la suite d’un long conflit avec l’évêque, doit faire hommage de sa cellérie. Il ne faut pas croire que le conflit est fréquent car il est possible que Borel, mistral de l’évêque autour de 1110, ait un fils du nom de Pierre, lui aussi mistral de l’évêque vers 11451. Nous ne trouvons dans les cartulaires de Saint Hugues, aucune trace de conflit entre Pierre, le fils de Borel et l’évêque.

1 Marion. Cart. D N° XI. Petrus Borelli, ministralis episcopi. L’emploi du génitif suggère une filiation.

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Deuxième partie :

Composer avec l’aristocratie locale

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Il était très fréquent que le chapitre cathédral, ainsi que l’entourage de l’évêque, soient composés de l’aristocratie régionale. Il fallait donc pour l’évêque faire au mieux avec cette réalité. L’évêque avait sans doute intérêt à disposer dans ses rangs des membres des plus influentes familles de la région.

I. Des intermédiaires entre l’évêque et le comte ?

Les chanoines issus des grandes familles étaient autant d’éléments précieux à l’évêque pour faire face à la puissance montante des Guigonides. Les rapports entre l’évêque et le comte n’étant pas toujours faciles, les proches de l’évêque apparaissaient comme des médiateurs entre les deux pouvoirs. Ceux-ci pouvaient voir aussi en l’évêque un moyen de se protéger d’une puissance territoriale qui tendait à diminuer leur autonomie par l’usage de la féodalité que les Guigonides mirent en place.

A. Les tensions entre l’évêque et le comte

L’accaparation de l’évêché par les Guigonides du XIème siècle permit la montée en puissance de cette famille aux origines obscures. La dilapidation du patrimoine ecclésiastique sous leurs épiscopats fit naître deux entités seigneuriales très imbriquées. Ainsi, au temps d’Hugues de Châteauneuf, le comte et l’évêque possédaient en commun la seigneurie sur la ville de Grenoble ainsi que plusieurs autres biens et terres. Cette situation ne put que provoquer des tensions sachant les ambitions d’Hugues. Le programme de restitution qu’il souhaitait mettre en place paraît incompatible avec les prétentions seigneuriales de plus en plus grandes de Guigues III. Ainsi, s’il semble que, durant un certain temps, Hugues l’ait préservé de ses sentences spirituelles, après 16 ans d’épiscopat, il rompit la paix avec le comte.

D’après le récit de Guigues le Chartreux nous savons que par deux fois l’évêque excommunia le comte et par deux fois ce dernier chassa Hugues de son palais grenoblois1. Ce témoignage ainsi que quelques bribes de renseignements dispersés dans les cartulaires de Saint Hugues, permirent à Albert du Boys de faire une mise au point des relations qu’eurent le comte et l’évêque2.

En 1096 ou 1097, Hugues fit connaître à tous ses fidèles que toutes les possessions du comte d’Albon avaient été usurpées à l’église de Grenoble3. Guigues II répliqua en faisant injure à l’évêque4 et en l’accusant de mentir. Hugues lui ayant demandé à quelles occasions il avait trahi la vérité5, le comte aurait été atteint de mutisme et hors d’état de répondre : selon Albert Du Boys, c’est à cette occasion qu’Hugues aurait prononcé l’anathème6.

Guigues attaqua alors l’évêque dans son palais et le contraint à fuir et à quitter Grenoble (1097). Hugues partit alors pour le royaume de Naples où il alla demander conseil à Bruno de

1 Guigues le Chartreux, Vie…p. 47. 2 Albert du Boys, Vie de Saint Hugues…, p.129-161. 3 Marion, Cart. B Charte XVI. 4 Le terme insulte est employé par Albert de Boys, Vie de Saint Hugues...p.139. Il s’appuie certainement sur une mauvaise traduction du récit de Guigues le Chartreux. 5 Guigues aurait accusé l’évêque de mensonge. Puis n’ayant pu prouver son accusation, le comte se rétracta et avoua qu’il n’a jamais entendu l’évêque mentir sciemment. Guigues le Chartreux, Vie de Saint Hugues…p. 47. 6 A. du Boys, Vie de Saint Hugues… p.140. Précisons que Guigues le Chartreux nous affirme qu’Hugues excommunia le comte à deux reprises. (Guigues le Chartreux, Vie de Saint Hugues…, p.47). Noël Didier place cette date ente 1085 et 1094 alors que Albert Du Boys la place vers 1097.

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Cologne qui était alors à Torre en Calabre1. Hugues ne rentra que deux ans plus tard retenu à Salerne par la maladie2.

L’anathématisation du comte étant soutenue par une bulle d’Urbain II3, le comte ne pouvait prétendre à l’illégalité de sa mise au ban. Comme il ne pouvait recevoir la communion, il céda, malgré l’absence d’Hugues qui était en Pouille ou à Salerne4. Ainsi, le 22 février 10985, Guigues le Comte, fils de Guigues le Gras, abandonna à Saint Vincent, à l’évêque Hugues et à l’église de Grenoble, les églises qu’il possédait par droit comtal dans son comté, dans le diocèse de Grenoble, entre les mains de Guillaume, abbé de Saint Chaffre, de Bernard prieur de Saint Robert de Cornillon, et de moines et de chevaliers. Il fit revenir Hugues et réitéra sa donation en présence de l’évêque en 10996. Les deux parties consentirent à ce que les biens en commun fussent partagés.

La concorde qui animait les deux principaux personnages du diocèse fut de courte durée. En effet, après la mort d’Urbain II, Guigues sous prétexte de faire cesser l’indivision de la ville de Grenoble, pilla le château de Montbonnot et dévasta les domaines qui appartenaient à l’évêque. Il reprit les dîmes et droits qu’il avait abandonnés. Puis il se mit à dévaster les églises et insulter les clercs. Il les contraignit par des menaces à devenir ses sujets et seuls les chanoines conservèrent leur liberté7. A cette occasion, Guigues aurait mis fin aux privilèges de la ville de Grenoble8. En représailles Hugues excommunia de nouveau le comte mais il fut une nouvelle fois contraint d’échapper à la fureur de son ennemi. Il quitta encore une fois Grenoble et se réfugia chez les Chartreux. Puis par crainte que la colère de Guigues ne profane les lieux, il se retira à Lyon auprès d’Hugues de Die9.

Hugues était présent au concile de Vienne de 1112 qui déclara l’empereur hérétique10. Cela eut sans doute un grand retentissement au sein du diocèse de Grenoble. Hugues revint auréolé d’un grand prestige. De plus en plus isolé, Guigues III s’apaisa et Hugues revint à Grenoble. Son prestige lui permit d’accélérer le processus des restitutions des biens de l’Eglise11. Guigues III céda lui aussi à ce mouvement. Certainement sous la pression de sa femme, Mathilde, princesse anglaise12, Guigues accepta un accord avec l’évêque sous la médiation des évêques de Die et de Vivier. A cette occasion, Guigues rendit tous les biens

1 U. Chevalier place le voyage entre 1095 et 1097. G.Manteyer et N.Didier le place entre 1097 et 1099. Il est plus vraisemblable que Noël Didier ait raison car la charte II du cartulaire B nous invite à croire que le retour d’Hugues est très récent. 2 Id. 3 Marion, Cart. A N° XXIII. 4 Marion, Cart. B N° II. 5 Marion, Cart. B N°II. 6 Id. Cart. B N° II. 7 Albert du Boy, Vie de Saint Hugues…Ce dernier ne citant pas ses sources, il faut prendre ses propos avec prudence. 8 Marion, Cart. C N° LXXXI. Selon A.Prudhomme et V.Chomel les Bonorum virorum cités dans l’acte seraient les héritiers directs des magistrats romain. Une telle continuité des institutions me semble douteuse et il me semble plus probable que l’apparition de boni homini à Grenoble date des épiscopats juste antérieurs à celui d’Hugues. De plus, leurs rôles, ne sont pas précisés et il semble qu’ils ne jouent pas de grands rôles dans la vie de la ville. 9 Guigues le Chartreux, Vie de Saint Hugues…, p.49 10 O.Pontal, Les conciles de la France capétienne jusqu’en 1215, Paris, 1995, p. 256-259. 11 cf. l’effet de source. 12 Monteynard, N°15. Les auteurs du XIXème siècle ont largement mis en avant le rôle des femmes dans l’entourage guigonide. Cependant cette historiographie s’appuie sur la vie de Margueritte, belle fille de Mathilde, écrite à la fin du XIIème siècle par Guillaume, chanoine grenoblois. Ce récit, très consensuel avec cette dernière n’est pas corroboré par la lecture des actes puisqu’elle n’apparaît qu’une seule fois dans les cartulaires de Saint Hugues. Il faut donc relativiser les propos cités par Albert Du Boys lorsque ce dernier prétend que Mathilde fit pression sur le comte.

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ecclésiastiques. Il rendit aussi les privilèges d’hommes libres aux clercs de l’évêché de Grenoble et de Saint Donat. Il les remit en possession de leurs biens à condition qu’Hugues s’engagea à réprimer toute atteinte à l’autorité du comte chez ses mêmes clercs. Guigues affranchit les familles des chanoines de Grenoble de toute vassalité ou servage. Mais il se réserva sa juridiction pour les clercs qui étaient ses feudataires. Les prélats chargés d’arbitrer le conflit donnèrent à Hugues le conseil de ne pas nourrir d’inimitié contre le comte au sujet des empiétements de ses prédécesseurs. Cet accord de 1116 fut confirmé par Calixte II en 11191.

Il semble qu’après cette date, les relations entre le comte Guigues III et Hugues Ier se normalisèrent, ce qui n’empêcha pas la reprise des hostilités après les successions respectives. Guigues IV, qui fut le premier à prendre le surnom de Dauphin, épousa Marguerite de Bourgogne, nièce de Calixte II. Cette dernière, si l’on croit Albert Du Boys, tempéra Guigues IV et participa activement à la politique de son mari 2. Elle ne réussit cependant pas à empêcher un conflit entre son mari et le nouvel évêque, Hugues II.

Le premier épisode de tension entre le comte et l’évêque date de 1133. Le différent entre Hugues II et Guigues Dauphin porta sur un péage sur l’Isère dont chacun revendiquait la propriété3. Nicolas Chorier parla d’une guerre ouverte entre Guigues et l’archevêque de Vienne au cours de cette année4 . Le comte incendia Saint Barnard de Romans et la revendication du pont n’apparut alors que comme un point stratégique à la fois comme point de passage et comme source de revenus5. Albert du Boys identifia le pont incriminé à un pont qu’aurait fait construire Hugues de Châteauneuf prés de Grenoble. La juridiction de la ville étant partagée, les revendications du comte ne lui semblaient donc pas totalement dénuées de sens.

Autour de 1140, le comte s’était emparé d’un tiers de la justice dans les mandements de Venon et de Gière, de droits de tolte et de chevauchée. Il viola ainsi l’accord passé par son prédécesseur. Il fut contraint de renoncer à la plupart de ses prétentions, mais on lui reconnut la chevauchée de Venon6. La même année, l’évêque se plaignit de nouveau : le comte et la comtesse lui avaient enlevé des terres et continuaient à percevoir le tiers des plaids à Venon. Les hommes du comte firent des levées injustes sur les domaines de l’évêque et s’approprièrent les terres désertes. Les gens du comte d’Albon volèrent à ceux de l’évêque les revenus de ses terres et tentèrent d’assassiner son mistral7. Mathilde, la mère de Guigues IV dauphin, trancha en faveur de l’évêque8.

1 Marion, Cart. C N° LXXXI 2 A. Du Boys, Vie de Saint Hugues…. Albert Du Boys tire certainement ces conclusions grâce à la vie de Marguerite écrite par le chanoine Guillaume ainsi que l’acte N° CXXXIII du cartulaire C de Saint Hugues où cette dernière apparaît aux côtés de son mari. Les conclusions d’Albert Du Boys sont donc à nuancer car sa source principale, la vie de Marguerite, est certainement trop bienveillante à l’égard de la nièce de Calixte II. 3 D.C. Le Coulteux, annales ordinis cartusiensis ab anno 1084 ad annum 1429, Montreuil, 1887. Année 1133. 4 N.Chorier, Histoire de Dauphiné, Grenoble, 1661, t. 2, p.10. 5 Id. p.49. 6 Marion, Cart. C N° CXXII. 7 Marion, Cart. C N° CXXIX et N° CXXXIII. 8 Marion, Cart. C N° CXXIX.

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B. Des médiateurs entre les deux puissances dominantes ?

Les conflits incessants entre les deux seigneurs les plus puissants de la région structurèrent et conditionnèrent l’aristocratie régionale. Le proches de l’évêque, qu’ils fussent chanoines ou officier laïcs, de par leur position médiane dans la vie locale, furent certainement les plus aptes à résoudre les conflits entre le comte et l’évêque.

Les chanoines furent en effet régulièrement envoyés lors des concordes entre le comte et l’évêque. Ainsi, vers 1100, peu de temps après le retour d’Hugues, les relations entre les deux personnages se détendirent. En 1099, le comte confirma l’abandon d’un certain nombre de biens qu’il détenait illégalement1. L’acte rappelle que le comte les avait abandonnés dans les mains de Guillaume, l’abbé de Saint Théofred. Aucun des chanoines de Grenoble n’était présent lors de la première donation. Cependant, lors de la confirmation, « tous les clercs » étaient présents2.

L’entourage épiscopal était présent encore, lors du partage des contamines vers 1100. Le partage semble avoir eu lieu, sans la présence des deux principaux concernés. Chacun d’eux envoya une délégation pour négocier ce partage. Pour sa part, Hugues envoya Guigues convers, Guillaume Létard, son cellérier, et Adon son mistral. Ces trois proches de l’évêque firent appel au fils d’Adon, Humbert Lovet ainsi qu’à certains de leurs amis. Pour sa part, le comte envoya Jean de Podio, Benoît son bouteiller et son chevalier, Pierre Chaulnais son mistral ainsi que Bernard Roux, retroguarda de Grenoble3. Eux aussi firent appel à plusieurs de leurs amis.

Il est significatif que les trois principaux envoyés d’Hugues furent des membres de sa maison. Hormis Guigues convers, dont on connaît que la confiance que l’évêque lui témoignait, tous sont des membres de l’aristocratie.

Le 5 septembre 1116, furent témoins de la concorde entre Guigues III et Hugues, Oldéric Guillaume, Foulques, Raimond, Girard (Gérald ?) de Savoie, le moine Guillaume, Beto, le chanoine régulier Gauthier, Gauthier Chaulnais, Guigues convers, Létard, Guillaume de Sassenage, et Bernard Rustique ainsi que les fils du comte : Guigues et Humbert. La proportion des proches de l’évêque est impressionnante, puisqu’au moins 5 des personnages cités ci-dessus faisaient partie de l’entourage direct de l’évêque au moment de la rédaction de l’acte4.

Autour de 1140, la résolution du conflit à propos de Venon et de Gière, se résolut à Vizille en présence de Pierre de Vizille, maître Othmar, Pierre Belin, Pierre de Porte Traine, Raimond des Granges, le procurateur Pierre, le moine Gunthard, Pierre Hugues, Létard, Humbert de Boscozel, Gaufred de Moirans, Raimond Beranger et Pierre Chabert. Lors de la négociation, l’évêque avait envoyé quatre chanoines : le doyen Guillaume, maître Othmar, Pierre Belin, Pierre de Porte Traine. Le comte pour sa part envoya Ainard de Domène, Pierre de Vizille, Pierre Chabert, Almaric d’Avignon. Ainsi les négociateurs furent pour une grande part les témoins de l’acte final. Pour l’évêque, ce furent ses chanoines qui négocièrent5.

1 Marion, Cart. B N° II. 2 Marion. Cart. B N° II. Veni ego comes Guigo prenominatus ante presentiam predicti pontificis, et in manu episcopi, coram omni clerico... 3 Marion, Cart. B N° XVI. 4 Marion, Cart. C N° LXXXI. Les chanoines de Grenoble sont Gauthier Chaulnais, Gérald de Savoie, Oldéric auxquels on pourrait ajouter sans trop de risques de se tromper, Foulque et Beto. Létard est le sénéchal de l’évêque. Quant à Guigues convers, il fait partie des plus proches collaborateurs de l’évêque. 5 Marion, Cart. C N° CXXII.

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Nous avons montré que les chanoines furent pour l’évêque des médiateurs et des négociateurs de première importance. Leurs réseaux leur permettaient d’être des agents crédibles dans une négociation avec les hommes du comte. La présence d’éléments dignes de confiance, tel le convers Guigues, assurait à l’évêque la certitude que ses intérêts seraient bien défendus.

Dans les exemples développés ci-dessus on voit apparaître des éléments particuliers. En 1100, Jean Podio fut un envoyé du comte lors du partage des contamines. Ce dernier fut peu être chanoine de la cathédrale Notre Dame de Grenoble de 1076 à 1086 au moins.

Létard fut, en 1116 et vers 1140, témoin des actes de concorde entre le comte et l’évêque. Ce sénéchal de l’évêque ne réapparut que trois fois dans nos sources après 1111. Il dut faire l’hommage vers 1140 de l’office de cellérier que son père tenait d’Hugues Ier1. Ses deux autres apparitions se firent dans les actes de concorde entre l’évêque et le comte où ses positions, dans les listes de témoin, toutes médianes entre les hommes de l’évêque et ceux du comte, lui donnent un statut ambigu. Il donne ainsi l’image d’un chanoine qui bascula dans le camp du comte malgré les efforts d’Hugues II pour le réintégrer parmi ses fidèles. Un tel cas se retrouve aussi dans le parcours de Pierre de Vizille. Ce dernier, chanoine de Grenoble entre 1105 et 1110, se retrouva comme témoin du comte en 1140.

Il semble alors qu’un chanoine ou un proche de l’évêque puisse servir les deux patries en conflit. Cette remarque est corroborée par la présence de familles entières qui servaient les intérêts des deux camps.

Le comte envoya son mistral, Pierre Chaulnais, lors du partage des contamines vers 1100. Ce dernier fut certainement un membre de la famille de Gauthier Chaulnais, chanoine de Grenoble. Nous savons que Gauthier était fils de Guigues Chaulnais et qu’il eut un frère du nom de Guigues. Au vu de la date Pierre fut donc certainement son oncle.

Le fait qu’une famille fut divisée dans les conflits qui animaient les deux principaux personnages du diocèse pose question. Cette position, certainement inconfortable, permettait au groupe familial de préserver ses intérêts, qu’ils relèvent de l’évêque ou bien du comte. Il est saisissant que les deux personnages firent de brillantes carrières. Pierre géra les biens du comte en sa qualité de mistral tandis que quelques années plus tard, Gauthier entra à la Grande Chartreuse.

1 Marion, Cart. C N° CXXV. La charte est datée des environs de 1140.

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II. Pour l’évêque : Un moyen de recouvrer les biens du clergé ?

A. L’état du patrimoine ecclésiastique en 1080

Dans l’historiographie récente, les pillages sarrasins ont été minimisés et rendus non coupables de la désorganisation sociale de type post-carolingien. Ils furent néanmoins un paramètre de la crise du Xème siècle. Si René Poupardin ne se prononça guère sur leur pénétration en Grésivaudan1, les cartulaires de Saint Hugues, évoquent quelquefois leur présence dans la région2. Dans tous les actes qui font mention de ces pillards, l’enjeu pour l’évêque était de montrer sa légitimité dans le pagus Salmoriensis ainsi qu’à Saint Donat. L’évêque Hugues voulut montrer que les évêques de Grenoble possédaient en franc alleu le diocèse depuis le temps d’Isarn, et que l’episcopatu contenait le pays de Sermorens ainsi que Saint Donat3. Une inscription dans le clocher de Saint Donat confirme les propos de l’évêque, mais Noël Didier la considéra comme fausse4.

Les mentions des invasions furent aussi un prétexte pour l’évêque de rappeler qu’Isarn, possédait son diocèse per alodium. Il inventa ainsi un passé mythique pour justifier ses ambitions. Selon lui c’est Isarn qui libéra le diocèse, il le possédait alors en franc-alleu5. De plus Isarn repeupla l’episcopatu6 . Rappeler les destructions sarrasines devint alors pour l’évêque, un moyen d’appuyer ses prétentions face à son métropolitain ainsi que face au comte d’Albon.

Si nous admettons que du temps d’Isarn, l’évêque possédait l’évêché en alleu, la réalité est tout autre lorsque Hugues de Châteuneuf monta sur le siège épiscopal. Rappeler le passé est un moyen de se plaindre du présent comme nous l’invite à penser le biographe d’Hugues de Châteauneuf qui précisa que « la fortune de la maison épiscopale avait presque totalement disparue »7 lorsque Hugues prit ses fonctions. C’est d’ailleurs une des missions premières de Hugues que de recouvrer une partie de ce qu’il considérait être son patrimoine. Son engagement auprès d’Hugues de Die se présenta comme « un combat contre les laïcs qui détenaient de façon sacrilège les églises, les dîmes et les cimetières »8.

Nous avons dit qu’entre Isarn et Pons, le siège épiscopal était détenu par des membres de la famille comtale. Hugues de Châteauneuf soutenu par les historiens du XIXème se plaignit des évêques du XIème siècle. Humbert, successeur d’Isarn, était le fils de Guigues et de Frédébruge. Il fut élu évêque de Grenoble avec l’appui de Thibaut évêque de Vienne9. Celui- 1 R. Poupardin, Le royaume de Bourgorgne (888_1038), 1907, p.89. S’il considère comme certain, la présence sarrasine dans le Grésivaudan, l’installation de ces derniers de manière durable est mise en doute. 2 Marion, Cart. B Charte XVI : sicut proprius episcopus debet habere propriam terram et propria castra, per allodium, sicut terram quam abstraxerat a gente pagana. Et Marion, Cart. A Charte XXIII : eo tempore quo Gratianopolitana ecclesia a paganis desolerat,…mais encore Isarno […], donec Gratianopolitane eccesie pax a persecutione paganorum, qua tunc vastabatur, redderetur. 3 Marion, Cart. B. Charte XVI, préambule. 4 Mentionnée par U.Chevalier, Regeste dauphinois, ou Répertoire chronologique et analytique des documents imprimés et manuscrits relatifs à l'histoire du Dauphiné, des origines chrétiennes à l'année 1349, T1, Valence, 1913, N°1229. N. Didier, Etude sur le patrimoine de l’église cathédrale de Grenoble du Xe au milieu du XIIe siècle, 1936. 5 Marion, Cart. B Charte XVI. Préambule. 6 Cart. B Charte XVI. Et ideo, quia paucos invenit habitores in predicto épiscopatu, collegit nobiles, mediocres et pauperes, ex longinquis terris. Remarquons au passage la vision tripartite de la société civile dès 1100. 7 Guigues le Chartreux, Vie de Saint Hugues…, p. 35, chap. 14. 8 Id. p. 33, Chap. 7. 9 Manteyer (G.Manteyer, Les origines du Dauphiné en Viennois : la première race des comtes d’ Albon (843-1128), 1925.) voit dans le soutien de l’élection par Thibaut, un lien de parenté entre les deux évêques.

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ci d’après Georges De Manteyer étendit « le sceptre de la maison d’Albon » qui fut « taillé dans la crosse de ce pontife » 1. Son successeur, Mallen, dépouilla l’église de Grenoble et de Saint Donat du patrimoine ecclésiastique 2. Il partagea la possession pleine et entière des terres de l’église de Grenoble entre lui (et ses successeurs) et les membres de sa famille. L’évêque ne possédait plus rien en propre3. L’indivision entre Mallen et Guigues le Vieux perdura puisqu’en 1116 elle fut reconnue par l’évêque et par le comte4. Elle sembla durer au cours du XIIème siècle puisqu’en 1155 Guigues fut appelé par Frédéric Barberousse « comte de Grenoble » tandis qu’en 1161, ce dernier reconnut les regalia à l’évêque5.

Artaud, successeur de Mallen6, appartenait à la famille des Royan, mais sa sœur épousa le fils de Guigues le Vieux, Guigues le Gras. Quant au dernier Guigonide sur le siège épiscopal Humbert II, il était le frère de Guigues le Gras. Le bilan de ces trois épiscopats fut une généralisation de la copropriété entre le comte et l’évêque. Ces derniers dilapidèrent le patrimoine ecclésiastique d’Isarn au profit de la puissance temporelle des Guigonides. L’épiscopat de Pons ne rompit certainement pas le mouvement amorcé, car étant jugé simoniaque en 1076, il dut avoir une politique très laxiste, voire inexistante, contre les usurpations des laïcs7.

Ces usurpations furent certainement multipliées à la mort des évêques. En effet le pape Urbain II en 1090 se plaignit des coutumes perverses qui consistaient à s’emparer des biens ecclésiastiques à la mort de l’évêque. Il préconisa que tous les biens devaient rester dans les mains des chanoines8. Si les usurpations guigonides sont les mieux connues, et certainement les plus nombreuses étant donné le déséquilibre croissant de leur puissance face aux autres membres de l’aristocratie locale, elles ne sont pas du seul ressort des comtes. En effet, au vu des restitutions et des modalités des retours, il est frappant de constater que tous les seigneurs locaux détenaient de manière illégale des biens du clergé : du seigneur le plus puissant tel Hector de Sassenage9, jusqu’aux plus modestes seigneurs ruraux tel Guigues de la Motte10. Le mouvement se généralisa au point tel que certains anonymes de l’histoire tel Geoffroy et Aimon, fils de Silvion possédèrent illégalement des biens du clergé11.

Il est maintenant établi que le patrimoine dont disposait Hugues de Châteauneuf à son arrivée était gravement diminué. Il s’agit désormais de comprendre la nature de ces infractions.

1 Manteyer, La première race des comtes d’Albon…, p.26. 2 Marion, Cart. B Charte XVI. In cujus diebus, Guigo vetus, pater Guigonis Crassi, injuste cepit possidere ea que modo habent comites in Gratioanopoli, sive in terris episcopatus, sive in servitia terrarum predicarum, sive in pluribus ecclesiis, sive in condaminis, sive in ortis,… 3 Id. non habet un mansum integrum ad suum dominium. 4 Marion, Cart. C Charte LXXXI. La séparation du comitatus et le l’episcopatus entre deux membres d’une même famille n’est pas le seul fait du cas grenoblois puisqu’à Chartes, Hardouin donne à son parent Adon, le comté et la moitié de ses droits sur la ville. (L.Merlet, E.Lépinois, Cartulaire De Notre Dame de Chartes, Chartres, 1862-1865, t.1, p.8). 5 U.Chevalier, Regeste…, N° 2197. 6 1037_1056. 7 Un seul exemple peut suffire à nous convaincre : Saint Hugues réclama à Chabert de Morêtel et à ses frères,des biens injustement acquis sous Ponce par leur père Pierre de Morêtel. (Cart. B Charte II). 8 Marion, Cart. A Charte XXIX. 9 Marion, Cart. B, Charte LXXXV. 10 Il s’agit certainement de La Motte en Bauges puisque ce dernier rendit les dîmes de Lescheraines. Cart. B N° CXIX. 11 Marion, Cart. B, Charte LXV.

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Les églises et les cimetières

La réforme grégorienne eut pour corollaire la restitution des églises et cimetières privés. Dans une idéologie de séparation du sacré et du profane, les lieux d’élection divine devenaient le domaine réservé de l’Eglise. Ainsi tous les laïcs devaient rendre les églises et cimetières qu’ils possédaient en propre, sous peine d’excommunication. Cela valait aussi pour les clercs, comme Arden, prieur de Moirans, qui fut jugé simoniaque et excommunié jusqu'à ce qu’il abandonna ses églises en 11111. Malgré ces restitutions l’évêque Hugues peina à imposer cette idée dans son diocèse. Ainsi, même si en 1110 Géraud de la Palud rendit l’église de Chignin, il conserva la moitié de celle de Saint Jeoire et de Mures2.

L’évêque n’employa pas toujours l’excommunication pour obtenir le retour de ses biens. Il semble que la négociation fut un de ses terrains d’élection. Par exemple, Chabert de Morestel accepta de rendre ses dîmes et cimetières3, et en retour, Hugues l’investit en fief de chabannes moyennant foi et hommage4.

Les cimetières furent parfois envahis par des habitations de leur propriétaire. Pierre de Saint André dut donc donner ce qui avait été construit dans le cimetière, y compris sa maison5. Ce phénomène peu visible dans les cartulaires de Saint Hugues ne transparaît que lors des restitutions.

Les droits d’investitures

Le contrôle des églises permettait le contrôle de l’investiture de celles-ci par des laïcs6. L’investiture laïque, peu mentionnée dans les cartulaires de Saint Hugues apparaît néanmoins dans le cartulaire du prieuré de Domène. Les investitures des églises de Saint Georges et Saint Pierre de Chartreuse étaient aux mains des laïcs7. Ce phénomène a engendré une accusation de simonie.

Les dîmes

Les dîmes étaient les cas les plus fréquents des restitutions. Il est toutefois notable que l’évêque les concédait parfois à des seigneurs. C’est ainsi qu’Ainard de Moirans, avant de les rendre en 1108, les possédait « de la main de l’évêque »8.

Souvent divisées9, elles furent entre de nombreuses mains. Ainard de Moirans inféoda la dîme évoquée précédemment, à « Guillaume Silvion de Charmes, qui en a fit deux tenures. D’une part, il concéda à Geoffroi et à Aimon la moitié de la dîme de la viande et du vin ; tandis qu’il conserva la première ad dominium. Ces derniers sous-concédèrent la seconde en fief à Silvion de Virieu. D’autre part, Guillaume Silvion de Charmes conféra la moitié de la dîme des céréales à Pierre Muschilon. Celui-ci, à son tour, donna la moitié de la dîme du mil, du panic, des légumes, et du chanvre à Gerard Chauvet. A Humbert Roux, il donna la moitié de la dîme des chaires à poules »10.

1 Marion, Cart. B Charte XXI. 2 Marion, Cart. B Charte XXIX. 3 Les cimetières étaient le patrimoine des églises paroissiales (concile de Valence de 855, Regeste 697) 4 Marion, Cart. B Charte III. 5 Marion, Cart. C Charte XLIV. 6 Condamnés par le concile romain de 1074. 7 Monteynard, 105. 8 Id. Cart. B Charte LVIII. 9 Marion, Cart. B, Chartes LXXXVII, LXXXVIII par exemple. 10 Marion, Cart. B Charte LXV. Ego Gaufredus et frater meus, Aimo, […], reddimus et donamus totam decimam quam habemus in parochia Sancti Donati, scilicet de pane, et carne ac vino[…]. Mediatem carnis habemus in dominum ; mediatem vero vini habuit Silvio de Vireu per nos, ad feudum[...]. Predictam decimam habuit pater

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La plupart du temps celles-ci n’étaient pas sous le contrôle de l’évêque avant leur restitution. Les seigneurs utilisaient leur decimator pour les levées. Elles pouvaient être allodiales. Cependant la plupart étaient tenues en fief. L’inféodation était pour la dîme laïque, le plus usité des contrats. Ainsi, Bernard Lombard possèdait la dîme de Saint Ismier, pour deux tiers en alleu et pour un tiers en fief1.

Lorsque Hugues arriva sur le siège épiscopal, il était porteur d’une conception grégorienne de la dîme. Il cultivait donc le mythe d’un temps où l’évêque aurait été le seul maître de son diocèse, sans comte ni métropolitain pour lui contester ses droits, et où la totalité des églises et de leurs dîmes aurait été en sa possession.

B. Restaurations

« Après les dilapidations, la restauration du temporel ecclésiastique était un objectif prioritaire »2. Ainsi pour Hugues de Châteauneuf qui « porte la pensée et les méthodes grégoriennes sur le siège de Grenoble »3, cet objectif visait à obtenir une indépendance financière pour promouvoir le mouvement de régénération de l’église. C’était aussi un moyen de lutter contre la simonie et l’investiture laïque. Pour ce faire, l’évêque disposait de différents moyens d’action.

L’utilisation du droit

Le concile romain de 1074 condamna l’investiture laïque non seulement des évêchés mais aussi des dignités inférieures4. La possession des dîmes par les laïcs était contre le droit canon. Hugues de Châteauneuf s’aida donc du droit canon pour la restitution des biens de l’église. Il n’est pas surprenant de le voir utiliser ce moyen dans l’accomplissement de sa tâche. En effet, lors de l’affaire du Sermorens Hugues utilisa ce procédé5. L’utilisation du droit par les évêques grégoriens semble être un point commun à tous ces prélats réformateurs.

L’évêque se savait dans son bon droit et le faisait parfois clairement savoir. Vers 1090, il se plaignit de l’illégalité dans laquelle étaient les possesseurs de dîmes6. Cette mention juridique est la seule dans toutes les restitutions de biens des cartulaires de Saint Hugues. Celle-ci coïncide avec la date de réception d’une missive d’Urbain II qui accordait à l’évêque la possession de Saint Donat7. A cette occasion, le pape rappela à l’évêque le droit canon qui

Ainardi de Moirenco ab episcopis Gratianopolitanis, et ab Ainardo habuit eandem decimam Guillelmus Silvio, de Chalmo ; et a Guilelmo habebat mediatem vini Gaufredus, et Aimo, et mediatem carnis ; et a Gaufredo et Aimone habebat mediatem vini Silvio de Vireu ; et a Guilelmo Silvione Petrus Muschilonus, sive soror ipsius, Helena, Habebant mediatem annonae ; et de Petro predicto habebat mediatem milii, panitii, leguminis et chanavi Geraldus Chalvetus ; et de ipso Petro Humbertus Rufus habebat mediatem carnis pullorum. 1 Id p. 55 et Marion, Cart. B Charte III. 2 J.H.Foulon, Eglise et réforme au Moyen Age. Papauté, milieux réformateurs et ecclésiologie dans les pays de la Loire au tournant des XIè-XIIè siècles, 2008, p. 64. 3 A.Fliche, La réforme grégorienne, Louvain, 1937, t.2, p.90-96. 4 Id. t.1, p. 339. 5 L. Ripart, « Du comitatus à l’épiscopatus. Le partage du pagus de Sermorens entre les diocèses de Vienne et de Grenoble (1107) » dans L’espace du diocèse. Genèse d’un territoire dans l’occident médiéval (VE-XIII e siècles), Rennes, 2008.p. 253-286. 6 Marion, Cart. B Charte LXXXVI, Notum est æcclesiæ Gratianopolitanæ filiis quod diu est quod decimæ in prefato episcopatu in calumpniam positæ sunt, et illi qui sunt laici, qui contra jus æcclesiasticum decimas tenent, in interdictu positi sunt. 7 Le 1er avril 1090, Urbain II écrit à Hugues ; Marion, Cart. A Charte XXIX.

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défendait aux laïcs de s’emparer des biens et des dîmes de l’évêché ainsi que de les détenir1.A mon sens, la coïncidence de la chronologie entre ces deux événements n’est pas anodine. Hugues, encore jeune (il n’avait que 37 ans), pensait pouvoir obtenir réparation en passant par les seules voies juridiques. Cependant, dans les années 1090, les restitutions étaient encore rares. La période la plus active se situa surtout dans les années 1100-11102. Nous pouvons conclure à un changement de stratégie de la part de l’évêque pour obtenir ces restitutions.

L’utilisation des peines spirituelles.

Dans le but de retrouver ses biens l’action de l’évêque passait aussi par des sanctions spirituelles.

En 1090, l’évêque n’accorda la sépulture de Ponce de Lechard qu’après la restitution du tiers de la dîme que ses frères détenaient3.

En 1111 Elisabeth, la femme de Jozelin, et leur fils Silvio, donnèrent une série de dîmes en leur possession le jour de l’enterrement de Jozelin. C’étaient les dîmes de Saint André, de Chaz Villard, d’Aspernaico et de Saint Pierre d’Entremont. Elles concernaient le pain, le vin, la viande et tout le reste4. Au vu des circonstances du don et du nombre des restitutions qui représentaient « tout ce que Jozelin possédait dans l’évêché de Grenoble », nous pouvons penser que ce don ne fut pas une volonté du défunt qui laissa sa famille sans ressources. Autoriser la sépulture sous condition de restituer les biens usurpés fut utilisée une dernière fois à une date non déterminée. Nanthelme de Villard Bonnot rendit les dîmes de Vorz apud circa mortem5. On peut largement penser qu’il était sous le coup d’une menace spirituelle. Etant donné qu’il était en fin de vie au moment de sa donation, la peine dut être soit une menace de lui interdire sépulture, soit une excommunication.

De même en 1109, la mère de Guélis de Varacieux qui avait donné aux moines de Vouvray la dîme du quart d’un manse dut annuler son don et le remettre à l’évêque. Elle dut également ne pas soutenir les moines dans leur contestation. Elle fut excommuniée car justement elle les soutint. Son fils et son petit fils levèrent la peine6, en rendant la dîme dans les mains de l’évêque7.

La négociation

On a du mal à croire que les peines spirituelles furent appliquées systématiquement. Le cas le plus fréquent dut être la négociation entre l’évêque et le donateur. Les ventes de dîmes étaient fréquentes mais n’apparaissent souvent qu’en des termes de donation8. Ces ventes engageaient parfois des sommes importantes et n’étaient pas toujours symboliques9. Parfois la négociation aboutissait à des cas originaux. En 1100, les fils de Guinithier donnèrent la moitié

1 Constituimus ergo ne ulli omnino hominum, qualibet subreptionis austicia1 , liceat vestri episcopatus possessiones invadere, minuere vel auferre, aut episcopatus vestri decimas sine vestra concessione subripere aut subreptas tenere neque vestri juris æcclesias per manum laicam obtinere; 2 Il faut néanmoins être prudent sur ce constat. En effet l’effet de source peut être la cause de ces restitutions massives, et aussi être un miroir déformant l’observation du phénomène des restitutions. Il faut aussi considérer qu’à cause des évènements orientaux, les années 1100-1110 sont une période de grande ferveur religieuse. 3 Marion, Cart. B N° LXXXVI. 4 Id. Cart. B, N° CXVII. 5 Marion, Cart. B. N° LI. 6 Absolverent eum ab interdictu. 7 Le concile romain de 1099, interdit les donations des laïcs aux monastères. Tous les dons devaient être remis à l’évêque, qui les distribuaient (ou non) à l’établissement religieux concerné. 8 Guirpire, relinquere, donare, reddidere sont les plus fréquents dans les cartulaires de Saint Hugues. 9 Par exemple : Marion, Cart. B Charte LXI. Humbert Roux vendit ses dîmes à l’évêque pour 12 deniers. La plupart du temps lorsque la vente était symbolique, seuls quelques sous matérialisaient la transaction.

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de la dîme de l’alleu de leur père et vendirent l’autre moitié au prix de quarante sous de Valence. Les fils de Gérard Moret donnèrent un tiers de la dîme qu’ils possédaient en alleu et vendirent les deux tiers de la dîme pour 80 sous1. Mais le cas le plus surprenant ne concerne pas des dîmes. En 1108 nous apprenons que Morard Jovencel donna à l’évêque, pour une durée vingt ans, ce qu’il possédait de la chabanne de Pierre Aldiard, en échange de 40 sous. Au bout de la quatorzième année du contrat, ils renouvelèrent l’accord passé et fixèrent le terme de la location en 1128. L’évêque paya vingt sous pour prolonger ce contrat2.

Ces procédés variés peuvent indiquer que l’évêque avait du mal à recouvrer ses biens. Le cas le plus documenté dans les cartulaires de saint Hugues est celui de Saint-Donat. Il illustre les difficultés de l’évêque à récupérer les biens de l’église lorsque ceux-ci étaient divisés et inféodés.

Quand Hugues arriva à Grenoble, l’église de Saint Donat était aux mains de Guigues le Vieux, qui s’était aussi emparé des contamines et des manses de la villa3. En 1099 c’était Geoffroy de Moirans qui possédait l’église de Saint Donat. Hugues la réclama au nom de son droit ancestral, puisque c’est Boson et Louis l’Aveugle qui l’avaient accordée à l’évêque de Grenoble. Sous la pression du légat Hugues de Die, un interdit fut prononcé à son encontre (et donc le refus de la communion). Geoffroy de Moirans rendit l’église à l’évêque en échange d’un fief chevalier4. La restitution livrait à l’évêque Hugues une église dont le patrimoine était constitué de deux menses. D’une part, la prévôté qu’il recueillait de son prédécesseur laïc Geoffroy de Moirans était à la fois une dignité et un d’autre part, un ensemble de droits immobiliers5. L’évêque fit l’inventaire minutieux de cet honor qui comprenait fiefs, manses, vignes et tenures. C’est la terra prepositalis de laquelle ressortait aussi la dîme entière du mandement de Jovinzieux6. Tout cela était désormais de dominicatura episcopi. Les autres biens constituaient la part des chanoines, la communia ecclesie. Elle est habituellement différenciée avec netteté de la part du prévôt/évêque7. Cependant, l’existence de deux menses ne supprimait point le pouvoir du prévôt sur les biens du chapitre. Les prébendes de Saint Donat étaient à sa collation8. Les chanoines ne pouvaient faire acte de disposition sans son agrément9. Lorsqu’en 1105 ils décidèrent de renoncer au monde, c’est leur prévôt, l’évêque Hugues, qui les soumit à l’obédience du chapitre d’Oulx à qui il transféra la mense capitulaire, réservant à l’église de Grenoble la mense prévôsitale10. En effet, Hugues porta le double titre d’évêque de Grenoble et de prévôt de Saint Donat dans les actes concernant cette collégiale11. Il en fut ainsi jusqu’en 128912.

Une fois la donation faite, on apprend que Geoffroy de Moirans avait inféodé l’église à Odilon le père d’Hugues de Châteauneuf. Ce dernier s’en défit aussitôt13. Cependant Geoffroy 1 Marion, Cart. B Charte CIX. 2 Id. Cart. B Charte VIII. 3 Id. Cart. B Charte XVI. 4 Sur l’église de Saint Donat, le droit patrimonial de l’évêque apparaît à l’état pur en quelque sorte, à l’exclusion de sa juridiction spirituelle. L’évêque possédait jure proprietario l’église avec ses dépendances ; il avait l’administration et la disposition de ses biens. Pascal II en 1107 lui reconnut la juridictio proprietas. Mais étant située dans le diocèse de Vienne, cette église relevait parochia jure de l’archevêque de Vienne. Ce dernier consacra les autels et ordonna les clercs (Cart. A N° I et II). 5 Marion, Cart. A charte III et Cart. B charte LXXXIII. 6 Id. Cart. B Charte CV et Cart. C Charte CVIII. 7 Id. Cart. B Charte LXVII et Cart. C Charte CVIII. 8 Id. Cart. A Charte I. 9 Id Cart. A Charte III. 10 Id. Cart. A Chartes II et III. 11 Id. Cart. B Charte LXXXI et Cart. A Charte III. 12 U. Chevalier, Regeste dauphinois…, n°13579. 13 Marion, Cart. B Charte LXXI.

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avait aussi inféodé une partie des possessions qu’il venait de rendre. Ses autres vassaux mirent plus de vingt ans à rendre les biens de l’évêque. Son fils, Ainard de Moirans ne rendit la dîme « qu’il tenait de l’évêque » qu’en 11081 et contre 40 sous. Mais il fallait désormais que Guillaume Silvio de Chamoux qui tenait la dîme d’Ainard la rende à son tour2. Le même constat est fait, concernant un autre fils de Geoffroy de Moirans dénommé comme son père Geoffroy de Moirans. Il abandonna vers 1110 une dîme à Saint Victor de Meylan contre 200 sous et une mule. Cette dîme faisait partie de mense canoniale de Saint Donat, et elle était tenue par Pierre Moschilon. Ce dernier la rendit moyennant 30 sous3. D’autres familles détenaient des parts de la terra prepositalis, en particulier les Virieux et les Roux4.

Ainsi la multiplication des inféodations et des divisions des dîmes de Saint Donat rendirent très difficile le recouvrement complet de ces biens par l’évêque. Au total 26 chartes de vente ou restitution furent nécessaires pour que l’évêque soit pleinement maître de la villa. Au total, ce dernier dépensa plus de 2500 sous, surtout sur la période 1100-11105.

L’exemple de Saint Donat nous révèle que l’évêque eut beaucoup de mal à retrouver la possession de ses dîmes à cause de l’enchevêtrement féodal dont elles étaient l’objet. Néanmoins ces inféodations successives ne furent pas les seules difficultés que l’évêque rencontra. En effet, la mauvaise volonté des donateurs était un paramètre à prendre en compte.

Un autre exemple, le cas d’Hector de Sassenage, achève de nous convaincre. Ce dernier abandonna à l’évêque, en 1080, toutes les églises qu’il possédait dans le diocèse de Grenoble, ainsi que le tiers des dîmes. Il les lui conféra en proprietatem. La cession eut lieu dans l’église cathédrale. Elle fut symbolisée par un livre que le donateur déposa sur l’autel en présence de l’évêque et de ses chanoines6. Néanmoins, malgré ces signes de soumission à l’évêque, il ne respecta pas son engagement puisque avant 1099, il réitéra son don. Il rendit alors les églises de Lans et de Noyaret, avec une portion de leur dîme7. Il renouvela une fois de plus son don en 11088. Réitérer deux fois le même don peut nous faire croire que ce dernier est fallacieux, néanmoins, il faut peut-être l’interpréter comme le signe d’un engagement durable d’Hector de Sassenage auprès de l’évêque.

Souvent, les enfants du donateur ne respectaient pas les engagements de leurs parents. Ainsi, Englebert de Bernin donna à l’évêque le tiers des dîmes de Saint Pancrasse et de Saint Bernard du Touvet. Il vendit le reste avec l’accord de l’évêque au prieuré de Saint Martin de Miséré. Après sa mort, ses enfants et leur mère furent empêchés de communier pour ne pas avoir respecté la donation et la vente d’Englebert. Afin de retrouver la possibilité de recevoir à nouveau les sacrements, ils rendirent la dîme susdite en 11249.

De même, sous l’épiscopat de Geoffroy10, vers 1161, Guitfred renonça par testament à une dîme. Son fils s’en empara pourtant avec violence après la mort de son père11.

1 Id. Cart. B Charte LVIII. 2 Id. Cart. B Charte LIX. 3 Id. Cart. B Charte LXXVIII. 4 Humbert Roux était le fils de Bernard Roux, l’intendant (villicus) de Saint Donat, Marion, Cart. B Charte LXXV. 5 Période de grande ferveur religieuse mais aussi période la mieux documenté. 6 Marion, Cart. B N° LXXXV. 7 Marion, Cart. B N° XCV. 8 Marion, Cart. B N° XC. 9 Marion, Cart. C N° LI. 10 1151_1163 11 Marion, Cart. C N° XVIII.

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Pour éviter ces problèmes, Hugues exigeait parfois un serment ou un hommage de la part des enfants du donateur. Ainsi en 1101, Bernard Lombard avait, de concert avec ses trois fils, donné la moitié de la dîme de Saint Ismier. En 1125, certainement sous la pression des derniers jours du père et donc de l’administration des derniers sacrements, Hugues exigea de la part des enfants, le serment de respecter la donation sous la forme d’un hommage1.

La restauration du temporel constituant la majorité de l’action d’Hugues, la question du rôle de l’entourage épiscopal se pose dans ces restitutions.

C. Les restitutions et l’entourage épiscopal

Nous avons vu plus haut que de nombreux proches de l’évêque rendaient des biens usurpés à l’Eglise. Il semble que le moment privilégié de ces restitutions soit la prise de fonction du chanoine ou de l’officier laïc. Si ces restitutions peuvent être perçues comme du marchandage ou une forme de simonie, elles peuvent aussi être vues comme une nécessité d’être irréprochable pour entrer au service de l’évêque, que ce soit en tant que chanoine ou en tant qu’officier laïc. Il est possible que cette ambivalence ait servi les intérêts de Hugues de Châteauneuf. En se dépouillant de leurs biens pour constituer leurs prébendes et la mense canoniale, les chanoines n’opéraient pas qu’un transfert d’autorité sur leurs biens. Ils légitimisaient leurs possessions et ils se détachaient du reste de la communauté laïc qui possédaient illégalement nombre des biens de l’évêque. Cela permettait aussi, à l’évêque, de retrouver la jouissance d’un grand nombre de biens.

Dans l’entourage de l’évêque, des chanoines cathédraux comme Oldéric ou Gauthier Chaulnais, ou des chanoines étrangers au diocèse comme Amat ou encore Pierre-Etienne, étaient des modèles. Leurs exemples étaient aussi un moyen de faire accepter à l’aristocratie locale, la nécessité d’être irréprochable pour entrer au chapitre. Ainsi, se pose la question, de savoir si le processus de restitution était plus rapide et plus efficace, lorsque c’était les chanoines et leurs familles qui faisaient retour des biens illégalement détenus, que lorsqu’il s’agissait de laïcs.

Dans nos sources, nous ne disposons d’aucune peine spirituelle déposée contre un chanoine, ni d’aucune trace de négociation avec des moyens de pressions quelconques. Le droit canon n’était aucunement rappelé aux chanoines. Il semble qu’ils rendaient spontanément les biens à l’évêque ou feignaient d’ignorer qu’ils possédaient ceux-ci de manière illégale. Gérald Roux d’Arvey, le père d’Oldéric, prétendait avoir ignoré qu’il détenait des biens qui relevaient de l’évêque lors de l’acte de la restitution2.

Il semble aussi possible que la restitution du fief, agissait sur le réseau social du donateur. Le père du chanoine Oldéric était Gérald Roux d’Arvey. Humbert Roux, fils de Bernard, était villicus de Saint Donat. Or, peu de temps après la donation de Gérald Roux, il vendit au prévôt/évêque, la tenure de Ponce Tourel, située au milieu de la terre prévositale de Saint Donat3.

Cependant, si ces exemples de restitutions nous semblent indiquer qu’il était plus aisé pour l’évêque de retrouver les biens perdus, il semble qu’il était confronté aux mêmes problèmes avec ses officiers seigneuriaux qu’avec les laïcs. En effet, le procès d’Hugues II avec les fils de Guillaume Létard, indique que Létard, officier de l’évêque, ne se comportait pas différemment des fils d’Englebert de Bernin, un laïc « ordinaire ». 1 Marion, Cart. B N° V. 2 Marion, Cart. B N° XLIII. 3 Marion, Cart. B N°LXXV.

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De plus, malgré ces restitutions, certaines familles conservaient la réalité de l’usage de ses biens. Lors de la donation par Rainald de Lanz, des biens qui constituaient la prébende de son fils Guigues, il est précisé qu’à la mort de ce dernier, les biens devaient revenir à l’évêque. Or, peu de temps après la mort de Guigues, son frère, Rainald, envoya au chapitre son fils Guigues, qui conserva la prébende de son oncle. Ainsi, malgré la restitution, les Lans conservèrent l’usage de leur patrimoine. Comme nous ne trouvons nulle trace de ce dernier Guigues auprès des chanoines de Grenoble, dans les cartulaires de Saint Hugues, la question se pose de la réalité du canonicat de Guigues. En effet, n’était-ce pas un moyen détourné d’envoyer un membre de la famille au sein du chapitre de Grenoble pour conserver l’usage des biens considérés comme patrimoniaux ? Il est possible que la famille ait voulu préserver et sanctifier son patrimoine en l’envoyant à l’évêque, comme un siècle plus tôt il était d’usage de le faire avec les monastères.

Ainsi, les chanoines issus de l’aristocratie semblent être des atouts non négligeables, dans le processus de restitution engagé par Hugues, même si les biens rendus n’étaient pas forcément restitués plus rapidement et étaient parfois sources de conflits, comme lors des donations des laïcs.

III. Le renouvellement du personnel

A. L’apport de chanoines régulier

Dés son arrivée sur la cathèdre, Hugues constitua son entourage épiscopal. En effet, l’année 1080 correspond aussi à l’arrivée d’Amat à Grenoble. Ce dernier occupa le poste de scribe durant toute la durée de sa vie grenobloise. Il semble aussi que ce dernier assura l’intermittence des postes laissés vacants, notamment celui de magister. La date d’arrivée d’Amat donne à réfléchir. Amat était chanoine de Saint Ruf. Cet ordre de chanoines réguliers était né en 1039 de la volonté de quatre chanoines du chapitre cathédral d’Avignon de mener une vie régulière. Ces derniers s’installèrent dans les faubourgs de la ville et continuèrent à dépendre de la cathédrale1 . Ces chanoines possédant une liturgie et un mode de vie spécifiques, vivaient sur un mode intermédiaire, entre vie de prêtre et vie monastique2. Il semble probable qu’Amat fut présent au concile d’Avignon en 1079 lors de la nomination d’Hugues à la charge d’évêque de Grenoble. La présence d’un chanoine de Saint Ruf, aux côtés d’Hugues dès 1080 montre que sa venue à Grenoble ressort très certainement d’une volonté d’Hugues de Châteuneuf, voire de celle du légat pontifical, Hugues de Die. Ainsi, le concile de 1079 fut déterminant pour la suite de la carrière d’Amat. Il suivit Hugues de Châteauneuf dans sa mission de prélat, et désormais l’assista par son rôle de scribe.

Ce modèle semble faire souche au sein du chapitre comme le montre le cas de Rostaing, peut-être issu de la famille de Domène. Ce chanoine de Grenoble fut appelé une fois « chanoine de Saint Ruf » autour de 1100. Cette dénomination pourrait montrer que la voie de la régularité passait par l’adhésion à Saint-Ruf.

1 Y.Lebrigand, «Origines et première diffusion de l’ordre de Saint Ruf », Le monde des chanoines, Cahiers de Fanjeaux n°24, Toulouse, 1989, p.167-179. 2 P.M. Gy, «La liturgie des chanoines réguliers de Saint Ruf », Le monde des chanoines, Cahiers de Fanjeaux n°24, Toulouse, 1989, p.181-192.

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Au sein du chapitre nous avons un autre modèle de régularité : Pierre Etienne, chanoine de Maguelone. Le chapitre cathédral de cette cité fut régularisé avant 10951. Pierre Etienne arriva vers 1100. Il était toujours présent en 1124. Très discret dans les sources, ce dernier rédiga une charte de donation en 1124. Ainsi il semble qu’après la disparition d’Amat, Pierre Etienne occupa la place de ce dernier. Cette affirmation un peu péremptoire devant le peu d’éléments concernant ce chanoine, est néanmoins vraisemblable. En effet, dans la plupart des chartes datées d’après 1111, le rédacteur ne se manifesta qu’une fois, en 1124. Il s’agit alors de Pierre Etienne.

Il semble qu’Hugues nomma des chanoines réguliers au poste de scribe qui étaient issus d’autres chapitres cathédraux. Ceux-ci venaient du sud de la France. La zone géographique de recrutement a t-elle un lien avec le passé valentinois d’Hugues ? Il est possible qu’il exista un réseau de chanoines réguliers dans le sud la France sur le modèle du réseau clunisien réformateur du midi aquitain2. Si l’hypothèse est juste, Hugues de Châteauneuf en aurai puisé des membres pour mettre en place son idéal grégorien3.

B. La perméabilité des institutions locales

Outre ce recrutement étranger au diocèse, la majorité des chanoines provenaient du diocèse. Ces derniers semblent avoir eu une grande mobilité à l’intérieur des institutions de celui-ci.

Les maisons canoniales illustrent parfaitement la mobilité des chanoines. Ces dernières étaient une préoccupation majeure de l’épiscopat d’Hugues. Outre les fondations de plusieurs d’entre elles (Saint-Martin, Saint Jeoire, Thoiry), Hugues de Châteauneuf réforma les principales (Saint Donat, Saint André).

Les mouvements de chanoines entre le chapitre cathédral et ces institutions semblent surtout concerner la doyenné de Saint-André, chef lieu du décanat de Savoie et siège d’un chapitre régularisé sous la doyenneté d’Airald, évêque de Maurienne après sa charge canoniale (date). Il est intéressant de constater que tous ces mouvements se firent dans le même sens : de Saint-André à Grenoble

Amédée et Foulques furent les premiers concernés par ces « mutations ». Ils quittèrent le chapitre de Saint André après 1100 pour se joindre au chapitre grenoblois où ils furent présents en 1105.

Sofred fut chanoine de Saint André en 1108. On trouve un Sofred au sein du chapitre cathédral en 1140. La question de l’unicité du personnage se pose au vu de l’étendue des dates. Même s’il n’est pas assuré qu’il s’agisse du même, il est tentant de ne voir qu’une seule personne dans ces deux mentions. Les exemples précédents attestent que les « mutations » furent relativement fréquentes.

Outre Saint-André, on observe un transfert entre le chapitre cathédral et la prévôté d’Oulx. Vers 1140, Richard, chanoine d’Oulx fut appelé par Hugues II pour témoigner contre Létard et ses frères. Il aurait été témoin de la charte de leur père, Guillaume Létard, et c’est en qualité de témoin de cette charte qu’il fut rappelé lors du conflit qui opposa l’évêque Hugues II aux 1 C. Dereine, « Vie commune, règle de Saint Augustin et chanoines réguliers au XIè siècle », R.H.E, XLI, 1946, p.365-406, p.383. 2 C. Lauranson Rossaz, « Réseaux aristocratiques et pouvoir monastique dans le midi aquitain du IX au XIè siècle », Naissance et fonctionnement des réseaux monastiques et canoniaux, Actes du premier colloque international du CERCOR à Saint Etienne du 16 au 18 septembre 1985, Saint Etienne, 1991, p.353-372. 3 Cette hypothèse est corroborée par le fait que deux des fondateurs de la Grande Chartreuse furent des chanoines de Saint Ruf.

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fils de Guillaume Létard1. Ce chanoine, devenu régulier après 1111, le fut-il avant ? Il rédigea une charte en 1100. Or nous avons dit que les autres scribes de l’évêque étaient des chanoines réguliers. Il nous semble alors possible que Richard fut régulier avant son transfert à Oulx.

La vie monastique exerça une grande influence sur les chanoines qui, comme d’ailleurs de nombreux laïcs, se convertissaient souvent en fin de vie, en particulier pour rejoindre la Grande-Chartreuse. Gauthier Chaulnais, chanoine de Grenoble de 1092 à 1116, mourut à la Grande-Chartreuse. Le prieur Guigues encensa ce personnage, proche de l’évêque, issu d’une grande famille et mort dans un espace de prières.

Si Gauthier Chaulnais est le plus emblématique de ces chanoines devenus moines, il en existe d’autres. Un certain Etienne prononça les vœux des novices vers 11412. Or Etienne, chanoine de Grenoble disparut des cartulaires de Saint Hugues vers 1140. Il est fort probable qu’il s’agisse du même personnage.

Oldéric, ancien chanoine de l’église cathédrale, puis évêque de Die à partir de 1130 environ, finit ces jours au sein du monastère cartusien après avoir démissionné de ses fonctions vers 1145.

Ces trois chanoines devenus moines, ont été pour Hugues des chanoines de grande valeur. Il est même possible qu’ils aient contribué à la fondation (ou refondation après l’avalanche de 1132) de la Grande Chartreuse. Cette chartreuse avait des liens très forts avec Grenoble puisque Hugues de Châteauneuf en fut le fondateur. Selon Albert Du Boys, « Saint Bernard précise que les moines regardaient toujours l’évêque de Grenoble comme leur abbé ; qu’ils n’avaient qu’un prieur, et qu’ils n’eurent jamais l’étonnante folie de solliciter des papes des privilèges et des exemptions pour se soustraire à la juridiction de leur supérieur naturel » 3. Il ne parait donc guère étonnant que les chanoines de Grenoble aient choisi ces lieux pour y finir leurs jours.

Le prieuré clunisien de Domène est aussi un lieu privilégié lors des transferts entre le chapitre cathédral et les monastères.

D’après les dates proposées par Monteynard, il exista un Oldéric, prieur de Domène vers 1095. Selon l’historiographie, ce prieur serait à identifier avec le chanoine Oldéric. Il existe toutefois une difficulté. Oldéric fut attesté comme chanoine de l’église cathédrale dès 1086, mais aussi après 1095, puisqu’il fut magister du chapitre en 1107, puis finit sa carrière comme doyen à partir de 1111. L’historiographie même récente, considère que le chanoine Oldéric fut l’ancien dirigeant du prieuré clunisien de Domène. Se plier à cette vision permet d’échapper à la recherche d’un homonyme qui, d’après les sources dépouillées est introuvable. Les dates proposées par Charles De Monteynard ou par Bernard Bligny s’avèrent donc être fausses pour rendre possible le transfert d’Oldéric du prieuré de Domène au chapitre de Grenoble avant 1086.

Ainsi, un moine qui devenait chanoine sous l’impulsion de saint Hugues, était un signe indiscutable de la volonté de ce dernier d’imposer un modèle monastique à ses chanoines. En effet, il ne semble pas que le transfert d’Oldéric fut un déclassement de ses fonctions religieuses. Ce dernier occupa peu de temps après sa nomination les postes de magister puis

1 En 1140 il est précisé que Richard est chanoine d’Oulx. Or dans la charte non datée de Guillaume Létard, les témoins sont Rostagnus, Guigo de Lanz, Odolricus, Galdinus, Fulco, canonici Gratianopolitanæ æcclesiæ, et Guigo, conversus, aliique plures. Tous étaient chanoines de Grenoble. Les « plusieurs autres » pouvaient l’être aussi. Parmi eux pouvait donc se trouver Richard, chanoine de Grenoble de 1086 au moins, à 1111 puisqu’il était au procès en 1140. Ainsi Richard devint chanoine de l’abbaye d’Oulx après 1111. 2 Dom Charles Le Coulteux, annales ordinis cartusiensis ab anno 1084 ad annum 1429, Montreuil, 1887, 1141. 3 Cité par A. Du Boys, Vie de Saint Hugues…,p.166.

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de doyen et de procurateur. Nous concluons qu’au contraire, sa nomination en temps que chanoine de Grenoble lui permit une ascension hiérarchique. Sa présence au sein du chapitre fut donc une volonté de montrer à tous les chanoines les voies du chemin de la perfection canoniale.

Si Oldéric quitta un monastère pour réintégrer la vie du siècle, le chemin de Benoît fut inverse car ce chanoine sembla quitter en 1110/1111 le chapitre cathédral pour rejoindre le prieuré du Granier dans le décanat de Savoie, où il est appelé cappellanus Granaris.

Le choix d’une retraite dans ce petit prieuré semble bien difficile à comprendre. Celui-ci etait bien moins prestigieux que celui de la Grande Chartreuse, celui là même où trois de ses collègues chanoines trouvèrent refuge en fin de vie. La réponse à cette interrogation est sans doute à chercher dans les liens qui unissaient la famille de Benoît à ce lieu. Il s’agirait alors d’un reliquat du patronage laïc qu’Hugues chercha à combattre1. Il semble aussi possible que cette nomination fut une volonté d’Hugues de nommer Benoît afin de redynamiser ce petit prieuré2. Devenir moine après un canonicat semble avoir été le parcours « normal ». Celui-ci était favorisé par la papauté qui précisait que le chanoine gardait sa prébende lorsqu’il devenait moine.

1 C.Lauranson Rosaz, op cit. 2 Dans le diocèse du Puy, l’évêque grégorien, intervenait directement dans les réseaux monastiques de son diocèse. Il semble qu’il exista une sorte de symbiose entre l’épiscopat qui promouvait les ordres nouveaux et garantissait une survivance aux ordres en déclin. P. Peyvel, « Episcopat et réseaux monastiques : le cas du diocèse du Puy », Naissance et fonctionnement des réseaux monastique et canoniaux, Actes du premier colloque international du CERCOR à Saint Etienne du 16 au 18 septembre 1985, Saint Etienne, 1991, p.373-407.

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Conclusion

S’il n’est toujours pas évident de déterminer le rôle qu’eut Hugues de Châteauneuf dans la réforme du chapitre cathédral, il semble néanmoins clair que la réforme du chapitre cathédral fut l’une de ses préoccupations, contrairement à ce qu’affirme l’historiographie qui prétend qu’Hugues ne s’en préoccupa guère. L’échec de la réforme du chapitre telle que l’ont décrit plusieurs historiens du siècle dernier est donc à nuancer.

La suppression de la charge canoniale de prévôt dès l’arrivée de l’évêque entre 1080 et 1086 est la première étape de la voie de la réforme du chapitre. Le remplacement d’un doyen « mauvais clerc » après sa mort par Oldéric, qu’il faut peut-être considérer comme un ancien moine clunisien, pourrait être la seconde. Confier les charges les plus importantes du chapitre à des clercs de haute valeur spirituelle montre sans aucun doute la volonté d’Hugues d’assurer la réforme de son chapitre cathédral.

Hugues s’entoura aussi de clercs de haute valeur, et ce, dès son arrivée. Guigues le Chartreux précisa d’ailleurs, même si cela est certainement un peu exagéré, que tout son entourage était religieux et qu’ « absolument aucun séculier n’était admis à son service »1. La présence dans son entourage de chanoines réguliers ou d’anciens moines clunisiens lui permit d’imposer un modèle. Cette voie de la douceur semble avoir fait souche, car nombre de ses proches terminèrent leurs jours en étant chanoine régulier ou encore moine à la Grande Chartreuse.

Dans l’acceptation de cette voie conforme aux canons de la réforme grégorienne, il est intéressant de voir le rôle joué par les maisons canoniales du diocèse. Dans un premier temps, des prieurés de chanoines réguliers furent créés (1082 pour Saint Martin de Miséré, 1110 pour Saint-Jeoire) puis le modèle fit souche. Ceux-ci essaimèrent (Saint-Martin fut mère des collégiales de Thoiry et d’Aix fondées entre 1102 et 1110 ; Saint-Jeoire essaima à Clarafond sous l’épiscopat d’Hugues et à Arvillard, à une date inconnue du XIIème siècle). Hugues réforma les collégiales séculières (Saint Donat fut réformée en 1105 tandis que Saint André le fut à une date non connue de l’épiscopat d’Hugues). Hugues put ainsi recruter les membres de son entourage en leur sein. La bulle d’Innocent II ne paraît pas alors constituer une rupture totale, les modèles augustiniens étant déjà bien présents à Grenoble ainsi que dans tout le diocèse. Il a suffi à Hugues II de franchir un pas supplémentaire pour régulariser le chapitre au plus tard en 1135.

Hugues II, moine à la Grande Chartreuse, fut alors un fils de l’esprit qu’a soufflé Hugues de Châteauneuf durant les 52 ans de son épiscopat. Il ne fut pas le seul à avoir suivi la voie grégorienne insufflée par Hugues de Châteauneuf. Le chanoine Oldéric, évêque de Die de 1130 à 1145 ainsi qu’Ayrald, doyen du décanat de Savoie puis évêque de Maurienne qui finit ses jours à la Chartreuse de Portes en 1135, sont des preuves que l’esprit de la réforme fut largement diffusé au sein des chanoines du diocèse, et même au sein du chapitre cathédral. La nomination des ces hommes à la plus haute fonction du diocèse, auquel il faut ajouter le transfert d’Hugues II sur le siège métropolitain de Vienne en 1148, sont des preuves supplémentaires que le diocèse de Grenoble fut un terreau favorable à la formation d’hommes à haute valeur spirituelle.

Il faut attribuer cette inflexion à Hugues de Châteauneuf, qui par un habile jeu politique, sut ménager l’aristocratie locale tout en imposant les voies de la régularisation augustinienne comme des modèles. Cette tolérance vis-à-vis de son entourage aristocratique lui permit de 1 Guigues le Chartreux, Vie de Saint Hugues…, p.60.

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disposer d’atouts non négligeables, car il disposa de médiateurs dans ses nombreux conflits avec le comte, ce qui lui permit de restaurer plus facilement le patrimoine de l’Eglise de Grenoble.

Hugues de Châteauneuf ne retrouva pas la totalité de ce qu’il estimait être sien. Les réticences des laïcs à abandonner ce qu’ils considéraient être leur patrimoine, étaient trop grandes. Néanmoins, le droit, moyen de plus en plus utilisé comme procédé, et la mise en place d’une féodalité ecclésiastique, permirent à l’évêque de disposer, au moins théoriquement, d’un patrimoine reconstitué et au service de l’évêque. Les grandes familles qui disposaient d’une charge canoniale héréditaire, étaient inféodées par l’évêque dans des prébendes qu’ils constituaient eux-mêmes. Le retour théorique, dans le giron de l’évêque, de terres considérées comme usurpées est un autre succès que l’on doit imputer à l’évêque grégorien.

Ainsi entre tentative de réforme et ménagement des puissances laïques régionales, l’attitude d’Hugues fut ambiguë. Moins de trois ans après sa mort, le chapitre étant réformé, il faut en conclure que ce dernier était prêt à recevoir la règle augustinienne.

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Annexes

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Annexe 1 : prosopographie de l’entourage épiscopal.

Les chanoines du chapitre cathédral

Achard

Il n’existe qu’une seule preuve de l’existence d’Achard au sein du chapitre. Celle-ci est datée de 10731. Nous retrouvons néanmoins un Achard en 1086 lors du synode diocésain2. Il s’agit certainement du même personnage bien que son appartenance au chapitre ne soit pas clairement définie en 1086.

Adalbert

Nous ne possédons qu’une seule attestation qui précise clairement qu’il est chanoine de Grenoble. Celle-ci date des environs de 10803. Peu après, en 1086, nous retrouvons Adalbert comme témoin du synode diocésain. Même si ses fonctions canoniales ne sont pas précisées, il est fort probable qu’il s’agisse du même personnage4.

Adeleus

Là encore, une seule attestation précise clairement qu’Adaleus est chanoine de Grenoble. Celle-ci date des environs de 10805. Peu après, en 1086, nous retrouvons Adeleus comme témoin du synode diocésain et même si ses fonctions canoniales ne sont pas citées, il semble assez certain qu’il s’agisse du même homme6.

Adon

La première mention d’Adon date de 1080. Il est alors clairement identifié comme chanoine de Grenoble7. Nous perdons toute trace de lui jusqu’en 1094 où il apparaît dans les cartulaires de Saint Hugues8. Autour de 1100, nous apprenons qu’Adon, chanoine, possède une maison près des murs de la cité grenobloise, tandis qu’Adon de Voiron, mistral de l’évêque à cette date9, possède des vignes près du château de Voiron10.

En 1121, un Adon, chanoine, reçoit la restitution des dîmes de Noyarey de Pierre Vacca et de ses frères au nom de l’évêque11. Il est aussi impossible de déterminer quel est l’Adon qui a

1 Collino, XXIII. 2 Bligny, Recueil des plus anciens actes…,I, p.3_8. 3 Monteynard, 163. 4 Bligny, Recueil des plus anciens actes…,I, p.3_8. 5 Monteynard, 163. 6 Bligny, Recueil des plus anciens actes…,I, p.3_8. 7 Monteynard, 163. Il apparaît aussi, sans plus de précision sur son rôle, la même année dans les chartes d’Oulx. Rivautella, CXC et Collino, XXXV. 8 Marion. Cart. C N° LXXXVI. 9 Id. Cart. B N° XVI et XVII. 10 Marion. Cart. C N° XL. 11 Id. Cart. C N° L.

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un frère du nom de Bernard et possède avec lui une maison à Grenoble occupée par Jean. Ces frères, Adon et Bernard possèdent aussi par la main de l’évêque plusieurs autres maisons dans la ville1.

Par ailleurs en 1111, Adon Bruncardi et Adon Chais sont chanoines certainement de Saint Donat, au vu des témoins présents et du contexte. Mais un doute subsiste et il est possible que l’un des deux Adon soit le chanoine de Grenoble évoqué2.

Aicard

Les deux seules mentions d’Aicard datent de 1076 et 10803. Rien n’indique que ce dernier soit chanoine de l’église cathédrale, hormis sa présence aux côtés de chanoines déjà identifiés comme tels. Toutefois, comme dans les deux cas, les actes sont des donations des évêques de Grenoble à l’abbaye de chanoines d’Oulx et que Aicard pourrait appartenir à cet établissement, nous ne classerons donc pas (peut-être à tort) Aicard comme chanoine de Grenoble.

Ainard

La première mention d’Ainard date de janvier 1105 et la dernière de novembre 11104. Ce dernier est chanoine de l’église de Grenoble durant cette période. Il existe une troisième charte datée d’août 1108, dans laquelle le chanoine Ainard est témoin5. Ce sont les seules mentions d’Ainard sous l’épiscopat d’Hugues. Il semble que ce chanoine ne fut guère important au sein du chapitre car il apparaît à chaque fois dans la documentation au sein d’une liste d’au moins 7 chanoines, et il y occupe toujours la dernière place (sauf la charte III du cartulaire A, où il est 15ème sur 19).

Amédée

Il est fait mention d’Amédée comme chanoine de l’église de Grenoble en 11056 . Cependant il s’agit de la seule mention qui nous invite à classer Amédée comme chanoine au sein du chapitre.

Dans les cartulaires de Saint Hugues on ne trouve qu’une seule autre mention de celui qui pourrait faire partie du chapitre cathédral de Grenoble. Celle-ci, datée d’approximativement 1100, précise qu’Amet Dei est prêtre7. Comme cette charte concerne la paroisse de Saint André et que Amet Dei y figure comme témoin de l’acte aux côtés du doyen de Saint André ainsi que de plusieurs chanoines de cette maison canoniale, nous pourrions croire qu’Amédée est aussi chanoine de Saint André à cette date8.

Cependant, devant le peu d’éléments qui confirment cette hypothèse, la question se pose de l’existence d’Amédée au sein du chapitre. Si l’acte de 1105 susmentionné ne nous fait pas forcément douter de son existence, l’absence de la mention d’Amat dans cette même charte 1 Marion, Cart. B N°XLI. 2 Id. Cart. B N° LXXXII. 3 Rivautella, CCXLII. Et CXC. 4 Marion, Cart. A N° III. Et Id. Cart. B N° XXI. 5 Id. Cart. B N° CXXIV. 6 Id. Cart. A N° III. 7 Id. Cart. B N° CXII. 8 Le terme de parrochia utilisé dans l’acte peut être traduit comme étant le décanat. Il s’agit de Bernard, le doyen, de Jozelin, d’Anselme et d’Achin.

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nous invite à penser que cet « aimé de Dieu » pourrait être Amat. Cet argument est probant vu l’importance d’Amat, dont l’absence de témoignage dans cette charte paraît suspecte surtout si l’on considère l’importance de la charte à la fois pour l’évêque et pour le chapitre de Grenoble1.

Arbert de Mure

Présent de janvier 1105 à septembre 11082, ce chanoine n’apparaît que 3 fois dans les cartulaires de Saint Hugues. A propos de ce chanoine, nous pouvons faire la même remarque que pour Humbert de Soiete. Il ne joue certainement pas un grand rôle au sein du chapitre. En effet, chacune des mentions de son nom figure dans une liste conséquente de chanoines, puisqu’à chaque fois 9 chanoines au minimum sont présents3. Cette constatation est poussée à son paroxysme lorsque l’on constate que s’il apparaît dans la charte V du cartulaire A, les deux autres versions plus brèves du même acte (cartulaire B charte LXXIII et cartulaire C charte LXX), ne font plus mention de lui.

On trouve un Arbert, prieur de Domène des alentours de 1115 à environ11204. Est-ce le même ?

Benoît

Si seulement deux chartes prouvent que Benoît appartient au chapitre cathédral de Grenoble5, le nombre de Benoît cités dans les cartulaires de Saint Hugues est plus important6. Ainsi, si nous pouvons affirmer que Benoît est chanoine au sein du chapitre de Grenoble entre 1105 et 11087. En dehors de ces deux dates, il n’est pas explicitement dénommé chanoine de Grenoble. Pour essayer de déterminer avec plus de précision la durée de son canonicat, je m’appuie sur le contexte dans lequel il témoigne.

Vers 1100, il est membre du chapitre même si cela n’est pas précisé. En effet, dans la charte XCIX du cartulaire B, Benoît est témoin de la vente faite par Pierre Sinfred à l’évêque de sa maison et d’un courtil à côté du cimetière de Noyarey. A ses côtés figurent Guigues convers, Létard et Amat. C’est cet entourage de chanoines grenoblois qui me permet de conclure à son appartenance au chapitre. Par le même procédé, je conclus que Benoît est encore membre du chapitre le 14 septembre 1110 puisqu’il figure aux côtés de Guigues convers lors de la vente des dîmes de Guillaume Geboin de Sassenage et de sa famille qu’ils possèdent à Noyarey8.

Par contre, en 1111, nous trouvons un Benoît qui est Capellanus Granariis9 . Est-ce le même ? Il est possible en effet que Benoît quitte le chapitre cathédral pour se joindre au prieuré bénédictin du Granier dans le décanat de Savoie. Il n’y a pas d’interdiction à le penser, 1 Cette charte institue comme prévôt de Saint Donat, l’évêque de Grenoble. 20 chanoines signent cette charte. Il s’agit de la charte qui recense le plus de chanoines dans les cartulaires de Saint Hugues. 2 Marion, Cart. A N° III. Et Id. Cart. A N° V. 3 Id. Cart. A N° V. 4 Monteynard, p.XV 5 Il s’agit de la N° III du Cartulaire B de Saint Hugues ainsi que la n° VIII du cartulaire B. 6 Nous disposons de 11 mentions de ce prénom qui recouvre au moins 2 personnes distinctes. En effet, vers 1100 l’un figure aux côtés des chanoines grenoblois tandis que l’autre est botellarium sive militem du comte. Il est peu probable qu’il s’agisse de la même personne. 7 La n° III du cartulaire A est datée du 22 janvier 1105 et la n° VIII du cartulaire B du 30 mars 1108. 8 Marion, Cart. B N° XCVIII. 9 Marion, Cart. B N° CXVII.

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même si aucune preuve ne vient l’étayer autre que celle qui constate la disparition de Benoît aux côtés des chanoines de Grenoble après septembre 1110 et l’apparition en avril 1111 d’un Benoît aux côtés des chanoines de Saint André.

Beto

De 1105 à 11241, le chanoine Beto apparaît 5 fois dans les cartulaires de Saint Hugues. En 1108, dans la charte V du cartulaire A de Saint Hugues, Beto est présent dans la liste des témoins. Cependant, dans les copies de cet acte (cartulaire B charte LXXIII et cartulaire C charte LXX), Beto n’est plus mentionné. Cette remarque ainsi que le faible nombre de mentions de lui sur une période aussi longue, nous incite à penser que Beto est un chanoine peu important dans le chapitre.

Dodo

Vers 1140, Dodo est « clerc ou chanoine de l’église de Grenoble ». A une date indéterminée, il figure comme témoin aux côtés des chanoines de Grenoble lors de l’inféodation de Guillaume Létard dans sa prébende de cellerier2 (donc au plus tard 1107). Nous trouvons aussi un Dodo en 1101, frère de Guigues et Richard3. Ces derniers possèdent en fief de Pierre de Morestel le tiers des dîmes de Saint Ismier qui furent usurpées du temps de Pons. La même année, la fratrie vend des droits à l’évêque4. Ceux-ci concernent le marché de Grenoble. Nous trouvons aussi la mention d’un Dodo de Grenoble, chevalier vers 10805. Au vu de la rareté de ce prénom, la question de l’unicité du personnage est séduisante mais l’étendue chronologique des mentions pose problème. Nous considérerons que Dodo est chanoine de Grenoble uniquement vers 1140.

Etienne

Vers 1140, dans les cartulaires de Saint Hugues nous trouvons deux mentions d’Etienne. Dans l’une il est « clerc ou chanoine de l’église de Grenoble » et dans l’autre « chanoine » 6. On retrouve le chanoine Etienne dans une charte datant de l’épiscopat d’Hugues II dans laquelle il est nommé « ami de l’évêque »7. Un Etienne prononce les vœux des novices chartreux vers 11418. Est-ce le même ?

Foulque de Lans

1 Marion, Cart. A N° III. Et Id. Cart. C N° LI. 2 Id. Cart. B N° XLV. 3 Id. Cart. B N° III. 4 Id. Cart. B N° XXXII. 5 Monteynard, 163. 6 Id. Cart. C N° CXXV. Et Id. Cart. C N° CXXVIII. 7 Marion. Cart. D N° XI. Domnus Ugo, Gratianopolitanus episcopus II ; Stephanus, canonicus, socius ejus… 8 Bligny, Recueil des plus anciens actes…, XXI. ego stephanus prio Majorevi promitto obedientiam communi capitulo (formule que prononcent les novices. Cf. Consuetudines, Cap. XXIII,I in P.L. t. 153, p.685).

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Dans la seule charte qui indique que Foulque de Lans est chanoine de l’église de Grenoble1, celui-ci apparaît au dernier rang d’une liste de 20 noms tous censés faire partie du chapitre2. Il est distinct des deux autres Foulque présents au sein du chapitre car ils font partie tous les trois de la même liste. Ce Foulque de Lans n’est certainement pas le père de Rainald de Lans, neveu du chanoine Guigues. En effet, ce dernier n’est jamais appelé chanoine dans les chartes qui le mentionnent. Il faut donc se résoudre à distinguer Foulque de Lans, chanoine en 1105, et Foulque de Lans père de Rainald de Lans et certainement beau frère du chanoine Guigues de Lans.

Selon Nicolas Chorier et Guy Allard, les « De Lans » ou « De Lanz » habitaient les montagnes de Sassenage. Louis Etienne Gustave Rivoire De La Batie ajoute que Rodolphe de Lans se croisa en l’an 10963. Ces informations éparses que nous donnent les érudits ne sont guère satisfaisantes. En effet, ils ne citent pas leurs sources et nous devons les croire sur parole. Cependant, si nous admettons ces informations comme vraies, alors nous pouvons supposer que la famille de Lans est un lignage de l’aristocratie montagnarde et militaire. Dans un contexte où les comtes d’Albon augmentent leur puissance et s’imposent à l’aristocratie dauphinoise, il est possible que les De Lans cherchent à préserver leur indépendance vis-à-vis du prince en se rapprochant de l’évêque. La présence permanente d’au moins un de leurs membres sur la période étudiée (voir Guigues) est révélatrice.

Les deux Foulque

La première mention d’un Foulque proche de l’évêque date de 1086, où sa présence est attestée au synode diocésain4. Lors de l’évocation de ce personnage il n’est pas précisé que celui-ci est chanoine de Grenoble mais il l’est certainement déjà. En effet, dans cette charte il n’est rappelé les fonctions canoniales d’aucun des témoins alors que certains d’entre eux sont chanoines. Il faut attendre le 12 mars 1101 pour le voir apparaître dans les cartulaires de Saint Hugues comme « chanoine de l’église de Grenoble »5. La dernière mention de Foulque date de 11246.

La difficulté est que nous savons qu’il y a deux Foulque membres du chapitre, car dans la charte de Saint Donat datée du 22 janvier 1105, deux Foulque, tous deux membres du chapitre de l’église de Grenoble, sont témoins de l’acte7.

Les deux Foulque sont certainement présents au sein du chapitre cathédral en 1108 puisqu’il y a 4 mentions d’eux cette année-là. Ainsi, si nous savons que tous deux sont présents au chapitre entre 1105 et 1108, en dehors de ces bornes chronologiques il est impossible de savoir lequel des deux est présent en 1086 et lequel l’est en 1124.

1 Marion, Cart. A N° III. 2 Hanc donationem laudaverunt canonici aecclesiae Gratianopolitanae, scilicet : Guigo decanus…[s’en suit une liste de 18 noms] Folcherius de Lanz. 3 G. de Rivoire de la Batie, Armorial du Dauphiné contenant les armoiries figurées de toutes les familles nobles et les notables de cette province accompagnées de notices généalogiques complétant les nobiliaires de Chorier et de Guy Allard, 1867, p.336. 4 B.Bligny, Recueil des plus anciens actes de la Grande Chartreuse (1086-1196), 1958. Acte I : 9 décembre 1086 ; p.3-8. Au cours de ce synode diocésain, l’évêque Hugues I de Grenoble publie, devant l’assemblée, l’acte par lequel il confirme la donation, antérieurement faite par l’abbé Seguin de la Chaise Dieu et quelques seigneurs locaux à St. Bruno et ses compagnons. 5 Marion, Cart. B N° III 6 Marion, Cart. C N° LI 7 Marion, Cart. A N° III

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Un traitement statistique pour tenter d’apporter des réponses serait peu probant car il n’existe que 14 mentions1 de Foulque dans les cartulaires de Saint Hugues.

Cependant nous essayerons d’apporter quelques éléments supplémentaires.

En 1100, dans la charte de Saint André de Savoie2, un Foulque apparaît comme témoin aux côtés de Bernard, doyen et de Richard Mainier. Or le doyen du chapitre de Grenoble est Guigues. Comme le doyen de Saint André, Airald, n’apparaît comme tel que vers 11103, on peut largement supposer que Bernard est doyen de Saint André4. La mention de Foulque aux côtés du doyen de Saint André nous laisse croire que l’un des deux Foulque est membre du chapitre de Saint André en 1100.

Nous savons aussi que l’un des deux Foulque est issu de la famille de Domène. En effet, dans les chartes du cartulaire de Domène, nous apprenons que Gérald Fanconis de Domène est frère d’Aynard ainsi que de Guigues moine à Domène5. Or Foulque chanoine est fils de Gérald Fanconis de Domène6.

Au vu de l’arbre généalogique de Rostaing nous affirmons que Foulque et Rostaing, tous deux chanoines au chapitre de Grenoble, sont cousins.

Figure 4 : Arbre généalogique de Foulque :

Aynard Gérald Guigues, moine

Rostaing Foulque, chanoine

1 Elles datent respectivement de 1101, 1105, 1108 (4 mentions cette année-ci), vers 1110, 1110, 1111, 1116, 1124. Il existe une autre charte non datée faisant référence à un Foulque, membre du chapitre. 2 Marion, Cart. A N° CIX 3 Vers 1110, on voit se multiplier les mentions d’Airald, tantôt « doyen de Saint André » (Marion, Cart. C N° XIV par ex.), tantôt « doyen de Savoie » (Marion, Cart. C N° LII part ex.). 4 De plus la charte CIX du Cart. A concerne le décanat de Saint André. Cette hypothèse est corroborée par François Trepier, dans « Recherches historiques sur le décanat de Saint André (de Savoie) et sur la ville de ce nom ensevelie au XIIIe siècle, sous les éboulis du Mont-Granier » dans Mémoires de l’Académie des sciences, belles lettres et arts de Savoie, 3e série, t.VI, Chambéry, 1878. 5 Monteynard. N° 142. Et N° 145. 6 Ibid. N° 136. Bien que Foulque ne soit pas moine à Domène, il est très représenté dans le cartulaire de Domène. Cette forte présence peut s’expliquer par ses origines sociales et géographiques.

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Gauthier Chaunais et Gauthier « chanoine régulier »

Nous savons que ce fils de Guigues Chaunais1, en 1092 est « chanoine »2. Il est le frère d’un autre Guigues Chaunais3. En 1108, il est clairement précisé qu’il fait partie du chapitre de l’église grenobloise4. La suite de son parcours est difficile à déterminer. En 1116, il a un homonyme et il n’est pas précisé qu’il est toujours chanoine de Grenoble5. Cette remarque anodine aux premiers abords a une importance capitale pour retracer la vie de ce personnage. En effet, cette mention remet en cause la conclusion d’Ulysse Chevalier qui place sa mort le 11 septembre 11076. Néanmoins ce dernier précise que cet homme, ancien chanoine de Grenoble, fut moine à la Grande Chartreuse. Pour tirer ces conclusions, il s’appuie certainement, sur le témoignage de Guigues le Chartreux7. Nous trouvons effectivement la trace de Gauthier Chaunais à la Grande Chartreuse en 1107, mais il n’est pas précisé qu’il est mort cette année-là bien que nous apprenions tout de même qu’il y est moine8. Cette chronologie pose problème. En effet, en 1108, il ne peut pas être à la fois moine à la Grande Chartreuse et chanoine de l’église de Grenoble, il faut donc se résoudre à conclure que les datations ne sont pas exactes.

Un autre problème se pose. En 1116 il est témoin de l’acte qui met fin au conflit entre l’évêque et le comte. Dans cet acte, il n’est pas précisé sa fonction. Or, s’il est moine à la Grande Chartreuse, il nous semble difficile de croire qu’il fut présent étant données les rigueurs de l’érémitisme cartusien… Nous considérerons donc que Gauthier Chaunais devient moine à la Grande Chartreuse après 1116.

Nous savons qu’il existe un Gauthier, distinct de Gauthier Chaunais, qui est chanoine régulier en 11169. N’étant affublé d’aucun cognomen, il est difficile de savoir s’il appartient au chapitre de Grenoble. En effet, les mentions de Gauthier sans cognomen font-elles référence à Gauthier Chaunais ou à ce Gauthier-ci ? Il est fort probable qu’il soit membre du chapitre de Saint André malgré le sous-entendu de l’acte de 111610. En effet, en 1111, on trouve la mention d’un Gauthier, clerc et frère de Théobert, aux côtés de chanoines de Saint André11. En 1110, Gauthier apparaît auprès des mêmes chanoines déjà cités : Jozelin, le prieur Archimbald et les chanoines Martin et Achin12. Cependant, Gauthier, chanoine de Grenoble, cité vers 1080 peut à la fois désigner Gauthier Chaunais ou Gauthier, futur chanoine régulier13. L’absence de cognomen fait pencher la balance en faveur du Gauthier régulier. Son parcours serait alors le suivant : membre du chapitre cathédral en 1080, ce dernier poursuivrait sa

1 Marion, Cart. B N° VIII. 2 Id, Cart. B N° LXXI. 3 Id. Cart. B N° VIII. 4 Id. Cart. B N° VIII. 5 Id, Cart. C N° LXXXI. En réalité, il est dit sur son homonyme qu’il est chanoine régulier. Il n’est pas précisé qu’il appartient au chapitre de Grenoble. 6 U.Chevalier, Regeste dauphinois, ou Répertoire chronologique et analytique des documents imprimés et manuscrits relatifs à l'histoire du Dauphiné, des origines chrétiennes à l'année 1349, T1, 1913, p. 510, 2979. 7 Guigues le Chartreux, Vie de Saint Hugues… 8 D.C. Le Coulteux, Annales ordinis cartusiensis ab anno 1084 ad annum 1429, 1887, T1, p. 171. 9 Marion, Cart. C N° LXXXI. 10 Marion, Cart. C N° LXXXI. On trouve en effet dans cet acte, la mention de Gauthier, chanoine régulier, au milieu des chanoines de Grenoble. S.Excoffon se laisse-t-il tromper dans la note 46 de «Une abbaye en Dauphiné aux XIIe et XIIIe siècles : Chalais avant son rattachement à la Grande Chartreuse » dans Revue Mabillon, Nouvelle série 8, 69, 1997, p.122. ? 11 Marion, Cart B N° CXVII. Teste Heiraldo, decano, et Geraldo, socio ejus, Benedicto, capellano Ganariis, Asselmo Baruel, Petro Odone, Guigone de Bela Comba, Gualterio, clerico, et fratre ejus, Theotberto. 12 Id. Cart. B N° LXXII. 13 Monteynard, 163.

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carrière auprès des chanoines de Saint André avant 1111. Il est aussi possible que ce Gauthier, chanoine régulier, s’appelle Gauthier Buca, témoin du synode diocésain de 10861.

Il est en revanche impossible de déterminer auxquels des Gauthier il est fait référence en 1111, lorsque l’évêque Hugues donne en bénéfice l’église de la Thuile à Nanthelme. En effet, à la fois des chanoines de Grenoble et de Saint André sont témoins de cet acte2.

Malgré toutes ces incertitudes, nous sommes certains que Gauthier Chaunais possède jusqu’en 1092, des dîmes en terres et en vin, de Mons jusqu’au port sur l’Isère de La Rochette à Grenoble. Il les tient en fief de Gérald de Soiete jusqu'à ce que ce dernier les rende à l’évêque (avec, bien sûr, l’accord de Gauthier et de son frère Guigues). Il garde néanmoins la dîme en vin de Saint Laurent.

Gauthier Chaulnais possède aussi une maison en fief de Ponce et Aynard de Domène. Celle-ci ce trouve près du cloître de chanoines. Il a aussi des courtils autour de sa maison. Le tout est à l’évêque3.

Louis Etienne Gustave Rivoire De La Batie nous apprend que sa famille possédait, près du pont de l’Isère, un fief qui fut vendu en 1301 à François, seigneur de Sassenage, par Aymar Chaunais4 . Il n’est pas certain qu’elle le possédait déjà au XII ème siècle. Cependant, l’hypothèse est à envisager.

Pierre Chaunais témoigne en faveur du comte en sa qualité de ministralis 5. Au vu des date, ce dernier est certainement l’oncle de Gauthier Chaulnais même si rien ne nous l’affirme clairement.

Galdin

La première mention de Galdin date de janvier 1105, dans la charte de St. Donat6. Il apparaît dès ce moment comme chanoine de l’église de Grenoble. La dernière mention de Galdin date de juin 11097. Durant cette période, il n’apparaît que 7 fois dans les cartulaires de Saint Hugues.

Gaufred

Dans deux actes datés d’approximativement 1140, Gaufred est chanoine de l’église de Grenoble8.

1 Bligny, Recueil des plus anciens actes… I, p.3_8. 2 Marion, Cart. C N° XXXIX. 3 Marion, Cart. B N° XLI. 4 G. de Rivoire de la Batie, Armorial du Dauphiné contenant les armoiries figurées de toutes les familles nobles et les notables de cette province accompagnées de notices généalogiques complétant les nobiliaires de Chorier et de Guy Allard, 1867. p. 147. 5 Marion, Cart. B N° XVII. Circa 1100. 6 Marion, Cart. A N° III. 7 Id. Cart. C N°. CXVI. 8 Dans Marion, Cart. C N° CXXVIII il est « chanoine » tandis que dans le Cart. C N° CXXV il est « clerc ou chanoine de l’église de Grenoble »

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Gérald de Savoie et Gérald de Saint Just

Originaire de Chignin dans le décanat de Savoie1 , Gérald de Savoie est difficile à distinguer de son homonyme, Gérald de Saint Just (certainement Saint Just de Claix en Isère puisqu’il fait mention en 1111 d’un Gérald de Claix2 ), lui aussi présent au chapitre cathédral de Grenoble. La première mention certaine de Gérald de Savoie date de juin 11083 et la dernière est datée d’approximativement 11404. Quant à Gérald de Saint Just, il apparaît avec certitude dans les cartulaires de Saint Hugues en septembre 11085. La dernière mention de lui date d’approximativement 11406.

Nous savons que Gérald de Savoie est capellanus à une date imprécise (mais datant de l’épiscopat d’Hugues) 7. En mars 1101, nous avons un Gérald, « chanoine de l’église de Grenoble » qui est cantori8 . S’agit-il de Gérald de Saint Just ou bien de Gérald de Savoie ? Il est impossible de le savoir avec précision mais il est peu probable qu’il existe un troisième chanoine de l’église cathédrale prénommé Gérald, sans qu’un cognomen lui soit attribué.

Etant donné l’homonymie de ces deux personnages, il est difficile de préciser le nombre de fois où ils apparaissent dans les cartulaires de Saint Hugues car 9 des Gérald présents dans les cartulaires ne sont pas identifiés. Ils peuvent être indifféremment l’un ou l’autre de ces personnages.

Concernant le nom de « Gérald de Savoie » il est fort probable qu’il soit dû à son origine géographique et non à un quelconque rôle qu’il aurait pu jouer dans le décanat de Saint André. En effet, nous ne trouvons aucune trace d’un Gérald, prêtre, chanoine, ou occupant d’autres fonctions religieuses ou non dans ce décanat9. La seule trace d’un Gérald dans ces lieux se trouve dans la charte XL du Cartulaire C de Saint Hugues. On y trouve vers 1110 un Gérald qui est ami d’Achin. Cet Achin, restitue ses fiefs à Hugues et à Airald, doyen de Saint André. Cet Achin est certainement celui qui est mentionné comme chanoine de Saint André à cette même date dans plusieurs actes10. Nous ne pouvons établir avec certitude si Gérald, l’ami d’Achin est ou non Gérald de Savoie même si la proximité géographique entre Chignin et Saint André peut nous faire croire qu’il s’agit bien de Gérald de Savoie. Se tromper sur ce point n’est guère important car l’ami d’Achin ne joue pas de rôle majeur. Simplement témoin d’Achin dans la restitution de fiefs à l’évêque et à son supérieur, il est au mieux, un médiateur entre l’évêque et ce chanoine.

1 Marion, Cart. C N° XLI. 2 Id. Cart. B N° CII. 3 Id. Cart. B N° LVIII. 4 Id. Cart. C N° CXXV. 5 Id. Cart. A N° V. 6 Id. Cart. C N° CXXV. 7 Id. Cart. B N° LI. 8 Id. Cart. A N° III. 9 Pas dans : Trepier, Recherches historiques sur le décanat de Saint André, 1886. 10 Marion, Cart. C N° XXXII.

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Guichard

En 1073, il est attesté qu’un Guichard fait partie du nombre des chanoines du chapitre cathédral de Grenoble1. Un Guichard est présent en 1076 comme témoin de la donation de Pons aux chanoines d’Oulx2. Il s’agit certainement du même car il figure aux cotés de Guigues Doyen et de Jean Podio. Son nom complet est alors Guichardus Silvio.

Guigues « doyen »

Avant de commencer à disserter sur Guigues doyen il faut faire une petite mise au point. La banalité de ce nom dans la région rend l’étude difficile. Nous savons qu’il y a au moins trois Guigues au sein du chapitre. Guigues dit Doyen, Guigues de Lans et Guigues dit convers sont distincts puisque ils apparaissent dans le même document3. Les mentions de Guigues sans cognonem ne seront pas prises en compte dans l’étude. En effet, celui-ci peut être n’importe lequel des trois Guigues mentionnés ou un autre.

Guigues Doyen apparaît pour la première fois dans les chartes d’Oulx4 en 1073. Il est surnommé alors « mauvais clerc5 » par les chanoines réguliers d’Oulx6. Ce surnom lui est encore attribué en 10767. Qu’implique-t-il alors ? Est-ce une simple marque de discrimination ou une réalité plus palpable ? Il est difficile de trancher mais il me semble probable que la formule est là pour montrer la différence de mœurs entre les deux communautés de chanoines. La dernière mention de Guigues doyen est datée de 11118. Dans les cartulaires de Saint Hugues, il est constamment affecté de sa fonction de doyen soit dix fois au total.

Guigues de Lans

La première mention de Guigues de Lans date de 1080, et la dernière du 2 novembre 11109. En tout cas, il est décédé en 111110.

Nous savons que Rainald de Lans a un frère du nom de Guigues qui est chanoine11. Ce même Rainald a un fils du nom de Guigues qui, après la mort de son oncle Guigues, est fait chanoine de Grenoble12.

Nous savons également que Rainald a un neveu du nom de Rainald, qui est fils de Foulque. Ce fils de Foulque a un oncle, Guigue qui est chanoine de Grenoble13.

1 Collino, XXIII. 2 Rivautella, CCXLII. 3 Marion, Cart. C N° LXXI par exemple 4 Collino. N° XXIII. 5 A.Rivautella, Ulcensis ecclesiae chartularium… N° CCXLI. « Guigo decanus cognomine malo clerico ». Il faut signaler que la traduction classique est « Guigues Mauclerc ». Cf. N.Didier, notes… et F.Trepier, Recherches… 6 M.A. Benedetto la collegiata di S. Lorenzo d’Oulx in monasteri in alta Italia dopo le invasioni saracene e magiare (sec. X-XII), 1966, communication présentée lors XXIIème congresso storico subalpino du 6 au 9 septembre 1964 à Pinerole. 7 A.Rivautella, Ulcensis ecclesiae chartularium… N° CCXLII._ Collino. N° XXVIII. 8 Cart. B N° CII 9 A.Rivautella, Ulcensis ecclesiae chartularium… N° CXC. Et Marion, Cart. B N° XXI. 10 Cart. B N° CII. 11 Cart. B N° CII. Ego Rainoldus de Lanz, frater Guigonis, condam canonici 12Id. Facta fuerunt omnia prenotata ipso die, quando fecit domnus episcopus, Hugo, canonicum de filio meo, Guigone, anno incarnationis Dominicæ millesimo Cº XIº. 13 Id. Tertiam vero partem de decima mansi Rainoldi predicti debet reddere nepos ejus, Rainoldus, filius Folcherii, quia avus ejus dimisit eam, post mortem filii sui Guigonis, canonici, episcopis Gratianopolitanis.

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Enfin nous savons que Rainald de Lans a deux fils : Rainald et Guigues. Le dernier est chanoine1.

A partir de ces informations on peut établir l’arbre généalogique le plus probable :

Figure 5 : Arbre généalogique de la famille de Lans :

Rainald

Foulque + ? Guigues Rainald

Rainald Guigues

Au vu du nom « Foulque » qui ne semble pas faire partie des noms portés par la famille, il est probable que Foulque soit membre de la famille par alliance. Cette hypothèse expliquerait l’absence de la mention de Foulque comme fils de Rainald dans la Charte L du cartulaire B. De plus, il est fort probable que Rainald ait fait mention dans la charte CII du cartulaire B, que Guigues soit fils de son frère est non pas « fils de Foulque ».

Peu importe la justesse de ce scénario, ce qu’il faut comprendre c’est que Guigues est issu d’une famille aristocratique très implantée au sein du chapitre cathédral puisque deux de ses membres deviennent chanoines (Guigues de Lans qui meurt en 1111, et un deuxième Guigues après 1111).

Rainald, fils de Foulque fait à date indéterminée sous l’épiscopat d’Hugues, le pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle2.

Guigues, fils de Rainald de Lanz

Nous savons que le fils de Rainald de Lanz fut fait chanoine en 11113, or nous ne trouvons pas, dans la documentation juste postérieure, la mention d’un Guigues autre que celles mentionnées ci-dessus. La première et dernière mention d’un Guigues appartenant au chapitre dans les cartulaires de Saint Hugues est datée d’approximativement 11404.

1 Cart. B N° L. On peut dater la charte d’entre 1080, arrivée d’Hugues sur le siège épiscopal, et 1111, date de la mort de Guigues fils de Rainald et frère de Rainald. Ego Rainaldus de Lanz, qui sum pater Guigonis, canonici, et Rainaldi 2 Marion, Cart. C N° XVI. 3 Cart. B N° CII. Facta fuerunt omnia prenotata ipso die, quando fecit domnus episcupus, Hugo, canonicorum de filio meo, Guigone, anno incarnationis Dominicae millesimo C° XI°. 4 Cart. C n° CXXV.

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Etant donnée la lacune de notre documentation, il est difficile de savoir si oui ou non il s’agit du fils de Rainald de Lanz.

Si tel est le cas il est significatif qu’il ne soit pas dénommé selon son lignage. Si ce n’est pas le cas, il faut se résoudre à ajouter un chanoine supplémentaire du nom de Guigues au sein du chapitre. Ce deuxième Guigues est-t-il à confondre avec Guilisio, fils de Rainald de Lans dont nous apprenons l’existence en 1139, ou bien sont-ils deux frères1 ?

Guillaume de Varces

Nous n’avons que 5 mentions explicites de ce chanoine. Elles s’étalent entre Avril 1108 et 11112. Si nous ne pouvons pas dire grand-chose de son rôle au sein du chapitre nous pouvons nous étendre sur ses origines. En effet selon Louis Etienne Gustave Rivoire de la Batie3, avant que la terre de Varces soit réunie au domaine delphinal, puis échangée en 1296 par le Dauphin, avec les enfants d’Aymeric de Briançon contre celle de Bellecombe, elle appartenait à une maison de Varces, dont le premier auteur connu est Athénulphe, vivant en l’an 1096.

Nous pouvons toujours supposer que Guillaume est le fils de cet Athénulphe, mais ce qui rend l’analyse intéressante, est qu’il semble que la famille de Varces soit indépendante jusque relativement tard. L’adhésion de l’un des membres de la famille, serait-il pour eux un moyen de préserver leur indépendance, contre un prince qui s’étend vers le sud de Grenoble, donc vers Varces ?

Guillaume Alden

Il n’est fait qu’une seule fois mention de Guillaume Alden, en 11084. Il est clairement dit qu’il est chanoine de l’église de Grenoble.

Guillaume I

En 1080 nous savons que Guillaume fait partie du chapitre5. Il est peu probable, vue la puissance des Varces, qu’il soit Guillaume de Varces puisqu’il est désigné sans son origine géographique. Il est aussi peu probable que ce Guillaume soit Guillaume Alden étant donné l’absence de source le mentionnant entre 1080 et 1108 (soit une lacune des sources pendant près de 30 ans !). Nous ajouterons donc un Guillaume à notre étude en considérant tout de même, que la conclusion est porteuse d’une erreur possible voir probable.

1 Dans un acte de concorde entre vir nobilis, publié par Le Coulteux et A du Boys (p.488-489), on apprend que Rainald de Lanz a un fils du nom de Guilisius d’une femme du nom d’Amaldrada. Dans cet acte, il apparaît que ces personnages furent des protecteurs de la Chartreuse des Ecouges et qu’ils furent opposés à une « ligue » menée par Guigues de Sassenage. Hugues II et Oldéric obtinrent à l’occasion de la dédicace de l’église de la Chartreuse des Ecouges (Pentecôte 1139), l’abandon des prétentions des ligueurs ainsi que la promesse des De Lans de la protéger clypei juramento conabantur protegere. 2 Marion, Cart. B N° CXIX. et Cart. B N° CII. 3 G. de Rivoire de la Batie, Armorial du Dauphiné…, 1867. p. 769. 4 Marion, Cart. B N° VIII. 5 Monteynard, 163.

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Guillaume II

Vers 1140 il y a un Guillaume doyen qui représente l’évêque dans la résolution d’un conflit entre Guigues Dauphin et Hugues II1. Nous supposons que la date d’arrivée de Guillaume au sein du chapitre date de l’épiscopat précédent car nous trouvons mention d’un « W doyen » dans une charte non datée mais du temps de l’évêque Hugues2 (1080-1132).

Humbert de Soiete

Dans les cartulaires de Saint Hugues, il existe peu de mentions d’Humbert de Soiete. En effet, de janvier 1105 à septembre 1108 il n’y figure que 4 fois, dont 3 pour la seule année 11083. Il est à remarquer que la présence d’Humbert est toujours en qualité de témoin, que l’on pourrait qualifier de mineur, dans la mesure où il figure toujours dans une liste d’au moins 8 chanoines de l’église cathédrale. Il est fort probable que le chanoine de Grenoble du nom d’Humbert en 10804 fasse référence à ce personnage. Il présente la même caractéristique. Il est le dernier de la liste des chanoines de Grenoble au douzième rang. En 1086, un Humbert est présent au synode diocésain et figure aux côtés des chanoines de Grenoble5. Cet Humbert est sûrement Humbert de Soiete.

Le rôle d’Humbert de Soiete se réduit à une portion congrue lorsque les variations de la charte V du cartulaire A présentes dans le cartulaire B charte LXXIII et cartulaire C charte LXX, ne font plus mention de lui. La seule différence entre ses trois actes est la liste des témoins nommés. Sur les trois copies de l’acte, Humbert n’apparaît qu’une seule fois.

Jean Podio

Mentionné pour la première fois en 10766, il est alors sacristain. Mais rien n’indique précisément qu’il fasse partie du chapitre. Il est mentionné ensuite en 1086 dans un acte, issu du synode diocésain qui reconnaît les statuts des chartreux7. Nous pouvons donc conclure que témoin lors d’un acte issu du synode diocésain, il faisait partie des clercs du diocèse. Etait-il devenu chanoine de Grenoble dans l’intervalle ? On trouve effectivement la mention d’un Jean, chanoine de Grenoble vers 1080 qui peut nous faire croire qu’il s’agit du même personnage8. De plus une mention de Jean de Podio dans une liste de noms, désignant tous des chanoines de Grenoble en 10809 , pourrait indiquer qu’il fasse partie du chapitre. Cependant ce sont les seuls indices dont nous disposons pour le joindre au chapitre. Il s’averre alors problématique qu’il n’est jamais fait mention de lui dans les cartulaires de Saint Hugues sauf à deux reprises. Ces dernières le placent du côté du comte, pour lequel il témoigne dans le conflit qui oppose le comte et l’évêque autour de 110010. Il n’est pas incompatible qu’il soit chanoine de Grenoble et homme du comte mais les incertitudes demeurent quant à son rôle dans la vie diocésaine.

1 Marion. Cart. C N° CXXII. 2 Id. Cart. C N° XVII. 3 Id. Cart. A N° III. Et Cart. A N° V. 4 Monteynard, 163. 5 Bligny, Recueil des plus anciens actes…, I, p. 3_8. 6 Rvivautella, CCXLII ; Collino XXVIII. 7 Bligny, Recueil des plus anciens actes…, I, p.3_8. 8 Monteynard, 163. 9 Rivautella, CXC. Collino, XXXV. 10 Marion, Cart B, N° XVI et XVII.

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Jean de Porte

Nous possédons dans les sources étudiées une seule mention de Jean de Porte. Celle-ci date de 1073 et il est clairement défini comme chanoine de Grenoble1. Cependant, la mention d’un Jean, chanoine de Grenoble vers 1080 peut nous faire croire qu’il s’agit du même personnage2. Le doute subsiste néanmoins car ce prénom non affecté d’un cognomen peut désigner Jean de Podio. Il est aussi possible que les deux Jean du chapitre ne soient qu’une seule et même personne, la mise en place onomastique n’étant pas terminée aux dates invoquées. Son nom indiquant une origine géographique et une puissance territoriale dans la ville de Grenoble, il est possible qu’il possède un autre surnom faisant référence à des caractéristiques lignagères.

Oldéric

La date d’arrivée d’Oldéric au sein du chapitre pose problème. On trouve un Oldéric présent aux côtés des chanoines grenoblois au synode diocésain de 1086. Mais il y a aussi un prieur du nom d’Oldéric à Domène vers 10953. Si ce dernier ne reste pas en poste très longtemps (Benoît est à ce poste vers 1090, Guichard occupe le poste aux environs de 1095 et Hugues III De La Porte vers 11004). Il est difficile de savoir s’il s’agit ou non d’un homonyme. Cependant considérant l’historiographie traditionnelle et récente qui voit en ce chanoine, un ancien prieur de Domène5, nous nous conformerons à celle-ci. Cependant il faut tout de même conclure que les dates proposées par Monteynard sont forcément fausses car s’il est possible que des fonctions de prieur, lui eussent permis de se rendre au synode diocésain en 1086, selon Monteynard, il n’était pas prieur à cette date ci. Quant à l’hypothèse qui fait d’Oldéric, un chanoine en 1086 puis un prieur de Domène vers 1095, puis de nouveau un chanoine de Grenoble après 1095, elle est trop compliquée pour être considérée comme vraie.

Présent 25 fois dans les cartulaires de Saint Hugues entre 1095et 11246, ce qui est peu par rapport à d’autres, on peut néanmoins retracer son évolution au sein du chapitre cathédral. En effet, de 1107 à 1111 il est magister7. A la mort de Guigues doyen, il lui succède puisque dans une charte datée d’environ 1110 il commence à être affecté du titre de doyen8 . En 1124 il assure les fonctions de procurateur de l’évêque9, tandis qu’en 1129-1130, il est de nouveau appelé doyen10.

Il devient évêque de Die vers 113011. Vers 1140, il occupe toujours ce poste12.

D’après Bernard Bligny, il se retire à la Grande Chartreuse où il meurt en 11451. 1 Collino, N° XXIII. 2 Monteynard, 163. 3 Bligny, Recueil des plus …n°1, p.1-8. Et Monteynard, p. XV 4 Monteynard, p. XV. 5 Au XIX ème siècle, Trépier l’affirme tandis que plus récemment, B.Bligny (Guigues le chartreux, Vie de Saint Hugues…, Note 33, p. 64) , S.Escoffon reprend l’idée. 6 Marion, Cart. B, N° XXXVI. La charte est antérieure à la venue du pape en Gaule, c'est-à-dire avant juillet 1095. Marion, Cart. C, N° LIV. 7 La première mention de cette fonction se trouve dans le cartulaire de Domene, n° XVIII. La dernière mention date de Août1111. Marion. Cart. C N° XXXIX. 8 Marion, Cart. C, N° XLII. Selon U. Chavalier il devient doyen en 1124 (Notes historiques et chronologiques sur les évêques de Die Dans Bulletin philologique et historique (jusqu’en 1713), 1913, p.269) 9 Marion, Cart. C, N° LIV. 10 Arch. Dep. Isère, 4H231, pièce 17, fol. 1-1v. édité par S.Excoffon, « L’abbaye de Chalais aux XII-XIII siècles » dans Revue Mabillon, nouvelle série 8, 1997. p. 147. 11 Le Couteulx, Annales ordinis cartusiensis, t.I, p.331 et id. t.II, p.360. 12 Marion, Cart. C N° CXXV.

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Nous savons qu’il reçoit un fief en viager (celui de son père, Gérald Roux, d’Arvey) vers 11002, et qu’il a un neveu qui est Radulf d’Allevard3.

Othmar

Ce chanoine, fils d’Othmar Bover arrive au sein du chapitre de Grenoble à la fin de l’épiscopat d’Hugues4. Il est cité pour la première fois en 1129-1130 lors de la donation de Guigues Humbert de Cornillon de sa part de l’Alpe de Chalais à l’abbé Bernard5. On le trouve aussi dans une charte datée de l’épiscopat d’Hugues6.

Dans les cartulaires de Saint Hugues, il est systématiquement, soit 4 fois autour de 1140, dénommé magister.

Pierre de Vizille

La première apparition de Pierre de Vizille en tant que chanoine de l’église de Grenoble date du 22 juin 1105 dans la charte de Saint Donat7. Assez présent comme témoin de l’évêque jusque vers 11108, il disparaît ensuite des cartulaires. Vers 1140 il témoigne en faveur du comte Guigue dit Dauphin lors d’un conflit entre l’évêque et le prince9. Est-ce son fils ? Est-ce lui-même ? Le jugement fut rendu par l’évêque de Die dans la maison épiscopale et il fut sans conséquence grave puisqu’ils se donnèrent le baiser de la paix. Le rôle joué par Pierre de Vizille lors de ce procès n’est pas connu. De plus les sources manquent pour savoir son comportement entre 1110 et 1140. Mais on peut facilement supposer qu’il fit office de médiateur, ayant une situation privilégiée car il était certainement à la fois vassal du comte et clerc de l’évêque. Pouvons-nous pour autant conclure qu’il est le membre d’une famille de l’aristocratie locale qui bascule dans l’orbite du comte ?

Les autres Pierre du chapitre

Pierre Prévôt

Nous n’avons qu’une seule trace d’un prévôt au sein du chapitre cathédral. Celle-ci date d’environ 108010. Le poste est alors détenu par Pierre. Celui-ci n’est plus affecté de son titre (si c’est lui dont il est fait référence) en 1086 lorsque il figure aux côtés des chanoines de

1 Guigues le chartreux, Vie de Saint Hugues…, Note 33, P.64. 2 Marion, Cart. B N° XLIII. 3 Marion, Cart. C N° LIV. 4 Arch. Dep. Isère, 4H231, pièce 17, fol. 1-1v. édité par S.Excoffon, « L’abbaye de Chalais aux XII-XIII siècles » in Revue Mabillon, nouvelle série 8, 1997. p. 147. 5 Id. 6 Marion, Cart. C N° XVII. 7 Id. Cart. A n° III 8 Il apparaît quatre fois dans l’intervalle. On notera aussi qu’il est présent dans la charte XV non datée du cartulaire C. Dans cette charte où Pierre Gorge restitue une dîme à l’évêque, Mallen, le cellérier du comte est présent. Dans ces circonstances il est difficile de savoir quel rôle joua Pierre de Vizille. 9 Marion, Cart. C n° CXXII. 10 Monteynard, N° 163.

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Grenoble1. Dans cette liste, il apparaît au 9ème rang. Est-ce le signe d’un déclassement du personnage ?

Pierre Garcin

La seule mention de Pierre Garcin comme membre du chapitre cathédral de Grenoble date de 11052.

Pierre Frémund

Présent pour la première fois lui aussi le 22 janvier 1105 dans la charte de Saint Donat3, nous trouvons des traces de sa présence au sein du chapitre jusqu’en septembre 11084. Durant cet intervalle il est cité 4 fois comme témoin.

Vers 1140 Ubald de Casta et sa femme Boniza vendent à l’évêque la maison de Pierre Fremund située à Pollenan5. Est-ce le signe de son décès récent ?

Pierre Bellin

Nous trouvons 5 mentions de Pierre Bellin, dans des actes tous datés d’approximativement 1140 ou 11456. Dans ces 5 mentions, il n’est précisé qu’une seule fois qu’il est « clerc ou chanoine de l’église de Grenoble »7. Il témoigne en faveur de l’évêque Hugues II dans le conflit qui l’oppose à Guigues Dauphin8. Dans le conflit qui oppose Hugues II à Létard et ses frères, Pierre Bellin est qualifié de sacerdotes religiosi9.

Il n’est pas le procurateur de l’évêque car ils apparaissent tous les deux dans le même acte10.

Pierre de Moirans

Une seule mention : il est clerc ou chanoine de l’église de Grenoble vers 114011. Il n’est pas le procurateur de l’évêque car ils apparaissent tous les deux dans le même acte12.

Pierre de Porte Traine

Il est clerc ou chanoine de l’église de Grenoble vers 11401. A la même date, il témoigne en faveur de l’évêque lors de la résolution du conflit qui oppose Hugues II et Guigues Dauphin2. Il est témoin encore une fois à la même période sans qu’il soit précisé sa fonction3. 1 Bligny, Recueil des plus anciens actes…, I, p. 3_8. 2 Marion, Cart. A N° III. 3 Id. 4 Marion, Cart. A N° V. 5 Id. Cart. C N° CXXVIIII. 6 Marion, Cart. C Chartes N° XVIII, CXXI, CXXV, CXXVI, CXXVII. 7 Marion, Cart. C N° CXXV. 8 Id. Cart. C N° CXXII. 9 Id. Cart. C N° CXXV. 10 Marion, Cart. C N° CXXV. 11 Marion, Cart. C N° CXXV. 12 Marion, Cart. C N° CXXV.

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Il n’est pas le procurateur de l’évêque car ils apparaissent tous les deux dans le même acte4.

Son nom nous laisse deux possibilités quant à ses origines. Soit il est en charge de l’hôpital situé à ce lieu, soit, et cette solution est plus vraisemblable, il fait partie de l’aristocratie urbaine dont la puissance est issue du contrôle de la porte Traine. Si cette dernière solution s’avère exacte, il est fort probable qu’il soit le fils ou le neveu de Jean de Porte bien que rien ne nous l’indique avec certitude.

Pierre Egaux

Il est clerc ou chanoine de l’église de Grenoble vers 11405.

Il n’est pas le procurateur de l’évêque car ils apparaissent tous les deux dans le même acte6.

Pierre Rigaud

Il est clerc ou chanoine de l’église de Grenoble vers 11407.

Il n’est lui non plus, le procurateur de l’évêque car ils apparaissent tous les deux dans le même acte8.

Pierre procurateur

Il faut se résoudre à ajouter un Pierre procurateur de l’évêque puisque aucun des Pierre mentionnés aux alentours de 1140 ne peut être celui-ci9. Vers 1145 le procurateur de l’évêque s’appelle Païens10.

Radulf

Si dans deux actes datés d’approximativement 1140 et 1145 nous trouvons mention de Radulf11, celui-ci, doyen du chapitre à ces dates, est certainement arrivé plus tôt au sein du chapitre cathédral. La fonction de doyen étant importante, il est peu probable que Radulf soit arrivé directement à ce poste.

En 1124, il est fait mention de Radulf d’Allevard12. Celui-ci est témoin de l’acte de restitution/donation/vente de Léodegar de Clairiaco, d’une terre à Fabrice. Au bas de la charte,

1 Marion, Cart. C N° CXXV. 2 Id. Cart C N° CXXII. 3 Marion, Cart. C N° CXXVII. 4 Marion, Cart. C N° CXXV. 5 Marion, Cart. C N° CXXV. 6 Marion, Cart. C N° CXXV. 7 Marion, Cart. C N° CXXV. 8 Marion, Cart. C N° CXXV. 9 On trouve la mention de Pierre procurateur de l’évêque dans Marion, Cart. C N° CXXV. 10 L’acte est daté de « vers 1145 » mais la présence d’Airald, évêque de Maurienne dans l’acte nous indique que l’acte est postérieur à 1145. Marion, Cart. C N° XVIII. 11 Id. Cart. C N° CXXV. Id. Cart. C N° XVIII. 12 Id. Cart. C N° LIV.

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Radulf figure aux côtés des chanoines de Grenoble et il est clairement précisé que celui-ci est le neveu du doyen d’alors de l’église de Grenoble (Oldéric).

Il est fort probable qu’après 1129, lorsque son oncle devient évêque de Die, Radulf entre au chapitre et qu après la vacance du poste laissé par Guillaume, il lui succède au poste de doyen.

Vers 11611, sous l’épiscopat de Gaufred, il est toujours en poste.

Raimond

Dans les cartulaires de Saint Hugues, nous trouvons 4 mentions de Raimond s’étalant d’environ 1100 jusqu’à environ 11402. Il n’est cependant affirmé qu’une seule fois que Raimond est chanoine de Grenoble vers 11103. En 1116, il est fort probable qu’il soit toujours en charge car il est témoin de la concorde entre le comte et l’évêque auprès des chanoines de Grenoble On trouve un « Raimond Benoît » vers 1140 qui est dit « clerc ou chanoine de l’église de Grenoble »4. Je pense qu’il n’y eut pas deux Raimond au sein du chapitre. Il s’appelle donc « Raimond Benoît » conformément à la dénomination de l’acte de 1140 et non « Raimond des Granges » comme on aurait pu le supposer à la lecture d’un acte de 1111 qui place ce dernier dans la liste des témoins entre doyen du chapitre de Grenoble Oldéric et le doyen de Saint André Airald5.

Richard Païens

Vers 1140 on trouve mention de Richard Païens comme clerc ou chanoine de l’église de Grenoble6. Après 1145 ainsi que vers 1161, on trouve mention d’un Pagano, procurateur de l’évêque7.

Rostaing

Très présent dans les cartulaires de saint Hugues puisque il est fait mention de lui 31 fois8 ; Il est présenté à la fois comme chanoine de l’église de Grenoble et comme chanoine de Saint Ruf9. Sa première apparition se fait en 1080 dans la documentation d’Oulx aux côtés des autres chanoines de Grenoble10. On peut noter aussi que dès 1080 il a la confiance du chapitre

1 Id. Cart. C N° XVIII. 2 Marion, Cart. B N° CXXVIII. Et Marion, Cart. C N° CXXV. 3 Marion. Cart. B CXXVIII. 4 Marion, Cart. C N° CXXV. 5 Marion, Cart. C N° XXXIX. 6 Id. Cart. C N° CXXV. 7 Marion, Cart. C N° XVIII. 8La mention de Rostaing dans la charte XX du cartulaire A n’est pas comptée car il est fort probable que ce ne soit pas le même (la charte est datée de 1042 et rien ne nous laisse croire qu’il est chanoine). Cart. B : n° CXIX, CXXI ; CXXVII ; LVIII ; VIII ; X XI ; CII ; CV ; CXX ; CXXIII ; CXXIV ; XV ; LXXII Cart. C : n° CIX ; CX ; LXI ; LXVIII ; LXXI ; LXXIV ; LXXVI ; LXXVII ; LXXXIII ; CV ; LXX ; LXXII ; LXXXIV ; LXXXVI ; XC ; XLIII ; XXV ; XCIII ; 9 Chanoine de Grenoble : Cart. C N° CXXIV par exemple. Chanoine de Saint Ruf : Cart. C N° XLIII, c’est d’ailleurs la seule fois où il est présenté de la sorte. La charte est datée d’environ 1100. Rostaing a-t-il fait un séjour à Saint Ruf ? Est-ce un révélateur des mœurs de ce chanoine ? 10 A.Rivautella, Ulcensis ecclesiae chartularium… N° CXC. En 1080 il est aussi présent dans la documentation du cartulaire de Domène. (N° 163)

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(ou de Hugues ?) car il est envoyé à Domène comme représentant du chapitre1. Ce rôle tenu par Rostaing dès son arrivée au sein du chapitre peut probablement s’expliquer par son origine géographique et sociale2.

Figure 6 : L'arbre généalogique de Rostaing :

Guigues Roux (miles3) Gérald Aynard

Pierre Nicolas Rostaing

Cette famille a des possessions à Lans (puisque Guigues Roux donne une terre à Domène qui est située à Lans). Si on rapproche cet arbre généalogique de celui de Foulque on peut déduire que Foulque et Rostaing sont cousins.

La dernière mention connue de Rostaing date du 17 novembre 11114.

Nous avons la mention d’un Guillaume fils de Rostaing en 1112. Ce Rostaing est alors seigneur d’Arvillard5. Est-ce le même ?

Nous savons aussi qu’un Rostaing possède une tour dans la ville de Grenoble par la main de l’évêque6. S’il s’agit bien du chanoine Rostaing, la tour constitue certainement une partie de sa prébende.

Sillinus

Nous ne possédons qu’une seule mention de ce chanoine. Celle-ci date des environs de 10807. Est-il à rapprocher de Silvius, témoin du synode diocésain de 10868 ?

Silvio

Silvio est témoin et il est appelé « clerc ou chanoine de l’église de Grenoble » en 11409. Il est certainement le chanoine Silvio qui rédige une charte autour de 116110

1 Monteynard, cartulaire de Domène, N° 163 2 Monteynard, cartulaire de Domène, N° 145 3 Guigues est aussi moine !! 4 Cart. B N° LXXXII 5 Bligny, Recueil des plus anciens actes…, XIV. 6 Marion, Cart. B N° XLI. 7 Monteynard, 163. 8 Bligny, Recueil des plus anciens actes…,I, p.3_8. 9 Marion, Cart. C N° CXXV. 10 Id. Cart. C N° XVIII.

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Sofred

On ne trouve qu’une seule mention de Sofred, vers 1140. Il est nommé « clerc ou chanoine de l’église de Grenoble »1

Cependant, en 1108, on trouve dans une vente de terre de Guigues de Bellemont, située à Vouvray, Sofred comme témoin2. Il est cité avec Jozelin, Anselme et Achin et ils sont appelés milites. Or si Asselme nous est inconnu, nous savons qu’en 1110 Jozelin est prieur de Saint André3, et Achin est chanoine de Saint André4. Sofred est donc certainement chevalier mais aussi chanoine au chapitre de Saint André.

Si le Sofred cité en 1108 est le même que celui cité vers 1140, le parcours de celui-ci devient limpide.

Les proches de l’évêque

Amat

Avec ses 58 mentions dans les cartulaires de Saint Hugues, Amat fait partie des clercs les plus cités. Amat est par excellence un clerc de la réforme dans l’entourage de l’évêque. Il est tantôt présenté comme clerc du seigneur évêque5, clerc de la Sainte Eglise Romaine6, ou encore comme chanoine ou clerc de Saint Ruf7 (on ne trouve nulle trace d’Amat dans les chartes de Saint Ruf8). Son rôle au sein du chapitre est celui de scribe, même s’il n’est jamais présenté comme scribe de l’évêque. La première mention d’Amat semble remonter à l’année 10809 , année déterminante pour Grenoble puisqu’elle voit la nomination d’un évêque grégorien, Hugues. L’année au cours de laquelle Amat arrive à Grenoble, ainsi que son origine géographique, toute proche de Valence10, où Hugues fut chanoine11, me font croire qu’il arrive à Grenoble avec Hugues. Le duo grégorien fonctionne alors dès l’année 1080 où Amat occupe un poste déterminant pour la diffusion des idées. En effet, la rédaction des actes au nom de l’évêque lui permet de véhiculer une idéologie réformatrice. Ce qui semble alors compter pour lui, c’est sa proximité avec Hugues et avec l’Eglise Romaine. Ils se connaissaient certainement avant leur arrivée à Grenoble et semblaient entretenir un lien privilégié12. Amat est présent en décembre 1108 lorsque Hugues célèbre la messe de la

1 Id. Cart. C N° CXXV. 2 Id. Cart. B N° CXIII. 3 Id. Cart. B N° LXXII. Et Cart. B N° CXV. 4 Id. Cart. B N° LXXX. Et Cart. B N° CXV 5 Marion, Cartulaire B, n° LXXXIII 6 Marion, Cartulaire B, n° CXXII 7 Marion, Cartulaire B, n° XXII par exemple. Dans les Cartulaires de Saint Hugues il se présente trois fois sous cette dénomination. 8 U.Chavalier, Codex diplomaticus ordinis Sancti Rufi Valentiae, 1891. 9 A.Rivautella Ulcensis ecclesiae chartularium animadversionibus illustratum,1753. n° CXC. Il est intéressant de noter que dès la première mention de son nom, Amat rédige l’acte au nom de l’évêque. 10 Hugues est chanoine de Valence or Amat est chanoine régulier de Saint Ruf, près d’Avignon. La distance entre les deux villes est inférieure à 130 km. 11 Guigues le Chartreux, Vie de Saint Hugues, évêque de Grenoble, l’ami des moines, trad. M.A. Chomel, 1984. 12 Une participation d’Amat au concile de 1079 à Avignon peut être largement envisageable. Cette occasion est favorable aux rencontres. Leur mise en relation pourrait être une œuvre d’Hugues de Die.

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nativité à Saint Donat1. De plus, Amat négocie au nom de l’évêque en 11112. Il faut noter aussi, qu’à une date indéterminée, Amat est dénommé magister3. C’est la seule mention sur les 58 dans les cartulaires de Saint Hugues, qui nous renseigne sur ses fonctions auprès de l’évêque. A-t-il occupé le poste pour une durée très limitée?

Amat disparaît des cartulaires après novembre 11114.

Borel

Du 28 avril 1108 au 17 novembre 1111 nous trouvons 19 mentions de Borel5. Sur une période aussi courte, c’est beaucoup, mais cela nous donne un taux de représentation d’à peine 25%6. Ce taux malgré tout élevé peut s’expliquer par le rôle joué par Borel. Il est en effet systématiquement précisé que Borel est Ministralis de l’évêque. Sur les 19 actes où l’on trouve Borel, 16 concernent de près ou de loin Saint Donat. Partant de ce constat il semble que Borel soit envoyé en mission à Saint Donat pour le compte de l’évêque (au vu des actes, une vaste campagne de restitution de biens est amorcée).

Borel n’apparaît plus avant 1124 où il figure avec le vocable de Borellus episcopalis7. Est-ce le vestige d’une relation avec l’évêque jadis forte ou d’une réalité encore prégnante ? Quoi qu’il en soit, cet acte est à nouveau une donation à Saint Donat. Cette fois-ci, la présence de l’évêque est mentionnée.

Le lien entre l’évêque et Borel semble être aussi fort que le lien qui unit Borel à Saint Donat. Peut-on penser que Borel défende les intérêts de l’évêque à Saint Donat après 1111 ? A l’occasion d’une visite pastorale de Hugues en 1124, Borel réapparaît dans nos sources aux côtés de Hugues et des chanoines de Saint Donat. On apprend à cette occasion qu’il a 2 fils : Hugues et Pierre.

Vu les liens de Borel avec Saint Donat, il n’est guère étonnant d’apprendre qu’il possède un courtil dans la villa8.

Pierre Borel

On trouve un Pierre Borel, mistral de l’évêque sous l’épiscopat d’Hugues II. Ce dernier pourrait être le fils du mistral Borel comme nous le suggère l’emploi du génitif dans son nom ainsi que la charge qu’il occupe9.

Pierre Etienne

1 Marion, cartulaire B, n° LXVI, teste Amato, qui hoc vidit in aecclesia sancti Donati et audivit ante altare Beate Mariae, ubi predictus episcopus celebrabat missam, in die Natalis Domini . Saint Donat est une maison canoniale dépendant de l’évêque de Grenoble dans l’évêché de Vienne. 2 Marion, cartulaire B, n° LXXXII 3 Marion, cartulaire B, n° LVI. 4 Marion, Cart. B N°s LXXXII et LXXXIII. 5 Marion, Cart. B N° LXVII. Et Id, Cart. B, N° LXXXII. Dans cette comptabilité j’inclus les trois chartes non datées sur lesquelles Borel est mentionné. 6 Sur la période 1108-1111 nous disposons de 80 actes. Cf. Tableau sur l’effet de sources. 7 Marion, Cart. C N° LIV. 8 Id. Cart. B N° LXXVII. 9 Id. Cart. D N° XI. Petrus Borelli, ministralis episcopi.

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Vers 1100, nous trouvons un Pierre Etienne, chanoine de Maguelone, comme témoin d’une restitution de dîme1. En 1124, il rédige une charte de donation2. Il est toujours présent à Grenoble aux côtés de Hugues II vers 11453.

Guigues convers

On trouve 56 mentions de Guigues convers dans les cartulaires de Saint Hugues s’étalant de avant 1095 à 11264. Une telle itération de ce nom peut prêter au doute de la réalité de l’unicité du personnage. Cette fréquence des mentions pour un nom autant porté dans la région peut faire croire que sous le même patronyme se cachent deux personnages distincts.

Le graphique ci-dessous qui nous renseigne sur les dates où apparaissent les mentions de Guigues convers lève un peu les doutes qui sont légitimes.

Figure 7 : Les mentions de Guigues convers :

Nombre de mentions de Guigues convers

0

2

4

6

8

10

12

14

16

1095

1100

1105

1110

1115

1120

S.D

.

années

Nb

Mentions avec l'année exacte Mentions avec l'année aproximative

On voit nettement que la période 1100-1110 est sur-représentée, ce qui semble en concordance avec l’effet de source constaté5. Cependant, le taux de corrélation entre la série des itérations des mentions de Guigues convers par année et la série des sources par année est plus faible que ce que laisse penser un premier regard sur le graphique ci-dessous (il est seulement de 0,7 environ). Une explication de ce phénomène peut être interprétée par le dernier graphique. Guigues convers apparaît statistiquement de plus en plus dans les documents. Sur la dernière période où il est présent au sein du chapitre, il apparaît dans 42% des actes compilés dans les cartulaires de Saint Hugues. Lorsqu’en 1124 Guigues convers disparaît de la documentation, on voit apparaître un Guigues prieur de Saint Donat6. La question de l’unicité des deux personnages se pose alors.

1 Id. Cart. C N° XLIII. 2 Id. Cart. C N° LIV. 3 Id. Cart. C N° XVIII. 4 Marion, Cart. C N° LXXI. Et ibid. Cart. C N° LI. 5 Voir intro 6 Cart. C N° LIV mais aussi Cart. N° CIV.

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Figure 8 : Guigues convers face aux sources :

Corrélations entre les mentions de Guigues Convers et les actes du

cartulaire

0

10

20

30

40

50

60

1095

1099

1103

1107

1111

1115

1119

1123

Mentions deGuigues

Sources ducartulaire

Figure 9 : Le taux de représentation de Guigues convers :

TAUX DE REPRESENTATION DE GUIGUES CONVERS

00,10,20,30,40,5

S.D.

1095

_110

4

1105

_111

4

1115

_112

4

TOTAL

PERIODES

TA

UX TAUX DE

REPRESENTIONDE GUIGUES

Létard et Guillaume Létard

Létard figure 19 fois dans les cartulaires de Saint Hugues entre 1095 et 1111 toujours aux côtés des chanoines de Grenoble1. Il est dit senescalcus en 11102. Nous savons par ailleurs qu’il est le fils de Guillaume3. Il s’agit certainement de Guillaume Létard, mentionné 7 fois dans les cartulaires de Saint Hugues de 1094 à 1107 et vers 1100 cellarius de l’évêque4. Létard est en conflit avec l’évêque Hugues II vers 1140.

1 Marion. Cart. B N° XXXVII. Et Cart. B N° CI. 2 Id. Cart. B N° LXXV. 3 Id. Cart. B N° LVIII. 4 Id. Cart. C N° LXXXVI. Et id. Cart. B N° IX. Et id. Cart. B N° XVI et XVII. Ces deux actes portent le titre de carta de condaminis quae sunt inter comitem et episcopum. Il s’agit d’une résolution du conflit entre le comte

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Pierre

Vers 1111 on trouve un Pierre « leveur de dîmes et homme de l’évêque » 1.

Pierre de Saint André

En 1124 il est Marescaldus de l’évêque2. Il est probablement originaire de Saint André dans le décanat de Savoie.

Richard

La première mention de Richard aux côtés des chanoines de Grenoble date de 10863. A cette date, il n’est pas précisé qu’il fait partie du chapitre cathédral. Mais c’est certainement lui qui apparaît sous le vocable de « chanoine de l’évêque ». Il disparaît de la documentation après 1111.

Il est extrêmement présent l’année 1108 puisqu’il est témoin 5 fois cette année ci (sur 20 chartes) et qu’il écrit une charte4. Il est à noter que Richard ne figure pas aux côtés des 19 autres chanoines de Grenoble dans la charte III du cartulaire A, mais qu’il figure aux côtés de l’évêque avec le titre de « clerc du seigneur Hugues, évêque de Grenoble » 5.

En 1110 il rédige l’acte de fondation du prieuré de chanoines régulier de Saint Augustin à Saint Jeoire6. Ainsi il est le rédacteur avéré de deux chartes.

Ces remarques laissent penser que Richard est un chanoine précieux pour Hugues. Il semble aussi que Richard fut après son canonicat grenoblois, chanoine de l’abbaye d’Oulx7.

Théobert

Vers 1140 ainsi que vers 1145, Théobert est dénommé « convers de l’évêque »8. Ce sont les deux seules mentions que nous avons de ce personnage.

Guigues, fils de Guigues le Gras et l’évêque à propos de deux contamines situées à côté de l’église Saint Vincent à Meylan. Ils les possédaient en commun et la décision fut prise de les séparer. 1 Marion, Cart. B N° CIV. Petrus, decimator et homo episcopi. 2 Id. Cart. C N° LIV. 3 B.Bligny, Recueil des plus anciens actes… 4 Id. Cart. B N° CXIX. 5 Marion. Cart. A N° III. Richardus, clericus domini Hugonis, Gratianopolitani episcopi, 6 Marion, Cart. B N° LXXIV. 7 La charte CXXV du cartulaire B est un accord entre Létard et ses frères avec Hugues II. Richard, chanoine d’Oulx fut appelé à témoigner car il fut certainement présent, lors de la donation de Guillaume Létard. 8 Id. Cart. C N° CXXV et Cart. C N° XVIII.

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Annexe 2 : Le diocèse de Grenoble en 1132.

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Innocentius episcopus, servus servorum Dei, venerabili fratri Hugoni Gratianopolitano episcopo ejusque successoribus canonice promovendis, imperpetuum. _ Quisquis post hujus vite terminum celestis regni gloriam cupit acquiere, expedit ut nequaquam cum mundi amatoribus in foro ociosus existat, sed pocuis (potius) pro accipiendo denario in vinca summi patris familias sollicite operetur. Omnipotenti siquidem Domino gracias agimus et fraterni tue sincero gratulamur affectu, qui sicut bonus pastor et diligens supra commissum tibi gregem dominicum prudenter virgilas, et eum de die in diem ad salutaria pascua ducere ac provocare contendis. Et nos igitur, quibus precipue imminet bona studia mutuis suffragiis adjuvare et piis desiderisas sensum pariter adhibere, postulationes tuas, karissme frater Hugo episcope, libenter admittimus, statuentes ut ordo qui secundum beati Augustini regulam tuo laudabili studio est in Gratianopolitana ecclesia, Deo gratias, institus ibidem futuris temporalibus irrefragibiliter observetur et, decedentibus clericis qui in presentarium in ea Domino famulantur, nullus eis nisi regularem vitam professus canonicus surrogetur ; obeunte quoque te nunc ejusdem loci episcopo, nemo ibi preterquam religiosus monachus aut regularis canonicus preponatur qui eidem ecclesie, cooperante Domino, preesse valeat et prodesse. Nulli ergo omnino hominum fas sit quod a te super institucione prefate ecclesie factum est, infringere vel minuere seu qualibet occasione convellere, sed omnia in suo vigore ac firmitate permaneant quemamodum a tua discretione noscitur stabilitum.

L’évêque Innocent, serviteur parmi les serviteurs de Dieu, au vénérable frère Hugues, évêque de Grenoble et à ses successeurs canoniquement élus ; pour l’éternité. Que celui qui désire, après la fin de cette vie, acquérir la gloire du royaume céleste, ne s’exhibe d’aucune façon oisive à l’extérieur avec ceux qui aiment le monde, mais plutôt s’applique attentivement, pour recevoir le denier1, à la victoire du très haut Père de famille. Nous rendons en vérité grâce à Dieu tout puissant et nous témoignons de notre affection sincère à ta fraternité, toi qui, comme le bon berger, veille sur le troupeau que le seigneur t’a confié et qui de jour en jour tente de l’emmener et de l’appeler vers les pâtures du salut. Et nous donc, poussés par les bons soins de nos vœux mutuels ainsi que de pieux désirs, nous reconnaissons volontiers tes requêtes, très cher frère évêque Hugues, en statuant que pour l’avenir, soit observé d’une manière indéfectible, l’ordre, qui grâce à Dieu a été institué dans l’église de Grenoble d’après la règle de St Augustin grâce à ton louable empressement, institué là irrémédiablement pour les temps à venir, et qu’à propos des clercs décédés qui à présent y servent le Seigneur, nul ne leur soit substitué si ce n’est un chanoine qui professe une vie régulière ; qu’à ta mort aussi, toi l’évêque de ce lieu, que nul, sauf un moine vivant religieusement ou un chanoine régulier, avec l’aide de Dieu, ne puisse présider et être utile à cette même église. Qu’il ne soit donc rigoureusement permis à aucun homme d’affaiblir, casser ou diminuer en quelque occasion que ce soit ce qui a été fait par toi sur l’institution de la prédite église, mais que toutes ces

1 Citation

Annexe 3 : Bulle d’innocent II confirmant la réforme du chapitre

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Si quis igitur in futurum hujus nostre constitucionis paginam sciens contra eam temere venire temptaverit, secundo terciove conmonitus, si non satisfacione congrua reatum suum correxerit, a sacratissimo corpore et sanguine Dei et Domini nostri Jhesu alienus fiat, atque in extremo examine divine ulcioni subjaceat. Obedientes autem statutis nostris omnipotentis Dei et beatorum apostolorum Pertri et Pauli gratiam consequantur. Amen, amen amen. Ego Innocentius, catholice ecclesie episcopus, (subscripti). _ Data pisis, per manum Aymerici sancte Romane ecclesie diaconi cardinalis et cancellarii, secundo kalendas junii indictione XIII, Incarnationis Dominice anno M° cent essimo XXXVI, pontificatus domini Innocentii pape II anno quinto.

choses demeurent avec force et fermeté de la façon dont il est connu qu’elles ont été établies par ta volonté. Donc si quelqu’un dans le futur, sachant notre constitution écrite, aura essayé malgré tout d’intenter contre elle, qu’en étant averti par deux ou trois fois, il n’aura pas corrigé sa faute, qu’il soit éloigné du très sacré corps et du sang de Dieu et de notre Seigneur Jésus et qu’il soit soumis à la vengeance divine lors du jugement dernier. Que la grâce soit sur les fidèles de notre statut, de Dieu tout puissant et des saints apôtres Pierre et Paul. Amen, Amen, Amen. Moi Innocent, évêque de l’église catholique, (j’ai souscrit). Fait à Pise par la main d’Aymeric, cardinal diacre de la sainte église de Rome et chancelier, le deux des calendes de juin (31 mai) indiction XIII, l’année de l’incarnation du Seigneur 1136, dans la cinquième année de pontificat d’Innocent II.

Cette bulle fut publiée par Ulysse Chevalier en annexe de Notice analytique sur le cartulaire d’ Aymon de Chissé aux archives de l’évêché de Grenoble, Colmar, 1869.

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XLIII

Carta Odolrici de suo feudo S.D. 1080-1132. Circa 1100.

Notum sit omnibus fidelibus quia Geraldus Rufus, de Arbisio, de dominicatura episcopi, in

parrochia Sancti Martini del Vinos, habebat unam chabanariam, scilicet illam quam tenuit Arnaldus Barbatus.

Episcopus autem Hugo, ut cognovit quia de dominicatura ejus fuerat, tamdiu calumpniavit eam,

donec in potestatem episcopi chabanariam prefatam dimisit predictus Geraldus. Et rogavit Geraldus episcopum Hugonem ut filio suo, clerico et canonico suæ æcclesiæ, saltim per

suam bonitatem consentiret, solummodo in vita sua. Et concessit filio Geraldi, videlicet Odolrico, episcopus Hugo predictam chabanariam, talique

modo ut, quandiu vixerit Odolricus, filius Geraldi, habeat predictam chabanariam; post mortem vero ipsius, sine aliqua diminutione ad episcopum Gratianopolitanum, absque ulla calumpnia, in integrum revertatur.

Tenent nunc predictam chabanariam inter Guigonem Chalnesium et Agne[te]m, sororem predicti

Odolrici, quæ fuit uxor Benedicti, botelarii1. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Cartulaire B XLIII Charte d’ Olderic et de son fief

S.D. 1080-1132. Vers 1100 Qu’il soit noté à tous les fidèles que Gérald Ruf, d’Arvey, avait de la seigneurie de l’évêque, dans la paroisse de St Martin des Vignes, une chabane, c'est-à-dire celle qu’a tenu Arnald Barbat. L’évêque Hugues, quand il a connu qu’elle était de sa seigneurie durant le temps qu’il l’a usurpée, l’a réclamée, jusqu'à ce qu’il ait rendu/envoyé la chabane au pouvoir de l’évêque. Et Gérald a interrogé l’évêque Hugues pour qu’il consentît, par sa bonté, que son fils, clerc et chanoine de son église, en dispose seulement pour sa vie Et l’évêque Hugues a concédé au fils de Gérald, c'est-à-dire Olderic, la dite cabane, à la condition qu’ Olderic, fils de Gérald, ait la dite cabane aussi longtemps qu’il vivra ; mais qu’après sa mort, à l’évêque de Grenoble, sans aucune diminution ni aucune tromperie, elle sois rendue en entier. Ils ont désormais la dite cabane, (située) entre Guigues Chaulnais et Agnès, la sœur du prédit Olderic, et qui fut la femme de Benoît Boutellier.

1 Alterum hujus chartæ exemplar invenitur in chartulario C, nº LVIII .

Annexe 4 : Un exemple de constitution des prébendes canoniales.

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Table des figures Figure 1 : Les actes de la papauté à destination de Grenoble. ................................................... 8 Figure 2 : Répartition des actes des cartulaires A, B et C........................................................ 14 Figure 3 : Répartition des actes entre 1080 et 1148................................................................. 15 Figure 4 : Arbre généalogique de Foulque :............................................................................. 51 Figure 5 : Arbre généalogique de la famille de Lans : ............................................................. 56 Figure 6 : L'arbre généalogique de Rostaing :.......................................................................... 64 Figure 7 : Les mentions de Guigues convers : ......................................................................... 67 Figure 8 : Guigues convers face aux sources : ......................................................................... 68 Figure 9 : Le taux de représentation de Guigues convers : ...................................................... 68

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Table des matières

TABLE DES ABREVIATIONS.................................................................................................................................. 1

CHAPITRE INTRODUCTIF .....................................................................................................................................3

I. UN ETAT DU CHAPITRE EN 1080 ................................................................................................................ 4

A. LES MŒURS DU CHAPITRE CATHEDRAL DE GRENOBLE................................................................................. 4 B. UN CHAPITRE QUI SE TOURNE VERS ROME ................................................................................................... 5

II. HUGUES A T-IL ECHOUE A REFORMER SON CHAPITRE ?. .............................................................. 6

A. LE PROBLEME DE LA DATATION................................................................................................................... 7 B. LE CONTEXTE DE LA BULLE : UNE CORRESPONDANCE ABONDANTE ENTRE GRENOBLE ET LA PAPAUTE....... 7 C. UNE IMPORTANCE RELATIVE DE LA BULLE PONTIFICALE.............................................................................. 9

CONCLUSION..................................................................................................................................................... 10

PREMIERE PARTIE : L’EVEQUE, SON DIOCESE ET SON EN TOURAGE DE LA FIN DU XIE SIECLE AU MILIEU DU XIIE SIECLE.................................................................................................................. 11

I. A LA RECHERCHE DE L’ENTOURAGE EPISCOPAL ......... .................................................................. 12

A. UNE SOURCE EXCEPTIONNELLE : LES CARTULAIRES DE SAINT HUGUES............................................. 12 B. METHODES................................................................................................................................................. 15

II. LES CHARGES ET FONCTIONS DE L’ENTOURAGE EPISCOP AL................................................... 17

A. LES CHARGES CANONIALES........................................................................................................................ 17 B. LES CHARGES DE TYPE SEIGNEURIAL.......................................................................................................... 19

III. LA MENSE CANONIALE ET LE PROBLEME DES PREBENDE S ..................................................... 22

A. UN MODELE LAÏC ET SEIGNEURIAL : LE CAS DE GUILLAUME LETARD........................................................ 22 B. DES PREBENDES CANONIALES ? ................................................................................................................. 22 C. LA PRATIQUE DU NEPOTISME...................................................................................................................... 23

DEUXIEME PARTIE : COMPOSER AVEC L’ARISTOCRATIE LOCALE............................................... 25

I. DES INTERMEDIAIRES ENTRE L’EVEQUE ET LE COMTE ?. ........................................................... 26

A. LES TENSIONS ENTRE L’EVEQUE ET LE COMTE........................................................................................... 26 B. DES MEDIATEURS ENTRE LES DEUX PUISSANCES DOMINANTES ? ............................................................... 29

II. POUR L’EVEQUE : UN MOYEN DE RECOUVRER LES BIENS DU CLERGE ? .............................. 31

A. L’ ETAT DU PATRIMOINE ECCLESIASTIQUE EN 1080 .................................................................................... 31 B. RESTAURATIONS........................................................................................................................................ 34 C. LES RESTITUTIONS ET L’ENTOURAGE EPISCOPAL........................................................................................ 38

III. LE RENOUVELLEMENT DU PERSONNEL ................ ........................................................................... 39

A. L’ APPORT DE CHANOINES REGULIER.......................................................................................................... 39 B. LA PERMEABILITE DES INSTITUTIONS LOCALES.......................................................................................... 40

CONCLUSION........................................................................................................................................................... 43

ANNEXES................................................................................................................................................................... 45

ANNEXE 1 : PROSOPOGRAPHIE DE L’ENTOURAGE EPISCOPAL. ..................................................... 46

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LES CHANOINES DU CHAPITRE CATHEDRAL ................ .................................................................. 46

LES PROCHES DE L’EVEQUE.................................................................................................................. 65

ANNEXE 2 : LE DIOCESE DE GRENOBLE EN 1132. .................................................................................. 70

ANNEXE 3 : LA BULLE D’INNOCENT II CONFIRMANT LA REF ORME DU CHAPITRE.... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.

ANNEXE 4 : UNE ILLUSTRATION DE L’USAGE DES FIEFS CA NONIAUX... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.

BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................................................................... 73

TABLE DES FIGURES............................................................................................................................................. 80

TABLE DES MATIERES ......................................................................................................................................... 81

REMERCIEMENTS.................................................................................................................................................. 83

83

Remerciements

La rédaction de cette page concrétise la fin de presque une année de recherches, long parcours solitaire jalonné de sentiments divers. Ce chemin ardu fut toutefois éclairé par les lumières de Laurent RIPART qui rendit plus claires les voies de l’aboutissement de ce travail. Je tiens donc à le remercier d’avoir été pour moi, le phare qui guida mes pas dans ces sentiers encore inconnus il y a un an. Bien que cela paraisse incongru, je le remercie aussi pour tout les moments que nous avons partagés, bien souvent autour d’un café, qui furent pour moi souvent synonymes de connivence intellectuelle.

Ce sentiment, débouchant parfois sur des instants de bonheur, fut aussi partagé avec mes camarades de master 1. Ces éruptions de joie furent partagées avec les médiévistes : Anne, Sophie, Camille, Bérengère et Pierre, ainsi qu’avec ceux qui ne partagent pas l’amour du texte ayant subi une putréfaction quelconque : les numismates, épigraphistes ou tout ceux dont les sources ont moins de 500 ans d’âge. Qu’ils soient tous remerciés pour m’avoir donné la sensation que nous partagions au moins les mêmes difficultés à défaut des mêmes cours.

Je remercie aussi Guido CASTELNUOVO ainsi que Christian GUILLERE pour la magnanimité dont ils ont fait preuve à mon égard. J’ai vivement apprécié qu’ils prirent en considération la coexistence de ma vie professionnelle et de mon parcours étudiant lors de l’établissement des cours obligatoires.

A ce dénombrement, il faut ajouter les correcteurs de ce devoir, Lucie, Brigitte et Mathieu qui consacrèrent leur temps libre pour aider à la finalisation de ce travail. Mes collègues et supérieurs hiérarchiques qui furent compréhensifs et arrangeant sont aussi à ajouter à cette liste que je me force à clore tant il y eut de talents qui se joignirent à cette œuvre et comblèrent mes faiblesses.

Cette année fut donc une aventure solitaire mais couronnée de moments de partage qui la rendirent inoubliable.


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