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LA REPRODUCTION D'UN GROUPE CULTUREL EXTRA-FAMILIAL. TERRITOIRE ET RECONSTRUCTION DE RÉSEAUX DE...

Date post: 07-Jan-2023
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Diversité urbaine, vol. 7, no 2, automne 2007 7

Résumé / abstract

Ce travail repose sur la mise en commun de recherches ethnographiques ethistoriques sur des collectivités sourdes en France et au Québec. Du 19e siècleaux années 1970, l’existence de collectivités sourdes et de pratiques culturellesqui leur sont spécifiques est tributaire d’écoles résidentielles spécialisées. Enrassemblant dans des espaces de vie communs enfants et adultes sourds issuspour l’essentiel de familles « entendantes », elles ont permis l’éclosion d’uneidentité collective linguistique et culturelle, d’un ensemble de manières de faire,de penser et d’être sourdes. La déstructuration de ces écoles n’a pas aboli laprésence de « territoires sourds ». Le maintien de certaines pratiques culturellesreconduit la distinction entre « eux » et « nous » et démontre la reconstructionde réseaux de transmission. L’étude de ces réseaux, en France et au Québec,permet de mieux comprendre les processus mis en œuvre dans le maintien desidentités et les multiples rôles joués par les individus qui y sont impliqués.

This analysis is based on ethnographic and historical studies of deafcommunities in France and in Quebec. From the nineteenth century until the1970s, deaf communities and their cultural practices were largely shaped byresidential schools for the deaf. These schools brought together deaf childrenwho mostly came from hearing families, and provided them with a commonliving space as well as contact with deaf adults. This allowed the emergence ofa common linguistic and cultural identity, that is, ways of thinking andexperiencing deafness. Moving away from residential schooling has not resultedin the disappearance of « deaf territories ». Specific cultural practices remain,which maintain a distinction between « them » and « us » suggesting thatnetworks whereby culture and identity are transmitted have been reconstructedoutside of their traditional loci. Studying these networks in France and Quebecprovides a better understanding of the processes at work in maintainingidentities and highlights the multiple roles played by the individuals involved.

Mots clés : Sourds, culture, réseaux, langues des signes, identité collective.

Keywords: Deaf, culture networks, sign languages, group identity.

LA REPRODUCTION D’UN GROUPE CULTUREL EXTRA-FAMILIAL.TERRITOIRE ET RECONSTRUCTION DE RÉSEAUX DE

TRANSMISSION ENTRE SOURDS1

Nathalie LachanceSophie Dalle-Nazébi

Diversité urbaine, vol. 7, no 2, automne 20078

Introduction

LES QUESTIONS LIÉES AUX PROCESSUS

DE TRANSMISSION, centrales pour toutesles cultures, se trouvent à l’avant-scène aujourd’hui en raison desnouveaux cadres sociaux marqués parla mondialisation et la trans-nationalité. Les collectivités et lesindividus, de plus en plus mobiles etreliés par des appartenances nonseulement territoriales, mais aussi pardes réseaux qui dépassent lesfrontières nationales, remettent encause les schèmes et les conceptionstraditionnels des processus detransmission culturelle (Appadurai1991, 1996; Featherstone 1990; LeGall 2005; Meintel 2002).

Au cœur de toute définition d’uneculture, la transmission culturellerevêt un caractère particulier dans lecas des Sourds2 puisque, pourl’écrasante majorité d’entre eux, ellene se fait pas à l’intérieur du cadrefamilial. Les enfants sourds ontgénéralement des parents quientendent et qui ne connaissent doncrien du monde de la surdité. C’est parla rencontre avec d’autres Sourdsqu’ils acquièrent les manières de faire,de penser et d’être propres à ce groupe(Delaporte 2000; Lachance 2002;Mottez 1992, 1993). Ainsi, les« chemins » que prend la culturesourde pour être transmise sontparticulièrement complexes. Nousmontrerons qu’ils s’inscrivent à la foisà l’extérieur et à l’intérieur des cadresde transmission traditionnellementdéfinis. Les Sourds forment le seul

groupe où le « bagage » culturel etlinguistique a pu se transmettred’abord d’enfant à enfant, puis entreadultes de mêmes générations, plutôtque de parents à enfants. Cettedernière configuration existetoutefois, comme dans le cas oùl’ensemble de la famille est sourde ouencore lorsqu’un des parentsentendants est déjà initié aux manièresde faire et de dire propres aux Sourds.Nous montrerons cependant qu’ellene constitue pas la principale voie detransmission culturelle de ce groupe.

L’idée même d’une culture sourdeinterroge ainsi certains de nos repèresthéoriques, que ce soit enanthropologie ou en sociologie (Dalle-Nazébi 2004, 2006; Lachance 2007;Siran 2004). Nous pouvons en effetconstater que ces questions detransmission mettent ici en évidenceune donnée de base inhabituelle dansles constructions culturelles, à savoirune caractéristique biologiqueindividuelle. Néanmoins, toutes lespersonnes atteintes de surdité ne sedisent ni ne sont reconnues comme« Sourdes3 ». Les phénomènes desocialisation et de transmissionlinguistique et culturelle à travers desparcours de vie, ainsi que les lieux etles interactions particulières jouent unrôle décisif dans la production et lareproduction de culture(s) sourde(s).

Les cultures sourdes ont souventété expliquées en Occident parl’existence, pendant plus d’un siècleet demi, de grandes institutionsspécialisées rassemblant les personnes

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sourdes en un même lieu et lesscolarisant à l’écart de leur familleentendante (Cuxac 1983; Lane,Hoffmeister et Bahan 1996; Perreault2003; Presneau 1998). Nousreprendrons, dans un premier temps,les grandes caractéristiques de cetteforme de vie collective et de cesprocessus « traditionnels » detransmission culturelle entre Sourds.Nous verrons ensuite que laréorganisation de l’enseignementspécialisé et la mise en place depolitiques favorisant l’intégrationscolaire individuelle depuis plus detrente ans n’ont pourtant pasprovoqué la disparition, tantannoncée, des collectivités sourdes,des espaces réels ou symboliques quileur sont spécifiques et de latransmission d’un ensemble demanières de faire, de penser et d’êtrecaractérisant ce groupe social. Cespolitiques française et québécoisen’ont pas non plus contribué à cettetransmission linguistique et culturelle,celle-ci étant, à l’inverse, perçue parles administrateurs comme uneentrave potentielle à l’intégration despersonnes sourdes. Nous nousintéresserons donc aux mécanismes dereproduction culturelle, en France etau Québec, à travers une collectivitéqui n’a pas d’ancrage géographiqueet dont la majorité des membresproviennent de familles qui ignorenttout des manières de faire et de direentre Sourds de même que desbouleversements sociaux que ceux-ciont pu vivre par la reconfiguration dessystèmes d’enseignement spécialisé. Siles questions portant sur l’identité

sourde ont fait l’objet de quelquesrecherches4, les processuscontemporains de transmission et deconstruction de réseaux sociaux deSourds ont pour leur part étébeaucoup moins étudiés. Nouschercherons tout particulièrement àpréciser la réorganisation actuelle,dans ces deux cadres nationaux, desréseaux de vie et de transmissionpropres aux Sourds. Dans cet article,nous souhaitons mettre en lumière leslogiques communes de cetteréorganisation - les contrastes entreles deux régions ayant déjà étéévoqués dans une autre publication(Dalle-Nazébi et Lachance 2005).

Données mobilisées

Notre analyse repose sur la miseen commun de recherches ethno-graphiques et historiques portant surdes collectifs de Sourds en France etau Québec. La nature des données estvariée et composée à la fois d’analysesde la presse écrite sourde, depublications historiques, d’entretiensouverts sur des parcours de vie, etd’observations en milieu scolaire(primaire, postsecondaire etuniversitaire), en milieu associatif eten entreprise. Les entretiens réalisésavec des personnes sourdes ont eu lieusoit directement en langue des signes,soit avec le concours d’un interprètequi traduisait les propos du chercheuret de l’informateur pour l’enregis-trement sur bande audio5. Comme lacollecte de données par le biais d’unentretien filmé ou avec interprète

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formalise trop souvent les relations,nous avons mis l’accent, dans lesrecherches effectuées au Québeccomme en France, sur l’observationet les discussions informelles entreSourds ou avec eux. Il s’agissaitégalement de ne pas se cantonner àdes discours sur la culture ou l’identitéet d’aborder aussi ces questions dansla pratique et en situations concrètes(Avanza et Laferté 2005; Brubaker2001; Lachance 2005, 2002). Lesobservations se sont déroulées dansles deux cas dans une langue gestuelle,c’est-à-dire en langue des signesfrançaise (LSF) pour la France et enlangue des signes québécoise (LSQ)pour le Québec6. Ainsi, nos réflexionssur les nouveaux cadres detransmission culturelle entre Sourdssont issues de ces recherches, menéesde manière indépendante dans cesdeux pays. Jusqu’à ce jour, les étudesen surdité souffrent d’être tropsouvent restreintes à des espacesgéographiques limités ou confinées àdes contextes minimaux. La mise encommun de réflexions issues dedifférents terrains permet deconfronter la réalité sourde à sescontextes sociopolitiques propresainsi qu’à la réalité d’autres groupesminoritaires.

Les écoles résidentielles : noyaude la transmission

D’un point de vue historique, lesinstitutions spécialisées ont joué unrôle décisif dans la genèse des languesdes signes et des manières de faire

propres aux Sourds. Ces écoles, crééesaux 18e et 19e siècles en France et auQuébec, basaient initialement leurenseignement sur l’expressiongestuelle spontanée (puis partagée)des élèves et sur l’utilisation d’unestructure sociale où les plus grandstransmettaient leurs connaissancesaux plus petits. Intégrant despensionnats, puis introduisant desprofesseurs sourds parmi le corpsenseignant, ces structures scolaires ontpermis le développement decollectivités sourdes et la transmissionde langues des signes particulières(Cuxac 1983; Lane, Hoffmeister etBahan 1996; Perreault 2003; Presneau1998).

Lorsqu’à la fin du 19e siècle, cetenseignement gestuel sera supplantépar les méthodes oralistes et que lessignes se verront non seulementbannis de la salle de classe, maisinterdits à l’intérieur des murs del’école, les collectivités sourdes qui ensont issues continueront de sedévelopper en parallèle, et en marge,de ces institutions. La distinction entredeux identités collectives, l’une sourdeet l’autre entendante, s’organise alorsautour de cette exclusion sociale dontfont l’objet les personnes sourdes.Elles recréent une image positive dela surdité à l’intérieur de leur propreespace, essentiellement associatif, enfavorisant des pratiques collectiveslinguistiques et culturelles plutôt quedes niveaux de déficience auditive.Ceci mène donc à la créationd’identités distinctes et de frontièresformant un espace sourd s’actualisant

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dans un ensemble de façons de faire,de penser et d’être sourdes (Lachance2002, 2005). Elles se transmettent demanière informelle à l’intérieur desécoles, entre enfants, à l’insu desenseignants (désormais entendants).Ceci s’explique par la disparition deprofesseurs sourds en France et parleur diminution au Québec. Danscette province, des cercles associatifset religieux d’adultes sourds existentcependant à l’intérieur de l’espacescolaire, qui reste marqué par uneconcentration des services dédiés àcette population et par la séparationdes sexes. À l’inverse, la France voitse multiplier les institutionsspécialisées, mais aussi lesassociations créées par des Sourdspour reconstruire un espace d’entraideet de vie collective. Les sentimentsd’appartenance au groupe et la viesociale des Sourds restent, dans lesdeux cadres nationaux, rattachés auxinstitutions scolaires qui incarnent,malgré cette stigmatisation, les« berceaux » de leur culture.

Décomposition etréorganisation moderne desréseaux de transmission

Dans les années 1960-1970,malgré deux histoires nationalesdifférentes, la France et le Québec sontmarqués par une même politiqued’intégration (Dalle-Nazébi etLachance 2005) qui a pourconséquence l’annonce de lafermeture des institutions de Sourds,l’organisation de l’intégration

individuelle des enfants sourds dansles établissements ordinaires et lacréation ou le maintien de quelquescentres spécialisés destinés auxpopulations plus « difficiles ». Si lamise en place de ces politiques diffèreentre ces pays, elle occasionnenéanmoins dans les deux cas ladéconstruction des espaces et desréseaux de transmission propres auxSourds.

Des organisations de Sourdscontinuent pourtant d’exister et detransmettre leurs langues et leursmanières de faire. Les Sourds sont desurcroît de plus en plus visibles surles scènes publiques et politiques,faisant connaître leurs créationsartistiques – dans le domaine duthéâtre, de la poésie, des percussionsou des arts graphiques7 –, mais aussileurs revendications sociales,effectuées au nom de leur collectivitéet de leur différence culturelle. C’estce constat, pour le moins inattendu,qui nous a conduites à nous interrogersur les modalités actuelles detransmission culturelle entre enfantset entre générations de Sourds. Pourcomprendre cette réorganisationd’espaces de vie et de communicationspécifique aux Sourds, il nous fautévoquer les transformations et lesréactions que cette politiqued’intégration a pu susciter en Franceet au Québec.

Nous avons montré quel’organisation scolaire des deuxrégions n’est pas tout à fait similaire.Contrairement à la France, la langue

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des signes continue d’être utilisée auQuébec, mais de manière marginale,tandis que des adultes sourds sontencore présents dans les écoles. Lapolitique d’intégration de cetteprovince bouleverse les repères desSourds, habitués à une viecommunautaire organisée dans etautour de leur école, via le transfertbrutal de tutelle des affaires scolairesdes organisations religieuses auxadministrateurs de l’État. Lesadolescents sourds se trouvent, en peude temps, scolarisés dans des écolesordinaires, où ni leur langue dessignes, ni leurs pratiques visuelles nesont connues (il est par exempleinutile de parler à un Sourd en luitournant le dos). Le transfert desélèves du primaire sera plus tardif. Lesjeunes adultes sont quant à eux privésdes services sociaux anciennementofferts par leur école, mais désormaislibres d’effectuer des initiativescollectives. Nous assistons alors à unedouble réaction au Québec. Les élèvesdu secondaire (filles et garçons,désormais rassemblés) se mobilisenttout d’abord pour obtenir unenseignement en LSQ et avoir accèsaux études supérieures, ce qui favorisele développement de pratiquesd’interprétation en LSQ dans lesmilieux scolaires et universitaires. Lesadultes multiplient ensuite lesorganisations associatives autonomesrecréant des lieux de vie collective(sports, loisirs, presse sourde,relations internationales, viepolitique, etc.) et les conditions d’unetransmission inter et intragé-nérationnelle (Lachance 2007).

Ce type d’organisations asso-ciatives existait déjà en France, maisla politique d’intégration dans cepays, pourtant moins rapide qu’auQuébec, représente pour de nombreuxSourds une situation de crise. EnFrance, si les institutions spécialiséesn’étaient pas ouvertes à la langue dessignes et véhiculaient une imagenégative de la surdité, ellespermettaient néanmoins lerassemblement de ces enfants et latransmission informelle entre Sourdsde manières de faire et de dire qui leursont propres. Le projet d’intégrer cesélèves dans leurs écoles de quartier,de manière individuelle et sans laprésence d’adultes sourds, sembleannoncer la disparition de toute viecollective et de la LSF elle-même. Cemoyen de communication estparallèlement de plus en plus envisagépar une diversité d’acteurs (parents,professeurs, orthophonistes, pro-fessionnels de la santé mentale,quelques chercheurs en scienceshumaines, etc.) comme un recoursnécessaire dans l’éducation d’enfantssourds. Ce pays est alors marqué parl’organisation d’un nouveaumouvement social associant cesdifférents acteurs autour d’un projetde société et d’éducation ouvert à lapratique de la langue des signes etporteur d’une image positive de lasurdité. Ancrées dans un tissuassociatif en essor, c’est à l’intérieurde ce mouvement sourd que sontréorganisées les modalités detransmission de manières de faire etde dire propres aux Sourds. Cesacteurs créent en effet de nouveaux

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espaces de rencontre et deconcertation. Les Sourds y organisentl’enseignement de la LSF aux enfantssourds ainsi qu’aux familles,professionnels et chercheursentendants. Ceux-ci participent à laformation d’instituteurs sourds.L’ensemble de ces protagonistes meten place, dans des écoles ordinaireset à partir de ces ressourcesassociatives, les premières classesbilingues français-LSF du pays (S.Dalle 1996, 2000; Dalle-Nazébi2006).

Nous observons ainsi qu’au-delàdes différences qui marquent la Franceet le Québec, la réorganisation deréseaux de transmission entre Sourdsse fait essentiellement à l’extérieur desécoles, dans un cadre associatif etpolitique. Elle soutient un travail deréinscription de référents sourds et desmanières de faire et de dire propres àce groupe, à l’intérieur des espacesscolaires ordinaires et du corpsenseignant.

Aux yeux des Sourds français etquébécois, la situation sociale etscolaire actuelle n’est pas idyllique.Leurs langues des signes respectivesréintègrent néanmoins, de diversesmanières, les salles de classe et lesformations universitaires. Des Sourdsparticipent à l’éducation des plusjeunes à des titres très variés, les unsétant professeurs, les autres desintervenants au statut plus flou8. Cecise fait aussi bien dans les institutionsspécialisées qui existent encore quedans les établissements ordinaires où

des élèves sourds sont rassemblés. Deplus, nous constatons, de manièrespécifique au Québec, la présenced’interprètes venant traduire lesenseignements à des élèves sourdsintégrés individuellement et leurtransmettant parfois la langue dessignes elle-même.

Pratiques reconduites etpratiques inédites

Nous souhaitons ici souligner lesparticularités de la réorganisation,commune à la France et au Québec,des modalités de transmissionculturelle entre Sourds. Nousévoquerons tout d’abord brièvementla transformation des espaces qu’ilsinvestissent collectivement. Nousnous intéresserons ensuite à ladiversification des acteurs permettantcette transmission, mais aussi à celledes logiques identitaires chez lesSourds.

Reconstruction et inventiond’espaces de transmission entreSourds

Nous constatons dans un premiertemps que les Sourds reconduisent despratiques anciennes de vie collectiveet de transmission culturelle dans denouveaux espaces associatifs,désormais contrôlés par eux-mêmes.Les fêtes régionales et nationales qu’ilsorganisent permettent desrassemblements à plus grande échelle,de même que les congrès et camps de

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jeunes sur la scène internationale. Cesrencontres, locales et mondiales, sedoublent de manifestations sportiveset artistiques de Sourds. Nousremarquons ainsi que cettereconduction d’une transmissionformelle et informelle entre pairs etentre générations acquiert davantaged’autonomie par rapport aux espacesscolaires.

Nous observons parallèlement unemultiplication des lieuxcollectivement investis par des Sourds.Notamment, ils se taillent une place,de même que leurs langues des signes,dans les écoles de quartier, mais aussidans les universités ainsi que dans unplus grand nombre d’administrations,d’entreprises et de scènes de théâtre9.Les foyers (ou « centres des loisirs »)ne constituent donc plus les seuls lieuxde rencontre entre Sourds. Cesderniers investissent aujourd’huicollectivement une diversité d’espacespublics variés dans leurs objectifs etleur raison d’être, comme les cafés,cinémas ou métros, mais aussi lesforums et technologies internet, demême que des structures artistiquesconsacrées aux percussions, aux artsgraphiques et vidéographiques (Dalle-Nazébi, Garcia et Kerbourc’h 2007;Lachance 2007). C’est dans ce cadreque s’organise une concertationaccrue de groupes d’intérêt communqui conduit à la formation de troupesd’artistes sourds, mais aussid’organisations ou de sectionspolitiques de Sourds10. Elle donneégalement naissance à des lieux ou desrendez-vous réguliers dédiés aux

échanges entre Sourds et entendants(« Café signes », « Café Lubu », etc.)ou encore à des médias d’informationcomme « WebSourd » conciliantexpression gestuelle et écrite (Aznaret al. 2005).

L’essor de langues des signes enFrance et au Québec ne s’accompagnedonc pas d’un enfermementcommunautaire. L’investissement del’espace public par les locuteurs delangues gestuelles semble engager àl’inverse « la sortie du ghetto »(Mottez 1990) peu à peu construit parl’absence de communication etd’échange entre populations sourde etentendante. À s’obstiner contre lesdifférences, on augmenterait souventl’exclusion11. Les Sourds intègrentaujourd’hui de plus en plus de lieuxet de groupes d’activités via lapratique et la reconnaissance de leurlangue. Il ne s’agit donc pas d’uneintégration normative (Lachance1993) ni d’une assimilation culturelle.

Diversification des acteurs et desmodes de transmission

La modification des espaces et desréseaux traditionnels de transmissioncontribue à la transformation de cegroupe et de certaines de ses pratiques.L’observation en milieu sourd nouspermet de noter tout d’abord lemaintien de certaines manières defaire et références. Ainsi, les Sourdsissus de familles sourdes restent degrandes figures, tandis que lesassociations sportives et culturelles

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sont toujours au cœur d’unesocialisation « entre Sourds ». Desjeunes prennent en charge, dans ceslieux ou dans des espaces publics(café, métro, etc.), l’initiation de leurspairs scolarisés dans un milieuoraliste :

« Des élèves plus vieux de l’école sontvenus me chercher en me disant devenir m’asseoir avec les Sourds,comme c’est les plus vieux, les plusjeunes sont comme obligés d’accepteret comme ils voyaient que je voulaisvraiment apprendre les signes, que jevoulais être avec eux, ils m’ontaccepté ». (Entretien avec R., jeuneadulte dans la vingtaine qui a étéscolarisé en école régulière au niveauprimaire et qui a intégré une écolesecondaire où il y avait un secteurpour les élèves sourds, proposenregistrés tenus en français).

Des Sourds jouent également le rôlede conseillers auprès de jeunesadultes, entrant dans la vie active oudevenant parents. Il se reconstruit,sous un registre symbolique et dansde nouveaux espaces, un type derelations familiales (McKee 2001).

Nous constatons cependantégalement l’apparition d’aspectsinédits, notamment en ce qui concerneles acteurs de cette transmission oudu moins de ceux qui la facilitent. Desentendants, initiés aux manières defaire et de dire propres aux Sourds,étant eux-mêmes interprètes, parentsou issus d’une famille de personnessourdes, ou encore universitairesspécialisés dans l’étude de langues des

signes, assument des fonctions demédiateurs. Sans être véritablementdes agents de transmission, ils jouentbien souvent le rôle de « passeurs »entre un univers d’entendants et unmonde de Sourds, mais aussi entre dejeunes parents d’enfants sourds et leslieux ou acteurs d’une sociabilitésourde (Bacci 1997a, b; S. Dalle 1996,1997a, 2000; Dalle-Nazébi 2004). AuQuébec, pour les enfants sourdsintégrés en école régulière et vivantéloignés des grands centresmétropolitains, l’interprète estsouvent le premier contact avec unevision culturelle de la surdité(Lachance 2001). Lorsqu’ilss’interrogent au début del’adolescence, ce sont bien souvent cesinterprètes qui vont répondre à leursquestions sur les langues des signes etleur faire découvrir l’existence derassemblements scolaires, sportifs etludiques de Sourds. Voici ce que relateN., jeune adulte dans la vingtaine qui,intégré en école régulière en modeoral, a bénéficié d’un interprète enclasse dans les dernières années de sascolarité au niveau primaire ainsiqu’au secondaire :

« L’interprète qui était elle-mêmeenfant de parents sourds, venait chezmoi le samedi, deux heures. Ellevenait pour m’enseigner de nouveauxsignes, des mots de base. […] Ausecondaire, je posais des questions.Sur ses parents, comment ils avaientfait, comment ils communiquaient,puis elle me répondait, mais c’étaitpas de grosses questions, mais c’était,je pense, le départ. » (Entretien avecN., propos enregistrés tenus enfrançais).

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Ces différents médiateursentendants peuvent égalementparticiper à la création d’espacescarrefours, à la manière de certainscentres universitaires d’éducationbilingue ou de formation à la languedes signes, devenant des pôlesémergents au sein d’un réseau deSourds (Dalle-Nazébi, Garcia etKerbourc’h 2007). En prônant que lesSourds sont les seuls à pouvoirtransmettre l’ensemble des manièresde faire et de dire propres à leurgroupe, ces personnes entendantescontribuent à faire reconnaître, dansleurs milieux, des expertisesspécifiques aux Sourds et par le faitmême, à consolider des espaces et desréseaux de Sourds12.

Diversité des critèresd’appartenance et des logiquesd’identification

Nous nous sommes alors demandési cette réorganisation des espaces etdes processus de transmission entreSourds, en France et au Québec,pouvait avoir un impact sur leslogiques identitaires des personnessourdes et les modifier. L’un de nosconstats fut, à l’inverse, que certainespratiques se sont trouvées consolidées,comme l’identification à une histoiresourde nationale et internationaleainsi qu’à de grandes figures au seindu groupe13. La maîtrise des règles decommunication en langues des signesest également centrale. Transmises degénération en génération à travers lesdifférentes collectivités sourdes,l’histoire sourde et les langues des

signes sont aujourd’hui enseignéesdans les écoles adoptant une approcheéducative bilingue et biculturelle.Cette transmission ne concernecependant que ces élèves et non lesjeunes sourds intégrés de manière plusindividuelle, pour qui la fréquentationd’associations ou de cafés investis pardes Sourds est alors particulièrementdécisive.

Nous constatons à ce sujet qu’unmode d’éducation alternatif auxinstitutions spécialisées n’est plussynonyme d’exclusion du groupe.Auparavant, n’étaient reconnuscomme membres de collectivitéssourdes que ceux qui avaient grandià l’école résidentielle, qui avaientpartagé les jeux d’autres Sourds, vécudans les mêmes dortoirs et mangépendant des années aux mêmes tablesde réfectoire. L’intégration scolaires’étant aujourd’hui fortementdéveloppée (sur le plan individuel oucollectif), ces repères se sonttransformés. Les critères d’apparte-nance culturelle vont essentiellementdépendre de l’ancienneté et del’importance des liens sociaux créés àl’intérieur du groupe, de laparticipation à sa vie collective et dutype d’activités investies (lesrencontres sportives et politiques étantpar exemple plus spécifiquementréservées aux membres avérés dugroupe). La maîtrise de languesgestuelles et de règles decommunication particulières est alorségalement cruciale.

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À ce sujet, il semble qu’il y ait surcet aspect des pratiques quelque peudifférentes entre la France et leQuébec. Ce sont des manières de fairequ’il conviendrait d’étudier plusfinement. D’un point de vuehistorique, les Sourds de ces deuxrégions du monde ont développé desstratégies d’adaptation de leurs modesde communication en fonction deleurs interlocuteurs. Lorsque lesSourds s’adressaient à des entendants,ils utilisaient une forme d’expressiongestuelle plus proche des structuresgrammaticales du français, enarticulant éventuellement en mêmetemps certains mots de cette langue.Il existait ainsi des modes decommunication distincts, les unsconsistant en des sortes de pidgin14 etservant à la communication avec lespersonnes extérieures au groupe, et lesautres, c’est-à-dire les langues dessignes nationales bien souventinaccessibles à la majorité desentendants15, pour la communication« entre soi ». La maîtrise de cesdifférents comportements langagiersservait bien souvent à identifier quiétait membre et qui ne l’était pas, etla pratique d’une langue des signesconstituait un marqueur identitairetrès fort. Alors que l’apprentissage decette langue est désormais plusaccessible, des repères linguistiques dedistinction restent globalementpertinents. Les Sourds français etquébécois ne mettent cependant pasl’accent sur les mêmes pratiques. Desformes de pidgin sont toujours enusage au Québec et lors d’unentretien, une personne sourde

décrivait ainsi les différentesmodalités de communications qu’elleutilise selon l’interlocuteur :

« Avec d’autres Sourds, j’utilise laLSQ, avec les entendants quiconnaissent les signes, j’utilise lepidgin et avec les entendants qui neconnaissent aucun signe, j’utilise lavoix. »

Ces pidgins contribuent àdistinguer locuteurs et non-locuteursde LSQ, mais aussi les personnes quimaîtrisent ou non les situations decommunication. En effet, l’utilisationd’une forme linguistique proche dufrançais à l’intérieur d’un espace sourdlors d’une conversation entre Sourds,même si cela a pour fonction de rendrela conversation plus accessible à unepersonne entendante présente, va àl’encontre de règles tacites et marquele locuteur sourd comme non-membredu groupe16. La personne sourde doitainsi maîtriser la langue, mais aussiles temps où elle doit utiliser lesdifférentes formes de communicationpossibles. Ce travail de frontière semanifeste davantage en France àtravers la LSF elle-même, via lamaîtrise ou non de différents niveauxde langue, d’argots, ou dans laproduction et la compréhension deplaisanteries et d’expressionspoétiques en LSF. Les Sourds françaisincitent en effet de plus en plus lespersonnes entendantes à s’exprimerdans un registre visuel et mimiqueplutôt que de produire un code gestuelcalqué sur les structures du français.Les enfants sourds eux-mêmesadoptent cette démarche en refusant,

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d’une part, des communications enfrançais oral et en s’adaptant, d’autrepart, aux compétences de leursinterlocuteurs dans unecommunication visuelle :

« Je suis allée dans une écoled’entendants, mais ce n’était pasbien : le professeur ne faisait queparler et je ne comprenais pas. Moije n’ai jamais compris quand on meparle comme ça! Alors, je regardaisles photos, les images des livres…mais la dame, elle me disait qu’ilfallait apprendre… Mes parents sontallés visiter des écoles et on est venuici. J’ai un professeur sourd, bien sûr,et j’apprends plein de choses.

- Et à l’école, tu communiques avecles enfants entendants?

Oui, oui, par mime. Je signe un petitpeu. Je fais comme des images,voilà. » (Entretien avec F., 9 ans,traduction personnelle de proposenregistrés, tenus en LSF).

Ce sont donc les niveaux deconnaissance de la langue des signesfrançaise qui feront ici la différence.Un travail de frontière entre Sourdset non-Sourds se joue par ailleurségalement, en France et au Québec,dans les modes d’interaction; lespersonnes maîtrisant le moins lesrègles de tour de parole ou les formesde politesse pouvant se retrouver, defait, exclues des échanges.

Les frontières entre Sourds et non-Sourds ne se jouent donc plusuniquement sur un registre scolaire,ni sur le seul plan de performances

langagières. Il s’agit désormais d’êtreinséré dans un réseau ou des sous-groupes de Sourds, régis par certainesrègles d’interaction où sont organisésplusieurs activités et projets collectifset où s’inventent et se partagent desblagues, des néologismes etéventuellement des argots. Lescollectivités sourdes au Québec et enFrance se complexifient alorsdavantage et connaissent aujourd’huiune restructuration plus fortequ’autrefois entre différents groupesd’âge. Bien que nous ayons montréque des réseaux de transmission ontété reconstruits, la crainte d’unedispersion des membres du groupe etd’une disparition des langues dessignes comme de toute forme de viecollective entre Sourds restenéanmoins vivace. Que les Sourds lesplus investis dans une diversité deréseaux de transmission soient aussiceux qui rêvent d’une citée sourde (àl’exemple de la ville de Laurent auxÉtats-Unis17) en dit long sur l’imageque chacun se fait d’un groupeculturel et de l’aspect vital quereprésentent cette appartenance etcette unité de lieu (la cité fortifiée deCarcassonne est ainsi plébiscitée parde nombreux Sourds, Français etétrangers, pour incarner la figuremythique d’une ville « entre soi »).

Conclusion

Nous avons évoqué, dans cetarticle, l’existence d’une vie collectiveet de processus de transmissionlinguistique et culturelle extra-familiale entre Sourds. Nous avons

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rappelé qu’elle dépendait initialementde grandes institutions scolaires,permettant le partage de lieux de vie,d’une langue et de manières de fairespécifiques. La réorganisationprofonde du milieu de l’éducationspécialisée au milieu du 20e siècle abouleversé, en France et au Québec,les repères et structures de cescollectivités sourdes en provoquant,notamment, l’éclatement de leurslieux de transmission culturelle. Nousavons cependant relevé que ceux-ciont été reconstruits sous une formeplus clairement réticulaire à l’intérieurd’un territoire national, mais aussidans des espaces plus internationauxet publics, comme le font égalementd’autres groupes culturels. Plusieursétudes montrent en effetl’investissement actuel des médias etde l’espace public national etinternational par différentes minoritésleur permettant d’exister et des’organiser (Appadurai 1996; MenchúTum 1998). L’essor de mobilisationscitoyennes en réseaux, devenant deplus en plus souvent transnationales,est également souligné dans les étudessur les nouveaux mouvements sociaux(portés par les Noirs américains, leshomosexuels, des organisationscontre le nucléaire, etc.).

Pour ce qui concerne les Sourds,nous avons souligné l’existence d’undouble jeu d’ouverture et deréaffirmation des frontières de cescollectivités. Il s’effectue tout d’abordà travers l’enseignement, par desSourds, de leurs langues des signes,leur investissement collectif de

nombreux espaces publics etl’engagement de personnesentendantes dans un travaild’information sur les Sourds, leurspratiques culturelles et leurs lieux derencontre. Cette ouverture n’estcependant pas sans susciter descraintes de perte de contrôle, voired’identité culturelle. Elle se doublealors d’un travail de frontière, visantà reconstruire des espaces spécifiques,à rappeler qui est Sourd et qui ne l’estpas ainsi qu’à déterminer quel acteurintervient légitimement dans lesprocessus de transmission linguistiqueet culturelle. Nous avons égalementsignalé des processus de stratificationinternes aux collectivités sourdes,démultipliant les logiques derassemblements et d’identification desplus jeunes. Nous assistons pluslargement à une participation inéditede Sourds à une diversitéd’organisations (mouvementsécologistes, artistiques, politiques,etc.) qui se fait à travers cetteaffirmation identitaire. Lescollectivités sourdes pouvaient déjà,selon les pays, être structurées enfonction de convictions religieuses oulaïques. Ces logiques derassemblement et d’identification chezles Sourds se diversifient et sesuperposent davantage aujourd’hui.Nous avons ainsi décrit laréorganisation d’un groupe culturel deSourds qui s’ouvre sur de nombreuxréseaux et qui ne s’accompagne pas,comme beaucoup l’ont cru ouannoncé, d’un enfermementcommunautaire. Cette crainte,généralement énoncée par des

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entendants, en trahit peut-être uneautre, soit celle de voir la langue dessignes s’imposer légitimement dansdes lieux où seul le français (cetteautre langue chargée de valeursculturelles et politiques) régnaitjusqu’alors.

Notes biographiques

Nathalie Lachance

Chercheuse postdoctorale auLaboratoire d’anthropologie urbainedu CNRS Ivry-sur-Seine en France etau département de pédiatrie de laFaculté de médecine et des sciencesde la santé de l’Université deSherbrooke. À travers l’étude desaspects culturels de la surdité, sestravaux portent sur la constructiondes groupes sociaux et sur lesprocessus de transmission culturelle.Ses recherches actuelles abordent lesphénomènes d’inclusion etd’exclusion des groupes sociaux etl’impact des variables culturelles surles pratiques éducatives et médicales.

Sophie Dalle-Nazébi

Rattachée au Centre d’études desrationalités et des savoirs àl’Université de Toulouse 2 et auteured’une thèse de sociologie sur l’histoireet les pratiques de recherche ensciences humaines sur la langue dessignes. Ce travail, qui repose sur uneanalyse des conditions decollaboration entre Sourds etchercheurs ainsi que sur latransformation des réseaux de

communication en langue des signesfrançaise, s’ouvre sur d’autres terrainscomme celui des familles d’enfantssourds ou des entreprises et desmédias utilisant cette langue.

Notes

1 Les données québécoises recueillies pourl’écriture de ce texte proviennent d’unerecherche postdoctorale sur les réseaux detransmission qui a été rendue possible grâceà une bourse postdoctorale du Fondsquébécois de la recherche sur la société et laculture (FQRSC) et à la collaboration del’Institut Raymond-Dewar/Centre derecherche interdisciplinaire en réadaptationdu Montréal métropolitain (IRD/CRIR) etdu cégep du Vieux Montréal. La recherchemenée en terrain français a bénéficié dusoutien financier de la Fondation Cetelem« Éduquer pour entreprendre » permettantl’acquisition de matériel vidéo et différentsdéplacements en régions. Que le Centre decoopération interuniversitaire franco-québécoise (CCIFQ) soit également remerciéici pour avoir indirectement permis, par lefinancement d’un court séjour au Québec,la rencontre et la collaboration des deuxauteures.2 Dans le cadre de cet article, nous donnonsau terme « Sourd », employé comme nomou comme adjectif, le sens que ce groupesociolinguistique utilise lui-même pour sedésigner, en France comme au Québec, etqui peut être opposé à la notion de « déficientauditif ». Il ne faut pas voir dans cetteconvention la résurgence d’une définitionessentialiste des phénomènes culturels, mais,à l’inverse, la volonté de penser le travail defrontière et les logiques d’identificationspécifiques à ces personnes qui se disent etse reconnaissent comme « Sourdes » (Barth1995). Il s’agit de souligner et de penser ladiversité des représentations du monde et despratiques que masque la notionadministrative et médicale de populationsourde.3 En d’autres termes, et contrairement auxcatégorisations médicales et administratives

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de nos sociétés, on ne naît pas « Sourd », onle devient à travers des parcours et despratiques spécifiques. Il est ainsi importantde souligner que les critères d’identificationà l’intérieur de la culture sourde sontdifférents des critères généralement utilisésparmi les entendants. Être Sourd ne renvoiepas prioritairement à des degrésaudiométriques, mais à des savoir-faire, à descroyances, à la pratique d’une languegestuelle et à l’insertion dans des réseauxsociolinguistiques particuliers.L’appartenance est définie par le degréd’identification de l’individu au groupe et parla reconnaissance de cette identité par cettecollectivité. Ainsi, des personnes ayant uneperte auditive légère peuvent se considérercomme Sourdes, tandis que des personnesayant une perte auditive profonde peuventne pas s’identifier à la collectivité sourde.4 Pour une présentation de ces travaux sereporter à Bacci (1997a,b), Daigle, Lachanceet Parisot (2005), Dalle-Nazébi (2006),Lachance (1993, 2002, 2007).5 Au Québec, il s’agit de trente-sept entretiensmenés dans le cadre de différentes recherches,mais toutes basées sur le principe de ladiversification pour le recrutement desinformateurs. Certains entretiens ont étéréalisés en langue des signes québécoise etd’autres en français, respectant en cela lechoix des informateurs. Pour les entrevuesen langue des signes, la collecte de donnéess’est effectuée par le biais de prise de notes,ou bien les entretiens étaient filmés pour êtretranscrits par la suite sans intervention de lapart d’un interprète ou encore ils sedéroulaient avec le concours d’un interprètequi traduisait à la fois les propos duchercheur et de l’informateur (tous deux enlangue des signes québécoise) pourl’enregistrement des données sur bandeaudio. À ces données s’ajoutent trente-et-unentretiens réalisés auprès d’intervenants dumilieu de la surdité, tous en français etenregistrés sur bandes audio avant d’êtretranscrits. En France, il s’agit d’une vingtained’entrevues, menées en langue des signesfrançaise et filmées. Elles concernentessentiellement des adultes, mais un enfantet trois adolescents ont également étéinterrogés. Seuls les six entretiens réalisésdans le cadre d’un projet collectif sur lerapport à l’écrit chez les Sourds (LS-Script,

dirigé par Brigitte Garcia) ont été menés parl’intermédiaire d’un interprète. À ces donnéess’ajoutent une vingtaine d’entretiens réalisésauprès des parents et fratrie entendantsd’enfants sourds, scolarisés dans des classesbilingues (français-langue de signes) du sudde la France.6 Les langues des signes que nous retrouvonsà travers le monde se sont développées àpartir d’influences diverses et à l’intérieur decontextes historiques particuliers. Un débutde recensement est proposé sur le site« Ethnologues.com, Language of theworld » : http://www.ethnologue.org/show°family.asp?subid=90008. La LSQ estla langue des signes utilisée par la grandemajorité des personnes sourdes du Québecet on la retrouve aussi dans certaines régionsde l’Ontario. La LSF est pratiquée par lesSourds français, et par une partie des Sourdsde Belgique. Des différences régionalesexistent en raison du grand nombred’institutions scolaires en France, mais ellesne perturbent pas les échanges nationaux.Les langues gestuelles étant indépendantesdes langues vocales, les langues des signespratiquées en France, au Québec ou dansd’autres pays francophones comme le Congoconstituent des langues différentes, toutcomme la langue des signes britannique estdifférente de la langue des signes utilisée auxÉtats-Unis (S. Dalle 1997b; Lachance 2002).7 En 1987, l’Américaine Marlee Matlin estla première comédienne sourde à recevoir unoscar pour le film « Children of a lessergod ». En 1993 en France, EmmanuelleLaborit reçoit un molière pour le même rôle(dans « Les enfants du silence »). À la troupede théâtre parisienne, l’International VisualTheatre, créée aux débuts des années 1970(aujourd’hui dirigée par E. Laborit),s’ajoutent désormais une multituded’associations culturelles de Sourds dédiéesà la poésie, aux contes ou aux théâtres enlangues des signes, mais aussi à la danse etaux percussions. À titre d’exemples, lesassociations françaises Chandanse et Acts(http://www.chandanse-sourds.org/ ou http://signo.acts31.fr/) et les initiatives québécoisescomme la galerie-atelier Aux Sous-Entenduesou la Société québécoise des Sourds quiencouragent des activités visant la créativitéet la participation dans les arts (http://www.ccsdeaf.com/scqs/profil.html).

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8 Ceci s’explique par plusieurs facteurs.D’une manière générale, beaucoup de Sourdsn’atteignaient pas, jusqu’il y a peu, un niveauscolaire suffisant pour enseigner. Les carencesdes dispositifs de formation dédiés auxpersonnes sourdes, que ce soit en France ouau Québec, ont précisément suscité desmobilisations et des revendications de Sourdset de parents d’enfants sourds (Dalle-Nazébi2006). Par ailleurs, en ce qui concerne plusspécifiquement la France, certains concours,comme celui du certificat d’aptitude auprofessorat de l’enseignement du seconddegré (CAPES), restent peu accessibles à descandidats sourds (d’abord refusés, ils doiventprouver aujourd’hui leur capacité às’exprimer par la voix) (P. Dalle 2003). Pource qui concerne le Québec, l’accès auxformations et aux emplois de l’enseignementest plus facile, mais les représentationssociales de la surdité et de la langue des signeslimitent encore, dans les faits, lareconnaissance de professionnels sourds(Lachance 2007, 2005).9 Cet essor est relativement récent. Lespremières classes bilingues français-languesdes signes, en maternelle et au primaire,n’existent que depuis les années 1980 enFrance et en 1998 au Québec. Voir : http://anpes.free.fr/ et http://www.csdm.qc.ca/G a d b o i s / b i l i n g u i s m e /bilinguisme.shtml?section=Bilinguisme. Lesrecherches sur les langues des signes,essentiellement linguistiques (mais aussi,depuis peu, informatiques), existent depuisles années 1980 en France et au Québec etconnaissent aujourd’hui un essor sansprécédent (Dalle-Nazébi 2006 : chapitres 10et 11, Lachance 2002). Voir http://a s s o . p r o x i l a n d . f r / s i t c o m /default.asp?a=579&b= et http://www.unites.uqam.ca/surdite/. Lesadministrations s’ouvrent aux langues dessignes pour permettre l’accessibilité desservices aux personnes sourdes (soins, aidesociale ou informations politiques).Différentes entreprises participent à cemouvement de prise en compte de cetteclientèle et des langues des signes (sociétésd’assurances, de transports, dedéveloppement de nouvelles technologies).10 Si les années 1980 et 1990 voient naîtrediverses organisations politiques de Sourds,chargées de défendre leurs droits (Fédération

nationale des Sourds de France, Deuxlangues pour une éducation, la Ligue desdroits du Sourd ou Sourds en colère, pour laFrance; Association des Sourds du Montréalmétropolitain, Regroupement desorganismes de Sourds du Québec pour leQuébec), la période plus contemporaine estmarquée par l’implication de groupes deSourds dans des mouvements plus largescomme le parti socialiste (section des sourdset malentendants socialistes : http://socialistesourds.canalblog.com/) ou laparticipation à la politique nationale commela mise sur pied du parti politique Optionsourde au Québec, d’organisations degroupes de femmes (en France : Femmessourdes citoyennes et solidaires : http://fscs.asso.free.fr/bienvenue.php; au Québec :la Maison des femmes sourdes), des réseauxaltermondialistes (http://w w w . p a s s e r e l l e s u d . o r g /article.php3?id_article=125), ou des actionshumanitaires envers d’autres Sourds (Comitédu tiers monde sourd : http://ctms1.free.fr/)11 Nous paraphrasons ici un article dusociologue B. Mottez (1977), intitulé : « Às’obstiner contre les déficiences, on augmentesouvent le handicap ».12 D’autres pays ouverts à la pratique d’unelangue des signes n’ont pas restreint leurenseignement à des professionnels sourds. LaFrance est d’ailleurs sur ce sujet plusintransigeante que le Québec. Lareconnaissance de compétences spécifiquesaux Sourds semble dépendre des formes decollaborations (ou d’affrontements) dans cespays entre personnes sourdes, parentsd’enfants sourds, professionnels del’éducation spécialisée et universitaires(Mottez et Markowicz 1979). Cette analysecomparative reste à faire.13 La référence à de grandes personnalitéshistoriques se perpétue, comme celles desprofesseurs sourds du 19e siècle, F. Berthieret P. Pélissier (en France), J. M. Young (auQuébec). Par ailleurs, l’existence de parentssourds, proches ou éloignés, reste valoriséeau sein des collectifs de Sourdscontemporains. Enfin, les compétences enlangues des signes représentent un critèredécisif, expliquant que les leaders sourds enFrance comme au Québec soient souvent desconteurs notoires, des professeurs influentsde langue des signes, des acteurs de théâtre

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ou encore, plus particulièrement pour leQuébec, des interprètes (sourds) dedifférentes langues des signes entre elles.14 Les langues des signes évoluaient – etévoluent parfois encore – dans un état dediglossie, caractérisé par l’utilisation depidgin dans les relations socialesextragroupes. Dans ce contexte, pourcommuniquer avec des personnesentendantes qui connaissent plus ou moinsla langue des signes, les locuteurs utilisentles gestes de leur langue des signes, mais dansune syntaxe proche de la syntaxe du français,en éliminant les expressions. La forme depidgin peut varier selon la compétence deslocuteurs dans l’une ou l’autre langue.15 Les Sourds de différentes langues des signesparviennent à se comprendre entre eux, plusou moins rapidement selon l’existence ounon d’une parenté entre ces modes decommunication, mais aussi selon l’habitudedes rencontres internationales. Pour de plusamples informations, voir Monteillard(2000).16 Observations effectuées lors de laparticipation à différentes activités de loisirs(activités artistiques, fêtes traditionnelles,évènements politiques, etc.).17 Un projet de développement d’une villeconçue pour les Sourds a été déposé dansl’État du Dakota du Sud, aux États-Unis.Dans le plan de développement, il est prévuque la ville, nommée Laurent, soit commetoutes les autres petites villes, mais tout ysera organisé en fonction de critères axés surle sens de la vision : ouverture des espacespour plus de visibilité, utilisation desgyrophares plutôt que des sirènes, langagedes signes obligatoire dans les magasins etles restaurants, etc. Si le projet suscite lacontroverse, il provoque aussi beaucoupd’intérêt, car en plus d’avoir alimenté denombreuses discussions dans les collectivitéssourdes, pas loin d’une centaine de famillesauraient déjà manifesté l’intérêt de s’yinstaller (http://www.portailhandicap.com/2 0 0 6 / a r t i c l e - 1 7 1 -le.village.sourd.de.la.prairie.html).

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