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La tarification et les coûts des transports : Mécanismes économiques fondamentaux

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La tarification et les coûts des transports : Mécanismes économiques fondamentaux Laurence Jacquet, Université de Cergy-Pontoise – THEMA ([email protected]) 30 août 2012, Entretiens enseignants-entreprises
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La tarification et les coûts des transports : Mécanismes économiques fondamentaux

Laurence Jacquet, Université de Cergy-Pontoise – THEMA ([email protected])

30 août 2012, Entretiens enseignants-entreprises

Coûts dans les transports• Forte proportion de coûts fixes : coûts de l’infrastructure (ex: rails,

autoroutes, aérogares) et des véhicules (avions, camions, trains…)• Les transports présentent davantage "d’économies d’échelle" (coût

moyen décroissant) que les autres industries potentiel pour l’apparition de “monopoles naturels"

Tarification dans les transports• Tarification au coût marginal, Tarification au coût moyen, Tarification

de Ramsey-Boiteux• Discrimination par les prix, exemple

Tarification discriminante dans les transports

Structure de l’exposé :

1. Concepts de baseMonopoleTarification uniforme de monopoleCoûts sociaux du monopoleRégulation des tarifs par l’Etat :

Tarification au coût marginal, Tarification au coût moyen, Tarification de Ramsey-Boiteux

2. Discrimination par les prixEn théorie et en pratique

3. Conclusion avec implications pratiques pour la libéralisation des industries de réseaux

Dans les transports, en raison des coûts fixes, apparitionde monopoles

Monopole :• une entreprise qui se trouve seule à vendre un produit ou un

service (sans substitut très proche).

• La courbe de demande à laquelle le monopole fait face est la courbe de demande de marché. Il détermine le prix auquel il vend sa production (« faiseur de prix ») ; il a un pouvoir de marché.

• Une des origines de monopoles : une entreprise qui seule peut fournir un bien au marché à un coût inférieur à celui auquel plusieurs entreprises pourraient produire. Typiquement, en présence d’économies d’échelle (coût moyen décroissant) = Monopole naturel. Ex. industrie de réseau ferroviaire.

Politiques de production et de prix des monopolesCas le plus simple : Tarification uniforme

Le monopole cherche à maximiser son profit. Ingrédients graphiques :

• Demande inverse dont la pente est négative ou recette moyenne

• Recette marginale (indique la variation de la recette pour une production additionnelle d’une unité). Comme le prix de toute la production doit diminuer pour que le monopole augmente sa production, la recette marginale est toujours inférieure au prix.

• Coût marginal

Quantité, Q

Soit D(P) : quantité demandée au prix P. P(Q) : demande inverse qui pour chaque quantité Q indique le prix max. auquel elle peut être vendue. P(Q) est la propension à payer du consommateur marginal (celui qui renoncerait à voyager si P augmente).

Prix, P(Q)

Quantité

Demande (inverse) et Recette Moyenne (RM)

Recette marginale (Rm)

Coût marginal (Cm)

Coût Moyen (CM)

Euro

Quantité

Demande (inverse) et Recette Moyenne (RM)

Recette marginale (Rm)

Coût marginal (Cm)

Coût Moyen (CM)

(1) L’intersection de la Rm et du Cm détermine la quantité qui maximise le profit

(2) La courbe de demande indique le prix correspondant à cette quantité

Prix du monopole > Cm

Qmonopole

Le Monopole maximise son profit en vendant à un prix > au Cm

Le niveau de production choisi par le monopole secaractérise par Rm = Cm

À des niveaux de production inférieurs au niveau tel que Rm = Cm, en augmentant la production, la hausse de recette est supérieure à la hausse de coût (Rm > Cm) l’entreprise augmente le niveau de production.

À des niveaux de production supérieurs au niveau tel que Rm = Cm, en augmentant la production, la hausse de coût est supérieure à la hausse de recette (Rm < Cm) l’entreprise baisse le niveau de production.

Le niveau de production Qm choisi par le monopole se caractérise par Rm(Qm) = Cm(Qm).

Politique de tarification du monopole en pratiqueOutil : Elasticité prix de la demande la variation relative de laconsommation (Q) du bien, par rapport à la variation relative duprix du bien (P) :

Le profit est maximisé quand Rm = Cm :Rm = ΔR/ΔQ = Δ(PQ)/ΔQ = P + Q(ΔP/ΔQ) = P + P/ED = Cmdonc, règle d’élasticité inverse :

)0(

//

PPQQED

DD ECmPou

EPCmP

/111

Marge sur le Cm en pourcentage du Prix, Taux de margeou Indice de pouvoir de monopole de Lerner.Il augmente lorsque la demande est peu élastique.

SC

Coûts sociaux du monopole: perte sèche

Les deux surplus : du consommateur (SC) et du producteur (SP) enmonopole

Quantité

RM = D

Rm

Cm

Prix du monopole

Qmonopole

Prix

SP

Coûts sociaux du monopole (suite)

Les deux surplus : du consommateur (SC) et du producteur (SP) surun marché concurrentiel. Le surplus total ( = SC + SP) est à sonmaximum.

SC

Quantité

RM = D

Rm

Cm

Prix du monopole

Qmonopole

Prix

SP

QConcurrentielle

Prix concurrentiel= Cm

Coûts sociaux du monopole: perte sèche

En monopole, Rm = Cm (P > Cm) le surplus total n’est pas à sonniveau maximum possible. Une certaine inefficacité (perte sèche)prévaut.

BA

Perte de surplus du consommateur

À cause du prix plus élevé en monopole, les consommateurs perdent A + B et les producteurs gagnent A – C.

C

Quantité

RM = D

Rm

QConcurrentielle

Prix concurrentiel= Cm

Prix du monopole

Qmonopole

Prix

Perte sècheCm

L’Etat peut intervenir pour réduire cette perte sècheDe nombreux monopoles sont contrôlés par la puissance publique(monopoles publics ou réglementé), et l’Etat peut les contraindre àrespecter certains principes de détermination des prix.

1. Tarification au coût marginal= objectif raisonnable de l’intervention publique qui voudraitminimiser la perte sèche (c-à-d. maximiser le surplus total)

Lorsque le CM est décroissant (ce qui est le cas pour les monopolesnaturels) : Cm toujours < CM (ce qui est généralement le cas dans lesservices de transport). Si l’Etat impose P = Cm Entreprise déficitaire(elle ne couvre pas ses coûts fixes) et elle préfèrera quitter le marché.

1. Tarification au coût marginal (suite)

L’Etat peut alors :

- Subventionner le monopole au moyen d’impôts. Mais, nouvelleperte sèche et les contribuables perçoivent souvent cela commedes primes à une gestion peu rigoureuse.

- Autoriser un P > Cm, comme P = CM de sorte que l’intégralité ducoût soit supporté par les utilisateurs. Mais, perte sèche subsiste etcela n’incite pas vraiment le monopole à réduire ses coûts, cf.Tarification de moindre mal avec rendements d’échelle croissants.

2. Tarification de moindre malTarification qui maximise le surplus collectif sous contrainte d’équilibrebudgétaire : les coûts de production doivent être financés par desrecettes c-à-d produire Qr tel que CM(Qr) = RM(Qr) et fixer un tarifunitaire (Pr) égal au CM(Qr).

Cm

CM

RMRm

Prix

Quantité

Fixer le prix à Pr avec Qr tel que RM(Qr) = CM(Qr) permet de produire sans faire faillite.

Qr

Pr

PC

QC

Si le prix était réglementé à Pc, le prix concurrentiel, l’entreprise perdrait de l’argent et ferait faillite. Elle ne pourrait pas couvrir ses coûts moyens.

Pm

Qm

Sans réglementation, le monopoleproduirait Qm et le vendrait au prix Pm.

2. Tarification de moindre mal (suite)Si le gvt est en mesure de s’approprier le profit de l’entreprise (ce qui esten particulier le cas si elle est publique ou au moyen d’une imposition),il peut être souhaitable de générer une recette ≥ aux coûts deproduction.

Alors, l’objectif peut être : Maximiser le surplus total sous contrainte derecettes minimales

Outil : Coût marginal des fonds publics, > 0 l’accroissement dusurplus dans le reste de l’économie lorsque le SP s’accroît d’un eurosupplémentaire.

2. Tarification de moindre mal (suite)Maximiser le surplus total sous contrainte de recettes minimales :

Max. le Surplus Total + SP

Prix à la Ramsey-Boiteux (Ramsey, 1927, Boiteux, 1956)(i) Les écarts relatifs entre prix et coûts marginaux sont inversement

proportionnels à l’élasticité-prix de la demande.(ii) Plus est élevé plus le P s’élève au dessus du Cm.

DEPCmP 1

1

La discrimination par les prix en théorieSur un marché parfaitement concurrentiel, si une firme charge unprix plus élevé que le coût marginal, elle ne vend rien.Sur un marché moins compétitif, les firmes maximisent leurs profitsen fixant des prix différents (> Cm) aux différents consommateurs :

Premier acheteur est prêt à payer P1 (= sa disposition à payer) pourQ1, la firme lui tarifie P1 et sa recette est P1 Q1.

Second acheteur: P2 pour (Q2-Q1), la firme lui tarifie P2.

Quantité

Prix

Cm

Q1 Q*Q2

P1

P2

La discrimination par les prix en théorie (suite)

NB : Le second acheteur ne peut pas revendre son achat au premieracheteur (pas d’arbitrage).La firme en monopole va produire Q* pour lequel l’acheteurmarginal n’est pas prêt à acheter au-delà du Cm

La discrimination en prix est économiquement efficace mais tout lesurplus du consommateur est extrait par le monopoliste.

Quantité

Prix

Cm

Q1 Q*Q2

P1

P2

La discrimination par les prix en théorie (suite)

Le marché du transport peut être subdivisé en différents segments avec des élasticité-prix différentes.

Le potentiel de recettes peut augmenter si les augmentations de prix sont mises en place dans les segments inélastiques (ex. les voyageurs d’affaire) et vice versa.

Pour une exposition détaillée et pédagogique de la discrimination tarifaire, je recommande Anderson et Renault (2005 et 2011).

La discrimination par les prix

Exemples de discrimination tarifaire dans les trains et avions :

(a) Tarifs de billets d’avion où la dimension temporelle est utilisée pour discriminer.

Pour distinguer les clients qui voyagent pour affaires de ceux qui effectuent un voyage d’agrément : prix inférieur pour un aller-retour si le voyageur reste à sa destination le samedi soir.

Intuition ? Celui qui voyage pour affaires (resp. comme touriste) a certainement une disposition à payer plus (resp. moins) élevée et ne souhaite probablement pas (resp. acceptera plus probablement de) rester le samedi soir à sa destination.

Exemples de discrimination tarifaire dans les trains et avions(suite) :

(b) Tarifs de billets où la qualité (le niveau de confort) est utilisés pour discriminer

Intuition ?

Dupuit (1849) : le confort des voitures de 3ème classe estdélibérément détérioré afin de dissuader les voyageurs qui sontdisposés à payer les tarifs des classes supérieures de chercher àvoyager moins cher.

Un confort moindre décourage l’arbitrage individuel des personnesayant une disposition plus élevée à payer.

Fixation des prix des billets par une compagnieferroviaire : quelques pratiques

• Avoir une connaissance des élasticités-prix des différents types devoyageurs et de la concurrence.

• Augmenter les prix sur les segments de marchés moins élastiques etréduire les prix sur les segments plus élastiques où il y a descapacités excédentaires (afin de pouvoir rencontrer l’augmentationde la demande consécutive).

• Les concurrents principaux sont le transport en voiture, aérien ouen bus. Suivre les changements dans les tarifs des billets d’avion,dans le prix du carburant et ajuster ses tarifs en conséquence. Ex. Siles prix des billets d’avion , on peut le prix des billets de train.

• Discriminer entre les voyageurs d’affaire et les touristes.

• Offrir des réductions aux consommateurs qui achètent à l’avance.

Fixation des prix des billets par une compagnieferroviaire : quelques pratiques (suite)

• Le danger de la discrimination tarifaire : les passagers avec tarifpréférentiel pourraient rapidement réserver tous les sièges.

• Donc, un système de gestion des sièges (“yield management”)permet d’ajuster l’attribution des sièges entre différents niveaux deprix en se basant sur la demande attendue.

• Le “yield management” ne peut s’appliquer qu’à des trains pourlesquels existent des réservations (comme cela dépend desréservations à l’avance).

Conclusions

• Les politiques tarifaires dans l’industrie des transports sontgénéralement loin d’être optimales

• La tarification au coût marginal est difficile à mettre en œuvre dansl’industrie des transports

• Tendance à augmenter l’usage de la discrimination par les prix(constitution de différents segments de marché)

• Il est crucial de connaître au mieux la demande et les élasticités-prix

Implications pratiques pour la libéralisation desindustries de réseaux

• Dans un marché libéralisé, concurrence et régulation doiventcoexister. La régulation doit parvenir à équilibrer les bénéfices d’uneconcurrence accrue à court terme avec les impératifsd’investissement à long terme dans l’infrastructure. Sans cela,l’industrie entière risque de disparaître.

• La libéralisation n’est profitable aux consommateurs que si elleaméliore l’efficacité productive (réduction des coûts et améliorationde la productivité). Or une nouvelle organisation s’accompagne decoûts de transaction nouveaux (ex. : coûts induits par la coordinationdes différentes activités de la chaîne de production). L’effetd’incitation doit dominer cette hausse des coûts de transaction.

• La libéralisation ne consiste pas en une suppression de régulationmais en un changement de paradigme réglementaire (intervenir pourmaintenir le surplus total).

Références bibliographiquesAnderson, S. et Renault, R. (2005), Tarification discriminante, dans La Tarification des Transports: enjeuxet défis, Ch.5, 107-151, Eds. A. de Palma and E. Quinet, Economica, Paris.http://www.virginia.edu/economics/Workshops/papers/anderson/Pages%20from%20anderson.pdfAnderson, S. et Renault, R. (2011), Price Discrimination, Ch. 22 dans le Handbook in Transport Economics,Edward Elgar; De Palma, A.; R. Lindsey, E. Quinet and R. Vickerman (eds.)http://www.virginia.edu/economics/Workshops/papers/anderson/pricedisc080808.pdfBoiteux, M. (1956). Sur la gestion des monopoles publics astreints à L’équilibre budgétaire, Econometrica,24, 22-40.Dupuit, Jules (1849). De l.inßuence des péages sur l’utilité des voies de communication. Annales des pontset chaussées, 17, mémoires et documents, 207.Hindriks, J. et Myles, G. (2006), Intermediate Public Economics, MIT Press. Chapitres 8 et 11.Mankiw, N.G. (1998), Principes de Microéconomie, Economica (pour la traduction française). (Publiéégalement chez De Boeck en édition européenne.) Chapitres 15-17.Pindyck, R. et Rubinfield, D. (2009), Microéconomie, Pearson Education (édition française dirigée par M.Sollogoub), 7ème édition, Chapitres 10 et 11.Picard, P. (1994), Eléments de microéconomie, tome 1. Théorie et applications, Montchrestien. Chapitre10.Pigou, A. C. (1938). The economics of welfare. Macmillan and Co., London. 4ème edition, 1932, ré-imprimé en 1938.Ramsey, F. (1927). A contribution to the theory of taxation. Economic Journal, 37, 47-61.Tirole, J. (1988), The Theory of Industrial Organization. MIT Press, Cambridge, Mass.Tirole, J. (1993), La théorie de l’organisation industrielle, volume 1, Editions Economica, Paris, France.

Varian, H.R. (2000) Introduction à la microéconomie, De Boeck (traduction par B. Thiry). Chapitres 24 et25.

Annexe à la page 5

Les autres origines des monopoles

• Monopole d’innovation: une entreprise qui, suite à une innovation technique, crée un nouveau produit et est momentanément la seule à le distribuer sur le marché. D’autres entreprises apprendront à maîtriser l’innovation et entreront à leur tour sur le marché.

• Monopole légal: Dans tous les autres cas, le monopole subsiste parce qu’il existe des obstacles réglementaires ou législatifs à l’entrée de concurrents sur le marché.

Exemple : brevets de fabrication.


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