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Le juge administratif et la liberalisation

Date post: 21-Nov-2023
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Le juge administratif face à la libéralisation politique : Recherches sur quelques jurisprudences récentes en droit administratif Camerounais par Dr OWONA SERGE En tant que juridiction 1 la notion de « juge administratif » 2 du point de vue organique est susceptible de deux appréhensions. Stricto sensu, elle désigne un organe unique ou unipersonnel. Lato sensu, il s’agit d’un organe collégial ou pluripersonnel 3 . Du point matériel, une juridiction est chargée d’examiner des contestations, sa décision a « pour objet de dire le droit » 4 et s’impose aux parties et à lui –même. In globo, du point de vue organique au Cameroun, le premier sens renvoie à l’institution d’un juge unique dans les contentieux d’urgence et tandis que le second sens, se réfère aux formations administratives de chambre administrative de la cour suprême ainsi qu’aux instances administratives décentralisées créées depuis la loi du 29 décembre 2006. A partir de 1990, la libéralisation politique impulsera une dynamique idéologique nouvelle au droit public en général et au droit administratif en particulier. Selon le dictionnaire de l’histoire de France 5 , « le libéralisme politique est une doctrine fondant l’organisation de la société et de l’Etat sur les droits de l’individu, mieux sur la primauté de celui-ci sur toutes les autres 1 Selon le terme « juridiction » désigne, d’une part, un organe ayant l’aptitude à rendre des décisions de justice (tribunal, cour, conseil) , d’autre part , la fonction exercée par cet organe. Dans le second sens, la juris dictio , l’action de dire le droit , se distingue de l’impérium , le pouvoir de commandement appartenant au juge. Lire Dictionnaire de la justice, (sous la dir) CADIET (L), PUF, 2004, p.702 .Dans la célèbre affaire Bayo CE., Ass., 12 décembre 1953, de Bayo , A-J 1954-2-138,n ,J de Soto ; 2bis , chr. Gazier et Long ; R.D.P.A, 1954,3, c.Chardeau, le CE décidera que le caractère non juridictionnel ou non d’un organisme tient non pas aux « formes » dans lesquelles il procède, mais à la « nature de la matière » dans laquelle il décide. Sur les différentes façons dont la notion est abordée lire DE MALBERG (R-C) , Contribution à la théorie générale de l’Etat , Paris , Sirey , 1920 ,T1,pp.619-816 , CHAPUS (R), « Qu’est –ce qu’une juridiction ? la réponse de la jurisprudence administrative » , Recueil d’Etudes en hommage de Charles Eisenmann, Paris , éd, Cujas, 1977, pp.265-292. 2 « On désigne sous le terme générique de « juge administratif » l’ensemble des juridictions administratives », VEDEL (G), DELVOLVE (P) , Droit administratif, T2, éd, Paris, Puf, 1992, p.19 3 GUIMDO DONGMO (B-R), Le juge administratif Camerounais et l’urgence : recherche sur la place de l’urgence dans le contentieux administratif Camerounais, Thèse de doctorat université de Yaoundé II soa, 2004, p. 3 4 DEBBASCH (C), RICCI (J), Le contentieux administratif, 7 e éd. , Paris Dalloz, 1999, pp.162-165. 5
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Le juge administratif face à la libéralisation politique : Recherches sur

quelques jurisprudences récentes en droit administratif Camerounais par

Dr OWONA SERGE

En tant que juridiction 1 la notion de «  juge administratif » 2 du point de vue organique est susceptible de deux appréhensions. Stricto sensu, elle désigne

un organe unique ou unipersonnel. Lato sensu, il s’agit d’un organe collégial ou

pluripersonnel3. Du point matériel, une juridiction est chargée d’examiner des contestations,

sa décision a « pour objet de dire le droit »4 et s’impose aux parties et à lui –même. In globo,

du point de vue organique au Cameroun, le premier sens renvoie à l’institution d’un juge

unique dans les contentieux d’urgence et tandis que le second sens, se réfère aux formations

administratives de chambre administrative de la cour suprême ainsi qu’aux instances

administratives décentralisées créées depuis la loi du 29 décembre 2006. A partir de 1990, la

libéralisation politique impulsera une dynamique idéologique nouvelle au droit public en

général et au droit administratif en particulier. Selon le dictionnaire de l’histoire de France5,

« le libéralisme politique est une doctrine fondant l’organisation de la société et de l’Etat

sur les droits de l’individu, mieux sur la primauté de celui-ci sur toutes les autres

1 Selon le terme « juridiction » désigne, d’une part, un organe ayant l’aptitude à rendre des décisions de justice

(tribunal, cour, conseil) , d’autre part , la fonction exercée par cet organe. Dans le second sens, la juris dictio ,

l’action de dire le droit , se distingue de l’impérium , le pouvoir de commandement appartenant au juge. Lire

Dictionnaire de la justice, (sous la dir) CADIET (L), PUF, 2004, p.702 .Dans la célèbre affaire Bayo CE., Ass.,

12 décembre 1953, de Bayo , A-J 1954-2-138,n ,J de Soto ; 2bis , chr. Gazier et Long ; R.D.P.A, 1954,3,

c.Chardeau, le CE décidera que le caractère non juridictionnel ou non d’un organisme tient non pas aux

« formes » dans lesquelles il procède, mais à la « nature de la matière » dans laquelle il décide. Sur les

différentes façons dont la notion est abordée lire DE MALBERG (R-C) , Contribution à la théorie générale de

l’Etat , Paris , Sirey , 1920 ,T1,pp.619-816 , CHAPUS (R), « Qu’est –ce qu’une juridiction ? la réponse de la

jurisprudence administrative » , Recueil d’Etudes en hommage de Charles Eisenmann, Paris , éd, Cujas, 1977,

pp.265-292.2 « On désigne sous le terme générique de « juge administratif » l’ensemble des juridictions administratives », VEDEL (G), DELVOLVE (P) , Droit administratif, T2, éd, Paris, Puf, 1992, p.193 GUIMDO DONGMO (B-R), Le juge administratif Camerounais et l’urgence : recherche sur la place de l’urgence dans le contentieux administratif Camerounais, Thèse de doctorat université de Yaoundé II soa, 2004, p. 34 DEBBASCH (C), RICCI (J), Le contentieux administratif, 7e éd. , Paris Dalloz, 1999, pp.162-165.5

considérations ». Il aurait été exprimé en France avec force et solennité dans la nuit du 26

Août 1789.6 La définition proposée par le Professeur Keuctha7 est de loin plus élaborée et

édifiante, pour lui en effet, « le libéralisme politique qui exige que le citoyen soit protégé

contre le pouvoir, a, en première lieu, conduit au renforcement de la garantie des droits ».

Aussi, poursuit l’auteur, cela se traduit-il « par l’introduction dans le droit positif de mesures

significatives tendant à améliorer (…) les relations entre l’administration et les particuliers et

par l’amorce de la rénovation du contrôle juridictionnel de l’administration ». Le noyau dur

de la libéralisation politique est constitué d’un certain nombre d’éléments fondamentaux : le

renforcement des garanties des droits8 , l’amélioration des relations entre l’administration et

les particuliers9 et enfin la rénovation du contrôle juridictionnel de l’administration10. La

perspective de la libéralisation politique œuvrant droit à la déconstruction des fondements

autoritaristes antérieurement institués par l’idéologie de la construction nationale et à la

reconstruction des fondements nouveaux adossés sur le libéralisme. , le juge administratif face

à cette dynamique nouvelle restera-t-il en rade ? Aussi, une étude de ces décisions récentes

pousse plutôt à approfondir la réflexion. C’est que le Cameroun a révélé qu’il est un cas

clinique qui n’épuise pas les interrogations notamment au regard de certaines décisions

récentes. Sur le plan théorique, elle relance la question toujours d’actualité des fondements

théoriques du droit administratif Camerounais. Cependant, il faut souligner avec force que le

processus de libéralisation politique au Cameroun a suivi un cheminement qui la singularise

des autres processus en Afrique au Sud du Sahara. De ce fait, des vives controverses

doctrinales divisent la doctrine au sujet de la traduction juridique de l’idéologie libérale dans

les règles formelles du droit administratif. Faut-il alors croire qu’il s’agit d’un droit

désormais tourné vers la protection des droits des administrés au travers de « la libéralisation

6 DONFACK SONKENG (L), « L’Etat de droit en Afrique » AJP, Revue du CERDIP, Vol.1 n° 2, juillet-Déc. 2002. 7 KEUTCHA TCHAPGNA(C), « Les mutations récentes du droit administratif Camerounais». Afrilex 2000/01. 8 KEUTCHA TCHAPGNA (C), op. cit.,p. 3 .9 KEUTCHA TCHPGNA (C), « L’obligation de motiver certaines décisions administratives au Cameroun », juridis-Infos n°31 juillet – Sept 1997. p.60-66. Du même auteur, « l’autorisation tacite, cinq ans après sa consécration en droit positif camerounais », Juridis -périodique n° 28 – Octobre – Décembre 1996 et RJPIC n°3, Septembre – Décembre 1997. pp. 336 10 SIETCHOUA DJUITCHOKO (C) « Perspectives ouvertes à la juridiction administrative du Cameroun par la loi No 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972 », Annales de la faculté des sciences juridiques et politiques de l’université de Dschang tome1, Vol.1, 1997 p. 162-175. Dans le même sens. Voir KEUTCHA TCHAPGNA et BARTHELEMY TEBOU, « Réflexions sur l’apport du législateur Camerounais à l’évolution de la procédure administrative contentieuse de 1990 à 1997 ». Annales de l’université de Dschang 1999. Cité par KEUTCHA TCHAPGNA op. cit .,p.3.

du droit substantielle »11 ? Dans l’affirmative, il s’agit de s’accorder avec une frange de la

doctrine que : « gardien de la légalité administrative, le juge administratif Camerounais

s’érige de plus en plus aussi en garant d’un code de bonne conduite »12. Dans la négative,

l’on serait tenté de croire avec Mr Ateba Eyong Raphael que, le juge administratif

Camerounais « incline, en gros vers une politique jurisprudentielle de self-restraint axée sur

la reproduction de l’ordre social voulu par les pouvoirs publics selon deux orientations

structurantes : la protection minimale des droits des tiers et agents du service public. La

préservation minimale des prérogatives de la puissance publique »13. En effet, l’idée d’après

l’auteur est que la question des fondements théoriques du droit administratif est plus

complexe. Ainsi, pour mieux la camper, il importe de remettre en cause l’évolution linéaire

entre une première période de l’idéologie de la construction nationale et une seconde période

de l’adhésion à l’idéologie libérale à partir de 1990. Ce découpage ne permettant de rendre

compte de manière cohérente, « de la trace des principes essentiels du libéralisme politique

discernable sous l’ère idéologique de la construction nationale », encore moins « du

phénomène de la survivance d’institutions liées à cette idéologie observable sous l’empire du

libéralisme actuel »14. Aussi, pour conclure, il faut y voir plutôt une « tension idéologique

permanente à pôle dominant variant »15. A bien réfléchir et au-delà de toute spéculation, la

politique jurisprudentielle du juge administratif Camerounais au lendemain des transitions

libérales est davantage conditionnée par le caractère « exceptionnel »16 de la démarche

transitionnelle Camerounaise laquelle continue de mettre en conflit permanent les « forces de

changement»17 d’ascendance libérale et les « forces conservatrices »18 d’ascendance

autoritaire. Du coup, l’impact du « vent » de la libéralisation dans la jurisprudence

administrative est donc sujette à réflexion et suscite une question fondamentale  qui reste

d’actualité: Peut-on affirmer que la libéralisation politique ait conduit à un changement

radical de l’orientation de la jurisprudence du juge administratif ? Ce questionnement

11 GUESSELE ISSENE (P-L) , L’apport de la cour suprême au droit administratif Camerounais, thèse de doctorat, 2010, université de Yaoundé II soa p.37012 MBALLA ELOUNDOU (A-C), « note sous jugement n°146 /2012/CS/CA du 12 septembre 2012, affaire Din Din Ferdinand alias Papillon C/ Etat du Cameroun (Mincult) », RADP. Vol3 n°4 janv-juin, 2014, p.3313 ATEBA EYONG (R) , Le juge administratif et la création du droit : Essai sur l’élaboration jurisprudentielle du droit administratif , thèse de doctorat /PhD en droit public interne , Université de Yaoundé II , 2014, p.29314 ATEBA EYONG (R), op.cit.,p.22115 Ibib16 Mbome (F-X) , « les transitions démocratiques en Afrique : l’exemple du Cameroun », juridis périodique, n°41, janvier-mars 2000, p.117 VIRALLY (M), La pensée juridique, LGDJ, Paris, 1960, p.168 18 VIRRALY (M), Ibib

interroge l’incidence de la libéralisation politique dans la politique jurisprudentielle au

Cameroun notamment au moment où la question des droits fondamentaux devient l’une des

préoccupations majeures des pouvoirs publics faisant du juge administratif un rouage

essentiel de la protection des droits des administrés contre l’arbitraire de l’administration.

Toutefois, cette analyse ne saurait être menée en omettant l’idée « l’exception libérale

Camerounaise »19 qui interdit de méconnaitre de la particularité20 du processus transitionnel

qui se distingue de celui observable dans d’autres Etats d’Afrique. De plus, l’argument de

théorie général du droit selon lequel les mutations politiques n’aboutissent pas nécessairement

aux mutations politiques21 a été mis en exergue par le Pr Vedel22 dans une intéressante

contribution scientifique . A bien réfléchir et au-delà de toutes spéculations rébarbatives, il

ressort au regard de quelques jurisprudences majeures du juge administratif que la

libéralisation politique a une incidence nuancée dans la jurisprudence récente du juge

administratif Camerounais. Autrement dit, celle-ci n’a pas conduit à des révolutions

jurisprudentielles radicales. Au vrai, l’étude des décisions récentes du juge administratif

donne plutôt d’observer un assouplissement mesuré des règles de procédure (I) qu’un

assouplissement contrôlé des règles de fond (II)

I-Un Assouplissement mesuré des règles de procédure

19 Lire notre étude : « Réflexions sur l’exception libérale Camerounaise », inédit20 MBOME (F-X), D’après l’auteur, la particularité des transitions démocratiques au Cameroun se situe dans la continuité de la singularité des circonstances de l’indépendance du pays. Pendant les indépendances, alors que les autres pays ont acquis leur indépendances sans grand heurs, le Cameroun aura conquis la sienne au pris de la répression sanglantes qui a coûtera la vie à milliers de populations. Au moment de la démocratisation, le Bénin, le Togo, le Mali procèderont par voie des conférences nationales souveraines. Une fois de plus, le Cameroun se singularise par  « sa » transition effectuée au travers de la rencontre tripartite.21 S’interrogeant sur les mutations juridiques et matérielles, le Pr Ripert affirmera que : « faut-il donc arriver à cette conclusion qu’il ne saurait être question du progrès du droit parce qu’il n’y a pas de progrès dans une science statique ? Ce serait une conclusion bien décevante pour l’effort des juristes et un retour à l’idée d’un droit naturel et immuable. Le progrès du droit existe, mais il ne résulte pas du progrès scientifique et n’est pas réalisé dans l’évolution fatale de la société. Lier le progrès du droit au progrès de la civilisation matérielle est une erreur parce que les deux sciences ne sont pas du même ordre. Chaque science doit chercher son progrès elle-même par l’effort de l’homme qui prend une plus claire conscience de la valeur qu’elle représente et des moyens de l’assurer. Le droit progresse dans la mesure où il réalise plus parfaitement son objet (…) le véritable progrès du droit consiste à régler l’organisation de la société de telle façon que chaque homme puisse vivre et agir en sécurité, en étant obligé de reconnaitre ce qu’il doit, mais en pouvant exiger aussi l’accomplissement de ce qu’ils lui doivent ». RIPERT (R),  Les forces créatrices du droit, LGDJ, Paris, 1955, pp.64-6522 VEDEL (G), « Discontinuité du droit constitutionnel et continuité du droit administratif : le rôle du juge » , Mélanges offerts à MARCEL WALLINE, LGDJ, 1974, pp.777-793.

Le Pr Phillipe Rémy23 élaborera trois différents tableaux du juge : celui

du  « juge abaissé sous la loi », celui du « juge à coté de la loi », et celui du « juge au-dessus

de la loi ». Le second tableau correspond à celui qui confère au juge un pouvoir normatif lui

permettant contrairement au premier tableau de créer des  normes jurisprudentielles sans plus

être le simple « applicateur » de la loi. Par ailleurs, les décisions faisant « jurisprudence »24 peuvent ou bien être confirmées dans les décisions postérieures ou bien être infirmées. Des

« revirement de jurisprudence »25 d’ascendance libéral favorables aux administrés ont

également été ^observé. En droit administratif Camerounais, en utilisant ces pouvoirs

normatifs, le juge administratif a, en faveur des extensions prétoriennes récentes de

compétence procédé à la protection des administrés par le truchement de l’élargissement des

compétences (A). A contrario, dans les matières relatives aux conditions de recevabilité, il

est plutôt donné de constater une oscillation jurisprudentielle (B)

A-les élargissement accrues dans règles de compétence

La compétence juridictionnelle est généralement posée par les règles

du droit positif. Cependant, il a été donné au juge administratif Camerounais en dehors et au-

delà des règles juridiques posées, alors surtout que rien ne l’y contraignait d’élargir sa

compétence en créant des règles juridiques nouvelles. La chose n’est pas étrange. Mais, elle

prend une valeur ajoutée à l’ère de la proclamation redondante de l’idéologie du libéralisme

qui trouve par là de plus en plus des pôles de dominance dans le droit administratif

Camerounais. De ce fait, le juge administratif se créé motu proprio des espaces nouveau de

23 PHILIPPE (R), « la part faite au juge », Pouvoirs, n°107, p.2224 Dans son acception moderne, le terme jurisprudence est susceptible de deux acceptions. Au sens large, il désigne «  l’ensemble des décisions rendues par les juridictions nationales (conseil d’Etat, cour de cassation, cour commerciale) ou internationales (cour Européenne des droits de l’homme, cour de justice de l’union Européenne). La jurisprudence peut –être également entendue d’un point de vue plus étroit. Elle sera considérée comme l’ensemble des décisions rendues dans une branche du droit (jurisprudence publique, jurisprudence pénale, jurisprudence commerciale) ou concernant un point précis de droit (la répétition de l’indu). Dans cette acception de la jurisprudence, il s’agit d’englober les solutions connues et utilisées par les juridictions pour trancher tel ou tel point de droit ou tel situation juridique. Ces décisions allant toutes dans le même sens constituent une jurisprudence ». Lire TASCHER (M), Les revirements de jurisprudence de la cour de cassation, thèse de doctorat, université, Franche-comté, 2011, pp.16-17.25 Le revirement de jurisprudence peut-être défini comme « l’abandon par les tribunaux eux-mêmes d’une solution qu’ils avaient jusqu’alors admise, l’adoption d’une solution contraire à celle qu’ils consacraient. Le renversement de tendance dans la manière de juger (…) il ya revirement s’il y a précédent à modifier ». TASCHER (M), op.cit ., p.19.

compétence26 . Désormais au travers des décisions récentes, le juge administratif a étendu le

contrôle de l’administration au vice d’inconstitutionnalité des actes administratifs

unilatéraux à coté des autres27(1). Par ailleurs, cette extension concerne également les matières

touchant au contentieux des actes du domaine privé de l’Etat (2)

1- L’extension des vices touchant à l’inconstitutionnalité des actes administratifs Le préambule de la constitution est la partie de la constitution dans laquelle sont énumérées les principes et les valeurs fondamentales des individus28 . Escorté d’une constellation de droit, le préambule de la constitution connait une trajectoire normative variée. De simple règle juridique29, il sera attaché une valeur de principe général30 de droit au préambule. Or, comme principe général, celui n’avait qu’une valeur législative, d’où l’idée de « deconstitutionalisation »31 du préambule émise par la doctrine du fait du cantonnement de celui à ce rang dans la hiérarchie des normes juridiques au Cameroun. C’est finalement dans une

26 KEUTCHA TCHAPGNA (C), Précis de contentieux administratif au Cameroun : Aspects de l’évolution récente, Harmattan, Yaoundé, 2003, p.91. L’auteur rappelait déjà quelques années avant que : « le juge administratif Camerounais essaie quelque fois avec plus ou moins de bonheur de ne pas rattacher certaines décisions qu’il pose avec des textes particuliers ».Voir KEUTCHA TCHAPGNA (C) , contribution à l’étude de la cour suprême du Cameroun statuant en matière administrative, mémoire de maitrise en droit public, université de Yaoundé FDSE , année académique 1985-1986,p.40 . Voir également, OWONA (J), le contentieux administratif de la république du Cameroun, Harmattan, Paris, 2011, p.42.27 En matière des vices pouvant entacher un acte administratif unilatéral, il faut distinguer les vices d’illégalité externe des vices d’illégalité interne. D’une part, des vices d’illégalités externes, le juge administratif distingue : les formalités substantielles et les formalités non substantielles dans le contrôle d’excès de pouvoir. A cet effet, CFJ/SCAY, arrêt ADD du 25 mars 1969 Emini Tina Etienne C/Etat fédéré du Cameroun Oriental. Voir aussi, CFJ/SCAY arrêt n° 60 du 25 mars 1969 Mbarga Zambo Maurice C/Etat du Cameroun Oriental. *En matière de vice de forme : CFJ/SCAY, arrêt n°121 du 8 décembre 1970 Sitamze Urbain c/ Etat du Cameroun Oriental.

*En matière de vice de procédure . CFJ/SCAY, arrêt n°65 du 30 septembre 1969, Evina Ada Christophe C/ Etat du Cameroun Oriental .CFJ/SCAY ,arrêt n°44 du 30 avril 1968 ,Essiane Aka’a jean c/Etat du Cameroun Oriental, Voir également CFJ/SCAY ,arrêt n° 91 du 30 septembre 1969 Nkwenkan Mohlie Luc C/ Commune de plein exercice de Yaoundé28 DUHAMEL (O) ,MENY (Y) , Dictionnaire constitutionnel ,PUF , Paris ,1992 ;p.791 .Voie également GUILLIEN (R) ,VINCENT (J),GUINCHARD (S),MONTAGNIER (G) , Lexiques des termes juridiques, paris , Dalloz, 14e éd, 2003, p .44429 TE, arrêt n°129,du 23 décembre 1960 ,Sieur Bernard Dutreil Edouard c/ Etat du Cameroun  30 CFJ/SCAY, arrêt n° 68 du 30 septembre 1969,SGTE (société des Grands travaux de l’Est ) c/ Etat du Cameroun Oriental 31 GUESSELE ISSENE (P-L), l’apport de la cour suprême au droit administratif, op.cit ; p.88.

affaire du 27 octobre 199432 que le juge administratif érigera le préambule à la dignité de norme à valeur constitutionnel en précisant que « refuser l’intégration dans la fonction publique Camerounaise serait créer une discrimination entre Camerounais devant un emploi public ,ce qui est une violation de la constitution » . L’emploie du terme « constitution » dans cette affaire inclue le préambule de la constitution qui désormais se voit reconnaitre une même valeur que le dispositif. Le constituant de 1996 viendra définitivement taire la querelle et les incertitudes sur la valeur juridique du préambule33. En sus, le juge administratif reconnaitra au préambule de la constitution un caractère d’ordre public

a-Le caractère d’ordre public du préambule : Affaire Nya clébert34

Après avoir reconnu au préambule de la constitution une valeur constitutionnelle, le juge administratif dans l’affaire dans l’affaire Nya Clebert sus évoquée confèrera par la suite au préambule de la constitution un caractère d’ordre public. Dans cette affaire relative au contentieux électoral dans laquelle le requérant demande l’annulation d’une élection pour non respect des composantes sociologique, il décidera que : « Attendu que les dispositions constitutionnelles en la matière sont d’ordre public et priment sur la loi sur les élections municipales ». Lorsqu’on sait le régime que la doctrine par la plume de Drago35 a conféré au moyen d’ordre public dans le contentieux administratif, l’on peut affirmer que le préambule de la constitution habillé de ces droits fondamentaux bénéficie désormais du traitement spécial reconnu aux moyens d’ordre public formulé par René Chapus36 et par conséquent. De ce fait, les droits fondamentaux des administrés obtiennent une meilleure 32 CS/CA, jugement n°07/94-95 du 27 octobre 1994, Dame Ndongo née Mbonzi Ngombo c/Etat du Cameroun(PR)33 Article 65 de la constitution déclare que le préambule fait partie intégrante de la constitution 34 CS/CA, jugement n°59/2001-2002 du 03 septembre 2002, Nya Clébert c/ Etat du Cameroun(MINAT)35 D’après Drago, dans le contentieux administratif, le moyen d’ordre public est tout moyen qui peut être soulevé d’office par le juge administratif sans l’avis des parties, il peut également être soulevé à l’occasion du recours préalable, il peut être présenté hors du délai pour la première fois devant le juge d’appel ou de cassation. Voir AUBY (J-M) et DRAGO (R), traité de contentieux administratif, paris, LGDJ, tome 2, 2e éd, 1975, p.23936 CHAPUS (R), Droit du contentieux administratif, Paris, Montchrestien, 10 éd, 2002, p.753

protection tel que voulue par les pouvoirs publics à travers l’idée de la libéralisation politique.

b-Le contrôle de violation du corpus de la constitution

Par corpus de la constitution, l’on entend la partie constituée de l’ensemble des règles juridiques du texte de la constitution. Sa valeur juridique ne souffre d’aucune remise en cause et le juge administratif a souvent effectué le contrôle des actes administratifs à la constitution37. Dans la démarche du juge administratif visant à reconnaitre la soumission de l’administration à la constitution, il est important de souligner que la jurisprudence y relative est allée progressive. En effet, dans un premier temps, le juge administratif ne se limitera que dans le contrôle de la conformité des actes administratif à la loi. Ainsi, la légalité se trouvera sérieusement réduite en ceci qu’il n’inclura pas la constitution dans l’arsenal de référentiel de contrôle. Dans l’affaire société « assureurs conseils franco-africains »(ACFRA)  du 25 septembre198038, l’on peut affirmer que le contrôle de l’activité de l’administration à l’époque où elle est rendue était effectué de manière incomplète. En réalité, le système de contrôle en à l’époque de la décision société ACFRA était basé sur le « légicentrisme » faisant de la loi à la différence de la constitution le centre de gravité du contrôle de l’administration39 . Sans doute, cette décision de la cour suprême correspond à l’écriture du principe de la légalité formelle40 fortement remis en cause par le Pr Léon Duguit au profit 37 MORAND –DEVILLER (J), Cours de droit administratif, 11e édition,op;cit p .276.38 CS/CA, jugement n°62/79-80 du 25 septembre 1980, société « Assureurs Conseils Franco-africains » C/ Etat du Cameroun (MINEFI) .

39 Dans un système de l’Etat légal, « l’organisation fondamentale des pouvoirs (tend) purement à assurer la suprématie du corps législatif ». Ce système postule la suprématie illimitée du parlement. Il apparait comme choquant, car, tout pouvoir institué est par essence limité. Voir, De MALBERG CARRE(R), « la loi expression de la volonté générale », Sirey, 1931, rééd. Economica, 1984, p. 222.40 Par légalité formelle on entend celle qui se fonde sur le respect des lois parlementaires étant entendu que le parlement est l’organe habilité à élaborer les lois expression de la volonté générale. Mais, cette conception présente des limites soulevées par Léon Duguit, car, toutes les lois (lois au sens matériel) n’émanent pas du législateur ordinaire (parlement élu). Par exemple, les lois constitutionnelles sont édictées par un autre organe autre que le législateur ordinaire, elles s’imposent à la loi ordinaire et les lois constitutionnelles (référendaires) ne peuvent être modifiées que par l’organe qui les a édictées et dans les formes prévues et par le législateur ordinaire. DUGUIT (L), « Leçons

du principe de la légalité matérielle plus adaptée à la protection des droits des administrés contre l’arbitraire de l’administration. Dès lors, il faudra attendre l’affaire Kouoh Emmanuel41 pour voir la jurisprudence du juge administratif évoluer dans le sens de la reconnaissance de la violation de la constitution comme motif d’excès de pouvoir.Du coup, on peut affirmer qu’il s’est agit d’un l’«élargissement »42 et partant d’un parachèvement du principe de la légalité désormais étendu au dispositif de la constitution. Bien plus encore, le parachèvement de l’extension du principe de la légalité à la constitution est favorable à la protection des libertés telle que formulée par la philosophie libérale. Bien que le contrôle des vices touchant à la constitution connait quelque limitation, il incombe de relever en même temps l’extension de l’excès de pouvoir s’est effectuée dans le sens de l’élargissement des actes soumis au contrôle du juge.

b-L’extension des actes soumis au contrôle du juge administratif : les actes touchant aux questions privées  

En principe, les litiges concernant le domaine privé relève de la compétence du juge judiciaire. Mais lorsque l’administration agit dans le cadre du domaine privé en tant que puissance publique, force est de reconnaitre que compétence peut -être reconnue au juge administratif. Auquel cas, le contentieux de l’excès de pouvoir se trouve étendu en la matière et la protection des droits et libertés des citoyens ainsi élargies. Ainsi, au Cameroun, en absence de disposition textuelle , le juge administratif a eu à étendre le contrôle pour excès de pouvoir sur les actes relatifs au domaine privé de l’Etat et dans le même temps à l’annulation pour excès de pouvoir du titre foncier.

de droit public général », paris, de Boccard, 1926, p. 273 et s41 CS/CA, jugement n° 43/82-83 du 7 avril 1983, Kouoh Emmanuel Christian c/ Etat du Cameroun. Dans cette affaire, en s’appuyant sur le moyen d’inconstitutionnalité évoqué par le recourant au sujet du caractère réglementaire de la circulaire du ministre de la justice. Ainsi, en ce référent aux dispositions pertinentes de la constitution (article 22et 20), il élève la constitution au rang des normes dont la violation par l’administration peut être sanctionnée pour excès de pouvoir. Ainsi, à travers cette décision de 1983, la position du juge est restée inchangée. 42 CHEVALIER (J), Etat de droit, RDP, 1988, p. 335.

La connaissance des litiges du domaine privé en excès de pouvoir

Par principe, ce domaine est soumis à la compétence du juge judiciaire, car, l’administration le gère comme le ferait un particulier43. Cependant, l’administration dans l’usage de ce domaine accomplie des actes ou bien de gestion ou bien de constitution susceptibles implicitement pour les premiers et explicitement pour les seconds d’être soumis à la compétence du juge administratif. Un tel état des choses ressortit au travers des décisions Atangana Essomba Protais et Amougou jean fidèle

L’affaire Atangana Essomba protais et la connaissance implicite des actes de constitution du domaine privé44

Bien que cette décision soit rendue dans la fin des années 1970, elle est restée la position du juge administratif Camerounais en la matière et son ancienneté n’exclue pas son actualité.En se prononçant sur cette affaire, le juge administratif conclura à l’irrecevabilité du recours non pour forclusion comme le souhaitait le représentant de l’Etat, mais pour défaut de recours gracieux préalable. En effet, selon le juge, sur les 8 chefs d’accusations formulés, seul le huitième portant sur l’indemnisation pécuniaire mensuelle de 200 frs faisait l’objet d’un recours gracieux. Implicitement, mais certainement, l’on peut conclure que si le requérant avait effectué un recours gracieux préalable sur les autres chefs de la demande ayant trait à la constitution du domaine privé, le juge se serait prononcé au fond de la demande. Ainsi, du fait qu’il se soit prononcé sur la question de la recevabilité, il s’est implicitement aussi prononcé sur la compétence, car la question de la compétence est une question préalable à celle de la recevabilité45 . Ainsi, la compétence de la juridiction administrative se trouve implicitement élargie.

43 De LAUBADERE(A), VENEZIA (J-C), GAUDEMET (Y), Traité de droit administratif ,10e éd ; tome2, LGDJ, 1995,p .347.44 CS/CA, jugement no 14 du 27 avril 1978 Atangana Essomba protais c/ Etat du Cameroun45 Sur la question du caractère préalable de la compétence sur la question de la recevabilité de la demande, CS/CA, jugement n° 51/81-82 du 1er février 1985 Sende joseph (union des populations du Cameroun c/ Etat du Cameroun)

L’affaire de l’affaire Amougou jean Philippe de 1994 et la connaissance explicite des actes de gestion du domaine privé46

En effet, l’extension de la compétence du juge administratif sur la gestion du domaine privé de l’Etat n’est pas allée de soi. Après avoir pendant longtemps clamée son incompétence47 en la matière, la juridiction administrative dans une intéressante affaire à elle soumise reviendra sur sa position non sans en avoir fait de son incompétence une constante jurisprudentielle48.

-La connaissance des litiges en excès de pouvoir en matière de titre foncier

Définissant le titre foncier, M .Mpessa affirme qu’il est une « certification officielle de la propriété immobilière »49. De ce point de vue, le contentieux y relatif est lié soit à l’annulation du titre foncier, soit à la réparation du préjudice causé par son octroi. En ce qui concerne l’annulation, il faut souligner que celle-ci s’est toujours heurtée au caractère inattaquable consacré par le législateur50et confirmé par le juge administratif51dans ces décisions antérieures. Il s’est agit pour le juge administratif d’effectuer un distinguo entre les titres susceptibles d’être annulés et ceux bénéficiant d’une immunité.D’une part, en ce qui concerne le caractère administratif unilatéral, le juge de l’affaire Mbida mathermus est assez éloquent lorsqu’il affirme que le recours pour excès de pouvoir, n’est pas exerçable contre un titre inattaquable par leur nature exception étant faite de celui issu d’une 46 CS/AP, arrêt n°04 /A du 18 Aout 1994, Amougou jean fidèle C/ Etat du Cameroun. 47 CS/CA, jugement n°58/86-87 du 25 juin 1987 ,NTONE Kingue et collectivité Bonatone c/ Etat du Cameroun(MINUH) .Dans le même sens ,CS/CA ,jugement n°16/85-86 du 28 novembre 1985 , Kamdem Wafo Michel C/ Etat du Cameroun  » 48 CFJ/SCAY, Arrêt n°126 du 4 novembre 1966, Azombo Nsomoto victor c/ Etat du Cameroun49 MPESSA (A), « le titre foncier devant le juge administratif Camerounais », jurisdis-périodique n°59, juillet-aout-septembre 2004, p.8050 Le décret du 21 juillet 1932instituant au Cameroun le régime foncier de l’immatriculation dispose que : « le titre foncier est définitif et inattaquable, toute personne dont les droits ont été lésé par la suite d’immatriculation, n’a jamais de recours sur l’immeuble, mais seulement en cas de dol, une action personnelle en dommages-intérêts contre l’auteur du dol ». Le décret n°76/165 du 27 avril 1976 dans son article 1(2) précise que : « sous réserve des dispositions de l’article 2(3 du présent décret, le titre foncier est inattaquable, intangible, définitif »51 CCA, arrêt n°466 du 23 juin 1956 Baba Ngambo C/ Administration du territoire 

mutation , d’un démembrement ou d’une fusion consécutive à une vente , un partage ou une cession à titre gratuit»52

D’une part, à travers la lecture des décisions du juge administratif touchant au titre foncier, l’on peut déterminer les titres attaquables et les titres inattaquables pour excès de pouvoir.D’autre part, concernant le titre inattaquable, il s’agit de celui prévu par l’article 1(2) du décret n°76/165 du 27 avril 1976. C’est en effet celui de la première immatriculation 53 à partir duquel peut être effectué les titres fonciers dérivés. Cependant, le ministre chargé des domaines peut procéder au retrait d’un titre foncier irrégulièrement délivré54 et seule cette décision du ministre est susceptible de recours devant la juridiction administrative55. Ainsi, le recours en excès de pouvoir peut donner lieu à l’annulation non du titre, mais surtout à l’annulation56 de la décision du retrait du ministre. De là, le titre originel reste dont frappé du caractère inattaquable. Par contre, seul le titre foncier issu d’une opération de morcellement peut faire l’objet d’une opération d’annulation pour excès de pouvoir. 2- L’extension de la compétence du juge administratif en matière du contentieux de pleine juridictionDeux domaines principaux peuvent retenir l’attention ici : il s’agit de la réparation des dommages des travaux publics et la réparation des préjudices subis en matière de véhicule administratif. Cependant, il faut relever que ces domaines relativement récents s’intègrent à merveille avec les domaines d’extension de compétence relativement anciens.

a-La réparation des préjudices subis par un agent public usant un véhicule administratif

52 CS/CA, jugement n°18 /86-87 du 26 mars 1976 Mbida Mathermus c/ Etat du Cameroun53Il faut noter que : « l’immatriculation a pour objet de placer un immeuble sous l’empire du régime des livres fonciers. Elle est concrétisée par la remise d’un titre inattaquable qui constitue la certification officielle de la propriété immobilière et le point de départ de toutes les mutations et constitutions de droits ultérieurs » .NYAMA (J-M), Régime foncier et domanialité publique au Cameroun, Yaoundé, presses de l’ucac, 2001.p.103 54 Article 2(3)55 Article 26(4)56 CS/CA, jugement n°41/03-04 du 25 février 2004, Njitack Ngompe c/Etat du Cameroun (MINUH) et Fotso victor (intervenant volontaire).ordonnance n°011/OSE/CAB/PCA/CS/O3-O4 du 14 novembre 2003 Lattale désiré c/ Etat du Cameroun(MINEF)

D’entrée de jeu, il faut relever que le contentieux y relatif en France a été confié au juge judiciaire57.Cette règle n’a pas fait partie du bloc des normes ayant été étendue au territoire d’outre –mer. C’est ainsi que le juge administratif s’était toujours déclaré compétent58 pour statuer sur lesdites questions jusqu’en 196559 où il verra sont domaine de compétence sérieusement réduit en rupture avec les textes de 1959 lui ayant fait une part de compétence assez laborieuse. Ainsi, le juge administratif Camerounais, malgré la continuité législative lui retirant des pans de compétence procédera manière courageuse à l’élargissement de sa compétence en cette matière. Désormais, qu’il s’agisse d’un véhicule public ou privé, le juge administratif est compétent pour connaitre de la réparation du préjudice subi par l’agent public. Dans le cas d’un accident occasionné au moyen d’un véhicule privé60, le juge administratif déclarera en substance en 1978 que : « Considérant sur le principe donc de la saisine de la chambre administrative, que l’action soit fondée sur la réparation d’un accident de travail ou sur la responsabilité pour faute, l’on peut retenir la compétence de la juridiction administrative ». Cette espèce, constitue une extension de compétence du juge administratif en matière de véhicule privé, certes antérieure aux transitions libérales des années 1990, mais qui cadre avec la logique de protection des droits des administrés.En 2000, une autre décision allant dans le même sera adoptée dans l’espèce Ondo ovono charle61relativement au véhicule public. Dans cette intéressante affaire, le sieur ondo ovono, commissaire de police de son état alors qu’il était dans l’exercice de ses fonctions est victime d’un accident de circulation.

57 Avant la loi de 1957, le contentieux y relatif était conformément à la logique de la séparation des autorités administratives et judiciaires (Edit de st Germain en 1641, la loi des 16 et 24 Aout 1790, le décret des 16 fructidor an 3, l’arrêt Blanco) était confiée au juge judiciaire. A partir de la loi n° 57-1424- du31 décembre 1957, le contentieux relatif à l’accident de circulation sera confié au juge judiciaire. 58 CCA, n°773/A du 23 mai 1959, sieur Ngako c/ Etat du Cameroun59Il faut cependant noter que malgré l’adoption de ce texte, les affaires introduites antérieurement avant 1965 rentraient tout de même soumise au juge administratif. CFJ/ SCAY, arrêt n° 45 du 30 Avril 1965  Nlend Adalbert c/ Etat fédéral du Cameroun 60 CS/ CA, jugement n°29/78/79 du 28 décembre 1978 Baha Ngué jean Michel c/ Etat du Cameroun61 CS/AP, arrêt n°1 du 23 décembre 0ndo ovono Charles c/ Etat du Cameroun

En se prononçant au fond, le juge de céans affirmera t-il que : « Considérant qu’il est constant que l’accident est survenu lors d’un service commandé et que les causes n’étaient pas imputables à l’appelant, l’Etat du Cameroun, son employeur est tenu de réparer les préjudices résultant des dommages corporels et matériels subis par la victime du fait de l’accident ». On peut donc estimer que du fait de l’exercice d’un service commandé, activité à risque, le juge administratif a pu trouver un argument pour étendre sa compétence alors surtout que, ni la jurisprudence antérieure, ni les textes en vigueur n’autorisaient une telle décision. Cette dynamique extensive et intégrative de la compétence de la juridiction administrative inclue la réparation des préjudices émanant des dommages des travaux publics.

b-La réparation des dommages causés par la proximité des travaux publics

Lato sensu, la notion de travaux publics renvoie à l’ouvrage public, à toute opération d’entretien, de modification qui peut y être réalisées. Stricto sensu, il s’agit d’une opération matérielle et immobilière réalisée soit dans un but d’utilité publique, soit pour le compte d’une personne privée effectuant une mission de service publique62.Il faut rappeler que les travaux publics ne se limitent pas au domaine public puisque l’on peut avoir des travaux publics dans le domaine privé de l’Etat63. Au Cameroun, aucun texte n’a prévu l’hypothèse de la réparation des préjudices subis en matière des travaux publics par le juge administratif64. Aussi, ce n’est qu’avec l’affaire Ondua Atangana paul65 que le juge viendra combler cette lacune en prévoyant la réparation des préjudices causés par le voisinage d’un ouvrage public.

62 De LAUBEDERE (A), VENAZIA (JC), GAUDEMET (Y), traité de droit administratif, tome 2, op, cit ; p.43463 GAUDEMET (Y), traité de droit administratif, op. cit ; p.378.64 Tous les textes en vigueur n’avait pas prévu cette hypothèse : loi du 19 décembre reprise par l’ordonnance n° 76/02 du 26 aout 197665 CS/CA, jugement n°12/91-92 du 26 décembre 1991 Ondua Atangana paul C/ Etat du Cameroun..

B-/ L’oscillation de l’interprétation des conditions de recevabilité de la demande

Au contraire des élargissements observés en matière de la compétence juridictionnelle,

force est d’observer que les décisions du juge administratif en matière de recevabilité son

restées pour la plupart sans revirement spectaculaire. Toutefois, il ne faut cependant pas

conclure que le juge administratif dans ces matières n’a pas une inclinaison libérale. Loin s’en

faut. Il convient de relever que l’idée de l’oscillation jurisprudentielle en matière de

recevabilité de la demande repose sur le constat de la reconduction d’une jurisprudence

fondée sur une interprétation subjectiviste des conditions subjectives de recevabilité (1) par

rapport à une interprétation rigoureuse des conditions objectives de recevabilité (2).

1-L’interprétation subjectiviste des conditions subjectives de recevabilité de la demande

Malgré les thèses développées par Maurice Hauriou, dans l’affaire Olivier Zimmermann66 au sujet de l’existence d’un droit au recours juridictionnel, l’accès au prétoire du juge administratif ne saurait se faire de plano. Le libéralisme dans l’ouverture ou dans l’interprétation de ces conditions est un facteur de rapprochement de la justice administrative et partant de facilitation de la garantie des droits des administrés au fond. Parmi les conditions d’introduction de la demande ayant connue une évolution, l’on peut noter l’interprétation libérale des conditions d’intérêt et de qualité (a) et de capacité pour agir est restée longtemps inchangée est largement favorable à l’ouverture du prétoire du juge administratif aux associations non déclarées.

2- L’interprétation ambivalente des conditions objectives de recevabilité.

Le caractère ambivalent de l’interprétation de certaines conditions objectives (b)

s’accompagne de la suppression de l’exigence de l’avis conforme (a)

a-la suppression de l’exigence de l’avis conforme et le maintien de l’exigence de la condition de RGP en matière d’urgence. En droit administratif Français, du fait de l’adoption de la loi du 20 juin 2000, une évolution en profondeur a été observée en matière de procédure d’urgence : il s’agit de la suppression du verrou de l’avis conforme. En effet, le ministère public auprès des tribunaux a

66 CE, 22 février 1903, rec, 180, note Hauriou, Sirey, 1905 III, 1933, p.384

généralement pour « mission (...) de faire entendre face aux plaidoiries contradictoires des parties adverses, une voix impartiale et désintéressée, même lorsqu’il soutient l’accusation ».67 Il veille donc au respect de la loi au cour du procès et de ce fait, il est administrativement subordonné à l’autorité du ministre de la justice68 . C’est dans ce sens que le ministre de la justice « peut orienter les réquisitions du ministère public dans le sens de la stricte application de la loi »69. Suffisamment déjà assez alourdie70, l’exigence que le Président de la chambre administrative était appelé à suspendre l’exécution d’une décision après « avis conforme du ministère public » pouvait être considérée comme une exigence autoritaire de plus. En effet, l’avis conforme écrivait notamment Edouard Laférrière « constitue une collaboration effective, celle-ci ne peut être prise sans le concours de deux autorités, celle qui fait l’acte et celle qui lui donne autorité, celle qui fait l’acte et celle qui donne son assentiment sous forme d’avis »71. Exigence clairement formulée par le législateur à l’article 16 de l loi n°75/17 du 8 décembre 1975 portant procédure devant la cour statuant en matière administrative. Le juge fera une saine application de cette disposition. Ainsi, lorsque le juge administratif avait conclu au rejet d’une demande en accord avec les réquisitions du ministère public pour défaut de qualité72, pour incompétence et ordonner le remboursement des sommes ou annuler le bulletin de liquidation73. A travers cette exigence, le ministère public se présentait comme un véritable aiguilleur de la décision

67 Extrait du discours du ministre de la justice garde des sceaux au cours d’une conférence de presse organisée Vendredi le 10 décembre 1999. Voir Cameroon tribune, n°6995/3285 du 13 décembre 1999, p .1068 Article 3 du décret n°95/018 du 08 mars 1995 portant statut de la magistrature69 Extrait du propos du ministre de la justice, op ; cit, p.1070 KAMTO (M), « Observations sur l’affaire « Le Messager » », op. cit, p.17671 LAFERRIERE (E), Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux préface DRAGO (R), op .cit., p.503. D’après Hostiou, l’avis conforme « se traduit par un véritable partage de compétence avec le ministère public », HOSTIOU (R), Procédure et formes de l’acte administratif en droit administratif français, thèse op ; cit, p.32. De ce fait, il « n’est pas du domaine de la procédure consultative, il relève de celui de la capacité normative de l’auteur », op, cit ; p.32. En la matière, « on sort ici en réalité du domaine consultatif pour entrer dans un véritable système de compétence copartagée ». BENOIT (P), Droit administratif français, op.cit., n°193, p.122. Le juge Camerounais parle d’ailleurs de « codécision ». Voir CS/CA, jugement n°50 du 7 avril 1983, Akoa Dominique C/ université de Yaoundé72 Ordonnance n°15 /OR /CS/PCA du 18 juillet 1991, affaire Labogenie C/Etat du Cameroun73 Ordonnance de référé n°04/OR/CS/PCA/90-91 du 29 novembre 1990, affaire Societé Plantation (SARL) C/Etat du Cameroun

de justice de l’action du juge administratif. A cet effet, la doctrine présentera le ministère public comme un instrument de contrôle de l’institution judiciaire par sa participation à l’élaboration de la décision de justice74. A travers le ministère public, le pouvoir exécutif continuait à peser de tout son poids sur les libertés et droits fondamentaux. Ainsi, la circonstance que le juge administratif en matière de sursis à exécution comme dans d’autres75 domaine était lié non seulement de solliciter l’avis du ministère public mais aussi et surtout de la suivre se présentait comme une atteinte regrettable aux droits fondamentaux. La suppression de cet avis conforme est une création jurisprudentielle qui vingt deux ans plus tard sera suivie par le législateur. Deux cas d’espèce illustrent à merveille cette émancipation il s’agit de l’affaire Sighoko Abraham76,Mayouga Yvonne77et UPC78

Dans ces trois affaires, les requérants ont introduit chacun de son coté un recours aux fins d’obtenir le sursis à exécution de la lettre n°D2/MSP/SG/SIVIP signée le 29 juin 1992 par le ministre de la santé publique ordonnant la fermeture d’une officine pharmaceutique. En l’espèce le ministère public représenté par le procureur conclura à l’irrecevabilité de ladite demande au motif pris de ce que la suspension à l’exécution d’un acte administratif ne peut être recevable que si elle est appuyée par une demande de fond introduite devant le juge. Prenant le contrepied du ministère public le juge administratif estimera fort courageusement que : « On ne saurait demander à une administrée qui a subi un préjudice grave du fait d’une décision administrative d’attendre les délais de recours pour pouvoir saisir le juge administratif afin d’y voir mettre fin ». De la sorte, le juge formule une règle jurisprudentielle ex-nihilo en vue de voler au secours des justiciables en danger grave de violation de leurs 74 NTAH à MASAH (H-M), Le ministère public dans le contentieux administratif : contribution à l’étude des organes de la justice administrative, thèse citée plus haut.75 Cette exigence de l’avis conforme du ministère public concernait également la voie de fait et l’emprise. NTAH A MASAH (H-M), thèse précitée76 Ordonnance n°9/CS/PCA/OSE/ du 05 octobre 1992, SIGHOKO Abraham C/Etat du Cameroun (Minsanté)77 Ordonnance n°21/91 /OSE du 14 août 1992 ,affaire Mayouga Yvonne C / Etat du Cameroun 78 Ordonnance n°04/CS/PCA/OSE / du19 octobre 1993 , UPC C/ Etat du Cameroun.

droits fondamentaux. Du coup, l’on convient avec la doctrine que cette position « audacieuse » 79 est forcement dictée par les impératifs de protections des droits des administrés issues du vent de la libéralisation en cours. Elle sera d’ailleurs réceptionnée par le législateur vingt deux(22) ans plus tard De la sorte, les articles27al180 et 30 al281 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006. Alors que l’on croyait le juge administratif résolument tourné vers l’ouverture du prétoire en matière d’urgence, l’espèce Sosso Emmanuel82 rendue en 1998 constituera une régression jurisprudentielle en matière de contentieux d’urgenceb-la règle du RGP : « un mouroir » procédural .Si les conditions subjectives83 d’accès au juge administratif dénotent une réelle volonté d’ouverture du prétoire du juge administratif, il en va autrement des conditions dites objectives. Parmi les conditions objectives, l’on peut noter entre autre les délais, la production des copies et la condition de RGP. Afin de cerner la continuation de la difficulté d’accès au prétoire du juge administratif, il incombe d’analyser la condition de RGP. En effet, celui –ci se présente comme un des « angles morts » en matière d’accès au prétoire tant le vent libéral des années 1990 semble n’avoir pas touché dans le fond cette règle procédurale. A la vérité, le RGP en vigueur au Cameroun84 est une transposition de la règle de la décision préalable du droit administratif Français85ou encore une réplique 79 KEUTCHA TCHAPGNA(C) et GNIMPIEBO TONNANG (E), « Note sur l’affaire Sighoko abraham C/ Etat du Cameroun », juridis périodique n°68, octobre –novembre- décembre 2006, p.11780 L’article 27al1 de la loi n°2006/002 du 29 décembre 2006 relative à l’organisation et au fonctionnement des tribunaux administratif dispose que : « Dans les cas d’urgence, le président du tribunal ou le magistrat qu’il délègue peut, sur requête et si le demandeur justifie de l’introduction d’un recours gracieux, les parties convoquées et après conclusion du ministère public, ordonner en référé toutes les mesures utiles sans préjudice au principal »81 L’article 30al2 relatif au sursis à exécution dispose quant à lui que : « lorsque l’exécution est de nature à causer un préjudice irréparable et que la décision attaquée n’intéresse ni l’ordre public, ni la sécurité ou la tranquillité publique, le président du tribunal administratif peut, saisi d’un requête après communication à la partie adverse et conclusion du ministère public ordonner le sursis à exécution »82 Ordonnance de référé n°06/OSE/CS/PCA/98-99 du 08 décembre 1998, affaire Sosso Emmanuel C/ Etat du Cameroun83 Les conditions subjectives sont : la capacité, la qualité, l’intérêt84 TE, arrêt n°226 du 24 août 1963, Dame Belovi Veron, cité par BINYOUM (J) et NGWESE (PH), Elements de contentieux administratif Camerounais, op.cit.,p.36.85 JACQUOT (H), « Le contentieux administratif au Cameroun », RCD, n°8, juillet-décembre 1975, p.113. Cette tropicalisation est également observable en droit du contentieux communautaire CEMAC sur cette question. Fandjip(O), « Bilan de la cour de

tropicalisée du droit public Français86, le recours gracieux a subi une évolution récente allant dans le sens de réduire les effets néfastes tant décrié87 par la doctrine. Cependant, malgré la libéralisation de 1990, le RGP demeure un mouroir procédural tant en matière d’introduction de la requête lorsque le contentieux concerne la présidence de la république que lorsque celui-ci concerne les administrations autre que la présidence de la république.

L’interprétation rigoureuse de la condition de RGP en ce qui concerne

les administrations autre la présidence de la république

justice à la naissance d’une cour des comptes dans l’espace CEMAC : regard sur le droit à un procès équitable », Recherche juridique, n°3 ,2012 cours de parution86 PAMBOU TCHIVOUNDA (G) , Grandes décisions de la jurisprudence administrative du Gabon, paris, éd. Pédone, 1994, p.590. Il faut cependant effectuer le subtile distinguo entre la règle de la décision préalable et les recours administratifs. La première contient l’idée d’une obligation pour le justiciable de former un recours quel qu’il soit contre une décision administrative auprès de l’administration elle-même. L’article R-421-1 du code de justice administrative modifiée par le décret n°2004—617 du 29 juin 2004 relatif aux modalités et effets de la publication sous forme électronique de certains actes administratifs. Les seconds renvoient quant à lui à la réclamation introduite auprès de l’administration contre un acte avant le recours juridictionnel. De ce fait, en dehors de la décision préalable, le droit français est émaillé d’une panoplie de recours administratif préalable. Sur la question, lire DEGUERGUE (M), Procédure administrative contentieuse, paris, Montchrestien, focus droit, 2003, p.78. Voir également, ROQUETTE (R), Petit traité de procès administratif, Dalloz 2é éd, 2006, p.163 et S87 D’après le Pr KAMTO, le RGP est une « véritable casse-tête » dans la procédure administrative contentieuse. Lire KAMTO (M), Droit administratif processuel, op .cit, p.39-42.

Ainsi, si l’article 17 al1 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 et son application

dans l’affaire Nkouma marie vise à diminuer les incompréhensions occasionnées par la notion

de « ministre compétent » contenu dans le droit antérieur. Cependant, cette mutation ne doit

pas conduire à des conclusions hâtive et péremptoire à l’ouverture du prétoire du juge

administratif. La lecture attentive de la jurisprudence et des textes récents démontre que le

RGP reste un obstacle réel à l’accès au prétoire du juge administratif. A travers l’affirmation

selon laquelle le président de la république n’est pas le « ministre compétent », le juge

administratif a marqué une fois de plus sa « désobéissance à la loi » dans une affaire du 03

février 201088 . Espèce concernait l’épineuse question des recours gracieux adressé au

président de la république. Le recourant apprendra qu’il est définitivement exclu du CIAP

en octobre 2001 exclusion par ailleurs confirmée par l’arrêté n°024/CAB/PR du 30 janvier

2002 par le président de la république. Le 11 janvier 2006, le recourant adresse un RGP au

président de la république en lui demandant de revenir sur sa décision au motif que ses droits

de la défense ont été violé en la cause. Introduisant par la suite sa demande auprès de la

chambre administrative, celle-ci sans examiner la cause au fond se prononcera d’une manière

fort contestable en déboutant le sieur Logsen au motif pris de ce que le recours gracieux est

mal dirigé. Le juge décide en effet que : « Il ressort du dossier que le recours gracieux en

date du 11 janvier 2006 de Logsen Lissom louis de Gonzague a été adressé à son excellence

monsieur le président de la république qui n’est pas le « ministre compétent » ».

La confirmation de l’interprétation rigoureuse de la condition de RGP

en ce qui concerne la présidence de la république

La négation du président de la république comme autorité inhabile à recevoir le RGP

est inique ce d’autant plus que c’est pourtant lui l’autorité qui a adopté l’acte de nomination.

Cette option jurisprudentielle est également adoptée en ce qui concerne les RGP adressé à la

présidence de la république.

88 CS/CA , jugement n°06/2010 du 03 février 2010 , Logsen Lissom louis gonzague C/Etat du Cameroun(PR)

En effet, en ce qui concerne la présidence de la république, cette interprétation

rigoureuse est constante dans la jurisprudence administrative89 malgré les vacillements

antérieurs90. En déclarant que le président de la république ne peut recevoir le RGP, le juge

administratif n’aura entre temps lui reconnaitra cette possibilité dans une affaire du 29

octobre 2003 91 en ce qui concerne le cas du personnel de la sûreté nationale. Toutefois, cette

négation de la possibilité du président de la république à recevoir le recours gracieux

préalable est une reconduction d’un principe procédural autant illégal qu’injuste.

D’abord, au regard de la réforme de l’article 17al1 de loi de 2006 attribuant la

recevabilité du RGP à l’auteur de l’acte, ce refus est contraire à la loi car, dans l’affaire

Logsen Lissom, le président de la république est pourtant l’auteur de l’arrêté de révocation

n°024/CAB/PR du 30 janvier querellé. Mais le juge ne prend pas en compte l’évolution de

2006 alors que la décision est rendue en 2010. L’article 17 al1 de la loi de 2006 dispose

pourtant que l’autorité adressataire du RGP est celle qui est l’auteur de l’acte.

Ensuite, cette décision est illogique, car au regard du décret n°2001/065 du 12 mars

2001 portant statut spécial du corps des fonctionnaires de la sûreté nationale notamment de

l’article 3al1, il est précisé que : « Les fonctionnaires du corps de la sûreté nationale sont

placés sous l’autorité directe du président de la république » et non sous celle de son

collaborateur subordonné qu’est le secrétaire du gouvernement.

Par ailleurs, le même illogisme est observable en matière du personnel relevant du

ministère de la défense, car dans une affaire du 1er décembre 200492. En effet, d’où vient-il que

le 6MINDEF soit l’autorité adressataire du RGP alors surtout que la constitution précise que

« le président de la république(…) est le chef des forces armées ». Au total, les décisions

rejetant les recours gracieux adressés au président de la république alors que celui-ci non

seulement est l’auteur signataire de certains d’entre eux ou qu’il est celui sur lequel repose la

responsabilité de ces personnels est la consécration d’un pouvoir, d’une autorité sans

responsabilité par essence contraire à la logique libérale des mutations récentes. Autant le

rejet du recours gracieux adressé au président de la république est un alourdissement à l’accès

89 CS/CA, jugement n°47/04-05 du 02 février 2005, Mback jean pierre C/Etat du Cameroun. 90 Dans les décisions antérieures , le juge estimera que le RGP peut valablement être adressé au président de la république : CS/AP ,arrêt n°13 /A/ADD du 13 mai 1982 , Essindi Fabien C/ Etat du Cameroun ; CS/CA , jugement n°5/85-86 du 31 octobre 1985 , Mauger pierre C/ Etat du Cameroun(DGSN), CS/CA n jugement n°53/91-92 du 25 juin 1992 , Tah thomas C/ Etat du Cameroun(DGSN), CS/CA , jugement n°112 /02-03 du 03 septembre 2003 Foé théodore C/ Etat du Cameroun(DGSN)91 CS/CA , jugement n°5 du 29 octobre 2003 Nzeusseu christophe C/ Etat du Cameroun (DGSN)92 CS/CA, jugement n°29 du 1er décembre 2004, Memo Marcel C/Etat du Cameroun

au prétoire, autant la réaffirmation de l’exigence de celui-ci en matière de sursis à exécution

n’est pas de nature à favoriser protection des administrés.

II- L’ASSOUPLISSEMENT CONTROLE DES REGLES DE FOND

La libéralisation politique des années 1990 n’a pas bousculé complètement les

règles fond du droit administratif Camerounais. En cette matière en effet, l’on note selon le

cas, tantôt une ondulation décisionnelle en matière de contentieux des actes administratifs

(A), tantôt une pendulation décisionnelle en ce qui concerne le contentieux des libertés (B).

A-L’ondulation décisionnelle en matière des actes administratifs

Un mouvement ondulatoire est observable dans la jurisprudence administrative

des actes administratifs de l’administration. En réalité, en matière d’acte administratif la

jurisprudence est des plus instable et traduit la tension permanente en œuvre en droit

administratif Camerounais entre les forces de changements et les forces conservatrices

d’ascendance autoritaire. Ce constat est valable tant en matière d’acte administratif

unilatéraux (1) qu’en matière de contrat administratif (2)

1- La constante : la réduction du contrôle juridictionnel

en matière de décisions unilatérales de l’administration

Le Pr Vullierme au sujet de certaines injustices légales affirmait encore qu’il « n’ya

pas pire injustice que celle qui se sert des cérémonies du droit pour violer ses propres

exigences »93. Cette injustice peut être étendue à la matière de la compétence de la juridiction

administrative dès lors qu’il existe une discrimination entre les actes administratifs selon

qu’ils soient justiciables ou non. La question de réduction de la compétence du juge

administratif Camerounais relativement aux actes administratifs faisant grief sans aucun

donne lieu à « ilots d’immunité »94juridictionnels défavorables à la protection des administrés.

La continuation de ces immunités juridictionnelles malgré la libéralisation de 1990 est une

régression. Dans cette catégorie, il incombe d’isoler la jurisprudence relative aux actes de

gouvernement95 à laquelle s’ajoute les actes qui du fait du législateur96 échappe aux contrôle

du juge administratif.

93 VULLIERME (J), « L’autorité politique de la jurisprudence », archives de philosophie du droit, t30, la jurisprudence, Paris, Sirey, 1985, p.96 cité par PAMBOU TCHIVOUNDA (G) in Les grandes décisions de la jurisprudence administrative du Gabon, éd, Pédone, 1994, p.9794 BILONG (S), «le déclin de l’Etat de droit au Cameroun : le développement des immunités juridictionnelles» : jurisdis-périodique,n°62,Avril-mai-juin 2005 ,p.53

2- L’inconstance : l’extension du contrôle de l’administration en matière de contrat

administratif

En principe, l’administration en vue de s’assurer que l’exécution du MP reste respectueuse de l’intérêt général l’administration dispose traditionnellement d’un pouvoir de modification et de résiliation unilatérale. Cependant, les mutations libérales observées tant dans les textes97 que dans la jurisprudence administrative rendent compte du déclin de ces importantes prérogatives au profit protection de la administrés qui se sentent plus en sécurité. Le législateur a prévu trois hypothèses de résiliations98. Une fois la résiliation unilatérale prononcée, l’administration 95 Selon le Pr René Chapus , les actes de gouvernement sont des actes accomplis par le pouvoir exécutif ou le

gouvernement dans « des matières de gouvernement » Rentrant en effet dans la catégorie des notions

fonctionnelles à la différence des notions conceptuelles , le juge administratif en cette matière semble avoir

ressuscité un « Lazare juridique » : le mobile politique. Les conséquences de l’adoption du mobile politique

sont désastreuses sur le plan des libertés des administrés. En 2009 le juge a rendu en effet une décision allant

dans ce sens. En droit administratif français, ce critère qui a été longtemps abandonné au profit du critère de

« liste » . Au Cameroun, il est la résultante d’une sérié de quatre affaires. Etabli pour la première fois dans

l’affaire Kouang Guillaume, les décisions postérieures resteront fidèles au critère du mobile politique au mépris

cependant de quelque nuance dans l’expression. En effet, dans cette décision fondamentale, le juge administratif

estimera que : « Attendu que, (…) on parle d’acte de gouvernement lorsque la réclamation tient à une question

politique dont la décision appartient exclusivement au gouvernement »

96 Les actes de désignation des chefs traditionnels et d’indemnisation des victimes du terrorisme :

97 . Il est prévu dans l’article 62 que toute modification se fait par voie d’avenant lequel obéit à la même procédure que le marché de base. Une autre réduction participant à la réduction du pouvoir unilatérale du contrat est que l’avenant considéré ne peut ni modifier l’objet du marché, ni le titulaire, ni la monnaie de règlement, ni encore moins les formalités du prix. 98 La résiliation pour inexécution, mauvaise exécution ou exécution tardive du

contrat .Elles ont deux étapes : - le cocontractant qui ne s’exécute pas dans les délais est mis en demeure. Ainsi, le cocontractant qui ne respecte pas les stipulations du contrat ou des ordres de service dispose d’un délai de vingt et un (21) jours sauf pour les contrats spéciaux. Si à l’issu de ce délai il ne s’exécute pas l’administration est droit d’établir une régie totale ou partielle au frais et risque du cocontractant. Elle peut par ailleurs prononcer la résiliation du marché au frais et risque du cocontractant. La résiliation de plein droit, elle intervient en cas du décès du titulaire du marché ; en cas de faillite, de liquidation judiciaire, en cas de sous-traitance, de sous commande ou Co-traitance faite

était tenue d’indemniser le recourant, mais le juge ne pouvait annuler pour excès de pouvoir l’acte de résiliation unilatéral. Le juge administratif se déclarait incompétent pour contrôler une décision de résiliation unilatérale d’un contrat administratif. Dans l’affaire Amesecom-Amesecom99, le juge administratif estima qu’il ne saurait sans outrepasser ses pouvoirs contrôler la décision n°67/AO/BE/780 passé par l’entreprise Amesecom –Amesecom. Il déclarera en effet que : « Conformément à la jurisprudence établie, le juge des contestations relatives aux marchés des travaux publics n’a pas le pouvoir de prononcer l’annulation des mesures prises par le maitre d’ouvrage envers l’entrepreneur, qu’il lui appartient de rechercher si ces actes sont intervenus dans les conditions de nature à ouvrir au profit de celui-ci un droit à indemnité ». Désormais, cette jurisprudence est dépassée par une décision du 12 septembre 2012. Les faits de l’espèce méritent d’être rappelés. Par requête en date du 19 avril 2009, la société CARMCO adjudicataire d’un marché pour exécution des travaux d’entretien de certain route a vue le contrat être résilié par le ministère des travaux public par décision n°386/D/MINTP/SG/CJ du 16 octobre 2008. Au soutient de la demande, la société recourante estime que la décision querellée est intervenue alors même que ni un ordre de recette valant mise en demeure, ni un procès verbal de carence ne lui avait été notifiée. De ce fait, cette résiliation est arbitraire et encourt annulation. Le représentant de l’Etat en la personne de Mr Njame demandera au juge de débouter purement et simplement la société recourant au motif que celle –ci est non fondée. En se prononçant au fond en l’espèce, et non sans avoir souligné que ce sont les pluies récurrentes , aléa externe à la volonté de la société qui ont amené la recourante à ne pas exécuter convenablement ses obligations sans autorisation du MO ou MOD. Elle peut également être prononcée en cas de non respect de la législation du travail ou non respect des conditions du contrat. Une fois cette sanction de résiliation prononcée, le cocontractant ne peut soumissionner à un autre marché pour délai de deux ans sauf dispense de l’ACMP. La résiliation pour force majeur, elle intervient en absence de responsabilité du cocontractant de l’administration. Elle est prononcée par l’administration après avis de l’ACMP. 99 CS/CA, jugement n°44/89-90 du 28 juin 1990, Entreprise Amesecom-Amesecom C/ Etat du Cameroun

contractuelles , le juge de céans estimera que : «  en résiliant dès lors le marché dans ces conditions, le ministre des travaux publics a commis un excès de pouvoir et sa décision encourt annulation »100.Il convient d’adhérer à la lecture de cette affaire à la conviction que : « l’annulation de l’acte de résiliation du contrat » constitue « une révélation »101. Il ne s’agit pas tant de remettre en cause le pouvoir dont dispose l’administration de résilier unilatéralement le contrat, que de préciser que l’usage de ce pouvoir est effectué en violation des droits du cocontractant. Il s’agit de vérifier si la circonstance de l’aléa a eu pour effet d’empêcher au cocontractant de l’administration de remplir convenablement ses obligations contractuelles. Dans cette circonstance, il convient de ne pas rejeter la doctrine qui estime que  le juge administratif se trouve être le dernier rempart du cocontractant face à l’administration de qui est le principal prédateur de ses droits dans le cadre de l’exécution des marchés publics.

B- la « valse» décisionnelle en matière du contentieux des libertésLe mouvement pendulaire est observé en ce qui concerne la solution au fond des

litiges touchant aux libertés publiques et droits fondamentaux. L’on observe en fait comme un

mouvement oscillatoire dans la jurisprudence administrative en matière de contentieux des

libertés. Il s’agit effet d’une variation entre les zones hautes de contrôle ( 1) et les zones

basses (2)

1-Les zones hautes : le contrôle de la légalité administrative touchant aux libertés

100EDOUA BILIONGO (B), « Note sous jugement n°145/CS-CA du 12 septembre 2012, Société Carmoco c/Etat du Cameroun » , Revue de droit administratif, n°4 , 1er Semestre, 2014 , p.73.101 Ibib.73.

Le contrôle effectuer par le juge administratif en matière de litige touchant aux libertés

et droits fondamentaux regorge des aspects dont il faut s’en féliciter tant les administrés sont

les bénéficiaires. Ce contrôle peut emprunter deux axes : la recherche des faits matériels

portant atteintes aux libertés des administrés (a) et le contrôle de la loi touchant aux libertés

des administrés (b)

a-La recherche des faits matériels établissant des situations d’atteinte aux droits des administrés.Le contrôle de la légalité aboutit nécessairement à l’annulation d’un acte administratif attentatoire des droits et des libertés des administrés. Cependant, ce contrôle peut s’effectuer en dehors de toutes des dispositions légales et constitués plutôt à la recherche des faits matériels violant les droits et libertés. L’idée ici est qu’à partir des « situations de faits », il ressort que « les droits subjectifs objets de contestations se verront reconnaitre, dénier ou altérer par le juge, sans qu’il y ait recours à des dispositions de droits positif »102 . De ce fait, en matière de protection des droits des administrés, il est des cas où certains faits matériels ou actes matériels de l’administration portent gravement atteinte aux libertés des administrés et auquel cas le juge administratif est tenu de réagir par la sanction au cas où ces faits sont constitutifs de violation des libertés. Le cas de la violation du droit de propriété mérite d’être rappelé.

L’affaire Ono Ngafor103 et la violation du droit de propriété privée

Les faits de l’espèce méritent d’être rappelés : le 21 janvier 1981, le sous préfet de Bamenda centre, Mr. Enon Enon Samuel réquisitionne les éléments des forces de l’ordre et des prisonniers en vue de la démolition de la clôture du collège « Macho comprehensive high school » appartenant au sieur Albert Ono Ngafor situé à Atoua –Kom «(Mankon). Le plus intéressant dans l’affaire est que la preuve du détournement de pouvoir104 n’étant pas aisée, elle est difficilement apportée de manière directe et le plus souvent le juge est amené à l’admettre que de manière 102 IVAINER(T), L’interprétation des faits en droit : essai de mise en perspective cybernétique des « lumières du magistrats », LGDJ, Paris, 1988, p.7103 CS/AP, arrêt du 16 aout 1990, Albert Ono Ngafor C/Etat du Cameroun104 Le détournement de pouvoir consiste pour une autorité administrative d’user de ses pouvoirs en vue d’un but autre que celui pour lequel ils lui ont été conférés. Voir, VEDEL(G), Droit administratif, P.U.F, 1973, p.439

indirecte. En l’espèce, le juge va se fonder sur des allégations du requérant non contredite par l’administration pour établir que des faits de violation du droit de propriété ont été accomplis. En l’espèce, le juge estimera que : « Considérant qu’il ya lieu de noter que l’Etat du Cameroun n’a pas contesté les affirmations de maitre Muna contenues dans son mémoire en réponse, en date du 13 mars 1982(...), dans l’espèce, l’action des autorités administratives était encore manifestement illégale, parce qu’il s’agissait d’une tenue de palabre pour l’établissement d’un titre foncier au profit de M.Ngafor ». Et pour conclure qu’il considère « qu’une telle attitude de l’Etat ne fait que confirmer son acquiescement des affirmations de maitre Muna ». Ainsi, les faits exposés par le demandeur non contredit par l’Etat établissent qu’effectivement, il ya eu violation de la propriété privé du sieur Ono Ngafor et de ce point de vue, l’illégalité de l’arrêté fondant ces actes est aussi établies.

Il s’agit dont en l’espèce d’un mode d’établissement indirect de la preuve du

détournement de pouvoir105lequel signifiant également la présence d’actes portant atteinte

aux droits de propriété des administrés que le juge n’hésitera pas à sanctionner. L’affaire

société Renault-Cameroun106 relative au droit de propriété donnera une autre occasion au juge

administratif de confirmer son option libérale au lendemain des transitions démocratiques

tout comme les autres affaires relatives à d’autre liberté autre que le droit de la propriété.

Les faits portant violation de la liberté de commerce et d’industrie

Il s’agit de contentieux de la violation de la liberté tel qu’il ressort des affaires,

Renault-Cameroun , Noumsi Hortense et l’affaire Kouoh Ngando Emmanuel107 .Ces

affaires108 dont les faits ne méritent respectivement d’être rappelés concernent la liberté de

commerce et d’industrie.

b-le contrôle de la violation de la loi touchant aux libertés par le juge administratif

Afin d’assurer la protection des libertés, le juge administratif se sert de

l’ensemble des textes en vigueur. De ce fait, celui en plus de rechercher si les faits matériels

de l’administration portent atteintes aux libertés se rassure également que les actes de la

puissance public sont conforme aux lois en vigueur. Dans une série de décisions récentes , le

juge administratif a ainsi procédé au contrôle de conformité des actes de l’administration à la

prise en compte des composantes sociologiques en matière électorale, au contrôle des actes de

suspension et enfin au contrôle des actes de refus de légalisation. D’abord, dans l’espèce

UNC /C Etat du Cameroun109, le sieur Stanley Akwote Akondi se voit opposé un refus de

légalisation de son parti politique au motif pris de ce qu’il est dénommé Union Nation

Camerounaise (UNC) ayant pour devise PAIX –TRAVAIL-PATRIE laquelle n’est rien

d’autre que celle de la république du Cameroun. En se prononçant au fond, le juge de céans

déboutera l’administration au profit de la protection de l’administré. En s’appuyant sur

l’article 9 de la loi n°90/056110 , le juge estimera  que: «  que c’est vainement qu’on

105 VEDEL (G), op .cit ., p.610.106 CS/CA, jugement n°56 du 9 novembre 1994, Société Renault-Cameroun C/Etat du Cameroun107 CS/CA, jugement n°43/ 82-83 du 7 avril 1983 Kouoh Ngando Emmanuel C/ Etat du Cameroun.

108 Il faut rappeler que ces affaires qui sont toutes antérieures à 1990 sont restent des décisions non abrogées et de ce fait constituent la position du juge administratif en matière de liberté de commerce et d’industrie 109

110 L’article 9 de la loi n°90/056 du 19 décembre 1990 relative aux partis politiques dispose que: «  Ne

peut être autorisé, tout parti politique qui :

rechercherait dans cette énumération exhaustive et limitative, les cas invoqués dans la lettre

de refus ». Ainsi, l’administration ne saurait sans outrepasser ses pouvoir refuser de légaliser

le parti politique du sieur Akwoté Akondi pour un motif non prévu par la loi . Toute

énumération étant par ailleurs limitative. Ensuite, l’affaire Epalé Roger Delors111, le juge

administratif sera saisit d’une affaire touchant au contentieux électoral pour des élections

remportés par la liste du SDF dans la commune rurale de Baré-Moungo au motif que cette

liste composée de 25 conseillers comportant « 24 allogènes et un seul autochtone » ne

respecte pas les composantes sociologique de la circonscription. Le même jours, un autre

recourant , le sieur Ngueyong Moussa112 sollicitera l’annulation des élections municipales

pour le même motif du non respect des composantes sociologiques. Dans une comme dans

l’autre, le juge se déclarera incompétent au motif pris de ce que la loi électorale attribue à la

commission électorale de supervision la compétence pour statuer en premier ressort sur les

contestations relatives à la candidature, aux opérations pré-électorales et au dépouillement du

scrutin.

Enfin , dans l’affaire Eglise Presbytérienne Camerounaise113, le juge administratif est

saisi pour annulation de l’arrêté provincial n°535/AP/J/SG du 26 octobre 1994 portant

interdiction des réunions de l’assemblée générale et de la commission juridique de l’Eglise

presbytérienne Camerounaise alors que seul le Ministre au regard de la loi n°90/053 dispose

d’une telle compétence et non le gouverneur.

-Porte atteinte à l’intégrité territoriale , à l’unité nationale , à la forme républicaine de l’Etat , à la

souveraineté nationale et à l’intégrité nationale , notamment par toutes sortes de discriminations basées sur les

tribus , les provinces , les groupes linguistiques ou les confessions religieuses,

-Prône le recours à la violence ou envisage la mise sur pied d’une organisation militaire ou para

militaire,

-Reçoit les subsides de l’étranger ou dont l’un des dirigeants statutaires réside à l’étranger,

-Favorise la belligérance entre les composantes de la nation ou entre des pays »111 CS/CA, jugement n°59/95-96 du 18 juillet 1996, Epalé Roger Delors C/ Etat du Cameroun112CS/CA, jugement n°60/95-96 du 18 juillet 1996, Ngueyong Moussa C/ Etat du Cameroun 113 Ordonnance n°06/OSE/PCA/CS /94-95 du 29 novembre 1994, affaire Eglise Presbytérienne Camerounaise C/

Etat du Cameroun. Le juge de céans en faisant une bonne application de la loi donnera gain de cause au

requérant en ces termes : « Attendu qu’il résulte de l’article 13(1) (2) de la loi susvisée , que seul le Ministre

chargé de l’administration Territoriale peut , sur proposition motivée du préfet , suspendre , pour un délai

maximum de trois mois, l’activité d’une association ou la dissoudre par arrêté , encore que la loi n’a pas prévu

le cas d’interdiction d’activité . Qu’il s’en suit que le gouverneur de la province du centre est matériellement

incompétent pour suspendre l’activité de ladite association »

2- Les zones basses : le refus de contrôler l’opportunité et la proportionnalité des

mesures touchant aux libertés

Ces lacunes peuvent être encore qualifiées de lacunes de fond de la protection des droits fondamentaux des administrés devant le juge administratif. De ce fait, le traitement au fond des requêtes devant le juge administratif est soumis à des menaces graves aux libertés et droits fondamentaux des administrés en dépit de la proclamation au Cameroun d’une société de liberté à partir de 1990. Ici en effet, l’on observe que dans le prononcé au fond des litiges, les pouvoirs du juge administratif sont considérablement réduits en la défaveur des administrés. Du coup, cette réduction des pouvoirs du juge administratif débouche directement à l’émergence de l’érection de l’autorité de l’administration. Cette montée en puissance de l’autorité de l’administration en plus d’être en plus d’être en déphasage avec le contexte libéral actuel, constitue en même temps un anachronisme pour les libertés et droits fondamentaux des citoyens. Deux aspects peuvent être mis en exergue démontrant ainsi le manque d’audace du juge administratif générateur de risque de violation aux libertés du fait de l’excroissance des pouvoirs de l’administration qu’elle engendre. Il s’agit du refus pour le juge administratif Camerounais de contrôler l’opportunité des mesures de dissolution (a) et la proportionnalité des sanctions (b).a-Le refus de contrôler l’opportunité des mesures de dissolutionDans une position doctrinale classique, il a été admis que le juge de l’excès de pouvoir est juge de la légalité et non juge de l’opportunité114. En réalité le contrôle du juge serait tombé dans le règne du gouvernement des juges115. En effet, « un juge qui gouverne se prononce non sur la légalité mais sur l’opportunité d’une décision »116. Par contre, la doctrine moderne ne perçoit plus la légalité et l’opportunité comme deux réalités distinctes, mais comme deux faces d’une même médaille. Ainsi, « la légalité et l’opportunité ne présente pas au choix que fait le juge de

114 VEDEL (G), op ;cit ,p.321115Voir notre article sur : « le gouvernement des juges en question : réflexion sur les extensions récentes de compétence du juge administratif Camerounais », inédit116TIMIT(G), « le jugement : Guy braibant, un juge qui gouverne ? » in l’archipel de la norme, puf, paris , 1997 , p.108

contrôler l’appréciation des faits ou de s’abstenir de ce contrôle. Ainsi le domaine de l’opportunité a-t-il constamment reculé devant la persévérance du juge qui ne cesse de développer son contrôle et, par là d’étendre le domaine de la légalité »117. Désormais, l’opportunité est englobée dans la légalité118. En droit Camerounais, et dans la matière aussi sensible que le contrôle juridictionnel du pouvoir discrétionnaire de l’administration en matière des libertés, le juge administratif est amorphe. Il reste en recul par rapport au mécanisme moderne de contrôle des droits fondamentaux des administrés. Ainsi, contrairement à son homologue français dans les affaires Ville Nouvelle-Est119 et librairie Maspero120, où le conseil d’Etat avait effectué un contrôle d’erreur manifeste d’appréciation. Au Cameroun, le juge administratif reste inerte dans son contrôle qu’il effectue du pouvoir discrétionnaire de l’administration en cette matière. En effet, en droit administratif français, afin de contenir le pouvoir discrétionnaire de l’administration à des proportions congrues, en plus du contrôle de la légalité, le juge administratif peut s’aventurer dans le domaine du contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation contrôle qui en France a connu un incontestable développement121. Au Cameroun, il n’en est rien, le juge répugne de s’aventurer dans le contrôle de l’opportunité des mesures de dissolution lesquelles en réalité sont favorables à la construction de l’autorité de l’administration au détriment de la protection des droits des administrés. Ainsi, en statuant en matière de contentieux

117KAHN (J), «le pouvoir discrétionnaire et le juge administratif », IFSA, cahier n°16, 1975 éd ; cujas, p.11118 Selon le Pr DELVOLVE, « l’extension du contrôle du juge a fait reculer le domaine du pouvoir discrétionnaire donc celui de l’opportunité. Elle a déplacé la ligne de partage de l’opportunité et de la légalité. Elle n’a pas fait disparaitre le pouvoir discrétionnaire, a englobé l’opportunité dans le contrôle juridictionnel ». DEVOLVE (P), « Existe-t-il un contrôle de l’opportunité ? » in conseil constitutionnel et conseil d’Etat, LGDJ, Montchrestien, 1980, p.272119 CE, Ass, 28 mai 1971, Ministre de l’équipement et du logement C/ Fédération de défense des personnes concernés par le projet « ville –nouvelle Est »120 CE, Ass, 2 novembre 1973 societé anonyme « librairie Française Maspero », rec, 611, concl. Braibant, note, R. Drago121 Le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation a été étendu dans le droit de la fonction publique en matière d’appréciation des aptitudes d’un fonctionnaire à bénéficier des avancements. CE, sect, 22 février 1963, Maurel, rec, 119. Pour déterminer si une sanction disciplinaire est proportionnée à la gravité de la faute, CE, sect, 9 juin 1978, Lebon, rec, AJ, 1978, 575, 1979, note PACTEAU

de dissolution des associations, le juge a limité son pouvoir au contrôle purement formel de la mesure de dissolution. Aussi, affirme-t-il que : « S’il est compétent pour connaitre si l’association dissoute tombe par ses agissements sous le coup de la loi, il n’apprécie cependant pas l’opportunité de la dissolution ».En décidant en l’espèce de la sorte, le juge administratif se réfère aux anciennes décisions du conseil d’Etat de 1936122 et de ce fait marque clairement son décalage et sa régression par rapport à l’esprit de la protection des droits fondamentaux tels que formulé par les mutations libérale de 1990. Cette position défavorable à la protection des droits fondamentaux des administrés et favorables à l’autorité de l’administration dans le cadre du contentieux de la dissolution des associations est une régression déplorable. Le recul du juge est également notable dans le refus de contrôler la proportionnalité de la sanction en matière de liberté d’association.

b- Le refus du contrôle de la proportionnalité des sanctionsLe refus du contrôle de l’opportunité des décisions est une inertie qui a des ramifications en matière du contrôle de proportionnalité de la sanction. En effet, en refusant explicitement de contrôler l’opportunité des décisions de ces espèces, le juge administratif s’abstient implicitement de contrôler si les conditions de fait étaient remplies, si les faits reprochés aux associations dissoutes présentaient un caractère de nature à justifier la décision. Ainsi, le refus de contrôle de proportionnalité entre les faits reprochés aux associations et la sanction frappées par l’administration n’est pas en réalité favorable à la protection des droits fondamentaux des administrés. Aussi faut-il s’accorder avec la doctrine qui pense qu’il s’est agit dans ses espèces d’ « une jurisprudence plus politique que juridique »123. Il s’agit au vrai d’une jurisprudence teintée d’une politique politicienne favorable à l’autorité de l’administration et défavorable à la protection des droits fondamentaux de l’administration. Plus grave encore, la protection des droits fondamentaux des administrés subissent une autre

122 CE du 4 avril 1936, affaire PUJO et autres et CE 27 novembre 1936, association des croix de feu et Briscards123 GUIMDO DONGMO (R-B), le juge administratif et l’urgence, op ; cit, p.487

menace liée au prolongement regrettable de la durée du traitement de la question.

ConclusionAu total, la conversion juridique des mutations politiques interpelle les pouvoirs publics en général et la juridiction administrative en particulier à devenir « gardienne de la liberté »124. De ce fait, à l’instar du conseil d’Etat français125 celle-ci tend à être de plus en plus un rempart de la protection des administrés contre l’arbitraire de la puissance publique. Dans cette perspective, celle-ci orientée par « les forces du changement » insufflée par la libéralisation des années 1990 a redynamisé sa politique jurisprudentielle. Cependant, il serait hâtif et péremptoire de conclure au renouveau systématique de la jurisprudence de la juridiction administrative Camerounaise. De ce fait, une attitude de prudence et d’humilité mérite d’être adoptée face à la réception jurisprudentielle des mutations politiques. Par ailleurs, le juge administratif n’est pas complètement détaché du système politique Camerounais encore marqué par la construction du pouvoir du président de la république et la déconstruction des autres pouvoirs. En outre, il faut compter avec l’environnement sociétal qui continue d’exercer des pressions de toutes natures sur les juges administratifs qui loin d’être des dieux infaillibles brillent souvent par des insuffisantes juridiques notables liées parfois à leur formation privatistes. Du coup, la protection des droits fondamentaux devient aussi l’affaire des justiciables qui au lieu d’être sommeilleux doivent bâtir leur infrastructure mental en vue de vaincre « le combat pour le droit »126 et la liberté

124 HUET (P), « la juridiction administrative gardienne de la liberté individuelle », AJDA, 1973,pp.507-520125 Lire à cet effet CASSIN (R), « Le conseil d’Etat gardien des principes de la révolution française », Revue

internationale d’histoire politique et constitutionnelle, 1952, DONNE DIEU DE VABRE (J), « la protection des

droits de l’homme par les juridictions administratives en France », E.D.C.E, 1949,p .30.

126 D’après le Dr Rodolphe d’Ihering «  tout droit dans le monde a dȗ être acquis par le combat. Tous

ces principes de droit qui sont aujourd’hui en vigueur, il a fallu d’abord les imposer par la lutte à ceux qui n’en

voulaient pas, tout droit, le droit d’un peuple, comme celui d’un individu suppose qu’on est prêt à le défendre.

Le droit n’est pas une idée logique, mais une idée de force. C’est pourquoi la justice tient d’une main la balance

où elle pèse le droit, porte dans l’autre le glaive qui sert à le faire valoir. Le glaive sans la balance est force

brutale, la balance sans le glaive est le droit dans son impuissance. Des milliers d’individus voient leur vie

s’écouler facilement et sans lutte (...) le droit c’est un combat. Quant un individu est lésé dans son droit, il

s’élève pour lui une question (...) celle de savoir, s’il doit défendre, résister à l’adversaire, en un mot combattre

ou abandonner la lutte et céder, quelle que soit la solution ; il devra toujours faire un sacrifice ou bien , il

sacrifiera le droit pour la paix , ou bien la paix au droit ». IHERING (RODOLPHE) « Combat pour le droit »,

traduit de l’allemand par Alexandre François Meydier , Paris, A. Durand et Pédone, Tamil ,1875.


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