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“Les débuts de Jean Du Bellay à Rome, la cour d’Hippolyte de Médicis et le rôle de Giovan...

Date post: 22-Apr-2023
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CONTACTS MARSEILLAIS, 1533 Au mois d’oobre 1533, Clément VII et François Ier se rencontrèrent à Marseille pour célébrer le mariage entre Catherine de Médicis et Henri d’Orléans. La dynas- tie florentine et la couronne française contraaient une union destinée à contre- balancer le pouvoir exorbitant de Charles Quint en Italie ; cee rencontre était le pendant de l’entrevue entre l’empereur et Clément VII qui, à Bologne, en 1530, avait suivi le contrat de mariage du duc Alexandre avec Marguerite d’Autriche, fille naturelle de Charles Quint. Ces trente-quatre jours d’entrevues, à Marseille, furent émaillés de festivités eaculaires – cérémonies solennelles, processions, entrées, bals et somptueux banquets – durant lesquelles les hommes et les femmes de haut rang, de France comme d’Italie, rivalisèrent de magnificence et de géné- rosité2. Parmi les grands seigneurs présents au mariage royal, le neveu du pape, le jeune cardinal Hippolyte de Médicis, trouva moyen de se distinguer (Fig. 51). Il se présenta à Marseille avec une cour si nombreuse et si somptueusement vêtue qu’elle était digne de rivaliser avec celle du pape et même du roi, confirmant sa réputation de « lendeur du monde », comme l’appelait Giorgio Vasari qui, tout en n’ayant pas pris part à l’expédition de Marseille, avait pu assister à ses prépara- tifs durant son séjour à Rome3. Ce fut dans ces circonstances que Jean Du Bellay, alors évêque de Paris, se fit remarquer par un sermon latin qui fut très apprécié et dans lequel, selon ce qu’en rapporte Paolo Giovio, « il prévit que cee heureuse entrevue donnerait bientôt le fruit mûr de la paix publique à la Chrétienté4 ». En 1533, Du Bellay était désormais une figure de premier plan de la cour de France ; il jouissait de la faveur de François Ier et, surtout, il pouvait se prévaloir d’un rapport Hippolyte de Médicis de Jean Du Bellay à Rome, Les débuts Giovan Francesco Valier 1 la cour d’ et le rôle de GUIDO REBECCHINI Courtauld Institute of Art, Londres
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contacts MarseIllaIs, 1533

Au mois d’octobre 1533, Clément VII et François Ier se rencontrèrent à Marseille pour célébrer le mariage entre Catherine de Médicis et Henri d’Orléans. La dynas-tie florentine et la couronne française contractaient une union destinée à contre-balancer le pouvoir exorbitant de Charles Quint en Italie ; cette rencontre était le pendant de l’entrevue entre l’empereur et Clément VII qui, à Bologne, en 1530, avait suivi le contrat de mariage du duc Alexandre avec Marguerite d’Autriche, fille naturelle de Charles Quint. Ces trente-quatre jours d’entrevues, à Marseille, furent émaillés de festivités spectaculaires – cérémonies solennelles, processions, entrées, bals et somptueux banquets – durant lesquelles les hommes et les femmes de haut rang, de France comme d’Italie, rivalisèrent de magnificence et de géné-rosité2. Parmi les grands seigneurs présents au mariage royal, le neveu du pape, le jeune cardinal Hippolyte de Médicis, trouva moyen de se distinguer (Fig. 51).

Il se présenta à Marseille avec une cour si nombreuse et si somptueusement vêtue qu’elle était digne de rivaliser avec celle du pape et même du roi, confirmant sa réputation de « splendeur du monde », comme l’appelait Giorgio Vasari qui, tout en n’ayant pas pris part à l’expédition de Marseille, avait pu assister à ses prépara-tifs durant son séjour à Rome3. Ce fut dans ces circonstances que Jean Du Bellay, alors évêque de Paris, se fit remarquer par un sermon latin qui fut très apprécié et dans lequel, selon ce qu’en rapporte Paolo Giovio, « il prévit que cette heureuse entrevue donnerait bientôt le fruit mûr de la paix publique à la Chrétienté4 ». En 1533, Du Bellay était désormais une figure de premier plan de la cour de France ; il jouissait de la faveur de François Ier et, surtout, il pouvait se prévaloir d’un rapport

Hippolyte de Médicis de Jean Du Bellay à Rome,

Les débuts

Giovan Francesco Valier1

la cour d’

et le rôle de

g u I D o r e B e c c h I n ICourtauld Institute of Art, Londres

privilégié avec le puissant Grand Maître Anne de Montmorency. Bénéficiant d’une grande expérience de diplomate, Du Bellay dut com-prendre très vite, à Marseille, comment la cour d’Hippolyte de Médicis pouvait constituer une voie d’accès privilégiée à la cour du pape : à travers elle, il pouvait peut-être orienter les choix politiques de Clément VII en faveur de la France et, en même temps, faciliter sa propre ascension dans la hiérarchie ecclésias-tique. D’autre part, dès juillet  1532, l’ambas-sadeur François de Dinteville avait signalé au prélat français l’importance stratégique d’Hippolyte et l’avait informé lui avoir à la fois promis de l’aide pour son retour à Florence et proposé un commandement dans l’armée de François Ier, dans l’intention précisément de flatter ses ambitions politiques et de le dis-suader de prendre définitivement parti pour le camp impérial5. Ainsi, nouer des liens avec les membres du cercle le plus proche d’Hippolyte, ceux qui l’avaient suivi à Marseille, dut sem-bler à Jean Du Bellay non seulement un choix prudent mais aussi une démarche nécessaire. Parmi eux, les personnalités les plus en vue étaient d’abord le siennois Claudio Tolomei, théoricien de la politique et de la langue ita-lienne, et très savant connaisseur d’antiques6 ; le Modénais Francesco Maria Molza, courti-

san, poète, dramaturge et fidèle serviteur du cardinal de Médicis7 ; Paolo Giovio, médecin, huma-niste et historien, qui avait déjà une très longue expérience des affaires de la cour8 ; et Giovan Francesco Valier, noble vénitien qui avait eu l’occasion depuis longtemps de montrer sa fidélité à la France et qui était entré au service d’Hippolyte en 1532. C’est sur ce dernier que le prélat français choisit habilement de concentrer toute son attention, comme nous le verrons.

On ne peut être sûr des circonstances exactes dans lesquelles Du Bellay entra en contact avec la cour d’Hippolyte d’Este, à Marseille ; les cérémonies et les réceptions mondaines de ces quelques jours lui offrirent de multiples occasions. Ce qui est certain, en revanche, est que ces festivités encouragèrent le cardinal de Médicis à resserrer ses liens avec François Ier et à chercher à lui arracher des promesses plus concrètes de soutien dans la cause qui occupait tous ses esprits, à savoir supplanter son cousin haï, Alexandre, à la tête de l’État florentin9. En effet, après avoir revêtu la pourpre en janvier 1529 et après les accords relatifs au mariage d’Alexandre de Médicis avec Marguerite d’Autriche, formalisés par Clément VII et Charles Quint en juin de cette même année, à Barcelone, Hippolyte avait vu s’éloigner dramatiquement de lui cet objectif et seule une grande puissance comme la France devait lui apparaître capable de renverser à son avantage une

fig 51 > Titien, Portrait d'Hippolyte de Médicis dans un costume hongrois, 1532-1533, huile sur toile, 138 × 108 cm, Florence, Palazzo Pitti.

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situation aussi défavorable. Bien qu’il s’agisse de vaines espérances, François Ier avait intérêt à jouer le jeu, sachant l’importance que revêtait l’alliance avec un personnage comme Hippolyte, solidement inséré au cœur de la curie romaine. C’est pourquoi, durant son séjour Marseillais, le roi fit tout pour flatter les passions mondaines du jeune cardinal. L’ambassadeur de Ferrare, Carlo Sacrati, nous a fait parvenir une des chroniques les plus détaillées de ces journées, dans laquelle nous apprenons, par exemple, qu’un soir, durant un bal, le roi s’assura personnellement qu’Hippolyte puisse embrasser « à la française », toutes les jeunes femmes de la cour, au cours d’une joyeuse mise en scène représentant l’union de la cour royale et de la cour médicéenne10. En outre, François Ier promit à Hippolyte de nouvelles rentes et de nouveaux bénéfices sur les revenus ecclésiastiques qu’il avait le privilège de gérer et il se l’attacha également en lui donnant un ours « domestique » et peut-être même un lion11.

nouVelles entreVues roMaInes, 1534-1535

Quelques mois seulement après ces événe-ments, nombre des protagonistes des festivi-tés marseillaises étaient amenés à se retrouver à Rome. Hippolyte, qui devait avoir encore en tête les splendeurs de la cour de François Ier, commença, à son retour dans la ville pontifi-cale, à faire montre de la faveur qu’il accordait à la France, se liant ostensiblement aux car-dinaux transalpins12. En particulier, l’arrivée tant attendue, et très controversée, au début du mois de février  1534, de Jean  Du  Bellay ne put lui échapper. Après un séjour en Angleterre, ce dernier rejoignait Rome avec la difficile mission de convaincre Clément VII de lever l’excommunication prononcée contre Henri VIII13. Si du point de vue diplomatique, ce fut un échec, cette mission représenta dans la carrière de Du Bellay un moment crucial, dans la mesure où elle lui offrit l’occasion de faire ses premiers pas dans le monde de la Curie et d’ébaucher des négociations qui l’au-raient permis d’atteindre, l’année suivante, la pourpre tant désirée14.

Pendant son premier séjour romain, de janvier au début d’avril 1534, Du Bellay fut l’hôte d’un personnage qui occupait une position clef dans le réseau complexe de relations qui unissait la famille de Médicis et la couronne de France : Rodolfo Pio da Carpi15 (Fig. 52). Tout dévoué

fig. 52 > Franesco Salviati, Portrait de Rodolfo Pio da Carpi, 1540-1545, huile sur toile, 71,5 × 57 cm, Vienne, Kunsthisorisches Museum, Gemalde, inv. n. 3544.

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aux Médicis, Rodolfo Pio avait grandi à l’ombre de Clément VII, dans les offices de la Curie, ce qui lui avait valu en 1528 d’obtenir le titre d’évêque de Faenza16. Depuis lors, il avait mené une carrière diplomatique intense. En 1530, il avait été chargé d’une double mission, d’abord à Florence, pen-dant la parenthèse républicaine, afin de négocier le retour des Médicis en ville et ensuite auprès de François Ier, pour consolider les relations avec la France et contrebalancer ainsi le rôle prépon-dérant joué par Charles Quint dans ce même retour des Médicis à Florence17. S’étant distingué dans les négociations complexes qui avaient précédé l’organisation de l’entrevue de Marseille, Rodolfo Pio reçut en 1533 du roi de France un don de 2 000 écus en comptant, comme gage de sa reconnaissance pour le rôle important qu’il avait joué à Rome en faveur des intérêts de la France18.

Tous deux évêques, diplomates, et bientôt cardinaux, Jean Du Bellay et Rodolfo Pio partageaient non seulement le même toit, au palais Pio à Tor di Nona, mais aussi des expériences, des intérêts, des alliances communes. Tous deux, en outre, durent affronter la cour d’Hippolyte de Médicis qui n’était pas qu’un pivot de la politique romaine, comme on l’a dit, mais constituait aussi à ce moment-là le centre culturel le plus important de Rome. Au début des années 1530, la ville était encore marquée par les conséquences désastreuses du Sac mais aussi de la peste et de la famine qui l’avaient suivi19. À cela vint s’ajouter, à l’automne 1530, une inondation dévastatrice, et, pen-dant l’hiver 1533, une grave pénurie de blé qui porta la tension sociale à son comble. Durant ces années dramatiques, seule la cour d’Hippolyte se faisait remarquer, à Rome, par son activité et son faste, grâce aux subsides généreusement accordés par le pape, qui cherchait à détourner son neveu de ses ambitions florentines et à lui faire accepter son état ecclésiastique. Cette cour rete-nait depuis longtemps l’attention de tous, et Du Bellay ne dut pas faire exception.

la cour roMaIne D’hIppolyte De MÉDIcIs : lettres, arts, antIquItÉs

Au mois de janvier 1534, quand Du Bellay arriva à Rome, Hippolyte de Médicis résidait dans le palais de la Chancellerie, où il disposait d’une véritable collection d’hommes venus de toutes les parties du monde, comme l’écrivit, avec peut-être une pointe d’exagération, Paolo Giovio :

Des Barbares nés de sang princier, qui dans l’art de monter les chevaux et de sauter com-blaient d’émerveillement ceux qui les voyaient. Il y avait aussi des Tartares, incomparables archers, et des Maures Indiens, qui battaient à la lutte les plus gaillards des hommes. Il y avait aussi dans sa maison des Indiens, lesquels savaient si bien nager et plonger sous l’eau que [le cardinal] les prenait tour à tour pour maîtres dans sa folle ardeur juvénile. Il employait aussi des Turcs extrêmement habiles dans le maniement des armes de chasse qui nuit et jour veillaient sur sa personne.20

Hippolyte cultivait, outre les spectacles, les lettres et les arts. Il avait pris à son service et sous sa protection non seulement ceux que nous avons déjà nommés, Giovio, Tolomei et Molza, mais aussi le grand humaniste Pierio Valeriano, qui avait été son précepteur, d’abord à Florence puis à Rome, et également, à partir de 1532, le grand poète burlesque Francesco Berni. Des auteurs comme l’Arioste ou l’Arétin ne manquèrent pas de prodiguer leurs éloges à Hippolyte pour son mécénat généreux et libre, ainsi que pour sa production poétique de qualité21.

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Du côté des arts visuels, Hippolyte avait fait faire son portrait par Titien en 1532 ; sur le tableau aujourd’hui conservé dans la Galerie Palatine du Palazzo Pitti, il apparaît dans un vêtement exo-tique et martial, dit « à l’hongroise » (Fig. 5122). Il avait aussi accueilli à sa cour le tout jeune Giorgio Vasari, commandé des précieuses gravures sur cristal de roche à Giovanni Bernardi da Castelbolognese, sans compter ses relations avec Michel-Ange23. Le voyage en France de 1533 lui avait également donné l’occasion d’élargir le cercle des artistes à son service. Il avait ramené de Marseille à Rome un sculpteur de haut niveau : Alfonso Lombardi. Ce dernier avait été invité à se joindre au cortège pontifical à Carrare, sur la route de la France et à Marseille il s’était fait si bien remarquer que François Ier lui avait proposé de venir travailler à sa cour selon un enga-gement, comparable à celui de Rosso Fiorentino, qui prévoyait « mille deux cents francs par an et le paiement des œuvres24 ». Le sculpteur cependant refusa et accepta l’offre concurrente de suivre Hippolyte à Rome, ville qu’il n’avait encore jamais vue. Durant les deux années suivantes, Alfonso exécuta pour le cardinal des bustes de membres de la famille de Médicis, des têtes à l’antique, des médailles et des reliefs, devenant son artiste de cour à tout point de vue25.

Hippolyte ne s’intéressait pas seulement aux arts modernes, il était aussi passionné d’antiques et, dès 1529, dans une lettre adressée à Filippo Strozzi dans laquelle il était question de pièces antiques à envoyer en présent à François Ier, le cardinal était cité parmi les principaux acquéreurs d’antiques sur le marché romain26. Les Hieroglyphica de Pierio Valeriano mentionnent plusieurs fois les collections d’Hippolyte et ses demeures étaient décorées d’innombrables marbres, dont certains se retrouvent dans les dessins d’un artiste qui dut être un de ses proches, Marten van Heemskerck, et qui semble avoir pu accéder librement aux collections médicéennes27.

La cour d’Hippolyte, cependant, ne constituait pas seulement un important outil pour construire et promouvoir l’image de celui qui en était le moteur. Sur un autre plan, plus général, elle fonctionnait comme un catalyseur puissant d’intérêts à la fois politiques, artistiques et culturels, et ce rôle ne pou-vait que susciter la curiosité et l’imagination de Du Bellay qui, comme nous le verrons, fit la preuve de son habileté à tirer parti des aspirations politiques du jeune cardinal à l’avantage de la France.

gIoVan francesco ValIer : secrÉtaIre, InterMÉDIaIre et espIon

Dans ce but, un des principaux traits d’union entre Du Bellay et la cour d’Hippolyte fut Giovan Francesco Valier, connu aussi sous le nom italianisé de Valerio qui, venu de Venise, avait rejoint la cour d’Hippolyte en octobre 153228. Né vers 1485, fils illégitime du patricien vénitien Carlo Valier, Giovan Francesco reçut une excellente éducation humaniste et dès 1505 on le voit en relation avec Pietro Bembo qui l’envoie de Venise à Mantoue en tant que « membre de ma famille » pour porter à Isabelle d’Este le don de trois de ses compositions poétiques29. Dans les années qui suivirent, Giovan Francesco conserva des liens étroits avec la marquise de Mantoue à laquelle, en 1511, il fit parvenir de Venise en présent une tête de marbre antique provenant de Rhodes ; et il devint l’intime de son secrétaire, Mario Equicola30. Justement au début des années 1510, il semble avoir rejoint la cour du cardinal Bernardo Dovizi da Bibbiena qui, dans une lettre de 1511, en parle comme de « son très fidèle » et en 1518, de « son secrétaire31 ». Homme de grande culture et très vivement intéressé par les arts, Bibbiena occupa un rôle important à la cour de Léon X et ceci permit à Giovan Francesco de se trouver au centre du pouvoir de la

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Curie romaine ; il put se maintenir dans cette position privilégiée pendant une décennie environ, jusqu’à la mort de son patron, en décembre 152032. Il resta sans doute dans l’orbite de la cour des Médicis dans les années suivantes et, après la tragédie du Sac de 1527-1528, il suivit à Vérone l’évêque Matteo Giberti, l’artisan de l’alliance entre le pape et la France, y demeurant jusqu’en 1532. Saisissant l’occasion du passage d’Hippolyte de Médicis dans la cité vénète, il entra alors à son service et revint à Rome33. Cependant, il ne tint pas non plus longtemps cette place : en 1535, à la suite de l’empoisonnement du jeune Médicis, Giovan Francesco se trouva une fois de plus sans protecteur. Il retourna donc à Venise, où sa carrière se termina tragiquement : après avoir été exilé temporairement de la ville en 1537 pour avoir violé des secrets d’État, il fut pendu en 1542 place Saint-Marc comme traître à la République (annexe 1 p. xxx34). Il avait été reconnu coupable d’avoir révélé d’importants secrets à l’ambassadeur de France à Venise à qui, profitant de son poste de secrétaire au chiffre, il avait fourni des informations sur les concessions que le Conseil des Dix était prêt à faire à Soliman, en échange du maintien du contrôle vénitien sur les routes commerciales dans la Méditerranée orientale.

Avant même d’être connu comme espion, cependant, Valier avait été apprécié comme homme de lettres. Loué par Pietro Aretino et évoqué par Ludovico Arioste pour ses nouvelles (désormais perdues), Valier est aussi l’auteur présumé de La venexiana35, et il entretint des relations avec tous les plus grands hommes de lettres de son temps : en 1512 Bembo sollicita son avis sur la toute première version de ses Prose della volgar lingua ; en 1528 Baldassarre Castiglione lui envoya le Libro del Cortigiano pour une dernière révision linguistique et enfin, en 1539, Claudio Tolomei lui dédia les Versi e regole della poesia toscana, dans lesquels il se souvenait « de ce temps où dans la très splendide maison du divin cardinal de Médicis, je passais avec vous presque toutes les heures du jour36 ». Comme le cardinal de Médicis, Valier était un collectionneur d’antiques très pointu et dans sa maison à Murano il avait aménagé « un petit studio, comme nous l’appelons, orné de quantité de belles antiquités de marbre et de bronze37 », où il se montrait impatient d’accueillir un Marsias et un Cupidon antiques38.

On dispose d’un document important pour comprendre le rôle clef joué par Valier sur l’échiquier politique romain, où agissait aussi Du Bellay : il s’agit d’une lettre que ce dernier écrivit au cours de son premier séjour romain, précisément le 15 mars 1534, à Anne de Montmorency. Du Bellay y suggère de flatter le plus possible le secrétaire d’Hippolyte, Giovan Francesco Valier, dans la mesure où, grâce à son influence, il pourrait être possible de gagner le cardinal aux intérêts français et peut-être d’obtenir des informations confidentielles sur la politique pontificale : « vous veulx bien advertir – écrivait Du Bellay – que vous ‘avez icy ung seul moyen, je diz ung seul, de sçavoir les choses bien dangereuses ou bien secretes que par Valerio, secrétaire du cardinal de Médicis auquel cardinal on n’ose riens celer39 ». Dans ce but, Du Bellay sollicitait sans cesse pour Valier la dévolution du revenu d’une abbaye, cadeau qui, selon lui, aurait valu pour Montmorency, en honneur et influence politique, bien plus que 10 000 écus de rente40. La stratégie suggérée par le prélat français fut couronnée de succès et au début du mois de juillet 1534 Valier informa Du Bellay qu’Hippolyte était désormais clairement acquis aux intérêts de François Ier et qu’il était prêt à nouer des liens plus étroits avec la couronne de France41. Dans une longue lettre du 17 août 1534, Valier rassurait à nouveau Du Bellay sur les dispositions d’Hippolyte en faveur de la France, malgré les pressions qu’il subissait de personnages de sa cour liés au parti impérial42.

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les MarBres antIques et l’ÉconoMIe De la rÉputatIon

Comme on l’a déjà aperçu, ces relations politiques et diplomatiques impliquaient des échanges continuels de dons, à travers lesquels les acteurs se liaient les uns aux autres par des obliga-tions réciproques, créant un réseau dense d’intérêts croisés. À ce propos, la correspondance de Du Bellay, ainsi que d’autres sources, nous informent sur l’intense circulation de têtes antiques entre Clément VII, Rodolfo Pio, Giovan Francesco Valier, Hippolyte de Médicis, Jean Du Bellay et Anne de Montmorency. Dès 1533, à Marseille, Du Bellay n’a pas manqué de remarquer « les trois têtes de marbre antique » que le pape avait fait venir de Rome pour les offrir au principal interlocuteur politique du prélat français, Anne de Montmorency, dont la collection d’antiques avait fait l’admiration de Du Bellay lui-même à Chantilly, en 153043. La passion de Montmorency pour les objets antiques était bien connue et, à peine arrivé à Rome, en 1534, Du Bellay se mit en chasse de nouveaux objets pour lui. Le 15 mars, par exemple, il lui écrivit disposer d’une demi-douzaine de belles têtes antiques, dont une très rare de César, que Rodolfo Pio avait réunies pour lui et qu’il ferait restaurer et envoyer par bateau en France44. En juin 1535, ces statues étaient installées à Chantilly mais, selon le Grand Maître, « il reste des places vuydes » et il demandait à Du Bellay de continuer à l’aider à les remplir45. Rodolfo Pio avait quant à lui consolidé ses rela-tions avec Hippolyte de Médicis en lui donnant une précieuse tête antique de Marc Aurèle que cependant, à la mort du cardinal, en 1535, il s’efforça de récupérer46.

À la même période, Du Bellay était aussi à la recherche de marbres antiques pour décorer la rési-dence qu’il projetait d’édifier à Saint-Maur et dont il avait confié le projet à Philibert de l’Orme47. Dans cette recherche, il fut aidé par Rodolfo Pio qui, quelques mois après le départ de Du Bellay de Rome, en juillet 1534, lui écrivit pour lui exprimer son désir de le voir bientôt de retour dans la ville papale, pour pouvoir avec lui « sans souci, aller revoir des sculptures antiques et en choisir quelques-unes pour les envoyer à Saint-Maur48 ». La passion antiquaire de Du Bellay devait être bien connue et le même jour où Rodolfo Pio écrivit ceci au prélat français, Valier lui signalait lui aussi par lettre une « tête digne de figurer parmi celles que votre seigneurie a rapportées d’ici49 ». Peut-être s’agis-sait-il de la tête dont il donne des nouvelles dans une lettre postérieure de quelques semaines, infor-mant Du Bellay qu’il avait préparé l’expédition d’« une tête de femme…, très belle et antique », une œuvre qui présentait, selon ses mots, « la plus belle coiffure » que l’on puisse désirer et dont il avait fait retoucher « le nez et la bouche » par le sculpteur de la cour d’Hippolyte, Alfonso Lombardi, tandis qu’une autre tête, celle-ci destinée à Anne de Montmorency, n’était pas encore prête50.

Grâce à la médiation de figures comme celles de Du  Bellay, Rodolfo Pio ou Valier, la cour d’Hippolyte jouait un rôle charnière dans les relations entre la cour de France et la cour pontificale ; ces relations, cependant, allaient bien au-delà des limites de la cour du jeune cardinal et impliquaient un ensemble de figures appartenant au Sacré Collège, comme Francesco Pisani, Marino Grimani, Agostino Trivulzio et Nicolò Gaddi, qui à la Curie soutenaient tous, à des degrés divers, les intérêts de la France. Quand les sources permettent de le savoir, on s’aperçoit que pour eux aussi, comme s’il s’agissait d’un rituel bien installé, les statues représentaient un outil essentiel dans la construction de liens personnels et politiques. Par exemple, ayant appris l’intérêt de Du Bellay pour les antiques, Francesco Pisani décida en 1534 de lui faire présent d’un précieux sarcophage (« pillon ») qu’il avait précédemment fait venir de Venise à Rome. La perspective de son exportation vers la France avait cependant suscité le mécontentement des

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autorités civiles de Rome, qui ne voulaient pas que cette œuvre quitte la ville. Comme l’écrivit Jean Marette, qui était resté à Rome comme agent de Du Bellay après son départ, en 1534, les protestations des Romains sont telles que le pape qui avait consenti dans un premier temps à l’expédition, avait été finalement contraint de changer d’avis et d’empêcher le voyage de l’œuvre, tout en ordonnant que d’autres anticaglie soient envoyées à sa place51.

Dans le réseau dense de relations décrit jusqu’ici, les intérêts politiques et culturels, les dons d’anti-quités et les échanges d’informations s’entrelacent pour former une trame serrée de liens grâce aux-quels chacun des membres construit sa propre réputation et assoit sa propre autorité. Il s’agissait d’une économie qu’on peut dire relationnelle plutôt que d’une économie basée sur les échanges monétaires, et c’est pourquoi elle était si volatile et susceptible de brusques revers liés à la fortune des acteurs ou aux circonstances changeantes du moment. Dans ce cadre, les marbres antiques semblent avoir constitué un bien d’échange susceptible de créer et de consolider des liens, aux-quels ils conféraient une matérialité tangible. Pour remplir cette fonction, les statues, les têtes, les médailles et les reliefs antiques passaient de main en main, rapidement, jusqu’à aller coaguler, pour ainsi dire, dans les palais et les villas suburbaines, enrichissant les espaces qui leur étaient dédiés, dans les niches des jardins ou des cours, dans les cabinets ou dans les premières galeries. Sous cet angle, dès sa première rencontre avec Rome, en 1534, Du Bellay se montra capable de comprendre l’importance de relations fondées sur des intérêts politiques et artistiques, inextricablement mêlés, se révélant en ce sens, aux côtés de personnages comme Rodolfo Pio et Valier, un très habile inter-médiaire, avant de plonger lui-même dans le mythe et le culte de la romanité.

a n n e x e

exécution de giovan francesco Valier

Archivio di Stato di Mantova, Archivio Gonzaga, b. 1474, fo n.n., Ludovico Tridapale à la cour de Mantoue (insert), 27 septembre 1542.

« Il venerdì mattina doppo la partita de vostra signoria furno impiccati monsignor Valerio, il Cavazza, et l’Abondio, secondo che prima era sta’ terminato, et perché mi persuado ch’ella havrà piacere sapere tutt’il successo de la cosa, le dico che quella mattina fin a hora terza stettero serrate le porte del Palazzo de San Marco, così delle faccie della piazza, come quelle per le quale s’entra in chiesa, le quali tutte furno aperte nel condur fuori li detti tre sfortunati, li quali ussirono per la porta ch’è scontro al campanile per dove uscirno prima da 80 de quelli de la schola di San Fantino a dui a dui con grosse torze innanzi et doppoi il Cavazza, drieto al quale veniva monsignor predetto et doppo lui l’Abondio, et tutti col capestro al collo, et accompagnati da frati di san Francesco che li confortavano, et gionti alla forcha, doppo l’essere stati così per spatio di meggio quarto d’hora, il Cavazza fu condotto alla schala su la quale stette un pezzo dispensando il tempo in certe parole superflue, per le quali si fece tenere homo di poco cervello, et doppoi fu impiccato. Il che sequitò il Capitano grande s’acostete a monsignor Valerio, al quale doppo l’haverli fatto riverentia

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et domandato perdono disse che a lui toccava la volta, et così egli senza mostrare di temere ponto la morte disse al Capitano “eccomi” e che volesse oprare ch’el ministro di la giustitia facesse in lui meglio l’officio suo di quello haveva fatto nel Cavazza, il quale havea stentato assai nel morire, et doppoi chiamò il Piovano de San Samuelle, al qual ha renunciato li suoi beneficii ch’ha potuto renunciare con obligo et doppoi da lui siano renunciati a suoi figliuoli, et così pian piano li parlò in l’orecchia sempre con grandissimo sudore alla fronte, et doppo lo baciò et licentiò da sé insieme con un suo servitore ch’era con lui, il quale piangeva amarissimamente, havendo prima cercato esso monsignor di acquetarlo, con iiii o sei parole che li disse, et fatto questo s’aviò verso la schala di la forcha, alla quale gionto incominciò a salire con maggior forza d’animo et di corpo, imperoché era meggio stropiato per li molti tormenti che gli sono sta’ dati in pregione et, gionto all’ultimo grado, havendo prima detto a chi gli havea da tuore la vita che non li vuolesse tuore li panni de che era vestito, ch’erano una veste alla romana de panno cotonato tutta fodrata di veluto negro et uno saglio et giupone de veluto medemamente, perché e’ gli havrebbe fatto dare l’equivalente et fatta quella gran dimonstratione di tenere quel conto di l’anima che potesse fare alcun altro cristiano, egli medesimo s’accomodò il laccio alla meglio che puoté con le mani che havea legate di nanzi, al contrario di altri dui, et chiusa la bocca et gli occhi per non morire con gli occhi aperti, né con la lingua su li labri come fanno la maggior parte di quelli che moreno a questo modo, fece segno di non volere passare più oltra et così finite sua vita col maggior dispiacere del mondo di tutta questa città, havendosi fatto conoscere nel morire per molto più prudente de quello ha fatto nel darsi pregione. Intendo ch’el giovedì si fece condure in Consiglio di X et che nanti tutti quelli signori fece una oratione in lingua volgare con tanta audacia et prudentia che non fu alcuno di loro che non potesse tenere dalle lacrime, et io lo credo perché mentre ch’egli saliva la schala di la forcha vidi messer Francesco Longo et messer Stephano Tiepolo a piangere dirottamente, et a levarsi da vederlo et pur sono stati dui de quelli che l’hanno collegato et condemnato a morte, la quale seguita in così raro gentiluomo. Fu impicato l’Abondio, che si mostrò benissimo disposto et con questo similmente misero spettaculo, doppo il quale non è sta fatto altro da questi signori ».

« Le vendredi matin, après le départ de Votre Seigneurie, furent pendus Monseigneur Valier, le Cavazza et l’Abondio, comme il en avait été décidé et parce que je suis sûr que vous aurez plaisir à connaître le détail de cela, je vous dirais que ce matin-là, jusqu’à la troisième heure, les portes du Palais de Saint-Marc sont restées fermées, comme celles des façades de la place et celles qui donnent accès à l’église. Toutes furent ouvertes au moment où les trois infortunés furent conduits dehors. Ils sortirent par la porte qui est en face du campanile, par où étaient déjà sortis 80 membres de la schola de San Fantin, deux par deux, précédés de grosses torches. Derrière eux s’avança d’abord le Cavazza, derrière lui Monseigneur susdit et après lui l’Abondio, tous trois avec la corde au cou et accompagnés de Frères de saint François qui les réconfortaient. Arrivés au gibet, après un demi quart d’heure le Cavazza fut conduit sur l’escalier, où il resta un bon moment, perdant son temps en paroles superflues qui lui valurent de passer pour un homme de peu de cervelle ; après quoi, il fut pendu. Alors le grand Capitaine s’approcha de Monseigneur Valier, à qui, après lui avoir fait la révérence, il demanda pardon et lui dit que c’était son tour ; sans montrer la moindre crainte de la mort, il répondit au Capitaine : « me voici » et il lui dit qu’il voulait que le ministre de la justice fasse mieux son office pour lui qu’il ne l’avait fait pour Cavazza, qui avait bien peiné pour mourir ; il appela ensuite le curé de San Samuel, au profit duquel il renonça à tous les bénéfices auxquels il pouvait renoncer, avec obligation après lui, d’y renoncer au profit de ses enfants et il lui parla ainsi tout bas dans l’oreille, le front couvert de sueur, et finit par l’embrasser

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et prendre congé de lui, ainsi que d’un de ses serviteurs qui l’avait accompagné et qui pleurait très amèrement. [Valier] chercha à le consoler par quatre ou six mots qu’il lui dit, puis il se tourna vers l’escalier du gibet, qu’il commença à gravir avec un grand effort, du corps et de l’esprit, parce qu’il était à moitié estropié par les nombreux tourments qu’il avait subis en prison. Enfin, sur la dernière marche il dit à celui qui devait lui ôter la vie qu’il ne voulait pas qu’il lui enlève les vêtements qu’il portait – qui étaient une veste à la romaine de drap de coton toute doublée de velours noir et un gilet et une tunique tout de velours de même – parce qu’il lui aurait fait donner l’équivalent. Et ayant ainsi fait la preuve éclatante du souci qu’il prenait de son âme, comme tout autre chrétien, il se mit lui-même la corde, comme il put, puisqu’il avait les mains liées devant lui, contrairement aux deux autres, il ferma les yeux et la bouche, pour ne pas mourir les yeux ouverts et la langue pen-dante, comme la plupart de ceux qui meurent de cette façon. Il fit signe qu’il ne voulait pas durer plus longtemps et il finit ainsi sa vie au plus grand regret de toute la ville, s’étant fait connaître en mourant pour beaucoup plus prudent qu’il ne s’était montré en se faisant emprisonner. On m’a dit que jeudi, se faisant conduire devant le Conseil des Dix, il fit un discours en vulgaire si audacieux et si prudent qu’aucun de ces magistrats ne put retenir ses larmes ; et je veux bien le croire, car tandis qu’il montait les marches du gibet je vis messire Francesco Longo et messire Stephano Tiepolo pleuraient abondamment et s’empêchaient de le regarder, et pourtant ils ont été du nombre de ceux qui l’ont condamné à mort, et ainsi est-il arrivé à ce très rare gentilhomme.

L’Abondio fut pendu et il s’y montra très bien disposé et après un aussi triste spectacle, il ne fut rien fait d’autre ».

n o t e s

1 > Je remercie particulièrement Barbara Furlotti, comme toujours, mais aussi Flaminia Bardati et Guillaume Alonge pour leurs très précieux conseils.

2 > Sur cet épisode, voir Paolo Giovio, Delle storie del suo tempo… tradotte da Messer Lodouico Domenichi, Venezia, Altobello Salicato, 1572, II, p. 288-290 ; Ludwig von Pastor, Storia dei papi dalla fine del Medio Evo compilata col sussidio dell’Archivio segreto pontificio e di molti altri Archivi, nouvelle traduction italienne d’A. Mercati, Roma, Desclée e c.i editori pontifici, 1956, IV, 2, p. 447-452 ; T.C. Price Zimmermann, Paolo Giovio. The Historian and the Crisis of Sixteenth-Century Italy, Princeton, Princeton University Press, 1995, p. 131-132 ; Guido Rebecchini, « Un altro Lorenzo » Ippolito de’ Medici tra Firenze e Roma (1511-1535), Venezia, Marsilio, 2010, p. 103-106.

3 > Giorgio Vasari, Libro delle ricordanze, éd. A. del Vita, Arezzo, Casa Vasari, 1927, p. 340, « era lo splendore del mondo el Chardinale de Medici: e mandò la sua corte sì sontuosamente vestita che non si aveva a vergognare da quella del re. Non solo un tratto li rivestì, ma tre o quattro volte, e qua si dice più di sua magnificenza e liberalità di sua reverendissima e illustrissima signoria che non si fa del pontifice cholli sua reverendissimi ».

4 > Paolo Giovio, Delle storie…, op. cit., p. 288 ; T.C.P. Zimmerman, Paolo Giovio…, op. cit., p. 131.

5 > CCJDB, t. I, n. 133, p. 279, 13 juillet 1532.

6 > Sur Tolomei, Luigi Sbaragli, Claudio Tolomei umanista senese del Cinquecento. La vita e le opere, Siena, Accademia per le arti e le lettere, 1939, reste une référence.

7 > Pour Molza on doit encore renvoyer à Pier Antonio Serassi, « La vita di Francesco Maria Molza », dans Poesie di Francesco Maria Molza, Milano, Società tipografica de’ classici italiani, 1808. Voir aussi Franco Pignatti, « Molza, Francesco Maria », DBI, t. 75, p. 451-461.

8 > Pour Giovio voir T.C.P. Zimmerman, Paolo Giovio…, op. cit. et Barbara Agosti, Paolo Giovio. Uno storico lombardo nella cultura artistica del Cinquecento, Firenze, Olschki, 2008. Du Bellay se lia avec Paolo Giovio d’une amitié qui devait durer jusqu’à la fin des années 1540 ; voir Franca Bevilacqua Caldari, « Un brano delle Historiae del Giovio in una lettera inedita

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del Cardinale Jean Du Bellay », Studi romani, 19, 1971, p. 431-452 (notamment p. 439-440 pour les relations qu’ils entre-tinrent entre 1533 et 1535).

9 > Les raisons et les suites de cette dispute sont développées dans G. Rebecchini, « Un altro Lorenzo »…, op. cit.

10 > Ibid., p. 105-106.

11 > Archivio di Stato di Modena, Archivio Estense (désormais ASMo, AE), Ambasciatori, Francia, b. 10, Alberto Sacrati à Ercole d’Este, 12 novembre 1533 : « sua maestà gli ha donato uno orso molto domestico qual li fa donar per il Barba Rossa et sua signoria reverendissima [Ippolito de’ Medici] l’ha acceptato ». Pour le lion, Paolo Giovio, Istorie del suo tempo tradotte per Ludovico Domenichi, Firenze, Lorenzo Torrentino 1553, II, p. 408 : « Donò ancora al cardinale Hippolito de’ Medici, il quale l’hebbe carissimo, havendo egli con nobil rispetto rifiutato doni maggiori, un grandissimo leone domestico, il quale gli era stato mandato di Barberia da Hariadeno Barbarossa con ambasciatori ». L’indication commune de Barbarossa comme pourvoyeur de ces deux bêtes sauvages donne à penser qu’il s’agissait d’un seul et même animal, selon toute vraisemblance un ours.

12 > Au mois d’octobre 1534, par exemple, Hippolyte offrit une chasse grandiose à laquelle participèrent les cardinaux Jean de Lorraine, Jean le Veneur de Tillières et Odet de Coligny de Châtillon ; voir G. Rebecchini, « Un altro Lorenzo »…, op. cit., p. 119.

13 > L’arrivée de Du Bellay à Rome se déduit de la lettre (ASMn, AG, b. 883, fo 23vo), de Fabrizio Pellegrini à Federico Gonzaga, 12 février 1534, « Giunse el vescovo di Pariggi et l’ariporto c’ha fatto delle cose d’Inghilterra, altro non s’intende ch’esservi poco di buono, anzi che il re persevera in questa sua ostinatione… Al vescovo di Pariggi et al vescovo di Maccone, ambasciatore franzese Nostro Signore fa grandissima ciera et carezze, credo non senza gelosia et suspictione grande de l’imperiali et, per quel che si vede, grandissimamente trame et maneggi vanno intorno. Iddio voglia che partoriscano buon fine et effetto, però ch’ogniuno ne sta suspeso. »

14 > Du Bellay fut élevé à la pourpre cardinalice le 21 mai 1535, durant les premiers mois du pontificat de Paul III. Il faut sou-ligner qu’Hippolyte et les cardinaux français jouèrent un rôle déterminant dans l’élection du pape Farnèse qui, se montrant fermement décidé à rétablir l’équilibre des forces entre la France et l’empire, par la réduction du pouvoir de ce dernier, promettait de prendre de nouvelles positions politiques favorables à François Ier.

15 > CCJDB, t. I, p. 171, 345, 8 février 1534, Jean Du Bellay à Anne de Montmorency. Dans cette lettre, le cardinal l’informe qu’il loge chez Rodolfo Pio « chez luy-mesmes et m’a faict, et faict journellement, pour respect du Roy plus de recueil que je ne merite ». Pour un portrait de Rodolfo Pio, voir Francesco Salviati o la Bella Maniera, catalogue de l’exposition, éd. C. Monbeig Goguel, Milano, Electa, 1998, p. 230.

16 > Sur Rodolfo Pio, voir La nunziatura in Francia di Rodolfo Pio (1535-1537), éd. P.G. Baroni, Bologna, Tamari, 1962 ; Fabrizio Capanni, Rodolfo Pio da Carpi. Diplomatico, Cardinale, Collezionista. Appunti Bio-Bibliografici, Meldola, Accademia degli Imperfetti, 2001 ; Gli inventari dell’eredità del cardinale Rodolfo Pio da Carpi, éd. C. Franzoni, G. Mancini, T. Previdi et M. Rossi, Pisa, Edizioni ETS, 2002 ; Alberto III e Rodolfo Pio da Carpi collezionisti e mecenati, actes du séminaire international, éd. M. Rossi, Carpi, Comune di Carpi, 2004.

17 > Massimiliano Zanot, Rodolfo Pio da Carpi. La carriera di un ecclesiasitico alla corte di Roma, dans Alberto III e Rodolfo Pio da Carpi…, op. cit., p. 88.

18 > ASMo, AE, Ambasciatori, Roma, b. 35, fasc. 223, II, 80, Francesco Saraceni à Alfonso d’Este, 29 novembre 1533.

19 > Voir, sur cette période, Guido Rebecchini, « After the Medici: The New Rome of Pope Paul III Farnese », I Tatti Studies, 11, 2007, p. 301-353.

20 > Paolo Giovio, Gli elogi vite breuemente scritte d’huomini illustri di guerra, antichi et moderni… tradotte per M. Lodouico Domenichi, Firenze, Lorenzo Torrentino, 1554, fos 352-353.

21 > Sur le mécénat littéraire d’Hippolyte, je me permets de renvoyer encore à G. Rebecchini, « Un altro Lorenzo »…, op. cit., chapitre 8, p. 191-219.

22 > Harold E. Wethey, The Paintings of Titian. II. The Portraits, London, Phaidon, 1971, p. 119, n. 66, fig. 65 et Tiziano nelle Gallerie fiorentine, catalogue de l’exposition, éd. G. Agostini et al., Firenze, Centro Di, 1978, p. 36-41.

23 > Sur le mécénat artistique du cardinal médicéen, voir G. Rebecchini, « Un altro Lorenzo »…, op. cit., p. 221-261 et, pour les relations avec Vasari en particulier, Id., « Il giovane Vasari a Roma e gli scambi con la cerchia di Ippolito de’ Medici (1532-1535) », dans Giorgio Vasari e il cantiere delle Vite del 1550, actes du colloque, éd. B. Agosti et S. Ginzburg, en cours de publication.

24 > Norberto Gramaccini, Alfonso Lombardi, Frankfurt a. M., Lang, 1980, p. 133-134, doc. 6, 25 novembre 1533.

25 > G. Rebecchini, « Un altro Lorenzo »…, op. cit., p. 251-259.

26 > Caroline Elam, « Art in the Service of Liberty. Battista della Palla, Art Agent for Francis I », I Tatti Studies, 5, 1993, p. 52-53.

27 > Kathleen W. Christian, « For the Delight of Friends, Citizens, and Strangers: Maarten van Heemskerck’s Drawings of Antiquities Collections in Rome », dans Rom zeichnen. Maarten van Heemskerck 1532-1536/1537, éd. T. Bartsch et P. Seiler, Berlin, Mann Verlag, 2012, p. 146.

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28 > G. Rebecchini, « Un altro Lorenzo »…, op. cit., p. 102, 200 et ad indicem.

29 > Sur Valier, voir Alessandro Luzio et Rodolfo Renier, La coltura e le relazioni letterarie di Isabella d’Este Gonzaga (1899-1903), éd. S. Albonico, Milano, Sylvestre Bonnard, 2005, p. 164-168 ; Giorgio Padoan, Momenti del Rinascimento veneto, Padova, Antenore, 1978, p. 336-345 ; Amedeo Quondam, « Questo povero Cortegiano » Castiglione, il libro, la storia, Roma, Bulzoni, 2000, p. 302-304.

30 > Sur le don de cette tête antique, voir Clifford M. Brown, Per dare qualche splendore a la gloriosa cità di Mantua. Documents for the Antiquarian Collection of Isabella d’Este, Roma, Bulzoni, 2002, p. 248-249, 5 juin 1511, de Venezia ; pour quelques témoignages de ses liens avec l’Equicola, cfr. Stephen Kolsky, Mario Equicola. The Real Courtier, Geneve, Droz, 1991, p. 117, 122 et A. Luzio, R. Renier, La coltura e le relazioni…, op. cit., p. 160-161.

31 > Voir respectivement Epistolario di Bernardo Dovizi da Bibbiena, éd. G.L. Moncallero, Firenze, Leo S. Olschki, 1955, I, p. 251, et II, p. 122.

32 > Sur le cardinal Bibbiena, Giuseppe L. Moncallero, Il cardinal D. da Bibbiena umanista e diplomatico (1470-1520): uomini e avvenimenti alla luce di documenti inediti, Firenze, Olschki, 1953 ; Giorgio Patrizi, « Dovizi Bernardo, detto il Bibbiena », DBI, t. 41, p. 593-600 ; Angelica Pediconi, « Cardinal Bernardo Dovizi da Bibiena (1470-1520): A Palatine Cardinal », dans The Possessions of a Cardinal: Politics, Piety and Art, 1450-1700, éd. M. Hollingsworth et C.M. Richardson, University Park, The Pennsylvania State University Press, 2009, p. 92-112.

33 > G. Rebecchini, « Un altro Lorenzo »…, op. cit., p. 102, 200.

34 > Sur l’édit de 1537, voir A. Luzio, R. Renier, La coltura e le relazioni…, op. cit., p. 167. Le procès de 1542 à charge contre Valier, conservé dans l’Archivio di Stato di Venezia, est cité par Adriano Prosperi, Tra evangelismo e controriforma, G.M. Giberti (1495-1543), Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 1969, p. 316. Voir aussi Nuccio Ordine, « Giovan Francesco Valier, homme de lettres et espion au service de François Ier », dans La circulation des hommes et des œuvres entre la France et l’Italie à l’époque de la Renaissance, actes du colloque, Paris, Université de la Sorbonne nouvelle, 1992, p. 225-245.

35 > Giorgio Padoan, La commedia rinascimentale veneta, Vicenza, Neri Pozza, 1982, p. 150-152.

36 > Cité par A. Quondam, Questo povero…, op. cit., p. 302-303.

37 > La phrase est tirée d’une lettre sans date, écrite par Valier à Giovan Francesco Bini da Murano, publiée dans De le lettere facete et piacevoli di diversi grandi huomini, et chiari ingegni raccolte per M. Dionigi Atanagi, Venezia, Bolognino Zaltieri, 1565, s.d., p. 191-192.

38 > De le lettere facete…, op. cit., s.d., p. 192-193.

39 > CCJDB, t. I, p. 178, p. 374-375, Jean Du Bellay à Anne de Montmorency, 15 mars 1534 : « Aussi Monsieur, vous veulx bien advertir que vous ‘avez icy ung seul moyen, je diz ung seul, de sçavoir les choses bien dangereuses ou bien secretes que par Valerio, secretaire du cardinal de Medicis auquel cardinal on n’ose riens celer ; pour l’honneur de Dieu, ne luy faictes point perdre l’honneur qu’il vous a du tout desdyé. Le Roy a mandé icy qu’on ne depeschast point l’abbaye de Vauchrestien [che poi, in effetti, non fu mai convessa a Valier] ; faictes-la luy donner : ceste abbaye fera plus de prouffict aud. Seigneur et a vous d’onneur que dix mil escuz de rente des pensions de Marseile. Encores per le marché vous envoiray-je une belle teste que demain il me doibt bailler et la feray accompagner de quelzques autres dont il y en a une rare de Cesar que vous garde mon hoste [Rodolfo Pio], homme tel que vous avez tousjours pensé et que nostre Sainct-Père va de jour en jour plus goustant. Et est bien pour tenir bon lieu autour de sa Saincteté : desja commence-il a luy communiquer des choses qu’il ne dict a gueres d’aultres, et si pouvez estre asseuré que s’il ne se desment il ne vendra jamais le royaulme de France… Pour achever mon propos des testes, qui est matiere dont je m’empesche volontiers pource que j’en suys garny, je vous en faiz mectre en ordre jusques a una demye douzaine pour les envoyer s’il est possible par les navires qui ont emmenez les bledz de France. Ilz sont venus si a poinct qu’ilz en ont amendé icy le marché de plus de moicté en deux jours ». C’est moi qui souligne.

40 > CCJDB, t. I, p. 374.

41 > CCJDB, t. I, p. 403, Giovan Francesco Valier à Jean Du Bellay, 2 juillet 1534 : « [Ippolito] restarà cardinale et s’acconcierà totalmente alla voluntà di Nostro Signore et per consequente spero anco sara gran et fidel servitor del re come già può a quest’ora sua maestà haverne veduto qualche segno, il che fermamente disidero et per grandezza del cardinale, che non può appoggiarsi a più fermo sostegno, et per satisfattion di Sua Maestà che, so certo, n’è per havere servitio ».

42 > CCJDB, t. I, p. 412-415.

43 > Margaret M. McGowan, The Vision of Rome in Late Renaissance France, New Haven et London, Yale University Press, 2000, p. 65.

44 > CCJDB, t. I, p. 374-375, Jean Du Bellay à Anne de Montmorency, 15 mars 1534 : « Encores per le marché vous envoiray-je une belle teste que demain il me doibt bailler et la feray accompagner de quelzques autres dont il y en a une rare de Cesar que vous garde mon hoste [Rodolfo Pio], homme tel que vous avez tousjours pensé et que nostre Sainct-Père va de jour en jour plus goustant. Et est bien pour tenir bon lieu autour de sa Saincteté : desja commence-il a luy communiquer des choses qu’il ne dict a gueres d’aultres, et si pouvez estre asseuré que s’il ne se desment il ne vendra jamais le royaulme de France… Pour achever mon propos des testes, qui est matiere dont je m’empesche volontiers pource que j’en suys garny, je vous en

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faiz mectre en ordre jusques a una demye douzaine pour les envoyer s’il est possible par les navires qui ont emmenez les bledz de France. Ilz sont venus si a poinct qu’ilz en ont amendé icy le marché de plus de moicté en deux jours ».

45 > CCJDB, t. II, p. 31, Anne de Montmorency à Jean Du Bellay, 26 juin 1535 : « Je ne veulx oublier a vous advertir que j’ay fact aranger toutes mes tetes et medailles a Chantilly qu’il fait merveilleusement bon veoir, mail il reste des places vuydes. Vous scavez que c’est-à-dire et que vous me ferez grant plaisir si cependant que vous estes par dela vouse me vueillez ayder a les remplir ».

46 > G. Rebecchini, « Un altro Lorenzo »…, op. cit., p. 227.

47 > Sur cet édifice, voir dernièrement Bardati Flaminia, dans ce même volume, avec une vaste bibliographie.

48 > CCJDB, t. I, p. 401, Rodolfo Pio à Jean Du Bellay, 2 juillet 1534 : « io non ne dirò altro se non che spero vedere anchora Vostra Signoria qui in Roma et con manco travaglio andar rivedendo le anticaglie con ragunarne alcune per portare a San-Mauro et di modo che la diligenza del vice-amiraglio non possa mettere a pericolo li disegni fatti sopra di quelle ».

49 > CCJDB, t. I, p. 403-404, 2 juillet 1534, lettre citée par Margaret M. McGowan, The Vision of Rome…, op. cit., p. 62.

50 > CCJDB, t. I, p. 412-415, 17 août 1534, lettre citée par M.M. McGowan, The Vision of Rome…, op. cit., p. 62.

51 > CCJDB, t. I, p. 389-390, 15 avril 1534, lettre citée par M.M. McGowan, The Vision of Rome…, op. cit., p. 62.

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