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Les facteurs de résilience chez les victimes d’abus sexuel: état de la question

Date post: 24-Apr-2023
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PII S0145-2134(00)00141-1 LES FACTEURS DE RE ´ SILIENCE CHEZ LES VICTIMES D’ABUS SEXUEL: E ´ TAT DE LA QUESTION MAGALI H. DUFOUR,LOUISE NADEAU, ET KARINE BERTRAND Universite ´ de Montre ´al, Montre ´al, Que ´bec, Canada RE ´ SUME ´ Objectif: L’objectif de cette recension des e ´crits est d’examiner les facteurs protecteurs pouvant contribuer au re ´tablisse- ment des victimes d’abus sexuel dans l’enfance. Me ´thode: Sont pre ´sente ´s, une de ´finition de la re ´silience, puis les facteurs protecteurs lie ´s a ` l’individu et ceux lie ´s a ` l’environnement, pour terminer avec une critique me ´thodologique des e ´tudes. Re ´sultats: Les donne ´es des diffe ´rentes e ´tudes indiquent qu’environ 20 – 44% des victimes d’abus sexuel ne pre ´sentent pas d’effets de ´le ´te `res. Or, rares sont les recherches qui se sont inte ´resse ´es aux facteurs protecteurs pre ´sents chez ces femmes re ´silientes. Les premiers travaux portant sur les facteurs protecteurs indiquent que la recherche de soutien, la re ´ve ´lation et le fait de donner un sens a ` l’abus sont tous des strate ´gies cognitives adaptatives. De me ˆme, mettre l’accent sur les aspects positifs et faire de l’attribution externe sont associe ´s avec moins de de ´tresse psychologique. Par ailleurs, le soutien social, tant celui rec ¸u en ge ´ne ´ral qu’apre `s la re ´ve ´lation de l’abus, semble de ´terminant dans le re ´tablissement. A ` l’inverse, l’e ´vitement, bien que largement utilise ´ par les victimes, s’ave `re une strate ´gie non adaptative pouvant me ˆme agir comme catalyseur au niveau de la symptomatologie des victimes. Les nombreux proble `mes me ´thodologiques des e ´tudes, notam- ment ceux en lien avec la de ´finition de la re ´silience, limitent la porte ´e des donne ´es. Conclusions: Les rares e ´tudes re ´alise ´es aupre `s des victimes re ´silientes indiquent que le soutien rec ¸u ainsi que certaines strate ´gies cognitives peuvent contribuer au re ´tablissement. Cependant, la porte ´e de leur contribution demeure inconnue. © 2000 Elsevier Science Ltd. Motscle ´s:—Re ´silience, Facteurs protecteurs, Abus sexuel. LA PLUPART DES e ´tudes re ´alise ´es aupre `s des victimes d’abus sexuel dans l’enfance portent a ` croire que l’ensemble des victimes e ´prouvent toutes des effets de ´le `te ´res (pour recension voir: Beitchman, Zucker, Hood, DaCosta, Akman, & Cassavia, 1992; Briere & Runtz, 1993; Browne & Finkelhor, 1986). Or, bien que ce fait soit ignore ´ la plupart du temps, environ 20% a ` 44% des victimes ne semblent pas e ´prouver de sympto ˆme, de proble `me d’adaptation ou de sante ´ mentale atteignant des seuils cliniques (Conte & Schuerman, 1987; Himelein & McElrath, 1996; Kendall-Tackett, Williams, & Finkelhor, 1993; Spaccarelli, 1994; Tong, Oates, & McDowell, 1987; Wyatt & Mickey, 1987, 1988). Ces victimes sans se ´quelle apparente sont en fait des personnes re ´silientes. Jusqu’a ` pre ´sent, le phe ´nome `ne de la re ´silience suite a ` un abus sexuel a e ´te ´ tre `s peu e ´tudie ´. Les raisons pouvant expliquer pourquoi seulement certaines victimes e ´prouvent des sympto ˆmes ainsi que les ressources et facteurs protecteurs mis en cause demeurent des questions sans re ´ponse (Feiring, Taska, & Lewis, 1996; Finkelhor, 1990; Valentine & Feinauer, 1993). Cet article essaiera de de ´gager, a ` partir des e ´tudes mene ´es aupre `s des sujets ayant ve ´cu un abus sexuel ou autres e ´ve ´nements traumatiques, diffe ´rents facteurs protecteurs susceptibles de Submitted for publication July 6, 1999; final revision received September 13, 1999; accepted September 21, 1999. Pour obtenir des copies vous devez vous adresser a ` Louise Nadeau, De ´partement de psychologie, Universite ´ de Montre ´al, C.P.6128, succ. A, Montre ´al, Que ´bec, Canada, H3C 3J7. Pergamon Child Abuse & Neglect, Vol. 24, No. 6, pp. 781–797, 2000 Copyright © 2000 Elsevier Science Ltd. Printed in the USA. All rights reserved 0145-2134/00/$–see front matter 781
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PII S0145-2134(00)00141-1

LES FACTEURS DE RESILIENCE CHEZ LES VICTIMESD’ABUS SEXUEL: E TAT DE LA QUESTION

MAGALI H. DUFOUR, LOUISE NADEAU, ET KARINE BERTRAND

Universitede Montreal, Montreal, Quebec, Canada

RESUME

Objectif: L’objectif de cette recension des e´crits est d’examiner les facteurs protecteurs pouvant contribuer au re´tablisse-ment des victimes d’abus sexuel dans l’enfance.Methode: Sont presentes, une de´finition de la resilience, puis les facteurs protecteurs lie´s a l’individu et ceux lies al’environnement, pour terminer avec une critique me´thodologique des e´tudes.Resultats: Les donne´es des diffe´rentes e´tudes indiquent qu’environ 20–44% des victimes d’abus sexuel ne pre´sentent pasd’effets deleteres. Or, rares sont les recherches qui se sont inte´resse´es aux facteurs protecteurs pre´sents chez ces femmesresilientes. Les premiers travaux portant sur les facteurs protecteurs indiquent que la recherche de soutien, la re´velation etle fait de donner un sens a` l’abus sont tous des strate´gies cognitives adaptatives. De meˆme, mettre l’accent sur les aspectspositifs et faire de l’attribution externe sont associe´s avec moins de de´tresse psychologique. Par ailleurs, le soutien social,tant celui rec¸u en general qu’apres la revelation de l’abus, semble de´terminant dans le re´tablissement. A` l’inverse,l’evitement, bien que largement utilise´ par les victimes, s’ave`re une strate´gie non adaptative pouvant meˆme agir commecatalyseur au niveau de la symptomatologie des victimes. Les nombreux proble`mes me´thodologiques des e´tudes, notam-ment ceux en lien avec la de´finition de la resilience, limitent la porte´e des donne´es.Conclusions:Les rares e´tudes re´alisees aupre`s des victimes re´silientes indiquent que le soutien rec¸u ainsi que certainesstrategies cognitives peuvent contribuer au re´tablissement. Cependant, la porte´e de leur contribution demeure inconnue.© 2000 Elsevier Science Ltd.

Motscles:—Resilience, Facteurs protecteurs, Abus sexuel.

LA PLUPART DES etudes re´alisees aupre`s des victimes d’abus sexuel dans l’enfance portent a` croireque l’ensemble des victimes e´prouvent toutes des effets de´leteres (pour recension voir: Beitchman,Zucker, Hood, DaCosta, Akman, & Cassavia, 1992; Briere & Runtz, 1993; Browne & Finkelhor, 1986).Or, bien que ce fait soit ignore´ la plupart du temps, environ 20% a` 44% des victimes ne semblent paseprouver de symptoˆme, de proble`me d’adaptation ou de sante´ mentale atteignant des seuils cliniques(Conte & Schuerman, 1987; Himelein & McElrath, 1996; Kendall-Tackett, Williams, & Finkelhor,1993; Spaccarelli, 1994; Tong, Oates, & McDowell, 1987; Wyatt & Mickey, 1987, 1988). Ces victimessans se´quelle apparente sont en fait des personnes re´silientes. Jusqu’a` present, le phe´nomene de laresilience suite a` un abus sexuel a e´te tres peu e´tudie. Les raisons pouvant expliquer pourquoi seulementcertaines victimes e´prouvent des symptoˆmes ainsi que les ressources et facteurs protecteurs mis en causedemeurent des questions sans re´ponse (Feiring, Taska, & Lewis, 1996; Finkelhor, 1990; Valentine &Feinauer, 1993). Cet article essaiera de de´gager, a` partir des e´tudes mene´es aupre`s des sujets ayant ve´cuun abus sexuel ou autres e´venements traumatiques, diffe´rents facteurs protecteurs susceptibles de

Submitted for publication July 6, 1999; final revision received September 13, 1999; accepted September 21, 1999.

Pour obtenir des copies vous devez vous adresser a` Louise Nadeau, De´partement de psychologie, Universite´ de Montreal,C.P.6128, succ. A, Montre´al, Quebec, Canada, H3C 3J7.

PergamonChild Abuse & Neglect, Vol. 24, No. 6, pp. 781–797, 2000

Copyright © 2000 Elsevier Science Ltd.Printed in the USA. All rights reserved

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contribuer a` leur retablissement. Ainsi, on s’inte´ressera, tout d’abord, a` la definition de la resilience, pourensuite pre´senter les facteurs protecteurs lie´s al’individu et a l’environnement et, enfin, proce´der aunecritique methodologique des e´tudes portant sur la re´silience aupre`s des victimes d’abus sexuel dansl’enfance.

DEFINITION DE LA RESILIENCE

Durant les anne´es 1970, plusieurs chercheurs se sont inte´resse´s aux enfants dont la constitutionsemblait si robuste qu’ils ne semblaient pas eˆtre affectes par les stresseurs et e´preuves de la vie (Rutter,1985). Ces derniers ont d’abord e´tedecrits comme e´tant “invulnerables” (Anthony & Koupernik, 1974;Cowen & Work, 1988), mais ce concept a e´te rapidement remis en question. En effet, les bases de laresistance au stress sont non seulement au niveau de la constitution de l’individu, mais aussi au niveaude l’environnement (Rutter, 1985). Ainsi, plusieurs auteurs ont pre´fere utiliser le terme “re´silience”(Masten, Best, & Garmezy, 1990; Rutter, 1987; Werner & Smith, 1982, 1992).

La resilience, terme emprunte´ a la physique, de´signe la proprie´te d’un materiau areprendre saforme apre`s avoir ete soumis a` un stress (Petit, 1991). Applique´ a l’homme, c’est l’habilete´ de lapersonne a` retrouver son niveau d’adaptation ante´rieur ou meme aun niveau supe´rieur apres avoirsubi un stress (Steinhauer, 1998). La re´silience est aussi utilise´e pour de´signer le fait de maintenirun fonctionnement adaptatif en de´pit de la presence d’une menace dans l’environnement (Rutter,1987). Masten et colleagues (1990) rappellent trois phe´nomenes lies ala resilience: (1) un niveaude fonctionnement ade´quat en de´pit de la presence de facteurs de risque, telle la pauvrete´ oul’instabilite familiale; (2) des moyens de coping (strate´gies d’adaptation) efficaces pour restaurer oumaintenir un e´quilibre interne ou externe alors que l’individu fait face a` une menace significative,tel le divorce des parents; et (3) le re´tablissement a` la suite d’un trauma prolonge´ ou severe (ex.:abus sexuel) lorsque le danger imme´diat est estompe´. Cette de´finition laisse entrevoir que, malgre´une adaptation re´ussie, certaines victimes re´silientes peuvent faire l’expe´rience d’une certainesouffrance, voire meˆme, de certains symptoˆmes (Chambers & Belicki, 1998; Luthar, 1991). Eˆ treresilient ne signifie donc pas eˆtre exempt de proble`mes, mais eˆtre capable de retrouver un niveaud’adaptation comparable a` celui anterieur al’evenement traumatique. La re´silience de´crit donc lesprocessus, les capacite´s et les niveaux de fonctionnement lie´s aune adaptation re´ussie en de´pit decirconstances adverses (Masten et al., 1990).

Plusieurs crite`res ont e´te utilises pour de´finir et evaluer la resilience d’un individu. Ainsi, si lavictime est en bas aˆge, la resilience est de´finie de facon comportementale alors que, s’il s’agit d’unadulte, le seul crite`re utiliseest l’etat psychologique. Chez les enfants, leChild Behavior Checklist(Achenbach, 1991) est fre´quemment utilise´ pour evaluer le degre´ d’adaptation. Cet instrumentpermet d’avoir un crite`re objectif et quantifiable. Cependant, comme l’e´valuation est faite par unparent ou un enseignant, il est plausible que le fonctionnement de l’enfant ne soit que partiellementevalue. Ainsi, on constate la pre´sence d’anxie´te et de de´pression chez des jeunes victimes semontrant par ailleurs fort adapte´s dans leur milieu (Kaufman, Cook, Arny, Jones, & Pittinsky,1994; Luthar, 1991; Spaccarelli & Kim, 1995).

Pour les adultes, on a recours a` des criteres psychologiques. Or, ne tenir compte, a` l’age adulte, quede la detresse psychologique, trop souvent mesure´e par des instruments se re´ferant aux sept derniersjours ou le dernier mois, constitue une fac¸on reductionniste de concevoir la re´silience. Ainsi, unepersonne qui vit dans un appartement supervise´, qui a ete recemment hospitalise´e en raison d’un risquesuicidaire e´leve, peut se conside´rer aujourd’hui comme re´siliente, ce dont on peut douter. A` l’inverse,une personne peut avoir des symptoˆmes de´pressifs importants suite a` un demenagement re´cent, alorsque quelques mois auparavant elle e´tait performante, avait un re´seau social, un emploi et un conjoint.La resilience constitue donc un phe´nomene complexe pour lequel on devrait prendre en comptedifferents aspects de l’expe´rience de la personne (Luthar, 1993). Par ailleurs, ce de´sir d’elargir la

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perspective pose un proble`me de taille, celui de de´terminer les comportements ou les taˆches quidefiniraient la resilience al’age adulte. Comment de´finir la resilience sans faire intervenir des pre´jugesou idees preconcues: telle l’obligation d’avoir un emploi ou une vie de couple? Aucune re´ponsesatisfaisante n’a, jusqu’a` maintenant, encore e´te avance´e.

LES FACTEURS PROTECTEURS

Afin de comprendre les me´canismes de la re´silience, il faut s’attarder aux facteurs de protection.Les facteurs de protection sont des caracte´ristiques individuelles et environnementales qui modi-fient, ame´liorent ou alterent la reponse d’un individu a` une menace ou a` une agression (Rutter,1985). Ils modulent l’impact du stress et la qualite´ d’adaptation, mais n’ont pas ne´cessairementd’effet en l’absence d’un stresseur (Garmezy, Masten, & Tellegen, 1984; Rutter, 1985, 1987).L’etude des facteurs protecteurs s’ave`re particulierement importante puisqu’elle peut permettred’identifier des caracte´ristiques susceptibles d’eˆtre developpees en the´rapie. Dans la suite du texte,les facteurs de protection seront pre´sentes en deux grandes cate´gories: (1) les facteurs lie´s al’individu, et (2) ceux lies a l’environnement. Bien que ce type de classification soit largementutilise pour son aspect pratique, cette dichotomie a` pour conse´quence de faire disparaıˆtre lesinteractions entre l’individu et l’environnement (Gore & Eckenrode, 1994).

Facteurs Lies a L’individu

Les premie`res etudes re´alisees aupre`s d’enfants re´silients suite a` la survenue de divers traumas,tel le divorce des parents, la psychopathologie des parents, la pauvrete´ et la guerre, ont permisd’identifier certains caracte´ristiques qui semblent protecteurs. Ces enfants sont souvent intelligents,ont de bons succe`s scolaires, une bonne estime de soi, de bonnes capacite´s de communication etune maturit´ pre´coce (Fergusson & Lynskey, 1996; Garmezy, 1991; Kyrios & Prior, 1990; Luthar,1991; Mrazek & Mrazek, 1987; Moran & Eckenrode, 1992; Werner & Smith, 1982, 1992; Werner,1990, 1995). L’ensemble de ces facteurs n’ont pas tous e´te etudie de facon exhaustive aupre`s desvictimes d’abus sexuel, bien que le fait de se reconnaıˆtre un pouvoir personnel et de se conside´rerpositivement sont des caracte´ristiques des femmes re´silientes (Valentine & Feinauer, 1993).D’autres variables, notamment (1) se percevoir en bonne sante´, (2) reconnaıˆtre l’existence de sapropre personnalite´ independante de celui de l’agresseur, et (3) avoir une infirmie`re a l’ecole,semblent aussi des facteurs de´terminants (Classen, Field, Atkinson, & Spiegel, 1998; Klein &Janoff-Bulman, 1996). Enfin, d’autres variables semblent jouer un roˆle substantiel dans le re´tab-lissement des victimes: on peut les regrouper sous le vocable des strate´gies de coping.

Strategies de coping.L’abus sexuel peut eˆtre conceptualise´ comme un e´venement de vie menac¸antparce qu’il se pre´sente sous la forme d’un stress majeur conduisant a` une se´rie de changements oua d’autres e´venements stressants (Felner, Farber, & Primavera, 1980). L’individu n’a pas dereponse adaptative apprise pour y faire face (Janoff-Bulman & Frieze, 1983). Par contre, lesvictimes peuvent utiliser diffe´rentes strate´gies de coping qui constituent d’importants modulateursdes conse´quences suite a` des evenements de vie stressants (Lazarus & Folkman, 1984). En effet,selon la the´orie de Lazarus et Folkman (1984), c’est l’e´valuation d’un e´venement stressant et lafacon d’y faire face, plus que l’e´venement en soi, qui de´termine le niveau d’adaptation de lapersonne. Les premiers re´sultats de recherche ont de´montreque les strate´gies de coping utilise´espour essayer de controˆler l’effet des evenements traumatiques semblent avoir des effets be´nefiquessur l’incidence des symptoˆmes (Thompson, 1981) et sont des pre´dicteurs importants de la sante´mentale apre`s un abus sexuel (Friedrich, 1988). Toutefois, Jonhson, et Kenkel (1991) fontl’hypothese que certaines strate´gies sont probablement plus efficaces que d’autres. Il devient donc

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necessaire de pre´ciser l’influence de chacune des diffe´rentes strate´gies de coping.

L’evitement.L’evitement est une strate´gie cognitive visant a` minimiser l’impact emotionnel d’unevenement. Il prote`ge l’individu contre un possible envahissement e´motionnel et, par conse´quent,lui evite de devenir dysfonctionnel (Morrow & Smith, 1995; Roth & Newman, 1993). Faire desefforts conscients pour e´viter de penser ou pour nier ce qui leur est arrive´ est probablement lastrategie la plus risque´e pour les victimes d’abus sexuel (Spaccarelli, 1994). En effet, les e´tudesrecentes indiquent que cette strate´gie tend a` augmenter le risque de symptoˆmes cliniques tant chezles adolescentes que chez les adultes (Johnson & Kenkel, 1991; Leitenberg, Greenwald, & Cado,1992; Varia, Abidin, & Dass, 1996). Par exemple, une e´tude realisee aupre`s d’adolescentesvictimes d’inceste note que l’utilisation du de´ni, i.e. pretendre que l’abus ne s’est pas produit, estle seul pre´dicteur significatif de la psychopathologie telle qu’e´valuee par le the´rapeute, alors queles pense´es magiques sont le meilleur pre´dicteur, selon les victimes, de leur de´tresse psychologique(Johnson & Kenkel, 1991). L’e´tude retrospective de Varia et colle`gues (1996) indique que lesfemmes qui reconnaissent de fac¸on consistante leur abus pre´sentent un meilleur ajustement quecelles qui minimisent ou nient leur abus. En fait, le groupe qui minimise est celui qui a la plus faibleestime de soi et le plus de proble`mes dans ses relations sociales. Bien que le de´ni, la repression etl’evitement soient les formes de coping les plus utilise´es et juge´es les plus efficaces par lesvictimes, elles sont associe´es avec une plus grande de´tresse psychologique a` l’age adulte (Leiten-berg et al., 1992).

Les donne´es qualitatives obtenues aupre`s de 20 femmes re´silientes viennent nuancer les re´sultatsprecedents (Himelein & McElrath, 1996). Ainsi, les femmes moins bien adapte´es declarent avoirete capables d’oublier l’e´venement e´tant jeunes, mais sont pre´sentement incapables d’e´chapper auxsouvenirs de l’abus. Les femmes re´silientes, bien qu’elles aient eu recours a` l’evitement dans unpremier temps, ont ensuite fait face a` leur abus pour enfin, aujourd’hui, refuser consciemment des’appesantir sur lui. Le cheminement rapporte´ par les re´silientes coı¨ncide d’ailleurs avec un descriteres de re´tablissement de la the´orie de Lebowitz, Harvey, et Herman (1993), selon laquelle unindividu qui a resolu son trauma peut choisir de se souvenir ou non de l’e´venement traumatique quietait auparavant intrusif. Les e´tudes re´alisees aupre`s des adolescentes et des adultes victimes d’abusainsi que l’expe´rience clinique indiquent donc que le de´ni ou l’evitement sont des strate´giesnefastes et meˆme prejudiciables au re´tablissement de l’individu seulement lorsqu’utilise´es alongterme (Roth & Newman, 1993).

Cependant, une e´tude realisee aupre`s des enfants victimes d’abus sexuel, semble, du moins dansun premier temps, ne pas aller dans ce sens. En effet, les re´sultats indiquent que l’e´vitement est laseule strate´gie associe´e a une reduction des troubles du comportement et associe´e a des effetspositifs (benefices), soit a` moins de proble`mes de comportements tels qu’e´values par les parents(Chaffin, Wherry, & Dykman, 1997). L’e´vitement produirait donc des effets positifs a` court terme.Toutefois, cette e´tude ne permet ni de pre´voir l’etat mental des victimes a` long terme ni d’identifierla souffrance qui a e´te interiorisee et qui peut eˆtre present chez ces victimes. Ce faisant, ilsn’infirment pas comple`tement l’hypothe`se selon laquelle l’e´vitement est une strate´gie nefaste alaresolution d’un trauma. D’ailleurs, les auteurs sugge`rent que l’evitement pourrait avoir un effetinitial de tampon (buffer) sur la re´ponse au stress (renforc¸ant probablement le recours a` cettestrategie), mais pre´vient l’emergence de certains processus cognitifs ne´cessaires a` la resolution dutrauma a` long terme (voir aussi Roth & Newman, 1993). L’e´vitement semble donc jouer un roˆleimportant dans le processus de “traumatisation” et peut-eˆtre meme de re´tablissement de l’individu,bien que ce roˆle ne soit pas suffisamment compris.

La recherche de soutien et la re´velation. La recherche de soutien et la re´velation de l’abus sontdeux formes actives de coping qui peuvent avoir des effets protecteurs. En ce qui a trait au soutien,l’etude longitudinale aupra`s des enfants re´silients de Werner et Smith (1982) a, la premie`re,

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souligneque ces enfants avaient un tempe´rament qui ame`ne des re´ponses positives de la part d’ungrand nombre d’adultes. En effet, ces enfants ont un tempe´rament facile et sont habiles a` identifierun adulte compe´tent pour prendre soin d’eux. Ils ont donc de´veloppeun style de coping quicombine l’autonomie avec l’habilite´ a demander de l’aide quand ils en ont besoin. Dans sarecension d’e´crits, Garmezy (1991) indique aussi que les enfants re´silients posse`dent des habilite´ssociales, ils sont gentils, amicaux, dynamiques et ces caracte´ristiques sont apparentes tant pour lesadultes que pour leur pairs. D’autres e´tudes avec diffe´rents groupes maltraite´s notent aussi l’effetprotecteur de l’habilete´ a rechercher du soutien (Luthar, 1991; Mrazek & Mrazek, 1987).

Les etudes aupre`s des victimes d’abus sexuel se sont attarde´es sur la forme passive du soutien,i.e., ala quantitede soutien rec¸u plutot qu’a l’habilite de la personne a` rechercher ce soutien. Deuxrecherches seulement mentionnent l’habilite´ a rechercher activement du soutien. La premie`re denature qualitative a e´te menee aupre`s de femmes re´silientes (Valentine & Feinauer, 1993). Elleindique que l’habilete´ a trouver du soutien e´motif en dehors de la famille fut un e´lementdeterminant dans le re´tablissement des victimes. Ce soutien, que les victimes ont trouve´ a l’ecoleou al’eglise, se manifeste par le fait que quelqu’un a confiance en elles, leur a permis de regagnerconfiance en elles-meˆmes. La seconde, re´alisee aupre`s d’enfants victimes d’abus sexuel, indiqueque la strate´gie de coping dite “active/sociale,” n’est associe´e a aucun symptoˆme, ni aaucunemesure des be´nefices (Chaffin et al., 1997). Les auteurs en concluent que cette strate´gie est a` toutle moins neutre. Les recherches longitudinales aupre`s des enfants re´silients suite a` differents typesde stresseurs laissent croire que l’habilite´ achercher du soutien est un facteur protecteur significatif,bien que cette donne´e ne soit pas encore probante pour les enfants victimes d’abus sexuel.

La deuxieme strate´gie active de coping est la re´velation dont l’etude s’ave`re complexe parcequ’il est difficile de departager la contribution de deux variables: (1) le choix conscient de re´veler;et (2) la reponse obtenue suite a` la revelation. Il semble que le de´voilement peut, a` court terme,constituer un e´venement stressant provoquant de l’anxie´te (Gomes-Schwartz, Horowitz, & Car-darelli, 1990; McNulty & Wardle, 1994; Sauzier, 1989). A` long terme, il peut toutefois eˆtrebenefique et adaptatif (Himelein & McElrath, 1996; Schatzow & Herman, 1989; Wyatt &Newcomb, 1990). Ainsi, les enfants qui n’ont jamais re´vele l’abus montrent moins de souffrance,d’anxieteet d’hostiliteque ceux ayant fait une re´velation (Sauzier, 1989). Par contre, a` l’age adulte,les femmes re´silientes indiquent que de´voiler l’abus et en discuter est l’une des quatre strate´gies decoping qui les ont aide´es (Himelein & McElrath, 1996). La re´velation constitue donc une e´tapedans le processus de re´tablissement (Herman, 1981). Elle repre´sente souvent une occasion de seliberer de la honte, de la culpabilite´ et de la responsabilite´ vecues par ces victimes (Schatzow &Herman, 1989). Elle fournit la possibilite´ de rene´gocier les relations dans la famille. Toutefois,cette revelation represente un e´norme risque, a` savoir celui d’etre rejetepar une personne quiapportait du soutien avant cet e´venement (McNulty & Wardle, 1994). Ce risque e´leve transformedonc la revelation en un e´venement stressant, e´venement qui peut faire augmenter la symptoma-tologie si l’issue n’est pas positive.

La restructuration cognitive.La restructuration cognitive est une strate´gie cognitive qui permet a`la victime de changer sa compre´hension de l’e´venement stressant et d’en rede´finir les conse´quences(Spaccarelli, 1994). Ce faisant, la victime peut minimiser la menace de l’abus de fac¸on amaintenirses croyances sur le monde (Janoff-Bulman & Frieze, 1983). Lors de la survenue d’un e´venementtraumatique, ce me´canisme peut devenir un processus ite´ratif complexe qui permet a` la victimed’avoir progressivement acce`s aux souvenirs et d’augmenter graduellement sa conscience du sensque prend cette expe´rience, permettant ainsi de ne pas augmenter la de´tresse (Spaccarelli, 1994).Cette strate´gie peut aussi eˆtre conceptualise´e comme e´tant une tentative d’apporter une re´ponse a`une question fondamentale pour les victimes: pourquoi moi? La restructuration cognitive peutprendre plusieurs formes: minimiser l’abus (Draucker, 1989; Himelein & McElrath, 1996; Taylor,Wood, & Lichtman, 1983), mettre l’accent sur les aspects positifs, les be´nefices qu’a amene´ ce

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changement dans leur vie (Himelein & McElrath, 1996; McMillen, Rideout, & Zuravin, 1995) et,enfin, donner un sens a` cet evenement (Draucker, 1989; Gold, 1986; Morrow, 1991; Newberger &De Vos, 1988; Silver, Boon, & Stones, 1983; Wyatt & Newcomb, 1990). Cette restructurationcognitive n’est pas le re´sultat d’un programme the´rapeutique de´terminee, au contraire, elle survientspontanne´ment chez les victimes.

La perception des effets positifs.La perception de effets effets positifs, des acquis (be´nefices), a e´teobserve´e aupre`s de plusieurs survivants d’e´venements traumatiques (Mrazek & Mrazek, 1987;Taylor et al., 1983). Deux e´tudes se sont attarde´es au lien pouvant exister entre la perception debenefices et le niveau d’adaptation a` l’age adulte. La premie`re demandait a` 154 victimes si ellesavaient perc¸u des be´nefices de leur abus et l’importance de ceux-ci (McMillen et al., 1995). Pre`sde 47% des victimes ont mentionne´ des effets positifs a` l’abus. L’analyse de contenu fait ressortirquatre cate´gories: (1) la protection des enfants; (2) l’auto-protection; (3) la croissance personnelle;et (4) une meilleure connaissance au sujet de l’abus sexuel. Par ailleurs, en comparaison avec cellesne percevant pas d’effets positifs, celles qui en perc¸oivent ont une meilleure estime d’elles-meˆmeset presentent moins d’anxie´te relationnelle. On peut toutefois s’interroger sur la validite´ de cesresultats compte tenu la nature biaise´e de la question demande´e aux victimes et l’impossibilite´ dedepartager les re´ponses induites par la re´silience ou par le de´sir de l’acceptation sociale. Lecannevas the´orique ne permet donc pas de voir le roˆle reel jouepar la perception des be´nefices.

L’etude qualitative d’ Himelein et McElrath (1996) aupre`s des femmes re´silientes indique aussiqu’une majorite´ de femmes bien adapte´es signalaient l’existence d’e´lements positifs a` l’abus et ce,sans qu’on ne leur ait pose´ la question. Cette restructuration cognitive a pris plusieurs formes,notamment conside´rer l’abus comme un ve´hicule pour la croissance personnelle, comme permet-tant de devenir plus prudentes dans leurs relations avec les hommes, d’adopter plus de compor-tements auto-protecteurs et de devenir capables d’introspection. La perception de be´nefices sembledonc etre une composante du tableau cognitif des femmes re´silientes. D’ailleurs, aucune femmedans le groupe de faible adaptation n’a souligne´ percevoir des be´nefices. Bien que les deux seulesetudes traitant des be´nefices convergent pour conclure que cette perception va de pair avecl’adaptation, d’autres e´tudes devront venir confirmer et expliquer le roˆle de la restructurationcognitive dans le re´tablissement des sujets.

Le style d’attribution de la victime, donner un sens a` l’evenement.Donner un sens a` uneexperience, c’est re´pondre directement a` la question: pourquoi moi? Suis-je responsable de lasurvenue de l’abus ou la responsabilite´ revient-elle entie`rement a` l’agresseur? Les premie`res etudesretrospectives indiquent que cette recherche de sens suite a` un evenement inde´sirable, tel celui del’abus sexuel, est un processus adaptatif (Draucker, 1989). Toutefois, lorsque cette de´marche est unechec, elle devient une source d’inadaptation (Silver et al., 1983).

La theorie de la re´signation acquise d’Abramson, Seligman, et Teasdale (1978) permet d’e´valuerles conse´quences potentielles de se blaˆmer soi-meˆme pour la survenue de l’abus ou, encore, enattribuer la seule responsabilite´ a l’agresseur. Cette the´orie, applique´e a la victimisation sexuelle,laisse penser que l’attribution externe, i.e. le fait que la victime attribue la responsabilite´ de l’abusa l’agresseur, est la strate´gie la plus adaptative. A` l’inverse, le style d’attribution interne, i.e., le faitque la victime se responsabilise, se blaˆme pour l’abus, constituerait un facteur de risque (Feiringet al., 1996) et contribuerait a` l’emergence de diffe´rents symptoˆmes. Or, il y a une controversequant asavoir si l’attribution externe est re´ellement une strate´gie cognitive adaptative contribuantau retablissement. Tout d’abord, attribuer toute la responsabilite´ a l’agresseur (attribution externe)diminue, chez l’enfant, la perception d’efficacite´ et de maıˆtrise qu’a l’enfant dans un monde perc¸ucomme menac¸ant et impre´visible (Lamb, 1986). Deuxie`mement, blaˆmer uniquement l’agresseur estincompatible avec les strate´gies de pre´vention des agressions, strate´gies qui visent a` donner de lamaıtrise al’enfant (Lamb, 1986). Libe´rer l’enfant de toute responsabilite´ associe´e al’abus peut, par

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inadvertance, mettre l’enfant a` risque pour de futures victimisations (Celano, 1992). Enfin, seblamer (attribution interne) peut eˆtre fonctionnel surtout si les attributions portent sur les compor-tements du sujet plutoˆt que sur les caracte´ristiques de sa personnalite´ (Janoff-Bulman & Frieze,1983). Lorsque la victime blaˆme sa propre conduite, ce blaˆme est dirige´ vers une source controˆlableet modifiable. Ce faisant, la victime peut conserver la croyance qu’elle pourra e´viter une nouvellevictimisation (Janoff-Bulman, 1979). Ce blaˆme permet donc aux victimes de conserver un certaincontrole, voire un pouvoir personnel sur leur vie et sur d’autres victimisations e´ventuelles(Janoff-Bulman, 1979).

Bien que cela semble paradoxal, d’un point de vue the´orique, il semble que se blaˆmer (attributioninterne) semble adaptatif. Or, les re´sultats des e´tudes empiriques ne vont pas en ce sens (Gold,1986; Morrow, 1991; Wyatt & Newcomb, 1990). Gold (1986) fut la premie`re amesurer le styled’attribution des victimes d’abus sexuel et a` evaluer l’impact de ce style d’attribution sur la sante´mentale. Selon elle, les femmes qui font de l’attribution interne ont plus de de´tresse psychologiqueet une plus faible estime d’elle-meˆme. Les donne´es de Morrow (1991), recueillies aupre`s de 84femmes victimes d’inceste, abondent e´galement en ce sens: les femmes attribuant leur agression a`une caracte´ristique de leur personnalite´ etaient significativement plus de´pressives et avaient uneplus faible estime d’elle-meˆme que celles attribuant leur victimisation a` une raison exte´rieure. Uneautre etude, realisee aupre`s de plus de 60 femmes, en vient a` la meme conclusion: la perception dela stigmatisation et le blaˆme sont les variables permettant d’expliquer le lien entre l’abus sexueldans l’enfance et un faible ajustement a` l’age adulte (Coffey, Leitenberg, Henning, Turner, &Bennett, 1996). Selon Chaffin et colle`gues (1997), le style de coping internalise´ permettrait aussid’expliquer la culpabilite´ et l’hyperexcitabilitedes victimes. Par ailleurs, une autre e´tude realiseeaupres d’enfants indique que ceux qui se blaˆment ont plus tendance a` avoir des proble`mesinternalises (Shapiro, Leifer, Martone, & Kassem, 1992). Enfin, les donne´es aupre`s des femmesresilientes victimes d’abus dans l’enfance indiquent qu’avec le temps, elles reconnaissent quel’abus est un e´venement inde´pendant de leur volonte´ et qu’elles n’en sont pas responsables(Valentine & Feinauer, 1993).

L’ensemble des donne´es empiriques font consensus sur le fait que l’attribution interne (seblamer) est en lien avec la souffrance psychologique. Ces re´sultats appuient donc l’hypothe`se dePeterson et Seligman (1983) selon laquelle ce style d’attribution peut conduire a` de la detresse eta de la depression. Ces re´sultats ne permettent toutefois pas de conclure de fac¸on definitive sil’attribution externe (responsabiliser uniquement l’agresseur) est un processus de coping plusefficace que l’attribution interne (blaˆme), bien qu’ils le laissent supposer. De plus, ces donne´es nepermettent pas de spe´cifier le type de symptomatologie associe´ avec le style d’attribution.

L’expression des e´motions.L’expression des e´motions ne´gatives, bien que largement encourage´een clinique, est une strate´gie peu e´tudiee. Trois seules e´tudes s’y sont attarde´es et aucune e´tudeaupres des re´silientes n’en fait mention. L’e´tude de Leitenberg et colle`gues (1992), re´alisee aupre`sde 54 infirmieres abuse´es sexuellement dans l’enfance, indique que la strate´gie de coping “faire desactions directes envers l’agresseur” est la seule strate´gie qui n’est pas corre´lee positivement avecla symptomatologie a` l’age adulte. De meˆme, une forte utilisation des strate´gies “confrontation etexpression des e´motions” sont conside´rees adaptatives (Rew & Christian, 1993). Toutefois, c’estaussi la strate´gie la moins utilise´e par les victimes. A` l’inverse des donne´es precedentes, l’e´tude deChaffin et collegues (1997) signalent que la catharsis est la strate´gie associe´e avec le plus desymptomes de comportement chez les enfants abuse´es sexuellement. La divergence dans cesdonnees sugge`rent donc la prudence au clinicien qui encourage l’expression de la cole`re enversl’agresseur.

Conclusion. Il est difficile de tirer des conclusions des e´tudes s’inte´ressant aux facteurs deprotection lies a l’individu. Les premieres donne´es indiquent que l’e´vitement et le blaˆme de

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soi-meme semblent des strate´gies non adaptatives pouvant meˆme agir comme catalyseur au niveaude la symptoˆmatologie des victimes d’abus sexuel dans l’enfance. En bref, ils peuvent devenir, a`leur tour, des e´venements de´clencheurs. La restructuration cognitive, la recherche de soutien, larevelation, l’expression des e´motions et le fait d’avoir un style d’attribution externe semblent, pourleur part, associe´s avec une moins grande de´tresse psychologique. Toutefois, aucune strate´gie pourfaire face au stress ne semble se de´marquer des autres et donner des pistes claires d’intervention.En outre, les rares e´tudes aupre`s des femmes re´silientes ne permettent pas de statuer sur l’efficacite´de certaines strate´gies de coping, certains me´canismes e´tudies pouvant soit mener soit a` des effetspositifs soit a des symptoˆmes. Il est vrai que l’absence d’e´tudes longitudinales, le manqued’instruments de mesure valide´s ainsi que les proble`mes de de´finition et d’operationalisation desconcepts limitent les conclusions que l’on peut en tirer. En fait, la seule affirmation que l’on puissefaire, est que les strate´gies de coping peuvent avoir diffe´rentes conse´quences selon la condition etle moment ou` elles sont utilise´es (Spaccarelli, 1994).

Les Facteurs Lie´s a L’environnement

Les facteurs de protection environnementaux font presque toujours re´ference au roˆle du soutienparental et a` celui fourni par les pairs aupre`s des victimes. Les e´tudes re´centes permettent de croireque ces facteurs s’ave`rent des variables de´terminantes dans le re´tablissement des victimes. Il existeau moins trois types d’explication permettant de mieux comprendre la fonction du soutien socialdans le re´tablissement des victimes. La premie`re explication met l’emphase sur l’absence desoutien comme e´tant un facteur de risque. Spaccarelli et Kim (1995) croient que le stress relie´ al’abus, en interaction avec le manque de soutien parental, produit une situation a` haut risque ou` laprobabilitede la survenue de symptoˆmes est tre`s elevee. Les the´ories de l’attachement offrent uneperspective sur le processus par lequel le manque de soutien parental pourrait eˆtre une cause directeplutot qu’un moderateur des effets de l’abus sexuel (Masten et al., 1990). Ainsi, un soutien parentalgeneral inadequat se traduirait par un attachement inse´cure chez l’enfant, le rendant susceptible a`manifester un ensemble de symptoˆmes, peu importe qu’il y ait abus sexuel ou non (Alexander,1992). Une re´ponse parentale inade´quate au de´voilement de l’abus pourrait venir briser la confiancede l’enfant. Cette atteinte a` son attachement parental serait alors la cause des symptoˆmes mani-festes. Ainsi, un enfant victime d’abus, mais de´ja soutenu par ses parents et qui continue de l’eˆtrelors du devoilement, serait prote´ge.

La deuxieme theorie maintient qu’une relation soutenante assure le bien-eˆtre en l’absence destress se´vere et ce, a` travers la gratification des besoins d’affiliation, le maintien et le renforcementde son identite´ et l’augmentation de son estime de soi (Schumaker & Brownell, 1984). Cettefonction entre aussi en jeu lors de l’occurrence du stress puisque la personne se sentant en se´curite,avec une bonne estime de soi et une forte identite´ sera moins vulne´rable aux stresses (Mitchell,Billings, & Moos, 1982).

Enfin, la troisieme explication s’attarde a` la fonction de re´duction du stress et donc a` l’effetd’interaction du soutien social. Thoits (1986) croit que le soutien social prote`ge l’individu enchangeant, ou en e´liminant les sources primaires de stress: (1) la situation, (2) le sens de lasituation, ou (3) la re´action emotionnelle a` la situation. L’estime de soi, le sentiment de controˆleet l’identite seraient alors restaure´s indirectement.

Aucune de ces explications n’entraine le consensus parmi les diffe´rents chercheurs. Afin dedegager les diffe´rents elements protecteurs des facteurs environnementaux, ils seront cate´gorisesdans la suite du texte ainsi: (1) le soutien extra-familial; (2) le soutien parental en ge´neral; (3) lesoutien en re´ponse au de´voilement de l’abus sexuel; et (4) la gestion familiale des conflits.

Le soutien extra-familial.Le soutien extra-familial, comprenant principalement l’aide apporte´e parles pairs et les ressources professionnelles, semble avoir un effet protecteur chez les victimes

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d’abus sexuel. Ainsi, on constate un niveau d’adaptation plus e´levechez les enfants (Runyan et al.,1992) et les adolescentes victimes qui jouissent du soutien de leurs camarades de classe et desources d’aide professionnelle visibles et accessibles (Chandy, Blum, & Resnick, 1996). Ce re´sultatest appuye´ par plusieurs e´tudes sur la re´silience qui re´velent que, bien que les enfants re´silientsproviennent de milieux familiaux pauvres et chaotiques, ils ont tendance a` etre aimes de leurscamarades de classe et de leurs compagnons de jeu et a` avoir au moins un ami intime (Garmezy,1981; Werner & Smith, 1982).

Quant au soutien professionnel, une revue de 29 e´tudes e´valuant l’efficacitede traitements pourvictimes d’abus confirme que la the´rapie facilite la gue´rison (Finkelhor & Berliner, 1995).Toutefois, plusieurs limites me´thodologiques, dont notamment l’absence de groupe de controˆle, nepermettent pas de de´terminer si c’est seulement le traitement qui contribue au re´tablissement ou sid’autres facteurs sont e´galement mis en jeu.

Le soutien parental en ge´neral. Le soutien parental ge´neral est souvent de´fini comme le niveaud’acceptation, de sollicitude et d’aide apporte´ a l’enfant par ses ayants-soins principaux. Ce typede soutien ne se limite donc pas a` la reponse au de´voilement de l’abus sexuel. Il semble que lesvictimes qui ont be´neficie d’un soutien parental ge´neral pendant leur enfance s’adaptent mieux a`court terme (Conte & Schuerman, 1987; Esparza, 1993; Lovett, 1995; Spaccarelli & Kim, 1995) eta long terme (Fromuth, 1986; Gold, Milan, Mayall, & Johnson, 1994; Peters, 1988) que celles quin’ont pas rec¸u un tel soutien.

Une etude realisee aupre`s de 60 jeunes filles abuse´es sexuellement aˆgees entre 7 et 12 ans conclutque le niveau de compe´tence de l’enfant est lie´ a la perception qu’a l’enfant de la sollicitude et duniveau d’acceptation que lui prodigue sa me`re (Lovett, 1995). A` cet effet, plus l’enfant estime quela relation avec sa me`re est rejetante, plus il aura des proble`mes de comportements atteignant leseuil clinique. Une autre e´tude, realisee aupre`s de 369 enfants (garc¸ons et filles) victimes d’abus etde 318 non-abuse´s, conclut que les victimes qui ont des relations soutenantes avec un adulte nonabuseur sont beaucoup moins affecte´es psychologiquement que celles qui ne profitent pas d’unetelle relation (Conte & Schuerman, 1987). Par ailleurs, ces auteurs indiquent que les variables“relation soutenante avec un adulte” et “fonctionnement ge´neral de la famille” sont celles quirendent compte de la plus grande part de la variance dans l’e´valuation du fonctionnement del’enfant. Ces re´sultats sont appuye´s par une e´tude portant sur 43 filles aˆgees de 10 a` 17 ans entraitement pour abus sexuel qui re´vele qu’une relation chaleureuse et soutenante d’un parent nonabuseur constitue le meilleur facteur de pre´diction de la re´silience en ce qui concerne tant l’absencede symptoˆmes que la compe´tence sociale (Spaccarelli & Kim, 1995).

Les recherches re´alisees aupre`s d’adultes ayant e´te abuse´s sexuellement se sont attarde´es au lienpouvant exister entre les effets de´leteres along terme et le fait d’avoir eu une relation significativeet soutenante. L’e´tude de Gold et colle`gues (1994), re´alisee aupre`s de 654 e´tudiantes en psycholo-gie, indique que, parmi les 96 e´tudiantes ayant e´te abuse´es, un faible niveau de soutien parental estcorrele a des scores plus e´leves sur toutes les e´chelles du Trauma Symptom Checklist (Briere &Runtz, 1989). Ces re´sultats sont corrobore´s par l’etude de Fromuth (1986), re´alisee aupre`s de 383etudiantes, qui indique que ce n’est pas tant l’abus sexuel en lui-meˆme qui est relie´ a la presencede symptoˆmes psychiatriques chez les victimes, que le manque de soutien des parents, qui estcaracte´ristique des familles ou` il y a abus. Les re´sultats de Peters (1988) appuient partiellement lesdeux precedentes e´tudes puisqu’ils indiquent que la sollicitude maternelle e´merge comme le plusimportant facteur de pre´diction des difficulte´s psychologiques a` l’age adulte chez 117 femmesabuse´es sexuellement durant l’enfance et recrute´es parmi la population ge´nerale. Cependant, leresultat de Fromuth (1986) impliquant que l’abus sexuel n’a pas d’impact en lui-meˆme est contreditpar l’etude de Peters (1988) qui conclut que la relation entre l’abus et les difficulte´s psychologiquesest encore pre´sente meˆme lorsque l’on controˆle la variable “soutien.”

Tous ces re´sultats concernant le lien entre le soutien parental et le niveau d’adaptation doivent

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etre nuance´s etant donne´ la nature re´trospective de ces e´tudes, l’absence de groupe de controˆle,d’une definition operationnelle du soutien parental et le manque d’e´tudes confirmant la validite´ etla fidelite des instruments de mesure. Enfin, Spaccarelli, et Kim (1995) rappellent que le suivilongitudinal examinant les effets a` long terme de l’abus sexuel et le maintient de la compe´tencesociale de ces enfants qui apparaissent re´silients est ne´cessaire. Tout de meˆme, les re´sultatssemblent converger vers le constat que l’intensite´ des symptoˆmes pendant l’enfance et a` l’ageadulte, chez des personnes ayant e´te abuse´es sexuellement durant l’enfance, peut vraisemblable-ment etre modifiee par le soutien parental. Ainsi, le soutien parental semble une variable incon-tournable pour comprendre tant l’effet a` court terme qu’a` long terme de l’abus sexuel ve´cu dansl’enfance. Cette compre´hension doit aussi s’enrichir des re´sultats de recherche concernantspecifiquement le soutien en re´ponse au de´voilement de l’abus.

Le soutien parental en re´ponse au de´voilement de l’abus.Les etudes indiquent la pre´sence d’un lienentre le soutien rec¸u par l’enfant abuse´ lors du devoilement et son niveau d’adaptation: (1) quelquetemps apre`s la revelation (Adams-Tucker, 1982; Everson, Hunter, Runyon, Edelsohn, & Coulter,1989; Hazzard, Celano, Gould, Lawry, & Webb, 1995; Johnson & Kenkel, 1991; Morrow & Sorrel,1989; Waterman & Kelly, 1993); et (2) apre´s plusieurs anne´es (Everill & Waller, 1995; Gold, 1986;Roesler, 1994; Testa, Miller, Down, & Panek, 1992; Wyatt & Mickey, 1987).

Adams-Tucker (1982) montre que, parmi les 26 enfants abuse´s sexuellement ayant de´voile leuragression, les sept ayant rec¸u un soutien ade´quat (generalement par la me`re) presentaient moins desymptomes psychologiques et moins de troubles de comportement que les victimes n’ayant pasrecu un soutien ade´quat. Ces re´sultats sont en partie corrobore´s par une autre e´tude realisee aupre`sde 88 enfants aˆges entre 6 et 17 ans montrant que les enfants ayant rec¸u beaucoup de soutien deleur mere, ou meˆme ceux ayant rec¸u un soutien ambivalent, pre´sentent un niveau moins e´leve depsychopathologie que ceux n’ayant pas rec¸u de soutien de leur me´re (Everson et al., 1989). Lesoutien parental en re´ponse au de´voilement de l’abus semble aussi avoir un effet sur le niveau desouffrance ve´cue par les adolescentes abuse´es sexuellement. En effet, une e´tude aupre`s de 45adolescentes montre que la re´action maternelle au de´voilement est la deuxie`me variable pre´disantle mieux la de´tresse psychologique (Johnson & Kenkel, 1991). Une autre e´tude, realisee aupre`s de101 adolescentes victimes d’inceste ayant e´te signalees aux autorite´s, revele qu’une reponsenegative par la me`re lors du de´voilement pre´dit un niveau plus e´leve de depression et une plusfaible estime de soi (Morrow & Sorrel, 1989). Ces re´sultats s’expliquent par le fait que, lorsque lamere, source primaire d’identification pour les filles, enle`ve asa fille sa cre´dibilite, celle-ci accepteprobablement cette e´valuation ne´gative, s’auto-de´valuant et se sentant impuissante vis-a`-vis sonhabiletea fonctionner efficacement avec les autres.

Les etudes portant sur des femmes adultes victimes d’abus sexuel dans l’enfance, identifientaussi le soutien parental en re´ponse au de´voilement comme une variable lie´e a leur niveaud’adaptation. Ainsi, dans une e´tude aupre`s de 61 de ces femmes, 55% de celles ayant rec¸u unsoutien familial ade´quat en re´ponse au de´voilement ne rapportaient pas d’attitudes ne´gatives enversles hommes, compare´ a 33% chez celles n’ayant jamais de´voile l’agression, 33% chez celles ayantrecu un soutien ambigu¨ et 10% chez celles n’ayant rec¸u aucun soutien (Wyatt & Mickey, 1987).Notons que des attitudes ne´gatives sont fort probablement susceptibles de nuire a` la vie affectivede ces femmes. Aussi, une autre e´tude aupre`s de 69 e´tudiantes aˆgees de 18 a` 45 ans note un plusgrand niveau de psychopathologie, particulie`rement sur les sous-e´chelles mesurant les troubles del’alimentation et la dissociation, chez celles ayant perc¸u une reponse ne´gative au de´voilement quechez celles n’ayant pas perc¸u de telles re´ponses (Everill & Waller, 1995). Enfin, une e´tude de Gold(1986) mene´e aupre`s de 103 victimes et d’un groupe de controˆle de 88 sujets en vient a` laconclusion que les seuls aspects de l’expe´rience des victimes qui sont significativement relie´s aleurfonctionnement adulte sont leur propre perception de l’abus ainsi que leur perception de la re´ponsede leur me`re au de´voilement de l’abus.

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La relative convergence des re´sultats pre´cedents concernant l’importance du soutien parental enreponse au de´voilement chez les victimes d’abus est remise en question par l’e´tude de Testa et sescollaborateurs (1992). En effet, cette recherche aupre`s de differents echantillons cliniques et de lapopulation ge´nerale souligne un fait nouveau. Ainsi, pour le groupe de controˆle, les femmes ayantrecu du soutien positif de´clarent ala fois moins de symptoˆmes et une meilleure estime de soi tandisque, pour le groupe clinique, la se´verite de leurs symptoˆmes semble inde´pendante du soutien rec¸u.Les auteurs concluent que l’e´lement protecteur n’est probablement pas le soutien social dans saforme generale, comme l’ont mesure´ les autres e´tudes, mais plutoˆt un soutien social qui se traduitpar un arreˆt de l’abus.

Bien que les e´tudes pre´citees comportent des limites me´thodologiques, notamment l’absencefrequente de groupe de controˆle, des de´finitions ambigue¨s du soutien, des instruments de mesuredont la fiabiliteet la validiten’ont pas e´te determinees, elles semblent indiquer que l’habilite´ del’enfant as’ajuster a` court terme et a` long terme a` une agression sexuelle est affecte´e par la re´ponsede l’adulte al’evenement. Toutefois, ces re´sultats laissent aussi penser que ce n’est pas ne´ces-sairement le soutien dans sa forme ge´neral qui constitue l’e´lement protecteur mais, davantage celuiqui a pour conse´quence un arreˆt de l’abus. Un soutien actif sans ambiguı¨te, qui est clairementdemontre par des gestes concrets, semblent donc eˆtre protecteur. Cependant, il reste a` mieuxcomprendre l’ingre´dient actif du soutien.

La gestion familiale des conflits.Pour comprendre le me´canisme par lequel le style de copingfamilial peut prote´ger l’enfant des risques relie´s a l’abus sexuel, Waterman et Kelly (1993)concoivent la famille comme un syste`me influenc¸ant la facon dont l’enfant perc¸oit et repond autrauma. Ainsi, des pratiques parentales efficaces peuvent agir sur le sentiment d’efficacite´ person-nelle de l’enfant en modelant des actions efficaces et en donnant aux enfants la possibilite´ de vivredes expe´riences de controˆle sur diverses situations (Masten et al., 1990). Ces explications prennentleur source dans les mode`les d’imitation (modeling) et de sentiment d’efficacite´ personnelleelabores par Bandura (1969, 1976, 1986). Les premie`res donne´es de recherche abondent dans cesens. Une e´tude montre que la principale variable relie´e al’amelioration du comportement chez 84enfants victimes d’abus sexuels semble eˆtre un fonctionnement familial ade´quat, la capacite´ de lafamille aresoudre des proble`mes etant le facteur le plus significatif (Oates, O’Toole, Lynch, Stern,& Cooney, 1994). De plus, un style de gestion des conflits familiaux, incluant le sentiment depouvoir resoudre efficacement la majorite´ des proble`mes et la capacite´ de les recadrer positivementpermet de pre´dire un meilleur fonctionnement chez des enfants d’aˆge scolaire victimes d’abus(Waterman & Kelly, 1993). Enfin, un fonctionnement ade´quat des parents en pre´sence du stress estaussi associe´ a une meilleure adaptation chez des enfants ayant ve´cu la guerre (Garmezy, 1991).

Conclusion.L’ensemble des e´tudes convergent pour indiquer que le soutien social tant celuiprodiguepar les pairs et les professionnels que celui des parents est une variable de´terminante dansle retablissement des victimes. Ainsi, on observe que les enfants re´silients ont tendance a` etreapprecies par leurs pairs et a` avoir un ami intime. On ne comprend toutefois pas encore quel roˆlespecifique joue ce soutien extra-familial. De meˆme, les re´sultats de recherches indiquent que lesoutien parental en ge´neral ainsi que celui prodigue´ au moment de l’abus ont un effet positif surl’experience de de´tresse ve´cue par les victimes. Par contre, il est difficile de distinguer quel estl’element protecteur du soutien ni le poids re´el de cette variable dans le re´tablissement des victimes.L’absence d’e´tude longitudinale, le manque de consensus quant a` la definition du soutien ainsi quel’absence d’e´tudes de populations re´silientes suite a` un abus sexuel, viennent nuancerl’interpretation des donne´es sur le soutien parental. Enfin, le fait d’avoir un milieu familial ade´quatainsi que la capacite´ de la famille a resoudre des proble`mes permet de pre´dire un meilleurfonctionnement chez des enfants victimes d’abus. Il se pourrait cependant que cette variable soitun artefact du soutien.

Les facteurs de re´silience chez les victimes d’abus sexuel 791

CRITIQUE METHODOLOGIQUE

L’etude des personnes re´silientes pre´sente plusieurs de´fis et de nombreuses critiques me´thod-ologiques peuvent eˆtre adresse´es aux differents travaux traitant des me´canismes de protection. Maisavant de discuter des proble`mes me´thodologiques, il faut d’abord s’attarder a` la quasi absence derecherches traitant de la re´silience chez les victimes d’abus sexuel dans l’enfance. En effet,seulement trois e´tudes traitent de cette question. Les autres, cite´es precedemment, font e´tat devictimes ayant un meilleur ajustement, moins de de´tresse, une meilleure estime de soi, maisn’utilisent pas le terme “re´silient” pour decrire ces survivants. On ne peut e´tablir si ces victimessont resilientes ou si elles pre´sentent moins des proble`mes que les autres. Les recherches aupre`s desvictimes d’abus sexuel dans l’enfance, en ne de´finissant pas de fac¸on formelle et spe´cifique leurpopulation, empeˆchent d’examiner dans quelle mesure les facteurs protecteurs contribuent a` laresilience ou meˆme s’ils y contribuent.

Il est vrai que l’absence de consensus concernant la de´finition de la resilience et les nombreuxproblemes me´thodologiques lie´s al’etude de la re´silience nuisent a` l’elaboration de protocoles derecherche aupre`s des victimes d’abus (Kinard, 1998; Luthar, 1993). En fait, essayerd’operationaliser et de mesurer la re´silience soule`ve de nombreuses questions. On peut les re´sumeren quatre grands enjeux pour lesquels aucune solution n’a encore e´te apportee:

1. Les facteurs de´finissant la re´silience et les facteurs lie´s a la resilience. Dans les recherchesaupres des personnes re´silientes, certaines variables sont utilise´es ala fois comme crite`re deselection et comme facteur de´finissant la re´silience (Luthar & Zigler, 1991). Par exemple, danscertaines e´tudes, l’estime de soi est un indice d’adaptation (Morrow, 1991; Varia et al., 1996),alors que, dans d’autres, ce facteur sera conside´re comme un ante´cedant, un facteur protecteurconduisant a` la resilience (Fergusson & Lynskey, 1996; Moran & Eckenrode, 1992). De meˆme,plusieurs auteurs mentionnent que les strate´gies de coping sont des facteurs me´diateurs alte´rantl’effet de l’abus (Chaffin et al., 1997; Gold, 1986; Leitenberg et al., 1992; Spaccarelli, 1994)alors que, pour Chambers et Belicki (1998), les strate´gies de coping sont un crite`re de resilience.L’utilisation des meˆmes variables pour de´finir le concept de re´silience et pour expliquer sapresence cre´e un effet de circularite´ qui ne permet pas de distinguer clairement le roˆle desvariables e´tudiees et donc, de comprendre le phe´nomene de la re´silience.

2. Criteres de se´lection utilisees. L’evaluation de la re´silience a e´te faite tant par les professionnelset les chercheurs, que par les victimes elles-meˆmes. Or, les conclusions de ces diffe´rentessources d’e´valuation divergent fre´quemment (Kinard, 1998; Spacarrelli & Kim, 1995). Afin detenir compte du fait que les diffe´rentes perspectives utilise´es influencent les re´sultats, certainschercheurs sugge`rent d’utiliser plus qu’une source de re´ferences. Bien que l’utilisation deplusieurs sources de donne´es ou de plus d’un crite`re afin de de´terminer la re´silience devraitpermettre d’en augmenter la validite´, de nombreuses difficulte´s surviennent lors de la mise enoeuvre. Par exemple, l’e´tude de Valentine et Feinauer (1993) utilise plusieurs crite`res deresilience, notamment l’e´valuation subjective du niveau de fonctionnement par le sujet, le faitd’avoir un emploi et de n’avoir jamais e´te institutionnalise´. Cependant, ces nombreux crite`resrenseignent mal sur la sante´ mentale de ces femmes. Une personne ayant un trouble de lapersonnalite´ ou un proble`me de toxicomanie peut e´valuer subjectivement son fonctionnementcomme e´tant bon et correspondre a` tous les crite`res. Par ailleurs, le fait de ne pas travailler n’estpas non plus un indice que la personne n’est pas re´siliente si l’on prend en compte le contexteeconomique. Ces indices ne permettent que de faire une approximation du fonctionnement desvictimes. De meˆme, Himelein et McElrath (1996) utilisent trois indices du fonctionnementgeneral pour evaluer la resilience, soit une mesure de la de´tresse, une de satisfaction dans la vieet une autre, du bien eˆtre de la personne. Ces trois mesures sont converties et combine´es pourdonner un indice global. Bien que ces questionnaires permettent d’avoir une ide´e de plusieurs

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composantes dans la vie de la victime, rien ne nous assure de la validite´ de cet indice. Il n’existeaucune base the´orique permettant de justifier les points de ce´sures utilise´s pour distinguer lesresilientes des non-re´silientes. L’etude de Spacarrelli et Kim (1995) illustre bien les difficulte´sde definir la resilience par plus d’un secteur de la vie d’une personne. Ainsi, quand un seuldomaine de compe´tence est conside´re, 25% des enfants sont classe´s comme re´silients. Or,lorsque sont pris en compte les symptoˆmes et la compe´tence sociale, seuls 12% sont qualifie´sde resilients. Il y a donc une diminution significative du nombre d’enfants dit re´silients lorsquele nombre de crite`res de se´lection augmente. Ces donne´es ame`nent apenser que parler deresilience comme un e´tant concept global doit eˆtre mis en question. Luthar (1993) sugge`re donc,au lieu d’utiliser ce concept global, de spe´cifier les domaines de coping avec succe`s et dedelimiter les sphe`res oules survivants demeurent vulne´rables.

3. Temps de mesure de la re´silience. Une autre difficulte´ consiste a` etablir le niveau d’adaptationde la victime avant la survenue de l’e´venement traumatique. En effet, lorsque l’on de´finit laresilience comme e´tant l’habiletede la personne ayant ve´cu un stress de revenir a` son niveaud’adaptation ante´rieur (Steinhauer, 1998; Valentine & Feinauer, 1993), il faut, a` prime abord,connaıˆtre le niveau premier de sante´ mentale. Or, la totalite´ des etudes aupre`s des personnesresilientes suite a` un abus sexuel sont de nature re´trospective. De meˆme, les enfants maltraite´setudies sont souvent choisis en fonction des se´vices deja subis. Il n’existe donc aucune e´tudelongitudinale ou` le niveau de base de l’enfant a e´te mesure´ objectivement avant le mauvaistraitement. Les recherches font donc re´ference a` la resilience sans avoir vraiment de point decomparaison. La re´silience n’est donc pas de´terminee par rapport a` l’individu lui-meme, maisbien par rapport a` des criteres que le chercheur a choisis. On peut donc se questionner surl’emploi du concept de re´silience.

4. La resilience atravers le temps. Un proble`me inevitable lie a la retrospection a pour objet laconstance de la re´silience atravers le temps. Les auteurs divergent quant au caracte`re fixe ouvariable de la re´silience: Rutter (1987) conc¸oit la resilience comme variant a` travers le temps etles circonstances tandis que Werner (1990) la de´finit comme une trajectoire d’adaptation re´ussiea la suite d’une exposition a` des facteurs de risque et/ou a` des evenements de vie et donc, commeayant une susceptibilite´ moins grande aux futurs stresseurs. Ce proble`me en est un de taille caril met en question les liens e´tablis entre la sante´ mentale observe´e aujourd’hui et un e´venementsurvenu des dizaines d’anne´es auparavant. Ainsi, on peut s’interroger si la re´silience observe´echez une victime d’abus sexuel ayant surve´cu ad’autres e´preuves, notamment a` de la violenceconjugale, est en lien avec l’abus sexuel survenu il y a 25 ans ouavec l’histoire d’agression plusrecente. En fait, la ve´ritable question est de savoir si la re´silience est un phe´nomene spe´cifiquelie a l’abus sexuel, ce qui impliquerait qu’une personne peut pre´senter des proble`mes de sante´mentale mais avoir re´solu ce trauma, ou un phe´nomene general. Compte tenu l’absence d’e´tudeslongitudinales aupre`s des victimes d’abus sexuel dans l’enfance, il est impossible de ledeterminer. Par contre, l’e´tude longitudinale de Farber et Egeland (1987), effectue´e aupre`sd’enfants pre´scolaires jusqu’a` l’entree au primaire, indique qu’aucun enfant n’a e´te evaluecomme e´tant compe´tent pendant toute la dure´e de l’etude. La proportion d’enfants compe´tentsa meme diminueavec le temps. Les donne´es preliminaires semblent donc indiquer que laresilience n’est pas un phe´nomene stable dans le temps.

CONCLUSION

Essayer de comprendre le phe´nomene de la re´silience et de l’adaptation des personnes victimesd’abus sexuel dans l’enfance est une composante importante de l’e´tude du fonctionnement humain.Malgrel’interet pour ce domaine d’e´tude, rares sont les recherches qui se sont inte´resse´es conjointementa l’abus et ala resilience. Les premiers travaux portant sur les facteurs protecteurs indiquent que la

Les facteurs de re´silience chez les victimes d’abus sexuel 793

recherche de soutien, la re´velation et le fait de donner un sens a` l’abus sont toutes des strate´giescognitives adaptatives. De meˆme, mettre l’accent sur les aspects positifs de l’abus et attribuerl’aggression a` l’agresseur sont associe´s avec moins de souffrance psychologique chez les victimesd’abus. Pour sa part, l’e´vitement, bien que largement utilise´ par les victimes, s’ave`re nuisible auretablissement de ces dernie`res. Toutefois, la divergence dans certains re´sultats laisse a` penser que sonrole n’est pas encore bien compris. Les re´sultats sur le soutien parental ge´neral ainsi que sur celuiprodiguelors de la re´velation indiquent aussi qu’il s’agit la` de variables de´terminantes dans la sante´mentale des victimes d’abus. Le soutien des pairs et des professionnels semble aussi jouer un roˆleimportant, bien que l’on ne puisse en identifier la porte´e exacte. Il semble donc y avoir plusieurs facteursprotecteurs pouvant jouer un roˆle potentiel dans le re´tablissement des victimes. De nombreuses limitesmethodologiques viennent toutefois affaiblir les conclusions des e´tudes. Ainsi, les recherches futuresdevraient mettre l’accent sur trois points. Tout d’abord, les chercheurs doivent se pencher sur diffe´rentsproblemes me´thodologiques en lien avec les de´finitions du concept de re´silience et de l’abus sexuel. Descriteres ope´rationalisables et des instruments de mesure valide´s et standardise´s doivent eˆtre elabores afinde pouvoir ge´neraliser les re´sultats. Deuxie`mement, d’autres e´tudes aupre`s des victimes d’abus sexuelresilientes doivent eˆtre effectue´es. Les trois seules e´tudes ayant e´te realisees laissent trop de questionssans re´ponse: est-ce que les victimes utilisent d’autres strate´gies de coping que celles mesure´es? Quelest le role du soutien dans le processus de gue´rison? le roˆle de l’evitement? du blaˆme? Est-ce que larevelation est en lien avec la symptomatologie? De plus, d’autres e´tudes, ou` les victimes serontspecifiquement identifie´es comme re´silientes, sont ne´cessaires afin de pouvoir de´velopper des mode`lestheoriques permettant d’expliquer la diversite´ ainsi que l’intensite´ des symptoˆmes vecus par lesvictimes. Troisie`mement, les futures e´tudes devraient mettre l’emphase sur des recherches longitudi-nales avec un e´chantillon choisi au hasard. Ces e´tudes devraient permettre de mieux comprendre lephenomene de la re´silience atravers le temps, de clarifier la nature des facteurs protecteurs, compen-satoires ou non, et de mettre en lumie`re le role de la famille et de l’environnement dans le re´tablissementd’une personne. Les travaux futurs devront aussi eˆtre orientes vers une utilisation clinique des re´sultatsde recherche. L’e´tude de la re´silience est une tentative pour non seulement comprendre les victimesmais aussi pour aider celles qui sont encore affecte´es par des symptoˆmes lies aleur abus.

Remerciements—Cette recension a e´te rendue possible graˆce aux bourses du CQRS, accorde´es respectivement au premieret au troisie`me auteur.

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ABSTRACT

Objective: The aim of this literature review is to examine factors leading to the recovery of child sexual abuse survivors.Method: This paper provides a definition of resilience and presents the individual and environmental protective factors. Amethodological examination of the studies is carried through.Results: Researchers have documented that 20% to 44% of adult who were sexually abused during their childhood showno apparent signs of negative outcome. However, very few studies as been interested in resilient women and their protectivemechanisms. Recent research on protective factors reveal that searching for support, disclosing the abuse and giving ameaning to the abuse are all adaptative cognitive strategies. Furthermore, the perception of benefits and having an externalattributional style are both related to less psychological distress. Social support, in general and after the revelation, alsoappears as a determinant of resilience. However, avoidance, even if victims find it very useful, proves to be a non-adaptativestrategy, which may lead to be a catalyst to victims’ symptomatology. Definitional problems and the lack of longitudinalstudies limit the conclusions that can be drawn.Conclusion: The rare studies involving resilient victims show that social support as well as certain cognitive copingstrategies may lead to recovery. However the extent of their contribution remains unknown.

Key Words—Resilience, sexual abuse, protective factors.

Les facteurs de re´silience chez les victimes d’abus sexuel 797


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