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Les festivals musicaux en Bretagne du XXème siècle jusqu'à nos jours.pdf

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Université de Bretagne-Sud Faculté Lettres, Langues, Science Humaines et Sociales Département d'Histoire LES FESTIVALS MUSICAUX EN BRETAGNE DES ANNEES 1970 A NOS JOURS Présenté par M. François-Yves HILLION Sous la direction de M. François PLOUX Juin 2015 1
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Université de Bretagne-Sud

Faculté Lettres, Langues, Science Humaines et Sociales

Département d'Histoire

LES FESTIVALS MUSICAUX EN BRETAGNE

DES ANNEES 1970 A NOS JOURS

Présenté par M. François-Yves HILLION

Sous la direction de M. François PLOUX

Juin 2015

1

Université de Bretagne-Sud

Faculté Lettres, Langues, Science Humaines et Sociales

Département d'Histoire

Les festivals musicaux en Bretagne

des années 1970 à nos jours

Présenté par François-Yves HILLION

Sous la direction de M. François PLOUX

2

Juin 2015

REMERCIEMENTS

Je tenais à remercier François Ploux, Julien Hillion, Baptiste le Roux, Olivier Ethoré, Régis

Delanoë, Jacques Abalain, Guillaume Kosmicki, Jean-Jacques « JJ » Toux, Frank Darcel, Gérard

Pont, Maelle Ubico, Greg, Megg, Thierry Houal, Marie Clavier, Annie Podeur, Suzanne Salaün,

Christian Dutertre, la Bibliothèque Universitaire et la Médiathèque de Lorient, la Médiathèque et

les Archives Municipales de Pontivy … Sans qui je n'aurai pas pu réaliser ce mémoire.

3

SOMMAIRE

Introduction 7

CHAPITRE PREMIER : Les Premiers festivals des années 1970 à 1980

I - Les premières fêtes folkloriques et traditionnelles en Bretagne au début du XXème siècle.

A/ Les premières fêtes bretonnes : A Pont Aven et à Douarnenez 17

B/ Les fêtes de Cornouaille 19

C/ La contestation au sein des Fêtes de Cornouaille 22

II - Les festivals dans les années 1970 en Europe et en France

A/ La situation en Europe 24

B/ L'arrivée progressive du rock et du pop à Paris 27

C/ L'été pop de 1970 et la radicalisation des groupes d'extrême gauche 34

III - Les débuts des festivals et le renouveau celtique en Bretagne

A/ L'arrivée de la musique pop en Bretagne 39

B/ La Nouvelle Vague celtique 42

C/ Les festivals bretons durant les années 1980 et le début de la professionnalisation 50

4

CHAPITRE II : L'explosion de la création des festivals en Bretagne : les années 1990 et 2000

I. L'opposition entre les Terres-Neuvas et les Vieilles Charrues.

A. La mise en place des deux festivals 62

B. L'affrontement des plus grands festivals de France 66

C. La chute de Bobital 68

II. Le phénomène des festivals de niches

A. Au Pont du Rock : Du rock alternatif vers l'éclectisme 70

B. Art Rock : Un festival pluridisciplinaire 72

C. La Route du Rock : Un festival sans concession 75

III. Les musiques électroniques : de la marginalisation au succès en Bretagne.

A. L'origine des musiques électroniques 77

B. L'arrivée de la musique techno en France 81

C. Les musiques électroniques en Bretagne 85

5

CHAPITRE III : Les festivals bretons aujourd'hui

I / La situation des festivals en 2015

A. Une diversité de localisations des festivals 93

B. La vie des festivals 97

C. L'aménagement d'une ville pour l'organisation un festival : l'exemple de Lorient 100

II/ Les festivals face à de nouvelles problématiques

A. L'uniformisation 102

B. La question du développement durable dans les festivals 105

C. La place des femmes dans les festivals 107

III/ Une tradition bretonne bien ancrée

A. La troisième vague celtique des années 2000 110

B. Les métissages musicaux au sein des festivals 118

C. La défense de la culture bretonne en festival : l'exemple des Vieilles Charrues 119

Conclusion 121

Bibliographie 125

Annexes 132

6

INTRODUCTION

Les festivals sont à l’heure actuelle un événement incontournable de la vie culturelle

française. On retrouve, l'été en particulier, beaucoup d'affiches sur les murs ou dans les rues des

villes concernant des événements plus ou moins locaux. Les durées ou les programmations peuvent

changer d'un festival très pointu à un festival très grand public. Ces concerts sont souvent l'occasion

de faire la fête entre amis ou en famille. Ils peuvent être organisés par une association ou un

tourneur, et être payants ou gratuits. Lorsque les festivals sont exonérés de prix, on trouve toujours

un débat autour de l'affluence de l'événement. Chaque événement voulant montrer à son voisin qu'il

est le plus important.

Le Donauinselfest près de Vienne en Autriche, est le plus grand festival actuel avec environ

3 200 000 spectateurs. Il se déroule sur l'étroite île de Donauinsel large d'une centaine de mètres

mais longue d'une vingtaine de kilomètres. Pendant trois jours à la fin du mois de juin, le

Donauinselfest rassemble 21 scènes et près de 2000 artistes ou groupes de musique. C'est, selon un

classement de la chaîne MTV, le plus grand festival du monde. Juste derrière l'événement

autrichien, on retrouve le Mawazine Rythmes du Monde à Rabat (Maroc) qui a accueillit du 29 mai

au 6 juin 2015 près de 2 650 000 spectateurs. A l'affiches quelques-uns des plus grands artistes

actuels comme le rappeur américain Usher ou le DJ suédois Avicii. Ils ont rassemblés

respectivement 190 000 et 200 000 spectateurs lors de leur passage. Enfin, c'est le Summerfest situé

aux Etats-Unis dans le Wisconsin qui rassemble chaque année, depuis 1960, entre 800 000 et 1 000

000 de spectateurs. On constate donc une internationalisation du festival, puisque trois des plus

grands festivals actuels se déroulent sur trois continents différents. Dans le classement des plus on

peut également citer le Rock in Rio au Brésil qui rassemble 680 000 personnes ou le Coachella aux

Etats-Unis avec près de 700 000 personnes. Ce dernier est tellement un succès que le festival dure

deux week-ends. Les billets sont vendus en amont du festival en quelques heures seulement. Cet

événement peut se targuer d'avoir eu la seule date au monde du groupe de hard-rock australien

AC/DC en festival. Pour les six autres festivals du classement on retrouve trois festivals situés sur le

continent américain : le Coachella festival, l'Ultra festival à Miami et le Rock in Rio au Brésil. Ainsi

que quatre autres sur le continent européen : le Sziget Festival en Hongrie, le Przystanek Woodstock

(Pologne), le Paléo festival (en Suisse) et le Exit Festival (Serbie). Une géographie un peu

particulière, les festivals d'Europe de l'Ouest étant sous représentés par rapport aux festivals

d'Europe de l'Est.

7

Pour donner une échelle de comparaison avec la France, le plus grand en 2014 est le festival

des Vieilles Charrues. Même si le festival a été oublié dans le classement fait par MTV, l'événement

Carhaisien serait dixième du classement avec ses 208 000 spectateurs juste après les 230 000

spectateurs du Paléo festival de Nyon mais devant l'Exit Festival qui se déroule en Serbie. La source

du classement, MTV, étant largement critiquable sur les modalités de création de son classement. En

seconde position des festivals français, on retrouve Solidays qui se déroule sur l'hippodrome de

Longchamp avec 175 000 spectateurs. Pour compléter le podium, le festival de musiques extrêmes

situé à Clisson (Loire-Atlantique), le Hellfest avec 150 000 spectateurs. Comme on peut le

constater, les festivals français sont loin de la fréquentation à l'échelle internationale. On peut

expliquer cet écart par plusieurs choses, la capacité d'accueil par exemple. Les Vieilles Charrues ont

la jauge la plus importante. Elle est d'environ 260 000 spectateurs, mais est volontairement limitée

pour permettre le confort des spectateurs. Solidays avec ses 175 000 spectateurs ne peut pas aller au

delà. L'hippodrome de Longchamp est à sa capacité maximale d'accueil, de même pour le Hellfest

qui a un terrain particulier recouvert en partie de forêts. L'associatif n'est pas non plus à exclure,

puisque les grands festivals européens et mondiaux sont très souvent sponsorisés par des grandes

marques. Une pratique peu commune en France, sauf pour le Printemps de Bourges qui s'appelle

désormais « Printemps de Bourges – Crédit Mutuel ».

La Bretagne, durant l'année 2014, a accueilli près de 116 festivals musicaux 1. Ce chiffre a

été dévoilé le 28 avril 2015 lors du Printemps de Bourges. Chaque lors de ce rassemblement, les

professionnels du spectacle tiennent des conférences sur l'avenir de la musique. Comme chaque

année le « Barofest » a été présenté. Il s'agit de faire l'état des lieux des festivals français à travers

diverses statistiques comprenant des cartes ou des graphiques sur l'âge, la localisation ou la

fréquentation des festivals. Cette analyse, réalisée avec le concours de la CNV (Centre National des

Variétés), la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs Musicaux) et l'IRMA (centre

Information et de Ressources pour les Musiques Actuelles), donne en première position l'Ile de

France concernant le nombre de festivals (217 festivals). Ensuite on retrouve la région Rhône-Alpes

avec 198 suivie de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur avec 162 festivals. La Bretagne arrive

seulement quatrième du classement avec 116 festivals devant la région Midi-Pyrénées. La moyenne

nationale est de 70 festivals. Les régions du Limousin et de la Haute Normandie sont loin derrière

cette moyenne puisqu'elles accueillent moins de trente festivals chacune. Plus de la moitié des

festivals français ont lieu dans cinq régions : Provence-Alpes-Côte d'Azur (18%), Rhône-Alpes

(12%), Aquitaine (9%), Languedoc-Roussillon (8%) et Bretagne (7%). On trouve plus de la moitié

1 Barofest

8

des festivals (52%) en été, dont 26 % du total au moins de juillet (422) soit près du double des mois

de juin (236 festivals) et août (224).

Les festivals Bretons sont organisés en majorité par des associations locales désireuses

d'attirer du monde sur leur territoire. La particularité de la Bretagne est qu'elle permet d'avoir une

offre musicale plutôt large. On y trouve des événements orientés vers la musique traditionnelle,

d'autres vers le rock et même certains vers les musiques électroniques. Malgré les 102 festivals, la

Bretagne n'est pas la première région accueillant des festivals mais possède une côte importante

auprès de la population française. On pense par exemple aux Vieilles Charrues, le plus important de

France ou le festival Interceltique dont la parade est diffusée chaque année à la télévision. D'autres

festivals, moins fréquentés, sont tout aussi connus. Comme Astropolis, premier rassemblement

électronique de France ou encore les Transmusicales, festival des talents de demain. La Bretagne

offre une grande palette de festival traditionnels comme le Cornouaille, le festival Interceltique ou

encore les Filets Bleus, plus vieux festival de France encore en activité. La Bretagne a en elle une

réelle tradition festivalière même si elle est loin derrière les régions de l'Ile de France ou de la

Provence Alpes Côte d'Azur. La Bretagne est classée seconde pour les événements de Musiques

traditionnelles et du monde puis troisième concernant les Musiques actuelles sans distinction. Dans

les années 2000, on a vu émerger les deux principaux festivals bretons, les Vieilles Charrues à

Carhaix et les Terres-Neuvas de Bobital dans des zones rurales, éloignés des grands centres urbains.

Les Vieilles Charrues tiennent leur origine d'un pied de nez au festival de Vieux Gréements de

Brest, fêtes nautiques qui ont lieu tous les deux ans dans la baie de la ville. Le festival tient son nom

d'un objet rural par excellente : la charrue. L'inauguration du festival carhaisien, se fait d'ailleurs

toujours par le creusement d'un sillon grâce à une charrue.

L'origine du mot festival et ces premières apparitions

Pour le dictionnaire Larousse « un festival est une série de manifestations artistiques

appartenant à un genre donné et qui se tient dans un lieu précis. » L'auteur Luc Benito dans son

ouvrage Les festivals en France : marchés, enjeux et alchimie rappelle qu'un « festival est une

forme de fête unique, célébration publique d'un genre artistique dans un espace-temps réduit. 2 » La

SACEM voit le festival comme « un ensemble de représentations qui revient de façon périodique

avec une programmation identifiée. 3 »

Des trois définitions seule celle de Luc Benito insiste sur le caractère festif de l'événement.

Le mot provient pourtant du latin festivalis dérivé de festum signifiant fête. Chaque définition

2 Luc BENITO, Les festivals en France : marchés, enjeux et alchimie, Paris, Harmattan, 2001, 196 p.3 Indicateurs du spectacle vivant en 2011 : Focus sur les festivals, étude présentée le 26 avril 2012 au Printemps de

9

donnée est incomplète mais peut-être enrichie avec les deux autres. Pour la définition du Larousse,

par exemple, aucune mention du caractère festif de l'événement mais elle précise que le festival se

déroule dans un lieu précis. Ce que ne précise pas Luc Benito. Pour la définition de la SACEM, on

insiste sur le caractère périodique de l'événement. Les trois hypothèses insistent sur le caractère

identifié de la programmation, le spectateur sachant ce qu'il l'attend dans le festival. Il choisit une

manifestation bien précise suivant ses goûts ou ses envies. Définir précisément ce genre

d’événements est difficile. Aucun festival n'est comparable à un autre, puisque aucun ne se

ressemble. Il peut proposer des caractères communes comme la période ou la programmation mais

peut se différencier par son lieu, sa périodicité ou son déroulement.

Le terme festival apparaît dès 1719 en Angleterre pour le Three Choirs Festival organisé au

profit des orphelins de l'Eglise Anglicane entre les cathédrales de Worcester, Gloucester et

Hereford. A l'affiche on retrouve les chœurs de chaque cathédrale qui interprètent un répertoire en

grande majorité religieuse. Des festivals dédiés à Haendel à Londres (1791) ou à Haydn à Vienne

(1810) existent aussi. En France, la première trace du mot festival remonte à 1829. Le premier

Festival du Nord a lieu du 28 juin au 2 juillet dans le Nord de la France à Lille 4. Cet événement est

« au bénéfice des indigents et de la société maternelle de Lille. 5» C'est à l’Académie royale de

Musique de Lille, succursale de l’École royale de Musique de Paris qu'est confiée la programmation

de l'événement. Divers lieux de la cité sont investis mais c'est dans les salons de l'Académie royale

de Musique que l'on retrouve les événements les plus importants : un grand concert et un bal. Un

concert de musique sacrée ainsi qu'un concours d'harmonies municipales sont aussi au programme.

Ce festival du Nord mélange musique savante et profane, mêlant déjà la musique d'écoute que l'on

pourrait qualifier d'attentive à une forme de fête.

L'historien Pascal Ory, dans l'ouvrage Une Histoire des Festivals XX ème – XXI ème siècle,

rappelle dans son intervention sur les débuts des festivals que « ce festival est à situer dans le cadre

de la grande entreprise de reconquête des esprits menée après la tourmente révolutionnaire et

impériale par des élites catholiques, monarchistes et traditionnalistes. 6» Pascal Ory nous explique

que Le festival connaît deux autres éditions, une en 1838 et l’autre en 1851. Dans L’Encyclopédie

des Gens du Monde de 1838 on décrit le festival comme des « colossales symphonies qu’exécutent

les virtuoses du monde de tous les pays 7». Il existe avant la moitié du XIXème siècle, déjà une

Bourges.

4 Guy Gosselin, La Symphonie dans la Cité : Lille au XIXème siècle, Paris, Vrin, 2012, 480 p.

5 Ibid6 Pascal ORY, « Qu'est ce qu'un festival ? », in Festivals et sociétés en Europe XIXème – XXIème siècles, sous la

direction de Philippe Poirrier, Territoires Contemporains, 2012. 7 Ibid

10

notion d’internationalisation du festival. Ce dernier s’oppose aussi au concours puisque le festival

« réunit au lieu d’opposer comme le concours ». Dans le sud de la France, à Orange, se créé en

1869 les Chorégies, grand festival mêlant opéra et musique classique. Il est toujours actuellement en

place, malgré des menaces d'annulations constantes de la part de la mairie tenue depuis 1995 par

l'extrême-droite.

Mais c’est surtout après la Seconde Guerre mondiale que les festivals explosent. Toutes les

formes d’arts créent leurs propres festivals. On y retrouve ainsi le festival de Cannes créé sur une

idée de Jean Zay 8 en 1946 puis le festival d’Avignon créé par Jean Vilar en 1947. Ces deux

festivals sont consacrés respectivement au cinéma et au théâtre et sont créées par deux hommes très

populaires dans leurs milieux respectifs. Leurs manifestations vont d'ailleurs devenir par la suite

deux événements incontournables du cinéma et du théâtre chaque année.

L'après guerre : l'explosion de la création des festivals

Les premiers grands festivals modernes ont lieu après la Seconde Guerre Mondiale. Ce sont

principalement des festivals de jazz puis de pop. Ces événements se créent partout aux États-Unis :

le Swamp Pop Music (1950), le Newport Jazz Festival (1954), le Monterey Jazz (1958) ainsi que le

National Jazz and Blues festival (1961) ou le Reading & Leeds Festival (1961) dans les îles

Britanniques. Ces festivals mélangent, pour la plupart, musique nouvelles comme le rock et la pop

et musiques plus anciennes comme le blues ou le jazz. La France n'est pas en reste avec deux

manifestations consacrées au jazz créées en 1948 à Paris et Nice. Le festival de Paris évolue trois

ans plus tard en Festival européen du jazz qui se déroule au Vélodrome d'Hiver.

Le début du Summer of Love de 1967 accélère la création des festivals. On y retrouve cette

année-là près de 200 000 personnes au Monterey Pop festival qui accueille un plateau éclectique

avec le rock puissant des Who, la world music de Ravi Shankar et la soul d'Otis Redding. Fin 1968,

Miami accueille aussi son festival Pop créé par Michael Lang, qui est moins d'un an plus tard le

créateur de Woodstock. Sur la côte californienne, trois festivals se créent à San José, San Francisco

et Los Angeles. Le premier cité baptisé le Northern California Folk-Rock Festival, accueille Ravi

Shankar, The Doors, The Animals ou Jefferson Airplane. Les festivals jazz évoluent avec une

déclinaison pop du festival comme c'est le cas à Newport ou à Monterey. Ce dernier appelé

Monterey International Pop Festival s'est déroulé du 16 au 18 juin 1967 dans la ville californienne

de Monterey. L'événement est perçu comme le point de départ du Summer of Love, période durant

laquelle près de 100 000 personnes se sont rassemblées dans le quartier d'Haight-Ahsbuty à San

8 Jean Zay (Ministre de l’Éducation sous le Front Populaire) a l'idée de créer un festival portant sur le cinéma qui a pour but de devenir l'équivalent du festival de Venise, référence de l'époque dans ce domaine.

11

Francisco. Les idéaux hippies s'y développent en proposant une liberté et une gratuité totale

concernant notamment la drogue, les soins médicaux et un magasin de denrées alimentaires. Le

festival de Monterey est créé en 1967 et cohabite avec les deux autres festivals de la ville : le

Monterey Jazz Festival créé en 1958 et le Monterey Folk Festival créé en 1963. Ces deux festivals

attirent chaque année des milliers de personnes dans la ville de Monterey. Il semble alors logique

pour les organisateurs de créer un festival pop aux côtés des deux autres festivals. L'affiche réunit

un plateau éclectique avec Jefferson Airplane, Ravi Shankar, The Byrds, The Who ou Jimi Hendrix.

Une affiche incroyable qui aurait pu aussi comprendre The Kinks ou Donovan s'ils n'avaient pas été

coincés à l'aéroport pendant la durée du festival. Peu d'incidents sont à déplorer parmi les 200 000

spectateurs présent à la première édition de ce Monterey Pop. La police locale a l'habitude de ces

grands événements et sait gérer les foules.

L'Europe n'est pas en reste avec la création, lors de l'année 1968, du festival de l'Ile de

Wight. Le phénomène Woodstock, près de 400 000 personnes en 1969, marque la pierre angulaire

des festivals modernes. Chacun voulant faire « son » Woodstock par la suite, le festival suscite le

rêve pour certains avec une ambiance hors du commun rassemblant quasiment tous les meilleurs

artistes de l'époque comme Joe Cocker, The Who, Janis Joplin, Joan Baez, etc. On retrouve aussi

plusieurs festivals en France durant les années 1970, surtout dans le sud du pays avec le festival de

Biot et celui d'Aix-en-Provence.

Mais il ne faut pas penser que les festivals sont l'apanage des Occidentaux. La création de

festivals explose aussi à l'époque en Asie ou en Afrique. On retrouve le World Popular Song festival

de Tokyo en 1970 ou le Sunbury Pop de Melbourne. L'année 1966 fait d'ailleurs office de jalons

dans l'histoire des festivals puisque on y retrouve la création du festival des Arts Nègres de Dakar,

ou encore du Jamaica Song Festival ou encore le Festival de la Chanson de Rio de Janeiro. Ce

dernier a même inspiré les créateurs de Woodstock, présent à l'édition 1967 comme spectateurs. On

retrouve la création d'un festival en Iran en 1967 le Shiraz Art Festival. Parmi les grands

événements hors d'Europe, on retrouve aussi le festival Zaïre 74. Le festival se déroule du 22 au 14

septembre 1974 au Stade du 20 mai de Kinshasa. Ce festival est organisé en prélude du combat de

boxe du siècle opposant George Foreman et Mohamed Ali. La programmation veut mélanger la

culture afro-américaine, on y retrouve James Brown, BB King ou The Spinners. Avec le Zaïre 74, le

festival peut aussi être vu sous un angle de propagande, et non plus une grande fête contestataire

comme a pu être Woodstock. Cette manifestation est en effet créée pour promouvoir la culture afro-

américaine et montrer qu'elle existe en parallèle de celle de la société occidentale. Le sport est aussi

une des clés de voûte de la dictature zaïroise et de son dirigeant Mobutu.

12

Woodstock, mythique point culminant du mouvement hippie

Quand on parle festival et surtout festivals mythiques on pense, encore aujourd'hui, au

festival de Woodstock. Pourtant Woodstock n'est pas le premier festival, ni le plus fréquenté dans

l'histoire et encore celui qui a la meilleure affiche. On note par exemple l'absence de tous les grands

noms de l'époque comme les Beatles, Jethro Tull ou les Rolling Stones qui refusent les conditions

des organisateurs. Les Doors doivent annuler leur venue en raison du procès de leur chanteur Jim

Morrison à Miami ou encore les Iron Butterfly bloqués à l'aéroport. La raison marquante est plutôt

que le festival est vu comme l'apogée du mouvement hippie. Ce dernier est un mouvement

contestataire issu de la contre-culture. Le festival se déroule en pleine guerre du Viet-Nam et

devient une tribune pour les opposants du conflit. De son nom complet « Woodstock Music & Art

Fair », qui souligne un mélange entre les arts puisque le festival mélange la musique et l'Art Fair,

une foire de l'art. Initialement prévu sur trois jours (du 15 au 17 août) et devant réunir 50 000

spectateurs venus de tous les États-Unis, le festival accueille finalement 450 000 spectateurs et se

déroule jusqu'au matin du 18 août avec Jimi Hendrix en clôture. Le festival est immortalisé par un

documentaire de trois heures réalisé par Michael Wadleigh, il remporte d'ailleurs l'Oscar du

Meilleur film documentaire en 1970. Plusieurs séquences musicales du film sont restées mythique

comme Jimi Hendrix qui reprend l'hymne américain Star Spangled Banner, dans un solo de guitare

légendaire qui imite le bruit de bombardements des avions américains au Viêt Nam ou la reprise des

Beatles par Joe Cocker : With a Little Help from My Friends.

Le festival de Woodstock est créé par Michael Lang et Artie Kornfeld, deux jeunes

entrepreneurs originaires de New York. Ils fondent le « Woodstock Ventures » pour fêter ce qu'ils

appellent « les mouvements sociaux des 60's » et dans le but de rendre hommage à Bob Dylan, fer

de lance de la contestation américaine contre la guerre du Vietnam. Woodstock tient son nom de

l'endroit où se trouve le studio d'enregistrement de Michael Lang. Après le refus des habitants de

Wallkill d'accueillir le festival, Woodstock va se dérouler à Béthel à une soixantaine de kilomètres

de la première ville ciblée sur les terres de Max Yasgur, qui reçoit 50 000 dollars de

dédommagements.

« Trois jours de paix et de musique. Des centaines d'hectares à parcourir. Promène-toi

pendant trois jours sans voir un gratte-ciel ou un feu rouge. Fais voler un cerf-volant. Fais-toi

bronzer. Cuisine toi-même tes repas et respire de l'air pur. » Cette publicité est celle que l'on peut

retrouver dans les journaux d'époque mais qui est loin d'imaginer que 450 000 personnes seront

présentes à l'événement, provoquant un des embouteillages les plus importants de l'histoire des

Etats-Unis. Les hélicoptères de l'US Army sont réquisitionnés pour satisfaire les besoins des

festivaliers en eau, nourriture et médicaments ainsi que pour le transport des artistes jusqu'au site de

13

Bethel.

Le festival reste mythique pour une phrase prononcée sur la scène par les organisateurs le

vendredi après-midi : « From now on, this is a free concert 9 ! » Devant certains spectateurs

contestataires qui vont détruire les barrières du festival puisqu'ils n'osent pas imaginer payer pour de

la musique folk, les organisateurs décrètent la gratuité totale du festival. L'affluence est près de dix

fois supérieure à celle attendue. Les organisateurs misaient à l'époque sur 50 000 spectateurs, 450

000 sont finalement présents. Max Yasgur, propriétaire du champ, est invité sur scène par les

organisateurs pour être remercié. Il déclare devant la foule « ce qui est important, c'est que vous

avez prouvé au monde entier qu'un demi-million de gosses peut se rassembler et avoir trois jours de

fête et de musique, et n'avoir rien d'autre que de la fête et de la musique, et que Dieu vous bénisse

pour cela 10 ». Les réactions des locaux, agriculteurs pour la plupart sont contre la tenue du festival.

Max Yasgur se voit même intenter un procès par ses voisins le 7 janvier 1970 pour qu'il paie les

dégâts causés par les festivaliers sur son champ qui n'ont pas respectés les cultures des voisins.

Yasgur gagne le procès mais refuse un retour du festival l'année suivante. Woodstock est le point

culminant de la contre-culture aux États-Unis mais aussi dans le monde, c'est le premier

rassemblement massif entièrement dédié à la paix, à la musique et au rejet de la société de

consommation. L'ironie de Woodstock étant que les organisateurs arrivent à finalement être

bénéficiaires après le raté commercial du festival en rendant l'entrée gratuite grâce... à la vente des

droits des concerts à la Warner (société américaine de production) qui sort en 1970 un triple album

et une cassette vidéo sur le festival.

Peu après Woodstock, on cherche à recréer ce modèle. Les Rolling Stones pour marquer la

fin de leur tournée américaine en décembre 1969, décident d'organiser un concert à Altamont. Mick

Jagger n'hésite pas à comparer son futur festival gratuit à un « Woodstock West ». Le festival se

révèle être finalement un désastre, à cause des Hell's Angels, gang de motards ultra violent, appelé

par les Rolling Stones pour assurer la sécurité des lieux. Près de 300 000 personnes sont présents

pour assister au concert des Rolling Stones, ce qui devait être le Woodstock de l'Est se révèle

finalement être une catastrophe. Sans le savoir le groupe britannique vient de créer l'antithèse de

Woodstock. La faute aux drogues et à la main de fer de la sécurité des Hell's Angels qui font se

détériorer les conditions du festival. Plusieurs bagarres ont éclatés durant le concert des Rolling

Stones censé clôturer le festival. La faute au climat délétère créée par la sécurité qui frappe le public

à coups de queues de billards, obligeant le concert à être arrêté trois fois. La violence atteint son

paroxysme lors de l'assassinat d'un jeune noir âgé de dix-huit ans Meredith Hunter, frappé par cinq

9 « Désormais ce festival est gratuit »10 Youtube : « Yasgur on Woodstock »

14

coups de couteaux et battu à mort par le gang pour avoir brandit une arme en direction de la scène.

Il est l'un des quatre personnes ayant trouvé la mort lors du festival puisque trois autres personnes :

deux enfants écrasés et un noyé sont décédés à Altamont. Il est finalement décidé d'une interdiction

totale des festivals de rock à Altamont par les autorités locales. Ces événements marquent la fin des

mégafestivals américains et surtout la fin d'une époque, la violence fait irruption dans la musique

d'une manière dramatique. Il faut aussi ajouter à Altamont les décès des premières stars du rock

comme Jimi Hendrix, Janis Joplin ou Jim Morrisson. Tous ces événements mis ensemble signent la

fin définitive des idéaux de paix et d'amour prônés par les hippies.

L'absence d'historiographie sur le sujet

Malgré cette riche histoire, les festivals semblent être oubliés de l'historiographie et plus

largement des livres dédiés à la musique. Christophe Pirenne dans son Histoire musicale du rock, ne

consacre que trois pages (plus de 600) aux festivals passant rapidement sur les événements qui se

sont déroulés durant les années 1960 et 1970. Certains festivals sont des actes fondateurs de leurs

sociétés respectives comme par exemple Woodstock, qui est encore aujourd'hui la référence absolue

de ce genre de manifestations qui en plus du caractère festif a un véritable cadre politique sous-

jacent. Woodstock étant devenu l'événement clé de la contestation contre la guerre du Viet-Nam.

Les symboles de paix et d'amour étant prônés par les spectateurs pendant que certains artistes se

déclarent durant le festival contre cette guerre. Notamment Jimi Hendrix qui reprend l'hymne

américain en imitant le bruit des avions qui bombardent le Vietnam. Ce festival a su faire bouger les

mentalités de l'époque, à l'instar des Vieilles Charrues de Carhaix. Cet événement, devenu le plus

grand de France, en plus d'avoir apporté de la culture dans un endroit rural coupé des grands circuits

a pu faire exister la ville de 8 000 habitants sur une carte. Pendant un week-end chaque année, puis

pendant l'année ensuite en multipliant les initiatives et la création d'une salle de concert qui

surplombe le lieu du festival.

Les historiens et les géographes ne s'intéressent au sujet que depuis très peu d'années, les

premières études datant des années 2000. Le pionnier en la matière est Emmanuel Négrier, auteur

de deux ouvrages sur le sujet : Les Publics de Festivals et sur Les Nouveaux Territoires de festivals.

On compte aussi deux ouvrages collectifs très récents sur le sujet puisque datant de 2012 et de 2014

Festivals et sociétés en Europe XIX-XXIème siècles et Une Histoire des Festivals XX-XXIème

siècle. Les études que comportent ces deux publications posent les jalons d'un nouveau champ

historiographique. La quasi-totalité des ouvrages concernant les politiques culturelles ne signalent

même pas la création de festivals.

La Bretagne n'a pour le moment aucune étude sur le sujet. On voit cependant apparaître

15

régulièrement des ouvrages sur les festivals, chaque événement ayant pris pour habitude d'éditer

lors d'un anniversaire, la dixième édition par exemple, une publication. Celle-ci comporte toujours

un nombre important d'archives comme des photographies de l'événement ou du programme, voire

des témoignages d'organisateurs. On retrouve des ouvrages de ce type concernant les festivals

Interceltique, de Cornouailles ou du Chant de Marin de Paimpol ainsi que pour les Vieilles

Charrues. Le livre Rok : Cinquante ans de musique électrifiée en Bretagne en deux tomes, pose les

bases de l'histoire du rock en Bretagne, parlant aussi bien de la création des groupes que de celle des

festivals.

La Bretagne est considérée comme une grande région de festivals. Certes, elle n'est pas celle

qui accueille le plus grand nombre d'événements de ce type, mais on y retrouve chaque année des

artistes de renommée internationale, preuve de la vitalité de ces manifestations dans la région. Les

festivals sont incontestablement au cœur de la vie culturelle et associative bretonne, dans les

grandes villes ou les espaces ruraux. Il s'agit donc de se demander comment ces événements ont

réussi à devenir incontournables en Bretagne.

Pour ce faire, l’étude de la naissance des festivals, dans le cadre des premières fêtes

traditionnelles, précédera celle de la première diffusion régionale de ces événements dans les années

1960-1970, avant d’aborder la question des festivals actuels. Ainsi, diverses thématiques comme le

refus de la société de consommation, le désir d’émancipation de la jeunesse bretonne qui préfère

parfois se tourner vers les cultures folk, pop ou électronique anglo-saxonnes plutôt que vers la

musique traditionnelle ou encore les conflits d’usages à l’échelle locale entre amateurs et

réfractaires à ce type d’événements seront abordées. Cette étude amènera enfin à interroger sur

l'existence d'un ou plusieurs modèles de festivals bretons.

La naissance des premiers festivals sera dans un premier temps évoquée. Il s'agira ensuite

d'étudier l'explosion de ces manifestations dans les années 1990 avant d'analyser la situation

actuelle des festivals bretons.

16

CHAPITRE PREMIER : Les premiers festivals des années 1970 à 1980

I / Les premières fêtes folkloriques et traditionnelles en Bretagne au début du XXème siècle

A- Les premières fêtes bretonnes : A Pont-Aven et à Douarnenez.

Les premières manifestations bretonnes sont des fêtes plus que des festivals. La fête est

créée pour soutenir des coutumes ou des traditions tandis qu'une notion de spectacle existe dans le

terme de festival. C'est en cela qu'il est important de savoir différencier les deux. Jusqu'aux années

1970, on retrouve surtout des fêtes en Bretagne. On retrouve une première trace réelle de fête

traditionnelle en 1905 avec la Fête des Fleurs d'Ajoncs créé par Théodore Botrel à Pont-Aven. Le

chansonnier est né le 14 septembre 1868 à Dinan dans les Côtes du Nord. Il est l'auteur de la

chanson La Paimpolaise. C'est lors d'un récital donné à Pont Aven qu'il tombe amoureux de la ville

et décide de s'y installer au début du XX ème siècle. D'abord programmée tous les deux ans, la Fête

devient rapidement annuelle. La première Fête des Fleurs d'Ajoncs a lieu le 8 août 1905. Cette fête

prend la forme d'un pardon, très répandu à l'époque en Bretagne. C'est un pèlerinage lié à la foi pour

demander l'expiation des fautes. Ce rassemblement est aussi l'occasion d'une fête laïque où l'on

retrouve différents camelots, vendeurs ou taverniers qui profitent de l'événement pour se concentrer

près de l'église ou de la ville.

La fête débute avec une grande messe suivie de deux concours folkloriques : un premier

autour musical du binioù et un second autour du costume breton. L'après-midi fait place au

spectacle vivant avec un concert populaire puis la représentation d'une pièce de théâtre Fleur

d'Ajonc. La journée se termine avec une illumination et des danses. Le prix d'entrée, au spectacle

populaire, est d'un franc pour les spectateurs. Une réduction est prévue pour les « bretonnes et

bretons portant costume national 11 » Les bénéfices de la Fête des Fleurs d'Ajoncs allant directement

« aux pauvres du pays ». Le programme de la fête ne change pas jusqu'à la guerre incluant toujours

un récital de Théodore Botrel et le couronnement de la reine. Le chansonnier va aussi créer la Fête

des Fleurs de Blé noir dans sa ville natale de Dinan sur un modèle similaire à la manifestation

pontaveniste.

Une autre fête du même genre va avoir lieu à Concarneau à la même époque. Les deux

villes, distantes d'une quinzaine de kilomètres, vont créer un type similaire de fête. Les Filets Bleus

sont mis en place pour une œuvre de bienfaisance en faveur des marins et de leur famille. Au début

du XX ème siècle, l'économie de la ville de Concarneau est basée sur la pêche et plus

11 Voir le programme de la fête situé en annexe.

17

particulièrement la sardine. Les hommes allant la pêcher pendant que les femmes travaillent à

l'usine de conserverie. Lorsque le poisson va quitter peu à peu les côtes bretonnes, les familles

concarnoises sombrent peu à peu dans la misère. Le maire de la ville et patron de conserverie,

Louis-Marie-Samuel Billette de Villeroche, va alors décider d'une fête solidaire envers les marins et

leur famille. Déjà en 1902 et 1903, le maire va mettre en place des aides pour les plus démunis à

travers une cavalcade 12 et une souscription pour le Bureau de Bienfaisance.

Prenant exemple sur les voisins de Pont-Aven et de leur Fête des Fleurs d'Ajonc, Louis-

Marie-Samuel Billette de Villeroche va créer un comité des fêtes pour organiser la Fête des Filets

Bleus. Ce comité est composé de trois membres : l'écrivain Jos Parker, le peintre Fernand Legout-

Gérard et le baron Loïc de Cambourg. Albert Larrieu va composer un hymne officiel pour les Filets

Bleus. Une reine des Filets Bleus est aussi choisie parmi les ouvrières de l'usine : il s'agit de Pauline

Le Bacon.

C'est grâce aux touristes que la solidarité prend sa source, à travers un petit filet bleu vendus

quelques centimes aux spectateurs pour les familles de marins. Ce filet est au départ une source de

contestation dans la ville puisque on oppose le macaron « officiel » de la fête créé par le comité des

fêtes et celui des commerçants. Ces derniers ne tardent pas à répliquer dans un cinglant

communiqué qui attaque les organisateurs : « Si ces requins capitalistes veulent faire le bien, qu'ils

commencent par payer le mille de sardines un peu plus cher afin de permettre aux pêcheurs de

manger à leur faim ! ». A l'instar de la vente du muguet au 1er mai, les enfants de la ville se mettent à

vendre leurs macarons afin de se faire de l'argent de poche.

La première fête a lieu le 10 septembre 1905, c'est alors une simple kermesse de

bienfaisance avec des stands divers et variés. Un spectacle eu lieu le au matin avec un programme

artistique mettant en scène les différents acteurs du comité des fêtes. Le spectacle débute par La

Chanson des Filets Bleus chantée par le Trio Montmartrois 13. On y trouve ensuite différents

chansons. Comiques tout d'abord avec La Pipe du Commandant ou A droite au fond interprétées par

Loic de Cambourg. Ce spectacle est essentiellement basé sur Concarneau avec plusieurs chansons

sur la ville comme Un Soir à Concarneau par Jos Parker & Paysage de Neige, Les Bonnes Vieilles

de Concarneau par le Trio Montmartrois, Concarneau : le vent de la mer par Henri Bonduelle. Sans

oublier de la musique classique. La seconde partie du spectacle met en scène différents concours

avec de la danse bretonne et des costumes bretons ainsi que la pièce de théâtre Jean Marie créée

pour l'occasion par André Theuriet. La Fête des Filets Bleus évolue et garde ce côté festif propre à

cette œuvre de charité. Le dimanche, un grand défilé traditionnel a lieu entre la place de la Mairie

12 Défilé public de chars ou de chevaux13 Trio musical composé par Albert Larrieu (poète et auteur de la chanson des Filets Bleus), Delrieu et le guitariste

Farrail dont la tournée nationale est passée à Concarneau.

18

et la place Jean-Jaurès de Concarneau. Neuf bagadoùs, dix-huit cercles celtiques et deux chorales

viennent de toute la Bretagne pour le défilé qui précède les chars des reines. On y retrouve toutes

les Reines des fêtes folkloriques des environs avec la reine de Scaër, celle de Quimperlé, celle de la

Fête des Ajoncs d'Or de Pont l'Abbé ainsi que la Duchesse des Bretons de Paris et en final le bagad

de Lann-Bihoué qui précède le char de la reine des Filets Bleus.

B. La Fête des Reines de Cornouaille

Le 17 décembre 1922 à Quimper, se déroule les Grandes Fêtes Bretonnes dans la salle du

cinéma d'Odet Palace. A l'instar des Filets Bleus ou de la Fête des Fleurs d'Ajoncs, ces Grandes

Fêtes Bretonnes se déroulent selon un modèle bien connu. Une fête folklorique pour aider les

œuvres de charités de Quimper. On y retrouve des concours de danses, de costumes et de chants

bretons. Les Grandes Fêtes Bretonnes de Quimper vont même innover avec une séance

cinématographique suivie d'un grand bal avec l'Orchestre Symphonique du conservatoire de Paris

pour clôturer la soirée. La dimension festive n'est pas oubliée avec des distributions de surprises et

des batailles de confettis pour les spectateurs. L'année suivante est créée la Fête des Reines de

Cornouaille. Ce qui provoque un tôlé important dans la ville de Quimper. Le clergé, les

communistes ainsi que les autonomistes bretons critiquent violemment la tenue de cette fête. Pour

des raisons diverses, les communistes s'opposant aux Reines, symbole d'oppression et pour le

clergé, ce concours sent « le gâtisme à plein nez. » Le concours a lieu le 30 septembre 1923 avec

l'appui des commerçants de Quimper. On retient alors, pour l'anecdote, que Marie Guirriec jeune

quimpéroise, devient la première élue de la Fête des Reines de Cornouaille. L'argent récolté par

l'événement est ensuite redistribué à l'Amicale régionale de rééducation professionnelle des mutilés

de guerre et à la caisse du comité départemental du Finistère 14. Le journal Le Monde dépêche sur

place un correspondant pour assister au défilé, selon lui « Rien ne peut être comparé à ce défilé 15.»

Il est vrai que le défilé de l'époque est unique. On y retrouve les gymnastes locaux, des groupes de

danses, des musiciens traditionnels bretons, une fanfare et même un « biplan qui survole la foule. »

Jusqu'à sa dernière édition avant la guerre, en 1937, la formule de la Fête des Reines de Cornouaille

reste sur un modèle comparable aux premières éditions. On y retrouve l'élection de reines, le défilé,

un banquet ainsi qu'un grand bal pour clôturer les festivités. Les médias français s'intéressent à

l'événement avec la radiodiffusion dès 1929 du défilé 16. Après trois années d'interruption entre

1930 et 1933 en raison des difficultés financières du comité, la Fête des Reines de Cornouaille

devient Fêtes de Cornouaille. La formule est alors allégée mais garde son défilé, fleuron de

14 GORGIARD Ronan, MAURAS Jean-Philippe, Cornouailles : de fêtes en festival, p 1115 Ibid, p 1316 Ibid, p 26

19

l'événement qui va devoir s'interrompre jusqu'en 1937. Cette édition, la dernière avant la guerre, a

pour seule nouveauté un rassemblement des danseurs bretons qui font une démonstration des danses

propres à leur terroir. Le groupe des Moutons Blancs de Pontivy fait alors forte impression avec sa

gavotte pourlet.

Juste après la guerre, le comité des fêtes de Quimper s'interroge sur la suite à donner aux

Fêtes de Cornouaille. Une partie des indépendantistes bretons s'est en effet ralliée à la collaboration.

Voyant dans cette alliance, l'occasion unique d'avoir une Bretagne indépendante. Les survivants de

la résistance bretonne, Per-Jakez Hélias en tête, réfutent ces arguments et veulent le retour des

Fêtes. Le principal argument etant que la culture bretonne n'est pas l'apanage de quelques

autonomistes collaborationnistes mais bien le patrimoine de tout un peuple 17. La fête renaît en 1947

sous le nom de Fête du Folklore Bigouden. L'année suivante, l'événement reprend son nom de

Fêtes de Cornouaille et attire près de 10 000 personnes. L'invité d'honneur est l’Écosse, et l'on y

retrouve un défilé de sonneurs. Celui-ci est modeste, on y trouve seulement six sonneurs et 200

spectateurs, pour ce qu'on appellera plus tard le Triomphe des Sonneurs. L'année suivante, le défilé

grandit et ce sont dix fois plus de sonneurs (soixante en tout) et 32 cercles celtiques qui vont animer

la ville pendant la semaine du festival.

Dans les années 1950, le festival ne cesse de prendre de l'ampleur, innovant sans cesse avec

de nouvelles animations comme des pièces de théâtre ou des conférences sur le monde celte. Le

festival veut « symboliser l'entente celtique 18 » et invite chaque année des délégations irlandaises

ou écossaises. Chaque ville bretonne amène également une délégation de danseurs ou de musiciens,

les Fêtes de Cornouaille deviennent un événement incontournable de la région. En 1952, il y a près

de 500 sonneurs et 70 cercles pour près de 100 000 spectateurs. Des scores impressionnants qui

vont dépasser les frontières bretonnes puisque la télévision et les médias vont s'intéresser au festival

breton. Yann Rivallain dans un article intitulé « Le Cornouaille, fête d'un pays 19 » affirme que « Les

Fêtes de Cornouailles ont un rôle déterminant dans le renouveau musical d'après-guerre. Sans ces

retrouvailles source de fierté et d'émulation, il est probable que le mouvement des cercles et des

bagadoù n'auraient jamais connu un tel développement. » La fête ne cesse de battre des records de

fréquentation par la suite notamment en 1955 où l'Abadenn Veur 20 accueille autant de spectateurs

qu'il n'y a, à l'époque, dans la ville de Quimper 21. Peu à peu les Fêtes de Cornouailles se font une

place à part dans les médias régionaux puis nationaux. En 1956, le RTF va diffuser une partie du

défilé en direct sur son antenne. Cette édition marque en plus l'ouverture à d'autres cultures puisque

17 Ibid, p. 3718 Ibid, p 5219 RIVALLAIN Yann, op cit, p 3320 Rassemblement de tous les cercles et bagadoù sur la place de la Résistance de Quimper21 Soit environ 20 000 spectateurs

20

des pays non-celtiques sont invités pour la première fois. Il s'agit de délégations russes et italiennes.

Chaque année depuis des délégations sont invitées des quatre coins du monde. Jean-Michel le Viol,

directeur du festival explique que :

« l'idée de Per-Jakez Hélias était tout simplement d'inviter des groupes de danseurs d'autres pays du

monde, porteurs de traditions populaires pour montrer aux Bretons ce qu'ils pouvaient faire avec leurs

propres traditions 22.»

Pour Hélias la Bretagne doit s'ouvrir vers l'extérieur en renouvelant son modèle musical et

traditionnel. Une vision contestée par les spectateurs, qui veulent simplement danser et ne

s'intéressent pas vraiment aux autres cultures du monde 23. Les différents festoù-noz et le kan ha

diskan 24 retrouvent une place de choix dans les programmations des années suivantes pour le

festival. Les fêtes de Cornouaille attirent désormais un public extra-breton pour assister a cette

grande fête populaire, la « plus grande fête folklorique de France de l'époque. 25 »

Mais les Fêtes de Cornouaille, sont aussi un des hauts lieux du théâtre breton. On l'appelle

même le « petit Avignon breton » en référence au grand festival de théâtre qui se déroule chaque

année dans le sud de la France depuis l'après-guerre. C'est grâce, notamment, à l'un des

organisateurs, Per-Jakez Hélias, que le théâtre va se développer durant les Fêtes. Il écrit une dizaine

d’œuvres pour le festival dont une opérette bretonne avec le musicien Jeff Le Penven. Des pièces de

Shakespeare seront joués à Quimper (Othello notamment) et des acteurs comme Roger Hanin font

le déplacement en terres finistériennes. La grande innovation des Fêtes va être aussi d'inventer les

spectacles sons et lumières avec le Breizh Gwechall en 1970 pièce créée par Jeff le Penven, Per-

Jakez Hélias et Bernard de Parades. Pour ce premier spectacle sont mêlés la comédie, la musique et

des projections vidéos. Chaque année, Bernard de Parades propose une nouvelle création de ce

genre, mêlant arts numériques et spectacle vivant. Il va aussi mettre un coup de projecteur sur les

vieux quartiers de Quimper. En 1977, lors de la 29ème édition du festival il créé La Nuit des Vieux

Quartiers. L'idée est de faire revivre la partie oubliée des quartiers de Quimper situés dans la ville

haute avec diverses animations issues du patrimoine vivant comme un village d'artisans ou des

démonstrations de vieux métiers ainsi que des activités autour du spectacle vivant comme des

contes, des festoù-noz ou des concerts. L'édition de 1978 marque une nouveauté : l'arrivée du sport

au programme des Fêtes. On y retrouve plusieurs jeux un temps oubliés souvent d'adresse ou de

force comme le galochen (galoche), le gwernian perchen (lever de perche), l'ahel karr (lever de

l'essieu) ou le maen pouez (lancer de pierre lourde)

22 RIVALLAIN Yann, op cit, p. 3223 Idem24 Danse chantée a cappella et qui signifie littéralement « Chant et contre-chant »25 Op cit, p 32.

21

C. La contestation au sein des Fêtes de Cornouaille

Les années 1950 changent l'état d'esprit du festival et des bretons. Afin d'éviter la

régionalisation comme dans les autres pays d'Europe, il était interdit de porter un macaron « BZH »

(BreiZH) sur sa voiture ou donner des prénoms bretons à ses enfants. On voit aussi que la police

note les plaques d'immatriculation des spectateurs pendant les concerts de Glenmor ou de Gilles

Servat 26. Les événements de mai 68 déclenchent un nouvel esprit breton puisque le Gwenn ha Du

est brandi à la Sorbonne. Les Fêtes de Cornouaille sont impactés par des minorités qui veulent

profiter des festivités pour se faire entendre. La première manifestation de ce type a lieu en 1955

avec des indépendantistes géorgiens qui distribuent des tracts dans la rue pour protester contre la

tenue des ballets russes 27. Durant les années 1970, plusieurs autonomistes perturbent le défilé des

cercles et bagadoù pendant que le 25 juillet 1976 à 15h45, le toit de la banque BNP qui explose en

plein défilé. L'auteur de l'attentat ayant pu s'échapper dans les 12 000 spectateurs massés autour de

la Place de la Résistance. Aucun blessé n'est alors à déplorer. L'édition 1978 est marqué par des

incidents au début du défilé puisque la police procède à une vingtaine d'arrestations proches du

mouvement autonomistes bretons.

Les jeunes vont s'opposer aussi aux Fêtes critiquant l'aspect « préhistorique » des défilés

folkloriques. Ces jeunes sont en « total désaccord avec la programmation de ballets officiels

folkloriques sans créativités et les défilés de coiffes. » Ils veulent aussi s'émanciper du modèle

traditionnelle des costumes, refusant d'aller aux concours en costume traditionnel « une mascarade28 » pour les participants. Michel Toutous, sonneur, se souvient d'une anecdote à ce sujet d'une

« vieille blouse qui circulait en 1975 et qui passait entre les mains de chaque sonneur devant la

scène pour éviter d'être disqualifié. 29 » Les sonneurs vainqueurs raillent la tradition un peu plus

tard lors d'un fest-noz où le couple vainqueur du concours 30 est invité à se produire. Le duo s'affiche

en maillot de bain et en palmes pour jouer. Ils voient leurs tenues comme « le costume traditionnel

de touristes 31 », un pied de nez qui ramène à la pensée de cette jeunesse bretonne qui voit les Fêtes

de Cornouailles comme un rendez-vous pour touristes. Les entités les plus reconnues des Fêtes sont

sévèrement critiqués par les jeunes comme le concours des Reines de Beauté jugé « ringard, à

l'heure du mouvement de libération des femmes 32 » ou le défilé vu comme une « cacophonie pour

26 PICHARD Jean-Pierre, Musiques des Mondes Celtes, Paris, Éditions du Chêne, 2000, p 58.27 RIVALLAIN Yann, op cit, pp. 3228 GORGIARD Yann, MAURRAS Jean-Philippe, Cornouailles : De Fêtes en Festival à Quimper, Spezet, Coop

Breizh, 2010, p. 8029 RIVALLAIN Yann, op cit, p. 3230 Le duo Philippe le Strat et Michel Thomas. 31 GORGIARD Ronan, MAURRAS Jean-Philippe, , op cit32 RIVALLAIN Yann; op cit, p. 32

22

touristes 33 » Les organisateurs de l'événement sont vus comme des « notables et des commerçants

affichant une bretonnitude de façade devant les touristes [...] Ils n'en avaient en réalité rien à faire

du sort de la Bretagne et des vraies questions concernant la langue, l'économie, la centralisation,

etc. 34 » Les organisateurs sont vus comme des organisateurs de fêtes folkloriques et pas du tout

comme des défenseurs de leur culture ou de leur patrimoine.

Lors du festival de 1973, le président va, lors du discours du cinquantième anniversaire des

Fêtes de Cornouaille être très offensif face aux les jeunes contestataires. Rappelant que grâce à

l'événement :

« les jeunes bretons se mirent à porter avec fierté les costumes de leur pays d'origine, à danser les

danses de leurs ancêtres, à chanter leurs chants, à jouer leurs musiques, à parler leur langue, à étudier leur

histoire aux yeux étonnés des moins jeunes et des anciens, qui n'avaient plus peur de dire qui ils étaient. 35 »

Fanch Bégot, président, insiste sur la notion de fierté rendue aux bretons grâce aux Fêtes de

Cornouaille où « Toute la Bretagne se retrouve le quatrième dimanche de juillet à Quimper, devenu

la Mecque du folklore breton 36. » Le discours de ce cinquantième anniversaire tend à démontrer

que les Fêtes de Cornouaille ont su « faire connaître au monde la culture bretonne par le moyen de

la fête, et de promouvoir cette culture dans l'avenir » Le président Fanch Bégot insistant aussi sur

les créations que l'événement s'efforce de faire pour faire évoluer la culture bretonne dans l'avenir.

En démontrant aux jeunes que les Fêtes de Cornouailles sont là pour faire évoluer la culture

bretonne. Fanch Bégot est aussi virulent avec l’État puis qu'il conteste « ces autorités qui ne font

aucun effort et qui ne portent pas la main à la poche tout en récoltant les dividendes de la fête. » Il

parle, probablement, de la municipalité de Quimper qui ne donne alors qu'une petite subvention aux

Fêtes de Cornouaille, mais qui peut ramasser beaucoup d'argent. Les retombées économiques pour

la ville étant très importantes. Pour démontrer le « poids économique et touristique des fêtes », le

président Fanch Bégot veut même annuler les Fêtes de 1974 afin de changer l'état d'esprit des

autorités locales. Quelques mois plus tard, Fanch Bégot est destitué de son poste de président. Son

discours a été jugé trop virulent contre l'Etat et les jeunes et est démissionné par le conseil

d'administration.

La réaction des Fêtes ne se fait pas attendre face aux critiques. Jugé trop lisse, la fête

Quimpéroise accueille le barde Glenmor en 1979. Il est depuis le début de sa carrière en 1959, le

symbole de la lutte des militants bretons et n'est jamais passé à Quimper. Sans doute trop sulfureux

pour les Fêtes. Le Triomphe des Sonneurs est aussi supprimé de la programmation. Le comité

33 Idem34 RIVALLAIN Yann, op cit35 GORGIARD Ronan, MAURRAS Jean-Philippe op cit, p. 7636 Idem

23

estime qu'il « vaut mieux en faire son deuil que de présenter au public une caricature de cette

manifestation qui marquait naguère l'apothéose des Fêtes de Cornouaille. 37 » Autre nouveauté

marquante au début des années 1980, les Fêtes de Cornouaille changent de nom sous l'impulsion de

Bernard de Parades pour « festival de Cornouaille ». Ce changement n'a l'air de rien, mais le seul

changement de fêtes en festival, « permet d'obtenir de nouvelles subventions et d'apparaître dans

des calendriers de festivals. 38 »

II- Les festivals dans les années 1970

A. La situation en Europe

1. Le festival de l'île de Wight

Le festival de l'île de Wight est créé en 1968 sur l'île éponyme située au sud de l'Angleterre.

Jefferson Airplane, T Rex et Fairport Convention sont les premiers artistes à se produite au premier

festival qui durant deux jours a rassemblé 10 000 spectateurs. L'année suivante, la fréquentation du

festival de l'Ile de Wight est multipliée par quinze. Le festival a lieu une semaine après celui de

Woodstock qui a eu une couverture médiatique mondiale dont tout le monde a pu voir les passages

des artistes. La différence de taille avec Woodstock est la présence de Bob Dylan à Wight. Ce

dernier n'était pas présent sur l'affiche du festival américain. Dylan ayant annoncé sa venue « sous

réserve » mais n'a finalement pas honoré le festival de sa présence. Wight réussit à l'avoir sur son

affiche en compagnie de deux des têtes d'affiches de Woodstock : The Who et Joe Cocker.

La même année sort en France, la chanson Wight is Wight de Michel Delpech dédiée au

festival. Les paroles de la chanson expriment l'esprit de l'époque qui cherche à entrevoir une lueur

d'espoir grâce à ce festival et ses participants (« C'est comme un soleil / dans le gris du ciel »). Le

refrain de la chanson est « Hippie, Hippie, Hippie » répété plusieurs fois avec « Dylan is Dylan » et

« Viva Donovan » et Michel Delpech met les hippies au centre de sa chanson en leur donnant le

refrain. Il cherche à exprimer la liberté à travers son texte s'adressant aux opposants du mouvement

hippie « Toi qui a voulu t'emprisonner / As tu le droit de condamner/ Celui qui cherche à s'évader /

Chacun mène sa vie comme il veut / Tu ne peux plus baisser les yeux ». Wight is Wight exprime

l'esprit de liberté qui découle de cette jeunesse, cette insouciance où les festivaliers arrivent « sans

un bagage et les pieds nus ». « Comme un cyclone inattendu » qui souligne le choc de l'époque en

37 Ibid, p. 8638 Ibid, p. 93

24

ce qui concerne ce festival, en pleine Guerre Froide et dans un contexte international tendu, on

retrouve des centaines de milliers de jeunes qui se rassemblent ensemble offrant un nouvel espoir au

monde avec la dernière strophe de la chanson : « Comme une fleur avant la saison / Comme une

pluie de papillons / A laquelle on a jamais cru ».

En 1970, le festival atteint des sommets jamais égalés dans l'histoire du festival moderne.

Près de 600 000 personnes se pressent sur l'île pour assister à quatre jours de musique du 26 au 30

août. Près d'une quarantaine d'artistes vont se succéder durant le festival, dont The Doors pour l'un

de leurs derniers concerts, Joan Baez, The Who ou Jimi Hendrix. Le documentaire A Message to

Love : The Isle of Wight, montre cependant une vision négative du festival. Entre scènes de

violences entre les participants et festivaliers excités. Des pillages ont aussi été signalés chez les

commerçants locaux et le mouvement contestataire s'amplifie parmi les festivaliers qui réclament

des festivals gratuits et qui n'hésitent pas à resquiller au nom de la contestation. On note lors d'un

reportage du journal télévisé de 20h de l'ORTF 39, les journalistes rencontrent de jeunes français

parlant de l'arrivée d'anarchistes français entonnant L'Internationale « et des slogans de 68 » devant

le festival de l'île de Wight. Les 200 jeunes ont aussi « détruit des barricades ». Devant cette foule

réclamant la musique libre, les organisateurs de Wight cèdent après deux jours sur l'entrée gratuite

du festival ce qui entrainent des pertes évaluées à « 50 000 £ et la faillite de la société Fiery

Creation, créée par les frères Foulk, à l’origine du festival 40». Wight ne s'arrête pas là puisque le

festival va connaître une seconde jeunesse dans les années 2000 avec la création d'un festival de

Wight sponsorisé par Nokia, géant de la téléphonie mobile finlandaise.

2. Le Festival folk de Nyon

En 1976 à Nyon est organisé le premier festival folk de Suisse. Environ 2000 personnes se

rassemblent dans la salle communale de la ville du canton de Vaud. L'affiche proposée durant ces

trois jours d'avril est éclectique avec des artistes venant du monde entier comme l'américain Jack

Treese, l'anglais John Renbourn ou le groupe français Malicorne, tous trois principales têtes

d'affiches du festival. L'année suivante, les organisateurs voient plus grands avec le Nyon Folk

Festival. Organisé désormais fin juillet – une période qu'il occupe toujours actuellement – le festival

a lieu au Colovray près du lac Léman, le cadre du festival étant à l'époque aussi important que

l'affiche du festival. Une trentaine de groupes ou d'artistes participent à ce second festival folk de

Nyon dont Country Joe McDonald qui a participé au festival de Woodstock de 1969 et qui est l'une

39 Festival de l'Ile de Wight, reportage du JT de 20h de l'ORTF, 31 août 1970, 2 min 04.40 Florence TAMAGNE, « L'interdiction des festivals pop au début des années 1970 : une comparaison franco-

britannique » in Festivals et sociétés en Europe XIX-XXIème siècle,.

25

des principales « attractions » du festival. A ses côtés on retrouve aussi François Béranger, le retour

de Malicorne ou Marcel Dadi, pour une affiche à grande majorité franco-suisse. Une volonté des

organisateurs de profiter de la renommée des artistes anglophones pour faire découvrir des artistes

peu connus. En 1978, le festival accueille un rassemblement d'hootenanny, « équivalent blues, des

jam sessions 41 ». Ce sont des sessions de partage artistiques créées dans les années 1960 aux États-

Unis on y retrouve de la musique, des poèmes mais aussi des débats politiques sur les problèmes

socio-culturels.

L'affiche de 1978, donne la part belle aux artistes celtiques, le revival celtique explosant à

cette époque avec la présence à Nyon des groupes irlandais Clannad ou The Chieftains et des

bretons Gwendal, Tri Yann an Naoned ou Dan ar Bras. Après l'année 1979, le festival commence à

s'ouvrir à la variété française avec Alain Souchon, Bernard Lavilliers ou Catherine Lara. Le folk va

peu à peu disparaître de l'affiche du festival laissant place à la chanson française, au rock, à la pop

et aux musiques du monde jusqu'à obliger le festival à changer de nom en 1986 où on le renomme

Paléo Festival. Aujourd'hui encore le festival existe toujours à Nyon où il attire durant l'avant

dernier week-end du mois de juillet près de 200 000 personnes. Sa quarantième édition, en 2015,

laisse même une part importante aux artistes folk ou pop des années 1970, date de création du

festival. On y retrouve Joan Baez, Patti Smith ou Robert Plant (ex-chanteur du groupe Led

Zeppelin) pour tenter de retrouver le frisson des premiers festivals.

3. Le Torhout-Werchter

Organisé en Belgique, le Rock & Blues de Werchter -ville proche de Bruxelles - a plusieurs

spécificités par rapport aux autres festivals européens de l'époque. Il se démarque dès 1975, date de

sa création, par une programmation plus rock et blues que ces autres concurrents européens.

Pour sa première édition, 5 000 personnes viennent de toute la Belgique applaudir une

affiche essentiellement locale. La seconde édition attire 6 000 personnes avec les premiers groupes

néerlandais à l'affiche, un ajout qui s'explique par le dédoublement du festival dans la ville de

Torhout près de la frontière belge à 150 kilomètres de Werchter. Les artistes programmés jouent

désormais le vendredi à Werchter et le samedi à Torhout. Cette édition 1976 marque les débuts du

festival « itinérant ». L'édition 1978 marque une important nouveauté, l'ouverture du festival aux

groupes anglophones avec la présence de Dr Feelgood et de Talking Heads qui attirent 12 000

personnes sur les deux jours de festivals. Le festival de Torhout-Werchter a la particularité de

n'avoir, durant les années 1970 et 1980, jamais programmés un seul groupe de folk à son affiche. Ce

41 Comparaison faite par la chanteuse folk Joan Baez

26

qui en fait un festival beaucoup moins contestataire que les autres, un exemple plus policé de

festival où aucune revendication n'est faite. Le festival est durant les années 1980, l'un des géants

des festivals européens avec 60 000 personnes dès 1985. Après le rock et le blues, le festival oriente

sa programmation vers la new wave dans les années 1980 en programmant The Cure, U2, Simple

Minds ou U2. A l'instar du Paléo Festival, Werchter existe toujours de nos jours. Après avoir pris le

nom de Rock Werchter en 1996 le festival, qui est la propriété du groupe Live Nation, possède

plusieurs festivals satellites comme le TW Classics (un hommage à l'ancien Torhout-Werchter,

accueillant des artistes des années 1970 et 1980) ou le Main Square Festival situé à Arras en France

et créé pour désengorger le festival de Werchter.

B. L'arrivée progressive du rock et du pop à Paris

1– Des débuts difficiles

A l'origine de la diffusion des musiques amplifiées en France, il existe un lieu essentiel à

Paris : le Golf Drouot. Surnommé le « temple du rock en France », la salle du neuvième

arrondissement de Paris a accueilli de 1955 à 1981 environ 6 000 groupes amateurs venus du monde

entier. Henry Leproux, gérant du lieu, transforme peu à peu le salon de thé des débuts. Le nom du

club est dû au terrain de golf neuf trous qu'il abrite. En 1961, le Golf Drouot devient officiellement

une discothèque. Tous les vendredis soirs un tremplin est organisé pour repérer les jeunes talents.

Initialement réservés aux groupes parisiens, le lieu s'ouvre peu à peu aux groupes venus de

Province. Chaque formation possède trente minutes pour se faire entendre et le vainqueur a le droit

de revenir la semaine suivante remportant aussi une session d'enregistrement en studio.

De nombreux futurs grands participent au tremplin dont Johnny Hallyday, Eddy Mitchell ou

Dick Rivers. Ces deux derniers étant alors accompagnés de leurs groupes respectifs Les Chaussettes

Noires et Les Chats Sauvages. Les Lionceaux, Les Chacals, Les Champions, Les Zodiaques, Les

Vautours et des centaines d’autres groupes de la France entière vont disputer ce tremplin faisant une

carrière plus ou moins importante dans l'Hexagone par la suite. Les artistes de variété française s'y

produisent aussi comme Nicoletta, Françoise Hardy ou Jacques Dutronc, montrant le caractère

éclectique de la salle dans les années 1970. Plusieurs artistes renommés par la suite vont

commencer leur carrière au Golf Drouot en tant que simple musicien de groupe sans en être le

leader. Michel Jonasz, Nino Ferrer ou Jean-Jacques Goldman ont joués dans diverses formations

musicales en tant, respectivement, que pianiste, batteur et guitariste avant d'accéder à la popularité

27

via une carrière solo. Le batteur Andre Ceccarelli 42 se produit à l'âge de quinze ans avec les Chats

Sauvages avant d'avoir un avenir intéressant dans le milieu du jazz.

Durant les années 1970, la programmation va s'ouvrir à la pop, au psychédélique et même au

hard-rock en témoignent les venues de Martin Circus, Trust, Ange ou Triangle. De nombreux

artistes anglophones se produisent dans la discothèque comme Joe Cocker, Chuck Berry, The Who,

Free ou David Bowie. Le lieu fini par fermer en 1981, le Gold Drouot est désormais un McDonald.

La Mairie de Paris a cependant pris l’initiative d’installer une plaque commémorative 43 pour

signaler le lieu le 24 février 2014.

Cette émulation autour de la scène rock parisienne permet en 1961 d'organiser le premier

festival mondial de Rock 'n' Roll. L'événement a lieu au Palais des Sports de Paris mais est

sévèrement critiqué avant de se dérouler. La société de l'époque, conservatrice, voir le rock 'n' roll

comme une musique vulgaire avec une sexualité implicite. C'est l'attaché de presse de Johnny

Hallyday, Claude Wolf, qui a l'idée d'organiser la manifestation. Il est ensuite soutenu par Roger de

Mervelec, animateur et producteur sur la radio France 1. Contre toute attente, la radio concurrente

Europe n°1, soutient cet événement par l'intermédiaire de l'émission phare de l'époque chez les

jeunes : Salut les Copains animée par Daniel Filipacchi.

La programmation se créé peu à peu avec l'aide de Filipacchi, animateur radio sur Europe

n°1. On y retrouve l'américain Bobby Rydell, l'anglais Emile Ford accompagné de ses Checkmates,

l'italien Little Tony et le français Johnny Hallyday qui a pour tâche de clôturer le gala. Little Tony

ouvre le premier des deux galas, programmé à seize heures, aucun problème à signaler. Lors du

second gala, prévu à vingt heures, la tension monte avec l'arrivée des Blousons Noirs qui sont

maîtrisés par les forces de l'ordre. A l'intérieur du Palais des Congrès de Paris, près de 5 000 jeunes

assistent à l'événement qui se déroule sans soucis jusqu'au passage de Johnny Hallyday. Un premier

incident vient troubler les festivités avec l'incursion sur scène de Richard Anthony. Ce dernier est à

l'époque, le grand concurrent de Johnny. Initialement prévu au programme, Richard Anthony a

annulé sa prestation lors du festival mais demeure présent lors de l'événement. Poussé par ses fans

sur la scène en guise de protestation contre son annulation, il est expulsé de scène par le service de

sécurité. Ce qui va provoquer des débuts d'oppositions entre partisans de Johnny Hallyday et de

Richard Anthony, le public arrachant les sièges au passage afin de se les lancer. Après le concert,

une partie des spectateurs va vandaliser les alentours du Palais des Sports jusqu'à la station de métro

42 Batteur ayant aussi joué pour Claude François et Johnny Hallyday avant de se lancer dans le jazz avec Dee Dee Bridgewater ou Chick Corea. Il est aussi auteur d’une quinzaine d’album en tant que leader de jazzband.

43 La plaque indique « Ici se trouvait le Golf Drouot « Temple du Rock » fondé par Henry Leproux où de 1955 à 1981se firent connaître de nombreux talents de la scène Française »

28

de la Porte de Versailles où l'on déplore la destruction de vitres, de banquettes et des portes du

métro. Le trafic est alors interrompu et la Police procède à 49 arrestations.

Le lendemain, la presse s'empare de l'événement et surtout des dégradations causées par les

Blousons Noirs à la sortie du concert. Dans son édition du 25 février 1961, France-Soir va titrer

« Graine de violence au Palais des sport, cinq fanatiques déchaînés pour le festival de rock 'n' roll ».

On perçoit aussi l'opposition farouche d'une société qui semble découvrir sa jeunesse avec les

instruments rock vus par Michèle Manceaux comme « hideusement moderne […] Ces instruments

sont braqués par les musiciens comme des mitraillettes sur le public. 44 » Les propos sont encore

plus violents dans la suite de l'article de Michèle Manceaux. Elle rapporte les propos d'un

photographe qui déclare à la journaliste durant le concert « Quand je vois ça et quand je vois Mein

Kampf, j'ai aussi peur. 45 » Des propos d'une violence rare, témoignant du fossé culturel qui sépare, à

l'époque, les parents de leurs enfants. Le magazine La Discographie Française allant plus loin

puisque décrivant la soirée 46 où l'on distingue « à peine » les paroles à cause des hurlements du

public. La salle reste allumée puisqu'un vaste nuage de fumée de cigarettes envahit la salle ce qui

empêche les projecteurs de traverser le brouillard. Une salle qui n'est que « piétinements,

hurlements, bras levés 47» durant la prestation de Frankie Jordan qui voit se déclencher quelques

bagarres dans le public suite au passage remarqué du « Jerry Lee Lewis français ». L'affaire de ce

premier festival mondial de rock 'n' roll passe la Manche et fera grand bruit dans le Royaume-Uni,

le Melody Maker titre même « Riots Flare up at Paris rock 'n' roll festival 48! ». Les actualités de la

RTF ou de Gaumont diffusées au cinéma, reviennent peu sur les événements, diffusant seulement

quelques images du concert. Le Palais des Sports accueille par la suite deux autres rendez-vous rock

en juin puis en novembre 1961. Deux événements viendront perturber la soirée. En juin, Richard

Anthony, reçoit une bouteille sur le visage tandis qu'en novembre Vince Taylor annule sa prestation

alors qu'un nombre important de bagarres éclatent dans la salle.

Le Palais des Sports de Paris accueille deux autres rendez-vous rock durant1'année 1961 en

juin puis en novembre. Les incidents y sont toujours présents puisqu'en juin Richard Anthony

interrompt son concert après avoir reçu une bouteille au visage tandis que la tête d'affiche prévue

pour novembre, Vince Taylor, doit annuler sa prestation en raison des bagarres qui éclatent dans la

salle.

44 L'Express, n° 507, 2 mars 1961.45 Idem.46 La Discographie Française, n° 91, Mars 196147 Idem48 Traduction « Recrudescence d'émeutes à Paris pour le Festival de rock'n'roll »

29

2. La Grande Nuit des Copains de la Nation

Au départ de la Grande Nuit des Copains de la Nation, il y a le Tour de France. La station de

radio Europe n°1, veut organiser un grand gala gratuit pour fêter le départ de la course cycliste pour

son Podium. Cette dernière est une animation nommée Podium Europe n°1 et qui offre un gala

gratuit tous les soirs au public de la ville-étape de la course. Les deux directeurs d'Europe n°1,

Louis Merlin et Lucien Morisse, chargent Daniel Filipacchi de programmer l'événement. Ce dernier

est l'un des animateurs, à l'époque, les plus écoutés de France. Il anime l'émission à succès Salut les

Copains depuis l'automne 1959. L'engouement est tel que Salut les Copains a le droit à une

déclinaison papier tirée à un million d'exemplaires. L'affiche est bouclée en trois jours avec Richard

Anthony, Danyel Gérard, Frank Alamo, Les Chats Sauvages & Mike Shannon, Les Gam's ainsi que

Johnny Hallyday et Sylvie Vartan. Les noms les plus sulfureux de l'époque comme Vince Taylor

sont évincés afin de garder le caractère populaire de la Fête et d'éviter de probables incidents.

La date choisie, le 22 juin 1963, est symbolique puisqu'elle fête le premier anniversaire de la

déclinaison papier de l'émission radio : Salut Les Copains ! La communication de Filipacchi pour

annoncer l'événement est minimaliste. Il informe juste en direct à la radio « Venez tous samedi soir

à neuf heures, place de la Nation. Il y aura Johnny, Sylvie et Richard. Ce sera formidable ! ». La

foule est impressionnante, près de 150 000 spectateurs, soit cinq fois plus que prévu par les

organisateurs. La présence policière est fortement renforcée (près de 3 000 policiers) pour canaliser

l'hystérie de certain(e)s devant leurs idoles. Escorté sous protection policière, les deux têtes

d'affiches de la soirée, Johnny Hallyday et Sylvie Vartan, arrivent sur scène après avoir fendue la

foule allongés dans un camion de Police. A l'instar du Premier Festival Mondial de Rock 'n' Roll,

des débordements sont à noter après le concert. L'irruption de 300 à 500 Blousons Noirs vont semer

le trouble dans la manifestation et aux alentours de la place de la Nation. Des agressions de biens

vont avoir lieu comme des boutiques dévastées ou des voitures détruites. Plus grave des agressions

sur des personnes ont aussi lieu comme des spectateurs blessés ou tabassés.

Les jours qui suivent, la presse va se déchaîner contre le rassemblement. Notamment la

presse réactionnaire avec Philippe Bouvard dans le Figaro « Quelle différence entre le twist de

Vincennes et les discours d'Hitler au Reichstag, si ce n'est un certain parti pris de musicalité ? 49 ».

Pierre Charpy dans le Paris-Presse lance un sévère « Salut les Voyous » en une de son édition 50. La

49 Le Figaro, 24 juin 196350 Paris Presse, 24 juin 1963

30

Croix va titrer « Le festival du twist a mal tourné ». Un peu plus dans la retenue France Soir va

titrer « Il y avait 1 000 voyous et 149 000 copains » André Frossard dans Candide, tire à boulets

rouges contre la manifestation :

« Trois idoles du twist n'ont qu'à paraître pour jeter 200 000 parisiens de moins de vingt ans dans ces

transes furibondes d'un invraisemblable culte de la nullité, on commence à se demander si l'écume est aussi

différente qu'on le croit du bouillon. »

La musique Yéyé, indissociable du twist en France, est la musique numéro un chez les

jeunes en France durant les années soixante. Les artistes du mouvement sont vus par les jeunes

comme de véritables idoles et certaines de leurs sorties provoquent l'hystérie chez les jeunes

français(e)s de l'époque. C'est Edgar Morin, journaliste au Monde, qui baptise le style musical en

s'inspirant des « Yeah Yeah » souvent prononcés lors des refrains des artistes dans une étude 51. La

musique yéyé se distingue aussi par des adaptations de standards anglais en français comme

J'entends siffler le train de Richard Anthony qui est une adaptation de 500 Miles, un titre folk

canadien. C'est ce quasi plagiat et l'hystérie des spectateurs qui est visé par André Frossard par le

terme de « culte de la nullité ». Le bilan matériel total est de vingt-cinq voitures endommagées.

Une manifestation qui va faire réagir jusque dans les hautes sphères de l’État puisque le Général de

Gaulle déclare quelques jours plus tard :« Ces jeunes gens ont de l'énergie à revendre. Qu'on leur

fasse construire des routes ! 52 ». Filipacchi répond au Général de Gaulle, alors président de la

République, « Aucune formation politique ou confessionnelle n'a jamais réussi à mobiliser en

France une telle armée de moins de vingt ans ». La France prend alors conscience de la jeunesse

qu'elle abrite. Cette dernière, issue du baby boom d'après-guerre, veut s'amuser et veut le faire

savoir.

51 « Salut les copains » par Edgar Morin in Le Monde du 6-7 juillet 196352 CHALVIDANT Jean, MOUVET Hervé, La Belle Histoire des groupes de rock français des années 60, p. 132.

31

3. L'arrivée du pop dans la capitale

Paris s'apprête, quatre ans après la Grande Nuit de la Nation, a accueillir un autre

rassemblement d'envergure. Il s’agit de l'autoproclamé « Premier festival International de pop » 53

qui s'est déroulé le 1er juin 1967 à Paris dans la salle du Palais des Sports qui avait aussi accueilli en

1961 le premier festival international du rock'n'roll. Ce festival pop a lieu quinze jours avant

Monterey et un an avant Woodstock. Sur scène on retrouve Cream, The Pretty Things, The Troggs,

The Walkers Brothers et Ronnie Bird. La programmation n'est pas composée que de pop puisque du

reggae, Jimmy Cliff, et deux chanteurs français : Herbert Léonard et Alain Baschung 54 complètent

l'affiche. Une manifestation qui a lieu sans aucun trouble dans le public pop. Seul bémol de la

soirée : The Who, contraint d'annuler leur venue puisque leur batteur de l'époque, Keith Moon, est

hospitalisé pour une hernie. Le quatuor anglais se produit quinze jours plus tard à Monterey,

l'ouverture supposée du Summer of Love de 1967. Les Who ne reviennent en France qu'en 1972

pour assurer le statut de tête d'affiche de la Fête de l'Humanité.

Trois ans plus tard, la pop revient au parc des expositions du Bourget. Malgré les pressions

du gouvernement de l'époque qui interdit au festival de porter le nom « pop » afin d'éviter tout

débordement 55, la manifestation a lieu en mars 1970. A l'époque on craint toujours de revoir se

produire les incidents de 1961 et de 1963 où des casseurs se sont mêlés à la foule. L'organisateur,

Claude Rousseau, déplore que l'on ait « peur du hippie en France alors que ce sont des gens très

calmes 56 ». Les festivaliers vont, sans incident notables, se réunir durant trois jours au sein des halls

du Bourget. Le public est alors, il faut le savoir, très calme durant les concerts. Les hippies ne

dansent pas durant les prestations mais restent assis tranquillement à écouter les artistes, comme on

peut le voir dans la vidéo de l'ORTF. Un marché dans une halle annexe est installé pour permettre

aux festivaliers de se nourrir. Peu de resquilles à signaler durant cet événement puisque le Bourget

est un lieu clôt. Ce festival va lancer quelques mois plus tard, l'Eté pop de 1970.

Créée en 1930 par le directeur de L'Humanité, Marcel Cachin, la Fête de l’Humanité a

d'abord lieu dans le Val d'Oise actuel, à Bezons. L'événement est créé afin de soutenir le journal

éponyme de la manifestation. Pour cette première, 1 000 personnes se déplacent. A l'instar des fêtes

bretonnes d'avant-guerre, la Fête est avant tout solidaire. A la différence qu'aucune cérémonie

religieuse n'est au programme contrairement aux Fêtes de Pont-Aven, de Quimper ou de

53 Edouard LAUNET, « Les balbutiements pop en France », Libération, 26 octobre 2009.54 Qui s'orthographie « Baschung » jusqu'à la sortie de son premier album Roman Photos55 « Festival pop music au Bourget » Journal télévisé de l'ORTF, 29 mars 1970, 2 minutes et 55 secondes. 56 Ibid

32

Concarneau. Dès la naissance du Front populaire, en 1936, on retrouve les premiers concerts et la

Fête de l'Humanité dépasse les 300 000 spectateurs. Au lendemain de la guerre, c'est près d'un

million de personnes qui se réunit à Vincennes en 1945, pour la première Fête d'après guerre.

Plusieurs déménagements sont au programme entre 1945 et 1960. L'événement investit le bois de

Vincennes entre 1945 et 1956 puis part à Montreuil (1957-1958), Meudon (1959) avant d'arriver à

la Courneuve. C'est dans cette ville que la Fête va s'installer durablement. On y retrouve les plus

grands artistes de chanson française comme Georges Brassens, Guy Béart, Léo Ferré, Jacques Brel

ou Mireille Mathieu ainsi qu'une arrivée progressive des groupes et artistes de rock'n'roll comme

Eddy Mitchell, Johnny Hallyday ou Jacques Dutronc. La Fête de l'Humanité est vitale pour l'arrivée

du pop en France puisque c'est là bas que se produisent plusieurs des grands noms de l'époque

comme Pink Floyd en 1970. L'artiste engagée Joan Baez y trouve naturellement sa place en 1971

avant de revenir une seconde fois, quarante ans plus tard en 2011. Puis chaque année la Fête va

accueillir des artistes pop et folk comme The Who, Deep Purple, The Kings, Tangerine Dream,

Leonard Cohen, Jerry Lee Lewis, Peter Gabriel, etc. Surtout la Fête n'oublie pas son engagement,

celui de faire entendre les peuples opprimés. C'est le cas avec le groupe chilien Quilapayún exilé du

Chili pendant les années Pinochet présents le 9 août 1973 sur la Fête. Les défenseurs des minorités

locales ne sont pas oubliés dans les années 1970 comme Alan Stivell ou l'occitan Joan-Pau Verdier.

L'idée du festival d'Amougies vient à Joe Demkine après l'organisation d'un événement

similaire à Anvers en juin 1969. Il pense à créer une manifestation similaire à la sienne à Paris.

Demkine envoie un de ses amis, Jean-Noel Coghe, en éclaireur dans la capitale française. Ce

dernier, alors journaliste rock, rencontre Jean Karakos patron du label de free-jazz Byg Records.

L'homme accepte l'idée d'un festival pop mais à la condition que les artistes de son catalogue soient

intégrés à la programmation. L'idée est soumise aux autorités françaises qui interdisent le festival

craignant qu'un second Mai 68 ait lieu dans l'enceinte de Paris. Les organisateurs cherchent alors

une solution de repli, plusieurs alternatives sont proposées dans la banlieue parisienne dont le Parc

de Saint-Cloud et l'Hippodrome de Vincennes, nouvel échec. Le festival Actuel traverse la frontière

pour s'installer en Belgique mais doit faire face à deux nouveaux refus de la part des villes de

Tournoi et de Courtrai. C'est finalement le bourgmestre d'Amougies, un bourg de 1 000 habitants,

qui accepte d'accueillir le festival. Il va poser ses conditions, la nourriture des festivaliers doit être

fournie par les commerçants locaux et les habitants du village doivent être introduit dans

l'organisation du festival. Un chapiteau de 5 500 m² est mis en place dans un champ des alentours

du bourg. Il accueille les concerts et sert de lieu de repos pour certains festivals après les concerts.

L'autre partie dormant dans des hôtels, des chambres d'hôtes voir dans des locaux loués par la

33

commune.

Le premier festival français de pop en plein air peut alors se dérouler … En Belgique. Le

festival Actuel aussi appelé « Festival de musique pop européenne » se déroule du 24 au 28 octobre

1969. L'affiche tient la distance par rapport aux géants de Woodstock ou de Wight avec Franck

Zappa, Pink Floyd, Martin Circus, Ten Years After, Zoo ou Gong pour la partie pop ainsi que l'Art

Ensemble of Chicago ou Archie Shepp pour la partie free jazz. Le festival devient le tout premier

festival d'Europe continentale et est soutenu par deux grands partenaires : le fabricant d'alcool

Ricard et la radio RTL. Franck Zappa tient son rôle de tête d'affiche de la manifestation du début à

la fin en assurant près de six apparitions, en plus de son propre concert, durant les cinq jours

d'Amougies. De toutes ses prestations reste une improvisation restée dans les mémoires avec Pink

Floyd sur Interstellar Overdrive, titre de The Piper at the Gates of Down premier album du groupe

anglais. Les débuts sont pourtant difficiles avec des groupes décevants pour la première journée

ainsi qu'un public peu favorable à la musique proposée, le groupe des Blues Convention ayant du

écourter sa prestation devant les huées de la foule le second jour.

Au final près de 60 000 personnes sont venues à Amougies pour apprécier le plateau

éclectique du premier festival de pop d'Europe continentale. Le village a pu profiter du festival

puisque les commerçants ont pu profiter du flot quasi ininterrompu de personnes pour faire

d'importants bénéfices. La boulangerie et l'épicerie ont même tournées sans s'arrêter durant les cinq

jours du festival. Peu d'incidents sont à déplorer pour les autorités locales. Quelques cas d'ivresses

ou de consommations de stupéfiants ont été observés, sans mettre à mal le déroulement du festival.

34

C. L'Eté pop de 1970 et la radicalisation des groupes d'extrême gauche

1. Le festival d'Aix en Provence

L'un des premiers grands festivals pop de France a lieu dans le sud de la France à Aix-en-

Provence du 1er au 3 août 1970. L'organisateur du festival est Jean Clément, aussi connu pour être

l'homme qui programme le festival Lyrique d'Aix-en-Provence. Il assure que la programmation de

son festival pop ne craint pas la comparaison avec « avec Wight et Woodstock, avec des formations

égales voir supérieures 57. ». Le festival propose une affiche réunissant Joan Baez, Pink Floyd, King

Crimson, John Lennon ou Soft Machine. Jean Clément souligne aussi une atmosphère comparable

aux grands festivals pop du monde puisque les « festivaliers qui aiment la pop music viennent pour

la musique 58. »

L'avis des habitants d'Aix-en-Provence est largement partagée concernant la tenue du

festival. Certains affirmant que l'interdiction du festival par le maire est une mauvaise chose, la pop

étant « un bon moyen pour les jeunes de s'exprimer 59. » D'autres s'opposent fermement à ce

festival affirmant que ce festival était « une honte ». Les festivals sont pour eux « des crasseux, qu'il

faut raser ». Certains Aixois sont moins catégoriques puisqu'ils sont « pour le festival » mais contre

les festivaliers puisqu'ils sont « mal habillés ». La tenue des festivaliers est au cœur des réflexions

des habitants puisque « si les gens bien habillés ont leur festival [celui d'art lyrique d'Aix-en-

Provence], ceux qui n'ont pas les moyens de bien s'habiller devraient aussi avoir le leur ». Des avis

d'une population partagée qui montre à l'époque que la tenue de festival pop en France, ne laisse en

aucun cas indifférent.

La contestation n'a pas lieu que dans la ville d'Aix-en-Provence mais aussi sur le site du

domaine Saint-Pons où se déroule le festival. On y retrouve des affrontements entre festivaliers et

forces de l'ordre. Jean Clément a, en effet, décidé de braver l'interdiction du maire socialiste Félix

Ciccolini. Ce dernier juge la manifestation « tardive et illégale. » La contestation s'affiche aussi

dans le public qui en colère après avoir appris les cachets de certains artistes jugés trop élevés

comme Leonard Cohen, qui aurait touché près de 30 millions de centimes pour venir à Aix 60. Le

prix des billets est aussi vu comme « une contrainte pour beaucoup de gens » et surtout les critiques

visent l'organisateur lui-même qui « fait le festival pour le fric et pas pour la musique. »

A la suite d'un important déficit, le festival pop d'Aix-en-Provence n'a lieu qu'une seule fois.

La faute à la resquille et surtout aux têtes d'affiches qui, pour beaucoup, ne se sont pas déplacées.

57 « Festival pop d'Aix-en-Provence », journal télévisé de Rhône-Alpes Actualités, 3 août 1970, 5 minutes et 30 secondes.

58 Ibid59 Ibid60 Idem

35

Joan Baez refuse les dix millions de centimes proposées par le Général Jean Clément pour protester

contre le passé colonialiste de l'organisateur selon Combat. Le festival pop d'Aix-en-Provence est

aussi une anomalie certaine dans le paysage français, puisque l'ancien d'Algérie réputé comme étant

d'extrême-droite est le défenseur de la jeunesse et du droit de réunion face à un maire socialiste. Ce

dernier est probablement soucieux de ne pas froisser son électorat. L'année 1971 est une année

d'élection municipale.

2. Le désastre du festival de Biot

Biot, une commune modeste de 2 500 habitants 61, va entrer dans l'histoire de la musique

française en accueillant le festival Popanalia. Le festival est mis en place par les créateurs du

festival d'Amougies : Jean Karakos patron du label BYG Records et Jean-François Bizot patron du

magazine Actuel. Ils obtiennent le soutien du maire local Elie Monod (PCF) pour organiser

l'événement. Après le fiasco d'Aix-en-Provence, quelques semaines avant la tenue de Popanalia, le

festival est sous haute tension. Un plateau de qualité est prévu pour l'événement, qui va accueillir le

5 août 1970 une flopée des meilleurs artistes du moment. On y retrouve Pink Floyd, Soft Machine,

Eric Clapton, Moody Blues et plus d'une vingtaine d'autres artistes dont des artistes de jazz « C’était

un acte politique en 1970. Le jazz représentait les ghettos de Chicago, le Black Power 62 » selon

Jean Karakos. Sans oublier Joan Baez et Country Joe MacDonald, deux des artistes présents à

Woodstock en 1969. Les organisateurs se retrouvent rapidement débordés par la foule, 3 000

personnes étaient prévues par les organisations, ils seront entre 25 et 30 000 selon les sources.

Le début du festival est perturbé par plusieurs groupes anarchistes qui détruisent les

barrières et scandent « La Pop au Peuple ! » ou « Organisateurs, exploiteurs du peuple » devant la

scène du festival. Les mouvements d'extrême-gauche de l'époque pensent que la musique pop

appartient à chacun. Il est pour intolérable de faire payer pour l'écouter. Les perturbations ne

s'arrêtent pas à des slogans, un sabotage a lieu par les groupes anarchistes qui coupent les câbles de

la radio RTL qui devait retransmettre les concerts dans toute la France. Les organisateurs de

l'époque, sans doute pas ou peu préparés à l'afflux de personne, voir carrément naïf. Ils conçoivent

que le site n'offrait « aucune protection, c'était un amphithéâtre naturel, envahi par des gens qui ne

voulaient pas payer 63 ». Un certain chaos se développe sur place, notamment du côté des

spectateurs où le manque de vivres se fait sentir. En coulisses aussi tout s'agite, plusieurs groupes

refusant de monter sur scène puisque leur sécurité n'était pas assurée. Du côté des organisateurs c'est

une catastrophe puisque seulement 4 000 spectateurs ont payés leur entrée (30 francs). Seule Joan

61 Recensement de 196862 ZAMIATI Leila, « Popanalia ressuscité » Libération, 9 juillet 2010. 63 Ibid

36

Baez assure son concert avec quelques autres groupes. Certains festivaliers, outrés, vont jusqu'à

tenter de mettre le feu au camion des Pink Floyd pour se venger de l'annulation 64. Le festival est

jugé par les spectateurs comme « une kermesse commerciale dont le principal problème était la

présence de faux hippies et de snobinards 65.»

On peut comparer Popanalia à un « Woodstock Français », puisque le festival français

partage plusieurs points communs avec le géant américain, notamment en ce qui concerne la

contestation politique. Woodstock se déroule, miraculeusement, sans aucun problème particulier

malgré le manque de vivres ou d'hygiène mais Biot subit le contraire. Les habitants ont aussi

choqués par le comportement des festivaliers qui « dorment sous les porches ». Une habitante de

l'époque se souvenant même que sa mère lui avait dit « Cache les enfants sinon les hippies vont les

prendre ! ». Certains vont tout de même faire des geste amicaux envers les festivaliers, comme

l'épicière qui va « vendre des carottes et des cerises à l'unité, pour éviter qu'ils ne meurent de faim. »

Les journalistes présents jugent aussi très sévèrement cet épisode dramatique de Biot. Dans

le journal du Figaro daté du 3 août 1970, Françoise Berger condamne toutes les violences qui ont eu

lieu avant Biot « je souhaite qu’ils n’obtiennent pas de sitôt les “festivals populaires gratuits” qu’ils

réclamaient à grand bruit. Ils ne les méritent pas. » Les réactions sont aussi nombreuses à la

rédaction de Rock 'n' Folk dont celle de François-René Christiani qui voit surtout un problème

générationnel « les organisateurs ont fait un Woodstock, les notables ont pris peur devant les jeunes

et ont interdit. Devant cela le public a refusé de payer66». Le festival de Biot tourne finalement au

fiasco devant l'acharnement de certains groupes à vouloir appliquer la pensée hippie jusqu'au bout.

3. Le Front de Libération International de la Pop et du Rock-Music

Ces deux festivals du sud de la France, Biot et Aix-en-Provence, vont réveiller des tensions

parmi les jeunes français fans de pop. Les groupes maoïstes qui ont perturbés tout l'été les festivals

rock vont lancer différents manifestes. Le plus important est le Front de Libération International du

Pop qui est écrit en 1970 par Maajun dans la lignée protestataire et libertaire de mai 68. Les

autorités françaises sont inquiètes face à ce mouvement. Les festivals sont tour à tour interdits ou

annulés par les autorités qui craignent des débordements de la part de groupes rebelles. Cette peur

entraîne aussi un manque de soutien à la nouvelle scène française pour la création de la musique.

Les seuls soutiens des jeunes musiciens à cette époque sont des producteurs de maisons de disques

qui créent le festival pour une seule visée pécuniaire et non pour l'amour de la musique, ce qui est

64 Marielle DIDIER « pop à Aix », Rock 'n' Folk, n°44, septembre 1970, p. 2065 Jean ARNAUD, Ibid, p. 1966 Rock 'n' Folk, n°44, septembre 1970, p. 60

37

reproché vivement par les festivaliers. A l'instar du Général Clément, organisateur de festival ayant

des sympathies supposées d'extrême-droite et qui se pose en défenseur de la liberté de réunion face

à un maire socialiste. C'est alors qu'une partie des groupes français vont faire front dans un collectif

commun : Le Front de Libération International de la Rock-Music 67 qui va réunir à la fois les

amateurs de Pop et les amateurs de Rock.

Le Front de Libération de la Rock-Music est édité en 1971 68 par une demi-douzaine de

groupes : Komintern, Lard Free, Barricade I & II, Herbe Rouge, Robert Wood's Tarot et Alpha du

Centaure. Ce manifeste est publié dans les journaux musicaux et la presse « rouge » de l'époque. Ce

manifeste sulfureux prône une Rock-Music Contestaire en rupture totale avec la culture bourgeoise

dominante. Le but est de monter un réseau concret mais pacifiste à travers différents actions comme

l'organisation de concerts ou la distribution de tracts et de journaux. Ce tract explique une rupture

avec la culture bourgeoise dominante. « Incontestablement, la Rock-Music, soit par le biais de la

violence (musicale, des mots ou des gestes), soit par la démesure et le grotesque, se pose en rupture

avec la culture bourgeoise dominante. » Le tract dénonce la Rock-Music et la culture dominante

incompatibles en raison de la démesure et de l'attitude de ses membres. Le communiqué donné à la

presse appelle à 'tirer les leçons de l'été pop' de 1970. Interdits ou tolérés, sabotés ou sabordés,

« maudits » de toute façon, les festivals ont montré la force du mouvement Pop parmi les jeunes. »

Le communiqué tend à expliquer, ici, que rien ne peut réellement décourager les jeunes. Les

exemples de festivals de 1970 voulant faire des « Woodstock français » est nombreux. On y

retrouve Biot, Valbonne ou encore Aix-en-Provence. Le tract se fait ensuite plus virulent face au «

fiasco qu'ont connu les festivals spectaculaires et marchands façon bourgeoise ne signe pas l'échec

de la Pop en France. Ce qu'il montre, c'est ce que les jeunes ne veulent plus : pour eux, la Pop, c'est

autre chose qu'un marché, c'est une nouvelle façon de vivre qui passe nécessairement par la

contestation radicale de la société bourgeoise, de ses lois, de l'aliénation qu'elle sécrète et qui, hydre

à mille têtes, nous étouffe tous. »

Le manifeste du Rock-Music se veut aussi libérateur pour les musiciens puisque la musique

« brise la léthargie glacée des ensembles urbains, elle constitue le cri de ceux qui ont peur de mourir

d'asphyxie et d'inanition dans les camps de concentration de la médiocrité de ceux qui conscients de

la « dérisoire pauvreté de la réalité ». Le mouvement veut libérer le Rock-Music qui est une

« musique de communication : chacun pouvant se l'approprier et la faire sienne ». Forcément le

système capitaliste dans lequel évolue la musique est ensuite fortement critiqué, le manifeste

dénonce une « forêt-vierge des rapports-marchands, des rapports neutres où la mort préside à la vie,

67 Voir annexe pour le manifeste complet68 Voir le Manifeste complet dans les annexes

38

où la parade des fantômes humains n'a rien de magique et où pêle-mêle ossifiées l'on ne rencontre

que des cadavres. » La Pop Star est aussi visée violemment par le tract. Cette image, perçue à

l'époque comme l'idole des années 1970 est sévèrement critiquée. « Cette vieillerie reblanchie

pourrait se définir comme "l'image d'une soi-disante libération de la vie quotidienne cachant une

misère profonde qui révèle l'impossibilité de vivre de ceux que l'ont fait apparaître comme les

aboutissants d'une révolution individuelle sur laquelle devaient se modeler les rôles. En définitive la

"Pop-Star" n'est rien d'autre qu'un type de personnalité ayant accès à la totalité de la

consommation. » Loin d’avoir une image subversive comme certains le pensent, la pop star est,

pour les signataires, vue comme une marionnette servant juste de miroir pour les personnes ne

pouvant s'exprimer à sa place. La Pop Star est dénoncée comme une illusion qui « rentre dans le

schéma du pouvoir et de l'idéologie dominante. »

Le Front de Libération de la Rock-Music propose plusieurs solutions pour remédier et faire

revenir la musique à un système plus équilibré et libertaire. Il faudrait faire le lien entre « Les

éléments foncièrement en rupture et ceux propulsant la pseudo négativité ». Le FLRM, ne veut pas

« imposer un label de qualité ou de pureté révolutionnaire mais introduire des actions pratique le

virus de la nouvelle vie en germe dans les champs d'épandage de la société industrielle » le

mouvement veut proposer une autre manière de penser, progressivement. Le collectif appelle

ensuite à la « révolution » l'unique chose qui pourra « libérer le rock, la musique et tout art de

manière générale ». Ensuite, le manifeste se termine par « Ce texte peut être reproduit, diffusé

partout ; créez vous-même vos Front de Libération du Rock ; prenez contact avec nous pour des

propositions de toutes sortes (Front de Libération de la Rock-Music) ». Un appel à la diffusion

massive de ce tract qui doit avoir des relais dans toute la France.

39

III – Les débuts des festivals et le renouveau celtique en Bretagne

A. L'arrivée de la musique pop en Bretagne

1. Le premier festival de pop de Pont l'Abbé

Le tout premier événement breton de pop, et non plus de musiques traditionnelles, a lieu en

1962 à Guerlédan. Ce concert est organisé par le comité de vacances de la SNCF. Au programme :

les Rapaces, groupe de pop nantais, et Marcel Héno musicien local de bal populaire. Il faut ensuite

attendre quatre années avant de voir un premier grand rassemblement pop en Bretagne : le festival

de Pont l'Abbé en mars 1966. Il se déroule durant la quinzaine commerciale avec à sa tête

l'impresario Gérard Tenoux alias « Xavier Tex », plus tard à la manœuvre pour l'organisation du

Loudéac Pop Music. La soirée, organisée au patronage laïque, porte moins l’empreinte du « peace

& love » que le festival loudéacien puisque la tenue correcte y est exigée sur le modèle de la salle

rock parisienne la plus réputée de l'époque : le Golf Drouot. La programmation est articulée autour

d'une tête d'affiche parisienne, les Crismen, et de la scène locale bretonne avec des groupes venant

du Morbihan comme Les Albatros (Lorient) ou les Tilburys (Lanester) et du Finistère comme Les

Jerrys (Concarneau) ou les Inutiles (Châteaulin) ainsi que Dan ar Braz en clôture et en acoustique

pour une reprise du titre « Les Elucubrations » du chanteur Antoine. Ce festival ouvre la voie dans

la ville de Pont l'Abbé à de nombreuses venues de groupes rock ou pop qui vont tourner dans près

de vint-cinq salles de bals durant les années 1960 et 1970 69. Moins d'un mois plus tard, Brest

inaugure aussi son premier festival rock dans la salle de la Redoute avec les « meilleurs groupes du

Finistère » venant de Landerneau, de Châteaulin, de Concarneau ou encore de Quimper. La presse

locale décrit l'ambiance comme « hystérique » mais il est :

« difficile de ne pas se laisser entraîner par tant de jeunesse et d'enthousiasme, c'est presque à regret

que l'on retrouve le calme de la rue, le rock est bien une compensation à la monotonie quotidienne ».

Brest connaît aussi un autre festival, celui de la « Hippy Night » organisée par le Comité des

manifestations commerciales de la ville en 1967. La première Hippy Night est l'occasion de voir sur

scène pour la première fois des groupes internationaux venus d'Angleterre. Cet événement ne plaît

pas à la ligne éditoriale réactionnaire du Télégramme de Brest, qui n'hésite pas à publier dans un

article que « ce qui est pop est subversif et donc condamnable ». La scène Brestoise a une

excellente réputation puisque c'est par là que le rock se diffuse en Bretagne, le rock arrivant par les

ports à l'époque. Les marins ramènent en effet avec eux des disques anglais de leurs voyages et les

69 Gilbert CARRIOU, « Rock in'Bigoudénie » in Rok, p 47.

40

offrent (ou les vendent) une fois revenus en Bretagne. Ce qui participe à la diffusion de la musique

anglo-saxonne sur le sol breton.

2. Loudeac Pop Music

Les succès des festivals de Woodstock et de l’ile de Wight ont un retentissement dans toute

la France. Chacun rêvant d’avoir un grand festival du genre près de chez lui. Sous l’impulsion du

comité des fêtes de Loudéac, un festival pop va naître dans la commune costarmoricaine d’environ

7 000 habitants. Claude Hautefeuille, président du comité des fêtes de l’époque est le grand artisan

de la création du festival Pop Music de Loudéac. A l’époque les festivals naissent la plupart du

temps sous l'impulsion d'un producteur ou d'une maison de disques, les seuls à cette période qui

peuvent assurer le financement d'un événement de cette envergure. La situation est différente à

Loudéac puisque c'est un comité des fêtes, association relié à la municipalité qui met en place

l'événement. Les fonds investis sont publics et non privés. C’est en étroite collaboration avec le

maire Pierre Etienne (Divers droite) que le festival va se mettre en place. Soucieux de vouloir

s’investir le plus possible dans le festival par ses habitants, le comité des fêtes demande au club de

foot local, le Stade Loudéacien, d’aider aux différents postes de buvettes ou de billetterie. Le comité

des fêtes étant une organisation municipale il faut aussi veiller à ce que tout le monde trouve son

compte dans les animations du comité, qui va toute l’année créer des manifestations diverses et

variées comme des manifestations culturelles, sportives ou artistiques. Le conseil municipal fait le

maximum à l'époque pour accorder des subventions au Pop Music et facilite l'organisation grâce

aux moyens de la ville de Loudéac. Le premier Pop Music prend place dans la programmation du

comité des Fêtes en clôture d'un week-end festif organisé sur l’hippodrome de Loudéac. Le 12 juin

on y retrouve une Foire aux Antiquaires et le 13 juin une soirée dansante animée par Miss France

1969. Le festival Pop n'est pas forcément mis en avant par rapport à un autre journée, puisqu'à la

suite d'un weekend festif. Ce festival n'est pas considéré à l'époque comme un événement devant

prendre plus de temps qu'une autre manifestation. Ce qui amène une certaine acceptation dans

l'esprit des élus de l'organisation du festival.

La programmation est mise en place par Xavier Tex, déjà à l’œuvre pour le festival de Pont

l'Abbé quelques années auparavant. Plus d'une dizaine de groupes vont se succéder sous le

chapiteau où se déroule le spectacle. C'est la première fois qu'un événement du genre a lieu en plein

air. La grande majorité des groupes provient du mouvement pop français. Une scène qui au début

des années 1970 est très inventive avec Alan Jack Civilization, Martin Circus ou Triangle. Les

membres des différents groupes n'hésitent pas à se déguiser sur scène et faire des prestations

41

remarquables. On retrouve aussi à l'affiche le groupe Les Variations formé à Fez au Maroc. Ces

quatre membres sont d'origine pied-noirs et chef de file d'un mouvement pop français décomplexé

et inventif. Les Variations font la première partie de Led Zeppelin 70. La tête d'affiche du festival est

hollandaise : The Ekception. Le festival marque les esprits puis les magazines spécialisés (Rock 'n'

Folk ou Super Hebdo Pop Music) ainsi que les médias comme France Inter et l'ORTF annoncent

leur présence lors du festival 71. Près de 10 000 personnes assistent à cet événement.

L'année suivante, et après le succès de la première édition, le comité des fêtes voit plus

grand. Le festival passe d'une à trois journées complètes de musique pop avec près de 75 artistes au

programme. Du 2 au 4 juillet 1971, Pop Music voit grand avec plusieurs groupes étrangers comme

les américains de King Harvest, Gary Wright ou les grecs d'Aphrodite's Child, groupe mené par

Vangelis et Demis Roussos. Une large place est laissée aux groupes français avec Triangle, Martin

Circus ou Modest Kings Gods, tous trois présents à la première édition. La clôture est assurée par

l'inévitable Alan Stivell. A cause d'un temps exécrable, le festival n'accueille que 10 000 personnes,

loin des ambitions des organisateurs. Le manque de soutien de la population locale et le bide de la

seconde édition marque la fin du festival.

3. Loudéac, un festival qui fait débat dans la population locale

Le Pop Music est organisé par la municipalité de Loudéac mais a des soucis d'assimilations

auprès de la population locale. Le lycée Fülgence-Bienvenue est fermé durant la durée du festival

qui a lieu à la mi-juin 1970. Les lycéens internes n'ont pas eu le droit de sortir du week-end comme

l'a raconté Franck Darcel, surveillant dans le lycée lors du festival, lors d'un entretien. Le proviseur

du lycée et toute l'équipe pédagogique sont alors convaincus qu'en sortant dans la rue et en allant

aux concerts, les lycéens finiraient par attraper des maladies, les festivaliers étant jugés contagieux à

cause de leurs cheveux longs et des drogues qu'ils prenaient pour « planer » durant les concerts.

La veille du festival pop de Loudeac, on retrouve sous le chapiteau prévu par le comité des

fêtes, l'élection de Miss Côtes du Nord présidée par la miss France 1969 Suzanne Angly. Les

festivaliers, déjà présent pour camper, ont joués les troubles fêtes durant l'élection arrivant dans le

chapiteau en présence des locaux « endimanchés ». Ce sont en tout une vingtaine de jeunes gens qui

arrivent et qui crient des slogans anarchistes comme « L'anarchie vaincra » ou « A poil les

bourgeois » sans oublier « Libérez le Dantec ! »72. Ce dernier message est en soutien à Jean-Pierre

Le Dantec, militant politique de la Gauche prolétaire, mis en prison puisqu'il est le directeur de la

publication du journal La Cause du Peuple, journal qui est alors saisi toutes les semaines par

70 Le 9 décembre 1969 à Chatenay-Malabry en compagnie également des Pretty Things et du groupe Triangle. 71 Maxime LE HEGARAT, « Le Woodstock Breton » in Rok 1, p. 10472 Ibid, p. 105.

42

Raymond Marcellin alors ministre de l'intérieur. Le 27 mai 1970, soit un peu plus de deux semaines

avant le festival Pop Music de Loudéac, Jean-Pierre Le Dantec est condamné à un an de prison pour

« délits de provocation aux crimes contre la sûreté de l'État et apologie du meurtre, du vol, du

pillage et de l'incendie. ». Le parti de la Gauche prolétarienne est aussi interdit ce jour là. La ligne

éditoriale du journal est proche de l'anarchie ou du moins de l'autogestion prônée par beaucoup de

hippies de l'époque. Le journal est contre toute forme d'autorité comprenant notamment l'école, la

police et apporte son soutien à toute forme de révolte (Grèves, occupations de locaux de travail,

etc...). La Cause du Peuple apporte aussi son soutien aux minorités linguistiques ou à la défense des

prisonniers politiques et a une manière de penser proche de la pensée de la contre-culture hippie de

l'époque.

En dehors de cet incident qui n'a duré qu'une partie de la soirée, les locaux et les hippies

vont se retrouver ensemble pour la soirée durant le bal 73. Claude Hautefeuille, organisateur du

festival, fait alors un communiqué de presse pour calmer les esprits où il dit « L'anarchie n'a pas

vaincu et les bourgeois ne se sont pas retrouvés en tenue d'Adam, car les hippies sont pacifistes 74 ».

Le comité des fêtes de Loudéac décide au vu du manque de soutien de la population et des

commerçants locaux (dont certains ont fermées leur boutique durant la durée du festival) d'arrêter

après l'édition 1971 le festival.

B. La nouvelle vague celtique

Le renouveau celtique ne commence pas dans les années 1970. On retrouve déjà des traces

d'intérêts pour le monde celte dès le XIX ème siècle. Des érudits locaux vont alors parcourir le

monce breton pour récolter le patrimoine oral local. L'idée est de collecter les contes, les légendes

ou les chants locaux. L'un des grands ouvrages de cette période est le Barzaz Breizh de Théodore

Hersart de la Villemarqué. Cet ouvrage qui signifie « Ensemble de poèmes de Bretagne » recueille

une grande partie du patrimoine culturel immatériel breton, notamment des chants et des musiques

de toute la région. La première édition a été édité en 1839 à Paris et est toujours utilisé par le milieu

bretonnant puisque les textes qu'il contient ont enrichit le répertoire breton de plusieurs artistes

comme An Alarc'h par Alan Stivell, Ar Rannoù de Denez Prigent ou le titre Silvestrig repris par Alan

Stivell, Glaz ou Yann-Fanch Kemener. On retrouve aussi la création des différentes sociétés

savantes, comme la Société Polymathique du Morbihan créée en 1826 à Vannes qui va s'intéresser

aux mégalithes bretons dès sa création. Plusieurs érudits archéologues vont alors fouiller différents

73 Ibid74 Ibid, p. 107

43

sites comme Carnac, Arzon ou Locmariquer.

Le XX ème siècle marque un second temps dans cette passion celte, les sociétés locales

d'érudition ne cessent de se créer pendant qu'on retrouve un retour aux sources dans tous les

domaines. Les jeux bretons sont de retour au premier plan avec la création FALSAB 75 en 1930,

créée pour promouvoir la lutte bretonne, le gouren, et les sports bretons traditionnels. C'est surtout

par la musique que ce revival celtique va s'opérer avec l'arrivée des musiques pop et folk en France.

Le monde celtique va complètement changer.

1. Les figures marquantes de la nouvelle vague celtique

a. Alan Stivell

Dans une Bretagne qui a connu plus d'évolutions sociales en 25 ans qu'en un siècle, le

mouvement folk trouve une signification particulière en Bretagne. Ce qu'on appelle le new folk,

venu d'Angleterre à la fin des années 1960, bouleverse la musique traditionnelle. Cette musique

croise la musique folk et les codes du mouvement hippie. Alan Stivell, né Alan Cochevelou à

Clermont-Ferrand, va remettre au goût du jour la musique celtique grâce à un son novateur

mélangeant musiques amplifiés anglo-saxonne et traditionnelles remis au goût du jour. Notamment

grâce à une harpe électrifiée. C'est le symbole de ce renouveau musical breton, qui va faire « du

neuf avec du vieux ». La harpe électrifiée est une idée du père d'Alan, Jord Cochevelou, luthier de

profession et qui a une idée en tête « faire revivre l'instrument mythique des bardes anciens. 76. »

Harpiste doué, Alan Stivell accompagne au début de sa carrière Glenmor ou Andrea ar

Gouilh. Lors de l'année 1968, il fait la première partie du groupe Moody Blues à l'Olympia ainsi

qu'un concert à la Sorbonne lors des événements de mai. L'année suivante, le premier choc arrive

pour les bretons. Son premier album, Reflets, est un succès en Bretagne. Porté par le titre Son ar

Chistr 77 où le chant breton rencontre des instruments folk comme le banjo et la basse électrique.

Alan Stivell se nourrit aussi d'influences irlandaises avec sa Suite Irlandaise, interprétée avec harpe,

flûte irlandaise et l'instrumentation folk de l'époque. L'album suivante, Le Renouveau de la Harpe

Celtique, marque l'électrification des guitares, ce qui ajoute une touche plus rock aux compositions

avec l'arrivée de Dan ar Bras 78 dans le groupe. L'impact médiatique de cet album est énorme, il

remporte le Grand Prix International du Disque de l'Académie Charles-Cros en 1970 ainsi qu'une

75 Fédération des Amis de la Lutte et des Sports et jeux d'Adresse de Bretagne76 Ronan GORGIARD, L’étonnante scène musicale bretonne, p. 5077 « La chanson du cidre »78 Qui change son pseudonyme en 1984 pour Braz, les anglophones ne prononcent pas le « S »

44

nomination aux Grammy Award dans la catégorie « Meilleur enregistrement traditionnel folk ». Cet

album possède la particularité d'être dédié à tous les territoires celtique, grâce à Gaeltrach, medley

d'airs traditionnels populaires provenant de tous les pays celtes comme par exemple l'Ecosse,

l'Irlande ou l’île de Man.

La date qu'il faut réellement retenir de l’œuvre d'Alan Stivell est le 28 février 1972. L'artiste

donne un concert à l'Olympia et y interprète un titre resté dans les mémoires : Pop Plinn. Il y

mélange une musique traditionnelle : le plinn et une musique nouvelle : la pop. Cette dernière est

avant dans le titre puisque la formation qui accompagne Alan Stivell lors de cet Olympia n'est pas

vraiment traditionnelle. On y retrouve Dan ar Bras et Gabriel Yacoub (du groupe folk Malicorne)

aux guitares, le violoniste folk originaire de Belgique René Werneer, le batteur Michel Santangeli

qui a fait ses premières gammes dans le rock ainsi que le bassiste Gerald Levasseur. Ce concert est

diffusé en direct sur Europe n°1 et fait subir un électrochoc à ses auditeurs. Le plinn est la première

danse bretonne a avoir des arrangements rock. Ces derniers s'imposent peu à peu dans la musique

d'Alan Stivell qui débute alors une grande tournée française et européenne. Le 45 tours A l'Olympia,

va sortir en septembre 1972, et se vendre à près d'un million et demi d'exemplaires.

b. Dan ar Bras

L'autre figure mythique de la musique folk bretonne est le guitariste quimpérois Dan ar Bras.

Il commence d'abord à se produire dans des orchestres de bals durant la fin des années 1960 avant

de démarrer une carrière solo. En guitare-voix, il clôt le festival de Pont l'Abbé en 1966 en

reprenant Les Élucubrations d'Antoine. Il enchaîne les concerts en solo en jouant ses propres titres

en français et en anglais et il reprend Donovan, Van Morrison et Rory Gallagher. La rencontre la

plus importante du guitariste quimpérois se fait avec Alan Stivell en 1968. Il raconte dans l'ouvrage

Rok que « Il fallait des musiciens bretons à Alan Stivell. On commence à bosser ensemble. Je dois

élever sérieusement mon niveau. Ma technique était un peu limitée pour jouer sa musique. 79 »

Grâce à Stivell, il découvre la musique celtique et commence à retravailler son jeu de guitare

moderne et blues vers un jeu traditionnel inspiré par la cornemuse. Dan ar Bras accompagne Stivell

durant une dizaine d'années en tournée en parallèle de sa carrière solo qui l'amène à jouer dans les

principaux festivals folk de la fin des années 1970 comme Elixir ou le festival de Quessoy. Dan ar

Bras se dit « naturellement attiré vers des guitaristes d'origine celte comme James Taylor, Bill Evans

ou John Martyn. […] Pour moi tout ça c'était du blues, la musique bretonne est du blues 80. » Il a

79 « Dan Ar Braz trace son chemin » Michel Troadec, Rok 1, p. 11280 Ibid

45

une vision très actuelle à l'époque de la musique traditionnelle en la comparant au blues, l'un des

ancêtres de la musique rock. Il est aussi admiratif de son ami Alan Stivell sans qui « des trésors

auraient pu disparaître si des gens comme lui ne s'étaient pas battus farouchement pour défendre

cette culture superbe 81. » Plus tard, Dan Ar Bras forme avec deux de ses amis : Serge et Jean Nin, le

trio Serge, Jean & Dan, un groupe sur le modèle du Crosby, Stills & Nash. Ils se renomment un peu

plus tard Mor (Mer en breton). Gérard Bacquet, rédacteur de la revue Extra, remarque le trio puis ils

enregistrent un premier album studio du château d'Hérouville, près de Caen. Le groupe apparaît

ensuite sur une compilation franco-américaine intitulée Puissance 13 + 2 qui rassemble treize

groupes français et deux groupes américains. Le groupe sort un seul album, Station en 1972, avant

de terminer l'aventure. Dan Ar Bras rejoint alors Alan Stivell avec qui il va tourner de 1972 à 1977.

Plusieurs musiciens de l'époque du barbe breton forment le groupe Ys et quittent le groupe, sauf le

guitariste qui décide de rester auprès de Stivell.

Toujours dans le folk-rock mais britannique, il rejoint le groupe Fairport Convention et

devient l'un des rares musiciens français a intégrer un groupe anglais. Il est intégré par Dave

Swarbrick, violoniste de Fairport Convention et d'Alan Stivell. Le groupe britannique a joué à

Glastonbury ou à Wight à la fin des années 1960. Dan ar Braz ne reste qu'un an au sein du groupe,

le temps d'une rapide tournée européenne. En 1977, il quitte Alan Stivell pour faire son premier

album solo Douar Nevez entièrement instrumental et composé lors de la tournée avec Fairport

Convention. Dan Ar Braz est l'un des grands artisans du renouveau celtique en Bretagne. C'est lui

qui créé dans les années 1970, un jeu de guitare qui a fortement marqué le métissage rock et celte,

que l'on retrouve chez Pat O'May.

c. La chanson engagée bretonne

Outre les deux grandes figures de Dan ar Braz et Alan Stivell, on retrouve des figures plus

engagées dans la lutte face à l'oppresseur français. Ces « années d'une explosion du métissage, du

développement de la chanson engagée et de la renaissance d'une musique purement traditionnelle82 ». La Bretagne se politise à travers sa chanson et notamment avec Gilles Servat qui chante en

français et en breton l'engagement de tout un peuple. Il tourne en ridicule les politiques (bretons) de

l'époque à travers la satyre Les Bretons Typiques sortie en 1972 où il attaque deux ministres :

Raymond Marcellin et René Pléven. Marcellin, alors ministre de l'intérieur y est représenté avec

son penn-bas qui signifie bâton de tête en breton, une métaphore montrant la violence d'un ministre

81 Ibid82 BECKER Roland, LE GURUN Laure, La musique bretonne, p. 103.

46

qui donnait des coups de bâtons. René Pléven, alors ministre de la justice est avec son bragoù-bras,

une culotte trop grande bretonne. Servat évoque implicitement que le costume de ministre est trop

grand pour le ministre, qu'il n'est pas à la hauteur. Il chante aussi en 1972, La Blanche Hermine.

L'hermine est le symbole de la Bretagne depuis qu'une légende bretonne raconte qu'au lieu de salir

sa belle fourrure blanche dans une flaque de boue, l'animal a préféré se faire tuer par des chasseurs.

Cette légende a inspiré la devise « plutôt la mort que la souillure » et Gilles Servat veut à travers

cette chanson voir les Bretons face à l’État Français « allons faire la guerre aux Francs », montrant

cette insoumission Bretonne face à un pays, la France, qui a tendance à oublier cette région.

Emile le Scanff dit Glenmor est né en 1931 à Maël-Carhaix. Il est l'une des grandes figures

du renouveau celtique. Si Stivell est un musicien émérite, Glenmor se classe plutôt parmi les bardes.

Il se définit lui même comme « barbe, pèlerin et contrefait 83. » Il est diplômé d'une licence de

philosophie à l'université de Rennes au début des années 1950. Puis tente de faire revivre le théâtre

populaire breton avec Breizh a Gan, une troupe qui créé une opérette en breton. Cette dernière

Genovefa, veut transmettre un message de fierté aux bretons grâce à un des héros locaux : Nominoë,

surnommé le père de la patrie, qui a unifié la Bretagne. C'est en octobre 1959 qu'il démarre son tour

de chant à Paris, après plusieurs années de voyages à travers l'Europe. Il prend le nom de scène

Glenmor, afin de réunir la Bretagne et ses deux visages : la terre (Glen) et la mer (Mor). Après

plusieurs tournées à travers la France, Glenmor s'engage pour le mouvement nationaliste breton en

composant l'hymne de l'Armée Révolutionnaire Bretonne, le Kan Bale an ARB dont les paroles sont

explicites « Il est temps bretons d'adhérer au combat du pays / il est temps de balayer le foyer, de

nettoyer le silon. » Durant l'année 1972 il accompagne un autre chanteur engagé, Léo Ferré dans

une tournée bretonne d'une vingtaine de dates.

La fin des années 1970 marque une intensification de la lutte pour lui. Il observe une grève

de la faim pour protester contre l'arrestation de militants bretons à la suite d'un attentat contre le

château de Versailles. Il intègre le comité de rédaction du journal Combat Breton qui se fait le porte

parole des prisonniers en publiant leurs lettres. E Dibenn Miz Gwengolo, est d'ailleurs un hommage

à un militant bretonnant, Yann Kel Kernaleguen. Le terme de barde signifie pour Glenmor

« journaliste oral d'opinion 84. » Son combat est plus anti-France qu'anti-français. Le barde s'engage

aussi contre Paris dans le titre Sodome « Sodome c'est Paris et Paris c'est la France / l'on y crève à

genoux l'on y vit tout pareil. » Si Glenmor est indéniablement un auteur engagé et vital pour le

renouveau politique breton, il n'en est pas moins quelque peu discutable dans ses textes. Portant

notamment des regards homophobes, dans le titre Sodome par exemple : « On y porte l'honneur à

83 GRALL Xavier, LE BORGNE Hervé, Glenmor : Barbe, pèlerin & contrefait, Spezet, Coop Breizh, p. 8184 Ronan Gorgiard, L'étonnante scène musicale bretonne, Spezet, Coop Breizh, p 39.

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hauteur de braguette, et on s'y fait une gloire en y montrant son cul » ou « les couples heureux qui

passent à l'histoire / ont de Cocteau l'esprit / de Jean Marais la virilité. » Ce dernier étant

homosexuel. Le titre Vivre est aussi sujet à polémique avec la strophe « la tantouze bourgeoise qui

chante la nature. » Comme un prophète, Glenmor chante Les Croisades en sont temps où il chante

que « L'aurore demain mûrira la colère / L'Orient et l'Occident se feront la guerre . » L'héritage de

Glenmor est aujourd'hui encore vivant dans les esprits bretons, l'homme étant un symbole breton

très fort.

2. La nouvelle vie des festoù-noz

Avant le revival celtique « pop et folk », le fest-noz a aussi connu une seconde vie dans les

années 1950. La fête de nuit, connaît un regain d'intérêt une dizaine d'années après la fin de la

Seconde Guerre mondiale. Les festoù-noz ont disparus à la fin des années 1930 mais reviennent

dans les années 1950 sous l'impulsion de Loeiz Roparz. Ce dernier, né à Poullaouen dans le

Finistère, a eu durant toute sa vie la volonté de faire revivre cette culture populaire, oubliée durant

la guerre. Il va relancer le kan ha diskan avec Pierre Huiban et Roger Le Béon 85 et surtout le « bal

breton » à Quimper en 1957, figure du renouveau du fest-noz 86. Ce bal traditionnel veut recréer les

rassemblements festifs qui marquaient la fin de la journée durant les travaux collectifs des paysans

bretons. Il est aussi à l'origine des différents festoù-noz des Fêtes de Cornouaille. Après ce revival

des années 1950, les festoù-noz vont connaître une nouvelle évolution : l'électrification dans les

années 1970. Les influences américano-britanniques du rock, de la pop et du folk s'invite dans le

paysage breton avec Alan Stivell, mais aussi dans le monde du festoù-noz, garant de la tradition.

L'arrivée de l'électricité se fait principalement avec deux groupes : Les Sonerien Du et les Diaouled

ar Menez.

Le fest-noz n'est pas épargné par ce renouveau avec l'arrivée d'influences rock et blues dans

les airs traditionnels. Plusieurs groupes vont marquer un virage plus électrique dans la musique

bretonne. Les plus connus d'entre eux sont les Sonerien Du (« Les Sonneurs Noirs ») qui écument

les festoù-noz bretons depuis 1971, soit près de 44 ans. 24 musiciens, 20 albums et des milliers de

concerts à travers la Bretagne, la France et le Monde. Les musiciens se sont rencontrés lors d'une

tournée au Danemark en 1971 où ils vont la première partie du cercle celtique de Pont l'Abbé. Le

groupe est compose de quatre musiciens : un couple de sonneurs, un accordéoniste et un guitariste,

ils sont rapidement rejoint par un bassiste, Jean-Pierre Le Cam, qui sera par la suite la pierre

85 « Adieu Loeiz Ropars », Le Télégramme, 4 novembre 2007.86 Ibid

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angulaire du groupe. Il reste près de 41 ans au sein du groupe en tant que bassiste et chanteur de

1971 à 2013. La vraie évolution du groupe se fait en 1976. Le groupe est le premier groupe du

milieu du fest-noz à passer entièrement professionnel. Dan ar Bras, premier « rockeur » à jouer dans

une fête de nuit ainsi que Michel Santangeli (batteur de Jacques Higelin, Alan Stivell et plus tard

d'Iggy Pop) rejoignent les Sonerien Du pour un temps. Le groupe va sans cesse innover dans le

monde du fest-noz. D'abord en fêtant les différents anniversaire des Sonerien Du. Tous les cinq ans

depuis 1982, le groupe fait un grand fest-noz rassemblant une vingtaine de groupes et qui se déroule

sur la journée et une grande partie de la nuit, une coutume pour tout groupe du milieu désormais.

Les Sonerien Du sont aussi les pionniers concernant l'ajout de percussions africaines dans les

années 1980 ou de programmations électroniques dans les années 1990.

La même année que la création des Sonerien Du à Pont l'Abbé, se créent les Diaouled ar

Menez à Carhaix. Le nom du groupe qui signifie « Les Diables de la Montagne » est trouvé par

Youenn Gwernig. Ce dernier qualifie alors la « musique produite par ces quatre larrons est plutôt

destinée à l'exaltation des corps qu'à l'élévation des âmes 87. » Le son du groupe mélange répertoire

traditionnel de Basse-Bretagne et sonorités électriques alors inédites à l'époque. Le métissage est

permis puisque la grande majorité de leur répertoire se fait sur des tempos proches du rock comme

le plinn, la gavotte ou la danse fisel. Dépassant rapidement le cadre du fest-noz, le groupe va se

produire au festival de Kertalg en 1973 devant près de 10 000 personnes et est programmé du 15 au

22 mai à l'Olympia pour l'événement « Keltia - La chanson celte » avec le groupe nantais Tri Yann

en vedette.

Grâce au répertoire métissé entre rock, folk et musique traditionnelle, les Sonerien Du et les

Diaouled ar Menez vont attirer un public plus large que les seuls amateurs de danse et véritablement

démocratiser les fêtes de nuit.

87 MORGANT Armel, La musique bretonne : Les groupes à danser, Spezet, Coop Breizh, p. 22

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3. Un événement marquant pour le renouveau celtique : Kertalg

Le 13 août 1972 à Moëlan-sur-Mer se tient la première édition du festival Kertalg. Ce

rassemblement a pour but de réunir les différents acteurs du revival celtique en y programmant les

anciens et les nouveaux artistes bretons. Gwenn le Goarnig, organisatrice du festival, rappelle en ce

sens que ce renouveau celtique « ne tue pas le passé, la nouveauté s'y appuie ». Plus qu'un rendez-

vous musical, le festival de Kertalg est aussi l'occasion d'une réunion politique avec des minorités

locales. De France bien sûr avec des Basques, des Corses, des Catalans ou des Alsaciens mais aussi

des Wallons. Tous traversent des crises identitaires similaires à ceux des Bretons.

Si certains émettent un doute sur les propos de Gwenn Le Goarnig à propos du renouveau

celtique qui « ne tue pas le passé, la nouveauté s'y appuie » c’est Alan Stivell qui en fait la preuve

lors du concert de clôture de la tradition. Il invite les Soeurs Goadec à l’accompagner sur scène pour

interpréter Eliz Iza devant les 20 000 spectateurs. La preuve que la nouveauté s’appuie sur le passé,

avec la forme la plus traditionnelle de musique bretonne héritière du kan ha diskan acoustique, les

Soeurs Goadec, qui jouent avec la jeune génération représenté par Alan Stivell.

La Liberté du Morbihan journal lorientais fait un article sur le festival qui témoigne d'une

foule éclectique et d'un événement pouvant « choquer » la population locale « une foule colorée un

peu style 'hippie' où l'individu dit habillé se trouvait un peu déplacé » 88. Fort du succès de sa

première édition le festival est reconduit dans pour deux autres éditions en 1973 et 1974 avec les

retours, notamment, de Alan Stivell et des Soeurs Goadec mais aussi une ouverture au monde

celtique avec les venus de groupes d'Irlande ou d'Angleterre comme Planxty ou Brenda Wooton. La

troisième édition met fin à l'aventure Kertalg à cause des dettes trop importantes de l'organisatrice

de Gwenn Le Goarnig. Kertalg est un des moments forts des débuts de la musique bretonne.

Le festival Kertalg créé pour faire se rencontrer les minorités étrangères va créer des émules

dans les années qui suivent. Un festival similaire à Kertalg va naître en Belgique, sur le site de

l’abbaye de Floreffe : Le Temps des Cerises. Ce dernier tient son nom de la chanson écrite par Jean-

Baptiste Clément en 1866. Une chanson que l’on a associé par la suite à la Commune de Paris de

1871. Un nom de festival qui rappelle un épisode de soulèvement d’une minorité, la ville de Paris,

face à un Etat plus puissant que lui : la France. Le Temps des Cerises est créé par Bernard Gillain,

producteur des émissions radiophoniques de la RTBF à Namur. La première édition, du 5 au 7 juin

196, a pour thème la rencontre les Wallons et d’autres cultures minoritaires de l’Europe entière. La

Bretagne y est bien sûr représentée avec Ys, Youenn Gwernig et Jean Kergrist. L’année suivante ce

sont Gilles Servat & Kristen Noguèes ainsi que Mélaine Favennec qui représentent la Bretagne aux

88 La Liberté du Morbihan, 16 août 1972

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côtés des Flamands, des Occitans, des Alsaciens, etc. Le festival de Kertalg est un demi-échec.

Echec sur le plan financier bien entendu mais réussite sur le plan intellectuel puisque c'est grâce à

cet événement que les jeunes bretons peuvent prendre conscience de leurs traditions qui mêlées à de

la musique actuelle va créer l'électrochoc souhaité.

C. Les festivals bretons durant les années 1980 et le début de la professionnalisation

Entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, se créé un bouillonnement culturel

en France. Plusieurs festivals vont se créer dans toute la France, comme par exemple le Printemps

de Bourges dès 1977. Ces festivals sont à la fois créées pour partager la musique mais aussi

contester la culture de l'époque. L'élection de François Mitterrand et l'arrivée de Jack Lang au

ministère de la culture va accoucher d'une vague de création sans précédent.

La Bretagne n'échappe pas non plus à la règle avec deux festivals qui vont rester dans les

mémoires, le festival Elixir créé dans le Finistère sur le modèle de Woodstock et les Rencontres

Transmusicales créées à Rennes dans la ville.

1. La situation en France

a. Le Printemps de Bourges

En 1977, à Bourges se créé le festival du Printemps de Bourges sous l'impulsion d'artistes de

la région dont Daniel Colling (qui est toujours à l'heure actuelle directeur du festival). Les jeunes

veulent se faire entendre face à une musique qu'ils trouvent trop formatée. La « Variété paillette »

de chez Maritie et Gilbert Carpentier, émission télé phare de l'époque, n'est pas appréciée par les

jeunes. Ils veulent rassembler « l'autre chanson », celle qui est maintenant décrite comme

« chanson réaliste » et que l'on entend ni à la radio, ni à la télévision. Le premier Printemps de

Bourges a lieu durant cinq jours et accueille une quarantaine d'artistes dont Bernard Lavilliers, Dick

Annegarn ou Jacques Higelin mais aussi Charles Trenet pour pouvoir attirer l'ancienne génération,

ne pas être trop fermé à l'ancienne culture populaire. La population de Bourges, cité plutôt

tranquille, est comme dans beaucoup d'endroits assez réticente à accueillir tous ces jeunes qu'ils

appellent les « Indiens ». Ce surnom est donné en raison des cheveux longs et des tenus colorés des

spectateurs qui contraste avec les costumes et les cheveux courts des « adultes ». L'événement

montre la preuve d'une opposition générationnelle forte dès les premières éditions.

Cette première édition, qui se déroule à la Maison de la Culture, marque aussi une

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programmation quasi exhaustive en ce qui concerne les courants musicaux de la chanson française.

On y retrouve des chanteurs engagés, des chanteurs en quête d'identité politiques puique provenant

d'une minorité comme l'Occitan Claude Marti ou l'Haïtienne Toto Bissainthe qui profitent de cette

scène pour faire comprendre leurs souffrances. On retrouve aussi une programmation qui vise aussi

les générations précédentes avec Serge Reggiani, Charles Trenet ou Les Frères Jacques. Au total le

festival assure près de 13 000 entrées en cinq jours. La fin des années 1970 pour le festival marque

un festival en constante augmentation au niveau des spectateurs : 25 000 en 1978, 40 000 en 1979

ou encore 50 000 en 1981. Le Printemps de Bourges accueille de grands noms de la chanson

française comme Areski & Brigitte Fontaine, Claude Nougaro, Georges Moustaki et s'ouvre même à

de nouveaux horizons comme l'humour avec Guy Bedos et Jacques Villeret, le rock avec Téléphone

(1979), Ange et Trust (1980). Sans oublier le revival celtique avec Alan Stivell, Malicorne, Tri

Yann, Gwendal ou Dan Ar Braz qui sont programmés entre 1978 et 1980 au Printemps. Cependant,

malgré un festival en constante évolution, les locaux ont du mal à accepter leur festival qui se

déroule dans l'hypercentre de Bourges.

L'élection de François Mitterrand va changer les choses. Le Printemps de Bourges, qui

défend la musique française dans son grand ensemble, est subventionné peu à peu par l’État. Si les

artistes français y sont toujours présents comme Léo Ferré, Michel Jonasz, Serge Gainsbourg, etc.

Le Printemps internationalise peu à peu son affiche avec chaque année un nom émergent de la scène

rock internationale à l'affiche. On y retrouve, par exemple, The Cure en 1982, U2 en 1983 ou encore

les Simple Minds en 1984. Le Printemps a une image double de garant de la tradition de la chanson

française tout en s'ouvrant aux musiques nouvelles comme la new wave d'Etienne Daho ou

d'Indochine programmés au Printemps.

Le Printemps de Bourges inaugure aussi une pratique très courante dans le monde musical

actuel : les scènes ouvertes. Dès la première édition, des artistes amateurs peuvent se produire dans

des conditions confortables afin de se faire découvrir par des programmateurs. Il suffit pour eux de

s'inscrire et de se produire devant un public. Au milieu des années 1980, le Printemps de Bourges

veut élargir son réseau en créant un tremplin national dès 1985 qui va permettre de faire émerger la

Mano Negra ou Zebda. En 1986, pour la dixième édition on compte près de 125 000 spectateurs.

Cette édition marque véritablement l'identité propre du festival, qui évolue d'un festival de chanson

française à sa création en 1977 à un festival de musiques actuelles dans son grand ensemble. Durant

cette édition on retrouve de la chanson française avec Barbara ou Serge Gainsbourg, du rock avec

Indochine mais aussi de la world music avec Touré Kunda et Ray Lema ainsi qu'une quantité

importante de groupes émergents comme Niagara ou Hot Pants. Sans oublier un plateau

international de plus en plus important rassemblant Talk Talk, The Cramps ou Madness. En quête

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constante de nouveautés le festival va créer des rendez-vous divers et variés comme des concerts

pour enfants ou un mélange original entre musique et cuisine appelé « Les Pêchés de Chère ».

L'année 1987 est éclectique entre têtes d'affiches internationales (Jerry Lee Lewis , Ray Charles et

Johnny Clegg), chanteurs français (Alain Bashung, Charles Trenet, Maurane), humoristes (Guy

Bedos), musiques du monde (Kassav') et surtout découvreurs de nouveaux talents et de musiques

nouvelles. Le punk fait parti de ces nouvelles musiques avec les Bérurier Noir qui effectuent leur

premier passage sur la scène de Bourges hurlant leur refrain « La Jeunesse emmerde le Front

National. » Les irlandais punk de The Pogues sont aussi présents. On voit que, dix ans après ses

débuts, le festival a évolué vers des sphères plus éclectiques et internationales rassemblant près de

133 000 personnes en une semaine. L'idée de départ était de créer un événement pour défendre ce

que l'on appelle à l'époque l'autre chanson française. Désormais le Printemps de Bourges, toujours

mené par Daniel Colling, défend toute la musique.

b. Les Francofolies de La Rochelle

Le festival des Francofolies de La Rochelle naît en 1985 par l'intermédiaire de Philippe

Friboulet et Jean-Louis Foulquier. Ce dernier n'est pas un inconnu, puisqu'il est animateur et

producteur radio sur France Inter. Il est arrivé en 1966 à France Inter où il va, jusqu'en 2008, animer

une demi-douzaine d'émissions différentes. La plus connue de toute étant Studio de Nuit créée en

1975. A l'instar de Daniel Colling, créateur du Printemps de Bourges deux ans plus tard, Foulquier

veut défendre l'autre chanson française. Le créneau de Jean-Louis Foulquier, dans émission radio,

est de faire découvrir de jeunes talents de la chanson française. Son objectif est d'offrir une tribune à

ceux que les médias rejettent, car trop engagés. Bien que tardive l'émission, qui était diffusée entre

deux et trois heures du matin, offre une tribune aux artistes de la nouvelle génération comme

Renaud, Jacques Higelin ou Bernard Lavilliers, trois des artistes dont Jean-Louis Foulquier a faire

percer. A partir de 1977, Jean-Louis Foulquier anime des émissions en direct et en public comme

Saltimbanques, Bain de Minuit ou Y'a d'la chanson dans l'air. En 1984, il anime Pollen en direct, en

public et surtout en nomade puisque le studio ne cesse de visiter les salles parisiennes:l'Olympia, le

Divan du Monde, le Café de la Plage... Tous les grands lieux culturels parisiens sont investis avant

de partir plus tard en tournée dans toute la France.

C'est en se baladant de nuit sur un parking de La Rochelle que Jean-Louis Foulquier a l'idée

des Francofolies. Il raconte dans son livre Au Large de la Nuit cette vision : « A trois heures du

matin, nous décidons de rentrer à l'hôtel en improvisant une petite marche le long des remparts. Et,

en traversant le parking de Saint-Jean-d'Acre [...] c'est comme une apparition. Un vrai délire.

J'imagine déjà le public, les gradins et la scène à sa place exacte. J'entends déjà les premières

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salves d'applaudissement et les vocalises d'Higelin, de Lalanne et Lavilliers allant se noyer sur

l'écume de la nuit. » Quelques mois plus tard du 10 au 14 juillet, se créé le festival des Francofolies

dans la ville qui l'a vu naître : La Rochelle. La scène principale est montée sur la Place Saint Jean

d'Acre. A l'affiche Francis Lalanne, Jacques Higelin, Hubert-Félix Thiéfaine, Les Rita Mitsouko et

Catherine Lara. Sans oublier une large partie de la programmation dédiée aux artistes étrangers

francophones représentés par le Québec avec Daniel Lavoie et Diane Tell, l'Acadie avec Zachary

Richard ou encore le groupe de musique sénégalais Touré Kunda. L'objectif de l'événement est clair,

les Francofolies doivent servir à diffuser les musiques actuelles françaises et francophones. L'année

suivante, en 1986, Francis Lalanne compose l'hymne du festival intitulé simplement Francofolies.

Claude Nougaro, Bernard Lavilliers et Alain Souchon sont les principales têtes d'affiches d'une

programmation qui accueille aussi du rock : Indochine et Gold ainsi que des artistes venus du

continent africain comme Touré Kunda, Mory Kanté ou Manu Dibango. En 1987, c'est Léo Ferré

qui est la principale tête d'affiche pendant que les musiques africaines et antillaises prennent une

place de plus en plus importante avec Salif Keita, Ray Lema, Kassav', Zouk Machine et Carte de

Séjour. Serge Gainsbourg et Johnny Hallyday sont les principales têtes d'affiches de l'édition 1988

qui accueille aussi le jeune suisse Stephan Eicher ou Patricia Kaas. L'édition 1989 marque la venue

d'une tête d'affiche non francophone, il s'agit de l'italien Paolo Conte. Sans doute pour redynamiser

une programmation qui tourne déjà en rond puisque Bernard Lavilliers, Jacques Higelin, Renaud,

Véronique Sanson ou Charlélie Couture en sont déjà à leur seconde participation aux Francofolies

en cinq éditions. Sur la vingtaine d'artistes présents cette année, près du cinquième n'est donc pas

inédit. Un plateau rock est aussi organisé avec les jeunes Noir Désir en tête d'affiche. L'année 1989

marque aussi la déclinaison canadienne du festival puisque les Francofolies s'exportent à Montréal.

Arthur H, Francis Cabrel, Les Innocents, Claude Nougaro, Patricia Kaas

10 000 personnes environ Touré Kunda, quasi invité permanent.

On peut voir que les deux principaux festivals français de l'époque, Les Francofolies et le

Printemps de Bourges, développent une idée commune de base : lutter contre la variété paillette.

Conçues pour être des tribunes

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c. Et ailleurs en France ?

1. Le(s) festival(s) de Mont-de-Marsan

Il l'un des événements les plus marquants puisque le plus contesté à l'époque. Le 21 août

1976 a lieu la première édition d'un festival punk en France. Le festival a lieu dans les arènes de

Plumaçon de Mont-de-Marsan à une déferlante sonique de près de quinze heures de musique. Les

spectateurs, venus de l'Europe entière, assistent au tout premier festival punk au monde puisque

celui du 100 Club à Londres n'aura lieu qu'un mois plus tard les 20 et 21 septembre 89. Le « First

European Punk Rock Festival » rassemble une douzaine de groupes venant de cinq pays dont la

Grande Bretagne, la Suisse ou les Etats-Unis. Le festival obtient même la reformation pour une date

unique des Ducks Deluxe séparés l'année précédente. Des témoins de l'époque rappelle que ce

festival était « la claque de leur vie 90.» Le punk revient à un modèle plus brutal et urgent de leur

musique, le rock et la pop étant déjà largement entrées dans les mœurs. André-Marc Dubos raconte

aussi que le festival a failli être interdit. Les villes d'Arles et d'Orange ayant interdit les festivals, le

maire craint pour sa ville mais décide de maintenir le festival devant les arguments des

organisateurs. Car « si les mecs arrivent et qu’il n’y a pas de concerts, alors là, ils vont tout

saccager. Ce sera pire que s’il y a le festival. »

La seconde édition du festival voit plus grand avec deux jours de festivals en 1977. Grâce

(ou à cause) de l'interdiction de jouer à une majorité de groupes punks chez eux, le festival récupère

beaucoup de groupes anglais dont The Clash ou the Damned. Auxquels il faut aussi ajouter The

Police, The Jam, The Damned, Little Bob Story, Eddie and the Hot Rods, Bijou, Doctor Feelgood,

Shakin’ Street, Asphalt Jungle... qui vont rassembler 3 000 personnes dans les arènes. Le public est

loin du flower power colorés des années 1970 et du fameux été pop. Moins de dix ans plus tard, les

modes ont changés, les punk arborent de longues crêtes ou ont le crâne rasé. Finis les tenues

colorés, le noir prédomine dans les habits. Ainsi que des épingles à nourices ou autres piques sur la

peau. L'objectif, comme le rappelle un reportage tourné par France 3 Aquitaine lors de l'édition de

1977 est de « choquer et bousculer les habitudes. » Il n'en est rien puisque les festivaliers attisent

plus la curiosité des habitants qu'un réel rejet. Le maire de l'époque Charles Lamarque-Cando

(SFIO) condamne le festival le 8 novembre 1977 par un courrier adressé aux organisateurs. C'est à

son successeur, Philippe Labeyrie, que l'on doit la renaissance du festival pour deix éditions en 1985

et 1986.

89 Le festival londonien rassemblera les Sex Pistols, les Clash, Siouxsie & the Banshees et les Buzzcocks. 90 Vanessa Gaillard, « Mont de Marsan, capitale du Punk » Sud Ouest, 26 juin 2013.

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Même si la vague punk ne déferle plus sur le monde, les groupes punk et leur petit de la new

wave sont toujours là. Siouxsie & the Banshess, Killing Joke et Pistoleros passent sur scène pendant

que The Cult annule pour une raison mystérieuse. Les Rita Mitsouko, un des seuls groupes français

de l'affiche, reçoivent une pluie d'objets face à un public composé de punk qui n'hésite pas à faire

savoir leur mécontentement de l'annulation de The Cult. L'édition suivante, en 1986, se scinde en

deux journées à thème. Une première soirée rock-punk avec Nina Hagen, Lloyd Cole & the

Commotion, The Pogues ou Stephan Eicher ainsi qu'une deuxième soirée world music avec Steel

Pulse, Aswad et Touré Kunda. Un événement marqué par un affrontement original lors d'un match

de football entre les Pogues et les musiciens de The Commotion ont affrontés les organisateurs du

festival. Le match fut remporté onze buts à quatre par les musiciens. Le festival de 1986 marque la

seconde mort du festival de Mont de Marsan, qui ne survit pas pour une troisième édition en 1987.

Plus tard un troisième festival revient en 1991 avec l'avènement du rock alternatif dans les arènes et

du groupe de la Mano Negra.

2. Les festivals de jazz

Les festivals jazz sont toujours présents dans les années 1980 en France. Leur doyen, le Nice

Jazz Festival est créé juste après la Seconde Guerre mondiale en 1948. Renommé Grande Parade du

Jazz, l'événement a lieu dans les Arènes de Cimiez en extérieur. La ville de Nice et le producteur

George Wein à l'origine du Newport Jazz, vont s'associer à la fin des années 1970 pour faire grandir

le festival. Miles Davis, Dizzy Gillespie, Art Blakey, Chuck Berry ou Carlos Santana vont se

succéder à l'affiche du festival.

En 1980, un partenariat est signé avec la marque japonaise JVC qui a créé la VHS. Le festival

désormais appelé JVC Grande Parade du Jazz, va élargir ses horizons musicaux en programmant

des artistes de world music, de rock ou de reggae aux côtés des monstres du jazz et du blues. Une

necessité pour la manifestation niçoise qui en plus de voir son affluence augmenter doit faire à la

concurrence du festival voisin d'Antibes-Juan les Pins programmant aussi du jazz et de la world

music. En 1989 on retrouve le sénégalais Youssou N'Dour ou l'irlandais Van Morrison aux côtés de

Miles Davis, BB King ou George Benson.

Le festival d'Antibes / Juan-les-Pins programme dès 1985, un quart de sa programmation sur

des musiques qui ne s'apparentent pas à du jazz. On y retrouve deux soirées dédiées aux musiques

africaines, une au reggae, une aux musiques cubaines et une à la chanson française. Le festival est

créé en 1960 à Antibes et reçoit dès sa première édition les Etats-Unis. Logique de recevoir le pays

créateur du style pour les débuts d'un festival jazz. Charlie Mingus et Dizzy Gillespie sont à

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l'affiche du festival qui comporte neuf soirées dont un concours amateur de jazz, la Grande finale du

tournoi de jazz, diffusée par l'ORTF. En 1973, le festival se retrouve déplacé à Juan-les-Pins, après

deux années de tutelle par le festival de Nice. C'est Norbert Gamshon qui reprend le festival en

main en programmant les grands noms du jazz mais aussi une ouverture vers d'autres horizons

musicaux avec le groupe de rock progressif anglais Pink Floyd, le groupe antillais Kassav', le sud

africain Johnny Clegg, ou de la chanson française avec Bernard Lavilliers ou Jacques Higelin.

Les festivals jazz doivent ouvrir leurs horizons à d'autres styles musicaux. Ceci devient une

nécessité puisque la musique jazz est noyée peu à peu dans les autres musiques actuelles et ne peut

survivre seule.

3. La Fête de l'Humanité

Créée en 1936, comme nous avons pu le voir précédemment, la Fête de l'Humanité se fixe à

partir de 1971 au parc paysager de La Courneuve en Seine-Saint-Denis au Nord-Est de Paris. Le

programme y est durant les années 1980 principalement composé de rock et de chanson française.

On y retrouve Téléphone et Magma pour la partie rock. On retrouve aussi des artistes français, avec

Renaud ou Jacques Higelin mais aussi Johnny Hallyday, Eddy Mitchell ou Julien Clerc. Des têtes

d'affiches internationales se succèdent comme Ray Charles en 1981, James Brown en 1982, Nina

Hagen et The Communards en 1984 ainsi que. Le jazz toujours d'importance à la Fête de l'Humanité

avec Bernard Lubat. Le plateau éclectique laisse aussi sa place au hard rock comme les groupes

Satan Jokers ou The Stocks. La Fête, qui va suivre les modes musicales, va offrir une large place au

rock alternatif dès 1988 avec la présence des Négresses Vertes, des Garçons Bouchers ou de la

Mano Negra dont les idéaux sont proches de ceux du journal L'Humanité.

La Fête rassemble aussi des expositions de peinture, comme celle consacrée à Pablo Picasso

en 1981 à l'occasion du centenaire de sa naissance. Du théâtre et de la danse sont aussi au

programme sur fond de meeting politique dont le plus important a lieu le dimanche sur la grande

scène avant le concert de clôture. Des débats ont lieu durant les deux journées de la Fête. Sous

couvert de la musique, la Fête ne perd pas son caractère engagé avec une dénonciation de

l'apartheid sud-africain en 1985 dans une création artistique nommée « Contre l'Apartheid ». Le

collectif d'artistes Banlieue Banlieue rencontre Urban Sax, groupe free jazz créé par Gilbert Artman.

Ce dernier est l'un des signataires du Front de Libération de la Rock-Music avec son groupe Lard

Free.

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2. La création du festival Elixir : un festival rural

Élixir est une association loi 1901 dont le premier siège social se trouve dans la commune de

Saint-Urbain. L'association, devenue entre temps SARL, déménage au début des années 1980 au

Pontois dans la commune de La Roche Maurice. Les statuts de l'association sont déposés durant

l'année 1977 à la sous-préfecture de Landerneau dans le Finistère. Élixir va d'abord organiser des

concerts à Landerneau avant que les deux créateurs de l'association les deux cousins Pierre et Jean-

Paul Billant, agriculteurs de profession pense à un festival d'envergure en Bretagne.

Pour aider les deux cousins dans cette aventure , un troisième homme se rajoute à

l'organisation. Il s'agit de Gérard Pont qui à l’époque libraire à Brest. Il organise comme les deux

cousins Billant des concerts dans la ville de Brest avec son association Artscenic. Outre son activité

associative c'est surtout la formation en école de commerce de Gérard Pont qui intéresse les deux

cousins Billant, faisant de l'ancien libraire un gestionnaire et un démarcheur efficace. C'est d'ailleurs

lui qui se rend en 1978 à Londres pour tenter de convaincre les artistes de venir à Irvillac pour cette

première édition. Gérard Pont qui avoue avoir rêvé de « Dylan ou de Young » se frotte à la réalité

des exigences des tourneurs britanniques « la Bretagne était excentrée des tournées, il fallait payer à

l'avance alors qu'on avait pas d'argent et j'étais encore inexpérimenté 91 ». Un festival qui n'existe

pas encore et qui n'a aucun nom de signé, ce qui explique la méfiance des managers. John Martyn

et Richard & Linda Thompson seront les têtes d'affiches du premier festival qui compte une

quinzaine d'autres noms sur l'affiche dont des artistes locaux comme le clown Kergrist, Dan ar Bras

ou Gérard Delahaye. Peu de références existent en Bretagne à cette époque pour les festivals si ce

n'est le festival Pop Music de Loudeac ou le festival de Kertalg. Pour les organisateurs d’Élixir, le

choix d'un champ est évident, cette nature rappelant les références de Wight ou Woodstock. Gérard

Pont, un des organisateurs du festival qui s'occupe de la programmation rappelle que « Monter des

spectacles en plein ville ne nous intéresse pas. En pleine nature, on apprécie différemment la

musique et en vivant deux jours ensemble, les gens peuvent se rencontrer plus facilement 92 ». Il

montre ici, une pensée héritée de la communauté hippie qui veut absolument se recentrer sur la

nature, se détacher de la ville qui représente le modèle consumériste et valoriser l'esprit de partage.

Cet esprit se rapproche même d'une publicité pour le festival de Woodstock de 1969 : « Trois jours

de paix et de musique. Des centaines d'hectares à parcourir. Promène-toi pendant trois jours sans

voir un gratte-ciel ou un feu rouge. Fais voler un cerf-volant. Fais-toi bronzer. Cuisine toi-même tes

91 Régis Delanoë, « Retour vers le Woodstock », Bikini n°2, juin - août 2011, p.2092 Juillet 1983, Ouest France

58

repas et respire de l'air pur. ».

Dans un champ comme à Guéhenno ou sur la plage comme à Saint-Pabu c'est avant tout la

liberté que prône le festival Élixir, autour d'une seule valeur à partager : la musique. La

programmation de la manifestation montre les bouleversements musicaux de l'époque avec les

différents vagues qui se succèdent venus des pays anglo-saxons. Les deux premières éditions en

1979 et 1980 sont surtout marquées par la musique folk. Les principaux noms de l’affiche sont John

Martyn et Linda & Richard Thompson, des artistes anglais qui ont acceptés de traverser la Manche

pour cette première édition malgré la méconnaissance totale du festival, que ce soit en terme de

programmation ou de lieux. Tony Trishka est le seul artiste américain de cette première édition. Sur

les trente groupes de 1979, dix huit sont étrangers, soit plus de la moitié de l'affiche. Quinze

groupes sont originaires de Grande Bretagne, un des Etats-Unis, un autre du Canada et un dernier

d'Hongrie. Ces chiffres montrent que la musique folk est internationale, que les idéaux hippies se

propagent à travers le monde. Elixir n'oublie pas non plus les racines celtes de la Bretagne avec la

programmation de plusieurs groupes du revival celtique comme Clannad, Battlefield Band, Boys of

the Lough ou Tannhi. Ils mélangent des instruments acoustiques traditionnels acoustique comme le

violon, la flûte ou la cornemuse à des instruments électriques modernes comme la basse ou la

guitare. Des Gwenn ha Du sont présents dans l’assistance durant les deux jours du festival

d’Irvillac, notamment durant le passage de Dan Ar Bras.

Puis la musique folk perd de sa force dans les années 1980, laissant sa place aux musiques

plus dures comme le rock ou le punk. La vague folk est toujours présente en 1981 avec America. Le

groupe est d'ailleurs signé en exclusivité à Plomodiern à l'époque. Le groupe fait alors deux

concerts en France, seulement à Elixir. Ces éditions du début des années 1980 marquent un

accomplissement pour les programmateurs puisqu'ils reçoivent deux têtes d'affiche de Woodstock :

Joan Baez en 1982 puis Joe Cocker l'année suivante. Le rock s'écoute désormais sous toutes ses

formes à Elixir qu'il soit blues (Albert Collins), progressif (Echo & the Bunnymen) ou plus violent

comme les Stranglers. On note aussi l'introduction de musique classées World Music comme le

reggae avec Aswad ou Jimmy Cliff, du ska avec The Belle Star et de la musique africaine avec King

Sunny Adé et Pierre Akendengué. L’affiche s’internationalise un peu plus, ouvrant de nouvelles

perspectives pour les éditions futures. Malgré la grande majorité d'artistes étrangers, Elixir

programme aussi des artistes locaux comme les brestois de UV Jets, UB Time, les rennais de Ubik

ainsi que la Kevrenn Saint-Marc de Brest.

Les trois dernières éditions du festival, de 1984 à 1986, marquent une instauration quasi

définitive d’une direction rock et reggae prise par les programmateurs. Elixir se place sur un

59

créneau porteur, les jeunes puisque « 60-70 % de l'Ouest et ayant entre 17 et 30 ans 93 . » Ces

dernières éditions marquent surtout une nouvelle étape dans le comportement du public. Là ou les

concerts folk sont écoutés tranquillement assis dans l'herbe en 1979, les concerts punk sont plus

sauvages. Tous les festivaliers présents en 1983 durant le concert des Clash à Guéhenno témoignent

d’un nuage de poussière important devant la scène, causé par les « pogos 94 » du public. La foule ne

reste plus statique comme dans les années 1970 mais utilise la musique comme un défouloir, un

moyen total de se lâcher. Les musiques électroniques font progressivement leur apparition avec

Depeche Mode en 1985, groupe de pop synthétique.

La dernière édition de 1986, marque une ouverture vers la variété française avec la

programmation en ouverture du festival d’une affiche composée d’Alain Souchon et de Véronique

Sanson. Les musiques du monde sont représentées par trois grand noms : Ray Lema (Congo),

Gilberto Gil (Brésil) et Kid Creole & the Coconuts (Etats-Unis). Ils représentent tous un

mouvement différent et permettent de faire entendre la voix d’un autre monde aux festivaliers

présents. La musique celtique est aussi présente avec le métissage punk et celte des Waterboys et de

Big Country, tous deux originaires d’Écosse. Cette édition 1986 marque la fin d’Élixir, après

l’insouciance des années rurales aux quatre coins du Finistère et du Morbihan, le festival va se

heurter à la froideur de la ville. Le stade Francis-le-Blé de Brest est trop grand pour l’événement,

pas assez accueillant non plus. La répression policière très sévère des CRS ainsi qu’une affiche

moins à la hauteur que les précédentes marquent la fin d’une parenthèse dorée. Ce qui peut prouver,

par exemple, que ce genre d’événement est plus adapté à un champ dans la campagne plutôt qu’à un

stade dans une ville.

3. Les Transmusicales : un festival urbain

Avant de devenir la référence mondiale mondiale du festival de découverte où les agents et

les programmateurs se bousculent pour venir chaque année, les Rencontres Transmusicales ont

connus des débuts plus modestes. Le festival a été créé en 1979 pour tenter d'éponger les dettes de

l'association rennaise Terrapin constituée de Jean-Louis Brossard, Béatrice Macé et du disquaire

Hervé Bordier, toujours présents aujourd'hui pour dynamiser « Rennes ville morte pour le rock 95.»

C'est en juin qu'est décidé un concert de soutien dans la Salle de la Cité dans le centre-ville de

Rennes. Les organisateurs baptisent ce concert « Rencontres Transmusicales » et l'affiche réunie

douze groupes en deux jours dont Marquis de Sade, Cisum, Etienne Daho et Ubik, le prix fixé est

libre pour les spectateurs. La volonté des organisateurs est de faire venir des artistes qui n'ont pas

93 Ouest France, Juillet 198394 Danse créée durant un concert des Sex Pistols et qui consiste en une grande bousculade parmi les spectateurs. 95 Michel Field, « La Bretagne et les Festivals », Café Découverte du 27 janvier 2011, Europe 1, 51 min 14

60

toujours la chance de se faire entendre. L'idée des Transmusicales concernant la découverte est déjà

là. Cette première édition est un succès avec 1 800 spectateurs durant les deux soirées du festival.

Les Transmusicales naissent « au bon endroit au bon moment 96.»

Devant le succès de la première édition, une seconde a lieu en 1980 toujours dans la Salle de

la Cité. Le festival se structure et innove puisque les Transmusicales ont désormais lieu en

décembre et le prix d'entrée est fixé à dix francs, contre une participation libre l'année précédente.

Le festival s'ouvre aux groupes français avec les Lyonnais d'Affection Place, les parisiens de Mister

Mongol, des Parasites ainsi que les Nantais de Myckeyn'stein. La seconde soirée rassemble les

meilleurs groupes rennais du moment avec les Nus, Frakture, Sucette Buvard et en tête d'affiche l'un

des premiers concerts d'Etienne Daho. En 1981, le festival s’étend sur trois jours et offre une carte

blanche aux groupes de la ville de Rouen. La quatrième édition de 1982, marque une première

ouverture à l'internationale avec la venue de groupes d'Europe continentale comme le quatuor suisse

Liliput, les finlandais de Pelle Miljoona Oy ou les belges de Tueurs de la Lune de Miel et Des Airs.

Une possibilité d'abonnement existe pour les quatre soirées à cent francs.

L'idée du festival est de mettre en avant des groupes qui proviennent de la scène musicale

alternative mais qui ne sont pas originaires des grands pays rock comme les Etats-Unis ou la

Grande-Bretagne. L'association Terrapin veut accorder une place aux talents locaux de la ville de

Rennes, les occasions de faire de grandes scènes étant à l'époque trop rare pour les groupes locaux.

A partir de la cinquième édition les Transmusicales se forgent une ligne artistique claire : un tiers de

groupes étrangers, un tiers de groupes français et un tiers de groupes rennais (ou bretons). Ce qui

permet de mettre en avant la scène locale tout en découvrant les grands noms de demain. Le

programme du festival de 1984 se fait plus virulent dans son édito, les organisateurs pointant du

doigt « les beaux discours et les promesses électorales, Rennes reste une ville incroyablement sous-

équipée en rapport à sa réputation de "Ville Rock" : pas de salle de spectacle, ni d'emplacement

adapté pour un chapiteau et notre projet de café-concerts vidéos et studio d'enregistrement qui part à

la dérive. »

Le festival obtient son café-concerts en 1985 avec la salle de l'UBU qui comporte 450 places

et qui est toujours géré par l'association des Transmusicales afin de développer son activité sur toute

l'année pour l'accompagnement des groupes rennais. La salle est inaugurée en 1985 durant les

Transmusicales avec Le Bal à Jo. La manifestation s'approprie peu à peu la ville en diversifiant les

lieux. En 1986, une soirée est organisée à la salle Omnisports avec Etienne Daho et Elli Medeiros.

L'année 1988 marque la création de l'Apéro Trans organisé par l'association B'Art Bars. Une

douzaine de groupes se produisent entre 16h30 et 19h30 dans une dizaine de bars rennais afin

96 Ibid

61

d'associer aussi les commerçants de la ville à l'événement. C'est le premier jet de l'opération Bars en

Trans qui a lieu chaque année depuis 1994.

Des années 1960 à 1980, les festivals se structurent peu à peu en Bretagne. L'arrivée des

musiques anglo-saxonnes comme le folk et la pop permettent un nouvel éclairage sur la musique

bretonne. Plusieurs festivals pionniers permettent la venue de grands groupes en Bretagne,

jusqu'alors oubliée des circuits musicaux, trop excentrée et trop lointaine des grandes villes. Le

festival d'Elixir, un pari fou fait naître une nouvelle culture en Bretagne : celle du festival en plein

air qui va être le modèle à suivre pour quasiment tous les festivals. Les Transmusicales sont le

pendant de ce genre de rassemblements festifs, un événement plus pointu, moins festif et urbain

mais important pour le commerce de centre-ville. Il existe une opposition entre la ville et la

campagne pour ce genre de festivals. D'un côté la volonté de désenclaver son territoire en créant un

événement populaire et de l'autre la volonté de faire découvrir sur les grandes nouveautés

musicales.

62

CHAPITRE II : L'explosion de la création des festivals en Bretagne : les années 1990 et 2000

Entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, beaucoup de festivals se créent en

Bretagne. Un peu partout, des associations se mettent en place afin de préparer un temps fort sur la

commune durant quelques jours. Souvent cette pratique a lieu dans des communes rurales où durant

l'année il ne se passe pas grand chose. Afin de faire vivre la commune on créé des festivals, ils vont

exploser dans divers lieux de la Bretagne et ces années 1990 – 2000 marquent aussi la période de la

montée des musiques électroniques et techno dans le Monde.

I. L'opposition entre les Terres-Neuvas et les Vieilles Charrues

A Bobital (moins de 1 000 habitants) et à Carhaix (8 000 habitants), l'idée des locaux est de

dynamiser une vie qui est globalement morne. Où comment deux fêtes de villages vont devenir à

l'aube de la seconde décennie des années 2000, les deux plus grands festivals en France.

A. La mise en place des deux festivals

Au tout début les deux festivals ne sont pas opposés. Bobital a un air de kermesse celtique

avec des chanteurs français tandis que les Vieilles Charrues en sont déjà à près de 100 000

spectateurs. Carhaix a déjà accueilli les Blues Brothers et James Brown sur son affiche avant la

création de Bobital. Le festival Finistérien part avec des références solides face à son voisin. A

l'instar des Vieilles Charrues, qui est à l'origine un rassemblement entre étudiants en 1992 pour fêter

la fin de l'année, Bobital a surtout une dimension festive. La ville est située dans les Côtes d'Armor

et est peuplée de moins de 1 000 habitants. La principale préoccupation des organisateurs est,

comme souvent lors de la création de ce genre d’événements, de faire la fête. Les deux festivals ont

pour point commun d'avoir un nom qui s'identifie parfaitement à leur territoire et à leur activité.

Pour les Vieilles Charrues, c'est une référence directe à la campagne et aussi un pied de nez

au festival des Vieux Gréements qui se passe à Brest. Pour Bobital, c'est aux terres neuvas qu'on fait

référence pour nommer le festival. Ce nom désigné les marins qui partaient de Bretagne pour pêcher

la morue à Terre-Neuve au Canada. Le festival de Bobital accueille une programmation à grande

majorité celtique à ses débuts et enregistre 12 000 puis 19 000 spectateurs en 1998 puis 1999. Soit

beaucoup plus que les Vieilles Charrues à leurs débuts qui n'ont atteint le chiffre de 20 000 entrées

que lors de leur cinquième édition. A titre de comparaison, les chiffres de fréquentation cumulés de

1993 à 1995 des Vieilles Charrues atteignent 18 000 entrées.

63

Pendant que les Terres-Neuvas se créent, les Vieilles Charrues connaissent déjà le succès. Le

festival a déjà des références sur le plan international et national avec les venues des Blues

Brothers, James Brown, Bernard Lavilliers ou Claude Nougaro. Trop à l'étroit sur la place du

Champ de Foire de Carhaix, l'association des Vieilles Charrues déménage sa manifestation en

périphérie de la ville en face du château de Kerhampuilh. La municipalité de Carhaix réalise pour

près d’un million de francs de travaux et d’aménagements divers dont des arrivées d'électricités ou

la création de douches dans le camping pour le confort des festivaliers. Déjà bien structuré le

festival se dote de son propre tremplin : Les Jeunes Charrues. Ce dispositif reste en place jusqu'en

2014 et accompagne les groupes de l'Ouest. Il est remplacé par le Label Charrues. Les festivals

situés à Bobital et à Carhaix possèdent un point commun dans la ligne artistique : avoir une

programmation intergénérationnelle et éclectique. Dans l'optique d'avoir la programmation la plus

riche possible, l'équipe s'agrandit avec l'arrivée de Jean-Philippe Quignon, ex-programmateur de

Tamaris à Morlaix négociée par Christian Troadec. « J'ai dit oui tout de suite. Pour moi un festival,

c'est à l'extérieur, avec des gens qui peuvent planter leur tente 97 » déclare celui qui va être plus tard

vice-président des Charrues. Il rejoint Jean-Jacques Toux dans l'équipe programmation. Près de 1

400 bénévoles venus de toute la Bretagne font tourner le festival pendant trois jours dans différents

postes comme les buvettes, la restauration ou le nettoyage du site. Le festival s'agrandit mais reste

modeste, puisqu'une seule scène est installée sur vaste plaine de Kerhampuilh. A l'affiche des trois

jours un grand écart permanent entre chanson française (Jean-Louis Aubert, Bernard Lavilliers,

Charles Trenet), rock (Iggy Pop, Shane MacGowan, Louise Attaque), reggae (The Wailers, The

Gladiators) sans oubleir la scène locale avec Roland Becker, Matmatah, Didier Squiban ou Red

Cardell. Près de 100 000 spectateurs en trois jours, les Vieilles Charrues deviennent le plus grand

festival de France dès juillet 1998, quelques jours seulement après la victoire française en Coupe du

Monde de Football. L'année suivante, les Charrues visent plus haut … Trop haut peut être. Le

festival double ses dates passant de trois à six jours. Les deux premières journées sont dédiées à la

culture bretonne avec un concert de Gilles Servat le mardi 13 juillet et le lendemain le

rassemblement Bagadañs 98, fête dédiée aux bagadoùs et aux cercles celtiques qui va rassembler

près de 15 000 personnes. Du jeudi au dimanche, ce sont une cinquantaine d'artistes venus de tous

les horizons musicaux qui vont se succéder sur les deux scènes du festival. On retrouve des têtes

d’affiches internationales comme les anglais de Massive Attack ou de Death in Vegas, l’américain

Ben Harper, le suédois Eagle-Eye Cherry ou le suisse Stephan Eicher. Un fort contingent d’artistes

français comme Véronique Sanson, Tryo, Hubert-Félix Thiéfaine, Jacques Higelin ou Pierre Perret

97 COLIN Yves, Vieilles Charrues An Erer Kozh, p 6798 La fête s’est déroulée de 1999 à 2009 sur le site des Vieilles Charrues avant de repartir dans le centre ville de

Carhaix.

64

fait son apparition. Les groupes locaux ne sont pas non plus oubliés avec les Lorientais de Freedom

for King Kong, le Brestois Yann Yiersen ou les Nantais de Dolly et de The Little Rabbits. Les

Vieilles Charrues vont même plus loin que les Terres-Neuvas dans l'éclectisme puisqu'ils vont

proposer un concert de musique classique avec l'Ensemble Matheus en ouverture de la journée du

dimanche. Sur les 47 artistes présents, 20 d’entre eux sont originaires de Bretagne. Mais pas

seulement des artistes faisant de la musique traditionnelle puisqu’une bonne partie des groupes

« bretons » présents jouent une musique très éloignée de la musique traditionnelle comme la fusion

de Freedom for King Kong ou le noise-rock de Sloy. Les Vieilles Charrues étalonnent peu à peu

leur marque « éclectique » qui va faire le succès et la faiblesse du festival. Une remise en cause des

six jours est opérée dès la fin du festival. L'un des membres du conseil d'administration Lionel

Rogard, déclare que « six jours […] c'est usant […] là on a vu que six jours ce n'était pas

raisonnable 99.» L'écho est semblable chez Jean-Philippe Quignon qui dit que « Le Paléo a

longtemps été notre grand frère. Ce festival qui fonctionne sur six jours nous a permis de franchir

plusieurs étapes. Nous avons toujours regardés ce qu'il se fait ailleurs. Mais six jours ça a mis tout

le monde sur les genoux 100.»

L'année 2000 marque le début de la montée en puissance de Bobital. Lors de sa troisième

édition, le festival voit encore un peu plus loin avec une ouverture de ses frontières musicales vers

d'autres musiques. On y retrouve le sud-africain Johnny Clegg, Hugues Aufray et Indochine en têtes

d’affiches. Les Terres-Neuvas gardent tout de même un fort accent breton avec la venue de trois

groupes. On y retrouve deux groupes rock : EV et Merzhin ainsi qu’un groupe reggae breton : Rasta

Bigoud. A mesure que le festival évolue, la veine celtique des débuts va s’estomper, en parallèle du

mouvement qui perd de sa force aussi au niveau des médias. A Bobital , on programme souvent « ce

qui marche » au profit de « ce qui va marcher ». Un différence de taille puisque le festival ne va pas

vraiment encourager les jeunes talents, leur préférant les singles ayant marchés dans l’année. Le

rock, la chanson et les groupe festifs, vont se tailler la part belle des festival les années suivantes.

En restant toujours avec des programmations en grande majorité avec des artistes français. En 2001,

Tri Yann est le seul représentant de la scène bretonne. Alors que du côté de la chanson française, on

retrouve un plateau éclectique où Claude Nougaro semble perdu au milieu de Jeanne Mas, Faudel,

Daniel Guichard ou Emile & Images. La vague celtique tombant en désuétude durant les années

2000, c’est le rock festif qui va prendre la place du mouvement celte. Si les programmations des

Charrues et de Bobital sont assez proches au début des années 2000, l'édition 2003 va marquer un

99 COLIN Yves, op cit, p. 70100 Idem

65

tournant. Le Festival des Terres-Neuvas va commencer à programmer des groupes qui tournent plus

dans les boites de nuit qu'en salle de spectacle. C'est le cas de Magic System en 2003. Leur succès

est arrivé l’année précédente avec leur single Premier Gaou, qui a fait le tour des radios avant un

album certifié Disque d’Or 101. Le festival costarmoricain va entre 2002 et 2004 doubler son

affluence passant de 30 000 à 60 000 spectateurs sur deux puis trois jours. Mélangeant les très gros

succès de l'année comme le collectif Dis l'Heure de Zouk, qui a vendu 500 000 albums de son

mélange de rap et de zouk ou Kana, qui a vendu près de 350 000 albums avec le single Plantation.

Des artistes qui passent très souvent en radio ou en plateau télé. Durant ce temps les Vieilles

Charrues composent un plateau plus pointu avec entre 2000 et 2004 des têtes d'affiches comme Joe

Cocker, Muse, The Cranberries, Manu Chao, Noir Désir, Iggy Pop, The Cure ou R.E.M. On retient

de la neuvième édition, en 2000, qu’il est le premier en France à se dérouler à guichets fermés avant

son ouverture 102. Une affaire vient bouger le festival, le conseil général du Finistère refuse

dorénavant de subventionner le festival. Les Vieilles Charrues ayant versé près d’un million de

francs à l’association Diwan 103.

Le dixième anniversaire des Vieilles Charrues est le plus marquant. Un nouveau président

s’installe, il s’agit de Paul Hély qui remplace Christian Troadec, élu maire de Carhaix. Ce dernier

déclare qu'il a décidé de s'engager auprès de la ville de Carhaix après avoir « fait des propositions

aux élus locaux. Il y avait l'installation du lycée Diwan, l'office de la langue bretonne, les cinq

emplois jeunes des mémoires du Kreiz Breizh. On a constaté des réticences fortes du pouvoir

politique, quel qu'il soit . Donc avec plusieurs des Charrues on a décidé de s'engager » 104. Le

président des Vieilles Charrues tête de liste d'Un Nouvel Elan Pour Carhaix – La Gauche Unie est

élu au second tour des municipales avec 35,61 % face à la liste Ensemble pour Carhaix-Plouguer

qu'elle devance d'une très courte tête avec 1,5 % des voix.

Le festival affiche complet un mois avant la date 105 prévue. Malgré les annulations de trois

têtes d’affiches : PJ Harvey, Robert Charlebois et Les Rita Mitsouko, la programmation compte

parmi les meilleures jamais réalisées avec en têtes d’affiches Ben Harper, Noir Désir et Manu Chao.

Les Vieilles Charrues affichent 200 000 spectateurs présents sur trois jours, une moyenne de

presque 67 000 spectateurs par jour doublant sa fréquentation en trois ans. L’affiche comporte une

majorité d’artistes français avec notamment Vanessa Paradis, Henri Salvador, Georges Moustaki ou

Claude Nougaro. Rodolphe Burger (leader du groupe Kat Onoma). Ce dernier se voit confier une

carte blanche chaque année jusqu’en 2006. Le festival va cependant réduire sa fréquentation l’année

101 100 000 copies vendues102 COLIN Yves, op cit103 Ibid, p. 86104 Ibid, p. 79105 Eric RANNOU « Les Vieilles Charrues : chronique d'un festival à guichet fermé », Le Télégramme, 21 juin 2001.

66

suivante pour rester à « taille humaine » et aussi pour des raisons de sécurités évidentes. Christian

Troadec insiste sur le rôle social et moteur des habitants de Carhaix dans la réussite du festival. Lui

qui affirme que « Nous avons redonné aux gens la fierté des habitants. Et la fierté, c'est le moteur de

la réussite ! Nous étions sur un territoire qui ne pouvait plus reculer. Il avait touché le fond 106. »Le

festival est passé en dix éditions d'une fête de retrouvailles entre amis au plus grand festival de

France, pouvant aussi se battre avec les plus grands festivals européens.

B. L'affrontement des deux plus grands festivals de France

Si jusqu'ici les Vieilles Charrues et les Terres Neuvas n'ont pas pu être réellement comparés,

on note un équilibre des forces en 2005. En effet les Vieilles Charrues et les Terres Neuvas se

déroulent dès lors sur trois jours avec trois scènes et une fréquentation dépassant les 100 000

spectateurs dans les deux cas, faisant des deux manifestations bretonnes, deux des plus importantes

de France.

Le premier grand coup des Terres Neuvas va être la venue du groupe de hard-rock

Scorpions, pour la première des multiples tournées d’adieu du groupe depuis 2005. Le quintet

allemand est, cette année-là, signé en exclusivité française. C’est le premier grand « coup » de

Bobital qui peut désormais rivaliser avec les Vieilles Charrues. La venue du groupe hard-rock le

plus connu d’Allemagne (avec Rammstein) montre aussi un durcissement du son avec les premières

venues de groupe dit de musique extrême comme les punks de Tagada Jones et le neo-metal de

Mass Hysteria, ce que les Charrues n'avaient fait qu'épisodiquement. Le rap fait aussi son apparition

avec les Svinkels. La partie festive est encore plus importante que l’année précédente avec du ska :

Ska-P, Jim Murple Memorial, Sangria Gratuite ; du reggae : Sinsemilia ou de la chanson festive

avec La Rue Kétanou. Le public adolescent n’est pas non plus oublié avec Superbus et Kyo. Michel

Fugain est l’artiste intergénérationnel du dimanche. Près de 1 200 bénévoles participent à

l'élaboration du festival qui veut accueillir toutes les musiques. Du côté de Carhaix, le festival

commence à stagner du fait de la concurrence internationale et est pour la première en baisse de

fréquentation avec seulement 150 000 spectateurs en 2005 contre 165 000 durant les deux années

précédentes. Même si les têtes d’affiches sont présentes : Deep Purple, New Order, les Stooges,

Buena Vista Social Club ou Franz Ferdinand, le festival décide de réduire le nombre de têtes

d’affiches afin de proposer un plateau plus homogène. Les Vieilles Charrues bénéficient d’une

reconnaissance officielle puisque pour la première fois un ministre de la culture vient au festival. Il

s’agit de Renaud Donnedieu de Vabres venu aux Charrues après la signature d’une convention avec

106 COLIN Yves, op cit, p 84

67

le théâtre scène nationale 107.

Durant l'édition 2006 de leur festival, les Vieilles Charrues et les Terres Neuvas vont se

librer un combat acharné sur le terrain des exclusivités. Le festival finistérien, pour fêter ses quinze

ans, invite Johnny Hallyday pendant que le festival costarmoricain propose un concert inédit

rassemblant Chuck Berry, Little Richards et Jerry Lee Lewis. Le pionnier du rock français contre

les pionniers du rock américain. Bobital ne s'arrête pas là en signant au dernier moment le groupe

Lordi, vainqueur quelques mois auparavant de l'Eurovision. Le festival accède encore à une marge

supplémentaire de notoriété puisque le groupe Trust, autour du titre Antisocial, va choisir Bobital

pour son grand retour scénique. Près de 130 000 spectateurs seront présents.

De l'autre côté de la Bretagne, les Vieilles Charrues accueillent 203 000 spectateurs et

battent un nouveau record pour un festival français. Laurent Lavige, journaliste sur France Inter,

rapporte les propos du programmateur Jean-Jacques Toux avant le festival « Il faut marquer les

esprits 108.» Deux nouveautés marquent alors le festival, l'ajout d'un quatrième jour pour accueillir

Johnny Hallyday et la venue d'un humoriste sur la scène principale des Vieilles Charrues : Jamel

Debbouze, une première pour un festival de cette taille. Pour le reste de la programmation, les têtes

d'affiches sont présentes avec les géants américains Pixies ou Tracy Chapman, les britanniques de

Placebo ou Madness ainsi que Yann Tiersen, Julien Clerc ou Dionysos. Cet affrontement entre les

deux festivals a une conséquence intéressante pour les spectateurs locaux. Puisque deux des plus

grands festivals français se trouvent en Bretagne, la région va accueillir entre 2005 et 2008 quelques

unes des plus grandes stars au monde. Ceux-ci ne se seraient peut-être jamais produits en Bretagne

sans la présence de ces deux festivals. Les tarifs des billets trois jours, qui ne dépassent pas les cent

euros, permettent à un coût moindre pour les festivaliers de pouvoir voir de grandes têtes d'affiche à

leur porte.

C'est en 2007 que Bobital a failli dépasser son concurrent direct. Lors de cette édition les

Terres Neuvas affiche une affluence de 140 000 spectateurs contre 170 000 aux Vieilles Charrues. Il

existe certes une différence de 30 000 personnes entre les deux, mais le festival de Bobital se tient

sur trois jours et non pas quatre comme son concurrent finistérien. Cette année-là la manifestation

costarmoricaine a su attirer beaucoup de pointures internationales comme Placebo, Marylin Manson

ou Tokio Hotel qui sont tous signés en exclusivité régionales ou nationale. Une création de Pat

O’May (avec Gilles Servat et Alan Stivell) marquent le retour de la scène bretonne au festival des

Terres Neuvas. Aux Vieilles Charrues la situation est plus critique. Le jeudi pose déjà problème,

loin d'être rempli malgré la venue exceptionnelle de Charles Aznavour, qui fait son premier concert

107 « Les Vieilles Charrues attendent Johnny », Nouvel Obs, 25 juillet 2005.108 COLIN Yves, op cit, p 124.

68

en festival à 83 ans, le terrain se trouve remplit de boue. Plusieurs artistes annulent leur prestation

peu avant ou durant le festival pour des raisons diverses. Le dimanche est très touché avec les

annulations le jour même de Sinead O'Connor et des Klaxons ainsi que celle, en amont, des Scissor

Sisters. Les deux premiers seront remplacés dans l'urgence pa Abd al Malik et Goose. Les belges de

Goose deviennent le premier groupe qui joue deux fois aux Vieilles Charrues durant la même

édition. Ils étaient la veille programmés sur la scène Grall pendant qu'Abd al Malik est transféré de

la scène Grall à la scène Kerouac. Les Fabulous Trobadors (le vendredi) et les Kaiser Chiefs (le

samedi) annulent aussi leur venue quelques semaines avant le festival. Le plateau proposé reste tout

de même d'une bonne qualité malgré les annulations avec Arcade Fire, Peter Gabriel ou Bryan

Ferry.

C. La chute du festival de Bobital

Alors que 2007 marque l'apogée de la bataille entre les festivals, un événement inattendu

arrive : la liquidation judiciaire des Terres-Neuvas en octobre 2008. La manifestation affiche une

fois encore un plateau de haut niveau avec une majorité de groupes signés en exclusivité nationale

avec les Sex Pistols, Fatal Bazooka, The Pogues, RFM Party 80 ou Scorpions. Devant cet

éclectisme assumé le festival se défend par « nous sommes un festival accueillant toutes les

musiques ». L'événement devient presque un repère de la seconde chance avec les reformations des

Sex Pistols, des Pogues, de Pigalle ou de The Verve. Une affiche marquée aussi par la venue de

RFM Party 80, une tournée best-of de tous les artistes ayant marqué les années 1980 par leurs tubes.

Rajoutant même un groupe hommage aux Beatles dans l'affiche, The Rabeats. L'édition 2008 est

aussi minée par des coupures d'électricité durant les concerts, IAM notamment. Au final, un trafic

de faux billets condamne le festival en 2008. Une baisse de 33 000 entrées payantes est constatée

par les organisateurs pendant qu'un déficit, évalué à 600 000 € quelques jours après le festival, est

finalement fixé à 1 300 000 € par le tribunal de Dinan. Lors d’un article sur la liquidation judiciaire

de l'association des Terres Neuvas, le journaliste du Ouest-France Jean-Valéry Héquette va conclure

par ceci « C'est paradoxalement ce qui a été sûrement fatal au festival. Le manque d'une ligne

directrice, faite de choix clairs. Et aussi un refus de professionnalisation, comme les autres grands

festivals. Le bénévolat qui a été sa force a sans doute été finalement sa faiblesse 109.»

Le refus du professionnalisme a sans doute miné le festival, gérer la seconde manifestation

musicale de France en étant amateur est un réel soucis. Aux Vieilles Charrues on retrouve des

permanents qui étaient au début bénévoles pour la structure et se sont peu à peu professionnalisé en

même temps que la structure. Le documentaire, Bobital, un village dans la démesure, montre des les

109 Jean-Valery HEQUETTE, « Le festival de Bobital en liquidation », Ouest-France, 19 septembre 2008.

69

présidents de l'association (au nombre de quatre) ayant une double vie à gérer. On retrouve par

exemple le programmateur qui s’arrête près d’un champ pour négocier la venue de Patrick Bruel

avec son manager, sans aucun document à portée de main 110. Carhaix a su devenir professionnel

mais a su aussi reconnaître l’importance du système bénévole qui permet d’inclure la population

locale dans l’organisation du festival. Le 23 juillet 2008 a eu lieu une table ronde avec un nombre

important de politiques locaux afin de trouver une solution pour ne pas tuer ce festival. On y

retrouve le député Jean Gaubert (PS), le sénateur Charles Josselin (PS), les conseillers généraux

Michel Vaspart (UMP), André Calistri (PS) et Jacqueline Chevé (PS), René Benoit (UMP) maire de

Dinan et président de la communauté de communes, ainsi que le maire de Bobital Denis Riaux

(Divers Droites) et d’Aucaleuc Jean Fauvel (PS). Cette réunion montre la « solidarité des élus avec

Bobital 111 » et ce peu importe leur étiquette politique. Puisque même si la majorité des élus est

socialiste on retrouve aussi des élus de droite (UMP, Divers Droite) préoccupés par cette question.

Le festival étant tout de même, malgré les tempêtes qu’il a essuyé une réussite. Bobital ayant

multiplié sa population de moins de 1 000 habitants à plus de 140 000 en 2007. La crise ne s'arrête

pas au simple festival, c'est tout le tissu économique de la région de Bobital qui c'est trouvé

impacté. Le président du club des hôteliers de Dinan, Nicolas Caron, se plaint même de ne pas avoir

été payé alors que les hôtels environnant « l'hôtel le Jerzual, l'hôtel Ibis, le Challonge, la résidence

Duguesclin ont hébergé des artistes. » et ont été payés. Il rajoute même que les ardoises non payés

vont de « 600 à 900 € » sans oublier les « boîtes de communication également ont des factures

élevées, qui ne seront peut-être jamais réglées. » Au final le festival des Terres-Neuvas est mis en

liquidation judiciaire en octobre 2008. L'association est dissoute durant le même mois... Avant que

les jeunes de la commune ne remettent sur pied un nouveau festival dans le même esprit que Bobital

appelé Bobital, l'Armor à Sons quelques mois plus tard. D'une fréquentation plus modeste (20 000

personnes sur deux jours), il est toujours en place actuellement.

Du côté des Vieilles Charrues, l'édition 2008 représente un mieux. Le festival bat son record

de fréquentation avec près de 216 000 participants. Le plateau offre une affiche moins clinquante

que celle de Bobital mais sans doute plus homogène avec une majorité de groupes rock comme les

ZZ Top, les Hives, Ben Harper, Motorhead ou Matmatah. L'édition 2008 va être l'occasion pour les

Vieilles Charrues de repousser les avances de Live Nation, pilier de l'industrie musicale américaine112. Le festival réaffirme ainsi sa volonté de liberté de mouvement face aux grandes sociétés de

productions.

110 Documentaire sur Bobital111 RICHARD Fabienne, « Un concert de soutien pour sauver Bobital », Ouest-France, 24 juillet 2008. 112 COLIN Yves, op cit, p. 133

70

II – Le phénomène des festivals de niches

Les festivals dit « de niche » sont bien loin des festivals que nous avons pu étudier

précédemment. On y trouve une situation plus urbaine du festival, celui-ci étant en majorité situé

dans des grandes aires urbaines, comme c'est le cas à Saint Brieuc pour Art Rock, à Malestroit

proche de Vannes pour le festival du Pont du Rock ou à Saint-Malo proche de Rennes pour la Route

du Rock. Il est intéressant d'étudier ces trois exemples qui sont dédiés au rock mais qui ont pu, au fil

des années évoluer vers d'autres horizons musicaux ou artistiques.

A. Au Pont du Rock : Indépendant mais éclectique

Le festival de Malestroit est né à la fin des années 1980 dans le Morbihan. Au Roc Saint

André, ce qui en fait le plus vieux festival rock en activité de l'été en Bretagne puisqu'il a été créé en

1989. A ses débuts entre 1989 et 1992, le festival prend ces quartiers au Roc-Saint-André. La

programmation est essentiellement composée de groupes français de la scène alternative. On y

retrouve Les Garçons Bouchers, Les Wampas, Les Dogs, Les Thugs, Happy Drivers ainsi que

quelques groupes britanniques de rock alternatif comme Red Alert ou Raftink. Ensuite le festival va

connaître deux années creuse dues à la fusion entre l'association des Enfants du Roc, créatrice du

Pont du Rock et Arts et Culture basée à Malestroit pour former une seule et même entité « Aux Arts,

etc... ». En déménageant à Malestroit, Au Pont du Rock s'ouvre à d'autres genres de musique et à

l'international. En 1996 l'affiche est composée d'une moitié d'artistes française et d'une moitié

d'artistes internationaux. Le festival nourrit de nouvelles ambitions à Malestroit avec la venue des

bluesmans Bernard Allison, Lucky Peterson et des rockeurs de Roadrunners en 1996.

Le Pont du Rock accueille désormais le rock au sens large puisque l’aîné de la famille y est

représenté avec le blues ainsi que ses deux enfants terribles du metal et du punk. Le festival s'ouvre

aussi à progressivement à toutes les autres musiques afin d'élargir l'audience et rassurer la mairie de

Malestroit en ne proposant pas que des sons agressifs. Les musiques plus radicales, comme le punk

ou le metal, faisant plus peur aux populations que le rock en lui-même. On retrouve Miossec en

1995 qui représente la chanson française et la Bretagne, l'artiste étant originaire de Brest. Le festival

reste l'un des derniers festivals alternatifs de Bretagne et indépendant à l'image des Vieilles

Charrues. Damien le Guével, permanent du festival rappele que le « Pont du Rock a toujours gardé

un esprit de fonctionnement collectif. Malgré les appels du pied de certains tourneurs, on tient à

71

notre liberté 113. » Un esprit hérité du mouvement punk do it yourself 114 et du rock alternatif qui sont

la base du festival morbihannais.

Au Pont du Rock garde malgré tout une ouverture vers les autres musiques puisque

rapidement les musiques métissées vont s'intégrer dans la programmation avec Tayfa qui mélange

mélodies traditionnelles bretonnes et algériennes à l'instar des Sons of the Desert et l'Orchestre

National de Barbès. La scène du Grand Ouest n'est pas non plus mise de côté, le festival met chaque

année des talents locaux comme le brestois Miossec, les Nantais de Dolly, les rennais de Mass

Hystéria, Tagada Jones ou les lorientais d'Armens, des Clam's et de Freedom For King Kong. Tous

originaires de la même région mais sans vraiment de lien musical, ce qui permet de découvrir la

richesse de la scène bretonne. Le festival évolue peu à peu, il rassemble 10 000 personnes par soir

jusqu'en 2006, date à laquelle une seconde journée est ajoutée. Le seul réel coup dur arrive en 2003,

lorsque l'événement est annulé à cause de la pluie. Mais en 2004 le festival accueillera 12 500

spectateurs et reprogramme Ska P, prévu l'année précédente.

A l'occasion des vingt ans du festival en 2009, les rennais de Tagada Jones vont se voir

confier une carte blanche. L'idée de ce spectacle est de rejouer tous les titres marquants du punk et

du rock alternatif qui ont marqués les esprits des organisateurs ou des musiciens. Les musiciens

choisissent le nom de Bal des Enragés pour cette création unique au Pont du Rock. Ce nom rappelle

à la fois la puissance de la musique jouée et le nom du label du groupe rennais : Enragé Prod.

Tagada Jones invite sur scène les grands groupes punk de l'époque : Lofofora, Parabellum, Punish

Yourself et La Phaze. Tous sont invités pour interpréter sur scène les « tubes » du punk-rock depuis

les années 1970. Au programme : The Clash, The Ramones, The Who, The Stooges, Dead

Kennedys mais aussi des groupes français avec Ludwig von 88, Bérurier Noir ou Trust. Tous les

groupes repris sont une influence marquante du rock dans sa globalité à la fin des années 1980, date

de création du festival.

Au Pont du Rock va vers un modèle de festival éclectique où toutes les musiques y ont leur

place avec du reggae, de la chanson ou de la musique électronique mais tout en gardant une base

alternative qui marque la différence du festival par rapport aux autres manifestations de l'été. Une

manifestation spécialisée dans un seul style est toujours très difficile à mettre en place et à

pérenniser, surtout lorsque la manifestation est organisée par des bénévoles. Le modèle du Pont du

Rock est intéressant dans ce sens puisque à la fois éclectique et indépendant.

113 ALLAIN Pierre-Henri, « Au Pont du Rock : Malestroit on the Rocks », In Rok 2, p. 191114 Terme anglais issu du punk signifiant « Fais le toi-même »

72

B. Art Rock 115 : le festival pluridisciplinaire

En 1978, porté par la vague folk, le club des jeunes de la ville de Quessoy près de Saint-

Brieuc organise du 16 au 18 juin le festival Folk. Dan ar Bras est la principale tête d'affiche du

festival qui attire 10 000 personnes. Jean-Michel Boinet, actuel directeur d'Art Rock et créateur du

Festival Folk de Quessoy, se rappelle même que les organisateurs du futur Festival d'Elixir sont

venus le voir pour lui demander « Comment on organise un weekend comme celui-là ? Combien ça

coûte ? 116. » En mars suivant, neuf mois plus tard, les jeunes de Quessoy créent l'association Wild

Rose. Le nom de l'association est une référence à une chanson de Sonny Rollins. Sans aucune

subvention publique, Wild Rose va organiser durant trois années des concerts dans toute la région

de Saint-Brieuc avec des artistes blues de renoms comme Luther Allison ou Sugar Blue. Ainsi qu'un

festival au Parc de Brézillet à Saint-Brieuc avec Doctor Feelgood. Les principaux organisateurs du

festival, Jean-Michel Boine et Marie Lostys vont aussi aider l'association Terapin 117 en 1979 pour

mettre en place la première édition des Transmusicales de Rennes.

Après avoir organisé le 8 août 1979, une date commune entre Marquis de Sade et Téléphone

à la Salle Robien de Saint-Brieuc, l'association Wild Rose veut créer son propre festival. Le terrain

choisi se trouve en bord de mer aux Sables d'Or près du cap Fréhel. Le syndicat des propriétaires de

acceptent le concert rock mais seulement si deux autres soirées musicales ont lieu : une soirée

musicale d'un autre genre (le jazz sera choisi) et une soirée classique. Les deux soirées de musiques

jazz et classiques (avec l'Ensemble de musique de chambre de Heidelberg) ont un franc succès alors

que la soirée rock est « financièrement un premier bouillon » La tête d'affiche prévue, Wilko

Johnson, n'est pas venue. Une seconde édition a lieu l'année suivante, en août, à Saint-Brieuc. On

compte 2 000 entrées payantes avec Ubik et Magma à l'affiche mais c'est un second bouillon.

Certains membres de l'association prennent de la distance avec Wild Rose « Tout le monde ne

pouvait pas s'investir comme avant et prendre les mêmes risques » dit Henri Poulain, un des

organisateurs.

Cet échec ne décourage pas l'association Wild Rose. Les deux têtes pensantes Jean-Michel

Boinet et Marie Lostys vont proposer à la mairie de Saint-Brieuc un festival d'un nouveau genre :

Art Rock. L'originalité du festival tient dans sa programmation qui se revendique pluridisciplinaire.

Musicale bien sûr, mais touchant toutes les formes d'arts : du théâtre à la danse en passant par les

arts plastiques ou numériques. La première édition se déroule du 24 octobre au 5 novembre 1983 au

Centre d'action Culturelle de Saint-Brieuc. Le slogan de la première édition est le suivant « Le

115 TOUTOUS Michel, « Art Rock, un festival dans la ville » in Ar Men n°176, mai-juin 2010, p 46-51116 LE GUEN Gilles, « Art Rock ou l'art du mixage élégant » in Rok 1, p. 310117 « Avec Art Rock impossible d'être blasé », Le Télégramme, 4 mai 2000.

73

rock a un look. Nous avons treize jours pour vous le montrer. Vous avez treize jours pour le voir ».

Art Rock propose alors des concerts, des vidéos, du cinéma et des photos. Soit dès la première

édition une large palette de propositions artistiques. Marie Lostys rappelle que

« Au-delà de notre goût pour la musique, on allait autant des expositions d'arts plastiques, qu'à des

spectacles de danse, au théâtre. Et plus on y allait, plus on trouvait des liens entre les disciplines. Pour nous il

y avait un esprit rock ! Une manière de remettre en question d'ordre établi 118. »

La jeunesse de l'époque avait besoin de « couleurs pour se démarquer des décennies

précédentes vécues comme plutôt conservatrices 119. » Jean-Michel Boinet rappelle que le festival

« correspondant bien à l'allant de la création artistique de cette époque, c'était une explosion

culturelle 120. » Une explosion qui se manifeste par des mélanges artistiques comme Philippe Stark,

François Boisron et le groupe Totem, qui en 1984, proposent une création commune entre design,

peinture et musique. Le danseur hollandais Harry de Wit vient aussi en 1988 proposer une

performance avec le corps relié à des capteurs électriques qui iront jusqu'à « choquer le public

présent 121 . » Autre performance marquante : Royal de Luxe et sa « Véritable Histoire de France »

présentée en 1990. Un spectacle qui interpelle les spectateurs dont le maire de l'époque de Saint-

Brieuc, Claude Saunier (professeur d'histoire), qui avoue avoir été « vivement interpellé par la

vision iconoclaste de ces douze tableaux 122. » En 1987, le festival propose une rétrospective sur

l’œuvre d'Andy Warhol, décédé cette année là. Une affiche prévue avant sa mort et qui permet à Art

Rock d'obtenir en priorité les œuvres du plasticien américain, la demande étant très importante.

Le premier budget est à l'époque de 10 000 € pour 5 000 spectateurs 123, un budget modeste

puisque le festival Art Rock a accueillit en 2015, 75 000 spectateurs pour un budget total de 2,3

millions. Jean-Michel Boinet rappelle les difficultés et l'incertitude autour du festival. « Les

concerts payants doivent atteindre leur équilibre par la billetterie et la menace est grande d'une

surenchère sur les cachets des artistes 124. » Au niveau des entrées d'argent il existe, en plus de la

billetterie, les recettes annexes de restauration ou de bar, vitales pour un festival de l'envergure d'Art

Rock. Sans oublier les partenariats et autres mécénats d'entreprises qui garantissent la croissance du

festival. Les dons aux associations étant intéressant pour les entreprises, puisqu'ils permettent une

déduction fiscale plus ou moins importante suivant la somme versée. La subvention publique ne

représente que 35 % du festival, elle sert le plus souvent pour les événements gratuits mais sont une

caution importante pour le festival, une bouée de secours. Les concerts payants sont financés

118 TOUTOUS Michel, op cit, p. 47.119 LE GUEN Gilles, op cit120 TOUTOUS Michel, op cit121 LE GUEN Gilles, op cit, p 312.122 TOUTOUS Michel, op cit.123 TOUTOUS Michel, op cit, p. 51124 LE GUEN Gilles, op cit.

74

directement par l'association et les comptes doivent s'équilibrer via la billetterie tandis que les

spectacles gratuits (concerts, arts de rue, etc.) sont financés par les subventions de l’État à hauteur

de 35 % du budget total réparties entre le conseil général, la ville de Saint-Brieuc, la région

Bretagne, la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) et la communauté

d'agglomération « par ordre décroissant de contribution 125 »

Le festival est surtout défricheur de talents, comme les Rencontres Transmusicales, mais à

une nuance près puisque Art Rock ne prend pas des groupes tout à fait inconnus et opte pour des

têtes d'affiches parfois grand public à la différence Rennes. Ce sont plutôt des groupes dont la

« réputation commence à s'asseoir mais qui demandent à être vus sur des scènes conséquentes 126 » à

l'instar de l'islandaise Björk et son groupe des Sugar Cubes ou de Ben Harper en 1998. le festival est

pluridisciplinaire jusque dans sa programmation musicale. Le festival s'ouvrant à toutes sortes de

musique comme en témoigne l'affiche de 2000, avec notamment Moby artiste techno originaire de

New York en tête d'affiche. On y retrouve aussi le sénégalais Youssou N'Dour, -M- ou les rappeurs

de 113. L'édition 2006 est aussi marqué du sceau de l'éclectisme avec une première soirée « world »

sur la scène principale qui rassemble les rythmes balkaniques Goran Bregovic, l'afro-beat de Seun

Kuti, le ska-punk des Fishbone ou l'électro des Fun Lovin' Criminals. La seconde soirée est rock

avec les Happy Mondays, The Rakes ou Deus. La soirée de clôture est dédiée au label Français Tôt

ou Tard qui propose ce soir là un plateau éclectique entre chanson française avec Thomas Fersen,

rock avec les Têtes Raides, expérimental avec le duo Bumcello ainsi qu'une création spéciale entre

Vincent Delerm et Lhasa. Sans oublier la présence d'artistes d'arts de rues et d'une exposition.

Un modèle éclectique toujours défendu durant les années suivantes par le festival, qui ne

cesse de créer de nouveaux événements pour faire parler de lui. Dernières nouveautés en dates : Les

Musiciens du Métro et Rock 'n' Toques. La première des deux opérations consiste à sélectionner

durant toute l'année des artistes qui se produisent dans le métro parisien. Suite à ce choix, les

artistes se produisent au village Art Rock durant les trois jours du festival. La seconde opération,

Rock 'n' Toques est une opération menée par une vingtaine de chefs bretons. La moitié sont des

chefs restaurateurs, quatre d'entre eux sont étoilés au Guide Michelin. Ensuite on retrouve les autres

métiers de bouches dont des maîtres pâtissiers, des cavistes ou un producteur de cidre. L'idée est

d'allier des plats dignes des grands restaurants à des prix corrects. Le plat est à huit euros, le dessert

à quatre euros et la boisson (une sélection de vins ou de cidres) est à trois euros.

125 TOUTOUS Michel, op cit, p. 51126 Ibid, p 50

75

C. La Route du Rock : le festival sans concession

Créé au mois de février 1991 dans deux salles de Saint-Malo, le festival de La Route du

Rock se veut être le contre exemple des Vieilles Charrues. François Floret, son directeur historique,

voit avant tout l'organisation de son festival comme une « quête du Graal qui doit s'approcher le

plus possible d'un festival parfait à nos yeux 127 » comparant ainsi La Route du Rock à « un

véritable projet artistique ». A la différence des Vieilles qu'il voit « plutôt comme de l'aménagement

du territoire. Comment grâce à un événement culturel, tu réussis à faire parler d'une ville que

personne ne connaissait située dans une sorte de désert ». Il parle cependant d'une « formidable

réussite » pour le festival carhaisien 128.

Là où les Vieilles Charrues vont piocher dans toutes sortes de musiques pour asseoir leur

place de festival numéro un en France. La Route du Rock tient une ligne exigeante depuis 1991

dont elle a rarement dévié, loin des systèmes des grands tourneurs ou des grosses sociétés

musicales. On cherche avant tout une esthétique musicale précise et de ne surtout pas coller aux

mastodontes des Vieilles Charrues, des Terres-Neuvas puis plus tard de la Fête du Bruit.

C'est Ludovic Renoult, président de l'association Sidérant, qui aura l'idée d'un festival à

Saint-Malo. Rennes étant déjà assez surchargée en festival où l'on retrouve, notamment, les

Rencontres Transmusicales. Par l'intermédiaire de l'association Rock Tympans, la Route du Rock se

créé. Son nom est un clin d'oeil à la Route du Rhum, une course de voiliers partant de Saint-Malo.

La réussite de La Route du Rock est aussi liée à celle d'un homme : Bernard Lenoir. Le journaliste

de France Inter s'est intéressé au festival en 1993 lors de l'ouverture de la Route du Rock aux

groupes britanniques. Le journaliste se propose de médiatiser l'événement sur la radio où il travaille

mais l'événement doit pouvoir se dérouler en été afin de devenir l'équivalent breton des

Eurockéennes de Belfort et avoir une exposition plus importante. La manifestation prend ses

quartiers en 1993 au Fort Saint-Père, un édifice militaire du XVIIIème siècle situé à dix kilomètres

de Saint-Malo dans la commune de Châteauneuf-d'Ille-et-Vilaine. Le lieu permet d'accueillir 14 000

personnes, une jauge intéressante pour les ambitions affichées par les organisateurs qui permet d'en

faire un rendez-vous immanquable tout en gardant une volonté d'indépendance. De plus du fait de la

configuration des lieux, l'enceinte fermée d'un fort, le festival ne peut s'agrandir freinant ainsi toute

volonté de grandiloquence.

Malgré ce lieu intéressant existe un soucis de taille : la météo. Problème récurent depuis

l'installation au Fort Saint-Père, le lieu est régulièrement inondé par la pluie durant le festival. Ce

qui donne des souvenirs mythiques comme un combat de boue lors du concert de Dionysos en 2004

127 MIGNOT Vincent, « La Route du Rock » Rok 2, p. 176128 Ibid

76

mais aussi des annulations comme le concert de Blonde Redhead. Ce concert est annulé à cause

d'un véritable océan d'eau sur les premiers rangs. La sécurité a du intervenir pour reporter la

prestation du groupe, la flaque géante est jugée trop dangereuse pour les spectateurs, un risque

d'électrocution est possible. Peu à peu le lieu est aménagé par les organisateurs grâce aux

subventions.

Sans doute jugé trop élitiste, le festival n'a jamais pu bénéficier d'une réelle aide des

pouvoirs publics. Comme la région Bretagne, par exemple, qui impose qu'une partie du festival soit

consacrée aux groupes locaux. La Route du Rock a souvent vécu des phases difficiles comme en

1997 où le festival est dans un gouffre financier, l'organisateur Rock Tympans ne peut même plus

faire de chèques. A cela s'ajoute de fortes tensions au seins de l'association. Faut-il voir moins

grand ? Faut-il partir sur une ligne moins exigeante ? Toutes ces questions se dissipent lors de

l'édition de 1998 qui rassemblent 25 000 personnes et deux têtes d'affiches exceptionnelles :

Portishead et PJ Harvey. A la fin de l'édition 2007, la Route du Rock accuse un déficit de plus de

200 000 € 129. Rassemblant durant plusieurs années moins de 15 000 personnes alors que son seuil

de rentabilité est fixé à 20 000 entrées. L'édition 2008 arrive à elle seule à éponger près de 105 000

€ du déficit cumulé, cependant il reste 100 000 € à trouver 130. Cette somme est énorme puisque

représentant le dixième du budget du festival. Le coût de l'aménagement du fort est visé par

François Floret «C’est un site extraordinaire, mais pas adapté pour une manifestation comme la

nôtre 131.» Avant l'organisation du festival, les partenaires ne lâchent finalement pas l'association

Rock Tympans, mais une restructuration doit avoir lieu. Les techniciens acceptent une baisse de

salaire de 10 % pendant qu'un salarié doit quitter le navire malouin.

La structure Rock Tympans élargit son activité autour de son festival en créant une activité

de tourneur : La Route du Rock Booking. Cette production complémentaire comporte une centaine

d'artistes dans le catalogue dont une majorité d'artistes étrangers dont Flaming Lips et Wedding

Presents. Une édition hivernale est aussi organisée depuis 2005 aux dates des premières éditions de

la Route du Rock le dernier week-end de février. Cette édition hivernale baptisée « La Route du

Rock : Collection Hiver » permet ainsi à l'association d'investir de nouveaux lieux comme la salle

de musiques actuelles (SMAC) de la Nouvelle Vague à Saint-Malo, la Chapelle Saint-Sauveur ou

encore l'Antipode à Rennes et de faire découvrir des artistes plus modestes.

129 Ibid130 BROCHEN Philippe, « Route du rock, déviation obligatoire », Libération, 14 août 2009. 131 Ibid

77

III. Les musiques électroniques : de la marginalisation au succès.

A. Les origines des musiques électroniques

1. Techno, la fille de Détroit

Aux origines de la musique électronique on trouve les allemands de Kraftwerk, premiers a

utiliser uniquement des synthétiseurs pour composer leur musique. Avec ce groupe, la musique

prend un nouveau virage capital : elle devient froide, ce sont les débuts de la techno. Leurs albums

Autobahn et Trans Europe Express sont d'ailleurs cités comme deux albums majeurs pour la

création de cette musique. Le choc est là puisque les voix deviennent synthétiques et les rythmes

martelés et robotiques. Si la musique reste assez aérienne on retrouve quelques titres dansants au

hasard de la discographie du groupe comme Showroom Dummies ou Endless Endless sur Trans

Europe Express.

La ville de Détroit est un terrain favorable pour accueillir la musique techno. Le côté

mécanique de la musique rappelle, métaphoriquement, que l'économie de la ville repose sur le

secteur de l'usine avec General Motors, géant de l'automobile qui vaut le surnom de Détroit : Motor

City. Une violente crise durant les années 1970 et 1980 laisse à l'abandon la ville, désertée par les

nombreuses usines. Les habitants qui n'ont pas quittés la ville sont alors fortement touchés par le

chômage et la précarité. Le centre de Détroit devient alors une ville fantôme entre usines

abandonnés et quartiers entiers désertés. Les gangs profitent de cette absence d'autorité pour

s'installer durablement dans la ville devenue ghetto depuis que la majorité des plus riches se sont

installés en périphérie de la ville 132.

C'est pourtant ici que va naître l'une des grandes révolutions musicales des années 1980 : la

Techno. La ville du Michigan n'est pas à ses débuts musicaux, puisque c'est là que Motown Records

a vu le jour en 1959. Pilier de la diffusion des musiques afro-américaines dans tous les Etats-Unis,

le nom du label est un clin d’œil au nom du surnom de la ville. En effet Motown, est la contraction

de Motor Town. De 1959 à 1971, date du départ du label à Los Angeles, le grand public a pu

découvrir grâce à la firme : James Brown, The Jackson Five, The Temptations ou encore Diana

Ross. L'objectif de Berry Gordy, fondateur, est de faire entendre la musique écoutée par les noirs au

public blanc. Détroit est aussi pionnière en ce qui concerne le rock en étant le berceau de grands

groupes musicaux comme Alice Cooper père fondateur du hard-rock ou encore The Stooges et

MC5, considérés comme les pionniers du mouvement punk dans les années 1970. Si Détroit a

connu la musique soul dans les années 1960, l'arrivée des musique rock plus brutales durant la

132 KOSMICKI Guillaume, Musiques électroniques, Gemenos, Le Mot et le Reste, p 270.

78

décennie suivante, il est alors logique que les années 1980 marquent un nouveau bouleversement

sur la scène musicale locale. Ce sera la techno.

Les trois fondateurs du mouvement techno sont Derrick May, Juan Atkins et Kevin

Saunderson. Tous s'accordent sur l'influence majeure des radios locales de l'époque avec Midnight

Funk Association, animé par Charles Johnson alias The Electrifying Mojo qui émet entre 1979 et

1984 sur WGPR puis WJLP. L'émission quotidienne nocturne, d'une durée de cinq heures, mêle

« La Black Music (les producteurs du Label Motown), Prince...) mais aussi les sons électroniques

européens comme Giorgio Moroder, Kraftwerk ou Depeche Mode) 133. » Cette émission va, sans le

savoir, créer le cocktail qui amène la musique techno à prendre son envol durant les années 1980.

L'autre élément fondateur de la techno est la technologie. Il s'agit d'une boite à rythmes nommée

Roland TR-909. Cet instrument lancé au milieu des années 1980 par un industriel japonais est un

échec commercial à ses débuts mais connaît une seconde vie grâce à la scène Detroit Techno. Les

précurseurs du style appréciant particulièrement la puissance des sons issus de l'instrument

analogique.

Une fois toutes les caractéristiques réunies, le mouvement se lance à la fin des années 1980

dans les clubs de Détroit ou sur les radios locales qui accompagnent progressivement le mouvement

en diffusant les titres des dj's. Le premier label va naître en 1985 avec Metroplex, structuré créée

par Juan Atkins. Derrick May, avec Transmat, et Kevin Saunderson avec KMS le suivent ensuite.

La techno du premier cité est une musique basée sur l'écoute tandis que les deux autres offrent déjà

un virage plus dansant et festif au style. La première mention réelle du mot Techno apparaît en

1984 avec le morceau Techno City du groupe américain Cybotron formé de Juan Atkins et Richard

Davis. Derrick May va commencer à diffuser sa musique dans son propre club : The Music Institute

dans le centre-ville de Détroit. La discothèque est éphémère, de 1987 à 1989, mais marque les

esprits. C'est le seul endroit où l'on diffuse la musique techno à l'époque. Des fêtes alors bien loin de

l'image qu'elle a aujourd'hui puisque l'alcool était interdit dans le club, le bar sert des jus de fruits.

En 1988, l’appellation se fait plus officielle puisque le mot techno apparaît dans une

compilation : Techno ! The New Dance Sound of Detroit, par le label britannique Ten Record Ltd

filiale de la major Virgin. Le mouvement devient dès lors, officiel et international, puisqu'on

retrouve une musique née aux Etats-Unis sur une compilation d'un label britannique et s'exporter

sur le continent européen.

133 Ibid, p 271.

79

2. L'explosion européenne de la musique techno

La musique techno traverse rapidement l'Atlantique pour arriver à Manchester au club de

l'Haçienda et à Berlin sur le label Tresor. Les deux villes sont alors des pionnières de la diffusion de

la musique techno en Europe. A la différence des Etats-Unis, le mot Techno est utilisée

différemment. Sur le continent américain Techno définit seulement le style musical originaire de

Détroit. En Europe, le terme Techno est un terme plus générique qui tous les styles et sous styles de

la catégorie.

La Grande-Bretagne s'enthousiasme pour le mouvement techno. C'est là bas qu'est née la

synthpop, musique mélangeant synthétiseurs et instruments électriques, musique dont Depeche

Mode est le principal porte drapeau. Une pop synthétique qui va s'exporter aux Etats-Unis et créer

une base pour la musique techno. Les Dj's Britanniques intègrent cette musique dans les clubs,

notamment à l'Haçienda, fondée en 1982 à Manchester. Tony Wilson est son créateur mais aussi le

gérant du label Factory Records avec Alan Erasmus. Ses artistes sont les principaux membres de la

vague post-punk des années 1980 comme Joy Division, les Happy Mondays ou Orchestral

Manoeuvres in the Dark. Les groupes du label vont souvent se produire à l'Haçienda, qui a une

capacité de 1 500 personnes. The Stone Roses, The Smiths ou The Jesus & the Mary Chain jouent

aussi dans la discothèque. Peu à peu, le club laisse une place de plus en plus importante aux dj's qui

vont y incorporer de nouvelles musiques venues des Etats-Unis : la House Music et la Techno. Ces

deux styles vont enterrer la synthpop en perte de vitesse depuis le milieu des années 1980. D'une

configuration de concert, l'Haçienda se transforme en club Techno . Les Chemical Brothers y feront

leurs débuts ainsi que beaucoup de dj's célèbres dont Laurent Garnier. Le français n'hésite pas à

venir de Paris pour mixer dans le club.

Autre lieu stratégique de l'expansion de la musique techno en Europe : l'Allemagne. Avant la

réunification, l'Allemagne de l'Ouest accueille la vague électronique américaine. Le label Low

Spirit est fondé en 1986 pour distribuer uniquement les musiques électroniques. Un de ses

fondateurs s'appelle Maximilian Lenz alias DJ Westbam, connu pour être l'organisateur des

premières fêtes house du pays. Différents clubs dédiés à la musique techno vont s'ouvrir en

Allemagne. A Francfort avec le Technoclub ou l'Omen dès 1989. La même année, est créée la Love

Parade à Berlin, fête techno extérieure autour d'un défilé de chars diffusant de la techno. En 1991, la

ville de Berlin voit un second club s'implanter : il s'agit du Tresor fondé par Dimitri Hegemann. Il

fonde aussi l'année suivante son propre label, Tresor Records, afin de distribuer les artistes

programmés dans la discothèque. La chute du Mur de Berlin a laissé un nombre important de

bâtiments vide dans l'ex-Allemagne de l'Est. Ils sont rapidement réinvestis pour accueillir des

soirées techno comme les clubs E-Werk et Planet. Les artistes de la seconde vague Detroit techno

80

comme Jeff Mills se produisent fréquemment dans les boites de Berlin. De nombreuses raves se

montent à travers le pays et sont autorisés par le gouvernement allemand. Comparés au sort qui lui

est réservée dans le reste de l'Europe, la techno est bien accueilli en Allemagne. Les fêtes techno

sont même sponsorisées par de grands publicitaires 134.

3. La création des Raves

Une rave party est un événement de musiques électroniques mélangeant toutes sortes de

sons provenant de la famille des musiques techno. Le verbe anglais to rave signifie délirer ou

encore s'extasier. Ce qui inclut une dimension festive importante à l'événement. Ces raves ont la

particularité de se dérouler dans des endroits insolites. On y retrouve des lieux désaffectés comme

des gares ou des entrepôts mais aussi des champs. La rave a pour particularité de rejeter toute idée

de marchandisation de la musique. Ces événements sont organisés par des collectifs qui doivent

trouver des lieux et des disc jockeys pour la fête. Ces derniers se rassemblement sous la bannière de

sounds systems pour ce genre d'événements. Ces manifestations sont payantes et ne doivent pas être

confondues avec les free party, qui sont gratuites.

La palette musicale de ce genre d'événements est souvent très dense. On y retrouve la

présence quasi exhaustive de tous les styles dérivés de la techno des plus underground comme la

transe, le hardstyle ou la hartek à des styles plus démocratisés comme la drum 'n' bass, la techno ou

le big beat. Ces trois derniers styles ont la particularité, en plus d'être prisés dans les raves, de

passer dans des festivals de musiques comme les Vieilles Charrues. Le festival Carhaisien accueille

en 2015 Prodigy ou les Chemical Brothers, deux groupes britanniques issus du mouvement Big

Beat.

Le terme de rave associée à une fête sauvage avec la culture mod. Cette dernière apparaît

dans les années 1960 et rassemble une partie précise de la population britannique qui est jeune,

urbaine et aisée. L'opéra-rock Quadrophenia du groupe The Who est une illustration intéressante de

ce mouvement. Notamment en illustrant leurs oppositions avec les adeptes du mouvement rock

contre qui ils se mesuraient souvent en se bagarrant. Le mot rave apparaît aussi souvent dans des

chansons comme Buddy Holly et son Rave On ou l'album Having a Rave Up des Yardbirds. Le

terme rave tombe ensuite en désuétude avec l'arrivée du mouvement hippie à la fin des années 1960.

Oubliés dans les années 1970 à 1980, le terme refait surface à l'été 1989 avec des soirées acid house

que Neil Andrew Megson, connu aussi sous le nom de Genesis P-Orridge, a renommé Rave

Parties. Durant la fin des années 1980, ce genre d'événement rassemblent beaucoup de jeunes

anglais et surtout des supporters de football. Ces fêtes électroniques s'exilent ensuite peu à peu dans

134 KOSMICKI Guillaume, op cit, p. 314.

81

toute l'Europe. A Berlin tout d'abord ou dès 1989 on retrouve la Love Parade, gigantesque fête

techno qui rassemble au début de l'été 1989 150 personnes puis va connaître une croissance

exponentielle jusqu'à rassembler un million de fans de musiques électroniques en 1997 et de

s'exporter dans le Monde entier. La Love Parade se transporte à Sydney en 1997, Mexico en 2002

ou encore à San Francisco en 2004. La fête n'existe désormais plus en raison d'un important

mouvement de foule dans un tunnel lors de la Love Parade de 2010. On y dénombre vingt morts et

500 blessés 135. Après ce drame, l'organisateur Rainer Schaller annonce la fin de l'événement après

été visé par de nombreuses critiques dûes aux conditions d'accueil. Près d'un million et demi se sont

déplacés sur un site pouvant accueillir seulement 250 000 personnes.

B. L'arrivée de la musique techno en France

1. Les débuts de la techno en France

En France, l'explosion de la techno est plus lente. Ce sont les Britanniques qui organisent les

premières soirées techno parisiennes dans des discothèques comme le Rex Club. Le phénomène

touche surtout le milieu homosexuel, sans dépasser les murs de la capitale. Les anciens clubs rock

comme le Gibus, sont en perte de vitesse et s'intéressent au mouvement américain. Ils se recyclent

progressivement en club techno. Le premier label français de musiques électroniques, Rave Age, est

fondé en 1990 par Manu Casana. Il est le pionnier de l'expansion de la musique techno en France. Il

va créer les premiers grands rendez-vous avec la première rave au Fort de Champigny en 1990.

Devant le succès de la première édition, les raves vont toucher tout le pays ayant lieu dans des lieux

insolites comme des péniches mais aussi des endroits plus fréquentés comme Bercy, l'Arche de la

Défense 136 ou la Grande Halle de la Villette. Cette dernière est investie en juin 1993 par le journal

Libération, un des rares médias français qui parle du mouvement à l'époque. Télérama s'intéresse

aussi au sujet en écrivant en 1993 «Espérons qu'il fera beau et chaud au moment de la transe

matinale, puisqu'une after est prévue à partir de 7 heures du matin à 200 mètres de là seulement et

qu'on pourra danser sur 685.000 m2 de pelouse.» Les billets de l'événement sont en vente à la

FNAC. Un journaliste de l'Humanité, présent à la soirée, explique que

« A peine arrivés dans la file d'attente, nous voilà sollicités par des dealers. Le comprimé d'ecstasy se

négocie 150 francs au nez et à la barbe des flics qui patrouillent en voiture. Il paraît que le cours du LSD est

à peine à 20 francs. Entrée: 120 francs 137 »

135 « Love Parade, le bilan s'alourdit », Le Parisien, 26 juillet 2010.136 Le 26 juin 1993, les bénéfices de la soirée sont allés au profit de la lutte contre le SIDA. 137 « Le phénomène Rave mélange TOUT et commence par un coup de téléphone », L'Humanité, 15 juin 1993

82

L'un des fléaux des soirées raves est la consommation de stupéfiants. L'alcool est d'ailleurs

interdit en rave, le mélange alcool et drogue peut être fatal pour le cœur. Le journaliste de

L'Humanité s'offusque ensuite du vide juridique qui entoure cette soirée, on est dans « un

supermarché de la drogue qui échappe aux lois […] Les dealers sont à l'abri pendant que les jeunes

peuvent se droguer sans être culpabilisés. » Autre malaise de la part de l'auteur la banalisation des

stupéfiants qui se prennent « comme des bonbons. » L'ambiance se détériore à mesure que la soirée

défile passant de jeunes gens « doux comme des agneaux » à une foule « possédée, conditionnée par

la drogue […] agressive. » Les propos du journaliste sont alarmants lui qui voit des « des milliers de

jeunes qui se droguent à l'acide, qui se détruisent, et personne ne le dit et personne ne le sait, et

personne ne fait rien? » L’État est alors devant un réel vide juridique, personne ne s'est réellement

attardé sur les organisateurs des fêtes techno sont vus comme des producteurs de concerts.

La free party arrive en France durant l'année 1993 avec le collectif Spiral Tribe. Ces anglais

doivent s'exiler de leur pays d'origine après de nombreux démêlés avec la justice survenus après une

gigantesque fête sauvage organisée en 1992 à Castlemorton. Cet événement va rassembler 30 000

personnes, la plus grande free party de l'époque. Les membres de Spiral Tribe sont alors arrêtés et

inculpés pour « trouble à l'ordre public », ils sont au final acquittés et prennent la décision de ne

plus jouer sur le sol britannique. Le groupe s'est à l'époque déjà installé dans le reste de l'Europe en

France et en Belgique pour fuir la répression du Criminal Justice Bill qui donne les pleins pouvoirs

à la police britannique pour lutter contre les fêtes techno. Ils créent alors en France le principe de

rave gratuite. Ils joueront à Beauvais, Millau ou à Tarnos durant les milieu des années 1990 lors

d'événements appelés Teknivals. Peu à peu, les Spiral Tribe ouvrent la voie pour les collectifs

français. A la même époque on retrouve la création d'Héretik, Infrabass, Oxyde, Foxtanz et de

dizaines d'autres collectifs à travers le pays. Ils produisent tous de la musique issue du mouvement

techno. Spiral Tribe ne s'arrête pas là puisque les Anglais vont beaucoup voyager en Europe pour

exporter le concept de free party. Ils voyagent en République Tchèque, en Italie, en Allemagne, en

Espagne ou encore aux Pays-Bas.

Le mouvement Free se retrouve aussi en marge de grands événements musicaux comme les

Vieilles Charrues, le Printemps de Bourges ou les Transmusicales. Les organisateurs de Raves

créent des fêtes techno se déroulant à proximité des festival pour montrer leurs idéaux. Pour eux, la

musique devrait être gratuite et accessible à tous. La présence d'une rave à côté d'un festival

d'envergure est un moyen de parasiter l'autre événement. Ces raves portent d'ailleurs souvent le mot

« Fuck » et sont suivis du nom du festival, on retrouve par exemple le « Fuck Vieilles Charrues » ou

le « Fuck Printemps de Bourges ».

83

2. L’État s'empare de la problématique des raves parties.

Il faut attendre deux ans pour que les autorités s’emparent de la question des raves et

notamment la police nationale avec une circulaire intitulée « Les soirées raves : des situations à

hauts risques ». Le rapport est accablant concernant les raves, édité en mai 1995 par le MILAD 138

sous l'égide du Ministère de l'Intérieur. Après avoir rapidement énumérés les différents soutiens des

raves comme les médias Libération, Télérama ou Radio Nova ainsi que les organisateurs que sont le

label Rave Age ou la société de production musicale Garance. Le rapport va s'orienter vers la

consommation de drogues . Il rappelle que parfois la mention « No Drug » peu figurer sur les flyers

ou les annonces minitel. Mais des contrôles « souvent laxistes » font de ces manifestations des

« points de ventes et d'usages de stupéfiants. » Ces drogues sont utilisés afin de lutter contre le

sommeil, les soirées raves s'étendent très souvent durant toute la nuit puis la matinée voir le début

d’après-midi dans certains cas. On y retrouve de « l'ecstasy, du LSD, du Cannabis sans oublier les

Smart Drink. » Ce dernier élément n'est pas considéré comme une drogue à proprement parlée

puisque ce sont des cocktails avec une dose excessive de protéines. Ce qui reste moins dangereux

que de la cocaïne mais à dose modérée. Le rapport liste ensuite tous les effets et les risques liés à la

consommation de ses drogues. Notamment le LSD qui est « actif de cinq à huit heures après une

absorption orale. » Cette drogue a pour effet « d'altérer les notions de distances et de temps. » Une

drogue extrême dangereusement puisqu'elle a pour conséquences d'avoir « de fortes pulsions

suicidaires, un comportement agressif et des maladies mentales graves irréversibles dès le premier

usage. » Le constat est alarmant envers la prise de drogues. Ce n'est pas tant le rassemblement

techno, ni la musique écoutée qui est visée mais bien la prise excessive de drogues.

Le rapport tend à démontrer qu'il est difficile d'appréhender ces rassemblements. Les

conditions de « sécurité et de salubrité y sont souvent précaires ou inexistantes. […] les soirées

raves présentent tous les caractères de situations à risques. » Le maintien de l'ordre et le trafic de

drogues sont deux des fléaux de ses rassemblements électroniques. Des manifestation délicates à

gérer pour les policiers puisqu'ils déplorent un « manque d'informations : la date et l'heure sont

tenus secrets le plus longtemps possible dans le cas des raves clandestines. » La complexité de

l'événement est aussi à prendre en compte concernant les raves « déclarées ». Celles-ci étant

considérées comme « d'anodins concerts musicaux à des autorités administratives parfois

insuffisamment informées. » Les organisateurs ont pu profiter durant de nombreuses années du vide

juridique autour des raves pour s'implanter durablement. Alternant aussi les lieux et les milieux des

fêtes. Ces dernières peuvent être organisées indifféremment dans une ville ou à la campagne, à

l'intérieur ou à l'extérieur voir dans un domaine public ou privé. Ce qui pose dans tous les cas un

138 MIssion de Lutte Anti-Drogue

84

problème. Les lieux peuvent être inconnus pour les autorités, ne pouvant pas intervenir rapidement

ou efficacement. Les raves étant parfois aussi amenés à changer de lieu au dernier moment afin de

contrecarrer les plans de la police. Ce qui ralenti l'intervention des forces de police.

Une démarche « préventive doit être privilégiée avant une action purement répressive

souvent nécessaire mais dont la mise en oeuvre n'est pas toujours aisée. » selon le rapport. Cette

démarche préventive s'appuie sur plusieurs points. Premièrement la sensibilisation et l'information

autour du phénomène Rave, qui est « mal connu du grand public et des administrations. » Ce genre

de manifestation est banalisé par les médias qui présentent les Raves comme « un simple

phénomène musical prisé par les jeunes, passant sous silence l'aspect "drogue" qui entoure ce genre

de manifestation. » Le rapport préconise d'informer différents corps comme la Police, les médecins

ainsi que tous les fonctionnaires concernés des services de douanes, justice ou de Gendarmerie.

Sans oublier « les pompiers, les élus locaux, les médecins, les professeurs, les associations, les

familles et les médias locaux » afin de mieux parer aux raves. La fin du rapport énumère les

différentes infractions et moyens d'actions possibles sur place pour aider les policiers lors de leur

intervention comme le relevé d'identité et le contrôle des véhicules. Parmi les infractions possibles

on peut citer l'abandon d'ordures, le tapage diurne ou nocturne, l'organisation d'une manifestation

non-déclarée, etc.

3. La Techno en France après le rapport de 1995

Ces fêtes électroniques suscitent beaucoup d’interrogations de par leur mode de

fonctionnement. Là ou les hippies des années 1970 louaient les terres, les adeptes des free party s'y

installent sans demander l'autorisation. La musique y est beaucoup plus agressive et peu s'entendre à

dans un rayon de plusieurs kilomètres. Sans oublier les drogues qui circulent durant l'événement, le

rapport du Ministère de l'Intérieur dirigé par Charles Pasqua « Les soirées raves : des situations à

hauts risques » va amener une répression sans précédent pour ces événements.

En 1998, une circulaire inter-ministérielle comprenant les Ministères de l'Intérieur, de la

Défense et de la Culture vient contrer le rapport de 1995. Cette circulaire reconnaît le caractère

« culturel » de la musique techno et veut l'encourager par l'intermédiaire d'un ensemble

d'événements. C'est la création du festival des Rendez-Vous Électroniques appelé aussi ReVE qui

s'est déroulé du 10 au 20 septembre à Paris alternant les concerts, débats, expositions sur le

mouvement techno. La Techno Parade est le point d'orgue de la manifestation qui fait « mieux

accepter et comprendre les musiques électroniques auprès des médias, du grand public et des

institutions qui ont salué cette première édition comme l’arrivée d’un pacha électronique dans la

85

planète techno 139. » Le concept est similaire que pour sa sœur berlinoise, des chars, une

déambulation dans les rues d'une grande capitale européenne et de la techno de 17h30 à 23h30 de la

place Denfert-Rochereau à la place de la Nation. C'est Jack Lang qui va donner la première

impulsion à cette fête, organisé ensuite par l'association Technopol. Cette dernière est une

association créé en 1996 qui a pour objectif « de revendiquer la professionnalisation et la

reconnaissance des acteurs du monde de la rave par les autorités publiques 140. » Les meilleurs

représentants de la scène techno sont là. Les Américains tout d'abord avec Carl Cox, Jeff Mills et

Richie Hawtin et les français bien sûr : Laurent Garnier, Manu Le Malin et Jack de Marseille. Tous

unis pour faire une journée festive à Paris où près de 200 000 personnes seront présentes, une

Techno Parade diffusée en direct sur M6. A l'instar de Berlin avec la Love Parade, on voit se créer à

Paris la Techno Parade le 19 septembre 1998.

Dès lors, la techno entre un peu plus dans les mœurs des français. Les autorités faisant alors

une distinction très sévère entre les organisateurs d'événements légaux Astropolis ou la Techno

Parade qui se sont signalés auprès des services de l’État pour mettre en place leur événement. Et

ceux qui organisent des free party clandestines. Il existe alors une distinction législative importante

entre les deux mais aussi musicale. Les sons entendus dans ce qu'on appelle les free party vont alors

se durcir pendant que de l'autre côté, les dj's techno vont parfois se produire dans des festivals grand

public. Le Printemps de Bourges, Les Eurockéennes de Belfort ou les Vieilles Charrues accueillent

fréquemment des dj's Techno dans leur programmation.

139 Historique de la Techno Parade 1998140 Guillaume KOSMICKI, op cit, p. 322

86

C. L'arrivée des musiques électroniques en Bretagne

1. Les pionniers de l'électro en Bretagne

La Bretagne connaît ses premières fêtes techno du côté de Plouescat. La ville finistérienne

accueille en 1988 dans la discothèque le Roxy, Mad'j qui va apporter la musique house. En 1991, la

première rave extérieure, Fantasmile, a lieu sur le site du festival Tamaris. Elle est organisée par le

collectif parisien Fantom et rassemble 150 personnes. En novembre 1993 au Roxy, on retrouve 600

personnes pour une fête électronique 141.

Comme d'habitude ce sont les grandes aires urbaines qui vont faire découvrir le phénomène,

les grandes villes en tête avec Rennes notamment. Une dizaine de disquaires dédiés aux musiques

électroniques vont ouvrir au début des années 1990, citons par exemple Club News, Cyborg ou

Zéro Zéro. Les dj's locaux, comme GG dj résident de l'UBU Club, vont commencer à mixer les

musiques house et techno. Tout d'abord en remixant les tubes rock de l'époque puis en faisant

évoluer leurs prestations de plus en plus vers l'électronique, à l'instar du suisse Mandrax premier dj

house à se produire à l'UBU. Rennes accueille aussi Ludovic Navarre qui ne rencontre le succès

qu'en 2001 avec son projet St Germain qui mélange house jazz et Laurent Garnier. La première

trace de disque de musique électronique bretonne est à attribuer à Nova Nova, groupe rennais qui

sort en 1994 l'album Metaphysic ? sur le label de Laurent Garnier, F Communications. Rennes se

structure au début des années 1990 avec une scène électronique en pleine effervescence avec une

vingtaine de dj's répertories gravitant pour la plupart autour du collectif Praxis, lancé à l'université

de Villejean. Peu à peu, aidé par la diffusion de la musique techno fait par les Transmusicales, les

dj's vont se produire un peu partout dans Rennes, dans les anciens bastions rock de la cité comme

l'UBU ou la Salle de la Cité. Mais c'est surtout au Café Carmès que la diffusion de musique techno

va exploser. Les dj's rennais s'y produisent 142, mais aussi quasiment tous les acteurs de la French

Touch 143 de l'époque comme Laurent Garnier, St Germain, Pedro Winter, DJ Deep, Miss Kittin et

même les Daft Punk, venus trois fois mixer dans le bar. Le lieu créé par Jacques Carmès doit sa

réputation au hasard puisque le gérant jugeant les groupes trop cher préfère « programmer des dj's

que des groupes live. Une alternative jugée payante 144. » Les artistes font alors souvent deux dates.

Une au Café Carmès en début de soirée, puis une after programmée dans une discothèque de

Rennes, une salle louée ou des lieux plus insolites comme un centre aéré où ils font venir Laurent

Garnier. La programmation du lieu est confiée à l'association Enjoy Art Sound. Plus tard, en 1994,

141 DEBELLOIR Benoît, « Techno sur la Breizh » Rok 2, p. 53142 LE GUEN Gilles ,« Techno Effervescence » Gilles le Guen, Rok 2, p. 47143 Nom donné à la scène Techno française des années 1990.144 LE GUEN Gilles, op cit, p. 50

87

l'association a besoin de plus d'espace et part organiser une fête du côté de Saint-Malo : la soirée

Fortress. Devant près de 1 500 personnes Red Alert, Manu le Malin ou DJ Cover vont se produire

provoquant un électrochoc sur ses organisateurs.

« C'était devenu trop gros. […] J'ai réalisé qu'on ne pouvait plus trop travailler en cash ou à l'arrache.

Pis, ça craignait niveau sécu. Il fallait se profesionnaliser ou aller dans les clubs 145. »

Praxis, créé en 1993 sur le campus de la fac de Villejean à Rennes, va investir d'autres lieux

pour ses fêtes électroniques. L'année suivant sa création, le collectif investi le château de Pacé pour

une soirée déguisée « comme à l'époque » devant 800 personnes. Une manière festive de détourner

les codes de la techno. Puis les soirées organisées par Praxis vont se succéder, l'after de la Rave O

Trans devant 1 500 personnes, en mars 1995 on retrouve le Bouillon Klub à l'Espace devant 1 000

personnes. L'esprit de l'association est simple « un lieu, une fête, une seule fois 146 » et refuse toutes

les propositions de sédentarisation dans un club. Ces fêtes éphémères permettent de sans cesse

surprendre le public, comme en mai 1995 où Praxis arrive au château de Keriolet à Concarneau

pour la soirée Raspoutine. La référence au confident de l'épouse du tsar Nicolas II n'est pas

innocente puisque la famille russe Youssoupoff a été propriétaire du château. L'un des enfants de

cette famille, Félix a été l'un des assassins de Raspoutine.

2. Rave Ô Trans

« C'est la première fois qu'un festival reconnu et institutionnel officialisait la musique

électronique 147 » C'est à Hervé Bordier que l'on doit cette déclaration. Disquaire, il a été un

fondateur des Rencontres Transmusicales de Rennes, structure qu'il a quitté en 1996 avec plusieurs

amis. La Rave Ô Trans est la première incursion de la techno dans un festival français.

C'est au défricheur de talents électro, Manu Casana que l'organisation des Transmusicales

confie la première édition. Il est celui qui va organiser les premières soirées de musique techno en

France dès 1987 sous le nom Rave Age. Nom qu'il donne aussi à son label techno. Il est le

spécialiste des raves en France et a du mal à s'intégrer dans l'équipe. Manu Casana vient du milieu

des musiques électroniques alors que les responsables des Transmusicales proviennent d'un milieu

rock. Un véritable choc des cultures. On le surnomme même « le petit pédé qui organise une soirée

disco.148 » Le soir du concert il a d'autres difficultés puisqu'un technicien va refuser de travailler.

Jean-Louis Brossart, organisateur des Transmusicales, va alors réunir toute son équipe et rappeler

que « Manu Casana ce soir est l'organisateur, il faut lui obéir. 149 » Les insultes et les coups bas vont

145 Ibid, p. 51146 Ibid, p. 52147 LE GUEN Gilles, « Rave Ô Trans & Planète la Locomotive Electronique » in Rok 2, p.40-41148 RICHET Willy, « Le portrait du Mardi : Manu Casana » [En Ligne] in RFI Musique , 29 août 2001. 149 Ibid

88

rapidement être oubliés de la part des organisateurs des Transmusicales envers Manu Casana.

« La fête a commencé, le personnel du festival a commencé à appeler ses potes pour leur dire de

rappliquer, qu’ils n’avaient jamais vu ça de leur vie. Je crois que ce soir-là a marqué le début d’une autre

époque, celle de l’avènement des musiques électroniques. »

Au programme de cette première édition du 6 décembre 1992 à partir de minuit, une dizaine

de groupes dont Underground Résistance, The Orb et 808 State. Derrick May et Jeff Mills annulent

leur venue à Rennes. Un succès puisque 4 000 personnes se déplacent pour assister à la première

rave officielle de France. La seconde édition se déroule le 4 décembre 1993 avec douze dj's. Les

trois-quarts dont Orbital ou Carl Cox mixent dans la Salle Omnisport pendant que les trois autres

dont Mad Professor se retrouvent dans une Dub House. Le dub est une musique moins dure que la

techno dérivé du reggae. Les Transmusicales font une première ouverture vers les musiques

électroniques et pas seulement la techno. La plupart des artistes programmés sont étrangers : huit

britanniques, un américain et seulement trois français. La troisième Rave Ô Trans change de nom

pour s'appeler Ethnics 2 Technics. L'idée de cet événement est simple : mêler de 23 heures à 9

heures du matin, des groupes de world music et des dj's techno. Le lien musical est assuré par le

collectif londonien Transglobal Underground, quatuor qui mélange musique traditionnelle d'Inde et

beats techno. Une rencontre entre Philippe Rykiel (organiste) et un chanteur tibétain le Lama

Gyourmé est aussi programmée. D'autres groupes sont aussi présents comme Juan Atkins pilier de

la scène techno de Detroit ou Prodigy, trio anglais mélangeant techno et punk.

Devant l'affluence de plus en plus importante, Hervé Bordier demande le transfert de la

soirée électronique à Saint-Jacques dans la banlieue proche de Rennes, au Parc des Expositions.

« On se devait d'imposer la rave parce qu'elle était illégale » rappele t-il mais « économiquement on

se devait de partir à Saint-Jacques » La Salle Omnisport de Rennes a une jauge limité à 4 000

personnes et des spectateurs attendent devant la salle durant toute la soirée. Le Parc des Expositions

propose deux grandes salles, permettant ainsi d'accueillir plus de monde et de faire deux soirées

côte à côte. La Rave change de nom pour s'appeller Planète. Le symbole du nom est fort, puisque

les Transmusicales veulent insister sur l'internationalisation des mouvements techno et house. Les

deux musiques, originaires de Detroit et Chicago, possèdent alors chacun leur hall au Parc des

Expositions de Rennes. A l'affiche on retrouve les français Laurent Garnier ou Scan X, l'espagnol

José Padilla, la hollandaise Miss Djax, les anglais de The Chemical Brothers , l'italien Ralf, le suisse

Mandrax, l'allemand DJ Ata, l'australien HMC, le brésilien DJ Mau Mau, le japonais Fumiya

Tanaka et les américains de Green Velvet ou Derrick Carter ainsi que l'écossais Neil Landstrumm.

Soit sur dix neuf dj's présent, douze nationalités différentes représentants quatre continents (seule

l'Afrique n'est pas représentée). L'étendard de la mondialisation techno est donc en marche aux

89

Transmusicales. Un essai validé par le public puisqu'on retrouve de 12 à 15 000 spectateurs durant

cette soirée qui a durée de 22 heures à 12h le lendemain. La techno ne s'arrête pas qu'à la soirée

Planète aux Transmusicales, en effet d'autres artistes techno participent à l'édition 1995, il s'agit de

DJ Shadow, DJ Krush ou encore les Daft Punk. Le duo parisien, pas encore casqué, revient l'année

suivante aux Transmusicales en tant que tête d'affiche de la soirée Planète qui attire encore plus de

10 000 spectateurs et explore de nouveaux territoires de techno dont la Belgique et la Finlande avec

une demi-douzaine de nationalités représentées. L'édition 1997 de Planète ouvre une nouvelle

perspective avec l'arrivée de la drum'n'bass, musique plus rapide et violente que la techno. Une

trentaine d'artistes électro sont présents pour cette cinquième édition de la rave des Transmusicales

dont Jeff Mills et Roni Size, les deux têtes d'affiches de la soirée. Après avoir ouvert un hall

consacré à la house, puis un autre consacré à la techno c'est une nouvelle house, consacré au trip-

hop qui s'ouvre rendant l'offre en musique électronique encore plus exhaustive pour le festival.

Pour les vingt ans des Transmusicales, en 1998, la soirée techno retourne dans la salle du

Liberté afin de mieux concentrer les activités du festival dans le centre de Rennes. Jean-Louis

Brossard, déclare à Libération que cette soirée avait été nommé la « rave frigo. 150 » Le directeur

artistique du festival explique que « Les Transmusicales fonctionnent par cycles, après trois

Planètes démesurées, nous revenons à un espace plus intime qui est celui où nous avons commencé

à faire de la techno. » Les Transmusicales ont une activité de découvertes et doivent donc sans cesse

proposer de nouvelles choses à leur programme. L'édition 1998 met en avant une programmation

plus hip-hop, un genre pas encore très ancré dans la culture musicale de la population. Le Liberté

décliné en deux lieux : Le Bas pour la soirée électro et le Haut pour la soirée Hip-Hop est alors un

choix plus pertinent pour les organisateurs. Jean-Louis Brossard argue aussi le soucis financier de la

soirée qui représente un budget d' « un million et demi de francs, la soirée n'a été rentable qu'en

1996. »

150 BERNIER Bernier, «Le public a de nouveau envie d'intimité», Libération, 3 décembre 1998

90

3. Le premier festival dédié aux musiques électroniques en France : Astropolis.

a. Des débuts difficiles

Le festival Astropolis, situé à Brest, a la particularité d'être le premier festival français dédié

aux musiques électroniques. Plus qu'une rave, le festival devient au milieu des années 1990 un

véritable phénomène. C'est la la première structure de ce type se professionnaliser autour du

mouvement électronique. L'aventure Astropolis commence en 1995 dans un champ du Nord-

Finistère. L'association organisatrice du festival, Les Sonics, c'est formée bien avant entre étudiants

en gestion de l'IUT de Brest. Au départ orientés rock, l'association tient son nom du groupe new

yorkais de rock indépendant Sonic Youth, le petit groupe organise peu à peu des soirées

électroniques. L'électrochoc survient pour deux de ses membres, Gildas Rioualen et Mathieu

Guerre-Bertelot, à la Rave Ô Trans 1993 à Rennes. Les premières fêtes se déroulent dans des gîtes

louées pour l'occasion en pleine campagne et rassemblent entre 100 et 600 personnes à chaque fois151. L’année 1995 marque un tournant dans l'aventure puisque les Sonics réunissent plus de 1 000

personnes dans un champ de Lesneven à une trentaine de kilomètres au nord de Brest. Le

mouvement est plus organisé que le mouvement des free party. On y retrouve une gestion autonome

des déchets, un service de sécurité, une antenne de la protection civile ainsi qu'une participation de

cent francs par organisateur 152. Sur place, la fête est découpée en trois chapiteaux dont un portant le

nom d'Astropolis. Un nom qui plaît aux organisateurs et qui décident de nommer ainsi leur fête

techno. Seul problème malgré un début de structuration autour de services particulier comme le

développement de la sécurité sur le site du festival ou la prise de conscience de tri des déchets, le

festival n'a aucune autorisation. Il est parfaitement hors-la-loi. Souhaitant ne pas être confondu avec

le mouvement des free parties, le collectif dirigé par Gildas Rioualen va faire appel au Syndicat des

Producteurs de Spectacles afin de mieux structurer le festival et à Diogène Production, société

brestois dirigée par Jacques Abalain. Ce dernier est un des créateurs d'Elixir, une des premières

grandes manifestations musicales françaises. Diogène produit surtout des artistes traditionnels

comme Ar Re Yaouank, Alan Stivell ou les espagnols de Celtas Cortos. Un gage de confiance pour

les autorités qui vont valider l'organisation d'Astropolis. Jacques Abalain a surtout été rapidement

du côté des Sonics. « Quand j'ai saisi l'ampleur du phénomène techno, que les pouvoirs publics

tentaient bêtement d'annihiler, je me suis senti interpellé 153.»

151 COROLLER Valérie, « Astropolis, de la rave au festival », Rok 2, p 181152 Ibid153 GUIZIOU Frédérique, « Astropolis, 20 ans de rave sous les étoiles » Ouest France, 3 juillet 2014.

91

b. La première édition d'Astropolis à Lanester.

Cette première version a lieu en juillet 1996 à Lanester au parc des Expositions de Lann-

Sevelin. A l'affiche on retrouve deux grands dj's techno : Laurent Garnier et Jeff Mills. La

Participation Aux Frais est toujours de cent francs, mais tout le monde doit s'en acquitter pour

participer à la fête. Près de 3 000 personnes viennent assister à la manifestation de ce qui est la

première fête techno reconnue par l’État. Les organisateurs d'Astropolis doivent faire face à deux

types d'attaques. Les premières viennent directement d'une répression policière, le Ministère de

l'Intérieur craint ses rendez-vous sulfureux où la drogue est partout. D'un autre côté le mouvement

free critique le tournant commercial d'Astropolis les accusant de faire de l'argent avec une musique

libre. Gildas Rioualan affirme que :

« Ça nous a en quelque sorte permis de nous professionnaliser et de nous positionner. Soit on

continuait dans l’underground, soit on essayait d’expliquer que cette culture n’était pas un phénomène de

mode. On a fait une médiation. 154 »

Astropolis naît dans une situation difficile pour les musiques électroniques en France. En

effet, la tension au sommet de l'Etat sur ces manfiestations est palpable, principalement à cause du

rapport « Les soirées raves : des situations à hauts risques » édité par le Ministère de l'Intérieur de

Charles Pasqua. Les teknivals, pendant français de la free party britannique, terrorisent le pays.

C'est pour à cette période qu'Astropolis va devenir le premier festival dédié aux musiques

électroniques reconnu par l’État. C'est grâce à Jean-Claude Camus, alors producteur de Johnny

Hallyday et président du Syndicat des Producteurs, qu'Astropolis va devenir officiellement un

festivalier. Avec l'arrivée de la gauche au pouvoir, la circulation anti-raves du Ministère de

l'Intérieur n'est plus d'actualité. La mairie socialiste de Concarneau accueille la manifestation au

Château de Keriolet jusqu'en 2000. La fête se déroule sans encombre jusqu'en 1999. Alors que

l'équipe de l'émission phare de France 2, Envoyé Spécial, était sur place pour faire un reportage un

homme décède tué par plusieurs coups de couteau dans l'enceinte du festival. Choc brutal pour les

organisateurs qui n'ont jusqu'alors déploré aucune bagarre à Astropolis. Les gendarmes conseillent

aux organisateurs de continuer l'événement afin d'éviter tout mouvement de foule 155. Comme

Altamont trente ans plus tôt, le monde de la techno connaît la fin de son innocence brutalement avec

un meurtre. Astropolis est le seul événement officiel dédié aux Musiques Électroniques se déroulant

hors de Paris. Après plusieurs interrogations le festival repart pour une nouvelle édition en 2000.

C'est la dernière édition à Concarneau, le château de Keriolet est devenu trop petit pour l'événement

154 FANEN Sophian, « Astropolis 20 ans et déjà des enfants », Libération, 4 juillet 2014. 155 BERNIER Alexis, « Astropolis la rave endeuillé de Concarneau », Libération, 16 août 1999,

92

qui a plus que doublé sa fréquentation entre 1997 et 2000 passant de 3 000 à 7 000. Le festival va

désormais investir le Manoir de Kéroual à Guilers près de Brest où la jauge est estimée à 15 000

personnes.

c. Le retour d'Astropolis à Brest et l'explosion nationale

Ce transfert se fait aussi grâce à l'adjoint à la culture de Brest, Jean Champeau qui arrive à

convaincre les organisateurs de déménager leur festival puisqu'ils sont originaires de Brest. Afin de

convaincre les réticences de la mairie, Astropolis forme un plateau éclectique. Avec des musiques

électroniques avec Carl Cox, Jeff Mills ou Nostromo mais aussi une ouverture vers la musique pop

avec le groupe Phoenix et le dub avec la présence d'High Tone et du Peuple de l'Herbe afin de

rendre l'image du festival moins sulfureuse. Malgré tout, le festival perd près de 200 000 € et le co-

producteur lâche les organisateurs. Pour ne rien arranger la municipalité de Guillers, là ou se

déroule le festival, interdit Astropolis pour cause de « risques graves de troubles à l'ordre public. 156.

»

Les autorités locales craignent de revivre un incident survenu quelques mois plus tôt au Parc

des Expositions de Brest, le Penfeld, où durant une soirée cinq étudiants ont trouvés la mort. La

société organisatrice dirigée par Borgia Bafounta avait en effet vendu près de 4 600 billets pour une

jauge du parc de Penfeld estimée à 2 500 personnes. Autre soucis, le retour de la droite au pouvoir

avec Nicolas Sarkozy ministre de l'intérieur. Les anti-free party sont de retour avec la Loi sur la

Sécurité Quotidienne dont une large partie, appelé Loi Mariani du nom du député qui a présenté

l'amendement, concerne les free party. Cette loi oblige les rassemblements festifs à caractères

musicaux à être déclarés en préfecture. Ce qui va contraindre le mouvement techno a plus de

transparence et surtout à une organisation plus rigoureuse. Le tribunal administratif de Brest casse

l'arrêté de la ville de Guillers trois semaines avant la tenue d'Astropolis. Le festival a lieu mais sur

une soirée unique. L'année suivante, en 2003, Astropolis est enfin reconnue comme un vrai festival

par la mairie de Brest. Le festival est en effet invité à programmer une soirée spéciale des Jeudis du

Port, événement gratuit de l'été organisé par la municipalité finistérienne. Les Tambours du Bronx

et les 2 Many Dj's participent à cette grande première qui va permettre de définitivement faire

accepter les musiques électroniques par le grand public du côté de Brest. D'abord pris pour

marginal, le festival Astropolis devient peu à peu un événement d'envergure national encadré par

l'Etat.

156 COROLLER Valérie, op cit, p 182.

93

En Bretagne, les décennies 1990 et 2000 marquent une période durant laquelle, les festivals

entrent dans l'âge adulte. Loin de l'utopie de Woodstock dans les années 1970-1980 avec Elixir, les

manifestations bretonnes ont su devenir essentielles dans le paysage culturel. Les Vieilles Charrues

et les Terres Neuvas ont été deux des plus grands festivals de France à une période donnée.

Astropolis et la Route du Rock sont devenues des références dans leurs milieux artistiques

respectifs.

Les Transmusicales ont su aussi intervenir au moment opportun pour l'insertion des

musiques électroniques en Bretagne devenues depuis incontournable dans toute manifestation de ce

type. Les activistes techno ont posés des soucis aux grands événements des années 2000 en

organisant des fêtes gratuites en parallèles des grands événements pour protester contre la tenue

d'événements musicaux payants, à l'instar des mouvements qui ont condamnés les festival pop des

années 1970.

94

CHAPITRE III : Les festivals bretons aujourd'hui

I / La situation des festivals en 2015

Durant l'année 2015, la Bretagne va accueillir près de 82 festivals. On y trouve un mélange

éclectique entre festivals de musiques actuelles, de jazz, de blues, de musiques traditionnelles ou

encore de chanson française. Ces manifestations ont des tailles différentes qui vont de près de 200

000 personnes aux Vieilles Charrues de Carhaix à moins de 1 000 pour les plus petits. La période et

le lieu du festival peuvent aussi changer. Ils ont lieu toute l'année et peuvent se dérouler en intérieur

ou en extérieur, sur un ou plusieurs endroits. Aucun festival n'est similaire à l'autre en Bretagne.

A. Une diversité de localisation des festivals

Près de 82 festivals sont répertoriés en Bretagne pour l’année 2015. On y retrouve une

répartition quasiment homogène dans les départements puisque le Morbihan accueille 26 festivals,

le Finistère 23, les Côtes d’Armor 20 et l’Ille-et-Vilaine 13.

1. Les côtes très prisées par les festivals

Comme on peut le voir sur la carte située en annexe, la très grande majorité des festivals se

déroulent sur la côte bretonne exception faite d'un axe dans le Centre-Bretagne et de la région de

Rennes. Durant l'été les stations balnéaires sont très fréquentées par les touristes. Des festivals y

sont créés afin de proposer une animation gratuite aux vacanciers. C'est le cas dans les Côtes

d'Armor à Saint-Quay-Portrieux où l'on trouve Place Aux Artistes. En 2015, une vingtaine de

concerts y sont programmés du 28 juin au 30 août. L'éclectisme y est total et assumé puisqu'on

retrouve du blues, de la chanson française, de la musique traditionnelle ainsi que du rock ou du hip-

hop. Les concerts ont lieu les mercredis et dimanches, sur deux scènes différentes : les Jardins du

Port pour les découvertes ou l'Esplanade du Casino pour les têtes d'affiches. L'office du Tourisme de

Saint Quay a accueilli plus de 20 000 personnes entre juillet et août, ce qui est considérable pour

une commune de 3 000 habitants. Dans le sud de la région, un festival comparable existe : l'Eté en

Fête de Bénodet. Les concerts n'ont lieu que sur quatre semaines, le jeudi sur le site de la Butte du

Fort. La ville de Bénodet a réduit la voilure (une douzaine de rendez vous en 2013, contre quatre en

2014) mais le plateau est plus important. Le groupe Earth Wind & Fire Experience, pierre angulaire

du disco américain des années 1970, y a fait l'an passé une de ses rares dates en France.

95

Les côtes accueillent aussi la plupart des festivals de musiques traditionnelles.

Historiquement, plusieurs fêtes se sont créées comme les Filets Bleus, dans les stations balnéaires

bretonnes profitant du flot de touristes durant l'été pour récupérer de l'argent pour des œuvres de

charité locales.

2. Le centre Bretagne, pas en reste.

Si la majorité des festivals a lieu dans un rayon de dix kilomètres de la côte, un nombre

important de manifestations de ce type se déroulent dans les terres. Les genres de festivals

représentés y sont très éclectiques. On y retrouve des musiques actuelles comme En'Voie

d'Expression à Pontivy, Ça Rockamorh à Camors, Fest'In Breizh à Loudéac, Thélokalizé à Saint-

Thélo et Fest Connections à Saint-Connec. Ces cinq festivals ont deux points : ils ont été créés par

les jeunes de la commune d'où ils viennent afin d'apporter de la culture dans leur secteur. Autre

point commun ils sont très jeunes. Le plus ancien des cinq est le Fest Connections créé en 2008

dans la ville de Saint-Connec près de Mûr-de-Bretagne. Le point d'ancrage des festivals est la

municipalité qui finance ces événements qui se déroulent pour la grande majorité en pleine air, sauf

pour le Fest'in Breizh au Palais des Congrès de Loudéac. L'éclectisme est au cœur des

manifestations proposées avec tout de même une majorité de musiques électroniques au programme

des festivités. Le rock et le reggae sont aussi présents pour ce genre de rendez-vous.

Le centre-Bretagne garde aussi une large part traditionnelle avec Bombardes & Compagnie à

Cléguerec ainsi que le Kan Ar Bobl à Pontivy. A la différence des festivals de musiques actuelles,

ces manifestations bretonnantes sont anciennes. Le Kan Ar Bobl date de 1973 et Bombardes &

Compagnie de 1985. Un peu plus à l'ouest, on retrouve les Rencontres Internationales de la

Clarinette de Glomel créées en 1989, ce qui en fait le festival le plus « jeunes ». Ces festivals

traditionnels sont en place bien avant la naissance des organisateurs des festivals de musiques

actuelles, âgés d'une vingtaine ou d'une trentaine d'années dans quasiment tous les cas.

Une forte concentration de festivals dédiés au blues et au jazz est à noter dans cette région.

Sur les cinq festival répertoriés dans toute la Bretagne, trois ont lieu dans le centre-Bretagne. Blues

au Château (La Chèze) et Jazz à Gomené du côté des Côtes d'Armor ainsi que Arts des Villes, Arts

des Champs (Malguénac) pour le Morbihan. Ces festivals ont des affluences très modestes de 2 500

à 3 000 festivaliers sur les trois ou quatre jours de la manifestation. On retrouve une ouverture vers

d'autres musiques que celles prévues dans le nom de l'événement, le jazz ou le blues. A La Chèze,

pour Blues au Château, le festival s'ouvre à des musiques « cousines » du blues comme la soul ou le

rock. Pour Malguénac le plateau est plus éclectique, on y retrouve du rock, du blues, de la musique

96

bretonne et même parfois du metal pour la fin de soirée.

3. Les grandes villes

Sur la carte, on peut voir se dégager plusieurs grands pôles de localisation pour les

manifestations. Rennes est le lieu en Bretagne où se déroulent le plus de festivals. Dès la fin des

années 1960, Rock 'n' Solex se créé à l'INSA 157. Chaque année depuis 1967, des concerts se

déroulent sur le campus de l'université avec des courses de solex. Les Rencontres Transmusicales se

sont créées en 1979 et n'ont cessés d'investir la ville depuis, créant même les Bars en Trans en 1994.

Conçu comme le festival off des Transmusicales, Bars en Trans est depuis devenu une vraie

manifestation à part entière avec un programmateur et une structure autonome. Dans les années

1990, un festival de chanson française Mythos et un autre dédié à l'accordéon Le Grand Soufflet se

créent à Rennes. Plusieurs festivals de découvertes comme les Embellies, les Tombées de la Nuit ou

Maintenant (anciennement Electroni[K]) prennent place à Rennes, mélangeant musique et nouvelles

technologies numériques. L'activité musicale et le tissu associatif rennais permettent d'avoir des

festivals durant toute l'année, de mars à décembre. Les festivals Rennais, souvent de découvertes, se

déroulent pendant les périodes creuses en terme de manifestations durant l'automne ou l'hiver voir

le printemps. Plusieurs de ces événements sont axés sur la découverte de talent ce qui est plus

difficile à mettre en place durant l'été où la concurrence est plus imposante. Rennes n'oublie pas non

plus de mettre la culture bretonne en avant avec Yaouank 158, qui est le plus grand fest-noz de

Bretagne. Organisé depuis 1999, la fête rassemble plusieurs milliers de spectateurs dans la salle du

Parc des Expositions de Rennes. Devant son succès important, Yaouank s'est peu à peu agrandit et a

investit le centre-ville en organisant des concerts de musiques actuelles dans les salles de l'UBU ou

de la Cité d'habitude réservées aux groupes rock. Lors de l'édition 2009, Alan Stivell y anime même

son premier fest-noz avec son propre répertoire le « Alan Stivell Noz Project » devant 7 000

personnes.

L'autre grand pôle concerne le sud du département du Morbihan. A l'instar de Rennes, mais

sur une distance plus importante, on retrouve des festivals durant toute l'année. Mais avec une

diversité plus importante. L'axe Lorient – Vannes permet de trouver un modèle quasi similaire à

celui de Rennes à Lorient avec des manifestations dédiées : aux musiques émergentes, les

IndisciplinéEs, un festival de chanson française (Mars m'Enchaine) ainsi qu'un festival axé sur la

musique celtique : Le festival Interceltique. Plusieurs festivals thématiques sont aussi mis en place.

157 Institut National des Sciences Appliquées158 Qui vient du breton jeunesse ou jeune.

97

Certains depuis plus d'une trentaine d'années, c'est le cas de Jazz à Vannes créé en 1980 et d'autres

sont plus récent comme Urbaines, manifestation lorientaise dédiée au hip-hop créée en 2012. Ce

bassin morbihannais accueille aussi l'un des plus grands festival de musique extrême de France : le

Motocultor. Ce dernier a très souvent déménagé depuis sa création en 2007. Saint-Avé (2007 –

2008), Arradon (2009) 159, Sené (2010), Theix (2011) et Saint Nolff depuis 2012. La ville

morbihannaise accueille le festival sur le site de Kerboulard, lieu qui a déjà accueilli une demi

douzaine de festivals depuis les années 1990, notamment Un Soir à Saint-Nolff ou Mamm Douar.

D'autres événements plus modestes ont lieu chaque année dans ce bassin du Sud-Morbihan. Le

festival gratuit des Pieds dans la Vase de Kervignac attire en 2015 près de 6 000 personnes. La Roué

Waroc'h dédié à la musique Bretonne attire 8 000 personnes en brassant la culture populaire

bretonne des festoù-noz à la nouvelle scène bretonne actuelle. Le festival du Chant de l'Eucalyptus à

Plouhinec ou le Festival Saumon de Pont-Scorff participent aussi à la vie associative de communes

modestes qui va englober une partie de la population autour d'un événement définit durant une

période donnée. A la différence de Rennes, les festivals morbihannais ont lieu en majorité durant

l'été entre juillet et août, sauf pour la Roué Waroc'h et les IndisciplinéEs respectivement en février

et en novembre.

La région de Brest est le troisième grand pôle urbain concernant les festivals. Depuis la fin

d'Elixir en 1986 au Stade Francis-Le-Blé, les locaux ont créés plusieurs manifestations. La

municipalité Brestoise a su aussi mettre en avant les musiques actuelles avec les Jeudis du Port,

concerts gratuits ayant lieu tous les jeudis sur le port de Brest. Ces rendez-vous, au nombre de

quatre par été sur deux scènes, sont censés redynamiser la partie portuaire de la ville, désertée au fur

et à mesure du temps par les enseignes et la population. Deux grands festivals ont lieu dans la

région brestoise. Il s'agit d'Astropolis depuis le début des années 2000 sur le site du Manoir de

Keroual et la Fête du Bruit à Landerneau, nouveau grand concurrent des Vieilles Charrues. Organisé

par Régie Scène, la manifestation a lieu en août et propose une programmation reprenant des

ingrédients similaires aux Vieilles Charrues comme l'éclectisme de son affiche. Mais plusieurs

soucis ont lieu chaque année au niveau de l'accueil des festivaliers ou des campings, jugés trop loin

du site. Le Festival Invisible a lieu aussi depuis 2008 dans la salle de concerts de Brest : la Carène.

La manifestation veut défricher des talents nouveaux, faire passer les artistes « invisibles » puisque

ne passant pas dans les médias.

B) La vie des festivals

159 Édition annulée à cause du groupe Hanzel & Gretyl, dont l'imagerie néo-nazie a choqué les élus locaux. Le festival a tout de même lieu en 2009 mais dans une formule allégée passant de vingt à huit groupes sous le Dôme de Saint-Avé.

98

1. L'ancienneté

L’âge des festivals varie très largement. Ainsi seulement sept festivals sont créés avant les

années 1980. Ils sont surtout des événements traditionnels sauf Rock 'n' Solex (1967) et les

Rencontres Transmusicales (1979). Les années 1980 ont dix festivals, les années 1990 près de dix-

sept. Les années 2000 et 2010 constituent près de 57 festivals sur 82. Il y a près de 105 ans entre le

plus ancien : Les Filets Bleus et le plus jeune qui est le Festival des Deux Cloches organisé dans les

Côtes d’Armor et qui fête sa première édition les 28 et 29 août 2015. Dans les années 1980, dix

festivals toujours actuels se sont créés. Les festivals de musiques traditionnelles ne sont plus que la

moitié des créations face à une autre moitié de festivals de musiques actuelles (Jazz à Vannes, Art

Rock, Au Pont du Rock). Ces événements sont souvent axé sur un caractère bien particulier de la

musique comme par exemple le rock alternatif pour Au Pont du Rock.

Dans les années 1990, les festivals explosent avec dix-sept créations dont les plus gros

festivals actuellement en Bretagne : La Route du Rock, les Vieilles Charrues et Astropolis.

Musicalement, ces années marquent un tournant avec la fusion des musiques entre elles. Avant les

genres musicaux étaient parquées dans différentes cases, l'arrivée de la musique électronique va

permettre de mélanger différents styles et d'en créer de nouveaux. C'est le cas pour le nu-jazz

courant mêlant le jazz aux beats électroniques de même pour la fusion, style popularisé par le

groupe américain Rage Against the Machine puis repris en France par Mass Hysteria ou No One is

Innocent et qui doit son nom à l'incorporation de sons funk, hip-hop et techno à la musique metal. Il

n'est pas rare en festival au début des années 2000 de voir une journée dédiée à la fusion metal et

une autre au reggae, voir de mélanger les deux styles. Les festivals de musique bretonne vont aussi

durant les années 1990 s'enrichir de world music afin de toucher un public plus important.

Depuis le début du XXI ème siècle, 57 festivals se créent. Dont une très large majorité de

festivals de musiques actuelles. Le festival est devenu le « mètre étalon » pour créer de l'animation

dans une commune ou une ville. Organisés par les jeunes de la commune, ils ont rarement une

durée de vie très longue puisque les créateurs du festival vont peu à peu quitter la ville pour trouver

du travail ailleurs. Ces manifestations ont aussi la particularité, par rapport aux plus anciens, de

faire se rencontrer différentes formes d'art autre que la musique. On y trouve de l'art de rue comme

dans le festival En'Voie d'Expression à Pontivy ou aux Pieds dans la Vase à Kervignac. L'Eveil du

Boucan à Vannes, est un festival mêlant une vingtaine de concerts dans une dizaine de bars ainsi

qu'une foire aux disques.

2. La programmation et le lieu

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La très large majorité des festivals de musiques en Bretagne englobe les musiques

amplifiées (57 événements). Ce terme a été créé par le Ministère de la Culture et fait référence aux

diverses formes de musiques de notre époque. On y retrouve le rock, la pop ainsi que les différents

courants de sons électroniques. Ce qui donne une définition très vague, puisque Astropolis, les

Vieilles Charrues ou les Pieds dans la Vase n'ont pas grand chose à voir les uns avec les autres. En

terme d'affluence ou de programmation, mais sont pourtant tous considérés comme des festivals de

Musiques Amplifiées. Ce terme est à ne pas confondre avec le terme de Musiques Actuelles, qui

englobe en plus la chanson française, le jazz, le blues ainsi que la musique traditionnelle. Les

années 1990, comme cité précédemment, ont été le berceau de nombreuses expérimentations

sonores. Ce métissage musical est alors tenté dans les festivals, dont la programmation est à de rares

exception près très formatée dans un style particulier. Les années 1990 marque l'explosion des

musiques électroniques et cette musique va s'intégrer à tous les styles de musiques. Le reggae va

évoluer en dub, le rock en électro-rock et le metal en fusion.

Les festivals traditionnels occupe la seconde place avec dix-huit festivals, surtout situés du

côté ouest de la Bretagne. Une frontière linguistique coupe la région en deux. Le côté ouest parlant

la langue bretonne et l'est le gallo, un dialecte rattaché à la langue romane. Seuls Yaouank et

Folklores du Monde ont lieu dans l'Ille et Vilaine, région où le breton n'a jamais été parlé. Pendant

que le Finistère et le Morbihan possède la grande majorité des festivals avec l'Interceltique, le

Cornouaille, le Kann al Loar, le Kan ar Bobl et d'autres. Les festivals dédiés à la chanson se crées

rarement. Mythos et Mars M'Enchaine ont lieu en mars à Rennes et à Lanester et se développent sur

quinze à vingt jours suivant la période souvent en discontinu. Mythos ayant par exemple lieu du

jeudi au dimanche durant trois semaines tout comme Mars M'Enchante ou les dates sont plus

espacées dans le temps.

3. La durée

Plus de la moitié des festivals ont lieu pendant l’été. Ce sont près de 46 festivals sur 82 qui

ont lieu entre juin et septembre. Les manifestations les plus importantes ont lieu durant cette

période, souvent en plein air, la proximité avec le public en font des événements incontournables

des jeunes (et des moins jeunes) durant l'été. De janvier à mars on retrouve quatre festivals, durant

le printemps vingt-et-un festivals (dont Panoramas, Art Rock, etc.) pour la période automnale

d’octobre à décembre on retrouve quinze festivals. Le calendrier des festivals s'ouvre avec le

festival du Schmoul à Bain-de-Bretagne le dernier week-end de janvier et se termine avec les

Rencontres Transmusicales de Rennes le premier week-end de décembre. En ce qui concerne la

durée des festivals près de la moitié durent entre un et trois jours (54 festivals). C'est le modèle le

100

plus simple pour les organisateurs, tout le festival se déroule sur un seul et même site réduisant les

coûts de location de matériel. Souvent des terrains proches des champs proche des villes comme le

site de Kerhampuilh à Carhaix pour les Vieilles Charrues ou la presqu'ile de Crozon pour le festival

du Bout du Monde.

Les festivals situés dans les autres saisons peuvent se concentrer sur un lieu comme le

festival Panoramas à Morlaix au parc des expositions de Langolvas, même cas pour le festival

Insolent qui se déroule dans un parc des expositions bien précis tournant entre Lorient (Lann

Sevelin), Quimper (Hall de Penvillers) ou Morlaix (Langolvas) ou sur plusieurs endroits. La volonté

d'occuper le territoire le plus large possible en hiver / automne est central. On retrouve cette

problématique aux Transmusicales de Rennes ou aux IndisciplinéEs de Lorient dont une dizaine

voir une trentaine de lieux répartis dans plusieurs communes sont pris. D'autres comme les Vieilles

Charrues prennent une durée plus longue de quatre jours. Le jeudi ajouté est censé permettre au

festival d'avoir un groupe ou un artiste, dont les exigences ne permettent pas l'intégration dans la

programmation du week-end. C'est le cas pour Johnny Hallyday ou Bruce Springsteen qui jouent

souvent des concerts marathons de deux voir trois heures ou de Rammstein dont les effets

pyrotechniques font partis du spectacle.

Plus rare, d'autres festivals comme le festival Interceltique ou le Cornouaille ont lieu sur une

durée très longue variant de sept à dix jours. Les activités se répartissent dans différents endroits de

la ville, mélangeant les animations entre défilés, concours, concerts ou festoù-noz. Ce modèle a

tendance à se développer dans les grands villes comme Lorient par exemple. Faire un festival d'une

dizaine de jours en campagne ne permettrait pas d'avoir le même confort pour les spectateurs ou la

même liberté de dispersion des événements dans la ville.

C/ Aménager une ville pour accueillir des festivals : l'exemple de Lorient.

101

Pour les festivals à durée plus longue, plusieurs lieux sont investis. Dans la ville de Lorient,

on retrouve deux manifestations qui se déroulent sur plus d'une semaine. Les IndisciplinéEs ont lieu

entre la fin octobre et la mi novembre. Même si le festival n’a pas lieu tous les jours, l’an passé le

premier concert a eu lieu le 31 octobre jusqu'au 12 novembre. L'événement investi plusieurs lieux

permettant de moduler la jauge des concerts. On y retrouve des concerts au Manège (300 places), à

la salle de Cosmao-Dumanoir (1 700 places), au Grand Théâtre (1 200 places) permettant des

concerts d’une jauge variable mais aussi la Médiathèque. Le festival investit aussi chaque année de

nouveaux lieux, pour l'édition 2014 c'est la chapelle Saint-Christophe proche du Scorff qui a

accueillit le concert de Fragments. Afin de permettre un renouvellement des lieux et surtout une

véritable appropriation du territoire. Le festival s'exile hors de Lorient, comme dans le théâtre du

Strapontin à Pont-Scorff, commune située à une quinzaine de kilomètres de Lorient. Le lieu

accueille depuis l'édition 2013 un concert chaque année, basé sur l'écrit ou la littérature comme le

projet de Dominique A en 2013 ou Playing Craver l'an passé, création basée sur les écrits de

Raymond Craver.

Le festival s'est progressivement étendu sur le territoire lorientais. Les six premières éditions

de 2006 à 2011 se sont déroulées exclusivement à l'Espace Cosmao-Dumanoir qui accueille alors

entre quatre et six soirées de concerts. L'année 2012 marque une première incursion hors de

Cosmao-Dumanoir avec une soirée d'ouverture au Manège et une soirée de clôture au Grand

Théâtre, le tout entrecoupé de deux soirs de concerts dans la salle des débuts. Cette formule permet

d'attirer ainsi des artistes plus pointus dont la capacité du Manège (300 places) est plus intéressante

que les 1 700 places de Cosmao. L'édition 2012 marque aussi la fin de la soirée électro

traditionnelle du 10 novembre, jugée trop coûteuse par les organisateurs.

L'édition 2013 s'étend encore plus avec deux concerts au Manège, Colin Stetson et une

soirée hip-hop américaine, ainsi qu'une soirée au Grand Théâtre avec la tournée Intime Tour de

Christophe, qui joue près de trois heures. Le festival s'étend aussi au delà de Lorient en faisant une

soirée à Pont-Scorff et une après-midi à Inzinzac-Lochrist. Thierry Houal, programmateur de

l'association MAPL 160 pense d'ailleurs qu'il est :

« […] essentiel de créer un dynamisme et d’engager des partenariats cohérents avec les autres

structures du territoire, de créer du lien autour du festival et d’aller à la rencontre de tous les publics et de

ne pas se cantonner à proposer des concerts dans une salle dans la ville-centre. 161 »

En plus d'inclure un territoire de plus en plus important dans le festival, tous les âges sont

160 Musiques Actuelles au Pays de Lorient161 Entretien réalisé en novembre 2014

102

représentés dans ce festival puisque « les musiques actuelles concernent tout le monde. […] Au

festival il y a des grands-parents, des parents et donc forcément des enfants. » Selon lui il faut aussi

« proposer des spectacles qui correspondent sociologiquement à tout un pan de la population »

Le festival Interceltique s’étale différemment des IndisciplinéEs puisqu'il a lieu durant dix

jours sans s’arrêter. Pour l’édition 2015, du 7 au 15 août, on retrouve une quinzaine de scènes

réparties dans toute la ville 162. Pour l’occasion le festival se muni d’équipements en plus de ceux

déjà existants comme l’Espace Marine, un chapiteau de 5 000 places où ont lieu les grands concerts

du festival. Tout le centre autour de la place Jules-Ferry est aussi modifié. Il accueille les différents

pavillons des pays celtes comme l’Irlande, l’Acadie, L'Ecosse et au centre le pays mis à l'honneur.

Tous ces pavillons possèdent un débit de boissons et des points restaurations ainsi que des scènes

pour accueillir les groupes.

La fête a lieu durant toute la journée, les concours sont prévus l’après-midi suivi dans la

soirée de concerts et de festoù-noz 163. Le premier week-end du festival est riche en animations

puisqu’on y retrouve le Championnat National des Bagadoùs dans le Stade du Moustoir avec les

premières et secondes catégories qui présentent un répertoire différent chaque année issu des pays

bretons comme le Vannetais par exemple. La manche de Lorient est la seconde après Brest en

février. Avec le richesse de ses animations on trouve entre 600 000 et 800 000 spectateurs dans les

rues de Lorient. Les principaux rendez-vous du premier festival Interceltique, alors appelé Festival

des Cornemuses, se déroule au port de Pêche de la ville morbihannaise. Mis à part le défilé, qui

arrive devant la mairie et les jeux bretons sur la place Alsace-Lorraine, les concerts se déroulent sur

le port de Pêche. C'est à partir de 1976 que les plus grands concerts se déroulent dans le centre-ville

de Lorient. Tout d'abord au parc du Moustoir avec Alan Stivell ou Joan Baez deux ans plus tard,

puis avec l'arrivée du défilé du premier dimanche à partir de 1976 jusqu'à nos jours. Le festival se

centralise peu à peu autour du parc Jules-Ferry entre le Palais des Congrès et le Parc du Moustoir.

Le festival Interceltique, qui porte ce nom depuis 1979, s'articule ensuite autour de nouveaux lieux

au début des années 2000 : Le Grand Théâtre et l'Espace Marine. Ce dernier est un chapiteau où se

produisent les artistes qui étaient auparavant au Parc du Moustoir. Le port de Pêche, bien que sous

utilisé comparé aux années précédentes est désormais utilisé pour la traditionnelle Cotriade ou pour

les concerts importants. Pour certains concerts, comme récemment Texas ou The Cranberries,

l'Espace Marine est trop réduit donc il faut partir au Slipway du port de Pêche afin d'y trouver une

jauge plus convenable (environ 8 000 personnes).

II. Les festivals face à de nouvelles problématiques

162 Voir plan en annexe163 Principalement dans la Salle Carnot.

103

A. L'uniformisation

Les festivals sont de plus en plus uniformisés c'est un fait. On retrouve des caractéristiques

communes de périodicité, de lieu ou de programmation. Plus de la moitié des manifestations

bretonnes ont lieu en été, un véritable embouteillage. Chaque année les tournées amènent les artistes

à faire deux, trois voir quatre dates dans les festivals de la région. Asaf Avidan, chanteur d'origine

israélienne a fait cinq dates en Bretagne depuis le début de sa carrière en 2011. Deux dates aux

Vieilles Charrues (2011 et 2013) et trois dates pour l'année 2012 : Festival du Bout du Monde,

Festival Du Chant de Marin de Paimpol et la Fête du Bruit dans Landerneau. L'artiste s'apprête

encore cette année à faire deux dates en juillet en Bretagne le 24 au Pont du Rock et le 31 au

festival du Bout du Monde. L'artiste n'est pas le seul à venir et revenir en Bretagne. Le soucis étant

pour le festivals d'avoir des têtes d'affiches qui attirent. Même les Transmusicales, pourtant axé sur

la découverte, se fait violence et aligner des têtes d'affiches chaque année. Cependant les artistes

présentent toujours des projets en avant-première pour le festival Rennais. Ce fut le cas en 2013

avec Stromae et en 2014 avec Rone. Les groupes pouvant être têtes d'affiches en festivals sont une

vingtaine par année. Principalement à cause du « battage » médiatique autour de certains multi-

diffusés sur les radios musicales, dans la presse spécialisée voir à la télévision mais c'est plus rare.

Cette surmédiatisation fait que certains artistes sont attendus en festival et d'autres pas. C'est cette

attente qui créé un phénomène d'excitation ou de rejet de la programmation, si les groupes attendus

ne sont pas au programme.

Une bataille existe entre les festivals certains profitant pour poser des exclusivités sur des

artistes afin qu'il ne puisse pas se produire ailleurs en Bretagne, dans l'optique de remplir de façon

optimale le festival. Les Vieilles Charrues en 2014, ont fait un sans-faute puisque les trois groupes

les plus vendeurs dans la catégorie « rock » durant l'année : Fauve, Détroit et Shaka Ponk étaient

signés en exclusivité régionale à Carhaix. Ce système peut parfois donner des situations étranges.

Comme pour Rokia Traoré, artiste camerounaise passée aux Vieilles Charrues et au Bout du Monde

en 2013. Le festival Carhaisien a déposé une exclusité de communication sur l'artiste. Le Bout du

Monde ne pouvant communiquer que sur une définition de l'artiste, les affiches de l'événement

indiquant la présence « d'une des plus belles voix de l'Afrique de l'ouest. » Cette situation étrange

s'explique par la négociation entre les deux festivals. Le Bout du Monde, par l'intermédiaire de son

programmateur Jacques Guérin, a su négocier la venue de Rokia Traoré mais à condition que le

festival ne communique pas sur le sujet avant le 20 juillet 164. Les Vieilles Charrues font souvent

exploser le marché des têtes d'affiches personne ne pouvant s'aligner sur leurs tarifs. C'est ainsi que

164 Entretien réalisé avec Marie Clavier, programmatrice-adjointe du festival du Bout du Monde.

104

le Hellfest de Clisson, qui dépose une exclusivité nationale sur le groupe Scorpions, a vu celle-ci

exploser en 2011. Ayant besoin d'une tête d'affiche pour le jeudi 14 juillet, les programmateurs

carhaisiens vont « sauter » cette exclusivité, mais le prix se paie. A la base estimés à 150 000 €, les

Vieilles Charrues vont devoir débourser 400 000 € pour faire venir le groupe allemand.

L'autre soucis est, au niveau national, de la participation d'une élite très réduite qui

programme les festivals. Ainsi Daniel Colling, directeur historique du Printemps de Bourges

s'occupe aussi de deux Zenith : celui de Paris et celui de Nantes. Kem Lalot, programmateur des

Eurockéennes de Belfort, est aussi l'artisan des festivals GeneriQ et Impetus. Ces activités parallèles

permettent d'occuper un programmateur à l'année mais aussi de miser sur des salles plus adaptées

aux artistes. Les Eurockéennes de Belfort sont un festival qui accueille 70 000 personnes. Le

festival GeneriQ est un festival itinérant dans une douzaine de villes de l'est de la France dont

Dijon, Montbéliard ou Belfort dont les concerts se déroulent dans des théatres ou des salles de

musiques actuelles. Enfin, l'Impetus se déroule durant la mi-avril et a une programmation axée sur

les musiques plus underground comme le hip-hop ou le metal. Une manière pour les

programmateurs de pouvoir suivre leurs envies musicales sur plusieurs lieux et festival à la fois. Les

Eurockéennes étant devenus sans doute moins rock que par le passé, l'Impetus est utilisé afin de

combler ce manque de découvertes tout comme le GeneriQ. Il n'est d'ailleurs pas rare de voir des

groupes faire les deux voir les trois festivals à une période bien précise. Certains festivals font

même directement alliance avec une boite de production. C'est le cas pour Gerard Drouot

Productions qui s'occupe du Hellfest et de la Fête de l'Humanité ainsi que Quai Ouest qui gère le

festival du Bout du Monde. Cet arrangement permet d'avoir une structure importante pour soutenir

l'événement tout en gardant des prix abordables pour les artistes. C'est très intéressant pour

développer une marque à l'internationale, comme pour le Hellfest qui veut développer son activité

dans le monde dans les années à venir et surtout s'aligner face aux Vieilles Charrues pour faire venir

AC/DC.

2. Live Nation, un danger capital

105

Live Nation est une multinationale issue de la société Clear Channel qui est créée en 2005 à

Beverly Hills et qui c'est implantée en Europe. Live Nation possède les trois plus grands festivals

anglais : Glastonbury, le Download Festival et le festival de Reading. La société prend des parts

dans plusieurs grands festivals européens dont le Rock Werchter en Belgique. Afin de désengorger

le festival belge, complet en quelques semaines, Live Nation va créer un festival jumeau : le Main

Square à Arras. La programmation de la manifestation, aux mêmes dates que le festival belge,

possède entre 30 et 40 % d'artistes similaires qui passent la frontière durant le week-end. Live

Nation fait des appels du pied à quasiment tous les festivals français dont les Vieilles Charrues mais

n'a pas pu percer le modèle associatif breton. La société a une réputation sulfureuse concernant la

sécurité lors du montage des scènes, deux morts sont à déplorer en 2009 lors d'un montage de scène

au stade Vélodrome pour le concert de Madonna, le rapport de sécurité étant « accablant » pour le

tribunal chargé de juger l'enquête 165. On note aussi l'annulation du festival I Love Techno en 2014 à

Montpellier pour manquement à la sécurité et ce, quelques heures avant l'ouverture officielle de

l'événement. En tout c'est près de 128 lieux que Live Nation possèdent. On y retrouve des salles de

concerts, des festivals et même des droits sur billeterie d'une trentaine de lieux dont le stade de

Wembley en Angleterre, antre de l'équipe de football d'Angleterre et qui accueille année de très

grands concerts rock durant l'été. En outre, la société possède la quasi totalité des têtes d'affiches

internationales de renoms comme Madonna, U2, Metallica, Foo Fighters, Beyoncé ou encore Bruce

Springsteen. Une main mise quasi exclusive qui n'exclut pas certains critiques venant d'artistes de la

société, qui craignent un monopole jugé dangereux.

3. Une solution face à Live Nation : la Fédération DeConcert !

Si la lutte contre l'uniformisation et Live Nation devient vitale pour les festival il convient de

chercher une solution commun à ce problème. C'est le cas de la Fédération DeConcert. Fondée en

2008, elle réunie près d'une trentaine de festivals à travers l'Europe et le monde. On y retrouve

plusieurs grands festivals comme les Vieilles Charrues, les Eurockéennes, la Route du Rock ou le

Garorock pour la France. Des poids lourds d'Europe continentale sont aussi dans l'association

comme le Dour Festival (Belgique), le Sziget Festival (Hongrie) ou les festivals suisses de

Montreux et du Paléo. On retrouve aussi des festivals plus modestes ou pointus comme le Iceland

Airwaves (Islande), le Sakifo Festival (sur l'île de la Réunion) ou le festival de Musique Émergente

en Abitibi (Canada). Ce dernier est le seul festival adhérent non européen. Tous ces festivals se

réunissent en assemblée afin de favoriser les échanges entre les manifestations. L'exemple le plus

165 TROSSERO Denis, « Drame lors du Concert de Madonna : Un rapport accablant », La Provence, 1 juillet 2010.

106

marquant est l'échange de matériel entre les festivals. La scène principale des Eurockéennes est, par

exemple, la seconde scène des Vieilles Charrues.

Si tous ces festivals peuvent être totalement différent les uns des autres d'un point de vue de

programmation ou d'affluence. Ils ont un point commun : l'indépendance. Ces événements sont en

général très peu subventionnés et ne font pas appel à un prestataire pour assurer la pérennité de

l'événement. L'autre raison pour laquelle cette association est mise en place est la lutte contre Live

Nation. Tous ces festivals ont finalement un « ennemi commun » : Live Nation. Afin d'éviter le

monopole de la société en terme d'offre culturelle, la fédération De Concert met en place une

démarche collective afin d'encourager la création de ses membres. Avec par exemple un outil de

communication commun : Le Journal des Festivals. Ce magazine est édité chaque année en juin et

est disponible en version papier dans tous les festivals partenaires ainsi qu'en version numérique sur

le site officiel DeConcert. Ce support permet de présenter les différents artistes coups de cœur

programmés sur chaque festival et les différentes manifestations participants à la Fédération.

Chaque programmateur annonce un ou deux groupes « coup de cœur » à ses confrères qui vont

piocher parmi les autres découvertes afin de compléter leur programmation. La rennaise Laetitia

Sheriff (supportée par le festival des 3 Elephants) participe ainsi à sept festivals membres en 2015

dont les Vieilles Charrues, les Eurockéennes et Dour. Nicolas Michaux, musicien belge, ne joue qu'à

Dour et aux Nuits Botaniques. Les programmateurs mettent leurs compétences en commun afin de

développer un réseau plus efficace en terme d'accompagnement scénique des artistes. Ce qui réduit

le coût des structures puisque le matériel est mis en commun ainsi que la possibilité d'offrir une

offre musicale plus large aux spectateurs grâce aux découvertes.

B. La question du développement durable dans les festivals bretons

107

L'une des grandes problématiques actuelles des festivals est sans conteste le développement

durable. Ces événements accueillent chaque année des milliers de personnes sur un lieu précis

pendant plusieurs jours et produit des déchets. Un modèle bien particulier se développe depuis le

début des années 2010, il s'agit de l'éco-festival. L'un des exemples les plus connus est le We Love

Green situé dans le parc de Bagatelle à Paris. L'événement, est indépendant en ce qui concerne les

matières premières, l'énergie et la nourriture dans un rayon n'excédant pas 200 kilomètres.

Faire un éco-festival en plein Paris, est quelque chose de simple. Tout pouvant se trouver

dans un rayon relativement réduit. Le soucis se pose lorsque le festival a lieu en pleine campagne.

Aux Vieilles Charrues qui accueillent près de 200 000 personnes en trois jours, la question est

problématique. Les denrées alimentaires et liquides sont fournis par des locaux comme la Brasserie

Coreff. Au Pont du Rock utilise la brasserie locale Lancelot située au Roc-Saint-André. Afin de

limiter les déchets, les gobelets sont consignés au prix d'un euro durant tout le festival. Devenus

depuis quelques temps un véritable objet de collection l'écocup, c'est son nom, tend à réduire le

nombre de déchets. Le festivalier prenant un verre qu'il garde durant la durée du week-end. S'il ne

souhaite pas le rendre il va déconsigner son écocup où on lui rend un euro 166. Sur le site officiel des

Vieilles Charrues, plusieurs données sont avancées concernant la préservation de l'environnement.

Le festival recycle 53 tonnes de déchets durant la durée de l'événement. Les opérations de nettoyage

concernent 400 personnes salariées ou bénévoles durant ou après le festival afin de rendre le site

dans son état d'origine. Une économie de 15 000 bouteilles d'eau (et autant de plastique en moins)

est réalisée grâce à la pose de fontaines publiques sur le festival. Plusieurs jeux sont organisés

durant le week-end pour sensibiliser les spectateurs à la préservation de l'environnement. Un jeu

consiste à récupérer tous les gobelets du festival, et suivant le nombre de verres collectés, le

festivalier peut repartir avec différents lots comme des pin's, des drapeaux ou des sacs Vieilles

Charrues. Une activité similaire est développée sur le camping du festival où le tri sélectif est

pratiqué, le festival pouvant même gagner des visites des coulisses, des voyages à Londres ou des

places pour l'année suivante.

Si l'écocup est la mesure la plus significative pour le développement durable, la majorité des

festivals bretons opte aussi pour les toilettes sèches. Au lieu de gâcher des millions de litres d'eau

chaque année, un nouveau système plus écologique est mis en place. Ces toilettes n'utilisent pas

d'eau et permettent un recyclage des déchets en compost pour les agriculteurs du secteur. Les

Vieilles Charrues esont, par exemple, passés de dix toilettes sèches en 2005 sur le site et le camping

166 Cette mesure permet d'avoir près de six tonnes de déchets en moins par an.

108

à 120 en 2012 167. Une double utilité pour ce système qui permet encore d'aider les locaux. Des

transports en commun sont mis en service pour éviter les voitures. Cette solution permet aussi de

dégager de la place dans la ville ou se déroulent les festivals. Les Vieilles Charrues proposent ainsi

des départs des grandes villes bretonnes pour arriver à la manifestation. Pour deux euros, le service

de bus vous amène au festival en partant de Vannes, Lorient, Pontivy, Quimper ou Brest. Le festival

du Pont du Rock a aussi son propre réseau de bus mis en place avec le concours du département du

Morbihan via les bus TIM. Des lignes spéciales sont créées pour amener les festivaliers à partir de

Vannes directement dans le centre de Malestroit. Les grandes villes offrent des lignes gratuites de

bus durant les grands événements à l'instar de la ville de Lorient, dont les derniers bus du soir sont

gratuit pour encourager les festivaliers à venir en voiture. Ceci permet de réduire l'empreinte

carbone et aussi d'être plus en sécurité. Un collectif est aussi créé en 2005 à l'initiative des Vieilles

Charrues et des Rencontres Transmusicales afin de mieux encadrer le développement durable. Il

s'agit du « Collectif des Festivals Engagés pour le Développement Durable et Solidaire en

Bretagne ». Fort désormais d'une trentaine de membres dont les historiques Interceltique et

Cornouaille ainsi qu'Au Pont du Rock ou Rock 'n' Solex. Chaque festival s'engage à signer une

Charte qui contient cinq objectifs principaux :

« 1. La lutte contre le changement climatique

2. La préservation de la biodiversité des milieux et des ressources

3. La cohésion sociale et solidarité entre les territoires et les générations

4. L'épanouissement de tous les êtres humains

5. Créer une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation

responsables »

Tous ces objectifs présentent à la fois des finalités écologiques et morales. Il faut agir pour le

développement durable tout en renforçant la solidarité entre les personnes. L'un étant lié à l'autre

pour les festivals membres de l'association qui se réunissent à chaque fin d'année pour rendre un

bilan complet de leurs actions individuelles et mettre en place des actions de groupes.

167 « Les Toilettes Sèches à l'assaut des festivals », AFP, 21 juillet 2009.

109

C. La place des femmes dans les festivals

Les femmes sont en grande minorité dans l'industrie musicale. Peu de femmes sont à la tête

de labels ou même de journaux musicaux. Pour les festivals, elles sont une poignée à gérer la

programmation. La Bretagne faisant tout de même office d'exception à la règle puisque Jeanne

Rucet (co programmatrice des Vieilles Charrues) et Faustine Vasse (présidente de l'association

Bowidel) sont à la des postes clés de leur festival respectif. Au niveau national, Florence Jeux aux

Francofolies ainsi que Valérie Briois et Hylda Gbenou à Solidays occupent les postes clés de leur

festival respectif.

Au niveau de la programmation les artistes féminines sont aussi peu présentes. L'année 2015

marque cependant une configuration particulière puisque la majorité des têtes d'affiches en France

sont soit des artistes féminines soit des groupes comprenant une femme au sein du groupe. Art

Rock à Saint-Brieuc fait figure de bon élève en 2015 avec seize femmes présentes sur trente-six

groupes ou artistes. Mais surtout la totalité des têtes d'affiches, exception faite de Placebo,

comportaient au moins une femme sur scène. Une volonté probable de la part de l'organisateur, le

thème de l'édition 2015 étant la mode. Malgré la présence d'une femme à la tête du festival,

l'Armor à Sons de Bobital n'accueille que trois femmes sur quinze artistes, ce qui fait 20 % du total.

Un chiffre faible, surtout que ces femmes ne sont pas présentes en tête d'affiche. La Famille Chédid

réunissant l'ensemble des musiciens de la fratrie avec le grand frère, Mathieu alias M et les deux

cadets Joseph et Anna accompagnés du père Louis. On voit qu'Anna a un rôle secondaire, ne

proposant que les choeurs ou accompagnant les hommes de la famille au claviers. Les deux autres

groupes avec une femme au sein du groupe sont des découvertes, des groupes mineurs. Il s'agit des

groupes Light in Cities (vainqueur du tremplin) et Shake Shake Go, les deux femmes se retrouvent

au chant.

Les festivals traditionnels ne sont pas en reste avec une prise en compte des noms en têtes

d'affiches. Concernant le Cornouaille l'étude est réalisée sur les salles de l'Espace Per-Jakez Hélias

et des théâtres Max Jacob et de Cornouaille. Pour l'Interceltique c'est le Grand Théâtre et l'Espace

Marine. Le Cornouaille accueille sept groupes ou artistes composé d'au moins une femme sur seize

et l'Interceltique dix-sept noms sur soixante-huit. Concernant les Vieilles Charrues on a dix-sept

noms sur soixante-deux mais plusieurs têtes d'affiches comme Joan Baez ou Christine & the

Queens. Le festival spécialisé en musiques électroniques, Panoramas à Morlaix, n'accueille dans sa

programmation que deux femmes sur quarante artistes.

Autre nécessité, le confort des festivalières. Souvent les toilettes dans les festivals forment

une queue assez longue et au bout d'une journée, ces toilettes deviennent impraticable souvent sales

ou remplies de boue et de poussières. Magali Chailloleau a inventé une solution pratique pour éviter

110

les situations désagréables : le « pisse-debout ». Cet objet réutilisable est désormais présent dans les

festivals où la créatrice de l'objet tient très régulièrement des stands dans les grand événements du

genre. Le Hellfest, le Printemps de Bourges, la Fête de l'Humanité et différents festivals parisiens

lui offrent la possibilité de vendre ses produits dont elle vend près de 2 000 unités tous les mois. La

française n'est pas la seule sur le marché puisqu'une demi-douzaine de marques existent dont P-

Mate, Stand-Up ou Urinelle. Une manière rapide et plus confortable pour les femmes en festival de

pouvoir mieux profiter de l'événement, puisque grâce à cette invention le gain de temps est très

important.

III / Une tradition bretonne bien ancrée

A. La troisième vague celtique des années 2000

Au début des années 1990, une seconde vague celtique s'empare de la Bretagne. Les festoù-

noz reprennent une énergie rock pendant que les chants traditionnels se voient remixés à la sauce

techno. La tendance est réelle puisque même les très pointues Transmusicales ne peuvent

s'empêcher de créer une programmation spéciale bretonne en 1995 dans la salle de l'UBU avec Ar

Re Yaouank et Alan Stivell.

1. Une figure importante du monde celtique en 1990 : Denez Prigent

L'une des grandes figures de ce renouveau celtique des années 1990 est Denez Prigent. Si

Alan Stivell est la figure tutélaire des années 1970, Denez Prigent pourrait l'être pour les années

1990. Le chanteur ne va pas mélanger avec de la pop sa musique mais avec les musiques

électroniques. Sa musique va se métisser à travers les rythmes froids et martelés de la jungle à

l'aube de l'an 2000.

Il découvre en 1993 la musique électronique à travers la rave du festival off des Rencontres

Transmusicales. Malgré un premier a priori négatif, il va découvrir que la musique rave et la

musique bretonne ont un point commun : elles sont faites pour la danse. La jungle, notamment, est

une musique techno créée aux Etats-Unis et qui a comme particularité d'être sur un tempo similaire

aux danses bretonnes du plinn ou de la gavotte. Après un premier album entièrement chanté a

cappela, Denez Prigent va intégrer des rythmes électroniques puissants à son second album Me

'zalc'h ennon ur fulenn aour 168. Cet album sort en 1997 et les boucles électroniques y sont assurées

168 « Je garde en moi une étincelle »

111

par le DJ Arnaud Rebotini. Le morceau qui fusionne le plus habilement ces deux mondes est le

morceau Ar Rannoù 169. Ce texte datant du XIXème siècle est issu du Barzaz Breizh, Prigent va le

réadapter à son époque avec des sons puissants issus de la culture rave. On peut y voir la même

volonté de faire progresser le folklore breton chez Prigent que chez Stivel avant lui. Cet album

intègre des valeurs contemporaines aux textes bretons. E Trouz ar Ger 170 parle du côté très artificiel

de la vie en ville pendant que An Hantoù Adkavet 171 marque le renouveau du Tro Breizh. L'album

lui ouvre une carrière nationale grâce au magazine des Inrockuptibles qui va chroniquer l'opus

estimant que Denez Prigent « Assure un futur au folklore. » Le journal Libération le nomme dans

son classement des disques de l'année 1997.

Après ce succès critique, son troisième album Irvi l'amène à un succès public. Il ouvre son

répertoire à de grands noms de la musique comme les chanteurs Lisa Gerrard (Dead Can Dance) ou

Bertrand Cantat (Noir Désir). Ces deux artistes de renoms l'accompagnent respectivement sur

Gortoz a Ran et Daouzek Huñvre. Gortoz a Ran est même dans la bande originale du film de Ridley

Scott : La Chute du Faucon Noir. Le métissage est toujours une des priorités de Denez Prigent à

chaque album. Ainsi en plus des figures new wave et rock, cités plus haut, il invite des artistes venus

du jazz comme Louis Sclavis ou de la musique traditionnelle irlandaise comme Davy Spillane à

l'accompagner sur son album. Toujours engagés le chanteur dénonce la pollution sur Copsa Mica,

nom d'une ville roumaine détruite par une usine voisine ou Les Chiens Rouges, sur les moines

tibétains. Cette tournée lui ouvre la voie des plus grands festivals bretons et internationaux dont les

Vieilles Charrues ou le festival Interceltique d'un côté et le Paléo Festival en Suisse de l'autre. Il est

aussi nominé dans la catégorie « Meilleur album de musique traditionnelles ou du monde » en 2000

lors des Victoires de la Musique.

A la suite de cet album, Denez Prigent opère un tournant dans sa musique. Sarac'h, son

quatrième album sorti en 2003, marque un cycle nouveau pour l'artiste finistérien. Les beats

électroniques sont abandonnés pour laisser la place à une musique plus ethnique. Il y multiplie les

collaborations avec des artistes féminines venues du monde entier comme Lisa Gerrard (Etats-

Unis), Karen Matheson (Ecosse), Mari Boine (Norvège), Yanka Rupkina (Bulgarie) ainsi que

Louise Ebrel (Bretagne). De nouveaux instruments apparaissent dans sa musique, il s'agit en grande

majorité d'instruments orientaux ou d'Asie. On y retrouve l'oud, les tablas, le violon chinois, le

violon arabe, le duduk arménien ou le bansuri. Dispi, la piste six, de l'album représente cette

transition entre électronique et le virage « musiques du monde » amorcé par Denez Prigent. Les

169 « Les Séries »170 « Dans le bruit de la ville »171 « Les Chemins retrouvés »

112

programmations y croisent le son de l'oud, du violon ou du bansuri 172. Les musiciens qui

l'accompagnent en concert changent tous entre la tournée d'Irvi et celle de Sarac'h. Il est toujours

accompagné par des pointures, comme Alain Pennec ou Soïg Sibéril, mais qui sont beaucoup plus

traditionnel que l'est un David Pasquet, talabarder 173 du groupe Ar Re Yaouank Bruno le Rouzic

(Soldat Louis) ou encore le joueur de Vielle à Roue Valentin Clastrier, issu de la scène jazz présents

dans l'ancienne formation. Les textes de Sarac'h rappelle aussi l'engagement du chanteur pour

l'écologie ou la société. Goetenn ar Marv, L'Herbe de la Mort, parle de l'agriculture transgénique

tout comme Ar Gwez Sapin parle du remembrement en Bretagne.

Denez Prigent a une place essentielle dans le renouveau celtique des années 1990 – 2000, il

est celui qui ouvre la voie à d'autres comme Kohann, Añjel IK ou Arkan qui vont mélanger

musiques électroniques et traditionnel breton. Les festivals comme les Transmusicales ou les

Vieilles Charrues sont essentiels pour cet artiste, ils ont permis de le faire découvrir au plus grand

nombre.

B - Les « supers groupes » celtiques : L’Héritage des Celtes et Celtic Social Club

Durant les années 1990 et 2000, les festivals vont créer des événements ponctuels pour leur

fêter des éditions anniversaires, il s'agit des cartes blanches. Parfois dédiées à un artiste ou un

groupe, l'idée se diffuse dans tous les festivals. Si bien que des cartes blanches existent quasiment

tous les ans, comme pour les Vieilles Charrues qui ont confiées pendant six ans une carte blanche à

Rodolphe Burger. En 1993 le festival de Cornouaille, qui fête ses 70 ans, met en place une carte

blanche. L'idée est de rassembler sous une entité commune les principaux artistes celtes du moment

afin de marquer l'anniversaire du festival autour de deux figures locales : Dan Ar Braz et le bagad

Kemper.

1. Héritage des Celtes

Le festival de Cornouailles laisse aussi la part belle aux créations, la plus connue d’entre elle

est sans doute L’Héritage des Celtes de Dan ar Braz. A la base cette création a été produite pour les

70 ans du festival de Cornouailles. Ce concert devait rassembler différents musiciens celtes pour

reprendre des thèmes celtiques réarrangés en version rock ou folk. Le succès est au rendez-vous et

bien au-delà de la simple réunion d’amis puisque deux millions et demi d’albums sont vendus sans

oublier des concerts dans les plus grandes salles de France dont Paris-Bercy, différents Zénith ou

172 Flûte indienne. 173 Nom qui est donné à un joueur de bombarbe.

113

des festivals ainsi que deux victoires de la musique. Sans oublier – et c’est plus surprenant – une

participation à l’Eurovision en 1996 pour représenter la France. Le 24 juillet 1993 a lieu la première

représentation de l’Héritage des Celtes où Dan ar Braz avait carte blanche de la part de Jakez

Bernard, le programmateur. Il réunit lors de ce grand spectacle près de 75 musiciens issus de tous

les pays celtiques. On y retrouve la galloise Elaine Morgan, l’écossaise Karen Matheson (du groupe

Capercaillie), l’irlandais Donal Lunny qui a notamment fait parti des groupes folk Plantxy ou

Moving Hearts et qui est connu pour avoir fait des apparitions sur les albums de Sinead O’Connor

ou Mark Knopfler, etc. On y retrouve aussi le galicien Carlos Nunez, le Shotts Pipe Band de

Glasgow, ou le Bagad Kemper sans oublier Alan Stivell, Yann-Fanch Kemener, Didier Squiban, etc.

Toute la fine fleur de la musique celtique est là.

L’Héritage des Celtes gagne deux fois la Victoire de la musique « musiques traditionnelles et

du monde » avec Dan Ar Braz & les cinquante musiciens de l’Héritage des Celtes en concert

(1996) puis Finisterres (1998). Ce projet est en évolution constante puisque l'album Finisterres

intègre des musiciens originaires du sud du monde celte avec l'arrivée de la Galice et de son

représentant le plus connu, Carlos Nuñez. Après trois semaines, l'album se vend à 100 000

exemplaires. Le groupe se produit dans plusieurs grands festivals à travers la Bretagne comme le

festival Interceltique de Lorient, les Fêtes de la Saint-Loup, le festival Kann al Loar de Landerneau

ou encore à travers la France puisque le collectif par aux Francofolies de la Rochelle.

Le succès de l’Héritage des Celtes tend à relancer une nouvelle vague celtique après celle

des années 1970 menée par Alan Stivell. De nouveaux groupes apparaissent dans le paysage

musical français mélangeant musique traditionnelle bretonne et rock, comme Matmatah, Armens ou

EV. Sous l’impulsion de l’Héritage et de la nouvelle scène bretonne, un spectacle est créé à Paris-

Bercy La Bretagne part à Bercy le 16 mars 1999 entre pontes de la musique bretonne Alan Stivell,

Tri Yann et Gilles Servat. Le groupe Armens ouvre le concert et représente la jeune génération. Cet

événement peut être comparé dans une certaine mesure au festival de Kertalg en 1972, qui a mêlé

l'ancienne et la nouvelle génération autour de la musique bretonne. Tous les plus grands titres du

répertoire breton y sont repris comme La Blanche Hermine de Gilles Servat, Pop Plinn d’Alan

Stivell ou La Jument de Michao de Tri Yann. Sans oublier le grand final sur le Tri Martolod d’Alan

Stivell avec tous les musiciens mais aussi Jean-Jacques Goldman et Michael Jones. On retrouve

derrière la production de l’Héritage des Celtes une figure que l’on a déjà évoqué précédemment :

Jacques Abalain qui a été l’un des fondateurs du festival Elixir et d’Astropolis.

L'Héritage des Celtes s'arrête en août 2000, date choisie pour dissoudre l'ensemble au stade

du Moustoir durant le Festival Interceltique de Lorient. Ponctuellement le groupe fait ensuite

114

quelques apparitions, mais jamais dans son ensemble. On retrouve ainsi Dan ar Braz accompagné

de Gilles Servat et Elaine Morgan au Stade de France en 2002 lors de la Nuit Celtique où la seconde

partie du spectacle est largement dédiée à l'Héritage des Celtes. Parti d'une simple carte blanche,

l'Héritage des Celtes devient un succès critique avec deux Victoires de la Musique mais aussi un

succès public, l'ensemble vend près d'un million d'albums. Une quarantaine d'artistes venant de tout

le monde celte, et d'ailleurs, ainsi qu'un bagad et un pipe-band ont participé à cette aventure. Un

projet similaire est recrée en 2011 par Dan Ar Braz : Célébration. Il est beaucoup plus intimiste que

l'Héritage des Celtes et met en avant la nouvelle génération de musiciens et d'artistes bretons. La

boucle est bouclée ensuite puisque la fin de la tournée Célébration se fait le 27 juillet 2013 au

Cornouaille pour fêter les 90 ans du festival et les vingt ans de l'Héritage des Celtes avec Karen

Matheson, Gilles Servat ou le Bagad Kemper.

2. The Celtic Social Club

The Celtic Social Club est inspiré par le « supergroupe » de musique cubaine Buena Vista

Social Club qui a rassemblé les plus grands musiciens cubains autour d'un album à la fin des années

1990. L'idée est similaire pour The Celtic Social Club, projet musical créé en collaboration avec le

festival des Vieilles Charrues et la salle de la Sirène à la Rochelle. Le but du projet est de

redynamiser la musique celtique en la mélangeant avec des musiques plus actuelles et grand public

comme le hip-hop, le rock ou le reggae.

L'idée du projet germe dans la tête de deux membres de Red Cardell, Manu Masko (batterie)

et Jean-Pierre Riou (chant et guitare). En allant à New York mixer un album avec Ariel Borujow, ils

visionnent un titre de Fest Rock. Le projet musical de Red Cardell avec le Bagad Kemper. Ariel

Borujow, reconnu comme étant l'un des meilleurs ingénieurs du son de Manhattan, a travaillé avec

Madonna, Eminem ou Andrea Bocelli, partage cette découverte avec Frequency un producteur rap

connu aux États-Unis. Les deux membres de Red Cardell se rendent alors compte de l'impact

possible de leur musique sur un public qui ne connait pas les sons celtes. Manu Masko se met alors

en tête de créer un « Buena Vista Social Club » à la sauce celte. Ce projet séduit peu à peu les

professionnels de la musique, avec la salle de la Sirène à La Rochelle, la société de production

Caramba, le label Keltia Musique ainsi que les Vieilles Charrues. Le groupe est composé de sept

musiciens, tous originaires de Bretagne, mis à part Jimme O'Neill chanteur écossais des Silencers.

Tous les artistes participant à ce projet jouent depuis des dizaines d'années sur les scènes de

Bretagne et d'ailleurs. Red Cardell en tête dont les trois membres du groupe se sont intégrés dans

The Celtic Social Club ou Ronan Le Bars, joueur de uillean pipe ayant travaillé avec des artistes

bretons comme Gilles Servat, Alan Stivell ou Dan Ar Braz et de grands noms de la scène française

115

comme Johnny Hallyday, Claude Nougaro ou Renaud.

The Celtic Social Club va métisser à des airs traditionnels des mélodies nouvelles. Le Rond

de Loudéac va devenir un titre reggae avec la participation de Winston McAnuff, reggaeman très

connu qui a de lointaines origines écossaises. Le rappeur IC Will va apporter une touche rap sur un

titre avec ses origines irlandaises. L'idée du projet est aussi de mettre en avant la diaspora celte du

monde entier. Colline Hill, chanteuse nantaise qui va apporter une touche indie et folk sans oublier

Louise Ebrel. Cette dernière porte l'étendard de la culture bretonne orale étant fille d'Eugénie

Goadec, du célèbre groupe de kan ha diskan des Soeurs Goadec. Louise Ebrel fait le lien entre

tradition en modernité. On voit aussi très certainement un clin d’œil à la ville de Nantes avec

Colline Hill, ville souvent appelé à rejoindre le giron breton qu'elle a quitté durant la Seconde

Guerre mondiale. Grâce à son passage aux Vieilles Charrues, le groupe va faire parler de lui à

l'échelle nationale, Le Parisien (18 juillet 2014) fait du groupe son coup de cœur du festival. Le

journal parle même d’un groupe « qui porte la tradition celte à l'assaut du XXIe siècle ». Le

directeur de Keltia, Alain le Meur, dans une interview au Parisien révèle que « ils vont aller plus

loin dans les échanges, approfondir de sillon ». Le patron de maison de disque évoque aussi sa fierté

de voir que « les Vieilles Charrues, reconnues pour leur niveau musical élevé, aient dit 'oui' sans

même avoir entendu une seule note, c'est une sacrée marque de confiance 174 ». Alain Le Meur

termine par évoquer cette nécessité « d’aller chercher des sons nouveaux pour cette musique

ancestrale » pour « l’ancrer dans la voie sonore d’aujourd’hui. »

Dès ses débuts le groupe va trouver le succès. Après les Vieilles Charrues, The Celtic Social

Club débute une importante tournée nationale puis internationale puisque le groupe part à New York

en mai 2015 pour enregistrer un live acoustique. Durant l'été de la même année, le collectif est

programmé dans une dizaine de festivals. Plusieurs événements traditionnels comme le Cornouaille

ou l'Interceltique mais aussi des manifestations plus actuelles au niveau musical comme les

Papillons de Nuit à Saint-Laurent-de-Cuves ou le festival du Roi Arthur à Bréal-sous-Montfort.

L'Héritage des Celtes a amené le départ d'une seconde vague celtique au début des années

1990, puisqu'il brise les frontières entre les pays celtes. Le collectif se compose d'artistes bretons,

gallois, écossais, irlandais ou asturiens. The Celtic Social Club, est peut-être le point de départ d'une

troisième vague celtique puisque le groupe fait tomber les frontières musicales. Le son du collectif

emprunte à la musique traditionnelle ou au rock mais aussi au reggae et au rap, des mélanges alors

inédits en Bretagne.

174 « Celtic Social Club : la tradition à l'assaut du XXIème siècle », Le Parisien, 18 juillet 2014

116

C – Le renouveau des festou-noz grâce aux festivals

1. Un renouveau musical

Si les années 1970 sont dans le monde du fest-noz celles de l'électricité et du folk, les années

1990 et 2000 franchissent un autre pallier dans le métissage sonore. Le groupe Ar Re Yaouank en

tête. Ce quatuor est le pionnier du renouveau du fest-noz. Contrairement à leurs contemporains, le

groupe joue des airs plus rapide et rock avec environ 90 % d'airs composés par les musiciens. Ar Re

Yaouank remplit des salles jusqu'à « d'un millier de personnes 175», alors que les festoù-noz étaient

cantonnés jusqu'ici à des jauges de 300 à 400 personnes. Pour Ronan Gorgiard, il existe un « avant

et un après Ar Re Yaouank […] les danseurs attendent désormais une sorte de supplément d'énergie

de la part d'un groupe musical, accompagné d'une rythmique rock, voire désormais électro 176.» Les

deux créateurs de la formation, les frères Guichen, se disent « influencés par Stivell mais aussi par

Bérurier Noir, les Pogues, les Sex Pistols ou Parabellum 177.» Des influences punk et rock alternatif

pour un groupe de fest-noz ce qui donne un mélange à la fois traditionnel et moderne. Le nom du

groupe provient d'un surnom qu'on leur donne lors de leurs concerts, Ar re Yaouank signifie les

jeunes en opposition à tous les autres musiciens présents sur scène dont les formations n'ont pas

vraiment changés depuis les années 1970. Grandement influencés par le rock, le groupe livre des

prestations électriques durant les années 1990 qui les mènent parfois à jouer dans le public emporté

par l'énergie dégagée 178. Le groupe Trust les invite même à faire la première partie de leur concert

au Zenith. Norbert Krief, guitariste du groupe, les annonçant avant le concert comme le « AC/DC

Celtes 179. » L'impact de leur musique est importante, notamment le titre emblématique du groupe

Breizh Positive, et qui est repris par Manau groupe rap-celtique ayant vendu un million d'album de

sa Panique Celtique en 1998. Le groupe se sépare finalement en 1998 avant se reformer en 2011

pour les vingt ans des Vieilles Charrues animant devant près de 40 000 spectateurs le plus grand

fest-noz du monde.

Les années 2000 marquent l'arrivée des musiques électroniques à travers HiKS et Plantec,

deux groupes originaires du Centre-Bretagne. Les sons du fest-noz évoluent sans cesse. Autre

groupe remarquable de la vague celtique : Plantec. Le groupe dont le nom provient du patronyme

des deux frères ayant créé le groupe mixe des influences rock et électroniques à des sons

traditionnels. La première formation du groupe est similaire à celle d'Ar Re Yaouank, excepté

l'accordéon, on y retrouve le couple bombarbe-binioù ainsi que guitare et basse. En 2005, la

175 GORGIARD Ronan, L'étonnante scène musicale bretonne, p 174176 Ibid177 JIGOUREL Thierry, « Une nouvelle vague celte » in Rok 2, p. 144178 Ibid179 Ibid, p. 146

117

formation s'élargit avec l'arrivée de Marc Gauvin aux machines. Cet ajout permet d'apporter son

plus marqué aux compositions du groupe. Le groupe s'élargit encore en 2007, les frères Plantec

ajoutent une voix au groupe, avec Mael Lhopiteau. Le nouvel album qui découle de cette création,

A Raok, les amènent à se produire au Stade de France lors du Festival Ovale, organisé durant la

Coupe du Monde de Rugby 2007. Le groupe, qui change de formation en continu, ajoute une

rythmique plus rock en 2008 avec la venue de de Kevin Toublant (basse) et Yvon Molard (batterie)

pour enregistrer Mekanik avec le producteur Roli Mosimann. Ce dernier est connu pour avoir

collaboré avec des artistes comme Marylin Manson, Faith No More ou Björk. L'approche du

producteur, qui ne connaît pas la musique traditionnelle, permet un album plus rock que les

précédents. En 2011, les deux frères Plantec optent pour une formation plus légère avec comme seul

autre personne DjiBril alias Gabriel N'Dombi, qui va s'occuper des machines et des claviers. C'est la

formation la plus stable du groupe puisque la première à ne pas changer durant deux ans. Plantec a,

depuis 2004, enregistré sept albums et fait plusieurs tournées européennes.

HiKS s'est formé en 2005 et est un groupe reconnu pour faire des performances puissantes

mélangeant la tradition (bombarde et violon) au rock (guitare et basse électriques) ainsi que des

machines surpuissantes au son du drum'n'bass. Leur premier album est un clin d’œil à leur musique

puisque s'intitulant Drum'n'Breizh. Cet album évolue entre tradition et modernité, les Frères Morvan

dernier grand duo de chanteurs bretons sont invités à se produire pendant qu'Onan marque la

première incursion rap dans la musique bretonne. HiKS tient son nom d'une lettre n'existant pas

dans l'alphabet breton : le X. Tous les albums suivants du groupe marquent ce grand écart entre

tradition et modernité. Les invités se succèdent sur l'album comme l'harmoniciste blues Gurvan Le

Ray, le chant Lors Landat ainsi que Gabriel Yacoub, ancien chanteur du groupe folk des années

1970, Malicorne. Stéphane de Vito ancien bassiste d'Ar Re Yaouank vient même renforcer le

groupe. Comme si les anciens garants de la nouvelle génération de musiciens de fest-noz donnait

leur aval à la nouvelle génération.

2. L'arrivée du fest-noz en festival

Jusqu'ici à part les groupes de festoù-noz vont commencer peu à peu à s'intégrer aux

festivals. De très grosses locomotives vont permettre ce changement, par exemple Ar Re Yaouank

qui se produit deux fois entre 1995 et 1997 sur la scène principale des Vieilles Charrues puis aux

Francofolies de La Rochelle en 1998. Plusieurs festivals vont insérer un temps breton durant leur

événement, notamment le Petit Village à Lanfains avec Sonerien Du, Ar Re Yaouank ou les

Diaouled Ar Menez. Le mélange est poussé très loin puisque le groupe breton Black Label Zone va

faire la première partie de Sheila en 2002 lors du festival. Les groupes rock celtique ne sont pas

118

oubliés par le Petit Village avec Armens, Merzhin, Soldat Louis, Alan Stivell ou Red Cardell

présents sur scène aux côtés d'autres groupes locaux qui ne sont pas celtisants comme Tagada Jones,

Freedom For King Kong ou Dolly. Le festival mélange depuis 1980, les deux scènes qui cohabitent

en Bretagne : la scène traditionnelle et la scène rock qui ont beaucoup de points communs.

Notamment au travers de groupes comme Red Cardell ou Sonerien Du qui ont électrifiés des airs

traditionnels. Le festival dédié aux musiques extrêmes, le Motocultor, accueille Plantec durant une

de ses éditions, peu surprenant au vu de l'imagerie sombre du groupe dont les musiciens sont

toujours en noir et créent un son très lourd.

Beaucoup plus rock et énergiques, les groupes de fest-noz vont commencer à se produire

dans les festivals de musiques actuelles. Les Transmusicales vont consacrer une journée à la

nouvelle scène traditionnelle en 1995 et en 1996. Le festival Rock 'n' Solex dédie depuis les années

1980 la soirée de clôture, puis d'ouverture désormais à un fest-noz. Durant les années 2000, le

Penich'Tro, Acrorock, les Nuits Celtes ou les Vieilles Charrues gardent un temps « celte » durant

leur programmation. Soit par l'intermédiaire d'un groupe de fest-noz soit par le passage d'un des

groupes phares du rock breton de l'époque : Merzhin, Armens, Matmatah ou Red Cardell. Bien

entendu, les festivals traditionnels comme le Festival de Cornouaille ou l'Interceltique ont aussi

leurs propres festoù-noz. La manifestation lorientaise en propose deux durant chaque soir de

l'événement : un premier à la salle Carnot et un second sur le Quai de la Bretagne.

En 1999, le premier grand rendez-vous uniquement dédié à la musique bretonne se créé à

Rennes : le festival Yaouank. La première édition a lieu le 30 octobre 1999 au Parc des Expositions

– Musik Hall de Rennes avec un plateau de cinq groupes : Skeduz, Korm, Gwenfol, Hamon-Martin

et Kendon. Le fest-noz initial va s'agrandir d'années en années, l'affiche organisée par l'association

Skeudenn Bro Roazhon y devient de plus en plus dense. En 2007, le festival Yaouank s'élargit à la

ville entière. Le fest-noz initial se déroule en clôture de la manifestation qui accueille désormais une

vingtaines de concerts dans six lieux différents situés dans toute la ville de Rennes comme le bar Ty

Anna ou la Salle de la Cité. Bien plus qu'un simple fest-noz, Yaouank est devenu un rendez-vous

incontournable pour la musique bretonne actuelle

3. L'avenir du fest-noz ?

Une nouvelle génération influencée par la culture hip-hop commence à se produire en fest-

noz, mais pas que. Krismenn est un de ces nouveaux venus. Il est le créateur de ce qu'il appelle la

Gwerz-Hop mélange entre la traditionnelle complainte bretonne : la gwerz et la musique hip-hop. Il

évolue à ces débuts seuls sur scène, ou il forme des boucles sonores en usant de la technique du

Beat-Box qui consiste à faire des rythmes musicaux avec sa bouche tout en jouant de la contrebasse.

119

Plus tard il est rejoint par le champion du monde de Beat Box, Alem dans un duo étonnant.

Krismenn chante des airs traditionnels bretons pendant qu'Alem marque la rythmique avec ses

beats vocaux. Le duo se fait remarquer rapidement et est choisi par le dispositif Label Charrues en

2015. Le groupe Beat Bouet Trio évolue dans un métissage similaire mais avec le chant gallo.

Depuis la fin des années 2000, certains groupes comme IMG mélangent aussi des sonorités reggae à

la musique traditionnelle de fest-noz. Permettant d'attirer un nouveau public, plus jeune et

redynamiser les fêtes de nuit.

Actuellement le groupe le plus réputé des festoù-noz, en mettant de côté les Sonerien Du qui

tournent toujours autant, sont les Ramoneurs de Menhirs. La nouveauté de ce groupe est l'incursion

d'une musique inédite dans le milieu bretonnant : le punk. Cette musique est portée par Loran,

ancien guitariste des Bérurier Noir, qui joue dans les Ramoneurs. Leurs concerts mélangent le

répertoire traditionnel et le répertoire contestataire du groupe punk, reprenant notamment Vive le

Feu et Porcherie. Ces derniers ont toujours été sensible à la musique bretonne puisque très

fréquemment durant leurs concerts, un couple binioù / bombarde était invité pour jouer sur le titre

Vive le Feu. Grâce à la réputation de l'ancien Béru Loran, Les Ramoneurs sont un des groupes de

fest-noz actuellement les plus voulus. Ils font aussi régulièrement des tournées nationales. Le

groupe, par l'intermédiaire de son guitariste refuse de se produire aux Vieilles Charrues puis qu'il ne

peut cautionner « que le festival paie des cachets d'un million d'euros voire plus à certains artistes.180. » Une attitude critiquable, le groupe est passé au festival Hellfest, où la place pour une journée

est à 80 €, soit le double d'un billet journalier pour les Vieilles Charrues. Le milieu traditionnel

breton adoube le groupe dès ses débuts en lui accordant la victoire dans la catégorie Meilleur

Groupe au Kan ar Bobl de Pontivy en 2008. Louise Ebrel, 82 ans, se produit régulièrement avec le

groupe depuis 2006 en concert.

180 BARDOT Patrice, « Breizh's not dead », Tsugi, Juin 2013

120

B. Les métissages musicaux au sein des festivals

Si les Vieilles Charrues défendent la culture et le patrimoine breton durant toute l'année, le

point d'orgue de cette préservation a souvent lieu durant le festival en lui-même. Certains artistes

vont plus loin que le simple port de drapeau breton ou s'adresser au public dans la langue. Certains

vont mêler leur musique avec de la musique traditionnelle. C'est le cas de Johnny Clegg qui a

chaque date en Bretagne invite un bagad. A Carhaix, c'est le bagad Kemper qui est du voyage.

Faudel n'hésite pas à inviter, en 1999, celui de Saint-Nicolas-du-Pélem pendant que Stephan Eicher

invite deux musiciens bretons de renoms : Ronan le Bars et Didier Squiban afin de l'accompagner

sur scène. Si les artistes bretons ne passent plus sur les grandes scènes du festival depuis le début

des années 2000, le festival leur a dédié un espace sous le chapiteau Youenn Gwernig. Depuis 2011,

ce lieu accueille divers concerts de musique bretonne et un fest-noz.

Puis on retrouve aussi des créations entre musique traditionnelle et musique amplifiée. La

plus marquante date de 2009. Il s'agit de Frères Morvan vs Tambours du Bronx. Ce métissage

rassemble des artistes a priori opposés. D'un côté les légendes du Kan ha Diskan, chant breton

traditionnel et de l'autre les Tambours du Bronx, groupe de musique industriel d'une dizaine de

membres qui frappe des bidons pour leur musique. Le rendu final d'une vingtaine de musique

s'avère puissant et sauvage, les voix du Kan ha Diskan s'accordant avec les puissantes rythmiques

du groupe. D'autres créations ont aussi lieu aux Vieilles Charrues mais qui dépassent

l'environnement traditionnel. Olivier Leroy, originaire de Rennes, présente depuis 2004 plusieurs

créations pour le festival. C'est le cas avec Olli & The Bollywood Orchestre où la voix du chanteur

breton se mélange avec un orchestre traditionnel indien. Le chanteur invite aussi par deux fois, en

2010 puis en 2015, l'Orchestre de Bretagne pour un mélange entre musique classique et musique

électronique. Ce sont les projets Contreo et The Secret Chamber Orchestra.

Les autres grands festivals bretons comme les festivals de Cornouaille et de l'Interceltique

on chacun eu leur création musicale celtique d'envergure : L'Héritage des Celtes pour les premiers

et Célébration pour les seconds. Les deux projets musicaux de Dan ar Braz avec des musiciens

celtique qui sont comparables mais différents au niveau de la forme, puisque le premier est plus

massif que l'autre, rassemblant une centaine de musiciens alors que le second en rassemble une

cinquantaine. Le festival Bombardes & Compagnie a pour habitude depuis 2005 de mélanger les

bombardes bretonnes avec ses cousines du monde. Les groupes viennent de Turquie, d'Arménie,

d'Egypte, du Maroc ou encore d'Inde. Les musiciens étrangers sont amenés à collaborer avec les

musiciens locaux afin de créer une musique métissée. C'est que l'ensemble traditionnel de la

Kerlenn Pondi a joué avec le groupe tanzanien Safar et le groupe HiKS a fusionné avec les

121

vietnamiens de Won-Il Trio. Ces rencontres peuvent aller encore plus loin, c'est le cas de la

collaboration entre les centre-bretons de Kejaj et les guadeloupéens de Akiyo, qui ont formés

ensemble le projet Lyannaj. Un documentaire de 52 minutes a été tourné pour montrer l'aventure du

groupe par le groupe France Télévisions et qui s'intitule Lyannaj Nevé : la musique en partage.

C. L'action d'une association pour la défense du patrimoine : Les Vieilles Charrues

Le festival Carhaisien est aussi une structure qui irrigue les associations locales d'une partie

de ses bénéfices propres. Tout est utilisé afin de développer le tissu associatif et culture de la région

de Carhaix. En ce qui concerne le culturel, le festival a développé la salle de Carhaix : l'espace

Glenmor, qui surplombe le site des Vieilles Charrues. Composé d'un cinéma et de deux salles de

conférences, l'espace accueille plusieurs manifestations dans l'année organisée par les associations

locales. On peut d'ailleurs voir en derrière la grande scène le visage du barde qui veille sur la plaine.

Les bénéfices du festival ont aussi servis à financer la rénovation du château de Kerhampuil, laissés

à l'abandon au début du XX ème siècle. L'association s'est jointe à la ville de Carhaix au début des

années 2000 afin de permettre la rénovation de la bâtisse dont les façades et toitures sont classées à

l'inventaire des Monuments Historiques depuis le 12 juillet 1965.

Le festival se développe donc sur la totalité de son territoire multipliant aussi les initiatives

pour la langue bretonne en particulier le lycée Diwan soutenu par l'association depuis ses débuts. Le

lycée est reconnu comme étant l'un des meilleurs de France selon Le Figaro en 2013. Une structure

visant à protéger le patrimoine local a aussi été conçue par les Vieilles Charrues : les Mémoires du

Kreiz Breizh. Cette dernière est soutenue aussi par l'Université de Bretagne Occidentale de Brest.

Ces deux entités confrontent leurs expériences et leurs compétances complémentaires afin de

développer une structure dont l'objectif est de valoriser le patrimoine de Bretagne intérieure. Un

magazine est mis en place par cinq jeunes chercheurs ayant des connaissances en géographie,

histoire, archéologie, ethnologie et langue bretonne. Il s'agit de Kreiz Breizh, Mémoire et actualité

du Centre Ouest Bretagne dont le premier numéro sort en octobre 2000. Le but de ce magazine est

de partager les recherches effectuées mais aussi d'intéresser les habitants à la vie quotidienne et à

leur passé. La structure développe aussi diverses conférences, animations scolaires, expositions ou

visites guidées du secteur de l'ouest du centre-Bretagne. En 2005, l'association devient indépendante

mais est toujours soutenue par les Vieilles Charrues et l'Université de Bretagne-Occidentale ainsi

que par la région Bretagne.

Le festival breton a aussi accueilli pendant de nombreuses années Bagadañs. Cette journée

dédiée à la culture locale est souhaitée par les Vieilles Charrues sur le site de Kerhampuilh.

122

Traditionnellement, la fête a lieu le 14 juillet et même un spectacle commun de cercles et de

bagadoù sur le site du festival. Le nom du festival tient d'une association entre les deux mots

bretons associant les animations : bagad et dañs. On y retrouve un défilé dans les rues de la

commune jusqu'à une scène sur laquelle se déroule le spectacle final. Créée en 2000 sur la place du

Champ de Foire de Carhaix, la fête se déplace ensuite sur le site de Kerhampuilh en prélude des

Charrues. La fête atteint son apogée en 2006 avec 2 000 musiciens et danseurs. Un fest-noz a lieu

pour clôturer Bagadans chaque année. Après plusieurs éditions à sur le site des Vieilles Charrues la

fête, qui se déroule désormais sur deux jours, s'est établie depuis 2012 sur le site du Stade Pinson.

Le drapeau breton, gwenn ha du, est aussi très présent dans les festivals bretons et d'ailleurs.

Il n'est pas rare de voir ce symbole dans quasiment tous les événements culturels ou sportifs. Le

Tour de France cycliste a son lot de drapeaux bretons chaque année et ce sur toutes les étapes.

Les festivals sont désormais face à de nouveaux défis, de nouvelles problématiques face

auxquelles ils vont devoir faire face, ensemble. Live Nation et le développement durable sont deux

des soucis majeures que vont devoir affronter les manifestations. La scène bretonnante est, quand à

elle, toujours présente revenant fréquemment par système de vagues avec des sons issues de

nouvelles musiques.

123

CONCLUSION

A la fin des années 1960, le déferlement des festivals dans le monde est un véritable choc.

Les premiers festivals pop et folk sont perçus comme des anomalies, créant des tensions avec les les

populations conservatrices de l'époque comme c'est le cas à Woodstock, Biot ou Loudéac selon des

échelles différentes. Durant la seconde partie du XX ème siècle, les mœurs évoluent et laissent

place à l'acceptation du festival en tant que tel. Les musiques écoutées comme la pop, le rock ou le

folk se fondent dans la société. Le festival se normalise et s'uniformise même à la fin des années

1990, même si les free party font un peu de résistance face à ce type de manifestation. Chacun de

ces événements est basé sur un modèle commun. Mis à part quelques festivals originaux, qui

peuvent se détacher grâce à une programmation moins uniformisée. La société de consommation a

du s'adapter en premier lieu au festival mais c'est maintenant le festival qui doit s'adapter à la

société de consommation.

La Ministre de la Culture, Fleur Pellerin, s'inquiète du bilan des festivals de 2014 qui

montrent plus de disparitions (51) que de créations (44). Elle a confié le 21 juin 2015, à l'occasion

de la Fête de la Musique, la création d'une étude sur les festivals à l'ancien maire socialiste de

Toulouse, Pierre Cohen. Un soucis capital pour la survie de beaucoup de festivals se pose avec la

nouvelle carte des régions de France. Ces dernières vont passer de vingt-deux à treize en

Métropole, ce qui pose un soucis pour cette collectivité qui s'occupe de financer culture et donc les

festivals. Près de 115 festivals en moyenne en 2016 contre 70 en 2014. La nouvelle région qui

englobe Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon va passer de 115 à 191 festivals. L'entité

Auvergne-Rhône-Alpes accueillerait 230 festivals, soit plus du double que la moyenne nationale en

2016. Un chiffre important puisque la France accueille au total 1 600 festivals. Près de 7 % des

festivals français auraient lieu dans une seule et même région. On retrouverait aussi 60 % des

événements sur cinq régions. Ces dernières ne pourront sans doute pas financer tous les événements

et devront choisir qui soutenir. Plusieurs grands festivals sont d'ores et déjà touchés par ces mesures

comme les Voix du Gaou de Six-Fours ou les Musik'Elles de Meaux 181. Les festivals de Montauban

ont un avenir différent. Dès l'année 2015, les trois festivals de la ville vont fusionner sous une seule

et même entité « Montauban en Scènes » où les tarifs jusqu'ici peu élevés des trois festivals vont

être doublés voir triplés. Pour une affiche qui est plus quantitative que qualitative.

Les festivals sont devenus de véritables marchés à ciel ouvert où la publicité fleurie un peu

partout. Certains événements ayant même sautés le pas du naming qui consiste à associer une

marque au nom d'une manifestation. Devant le recul des dotations de l’État, l'appel au mécénat est

181 Festival aussi impliqué dans l'Affaire Bygmalion.

124

de plus en plus fréquent. Si certains comme les Vieilles Charrues souhaitent un mécénat discret,

d'autres n'hésitent pas à s'afficher. C'est le cas du Printemps de Bourges qui s'est associé au Crédit

Mutuel. Le nom complet du festival est depuis 2013 : Le Printemps de Bourges – Crédit Mutuel. Ce

n'est pas un cas isolé puisque le festival des Inrocks, situé à Paris et en Province a changé de nom en

2011. Chaque année la marque accolée au nom de la manifestation change, Black XS, Volkswagen

et Philips ont été les mécènes du festival. Certains scènes de festivals font aussi référence au

naming, c'est le cas des Green Room dans divers festivals français. Cette scène est la déclinaison

« musicale » de la marque de bière Heineken. Il existe des plateaux de ce type aux Eurockéennes de

Belfort, au Main Square Festival et aux Transmusicales de Rennes. En raison de la loi Evin qui

interdit de faire de la publicité pour l'alcool, le nom de la marque n'est pas clairement annoncé mais

explicité avec l'étoile rouge d'Heineken et un armature de la structure verte. Des villages de la

marque de téléphonie mobile SFR prennent place dans la quasi-totalité des grands festivals. Le

stand permet aux festivaliers de recharger leur téléphone durant trente minutes pendant que des

dizaines de spots publicitaires défilent. C'est le cas des Vieilles Charrues qui a créé un village

sponsor dans son camping.

Une nouveauté arrive cette année dans les festivals, il s'agit du cashless. Plusieurs

événements comme les Vieilles Charrues, le Hellfest et les Papillons de Nuit ont opté pour cette

nouvelle formule. Le but de ce nouveau système est de faciliter les flux au niveau de l'achat de

boissons et de nourriture. Le festivalier pourra créditer lui-même un compte sur le site officiel de la

manifestation ou acheter son bracelet sur place. C'est le cas à Carhaix ou des points Moneiz seront

dispersés un peu partout sur le site. Un système qui va limiter les pertes d'argent puisque les

bénévoles n'auront plus à manipuler aucune devise. Le Cashless peut être un sujet de débat puisque

les données entrées lors de l'inscription pourraient être revendues à des entreprises. Une panne de

réseau n'est non plus à exclure ce qui pourrait handicaper fortement le festival. Les initiatives se

multiplient aussi pour la création de plus de confort dans les manifestations estivales afin d'attirer

un nouveau public qui réclame plus de conforts, c'est le cas de tipis laissés par les organisateurs ou

de maisons à louer. L'idée est de faire venir pour plusieurs jours un public qui jusque là ne restait

qu'une journée.

La scène bretonne a bénéficié du soutien important des festivals de la région durant la

seconde partie du XX ème siècle. Les deux entités ont évolués ensemble, souvent en se mélangeant.

C'est le cas des festivals Interceltique et de Cornouaille qui ont amenés peu à peu le renouveau

celtique dans les années 1970 donnant une notoriété régionale puis nationale à la scène locale. Le

cas est similaire dans les années 1990 et 2000 où cette scène bretonne qui s'inspire des musiques

actuelles, va parcourir les plus grandes scènes de Bretagne, comme les Transmusicales ou les

125

Vieilles Charrues. Les festivals bretons ont pu aussi défier le temps en traversant les modes et les

générations pour plusieurs d'entre eux qui affichent plus d'une vingtaine d'années pour les festivals

les plus importants et certains aussi plus modestes. Ces festivals qui se sont structurés par accident,

une fête entre amis pour les Vieilles Charrues ou un concert de soutien à une association pour les

Transmusicales. Ils sont devenus les plus importants de France avec leurs programmateurs

historiques toujours à la tête des événements. A l'instar aussi d'Art Rock ou du Pont du Rock.

Avec un peu de recul, l'étude du comportement des festivaliers ou des programmations

musicales marque un révélateur de la société à un instant précis. La situation des festivals bretons

peut-être intéressante à étudier puisque le tissu associatif local, très important, a su impliquer les

habitants dans les manifestations proches de chez eux. Selon des modèles différents situés à

l'origine en ville ou à la campagne, contestés à leurs débuts, les festivals ont su s'imposer comme un

vrai créateur de lien social entre les organisateurs et les habitants du village. Souvent, le festival

local est attendu comme le grand événement de l'année par la population. Le Hellfest à Clisson est

soutenu par une grande partie de la population puisque un habitant sur six de la commune est

bénévole au festival. Ces manifestations ne font toujours pas l'unanimité notamment avec les

festivals de musiques électroniques ou de metal qui sont encore touchés par des clichés très durs.

Au niveau musical tout d'abord où l'imagerie de certains groupes peut choquer mais aussi

concernant les habits des festivaliers qui ont des tenues très codées et qui peuvent bousculer les

locaux.

Aujourd'hui, les festivals ont tous pour point commun d'être inclus dans le processus de la

mondialisation. Tous ces événements sont reliés entre eux par un circuit de flux. Concernant les

groupes par exemple, on retrouve des groupes américains ou britanniques qui font plusieurs

manifestations bretonnes chaque année avec des échelles d'affluence différentes. Le Pont du Rock

propose une mondialisation alternative avec des groupes provenant du monde entier. En 2015, le

festival propose un plateau où des artistes mexicains, israéliens, libanais et sud-coréens viennent se

produire aux côtés d'artistes français. Ces manifestations peuvent se classer selon trois types. Le

premier modèle est celui de l'associatif. L'exemple le plus concret est représenté par les Vieilles

Charrues. Les bénévoles sont recrutés à un niveau qui englobe la Bretagne, ce sont des locaux. A

l'instar d'Au Pont du Rock qui cible son bénévolat à l'échelle de la ville de Malestroit et ses

environs. Les tarifs y sont accessibles pour presque tous. Moyennement une quarantaine d'euros,

aux Vieilles Charrues, le festivalier peut assister à une vingtaine de concerts répartis sur quatre

scènes et d'avoir un accès gratuit au camping. Un second modèle est représenté par Live Nation

avec le Main Square Festival. La mondialisation y est représentée de manière plus agressive,

l'objectif étant de générer des revenus grâce au festival. Les tarifs de la manifestations sont élevés, il

126

faut compter une cinquantaine d'euros pour assister à dix concerts sur deux scènes. Le prix des

denrées alimentaires ou liquides est élevé, il faut compter environ quatre euros pour une bière

(contre moins de trois euros dans les festivals associatifs). Les prix et les programmations

s'exportent partout de manière formatés. Les premiers festivals Main Square ne comportent pas de

groupes découvertes régionaux, ce qui est le cas dans quasiment tous les manifestations en France

qui comportent un tremplin ou au moins une ouverture par des groupes locaux. De 2005 à 2009, sur

les 53 groupes qui sont venus à Arras, dix sont français. A une échelle plus régionale, la société

Régie Scène a des similitudes avec Live Nation. Comme le festival Insolent, festival exportable qui

fait le tour de la Bretagne deux fois par an. Pour assister à une édition du festival il faut débourser

de 35 à 40 € pour assister à un plateau accueillant six groupes. Enfin, troisième et dernier modèle de

festival, l'intermédiaire. Il peut être géré par des bénévoles mais l'association ne garde pas son

indépendance. C'est le cas du Printemps de Bourges, géré par Morgane Production. L'événement est

sponsorisé par une grande firme, le Crédit Mutuel, mais reste à sa place à l'échelle nationale. Ce

partenariat est présent pour apporter un revenu supplémentaire , non pas pour tenter d'écraser la

concurrence.

Dans les années à venir le type de modèle associatif, pourrait être remis en cause. Il est sans

doute le plus fragile. Les Vieilles Charrues arrivent à s'autofinancer mais disparaîtraient en cas

d'équilibre financier déficitaire durant deux années d'affilés. Le seuil de rentabilité du festival est

fixé à 175 000 spectateurs, pour l'édition 2015 les dernières ventes de billets représentent 160 000

places vendues malgré la venue de poids lourds comme Muse ou David Guetta. Les autres

structures associatives, dépendantes de l'aide des collectivités locales, pourraient en cas de

désengagement trop important disparaître. Le modèle Live Nation pourrait aussi être en danger en

France. Le Main Square fait office de parent pauvre de la multinationale avec un budget global ne

dépassant pas les cinq millions d'euros. En comparaison, le budget artistique du Rock Werchter est

de sept millions d'euros auxquels il faut ajouter d'autres éléments comme la technique ou le salaire

des intermittents. L'avenir pourrait se trouver dans le mécénat à l'instar du Printemps de Bourges ou

des Inrocks, qui arrivent à garder une certaine indépendance de programmation tout en étant

soutenu par une société important qui pourrait combler les pertes en cas de déficit.

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Vieilles Charrues : affiche 1997, [Image en ligne] <vieilles-charrues.over-blog.com> (consultée le

17 juin 2015).

Vue du Donauinselfest à Vienne 2012. [Image en ligne] <http://cdn1.vienna.at/> (Consultée le 25

juin 2015).

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ANNEXES

Vue de l'île du Donauinselfest à Vienne (Autriche)

CLASSEMENT DES PLUS GRANDS FESTIVALS 2013 PAR MTVsource : http://www.mtviggy.com/lists/the-10-biggest-music-festivals-in-the-world-2/

Nom du festival Pays Continent Affluence totale(spectateurs)

1 Donauinselfest Autriche Europe 3 200 000

2 Mawazine, Rythmes du Monde Maroc Afrique 2 650 000

3 Summerfest Etats-Unis Amérique 800 000 / 1 000 000

4 Coachella Etats-Unis Amérique 700 000

5 Rock in Rio Brésil Amérique 680 000

6 Przystanek Woodstock Pologne Europe 550 000

7 Sziget Festival Hongrie Europe 385 000

8 Ultra Festival Etats-Unis Amérique 330 000

9 Paléo Festival Suisse Europe 230 000

- Vieilles Charrues France Europe 208 000

10 Exit Festival Serbie Europe 200 000

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Premier programme officiel du Pardon des Fleurs d'Ajoncs de Pont-Aven (1905)

Carte postale du cortège du défilé des Filets Bleus à Concarneau

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MANIFESTE DU FRONT DE LIBERATION DE LA ROCK-MUSIC

« Constater la correspondance du mouvement de la jeunesse annonciateur d'une subversion de l'ordre existantqui sera totale et de la Rock-Music semblerait être une banalité si l'on évitait d'observer les détours pris par lacommunicabilité. Incontestablement, la Rock-Music, soit par le biais de la violence (musicale, des mots ou des gestes),soit par la démesure et le grotesque, se pose en rupture avec la culture bourgeoise dominante.

La Rock-Music brise la léthargie glacée des ensembles urbains, elle constitue le cri de ceux qui ont peur demourir d'asphyxie et d'inanition dans les camps de concentration de la médiocrité de ceux qui conscients de la« dérisoire pauvreté de la réalité », comme dirait l'un des frères Marxs ont décidé à terme de la liquider

Dans le désir de l'écouter ou de la jouer, elle apparaît comme musique de communication : chacun pouvant sel'approprier et la faire sienne. Mais les pistes multiples menant à l'authenticité traversent toute la forêt-vierge desrapports-marchands, des rapports neutres où la mort préside à la vie, où la parade des fantômes humains n'a rien demagique et où pêle-mêle ossifiées l'on ne rencontre que des cadavres. Dans cette jungle épaisse la Rock-Music se débatpour en rester finalement prisonnière. Cela parce qu'elle permet la projection sur les individus, grâce au rapportspectaculaire évident, entretenu par les médias, d'images d'une aliénation nouvelle dans le stéréotype est la "pop-star".Cette vieillerie reblanchie pourrait se définir comme "l'image d'une soi-disante libération de la vie quotidienne cachantune misère profonde qui révèle l'impossibilité de vivre de ceux que l'ont fait apparaître comme les aboutissants d'unerévolution individuelle sur laquelle devaient se modeler les rôles. En définitive la "Pop-Star" n'est rien d'autre qu'untype de personnalité ayant accès à la totalité de la consommation.

Ainsi la communication à travers la pop est illusoire et n'est que la communicabilité d'une illusion de plus,rentrant dans le schéma du pouvoir et de l'idéologie dominante.

C'est dans cet espace rétréci entre les éléments foncièrement en rupture et les ceux propulsant la pseudo-négativité que peut intervenir un Front de Libération de la Rock-Music. Cela non pour donner un label de qualité ou depureté révolutionnaire à tel ou tel groupe mais pour introduire par des actions pratiques (concerts, tract, affiches,journal) le virus de la nouvelle vie en germe dans les champs d'épandage de la société industrielle. Bien évidemment, ilest clair pour le Front de Libération de la Rock-Music que la libération du rock et de la musique d'une manière plusgénérale (comme de tout art) ne viendra que lors de la révolution. La musique séparée en tant que forme et contenu sedissoudra dans le vécu de tous : « JOUER LA MUSIQUE DE LA VIE ET VIVRE LA VIE DE LA MUSIQUE »

Ce texte peut être reproduit, diffusé partout ; créez vous-même vos Front de Libération du Rock ; prenezcontact avec nous pour des propositions de toutes sortes (Front de Libération de la Rock-Music)

Le Front de Libération de la Rock-Music rassemble les groupes :

- KOMINTERN

- LARD FREE II

- ROBERT WOOD'S TAROT

- HERBE ROUGE

- BARRICADE I (Crève Vite Charogne)

- ALPHA DU CENTAURE

- BARRICADE II (Roquet & ses Lévriers Basanés)

PS : Le Front de Libération de la Rock-Music ne doit pas être assimilé avec le Parti de la Panthère Electrique

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Flyer original d'Astropolis 1995

Flyer Astropolis 2002

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L'évolution des affiches

des Vieilles Charrues

Tableau comparatif du nombre de spectateurs entre les Vieilles Charrues et les Terres Neuvas

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Vieilles Charrues Terres Neuvas

1998 100 000 12 000

1999 150 000 19 000

2000 156 000 25 000

2001 200 000 130 000

2002 156 000 30 000

2003 165 000 50 000

2004 165 000 60 000

2005 150 000 125 000

2006 203 000 130 000

2007 170 000 140 000

2008 216 000 100 000

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TABLEAU RECAPITULATIF DES FESTIVALS 2015 EN BRETAGNE

Agrock Rennes Ille et Vilaine 1991 OctobreAlgues au Rythme Arradon Morbihan 2003 Mai

Armor a Sons Bobital Côtes d'Armor 2009 JuilletArt Rock Saint-Brieuc Côtes d'Armor 1983 Mai

Arts des villes Arts des Champs Malguénac Morbihan 1997 AoûtAstropolis Brest Finistère 1995 Juillet

Au Pont du Rock Malestroit Morbihan 1989 JuilletBelle Ile on Air Belle Ile Morbihan 2008 Juillet

Binic Blues Folk Binic Côtes d'Armor 1999 AoûtBlues au Château La Cheze Côtes d'Armor 2006 Août

Bogue d'Or Redon Morbihan 1975 OctobreBombardes & Compagnies Cleguerec Morbihan 1986 Mai

Bout du Monde Crozon Finistère 2000 AoûtÇa Rockamorh Camors Morbihan 2010 Mai

Chant de l'Eucalyptus Plouhinec Morbihan 2012 AoûtChausse tes Tongs Trévou Finistère 2005 Juillet

Cité Rap Saint-Brieuc Côtes d'Armor 1999 OctobreComplet'Mandingue Saint-Brieuc Côtes d'Armor 1998 Mai

Cornouailles Quimper Finistère 1923 JuilletDon Jigi Fest Vitré Ille et Vilaine 2010 Avril

Eklectison Plouguesnast Côtes d'Armor 2008 JuinElectroni[k] Rennes Ille et Vilaine 2001 OctobreEmbellies Rennes Ille et Vilaine 1999 Mars

En Voie d'Expression Pontivy Morbihan 2011 SeptembreÉté en Fête Bénodet Finistère 2001 Eté

Eveil du Boucan Vannes Morbihan 2014 MaiFest Connection Saint-Connec Côtes d'Armor 2008 Juillet

Festidreuz Fouesnant Finistère 2004 JuilletFest'in Breizh Loudéac Côtes d'Armor 2013 Novembre

Festival des Arts Sonnés Saint André desEaux

Côtes d'Armor 2012 Septembre

Festival des Deux Cloches Pédernec Côtes d'Armor 2015 AoûtFestival du Chant de Marin Paimpol Côtes d'Armor 1989 Août

Festival du Roi Arthur Bréal Sous Montfort Ille et Vilaine 2010 AoûtFestival du Saumon Pont-Scorff Morbihan 1994 JuilletFête des Hortensias Perros Guirec Côtes d'Armor 1985 Juillet

Fête du Bruit Landerneau Finistère 2009 AoûtFilets Bleus Concarneau Finistère 1909 Août

Folklores du Monde Saint Malo Ille et Vilaine 1996 JuilletGouel Bro Leon Plouvorn Finistère 2013 MaiGrand Soufflet Rennes Ille et Vilaine 1997 Octobre

Ilophone Ouessant Finistère 2008 SeptembreIndisciplinées Lorient Morbihan 2006 Novembre

Insolent : Automne Quimper Finistère 2009 OctobreInsolent : Printemps Lorient Morbihan 2009 Avril

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Interceltique Lorient Morbihan 1970 AoûtInvisible Brest Finistère 2006 Novembre

Jazz a Goméné Gomené Côtes d'Armor 2004 JuinJazz à Vannes Vannes Morbihan 1980 JuilletJeudis du Port Brest Finistère 1989 Eté

Kan ar Bobl Pontivy Morbihan 1973 AvrilKann al Loar Landerneau Finistère 1986 Juillet

Karrément à l'Ouest Saint-Renan Finistère 2014 JuilletK-Barré Rennes Ille et Vilaine 2004 Octobre

Label'Zic Malansac Morbihan 2011 JuilletMars M'Enchante Lanester Morbihan 2000 Mars

Mayfest Pontivy Morbihan 2007 MaiMondial Folk Plozevet Finistère 1974 AoûtMotocultor Saint Nolff Morbihan 2007 Août

Mots Zik sous les Pins Saint Jacut les Pins Morbihan 2008 NovembreMythos Rennes Ille et Vilaine 1996 Avril

Nuits des Sables Blanc Douarnenez Finistère 2012 JuinNuits Soniques Auray Morbihan 1998 Octobre

Panoramas Morlaix Finistère 1998 AvrilPetit Village Lanfains Ille et Vilaine 1980 Août

Petites Folies d'Iroise Lampaul Finistère 2011 MaiPieds dans la Vase Kervignac Morbihan 2007 JuinPlace aux Artistes Saint-Quay-

PortrieuxCôtes d'Armor 2003 Eté

Rencontres Internationales de laClarinette

Glomel Morbihan 1989 Mai

Rock 'n' Solex Rennes Ille et Vilaine 1967 MaiRoué Waroc'h Plescop Morbihan 1996 FévrierRoute du Rock Saint Malo Ille et Vilaine 1991 Août

Schmoul Bain-de-Bretagne Côtes d'Armor 2001 JanvierTeufestival Chateaulin Finistère 2006 NovembreThélokalizé Saint-Thélo Côtes d'Armor 2010 AoûtTomahawk Querrien Finistère 2010 Septembre

Transmusicales Rennes Ille et Vilaine 1979 DécembreUrbaines Lorient Morbihan 2012 Avril

Uvas Pavas Merdrignac Côtes d'Armor 2008 SeptembreVieilles Charrues Carhaix Finistère 1992 Juillet

Vive le Punk Callac Côtes d'Armor 2009 JuilletWest Fest Guipavas Finistère 2013 AoûtYaouank Rennes Ille et Vilaine 1999 Octobre

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Plan extrait du guide 2015 du festival Interceltique de Lorient

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CD JOINT AU MEMOIRE

Les seize titres que composent ce cd a pour but de faire entendre les titres, artistes ou

courants évoqués durant ce mémoire.

1. La Blanche Hermine, Gilles Servat (1970) in La Blanche Hermine, Kelenn Music.

2. Kan Bale an ARB, Glenmor (1971) in inconnu, Le Chant du Monde.

3. Pop Plinn, Alan Stivell (1972), in A l'Olympia, Fontana.

4. Le Prince d'Orange, Malicorne (1979), in Malicorne en Public, Harmonia Mundi.

5. Plogoff, Fernand l'Eclair (1980) in Tregastal Plogoff, Nevenoë.

6. C'est un Pays, Soldat Louis (1990) in Pavillon Noir, Peermusic.

7. L'Odopomo, Sonerien Du (1992) in Kleg Live, Ciré Jaune.

8. Green Lands, Dan ar Braz & L'Héritage des Celtes (1994) in Héritage des Celtes, Sony Music.

9. Breizh Positive, Ar Re Yaouank (1995) in Breizh Positive, Coop Breizh.

10. Ar Rannoù, Denez Prigent (1997) in Me 'zalc'h ennon ur fulenn aour, Barclay.

11. Breizh América, Pat O'May (1998) in Breizh America, Keltia Musique.

12. Ar c'hallez Vihan, Añjel IK (1999) in Diank, Griffe.

13. K.A, Les Ramoneurs de Menhirs (2007) in Dañs an Diaoul, Coop Breizh.

14. O I Wish, Contreo & l'Orchestre de Bretagne (2010) in Contreo, autoproduit.

15. A'i omp deoc'h, Krismenn (2011), in EP, autoproduit.

16. Loudeac, The Celtic Social Club featuring Winston McAnuff & IC Will (2014), in The Celtic Social Club, Keltia Musique.

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