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Les psychothérapies dynamiques intérêt, limites, évaluation

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15:02- 9/02/14 - 1 - Les psychothérapies dynamiques : intérêt, limites, évaluation Dr Jean-Michel THURIN 1 In Lopez G, Sabouraud-Séguin A, Jehel L et al. Psychothérapies des victimes. Traitements, évaluations, accompagnement. Paris, DUNOD, 2006, p 55-78. L’état de stress post-traumatique est apparu tardivement dans la nomenclature psychiatrique (1980) alors que le « shell shock » de la première guerre (Myers, 1915), les névroses traumatiques de la seconde guerre (Kardiner, 1941) et les troubles secondaires retrouvés chez les survivants de l’holocauste (Sivadon, 1955 ; Krystal, 1968), chez les enfants souffrant de deuils et de carences affectives (A Freud & Burlingham, 1943 et 1944 ; R Spitz, 1968) et les personnes ayant vécu des traumatismes individuels ou collectifs sont connue et décrits depuis longtemps. La reconnaissance des traumatismes consécutifs à la guerre du Vietnam a ouvert une fenêtre sur les graves conséquences des maltraitances infantiles et des abus sexuels, avec une sorte de réaction en chaîne qui a fait apparaître les symptômes et les troubles dans une séquence temporelle qui va de quelques heures à des années, voire des dizaines d’années. L’analyse bibliographique des conséquences des traumatismes sexuels au cours de la conférence de consensus qui s’est tenue sur ce sujet (Horassius et Mazet (eds), 2004) a dressé ainsi un tableau impressionnant de tous les troubles psychiques et somatiques qui peuvent être associés avec un traumatisme grave, et potentiellement le nombre considérable de personnes qui relèveraient d’une investigation dans ce domaine et éventuellement d’un traitement. Les classifications (DSM et CIM) se sont initialement centrées sur l’événement. Elles y ont ensuite associé la dimension subjective que prend l’événement pour le sujet. La prochaine version du DSM devrait introduire la catégorie de l’État de stress post-traumatique complexe (également parfois appelé Trouble du stress extrême) et qui concernerait les conséquences de stress durables tels que les abus sexuels durant l’enfance, l’internement dans les camps de concentration et de prisonniers, l’exploitation sexuelle des adultes et des enfants, la maltraitance conjugale prolongée et plus généralement toutes les situations de contrôle total et de victimisation par l’autre durant une période prolongée. Ce chapitre aborde dans une première partie différents apports de la psychanalyse à la théorie du traumatisme depuis Freud, en montrant comment ils ont élargi et complexifié progressivement le modèle freudien quantitatif initial de l’événement traumatique, 1 Dr Jean-Michel THURIN. Psychiatre-Psychanalyste (Paris). Coordonnateur de DU Stress, traumatismes et pathologies (Université Paris VI), chargé d’enseignement Paris V, Président de l’École de psychosomatique, membre de l’expertise collective Inserm « Psychothérapies : trois approches évaluées » chargé spécifiquement de l’approche psychodynamique (psychanalytique), a coordonné deux recherches sur les psychothérapies et est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la psychosomatique. www.ecole-psychosomatique.org - www.techniques-psychotherapiques.org
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Les psychothérapies dynamiques : intérêt, limites, évaluation

Dr Jean-Michel THURIN1

In Lopez G, Sabouraud-Séguin A, Jehel L et al. Psychothérapies des victimes. Traitements, évaluations, accompagnement. Paris, DUNOD, 2006, p 55-78.

L’état de stress post-traumatique est apparu tardivement dans la nomenclature psychiatrique (1980) alors que le « shell shock » de la première guerre (Myers, 1915), les névroses traumatiques de la seconde guerre (Kardiner, 1941) et les troubles secondaires retrouvés chez les survivants de l’holocauste (Sivadon, 1955 ; Krystal, 1968), chez les enfants souffrant de deuils et de carences affectives (A Freud & Burlingham, 1943 et 1944 ; R Spitz, 1968) et les personnes ayant vécu des traumatismes individuels ou collectifs sont connue et décrits depuis longtemps. La reconnaissance des traumatismes consécutifs à la guerre du Vietnam a ouvert une fenêtre sur les graves conséquences des maltraitances infantiles et des abus sexuels, avec une sorte de réaction en chaîne qui a fait apparaître les symptômes et les troubles dans une séquence temporelle qui va de quelques heures à des années, voire des dizaines d’années. L’analyse bibliographique des conséquences des traumatismes sexuels au cours de la conférence de consensus qui s’est tenue sur ce sujet (Horassius et Mazet (eds), 2004) a dressé ainsi un tableau impressionnant de tous les troubles psychiques et somatiques qui peuvent être associés avec un traumatisme grave, et potentiellement le nombre considérable de personnes qui relèveraient d’une investigation dans ce domaine et éventuellement d’un traitement. Les classifications (DSM et CIM) se sont initialement centrées sur l’événement. Elles y ont ensuite associé la dimension subjective que prend l’événement pour le sujet. La prochaine version du DSM devrait introduire la catégorie de l’État de stress post-traumatique complexe (également parfois appelé Trouble du stress extrême) et qui concernerait les conséquences de stress durables tels que les abus sexuels durant l’enfance, l’internement dans les camps de concentration et de prisonniers, l’exploitation sexuelle des adultes et des enfants, la maltraitance conjugale prolongée et plus généralement toutes les situations de contrôle total et de victimisation par l’autre durant une période prolongée.

Ce chapitre aborde dans une première partie différents apports de la psychanalyse à la théorie du traumatisme depuis Freud, en montrant comment ils ont élargi et complexifié progressivement le modèle freudien quantitatif initial de l’événement traumatique,

1 Dr Jean-Michel THURIN. Psychiatre-Psychanalyste (Paris). Coordonnateur de DU

Stress, traumatismes et pathologies (Université Paris VI), chargé d’enseignement Paris V, Président de l’École de psychosomatique, membre de l’expertise collective Inserm « Psychothérapies : trois approches évaluées » chargé spécifiquement de l’approche psychodynamique (psychanalytique), a coordonné deux recherches sur les psychothérapies et est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la psychosomatique. www.ecole-psychosomatique.org - www.techniques-psychotherapiques.org

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notamment en prenant en compte l’âge et le développement psychologique au moment du traumatisme, le conflit psychologique, la dimension de l’effraction narcissique, l’ambivalence affective la carence affective et l’insécurité, le rôle des interactions et celui du fantasme, pour arriver à la notion de structure identitaire instable rendant la réalité dans son ensemble potentiellement traumatique, avec une véritable attaque de la pulsion de vie que l’on rencontre dans les états limites (Thurin, 1996).

Dans une seconde partie, il présente trois exemples de psychothérapies psychodynamiques structurées destinées à l’état de stress post-traumatique, au deuil pathologique et aux états borderline à base traumatique.

LES BASES PSYCHANALYTIQUES DU TRAUMA

Définitions réciproques du stress et du traumatisme

• Le stress est un processus biologique. Il est engagé par tout ce qui anime un être vivant : événements « psychiques » ou événements « somatiques périphériques (blessure, brûlure, infection, …) ou internes (inflammation, épilepsie, AVC, infarctus, pulsion ?, …)». Sa réponse utilise quatre grands systèmes : nerveux central et autonome, neuroendocrinien, immunitaire. L’objectif premier de ce processus est l’adaptation (« au service de l’instinct de vie » de Freud). Ses moyens se situent dans l’organisation biologique existante, qui peut-être plus ou moins indemne et même déjà dérégulée (comme dans le cas de stress précoces) et de conditionnements.

• Le traumatisme est un fait de mémoire. Il traduit une persistance de l'effet du stress, qui a été « trop » intense, durable, rapide,… pour un organisme et un psychisme donnés, dans des conditions données. Il peut rester extérieur à la mémoire langagière (narrative), même s’il est réactualisé par un signal ou une représentation.

• Le traumatisme psychique se produit après-coup, c’est à dire en dehors de la période d’urgence biologique. Par exemple, lorsque les soldats sortent du front, ou comme le relate Sivadon, plusieurs semaines après le retour des camps, lorsque la vie pourrait redevenir normale. Précisément, c’est ce retour à la normale et dans le « monde normal » qui est impossible et qui signe le traumatisme. Plusieurs mécanismes psychiques se produisent entre le stress et le traumatisme : d’une part, les mécanismes de défense permettent au sujet de remettre à plus tard l’appréciation psychique de l’événement pour se consacrer à la défense de ses activités vitales ; d’autre part, le traumatisme entraîne une réévaluation du rapport à la réalité qui va elle-même retentir sur ses modalités et ses investissements. Une autre particularité est à souligner : la scène traumatique, mémorisée de façon intense et nette, va rester fonctionnelle en dépit du temps et des tentatives d’évitement. Cette immobilisation va entraîner des effets de renforcement. Mais il y a également l’impossibilité (le refus ?) d’intégrer dans l’ordinaire une situation hors du commun des mortels.

En résumé, la mémoire ne se limite pas à l’appareil psychique proprement dit. Elle peut concerner différents organes, appareils, systèmes. On peut parler de traumatisme à partir du moment où des manifestations pathologiques consécutives, psychologiques et somatiques, perdurent.

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Clinique psychanalytique

L’approche psychodynamique du traumatisme va bien au delà de la triade symptomatique du DSM: reviviscence, éveil et évitement. Certes le DSM a inclus dans sa quatrième version (1987) deux facteurs qui concernent la relation de la personne à l’événement traumatique : d’une part, le traumatisme intègre dans sa définition la notion de menace de l’intégrité physique (et pas seulement sa traduction réelle) et, d’autre part, il dépend d’un certain nombre de facteurs de » vulnérabilité qui font intervenir l’histoire et le contexte familial. Ainsi, l’étude de Breslau et al. (1991) a montré que le risque de développement de l’RSPT pouvait être lié à une séparation précoce des parents, une histoire familiale d’anxiété, de vision péjorative de l’existence et de dépression. Comme cela a été confirmé ensuite, l’histoire du traumatisme ne se réduit pas à celle qui se déroule après l’événement, elle intègre l’histoire familiale et sociale et la construction de la personnalité qui l’accompagne. Mais, dans le DSM-IV, rien ne concerne l’atteinte de la vie pulsionnelle, morale et sociale. Par ailleurs, cette classification ne prend pas en compte les traumas répétés et prolongés durant lesquels la victime reste sous le contrôle de son persécuteur.

L’approche de la psychanalyse est fonctionnelle et dimensionnelle. Ainsi, les troubles constituent-ils le degré extrême de l’expression d’un dysfonctionnement global du psychisme et leurs caractéristiques peuvent se retrouver à un degré moindre chez toute personne.

Ce dysfonctionnement peut relever de 3 ordres de causes différentes qui interagissent : développement (événements et interactions psychologiques de la première enfance), traumatisme, conflit intrapsychique. En fait les deux derniers facteurs, et le premier si le traumatisme a eu lieu au cours de l’enfance, se retrouvent chez les victimes de traumatismes. La rupture dans le développement psychologique peut s’exprimer sous la forme d’une altération de la représentation et de la différenciation de soi, retentissant sur la possibilité d’établir des relations d’objet de qualité, avec des conséquences en cascade.

D’autres éléments psychopathologiques ont été décrits par Horowitz (1976) sous la forme de 8 thèmes qui accompagnent un traumatisme sévère :

1) la peine ou la tristesse ;

2) la honte à propos de sa colère ou de ses pulsions agressives ;

3) la peur de devenir destructeur ;

4) la culpabilité de survivre ;

5) la peur d’être identifié comme victime ;

6) la honte de se ressentir désespéré et vide ; 7) la peur que l’on répète le traumatisme et

8) une colère intense envers la source du trauma.

On voit ici l’importance des conflits identificatoires et pulsionnels qui vont jusqu’à une auto-attribution du rôle de persécuteur.

Sivadon (1955), à partir du récit des rescapés des camps d’extermination qu’il avait suivis à leur retour (traumatismes extrêmes), décrit plusieurs phases : euphorie, puis lassitude intense après quelques semaines accompagnée de troubles du sommeil et de quelques troubles alimentaires, puis phénomènes d’intolérance sociale et de désintérêt : ils ne

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pouvaient plus supporter l’entourage familial et professionnel qui était le leur avant leur arrestation.

Tout cela pose les bases de ce que peut être une thérapie psychodynamique du traumatisme, avec ses différents registres et niveaux d’approche. Elle ne se réduit donc pas aux conséquences d’un événement isolé se produisant chez une personne jusque là indemne de toute pathologie psychique.

LES CONTRIBUTIONS CLINIQUES ET THEORIQUES DES PSYCHANALYSTES DE PREMIERE GENERATION

Freud

On peut distinguer chez Freud trois grandes approches du traumatisme :

1. la perspective quantitative et émotionnelle,

2. la perspective conflictuelle

3. La perspective narcissique, présentée dans les névroses traumatiques de guerre

La perspective quantitative, émotionnelle et les facteurs de contexte

Le terme « traumatique » n’y a pas d’autre sens qu’économique.

« Nous appelons ainsi une expérience vécue qui, en l’espace de peu de temps, apporte dans la vie psychique un tel surcroît d’excitation que sa liquidation2 ou son élaboration3 par les voies normales devient une tâche impossible, ce qui a pour effet des troubles durables dans l’utilisation de l’énergie. (Introduction à la psychanalyse, p 256-7)

La névrose pourrait être assimilée à une affection traumatique et s’expliquerait par l’incapacité où se trouve le malade de réagir normalement à un événement psychique d’un caractère affectif très prononcé. (Introduction à la psychanalyse, p 257). Dans la névrose traumatique, la maladie n’est pas vraiment déterminée par une blessure du corps, mais bien par une émotion : la frayeur, par un traumatisme psychique (Études sur l’hystérie, p 3)

Les névroses traumatiques sont, tout comme les névroses spontanées, fixées au moment de l’accident traumatique. Dans leurs rêves, les malades reproduisent régulièrement la situation traumatique. Dans l’hystérie, la crise correspond à un replacement dans la situation traumatique (Introduction à la psychanalyse 1917, p 256) (Études sur l’hystérie p 1).

Différents facteurs interviennent dans l’effet du traumatisme.

D’abord, la susceptibilité du sujet : un événement minime prend valeur déclenchante du fait de son faible degré de tolérance à toute excitation ou à telle excitation particulière, ou bien un événement d'une intensité objectivement exceptionnelle vient perturber brusquement

2 Liquidation : abréaction, réflexes volontaires ou involontaires allant des pleurs jusqu’à la

vengeance 3 Élaboration : intégration dans le grand complexe des associations (symbolique)

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l'équilibre du sujet. Mais certaines conditions particulières sont également susceptibles de favoriser la transformation d’un événement en traumatisme : sa nature même (perte d’un être aimé irremplaçable), un état hypnoïde au moment où il se produit, l’impossibilité sociale de réagir [émotion étouffée, Études sur l’hystérie], un conflit psychique empêchant d’intégrer la représentation, la réactualisation de traumas antérieur

La perspective conflictuelle

Elle est présentée très tôt par Freud, dès 1893 dans les Études sur l’hystérie et en 1895 dans le cas Emma (Esquisse, p 365). Ce cas est particulièrement intéressant car il fait bien apparaître la pluralité des événements (externe et interne pulsionnel) qui contribuent à constituer le traumatisme, ainsi que celle de ses temporalités. Trois temps sont en effet associés dans le symptôme de cette jeune fille :

- Le présent (hantise d’entrer seule dans une boutique, qui constitue le motif actuel de la consultation),

- Le passé proche (au moment où elle entre dans une boutique, âgée de 13 ans, deux vendeurs s’esclaffent et l’un deux lui plaît),

- Le passé lointain (âgée 8 ans, un épicier fait sur elle des attouchements sexuels, et malgré ce premier incident elle retourne le lendemain dans la boutique).

Ces attouchements n’ont pris leur signification sexuelle et constitué le traumatisme proprement dit qu’au moment de la puberté et à l’occasion d’associations entre le rire des vendeurs et celui de l’épicier, les boutiques et les vêtements. L’expression traumatique se situe au niveau de la crainte d’entrer seule dans une boutique, mais aussi de la honte qui l’accompagne associée à sa seconde visite chez l’épicier. Ce cas représente pour Freud un tableau typique du refoulement hystérique où le souvenir refoulé ne s’est transformé qu’après-coup en traumatisme

Dans les cas précédents, le traumatisme se référait à des événements refoulés, mais qui s’étaient produits réellement. A partir de 1920, le développement de la théorie structurale va donner naissance aux concepts des trois divisions fonctionnelles de l’esprit : le moi, le ça et le surmoi (Freud, Le Moi et le Ça) et accorder une place prédominante au fantasme, sans que toutefois l’existence possible d’un événement traumatique réel soit abandonnée. En fait, la dimension du fantasme est déjà présente dès les Études sur l’hystérie (chez E von R , c’est l’idée que son son beau frère soit « libre », plus que la mort de sa sœur qui fait traumatisme). La théorie s’est complexifiée et donne désormais toute sa place à l’imaginaire dans la perception et la signification données à la réalité, sans pour autant s’inscrire dans une approche idéaliste (issue de la pure pensée) de celle-ci. La place de l’expérience infantile se réduit au profit de celle de l’événement déclenchant (1915-1917). Le problème devient pour une part importante conflictuel. D’un point de vue technique, c’est la prise de conscience et l’interprétation du conflit qui deviennent la base de la résolution symptomatique, plutôt que la recherche du souvenir d’un événement réel

La perspective narcissique

Avec la survenue des névroses consécutives à la guerre (1914-1918), le traumatisme dans sa dimension d’impact direct (même s’il est différé) reprend de l’importance pour Freud. A propos de ces névroses traumatiques, il va adopter une position théorique sensiblement différente des précédentes. Certes, il évoque le problème du conflit entre moi pacifique et moi guerrier, mais il insiste également sur le fait que certaines névroses peuvent également

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survenir en temps de paix après un effroi ou des accidents graves, sans le moindre rapport avec un conflit du moi (Freud,1919). Cette affirmation mériterait sans doute d’être discutée, mais Freud veut surtout insister sur le fait que, dans ce cas, la névrose traumatique s'insère dans le groupe des névroses narcissiques (incluant également la demencia precox, la paranoia, la mélancolie). C'est le moi lui-même qui subit une effraction. Un moi, où l’énergie sexuelle (et l’intérêt qui va avec) s’est en quelque sorte repliée. Freud ajoute, sans que cela soit évident dans ce contexte, que l'on parle du danger menaçant la vie et pas assez clairement de la frustration d'amour (« refusement d’amour » dans la nouvelle traduction). En tout état de cause, « les névroses traumatiques sont, tout comme les névroses spontanées, fixées au moment de l'accident traumatique. Dans leurs rêves, les malades reproduisent régulièrement la situation traumatique ; et dans les cas accompagnés d'accès hystériformes accessibles à l'analyse, on constate que chaque accès correspond à, un replacement complet dans cette situation. On dirait que les malades n'en ont pas encore fini avec la situation traumatique, que celle-ci se dresse encore devant eux comme une tâche actuelle, urgente, et nous prenons cette conception tout à fait au sérieux : elle nous montre le chemin d'une conception pour ainsi dire économique des processus psychiques.." (Freud, Introduction à la psychanalyse p 256).

Les apports d’Abraham, Ferenczi et Rank

Dans Contribution à la psychanalyse des névroses de guerre , Abraham revient sur la place de l’inconscient et de la sexualité dans la réaction au traumatisme et le déclenchement de névroses. Pour les neurologues qui ont fait de grands pas du côté de la théorie psychanalytique, la réaction affective au danger et les bénéfices secondaires liés à la maladie (retrait du front, pension) suffiraient à expliquer la névrose traumatique. Plusieurs aspects sont envisagés, le premier étant celui où l’événement réel serait utilisé pour donner un ancrage à une souffrance beaucoup plus conceptuelle (par exemple une déception amoureuse ou une impuissance antérieure). Mais l’aspect le plus important serait celui d’une modification régressive au bénéfice du narcissisme. La différence de réaction d’un sujet à un autre (que l’on aborderait aujourd’hui sous le terme de résilience) lui fait envisager une prédisposition individuelle qu’il situe dans une faiblesse du moi (appelée ici labilité) qui se traduit par une incapacité générale à régler les choses de la vie associée à une activité sexuelle diminuée. Cela rend ces sujets plus vulnérables aux conflits (être disposé à mourir ou encore plus à tuer, l’homosexualité, la séparation de leur femme dont la libido est totalement dépendante). Chez certains sujets, il se produit un effondrement, ces sujets n’ayant pu se maintenir jusqu’au traumatisme que par l’illusion narcissique de leur immortalité et de leur invulnérabilité. L’assurance narcissique cède devant le sentiment d’impuissance et la névrose se fait jour. Le traumatisme physique peut avoir aussi comme conséquence une mutilation qui va représenter, elle aussi, une blessure narcissique

Le texte de Ferenczi « Psychanalyse des névroses de guerre », est particulièrement intéressant à propos du débat entre « neurologues » et « psychistes ». On y retrouve des questions et des formulations qui n’ont rien perdu de leur actualité.

Pour certains neurologues (car il existe alors une frange d’entre eux qui sont très proches des thèses de Freud), l’origine des troubles traumatiques se situe clairement du côté des conséquences physiques de l’événement traumatique (neuro-anatomiques ou neurophysiologiques). L’un d’entre eux, Lillenstein, exige même catégoriquement la suppression dans le vocabulaire médical des termes et des notions de "psychisme", de "fonctionnel", de "psychique et surtout de "psychogène", suivant le principe que les progrès de la technique anatomique permettront certainement de découvrir un jour les bases matérielles des névroses. Il faut toutefois remarquer que certains des facteurs cités gardent une certaine actualité dans la mesure où on les aborde sous un angle fonctionnel. Ainsi, on peut effectivement aborder certaines conséquences du stress comme la manifestation de

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circuits dissociés, à défaut de connexions rompues comme le concevait Oppenheim dans le sens d’une impossibilité de fixation des souvenirs sous la forme d’une mémoire narrative relativement « dépassionnée ». De même, l’idée de Freund et Sachs d’une hyperexcitabilité neuronale (pour laquelle on soulignerait aujourd’hui le rôle de l’amygdale qui semble avoir le pouvoir de déceler les stimuli menaçants et d’être une sorte de relais émotionnel) n’est pas absurde.

Et le « traumatisme de la naissance » ? S’appuyant sur les travaux de Rank, Freud en fait le prototype de l’état d’angoisse. Il est présenté comme un stress intense durant lequel

« Se trouvent réunies toutes les sensations de peine, toutes les tendances de décharge et toutes les sensations corporelles dont l'ensemble est devenu comme le prototype de l'effet produit par un danger grave …. C'est l'augmentation énorme de l'irritation consécutive à l'interruption du renouvellement du sang (de la respiration interne) qui est alors la cause de la sensation d'angoisse : la première angoisse est donc de nature toxique ».

L’angoisse signal (la petite angoisse) est une façon de préparer le psychisme et de lui éviter d’être débordé par cet état de débordement et de bouleversement total. Le signal est celui du traumatisme potentiel, qu’il vienne du dehors ou du dedans sous la forme d’une excitation pulsionnelle

Il s’avère donc que, durant cette première période de la psychanalyse, on ne peut pas parler de plusieurs théories du trauma. Il s’agit plutôt de plusieurs niveaux d’approche et de plusieurs temporalités définissant des complexités différentes. Les actualisations spécifiques de ces niveaux restent possibles, même si le système est très « évolué » ce qui explique que la double dimension quantitative et qualitative d’un événement puissent agir de façon primaire, en dehors d’une construction fantasmatique secondaire, dans l’impact traumatique. Freud précise que dans ces cas le tableau symptomatique se caractérise « par des signes très prononcés de souffrance subjective pouvant évoquer la mélancolie et par les marques d’un affaiblissement et d’une perturbation bien plus généralisées des fonctions psychiques » . Dans ce cadre, une interprétation transformant le traumatisme en expression d’un désir inconscient est non seulement inadaptée, mais tout à fait déplacée et peut fermer toute relation thérapeutique. Dans une situation inverse où le registre conflictuel lié au fantasme est présent, l’événement impliqué relativement extérieur à la personne ou « anodin » pour autrui, la dimension conflictuelle et fantasmatique est à explorer particulièrement.

RELATIONS INTERSUBJECTIVES ET TRAUMATISMES

A Freud, D. Burlingham et R Spitz, les séparations précoces et leurs conséquences

Les travaux d’Anna Freud sur les effets traumatiques des ruptures familiales durant la seconde guerre mondiale (A Freud et D. Burlingham, 1943, 1944), puis ceux de Spitz sur la dépression anaclitique du nourrisson en cas de carence affective partielle et l’hospitalisme en cas de carence affective totale (1968) sont toujours d’une grande actualité. En effet, leur connaissance éclaire le rapport possible de troubles profonds de l’investissement vital, des relations interpersonnelles et de leur nature, ainsi que de conduites narcissiques avec la carence affective et Les séparations précoces. La dépression anaclitique a été décrite par Spitz chez des enfants suivis en pouponnière dont la particularité était qu’ils avaient tous été privés entre le sixième et huitième mois de leur mère, pour une période pratiquement ininterrompue de trois mois. Cette séparation avait été causée par des circonstances administratives

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inévitables alors qu’au préalable la mère s’était occupée entièrement de son enfant :

« Dans l'ensemble, les nourrissons de cette Pouponnière avaient des relations bonnes et normales avec leur mère pendant les six premiers mois et faisaient de bons progrès. Néanmoins pendant la seconde partie de leur première année, certains d'entre eux adoptèrent un comportement pleurnicheur qui contrastait violemment avec leur comportement antérieur, heureux et extraverti. Après quelque temps, les pleurnicheries firent place au retrait. Ces enfants restaient couchés sur le ventre dans leurs berceaux, détournant la tête et refusant de prendre part à la vie de leur entourage. Lorsque nous nous en approchions, ils nous ignoraient le plus souvent bien que nous fussions suivis par le regard interrogateur de l'un ou l'autre. Lorsque nos avances devenaient insistantes, ils se mettaient à pleurer et parfois à hurler (p 207).

Ce syndrome, qui durait environ trois mois, était accompagné chez certains enfants d’insomnie et d’une propension accrue aux affections respiratoires. Leur développement s’interrompait puis déclinait. Les pleurs cessaient et étaient remplacés par une espèce de rigidité glacée de l’expression. Les enfants restaient étendus ou assis, le vidage immobile et glacé, ouvrant des yeux perdus dans le vague et dépourvus de leur capacité d’expression. Établir un contact à ce stade devenait de plus en plus difficile et finalement impossible. Chez d’autres enfants chez lesquels les soignants arrivaient à vaincre cette attitude de retrait total, survenait un attachement désespéré à l’adulte

Associant ce syndrome à la séquence des symptômes succédant à un stress prolongé selon la description de Selye, Spitz remarque que les dépressions les plus graves surviennent chez les enfants dont la relation avec la mère a été la meilleure. Sur 123 enfants, pas un seul dont les relations étaient manifestement mauvaises avec sa mère n’a présenté de dépression anaclitique. Spitz ne limite pas l’évolution du tableau de ces enfants à un désinvestissement progressif d’une réalité qui ne leur a pas fourni les nourritures affectives dont ils ont besoin. Le désinvestissement libidinal priverait également l’enfant de sa possibilité d’exprimer ses pulsions agressives vis à vis d’autrui. Celles-ci se retourneraient alors contre lui, puis elles disparaîtraient même, la seule énergie restante étant celle de la survie dans le marasme. Cette hypothèse trouve un argument fort dans la disparition de l’agressivité après un certain temps de séparation et sa réapparition après le retour de la mère, signalant une normalisation relationnelle

Les troubles des relations objectales précoces par carence laissent au mieux une vulnérabilité prédisposant au déclenchement de troubles. Ils posent également un problème par rapport au transfert. La carence s’est située à une étape préverbale et il est prévisible que le travail psychothérapique va devoir envisager le transfert d’une toute autre manière qu’avec les névrosés. Le maniement de tels transferts atypiques est extrêmement difficile et nécessite des modifications techniques. Ce qui a manqué aux relations objectales « de substitution » du patient devrait lui être fourni par le thérapeute (Spitz, p 228), sans pour autant tomber dans le mythe d’une relation simulant les rapports mère-enfant, mais en privilégiant ce qui constitue les bases de la capacité d’investir l’autre et de s’investir

Alexander, le conflit biologique associé au conflit psychique

Avec F. Alexander (1952) l’approche s’enrichit d’un niveau complémentaire, celui du conflit potentiel entre la conduite biologique « naturelle » de la personne sollicitée par l’environnement (l’agression ou la fuite), et sa possibilité de l’adopter en fonction des contraintes sociales. L’adaptation biologique va s’épuiser lorsque « les symptômes végétatifs qui résultent d’une excitation persistante du sympathique ne disparaissent pas, car la réaction de lutte ou de fuite ne s’est pas produite dans le comportement volontaire ». Plus

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précisément, cette situation se produira « lorsque l’expression des tendances agressives hostiles agressives (lutte ou fuite) est bloquée et ne se traduit pas dans le comportement manifeste » ou « quand les tendances à la dépendance et à la recherche d’appui sont bloquées ». Autrement dit, il se produit un écart entre ce que la tendance et le comportement biologique qui l’accompagne se préparent à faire (se battre, fuir et ou régresser), et la conduite sociale que la personne se trouve obligée d’adopter (ne pas pouvoir se déplacer pour s’extraire de la situation ou au contraire manifester son activité). L’organisme se trouve alors soumis à deux ordres contradictoires qui dépassent le niveau purement psychique et impliquent directement les fonctions concernées. Deux grands types de conduites sont ainsi présentés : actif/agressif et passif/dépendant, auxquels correspondent des types de réactions biologiques différentes. La théorie d’Alexander pose le problème de la répression des mouvement émotionnels et de leurs conséquences au niveau des expressions somatiques, et quelque fois psychopathologiques par des défenses projectives. Ainsi, ajoute Alexander « surgit une situation embarrassante : le malade va mieux au niveau de son ulcère, mais il se met à manifester des tendances paranoïdes dans ses relations interpersonnelles ». On pourrait aussi situer ici certaines manifestations de honte qui paraissent directement reliées au fait de ne pas avoir réussi à agresser son agresseur.

Bowlby, l’interaction comme comportement vital, ses perturbations comme base d’un état traumatique

Bowlby (1969) a décrit un système de réponse émotionnelle et comportementale qu’il a nommé « système d’attachement ». Les réponses parentales aux sollicitations de l’enfant servent à la fois à amplifier et à renforcer l’état émotionnel positif de l’enfant, et à atténuer ses états émotionnels négatifs en lui donnant une protection sécurisante quand ils apparaissent. Ces expériences répétées sont encodées dans la mémoire procédurale (mémoire inconsciente d’enchaînements d’actions) comme des prévisions qui aident l’enfant à se sentir en sécurité. Mais la situation inverse existe où le comportement de ses proches peut être tout à fait imprévisible. Par exemple, le parent va brutalement jeter un verre sur son enfant qui est en train de manger, un frère va venir donner un coup ou renverser une construction que l’enfant réalise patiemment en rêvant. Cette insécurité, souvent accompagnée d’un sentiment de colère refoulée et d’impuissance, va retentir sur les relations interpersonnelles.

S’appuyant sur les travaux de théoriciens psychodynamiques tels que Sullivan (1953) et Horney (1945), de théoriciens interpersonnels tels que Leary (1957), et des théoriciens de l’école des relations d’objet (Greenberg & Mitchell, 1983), Horowitz et al. (1993) ont étudié les dynamiques interpersonnelles qui conduisent les sujets à mettre en acte des conduites interpersonnelles inadaptées. Ce caractère inapproprié de la conduite est sous-tendu par un effort de maintenir un lien psychologique à une figure d’attachement précoce avec laquelle la relation a pu être tout à fait pathologique. Bien que les conduites inadaptées de relation soient souvent vécues comme une souffrance, les efforts défensifs pour éviter l’anxiété et protéger l’image de soi conduisent la personne à les répéter. Un traitement psychodynamique offre des voies d’identification des problèmes interpersonnels, de clarification du conflit, et d’aide de la personne à faire l’expérience d’autres comportements. A partir du moment où les comportements interpersonnels constituent souvent le composant le plus observable, descriptible et vérifiable du processus, les traitements psychodynamiques commencent souvent par une exploration des problèmes interpersonnels.

Encore davantage que le transfert de dépendance où s’exprime le besoin d’être protégé et guidé, le transfert d’attachement peut constituer l’ancrage d’une interaction émotionnelle et d’un espace de pensée sécurisée et accompagnée. Dans ce contexte, une interprétation ayant soulagé la détresse du patient lui redonnera confiance.

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L’INTERGENERATIONNEL

Différents travaux, dont ceux de S Lebovici, JM Thurin et R Yehuda ont montré comment les traumatismes et les carences pouvaient se transmettre d’une génération à l’autre. Ainsi, dans un entretien de l’Aube de la vie, on voit un père exprimer son impossibilité de prendre sa petite fille dans ses bras, comme s’il y avait un écran qui l’en empêchait. Ce père a perdu dans des conditions dramatiques un autre enfant et il apparaît bien que ce drame s’est maintenu chez lui dans une impossibilité de s’attacher de nouveau. Thurin présente, à partir d’entretiens psychanalytiques, comment une femme qui a perdu sa mère a supprimé de son vocabulaire tous les mots affectifs et en particulier celui de « maman » qui la nommerait pour ses enfants. Yehuda a décrit comment les enfants des survivants de la Shoa manifestaient une plus grande prévalence de troubles post traumatiques, ainsi que d’autres types de troubles psychopathologiques qu’une population comparable. L’hypothèse est que la qualité des liens peut être profondément modifiée lorsque l’un ou les deux parents souffrent d’état de stress traumatique chronique, produisant une cascade comportementale qui peut se répercuter sous forme de traumatisme ou de vulnérabilité traumatique chez leurs enfants (notamment par une réduction de l’activité cortisolique modérant l’activité sympathique d’éveil).

LE TRAUMATISME DU DEUIL, ENTRE SYMBOLIQUE ET REEL

Dès les Études sur l’hystérie (1895), Freud décrit les reviviscences associées au deuil :

« Peu après la mort du malade, commence chez elle le travail de reproduction qui lui ramène à nouveau devant les yeux les scènes de la maladie et de la mort. Chaque jour, elle passe à nouveau par chacune de ses impressions, elle en pleure, s’en console tout à loisir, pourrait-on dire » (p 129).

Dans Deuil et mélancolie (1915), il présente une approche psychanalytique du deuil centrée sur le conflit d’ambivalence

« Le deuil est la réaction à la perte d’une personne aimée ou d’une abstraction venue à sa place, comme la patrie, la liberté, un idéal, etc.” … “Le deuil {normal} est déclenché seulement par la perte réelle, la mort de l’objet”. “Dans le deuil normal, rien de ce qui concerne la perte n’est inconscient”.. Le deuil mélancolique concerne également la réaction à des situations de perte d’un objet aimé »

“[…] mais souvent, la perte est de nature plus idéelle. Le deuil mélancolique dépasse le cas bien clair de la perte par l’amour et englobe toutes les situations d’atteinte, disgrâce et déception par lesquelles peut s’inscrire dans la relation une opposition d’aimer et haïr et se renforcer une ambivalence déjà présente”. “A la limite, le sujet peut ne pas savoir ce qu’il a perdu” [perte d’objet soustraite à la conscience].

Lorsqu’il est précoce, le deuil est susceptible de produire une rupture du développement des relations d’objet et de la mentalisation qui vont se répercuter dans les relations interpersonnelles et plus généralement à la réalité (Thurin, 1997,1993). Alors que dans le deuil mélancolique, la relation à l’autre est idéelle, identificatoire et ambivalente, dans le deuil « psychosomatique » la relation “objectale” reste très indifférenciée, syncrétique et dépendante, directement liée au qualités réelles de l’objet. Plus que de manque, il s’agit ici de vide ressenti, d’effondrement et de vécu d’impuissance totale. Dans ce cas, le processus thérapeutique inclut, avant tout abord des qualités de l’objet et de l’ambivalence qui peut le concerner, une restauration du narcissisme de base. La réouverture du champ affectif dans le rapport présence-absence conduit à un réinvestissement progressif de la réalité dont la vie peut se renouer à celle de la personne.

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LES TRAUMATISMES DURABLES ET EXTREMES, LEURS CONSEQUENCES

Krystal, l’altération du signal émotif et l’alexithymie

A partir de ses recherches à partir des survivants des persécutions Nazi, Krystal (1968) décrit un handicap dans l'expression et la tolérance des affects liés au trauma psychique. Il note une haute prévalence des troubles psychosomatiques à la fois chez les survivants des camps de concentration et chez ceux qui ont été le plus exposés à la guerre. De la même façon que la plupart des patients psychosomatiques, ces personnes souffrent également d'alexithymie – c’est-à-dire d’une incapacité d'identifer ou de verbaliser les états affectifs. Dans la perspective de Krystal, le traumatisme psychique s'inscrit chez l’enfant comme une interruption du développement affectif, tandis que chez l'adulte il conduit à une régression de son développement. Le résultat final dans les deux cas est que les survivants du trauma ne peuvent utiliser les affects comme signaux. Comme toute émotion forte est perçue comme une menace de retour du traumatisme original, ces patients somatisent leurs affects ou abusent de médicaments. Krystal a également observé que dans les états post-traumatiques, ces personnes peuvent éprouver des difficultés à se soigner et à s'occuper d'eux. Ils ne peuvent plus se détendre et se calmer pour pouvoir s'endormir naturellement.

Du fait de la dissociation psychosomatique, la question de la narration du trauma est délicate. En effet, le risque est que l'expression soit somatique alors que la narration reste incluse dans le champ de la répression émotionnelle.

Horowitz, les trois phases de la réaction traumatique

Horowitz a distingué différents types de réactions et de mécanismes de défense correspondant à trois phases.

1. La première est marquée par des épisodes de panique, de fatigue, de dissociation, parfois par une réaction psychotique. Elle peut se poursuivre par un évitement pathologique (suicide, drogue, contraphobique), une réaction de stress retardée, une dépression, une réaction post-traumatique prolongée.

2. La seconde est marquée par une réaction psychosomatique, des conduites et comportements inadaptés.

3. La troisième phase s’exprime dans un trouble de personnalité ou une constriction des affects.

Herman, l’état de stress post-traumatique complexe

Le diagnostic d’état de stress post-traumatique décrit précisément les symptômes qui apparaissent quand une personne fait l’expérience de traumatismes de courte durée. Par exemple, les accidents de voiture, les désastres naturels, le viol sont considérés comme des traumatismes de ce type. Cependant, il existe également des traumatismes chroniques qui vont se perpétuer pendant des mois et des années. La clinique comme la recherche ont montré que le diagnostic d’ESPT ne prend pas en compte la blessure psychologique profonde qui se produit avec de tels traumatismes prolongés et répétés. C’est ainsi que des personnes en bonne santé qui vivent un traumatisme chronique peuvent éprouver une transformation de la représentation de soi et de la façon de s’adapter à des événements traumatiques. Parmi ces « traumatismes complexes » (Herman, 1992), on place les situations qui se caractérisent par le fait qu’une personne est sous le contrôle de quelqu’un qui la traumatise et est incapable de s’extraire de cette situation. On place dans ce cadre les camps de concentration, mais

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également les maisons de prostitution, la violence domestique durable, l’abus physique prolongé et nous y ajouterons les situation de négligence, de délaissement et de violence psychologique durant l’enfance. En plus de ce caractère de (a) coercition prolongée et abusive, Herman a défini 6 autres critères qui caractérisent le trouble : (b) altérations de la régulation de l’affect ; (c) modifications de l’état de conscience, notamment états de dépersonnalisation et de rupture de la réalité ; (d) altérations de la perception de soi ; (e) modifications de la perception du trauma / de l’agresseur ; (f) modifications des relations avec les autres et (g) modification des systèmes de signification.

Les relations entre état de stress post-traumatique et personnalité borderline

L’état de stress post-traumatique est devenu un diagnostic officiel avec son apparition dans le DSM-III en 1980, à la suite de la guerre du Vietnam. La personnalité borderline a été incluse dans l’axe II du DSM-III comme un type d’organisation de la personnalité, alors qu’elle était déjà largement utilisée par les psychanalystes dans leurs descriptions cliniques (Gunderson et Sabo, 1993). Dès 1938, A Stern notait que « la cruauté existante, la négligence et la brutalité durable des parents » constituaient des facteurs qui se retrouvaient chez ces patients. Browne et al (1986) soulignaient que les victimes d’abus sexuel présentaient une constellation de symptômes que l’on retrouvait dans la personnalité borderline, à savoir la dépression, l’addiction, la revictimisation et l’auto-destruction. L’interface entre trouble de la personnalité borderline et ESPT a pris de l’importance à la fois du fait du chevauchement de leurs définitions, de ce que Herman et van der Kolk ont insisté sur le rôle du traumatisme de l’enfance dans la formation de la psychopathologie borderline (ce qui a été confirmé par de nombreuses études, p.e, Breslau et al. 1991), et de la communauté d’une partie au moins de leurs traits cliniques. La question de leur chevauchement, voir de leur identité d’un point de vue causal s’est trouvée ainsi posée.

Finalement deux éléments majeurs distinguent l’état de stress post-traumatique « simple » du trouble de la personnalité borderline comme conséquence d’un traumatisme antérieur. Le premier est que les traumatismes de l’enfance suivent une évolution sensiblement différente de celle des adultes du double fait qu’ils surviennent à une phase du développement où l’enfant ne dispose pas des mêmes capacités de réponse et d’élaboration que l’adulte, et qu’il peut se trouver durablement sous la dépendance directe de l’abuseur. Le soutien qu’il peut recevoir de l’entourage est ainsi souvent tout à fait compromis alors même que ses mécanismes de défense et d’adaptation sont restreints et immatures. Les relations d’objet et la représentation de soi se trouvent alors très gravement perturbées et s’inscrivent à la fois dans une souffrance du rapport aux autres et une vulnérabilité par rapport aux relations qui pourraient se développer. Par ailleurs, ces personnes vont être extrêmement sensibles à certaines situations ou stimuli. Par exemple, une patiente ayant vécu toute une série de maltraitances durant l’enfance, est littéralement terrorisée dès qu’elle entend quelqu’un crier, même si cela se passe dans un appartement distant et que son propre appartement est bien fermé ; dans ses relations professionnelles, elle évite tout affrontement, recherchant la détente et une scène différente dans l’alcool en rentrant le soir chez elle. Telle autre répète des cauchemars d’intrusion de son espace personnel (appartement, voiture).Les modalités de relation initiale ont ainsi envahi la structure même des représentations de la réalité et des relations interpersonnelles.

Le second aspect concerne la structuration des relations sur le mode attachement-peur. Paradoxalement, la nature pathologique des relations précoces renforce l’attachement de l’enfant à son entourage alors que le monde « extérieur » est vécu comme dangereux. Mais cet attachement n’apporte aucune sécurité de fond car l’attente de signes de reconnaissance et d’amour n’est pratiquement jamais honorée par le maltraitant. Ainsi, un vécu traumatique peut se constituer à travers une multitude de micro traumas et atteintes de la personnalité de

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l’enfant, d’insultes, d’humiliations ou de manifestations d’insignifiance qui vont a contrario des attentes de l’enfant d’être apprécié et reconnu. Telle mère répète inlassablement à sa fille qu’elle ne l’aime pas, qu’elle n’est pas et ne sera jamais sa fille, tel père ne lui adresse pas la parole. Il est tout à fait possible que, dans ce cas comme dans d’autres, le vécu psychologique soit associé à des perturbations de l’axe de stress qui vont s’exprimer dans une hyper vigilance aux signes de l’autre, vont produire des réactions psychologiques et de défense violentes et passagères, la dimension de la pensée et de l’espace psychique « tampon » étant neutralisés.

En résumé, les traumatismes durables et extrêmes sont susceptibles de produire des troubles graves de la personnalité (en particulier, troubles borderline), de la régulation émotionnelle, de la perception de soi (avec fréquemment un sentiment d’impuissance, de honte, de culpabilité et d’être complètement différent des autres, des épisodes de dissociation) dont une des expressions majeure sera un trouble de la relation à soi et aux autres. Celui-ci s’exprime d’emblée dans le transfert et rendent les débuts de thérapie particulièrement délicats.

LES TRAITEMENTS

Le traitement psychodynamique de l’état de stress post-traumatique

Horowitz a été l’un des premiers auteurs à observer que les victimes de traumatisme alternent entre le déni de l’événement et sa répétition compulsive à travers des flashbacks et ou des cauchemars. Il considère ainsi que l’esprit tente de gérer et d’organiser les stimuli qui le débordent. Sur cette base, il a développé une psychothérapie psychodynamique brève de l’état de stress post-traumatique. Le but de cette thérapie est limité à la résolution des conflits intrapsychiques résultant de l’expérience traumatique. Le thérapeute y joue un rôle actif. Cette psychothérapie ne vise pas des modifications profondes de la personnalité, mais l’interruption des troubles actuels. L’efficacité de cette thérapie a été évaluée dans l’étude de Brom et al (1989).

Dans une mise à jour récente, Horowitz propose devant un tableau intrusif qui perdure une approche multimodale avec

§ Au niveau biologique, le soutien du patient pour qu’il améliore sa nutrition, prenne davantage de repos et éventuellement recoure à la prise d’un médicament. Il est important que la personne sente qu’il est normal qu’elle se repose ou change d’activité pendant une période de récupération.

§ Au niveau psychosocial, les mesures de soutien incluent des recommandations de structuration du temps, la recherche d’appui de proches et une incitation à fréquenter des groupes de discussion et de partage d’expérience. Il existe tout un ensemble de techniques de relaxation qui peuvent être utiles, depuis les exercices de respiration profonde jusqu’à une relaxation musculaire systématique ou d’autres pratiques telles que le Tai Chi, le yoga et la méditation. La musique, l’art, la danse, la comédie, la littérature, la marche et le sport peuvent fournir des moments de détente. A cela s’ajoutent un ensemble de conseils tels que :

- donner à la personne quelque chose à faire pour les autres qui soit susceptible de lui donner un sentiment de compétence et d’estime de soi ;

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- lui expliquer que la durée des symptômes sera d’autant plus longue que le traumatisme a été plus important ;

- aborder ses conditions de sommeil et ne pas craindre de lui conseiller de laisser la lumière allumée ou de dormir avec un animal domestique.

§ Avec l’entourage, il s’agit à la fois de gérer le besoin de la personne de raconter et encore raconter son traumatisme, mais aussi le risque d’un abandon secondaire de l’entourage épuisé par ces récits multiples. Il est important également de lui expliquer qu’il faut éviter de proposer des solutions, des investigations ou des interprétations non sollicitées dans le but de se sentir utile.

§ Au niveau psychologique, le soutien s’exprime dans une relation thérapeutique qui permet d’écouter soigneusement l’histoire de l’événement stressant dans un cadre de sécurité relative. Même si ce récit a eu lieu antérieurement, il s’est déroulé dans des conditions moins calmes que celles de la thérapie.

Le thérapeute doit être attentif à ses propres réactions en écoutant le récit du trauma (fascination ou réponses de partage d’expérience) et réactions émotionnelles de contre-tranfert. (essentiellement la colère, la peur, la honte, le sentiment d’impuissance de pouvoir aider l’autre, les sentiments d’horreur et de répulsion). Un aspect de son travail est de différencier le fantasme et de la réalité (par exemple, « je savais que cela devait m’arriver un jour et je m’attendais à ce que cela se passe de la sorte « ).

D’autre part, très souvent, le récit conduit au rappel de toute un cascade d’événements où tout est initialement mélangé. Une clarification des causes et des effets qui sont impliqués, l’exploration de leur signification et des conflits associés font partie de la thérapie. La communication des possibilités thérapeutiques, l’information sur les livres et les sites existants participent à au sentiment de sécurité. Le patient retrouve l’espoir de guérir en percevant l’empathie, l’expertise des réponses et au cours des discussions ouvrant la possibilité de bénéfices thérapeutiques potentiels.

La psychothérapie psychodynamique brève du deuil

Horowitz et al. (1984) ont établi les bases d’une psychothérapie brève du deuil. Ses principes fondamentaux sont ceux qu’ont définis Malan et Sifneos pour établir une relation de confiance et aborder, clarifier, interpréter les conflits, conscients et inconscients, qui entravent la maîtrise des activités de la vie. Cela inclut l’interprétation de la relation triangulaire entre le but des pulsions, la menace que représente l’idée de les atteindre et les défenses. Cela concerne également l’interprétation des conflits dans les relations interpersonnelles, telles qu’ils se sont développés dans le passé et se manifestent comme des configurations inadaptées récurrentes dans le présent..

La psychothérapie brève du deuil implique une approche de ses implications sur la représentation de soi et la réduction de la détresse, en construisant un processus de deuil normal plutôt que pathologique. Le processus comprend l’exploration des représentations passées, présentes et futures avec la personne décédée et l’utilisation de ces formes de relation avec d’autres, incluant le thérapeute.

Les thèmes activés par le deuil sont également explorés, avec une attention particulière portée sur la clarification et l’interprétation des différences entre le fantasme et l’appréhension réaliste des implications actuelles de la mort. Cela inclut l’analyse des multiples représentations de soi et des relations avec les autres qui peuvent être activées

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pendant le deuil et dans la perspective du futur. Accompagnant ce processus, l’abréaction, la catharsis, l’interprétation des mécanismes modes de défense, la confrontation avec les résistances actuelles, l’interprétation d’idées et d’émotions rejetées sont utilisées comme techniques thérapeutiques.

La psychothérapie psychodynamique des états-limites

La situation de base est celle d’une dépression qui n’est pas vraiment exprimée. Elle apparaît plutôt comme un détachement, un arasement qui peut se muer en manifestations affectives violentes, en conduites auto-agressives, voire en mutilations. Il existe comme un décalage des réalités, avec une position d'extériorité par rapport au monde qui rejoint celle de spectateur alternant avec un repli dans un monde interne: la réalité s'est réduite et condensée alors qu'à l'extérieur "le boulanger continue à faire son pain, les autobus circulent … ".

Différentes questions se posent : celle du cadre et, celui ci instauré, du degré de présence et d’activité , bref de « soutien » qu’il faut manifester. La protection de la personne et son engagement dans une relation de confiance qui permette de réorienter le processus vers une construction plutôt que vers une série d’évitements et de passages à l’acte constituent le fil rouge.

Adler (1989) a récapitulé les principales démarches psychothérapiques des états limites, selon leurs auteurs.

Waldinger et Gunderson (1987, in Adler) ont insisté sur le fait que le traitement intensif de patients avec troubles de la personnalité borderline doit répondre à un certain nombre d’éléments qui incluent :

- Un cadre de travail stable qui définit les bases de la mise en place du traitement

- Une plus grande activité du thérapeute que celle qui est habituelle avec des patients névrosés à cause de la réalité du borderline de tester les problèmes, sa tendance à projeter et à distordre, et son sens tenu de la présence du thérapeute ;

- La tolérance du transfert négatif ;

- L’aide du patient à faire des connexions entre ses actions et ses sentiments ;

- La réduction de la gratification des comportement d’auto agression non gratifiants, par la clarification et la confrontation ;

- Le blocage des comportements d’acting-out du patient en situant des limites aux actions qui mettent en danger sa personne ou la thérapie ; L

- La clarification et l’interprétation du transfert dans l“ici et maintenant” durant les phases précoces du traitement quand des interprétations “génétiques” (c’est-à-dire celles qui définissent des facteurs environnementaux précoces) peuvent être désorganisatrices ;

- L’importance des sensations perçues de contre transfert dans le travail avec ces patients.

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En insistant sur le concept de clivage, Kernberg définit une compréhension de ses patients suivant laquelle la base conflictuelle de leur psychopathologie est centrale. Leurs conflits se reflètent dans les défenses primitives qu’ils utilisent pour mettre à l’écart leur intense colère et ses prolongements. Kernberg voit la difficulté majeure des patients présentant une organisation de la personnalité borderline dans leur incapacité à mettre ensemble des représentations positives de soi et des objets, avec celles auxquelles sont associés des affects négatifs. Cette constellation négative est une manifestation de leur incapacité à tolérer l’ambivalence par rapport à une personne, ou un environnement qui ne les a pas aidés à intégrer les représentations libidinales et agressives de soi et de l’objet.

Le résultat de ce processus de clivage a de profondes implications cliniques. Ces parties relativement non réprimées et dissociées deviennent pratiquement et prématurément activées dans le transfert, conduisant aux manifestations bien connues de transfert et de contre-transfert qui font partie de l’expérience du traitement des patients borderline. L’insistance débordante de composants agressifs entraîne l’intensification du processus de clivage, avec une identification projective comme défense majeure associée, et l’accroissement de la tendance à mettre en acte ces conflits primitifs. Le contrôle de ces mises en acte du transfert devient une tâche majeure, à partir de l’analyse du transfert, au niveau où c’est possible, c’est le coeur du travail de Kernberg.

Dans son traitement de ces patients, Kernberg (Clarkin, Yeomans et Kernberg, 1999) insiste sur trois facteurs : l’interprétation, le maintien de la neutralité et l’analyse du transfert. Kernberg précise que la neutralité technique ne signifie pas absence d’empathie. Il insiste sur la capacité du thérapeute de maintenir cette neutralité face aux assauts verbaux régressifs de colère. En plus, le potentiel du patient d’agir menace cette neutralité technique. Bien que le thérapeute puisse être sollicité de sortir de sa neutralité à de tels moments, le but est d’y revenir aussi rapidement que possible.

En travaillant avec les questions de solitude qui occupent la première phase du traitement, Adler et Buie mettent l’accent sur l’expérience du thérapeute et du patient de survivre à la rage du patient. Dépendant pour une part de la capacité du thérapeute de “contenir” les projections, l’identification projective peut être constructive, et conduire à l’internalisation de nouvelles structures plutôt qu’à une répétition destructive d’expériences de l’enfance. Le résultat, qui peut prendre plusieurs mois, est le développement d’un cadre et d’introjections apaisantes.

A ce stade, le patient est entré dans la partie du continuum qui va du trouble de la personnalité borderline au trouble narcissique qui permet de gérer les questions de la mauvaiseté et de l’incomplétude, plutôt que les problèmes du borderline de solitude et d’annihilation. Dans la phase suivante du traitement, Adler et Buie utilisent le cadre de travail de Kohut (1971), qui examine les transferts de self qui se produisent avec les troubles de la personnalité narcissique. Ils définissent le patient dans cette phase comme quelqu’un qui tend à idéaliser les capacités de contenance et d’apaisement de la relative stabilité du thérapeute expérimenté. Cette idéalisation est suivie d’une confrontation à la réalité des limites du thérapeute.

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Dans la phase finale du traitement, les structures sont consolidées. Le patient développe des valeurs et une confiance de ses valeurs et de ses capacités. Une expérience importante durant cette phase finale est le processus de validation ; celui-ci répond à un besoin de reconnaissance qui lui permet de faire de ses acquisitions une partie permanente de lui-même.

En résumé, ces différentes techniques, qui ont fait l’objet d’une évaluation positive (Thurin, 2004, www.techniques-psychotherapiques.org/resultats ) visent à réaliser un véritable travail sur le traumatisme, mais aussi et surtout à permettre au sujet de se représenter et de se concevoir dans ses rapports à l’autre autrement que dans la survie et la destruction. Il s’agit d’une (re)construction qui fait intervenir des objets intermédiaires, souvent artistiques, mais aussi des réalisations humaines qui conduisent le sujet à s’accepter et donc à renouer des relations « ordinaires » avec les autres.

Pour conclure, la psychothérapie psychanalytique du traumatisme repose sur un siècle de travaux qui ont porté à la fois sur les traumas « accidentels « (sexuels et autres, parmi lesquels le deuil), les situations de guerre et les carences et maltraitances de l’enfance. Ces dernières ce caractérisent par leurs conséquences durables sur les investissements, l’expression émotive, la symbolisation et les relations interpersonnelles. Il en résulte que la psychothérapie de chaque cas prend en compte non seulement la souffrance liée au traumatisme et son élaboration, mais également l’impact des traumatismes antérieurs (notamment sur le développement du moi), les conflits psychiques associés et leurs répercussions actuelles sur les relations interpersonnelles. Le transfert se trouve au centre de ce qui est souvent une réécriture de l’histoire individuelle et interpersonnelle dans un cadre plus sûr et plus ouvert. Les modalités techniques de la cure sont adaptées à ces conditions.

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Yehuda R, Halligan SL, Bierer LM. Cortisol levels in adult offspring of Holocaustsurvivors: relation to PTSD symptom severity in the parent and child. Psychoneuroendocrinology 27 (2002) 171–180

Mots d’index

A Freud

Abraham

Abréaction

Adaptation biologique

Adler

Affect

Affect, tolérance

Alexander

Alexithymie

Ambivalence

Angoisse signal

15:02- 9/02/14 - 20 -

Annihilation

Attachement

Auto-mutilation

Bowlby

Buie

Burlingham

Cadre psychothérapique

Catharsis

Champ affectif

Clarification

Clivage

Conflit, psychique

Conflit, psychobiologique

Confrontation

Construction(re), psychique

Contenance (attitude psychothérapique)

Contre-transfert

Culpabilité

Dépression anaclitique

Détachement

Deuil, processus

Dissociation

Emma, cas

Emotion

Empathie

Entourage, conseil

15:02- 9/02/14 - 21 -

Estime de soi

Evaluation

Fantasme

Ferenczi

Freud

Honte

Horowitz

Identification projective

Internalisation

Interprétation

Kernberg

Kohut

Krystal

Lexique individuel

Limites

Malan et Sifneos

Maltraitance

Mécanismes de défense

Mécanismes de défense, déni

Mémoire procédurale

Narcissisme

Narcissisme

Narration, du trauma

Névroses de guerre

Névroses narcissiques

Névroses traumatiques

15:02- 9/02/14 - 22 -

Position de spectateur

Problèmes interpersonnels

Psychanalyse, approche

Psychanalyse, théorie structurale

Rage, sentiment

Rank

Réaction psychosomatique

Relation d’objet

Relations objectales précoces

Rêve

Rêves, cauchemars

Sécurité/insécurité

Self

Séparation précoce

Sivadon

Soi, différenciation

Soi, représentation

Solitude, sentiment

Soutien

Spitz

Stress

Sujet, susceptibilité du

Thérapeute, activité du

Thérapeute, stabilité du

Transfert, atypique

Transfert, d’attachement

15:02- 9/02/14 - 23 -

Transfert, de dépendance

Transfert, interprétation du

Transfert, négatif

Traumatisme

Traumatisme complexe

Traumatisme psychique

Trouble de la personnalité

Trouble de la personnalité, borderline

Vécu d’impuissance

Waldinger et Gunderson

15:02- 9/02/14 - 24 -

LES PSYCHOTHERAPIES DYNAMIQUES INTERET, LIMITES, EVALUATION ............................. 1

LES BASES PSYCHANALYTIQUES DU TRAUMA ........................................................................ 2

Définitions réciproques du stress et du traumatisme .................................. 2

Clinique psychanalytique ................................................................................ 3

PREMIERES CONTRIBUTIONS CLINIQUES ET THEORIQUES DES PSYCHANALYSTES ................... 4

Freud ................................................................................................................. 4

La perspective quantitative, émotionnelle et les facteurs de contexte ......................... 4

La perspective conflictuelle .......................................................................................... 5

La perspective narcissique ........................................................................................... 5

Les apports d’Abraham, Ferenczi et Rank .................................................... 6

RELATIONS INTERSUBJECTIVES ET TRAUMATISMES ............................................................... 7

A Freud, D. Burlingham et R Spitz, les séparations précoces et leurs conséquences ....................................................................................................... 7

Alexander, le conflit biologique associé au conflit psychique .................... 8

Bowlby, l’interaction comme comportement vital, ses perturbations comme base d’un état traumatique ..................................................................... 9

L’intergénérationnel ....................................................................................... 10

Le traumatisme du deuil, entre symbolique et réel .................................... 10

LES TRAUMATISMES DURABLES ET EXTREMES, LEURS CONSEQUENCES ............................... 11

Krystal, l’altération du signal émotif et l’alexithymie ................................. 11

Horowitz, les trois phases de la réaction traumatique ............................... 11

Herman, l’état de stress post-traumatique complexe ................................ 11

Les relations entre état de stress post-traumatique et personnalité borderline ............................................................................................................. 12

LES TRAITEMENTS ............................................................................................................... 13

Le traitement psychodynamique de l’état de stress post-traumatique .... 13

La psychothérapie psychodynamique brève du deuil ............................... 14

La psychothérapie psychodynamique des états-limites ........................... 15

15:02- 9/02/14 - 25 -

REFERENCES BIBLIO ............................................................................................................ 17


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