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UNIVERSITE DE NANTES
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
Master 1 Science Politique de l'Europe
Année 2012-2013
Hilaire Morgane
Les maisons de Santé : un outil pour la régulation des pratiques médicales ?
L'exemple de la Vendée
Sous la direction de Clémence LEDOUX
Maître de conférence en Science politique
Jury :
Arnaud LECLERC, Professeur de Science politique
Clémence LEDOUX, Maître de Conférence en Science Politique
Je souhaiterais tout d'abord remercier Clémence Ledoux pour son aide et ses conseils
lors de l'élaboration de ce mémoire.
Je souhaiterais aussi remercier tous les intervenants qui ont accepté de répondre à mes
questions, et qui ont même, parfois, dépassé mes simples attentes en me donnant de nombreux
documents qui m'ont été d'une aide précieuse.
Je souhaiterais enfin remercier le docteur Thierry Petelet pour son implication dans
mon projet, et Melle Anaïs Rouhaud et Mr Pierre Rieu pour le soutien qu'ils m'ont apporté.
Ce Mémoire est dédié à Chloé Rosenzweig, amie et étudiante en médecine, afin de lui
souhaiter courage et persévérance durant ses examens de sixième année.
SOMMAIREPartie 1. La mobilisation de la notion de « maison de santé » par les autorités publiques pour encadrer l'organisation en groupe des professionnels de santé...................................................13
CHAPITRE 1 : L'émergence du problème de « désertification médicale »......................14I. La diversité des outils pour définir des zones prioritaires: ..................................14II. Une définition du problème engagée par le bas ? ..............................................17
CHAPITRE 2 : La notion de maison de santé créatrice d'enjeux pour les différents acteurs20I. Le projet de santé : ...............................................................................................20II. Le projet immobilier : .........................................................................................22III. Le lieu : .............................................................................................................24IV. Le statut juridique ..............................................................................................26
CHAPITRE 3 : réunir les acteurs autour de la mise en place de maisons de santé : un pilotage à distance.............................................................................................................28
I. Les jeunes médecins comme destinataires du projet de maison de santé.............28II. Multiplication des acteurs à chaque niveau du projet : l'engrenage de l'action...32
Partie 2 : la maison de santé, un outil préalable pour impulser une dynamique de régulation des pratiques médicales ....................................................................................................................39
CHAPITRE 1 : Le déploiement de l'action facilité par les politiques globales du territoire 39I. Les barrières du milieu rural :...............................................................................40II. L'opportunité de la Vendée : un département en pleine croissance économique 41III. Une régulation indirecte des pratiques médicales dans les territoire en carence ressources financières et techniques........................................................................43
CHAPITRE 2 : Le projet collectif de maison de santé, un instrument de l'action publique48I. La maison de santé comme instrument de mobilisation sociale ..........................48II. La primauté d'une rationalité interactionniste et processuelle ............................50III. L'affirmation d'une volonté politique.................................................................52
CHAPITRE 3. Une brèche vers le chemin de la régulation des pratiques des professionnels de santé. ............................................................................................................................53
Liste des abréviations :
ADMR Aide à Domicile en Milieu Rural
AMELI l'Assurance Maladie en ligne
ARS Agence Régionale de Santé
CAF Caisse Allocations Familiales
CATS Comité d'Accompagnement Territorial des Soins
CHU Centre Hospitalier Universitaire
CLIC Centre Local d'Information et de Coordination
CNOM Conseil National de l'Ordre des Médecins
CPAM Caisse primaire d'assurance maladie
DDT Direction Départementale du Territoire
EPCI Établissement Public de Coopération Intercommunale
OPHLM Office Public des Habitations à loyer modérés
ORS Observatoire Régional de la Santé
SCI Société Civile Immobilière
SISA Société Interprofessionnelles de Soins Ambulatoires
URPS-ml Union Régionale des professionnels de santé - médecins libéraux
INTRODUCTION :
Les médias annoncent des zones de « désertification médicale », et pourtant, il n'y a jamais
eu autant de médecins en France qu'aujourd'hui. Des médecins diplômés à l'étranger viennent
en renfort des territoires sous-médicalisés1, alors qu'un « numerus clausus » bloque le nombre
de diplômes délivrés en France. Le problème n'est pas dû au nombre de médecins généralistes
exerçant sur le territoire national, mais à leur répartition entre les différentes collectivités
locales.
Pour garantir l'égal accès à la santé, l’État a étudié différentes solutions pour attirer de
nouveaux médecins, comme les aides financières à l'installation ou la réorganisation de la
formation universitaire. Depuis le début des années 2000, seules des solutions timides ont été
mises en place. L'obstacle majeur auquel font face les autorités publiques, est le principe de
« liberté d'installation » dont bénéficient les médecins libéraux.
En 2009, la loi HPST n° 2009-879, a mis en place plusieurs types de structures permettant
aux médecins d'exercer en groupe. Cette loi, qui semble pourtant anodine, a nourrit de grands
espoirs chez les différents acteurs.
La Vendée est un département rural de 6720 km, majoritairement composée de petites
communes, dont la plus grande ville, La Roche sur Yon, dépasse tout juste les 50 000 habitants.
Entre 2008 et 2009, la Vendée a perdu 7,58 % de ses médecins inscrits au tableau de l'Ordre
des médecins2, soit la plus forte chute des Pays de la Loire cette année là. Les maires des
petites communes voient leurs médecins généralistes partir en retraite sans trouver de
remplaçant.
Pourtant, la Vendée est un département en croissance démographique3 accueillant une
population de retraités de plus en plus forte4. Le nombre d'habitants augmente, la population
vieillit, mais le nombre de médecins diminue. Comme dans d'autres départements de France,
1 Selon l'Atlas de la démographie médicale du CNOM, environ un quart des médecins nouvellement inscrits en 2010 ont obtenu leur diplôme hors de France et se situent majoritairement dans les régions à faible densité médicale.
2 Conseil National de l'Ordre des Médecins , « Atlas Régional de la Démographie Médicale »3 607 430 habitants en 2007, passé à 626 588 habitants en 2010 selon les documents de l'ARS 4 Passage de 9,8 % de retraités en 1999 à 12,3 % en 2009 selon l'Insee, soit 60 429 habitants de plus de 75 ans
en Vendée au 1er janvier 2008.
1
certains médecins sont obligés de refuser de nouveaux patients. Depuis la réforme du régime
des remboursements médicaux, avec l’instauration du médecin traitant, la relation établie entre
le médecin et le patient l’est sur le long terme, et ce d'autant plus lorsque le patient est âgé et
nécessite un suivi régulier de certaines pathologies. Or les médecins sont déjà débordés. Pour
les élus, cette situation est critique. Les patients ne sont remboursés « totalement » que si la
consultation est effectuée auprès du médecin traitant. Les nouveaux habitants potentiels ont
donc besoin de ces médecins, sans quoi ils risquent de s'installer ailleurs.
Pour palier à cette carence, les maires ont demandé de l'aide auprès du Conseil général, du
Conseil régional et de l'Ordre des médecins. Différentes solutions ont pu être « brodées ». Les
maires ont fait appel à des médecins de diplôme étranger5. Ces médecins sont parfois mal
accueillis du fait des différences de pratiques d'un pays à l'autre, et de leur difficulté à parler la
langue française. Mais ils posent surtout le problème de la rémunération. Le « numerus
clausus » a été instauré afin de limiter la pratique médicale sur le territoire français et ainsi
d'éviter des dépenses excessives de santé. En acceptant les médecins étrangers, l'assurance
maladie voit ses dépenses augmenter. La solution n'est donc pas idéale. Le Conseil général de
Vendée a proposé une aide conséquente à l'installation pour les jeunes médecins6. Mais cette
solution a été récemment abandonnée du fait de nombreux abus des médecins qui repartent
l'année suivante avec la somme empochée.
Pour trouver la solution idéale, il a fallu d'abord comprendre pourquoi il n'y avait plus de
médecins dans les territoires ruraux. La réponse est dorénavant connue de tous les acteurs : les
jeunes médecins sont formés dans la ville et en hôpital, ils désirent maintenant travailler à la
ville et en salariat. Le Conseil général de la Vendée est allé à la rencontre de ces jeunes en
entretenant des liens avec la faculté de médecine de Nantes, et en accueillant les stagiaires tous
les six mois. Le département mise beaucoup sur la nouvelle génération et tient à s'adapter à leur
nouveau profil. Les jeunes médecins veulent travailler en groupe et délaissent le travail
solitaire. En Pays de la Loire, plus qu'ailleurs, les médecins se regroupent7.
5 46 % des nouveaux inscrits en Vendée sont de diplôme étranger selon une étude de l'Ordre National des Médecins.
6 Jusqu'à 20 000 €.7 67 % des médecins généralistes travaillaient « en groupe » en Pays de la Loire en 2011 selon le panel
d'observation des pratiques et des conditions d'exercice en médecine générale réalisé par la Drees.
2
En 2009, la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé et Territoires) a proposé différentes formes
d'organisation de professionnels de santé sous les termes de « maison de santé », « pôle de
santé » et « centre de santé ». Le terme « maison de santé » employé dans cette étude pourra
recouvrir ces trois notions afin de désigner tout regroupement de professionnels de santé autour
d'un « projet de santé ».
Le « regroupement de médecin » est une expression utilisée dans cette étude afin de
désigner un regroupement privé, soumis à aucune forme juridique spéciale. Il s'agit d'un simple
partage de locaux par des médecins ou professionnels de santé qui partagent les frais
immobiliers. Généralement, chaque médecin travaille de manière individuelle, avec son propre
cabinet et sa propre salle d'attente. Parfois, ils partagent quelques frais de gestion tel que le
secrétariat.
Les « maisons de santé » ont été introduites par la loi de financement de la sécurité sociale
du 19 décembre 2007. Sa définition actuelle provient de la Loi HPST du 21 juillet 2009
modifiée par la Loi 2011-940 du 10 août 2011. Cette forme de regroupement est encadrée par
l'article L6323-3 du Code de la Santé Publique. Selon la loi, la maison de santé « est une
personne morale constituée entre des professionnels médicaux, auxiliaires médicaux ou
pharmaciens ».
Ainsi, il s'agit d'un regroupement de médecins et de professionnels de santé, qui partagent
les frais immobiliers, d'achat ou de location, et les frais de gestion, tels que les frais de
secrétariat ou de ménage.
La loi dispose que les professionnels de santé « assurent des activités de soins sans
hébergement de premier recours […] et peuvent participer à des actions de santé publique, de
prévention d'éducation pour la santé et à des actions sociales dans le cadre du projet de santé
qu'ils élaborent [...] ».
La loi ajoute enfin que le « projet de santé » doit être « compatible avec les orientations des
schémas régionaux », « transmis pour information à l'agence régionale de santé » et « signé par
chacun des professionnels de santé membres de la maison de santé ».
La maison de santé a donc pour objectif de réunir des professionnels de santé de plusieurs
discipline, autour d'un projet de santé. L'activité principale est le soin de premier recours. La
loi propose mais n'oblige pas les professionnels à exercer des activités de prévention.
3
Le « pôle de santé » est une création de la Loi HPST du 21 juillet 2009. Cette forme de
regroupement est encadrée par l'article L6323-4 du Code de la Santé Publique. Selon la loi, son
rôle est d'assurer « des activités de soin de premier recours », parfois de second recours, et les
professionnels peuvent « participer aux actions de prévention, de promotion de la santé et de
sécurité sanitaire ». Ils sont composés de « professionnels de santé et, le cas échéant, des
maisons de santé, des centres de santé, des réseaux de santé, des établissements de santé [...] »
et « d'établissements médico-sociaux ». Selon le ministère de la santé, le pôle « peut bénéficier
de la personnalité morale ». 8
Le pôle de santé peut donc regrouper uniquement des professionnels de santé, comme il
peut regrouper des établissements de santé. Un pôle de santé peut permettre de réunir au sein
d'un même établissement un hôpital et une clinique, formant ainsi un groupement de
coordination sanitaire au sens de l'article L.16133-1 du code de la santé publique. Cette étude
ne s'intéressera pas à cette forme de regroupement, mais uniquement au regroupement de
professionnels de santé du premier recours.
De plus, comme le précise le site Internet de l'Agence Régionale de Santé, « Dans les faits,
l'appellation « pôle de santé » correspond le plus souvent à des organisations de type « maison
de santé » s'inscrivant dans une logique « hors murs » et ayant choisi la dénomination pôle de
santé pour des questions de visibilité. Il s'agit bien dans ce cas d'une maison de santé au sens de
l'article L.6323-3 du code de la santé publique, lequel n'impose pas en effet de regroupement
physique « sous le même toit ».9
En Vendée par exemple, la communauté de communes du pays de la Châtaigneraie désigne
sa maison de santé sous l'appellation « pôle de santé multi-site ». Celle-ci regroupe quatre
médecins généralistes libéraux, un cabinet infirmier libéral, un centre médico-scolaire, un
centre médico-psychologique, un CLIC, la médecine du travail de la fonction publique
territoriale, les ADMR, et les permanences de la CAF. 10
8 Ministère de la santé, En ligne, http://www.sante.gouv.fr/les-poles-de-sante.html , consulté le 28 mai 20139 Agence Régionale de Santé Rhone Alpes, En ligne, http://www.ars.rhonealpes.sante.fr/Maisons-et-Poles-de-
sante-plur.123844.0.html , consulté le 28 mai 201310 Coomunauté de communes du pays de la Châtaigneraie, "Pôle Santé Multisite" in Action Sociale et Santé, En
ligne, http://www.paysdelachataigneraie.org/module-Contenus-viewpub-tid-2-pid-34.html , consulté le 19 avril 2013
4
Le « centre de santé » est la plus ancienne forme, il a été introduit par la Loi n°2002-303 du
4 mars 2002. Sa forme juridique actuelle est énoncée par la Loi HPST du 21 juillet 2009
modifiée par la Loi 2011-940 du 10 août 2011. Cette forme d'organisation est encadrée par
l'article L6323-3 du Code de la Santé Publique. Selon la loi, les centres de santé sont « des
structures sanitaires de proximité dispensant principalement des soins de premier recours ». Ils
assurent également des « actions de santé publique [et] de prévention ». Ces activités sont
encadrées par le « projet de santé » qu'ils ont élaboré.
Les centres de santé sont « créés et gérés soit par des organismes à but non lucratif, soit par
des collectivités territoriales, soit par des établissements de santé ».
L'alinéa 7 ajoute que « les médecins qui exercent en centre de santé sont salariés ». La
particularité du centre de santé est donc le salariat.
Pour cette raison, ils sont fortement encadrés par l'ARS qui peut prononcer leur suspension
ou fermeture.
Depuis la loi du 10 août 2011, les maisons et centre de santé bénéficient d'une dérogation à
l'article L.1110-4 du code de la santé publique, qui pose le principe du secret médical. Ainsi,
les informations transmises aux professionnels sont réputées transmises à tous les autres
professionnels de santé ayant signé le « projet de santé », sur consentement express du patient.
Cette dérogation récente découle de l'un des objectifs du développement de maisons de
santé : permettre une meilleure coordination des professionnels de santé au sein d'une même
maison et avec les autres structures de santé. Ce soucis de l’État s'explique par la recherche de
qualité des soins, mais aussi de considérations financières. Dominique Dopinoy relève que les
« défauts de coordination […] sont générateurs de dépenses de santé non négligeables »11. Le
partage des dossiers doit, par exemple, permettre aux professionnels de partager leurs avis sur
un diagnostic ou d'éviter de réaliser certains actes déjà réalisés par un collègue.
Ainsi, la loi propose plusieurs encadrements juridiques des « regroupements de
professionnels ». Mais ces dispositions n'ont pas de force juridique sur les regroupements de
médecins. Les professionnels de santé libéraux peuvent se regrouper librement en exerçant leur
liberté de contracter. L'intérêt de ces créations juridiques, c'est notamment de permettre
l'octroie d'aides financières par les Agences Régionales de Santé envers les professionnels qui
11 Dominique Dopinoy, Les maisons de santé, une urgence citoyenne, Paris, Éditions de santé, collection Balises, 2011
5
s'y installent. Ces agences ont été créées en 2009 par la Loi HPST.
Néanmoins, cette solution législative est source d’interrogations. Tout d’abord parce qu’il
est difficile à première vue, de déterminer si son application est effective, ou si, au contraire
elle soulève des difficultés. D’autant plus qu’il semblerait que sa mise en œuvre soit rendue
difficile notamment en raison du nombre de facteurs devant nécessairement être réunis pour
assurer son bon fonctionnement. Enfin, la question de la multiplicité des acteurs intervenant au
cours de cette procédure est elle aussi à l’origine de la difficulté d’appliquer cette solution de
manière effective, notamment en cas de régulation, avec la question de la personne responsable
entre l’État et les différents niveaux de collectivités territoriales. La création des maisons de
santé ne peut donc pas être mécanique et doit être le fruit d’une conciliation entre plusieurs
acteurs, aussi bien publics que privés. La mise en place des maisons de santé ne peut donc pas
faire l’objet d’une application uniforme. Au contraire, le projet doit être adapté aux
circonstances particulières locales.
Cet enjeu se retrouve dans les différentes lectures qui peuvent être faites de cette politique
publique, et, afin de répondre à ces interrogations, il est nécessaire de confronter les approches
relatives à la désertification médicale, les approches contenues dans les textes officiels, et,
enfin, les avis des praticiens exerçant effectivement dans une maison de santé. En effet, cette
confrontation permettra de faire apparaître les écarts qui peuvent exister entre le texte de la loi
dans sa rédaction générale, et les difficultés effectives qui se présentent au moment de la phase
de mise en place. En outre, la prise en compte de cet écart permettra de s’interroger sur les
effets réels de la mise en place de maisons de santé.
La maison de santé apparaît comme une solution appréhendée par quelques acteurs, mais
aussi sacralisée par d'autres. Face à ces réactions, la question de la régulation des pratiques
médicales des professionnels de santé prend forme : cette structure, si elle procure des
bénéfices aux médecins par le biais d'aides à l'organisation notamment, contraint également les
professionnels de santé à adopter certaines pratiques.
Ainsi, la mise en place des maisons de santé est-elle, en l’état actuel du droit, un outil de
régulation des pratiques médicales par les pouvoirs publics ?
La question à cette réponse sera établie à partir de l'exemple de la Vendée.
6
Des entretiens semi-directifs de quarante minutes à une heure ont été mené auprès :
- du Responsable Département Animation des Politiques de Territoire au sein de la
délégation territoriale Vendée de l'Agence Régionale de Santé de la région Pays de la Loire, Mr
Adams,
- du Docteur Branthomme, président de la Commission des Gardes, de la Permanence des
Soins et de la Démographie Médicale de l'Ordre Régional des Médecins,
- de la Directrice adjointe en charge de la Gestion du Risque et de la Santé Publique et du
Responsable du département Gestion du Risque au sein de la Caisse Primaire d'Assurance
Maladie de Vendée,
- de la directrice Enfance et Famille du Conseil Général et de la Chef du service prévention
santé
D'autres entretiens de vingt minutes à une heure ont été menés auprès :
- du Maire de la Commune d'Aubigny, dont la maison de santé pluridisciplinaire a ouvert en
2012
- du Maire de la Commune d'Aizenay, dont le projet de maison de santé arrive bientôt à
terme
- du Maire de la Commune de Bouin, qui envisage la création d'un projet de maison de santé
- d'un agent de la Communauté de communes du Pays des Achards, qui vient d'entamer les
premières procédures pour mettre en place une maison de santé
- le Docteur C. qui s'est installé depuis un an en maison de santé.
De nombreux acteurs ont été sollicités mais n'ont pas souhaité ou n'ont pas pu répondre,
dont, entre autre, la préfecture de Vendée, la Direction Départementale du Territoire,
l'Organisme Public de l'Habitat « Vendée Habitat », l'URPS, la députée de Vendée madame
Véronique Besse, et divers communes et communautés de communes.
Pour compléter ces entretiens, la lecture de la littérature sur la désertification médicale et
sur les maisons de santé a été nécessaire. De plus, une lecture des textes législatifs et des
différents documents mis en ligne par l'ARS, le Conseil général et le Conseil régional ont
permis d'appuyer la plupart des propos. Enfin, des discussions plus brèves avec des étudiantes
en médecine, des salariés de Challans et des médecins de Vendée m'ont permis de préciser
certains passages.
7
La mobilisation de la notion de « maison de santé » par les autorités publiques a permis
d'encadrer l'organisation en groupe des professionnels de santé malgré des mécanismes de
dissolution de l'action publique (première partie). De cette manière, les maisons de santé se
présentent comme un préalable idéal pour la mise en place d’une politique de régulation des
pratiques médicales (deuxième partie).
8
Partie 1. La mobilisation de la notion de « maison de santé » par les autorités publiques pour encadrer l'organisation en groupe des professionnels de santé
Pour palier aux déserts médicaux, la maison de santé s'est présentée comme une solution
parmi d'autres, afin d'adapter les territoires aux nouvelles aspirations des jeunes médecins.
Pourtant, les professionnels de santé peuvent déjà se réunir dans des cabinets côte à côte et
organiser leurs pratiques de manière confidentielle. Alors pourquoi proposer à ces médecins un
encadrement juridique ? En réalité, la solution ne s'adresse pas uniquement aux professionnels
de santé, mais également aux élus territoriaux. Dans les zones fragiles, leur rôle est important.
Ils sont incités à prendre des mesures pour « charmer » les nouveaux professionnels de santé et
les attirer dans les territoires appauvris en services de santé. Ainsi, ils doivent initier le projet
dans leur territoire afin de mettre en place des structures idéales pour favoriser l'installation
d'une nouvelle génération de médecins.
Toutefois l'Etat ne délègue pas complètement la tâche aux collectivités territoriales. Ce
dernier à donné aux maisons de santé plusieurs atouts, tel que la facilitation du partage des
dossiers médicaux ou la faculté de bénéficier des « Nouveaux Modes de Rémunération »12. De
plus, c'est un acteur du financement qui soumet ses propres critères pour accorder des aides
financières. La Région et le département ont suivi son pas en mobilisant eux aussi la notion de
maison de santé. Ils ont imposés leurs propres critères de financement.
A partir de la convergence des critères proposés par chaque acteur, la notion de maison de
santé a pris forme. Les acteurs, petit à petit, ont construit une définition collective de la maison
de santé.
L'appropriation de la notion par l’État, le département et la région n'a pu se faire que par le
biais de l'émergence d'une politique publique de lutte contre la désertification médicale. (Chap.
1). En réponse à ce problème, des maisons de santé voient le jour. Les acteurs sont confrontés à
certains problèmes, il existe une multitude de formes de maisons de santé dont chaque aspect
peut avoir des enjeux (Chap. 2). Les maisons de santé rassemblent ainsi une diversité d'acteurs
dont les rôles divergent. Chacun possède ses propres ambitions qui aura plus ou moins de poids
dans l'aménagement final des maisons de santé selon leur rôle. (Chap. 3).
12 Ils consistent en un cumul entre rémunération à l'acte et rémunération au forfait.
9
CHAPITRE 1 : L'émergence du problème de « désertification médicale »
Les acteurs ont employé la méthode du zonage pour délimiter les zones bénéficiaires de leurs aides financières. Mais cette méthode peut s'appuyer sur des outils différents, aux résultats différents.
L’État a délégué à des agences déconcentrées, les Agences Régionales de Santé, la mission
de définir les « zones fragiles » dans lesquelles des aides peuvent être admissibles. Le
département a également mis en place des cartes personnelles et non visibles du public.
Pour réaliser ces cartes, il faut déjà aux acteurs définir ce qui correspond, pour eux, à une
zone « sous-médicalisée »
La définition du désert médical ne va pas de soi. Il existe plusieurs outils pour le définir (I).
Ce peut être la distance d'accès aux soins, le temps de trajet, ou le nombre de médecins par
habitant sur un territoire à définir. Ces outils de mesure peuvent également être cumulés.
Le choix de l'outil constitue un enjeu fort pour l'application des politiques publiques. C'est
lui qui déterminera le territoire d'application de certaines mesures. C'est donc lui qui
déterminera la force ou la souplesse de la politique publique.
De plus, ces outils outil ne sont pas suffisant pour définir un problème. La définition se
forme à partir de « représentations » au niveau local (II)
I. La diversité des outils pour définir des zones prioritaires:
Afin de délimiter les zones qui bénéficieront d'aides publiques, les acteurs vont utiliser trois
principaux outils permettant de mesurer le besoin ou non de médecins : la distance d'accès aux
soins (§1), le temps d'accès aux soins (§2) et le nombre de médecins par habitant (§3).
10
§1 La distance d'accès aux soins :
Cet outil doit permettre d'estimer la distance maximale qui doit séparer les lieux d'habitation
des soins. La « distance » est une mesure facilement objectivable puisqu'il s'agit d'un
kilométrage. Mais la notion d' « accès aux soins » est à définir. Il peut s'agir de l'accès aux
médecins de premier recours, c'est-à-dire aux médecins généralistes qui prodiguent les soins
réguliers, pose les diagnostics initiaux, et oriente vers des spécialistes le cas échéant. Il peut
s'agir des médecins spécialistes qui suivent des pathologies définies. En effet, les territoires
présentent souvent des particularités quant aux pathologies qui s'y développent, du fait des
climats, ou du milieu social prépondérant. Ainsi certains spécialistes sont plus nécessaires à
certains territoires que d'autres. La notion peut également s'appliquer à l'accès aux soins
d'urgence, tels que les hôpitaux. Le problème sera de définir la distance maximale pour garantir
les soins d'urgence vitale.
La problématique des maisons de santé se réfère à la distance d'accès aux soins de premier
recours. Le premier recourt est définie par D. Dépinoy comme la « porte d'entrée dans le
système de santé »13. Selon le code de la santé publique « Le système de santé garantit à tous
les malades et usagers, à proximité de leur lieu de vie ou de travail, dans la continuité, l'accès à
des soins de premiers recours ». Ces soins comprennent la prévention, la dispensation de
médicaments, l'orientation dans le système de soin et l'éducation pour la santé.
La mesure varie considérablement d'un État à l'autre. Par exemple, au Canada, un territoire
n'est définit comme désert médical que lorsqu'il existe plus de 200km de distance entre le
patients et médecins14 . Un tel ordre de grandeur ne correspond pas au paysage français.
§2 Le temps d'accès aux soins :
Cet outil doit permettre d'estimer le temps maximal qui doit séparer les lieux d'habitation
des structures de soins. Le « temps » est là encore une mesure objectivable, mais plus sujette à
variation. En effet, il faut définir s'il s'agit du temps à pied, à vélo, en transports en commun ou
encore en voiture. En faisant un choix, les acteurs considèrent donc l'accès à ce moyen de
déplacement par les patients. Beaucoup de réseaux de taxis, remboursés en partie ou totalité
13 Dominique Dépinoy, Maisons de santé, une urgence citoyenne, op. cit. 14 Guillaume Guichard, « Les déserts médicaux en trois questions » , in Le Figaro, 08 février 2013
11
par la sécurité sociale et par les mutuelles ont été mis en place, permettant de considérer que le
trajet « en voiture » puisse être envisageable même pour les personnes ne pouvant se déplacer
seules. Le Conseil Général de Vendée propose des mesures de renforts dans l'accessibilité de
ces taxis. Mais pour de multiples raisons, tout le monde ne peut utiliser ce type de transport. De
plus, le problème de la notion « accès aux soins » se pose également. Le temps d'accès aux
soins pour définir des déserts médicaux est donc un outil malléable, qui, s'il n'est pas définit
précisément, peut s'adapter à une communication particulière des acteurs ou un usage différent
d'un territoire à un autre.
§3 Le nombre de médecins par habitants
Cet outil doit permettre d'estimer combien de médecins sont installés pour tant d'habitants
sur un territoire donné. Le terme « médecins » peut être remplacé par « CHU », neurologues,
infirmiers ou toute autre désignation. Cet outil, à la différence des deux précédents, doit donc
désigner beaucoup plus précisément le « soin » en question.
La mesure par habitant semble objective. Toutefois, elle pose le problème très rhétorique du
territoire de la mesure. Les acteurs doivent définir les frontières des territoires afin de réaliser
la comparaison. L'outil en très malléable, et ce d'autant plus en politique de santé. Le problème
des déserts médicaux apparaît beaucoup moins lorsque le calcul porte sur le nombre de
médecins par habitant sur un département, que sur un « bassin de santé ». Dans le premier cas,
par exemple, des départements entiers pourraient se voir attribuer les aides alors même qu'il y
aurait de grandes villes en surdosage de médecins, et d'autres départements
Les acteurs peuvent ainsi s'appuyer sur des territoires (régions, départements, cantons...) ou
sur des réseaux (« bassin de vie » par exemple). Le réseau se présente comme un outil adapté
au milieu rural. En effet, plus qu'autre part, les territoires ruraux sont marqués par des
démarcations entre différentes zones telles que les zones d'habitation, zones commerciales ou
zones industrielles. Chaque habitant est amené à circuler entre ces différentes zones afin de
travailler, faire ses courses, se rendre à la Poste, ou encore habiter. Le Conseil national de
l'Ordre des médecins propose « que les soins de premiers recours soient abordés à l'échelle des
bassins de vie ». 15
15 P. Romestraing, G. Lebreton-Lerouvillois, La démographie médicale à l'échelle des bassins de vie en région Pays de la Loire, Situation au 1er juin 2011, Ordre National des Médecins
12
II. Une définition du problème engagée par le bas ?
Pour que la désertification médicale soit un problème, il faut d'abord qu'elle pose problème.
Le géographe E. Vigneron s'est interrogé sur la corrélation entre distance, temps et état de
santé. Plusieurs études ont mis en évidence une baisse de la consommation de soin avec la
distance au service, mais il existe moins de recherches sur la corrélation entre la distance
d'accès aux soins et l'état de santé. 16 L'auteur évoque le fait qu'il est plus facile de définir la
corrélation dans le cas des urgences, il s'agit alors d'étudier les chances de survie en fonction du
temps et de la distance d'accès au soin. Mais il est plus difficile de définir une corrélation entre
la bonne santé et l'accès aux soins de premier recours. Les études de différents pays ont montré
des résultats différents. Vigneron met en garde contre différents facteurs essentiels qui doivent
compléter de telles études pour aboutir à des conclusions. Par exemple, en Angleterre, les
zones rurales isolées présentent des taux de sur-mortalité, alors qu'en France elles sont en sous-
mortalité. La raison peut s'expliquer du fait qu'en Angleterre, « les personnes malades
resteraient au pays » alors qu'en France ces personnes seraient conduites « à quitter ces zones
en raison de leur isolement ». Les entretiens effectués dans cette étude ont révélé la migration
des personnes âgées habitant en zone rurale isolée vers les centres bourg.
Pour mettre en place des cartes, il faudrait aux autorités publiques avoir une connaissance
de tous ces facteurs.
Les entretiens ont révélé que si l'expression « désert médical » est d'actualité et est au cœur
de la politique du ministère de la santé, la notion n'est toutefois pas bien définie par les acteurs.
Les questions portant sur la notion de « désert médical » ont parfois posé problème. Dans deux
entretiens, le fait d'être en dessous de la moyenne nationale constituait un argument suffisant
pour parler de problème de démographie médicale. Mais la plupart des acteurs ont d'abord
défini le problème des déserts médicaux en Vendée non pas par des études, mais par des
constats. Ils constatent d'abord que les médecins qui quittent leur cabinet ne sont pas
remplacés. Ceux qui exercent encore approchent de l'âge de la retraite. Ils constatent également
une saturation des listes d'attente des médecins généralistes dont certains refusent de prendre de
16 Emmanuel Vigneron, Distance et santé, Vendôme, PUF, Médecine et Société, 2001, pp 17-24
13
nouveaux patients. Or, sans nouveaux médecins, pas de nouveaux habitants.
Les acteurs politiques locaux anticipent et ne se contentent pas de subir. La situation
s'apparente pour eux à un état d'urgence. La crainte d'un mauvais état de santé de la population
de leur territoire existe, mais la notion de désertification médicale ne s'appuie pas directement
sur des études ou sur des constats de détérioration de l'état de santé. L'action publique cherche
à anticiper des dégradations de santé.
Pour définir la problématique sur le territoire, l'ARS a mis en place un Comité
d'Accompagnement Territorial des Soins dans chaque département. En Vendée, le CATS réunit
treize acteurs de milieu très différents, dont l'ordre des médecins, le conseil général, un
représentant des maires, la MSA, la CPAM, le préfet, et des professionnels de santé. Cette
confrontation de divers mondes permet à chaque acteur de présenter sa vision du problème. En
Vendée, tous les acteurs interrogés du CATS ont confirmé une bonne entente et un
enrichissement pour la compréhension du problème. En comparant leur vision du problème et
en les mettant en commun, un définition propre au département se forme.
La problématique est également posée par les élus de communes. Dans un département
comme la Vendée, les élus sont proches de leurs habitants, ils ont affaire tous les jours à leur
soucis et revendications. C'est par ce biais que, peut-être, peut se former la problématique. Le
problème ne part donc pas d'une théorie générale pour dire s'il y a ou non un problème au
niveau local, mais de problématiques locales pour définir un problème départementale ou
régionale.
Durant les entretiens, les acteurs connaissaient peu le choix des outils et des mesures utilisés
pour définir la notion de désertification médicale. Toutefois, ces outils sont généralement
utilisés pour mettre en place l'action publique.
Les cartes mises en place permettent d'identifier les zones sur lesquelles déployer l'action
publique.
L'Etat a utilisé le zonage pour mettre en place sa politique publique. Mais il n'existe pas de
carte nationale officielle sur la désertification médicale17. C'est l'ARS, relais régional de l’État,
qui va définir par arrêté des « zones fragiles ». La cartographie est coordonnée par une
direction métier, au niveau de la DAS premier recours. Différents outils sont mis en place avec
17 GUICHARD Guillaume, « Les déserts médicaux en trois questions » , in Le Figaro, 08 février 2013
14
des règles bien définies. Selon Mr Adams, deux méthodologies sont utilisées : une
méthodologie régionale et une méthodologie de l'assurance maladie. Cette dernière couvre 50
000 habitants en zone déficitaire.
Le Conseil général a également émis dans ses critères de financement la nécessité de figurer
dans un canton de moins de 1 médecin pour 1000 habitants.
Le choix du zonage permet aux acteurs une meilleure sécurité juridique : il savent avant
même de prendre leur décision s'ils peuvent ou non se lancer dans le projet. Mais cette solution
a aussi ses travers : elle est stricte et ne prend pas en considération les cas particuliers qui
auraient pu échapper aux cartes. Le choix des outils de mesure a donc des conséquences
lourdes.
Le géographe Emmanuel Vigneron met en garde contre une délimitation trop stricte des
territoires qui part du postulat d'un comportement rationnel du patient, qui se rendrait
systématiquement à la structure de soin « la plus proche »18. Il prend l'exemple des zones péri-
urbaines dans lesquelles « le chef de canton se voit détrôner à services identiques par le centre
urbain voisin ». En milieu rural, la question des flux peut se poser également du fait de réseaux
entre zones commerciales, zones industrielles, ou encore zones touristiques. C'est pourquoi les
choix récurrents d'utiliser l'échelle du canton ou de la communauté de communes peut sembler
insuffisant. Mais trois choses peuvent expliquer ce choix. D'une part, la Vendée accueille une
forte population de retraités peu mobiles. Ce sont ces personnes qui ont le plus besoin de soins.
La solution à la désertification médicale doit prendre en compte leur profil. D'autre part, les
acteurs souhaitent garantir l'égalité des territoires. Le département est ainsi considéré non pas
comme un seul territoire composé de bassins de vie, mais comme une juxtaposition de
territoires : des communes et des communautés de communes. Cette représentation est simple
et les démarcations sont déjà établies. Il n'y a donc pas à financer d'étude supplémentaire.
Enfin, les maisons de santé sont souvent l'affaire des élus. Ce sont souvent eux qui initient le
projet et font les demandes de financement. Les cartes réalisées vont s'adresser à ces élus. Il
s'agit donc pour eux de savoir si leur commune est éligible ou non pour monter le projet, et non
de savoir s'il partagent ou non avec la commune voisine une zone d'éligibilité.
18 Emmanuel Vigneron, Distance et Santé, Médecine et Société, PUF, 2001
15
CHAPITRE 2 : La notion de maison de santé créatrice d'enjeux pour les différents acteurs
La Loi HPST a désigné différentes formes de regroupements sous les termes « maison de
santé » « pôle de santé » et « centre de santé ». Ces trois formes correspondent à un
regroupement de professionnels de santé de différentes disciplines, en général « sous un
même toit », et autour d'un « projet de santé ».
La loi ne donne pas beaucoup plus d'éléments. Elle n'impose pas directement de territoires
particuliers sur lesquels mettre en place ces maisons, ni les disciplines exactes qui doivent y
figurer. Le « projet » semble appartenir à ceux qui l'initient : les élus locaux et les
professionnels de santé.
Pour comprendre quels sont les choix effectués par ces acteurs, l'appréhension de ce qu'est
une maison de santé est nécessaire.
En effet, la notion de maison de santé regroupe divers aspects dont les enjeux sont parfois
peu perceptibles par les acteurs eux-mêmes. Cette partie vise à définir ce qu'est une maison de
santé et les répercutions de chacun de ses éléments substantiels, au regard des différents
entretiens réalisés en Vendée.
I. Le projet de santé :
La particularité de la maison de santé est d'être construite autour d'un projet de santé. Ce
projet doit organiser la vie en groupe des professionnels de santé.
Dans l'ensemble des entretiens la place des professionnels de santé dans la formation du
projet est primordiale. Ce sont donc eux qui définiront, entre autre, les répartitions des tâches et
des frais de charge, la mise en œuvre des permanences de soin, la délimitation des espaces, les
conditions d'accueil des stagiaires.
16
La phase de réalisation du projet de santé est primordiale. Tous les professionnels à
l'initiative du projet sont amenés à se rencontrer, et à confronter leurs idées, et leurs manières
de travailler. Comme l'ont répété plusieurs élus communaux, les médecins libéraux en zone
rurale ont encore une tendance forte à travailler de façon solitaire. Ils peuvent faire, dans le
respect du code de déontologie, leur médecine à leur manière. Certains élus ont révélé leur
crainte face à d'éventuels conflits ou refus des médecins de se réunir en maison de santé.
Travailler en groupe, cela veut dire être visible, devoir discuter, se croiser, regarder l'autre et
être vu. La notion de groupe est importante. Il est vrai que, dans les maisons de santé, les
professionnels travaillent seuls dans leur cabinet, qu'ils ont leurs propre patientèle, qu'ils ont
souvent leur propre salle d'attente et qu'ils ont parfois même leur propre « bâtiment ». Il ne
s'agit donc pas d'un travail tel qu'on peut le voir dans les établissements de santé, en hôpital
notamment, avec des systèmes de partage de dossiers et de hiérarchies. Mais la maison de santé
confronte tout de même ces différents professionnels indépendants aux pratiques des autres. De
plus, ce ne sont pas que des médecins qui s'y regroupent, mais également des infirmières, des
quinés, des psychologues. Chaque corps de métier possède lui-même ses propres habitudes qui
ont été conçues lors de formations distincts et hermétiques. Certaines appréhensions à se
regrouper existent, par exemple, chez les infirmiers qui ont rejoint le milieu libéral afin
d'échapper à la « subordination » aux médecins qui existe dans le milieu hospitalier. .
La confrontation de ces mondes sous un même toit est donc quelque chose d'entreprenant.
Les craintes des infirmiers par exemple sont légitimes quant à la position qu'aura envers eux le
médecin généraliste fraîchement diplômé et tout juste sorti du milieu hospitalier.
Or pour aboutir à une bonne cohabitation le projet de santé se révèle être l'instrument le plus
efficace. Il doit permettre aux acteurs à l'initiative du projet d'échanger leurs attentes, d'imposer
leurs exigences, et de définir sa place. En reprenant l'exemple des infirmiers, ils pourront
définir avec les médecins une certaine répartition des tâches. L'infirmier pourra représenter une
aubaine pour le médecin afin d'effectuer certains actes qui lui prennent du temps. Au contraire
l'infirmier pourra refuser une trop grande dépendance à la clientèle du médecin. Chaque projet
de santé est unique et reflète l'aspiration des professionnels. Du moins jusqu'à ce qu'un
remplacement soit nécessaire.
En effet, chaque acteur pose sur ce projet l'espoir d'un exercice de longue durée. Pourtant,
lorsqu'un professionnel est amené à quitter la maison de santé, son remplaçant devra se plier au
17
projet de santé défini par son prédécesseur. Si lors de la conception du projet la participation
des professionnels est importante et incite chacun à s'impliquer, la question des successeurs est
rarement abordée. Ces derniers n'auront pourtant pas la même implication, et ils pourront se
bloquer à un groupe déjà formé, avec des habitudes et manières de travailler qui leur sont
propres. Ainsi, les participants aux entretiens ont parfois révélé des difficultés à intégrer de
nouveaux médecins dans les maisons de santé. Dans le centre de santé de Fontenay-Le-Comte
un médecin a ainsi quitté les lieux. Les autres professionnels ont été soulagés car ils n'avaient
pas les mêmes idées de la médecine, ne partageaient pas les mêmes pratiques et habitudes. De
même, une médecin interrogé qui a intégré une maison de santé après que le « projet de santé »
ait été arrêté à avoué des difficultés à s'entendre avec certains professionnels de santé
« distants ». De plus, bien qu'il ait rejoint la maison de santé dès sa création, il n'a pas eu son
mot à dire sur l'organisation des soins.
Cet exemple montre à quel point le projet de santé est un élément important de la mise en
place d'une maison de santé.
Le projet de santé n'est pas fixe, il peut évoluer. Mais lorsque les professionnels de santé
sont nombreux et ont pris leurs habitudes, les nouveaux arrivants seront incités à s'y plier.
A terme, il est possible que le projet de santé soit un bon outil pour mesurer la réussite ou
non des maisons de santé. Ainsi l'évolution des projets pourra révéler la volonté des
professionnels à revenir vers une médecine traditionnelle plus solitaire, ou au contraire, leur
attirance pour le travail de groupe avec la mise en commun de nouveaux frais, le bon
déroulement de la permanence des soins, l'accueil de nouveaux professionnels, et caetera.
II. Le projet immobilier :
La maison de santé est également un projet immobilier. Les plans architecturaux sont
révélateurs du degré de coopération au sein de la maison de santé.
Par exemple, deux médecins en Vendée ont voulu se regrouper afin de partager les frais
immobiliers, cependant, leurs cabinets étaient dos à dos, chacun bénéficiant d'une entrée
indépendante donnant sur deux rues différentes et les cabinets fermés l'un à l'autre. Ce
regroupement est par exemple à l'antipode de la maison de santé « idéale ».
18
Au contraire, à Aubigny, les professionnels ont fait le choix de bénéficier d'un bâtiment par
corps de métier. Aujourd'hui ces professionnels ont fait part au Maire de leur regret de ne pas
avoir pensé à mettre en place des espaces communs.
Ainsi la configuration du bâtiment est un point essentiel de la maison de santé qui témoigne
du lien qu'entretiennent les professionnels entre eux. Il est d'autant plus essentiel que le bâti est
amené à perdurer au fil du temps, malgré la modification du personnel. Il aura ainsi un impacte
de longue durée sur les pratiques groupées ou individualisées au sein même de la maison de
santé.
A Fontenay-le-Comte, le Docteur Branthomme a souligné l'importance de l'architecture
dans son centre comme si chaque pièce même vide apportait une idée sur la profession qui y
serait exercée. Par exemple, les quinés se sont installés en sous-sols où ils bénéficient de
l'espace nécessaire à leur pratique. Le dentiste lui bénéficie d'une pièce avec un accès très
important à l'eau, élément essentiel de sa pratique.
Le projet architectural a donc également un impacte de longue durée sur les professions
exercées au sein de la maison de santé. Si un psychologue s'en va, il ne pourra pas être
remplacé par un dentiste. L'enjeu est donc important à la fois pour les professionnels de santé
qui vont s'y installer mais aussi pour la commune. C'est par le projet architectural que la
commune va définir les spécialités médicales dont pourra bénéficier la population dans la
commune.
La question se pose également pour les communes en croissance démographiques qui
espèrent attirer des médecins supplémentaires en fonction des besoins de la population. A
Aubigny par exemple, un bâtiment à vendre juste à côté du terrain sur lequel était projeté la
création de la maison de santé a été une opportunité. La commune a acheté ce bâtiment
aujourd'hui en location, afin de pouvoir agrandir la maison de santé le jour où cela sera
nécessaire. Cet investissement doit permettre à la commune d'accueillir plus facilement de
nouveaux médecins, sans qu'ils aient à ouvrir leur propre cabinet dans un lieu non prévu à cet
effet, avec les coûts que la rénovation induit.
Enfin, l'Ordre des médecins de la Vendée a pointé du doigt le fait que cabinets d'étude
proposent des projets « tout fait » sans concertation avec les professionnels. Ainsi, certaines
maisons de santé auraient été bâties, par exemple, sans insonorisation parfaite entre la salle
19
d'attente et le cabinet. D'autres encore ne permettent pas le passage d'un brancard d'infirmier
par la porte d'entrée.
Là encore, le rôle des professionnels de santé est donc primordial dans la définition du
projet architectural. Il s'agit pour eux de définir dès le départ les exigences propres à leur
profession dans la conception ou la rénovation du bâtiment.
III. Le lieu :
La maison de santé est aussi un maillon du projet d'aménagement du territoire. Le lieu
d'implantation de la maison de santé est porteur d'enjeux forts pour de nombreux acteurs. La
consommation de soins de premier recours concerne tous les habitants de la commune. De
plus, le milieu rural est organisé par de nombreux flux entre, par exemple, zones d'habitations,
zones commerciales, ou zones industrielles. Le fait de mettre en place une maison de santé,
c'est également créer un flux vers ce qu'on peut appeler une « zone de santé ». La
détermination de cette zone imposera la gestion d'un certain nombre d'équipements tout
autour : parkings, routes et transports en commun notamment.
La DDT, qui assure une assistance aux élus locaux dans leurs démarches d'urbanisme, n'a
pas voulu répondre à un entretien en estimant ne pas être compétente sur la question des
maisons de santé. Sans pouvoir en tirer de conclusion, la « zone de santé » ne semble pas
encore être prise en compte par les professionnels de l'urbanisme. Pourtant, des communes
comme Bouin, située en zone Natura 2000 et soumise à la Loi littorale, sont confrontées à des
difficultés pour la mise en place de maisons de santé, du fait du manque de zones
constructibles. Cette situation peut révéler un manque de confrontation entre politiques
publiques d'urbanisme et lutte contre la désertification médicale.
Toutefois, l'initiative d'une maison de santé peut être à l'origine d'un adjoint à l'urbanisme.
Tel est le cas par exemple de la maison de santé d'Aubigny. Après avoir développé son [parc]
d'habitation, la commune a favorisé le développement de structures éducatives et de structures
commerciales. Elle a ensuite mis en place une maison de santé pour poursuivre cette évolution.
Dans Aubigny Magazine, l'adjoint, aujourd'hui Maire, Jany Guéret, expose les quatre objectifs
de cette construction : valoriser le centre-bourg de la commune, lutter contre la désertification
médicale et paramédicale, développer l'attractivité du centre bourg, soutenir les commerces de
20
proximité, et créer un espace pour favoriser les rencontres. L'objectif va donc bien au-delà de la
simple création d'un espace santé.
La mise en place d'une maison de santé entre ainsi dans une politique plus globale
d'aménagement du territoire et de rénovation urbaine.
Le choix du lieu a des impacts sur les flux, à la fois vers la maison de santé et vers les
structures alentours.
D'une part, le lieu va avoir une influence sur le choix des patients à se rendre dans la maison
de santé ou à préférer un cabinet indépendant plus accessible de chez eux. C'est donc un choix
important pour attirer une patientèle et assurer le bon fonctionnement de la maison de santé dès
ses débuts. Il s'agit avant-tout de rapprocher la maison de santé des patients réguliers ou à
mobilité réduite. La maison de santé peut être située près d'une maison de retraite par exemple.
Elle peut aussi être placée en centre-bourg, car d'après plusieurs entretiens, les personnes âgées
s'y installent de plus en plus, afin d'avoir un accès facilité aux services qui y sont proposés
(commerces, bureaux administratif, etc). A Aubigny, trois lieux étaient ainsi étudiés : dans le
centre-bourg, à côté de la maison de retraite, ou à côté de la pharmacie.
Dans une communauté de communes, le choix du lieu est primordiale, il s'agit de faire
bénéficier une commune d'un flux important de population au détriment des autres. Dans la
Communauté de communes du Pays des Achards, le choix se porte sur la commune la plus
centrale, dans le soucis d'équité des communes. Le pôle de santé de la Châtaigneraie est
également situé au centre de la communauté de communes du Pays de la Châtaigneraie. Est-ce
une manière d'éviter les conflits ?
Le flux potentiel vers la maison de santé est aussi un enjeu pour les professionnels de santé
qui ne souhaitent pas se lier au projet. Faut-il placer la maison de santé près des cabinets
existants, dans le soucis de rassembler tous les acteurs de santé, ou faut-il l'éloigner pour
permettre une meilleure répartition des offres de santé et ainsi une meilleure proximité ? Si ce
second choix est fait, les patients ne vont-ils pas délaisser les cabinets indépendants pour une
structure plus attractive du fait de sa modernité et de la diversité des services de santé qu'elle
propose ? De plus, choisir un lieu qui attire une forte patientèle pourra être un frein à de
nouveau médecins libéraux souhaitant s'installer de manière indépendante. Faire le choix de
monter une maison de santé, c'est donc aussi faire un pari sur l'avenir et sur la modification du
21
profil sociologique des médecins souhaitant s'y installer.
D'autre part, la maison de santé attirera une patientèle consommatrice d'autres services et
notamment de services commerciaux. Un acteur interrogé a ainsi relevé le fait que de
nombreux consommateurs de soins viennent dans le centre pour consulter leur médecins et en
profiter pour utiliser les services alentours. Il n’apparaît pas dans l'étude que ces acteurs privés
aient influencé, par leurs interventions, le choix du lieu de construction. Mais l'enjeu
économique est connu des élus.
Les autres acteurs principalement touchés par le choix du lieu d'implantation des maisons de
santé sont les pharmacies. Ces dernières sont déjà fortement touchées par l'absence de
remplacement des médecins indépendants partis à la retraite. Toutefois, il s'agit d'un fait et non
d'une décision. Or créer une maison de santé, c'est rassembler tous les professionnels dans un
même lieu, et donc sanctionner les pharmacies éparpillées dans la commune au profit d'une
seule, celle qui se trouve aux côtés de la maison de santé.
Toutes ces questions peuvent faire émerger diverses stratégies dans la tête des élus. Mais la
réalité des petites communes leur oppose des obstacles. Les contraintes financières,
notamment, sont à prendre en compte. A Aubigny par exemple, où plusieurs options ont été
relevées en considération de ces problématiques, le choix a été établi sur l'opportunité d'un
terrain communal disponible. De plus, une maison adjacente était à vendre, permettant de
conserver un espace pour un agrandissement futur. Il s'agit donc d'un choix d'opportunité.
IV. Le statut juridique
Pour faciliter la création des maisons de santé, la loi du 10 août 2011 a mis en place une
nouvelle forme juridique adaptée à la création de maisons de santé par les médecins : la SISA
(Société Interprofessionnelle de Soins Ambulatoires). Cette société peut être « constituée entre
des personnes physiques exerçant une profession médicale, d'auxiliaire médical ou de
pharmacien »19. Elle a pour objet « la mise en commun de moyens pour faciliter l'exercice de
l'activité professionnelle de chacun de ses associés » et « l'exercice en commun, par ses
19 Article L.4041-1 du Code de la santé publique
22
associés, d'activités de coordination thérapeutique, d'éducation thérapeutique ou de coopération
entre les professionnels de santé »20. Sous peine de dissolution, la SISA doit réunir au
minimum « deux médecins et un auxiliaire médical »21.
La mise en place d'une maison de santé passe donc par la création d'une société. Avant cette
loi, la plupart des maisons de santé étaient mise en place autour d'une SCI. La SISA doit
permettre aux professionnels de santé de bénéficier plus facilement de certaines originalités de
la loi de 2011, et notamment les nouveaux modes de rémunération et le partage des dossiers
médicaux.
Une maison de santé ne correspond pas simplement à la réunion de professionnels de santé
sous un même toit. Elle a pour vocation de perdurer, indépendamment des départs et arrivées
de professionnels de santé.
20 Article L.4041-2 du Code de la santé publique21 Article L.4041-4 du Code de la santé publique
23
CHAPITRE 3 : réunir les acteurs autour de la mise en place de maisons de santé : un pilotage à distance
Les maisons de santé ne sont pas directement destinées aux acteurs qui la mettent en place.
Elle vise à satisfaire les intérêts des jeunes médecins, extérieurs au projet (I). La mise en place
d'un projet va faire intervenir des acteurs différents à chaque phase (II).
I. Les jeunes médecins comme destinataires du projet de maison de santé
« Pourquoi est-ce qu'on tente de créer des maisons de santé, c'est parce qu'on s'aperçoit
que l'exercice collégial et regroupé est un mode d'exercice qui attire préférentiellement les
jeunes »22.
Le profil du médecin a évolué (§1). Pour s'adapter à cette évolution, la mise en place de
maisons de santé vise ne vise pas à réorganiser les médecins déjà en place, mais elle vise à
attirer la nouvelle génération de médecins (§2).
§1. Evolution du profil sociologique du médecin libéral :
Le profil du médecin de campagne a subit une évolution très forte entre la génération des
médecins en âge de partir à la retraite et la nouvelle génération sortie des bancs de l'école. Le
département de la Vendée a bien pris en compte le phénomène et tous les acteurs locaux ont
relevé spontanément la même transformation au cours des entretiens.
Ainsi, la génération précédente, dont les caractéristiques perdurent depuis des décennies
voir des siècles, se définissait plus ou moins de la sorte : le médecin était un homme, qui
travaillait souvent 70 heures par semaine auprès de ses patients. Il pratiquait la médecine
généraliste, mais pouvait aussi pratiquer quelques actes plus spécialisés, et ce, de manière
22 Entretien avec M. Adams – Délégation Territoriale 85 - ARS
24
individuelle, sans trop fréquenter les autres médecins. Sa femme s'occupait des tâches annexes
au cabinet, tel que le secrétariat et le ménage. Le patient était soucieux d'écouter son médecin
qu'il considérait comme seul à pouvoir soigner ses maux.
Aujourd'hui, la nouvelle génération de médecins se définirait plutôt de la sorte : le médecin
est une femme23, qui souhaite travailler 35h par semaine, et articuler sa vie professionnelle avec
sa vie de famille. Elle aimerait travailler en relation avec d'autres professionnels de santé afin
de rediriger ses patients vers des médecins spécialistes et des professionnels de santé et
d'échanger avec ses collègues sur leurs pratiques. Son conjoint travaille dans un secteur
totalement différent. Le patient souhaite bénéficier de soins médicaux et de soins de santé de
qualité pour des problèmes qu'il a parfois auto-diagnostiqué sur Internet ou auprès d'un autre
médecin.
Cette transformation des pratiques s'explique entre autre par l'assimilation de codes sociaux
durant les longues années d'études à l'Université et dans les CHU24.
Ainsi, le nouveau schéma de relations présente un changement radical avec la tradition
ancienne. Les aspirations des nouveaux médecins ne sont pas en adéquation avec la vie actuelle
en milieu rural. En effet, du fait du nombre peu élevé de médecin par habitants, les patientèles
sont très élevées en nombre, ce qui impose un temps de travail important pour les médecins. Et
ce d'autant plus que le niveau de qualité exigé par les patients a évolué. De plus, le conjoint
n'exerçant plus dans le même domaine, il est difficile de lui trouver un travail dans le même
secteur géographique.
En Pays de la Loire, l'activité de groupe répond en partie aux nouvelles exigences des
médecins. L'Observatoire Régional de Santé (ORS) et l'Union Régionale des Professionnels de
Santé des Médecins Libéraux (URPS-ml) relèvent25 qu'en 2010, les médecins exerçant en
groupe travaillaient moins de « demi-journées » par semaine que les médecins travaillant en
cabinet individuel. Leur pratique de la médecine est toutefois plus intensive puisqu'ils réalisent
plus d'actes à la demi-journée que les médecins en cabinet individuel. Cela peut s'expliquer du 23 La féminisation de la profession est régulièrement citée par les acteurs et la littérature médicale, mais la
problématique vaut aussi bien pour les nouveaux médecins hommes.24 Par exemple : Monique Cavalier, « L'évolution du métier de médecin », in Monique Cavalier et al., Médecins,
directeurs, un pacs pour l'hôpital ?, ERES « Action santé », 2002, p.39-4625 Panel d'observation des pratiques et des conditions d'exercice en médecin générale (janvier-mars 2001). ORS et URPS-ml Pays de la Loire, Ministère chargé de la santé – Drees.
25
fait qu'ils préfèrent concentrer leur travail et disposer de temps libre ensuite. L'ORS et l'URPS-
ml relèvent toutefois que le temps consacré à la gestion n'a quasiment pas diminué. L'enquête
révèle que 75 % des médecins en groupe et 81 % des médecins seuls ont consacrés 2h ou plus
aux tâches de gestion la semaine précédent le questionnaire. Mais cela n'est pas satisfaisant
pour affirmer que le temps consacré à la gestion n'a pas diminué. Il n'a simplement pas disparu.
Si le secrétariat, la comptabilité et le ménage sont de moins en moins l'apanage des médecins
eux-même, de nouvelles tâches sont apparues concernant notamment l'administration du
groupe lui-même.
Enfin, seul un interne interne sur sept souhaite visser sa plaque à la sortie de l'internat 26. Les
nouveaux médecins préfèrent le travail salarié au libéral. Le centre de santé, dans lesquels les
professionnels de santé correspondraient mieux encore aux attentes des internes. L'un des
maires interrogés a été sollicité par un médecin voulait s'installer en salariat. Mais les maires
considèrent que le centre de santé est compliqué à mettre en place, et nécessite beaucoup plus
de ressources financières, car les médecins ne louent ni n'achètent eux-même les locaux, et de
ressources de gestion, puisqu'il faut ensuite se comporter en employeur. « Ma secrétaire s'est
dit « je vais finir par prendre les rendez-vous médicaux ! » » confie en plaisantant l'un des élus.
§2. Une maison de santé pour combler les jeunes médecins :
Les médecins déjà en place sont de l'ancienne génération, celle de l'exercice individuel de la
médecine. Mettre en place une maison de santé, ce n'est donc pas s'adapter aux souhaits des
professionnels de santé du territoire. Les élus dans leur ensemble ont du mal à convaincre les
professionnels de santé déjà en place de se regrouper. A Aubigny par exemple, les médecins
n'ont pas voulu se joindre au projet. Bien souvent, ces médecins préparent leur départ à la
retraite et ne souhaitent pas modifier leurs pratiques pour deux ou trois années. A Bouin, le
maire tente avec difficulté de convaincre les médecins de la nécessité de ce projet.
Une question n'a pas été soulevée par les acteurs : quels sont les médecins qui souhaitent
s'installer en Vendée ? Les jeunes médecins sortent de plusieurs années d'études en hôpital. Ils
26 Damien Mascret, « Corps médical : le chaud et le froid », in Les tribunes de la santé, 2011/3 n°32, pp 89-99
26
sont jeunes et souhaitent poursuivre leur travail en ville. Est-ce sur ces jeunes qu'il faut miser ?
Les médecins qui accueillent des stagiaires sont désolés de ne pas les voir s'installer dans leur
maison de santé à la sortie de leurs études. Les aspirations qu'ils ont mis dans cette structure
comme source d'attraction des jeunes peuvent être déçues. Mais si les jeunes médecins
préfèrent rester à la ville d'abord, ils peuvent plus tard, au cours de leur vie, être attirés par ce
milieu qu'ils ont découvert en stage. Les médecins à séduire ne sont peut-être pas les jeunes
médecins, mais des médecins plus expérimentés.
De plus, des enquêtes ont montré que les jeunes médecins rejoignent tout de même le libéral
plus tard dans leur vie. Les choix des médecins évoluent. Ceux qui rejoindront le milieu rural
seront peut-être des médecins plus âgés avec des désirs différents de ceux des jeunes médecins,
tel que le désir de s'installer dans une zone éco-durable par exemple.
D'autres profils de médecins sont attirés par le département, il s'agit des médecins au
diplôme étranger. Selon une étude sur la démographie médicale en Pays de la Loire par l'Ordre
National des Médecins, 46 % des médecins nouvellement inscrits en Vendée ont obtenu un
diplôme à l'étranger27. De plus en plus nombreux, ils constituent des réseaux, et font venir
d'autres médecins étrangers28. En accueillant ce type de profil et en leur proposant des
formations à la pratique médicale française par exemple, le milieu rural peut se doter d'un
potentiel médical.
Dans l'une des communes interrogées, le maire a fait appel à un site Internet spécialisé dans
le recrutement de médecins libéraux. Par ce biais, la commune a trouvé une femme médecin
diplômée en Roumanie. Celle-ci était auparavant installée en Picardie où la commune l'avait
installée dans un grenier vétuste. Elle a répondu à l'annonce et a été séduite par le logement
décent que lui a proposé le maire. De plus, la Vendée, bien qu'étant un département rural,
bénéficie d'un réseau de commune serrés. La proximité avec une grande ville l'a séduite. Elle
rencontre toutefois des difficultés à être acceptée sur le territoire malgré sa volonté de
s'intégrer, et son mari, professeur ne trouve pas de travail malgré des recherches depuis plus
d'un an. Elle ne prononce pas encore de point de vue sur le fait de travailler en maison de santé,
mais ne s'y oppose pas. En Roumanie elle entretenait des relations « familiales » avec les autres
professionnels de santé et espère retrouver cette atmosphère par la suite 29. Le Maire essaie de
27 P. Romestraing, G. Lebreton-Lerouvillois, La démographie médicale à l'échelle des bassins de vie en région Pays de la Loire, Situation au 1er juin 2011, Ordre National des Médecins
28 Entretien avec le Maire d'Aubigny29 Entretien réalisé avec le Dr C.
27
suivre l'intégration de ce médecin.
Mais cette solution est controversée. D'une part, certains élus sont inquiets des réactions de
la population. D'autre part, ils gênent les pronostiques de la sécurité sociale. Le numerus
clausus a pour vocation de limiter les dépenses de santé. Si des médecins au diplôme étranger
s'installent en France, le numerus clausus perd sa vocation première.
La maison de santé a pour fonction d'attirer de jeunes médecins. Si ce ne sont pas eux qui
mettent en place cette structure, de qui s'agit-il ?
II. Multiplication des acteurs à chaque niveau du projet : l'engrenage de l'action
La création d'une maison de santé réunit une grande diversité d'acteurs. Il n'y a pas de
régulation a proprement parlé par les acteurs publics. Ainsi, la mise en place d'une maison de
santé est un choix personnel, qui correspond généralement à la réunion des volontés de maires
et de professionnels de santé déjà établis sur le territoire. Ce sont eux qui vont impulser le
projet (§1). Pour que la mise en place ait lieu, il faudra ensuite réunir des connaissances
techniques et des aides financières. Plusieurs acteurs publics et privés seront nécessaires à la
définition et à la réalisation du projet (§2). Enfin des acteurs proposant des aides financières
vont avoir un rôle majeur dans la direction de l'action publique (§3).
§1. Maires et professionnels de santé : une collaboration nécessaire à l'impulsion du projet
Une maison de santé peut être crées par beaucoup d'acteurs différents. Pour le Conseil
général, le bénéficiaire des aides peut être une commune, un EPCI, un opérateur HLM public
ou privé, ou toute personne physique ou morale de droit privé. Dans les faits, pour mettre en
place une maison de santé, deux types d'acteurs sont essentiels : les professionnels de santé
d'une part (a), et les élus des communes d'autre part (b).
28
a) Les professionnels de santé
La création juridique de la SISA destinée aux personnes physiques exerçant une profession
médicale, d'auxiliaire médicale ou de pharmacien » révèle le poids des professionnels de santé
dans la création de maisons de santé. Ce sont eux qui, usant de leur « liberté de contracter »30,
forment une maison de santé. Sans ces acteurs pour faire rencontrer leurs volontés, il ne peut y
avoir de projet. Monsieur Adams a insisté sur le fait que le projet doit émaner des
professionnels de santé31 .
Il arrive que ces médecins soient disposés à se réunir. A Fontenay-Le-Comte, c'est un
médecin qui est à l'initiative du projet de centre de soins. Quelques années avant la publication
de la Loi HPST en 2009, le Dr Branthomme s'est installé avec un collègue. Ils sont allés en
périphérie de la ville afin de s'installer avec d'autres professionnels de santé (psychologues,
orthophonistes et quinés). Petit à petit le projet a grossi. Au sein de la structure, les
professionnels de santé organisent eux-même leurs activités et pratiques.
Cependant, en Vendée, beaucoup de médecins font parti de l'ancienne génération et
préfèrent le travail solitaire. De plus, ils ont déjà investis dans de l'immobilier pour ouvrir ou
reprendre un cabinet. Certains doivent rembourser leur emprunt. Pour pouvoir acheter une part
dans le capital de la SISA, il leur faut revendre leur ancien cabinet. Or, c'est tout le problème
déjà évoqué, il n'y a pas de repreneurs.
Dans la communauté de communes du Pays des Achards, les professionnels de santé ont
été difficiles à rassembler, mais le maire se veut rassurant en affirmant qu'« on en trouve ».
Dans le cas de la maison de santé d'Aizenay, les médecins ont initié les discussions autour
du projet. Ce sont ensuite les élus communaux qui ont enclenché sa mise en œuvre.
30 La question de la « liberté de contracter » dans le cadre de la création de la SISA a été abordée au cours des débats au Sénat. Alain Millon, Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre FOUCARDE modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, Sénat, rapport n° 294, annexé à la séance du 9 février 2011
31 Mr Adams, ARS , « il n'y a pas un schéma territorial défini, encore une fois, ça repose sur la volonté des professionnels de santé »
29
b) Les communes et communautés de communes
Pour certains, ce sont les véritables acteurs de l'initiative.
Certains maires auront pour tâche de concerter les professionnels et de leur faire
comprendre l'enjeu de la maison de santé. A Aubigny, les deux médecins ont refusé de se
joindre au projet, les élus ont donc du rechercher de nouveaux médecins pour travailler dans
les locaux qu'ils voulaient mettre en place. Dans ces cas-là, le maire est le véritable initiateur
du projet, qu'il défend coûte que coûte. Les professionnels de santé déjà installés ne sont pas
toujours facile à convaincre. De longues discussions peuvent avoir lieu entre les élus et les
professionnels de santé avant d'aboutir à un projet. A Bouin, plusieurs professionnels de santé
sont confrontés à la remise aux normes de leur cabinet. Le maire mise ainsi sur le coût des
travaux pour les convaincre d'investir plutôt dans la maison de santé que dans la rénovation de
leur propre cabinet. Dans cette commune, le cas est intéressant car le Maire déplore le fait que
ce soient aux élus communaux de prendre en charge le problème. Le projet avance peu car ni
les médecins ni le Maire ne sont de véritables porteurs du projet.
A Aubigny, le maire explique ainsi ses difficultés : « Les médecins n'ont pas été moteurs,
pas vraiment, ils nous ont aidé à définir la bonne surface pour les locaux, mais ils ne sont pas
allé beaucoup plus loin étant donné qu'il y en avait un qui allait arrêter six mois après, et
l'autre qui disait « je n'ai plu que trois ans à faire, je ne vais pas réinvestir dans un autre
endroit », il n'a pas fait la démarche ». « Ils étaient aux réunions mais ils n'étaient pas
partants ». Le projet de santé apparaît ainsi comme la chose exclusive du maire. La maison de
santé n'est pas mise en place pour les médecins du territoire, mais pour attirer des médecins
d'un autre territoire. C'est bien tout l'enjeu de la Vendée. Ce département ne bénéficie pas de
Centre Hospitalier Universitaire, or c'est là que se forment les médecins. Ce sont eux qu'il faut
attirer malgré la distance, et non les médecins des villes avoisinantes.
Deux cas de figure peuvent motiver les élus à se lancer dans le projet.
D'une part, les élus qui sont confrontés aux départs des médecins et aux inquiétudes des
habitants se lancent dans le projet en espérant qu'il constituera une structure adaptée aux
aspirations de la nouvelle génération de médecins.
D'autre part, le projet de maison de santé peut être une vitrine du dynamisme de la
commune. Le projet est long à mettre en place, il intrigue, et finit par éclore sous une forme
30
architecturale moderne. Un acteur a relevé, lors d'un entretien, que ces élus utilisaient les
maisons de santé pour pour des raisons électorales. La mise en place d'une maison de santé est
effectivement quelque chose de visible, d'autant plus dans les petites communes. Mais le projet
met 2 à 3 années à sortir de terre. Il n'est pas possible, à partir des entretiens réalisés, de dire si
oui ou non les maires utilisent ces projets à des fins électives. Certains élus font de la
communication autour de leur projet qui est en train de voir le jour.
Toutefois, cette mobilisation du projet par un élu cache en fait la coordination d'une
multiplicité d'acteurs.
Les élus ne font pas la maison de santé, mais ils permettent sa mise en place. Ils doivent
trouver les professionnels de santé qui s'y installeront, soumettre les projets adéquates pour
obtenir des financements ou encore considérer la question de la maîtrise d’œuvre.
L'élu apparaît ainsi comme un coordinateur des différents acteurs.
§2. Le rouage du projet formé par une multiplicité d'acteurs privés et publics
Certains acteurs ne sont pas à l'initiative directe des maisons de santé, mais ils peuvent agir
ponctuellement auprès des élus afin de les inciter à mettre en place un projet de maison de
santé dans les zones où la démographie médicale est très faible ou en danger. Cette intervention
a été évoquée par l'ARS de manière succincte.
Mais une fois le projet impulsé, d'autres acteurs entrent en jeu. Certains vont aider à monter
le projet, d'autres vont le concrétiser.
Les médecins et élus à l'initiative du projet ne possèdent pas toutes les compétences
techniques et les moyens financiers pour le mener à terme.
La diversité des acteurs sollicités pas les élus interrogés est grande. La communauté de
communes du Pays des Achards a lancé un appel d'offre pour obtenir l'aide d'un bureau d'étude
privé. Celui-ci a réalisé une étude de terrain afin de définir les besoins du territoire. Il a procédé
à des enquêtes auprès des professionnels de santé mais aussi des habitants.
Le docteur Branthomme met en garde contre certains bureaux d'étude qui proposent des
31
projets « tout fait » qui ne s'adaptent pas aux territoires.
D'autres acteurs privés sont sollicités, comme les cabinets d'architectes. Là encore, ces
architectes doivent travailler main dans la main avec les professionnels de santé afin de
comprendre ce qu'est un cabinet, et quels sont les nécessités de chaque profession.
Dernièrement, les sites Internet de recrutement fleurissent. Les élus peuvent y déposer une
annonce pour attirer de nouveaux professionnels de santé.
Des acteurs publics sont également sollicités.
A Aizenay et Aubigny, les maires ont fait appel à un Office Public de l'Habitat (OPH) pour
gérer la maîtrise d’œuvre de l'immobilier. Cet office, plus généralement spécialisé dans les
HLM, s'est investi sur plusieurs projets de maisons de santé.
Le CATS, en tant qu'accompagnateur de projet est également un acteur important de la
formation des projets de maison de santé. La DATAR rappelle que l'ARS peut « outre les aides
financières », « apporter un soutien dont la forme varie en fonction de la phase considérée
(projet ou fonctionnement) : étude des besoins conseils, notamment en matière fiscale (conseil
et expertise) et juridique (recherche du statut juridique le mieux adapté aux attentes et besoins
des professionnels...), aide à la recherche de cofinancements, mise en place des systèmes
d'information, conclusion de partenariat avec l'université pour l'accueil d'étudiants... »32.
Ce comité n'est là que pour orienter et soutenir, et non obliger les acteurs à se comporter d'une
telle ou telle sorte. Mais par la diversité des services qu'il peut proposer, il constitue un appuie
fort pour les acteurs locaux.
Toutefois, à la question « connaissez vous le CATS », les communes et ECPI interrogés se
sont montrés parfois intrigués. Quand à la communauté de commune interrogée, elle a expliqué
ne pas avoir souhaité faire appel à eux car un bureau d'étude s'occupait déjà du projet.
La création de ce comité par l'ARS des Pays de la Loire témoigne là encore de la mise en
commun des ressources d'une multiplicité d'acteurs. S'y regroupent entre autre, le préfet, le
conseil général, l'ordre des médecins, un représentant des maires, des représentants des
professionnels de santé, la MSA ou encore la CPAM.
32 DATAR, en ligne, http://www.datar.gouv.fr/sites/default/files/datar/cahier-des-charges-msp-v2.pdf , consulté le 28 mai 2013
32
§3. Le poids prédominant des acteurs du financement dans la réalisation du projet :
Il existe plusieurs acteurs qui financent les projets de maison de santé, dont l'Etat à travers
l'ARS, l'assurance maladie, le conseil régional, le conseil départemental et l'Europe.
Le financement peut se faire de deux manières : soit il s'agit d'une aide au financement de la
maison de santé, soit il s'agit de sommes destinées aux médecins qui s'installent dans des
maisons de santé.
Le projet de maison de santé est coûteux. L'un des projets étudié avoisinait les un million
d'euros. Les élus de petites communes, tout comme les médecins, ne peuvent financer de tels
projets seuls. Ils vont donc soumettre leur dossier aux acteurs du financement.
Le financement du projet se réalise à nouveau avec un cumul des ressources : plusieurs
acteurs proposent chacun une part du financement. Les élus vont ainsi devoir réunir plusieurs
types d'aides pour financer leur projet. Le Conseil général par exemple ne finance que 20 % du
projet, dans la limite de 50 000€.
Les acteurs qui proposent un financement vont cumuler deux pouvoirs : l'un sur la façon de
réaliser le projet, l'autre sur le projet en lui-même.
Avant de soumettre un projet, les acteurs vont devoir produire une étude de terrain afin
d'assurer une cohérence dans la mise en place des maisons de santé. Le Conseil général, par
exemple, demande une conciliation avec les communes limitrophes « pour veiller à cohérence
de la couverture de soins à l'échelle du canton concerné ». De plus, pour le Conseil
général impose à la commune de financer une part du projet. La commune doit donc être
pleinement investie, le projet ne peut être laissé aux seuls médecins.
Le financement pose également la question du pouvoir de régulation sur le projet en lui-
même : les acteurs vont imposer le regroupement de minimum un médecin et deux
professionnels de santé par exemple33. Ils peuvent également imposer l'investissement dans des
pratiques de prévention, l'organisation pour accueillir des stagiaires.
33 Cela semble problématique : la maison de santé est mise en place là où il n'y a plu de médecins pour justement en attirer, mais les acteurs réclament un nombre minimum de professionnels de santé pour accorder une subvention. La maison de santé d'Aubigny a été confrontée à ce problème.
33
§4. Une difficulté liée à la multiplicité des acteurs : la dissolution de l'action publique
Les acteurs se coordonnent pour monter un projet. Aucun ne peut agir sans l'autre.
De cette multiplicité d'acteurs, l’État apparaît comme secondaire dans l'élaboration des
projets. D'ailleurs, il demande explicitement le soutien des autres acteurs, et notamment des
collectivités territoriales. Dans un rapport commandé en 2009 par la ministre de la santé et des
sports, il était ainsi énoncé que « Les collectivités territoriales, qui ont souvent été le fer de
lance du soutien aux groupements pluri professionnels doivent être largement associées aux
choix régionaux, ce qui passe par l’engagement des ARS dans une démarche contractuelle,
afin d’éviter le risque de cloisonnement que pourrait induire une interprétation trop étroite de
la loi HPST. »34
La multiplicité des acteurs du financement est quelque chose de compliqué pour les élus de
petites communes. Il faut savoir qui propose des aides financières et pour quels critères. De
plus, pour attirer des professionnels de santé, il faut également réunir les critères qui leur
permettront de bénéficier des aides à l'installation en maison de santé. Il n'existe pas un guichet
unique pour connaître toutes les formes de financement. Les maires communiquent entre eux,
les liens qu'entretiennent les élus locaux en Vendée sont assez étroits, et cette forme de
communication leur permet d'obtenir des indications.
De cette multiplicité d'acteurs, une définition collective de ce qu'est une maison de santé se
forme progressivement au sein d'un même territoire. Si elle difficile à repérer, elle s'installe
lentement dans l'inconscient collectif du département.
Pour les médecins, la responsabilité des acteurs politiques est difficile à quantifier. Ils sont
eux-même les propres acteurs du projet. Ceux qui continuent d'exercer en cabinet individuel
sont confrontés à la question de la sanction politique. La multiplication des projets de maison
de santé semble pérenne.
34 Ministère de la Santé, Rapport 2009, En ligne, http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_maison_de_sante.pdf , consulté le 25 mai 2013
34
Partie 2 : la maison de santé, un outil préalable pour impulser une dynamique de régulation des pratiques médicales
A partir du cas de la Vendée, il apparaît que certaines politiques globales du territoires vont
favoriser le déploiements des maisons de santé (Chap. 1).
Le projet de maison de santé sans être un instrument de régulation apparaît comme un
instrument de l'action publique (Chap. 2).
Par ces deux constats, la modification des territoires de santé s'apparente à une brèche vers le
chemin de la régulation des pratiques médicale (Chap. 3).
CHAPITRE 1 : Le déploiement de l'action facilité par les politiques globales du territoire
Le regroupement de médecins est beaucoup plus fort en Pays de la Loire (67%) que dans le
reste de la France (54%) 35. Cet attrait pour le regroupement s'explique notamment par la
modification du profil sociologique des jeunes médecins.
Toutefois, si les jeunes médecins aspirent à travailler en groupe, cela n'exclut pas la barrière
du milieu rural (I). Si la Vendée peut miser sur l'attrait des maisons de santé dans son territoire,
c'est qu'elle bénéficie d'autres dynamiques parallèles (II). La démographie générale et l'emploi
y sont croissants. Toutefois, cette évaluation globale n'est pas caractéristique de l'ensemble du
territoire. Ainsi des disparités existent entre les différents cantons de la Vendée. Elles vont
avoir un impacte sur la facilité ou non à mettre en place une maison de santé, la soumission aux
critères des autorités publiques, et la créations de nouvelles inégalités (III).
35 Ministère chargé de la santé ORS et URPS-ml Pays de la Loire, « Panel d'observation des pratiques et des conditions d'exercice en médecin générale (janvier-mars 2001) ». – Drees.
35
I. Les barrières du milieu rural :
Le profil des médecins de la nouvelle génération a évolué, ils viennent de la ville, et
souhaitent rester à la ville. Le Conseil Général, qui reçoit les stagiaires de Vendée tous les six
mois, est réceptif à leurs appréhensions. Parmi elles, se trouve notamment la crainte que leur
conjoint ne puisse trouver un emploi dans le département36. La Vendée est un département
rural, dont la plus grande ville dépasse de peu les 50 000 habitants et très développée dans le
secteur de l'agroalimentaire. La Vendée bénéficie d'un grand réseau de communes rurales, il y a
donc une proximité entre elles, mais toutes sont de petite taille.
A ce handicape, s'ajoute un second. Une étude du Conseil National de l'Ordre des Médecins
a montré que « les départements qui ont une faculté de médecine ont la particularité de
conserver les médecins qui y sont formés »37.
Or, la Vendée ne possède pas de Centre Hospitalier Universitaire. Les jeunes vendéens qui
désirent poursuivent leurs études en médecine sont contraints de se déplacer généralement à
Nantes. Les étudiants vont alors passer une dizaine d'années en ville dans le milieu hospitalier.
Durant leurs études, les stages sont effectués la majorité du temps dans des grandes villes.
Même les étudiants issus du milieu rural verront leur mode de vie évoluer.
Malgré les efforts pour développer des maisons de santé en Vendée depuis quelques années,
les départements ruraux évoquent encore aux étudiants le travail en solitaire dans des cabinets
isolés, avec une patientèle trop lourde à assumer38.
Face à ces obstacles, les acteurs du département et de la Région notamment vont développer
des stratégies communes : il s'agit notamment de développer les stages en Vendée afin de faire
découvrir la région aux étudiants des facultés voisines et avant-tout la faculté de Nantes.
36 L'une des stagiaire a confié son goût pour la Vendée, mais aussi sa crainte de ne pas trouver un emploi pour son conjoint.
37 Conseil national Ordre des médecins, « Les départements qui ont une faculté de médecine ont la particularité de conserver les médecins qui s’y sont formés ». En ligne, http://www.conseil-national.medecin.fr/article/atlas-de-la-demographie-medicale-francaise-2011-les-jeunes-medecins-invitent-leurs-confreres-s%E2%80%99insta-1087 38 C'est ce qui est apparu de manière transversale dans les entretiens, et ce qui a été évoqué de manière directe
par deux étudiantes de 6ème année en médecine à l'Université Paris 5.
36
II. L'opportunité de la Vendée : un département en pleine croissance économique
Le département de la Vendée se présente comme un département en pleine croissance économique. Cette croissance va impulser l'action publique sur deux aspects : tout d'abord la mise en place de maisons de santé va garantir la dynamique économique (§2), ensuite, les communes, possédant des ressources en urbanisme, vont plus facilement se lancer dans le projet (§2).
§1. Des maisons de santé pour garantir le développement économique du département
La Vendée est un département reconnu pour son développement économique qui a été qualifié par la presse française et étrangère de «miracle économique vendéen»39.
Le département bénéficie entre autre d'un taux de chômage faible. De plus, le Conseil général s'investit pour le développement des entreprises.
Chose rare en France, la Vendée connaît une augmentation de son bassin d'emploi. Entre 1999 et 2009 le taux de chômage est passé de 9,7 % à 8,9 % 40, soit en-dessous de la moyenne nationale.
La plus grande catégorie socioprofessionnelle est celle des ouvriers (77 046 actifs), suivis des employés (57 175 actifs), puis des professions intermédiaires (38 144 actifs), des artisans commerçants et chefs d'entreprise (16 407 actifs), des cadres et professions intellectuelles supérieures (13 390 actifs) et des agriculteurs exploitants (12 598 actifs)41.
La Vendée bénéficie d'un territoire qui offre des aspects variés : le littoral permet de développer des activités de tourisme, activités portuaires et activités d’ostréiculture, le reste est notamment composé de bocages, de plaines, de marais et de forêts.
39 SEM Vendée Expansion, "Un développement économique et industriel spectaculaire, in Economie, http://www.vendee-expansion.fr/vendee/pages/economie.html , Consulté le 15 mai 2013
40 Insee, RP1999 et RP2009 exploitations principales. http://www.recensement.insee.fr/chiffresCles.action?zoneSearchField=VENDEE&codeZone=85-DEP&idTheme=2
41 Insee, RP1999 et RP2009 exploitations principales. http://www.recensement.insee.fr/chiffresCles.action?zoneSearchField=VENDEE&codeZone=85-DEP&idTheme=2
37
Source : Insee, RP2009 exploitation principale
Le Conseil général s'investit dans le développement économique de son territoire. Dès les années 90s, le département a mis en place des « Vendéôpoles » pour donner « la possibilité aux entrepreneurs vendéens de se développer sur leur territoire et aux entreprises extérieures l'envie de s'implanter dans un nouvel environnement à l'écoute de leurs besoins »42. Ces parcs d'activités ont attirés 160
entreprises et de nouveaux sont en cours d'aménagement. Pour dynamiser les entreprises et les échanges avec le reste de la côte Ouest, la Vendée développe également son réseau routier. En 2000, elle a élaboré le « plan routier départemental 2020 » visant à mettre « tous les vendéens à moins d'un quart d'heure d'une autoroute ou d'une voie rapide »43. D'ici trois ans, près de 100 km de voies devraient voir le jour.
Le Conseil général a également pour ambition de « faire des ports vendéens les plus grands ports de France »44 afin de développer les emplois en mer et surtout les emplois à terre qui y sont liés.
Les entreprises ont un rôle primordiale dans le département. Lors des événements qu'elles organisent, elles ne manquent pas de rappeler leurs ambitions de développement45. Elles s'organisent également afin de « dynamiser encore plus le rayonnement de la Vendée »46.
Sur son site Internet, le Conseil Régional des Pays de la Loire explique que « La démographie des professionnels de santé est une problématique au croisement de la santé et de l’aménagement du territoire : un territoire sans professionnel de santé n’attire ni population, ni entreprise. » 47 . La Vendée est un département en plein développement économique. Si la région et le département sont autant investis dans la mise en place de maisons de santé, ce n'est pas uniquement dans le soucis de satisfaire les besoins de santé de sa population, mais également pour attirer de nouvelles populations et entreprises afin de garantir leur dynamique
42 SEM Vendée Expansion, "Un développement économique et industriel spectaculaire, in Economie, http://www.vendee-expansion.fr/vendee/pages/vendeopoles.html , Consulté le 15 mai 2013
43 http://www.vendee.fr/Territoire-et-environnement/Transports-Circulation/La-Vendee-trace-ses-routes/Chaque- Vendeen-a-moins-de-vingt-minutes-d-une-2x2-voies
44 Conseil Général de Vendée, "Faire de spots vendéns les plus grands ports de France, 13 octobre 2012 En ligne, http://www.vendee.fr/Economie-et-entreprises/Actions-du-CG/Les-ports-acteurs-de-l-economie-vendeenne/Faire-des-ports-vendeens-les-plus-grands-ports-de-France , consulté le 15 mai 2013
45 Discussion auprès de salariés en Vendée46 Conseil Général de Vendée, http://www.vendee.fr 47 Conseil Régional Pays de la Loire, http://www.paysdelaloire.fr/politiques-regionales/sante/actu-
detaillee/n/les-maisons-de-sante-pluridisciplinaires/ Consulté le 15 mai 2013
38
Vendéopôles et voies routières
économique, symbole de leur réussite. Les maisons de santé prennent ainsi place dans une politique plus globale de développement économique du département.
Or, les médecins qui veulent s'installer en milieu rural sont soucieux de trouver un emploi pour leur conjoint. Le taux de chômage étant faible, et les entreprises en plein développement, la Vendée peut présenter des atouts pour attirer de nouveaux médecins. Un cercle peut se tisser : en développant l'emploi, la Vendée attire des médecins, en attirant des médecins, la Vendée attire les entreprises. La Vendée bénéficie donc d'un développement de l'emploi qui devrait pouvoir, plus que dans d'autres départements ruraux, attirer les professionnels de santé.
§2. Des communes en pleine rénovation urbaine, prêtes à s'investir dans des projets de maisons de santé
Au niveau communal, de nombreux efforts de rénovation urbaines ont été entrepris depuis une quinzaine d'années. Parmi les acteurs interrogés, la commune d'Aubigny est un exemple de cette dynamique. La commune subit depuis quelques années de nombreux réaménagements afin d'accueillir un nouveau collège et des structures médicales.
La communauté de communes du Pays des Achards a déclaré que tous les centres-bourgs et entrées de bourg de l'EPCI ont été rénovés ou le sont actuellement.
La plupart des communes ont donc déjà procédé à la rénovation des espaces et assimilé par ce biais une expérience et connaissance technique de l'urbanisme.
De plus, quasiment la totalité des communes sont couvertes par un EPCI. L'intercommunalité permet ainsi un partage des connaissances, et la mise en commun de moyens financiers, qui peuvent facilité la mise en place de projets de maisons de santé.
III. Une régulation indirecte des pratiques médicales dans les territoire en carence ressources financières et techniques
Les communes du département sont inégales face à la possibilité de mettre en place des maisons de santé (§1). Ce problème est d'autant plus importants que les maisons de santé sont elles-même créatrices d'inégalités envers ces mêmes communes (§2).
L'inégalité des territoires aura un enjeu fort sur la régulation des pratiques des professionnels de santé (§3).
39
§1. Les inégalités face aux richesses et aux connaissance techniques nécessaires à la mise en place des maisons de santé.
Le maire de Bouin relève que « ce n'est pas [aux maires] de s'occuper du problème de désertification médicale ». En effet, les élus communaux n'ont pas toujours les ressources nécessaires pour mettre en place les maisons de santé. Pour des raisons d'urbanisme et de ressources financières, les communes sont inégales face la faculté de mettre en place des maisons de santé.
A Bouin, le maire déplore le manque de terrains constructibles sur sa commune. En effet, la commune est classée en zone Natura 2000 et soumise à la loi littorale.
L'expansion des communes situées en zones protégées étant difficile, ces territoires ne suivent pas le même essors que le reste du département, du moins pas de la même façon. Il leur est plus difficile de mettre en place de grandes structures de santé. De plus, les communes qui n'ont pas expérimenté la rénovation urbaine de leur territoire sont confrontées à un manque de connaissances techniques. Dans ce cas, les communes peuvent faire appel à des bureaux d'étude, mais cela coûte cher, et les élus peuvent se sentir dépendants de ces bureaux.
Des inégalités de richesse font également obstacle une mise en place de maison de santé. Le projet est coûteux. Les petites communes rurales ne peuvent réunir ces sommes. A nouveau, la communauté de communes peut permettre de réunir la somme minimale nécessaire. C'est elle qui prendra en charge la mise en place du projet, et le choix de la commune bénéficiaire.
L'intercommunalité peut favoriser la réunion des ressources financières et techniques nécessaires. Mais cette prise en charge reléguera les communes au second plan. Celles-ci auront moins de poids dans les décisions.
Les acteurs du financement demandent souvent une concertation des communes avec les autres acteurs locaux du canton afin de permettre une bonne répartition des maisons de santé48. Dans les faits, les maires et EPCI sont confrontés à la situation du premier arrivé, premier servi, une logique de concurrence s'installe. Les objectifs de proximité des soins portés par la politique de lutte contre la désertification médicales sont instables et précaires.
48 Dans son règlement d'intervention, le Conseil général impose une concertation préalable avec les communes limitrophes ou les EPCI compétents, pour « veiller à la cohérence de la couverture de soins à l'échelle du canton concerné ».
40
§2. Des inégalités générées par la mise en place de maison de santé favorisant l'éclosion de projets
Une commune qui met en place une maison de santé vide les communes avoisinantes de
leur potentiel de santé, d'autant plus s'il s'agit d'un pôle de santé qui rassemble également des
établissements de santé ou des établissements médico-sociaux.
Comme mettre en place une maison de santé consiste à regrouper plusieurs professionnels
de santé et que les projets ne sont pas accessibles financièrement à toutes les communes, il ne
peut nécessairement pas y avoir une maison par commune. Pour le département, il peut y en
avoir une par canton, mais dans les faits, ce n'est pas le cas. De plus, lorsque les communes
n'ont pas les moyens financiers pour mener le projet, c'est la communauté de commune qui le
prend en charge. Dans ce cas, les professionnels de santé d'une commune périphérique sont
concertés dès la formation du projet pour intégrer la maison de santé de la commune centrale.
Le départ d'un médecin d'une commune aura un effet domino sur les autres professionnels
de santé, les laboratoires et les pharmacies. Ces dernières sont les véritables perdantes de la
mise en place de maisons de santé49. Dès lors que les patients de la communes vont se rendre
dans une commune voisine pour consulter leur médecin, ils iront acheter leurs médicaments
dans la pharmacie située à côté de la maison de santé. Ces pharmacies sont régulièrement
concertée avant la mise en place d'un projet, mais leur poids dans la décision reste faible et
aucune solution ne leur est apportée.
De plus, le maillage des officines ne semble pas être en adéquation avec la politique de mise
en place de maisons de santé. En effet, il ne peut y avoir qu'une officine pour 2500 habitants.
Auparavant, le problème des communes rurales était de ne pas pouvoir bénéficier d'une
officine alors qu'un cabinet y était installé50. Aujourd'hui, le problème pourrait être l'inverse :
alors que la maison de santé sera accueillie dans une commune de peu d'habitants, mais attirera
des flux de patientèle élevés, les pharmacies des communes limitrophes ne pourront pas
s'implanter dans la commune centrale afin de bénéficier équitablement des revenus de la vente
de médicaments.
Au cours des entretiens, les élus de communes n'ont pas abordé le poids des pharmacies
dans leur décision. Le maire d'Aubigny a toutefois abordé le regret de la pharmacie de sa
49 Entretien avec la CPAM 50 Question écrite n°08195 de M. Hervé Maurey (Eure – UDI-UC) publiée dans le JO Sénat du 02/04/2009, p.
801
41
commune d'être située au bout de la rue et non en face de la maison de santé. Mettre en place
une légère distance pourrait être un amortisseur pour les pharmacies de communes
avoisinantes. Ainsi, la patientèle qui reprend sa voiture ou le taxi préférera peut-être faire un
arrêt dans sa commune et non dans la rue suivante.
Cet enjeu peut être à l'origine de l'action des maires. Pour ne pas être vidée de son potentiel
de santé, la commune doit être la première du canton ou de la communauté de commune à
mettre en place une maison de santé. Une sorte de compétition se crée entre les territoires pour
devenir de véritables « pôle de santé ». Les projets qui sortent de terre font parfois l'objet d'une
forte communication dans les magazines locaux, télévisions locales ou sites Internet. Ils sont la
fierté d'une commune, et peuvent devenir l’emblème d'un élu.
Durant l'enquête, la commune de Bouin et de la Mothe Achard ont été consultées car elles
figuraient en zones fragiles et ne possédaient pas encore de maison de santé. Toutes deux
avaient pourtant déjà entamé des procédures pour mettre en place une telle structure.
Aujourd'hui, toutes les communes en zones rurales semblent vouloir s'investir dans ce projet
plutôt que de développer des solutions originales. La peur d'être vidée de son potentiel de santé
peut en être la cause. Mais cette urgence peut aussi provoquer une répartition anarchique des
maisons de santé sur le territoire.
L'intervention du Maire de Bouin prend sens : est-ce aux communes de s'occuper de la mise
en place de maisons de santé ? A trop déléguer cette tâche aux collectivités territoriales
inférieure, l'Etat, la Région et le département n'ont-ils pas donné aux maires une compétence
qui n'est pas la leur ?
Certes, la compétition des maires est génératrice d'action, mais elle pourrait aboutir à une
mauvaise répartition des pôles de santé. Le résultat sera à étudier d'ici quelques années.
42
§3. Des éléments réunis pour permettre la régulation des pratiques médicales
sur les territoires ruraux
Le financement de maisons de santé s'adresse aux petites communes, qui ont généralement
peu de moyens financiers. Pour obtenir des subventions et pour attirer des médecins en leur
permettant de bénéficier d'aides à l'installation en groupe, les projets vont devoir se plier à des
exigences portant sur les pratiques des médecins. Les professionnels de santé vont devoir
accueillir des stagiaires, travailler autour d'un projet de santé, organiser une permanence des
soins.
De plus, les subventions sont limitées aux communes qui sont déjà en manque de médecin,
ou vont le devenir à court terme.
La place des communes est essentielles dans ce processus : ce ne sont pas les médecins qui
initient véritablement la mise en place d'une maison de santé, mais les élus communaux qui
sont confrontés à deux urgences : celle du déficit en médecins, l'autre de la concurrence établie
entre les territoires. Ces élus ne vont pas prendre le temps d'écouter les médecins, de leur
permettre de réaliser des emprunts, ou de réunir eux-mêmes les fonds nécessaires à la mise en
place d'une maison de santé. Ils sont contraints de de lancer le projet rapidement. Pour cela, ils
vont devoir se soumettre aux critères nécessaires pour bénéficier de subventions. De plus,
cette éclosion rapide , va favoriser la disparition progressives des cabinets individuels et petit à
petit, la maison de santé deviendra une norme. Ainsi, une régulation indirecte des pratiques
médicale se met en place sur l'ensemble des territoires ruraux.
Cet processus tient notamment à un élément : la mise en place de maisons de santé tournées
autour de la notion de projet.
43
CHAPITRE 2 : Le projet collectif de maison de santé, un instrument
de l'action publique
En se formant autour de la notion de projet, la maison de santé pluridisciplinaire apparaît
comme un instrument de l'action publique au sens de Gilles Pinson51. Le projet de maison de
santé réunit les caractéristiques attribuées par l'auteur au « projet ». Il constitue ainsi un
instrument de mobilisation sociale (I). Ce projet fait intervenir la primauté d'une rationalité
interactionniste et processuelle (II). Mais il correspond tout de même à l'affirmation d'une
volonté politique (III).
I. La maison de santé comme instrument de mobilisation sociale
Gille Pinson considère le projet comme un « instrument de mobilisation sociale » par la
réunification de deux éléments : la « pensée de l'existant » et une « critique des savoirs experts
et sectoriels »52.
Bien que ce soit l’État qui ait mobilisé le premier la notion de maison de santé par le biais
de textes législatifs, les rapports du Sénat et les productions des ministères ne cessent de
proclamer le rôle primordiale des territoires décentralisés et déconcentrés pour les mettre en
place. Pour réaliser ce « transfert » de compétence, les acteurs étatiques ont soulevé la
nécessité pour ces mesures de s'adapter à des territoires disparates. Ils ont incité les acteurs
locaux à s'investir dans une politique de lutte contre la désertification médicale. L'ARS , par le
biais des CATS, mobilise un nombre important d'acteurs du territoire. Cette collaboration avec
les collectivités territoriales et les acteurs privés semble utopique. Pourtant, en Vendée, elle
s'effectue en parfaite symbiose entre les acteurs.
La maison de santé appelle à une « pensée de l'existant » sur deux plans. Tout d'abord, elle
s'inscrit dans une politique de lutte contre la désertification médicale. Or, cette problématique
conçoit les professionnels de santé et les maires comme « porteurs de ressources
51 Pinson Gilles, « Chapitre 5 : Le projet urbain comme instrument d'action publique », in Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès, Gouverner par les instruments, Presses de Sciences Po « Académique », 2005
52 Pinson Gilles, op cit.
44
mobilisables »53. Les professionnels de santé sont ainsi l'objet d'études sociologiques afin de
comprendre ce qu'ils étaient et ce qu'ils sont devenus. Les projets s'adaptent également à leurs
désirs organisationnels et aux réseaux relationnels qu'ils composent. Ainsi, les médecins déjà
installés qui ne souhaitent pas se joindre au projet comme à Aizenay n'ont pas été contraints de
le faire. Les professionnels de santé qui se regroupent dans les villages sont généralement des
personnes qui se connaissent déjà et travaillent déjà auparavant ensemble. Les élus locaux sont
également mobilisés en tant que porteurs d'un projet en adéquation avec leur territoire. Le
deuxième plan apparaît alors : la maison de santé est aussi un projet immobilier qui s'inscrit
dans une politique de rénovation urbaine. En cela, elle prend lentement sa place dans les
paysages ruraux, au milieu de bourgs et de réseaux routiers. Selon le territoire, elle pourra
prendre plus ou moins de place dans l'espace, s'associer à d'autres structures médicales ou
sociales, ou même devenir une place de rencontre à part entière54.
C'est par le biais de cette pensée de l'existant que se met en place la concurrence entre les
communes : chacune doit valoriser ses ressources existantes pour espérer être celle qui
accueillera une maison de santé. Le projet de maison de santé n’apparaît pas comme une
contrainte, mais comme un outil de valorisation du territoire afin d'attirer de nouvelles
populations et nouvelles entreprises.
Enfin, le projet de maison de santé remet en cause les « savoirs experts et sectoriels ». Tout
d'abord, l'élaboration d'une solution au problème de désertification médicale par les différents
acteurs de Vendée s'est faite sans l'appui d'études pour réaliser des liens entre désertification
médicale et dégradation des conditions de santé. Dans les collectivités territoriales, la
problématique s'est construite du bas vers le haut, c'est-à-dire à partir des revendications des
maires et des présidents d'EPCI.
De plus, les petites communes à qui s'adressent les maisons de santé ne bénéficient pas
nécessairement des connaissances techniques nécessaires pour mettre en place ces structures,
toutefois, ce sont eux les initiateurs du projet. Ils vont devoir s'associer avec des professionnels
de santé du territoire, pourtant habitués à travailler de manière individuelle, pour monter le
projet final. Ces propos peuvent toutefois être nuancés puisque ces acteurs vont généralement
faire appel à experts privés ou publics. Mais cela se fera à leurs frais.
53 Gilles Pinson, op cit. 54 A Aubigny, la maison de santé pluridisciplinaires a été présentée comme un nouvel espace de rencontres, et
agrémentées de petits espaces verts.
45
La maison de santé s'apparente ainsi à un « instrument de mobilisation sociale », qui n'a pas
pour vocation de réguler les pratiques médicales, mais de s'y adapter. Elle s'adapte notamment
aux nouvelles formes d'organisation des jeunes médecins. Elle ne doit pas non plus s'imposer
aux acteurs locaux, mais est proposée comme une solution mise à leur disposition pour
répondre au problème de désertification médicale.
II. La primauté d'une rationalité interactionniste et processuelle
Selon Pinson, « La démarche du projet correspond […] à un contexte de rationalité limitée,
dans lequel l'avenir est considéré comme peu prévisible, et le bien commun n'est pas tant
conçu comme le fruit de raisonnements technico-scientifiques que comme le résultat d'un
processus délibératif d'échanges et de négociations censé déboucher sur un consensus ».
La planification et l'évaluation sont en partie absentes des politiques publiques de
désertification médicale menées par les différents acteurs. Lors de l'entretien, la Directrice
adjointe en charge de la Gestion du Risque et de la Santé Publique de la CPAM a mentionné
quelques doutes sur l'efficacité des maisons de santé, du fait du manque d'évaluations.
Mais la réforme est récente et il est trop tôt pour évaluer les maisons de santé. Les
événements passés s'apparentent peu à la réforme des maisons de santé. Quelques similitudes
auraient pu être tirées de la mise en place par l'Etat d'une Agence Régionale de l'Hospitalisation
en 2006, chargée de créer des outils pour tenter de réguler les hôpitaux publics. La Sécurité
Sociale gardait alors sous contrôle les cliniques privées.55 Mais le problème n'est pas le même,
la maison de santé n'est pas un établissement de santé, le système n'était pas le même. De plus,
il n'a pas été soulevé par les acteurs pour argumenter une position ou faveur ou défaveur de la
Loi HPST.
Comme tout « projet » selon Pinson, la maison de santé ne peut voit le jour qu'après un
consensus opératoire entre les acteurs locaux sur ses différents éléments substantiels. Les
professionnels de santé doivent être convaincus par le projet pour se réunir, les maires doivent
coordonner ses différentes phases, et les acteurs du financement doivent établir sa conformité
55 François-xavier Schweyer, « La régulation régionale du système hospitalier : pilotage par l'Etat ou territorialisation ? », In : Politiques et Management public, vol. 16, n° 3, 1998
46
avec leurs propres exigences. Le projet de maison de santé doit émerger d'une vision commune
des différents acteurs. Chaque région, chaque département, va alors développer son propre
modèle de maisons de santé et s'affirmer comme un « acteur collectif ».
Toutefois, le modèle juridique de la SISA, créé pour faire bénéficier aux maisons de santé
d'avantages pratiques, intègre un élément discret mais très important : l'obligation de
transmettre les statuts de la société aux différents ordres de professionnels et à l'Agence
régionale de santé56. Cet élément va permettre aux Agences régionales de santé de répertorier le
nombre de maisons de santé sur leur territoire, même si celles-ci ne répondent pas à leurs
exigences pour l'obtention d'une aide financière, ou n'en ont pas fait la demande. De plus,
l'Ordre des médecins, jusque là plutôt absent des textes législatifs concernant les maisons de
santé, prend place dans la conduite de la politique publique de lutte contre la désertification
médicale. Cet acteur n'était d'ailleurs pas cité dans le projet de loi initial et n'a été ajouté qu'à la
suite d'un rapport du Sénat. En Vendée, le docteur Branthomme qui occupe le statut de
président de la Commission des Gardes, de la Permanence des Soins et de la Démographie
Médicale du conseil départemental de l'Ordre des médecins, a contribué à la promotion des
maisons de santé pluridisciplinaires avant même la loi HPST de 2009. Sur plusieurs années, et
sans l'aide des élus locaux, il a rassemblé différents professionnels de santé de sa commune. La
croissance démographique aidant, le nombre d'associés au projet a augmenté au fil des ans.
Aujourd'hui, sa position à l'Ordre des médecins lui permet d'être écouté et d'élaborer une
véritable communication autour de ce type d'organisation.
L'encadrement juridique de la mise en place des maisons de santé est donc principalement
de l'ordre du processuel : par exemple, aucun projet de santé particulier n'est imposé, mais il
doit être déterminé par la consultation des différents acteurs. L'aléatoire et l'imprévisible sont
directement souhaités par les acteurs publics.
En effet, la maison de santé intègre deux niveaux d'action publique57 : celui du « méta-
projet », qui correspond à la politique publique de lutte contre la désertification médicale du
niveau territorial supérieur, et celui du « projet concret », qui correspond à l'échelle de
commune.
Au niveau territorial supérieur, le « méta-projet » fixe un horizon, qui se concrétise en
56 Article L.4041-7 du Code de la santé publique 57 Pinson op cit.
47
l'espèce dans l'identification de zones déficitaires, l’incitation à la collaboration des médecins
et des collectivités territoriales, ou l'injonction d'intégrer dans le projet l'accueil de stagiaires, et
l'organisation de la permanence des soins.
Au niveau territorial inférieur où se forme le projet concret, les acteurs vont apparier des
objectifs intermédiaires au méta-projet pour le concrétiser.
Ce recours au projet, malgré toute la part de mystère qui l'accompagne, va permettre de
reformuler le problème de désertification médicale en faisant émerger des contraintes
imprévues. De plus, il permet au projet de bénéficier de ressources nouvelles en cours de
processus. Les divers acteurs associés se sentent mieux reconnus par cette démarche
d'élaboration collective d'un projet. Les médecins notamment sont appelés à se réunir autour du
projet et se l'approprier. Durant les entretiens, tous les acteurs ont salué l'action publique,
l'Ordre des médecins s'en est même fait le défenseur. Les acteurs politiques se sont protégé de
tout mouvement de contestation de leur politique.
III. L'affirmation d'une volonté politique
Paradoxalement, l'instrument du projet permet également d' « affirmer une volonté
politique » et de la pérenniser.
La maison de santé apparaît comme le fait d'un acteur qui se rend visible et se positionne
dans son environnement par ce projet. Derrière chaque maison, un « porteur de projet » se
dessine, sous la forme d'un maire, d'un adjoint ou d'un président d'EPCI. Ce leadership
politique se construit autour du rôle de mobilisation des acteurs et de coordination des actions.
La gestion technique est relayée au second plan, et elle est même parfois confiée à des acteurs
privés.
En Vendée, l'exemple est frappant. L'action du projet d'Aubigny a largement été accélérée
par l'appropriation du maire : il a intégré ce projet dans une politique plus large qu'il mène
depuis quelques années, et a beaucoup communiqué dessus dans la presse locale et sur Internet.
A Bouin, au contraire, alors que ni les médecins ni le maire ne s'approprient le projet, l'action
est retardée, elle est difficile à se mettre en place.
Si une figure émerge à la tête de chaque projet, elle ne fait que représenter la volonté d'un
48
« acteur collectif ». Le « leader » va s'emparer d'une notion construite par une diversité
d'acteurs.
CHAPITRE 3. Une brèche vers le chemin de la régulation des pratiques des professionnels de santé.
Alors qu'en Angleterre les installations de médecins et leurs modes de pratiques sont régulés
par l'Etat, les médecins libéraux français ont toujours su conserver leur indépendance et leur
pouvoir de négociation.
S'attaquer aux modes de pratiques par une régulation brutale est quelque chose de risqué
pour les acteurs politiques.
En proposant aux médecins de se regrouper par eux-même, sous une forme particulière qui
leur est seulement conseillée, les acteurs politiques ont su établir une stratégie pour éviter les
mouvements de contestation.
Au lieu d'imposer un contenu, les acteurs politiques ont encadré des pratiques. Ils se sont
réapproprié la notion de regroupement de médecins et imposent ainsi, très progressivement,
des modes de coordination et d'aménagement des soins. L'instrument normatif classique a été
remplacé par des instruments incitatifs.
Cette transformation de l'action publique peut être interprétée par l'influences d'idées néo-
libérales. La ville serait le territoire ou les enjeux économiques, sociaux et culturels se
rencontrent [Pinson, 2004]. Les acteurs locaux s'organisent sans régulation contraignante. Les
autorités politiques n'apparaissent que pour encadrer l'organisation, et favoriser la réalisation
des regroupements désirés par les jeunes médecins.
Mais le désengagement des acteurs publics est à nuancer.
La maison de santé est un type d'organisation qui, par les circonstances déjà énoncés, est
voué à se répandre sur les territoires ruraux. En généralisant ce mode de regroupement, il reste
peu de places pour les médecins libéraux qui souhaitent conserver un mode d'exercice
indépendant.
49
Si la politique de lutte contre la désertification peut permettre aux territoires de retrouver
des médecins, elle a surtout permis à l'Etat de s'immiscer progressivement dans les pratiques
des professionnels de santé. Le terme de « désertification médicale » a aidé à susciter un
sentiment d'urgence chez les élus de petites communes. Les acteurs locaux parlent plus
modestement de « problème de démographie médicale » ou de « territoire en sous-effectif ». Le
« désert » est un terme qui fait peur.
Les maisons de santé pourront à tout moment être utilisées par les pouvoirs publics pour la
régulation des pratiques des professionnels de santé. L'Etat peut à tout moment modifier les
conditions qui s'y appliquent et ajouter des contraintes. Mais pour cela, il devra attendre encore
le temps que les médecins s'adaptent eux-mêmes aux nouveaux modes d'organisations proposés
dans ces maisons. C'est tout un paradigme qui doit évoluer.
Les réformes actuelles vont dans ce sens. Le dossier de presse du Ministère des affaires
sociales et de la santé, relatif au « Pacte territoire-santé » énonce douze engagements. Parmi
eux, figurent explicitement l'objectif de « transformer les conditions d'exercice des
professionnels de santé ». Le vocabulaire est important puisqu'il ne s'agit plu de s'y « adapter »
mais bien d'agir pour les « transformer ». Pour cela, des versements de « forfaits équipe »
doivent être mis en place avant le fin 2013. Ces forfaits ne seront attribués qu'en échange de
services de prévention, d'élargissement des plages horaires ou encore de l'accueil continu des
patients. Elles seront contractées entre les équipes de professionnels, les caisse primaires
d'assurance maladie et les ARS. De plus, le ministère prévoit d' « accélérer les transferts de
compétences » par le biais d'actions ciblées des ARS sur les territoires où les listes d'attentes
sont les plus longues.
Un autre phénomène se met en place : celui de la régulation des installations de
professionnels de santé. Pour se faire, un autre engagement vise à « conforter les centres de
santé » dans les zones fragiles. L'action de l'Etat ne vise plus la simple maison de santé, mais
également les centres de santé, dans lesquels les médecins sont salariés et donc dépendants d'un
employeur.
Enfin, l'engagement n°10 va encore plus loin : il vise à « permettre aux professionnels
hospitaliers et salariés d'appuyer les structures ambulatoires ». Cet engagement sera mis en
place par le biais de convention entre l'ARS et les centres de santé prévoyant « la mise à
disposition de médecins salariés qui iront exercer en ambulatoire dans les territoires les plus
50
fragiles ».
Cette accélération des actions de régulation des pratiques des médecins pourrait simplement
s'expliquer par le changement de majorité au pouvoir. D'un gouvernement néo-libéral, mettant
en place des structures pour permettre à des acteurs privés de réinvestir des territoires selon
leurs aspirations, nous serions passé à un gouvernement socialiste, renouant avec des outils de
régulation.
Mais la mise en place de maisons de santé n'est pas issue totalement d'une mouvance néo-
libérale. La maison de santé s'apparente au contraire à un outil transitoire. Il permet de
développer des structures contraignantes pour les médecins, tout en noyant la responsabilité
politique des acteurs dans une multiplicité d'acteurs.
51
Ouverture :
Les médecins libéraux en France ont toujours revendiqué leur liberté d'installation et empêché
sa régulation. La modification du profil des médecins peut présenter une opportunité pour les
pouvoirs publics. En développant les maisons de santé et surtout les centres de santé, des flux de
patientèles peuvent se mettre en place, empêchant les médecins libéraux de s'installer dans un
cabinet individuel sur le même territoire. Si en plus, les campagnes et les zones péri-urbaines se
dotent de centres de santé, les médecins seront employés ou non en fonction des besoins. Dans les
maisons de santé, ils ne pourront s'installer que dans celles qui disposent d'un cabinet libre. Le
risque serait de voir les médecins se réfugier en ville, où l'installation en cabinet serait encore aisée.
Mais si les propositions actuelles de limitation des installations en ville58 avaient lieu d'ici quelques
années, alors les médecins seraient contraints de se rendre dans les zones rurales et péri-urbaines,
non pas là où ils le souhaitent, mais dans les structures disposées à les accueillir. Ce scénario n'est
pas à l'ordre du jour. Mais la voie qu'empruntent les réformes actuelles pourraient y mener,
notamment avec l'engagement n°12 du Ministère de la justice pour mettre en place des centres de
santé dans les zones isolées. Peut-être qu'un jour, le modèle à l'anglaise, pourrait également devenir
le modèle à la française....
58 Le nouveau gouvernement a émis l'hypothèse d'exclure de l'Assurance-Maladie les médecins qui s'installent dans les zones « sur-dotées ». GUICHARD Guillaume, « Les déserts médicaux en trois questions », in Le Figaro, 08 février 2013
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ANNEXE :
Carte des communes classées en zone fragile par l'ARS en Région Pays de la Loire (2012) :
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TABLE DES MATIERES
Table des matièresPartie 1. La mobilisation de la notion de « maison de santé » par les autorités publiques pour encadrer l'organisation en groupe des professionnels de santé...................................................13
CHAPITRE 1 : L'émergence du problème de « désertification médicale »......................14I. La diversité des outils pour définir des zones prioritaires: ..................................14
§1 La distance d'accès aux soins : .................................................................15§2 Le temps d'accès aux soins : .....................................................................15§3 Le nombre de médecins par habitants ......................................................16
II. Une définition du problème engagée par le bas ? ..............................................17CHAPITRE 2 : La notion de maison de santé créatrice d'enjeux pour les différents acteurs20
I. Le projet de santé : ...............................................................................................20II. Le projet immobilier : .........................................................................................22III. Le lieu : .............................................................................................................24IV. Le statut juridique ..............................................................................................26
CHAPITRE 3 : réunir les acteurs autour de la mise en place de maisons de santé : un pilotage à distance.............................................................................................................28
I. Les jeunes médecins comme destinataires du projet de maison de santé.............28§1. Evolution du profil sociologique du médecin libéral : ............................28§2. Une maison de santé pour combler les jeunes médecins : .......................30
II. Multiplication des acteurs à chaque niveau du projet : l'engrenage de l'action...32§1. Maires et professionnels de santé : une collaboration nécessaire à l'impulsion du projet...............................................................................................................32
a) Les professionnels de santé...............................................................33b) Les communes et communautés de communes................................34
§2. Le rouage du projet formé par une multiplicité d'acteurs privés et publics 35§3. Le poids prédominant des acteurs du financement dans la réalisation du projet : .37§4. Une difficulté liée à la multiplicité des acteurs : la dissolution de l'action publique........................................................................................................................38
Partie 2 : la maison de santé, un outil préalable pour impulser une dynamique de régulation des pratiques médicales ....................................................................................................................39
CHAPITRE 1 : Le déploiement de l'action facilité par les politiques globales du territoire 39I. Les barrières du milieu rural :...............................................................................40II. L'opportunité de la Vendée : un département en pleine croissance économique 41
§1. Des maisons de santé pour garantir le développement économique du département........................................................................................................................41§2. Des communes en pleine rénovation urbaine, prêtes à s'investir dans des projets de maisons de santé.............................................................................................43
III. Une régulation indirecte des pratiques médicales dans les territoire en carence ressources financières et techniques........................................................................43
§1. Les inégalités face aux richesses et aux connaissance techniques nécessaires à la mise en place des maisons de santé. ..............................................................44
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§2. Des inégalités générées par la mise en place de maison de santé favorisant l'éclosion de projets .......................................................................................45§3. Des éléments réunis pour permettre la régulation des pratiques médicales sur les territoires ruraux.............................................................................................47
CHAPITRE 2 : Le projet collectif de maison de santé, un instrument de l'action publique48I. La maison de santé comme instrument de mobilisation sociale ..........................48II. La primauté d'une rationalité interactionniste et processuelle ............................50III. L'affirmation d'une volonté politique.................................................................52
CHAPITRE 3. Une brèche vers le chemin de la régulation des pratiques des professionnels de santé. ............................................................................................................................53
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