+ All Categories
Home > Documents > Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE? Analyse transversale & Etude de cas Niger

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE? Analyse transversale & Etude de cas Niger

Date post: 04-Mar-2023
Category:
Upload: ehess
View: 0 times
Download: 0 times
Share this document with a friend
93
Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE? Analyse transversale & Etude de cas Niger Analyse conduite pour le SUN - Société Civile - Niger par Jean-Francois CAREMEL
Transcript

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE? Analyse transversale & Etude de cas NigerAnalyse conduite pour le SUN - SociétéCivile - Nigerpar Jean-Francois CAREMEL

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

QUELLES STRATÉGIES DE RÉDUCTION DU COÛT DES ATPE/ASPE?ANALYSE TRANSVERSALE & ETUDE DE CAS NIGER

Analyse conduite pour

La plate-forme TUN est un groupement à but non lucratif de structures de lasociété civile (Alternative espace citoyen, O.N.G.BEFEN, Concern, FORSANI,GEDD_GAO, Médecins Sans Frontières) qui oeuvre pour le renforcement de lanutrition Niger. Dans ce cadre, pour promouvoir la partie passée affectiveefficace de la société civile sur ces questions, la plate-forme travailleétroitement avec le point focal du gouvernement pour le seul ainsi qu'avec lepoint focal les bailleurs de fonds.

La plate-forme entend :

1. conduire un plaidoyer efficace pour porter la voix de la société civiledans le cadre du processus SUN au Niger, influencer les politiquesnationales et internationales relatives à la nutrition, mobiliser desressources nationales et internationales, participer diagnostic de lasituation et à la définition de à la stratégie nationale, crée une based'évidence,

2. fédérer les efforts de structures membres en vue d'une synergie et d’unimpact dans le traitement des questions de nutrition,

3. proposer des stratégies et procédures pour le suivi et l'évaluation,4. être un cadre de renforcement des capacités,5. capitaliser les expériences du Niger en matière de prévention et prise en

charge des cas de malnutrition.

Par

Jean-Francois CarémelChercheur Doctorant EHESS-INSERM-CNRSCentre de recherche Centre de recherche médecine, sciences, santé, santémentale, société (CERMES3 UMR 8211 - U988) Chercheur associé au LASDEL – Niamey - NigerPresentation de la recherche: http://www.cermes3.fr/spip.php?article825Email: [email protected]

Page 1

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

RESUMÉ

Page 2

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

SOMMAIRE

QUELLES STRATÉGIES DE RÉDUCTION DU COÛT DES ATPE/ASPE? ETUDE DE CAS NIGER................................................1

RESUMÉ............................................................2

TABLE DES ILLUSTRATIONS...........................................5

INTRODUCTION......................................................7

CADRE MÉTHODOLOGIQUE DE L’ETUDE, APPRENTISSAGES ET LIMITES :......9Matériaux mobilisés.........................................9Limites et contraintes......................................9Construit méthodologique...................................10Opportunités et piste de recherche pour la suite...........10

LA CMAM COMME TRANSFORMATION DE L’ECONOMIE DE LA MALNUTRITION : LA BAISSE DU COUT DES ATPE/ASPE DE L’ENJEU GLOBAL A L’ENJEU LOCAL. . .11

La transformation de la prise en charge de la malnutrition de la médecine humanitaire à la santé publique transnationale...11CMAM, les transformations de l’économie des soins nutritionnels. 11

Entre explosion du marché et baisse des prix limitée.......15Le marché des ATPE : entre explosion de la demande et baisse limitée des prix..........................................15

Eléments explicatifs de la rigidité du prix des ATPE et tentatives d’inflexion................................................19ATPE/ASPE : acheter global, produire local, les contraintes de la dépendance des cours des mondiaux de matières premières...19Nature et structure de la demande d'ATPE et ASPE : entre facteurs limitant la baisse des prix et régulations cherchant à la favoriser..........................................................23Structure de l'offre : entre facteur limitant la concurrence et stratégies de contournement...............................29

Une position de Nutriset qui reste centrale : causes et consequences...........................................................34Aller au delà des chiffres de production..................34Qui produit ? Où ?........................................35… et si l’on considère la production effective ? La capacité de production ?..............................................36

Page 3

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Quelques pistes d’explication de la place de Nutriset et de la rigidité des prix : histoire, structure et dynamique du marché 37De la position dominante sur la production à celle sur la recherche-innovation-développement........................40

PRODUIRE AU SUD, UNE ALTERNATIVE VIABLE ? PERTIENNENTE ECONOMIQUEMENT ?.................................................43Prix local versus prix global : de la comparaison simple à l’analysecomplexe...................................................43Des prix de vente au Sud ce qui reste plus élevé qu’au Nord43La compétitivité prix des ATPE produits localement, aller au delà du prix : intégrer à la comparaison les autres couts induits44Un maillage intéressant au niveau mondial qui illustre la configuration « urgentiste » des ATPE: producteurs et stocks de prépositionnement............................................45Une mise en réseau structures aux statuts très différents dans des logiques de concurrence asymétrique et organisée..........46

RÉALITÉS LOCALES DE LA PRODUCTION DE PRODUITS NUTRITIONNELS AU NIGER,ENTRE POTENTIALITÉS ET CONTRAINTES...............................48Structure épidémiologique de la malnutrition au Niger : une histoirede chiffres................................................48Le marché des ATPE au Niger : un cas atypique.............49Petite histoire du développement d’un dispositif industriel49

Les conditions particulières du développement de la STA : entre contraintes de production …................................51Investissements et coût du crédit.........................51Enclavement, tracasseries et out du stockage des matières premières..........................................................51Niveau d’imposition des matières premières, notamment techniques 52Contraintes et coût d'un courant électrique très alternatif53

… et opportunités..........................................53

OPTIONS IDENTIFIÉES POUR UNE REDUCTION DU COUT DES ATPE/ASPE AU NIGER.................................................................54Stabiliser, lisser et réduire le cout des matières premières : 564 facteurs clefs limitant la baisse des prix..............57Les réponses apportées par la STA.........................57Des alternatives complémentaires..........................59

Augmenter les capacités de production et réduire le cout de l’investissement...........................................63

Page 4

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Des économies d'échelle largement limitées par les contraintes de production locale.........................................63

Des stratégies pour réduire le coût des investissements....63Améliorer la disponibilité de la trésorerie pour faciliter l'investissement..........................................63Réduire les coûts d'investissement........................64Accroître la capacité directe d'investissement............64

Faire évoluer le cadre légal de production.................65

Page 5

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

TABLE DES ILLUSTRATIONS

Figure 1 : Cout et structure du cout moyen (en euros) de la prise en charge d’un épisode de malnutrition par une ONG internationale (source : budget MSF F Niger 2009 / analyse XXX – 2010)............13Figure 2: Cout et structure du cout moyen (en euros) de la prise en charge d'un épisode de malnutrition par les structures étatiques (source CDMT DS Keita 2009)........................................13Figure 3: Structure du cout de prise en charge d'un épisode de malnutrition en CRENAS par une ONG internationale (Source budget MSF F 2009)............................................................13Figure 4: Structure du cout de la prise en charge d'un épisode maladie de en CRENAS dans une structure étatique (source CDMT Keita 2009)..............................................................13Figure 5: Présentation graphique des couts par type d'intervention nutritionnelle (source évaluation des activités de la DG ECHO dans le Sahel 2007-2009, M. Coenegrachts & R. Girod)....................14Figure 6: Evolution des volumes d'ATPE (en MT) commandées par l'UNICEF (source UNICEF)...........................................17Figure 7: reparatition des volumes d'ATPE produits entre production locale et internationale (source UNICEF)...........................17Figure 8: Evolution du budgget nutrition (en millions USD) de UNiCEF Supply (source UNICEF).............................................18Figure 9: structure des couts de production d'ATPE au Niger- STA (Source MSF-CAME, 2008)............................................20Figure 10: structure du cout des intrants alimentaire des RUTF produits au niger - STA (source MSF-CAME, 2008)....................20Figure 11: Structure des couts de production d'ATPE au Malawi (source: Valid-CHAI 2008)..........................................20Figure 12: STRUCTURE DU COUT DES INTRANTS ALIMENTAIRE DES RUTF PRODUITS AU Malawi (source VALID-CHAI, 2008).......................20Figure 13: Structure des couts de production d'ATPE et structure des coust de matières premieres (SOurce UNICEF)........................21Figure 14: Evolution du prix inetrnational du sucre (source Suivi cours matières premieres - FMI)....................................22Figure 15: Evlution du prix international des arachides (source suivicours matières premieres - FMI)....................................22

Page 6

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Figure 16: Evolution du prix international de l'huile (source: suivi cours matières premieres - FMI)....................................22Figure 17: volume d'ATPE commandés mensuellement par l'UNICEF (2006-2011) (source UNICEF)..............................................24Figure 18: Commandes d'ATPE - variations saisonnières (source UNICEF)...................................................................25Figure 19: Evolution de la localisation des commandes internationalesd'ATPE de l'UNICEF par année (source A supply chain analysis of Ready-to-use therapeutic foods For the horn of africa: The nutrition articulation project)..............................................25Figure 20: Evolution du nombre de LTA dans le temps ( Source UNICEF)...................................................................28Figure 21: repartition des volumes d'atpe commandés entre bureaux locua et centrale d'achat de l'Unicef..............................28Figure 22: Repartation volumes globaux d'ATPE produit par degré de relation a NUTRISET (source UNICEF)................................35Figure 23: evolution du nombre de productieurs "internationaux" de l'UNICEF par répartition geographique (source UNICEF)..............36Figure 24: Produceturs locaux validés pAr UNICEF/MSF en fonction de leur rattachement au reseau Plumpyfield............................37Figure 25: reparatition géographie de la production (en volume) d'ATPE (source UNICEF).............................................38Figure 26: Repartaition géographique des capacités de production d'ATPE.............................................................38Figure 27: Tableau recapitulatif des prix de vente d'ATPE à l'UNICEF par producteur.....................................................40Figure 28: Activités et resultats de Nutriset comparaison 2011 - 2012...................................................................41Figure 29 : struture du fianncement du reseau plumpyfield et de la R&D en 2011 (source Nutriset- rapport PlumpyField 2011)............42Figure 30: comparaison des couts produits intégrant le cout du transport..........................................................44Figure 31: cout du transport en fonction des lieux d'approvisionnement et de livraison des ATPE (UNICEF 2011).........45Figure 32: Chaine des couts liés au transport international des ATPE (Source UNICEF / Université XXXX)..................................45Figure 33: delais de production et d'approvisionnement d'une commandeinertnationale d'ATPE (SOURCE UNICEF / UNIVERSITE XXXX)...........46

Page 7

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Figure 34: Chronologie du developpement de la production d'ATPE par la STA (source STA)................................................51Figure 35: evolution de la production d'ATPE de la STA depuis 2006. 51

Page 8

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

INTRODUCTIONLe présent rapport est le fruit d’un intérêt commun d’acteurs opérationnels,nigériens comme internationaux, et d’un chercheur autour des questions la deprise en charge de la malnutrition. Sollicité pour conduire cette étude quiporte sur mon objet de recherche doctorale1 par la plate forme TUN, j’y ai vutout à la fois un moyen d’explorer d’une autre manière mon objet de recherche etde faire un pont entre analyse scientifique et action.

Le résultat de ce travail est largement hybride, à l’interface d’un documentscientifique, d’un rapport technique et d’un outil d’aide à la décision. Ceformat particulier était tout à la fois nécessaire du fait de la questioncentrale formulée par le TUN « Quelles sont les stratégies pour diminuer le coutdes ATPE/ASPE au Niger ? », de ma démarche de chercheur mais aussi du constatque nombre d’acteurs interviewés, bien souvent utilisateurs des ATPE/ASPE fontreposer leurs analyses sur des lectures partielles

- reposant sur un prisme de lecture humanitaire qui ignore en partie lesenjeux techniques et industriels et n’ont souvent qu’une connaissance del’usage actuel des ATPE et,

- qui oublient souvent les enjeux autour leur formulation, la définition deleurs usages, leurs déplacements successifs, leurs statuts…2

- ne prennent que peu en compte les dynamiques invisibles de structurationd’un marché en évolution constante.

A la demande des partenaires, en raison d’autres études en cours3 ou à venir etdu fait de contraintes de temps et de financement, nous avons restreint le champde la question qui sert de titre à ce document à la problématique de laproduction locale d’ATPE/ASPE au Niger. L’essentiel de notre analyse et desconclusions se concentre sur la manière de réduire les coûts de production de laSTA, seul producteur local d’ATPE au Niger. D’autres entrées auraient étépertinentes dans une analyse plus systémique de la réduction des coûts tel qu’untravail sur l’optimisation de la chaine d’approvisionnement dans le cadre de lareforme tant attendue de l’ONPPC, la réduction des coûts du dépistage4,l’évaluation des implications de la transformation de la formulation des

1 Cet objet de recherche est présenté a l’adresse suivantehttp://www.cermes3.fr/spip.php?article825et a fait l’objet d’un travail exploratoire Carémel J-F., 2012, Mémoire Master Recherche,"Trajectoires d’une innovation médicale à Médecins Sans Frontières - Les traductions multiples de laprise en charge de la malnutrition : de la médecine humanitaire à la santé publique transnationale"2 Présentations Caremel JF, 2013« Les Aliments Thérapeutique Prêts a l’Emploi : de la mise au pointd’un médicament « humanitaire » à la redéfinition de la malnutrition au Sahel », et ,« Partenariat Public-Privé, médecine humanitaire et Aliments Thérapeutiques Prêts à l’Emploi :Brevet, patent pool et accords d’usage », Colloque international EthicMedAfrique : Nouveaux enjeuxéthiques du médicament en Afrique, Dakar (Sénégal), Faculté des Sciences Juridiques et Politiques del’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et UMI TRANSVIHMI de l’IRD, 1-2 juillet 2013 .3 Etude « Représentations de la malnutrition et de sa prise en charge dans les différents espacessocioculturels du Niger » (en attente de financement) par exemple

Page 9

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

produits, notamment à travers la valorisation des produits locaux5, de l’étudedes détournements et usages alternatifs, de l’optimisation du traitementsystématique (désystématisation de l’antibiothérapie6) ou des intrants(évolution de la posologie des ATPE en cours de traitement)7, de l’aménagementdu protocole de suivi (passage à des approches bihebdomadaire8 voir mensuelles9)…

De même ne sont pas considérées les effets induits de cette mise à l’échelle etde la généralisation de ce nouveau type d’aliments10. Chacune de ces questionsmériterait un travail ad hoc dans le cadre d’autres études qui compléteraientfort utilement ce rapport. Il est donc important de lire cette limitation dudomaine de l’étude comme une incitation à sortir du prisme du produit pours’intéresser à l’économie plus générale de la prise en charge et non à celle,déjà complexe, de ses seuls intrants.

Le présent rapport est donc focalisé sur les enjeux et stratégies de réductiondu cout des ATPE produits au Niger. Il est articulé autour de partiesautonomes. Chacune entend traiter une question spécifique qui, si elle estarticulée à celle qui la précède, peut être lue de manière indépendante et fairedu sens.

Pour satisfaire les enjeux d’un éventuel plaidoyer à venir, les raisonnements etanalyses sont illustrées et les données clefs sont mises en avant.

Malgré ce cadre particulier (temps court, vocation de plaidoyer…), lemultipositionnement (chercheur, expert, ex utilisateur…) et le statu hybride durapport (support d’analyse mais aussi de plaidoyer), il s’agit essentiellementd’un travail de recherche qui propose un diagnostic et ouvre de nouvelles pistesde travail.

Ce document formule des questions et propose des clefs d’analyse et d’actionsans avoir la prétention d’arbitrer entre elles11 ; nous en analysons plutôt lacomplémentarité. Une de ces question est apparue centrale lors des4 Voir par exemple l’étude en cours MUAC par les mères d’ALIMA et les premiers éléments d’analyseanthropologique d’un nouvel usage du MUAVC comme outil de monitoring au niveau familial (Carémel etIssaley, regard anthropologique sur l’évolution du protocole de prise ne charge de la malnutrition,2014)5 Cas du Vitamil et du projet de recherche Marguerite de Nutriset auquel la STA est associée6 Etude Epicentre en cours7 Etude ACF en Birmanie et these, quelles implications au niveau du cout ?8 Des expériences de ce type ont été conduit de manière systématique au Sud de l’Afrique et durant al période de pic de malnutrition au Niger par un certain nombre d’ONG médicales9 Cf projet de recherche opérationnelle en préparation par MSF-Epicentre au Niger qui envisage une mensualisation du suivi thérapeutique des cas non MAS sans complication.10 Nous n’abordons pas ici les éventuels effets induits, positifs et négatifs de cette mise al’échelle, une étude est en cours de formalisation au Lasdel sur cette question (Caremel etIssaley), qui illustrera d’un point de vue anthropologique la perception de ces produits et leursdétournements d’usage au niveau des consommateurs finaux ce qui viendra apporter un éclairagecomplémentaire des estimations des différents acteurs qui anticipent une perte en ligne de l’ordrede 20% entre point de livraison national et centre de santé en périphérie.

Page 10

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

restitutions : celle des relations que les acteurs humanitaires (ONG, Agencesdes Nation Unies) peuvent entretenir avec le secteur privé (ici l’industrieagro-alimentaire). Si les postures vis-à-vis de cet enjeu évoluent rapidement etdébouchent sur des arrangements institutionnels novateurs12, ces hybridationscontinuent de poser un certain nombre de problèmes en fonction des culturesinstitutionnelles13 et invitent toujours plus d’inventivité dans le développementde modèles permettant de faire travailler de concert, mais en respectant lesidentités et temps de chacun, science, industrie et aide.

11 Nous restons bien évidement disponible pour des echanges, discussions, brain storming, sur lessolutiosn retenues que ce soit pour les commanditaires de l’etude comme pour ses lecteurs.12 DNDi pour la recherche et innovation en santé globale par exemple, 13 Avec une ligne de fracture traditionnelel entre ONG anglo-saxonnes et francophones (sans-frontières) qui se delite prorgessivement

Page 11

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

CADRE MÉTHODOLOGIQUE DE L’ETUDE, APPRENTISSAGES ET LIMITES :

Matériaux mobilisésComme évoqué précédemment, cette étude prend place dans le cadre d'une rechercheen cours.

Le matériel mobilisé relève en partie de ce travail qu'il s'agisse de :

- la revue de littérature scientifique ou opérationnelle sur les ATPE/ASPE,- l'exploitation de données grises (article, présentation PowerPoint,

brochures…) Pour la plupart directement accessibles sur Internet et pourun petit nombre qui nous ont été fourni par les différents acteursrencontrés avec certaines restrictions d'utilisation et de diffusion14.

Ces matériaux ont été complétés par une série de rencontres et d'entretiens avecdifférents acteurs locaux et internationaux. 20 acteurs clefs ont étédirectement interviewés dans le cadre de cette étude, 30 autres interviews sontune remobilisation d'entretiens déjà conduits dans le cadre de la recherche surles innovations médicales humanitaires. La plupart de ces entretiens ont étéconduits en vis-à-vis. Pour ceux conduits avec des personnes hors du Niger deséchanges société via Skype ont parfois été nécessaires pour compléter desdonnées déjà collectées en vis à vis. Ces entretiens relèvent d'une approchepurement qualitative, ils ont été libres ou semis directifs. Des passagesrépétés ont été nécessaires pour un certain nombre renvoyant un volume de plusde 90 heures d'enregistrement et de notes.

Les éléments d'analyse économique ont été collectés dans le cadre del'exploitation des données grises, notamment sur le site Internet de l'Unicefqui s'est révélé une source essentielle pour la conduite de cette étude. Desdocuments et des entretiens complémentaires ont été mobilisés auprès de la STApour situer ce producteur dans un marché en évolution et au regard descontraintes locales. Des éléments complémentaires d’analyse économique des coûtsde prise en charge, issus d’études passées conduites lorsque j’étaisprofessionnel de l’aide au Niger ont également été remobilisés et mis à jour.

Enfin, l'ensemble de ces matériaux et de ces analyses ont fait l'objet derestitutions et demandes relecture par les différentes parties prenantes que jetiens ici à remercier pour leur disponibilité et leurs retours constructifs.

Limites et contraintes14 Certains documents nous ont été fournis après la signature d’ « Accord de confidentialité et de non divulgation » et d’autres dans le cadre de demande explicite de non publication. Ces clauses sont toutes respectées ici. Bien que la plus part de ces informations aient largement alimenté nos réflexions aucune d’entre elles n’est citée sans l’accord préalable de la personne qui nous l’a fournit. L’essentiel des illustration de ce rapport sont disponibles publiquement mais de manière éclatée sur internet.

Page 12

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Différentes contraintes ont été rencontrées dans la conduite cette étude quipourront limiter la portée.

La première difficulté a résidé dans la faiblesse de l'analyse des coûts de laprise en charge, ce qui a conduit à remobiliser des études relativementanciennes et relevant de méthodologies différentes. À chaque fois que cela a étéle cas, on retrouvera dans le contenu du document des avertissements visant àlimiter les comparaisons qui conduiraient, de manière artificielle, à éclairercertains arbitrages politiques et de santé publique.

La seconde difficulté a résidé dans le caractère éclaté des données etl’évolution des sources permettant de caractériser le marché des ATPE. Sil'Unicef est aujourd'hui l'acteur clef en matière de demande de ces produits,cela n'était pas le cas dans la phase de négociation de l’innovation entre 1997et 2005, période durant laquelle les ONG étaient les acheteurs principaux, dansdes quantités bien plus faibles que celles déployées aujourd’hui. Il faut iciconsidérer que les données caractérisant le marché sont d'autant plus fiablesque l'on s'approche du temps présent. Elles ne sont présentées qu'à titreillustratif de tendances lourdes que les éventuels biais listés ci-dessus neviennent pas remettre en cause.

Un troisième enjeu a été l'accès aux coûts de production. Malgré une grandedisponibilité des différents acteurs, ces données ont souvent été données avecparcimonie et pour un certain nombre d'entre elles sous conditions de nondiffusion. Ces contraintes illustrent le caractère concurrentiel du marché desproduits de prise en charge de la malnutrition malgré leur caractère«humanitaire» ou de «santé publique».

Nous avons cherché à contourner cet obstacle important que constituent la nonautorisation de l'utilisation de données en recoupant à travers des entretiensles analyses que nous pouvions en tirer. Néanmoins, et c'est la quatrième limitede cette étude, cette stratégie de contournement n'a pas toujours été payante etil pourra subsister certains décalages entre données, analyses proposées etquelques recommandations.

Construit méthodologiqueLa structure du rapport renvoie à celle de la construction du cadreméthodologique. La première phase de travail est transversale visant àappréhender la construction globale du produit et de ses marchés (parties 1 et2). Dans un second temps, en opérant un changement d'échelle d’analyse nousétudions les spécificités et réalités locales (parties 3 et 4). Ces tensionsinhérentes entre le global et le local sont une clef de lecture de cette étude.

L'analyse développée sur le cadre général de développement des produits et destructuration du marché pourra servir de base de réflexion à des analyseslocales ultérieures. Ce travail et les développements longs sur la structure du

Page 13

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

marché global était doublement nécessaire : pour réinscrire les logiques localesdans un champ plus large et largement contraint mais également pour dépasser uncertain nombre d’idées préconçues que nous avons appréhendés en entretien et quine sont pas confirmées par l’analyse. Cette phase de déconstruction s’estrévélée utile et pourra utilement servir de base dans le cadre de l'étuded'autres dispositifs de production.

Opportunités et piste de recherche pour la suiteLes limites rencontrées dans la conduite de cette étude, son caractère localisésur un cas relativement particulier, le Niger, devraient inviter à poursuivre letravail d’analyse. Différentes pistes de recherche se dessinent au Niger et dansd'autres pays.

1. Il nous apparaît que l'état des savoirs en termes d'analyse de l'économiede la prise en charge de la malnutrition reste très parcellaire. Cesconnaissances doivent nécessairement être mobilisées en vue d'éclairer lesstratégies opérationnelles des acteurs de terrain, des bailleurs maisaussi, sinon surtout, des gouvernements. L'analyse de l'évolution du coûtmarginal de la prise en charge, de la structure des dépenses, dans lecadre d'interventions directe des O.N.G. ou d'approches plus intégrées,prenant en compte les performances attendues et les dispositifs de santéexistant sont des voies d'analyse à nos yeux prioritaires.

2. Un deuxième axe de travail serait d'engager une analyse comparée avecd'autres dispositifs de production, hors du réseau Plumpy Field qui estcentrale dans l’analyse du marché et de la production d’ATPE au Niger.Cela permettrait de mieux appréhender la diversité des réalités locales,l'influence des statuts, le poids de l'inscription dans des réseaux deproduction… Et ce faisant disposer d'une description plus détaillée de lacomplexité du marché.

3. Ces éléments amélioreraient la compréhension de la structure de l'offre etde la demande, de l’influence de la production locale sur la structurationde filière, de la place des ATPE/ASPE dans une « autonomienutritionnelle », de l'articulation entre activités agroalimentaires àvocation commerciale et enjeux de santé publique.

4. Ce dernier point éclairerait le point central sur lequel se clôture notreétude : la question du statut des ATPE/ASPE (bien commun, objet de santépublique transnationale, produit commercial…) et le lien entre statut etmode de production et de régulation. L’analyse des divers statuts desproducteurs (entreprise, association, groupement économique d'intérêtpublic…), de leur inscription dans des réseaux de recherche etdéveloppement15 permettrait peut-être de mieux comprendre certainescontraintes que nous touchons du doigt dans cette étude et d'envisager des

15 Faire une cartographie des dispositifs de recherche et des partenariats

Page 14

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

solutions structurelles de réduction des coûts de production danslesquelles les acteurs de l’aide, utilisateurs finaux de ces produits ;pourraient être plus acteurs qu’ils en le sont aujourd’hui.

5.

Page 15

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

LA CMAM COMME TRANSFORMATION DE L’ECONOMIE DE LA MALNUTRITION :LA BAISSE DU COUT DES ATPE/ASPE DE L’ENJEU GLOBAL A L’ENJEU LOCAL

La transformation de la prise en charge de la malnutrition de la médecine humanitaire à la santé publique transnationaleAu cours des dix dernières années, la réponse médicale à la dénutritioninfantile aigue a connu deux changements de paradigmes majeurs avec le passaged’un modèle de soins hospitaliers à une prise en charge ambulatoire (2000-2005)puis l’émergence de solutions thérapeutique de prévention, primaire etsecondaire, de la malnutrition aigue (2006-…). Ce passage d’un modèle« clinique », centré sur la pathologie individuelle, à un modèle de « santépublique», orienté sur un lien population-risque, a permis de démultiplier laprise en charge comme la prévention avec des résultats jusqu’alors jamaisenregistrés. Cette révolution thérapeutique a été autorisée par l’émergence, en1996, des Aliments Thérapeutiques Prêts à L’emploi (ATPE) et leur déclinaison,en 2006, sous forme d’Aliments Supplémentés Prêt à l’Emploi (ASPE)16.  Fruitsd’un partenariat entre recherche publique (IRD) - Société commercialeagroalimentaire (Nutriset) et monde associatif (ONG) qui date et s’estreconfiguré de manière régulière depuis les années 8017, ces produits ont étéélaborés et testés à la fin des années 90, ont vu leurs usages redéfinis dansle cadre de recherches opérationnelles conduites par les ONG au cours de criseshumanitaires du tournant du siècle (Ethiopie - Collins, CONCERN) avant d’êtrestandardisés avec la réponse de grande échelle engagée par MSF dans le cadre dela crise alimentaire au Niger en 200518. Ces intrants se diffuseront ensuiteprogressivement sur la prise en charge du VIH, de la Tuberculose19...L’innovation technique et opérationnelle est normalisée en 2007 dans ladéclaration conjointe de l’OMS et de l’UNICEF qui recommande la « Prise en

16 Sans nier la place des ATPE, condition nécessaire de ces transformations (Voir Caremel CaremelJF, 2013, « De la médecine humanitaire à la santé publique transnationale, laconstruction de la malnutrition aiguë comme une pathologie “légitime” : lesapports d’une analyse par l’anthropologie de deux objets techniques innovants(ATPE & MUAC) . » Journée d’études doctorales du CERMES3, Villejuif, 9 Octobre2013) , Nous soulignons dans d’autres publication le role clef qu’a pu jouer l’évolution de lamétrique des corps et des méthodologie d’enquete anthropométrique sur la constitution de lamalnutrition comme probleme de santé publique (voir Caremel JF, 2013, « Comment les transformationsde la métrique des corps contribuent à faire de la malnutrition une problématique de la médecinehumanitaire puis de la santé publique transnationale » Séminaire - Journée d’étude : La mesure dudanger, MAE – CERI Science Po, Paris-Nanterre, 13 juin 2013)

17

18 Voir Niger 200519 Référence

Page 16

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Charge Communautaire de la Malnutrition Aigue » (CMAM20), à l’aide d’ATPE. Sousl’impulsion des ONG et avec le relais des acteurs Onusiens, ce modèle s’estrapidement diffusé au point, en 2012, d’être mis en œuvre dans 55 pays de partle monde, devenant de fait un élément de gouvernance de la santé dans lamédecine transnationale21.

De leur origine en 1996 à nos jours, les caractéristiques, statuts, usages desATPE/ASPE ont largement évolué. Leur transition d'un objet de la médecinehumanitaire à un produit de la santé publique globale, les ont fait passer d'unproduit de niche à un produit transnational, transformant en marché mondial uneéconomie initialement humanitaire.

CMAM, les transformations de l’économie des soins nutritionnels.L’innovation transformée en révolution technique, déployée dans les urgencespuis dans des contextes de développement a permis d'accroître le nombred'enfants pris en charge de manière exceptionnelle. À titre d'exemple, lenombre d'enfants dénutris prise en charge au Niger est passé de quelquesmilliers en 2004 à plus de 400 000 en 2013.

Cette révolution a été rendue possible grâce à la transformation des modes deprise en charge de la pathologie. La sortie du cadre hospitalier a réduit lecoût de la prise en charge et a transformé sa structure de manière importante.

Cette dynamique est illustrée par deux études, aux méthodologies différentes,conduites en 2009-2010 au Niger, l'une sur la base d'un budget MSF et l’autre àpartir de l'outil de simulation du Cadre de Dépenses à Moyen Terme d'undistrict sanitaire (CDMT DS Keita). Nous tenons à souligner ici les limites del’utilisation de ces données dans le cadre d’une analyse comparée et àsouligner la nécessité de développer dans l’avenir ces outils d’analyse descouts sur une méthodologie unifiée (voir par exemple la méthode développée parFANTA project) pour favoriser les arbitrages politiques et économique sur lesquestions nutritionnelles.

Bien que les données présentées ne considèrent pas les performances médicales(couverture et attractivité de l'offre de soins, taux de guérison) et prennenten compte des coûts différents (considération ou non de l'amortissement desinfrastructures et équipement…), l'analyse des couts et de leur structuresoulignent, qu’en 2009, dans le cadre d'une prise en charge ambulatoire, lecoût des intrants médicaux et nutritionnels, dont les ATPE représentent la partessentielle, pèsent entre 23 et 29 euros (Figure 1 et 2) soit entre 73 et 78 %

20 CMAM POUR COMMUNITY MANAGEMENT OF ACUTE MALNUTRITION21 PAR MÉDECINE TRANSNATIONALE, ON ENTEND ICI LA DÉFINITION DONNÉES PAR DODIER, REPRENANT DEL VECCHIO GOOD, CETTE NOTION TRADUIT« LE CARACTÈRE DORÉNAVANT DURABLE ET INSTITUÉ DE CES DISPOSITIFS (VISANT À ORGANISER LA MÉDECINE TRANSVERSALEMENT AUX ETATS QUICOMPOSENT LA PLANÈTE) PAR DELÀ LES MOBILISATIONS INTERNATIONALES PONCTUELLES TELLE OU TELLE SITUATION DE CRISE».

Page 17

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

(fig. 3 et 4) du coût total d'un épisode maladie de malnutrition pris en chargeen ambulatoire, mode de prise en charge d’environ 90 % des cas au Niger.

CRENI CRENAS-

20

40

60

80

100

120

140

160

Figure 1

Consultants and Field support

Transport / Freight / Storage

Training and local support

Logistics and Sanitation

Medical and Nutrition

CRENI CRENAS0

20

40

60

80

100

120

140

160

Figure 2

#REF!FormationConsommablesDéplacementsInfrastructures et équipements

Figure 1 : Cout et structure du cout moyen (en euros) de la prise en charge d’un épisode de malnutrition par une ONG internationale(source : budget MSF F Niger 2009 / analyse XXX – 2010)Figure 2: Cout et structure du cout moyen (en euros) de la prise en charge d'un épisode de malnutrition par les structuresétatiques (source CDMT DS Keita 2009)

3%

14%

78%

1%4%

Fig. 3

Expatriated Staff National Staff Operation running costs Medical and Nutrition Logistics and Sanitation Training and local support Transport / Freight / Storage

14%

12%0%

73%

1%

Fig. 4

Rémunérations

Infrastructures et équipements

Déplacements

Consommables

Formation

Figure 3: Structure du cout de prise en charge d'un épisode de malnutrition en CRENAS par une ONG internationale (Source budget MSFF 2009)Figure 4: Structure du cout de la prise en charge d'un épisode maladie de en CRENAS dans une structure étatique (source CDMT Keita2009)

Les éléments d'analyses de coûts concernant les activités préventives à based'aliments prêts à l'emploi de type ASPE ou LNS, issus de la Banque Mondiale22

ou de MSF23, soulignent la part prépondérante que représente le coût de ces22 Rapport BM23 Rapport de l’etude Epicentre stratégie de prévention de la malnutrition Niger 2013

Page 18

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

produits dans ses programmes. Si les coûts unitaires de ces produits sontnettement inférieurs à ceux des ATPE, les effectifs à prendre en chargeconduisent de nouveaux à questionner les modalités de financement de cesprogrammes. Cette problématique est facilement appréhendée si l'on met enregard les montants évoqués précédemment et les moyens engagés par le Ministèrede la Santé Publique du Niger. La dépense publique de santé moyenne parhabitant s'élève au Niger à 37 dollars (source OMS, 2010).

Toutes les stratégies de réponse à la malnutrition envisagées à ce jourdépassent largement ce que l’Etat du Niger consacre en moyenne à la santé d’unde ses habitants comme l’illustre le tableau ci-dessous. Au regard de la partimportante des produits dans chacune des ces intervention, les stratégies deréduction de leur coût sont donc essentielles à définir pour les acteurssouhaitant passer ces produits à l’échelle.

Figure 5: Présentation graphique des couts par type d'intervention nutritionnelle (source évaluation des activités de la DG ECHOdans le Sahel 2007-2009, M. Coenegrachts & R. Girod)

L’enjeu que représente la baisse du prix des ATPE/ASPE est largement partagécomme l'illustrent les propos de certains praticiens rencontrés qui affirmentque « les acteurs accepteraient une baisse d'efficacité de 5 à 10 % du produitpour une baisse du coût de 50 % ».

Page 19

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Dès lors, la réduction des couts est un défi clef pour les politiquesd’extension de l’offre de soins curatifs, hospitalier et ambulatoire, toutcomme préventifs, qu'il s'agisse de prévention primaire ou secondaire24.S’intéresser au poste de dépense principal, ici le prix des ATPE/ASPE tel qu'ilest formulé aujourd'hui, est logique. Il convient néanmoins de réinscrire cetteanalyse dans le cadre plus large d’autres pistes de réduction des coûts de laprise en charge comme :

- La réduction des détournements, notamment aux différentes étapes dusystème d’approvisionnement, - l'optimisation de l'utilisation des intrants (désystématisation del’antibiothérapie ou l’adaptation de la posologie des ATPE par exemple.),- l'évolution des modes de prise en charge (décentralisation, délégation detache au niveau communautaire, dépistage par les mères…), mais aussi de- l'adaptation des recettes de ces produits et de leur conditionnement…

Chacune de ces options est susceptible de réduire le cout des interventions. Ilfaut à ce niveau noter que, quand bien même ces stratégies permettraient uneréduction des couts, ceux-ci, au regard des moyens des Etats, des populations,comme des acteurs de l’aide d’urgence seront toujours trop élevés pourpermettre la mise à l’échelle de ces options. Comme pour la plupart desinterventions de santé publique transnationale (paludisme, Planificationfamiliale, VIH, Vaccination…), des mécanismes de subventions nous paraissentnécessaires à envisager.

Pour résumer l'enjeu de manière chiffrée, au Niger, si le prix d'un traitement,vendu 41,88 euros, diminuait de moins de 10% (baisse de 4 euros), 40 000enfants sévèrement dénutris supplémentaires pourraient se voir offrir untraitement25.

24 Nous ne prenons pas ici position ni en faveur ni contre ces produits, ni en faveur ni contre unedes stratégie sur lesqule le recul reste relativement faible et pour lesquelles d’autres études, audelà des performances de santé publique immédiate, doivent etre conduites. 25 bien évidemment, d'autres problèmes doivent être levés pour améliorer la couverture desprogrammes nutritionnels. L'attractivité des structures de santé, leur proximité la qualité del'accueil et des soins prodigués sont autant de défis d'une simple diminution du coût de Patsolutionnent. Néanmoins si l'on considère la faible prévisibilité des financements internationaux,leur dépendance à l'évolution de la conjoncture internationale etc. le simple maintien de l'offre desoins actuellement proposés pourrait résider dans l'avenir dans la réduction du coût destraitements…

Page 20

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Entre explosion du marché et baisse des prix limitéeLes ATPE/ASPE par leur fonction, la lutte contre la malnutrition, leursutilisateurs, ONG, agences des Nations Unies…, leurs espaces de déploiement,pays du sud essentiellement en situation de grande précarité, pourraientapparaitre comme des produits non marchands26. Néanmoins,

- les statuts des acteurs principaux structurant leur production,entreprises agro-alimentaire et plus marginalement en termes de volumeproduit par des ONG ou fondation,

- les finalités affichées, rentabilité avec un focus important sur laresponsabilité sociale,

- les modes de fonctionnement des acheteurs, largement structuré aujourd’huiautour de la mise en concurrence et du moins disant au pointd’utilisation, c'est-à-dire des lois du marché

nous renvoient l’image d’une activité économique répondant aux lois du marché.

Les différents acteurs du champ interprètent ces dynamiques de manière parfoisopposées, en fonction de leurs angles de vue et de leurs intérêts. Les unsmettent en avant une baisse continue des prix de vente, les autres soulignentqu’au regard de l’explosion de marché ces évolutions restent marginales et quecertains facteurs (brevet, position dominante, concurrence réduite…) limitentune baisse accrue des couts et donc des prix.

La controverse autour de ces points a été virulente et semble s’être quelquepeu atténuée (sans toute fois s’être éteinte27). Nous proposons ici de faireune synthèse de certains éléments que nous avons recueillis et analysés dans lecadre de cette étude et qui peuvent contribuer à expliquer les tendanceslongues d’évolution du prix des produits. Notre objectif n’est bien évidemmentpas de trancher cette controverse mais de chercher, en analysant les dynamiquesdes acteurs, à mettre en lumière les facteurs extérieurs qui nous intéressentdans cette étude dans la mesure où ils pourraient influencer le coût des ATPEau Niger.

Le marché des ATPE : entre explosion de la demande et baisse limitée des prix Les possibilités et les limites de la baisse du prix des ATPE que nousprésentons dans cette étude invitent à réinscrire l'ensemble des dynamiqueslocales dans une histoire et une géographie du développement des ATPE/ASPE. Eneffet, la compréhension fine des dynamiques à l'œuvre au Niger ne peut se faireque dans une analyse de leur articulation avec les évolutions globales.

26 Tension forte et positionnements parfois complexes de producteurs eux-mêmes, (cf.Colloque 25 ansde Nutriset notamment les discussions du panel sur le statut des ATPE)27 Voir panel sur place du secteur privé à la conf Unicef Paris Mai 2013

Page 21

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Cette partie propose de répondre aux questions suivantes : Quelles sont lesévolutions du marché des ATPE/ASPE ? Comment s'est-il structuré ? Quellesinfluences les dynamiques à l'œuvre ont-elles sur les prix des produits ?Quelles défis et opportunités cela représente-t-il pour les producteurs d'ATPEsitué dans les pays les moins avancés (PMA), en particulier au Niger ?

Pour analyser les dynamiques du marché des ATPE/ASPE, nous utilisons commeproxy les quantités commandées par l'Unicef. Cet indicateur est imparfait dansla mesure où la position centrale qu'occupe aujourd'hui l'Unicef sur cemarché28 s'est construite au fil du temps en relais des ONG qui constituent lemoteur dans la phase initiale de construction de l’innovation et de lancementdu marché. Cela étant, les données présentées sont d'autant plus fiables quel'on se rapproche du tout du temps présent et sont à considérer moins en valeurabsolue que pour les tendances qu'elles dessinent.

Si l’on souhaite faire une histoire du développement de ce marché, on peutconsidérer 3 temps :

- la période de l'invention à l'innovation, entre 1997 et 2004. Il s’agit en substance de la phase de test initial du produit (ACF/Tchad), dedéploiement comme un substitut thérapeutique au F100 (MSF et ACF notamment),puis de transformation de son espace d’utilisation, avec un déplacement clef ducadre hospitalier à la communauté (Collins avec Concern, Save the Children dansla corne de l’Afrique puis MSF au Niger). Elle est caractérisée par des volumesde vente marginaux et des essais de production locale initiés par différentesONG, hors du cadre du brevet qui s’il existe ne fait alors l’objet d’aucuneutilisation, au contraire, Nutriset et André Briend appuyant ces initiativesisolées. On retiendra de cette phase de démarrage que le marché est à peine encours de structuration. Il est essentiellement polarisé autour d’un quasimonopole de Nutriset, quasi seul producteur, et d’un nombre réduit d'acheteurs,essentiellement O.N.G. Dans cette phase, même pour Nutriset, les ATPE ne seconstituent que très progressivement comme un produit clé. 2005 est un point de rupture. Avec la crise du Niger et au Soudan, MSF etles autres acteurs internationaux qui s'engagent dans la réponse contribuenttout à la fois à une visibilité sur du produit et un accroissement de lademande. 2007 et la recommandation commune OMS-UNICEF-PAM entérine cechangement et fait definitivement decoller le marché. Entre 2005 et 2013 (prévisions) le volume d'ATPE à qui est déployé sur leterrain par l'Unicef passe de moins de 2 000 MT à plus de 32 000 MT (Figure 6),soit une multiplication par 16. Cette croissance continue des besoins deconnaître qu'une exception, l'année 200929. La déclinaison des ATPE en ASPE,

28 L’UNICEF estime représenter 80% de la demande mondiale de ces produits (Source UNICEF 2013)29 Le mouvement de la courbe en 2009 ne semble pas devoir etre lu comme une baisse de la demande mais comme une conséquence de l’anticipation d’achats en 2008 suite à une disponibilité de fonds importants d’USAID sur cette année (information non recoupée).

Page 22

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

qui se fait initialement également en lien avec les ONG conduit à asseoir lacroissance du marché. Autre évolution notable durant cette période, laproduction d’ATPE dans les pays du Sud commence à se déployer de manièreconstante aussi bien en effectif de producteurs, de quantité produite et depart dans l’approvisionnement.

Conséquence directe de la transformation des modes de prise en charge, enl'espace de 10 années, de 2002 à 2012, le budget nutrition de l'Unicef, a étémultiplié par 10 et transformé dans sa structure. Les ATPE représentent entre80 et 90% de ce budget de plus de 100 millions de dollars (source UNICEF).

0

5000

10000

15000

20000

25000

30000

35000

FIGURE 6: EVOLUTION DES VOLUMES D'ATPE (EN MT) COMMANDÉES PAR L'UNICEF (SOURCE UNICEF)

FIGURE 7: EVOLUTION DU BUDGGET NUTRITION (EN MILLIONS USD) DE UNICEF SUPPLY (SOURCE UNICEF)

Malgré le développement rapide de la demande et de l’offre, le prix des ATPEn’ont connu qu’une baisse faible, de l’ordre de 15% entre 2006 et 2012 (Figure8: Variation des prix des ATPE dans le temps et en fonction de leur lieu de

Page 23

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

production), avec une variation sensiblement plus accentuée des prix pour lesnouveaux entrants (producteurs du Sud notamment).

FIGURE 8: VARIATION DES PRIX DES ATPE DANS LE TEMPS ET EN FONCTION DE LEUR LIEU DE PRODUCTION

Pour les producteurs, qui soulignent la tendance continue à la baisse des prixdans un marché des matières premières en hausse (cf. partie suivante), cetteréduction des prix illustre leur engagement de répercuter des économiesréalisées sur le prix de vente, renvoyant à l’engagement social de cesproducteurs (voir campagne Nutriset) et à une exigence liée a la mise neconcurrence progressivement organisée par l’UNICEF (cf. partie suivante).

A l’inverse, certains acteurs de l’aide soulignent que les prix restent encoreélevés et propose des actions visant à libéraliser la concurrence vial’ouverture du brevet.

Au regard de cette controverse, la compréhension des facteurs limitant labaisse du prix des ATPE/ASPE est essentielle pour pouvoir appréhender lesoptions pertinentes, en évaluer la faisabilité et les modalités éventuelles demise en œuvre au Niger.

Dans le cadre de nos entretiens différentes explications à cette baisserelativement faible des prix (au regard de l’explosion du marché) des ATPE/ASPEont été avancées que nous pouvons regrouper en trois grands ensembles :

- La structure du produit - Les spécificités dans la nature et de la structure de la demande, - Le développement et la structuration progressive de l’offre,

Nous explorons ces différents points dans les parties suivantes.

Page 24

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Page 25

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Eléments explicatifs de la rigidité du prix des ATPE et tentatives d’inflexion

ATPE/ASPE : acheter global, produire local, les contraintes de la dépendance des cours des mondiaux de matières premièresUn élément régulièrement mis en avant pour expliquer la faible diminution duprix des ATPE/ASPE est la structure de leur cout de production.

L'analyse de la structure des coûts de production des RUTF au Niger et auMalawi, en 2008 (figures 8 et 10), souligne le poids important :

- des ingrédients, entre 60 et 70 % du coût total- du conditionnement, entre 10 et 30 % du coût total.

La structure du coût des matières premières alimentaire, premier poste du prixse repartit ainsi :

- une part prépondérante du lait en poudre qui représente entre 42 et 51 %du coût total des matières premières alimentaires,- huile végétale représentant 10 à 22 %,- les arachides 17 %,- le sucre, de 7 à 13 %, - le CMV/Premix de 6 à 13 %.

Page 26

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Structure des couts de production STA (2008)

Couts fixes

Ingrédients

Emballage QCAutre

Structure des couts de matières premières STA

(2008) Huile

Sucre

lait

Arachide

Complexe multi-vitaminé + Stabiliseur

Structure des couts de production Malawi (2008)

Couts fixes

Ingrédients

Emballage QCAutre

Structure des couts de matières premières Malawi

(2008) Huile

Sucre

lait

Arachide

Complexe multi-vitaminé + Stabiliseur

FIGURE 9: STRUCTURE DES COUTS DE PRODUCTION D'ATPE AU NIGER- STA (SOURCE MSF-CAME, 2008)FIGURE 10: STRUCTURE DU COUT DES INTRANTS ALIMENTAIRE DES RUTF PRODUITS AU NIGER - STA (SOURCE MSF-CAME, 2008)FIGURE 11: STRUCTURE DES COUTS DE PRODUCTION D'ATPE AU MALAWI (SOURCE: VALID-CHAI 2008)FIGURE 12: STRUCTURE DU COUT DES INTRANTS ALIMENTAIRE DES RUTF PRODUITS AU MALAWI (SOURCE VALID-CHAI, 2008)

Les données de structure de coût plus récentes fournies par l’UNICEF sur unéchantillon plus large de producteurs confirment cette réparation des coutsentre produits manufacturés et matière première et la structure interne à celleprésentée plus haut avec le poids prédominant du lait.

Les données d’analyse des coûts de l’UNICEF soulignent néanmoins des structuresglobales de cout assez dissemblables d’une unité de production à l’autrenotamment en ce qui concerne les couts de production et la rentabilité.L’absence de données désagrégées et d’information sur le mode de calcul de ceschiffres ne nous permet malheureusement pas d’aller plus loin dans l’analysedes causes de ces différences.

Page 27

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

FIGURE 13: STRUCTURE DES COUTS DE PRODUCTION D'ATPE ET STRUCTURE DES COUST DE MATIÈRES PREMIERES (SOURCE UNICEF)

Néanmoins, malgré ces limites, les données disponibles permettent de soulignerque la structure des ATPE est fondamentalement différente de celle del’industrie pharmaceutique dans le cadre de la production d’un médicament. Dèslors, les réductions du prix enregistrées sous la pression les acteurs del’aide (controverse, comparaison des prix, plaidoyer pour la levée des brevetset l’octroi de licences obligatoire, assouplissement des règles de l’OMC…) nesont pas réplicables, tout du moins pas dans les mêmes proportions et selon lesmêmes stratégies.

Si on pouvait espérer que l'accroissement des quantités produites permette dejouer sur un effet volume pour conduire à une réduction significative du coûtdes matières premières, et donc du prix du produit, dans les faits, cet effetvolume a largement été compensé, sur les marché internationaux par :

- l'évolution haussière du prix des matières premières agricoles, - les variations rapides et relativement imprévisibles des cours.

Ces tendances parallèles des cours des matières premières illustrent  le faitque ces produits sont l’objet :

- d’une demande croissante (y compris pour des usages extra-alimentaires),ce qui explique une tendance a la hausse des cours, - de mouvement de spéculation internationale, ce qui explique le caractèreerratique des cours que les variations liée a des phénomènes naturels

Page 28

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

(précipitations, sécheresse…), ne permettent que très partiellement d’expliquer(figure 12, 13 et 14).

FIGURE 14: EVOLUTION DU PRIX INETRNATIONAL DU SUCRE (SOURCE SUIVI COURS MATIÈRES PREMIERES - FMI)

FIGURE 15: EVLUTION DU PRIX INTERNATIONAL DES ARACHIDES (SOURCE SUIVI COURS MATIÈRES PREMIERES - FMI)

FIGURE 16: EVOLUTION DU PRIX INTERNATIONAL DE L'HUILE (SOURCE: SUIVI COURS MATIÈRES PREMIERES - FMI)

Page 29

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

On peut retenir de cette analyse rapide que les ATPE par leur structure sontlargement dépendants du cours des matières premières. Ces produits, mêmeproduits et achetés localement s’inscrivent dans une dépendance forte del’extérieur, qu’il s’agisse des marchés internationaux ou des produitsspécifiques dans le cadre de la logique de marque (le Complexe Multi Vitaminéet le réseau PlumpyField de Nutriset fournit un bon exemple de cette dynamiquecomme nous l’analyserons dans la 4eme partie de ce document).

Cette caractéristique fait des ATPE/ASPE un produit global (par l’origine deses matières premières, ses producteurs et leurs logiques d’interdépendancenotamment dans le cadre du réseau PlumpyField, les fonds qui permettent leurachat et leur mise a disposition) produit pour une faible partie dans les paysde consommation (ce qui tranche avec une idée reçue alimenté apr lacommunication de certains acteurs).

Page 30

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Nature et structure de la demande d'ATPE et ASPE : entre facteurs limitant la baisse des prix et régulations cherchant à la favoriser

DES CONTRAINTES DE LA DEMANDE…Un autre élément qui contribue à expliquer la baisse limitée des prix de cesproduits et qu’il faut considérer dans les stratégies visant à réduire lescouts des ATPE utilisés au Niger est la nature et la structure de la demanded'ATPE/ASPE.

Comme évoqué précédemment, le produit s’est développé dans le cadre desréponses humanitaires dans des situations d’exception, essentiellement enAfrique. Il est essentiel ici de noter que malgré le fait que l’Asie soit lecontinent le plus touché par la malnutrition le taux de pénétration des ATPEdans les politiques publique et dans les programmes de prise en charge y esttrès largement inférieur à ceux connus sur le continent africain au Sud duSahara. Malgré une tendance continue à la croissance, cette demande d’ATPE/ASPEse révèle :

faiblement prévisible dans le temps avec des variations mensuelles fortes(cf. Figure 17)Figure 17, une saisonnalité significative et des variationsinter annuelles significatives (cf. Figure 18). extrêmement mobile (cf. Error: Reference source not found), du fait d'une dépendanceforte au financement humanitaire, notamment d'urgence mobilisée autourd'événements particuliers (crise alimentaire, conflit…), dépendante de l'évolution d'un cahier des charges et de normes de qualité(influence par exemple de Sakazakii sur la demande comme sur l’offre).

Ces caractéristiques de la demande, notamment les deux premières, renvoient aufait que, malgré une inscription des ATPE comme un dispositif de la santépublique internationale, au cœur des politiques et des protocoles de prise necharge nationaux et le renouvellement de l’inscription de la malnutrition commeun enjeu de développement, la demande de produit reste portée par les acteursde l’aide d’urgence et ce faisant s’inscrit dans une logique essentiellementtournée vers les crises.

Page 31

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

FIGURE 17: VOLUME D'ATPE COMMANDÉS MENSUELLEMENT PAR L'UNICEF (2006-2011) (SOURCE UNICEF)

FIGURE 18: COMMANDES D'ATPE - VARIATIONS SAISONNIÈRES (SOURCE UNICEF)

Page 32

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Figure 19: Evolution de la localisation des commandes internationales d'ATPE de l'UNICEF par année (source A supply chain analysis of Ready-to-use therapeutic foods For the horn of africa: The nutrition articulation project)

Ces caractéristiques de la demande ont des implications fortes en matière dedimensionnement des dispositifs industriels. Ils impliquent pour pouvoir faireface aux demandes exceptionnelles en situation de crise:

- le maintien d'une capacité de production non utilisée, donc une capacitéd’investissement importante avec des taux de retour sur investissementvariables, - une flexibilité de la structure d’approvisionnement qui reposeessentiellement sur des capacités de stockage important des matières premièrespour pouvoir faire face aux variations subites de la demande,- une réactivité dans le gestion des ressources humaines sur les chaines deproduction (salariés vs journaliers) et de la logistique pour assurer tout à lafois des commandes régulières et un approvisionnement en continu en situationde forte demande (passage à un rythme de 3x8)

L’immobilisation de fonds via des stocks importants de matières premières etdes capacités de production non utilisées conduisent à une sous optimisation

Page 33

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

nécessaire des dispositifs de production ce qui permet, en partie, d’expliquerla baisse limitée des prix.

…À L’ORGANISATION DE L’OFFRE PAR LES ACHETEURSMais si les points cités ci-dessus sont une limite structurelle liée auxutilisateurs (acteurs d’urgence), à la nature du produit et à ses espaces dedéploiement (essentiellement en situations de crise, aigue ou chronique) etfont partie intégrante de la nature du marché, un certain nombre d’actionscontribuant à les dépasser ont été mises en œuvre par les acheteurs.

Comme cela a été souligné dans différents entretiens qui confirment lesanalyses de Jan Kormska, le milieu des années 2000 a vu s’opérer unetransformation en profondeur du marché. Pendant longtemps, dans la phased'innovation et la première phase de développement, le marché a été structuréautour de l’offre d’un producteur quasi unique, Nutriset30, et une demanderelativement éclatée,-initialement par des O.N.G. et le CICR avec un relaissignificatif de l’UNICEF amorcé en 2005(figure 6). Les volumes sont alorsfaibles et le développement de la prise en charge communautaire se développeassez lentement.

Les crises du Darfour et du Niger en 2005 confirment l’investissement del’UNICEF dans une fonction d’approvisionnement qui devient progressivementcentrale. On peut considérer l'année 2007 comme celle du basculement officiel.L'OMS et Unicef par leur déclaration commune reconnaissent et recommandent laprise en charge ambulatoire de la malnutrition à base d'ATPE. Le rôle dediffusion et de transcription de ce nouveau mode de prise en charge dans lespolitiques nationales de santé se double d'un travail de définition du cahierdes charges de normes et de protocoles d'évaluation de la qualité des processde production et des produits. Initialement repris de ceux de Nutriset31, lescahiers des charges et les normes se développent ensuite de manière autonomesous l’impulsion des acheteurs qui s’organisent. Un noyau dur d’évaluation etde définition de standards s’opère, entre 2005 et 2008, autour de l'Unicef etMSF, rejoints ensuite par le PAM.

En concentrant l’essentiel de la demande d’ATPE par son service supply àAmsterdam ou via ses bureaux locaux, l’UNICEF double sa fonction d’évaluationde la qualité des process et des produits d’une fonction d’organisation dumarché.

30 Nous avons recueillis très peu d’informations sur la place de Compact et Valid dans la productiond’ATPE entre 2000 et 2005, leur déploiement sur ce marché semble s’être opérée plus tard au terme dediscussions longues avec Nutriset sur l’octroi d’accord de licence (2007).31 Entretiens Nutriset Guillaume Sauvage et Mathidles Bridier 12/02/13

Page 34

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Il ressort des entretiens réalisés aussi bien avec des acteurs du supply àUNICEF que des fournisseurs que cette position d’organisation du marché s’opèreschématiquement autour de trois temps.

- Entre 2005 et 2008, l’UNICEF acquiert progressivement sa fonction decentralisation de l’approvisionnement des programmes nationaux. Le défaut deproducteur fait que le fournisseur essentiel est Nutriset dont l’offre sedélocalise à travers le déploiement du réseau PlumpyField à partir de 2005,réseau que l’Unicef appui dans son développement dans cette phase (2006 Nigeret 2007 Ethiopie). La période voit aussi la construction des cahiers descharges du produit, des procédures d’audits… - Entre 2008 et 2011 UNICEF poursuit sont travail d’appui aux initiativeslocales qui commencent progressivement à approvisionner les bureaux locaux del’institution. La crise alimentaire de 2008 dans la corne de l’Afrique révèlel’impossibilité de répondre à une hausse brutale de la demande32 dans un marchéstructuré autour d’un nombre réduit de fournisseurs et l’accroissement descouts générés par l’envoi aérien de ces produits. Le travail de diversificationde l’offre internationale d’ATPE s’accélère, on assiste à une multiplicationdes producteurs accrédités par l’UNICEF, essentiellement dans les pays du Nord,- A partir de 2011, les capacités de production locale arrivent à maturité,accrédités progressivement par l’UNICEF et MSF et depuis peu par le PAM, cesstructures ne fournissent plus seulement les marchés locaux mais aussi les paysvoisins, affirmant une vocation sous-régionale concurrençant des producteurs duNord. La mise en concurrence devient la règle et certaines grandes industriesagro-alimentaires (Pepsi Co) pénètrent le marché des ASPE.

À travers une centralisation de la demande l’UNICEF acquiert une position luipermettant d’orienter et d’organiser l’offre d’ATPE. L’action de l’organisationonusienne favorisera :

- une diversification des unités de production (diminution de la dépendanced’un producteur international exclusif comme cela a été le cas jusqu’en Février2009),- la consolidation de ce marché par une politique de passation de marchésliant cout des produits, sécurisation de l’approvisionnement et appui audéveloppement de producteurs locaux/régionaux,- et une mise en concurrence progressive des producteurs, en réservant uneplace particulière aux producteurs locaux.

Cette organisation du marché par l’UNICEF s’opère à travers l’articulation dedifférents outils opérant à des échelles variées, du global au local:

32 Voir l’article Kormska “Increasing Access to Ready-to-use Therapeutic Foods”

Page 35

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

- Long Term Agrement (LTA) : cet outil contractuel est habituellementutilisé pour organiser l’approvisionnement au moindre cout des agences desNations Unies. Les marchés sont passés au fournisseur, répondant au cahier descharge, le moins disant, avec une seconde LTA de « sécurité » à son concurrentle plus proche. Dans le cadre de la fourniture d’ATPE, la configuration initiale faiblementconcurrentielle du marché, les tensions dans la réponse à la demande deproduits a conduit à un usage nouveau de ce cadre contractuel. Le critère desélection d’efficience immédiate que constitue le prix s’est vu largementconcurrencé des enjeux demandant un pilotage plus fin visant à diversifier lesproducteurs et sécuriser l’approvisionnement. L’UNICEF a ainsi fait le choix derepartir ses prévisions de commande entre les différents producteurs soumettantdes propositions recevables à ses appels d’offre. Cette option a permis d'organiser progressivement la compétition sur les prixtout en apportant des réponses aux contraintes de volatilité de la demande pardes décisions pluriannuelles affectant une ligne de commande à chaqueproducteur. Pour ces dernières, cette inscription de la demande dans le tempset ce lien privilégié avec UNICEF permet de planifier leurs investissements, denégocier les modalités de financement et de dimensionner en conséquence leuroutil de production. Sur le temps long, cette stratégie conduit à une diversification de l'offre,jouant de ce fait un rôle-clé dans le développement et la structuration d'unréseau de producteurs globaux et locaux (voir : Figure 20), permettant à desproducteurs émergeants de s’inscrire sur le marché et de consolider leur offre,de rapprocher les lieux de production des espaces d’utilisation.Malheureusement, l’effet sur l’accessibilité économique des produit restefaible pour des raisons que nous analyserons dans les parties suivantes(position encore largement dominante de Nutriset, logique de réseau etd’organisation limitée de la concurrence, faible volume de production desnouveaux entrants…)

Page 36

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

FIGURE 20: EVOLUTION DU NOMBRE DE LTA DANS LE TEMPS ( SOURCE UNICEF)

FIGURE 21: REPARTITION DES VOLUMES D'ATPE COMMANDÉS ENTRE BUREAUX LOCUA ET CENTRALE D'ACHAT DE L'UNICEF

- Ces LTA visent à approvisionner les différents programmes appuyés parl’UNICEF via les circuits logistique de cette agence qui s’articulent autour dela centrale d’achat des Pays Bas mais aussi de 2 stocks de pré-positionnementdans le Golfe de Guinée qui ont permis de réduire radicalement les transportsinternationaux par voie aérienne. La réduction de la part des couts aériensdans l’approvisionnement des programmes de prise en charge a fait baisser leprix moyen à destination des ATPE.

Page 37

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

- Cette fonction de centralisation de la demande et d’organisation du marchéa conduit l’UNICEF, en lien avec MSF, à engager un travail de transparencevisant a rendre le plus lisible possible tout à la fois l’organisation dumarché et ses développements à venir. Sur une base annuelle, les producteurssont physiquement réunis pour sur un à deux jours en vue d’échanger sur lesdynamiques a l’œuvre et les orientations à venir. Ces éléments font l’objetd’une mise en ligne sur le site internet de l’UNICEF qui vise à garantir unlibre accès aux informations sur les dynamiques du marché (entretiens UNICEF etMSF + Nutriset).- Une articulation des circuits locaux et internationauxd’approvisionnement. Dans le même temps, l’UNICEF a donné une flexibilité dansl’approvisionnement à ses bureaux locaux. La possibilité offerte à sesprogrammes locaux de contracter avec des fournisseurs nationaux validés parl’UNICEF (Figure 21: repartition des volumes d'atpe commandés entre bureauxlocua et centrale d'achat de l'Unicef) a permis tout à la fois :o D’appuyer l’émergence et la structuration de producteurs situés au plusprès des besoins (La STA est un excellent exemple de cette dynamique comme nousle verrons dans la partie suivante),o D’articuler sources internationales et nationales conférant uneflexibilité accrue, une plus grande réactivité et une réduction des couts encas de crise- La mise en place de Facilités locales. En prenant en compte lescontraintes spécifiques des producteurs locaux dont les bureaux nationaux del’UNICEF sont proche du fait des latitudes offerte en matièred’approvisionnement, certains arrangements été trouvés sur le terrain notammenten ce qui concerne les flux d’approvisionnement en continu (réduisant les coutsde stockage et de manutention) et les modalités de paiement (réduction desdélais de paiement après livraison limitant les sorties de trésorerie desproducteurs)…

L’ensemble de ces éléments souligne les évolutions en profondeur du marché desATPE et la place centrale qu’occupent progressivement les acheteurs, notammentl’UNICEF, dans l’organisation du marché pour :

- Tenter de dépasser/restreindre les implications de la structureparticulière d’une demande pilotée par les situations d’exception,- Organiser une diversification de l’offre pour sécuriserl’approvisionnement et promouvoir une mise en concurrence en vue d’uneréduction des prix des ATPE.

Page 38

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Structure de l'offre : entre facteur limitant la concurrence et stratégies de contournement Les éléments recueillis en entretien et l’analyse des données chiffréesillustrent bien que l'offre d'ATPE est contrainte par la structure du marchécaractérisé par:

- l’importation de l’essentiel de leurs matières premières avec de ce faitune dépendance des marchés internationaux qui connaissent une évolution à lahausse et des variations importantes de leurs prix,- une fluctuation de la demande, même si celle-ci fait l'objet dedispositifs de lissage (LTA), nécessitant de conserver une surcapacité deproduction pour pouvoir faire face à un accroissement brutale de la demande deproduits lié a une situation de crise.

Ces éléments, malgré la hausse du nombre de producteurs, ont joué comme desfacteurs de rigidité des prix. D’autres facteurs ont été avancés en entretienet peuvent compléter l’explication d’une baisse limitée des prix de vente deces produits. Il apparait important de passer en revue ces éléments dans lapartie qui suit pour apprécier l’impact :

- des régimes de propriété intellectuelle et industrielle,- de l’évolution des standards de qualité et des dispositifs de contrôle,sur - la concurrence et notamment les droits d’entrée sur le marché pour denouveaux acteurs.

LE BREVET : Le brevet dont disposent conjointement l’IRD et Nutriset sur les ATPEcristallise une part importante des griefs de nos interlocuteurs sur leslimites dans le libre jeu de la concurrence et la rigidité des prix. Sansprendre partie dans la controverse qui si elle est aujourd’hui moins vive restebien présente dans l’analyse des acteurs de l’aide, nous proposons de dessinerla trajectoire du brevet et de ses usages.

Dans le cadre d’un usage humanitaire, en situation d’exception, les ATPE commec’est le cas pour un certain nombre des produits relevant de l’industriepharmaceutique ont fait l’objet d’une controverse vive sur leur régime depropriété intellectuelle, controverse notamment centrée sur le brevet. Commenous l’avons vu précédemment, la structure des coûts de ces produits n’est pascomparable avec celle du médicament et à certains égards la controverse peutparaitre déplacée. Un autre point, lui largement ignoré et qui concerneégalement les modes d’appropriation de ces produit est l’enjeu de propriétéindustrielle qui a fait depuis quelques années l’objet d’évolutions assez

Page 39

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

radicales. D’une logique de produit sur lequel pesait un brevet relativementinflexible et une logique de marque les régimes de PI des ATPE apparaissentaujourd’hui comme largement renégociés.

Nous souhaitons proposer une analyse rapide de cette évolution conjointe, qui adébouché sur un accord d’usage simplifié du brevet et une présentationgénérique qui tend à rendre les produits substituable, évolutions qui fontévoluer dans les faits le statu de ces produits. S’ils ne deviennent pas pourautant des communs, les ATPE apparaissent comme des quasi-génériques (encoresous le couvert d’un brevet et marginalisation maximale des logiques demarque). Ce faisant, ils constituent un exemple intéressant de négociation desrégimes de PI dans et par la médecine humanitaire.

Brevet : entre aménagements et contournementsTrajectoire initiale du brevet : du non usage à l’usageIl ressort discussions avec les différents acteurs que le dépôt du brevet,codétenu par l'IRD et Nutriset, relève d'une logique de protection systématiquepar l'IRD des découvertes de ses chercheurs. Au-delà de cette logique, pourNutriset comme pour le chercheur de l'IRD, le dépôt initial du brevet et vucomme une manière de matérialiser les avancées d'un partenariat.

Cette trajectoire initiale du brevet semble confirmée par le fait qu'au coursde ses premières années d'existence du produit il n’est pas fait usage desdroits attachés au brevet. Au contraire, Nutriset le chercheur de l'IRD semblefavoriser un certain nombre d'expérimentations et d'initiative de productionlocales par des O.N.G. (c'est par exemple le cas de MSF au Niger, l'initiativequi débouchera sur la création de la STA ultérieurement reprise par Nutriset).

Les droits attachés au brevet commencent à être utilisés à partir de 2005 avecle succès grandissant des ATPE. Le discours change alors, le brevet devenant undispositif de protection des producteurs du Sud contre les grandes entreprisesagroalimentaires du Nord. Ce brevet, qui devient rapidement le plus rentable del'IRD, conduira a des distorsions fortes dans la circulation et ladisponibilité des ATPE dans certains contextes de crises (Somalie par exempleavec le transit via l’Ethiopie couverte par le brevet) et surtout uneincertitude que Nutriset fait planer sur l’usage principalement offensif oudéfensif du brevet.

Entre échec du patent pool…Et proposition d’un accord d’usage simplifiéFace à ces usages partiellement problématiques, MSF à travers la Campagned’Accès aux Médicaments Essentiels (CAME) engage une campagne publique pourdénoncer usage du brevet sur des biens « humanitaires ». Cette position estrenforcée par des prises de position de l’UNICEF et du PAM au cours de réunionsde travail à Rome. Les impacts de cette campagne sur l’image de Nutriset et de

Page 40

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

l’IRD conduisent à des négociations. L’objectif MSF est alors de chercher à deconstituer autour du brevet Nutriset-IRD un patent pool. Cette option estdiscutée dans diverses réunions mais n’aboutit pas du fait de réticences deNutriset. Néanmoins, sous la pression de la campagne public (mais aussi peutêtre de celle d’une action en justice contre le brevet aux USA) Nutriset etl‘IRD sont amené à proposer un aménagement du dispositif de PI en proposant unaccord d’usage simplifié du brevet, par simple inscription via internet, auxproducteurs du Sud (sous certaines conditions de structure du capital). Cetteouverture, tardive, n’aura un impact que très limité sur la structure de laconcurrence et la fixation des prix (motif initial de la pression de MSF)

Non respect du droit de PI attaché au brevet par les bailleurs :UNICEF et USAIDAu delà de ces aménagements du régime légal de propriété intellectuelleentourant les ATPE, il est utile de s’intéresser aux pratiquesd’approvisionnement des acteurs de l’aide. Si ‘l’on opère un recoupement entreles zones couvertes par le brevet et les producteurs validés par l’UNICEF, ilapparait qu’aux USA (pays couvert par le brevet) sur les 3 producteurs un seul,Edesia dispose d’une licence de Nutriset (dans le cadre du réseau PlumpyField), les deux autres exploitant de manière non autorisé le brevet deNutriset-IRD dans le cadre de leur production. L’approvisionnement d’UNICEF etd’USAID auprès de ces fournisseurs est connu de Nutriset qui n’a engagé aucuneaction pour faire valoir ses droits.

La remise en cause des dispositifs de propriété industrielle dans le cadre d’une présentation générique des ATPE.

Depuis 2010, 1’espace de redéfinition du régime de propriété intellectuelle desATPE se déploie. À travers une initiative, initialement relativement informelle,une présentation générique des ATPE est négociée par MSF et UNICEF. Celle-cicontribue à remettre en cause le droit de propriété industrielle, notamment lesdessins et marque.

Si, une fois de plus, l'objectif de départ qui vise la subsidiarité desdifférents ATPE, la remise en cause de la présence de non produit et de marqueset les négociations qui s'ensuivent la volonté des acteurs humanitaires discuterle régime de propriété industrielle et de promouvoir l'une « génériquisation »de ces produits.

Une fois de plus, est soulignée par cette initiative et le jeu des acteurs unefonction d'innovation/remise en cause de la part des O.N.G. (MSF) enconcertation avec les agences des Nations unies qui profitant de leur positiond'acheteur disposant levier important sur les producteurs. Enfin, la proximitéde la présentation générique avec celle des produits de Nutriset (dominant durouge, format du sachet…) Semble une manière pour les autres producteurs debénéficier d'image positive de ces produits.

Page 41

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

À travers ses différents aménagements, du brevet et la propriété industrielle lanature des ATPE évolue. Un produit de marque commerciale à vocation humanitairepuis de santé publique il passe a un quasi générique qui s'il n'est pas encoreun commun du fait de l'échec du baptême ce pôle pourrait se rapprocher avec lafin du brevet prévu en 2017.

On pourra bien évidemment regretter, avec la plupart des personnes interviewées,que cet aménagement des dispositifs de propriété, industrielle etintellectuelle, n'arrivent que tardivement, une fois déjà bien installée laposition dominante de Nutriset.

PRODUCTION DE NORMES, DISPOSITIFS DE CONTRÔLE Au cours des entretiens conduits avec les différents acteurs, aussi bienproducteurs qu’acheteurs, la production des standards, qu’ils concernent lesprocess de production comme de qualité des ATPE, sont apparues comme un champcentral dans la structuration du marché. La production de ces normes et leurévolution progressive ont un impact potentiel fort sur ladisponibilité/accessibilité du produit, ses prix et sa production locale.

Si une analyse détaillée de l’évolution des critères de qualité reste à on peutdéjà percevoir une approche de production de standards de qualité par touchessuccessives en retraçant l'évolution des guides d'évaluation développée parUNICEF et MSF.

La construction de ces normes de production et de qualité relève d’un mouvementdouble mouvement :

- de transition d’un cahier des charges initial issu de celui de Nutriset àune appropriation et a une évolution par touches successives par lesacteurs de l’aide en position d’acheteur de ces produits, cahier descharges et expertise qui sera réinvestit dans la définition des statuts deces produits, les mêmes acteurs étant: acheteurs, utilisateurs, acteur dela définition du cahier des charges et de l’assurance qualité,

- d’une analyse de la qualité de produits issus de l’industrie agro-alimentaire par des spécialistes de l’industrie pharmaceutique.

La dernière illustration en date, l'épisode Sakazakii, a parfaitement illustréla manière dont des logiques institutionnelles visant une réduction des risquesmaximum fondés sur un principe de précaution ont profondément déstabilisé lesproducteurs et redistribués les cartes au profit des acteurs majeurs, Nutriseten tête. Quand bien même la controverse à trouver une solution, ses conséquencessur l'organisation de la production et ses coûts sont importants :

Page 42

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

- la nécessité d'une analyse préliminaire des matières premières conduit àune complexification du sourcing, à des délais d'approvisionnementimportants et, en conséquence, à une mobilisation importante de trésoreriedans des stocks importants de matières premières,

- la même logique s'applique en ce qui concerne les produits finis qui fontl'objet d'analyses avant la réception par les acheteurs conduisant, làaussi, à la constitution de stocks importants, à des livraisons et de fêteun raccourcissement de la durée de vie utile, sur le terrain, desproduits.

-

Ces éléments ressortent dans l'analyse réalisée par Nutriset des coûts de cesnouvelles spécifications au second semestre 2012. Sur cette année, particulière,les coûts générés, 5 millions d'euros, représentent un peu plus 5 % du chiffred'affaire total de l'entreprise. Au cours de discussions avec les dirigeantsceux-ci ont souligné que ces investissements importants ont réduit quasiment àzéro leurs marges bénéficiaires sur l'année (cf. citation. Rapport Nutriset2012)

La structure des coûts induits parl'évolution des normes de qualité peutêtre différente de manièresignificative selon les producteurs.Les quelques grands acteurs peuvent, àl'image de Nutriset, internaliser unepartie du travail de microbiologie.Les acteurs du sud qui dispose deressources financières et techniquesmoins importantes doivent adopter desstratégies d'envoi d'échantillons dansdes laboratoires de référence, souventéloignés, ce qui conduit à des coûts

Page 43

«  Les nouvelles spécifications qui ont généréune augmentation du besoin en fonds deroulement et des coûts supplémentaires. Lescritères et délais d’analyses des produits ontaugmenté et les commandes sont désormaislibérées après inspections de nos partenaires,soit 5 semaines après la production (contre 4jours avant les nouvelles spécifications).L’impact sur les coûts d’analyses et de stockagea été immédiat (les coûts ont été multipliés par4 en 1 mois) et la valeur du stock est passée de10 millions d'euros en 2011 à 19 millionsd'euros fin 2012. »

(source : Rapport Nutriset 2012)

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

et les délais répétés, impactant la rentabilité et/ou les prix de vente desproduits.

DROIT D'ENTRÉE SUR LE MARCHÉ ÉLEVÉ POUR LES PRODUCTEURS DU SUDLes éléments qui précèdent ont des implications directes sur le développement dela concurrence et sa structuration.

La structure de la propriété intellectuelle et industrielle qui a longtempsprévalu, avant le passage tardif a un accord d’usage simplifié pour les acteursdu Sud, a fortement pesé sur l’organisation du marché autour de Nutriset. Cedispositif est peu utilisé et la durée de latence de développement de cetaménagement, a favorisé le développement d'un réseau de structures sous contratde licence avec Nutriset, PlumpyField.

En analysant les modalités du développement de la concurrence comme un moyenbaisse des prix, il est apparu que les droits d'entrée sur le marché sont,notamment pour les producteurs implantés au Sud, relativement élevés. Cettetendance à la hausse du ticket d'entrée sur le marché semble corrélée àl'évolution des standards de production et de qualité du produit. Nous avonsréalisé au cours d'un entretien à Nutriset une simulation du coût d'implantationdu dispositif de production minimal proposé par ce producteur à ses franchisés,c'est-à-dire le modèle de « niveau 1 » permettant de produire 1000 tonnes d’ATPEpar mois.

Les fonds à mobiliser pour entrer sur le marché oscilleraient entre 800 000 et 1millions d'euros répartis comme présentés dans le tableau ci-dessous.

Poste de dépense Montant (eneuros)

- Équipement de production (y compris transport) 300 000

- Fonds de roulement 350 000

- Bâtiment 150 000

Total 800 000

Le contrat de franchise implique que plus de 50% de cette mise de départ soitapportée par le franchisé ce qui reste un investissement relativementconséquent.

Par ailleurs, au regard du caractère technique de la production et du niveaud’exigence en matière de normes de production et de qualité, la barrièretechnologique reste également importante, voir, comme cela est souligné par

Page 44

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

différents interlocuteurs, « ne cesse de monter », ce qui conduit certainsinterviewés (producteurs) à parler de « risque de sur-qualité »..

A titre d’exemple, dans les conditions qui paraissent les plus favorables enmatière de rapidité de déploiement de la capacité de production, c'est-à-diredans le cadre d’un accord de licence tel que proposé par Nutriset à sesfranchisés, quand bien même les dispositifs de transfert de technologie et dedéploiement industriel ont été optimisés au fil du temps, il faut néanmoinscompter six à huit mois pour le déploiement, la formation, les audits de processet de qualité des produits internes, la validation par Unicef… Avant la vente dupremier sachet d'ATPE.

On peut bien évidemment penser qu’en dehors de ce cadre les couts sont plusimportants et les délais plus longs.

Ces éléments soulignent la nécessité d'une assise financière forte et d’unniveau de maitrise technologique de plus en plus élevé ce qui peut être desfreins importants à l’entrée de nouveaux producteurs sur le marché.

On peut identifier trois conséquences directes de ce coût d'entrée sur le marchépour les pays du Sud :

- Sauf à disposer d’une capacité de mise de fond très importante et d’unemaitrise technologique forte, c'est-à-dire d’être appuyé par une structureinternationale33, les nouveaux producteurs doivent faire face à un coutd’entrée sur le marché rédhibitoire qui les conduit à se rapprocher destructures disposant de ces capacités, c'est-à-dire Nutriset dans les payscouverts par le brevet/accord d’usage. Le niveau de production initial deces nouveaux entrants sur le marché est relativement faible au regard duvolume du marché. Ceci les place dans une position peu favorable pournégocier le prix de leurs matières premières et proposer des prix de ventecompétitif, ce notamment si la production d’ATPE est leur activitéprincipale. Cette contrainte renforce la nécessité pour eux de serapprocher d'acteurs déjà bien installés et disposant de volume deproduction leur permettant de négocier les prix des matières premières.

- Dans ces circonstances, l’offre de service de Nutriset à ses franchisés,de l’appui technologique à l’apport possible de capitaux en passant par laformation et l’accompagnement /préparation des audits, est un avantagesignificatif pour tout nouveau producteur ce qui favorise l’extension etla consolidation du réseau PlumpyField.

33 Ce qui est exclu dans les pays couverts par le brevet que ce soit dans le dispositif d’accord de licence comme d’usage

Page 45

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Si le brevet a constitué une barrière à l’entrée sur marché de producteurs dansle milieu des années 2000, il apparait aujourd’hui que ce sont plutôt latechnicisation progressive de la production de ces produits, impliquée par lahausse de la demande et l‘industrialisation des processus, et l’évolution desexigences en termes d’assurance qualité qui constituent les motifs duralentissement du nombre de nouveaux acteurs investissant le marché.

On peut par ailleurs supposer que cette dynamique aura, dans l’avenir, deuxconséquences fortes :

- Le renforcement de la production dans des pays disposant d’une maitriseintermédiaire a élevée des procédés de production agro-alimentaires,

- Le développement de partenariats hybrides entre acteurs du Sud etentreprises de l’agro-alimentaire du Nord.

Page 46

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Une position de Nutriset qui reste centrale : causes et conséquences

Ainsi, malgré une organisation progressive du marché par les acheteurs, une miseen concurrence des producteurs, un effort de transparence et de prévisibilité…la position occupée par Nutriset semble pas fondamentalement remise en cause.

Cet état de fait est fortement ressenti par l’ensemble des acteurs interviewsqui l’associent au phénomène de baisse des prix limités causée par uneconcurrence asymétrique. Cette étude nous conduit à réanalyser ces dynamiques enréinscrivant cette lecture largement partagée par les acteurs de l’aide dans deslogiques plus complexes dont Nutriset est tout à la fois acteur et spectateur.Nous proposons ici, sans méconnaitre les implications de cette positiondominante de Nutriset de l’analyser plus en détails en s’intéressant à sesformes et a ses implications, immédiates ou sous-jacentes. L’objectif de cetteanalyse est d’inviter à une lecture des dynamiques complexes de cette positiondominante de Nutriset qui seule pourra permettre de proposer des solutions deréduction des couts pertinente car reposant sur une compréhension des réalitésdes dynamiques de production des ATPE.

Aller au delà des chiffres de productionAvant de rentrer dans le cœur de l’analyse des dynamiques de la place centraleacquise par Nutriset sur le marché, il convient de s’intéresser aux chiffresdisponibles et d’aller au delà.

Les données disponible au niveau de l’UNICEF illustre que la part de laproduction de Nutriset était, jusqu’en 2012, en baisse, passant de 90% desproduits achetés par l’UNICEF en 2007 à environ 35%. Deux lectures sont faitespar nos interlocuteurs de cette tendance. Les premiers voient dans cetteévolution le résultat d’un développement de la concurrence. Les secondssoulignent que cette concurrence est une dynamique de façade, l’essentiel decette concurrence s’étant développée dans le cadre du réseau PlumpyField appuyépar Nutriset34 et dans lequel l’entreprise a des participations qui peuvent êtreimportantes. Ainsi, si le réseau PlumpyField représente 35% de la production,nos interlocuteurs font valoir que ce n’est au final que 30% du marché qui estcouvert par des producteurs « indépendants ».

Que l’on perçoive le réseau PlumpyField comme un dispositif de Nutriset, via lesprise de participations variables de l’entreprise dans ses franchisés et lalogique de réseau de marque, ou comme une initiative qui vise a une mise enconcurrence pour réduire les prix, comme l’illustre les prix de vente quasisimilaires à ceux de Nutriset proposés par la société JB à Madagascar, force est34 Le reseau PlumpyField n’est pas la propriété de Nutriset mais d’une Holding, Onyx, dont Nutriset est un acteur majeur d’un point de vue financier et dont la gouvernance reste dominé apr la famille Lescanne qui est prorpiétéiare de Nutriset.

Page 47

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

de constater que les problèmes rencontrés en 2013 avec la découverte duchronobacter Sakazakii à illustré la fragilité de la dynamique à l’œuvre. Eneffet, la part de produit fournis par Nutriset à l’UNICEF est passée de 35 à unpeu plus de 60%, alors que la part des produits fournis par le réseauPlumpyField comme par des producteurs hors du réseau se réduisant de plus d’untiers, passant pour le réseau PlumpyField de 35 à 20% et pour les autresproducteurs de 30 à 20% de la production mondiale (cf. Figure 22: Repartation volumes globaux d'ATPE produit par degré

de relation a NUTRISET (source UNICEF).

FIGURE 22: REPARTATION VOLUMES GLOBAUX D'ATPE PRODUIT PAR DEGRÉ DE RELATION A NUTRISET (SOURCE UNICEF)

Au delà des chiffres de production l’épisode Sakazakii joue comme unrévélateur : si les parts de marché occupées par les différents protagonistespeuvent servir de proxy pour la compréhension des dynamiques des acteurs dumarché des ATPE, il ne doit pas occulter qu’un critère déterminant est leurcapacité respective à s’adapter à des évolutions de la demande, que cesévolutions concernent la destination, les volumes, les spécifications desproduits. Ces enjeux renvoient à la nécessité toute à la fois de capacités deproduction non utilisées, de maîtrise des circuits d'approvisionnement desmatières premières comme des produits finis et à des logiques de recherche desolutions scientifiques et techniques rapide. Dans ce domaine, Nutriset apparaiteffectivement, en direct comme via son réseau, comme l’acteur dominant pouvantfaire face à une hausse de la demande en cas en cas de réduction de l’offrecomme cela a été le cas dans l'épisode Sakazakii.

Le choc causé par ce chronobacter illustre également que le réseau PlumpyFieldjoue le rôle d’un incubateur de solutions techniques. La structure du réseaupermet en effet des approches en rhizome qui permettent de tester des optionsavant de les généraliser. Ainsi, suite à l’épisode Sakazakii, la STA testeactuellement un dispositif de chauffage rapide des matières premières pourévaluer sa capacité à éliminer le chronobacter, cette solution pourra

Page 48

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

ultérieurement être étendue, en fonction de ses résultats, à l’ensemble duréseau.

Ces dynamiques de réseau dans le cadre de l’épisode Sakazakii illustre bien ladouble dimension de la position centrale de Nutriset : en matière de capacité deproduction (production effective et capacité d’accroitre massivement etrapidement sa production) et de recherche-innovation, deux points centraux quela seule analyse des parts de marché ne permettent pas de considérer.

Les raisons de cette position centrale de Nutriset sur le marché apparaissentbien plus complexes et multiples que la lecture qu'en ont la plupart des acteursinterviewés. Comprendre cette dynamique implique de combiner tout a la fois lafonction de l’entreprise dans le développement du produit, sa gestion de lapropriété intellectuelle et industrielle depuis l’usage du brevet jusqu’à sonaménagement récent, et aux discussions sur le maintien des marques dans lecadre de la présentation générique des produits, sa fonction dansl’établissement des normes initiales de production, sa capacité à innover et alier des partenariats de recherche nouveaux…

Ce sont ces différents points que nous proposons de d’étudier, après cettelongue introduction, dans les développements qui suivent.

Qui produit ? Où ?Les analyses que nous venons de développer vont à l’encontre d’une ligne decommunication qui souligne la multiplication des acteurs du sud présents sur lemarché, position qui est illustrée par une analyse de la répartitiongéographique des producteurs d’ATPE.

1 2 3 40246810121416

Amérique du Nord EuropeAmerique Centrale et Caraibe

Asie

Afrique

FIGURE 23: EVOLUTION DU NOMBRE DE PRODUCTIEURS "INTERNATIONAUX" DE L'UNICEF PAR RÉPARTITION GEOGRAPHIQUE (SOURCE UNICEF)

Page 49

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

En effet, l’analyse de la réparation géographique des fournisseursinternationaux validés dans le cadre des évaluations Unicef/MSF/Pam et sonévolution dans le temps confirme une croissance forte du nombre d’unité deproduction dans les pays du Sud depuis 2008 (voir : Figure 2321). Cettecroissance s’opère essentiellement à travers du développement du réseau PlumpyField qui représente 4 / 5 des producteurs locaux d’ATPE reconnus par l’UNICEFet MSF en 2009-2010 et 8 sur 11 en 2011-2012. (Voir Figure 24).

Cette structuration particulière du réseau et sa part prédominante dans lesunités de production d’ATPE peut en partie s’expliquer par deux éléments clef :

- Le fait que les standards de Nutriset servent de base à la définitiongénérique du produit et initialement aux critères de qualité du process etde l’analyse,

- Le développement de dispositifs de transfert de kits de productionintégrant machines, outils et procédures de contrôle.

Ces dynamiques entre en résonnance et peuvent ont longtemps pu s’appuyer sur laprotection conférée par le brevet pour mettre Nutriset dans une positionextrêmement favorable pour développer son réseau.

Avant 2008 2009-2010 2011-2012

1 Hilinia – Ethiopie Hilinia – Ethiopie Hilinia – Ethiopie2 STA - Niger STA - Niger STA - Niger3 PPB – Malawi PPB – Malawi4 VN - Malawi VN - Malawi5 Amwilli - RDC Amwilli - RDC6 JAM – Mozambique7 JB – Madagascar8 Power Foods –

Tanzanie9 PPB – Sierra Leone10 MFK – Haïti11 Samil Indutry -

Soudan2 5 11

FIGURE 24: PRODUCETURS LOCAUX VALIDÉS PAR UNICEF/MSF EN FONCTION DE LEUR RATTACHEMENT AU RESEAU PLUMPYFIELD

… et si l’on considère la production effective ? La capacité de production ?Cette répartition des producteurs entre le Nord et le Sud et l’image d’uneproduction du Sud pour le Sud est largement contredite si l'on considère nonplus la localisation de ces producteurs mais les quantités effectivementproduites (Figure 25) et les capacités de production (Figure 26). Les chiffresdonnent alors une image inversée : les producteurs européens et américainsrestent largement dominants. Comme l’illustre la figure ci-dessous, ilsreprésentent encore, malgré la part croissante occupée par les producteurs

Page 50

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

africains, les 2/3 de la production mondiale et les ¾ de la capacité deproduction globale. Comme nous l’a illustré l’analyse des redéploiements deproduction dans le cadre de Sakazakii, ce sont bien ces données de production,effectives et potentielles, qu’il faut considérer pour analyser les forces enprésence et leur évolution.

L’analyse de ces données illustre un phénomène relativement récent : ledéveloppement en Afrique d’une capacité de production excédentaire qui pourraitêtre utilisée dans le cadre d’une réorganisation des déséquilibres géographiquesdu marché.

FIGURE 25: REPARATITION GÉOGRAPHIE DE LA PRODUCTION (EN VOLUME) D'ATPE (SOURCE UNICEF)

FIGURE 26: REPARTAITION GÉOGRAPHIQUE DES CAPACITÉS DE PRODUCTION D'ATPE

Quelques pistes d’explication de la place de Nutriset et de la rigidité des prix : histoire, structure et dynamique du marchéCes éléments conduisent à valider l’impression initiale que l’introduction denouveaux acteurs n’a pas entrainée les effets escomptés en raison de :

Page 51

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

- La structure initiale du marché organisé par et autour de Nutriset,structuration qui perdure aujourd’hui même si les motifs en ont changé. Onpeut distinguer différents temps dans ce développement avec le passage :

1. Le développement initial reposant sur une position centrale del’inventeur dans un marché en émergence,

2. grâce à une maitrise technique, une capacité d’investissement, et àla protection d’un brevet et d’une marque forte, développement d’unréseau de franchisés,

3. puis par ce le réseau permettant de renforcer une positionnévralgique, par la technicité et l’investissement dans la rechercheet développement avec de nouveaux partenaires (passage de liensIRD+ONG à des partenariats orientés vers la recherche universitaireeuropéenne et anglo-saxonne), une capacité de formulation et uneculture de l’amélioration continue des produits)

- la baisse des prix importante attendue du développement de la concurrencen’a pas eu lieu en raison de la tendance à la hausse des prix des matièrespremières mais aussi de la faible capacité de production de ces nouveauxacteurs liée souvent a une capacité d’investissement faible en fondspropres, capacité pour certains d’ors et déjà exploitée à 100% sur lesmarchés nationaux, ne leur permettant pas de s’investir dans l’arèneinternationale.

Pourtant l’analyse fine des dynamiques de prix illustre que l’on assiste à uneffet de rattrapage prix (Madagascar et Inde) ou a une technicité croissante(Afrique du Sud) de certains producteurs du Sud, ce qui conforte l’idée dedéveloppements alternatifs dans et hors du réseau PlumpyField. Ces éléments vontdans le sens de la conclusion de la partie suivante de ce rapport : la stratégied’appui aux producteurs du Sud doit donc être poursuivie, si possible en prenantcompte des capacités d’innovation technique et en levant certaines barrièresclefs (cf. seconde partie de cette étude sur le cas Niger).

Une autre explication a été apportée à ce phénomène de baisse des prix limitéedans le cadre de différents entretiens avec des personnels de Nutriset comme despersonnes extérieures à l’entreprise. A partir du tableau récapitulatif des prix(Figure 27) en soulignant la baisse quasi continue des prix des produits deNutriset je questionnais les interviewés sur le fait que alors que Nutrisetreprésente 35% du marché mondial d’ATPE les prix pratiqués (35,82 euros /carton) sont très proche de ceux de certains de ses concurrents (Compact Inde,36,63 Euros/carton) comme de ceux de membres du réseau PlumpyField (JB, 36.57euros/carton) et ce alors que les quantités fournies par ces producteurs sontfaibles à marginales. En fonction des services de Nutriset avec qui lesentretiens ont été conduits, différentes explications de cet état de fait ontété avancées.

Page 52

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

- Les entretiens réalisés avec les personnes liées à la production soulignentun faible cout de la main d’œuvre en Inde et au Brésil (marginale dans lecout final du produit) associée à une forte maitrise des procédésindustriels, appuyée par Nutriset dans le cas de Madagascar.

- Les interviews réalisés avec les personnes en charge de l’approvisionnementsouligne, dans le cas de Madagascar une logique de commandes de matièrepremières poolées du fait de l’activité agro-alimentaire plus large decette unité de production.

- La baisse des couts de Nutriset serait quand à elle en partie limitée parla part plus que proportionnelle des couts de recherche et développementsupporté par le centre de production Normand (bien que ce surcoutapparaisse comme marginal au regard du volume de chiffre d’affaire).

NUTRISET DANS UNE POSITION DE GESTION D’INFLUENCE DU MARCHÉ ? MYTHES ET RÉALITÉSCes éléments n’apportent qu’une explication partielle à ces faibles écarts deprix. D’autres éléments sont avancés au cours des entretiens conduits courant2013 avec des acteurs de Nutriset et du réseau PlumpyField. Ces informationssont étayées par le fait que, pour la première fois en 2013, un producteurlocal, la Société JB Madagascar, propose un prix de vente a l’UNICEF (36,85euros) inférieur à celui de Nutriset (37,58 euros)35.

En effet,

- en tant que structure fondatrice, Nutriset ne paie pars de royal tee etaccède au CMV à prix coutant (contrairement aux autres structures qui vialeur prix d’achat du CMV assurent le fonctionnement du réseau et paient desdroits de douane sur ce prix qui se trouve, dans le cas du Niger doublementmajoré),

- en négociant les prix des matières premières et en les revendant avec lamajoration réglementaire de 3% (avec des facilités de financementimportantes aux autres unités de production) Nutriset dispose de matièrepremière à un prix plus faible que les producteurs locaux,

- L’automatisation importante de l’unité de production et le volume fournicompensent partiellement le surcout de la main d’œuvre,

- …

Une autre information, recoupée avec différentes sources, dans et hors deNutriset, explique ce niveau de prix élevé. Nutriset propose des prix maintenusignificativement au dessus des couts de production car si les prix de ventebaissaient trop fortement cela mettrait à mal son réseau de producteurs locaux35 On notera dans l’analyse de ces prix de evnte que les donénes fournies apr l’UNICEF dans leur tableau de prix actualisé pour 2013 ne porte que sur la période du 1er janvier au 31 juin 2013 et quel’année de référence et que la periode est aprtciulière du fait de la problematqiue qu’a representé le chronbacter sakazaki qui a généré des couts importants de recherche et contrôle qualité de Nutriset déclare avoir largement supportés)

Page 53

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

et hypothèquerait la stratégie de l’entreprise visant, à travers sesproducteurs, à promouvoir l’ « autonomie nutritionnelle » des pays du Sud.

FIGURE 27: TABLEAU RECAPITULATIF DES PRIX DE VENTE D'ATPE À L'UNICEF PAR PRODUCTEUR

Cette explication est jugée comme non pertinente par Nutriset qui admet devoiraméliorer sa communication et travailler sur la transparence de ses comptes etjustifie ses prix par des niveaux de couts importants du fait de sa positioncentrale dans le réseau (recherche, appui technique, investissement dans sesfranchisés…). Si la société n’a qu’exceptionnellement été déficitaire (lapremière année de sa création), les taux de marge affichés seraient ceux del’industrie agro-alimentaire36.

Quels qu’en soient les motifs, force est de constater que la stratégieindustrielle déployée par Nutriset se révèle pertinente

- d’un point de vue industriel, comme l’illustre l’évolution de la structuredu marché global d'ATPE/ASPE et la place prépondérante occupée son réseau,

36 Nenamoins certains docuemenst auxquels nous avosn eu accès sur les marges des produceturs au Sud laissent penser qu’ils parvienent a realiser des marges importantes (comme nous l’expliquerons plsu tard ce niveau de rentabilité peut en grande partie s’expliquer apr des contraintes liées a la production locale)

Page 54

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

- scientifique, l’entreprise est investie dans un nombre important de projetde recherche et consacre une part importante de ses moyens humains (12% deses effectifs) et financiers (3 millions d’euros en 2012) a la recherche

- et économique, les marges de l’entreprise permettant de couvrir uneexpansion importante de son réseau et d’alimenter financièrementl’exploration de nombreux autres enjeux de développement

Les résultats de cette stratégie sont illustrés :

- par l’évolution de la part des produits du réseau PlumpyField dans unmarché en croissance constante et l’augmentation continue de la productiondes différentes unités notamment en Ethiopie et en Inde et, depuis 2010 auxUSA dont la production a en 2 ans rattrapé puis dépassé la production deces producteurs africains,

- une structure financière très saine comme l’illustre le tableau suivant.

FIGURE 28: ACTIVITÉS ET RESULTATS DE NUTRISET COMPARAISON 2011 - 2012

Au delà de ces données de production il faut noter que si l’on prend enconsidération la participation, via le holding Onyx, dans le capital des acteursdu Sud les niveaux de dépendance des acteurs du Nord sont plus importants que nele laissent entendre les analyses que nous avons déployés jusqu’ici.

Ainsi, malgré le développement volontariste d'unités de production au Sudreposant sur des initiatives locales, le décalage entre zone de production(concentrée au Nord, voir 8) et zone de consommation (essentiellement Afriquede l’Ouest et de l’Est voir Error: Reference source not found) sembledifficilement pouvoir se résorber.

Page 55

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

De la position dominante sur la production à celle sur la recherche-innovation-développementCette position dominante en matière de production co-construite sur une capacitéde travail avec les ONG dans le développement des produits, ATPE comme ASPE,s'appuie sur et renforce la position de Nutriset en matière de recherche-développement. Cette causalité circulaire, recherche-production-recherche,repose sur la capacité de Nutriset à s’inscrire dans des alliances et àtransformer un poids en termes de production en une position stratégiquecentrale de recherche et d’innovation. Cette posture renvoie tout à la fois àune culture institutionnelle et à des choix économiques et stratégiques.

La trajectoire de l’entreprise est symbolique de cette double logique.Initialement laboratoire de formulation et « cuisine » de développement, laproduction des produits de la marque ont longtemps été sous traités. La phase deproduction en directe est quasi concomitante du développement des ATPE.

C’est bien cette double nature de l’entreprise qui lui confère sa doubledimension Recherche-Innovation-Développement et production, deux dimensions quise répondent et s’alimentent mutuellement au gré des reconfigurations de lastratégie qui se déploie et des succès des produits.

Cette double dimension prend un caractère cumulatif

- la capacité financière que représentent les marges de Nutriset via ses prixde vente, le sourcing et la fourniture des matières premières comme lesredevances perçues pour l'exploitation de la franchise ont permis d'appuyerles logiques de recherche-développement de l'entreprise lui permettant toutà la fois d'entretenir des avantages compétitifs en matière dedéveloppement de nouveaux produits comme d'amélioration de l'existant(optimisation des processus industriels, mise au point de sachetbiodégradable…),

- le fonctionnement en réseau et la participation des franchisés aufinancement de l’activité de recherche accroit cette capacité de recherche.A titre d’exemple les franchisés représentaient 24% des ventes en 2011 etcontribuaient à 14% de la recherche-développement (voir Figure 29 :struture du fianncement du reseau plumpyfield et de la R&D en 2011)

- dans le même temps, les réseaux de recherche innovation dans lesquelss’inscrit l’entreprise ont fondamentalement évolué. Le partenariat initialavec l'IRD a largement été abandonné et les logiques de recherche via lesO.N.G. semblent marginalisées. Nutriset est parvenu à s'inscrire dans deslogiques de recherche plus fondamentale, en lien avec des universitéseuropéennes et américaines, notamment avec le développement de l’unité deproduction aux USA. L'inscription de Nutriset dans ces nouveauxpartenariats semble reposer sur la capacité de formulation et de mise au

Page 56

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

point de produits nutritionnels techniques répondant aux attentes deschercheurs dans le cadre de recherche médicales. Ces nouvelles dynamiquesde recherche pour Nutriset confèrent une visibilité scientifique àl'entreprise, lui permettent d'accéder à des financements institutionnelsimportants via les universités (Bill et Melinda Gates) et de continuer àdévelopper une capacité toujours plus pointue de formulation et dedéveloppement.

-

FIGURE 29 : STRUTURE DU FIANNCEMENT DU RESEAU PLUMPYFIELD ET DE LA R&D EN 2011(SOURCE NUTRISET- RAPPORT PLUMPYFIELD 2011)

Enfin, le développement du réseau PlumpyField joue, à bien des égards, unefonction de catalyseur et un espace d’innovation et d’expérimentation en rhizome(remontée d’information et expérimentation localisée). Des approches innovanteschez un producteur, comme le traitement de l’arachide en Ethiopie, ou uneexpérimentation chez un autre, comme le chauffage des matières premières

Page 57

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

déployée a la STA, font l’objet de test avant généralisation, généralisation quise fait dans des contextes particuliers pouvant déboucher sur des améliorations.

La position dominante, en matière de production comme de recherche-développement, de Nutriset sur le marché des ATPE/ASPE semble donc bien assise.Malgré les initiatives déployées par les acteurs de l'aide elle sembleaujourd’hui difficile à remettre en cause. Il semble que seule la fin du brevetet l'introduction de majors de l'industrie agroalimentaire sur le marché puisseremettre en cause cet état de fait. Ce scénario n’est pas un récitd’anticipation quand on sait que le Pam s'est associé avec Pepsi Co en Éthiopiepour développer des ASPE à base de poids chiche locaux…

Le maintien d’un prix élevé des ATPE pour illustre que :

- Malgré le travail de mise en concurrence opéré par l’UNICEF en vue de labaisse des prix n’est pas complètement opérant,

- La position de Nutriset comme structure pivot du marché, acquise via unfaisceau de causes (producteur initial, volume produit, inscription aucentre d’un réseau de producteurs dans lesquels l’entreprise a desparticipations (toujours inférieures à 50%), brevet, maitrise technique…)s’auto-entretien (les marges ainsi acquises permettent une politiqued’investissement, de recherche, de développement de nouvelles structures…),

- Si la logique de réseau déployée par Nutriset a conduit à des économiesd’échelle dans l’approvisionnement, a des garanties et une harmonisationdes modes de production elle a dans le même temps limité la concurrence etpotentiellement empêché certaines innovations qui auraient pu contribuer àla baisse des prix.

Malgré une cartographie de la production qui tend à rééquilibrer les zones deproduction entre le Nord et le Sud, la poursuite du développement de capacitésde production au Nord en volume vendu et capacité de production sembledifficilement inversable, du fait de l’effet combiné de la localisation :

- les grands bailleurs de l’aide et de leur règles d’engagement des dépensesqui, même si elles évoluent (politique de l'administration Obama) restentfavorables aux acteurs du Nord,

- les capacités industrielles et logistiques, - les grands centres de production agricole.

Cette combinaison de facteurs laisse craindre une mise en difficulté desproductions locales en cas d’investissement d’une grande firme de l’industrieagro-alimentaire. Car si le volume de produits locaux consommés localementaugmente, notamment en Ethiopie et au Niger, leur part relative pourrait stagnerou régresser si les producteurs locaux des PMA ne trouvent pas les moyens de

Page 58

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

leur déploiement à des prix concurrençant ceux des producteurs du Nord. Dans cecadre, le réseau de PlumpyField apparait comme une réponse intéressante àcondition de pouvoir concilier production et mise en concurrence avec un travailde mise en commun des commandes de matières premières pour en négocier les prixà large échelle et un travail de montée en capacité de production accélérée pourles producteurs du Sud.

Cette réponse au sein du réseau PlumpyField n’est cependant pas la seule, lamontée en puissance de Diva, producteur indépendant Sud Africain, laisse penserque des concurrents pourraient émerger de zones hors brevet, disposant d’unemaitrise des procédés de production agro-alimentaire importante et dont lasituation géographique leur permet de se constituer en alternative « Sud » desacteurs dominants du Nord.

Les éléments développés dans cette partie permettent d’illustrer que la réponseconsidérée comme évidente par un certain nombre d’acteurs interviewés selonlaquelle « pour faire baisser les prix il faut ouvrir le marché a laconcurrence » ne va pas de soit. Que ce soit par la structure des couts de cesproduits, la hausse des critères de qualité et les couts induits… le prix d’unticket d’entrée sur le marché est de plus en plus élevé.

Il est important de se méfier également des effets des chiffres. L’évolution dunombre de producteur se fait largement via le réseau PlumpyField. Cettedynamique s’explique assez largement par les économies d’échelle, la capacitéd’investissement liée a la posture de Nutriset de premier entrant sur le marché,au développement lits technologiques intégrés. Il est assez évident quel’extension du réseau s’il elle permet de générée une concurrence formelle dansle cadre des procédures de l’UNICEF ne conduit pas nécessairement a une remiseen cause radicale du modèle.

La mise en concurrence apparait donc, malgré les initiatives d’organisation dumarché et de remise en cause de certains droits attachés à la propriétéintellectuelle et industrielle, qui constitue une vraie avancée, reste unobjectif à atteindre si l’on considère, comme cela semble être le cas, que lemarché opèrera une régulation optimale de l’offre et de la demande par les prix.

Page 59

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

PRODUIRE AU SUD, UNE ALTERNATIVE VIABLE ? PERTIENNENTE ECONOMIQUEMENT ?La question de la pertinence d'une production d'ATPE au Sud à quelque chose dedérangeant dans cette option semble inscrite dans le paysage de l'aide. Pourtantcette question mérite d'être posée à un double titre :

- dans la mesure où elle est ressortie dans certains entretiens, notammentavec des pharmaciens investis sur la question de l'accès aux médicamentsessentiels. Ceux-ci font valoir que dans un environnement globalisé lesstratégies de santé publique qui entend pousser au développement depetites unités nationales de production de médicaments de base se sontsouvent révélés être des échecs,

- dans la mesure ou dans le cadre de la controverse américaine autour dubrevet de Nutriset certains acteurs ont fait valoir le point de vue moralque face au risque de décès liés à la malnutrition, l'acquisition d'ATPEau prix le plus faible, quand bien même celui-ci serait subventionné poursa production et où son transport, renverrait à des considérations moraleset d'efficience économique des fonds d'urgence ou de l'aide publique audéveloppement.

Ces questions ont le mérite d'interroger les motifs qui ont conduit à l'appui audéveloppement d'une production dans les pays du Sud, interrogation à laquellenous tenterons d'apporter un certain de réponse dans les développements quisuivent.

Prix local versus prix global : de la comparaison simple à l’analyse complexeLa controverse autour du brevet de Nutriset est probablement celle la plus aiséeà éteindre grâce à une analyse rapide prenant en considération les différencesentre prix de vente et coût global au point d'utilisation.

Des prix de vente au Sud qui restent globalement plus élevés qu’au NordSi effectivement la comparaison des prix de vente moyen entre producteurs duNord et du Sud donne un avantage net au premier, si l'on intègre le coût destransports pour l'acheminement du. Production au pays d'utilisation, lesdifférences de prix se réduisent, toujours à l'avantage des producteurs du Nord‘voir Figure 30: comparaison des couts produits intégrant le cout du transport).

Page 60

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

FIGURE 30: COMPARAISON DES COUTS PRODUITS INTÉGRANT LE COUT DU TRANSPORT

Mais ces analyses de coûts moyens cachent une diversité de situations danslesquelles certains acteurs du sud proposent des prix de vente inférieure à ceuxdu Nord comme nous l'avons déjà illustré précédemment avec les terrains de laproduction d'ATPE à Madagascar et en Inde.

Dans ce cadre, disposer d'une multitude de fournisseurs potentiels localisés dans l'espace géographique différents et proposant des produits à des coûts relativement proches permet d'intégrer la variable transport Figure 31: cout du transport en fonction des lieux d'approvisionnement et de livraison des ATPE (UNICEF 2011)Figure 31: cout du transport en fonction des lieux d'approvisionnement et de livraison des ATPE (UNICEF 2011) dans le calcul des coûts et, ce faisant, d'optimiser l'usage des fonds disponibles.

Page 61

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

FIGURE 31: COUT DU TRANSPORT EN FONCTION DES LIEUX D'APPROVISIONNEMENT ET DE LIVRAISON DES ATPE (UNICEF 2011)

La compétitivité prix des ATPE produits localement, aller au delàdu prix : intégrer à la comparaison les autres couts induitsC'est dans ce cadre et à partir d'une lecture plus complète des coûts induits que le développement d'unités de production dans les pays de forte consommation devient intéressant.

Les multiples coûts liés au transport international Error: Reference source notfoundFigure 32: Chaine des couts liés au transport international des ATPE(Source UNICEF / Université XXXX).) contribuent à rendre compétitive laproduction locale malgré un prix « sortie d'usine » sensiblement supérieurs àceux de la production du Nord. On notera, de l’avis même de nos interlocuteursengagés sur dans les questions d’approvisionnement, qu'aujourd'hui lesarbitrages quant à l'origine des produits mériteraient de dépasser est la seuleprise en compte des frais de transports internationaux pour intégrer leséconomies multiples générées par les achats locaux d'ATPE notamment : la gestionen flux « tendu », réduction des couts de stockage, la réduction des couts demanutention grâce à un départ usine-livraison décentralisée…

Dès lors, une règle de base peut être formulée, plus les pays sont enclavés etplus leur demande intérieure forte, plus l'implantation d’un producteur localsemble pertinente.

Page 62

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

FIGURE 32: CHAINE DES COUTS LIÉS AU TRANSPORT INTERNATIONAL DES ATPE (SOURCE UNICEF / UNIVERSITÉXXXX).

Une autre dimension en faveur de l'approvisionnement local d'ATPE et que cettestratégie contribue à accroître la durée de vie «  utile » de ces produits,c'est-à-dire disponible sur le terrain pour une prescription médicale. Eneffet, en fonction du lieu de production, les délais de production,d'acheminement, transport et de procédures administratives peuvent représenterdeux à trois mois, soit 10 à 15% , de la durée de vie du produit (DUO :24 mois)(voir Figure 33: delais de production et d'approvisionnement d'une commandeinertnationale d'ATPE (SOURCE UNICEF / UNIVERSITE XXXX).

FIGURE 33: DELAIS DE PRODUCTION ET D'APPROVISIONNEMENT D'UNE COMMANDE INERTNATIONALE D'ATPE (SOURCEUNICEF / UNIVERSITE XXXX)

Un maillage intéressant au niveau mondial qui illustre la configuration « urgentiste » des ATPE: producteurs et stocks de pré positionnementDans ce cadre, la diversité des implantations géographiques de producteurs jouecomme le maillage d'un marché mondial permettant aux acteurs d'opérer les choix

Page 63

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

d'approvisionnement les plus pertinent au regard du coût global (prix produit +coût transport).

Il ressort néanmoins des entretiens que nous avons conduit comme des donnéesfournies par l’UNIECF que le nombre de bureaux locaux de l’agence qui favorisentles achats auprès des producteurs locaux reste faible, si cela s’explique enpartie par la faiblesse de la production locale et ses contraintes (comme nousl’analysons dans le cas de la STA), nos interlocuteurs ont également souligné lepoids des habitudes de travail et des enjeux de simplicité que représente lerecours aux services de la centrale d’achat de l’UNICEF et aux deux stocks depré positionnement dans le golfe de Guinée, qui permettent el déploiement rapidedes produits en évitant le recours aux transport aérien pour répondre a desurgences (a titre d’exemple, dans le cadre de la crise qui touche la corne del’Afrique en 2009 le cout du transport aérien représente environ 39% du prix duproduit contre moins de 4 % pour le transport maritime, source A supply chainanalysis of ready-to-use therapeutic foods for the horn of africa: the nutritionarticulation project, 2009).

On voit se dessiner au fil du temps un dispositif progressivement optimisé degestion des produits qui visent, dans le cadre d’un marché dont les règles defonctionnement ont été progressivement définies par les producteurs et les

Page 64

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

acheteurs. Les productions locales d’ATPE prennent une place clef dans cedispositif, construisant progressivement une compétitivité cout et assurant desalternatives et des options alternatives d’approvisionnement qui dans lescontextes d’urgence, ou sont déployés l’essentiel des ATPE, peuvent se révéleressentiels.

Une mise en réseau structures aux statuts très différents dans deslogiques de concurrence asymétrique et organisée

La compréhension de la dynamique du marché et du réseau PlumpyField, dont dépendla STA, est importante pour éviter des solutions théoriques et/oudécontextualisées.

Comme nous l’avons vu le marché est un construit progressif et le réseauPlumpyField est loin de n’être qu’un dispositif de production, il s’agit aussid’un cadre de transfert de compétence, d’organisation de la concurrence, derecherche et de partage d’expérience…

Il s'agit également, par son histoire d’un réseau qui se construitprogressivement en mobilisant des partenaires locaux très divers aussi bien dansleur profil, dans leur structure, dans leurs objectifs, que dans leur statut.Ils sont ainsi assez difficiles d'identifier un idéal type du partenairePlumpyField. De l'O.N.G. (par exemple en Haïti) à la charity (aux USA) ou àl'entreprise agro-alimentaire qui produits ont une gamme variée de produitsagro-industrielle, y compris des ATPE (par exemple à Madagascar) le spectre estlarge.

De la même façon, la diversité d'argumentation et des niveaux d'imposition ontconduit au développement de stratégies particulières incluant une zone deproduction sous douane (Nutriset), des implantations dans des zones franches(Éthiopie) ou le recours à des statuts particuliers comme O.N.G. ou fondation.Les personnalités à l'origine de chacune de ces structures complètent cepatchwork du médecin engagé dans des projets associatifs des capitainesd'industrie en passant par des pharmaciens, des responsables d'O.N.G….

Nutriset au cœur de ce réseau cherche à l'organiser, en optimiser lefonctionnement. Au-delà du travail d'animation, de réunions régulières, d'undispositif de formation, de la circulation des acteurs comme des procédéstechnologiques (des machines au processus d'assurance qualité) un travail decoordination l'organisation du marché a été engagée, en parallèle desinitiatives de l'Unicef visant à promouvoir un plan de concurrence entre lesproducteurs. Ici encore la stratégie industrielle et de consolidation du réseaupeut être en décalage avec celle déployée par les acheteurs pour réduire le coûtdes produits.

Page 65

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Ainsi, les partenaires engagés dans le Plumpy Field s'engage ne pas fournir deproduits dans des pays où existent en outre producteurs du réseau conduisant ala constitution d’un marché captif. Si théoriquement cet engagement peut limiterla concurrence et ce faisant d'ajustement de prix, il est apparu en entretienque cette règle est régulièrement et de plus en plus souvent mises de côté parles acteurs. De plus, du fait des stratégies d’achat déployées par UNICEF cetteorganisation ne concerne finalement qu'une quantité marginale de produits. Eneffet, la plupart des producteurs n'étant pas en capacité de couvrir l'ensembledes besoins nationaux exprimés Nutriset semble privilégier, hors des contextesd'urgence, le recours à des producteurs locaux du réseau PlumpyField deimplantés dans les pays voisins, l'usine normande se positionnant en solution dedernier recours. Un autre élément expliquant le peu de portée de ses engagementset le fait que les Long Term Agrement redéfinisse les règles en visant unsystème de pool des achats.

Néanmoins, la diversité des statuts des acteurs du réseau, dont la STA que nousanalyserons plus en détails dans la partie suivante, pourrait rendre la tachecomplexe, conduisant au développement de modèles spécifiques à chacun despartenaires et à une mise en concurrence de producteurs soumis a des fiscalitésdifférentes en fonction e leurs pays d’origine et des dispositionsd’optimisation fiscale déployés..

C’est dans cette dynamique globale que s’inscrit la STA en fonction d’atouts etde handicaps liés à sa localisation et à une histoire spécifique, éléments quisont à prendre en compte dans l’identification des stratégies de réduction descouts des ATPE au Niger.

Page 66

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

RÉALITÉS LOCALES DE LA PRODUCTION DE PRODUITS NUTRITIONNELS AUNIGER, ENTRE POTENTIALITÉS ET CONTRAINTES

Cette partie de l’étude prend le Niger comme cas d’étude. Nous soulignonsl’importance des réalités locales et l’enjeu que constitue leur prise en comptedans la définition des stratégies de réduction du cout des ATPE/ASPE. Noussouhaitons illustrer ainsi que la prise en compte des niveaux globaux et locauxde régulation sont une nécessité pour éviter les solutions simples qui sontparfois avancées par un certain nombre de nos interlocuteurs dont lepositionnement dans les arènes internationales globales surdétermine la lecture.

Néanmoins, cette prise en compte de réalités relevant des jeux de force globauxet de leur régulation au niveau international (réglementation, organisation dumarché…) ne doit pas pour autant conduire à ignorer les réalités locales dansleurs diversités et leurs réalités particulières. Nous tenterons ici deprésenter un certain nombre de points qui nous pariassent clef dans lacompréhension de la production locale d’ATPE au Niger et ce faisant doivent êtreconsidérés comme des limites ou potentialités dans la réduction du cout de cesproduits.

Cette partie après avoir présenté un rapide survol de l’épidémiologie de lamalnutrition et des questions qui restent centrale dans le travail de métriquedes corps individuels et collectifs qui illustre les implications en terme decout des changements de norme. Nous analysons ensuite dans un premier temps lastructure du marché national des ATPE, dans un second temps nous présentonsquelques éléments clef de la STA notamment de son histoire et de ses stratégiesde développement industriel, éléments qui sont à nos yeux essentiels pourapprécier les stratégies de réduction du cout identifiées dans la partiesuivante. Dans un 3eme temps nous focaliserons notre attention sur l’origine desmatières premières et les contraintes rencontrés par la STA dans le processusindustriel qui conduit à leur transformation en produit fini.

Structure épidémiologique de la malnutrition au Niger : unehistoire de chiffresLa possibilité de la prise en charge de masse de la malnutrition a largementcontribué à la faire émerger comme un problème de santé publique. Si l’ons’intéresse a l’épidémiologie de cette pathologie au Niger, force est deconstater qu’au cours des 10 dernières années les modes de sa mesure ontlargement évolué conduisant a une extension du périmètre et à une transformationdes caractéristiques physiopathologiques et sociales de la pathologie.

Page 67

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Chercher à mesurer qu’elle est la part des besoins de prise en charge couvertepar les ATPE produits par la STA se révèle un exercice complexe. On assiste dansles faits a un décalage entre les données de mesure de la prévalence, del’incidence et de la prise en charge car :

- si la mesure de la prévalence repose toujours sur l’usage de l’indicepoids-taille, le passage des normes OMS aux normes NCHS a conduit àétendre sensiblement le périmètre de la malnutrition mais a surtout faitévoluer les frontières internes entre MAS et MAM. Les données chiffréesrenvoient une prévalence oscillant entre 13 et plus de 15% selon lesannées, avec des variations sensibles selon les zones(régions/départements), pour les enfants de moins de 5 ans, etsystématiquement de plus de 20% si l’on considère les 6-24 mois. Il fautretenir que l’on est ici face à une situation endémique avec un profil decourbe épidémique du fait de la saisonnalité marquée de la malnutrition(période de soudure et paludisme/IRA) ; Ces éléments soulignent lacontinuité des besoins de prise en charge.

- les données d’incidence sont elles-mêmes largement questionnées par lesacteurs avec qui nous avons pu discuter, la plus part d’entre euxinterrogeant les modes d’estimation et soulignant des modes de calculsempiriques cherchant à proposer une incidence permettant d’adapter laprévalence aux effectifs pris en charge. La participation a des réunionsde simulation de pris en charge pour l’année 2014 souligne que lesinconnues entre les données produites scientifiquement sont importantes etconduisent à des estimations qui tiennent autant à l’empirie qu’àl’anticipation aléatoire, dot l’impression d’une brico-logie37. Les donnéesd’incidence oscillent entre 2 et 3.

- Ce calcul est complexifié par le décalage des normes de mesure de laprévalence et des modes de dépistage. En effet, en plus de la voie« habituelle » de dépistage partir des critères de poids et de taille leprotocole de prise en charge, qui a elle même connue une évolutionsensible avec l’adoption de la table unisexe), le protocole national aintégré une deuxième voie d’admission avec le recours au périmètrebrachial, accroissant sensiblement les contours de la malnutrition.

- Enfin, la question de la couverture des programmes de prise en charge sepose. Un certain nombre d’acteurs mettent en avant l’augmentation dunombre des structures offrants une prise en charge de la malnutritionaigue, estimant que 100% des CSI du Niger sont aujourd’hui couverts parces programmes. Si l’on se réfère a la couverture géographique offerte parceux-ci, on peut estimer qu’au mieux 47% de la population est couverte. Aufinal, même si les 27% de taux de couverture avancés par l’étude de

37

Page 68

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

couverture de Valid38 sont controversés, il est à nos yeux assez probablequ’il s’agisse de l’estimation la plus proche de la réalité.

Au regard de ces éléments, il apparait assez complexe d’évaluer la couverturedes besoins que représente le nombre de cas pris en charge (plus de 400 000 cas,en augmentation régulière d’année en année) la quantité d’ATPE acquise parl’UNICEF et donc la part de la production de la STA dans la couverture desbesoins nationaux. De ces éléments de métrique on peut supposer que les produitsaujourd’hui mis à disposition couvrent au mieux un quart et un cinquième desbesoins39.

Cette estimation grossière relève elle aussi de la brico-logie, elle a néanmoinsle mérite de souligner :

- De nouveau, qu’au regard de l’engorgement des centres de santé, la mise àl’échelle des activités de prise ne charge nutritionnelle ne se fera passans une accentuation des programmes de prévention au niveau de la PMI etdes « communautés », un renforcement du système de santé et,concomitamment, une adaptation conséquente du protocole (allégement/espacement du suivi ; décentralisation accentuée…),

- Le cout des produits, curatifs et préventifs, et par là leur disponibilitépotentielle à large échelle est un enjeu clef dans la perspective d’uneamélioration des niveaux de l’offre de soins nutritionnels.

Le marché des ATPE au Niger : un cas atypique

Comme nous l’évoquions en introduction, le Niger fait figure de cas de sitepilote dans le développement à l’échelle d’ATPE comme dans la recherche sur lesaménagements de protocoles de prise en charge.

Cette spécificité se traduit en effectifs de cas pris en charge, le Nigerreprésentant avec 400 000 cas soignés en 2013 20% des cas de MAS pris en chargedans le monde et représente plus de cas que ceux pris en charge en Somalie et enEthiopie.

38 Nous n’avons pas eu accès a cette étude, les données et enjeux nous ont seulement été présentées au cours de différents entretiens.39 Nous supposons qu’il s‘agit ici d’une estimation optimiste dans la mesure ou nous ne prenons pas en compte les multiples « pertes en ligne » qui interviennent entre les quantités achetées et les produits effectivement destinés aux enfants dénutris et qui représentent au moins 20% des produits mis a disposition (interlocuteur UNICEF). Des échanges dans le cadre des entretiens conduits pour cerapport et des éléments d’études qualitatives en cours soulignent « l’évaporation » au niveau des structures de santé (patients fantômes, « part du major »… ) et des usages multiples de ces produits au niveau local (partage entre frères et sœurs, avec les adultes de la concession, tontine,revente et echange sur le marché…). On notera que els circuits de ces « détournements » sont multiples et encore peu docuementés.

Page 69

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Cette trajectoire s’appuie sur un dispositif particulier d’approvisionnement enintrants, la STA, qui s’est construit progressivement autour d’une initiativeprivée, et qui fournit l’essentiel des ATPE utilisés au niveau national. Cedispositif initié par MSF relayé par Nutriset avec l’appui essentiel de l’UNICEFpuis plus récent du PAM se positionne progressivement comme un acteur sousrégional.

L’histoire de ce dispositif est essentiel a comprendre pour appréhender lesdynamiques sous-jacentes et les opportunités et contraintes éventuelles quipeuvent survenir dans le cadre d’une réflexion sur l’aménagement des dispositifsde production en vue de réduire les prix de vente que nous envisageons dans lapartie suivante.

Petite histoire du développement d’un dispositif industrielLa frise chronologique ci-dessous retrace l’initiation et la montée en maturitéde la production d’ATPE par la STA. Initiée par MSF avant la crise de 2005,cette activité est rapidement relayée par Nutriset qui fait évoluer enprofondeur le projet et le dispositif de production, le faisant passer d’unstade amateur à une production artisanale puis à une production industrielle.

Cette time line a le mérite d’illustrer l’évolution rapide du dispositif deproduction (installation dans un site adapté, développement des lignes deproduction en série et a un rythme soutenu), le travail d’accompagnement réalisépar Nutriset et la fréquence des audits conduits par UNICEF et MSF.

Néanmoins, le focus sur la production des ATPE conduit à ignorer la genèse de laSTA. Cette genèse se révèle essentielle pour comprendre certains choix et desréticences face à certaines options possibles que nous proposons pour réduireles couts dans la partie suivante.

La STA se développe initialement dans le cadre de la production de farinesnutritionnelles pour un projet initié par Caritas. A la clôture du financement,la structure décline avant d’être reprise par Madame Cissé qui en est toujoursla directrice. Il ressort de cet épisode comme du caractère entrepreneurial demadame Cissé un attachement fort au statut d’entreprise et une réticence auxlogiques caritatives/subventionnées, point de vue qui au regard de l’histoire dela structure est très compréhensible.

Page 70

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

FIGURE 34: CHRONOLOGIE DU DEVELOPPEMENT DE LA PRODUCTION D'ATPE PAR LA STA (SOURCE STA)

Un second point d’intérêt de cette chronologie est de voir la multiplication deslignes de production à un rythme très élevé. L’évolution de la production d‘ATPE

est l’exact refletde ce développementrapide de lacapacité deproduction (voirFigure 35: evolutionde la productiond'ATPE de la STAdepuis 2006).

Page 71FIGURE 35: EVOLUTION DE LA PRODUCTION D'ATPE DE LA STA DEPUIS 2006

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Cette explosion de la production d’ATPE par la STA est concomitante dudéveloppement de la réponse à la malnutrition au Niger. Elle illustre égalementun effet de rattrapage et de substitution réussie d’une production locale à uneproduction internationale, au point qu’en 2012, avant l’épisode Sakazakii, laSTA parvient à fournir la quasi totalité des besoins d’ATPE du Niger et s’ouvresur la sous région comme fournisseur de proximité.

La STA est ainsi parvenue à s’inscrire sur le marché national puis sous régionalen développant une capacité de production dans le cadre d’un appui de Nutrisetqui préfigure le développement du réseau PlumpyField. Le développementprogressif d’une gamme de produit diversifié, de la farine au PlumpyNut puis ladéclinaison sous forme d’aliment préventif commercial, GrandiBien avant ledéveloppement récent d’une chaine de production d’ASPE illustre bien ledynamisme de l’entreprise en matière de production mais aussi de développementde nouveaux produits cherchant a prendre en compte les produits disponibleslocalement dans la formulation. Ces éléments font de la STA la plus importanteindustrie agro-alimentaire du Niger.

La STA est à bien des égards une illustration de la pertinence de la stratégiede développement d’une production locale. Néanmoins, il convient de réinscrirecette success story dans un contexte historique et local particulier pourétudier la manière dont cette entreprise a pu faire face à des contraintes dedéveloppement importantes et nombreuses et le rôle d’accompagnement particulierqu’a joué l’UNICEF.

Les conditions particulières du développement de laSTA : entre contraintes de production …

Investissements et coût du crédit La croissance rapide de la production d'ATPE de la STA a de quoi surprendre. Lessommes mobilisées pour assurer les investissements sont en effet extrêmementimportantes.

Bâtiment :

685 millions de FCFA d’investissement(entre 2008 et 2009)

Matériels et équipements : 792 millions de FCFA d’investissement

(entre 2003 et 2010) 111 millions de FCFA d’investissement (en

2011) 594 millions de FCFA d’investissement

prévus en 2012 500 millions prévus pour 2013

Page 72

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Ces niveaux d'investissement sont particulièrement remarquables dans un pays oùl'accès au crédit, y compris pour les entreprises, reste extrêmement coûteux. Àtitre d'information, il ressort de nos entretiens avec les cadres de la STA queles taux d'intérêt proposé par les banques sont de l'ordre de 13 à 15 % par an.

Ces taux d'intérêt hypothèquent largement les stratégies d'investissementmobilisant des ressources externes et conduisent à réaliser l'essentiel de sesinvestissements, à l'exception du bâtiment, à partir des marges dégagées sur lesproduits. Ces logique d'autofinancement des investissements implique donc dedégager des marges importantes majorant logiquement les prix de vente desproduits ce qui explique certaines marges bénéficiaires importantes calculéesdans les documents de simulation/construction des prix de vente qui nous ont ététransmis.

Enclavement, tracasseries et out du stockage des matières premières Comme nous l'évoquions la première partie de ce document, les ATPE sont desproduits globaux à de multiples titres, dans leurs développements, dans leursusages… mais aussi par l'origine des matières premières que mobilise leurproduction. Dans le cadre des ATPE produits par la STA il faut noter que parmi

les matières premières nécessaires à la productionseules les arachides sont produites au Niger. Lesautres matières premières nécessaires sont achetéessur les marchés internationaux.

TABLEAU 1: PROVENANCE DES MATIÈRES PREMIERES DES ATPE PAR TYPE (SOURCE STA)

On peut ainsi distinguer trois grands modesd'approvisionnement en fonction des matières premières:

- les achats locaux (arachide)- Nutriset (lactoserum, premix, stabilisant,

emballages)- de « grands commerçants » Nigériens (huile,

sucre).

Comme nous l'évoquions plus tôt, Nutriset joue au seinde son réseau une fonction de sourcing des matériaux,de négociation des prix sur des volumes grâce à des

volumes de commandes importants, de reconditionnement et d’envoi. Cette fonctionmajorant le prix de ses matières premières de 3 % en concordance et laréglementation française selon un entretien que nous avons eu avec des cadres de

Page 73

Arachide Niger

HuileMalaisie - via grands commercants

Lait Pays Bas / France

Lactosérum France

Premix France

Stabilisant France

Sucre

Argentine / Brésil (idem huile) – via grands commercants

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Nutriset. Les facilités de paiement qui sont offertes rendent ce dispositifavantageux pour les membres du réseau PlumpyField.

En ce qui concerne l'import des autres matières premières, notamment l’huile etle sucre, la STA fait passer ses commandes par de grands commerçants. Il ressortdiscussions avec le cadre de l'est et à que cette stratégie vise à répondre àdes contraintes importantes en termes de démarches administratives mais surtouten termes de stockage. Il faut en effet considérer que les trois mois dematières premières qui constituent le stock de sécurité « tampon » de la STAreprésentent à lui seul 18 containers pour l’huile et autant pour le sucre. Lescapacités de stockage de la STA étant faibles ses contraintes sont externaliséesvia le passage des commandes par les grands commerçants. Cette stratégie a uncoût important, les prix pratiqués par les « grands commerçants » étant, d'aprèsnos interlocuteurs, de 30 à 50 % supérieurs a ceux pratiqués sur les marchésinternationaux.

Niveau d’imposition des matières premières, notamment techniquesUn autre point clé qui contribue à expliquer une baisse limitée des prix desATPE produits au Niger et le niveau d'imposition qui pèse sur les importationsde matières premières, notamment des techniques d'entre elles. Illustration ci-dessous de deux produits dans les taxes représente 25 à 30 % du coût.

On notera néanmoins, pour compléter le propos, que les taxes qui pèsent sur lecomplexe multivitaminé (CMV) impact doublement les produits de la STA. En effet,le financement du réseau PlumpyField se fait sur une facturation de services quisont prestés mais aussi mais aussi sur le seul produit que les franchisésdoivent acquérir auprès de Nutriset : le CMV. Dès lors, le coût du produit estlargement majoré et c’est sur ce cout majoré que pèse un niveau de taxesimportant, ce qui revient à une taxation de la participation de la STA au réseauPlumpyField du fait du mode de financement de celui-ci.

Page 74

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Des implications du niveau d'imposition sur le prix des matières premières, etdonc sur le prix du produit final, sont apparues de manière cruciale avec la finde la période de taxes réduites accordées par le Niger dans le cadre dulancement de nouvelles activités industrielles.

Ces différents facteurs contribuent à une rigidité voir à une hausse du prix desproduits.

Contraintes et coût d'un courant électrique très alternatifEnfin, nous avons pu constater au cours de nos visites sur le site de productionde la STA les contraintes industrielles posées par les fréquentes coupures auxbaisses de tension électrique. Les phases de contrôle de la chaîne de productionet de réamorcer les machines conduisent à des rallongements conséquents destemps de production et/ou à des surcoûts liés à la multiplication desdispositifs de substitution : fonctionnement courant d'un groupe électrogène etacquisition d'un deuxième.

… et opportunités En balance de ces contraintes, il faut mentionner la fonction d'accompagnementdu développement de dispositifs industriels de la SPA par les partenaireshumanitaires, notamment l'Unicef.

Il ressort des entretiens avec différents interlocuteurs que le souhait d’UNICEFde voir les capacités de la STA étendues en vue de développer une capacité decouverture des besoins nationaux voir de fourniture de produits dans la sousrégion a conduit au développement d'une stratégie d'appui sur le temps longqu'il serait aujourd'hui difficile de répéter notamment en raison des logiquesde mise en concurrence des producteurs.

En effet, le caractère unique de la situation nigérienne où la STA couvre lesbesoins nationaux renvoie à une maturation industrielle progressive qui s'estfaite en parallèle du développement du marché et de l'évolution des critères dequalité en matière de production et de produits, complexité croissante s'estintégrée au fur et à mesure de dispositifs industriels de la STA.

Cette phase de relative protection et de relations privilégiées entre la STA etUnicef a conduit à des habitudes de travail particulières, à l'organisation defacilités de financement avec le paiement des commandes dans des délais trèscourts par exemple, un dispositif d'approvisionnement fonctionnant en partie surdes flux tendus…

Cette position de la STA vis-à-vis de l'Unicef a probablement contribuée à sastructuration à son développement lui conférant de la visibilité sur le tempslong ce qui favorise les logiques d'investissement et de croissance.

Page 75

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

A ce jour cette phase est close et les règles du moins disant s’appliquent.Néanmoins, en intégrant les couts de transport et en faisant valoir les effetspositifs d’un achat local, la STA reste le fournisseur quasi exclusif pour lesbesoins courant de l’UNICEF Niger, l’entreprise a construit sa compétitivité surle temps long et dans le cadre de ses relations privilégiées avec son clientprincipal.

Le marché ainsi structuré autour d'un producteur semble être arrivé à maturité.Il est aujourd'hui en phase d'expansion avec l'introduction de nouveaux acteursau niveau du côté de la demande (PAM), le développement de la fourniture d'ASPE.

L’émergence de ces nouvelles demandes sur la scène locale devra se faire via uncadre de concertation cohérent, cadre dont la construction est déjà amorcé avecles logiques de partage des conclusions des audits/audits conjoints entre lesacteurs clefs (UNICEF, MSF, PAM…). L’effet induit d’une demande du PAM toutcomme du développement de nouvelles formules à base de produits locaux seraintéressant en termes de masse critique, de partage des couts fixes. Ceséléments devraient permettre une diminution progressive des coûts marginaux.Néanmoins, l’effet sur le cout unitaire ne pourra être que limité.

OPTIONS IDENTIFIÉES POUR UNE REDUCTION DU COUT DES ATPE/ASPE AUNIGERPour une large partie des acteurs humanitaires que nous avons interviewé, lesenjeux qui limitent la baisse du prix des ATPE sont « évidents » ils résidentdans les marges tirés de la faiblesse de la concurrence liée au brevet. Sansnous inscrire tout a fait en faux de cette affirmation, nous espérons que lesdéveloppements qui précèdent ont illustré que la problématique est bien pluscomplexe que les solutions simples « il n’y a qu’à », «  il suffirait de ».

Au final si le brevet a bien eu un rôle dans la structure particulière dumarché, notamment sa polarisation autour de Nutriset et du réseau PlumpyField,les dynamiques impulsées par l’organisation de la demande, essentiellementconcentrée entre les mains de l’UNICEF et PAM, avec le relais d’acteurs ONG aupremier rang desquels MSF/CAME, ont en partie redistribué les cartes. A ce jourdifférentes dynamiques nouvelles semblent voir le jour sur le marché :

- Une remise en cause de fait du brevet et des dispositifs de propriétéindustrielle:

o Quand fournisseurs et acheteurs s’affranchissent du brevet : Sans que cela soit immédiatement visible, mais également sans quecela n’ai fait l’objet d’une constatation juridique de Nutriset, lebrevet semble être régulièrement ignoré dans le cadre des achats

Page 76

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

réalisés aux USA hors du réseau PlumpyField. En effet, dans le cadreles achats de produits opérés aux USA sur financement USAID ou dansle cadre des stratégies de diversification de l’approvisionnement del’UNICEF, 3 producteurs sur les 4 validés par l’UNICEF semblentopérer en dehors du cadre légal de production du brevet c'est-à-diresans licence ou droit d’usage.

o L’hybridation « générique » de la présentation de marque desproduitsUn deuxième mouvement est amorcé depuis 2011, celui de laprésentation générique des produits sous une forme standardisée. Atravers une démarche impulsée par MSF et l’UNICEF a été proposé uneprésentation standard des produits thérapeutiques, logique quidevrait par la suite s’étendre aux produits de prévention primaireet secondaire en respectant les code couleur de degré demalnutrition du Ruban de mesure du périmètre brachial. Cetteapproche remet en cause les propriétés attachées au dessinindustriel et de aux marques qui sont maintenues (ce qui nous faitparler d’hybridation générique-marque) mais cantonné dans desespaces réduits et dans des visuels d’ensemble proches. Cettedynamique tend à une plus grande substituabilité des produits entreeux.

- L’émergence progressive d’une concurrence dans et hors du réseauPlumpyField.

Comme nous l’avons évoqué précédemment, la concurrence au sein du réseauPlumpyField est longtemps restée limitée, laissant plus penser à unerépartition organisée du marché entre des acteurs largement en position demonopole de fait de leur constitution en réseau. Si aujourd’hui cettesituation prévaut toujours, la mise en concurrence des acteurs à conduità des prix de vente des membres du réseau PlumpyField comme en dehors,inférieurs a ceux de Nutriset en 2013 pour la première fois laissentespérer que des dynamiques nouvelles sont a l’œuvre qui conduirontNutriset a réduire ses marges et à trouver des stratégies nouvelles deprotection de son réseau de producteurs.

- La mutation des dynamiques de recherche-innovation-développementLa recherche et l’innovation sont revendiquées, probablement à justetitre, comme une des cause du succès de ces produits. Des lors, il estimportant de considérer les dynamiques a l’œuvre dans ce domaine et des’assurer que les stratégies de réduction du cout des ATPE ne mettront pasa mal ces dynamiques. Il est ici important de considérer une mutation defond dans les dynamiques contemporaines de R&D sur le marché des ATPE.Alors que la dynamique de recherche-développement a longtemps été conduitedans le cadre d’un partenariat formel entre l’IRD et Nutriset (partenariat

Page 77

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

qui a débouché sur la co-propriété du brevet) et le développement de liensétroits de teste et de recherche opérationnelle avec les ONG d’urgence(qui ont largement servi à valider, définir les usages de ces produits eta leur visibilité), les acteurs aujourd’hui impliqués dans ces activitéssemblent avoir profondément changé. Si les ONG restent impliquées dans le cadre d’une recherche opérationnelleet de l’évolution des protocoles de prise en charge (et donc des usagesdes ATPE/ASPE), la dynamique de recherche semble s’être transforméeradicalement. D’une logique de personnes (Michel Lescanne et André Briend)la recherche passe à des dynamiques d’équipes de recherche multiplessouvent en lien avec des laboratoires de recherche universitaire. Cesapproches sont supportées par des financements importants dans sur desfinancements importants (B&M Gates Fondation pour le plus important).Dans cet espace en reconfiguration, Nutriset a su se positionner enpartenaire privilégié pour la formulation et la production des produits àtester, garantissant ainsi une poursuite de la recherche en parallèled’une dynamique d’innovation interne autour de ses produits (formulation,sachets…). Cette dynamique d’innovation est matérialisée dans une 60ainede projets de recherches portés ou appuyés par Nutriset (source :Nutriset).

- BoP, Produits locaux et géants de l’agro-alimentaireUne dernière dynamique doit être considérée si l’on veut analyser lesstratégies de réduction des couts des ATPE dans le cadre des dynamiquesglobales et locales, l’implantation sur les marché locaux des majors del’agro-business, notamment PepsiCo qui en se déployant en Ethiopie dans lecadre du développement d ‘une production d’ASPE a base de matièrespremières locales (pois chiche) introduit une capacité d’investissement etde recherche jusqu’alors inconnue sur le marché pouvant tout a la foisreconfigurer les logiques de ce marché orienté vers l’humanitaire (PepsiCo se déploie en Ethiopie dans le cadre d’un partenariat avec le PAM) etproposer des logiques de synergie pouvant rendre les approches Bottom of thepyramid plus accessible après les échecs répétés des initiatives qui ontété développées jusqu’alors.

Ces analyses préliminaires à la présentation des stratégies de réduction du coutdes ATPE au Niger soulignent s’il en était encore besoin que les optionsproposées s’inscrivent dans un milieu complexe et en évolution où dynamiqueslocales et globales s’interpénètrent. Des lors, les options proposées dans lespages qui suivent et qui relèvent d’un questionnement générique sur les moyensde réduction des couts de production doivent être lue comme une paletted’options. Nous les présentons de manière séparée pour des raisons évidentes delisibilité et parce qu’elles peuvent être prises individuellement mais il estévident qu’elles ont tendance à se potentialiser si elles son déployées de

Page 78

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

manière simultanées. , agissant sur les couts de production, d’investissement,dans le temps court et le temps long, au niveau de l’usine mais aussi sur lesfilières qui se structurent autour d’elle.

Nous reprenons de manière systématique les points de blocage listés dans lesdéveloppements qui précèdent et, après avoir présenté leurs enjeux et lesmodalités de réponses déployées à ce jour par la STA, proposons des pistesnouvelles de solution et leurs implications en termes de réduction des couts.

Enfin, avant de passer a la lecture de ces différentes options, il nous sembleessentiel de rappeler de nouveau que l’option prise dans cette analyses’intéresse uniquement a la question du prix de vente de ces produits et auxstratégies pour le réduire. Il existe pourtant d’autres stratégiescomplémentaires, moins centrées sur les couts de production, pour réduire lecout de la prise en charge qui est, in fine, l’objectif final de ce type deréflexions. Des études additionnelles sur les stratégies de réduction des pertesen ligne de produits au niveau du système de santé, les usages alternatifsdéployés par les personnels de santé et l’entourage des patients, la réductiondes délais de stockage…

De la même façon, nous n’avons pas tranché le débat, largement théorique, sur lanature de ces produits, leur mode de régulation par le marché ou en dehors…l’ensemble des analyses que nous proposons qui visent une réduction des couts sefont dans la configuration actuelle de la production et de la régulation de cesproduits telle que nous l’avons décrite (faible concurrence, position dominantede Nutriset...).

Page 79

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Stabiliser, lisser et réduire le cout des matières premières :Comme nous l’avons évoqué dans les deux parties qui précèdent, la problématiquede la tendance à la hausse, de la volatilité des prix des matières premières quicomposent les ATPE conduit à limiter la baisse du cout des produits.

Page 80

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

4 facteurs clefs limitant la baisse des prix et les réponses de la STA

- La tendance à la hausse du cours des matières premières sur les marchés internationaux,

- La variabilité de la disponibilité et des prix selon des cycles annuels impliquant une mobilisation importante de trésorerie,

- Les contraintes liées que constituent la capacité de stockage et les coutsinduits, en l’occurrence le recours a des grands commerçants nigériens quiopèrent une marge confortable sur les prix de vente,

- Niveau de taxation a l’entrée sur le territoire nigérien des matières premières, notamment des produits techniques (sachets et Complexe Multi Vitaminé)

Les réponses apportées par la STAA ce jour, les problématiques listées ci-dessus trouvent des débuts de solution à travers :

Sur l’enjeu de réduction de la variation du prix des matières premières acquises sur les marchés internationaux:

- Un travail de sourcing sur les marchés internationaux opéré par Nutriset. Combinant moins disant, achat a terme et travail sur la qualité des produits, cet exercice bénéficie à la STA dans le cadre du réseau PlumpyField dans le mesure où les produits sources et négociés en quantités importantes sont revendu a la STA avec une majoration de 3%,

- Nutriset opère également :o un travail de reconditionnement des matières premières pour

optimiser les couts de fret et o des facilités de facturation, acceptant des délais importants de

paiement, opérant, de fait une partie importante de l’avance de trésorerie,

Sur l’enjeu de la stabilisation et de la qualité des produits achetés sur les marchés locaux :

- La STA a initié il y a quelques années une expérience d’appui aux producteurs locaux d’arachide en contractant avec eux sur :

o Un préfinancement/fourniture de semences de qualité et de matériel pour faciliter et améliorer la qualité de la production,

o Un prix de vente garanti (une forme d’achat à terme).Les conclusions de cette expérience se sont révélées non concluantes notamment en raison du non respect des accords de vente par les producteurs qui ont vendu au prix du marché (supérieur pour cette année auprix de vente négocié avec la STA) conduisant à une perte sèche des investissements réalisés par la STA.

Page 81

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Sur le niveau d’imposition des matières premières- La STA est également en discussion avec Nutriset pour que le prix du CMV,

qui est le seul produit que les franchisés doivent acheter auprès de Nutriset, ne soit plus majoré pour financer le fonctionnement du réseau. Dans la configuration actuelle cela conduit à un cout important pour la STA en raison : du prix de vente du produit et de la majoration pour PlumpyField sur lesquels pèsent un taux d’imposition élevé du fait de la technicité du produit.

- En parallèle a été engagée par la STA un travail de plaidoyer, mais a ce jour sans succès, auprès de la Direction nutrition et des structures compétentes en vue que ces produits opéré pour que le CMV fassent l’objet d’une taxation réduite en douane en raison de son caractère de produit de santé publique,

Sur les enjeux de stockage local des matières premières- Au regard des solutions déployées par la STA, les contraintes liées au

stockage des matières premières sont particulières :o les arachides, seule matière première achetée localement connaissent

des variations saisonnières de prix importantes. L’acquisition de quantités importantes s’opère dans la période qui suit la récolte etimplique une capacité de stockage importante de la STA,

o Pour les matières premières importées, deux options sont déployées : Pour l’huile et le sucre, les achats sont opérés via des

« grands commerçants »  nigériens qui se chargent de l’acheminent et du stockage, opérant des livraisons régulières. La STA ne constitue qu’un stock de sécurité permettant d ‘assurer 3 mois de production en cas de rupture d’approvisionnement. Cette option répond aux contraintes de stockage que connait la STA mas conduit à une majoration importante des prix d’achat, l’externalisation de l’acheminement, du stockage et de livraison majorant « de 30 à50% le prix de ces matière premières »

Pour les autres matières premières, le lait, le lactoserum, leCMV et l’emballage, la STA recours à Nutriset qui opère alors comme un grossiste, centralisant la fonction de sourcing et d’approvisionnement, offrant des facilités de paiement pour une majoration de 3% du prix d’achat des produits (exception faite du CMV dont le prix est majoré pour financer le fonctionnement du réseau)

Page 82

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Des alternatives complémentairesOn perçoit bien ici que la problématique entourant l’approvisionnement en matières premières est complexe et implique des solutions relativement élaborées.

Il ressort de notre analyse deux options complémentaires aux stratégies présentées ci-dessus qui devraient contribuer à diminuer significativement le cout des produits et conduire à alléger les contraintes pesant sur la STA. Néanmoins, dans la mesure où nous intervenons dans un système complexe, aux acteurs et dimensions multiples, les pré-conditions fortes existent à la mise enœuvre des solutions proposées.

Option 1 : Subvention des ATPE : donation/ échange de matières premières contre leur valeur en produit par les acteurs de l’aide.Pour favoriser l'accès à des matières premières à moindre coût qui devrait permettre la réduction du prix des ATPE, une première solution réside dans l'apport de ces produits par les acteurs de l'aide. Deux options apparaissent envisageables :

- la remise sous forme de « subvention » de quantités de matières premières en échange d'une réduction du coût des produits proportionnelle à la valeur des matières premières remises à la STA,

- la remise sous forme de « troc/échange » de quantités de matières premières en échange de leur valeur en ATPE.

L'intérêt de ces options les intérêts de ces options sont multiples. Dans la mesure où ces produits sont fournis à des conditions avantageuses aux acteurs del'aide, don ou achat négocié, largement exonérés de taxes de droits de douane, la valorisation comptable de ces produits devrait avoir une incidence forte sur le coût moyen des matières premières intégrées dans les produits de la STA.

Une réduction du cout des produits de 20 à 40 % …

On peut dans tous les cas compter sur une réduction des coûts de ces matières premières de 20 % du fait de l'exonération des droits de douane et de TVA. Dans le même temps, du fait de l'impossibilité de générer des bénéfices pour les structures de l'aide humanitaire, nous devrions déboucher sur une valorisation prix de revient, excluant les 30 à 50 % de marges que font aujourd'hui les « grands commerçants » nigériens sur les activités d'achat-vente de sucre et huile.

Les économies qui pourraient être réalisées sur le lait et le lactosérum seraient probablement légèrement moins importantes mais néanmoins très

Page 83

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

significatives au regard de la part de ces produits dans le coût final des ATPE,la diminution induite du cout serait importante.

… et des effets induits intéressants

Mais au-delà de cet impact direct sur le prix des matières premières ces optionspermettraient :

- de réduire un certain nombre de coûts annexes notamment ceux liés au stockage, tout du moins, et si une structure comme le PAM s'investissait dans ce type d'initiative

- de limiter les sorties de trésorerie en permettant de lever différentes contraintes qui pèsent sur la capacité d'investissement en fonds propres.

Les modalités de mise en œuvre : Opportunités, contraintes et dispositifs à mettre en œuvre

Le PAM pourrait être un acteur central de ce type d'initiative en raison de sescompétences en matière de sourcing de produits alimentaire, d'analyse de laqualité, de logistique. L'implication de cette agence des Nations Unies sur lesmarchés internationaux comme son implantation, plus récente, au niveau nationaldans le cadre du passage des logiques de «food aid » à « food assistance »devrait permettre de déployer cette solution sur les différentes matièrespremières des arachides locales au lait acquis sur les marchés internationaux.

L’approche Purchase for Progress, a laquelle le Niger n’est pas encore éligiblepourrait être une option de déploiement intéressante, inscrite dans le tempsrelativement long (5 ans) et permettre d’envisager le travail de structurationdes filières qui pourrait accompagner cette logique (cf. partie suivante)

Néanmoins, si cette approche était mise en œuvre à large échelle, elle devraitéviter les contraintes légales et administratives.

- Au niveau des contraintes légales. Le caractère humanitaire de cesproduits et leur utilisation hors de tout cadre commercial devra êtregarantie (ce qui pose la question du GrandiBien) pour éviter que cettesolution puisse être lue comme une forme de dumping économique ou unestratégie d'écoulement des surplus agricoles des pays du Nord.

- Au niveau des difficultés administratives, il y a fort à penser que cettestratégie puisse être interprétée par les autorités administratives duNiger et notamment les services des douanes et des impôts comme stratégied'évitement « humanitaire » de paiement des taxes devant peser sur lesATPE dans la mesure où ils restent produit par l'entreprise commerciale àbut lucratif.

- Enfin, si un tel dispositif est cantonné au seul Niger et que les produitsde la STA continuent d’être vendus à l’international, notamment dans lespays de la sous région, ces subventions introduisent une distorsion dans

Page 84

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

la concurrence qui peut avoir des effets, positifs comme négatifs, quidoivent être anticipés et étudiés.

Qu'il s'agisse d'un déploiement dans le cadre d'un essai pilote ou d'uneexpérimentation à plus grande échelle, la mise en œuvre d'une subvention enmatières premières des ATPE par les acteurs de l'aide implique :

- de garantir, à travers un comité de sélection et les processus d'assurancequalité des produits mis à disposition, que ces matières premières sontconformes aux exigences du cahier des charges des ATPE,

- de mettre en place un dispositif mixte (STA, UN/ONG, gouvernement duNiger) en charge du suivi du bon usage de ces subventions, visant àassurer une péréquation entre développement / rentabilité de la STA etprix de vente répercutant la subvention et le manque à gagner fiscal pourl’Etat du Niger.

Ces dispositifs, nécessaires à la mise en œuvre d'une subvention des ATPE,impliquent une transparence importante de la STA transparence qui implique derompre avec une culture de discrétion autour des coûts et des marges deproduction des ATPE, discrétion qui entretient un certain nombre d'idées reçuessur les dividendes industriels de la malnutrition par les producteurs d'ATPE.

Enfin, les discussions et les arbitrages opérés devraient permettre de clarifierle positionnement des dans le continuum qui va des produits marchands aux bienscommuns.

Page 85

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Option 2 : Le cas particulier du CMV Comme nous l’avons évoqué plus haut, le CMV reste un poste de dépense importantdans le cout des ATPE. Le fait que ce produit soit le seul qui doivenécessairement être acheté par les producteurs franchisés a conduit Nutriset àen majorer le prix de vente de manière a faire fonctionner son réseau sur lamarge ainsi réalisé.

Si cette solution peut se révéler pertinent dans d’autres contextes, dans le casdu Niger ou les produits techniques sont fortement taxés, cette majoration duprix conduit à taxer par les douanes nigériennes le produit et l‘appartenance dela STA au réseau PlumpyField. La STA est en cours de discussion avec Nutrisetpour dissocier valeur du CMV et droit d’appartenance au réseau des franchisés.Cette solution devrait légèrement faire baisser les prix du CMV.

Page 86

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Option 3 : L’appui à la structuration de filières locales et sousrégionales de matières premières (arachide, mil, sorgho)

Une seconde option, serait de relancer l’initiative de la STA qui visait l’appuiaux producteurs d’arachide. Cette initiative amorcée il y a quelques annéess'était soldée par un échec du fait de la non adhésion des producteurs auxlogiques de contrat de vente a terme et a été abandonnée. Une option serait deréinvestir cette option en la transformant en un appui plus systématique à cettefilière de production. Cette option, plus marginale en termes de réduction decoûts des ATPE est largement complémentaire de la précédente dans le cadre desachats de matières premières locales par le PAM. Elle potentialise les effetspositifs ces politiques d’achats locaux sur l’économie familiale desproducteurs d’arachide

Une telle approche pourrait avoir pour objectif de:

o Appuyer la production (type d’arachide, qualité, conservation)o De renforcer l’organisation de la filière à travers l’appui aux

unités de production et aux coopératives d’intrants, de stockage etde vente,

o De promouvoir le développement d’une logique de contrats d’achats aterme a prix négocié,

o Appuyer la transformation locale des produitso développer des mécanismes assurantiels / d’un fond de garantie

Une expérience assez proche d’appui aux filières de production d’arachide a été amorcée par Mercy Corps, initiative qu’il sera intéressant de documenter pour voir si cette option peut se révéler pertinente sur la disponibilité, la qualitéet le prix des arachides. En fonction de ces résultats pourra être envisagé l’appui de cette option par d’autres partenaires (FAO, ONG de développement agricole…).

Il est à noter que ce type d’initiative cherchant à faciliterl’approvisionnement et à potentialiser les effets d’entrainement de laproduction locale d’ATPE pourrait utilement dépasser le seul cadre de laproduction d’arachide. Comme nous l’évoquons plus bas, la STA est avec Nutrisetsur des formulations alternatives d’ATPE/ASPE en valorisant les produits locauxdont les filières pourraient à terme faire l’objet du même type d’appui.

Page 87

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Augmenter les capacités de production et réduire le cout del’investissement:

Même si matières premières représentent l'essentiel du coût des ATPE, nous nepouvons faire l'économie d'un travail sur la stratégie réduction des coûts deproduction. À ce niveau, deux enjeux imbriqués voient le jour :

- la nécessité de réaliser des économies d'échelle en augmentant laproduction,

- la nécessité de réduire le coût des investissements.

Des économies d'échelle largement limitées par les contraintes deproduction localeComme nous l'avons analysé dans la seconde partie de ce rapport, les réalitéslocales des conditions de production (fréquence des coupures d'électricité, etlimites dans la disponibilité d'une expertise en matière d'entretien et depièces de rechange des chaînes de production…) ont conduit la STA à utiliser deschaînes de production mono-ligne bien plus « rustiques » que les chaines deproduction « multi pistes » qui sont disponibles au catalogue Nutriset.

Intégrant moins d'électronique, plus faciles à relancer en cas de baisse decours au ou de coupures d'électricité, plus aisé à entretenir, ce choix d'unetechnologie « de base » et répondons parfaitement aux conditions locales deproduction. Néanmoins, l'option qui voudrait que toute hausse de productionconduise quasi mécaniquement à des économies d'échelle est ici largement remiseen cause. Si effectivement les prix de certaines matières premières pourrontêtre négociés à la baisse par la STA du fait de quantités commandées plusimportantes, les évolutions technologiques (chaîne de production mono à multiligne, mécanisation de certaines tâches de conditionnement) sont largementimprobables. Des Dès lors, toute hausse de la production passera non pas par uneintensification capitalistique mais pas une extension de l'espace de productionnécessaire pour l'ajout de nouvelles lignes.

Des stratégies pour réduire le coût des investissementsSi l'on évacue en raison des contraintes locales la possibilité d'un sauttechnologique dans la production des ATPE, le seul axe de travail restant pourréduire les coûts de production réside dans la réduction des coûtsd’investissement.

Ici encore, comme nous l'évoquions dans la deuxième partie de ce rapport, lesconditions locales de crédit semblent très peu favorables investissementsindustrielles. Malgré un statut de première entreprise agroalimentaire du Niger,une viabilité financière relativement bien assise, un carnet de commandes plein,

Page 88

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

des garanties institutionnelles solides, les taux d'intérêt proposé par lesbanques à la STA varient de 11 à 15 % par an. Au regard de ses taux d'intérêt,on comprend mieux pourquoi que, si l'on excepte la construction de la nouvelleusine, tous les autres investissements ont été financés sur fonds propres àpartir des excédents d’exploitation de la STA.

Au rythme d'un doublement des capacités de production environ tous les deux ansles provisions pour amortissement et investissement doivent être importantes. Sil'on considère par ailleurs les immobilisations trésorerie qu'implique laconstitution de stocks importants de matières premières on peut imaginer desarbitrages complexes au niveau de la trésorerie entre production etinvestissement. Au regard des taux d'intérêt pratiqué par les banques, celles-cin'apparaissent pas comme une alternative pertinente. Nous avons cherché desoptions pour réduire le coût de l'investissement de production.

Nous avons identifié trois options principales :

- améliorer la disponibilité trésorerie pour faciliter l'investissement,- réduire les coûts d'investissement eux-mêmes,- accroître la capacité directe d'investissement

Améliorer la disponibilité de la trésorerie pour faciliter l'investissementNous avons pu identifier deux options pour améliorer la disponibilité la trésorerie et ce faisant la capacité d'investissement de la STA :

en réduisant les stocks de matières premières en raccourcissant les délais de paiement

La première option est un effet induit dans les stratégies proposées au-dessus de subvention en matières premières des ATPE. Cette stratégie revient à externaliser une partie des immobilisations de trésorerie/charges dues au stockage ce qui améliore le niveau d’encaisse. La STA pourrait ainsi engager plus facilement des investissements en vue du développement de la capacité de production.

La deuxième option, plus marginale en termes d'amélioration de la disponibilité de la trésorerie, serait l'adoption contractuelle d'un raccourcissement des délais de paiement entre la livraison des produits aux acteurs de l'aide et leurrèglement. À titre d'exemple, le bureau national de l'Unicef au Niger cherche à assurer le paiement de factures dans un délai d'une semaine après la livraison.

Réduire les coûts d'investissementAu-delà de la capacité d'autofinancement, sur fonds propres, des investissementsproductifs de terrain, un deuxième axe de travail peut être envisagé.

Page 89

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

L'acquisition de capacités de production de la STA se fait pour l'essentiel,sinon exclusivement, auprès de Nutriset. Cette pratique permet une uniformitérelative de l'appareil de production entre les différents franchisés.

Bien évidemment, ces outils de production sont soumis à une taxation à l'entréeau Niger.

De manière à faciliter/accélérer le développement de la capacité de productionde la STA est de réduire le coût de ces investissements (coût directd'acquisition et charge d'amortissement) une stratégie déployée par MSF pourraitutilement être répliquée.

En 2008, pour répondre à l'accroissement de la demande de produits et à destensions au niveau de la trésorerie de la STA, MSF a envisagé l'achat, transportet la livraison d'une chaîne de production en échange de sa valeur en produit.La STA aurait ainsi pu accroître rapidement sa capacité de production sanstoucher à cette disponibilité de trésorerie en bénéficiant d'un prix de revientinférieur (prix habituel –TVA – marge de la STA sur les ATPE)

Accroître la capacité directe d'investissement Enfin, dans le cas où cette stratégie serait insuffisante pour faire face à la croissance continue des besoins et l'enjeu de la baisse des couts, une dernière solution a été envisagée discuter avec la STA. Nous la mentionnons rapidement ici en soulignant qu'elle n'est pas souhaitée par la STA.

Toujours dans cette logique d'hybridation la construction d'un cadre faisant desATPE un bien commun, il était souhaitable à nos yeux d'envisager en cas de besoin d'ouverture du capital de la STA à des acteurs de l'aide qu'il s'agisse d'agences des Nations unies, d'O.N.G., l'apport d'une capacité d'investissement un bailleur ou d’une fondation (cette dernière solution est probablement la pluspertinente). Une prise de participation dans le capital de la STA pourrait permettre d'améliorer la capacité d'investissement mais aussi de désamorcer sur les marges réalisées sur ces produits à vocation « humanitaire ».

Cette option a été mise en œuvre par l’agence d’investissement dans le secteur privé (PROPARCO) de l’AFD courant 2014 qui est entré au capital de l’entreprise.

Page 90

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

Faire évoluer le cadre légal de productionUne dernière option pour sortir des solutions de réduction du prix des ATPE aucoup par coup serait de réfléchir le cadre légal dans lequel s'inscrit laproduction.

Comme nous l'avons vu dans le tour d'horizon des différents acteurs du réseauPlumpyField, un certain nombre de statuts plus favorables que celui d'entreprisede droit commun ont été adopté par des producteurs. Bien évidemment, quel quesoit el statu envisagé on peut anticiper les réticences de l'administrationnigérienne en raison du manque à gagner fiscal. Une fois de plus la question dustatut de ces produits leur vocation commerciale ou de bien commun, se pose etdoit être arbitré.

À notre connaissance, si l’on exclut le cas particulier des industriesextractives, le droit nigérien offre peu de solutions pouvant être appliqués àla STA.

- Zone franche: o Cette option retenue en Ethiopie permet une exonération d’une partie

des droits de douane et des taxes. A ce jour, au Niger, ce type dedispositif est exclusivement accordé aux entreprises d’extractionminière

- Zone de production sous douane :o Comme c’est el cas de Nutriset en France Conduirait a une exclusion

de taxe, mais implique une production orientée vers l’exportation.Cette alternative n’est envisageable que dans le cadre dudéploiement de la production à destination de la sous-région, ilimpliquerait une multiplicité de statu de la STA difficilementlisibles.

La solution qui nous paraît la plus réaliste et qui pourrait permettred'envisager l'ensemble des options de réduction des coûts proposés ci-dessusserait que la STA soit chapeautée par une structure associative /fondation encharge de

- La recherche scientifique et la formulation,- La structuration des filières,- le suivi des questions nutritionnelles- La mobilisation de fonds pour appuyer les investissements,- La réception de subventions en nature ou en cash pour l’appui a la

production- La sollicitation des bailleurs dans le cadre de projets

Page 91

Quelles stratégies de réduction du coût des ATPE/ASPE?Analyse transversale & Etude de cas Niger

- Cette option permettrait éventuellement de recourir à un régime fiscalplus favorable pour certaines activités et de mixer des subventions, desprêts et des dons pour les activités d’investissement, de production ou degestion de la trésorerie.

Enfin, cette option permettrait de continuer à faire évoluer le questionnementautour du statut de ces produits (bien commercial, produit humanitaireconstruit, commun), pourrait contribuer à une lecture plus transparente descomptes et des résultats d'exploitation à apaiser un certain nombre de craintesdes acteurs de l'aide autour de la rentabilité et des marges réalisées sur lesprix de vente. Ces craintes semblent tellement inscrites dans la pensée de cesacteurs qu'elles doivent être entendues et que de simples actions decommunication ne semblent pas suffisantes. Cette option conduirait également àfaciliter le déploiement des autres options envisagées, subventions desdonations du PAM et/ou retour d'un régime fiscal plus favorable.

Ces formes hybrides, agençant industrie/recherche/humanitaire, pourraientpermettre une gestion prenant en compte les intérêts et les craintes de chacunedes parties prenantes, conduisant à la mise en cohérence des statuts-fonction-usage du produit et de ses modes de production, déplacement administratif etjuridique à l'interface des secteurs privés et public, dans une forme de marchérésonné et adapté aux enjeux la santé publique….

Page 92


Recommended