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Sécurité environnementale et sanitaire : les biens controversés

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MME Sylvie Lupton Sécurité environnementale et sanitaire : les biens controversés In: Économie rurale. N°262, 2001. pp. 3-18. Abstract Environmental and health impacts : controversial goods - Scientific controversies concerning environmental and health impacts of a good leads us to revisit the nature and status of quality uncertainty on goods' characteristics in economics. Up to now, three types of goods have been established : experience goods, search goods, and credence goods. Quality uncertainty shared by all agents in a market allows us to propose a new class of goods : controversial goods. Résumé La prise en compte de controverses scientifiques concernant les répercussions sanitaires et environnementales d'un bien suscite une nouvelle réflexion sur la nature et le statut de l'incertitude qualitative des biens en économie. Jusqu'à présent, trois classes de biens ont été établies : les biens d'expérience, de recherche et de croyance. L'incertitude qualitative d'un bien, partagée par tous les acteurs d'un marché, permet de proposer une nouvelle classe de biens : les biens controversés. Citer ce document / Cite this document : Lupton Sylvie. Sécurité environnementale et sanitaire : les biens controversés. In: Économie rurale. N°262, 2001. pp. 3-18. doi : 10.3406/ecoru.2001.5228 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ecoru_0013-0559_2001_num_262_1_5228
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MME Sylvie Lupton

Sécurité environnementale et sanitaire : les biens controversésIn: Économie rurale. N°262, 2001. pp. 3-18.

AbstractEnvironmental and health impacts : controversial goods - Scientific controversies concerning environmental and health impacts ofa good leads us to revisit the nature and status of quality uncertainty on goods' characteristics in economics. Up to now, threetypes of goods have been established : experience goods, search goods, and credence goods. Quality uncertainty shared by allagents in a market allows us to propose a new class of goods : controversial goods.

RésuméLa prise en compte de controverses scientifiques concernant les répercussions sanitaires et environnementales d'un bien susciteune nouvelle réflexion sur la nature et le statut de l'incertitude qualitative des biens en économie. Jusqu'à présent, trois classesde biens ont été établies : les biens d'expérience, de recherche et de croyance. L'incertitude qualitative d'un bien, partagée partous les acteurs d'un marché, permet de proposer une nouvelle classe de biens : les biens controversés.

Citer ce document / Cite this document :

Lupton Sylvie. Sécurité environnementale et sanitaire : les biens controversés. In: Économie rurale. N°262, 2001. pp. 3-18.

doi : 10.3406/ecoru.2001.5228

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ecoru_0013-0559_2001_num_262_1_5228

écurité environnementale

et sanitaire :

les biens controversés

Sylvie LUPTON • Doctorante en Économie de l'Environnement Laboratoire d'Économétrie, École Polytechnique

Le caractère scientifiquement incertain et controversé des risques sanitaires et environnementaux des produits est au cœur des débats actuels sur la libre circulation des marchandises. Les litiges (hormones dans la viande bovine, OGM1...) dans le cadre de l'OMC2 témoignent de la difficulté d'établir des règles sanitaires communes lorsque les connaissances scientifiques ne sont pas stabilisées. En univers controversé (Godard, 1993), différentes théories sont en compétition sans pouvoir soutenir un accord sur toutes les caractéristiques d'un bien. Cette indétermination est porteuse d'enjeux majeurs lorsque l'utilisation du bien a des répercussions environnementales et sanitaires potentielles. Dans ce cadre, surgit une controverse sociale sur le niveau de garanties à prévoir pour autoriser la circulation des biens. Les mécanismes économiques (prix, garanties) et réglementaires (normes sanitaires et environnementales) existants ne sont pas toujours suffisants pour surmonter la défiance des acteurs et permettre le bon fonctionnement du marché.

La littérature existante portant sur la sécurité des biens (Spence, 1977 ; Daughety, Reinganum, 1995) traite l'incertitude en termes de risques et d'asymétrie d'information. Mais les incertitudes sur la sécurité du produit, qui sont partagées par tous les acteurs du marché, ne sont pas considérées.

1. Organismes génétiquement modifiés. 2. Organisation mondiale du commerce.

Cela ne permet pas de prendre en compte et d'analyser la spécificité des marchés de biens pour lesquels des incertitudes sur les répercussions sanitaires et environnementales sont mises en avant. Ces biens ne peuvent être catégorisés comme des biens d'expérience, de recherche (Nelson, 1970) ou de croyance (Darby, Kami, 1973). Nous proposons l'introduction d'une quatrième classe de biens : les biens controversés. Pour ces biens, l'attention n'est plus centrée sur les dispositifs d'information du consommateur sur un niveau connu de sécurité du produit, mais sur les dispositifs collectifs d'absorption des controverses et de prise en charge de risques non probabilisables. Le marché d'épandage des boues de station d'épuration urbaines illustre bien les difficultés de fonctionnement de ce type de marché dans un contexte de controverses scientifiques sur l'étendue des risques qui sont instrumentés par les différents acteurs. Ce contexte empirique permet d'analyser les mesures envisageables pour restaurer les marchés défaillants, en particulier le rôle possible de fonds d'indemnisation.

L'incertitude partagée sur les répercussions sanitaires et environnementales d'un bien

La sécurité d'un bien renvoie à la question des dommages générés par l'utilisation et la circulation du bien, et l'allocation des coûts et responsabilités liés à ces dommages. En

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matière de sécurité environnementale et sanitaire, la littérature économique sur l'incertitude qualitative a tenu compte de la difficulté pour le consommateur de détecter la présence d'une substance nocive, et les incertitudes scientifiques, qui demeurent dans l'évaluation des risques, sont mentionnées pour des biens tels que les OGM (Phillips, Isaac, 1998 ; Bureau et al, 1997). L'attention est portée sur les enjeux de ces incertitudes en terme d'asymétrie d'information : le consommateur souffre d'une carence informationnelle par rapport au producteur qui connaît les caractéristiques du produit. Ainsi le manque d'information peut réduire le bien-être du consommateur : le niveau de sécurité du bien, déterminée par le producteur, est plus bas que celui que choisirait le consommateur en situation d'information parfaite. On retrouve ici le même processus que celui étudié par Akerlof (1970) : une tendance à la détérioration de la qualité moyenne des produits sur le marché. Différents signaux peuvent guider les consommateurs dans l'appréciation du niveau de sécurité offert, comme le prix, le volume (Daughety, Reinganum, 1995), le niveau de responsabilité incombant au producteur en cas de défaillance (Spence, 1977), les garanties, les labels. Ces mécanismes de marché (signaux) peuvent être accompagnés de mesures réglementaires (normes sanitaires3) garantissant un niveau minimal de sécurité aux consommateurs, ce qui implique l'intervention d'une instance tierce qui contrôle le niveau de sécurité des produits.

1. Le concept de biens controversés

Mais cette analyse ne tient pas compte de l'incertitude quant à l'innocuité du produit,

lorsqu'elle est partagée à la fois par l'acheteur, le vendeur et tous les acteurs liés à l'échange. La sécurité dont il est question ici ne concerne pas simplement un niveau de sécurité d'un produit, qui peut être établi par le producteur lors de la conception du produit. Il s'agit d'une sécurité touchant aux caractéristiques physiques et biologiques du produit pouvant affecter l'usager ou des tiers à l'occasion de son usage ou de la fin de vie du produit (problématique du déchet). Les incertitudes peuvent se situer à différents niveaux : 1. Tous les composants du produit peuvent être identifiables mais les impacts sur l'environnement ou la santé des consommateurs sont mal connus. 2. Certains composants ne sont pas pratiquement détectables, soit parce que leur existence est inconnue, soit parce que les méthodes de détection disponibles à un coût acceptable ne sont pas assez fines pour les déceler (cas des substances présentes dans un produit en quantités infimes, mais potentiellement dangereuses telles que les prions dans la viande bovine). Les raisonnements applicables aux situations de risques ne sont pas adaptés ici puisqu'ils supposent un avenir décrit comme un ensemble d'alternatives associées à une loi de probabilité décrivant les chances d'occurrence de chacun des possibles (Brousseau, 1993). En contexte d'incertitude, le calcul mathématique des agents n'est plus rationnellement possible. Il ne subsiste plus, comme critère d'action, que les catégories d'opinion, de conviction et de jugement (Reynaud, 1992)4.

3. Les normes sanitaires sont étudiées notamment au niveau des enjeux du commerce international : des normes sanitaires interdisant certaines substances jugées nocives peuvent aussi être considérées comme une forme de protectionnisme déguisé (Bureau, Gozlan, 1999).

4. Ce qui distingue l'incertitude du risque est que, dans ce dernier cas, la distribution des probabilités de l'occurrence d'un événement est connaissable soit à travers le calcul a priori, soit à partir des statistiques des expériences passées, alors que dans le cas de l'incertitude, il est impossible de raisonner à partir d'un groupe d'événements répétitifs, parce que la situation traitée est unique (Knight, 1921, p. 233), ou que les états de la nature possibles ne sont pas tous identifiés.

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Cette prise en compte d'une incertitude partagée nous amène à proposer l'introduction d'une nouvelle classe de biens. En effet, l'analyse économique distingue couramment les biens en fonction du mode d'obtention, par le consommateur, de l'information sur les caractéristiques du bien. Nelson (1970) distingue ainsi les biens de recherche (pour lesquels l'information sur le bien est obtenue en inspectant le bien avant l'achat), des biens d'expérience (l'information sur la qualité du bien est acquise en consommant/ utilisant le bien). Un troisième type de biens a été ajouté à cette classification par Darby et Karni (1973): les biens de croyance5, pour lesquels l'information sur la qualité des biens ne peut être obtenue ni avant l'acquisition du bien (recherche) ni après (expérience), mais nécessite la mobilisation de coûts prohibitifs pour obtenir de l'information sur la qualité, ce qui amènera le consommateur à évaluer le produit en fonction de ses croyances et se référer, par exemple, à un tiers expert (vendeur/producteur) pour acheter le produit6. C'est à cette troisième classe de biens que se réfère souvent la littérature actuelle relative à l'incertitude sur la sécurité sanitaire des biens.

L'incertitude partagée par tous les acteurs sur l'existence et l'ampleur des répercussions environnementales et sanitaires ne peut être intégrée dans cette classification des biens, qui considère que le producteur connaît les caractéristiques du produit. En contexte d'incertitude partagée, il s'agit d'un problème de caractéristiques

versées, qui justifie l'introduction d'une quatrième classe de biens après les biens d'expérience, de recherche et de croyance : les biens controversés.

5. Darby et Karni emploient le terme de «credence goods» que je traduis par «biens de croyance», puisque d'après The Oxford English Reference Dictionary, credence provient du latin «credere» signifiant «croyance» ou «foi». La littérature économique française emploie couramment la terminologie «bien de confiance». 6. On parle de biens de croyance quand un bien est utilisé en combinaison avec d'autres biens aux propriétés incertaines, ou quand il s'agit d'un processus de production dont le produit est aléatoire (Darby, Karni, 1973, p. 69)

Les biens controversés correspondent à des biens dont les caractéristiques ne peuvent pas être connues avant l'achat, ni directement par l'usage, ni encore au travers de dépenses supplémentaires d'information (biens de croyance), pour la simple raison que l'information sur certaines caractéristiques n'est pas accessible compte tenu de l'état des connaissances disponibles dans la période considérée, et n'est détenue par aucun groupe d'acteurs.

Avant de connaître avec précision les répercussions environnementales et sanitaires de certains produits, des années de recherche et de développement peuvent être nécessaires. Les coûts de cette procédure d'acquisition des connaissances sont difficilement quantifiables ex ante et surtout les délais d'acquisition ne sont pas parfaitement compressibles en fonction des moyens affectés. La question des délais requis pour améliorer les connaissances sur les répercussions d'une composante est alors essentielle. Il peut être question de dizaines d'années avant que les connaissances sur les caractéristiques d'un produit ne soient stabilisées et concluantes7. Ici le problème n'est plus de résorber une asymétrie d'information, il est de trouver un accord préalable d'un collectif sur les «risques» acceptables alors même que les risques en question ne peuvent pas être appréhendés de façon précise et qu'ils font l'objet de controverses. À la différence du risque de défaillance d'un produit, pour le-

7. C'est, par exemple, le cas des champs électriques créés par les réseaux électriques. Il s'est passé une soixantaine d'années entre l'introduction des CFC (chorofluorocarbures) et leur interdiction au vu de leurs effets destructeurs sur la couche d'ozone stra- tosphérique.

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quel l'accident est caractérisé par une proximité de la cause et de l'effet, l'incertitude sur la sécurité sanitaire et environnementale d'un produit est caractérisée par un décalage entre la survenance du dommage et la cause. Le dommage peut survenir seulement après un important laps de temps dans le cas de pollutions graduelles, ou alors le dommage peut être détecté seulement après le surgisse- ment d'un nouvel état de la connaissance.

La question du partage des responsabilités se pose alors : qui doit payer les dommages en cas de survenance d'un risque inconnu au moment de la mise en circulation du produit ? Les producteurs de biens doivent- ils être exonérés par rapport à un tel risque ? Ce débat porte notamment sur le risque de développement8, à savoir un risque de dommages d'un produit défectueux9, indécelable au moment de la mise en circulation du produit. D'un côté, la responsabilisation des producteurs concernant le risque de développement paraît injuste compte tenu du caractère inconnu, imprévisible et inévitable du risque, inconnu de tous au moment de la mise sur le marché du produit. Par ailleurs, cette lourde responsabilité des producteurs risquerait de freiner l'esprit d'entreprise (Ewald, 1997). De l'autre, l'exonération du

8. Ce concept est introduit dans les dispositions de la directive européenne sur la responsabilité du fait des produits défectueux du 25 juillet 1985. On pourrait reprendre la définition de Berg, selon lequel le risque de développement «caractérise le dé

faut d'un produit que le producteur, ou bien celui qui lui est assimilé, n 'a pas pu découvrir, ni éviter, pour la raison que l 'état des connaissances scientifiques et techniques, objectivement accessibles à sa connaissance lors du moment de la mise en circulation du produit, ne lui permettait pas » (Berg, 1996, p. 271). 9. Un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances et notamment : a) de la présentation du produit ; b) de l'usage du produit qui peut être raisonnablement attendu ; c) du moment de la mise en circulation du produit. (Directive européenne 85/374 du 25 juillet 1985, art. 6).

producteur «peut agir comme un frein au développement des connaissances. Elle revient en effet à donner une prime à l'ignorance» (Godard, 1999). La loi française n° 98-389 du 19 mai 1998, relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, mentionne la responsabilité du producteur vis-à-vis du risque de développement. L'article 12 précise que le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve «que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a permis de déceler l'existence du défaut». Mais cette exonération est conditionnelle puisque la victime peut aussi recourir au droit antérieur à cette loi (art 1 386- 1 8 du Code civil). Ainsi, la question de la responsabilité concernant le risque de développement n'est pas encore clarifiée.

Dans ce type de contexte d'incertitude partagée, l'incertitude peut susciter la controverse scientifique et sociale, et la situation peut se rapprocher d'une configuration d'univers controversé (Godard, 1993) caractérisé par les paramètres suivants : 1. La perception du problème ne provient pas d'une expérience directe du dommage par les agents, mais accède à la conscience collective à la suite d'une construction scientifique relayée ensuite par toutes sortes de médiations et ré-élaborations par divers acteurs (experts, administrations, médias. . .). 2. Le problème est susceptible de toucher des tiers absents qui n'ont pas de procédures pour exprimer leurs préférences, ce qui conduit à poser le problème de la représentation de leurs intérêts ou de leurs droits. 3. Il est attribué une présomption d'irréversibilité aux phénomènes physiques, écologiques ou sanitaires considérés. 4. Les connaissances scientifiques ne sont pas stabilisées et des controverses persistent durablement. S'agissant de la sécurité des produits, il est certes possible d'identifier des risques probabilisables, mais des incertitudes demeurent sur les répercussions sanitaires et

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environnementales de ces produits, pouvant générer des dommages irréversibles.

La question de la décision de mise sur le marché d'un produit peut alors se poser en ces termes : que faire lorsque les connaissances des répercussions environnementales et sanitaires d'un produit ne sont pas stabilisées et qu'il existe des allégations de risques graves ? On se situe ici dans le contexte d'application du principe de précaution, défini par la loi française (loi Barnier de 1995) comme le principe «selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable»10. Le rapport Kourilsky-Viney sur le principe de précaution formule des procédures pouvant guider l'action publique vis-à-vis des incertitudes résiduelles, que nous pouvons résumer ainsi : 1. La phase d'évaluation des risques précédant toute décision doit être élaborée par des structures indépendantes. Une analyse économique coûts/bénéfices doit se joindre à l'analyse scientifique des risques, afin d'évaluer les conséquences économiques et sociales de chaque scénario d'action possible. 2. La décision doit être aussi flexible que possible par rapport à l'acquisition de nouvelles connaissances. Aussi la décision doit pouvoir être révisable, pour des solutions réversibles et proportionnées. 3. Concernant la mise en application des décisions, les dispositifs sécuritaires doivent être efficaces et contrôlés.

Cette application du principe de précaution permettrait une gestion raisonnée des incertitudes résiduelles relatives à la

té d'un produit, amenant à retirer des produits d'un marché lorsque les risques potentiels sont jugés trop élevés par rapport aux bénéfices tirés de l'utilisation du bien, ou à permettre l'utilisation et la circulation du produit, tout en restant vigilant sur l'évolution des connaissances scientifiques. Mais dans cette gestion de l'incertain, deux erreurs d'application du principe de précaution pourraient être relevées. La première concerne le défaut de précaution : à la lumière de nouvelles connaissances scientifiques sur la nocivité d'un produit, des mesures suffisantes de précaution ne sont pas prises pour restreindre ou interdire l'usage et la circulation du produit11. La deuxième erreur consiste à utiliser le principe de précaution comme principe justifiant le refus d'un produit sur un marché, sous le prétexte que des incertitudes persistent au niveau de l'évaluation des risques. La perception des incertitudes peut bloquer toute initiative des acteurs. La focalisation sur le scénario du pire peut conduire à la paralysie et à l'abstention. C'est le problème qui a été soulevé par Godard au sujet de certaines interprétations du principe de précaution, lorsque la preuve de l'innocuité du produit est «posée comme un préalable à l'autorisation d'une activité ou à l'utilisation d'une technique» (Godard, 1997). La précaution devient abstention en articulant les deux idées d'une norme sociale du dommage zéro, et d'une conception peu réaliste de la science jugée

10. Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement et à la protection de l'environnement. Ce principe a été étendu par la jurisprudence au domaine de la santé publique (voir la loi du 1er juillet 1998 sur la veille sanitaire).

11. De nombreux exemples de cas de «défaut de précaution» peuvent être donnés, où les acteurs n'ont pas accordé d'importance suffisante aux risques potentiels relatifs au produit, ou à l'application des mesures de précaution permettant de retirer un produit du marché lorsqu'un consensus scientifique sur la nocivité du produit et son interdiction a été conclu. Par exemple, au niveau de la maladie de la vache folle, la distribution de farines animales aux bovins est interdite au Royaume-Uni en 1988, mais le gouvernement anglais n'a pas pris de mesures drastiques avant 1996 pour limiter la contamination (aucune mesure n'est prise au niveau de l'abattage des bovins atteints en Grande-Bretagne) et supprimer toute exportation de farines contaminées.

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capable d'apporter en temps utile des réponses objectives quant à la dangerosité d'un produit.

2. Le risque de disparition d'un marché de biens controversés

Cet article cible l'analyse sur ce deuxième type de dysfonctionnement d'un marché de biens controversés : le marché est menacé de disparaître du fait d'une construction sociale autour d'une exigence de risque nul, alors que cette disparition est infondée en termes d'une analyse coûts/bénéfices, et peut amener à un équilibre sous-optimal en terme de bien-être collectif12. Le marché peut disparaître sous l'effet d'un blocage de l'offre ou de la demande, du fait d'une aversion à l'incertain13. Dans ce contexte, l'incertitude sur les caractéristiques environnementales et sanitaires du produit est redoublée d'une incertitude sur le comportement des autres acteurs du marché confrontés à cette incertitude. «Lorsque la définition du produit ne fait plus l'accord général, les transactions sont plus difficiles à équilibrer, la charge de rationalité des individus est alourdie. La réduction des savoirs communs laisse le champ libre aux spécula-

12. Nous avons analysé ce type de dysfonctionnement pour deux raisons. D'abord, cela permet de faire un parallèle avec la configuration de disparition d'un marché en situation d'asymétrie d'information d' Akerlof (1970). Dans ce modèle d' Akerlof, la disparition du marché s'explique par une anticipation de la demande d'une détérioration de la qualité des biens offerts, qui a réellement lieu : la qualité moyenne des biens est inférieure à la qualité espérée par la demande. Mais dans notre cas, cette possible disparition se détache des caractéristiques du bien : elle est le fruit d'une construction sociale d'une exigence de zéro risque. Ensuite, comme le note Wilda- vsky, dans les pays industrialisés, les deux dernières décennies sont marquées par un intérêt grandissant vis-à-vis de la sécurité sanitaire et environnementale. Le consensus semble être basé sur une recherche de plus de sécurité, mais pratiquement aucune attention n'a été portée sur les effets négatifs d'une recherche de réduction accrue des risques (Wildavsky, 1988, p. 191).

tions individuelles.» (Eymard-Duvernay, 1994). La rationalité des acteurs dans ce contexte d'incertitude s'approche de la rationalité autoréférentielle décrite par Orléan au niveau des marchés financiers : l'acteur va agir ni en fonction de sa propre opinion, ni l'opinion des autres, «mais s'approcher du choix des autres tel qu'il se forme lorsque chacun d'entre eux cherche à prévoir l'opinion majoritaire» (Orléan, 1999). Les acteurs adoptent un comportement mimétique, puisqu'ils supposent que chaque acteur cherche à se rapprocher de l'opinion majoritaire. Cette attitude aboutit à la formation d'une «opinion commune par le seul jeu de l' autoréalisation des croyances, non pas parce qu'elle est intrinsèquement vraie, mais parce que tout le monde croit qu'elle est vraie» (Orléan, op. cit.). Ainsi un mouvement de panique peut amener à une surenchère du scénario du pire et à l'effondrement du marché.

Dans ce cadre, le dysfonctionnement du marché nécessite des mécanismes permettant une meilleure coordination du marché, qui sont différents de ceux analysés en situation d'asymétrie d'information : • Le dysfonctionnement du marché ne provient pas d'une asymétrie informationnelle

13. Ce concept d'aversion à l'incertain a été introduit par Schmeidler, pour compléter la notion d'aversion en contexte d'incertitude, qui n'avait été traité qu'en termes d'aversion au risque. L'aversion au risque peut être définie comme l'attitude qui consiste à préférer obtenir le gain espéré et certain d'une loterie, sans y participer, au gain attendu et aléatoire. Ce gain aléatoire est probabilisable de façon objective, ce qui n'est pas le cas d'une aversion à l'incertain, où il s'agit alors de gains espérés à partir de probabilités subjectives (Schmeidler, 1989). Cette hypothèse de disparition du marché pour cause d'aversion à l'incertain ne peut en aucun cas être généralisée. Le marché peut disparaître plus facilement s'il existe des produits de substitution répondant aux mêmes besoins (à un prix acceptable), sans controverses sur leur utilisation (voir aussi Hommel, Lupton, 1999, p. 6). Ce concept mériterait d'être développé, mais à l'heure actuelle, «le problème de la définition de l'aversion à l'incertain reste entier» (Cohen et Talion, 2000).

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sur la qualité des biens menant à une détérioration du niveau moyen de sécurité des biens. Il découle du manque d'accord sur les connaissances et incertitudes sur la sécurité du produit. Ce désaccord ne concerne pas seulement l'acheteur et le vendeur, mais est inscrit dans un réseau d'acteurs interdépendants14. • Les mécanismes sociaux, économiques et réglementaires mis en place pour répondre à ce désaccord n'ont pas pour seule fonction de réduire l'incertitude15, mais visent à établir ex ante une allocation des responsabilités et des coûts en cas de réalisation de dommages. Un accord sur l'état des connaissances et méconnaissances scientifiques entre tous les acteurs, et sur l'allocation des responsabilités est nécessaire pour permettre la viabilité du marché. Cet accord peut ainsi permettre la formation d'une convention16, à condition qu'il n'existe pas de sous-groupes fermés et séparés du reste de la communauté, qui peuvent de nouveau déstabiliser les anticipations des acteurs17.

Le tableau (p. suivante) permet de distinguer les biens controversés des trois autres types de biens (expérience, recherche et croyance) en fonction du partage des con-

14. Cela rejoint les propos d'Eymard-Duvernay (1993) sur la qualité. Cette dernière est négociée, construite par un réseau d'acteurs, et peut toujours être remise en cause : l'accord sur la qualité des biens est inscrit dans un réseau d'acteurs ouvert (de nouveaux acteurs peuvent toujours surgir), hétérogène (les acteurs ont des intérêts divergents) et fluctuant (l'accord peut être remis en cause ultérieurement). 1 5. Des recherches peuvent être entreprises pour réduire les incertitudes. 16. Une convention est un système de règles (R) r

épondant aux conditions suivantes : 1) chaque acteur se conforme à R ; 2) chaque acteur croit que les autres se conforment à R ; 3) chacun préfère se conformer à R à condition que les autres le fassent puisque la conformité uniforme à R est un équilibre de coordination (Lewis, 1969). 17. Cette condition est essentielle à l'aboutissement d'une convention comme nous le verrons dans notre cas des boues d'épuration.

naissances sur la sécurité, du degré d'incertitudes, des éléments conduisant au dysfonctionnement du marché et des mécanismes mis en place pour y répondre.

Un bien peut évidemment intégrer ces deux formes de sécurité, comme nous le verrons dans le cas de l'épandage agricole des boues de station d'épuration dont l'utilisation comporte des risques connus (éléments pathogènes, métaux lourds, micropolluants organiques) qui sont soumis à une réglementation. Mais l'épandage des boues est aussi touché par des incertitudes résiduelles mises en avant par différents acteurs, qui contribuent à remettre la pérennité de la filière d'épandage en cause.

Le cas de l'épandage des boues de station d'épuration

Les boues de STEP (station d'épuration) urbaines sont des résidus du traitement des eaux usées composées en majeure partie de matières organiques. Les boues sont considérées comme des déchets, à savoir des biens à valeur marchande potentiellement négative18. Elles sont pour la plupart (60 % des boues) utilisées comme fertilisants et amendements organiques sur les terres agricoles. Le restant du volume des boues est soit incinéré (15 % des boues), soit mis en décharge (25 % des boues). Le marché d'épandage est cependant remis en cause de part les controverses et incertitudes sur les répercussions sanitaires et environnementales de ces déchets organiques sur les cultures et les terres.

18. Les boues de station d'épuration dépendent de la réglementation concernant les déchets. La loi française du 15 juillet 1975 définit le déchet comme étant «tout résidu d'un processus de production, de transformation, ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit, ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon».

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La sécurité : risques et incertitudes

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Degré Partage de l'information Dysfonctionnement Mécanismes d'incertitude entre acheteur du marché débloquant le marché

et vendeur Risques II s'agit d'une incertitude

probabilisable : le risque porte sur la possibilité de tricher sur les caractéristiques nocives du produit.

Pour les trois biens (expérience, recherche, croyancea), il s'agit d'une asymétrie informationnelle sur la sécurité du bien : le producteur connaît les caractéristiques du produit, alors que l'acheteur ne le connaît pas.

Détérioration du niveau de qualité des biens du fait de l'asymétrie d'information, et possibilité de disparition du marché (Akerlof, 1970)b

Signaux permettant de baisser l'asymétrie (garanties établissant le partage des responsabilités...). Réglementation Incitations au maintien de la sécurité (poursuites judiciaires).

I

Incertitudes Une probabilité de dangerosité du produit ne peut être donnée a priori. Certains risques sont connus, mais des incertitudes résiduelles demeurent sur l'existen

ce ou l'ampleur des menaces.

«Pour les biens controversés», il peut

y avoir une asymétrie informationnelle (et donc une possibilité de fraude), mais certaines caractéristiques du bien ne sont connues ni de l'acheteur, ni du vendeur. Il s'agit d'une méconnaissance commune.

Aversion à l'incertitude, et surenchère des risques potentiels par les différents acteurs. Effondrement de certains marchés, ou non développement de marchés potentiels.

Accord collectif de tous les acteurs influant sur le marché aboutissant à des règles de conduite et un partage des responsabilités à la fois en cas de réalisation de ce dommage et pour la prévention du dommage. Mécanismes de compensation des victimes en cas d'accident (fonds d'indemnisation).

a. Ce tableau ne vise pas à effacer les distinctions entre les biens d'expérience, de recherche et de croyance, mais tente de mettre en relief les traits distinctifs des biens controversés. b. Ce risque s'applique particulièrement aux biens de croyance, puisque pour les biens d'expérience et de recherche, le consommateur finit par connaître la qualité du produit qui lui est vendu.

1. L'émergence des controverses

Deux éléments doivent être pris en compte dans le débat sur l'innocuité des boues de station d'épuration. D'abord, les risques connus19 relatifs aux boues comportent toujours des points d'ombre. Ces risques concernent les éléments pathogènes, les métaux lourds et les micro-polluants organiques contenus dans les boues. Les effets de ces substances sur la santé humaine et animale et sur l'envi-

19. On pourrait aussi appeler ces risques des risques avérés, selon la terminologie de Kourilisky et Vi- ney (2000) : les liens de cause à effet entre l'utilisation du produit et ses effets négatifs sont scientifiquement démontrés et reconnus par l'ensemble de la communauté scientifique.

ronnement font l'objet d'une recherche menée depuis vingt ans en France et à l'étranger. Des normes de sécurité (décret n° 97- 1 1 33, et arrêté du 8 janvier 1998) encadrent la filière d'épandage, imposant des limites de teneurs de substances nocives contenues dans les boues, et des limites d'apports en métaux lourds sur les sols. Il s'agit de mesures de prévention. Mais l'action de prévention ne s'opère pas dans la certitude absolue. Des incertitudes résiduelles demeurent dans l'évaluation de ces risques. Au niveau de l'identification des dangers, des limites existent concernant l'identification des agents indésirables présents dans les boues. À titre d'exemple, pour identifier la teneur des

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boues en micro-polluants organiques (Hap, Pcb. . .), les méthodes d'extraction, de dosage et de détection de ces éléments ne sont pas parfaitement au point. De surcroît, au niveau de la caractérisation des dangers, l'évaluation des dommages sur l'environnement et la santé engendrés par certaines substances reste fragmentaire. L'évaluation des risques contient des incertitudes résiduelles. Concernant les métaux lourds, les risques de ces micropolluants sur la chaîne alimentaire par le passage des métaux lourds du sol à la plante sont encore mal connus. Par ailleurs, les connaissances de l'effet des contaminants chimiques (métaux lourds et micro-polluants organiques) sur l'homme sont parcellaires20, et les relations dose/effet ne proviennent pas de l'observation empirique mais sont constitués à partir de modèles d'extrapolations dont les résultats divergent selon les hypothèses optimistes ou pessimistes.

Ensuite, un autre degré d'incertitude doit être pris en compte : l'incertitude radicale. Il s'agit d'une substance dans les boues dont on ne connaît ni l'existence, ni les impacts nocifs. En matière de sécurité des biens, ceci relève du concept de risque de développement. Dans le cadre du marché d'épandage des boues de station d'épuration urbaines, ce type d'incertitude a été mis en exergue par la profession agricole qui redoute la découverte d'un agent contaminant, inconnu à ce jour, et exige un système d'assurance vis- à-vis du risque de développement.

Ainsi, des incertitudes persistent et «alimentent alors les controverses sociales sur les stratégies d'actions» (Godard, 1993). Malgré les dispositifs réglementaires encadrant l'épandage des boues (réglementation sur les teneurs des boues en substances toxi-

20. Les contaminants chimiques sont en doses très faibles dans les boues, et l'évaluation des risques pour la santé humaine est difficile à établir pour de telles doses, pour lesquelles on ne dispose pas de données objectives et stabilisées. En revanche, on sait que les doses fortes provoquent des effets sur l'homme.

ques, limites quantitatives de boues à épan- dre sur les terres. . .), cette filière est soumise à des pressions de différents groupes d'acteurs, qui mettent en avant les incertitudes demeurant sur les boues. On peut constater depuis 1996 une prise de position progressive de la part de la filière agro-alimentaire, qui émet des restrictions plus sévères que la norme publique concernant l'épandage des boues. La position qui a eu le plus d'impact dans le monde agricole a été celle de Bon- duelle. Ce groupe a élaboré une charte "d'approvisionnement des légumes transformés et commercialisés" le 20 février 1997, dans laquelle sont fixées des règles minimales pour l'ensemble des épandages de déchets, que ses 2 200 fournisseurs du Nord et Sud de la France doivent respecter. En examinant cette charte on constate que Bonduelle exige des conditions d'épandage des boues beaucoup plus sévères que les normes françaises actuelles en la matière. La position de ce groupe agro-alimentaire a eu plusieurs répercussions dans le mondé agricole. Cela a d'abord entraîné un effet de mimétisme d'autres industries agro-alimentaires (Iaa) et distributeurs, qui ont surenchéri par rapport à cette charte, en interdisant l'épandage de boues. Divers concurrents (industries agroalimentaires, distributeurs) adoptent une position plus radicale de refus de tout épandage de boues invoquant le «principe de précaution» pour justifier leur scepticisme : compte tenu des incertitudes scientifiques et les risques sanitaires et environnementaux relatifs à l'épandage des boues, il vaut mieux s'abstenir de tout épandage. Ainsi, le principe de précaution est déformé par rapport à sa définition originelle, et utilisé comme principe d'abstention. Par la suite, Panzani interdit en été 1997 le blé produit sur des terres ayant reçu des boues dans les deux années précédentes. Les distributeurs Carrefour et Au- chan ne tardent pas à adopter des mesures identiques en été 1997, ainsi que certains transformateurs (Moulins de Savoie, STL21). Cette prise de position en amont est transmi-

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se directement par les coopératives et négociants locaux, qui sont les intermédiaires entre les agriculteurs et les transformateurs, IAA et la grande distribution22.

Cette remise en cause de la sécurité des boues a été reprise par d'autres acteurs liés indirectement à la filière agricole, qui utilisent les boues comme une arme de négociation pour faire valoir des intérêts indépendants de la problématique des boues de station d'épuration. Les syndicats agricoles les plus puissants (CNJA, FNSEA23) ont mis en évidence les risques et incertitudes persistantes concernant les répercussions sanitaires et environnementales des boues épan- dues. La profession agricole exige des ajouts à la réglementation relative à l'épan- dage des boues et demande, notamment, la mise en place d'un fonds d'indemnisation permettant une compensation rapide des agriculteurs en cas de dommages. Derrière ces revendications vis-à-vis des insuffisances de la réglementation, se trouve aussi une arme pour la profession agricole par rapport au projet de la TGAP, Taxe générale sur les activités polluantes24. Par ailleurs, les propriétaires de terres qui louent leurs terres25 à des exploitants ont aussi montré leur insatisfaction de la réglementation actuelle, du fait notamment du manque de clarté dans les responsabilités de chacun en cas de pollution accidentelle, concernant une substance qui n'aurait pas été détectée jusqu'à présent dans les boues de STEP et qui contaminerait les terres. La FNPA, Fédération nationale de

21. Stl : Société de transformation des légumes. Premier transformateur européen d'oignons, la STL ne s'approvisionne plus qu'en produits issus de terres sur lesquelles n'ont pas été déversées des boues. 22. On peut mentionner aussi d'autres groupes ayant pris des positions d'interdiction vis-à-vis de l'épandage de boues comme l'Association générale des producteurs de blé et autres céréales, la Confédération générale de la betterave, et l'Association de groupements de producteurs de maïs. 23. Cnja : Confédération nationale des jeunes agriculteurs ; FNSEA : Fédération nationale des syndicats d'exploitations agricoles.

la propriété agricole, revendique le fait que les propriétaires devraient avoir le choix entre accepter ou refuser que l'exploitant épande des boues de STEP sur leurs terres.

2. La mise en place de mesures permettant l'accord marchand

Face à cette focalisation des risques et incertitudes relatives aux boues, les pouvoirs publics ont jugé nécessaire de mettre en place des mesures permettant de structurer les controverses et clarifier les responsabilités des différents acteurs, afin d'arriver à un consensus général sur l'intérêt de l'épandage agricole des boues. Pour cela, un comité national a été constitué, ainsi que le projet d'un fonds d'indemnisation répondant aux exigences des syndicats agricoles d'être couverts vis-à-vis notamment du risque de développement.

Recherche d'un accord de tous les acteurs sur les conditions d'épandage Un comité national a été mis en place en février 1998, par les ministères de l'environnement et de l'agriculture, qui se réunit tous les six mois, regroupant tous les représentants nationaux liés à la filière d'épandage de boues (les ministères de l'Agriculture et de l'Environnement, les syndicats

24. Le projet de la tgap vise à clarifier la fiscalité écologique et simplifier le dispositif existant, qui comporte quelque 76 taxes hétérogènes. Elle se substituera progressivement à l'ensemble des prélèvements fiscaux et parafiscaux actuellement en vigueur dans le domaine de l'environnement. Le projet de la tgap, proposé en 1999, a suscité un grand mécontentement des syndicats agricoles, puisqu'il prévoit une redevance sur les excédents d'azote minéral et organique, fondée sur le bilan matières par exploitation. Cette redevance pose des contraintes nouvelles pour le monde agricole et implique un changement dans la politique de lutte contre les pollutions agricoles envisagées jusqu'à là avec le pmpoa, Programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole. 25. Cette proportion des propriétaires est significative puisque plus de 70 % des propriétaires sont des bailleurs.

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agricoles, les industries agro-alimentaires, les associations de consommateurs, les agriculteurs, les coopératives, I'apca, les propriétaires...)- Ce comité a été mis en place pour établir un dialogue entre les différents acteurs, et engager le débat pour définir les conditions de fonctionnement de la filière d'épandage dans un climat de confiance réciproque. En parallèle, un comité technique réunissant les différents acteurs de la filière a été établi, pour informer sur les risques relatifs à l'utilisation des boues en agriculture, afin de constituer un noyau de connaissances communes permettant un possible débat.

Les travaux de ce comité national ont abouti à la définition d'une charte déterminant les engagements réciproques de tous les acteurs liés à la filière d'épandage de boues, et définissant un cadre général pour l'élaboration de conventions dans lesquelles seraient concrétisés les engagements. Cette charte traduit l'adhésion des acteurs favorables à la pérennisation de la filière agricole pour les boues de station d'épuration urbaines, à la condition qu'une démarche globale et solidaire, basée sur le respect des règles de l'art, les responsabilités assumées par chacun et une confiance réciproque, lie tous les acteurs de la filière. À l'heure actuelle, cette charte inclurait vraisemblablement un contrat d'épandage tripartite entre le propriétaire, l'exploitant et le producteur de boues, précisant les engagements des différents acteurs impliqués dans la filière de valorisation agricole. Par ailleurs, différents principes ont été adoptés : le principe de précaution, le principe d'intégration agronomique26, le principe de traçabilité et de transparence et le principe de proximité27.

Ce comité s'est appuyé notamment sur les résultats d'un audit comparant les effets économiques, sanitaires et environnementaux des différentes filières de gestion des boues. Cet audit «aboutit à la conclusion que l'incinération (ou la co-incinération) des boues présente globalement des impacts environnementaux moindres que la mise en décharge et plus importants que ceux de l'épandage. L'épandage génère l'impact minimal, sauf pour le cas des écosystèmes terrestres» (Arthur Andersen Environnement, 1999). Ces résultats permettent de légitimer l'intérêt de la filière d'épandage agricole, et de justifier la nécessité de trouver des mesures permettant au marché de perdurer.

Cette recherche d'un accord commun s'apparente à une coordination basée sur «l'adhésion d'un ensemble d'acteurs à un corps de principes collectifs qui aboutit à structurer leurs relations économiques» (Sylvander, 1995). Cet accord pourrait aboutir dans les mois à venir. Cependant, nous pourrions soulever plusieurs limites à l'aboutissement de cet accord. Dans les cas où la défaillance de marchés locaux s'explique par les caractéristiques controversées des boues28, deux points méritent d'être soulignés. D'abord, la recherche d'un accord collectif n'a pas stabilisé le processus de surenchère des normes privées de sécurité. Les industries agro-alimentaires, coopératives (...) sont largement sous-représentées dans le comité national, ce qui n'a pas permis d'aboutir à une convention commune de qualité. La multitude de normes privées, et le

26. Les boues d'épuration fournissent des éléments fertilisants qu'il faut intégrer dans les bilans agronomiques. 27. Les boues sont épandues au plus près de leur lieu de production pour permettre un suivi efficace.

28. Selon les études sociologiques menées par d'Arcimoles et al. (1999) du CSO (Centre de sociologie des organisations), ces mesures nationales ne s'appliquent pas à la diversité des problèmes locaux expliquant les problèmes de refus de boues de la part des agriculteurs. Dans certains cas, les refus de boues relèvent de l'asymétrie informationnelle : la défaillance de marché provient d'un manquement du producteur sur la qualité des boues ou de la prestation d'épandage par exemple.

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manque d'une règle commune et unique ne permettent pas une stabilité dynamique du marché puisqu'à chaque instant, les prat

iques d'épandage des agriculteurs peuvent être remises en cause localement par les groupes qu'ils approvisionnent en produits agricoles. La formation d'une convention n'est pas possible puisqu'un sous-groupe influant (industries agro-alimentaires, groupements de producteurs...) n'est pas intégré dans le processus de recherche d'une convention commune de qualité. Ensuite, l'accord sur des principes généraux de transparence, de précaution etc. nécessite de s'appuyer sur des garanties assurant l'application de ces principes. Afin d'établir la confiance entre les acteurs, une intention de garanties exprimée à travers la mise en évidence d'une série de principes et de règles d'allocation des responsabilités ne suffit pas. Il faut aussi offrir des garanties d'intention, à travers des preuves assurant que les règles admises par tous seront effectivement appliquées29. Enfin, compte tenu des incertitudes résiduelles, il est possible que l'accord puisse être remis en cause avec l'émergence de nouvelles connaissances scientifiques.

Un projet de fonds de garantie Un projet de fonds d'indemnisation est en cours de négociation. Ce projet répond à une aversion des agriculteurs à l'incertain : en cas d'accident imprévisible, qui payerait les dommages ? Le problème de la responsabilité se pose a plusieurs niveaux30 :

29. Nous nous sommes inspirés des termes intention de garanties/garanties d'intention employés par Reynaud (1998) 30. La particularité de ces biens à valeur marchande potentiellement négative requiert un traitement spécifique, ce qui s'est traduit par la proposition d'une directive européenne de responsabilité en cas de dommages provoqués par des déchets. La loi française sur les déchets (loi n° 75-633 modifiée) considère que le producteur détenteur ou transporteur de déchets est responsable des dommages causés à autrui.

1. La responsabilité et réparation en cas d'occurrence d'un danger imprévisible - les assureurs refusent de couvrir ce qui n'est pas prévisible. 2. La difficulté de tracer l'origine réelle de la pollution ou contamination. Une des réponses à ces questions de responsabilité peut être la constitution d'un fonds d'indemnisation qui permettrait de garantir notamment les agriculteurs vis-à-vis du risque de développement. Un groupe d'acteurs s'est réuni quatre fois par an pour la mise en place de ce fonds de garantie. Il est constitué du fnccr (collectivités propriétaires de Step), de I'Apca, du fnpa, de I'amf, groupama, AXA, les exploitants de stations (Vivendi, Lyonnaise des Eaux), les ministères de l'Environnement et de l'Agriculture.

Ce projet de fonds d'indemnisation est inspiré du fonds d'indemnisation qui a été mis en place en Allemagne sur l'épandage des boues de station d'épuration. Un fonds légal a été instauré, dont les modalités d'application sont fixées par le décret allemand du 28 mai 1998. Il est entré en vigueur depuis le 1er janvier 1999 et complète les lacunes de l'ancien fonds volontaire31. Ce fonds répond à l'indemnisation de dommages non couverts par les assurances. Celles- ci assurent les producteurs de boues pour des questions de responsabilité civile : tous les dommages causés par une commune du fait du non respect du contrat et de la législation sur les boues sont couverts par les assurances. Ainsi les incertitudes résiduelles relatives à la nocivité des boues sont couvertes par le fonds. Ce fonds constitue par ailleurs

3 1 . Un fonds d'indemnisation volontaire (Fondsre- gelung bei Klarschlammverwertung) a été constitué en 1990 suite à une demande du syndicalisme agricole de garantie contre des risques échappant à la responsabilité civile. Ce dernier ne couvrait que les agriculteurs qui avaient passé des conventions avec des communes cotisant au fonds. Ainsi, seulement un tiers des boues épandues en Allemagne était couvert par ce mécanisme, au mécontentement des agriculteurs.

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un premier pas dans l'allocation des responsabilités de dommages, sans que la faute soit établie : «L'instauration d'un tel régime de responsabilité consiste à définir a priori, c'est-à-dire avant la survenance d'un dommage, la personne qui sera le cas échéant déclarée responsable, en l'espèce le producteur de boues, ceci indépendamment de toute référence à la notion de faute» (APCA, 1999). En effet, ce fonds serait constitué par une cotisation des producteurs de boues, et couvrirait tous les risques inhérents aux boues «ainsi que les dommages causés par

une substance polluante contenue dans la boue à condition que se soit produite une modification substantielle du sol ou des productions agricoles (récoltes et cultures), ou la mort d'animaux» (APCA, op. cit.). Il couvre donc le risque de développement, et règle la question de la responsabilité à travers une mutualisation des risques, prise en charge par l'ensemble des producteurs de boues. Avec ce fonds, toute victime d'un dommage lié aux boues d'épuration aura un droit de réparation auprès du fonds indépendamment du fait générateur du préjudice.

Le nouveau fonds d'indemnisation pour l'utilisation des boues urbaines

Création du fonds Entrée en vigueur le 1er janvier 1999, doté d'une personnalité juridique, géré par l'Office fédéral pour l'agriculture et l'alimentation, organisme dépendant du Ministère fédéral de l'agriculture Objet Indemniser toute victime d'un dommage lié aux boues de station d'épuration urbaines indépendamment du fait générateur du préjudice. La victime aura la possibilité de choisir entre faire valoir son droit de réparation à l'égard du fonds ou s'adresser directement au producteur de boues en engageant sa responsabilité civile. étendue de couverture Couvrir tous les dommages corporels et matériels ainsi que les dommages consécutifs résultant de l'utilisation des boues urbaines. Le fonds ne couvre pas les dommages liés aux conditions de commercialisation des productions agricoles. Ce risque est à la charge de l'agriculteur. Limites de couverture Franchise par dommage : 1 125 DM ; plafond d'indemnisation par sinistre 5 M DM. Instances décisionnelles Un comité consultatif composé de 12 membres (un représentant du ministère fédéral de l'Agriculture, un du ministère de l'Environnement ; un des Lander, deux des communes, un des autres producteurs de boues, trois de

la profession agricole, trois experts indépendants). Ce comité est chargé de conseiller l'Office fédéral pour l'agriculture et l'alimentation dans l'exécution des missions de ce fonds et devra approuver les décisions prises par celui-ci. Procédure 1) Saisine du fonds par le plaignant. 2) La charge de la preuve incombe à la victime. Recours à une expertise, aux frais de l'intéressé, afin de rechercher le lien de causalité entre le dommage et l'utilisation agricole des boues. 3) Décision de l'Office fédérale pour l'agriculture et l'alimentation, entérinée par un comité consultatif. En cas de blocage, l'instance d'appel est le Ministère Fédéral de l'Agriculture. Dotation du fonds Contribution des producteurs de boues de 20 DM/t de matière sèche de boues destinée à être épandue par an. Suspension de l'obligation de contribution dès que la dotation du fonds atteint 125 M DM et reprise dès que l'on descend en dessous de 100 M DM. En cas d'épuisement des moyens du fonds, un versement complémentaire obligatoire sera demandé à tous les producteurs qui ont utilisé la filière d'épandage en agriculture depuis l'entrée en vigueur du fonds. En tout état de cause, le montant maximal du versement complémentaire ne pourra pas dépasser 250 M DM.

Source . 1999

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Plusieurs limites peuvent être soulevées à la couverture du risque de développement par le fonds. D'abord, la constitution du fonds ne peut se baser sur des connaissances de l'occurrence et l'ampleur des dommages de ce type de risque : le fonds est constitué de façon arbitraire à partir d'une cotisation fixée par tonne de boue, et il n'est pas sûr que ce fonds puisse répondre à des dommages graves : le plafonnement d'indemnisation par sinistre ne permet pas nécessairement de couvrir des sinistres catastrophiques en cas de réalisation du risque de développement. De surcroît, la possibilité d'incriminer les boues comme la cause des dommages n'est pas facile à déterminer compte tenu de l'étendue des apports de substances sur les cultures (engrais, autres déchets. . .), et la possibilité d'un laps de temps important avant l'identification d'une substance dangereuse inconnue jusqu'alors. À titre d'exemple, pour la teneur en éléments traces métalliques dans les récoltes, il est difficile de distinguer l'origine, puisque celle-ci provient à la fois de l'apport des boues, des retombées atmosphériques et des teneurs naturelles en métaux lourds des sols (Chaussod et al, 1997). Dans ces conditions, il devient difficile de distinguer l'impact réel des boues.

De même, la contribution par tonne de boues ne permet pas un traitement équitable au niveau des risques liés à différentes boues, et n'incite pas à une meilleure qualité des boues : une boue provenant d'un réseau d'assainissement élargi (raccordement à des rejets industriels) est plus risquée, mais le producteur de boues payera la même contribution qu'une boue plus saine. Enfin, le caractère hypothétique du risque de développement, soulevé seulement pour les boues urbaines, ne va pas dans le sens d'une gestion globale des risques de la part des pouvoirs publics : un fonds couvrant uniquement le risque de développement lié à l'épandage des boues urbaines peut sembler incohérent par rapport à l'ensemble des produits «potentiellement porteurs de risques

de développement» épandus sur les terres. Les pouvoirs publics qui appuient ce fonds pourraient perdre en crédibilité en ne soutenant pas une gestion globale des risques, mais en prenant des mesures par rapport à un seul produit (les boues) sous la pression du monde agricole. Par ailleurs, le fond d'indemnisation allemand (et le projet français) ne répond pas à la possibilité de refus du secteur agro-alimentaire des produits agricoles cultivés sur des terres ayant reçu des boues : les dommages immatériels liés aux conditions de commercialisation des productions agricoles ne sont pas couverts. Ainsi l'incertitude sur le comportement des autres acteurs du marché (confrontés à l'incertitude qualitative partagée) n'est pas suffisamment réduite pour permettre la coordination marchande.

Conclusion

La proposition d'une nouvelle catégorie de biens, les biens controversés, découle de l'omission de la littérature de prendre en compte une méconnaissance partagée des acteurs sur les caractéristiques d'un produit, à savoir dans notre cas les répercussions environnementales et sanitaires d'un bien. Nous avons traité d'une configuration spécifique de marché de biens controversés, dans lequel les incertitudes résiduelles sur la nocivité d'un bien sont mises en avant par les différents acteurs, et peuvent amener à un effondrement du marché qui n'est pas souhaitable en termes de bien-être collectif. Afin d'éviter cette disparition du marché, des mécanismes peuvent être mis en place pour permettre une coordination du marché. Il ne s'agit plus de réduire une asymétrie d'information à travers des signaux, mais de réunir les différents acteurs pour permettre un accord sur les incertitudes, et une allocation des responsabilités des différents acteurs. L'exemple empirique choisi du marché d'épandage de boues de Step permet de mettre en exergue l'impact des controverses

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sur la nocivité des boues, et la mise en place d'un comité cherchant à canaliser les controverses, ainsi que le projet d'un fonds inspiré de l'exemple allemand. Ce dernier constitue un exemple intéressant de couverture des incertitudes résiduelles liées à la nocivité des boues (incluant le risque de développement), qui répond à la question de la responsabilité à travers une mutualisation des risques, prise en charge par l'ensemble des producteurs de boues. Ces mécanismes ne sont cependant pas des garanties sans faille de la pérennité du marché : une

vention sur la sécurité d'un bien reste fragile vis-à-vis des positionnements des acteurs (normes privées des Iaa...), et des recherches scientifiques qui peuvent mettre en lumière des éléments sur la nocivité du bien remettant en cause le bien-fondé du marché.

L'auteur remercie O. Godard et T. Hommel, les quatre lecteurs anonymes de la revue pour leurs critiques enrichissantes, ainsi que C. Renard et J-N. Terrible de I'apca, Assemblée permanente des Chambres d'agriculture, pour les renseignements et documents concernant le fonds d'indemnisation.

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