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Myriam Borbé Shamanisme, phénoménologie et méditation 1
Shamanisme, phénoménologie et méditation : Le shamanisme, une piste de réflexion par rapport à notre rapport au monde ?
Myriam Borbé
Cet article vise à montrer que le rapport au monde propre au shamanisme questionne le rapport au
monde de nos sociétés modernes, post-industrielles, mais offre peut-être aussi une piste de
réflexion intéressante pour envisager celui-ci différemment.
A propos de shamanisme – de quoi parle-t-on au juste
Certains auteurs sont réticents à utiliser le mot « shamanisme », dans la mesure où celui-ci pourrait
laisser supposer qu’il s’agirait d’une tradition religieuse structurée, organisée de manière doctrinale
autour d’un dogme. Ce qui n’est évidemment pas le cas. Le shamanisme se caractérise avant tout
par un rôle social particulier, endossé par certains individus au sein d’un groupe, les shamans
assumant une fonction d’intermédiaires entre leur communauté et les autres occupants du lieu, afin
d’assurer l’équilibre des échanges entre communautés humaine et autres qu’humaine. Il se
caractérise également par un ensemble de pratiques religieuses, parmi lesquelles l’accès volontaire
et contrôlé à des états de conscience modifiés, permettant au shaman de s’entretenir et de négocier
avec les autres protagonistes du lieu. Ces pratiques religieuses sont inséparables de ce rôle
d’intermédiaire, et ces deux aspects s’inscrivent nécessairement dans une vision du monde selon
laquelle toute chose est dotée d’une essence consciente et selon laquelle il y a interdépendance
entre tous les êtres.
S’il ne s’agit pas d’une religion formelle, les recherches comparatives de Winkelman montrent par
ailleurs qu’il ne s’agit pas non plus formes religieuses culturellement arbitraires, mais que le
shamanisme constitue un universel social, dont les praticiens de différentes sociétés à travers le
monde constituent des exemples différents de même nature.
Spécificités du shaman
Plus qu’un guérisseur, le shaman est donc avant tout « un médiateur qui chevauche les frontières »,
« celui qui voit, celui qui sait, celui qui peut »1. Ce rôle de médiateur le différencie des sorciers, qui
eux, gèrent l’infortune et la traitent (bien qu’il arrive qu’un shaman soit également un sorcier). Les
shamans se distinguent également des médiums en ce que les transes de ces derniers sont plutôt de
l’ordre de la possession (non-contrôlée) alors que la transe shamanique implique un accès volontaire
1 Michel PERRIN, Le Chamanisme, Paris, PUF, 1995.
Myriam Borbé Shamanisme, phénoménologie et méditation 2
et sous contrôle à un état de conscience modifié. Un shaman est généralement aussi un guérisseur,
mais cet aspect est secondaire par rapport à son rôle de médiateur.
Abram fait remarquer que ces intermédiaires sont souvent des personnes dotées d’une sensibilité
exacerbée, trop développée pour se sentir à l’aise dans le tumulte de la société (ce qui explique leur
choix de vivre à l’écart du groupe dans la plupart des cas). C’est justement cette sensibilité
particulière qui leur permet d’entrer en contact avec d’autres espèces (même si les autres membres
du groupe sont également sensibles à ces présences auxquelles, nous, nous avons perdu l’habitude
de prêter attention).
“Dans une certaine mesure, chaque adulte dans la communauté est impliqué dans le processus d’écoute et d’harmonisation aux autres présences qui entourent et influencent le quotidien. Mais le shaman est un voyageur exemplaire dans le domaine intermédiaire entre les mondes humain et plus-qu’-humains, le principal stratège et négociateur dans toute transaction avec les Autres.»2
Comme mentionné plus haut, leur rôle consiste donc à négocier avec les autres occupants du lieu,
afin de maintenir l’équilibre des échanges entre communautés humaine et autres qu’humaine, c’est-
à-dire, d’assurer que la communauté humaine donne suffisamment en retour de ce qu’elle reçoit et
consomme (et qu’elle ne consomme pas plus que ce qui lui est nécessaire). Par ces contacts
réguliers, ils entretiennent aussi d’une certaine manière la perméabilité de la frontière entre mondes
humain et non-humain.
Oublier l’idée de sur-naturel
Interpréter le shamanisme et ses pratiques comme se rapportant à des représentations
surnaturelles ou considérer cette vision du monde animiste comme de la naïveté superstitieuse
vient en réalité d’une erreur d’interprétation, liée à notre culture encore très imprégnée de notion
de transcendance et de dualisme entre matière et esprit. Pour Abram, la « magie » propre au
shaman consiste en réalité en une réceptivité accrue aux sollicitations des autres espèces.
Le terme « esprit » est encore régulièrement utilisé dans la littérature consacrée au shamanisme.
C’est un mot qui continue d’induire des idées fausses en ce qu’il entretient justement cette
impression de dualité entre matière et esprit. Vitebsky souligne que par « esprit » il faut comprendre
tant « la nature réelle des choses », leur essence, que leur conscience ou leur âme, leur être
profond.
« On peut concevoir l’esprit d’un objet comme sa puissance essentielle d’être. Sans esprit, l’objet occupe un certain espace et pèse un certain poids, mais n’a ni sens ni existence
2 David ABRAM, The Spell of the Sensuous, New York, Vintage Books Edition, 1997 (first edition: New York, Pantheon Books, 1996), p.7
Myriam Borbé Shamanisme, phénoménologie et méditation 3
réelle. Quand l’objet est investit d’un inua [âme], il devient un élément de la nature dont nous sommes conscients. »3
Lorsqu’on parle « d’esprit », de « monde autre » ou « invisible », il ne s’agit pas d’une réalité
extérieure, séparée, mais de la véritable nature des choses au-delà des apparences. Celle-ci n’est pas
immédiatement visible ou accessible, mais perceptible tout de même, partiellement au moins, si l’on
y prête attention. Perrin reconnait d’ailleurs que cette distinction (visible-invisible) correspond
d’avantage à un besoin d’interprétation qu’à une séparation entre deux ordres de réalité. Il s’agit
d’un aspect de la réalité qui occupe le même espace que nous, mais est plus accessible à certains,
ayant développé une sensibilité particulière.
« Lorsqu’on dit qu’un chamane se déplace librement d’un monde à l’autre, on ne fait que dire qu’il ou elle est capable de percevoir l’autre réalité en comprenant comment elle affecte la réalité habituelle. »4
Ni les techniques utilisées, ni ce avec quoi (ceux avec qui) traitent les shamans ne doit être vu
comme « sur-naturel ». Au contraire, tant les techniques utilisées que les interlocuteurs autres
qu’humains que concerte le shaman font partie intégrante de la nature et de la réalité quotidienne.
Comme le montre Winkelman, les états de conscience modifiés des extases shamaniques sont
également parfaitement communs et naturels et s’apparentent à d’autres états de conscience
modifiés tels que l’on retrouve dans l’hypnose ou la méditation. Winkelman classe ces états de
conscience modifiés sous le terme de « modes de conscience intégratifs », ceux-ci se caractérisant
biologiquement par un ralentissement des ondes cérébrales, qui sont alors plus synchronisées et
plus cohérentes. En ce qui concerne les techniques de guérison, Lévi-Strauss montre à quels points
celles-ci s’apparentent à une « manipulation psychologique de l’organe malade »5, à mi-chemin
entre médecine organique et thérapies psychologiques. En effet, Lévi-Strauss montre comment elles
appliquent à un trouble organique une méthode très voisine des thérapeutiques psychologiques
(psychanalytiques notamment). Abram parle quant à lui de techniques pratiques visant à
déverrouiller et activer des processus parfaitement naturels. Selon Perrin, la réalité sociale de ces
pratiques ne fait aucun doute, dans la mesure où elles produisent incontestablement des effets sur
la société, le bien-être, le mal-être, la maladie ou la guérison.
Les pratiques shamaniques sont inséparables de la vision du monde des sociétés dans lesquelles
elles s’inscrivent. Et c’est d’ailleurs de cette compréhension du monde et de la façon de
l’appréhender que découlent les pouvoirs du shaman. La capacité de pouvoir communiquer avec
3 Daniel MERKUR, Powers Which We Do Not Know: The Gods and Spirits of the Inuit, Univ of Idaho Pr Editions, 1991. p.26-27, cité dans Piers VITEBSKY, Les Chamanes, Duncan Baird Publishers, 2001p.18 4 Piers VITEBSKY, Les Chamanes, Duncan Baird Publishers, 2001, pp.20-21 5 Claude LEVI_STRAUSS, Anthropologie Structurale, Paris, Plon, 1974, p.219
Myriam Borbé Shamanisme, phénoménologie et méditation 4
d’autres formes de sensibilités est liée à la conviction que la perception est réciproque : c’est-à-dire
que tout ce qui est perçu perçoit également, à sa manière, et possède donc une intelligence
spécifique. C’est précisément cette compréhension du monde qui nous intéresse dans le cadre de
cet article et c’est sur base de cette conception de perception réciproque que cet article propose
d’interroger notre propre rapport au monde.
Conception du monde dans laquelle s’inscrit le shamanisme
« […] ce que nous appelons « magie » prend son sens du fait que les humains, dans un contexte indigène et oral, font l’expérience de leur propre conscience comme simplement une forme de conscience parmi d’autres. Le magicien traditionnel cultive une capacité de sortir de son état de conscience commun précisément dans le but d’entrer en contact avec d’autres formes organiques de sensibilité et de connaissance avec laquelle l’existence humaine est entrelacée. C’est seulement en perdant temporairement la logique perceptuelle de sa culture que le sorcier peut espérer entrer en relation avec d’autres espèces selon leurs propres termes ; ce n’est qu’en altérant l’organisation ordinaire de ses sens qu’il sera capable d’entrer dans un rapport avec les sensibilités non-humaines multiples qui animent l’espace local. »6
David Abram identifie parmi diverses traditions orales des caractéristiques communes définissant
leur compréhension du monde. Il y a d’abord le fait que la perception est vécue comme un échange
entre soi et ce que l’on perçoit. Le fait que chaque présence soit ressentie comme possédant son
propre dynamisme, son propre pouvoir d’action : chaque présence est perçue comme expressive à
sa façon.
Il y a ensuite la conviction que le monde s’articule dans une histoire, s’inscrivant dans une
temporalité cyclique. Pour le dire autrement, il s’agit d’une conviction que nos vies sont impliquées
dans une psyché, une imagination, collective plus large, qui n’est pas premièrement la nôtre mais
celle du monde, et que chaque entité participe à ce savoir, cette conscience, selon ses
prédispositions. Dans cette vision du monde, nous sommes tous les protagonistes d’une histoire
commune, que l’on soit humain, animal, végétal ou minéral. Chaque lieu est ainsi chargé, empreint,
d’un esprit particulier, d’une âme, constituée par l’ensemble des êtres qui l’occupent.
L’intelligence est donc perçue comme étant à la fois globale, mais aussi singulière et plurielle. Le
savoir est toujours nécessairement issu d’un point de vue particulier, situé et partiel, et la psyché
d’un lieu toujours résultante de la pluralité des êtres qui le constituent. De cela découle le caractère
local du savoir, le shaman détenant son savoir de l’intelligence plurielle, constituée par les êtres du
lieu avec lesquelles il s’entretient. Il y a donc cette conscience que notre point de vue est toujours
local et partiel et que tout savoir est toujours voilé d’incertitude et de mystère.
6 David ABRAM, The Spell of the Sensuous, New York, Vintage Books Edition, 1997 (first edition: New York, Pantheon Books, 1996), p.9
Myriam Borbé Shamanisme, phénoménologie et méditation 5
Penser avec son corps
Pour David Abram, l’une des raisons pour lesquelles les occidentaux ont tendance à considérer la
vision animiste comme naïve et superstitieuse est que nous ne voyons pas que cette pensée part
d’une vision complètement différente de ce qu’est le langage et de ce à quoi sert la pensée.
Dans nos sociétés, nous avons pris l’habitude d’envisager la pensée comme purement localisée dans
nos têtes et à considérer le langage comme proprement humain, parce que nous l’envisageons
uniquement dans sa forme verbale. Dans les cultures animistes, on considère par contre que la
pensée n’est pas située en nous mais que c’est nous qui sommes immergés dans une pensée plus
vaste, où chaque créature s’exprime à sa propre manière, la parole humaine faisant ainsi partie
d’une conversation plus large. En d’autre terme, que nous faisons partie d’un champ d’intelligence
plus large auquel nous participons.
En ce qui concerne le langage humain, il est reconnu que le langage verbal ne représente qu’un petit
pourcentage de ce qui entre jeu dans la communication et l’on parle d’ailleurs justement de langage
corporel. “Car le corps, dans son silence, est déjà expressif.”7 Il faut considérer le fait que le corps
soit non seulement expressif mais que d’une certaine manière, tout le corps est impliqué dans la
pensée, dans la compréhension et dans la mémoire, au travers de nos sensations et de la perception
de manière générale. Abram suggère que les animaux, sans doute plus que nous encore, pensent
avec tout leur corps et il défend l’idée que c’est au travers de la convergence de nos sens que nous
pouvons ressentir ce qui se trame pour des individus d’autres espèces.
Reconnaitre l’expressivité autre qu’humaine
« Asseyons-nous tous ici, dans la prairie ouverte, où nous ne voyons ni route ni clôture. Asseyons-nous sans couverture afin de sentir le sol avec nos corps, la terre, les arbustes chargés de fruits. Prenons l'herbe comme matelas, laissons-nous toucher par son tranchant et sa douceur. Laissons-nous devenir comme des pierres, des plantes et des arbres. Laissons-nous être des animaux, penser et sentir comme des animaux.
Ecoutez l'air. Vous pouvez l'entendre, le ressentir, sentir son odeur, le goûter. […] nous sommes assis ensemble, sans nous toucher, mais quelque chose est là ; nous le sentons entre nous, comme une présence. Une bonne façon de commencer à réfléchir sur la nature, en parler. Parlez-lui plutôt, parlez aux rivières, aux lacs, aux vents comme s’ils étaient vos proches. » 8
Dans les cultures animistes, on ne parle pas de la nature, des éléments, des animaux ou des plantes,
comme s’ils n’étaient pas vraiment présents, on leur parle. C’est ce que nous invite à faire Lame
Deer. David Abram observe que le fait même de parler des choses comme étant inanimées revient à
7 David ABRAM, Becoming Animal – An Earthly Cosmology, Pantheon Books, New York, 2010, p.269 8 John (Fire) LAME DEER, Richard ERDOES, Lame Deer, Seeker of Visions, New York, Simon and Schuster, 1994 (1972) p. 119
Myriam Borbé Shamanisme, phénoménologie et méditation 6
leur retirer la possibilité d’interagir, dans la mesure où nous ne sommes alors plus réceptifs à leur
expressivité, à leur mode d’interaction. Le fait de les considérer comme inanimées, de les regarder,
de les décrire comme telles, bloque en réalité leur capacité à répondre à l’attention qu’on leur
porte.
Et si, au lieu d’une nature inerte, la nature avait simplement cessé de s’adresser à nous parce que
nous avons cessé de nous adresser à elle et de l’écouter ? Et si, nous avions même fait pire que cela :
et si nous l’avions purement et simplement bâillonnée, et si nous lui avions simplement retiré la
capacité de s’exprimer de par notre regard et notre discours sur elle ?
Vers un modèle différent de la connaissance
« Selon notre définition d’un bon enseignement, les étudiants sont formés à penser analytiquement. Apprendre des fragments d’analyse en sujets distincts encourage la spécialisation étroite dans un domaine unique. Dans la culture Amérindienne, par contre, ils étudient les interconnections de l’écosystème dans son ensemble. « Voir de manière sacrée » c’est percevoir les liens inter-espèces. Le mot « prière » en Lakota est « wacekiye », qui signifie « demander une relation avec » ou « chercher une connexion à ». Pour les Lakota, le cosmos est une famille. Pour bien vivre dans le cosmos, on doit assumer la responsabilité de chaque chose avec laquelle on partage l’univers. Il y a des obligations familiale envers l’eau, les plantes, les minéraux. Le moindre dommage causé à ces parents a un effet dévastateur sur l’écosystème. Ils surveillent donc attentivement leur milieu pour le moindre changement dans leur environnement. Le plus petit indice suffit comme mise en garde d’un éco-cataclysme.
Nous avons été rendu aveugles à ces signes subtils du fait qu’on nous ait enseigné que la matière était morte et inerte. La considérer comme inanimée la rend disponible pour l’exploitation en tant que ressource. »9
Notre croyance en une compréhension objective de la nature repose sur l’idée qu’on puisse se
placer en observateur externe, comme un esprit désincarné ou comme un spectateur regardant un
modèle virtuel. Or cette position scientifique de l’observateur externe est en réalité une fiction, on
est toujours nécessairement partie prenante à ce que l’on observe. Il s’agit d’une fiction utile certes,
le scientifique fait « comme s’il » pouvait prendre cette position, mais ça n’en reste pas moins une
fiction, ce que nous avons parfois tendance à oublier. Toute connaissance trouve sa source dans nos
interactions physiques, sensorielles et émotionnelles avec le monde. Autrement dit, pas de
connaissance sans corps pour percevoir. Il n’y a jamais de connaissance proprement objective donc,
l’observateur est toujours impliqué dans ce qu’il étudie, toute connaissance étant basée sur la
perception et toute perception engageant l’organisme humain et ses différents sens.
C’est ce que souligne la phénoménologie, Husserl montrant notamment comment les techniques
sont et doivent rester enracinées dans l’expérience sentie. La phénoménologie affirme que la
9 Dr. Ruth ROSENBERG in John (Fire) LAME DEER, Richard ERDOES, Lame Deer, Seeker of Visions, New York, Simon and Schuster, 1994 (1972)., Introduction, pp. xiv-xv
Myriam Borbé Shamanisme, phénoménologie et méditation 7
connaissance s’incarne nécessairement dans une science concrète ou « empirique », et tente de
comprendre où prend appui cette connaissance scientifique, afin d’en consolider la base. Husserl
souligne d’ailleurs ce paradoxe : les sciences dites objectives méprisent l’expérience individuelle
alors que l’expérience individuelle constitue le socle même de toute connaissance.
Les shamans se placent totalement dans la perspective inverse : au lieu de vouloir s’extraire de
l’expérience singulière, charnelle, limitée, comme le cherchent les sciences dites objectives, le
shaman l’assume complètement. Le shaman intègre à sa propre perception la manière singulière de
percevoir d’un animal donné, dont il se sera imprégné par l’observation (non pas objective mais
empathique), par projection mentale (Abram décrit comment un shaman lui apprenait à projeter
mentalement ses propres sens dans le corps d’un corbeau) et par mimisme. C’est notamment en
mimant l’animal dans la danse que le shaman s’immerge dans son ressenti, la danse étant la façon la
plus viscérale de se sentir dans le corps de l’autre et de goûter à son expérience, et ainsi d’entrer
dans son intelligence, sa compréhension du monde. C’est donc avec tout son corps, son ressenti, ses
émotions que le shaman s’imprègne de cette « seconde peau ». Abram suggère que l’ajout d’un
ressenti animal à son propre ressenti lui offre une perception comme « stéréoscopique » du son
environnement direct. On en revient ici à l’idée de penser avec tout son corps (ou, dit autrement, le
fait que le corps entier soit impliqué dans la compréhension et la pensée), et à l’acquisition de la
connaissance au travers de celui-ci.
En bref, la pensée moderne vise une connaissance objective (comme désincarnée) et analytique, qui
fragmente en sujets distincts. La pensée shamanique vise au contraire à voir ce qui lie les choses
entre elles, tout en assumant le point de vue incarné et local de la connaissance.
« Nous, les Sioux, passons beaucoup de temps à penser aux choses du quotidien, qui dans notre esprit sont mêlées au spirituel. […] Nous voyons beaucoup de choses que vous ne remarquez plus. Vous pourriez les remarquer si vous le vouliez, mais vous êtes généralement trop occupés. Nous les Indiens vivons dans un monde de symboles et d’images ou le spirituel et l’ordinaire sont un. Pour vous les symboles sont juste des mots dits ou écrits dans un livre. Pour nous, ils font partie de la nature, partie de nous-mêmes – la terre, le soleil, le vent et la pluie, les pierres, les arbres, les animaux, même les petits insectes comme les fourmis et les sauterelles. Nous essayons de les comprendre non pas avec notre tête, mais avec le cœur, et il nous suffit d’un indice pour nous donner une signification. »10
Et si, c’était nous, les modernes, qui étions devenus sourds et aveugles aux sollicitations de tout ce
qui est autre qu’humain ?
10 John (Fire) LAME DEER, Richard ERDOES, Lame Deer, Seeker of Visions, New York, Simon and Schuster, 1994 (1972), pp. 107-108
Myriam Borbé Shamanisme, phénoménologie et méditation 8
Shamanisme et phénoménologie
La phénoménologie est la tradition philosophique ayant à la fois le plus remis en question la
présupposition d’une réalité univoque et prédéterminée, et initié tout un mouvement de pensée
renouant avec le sensible. Ce que je voudrais mettre en avant ci-après, c’est que la phénoménologie,
de par sa méthode et sa façon d’envisager la connaissance, nous offre un éclairage permettant de
réconcilier notre pensée moderne avec bon nombres d’aspects du rapport au monde propre aux
sociétés shamaniques.
D’une connaissance à visée objective à une connaissance intersubjective
La phénoménologie nous intéresse d’abord dans sa manière d’aborder la connaissance et dans la
mesure où elle remet en question la position de l’observateur externe comme modèle d’accès à la
connaissance : en effet, la phénoménologie souligne le fait que l’on est toujours partie prenante
dans le processus d’élaboration de la connaissance étant donné que ce processus se fonde toujours
sur la perception, donc via des organes perceptifs et un point de vue nécessairement local et limité.
Husserl cherche à consolider les fondements de la connaissance scientifique en interrogeant l’origine
de la connaissance elle-même. Pour Husserl, la seule connaissance possible est une connaissance
qui émerge de notre expérience vécue, venant donc d’un point de vue particulier. Il propose une
science de l’expérience, prônant un retour à l’expérience directe, précédant toute connaissance. Or,
l’expérience n’est possible qu’au travers d’un corps. Chaque corps sentant est un centre
d’expérience et de perception, et ce sont nos échanges avec d’autres centres de perception qui nous
permettent de nous assurer que ce que nous percevons existe indépendamment de notre présence,
ce qui nous garantit une certaine stabilité du monde.
L’opposition traditionnelle entre réalité subjective et objective peut alors être recadrée en
phénomènes subjectifs et intersubjectifs : les phénomènes pouvant être modifiés mentalement à
loisir par notre imagination et ne pouvant pas être perçus par d’autres étant des phénomènes
subjectifs ; ceux ne pouvant pas être modifié mentalement et dont l’expérience peut être faite par
d’autres étant des phénomènes intersubjectifs. La recherche d’objectivité peut alors être conçue
comme la recherche d’un consensus entre la pluralité des sujets, plutôt qu’une tentative d’éviter la
subjectivité elle-même. Le supposé monde « réel » des sciences objectives n’est plus un objet
donné, fini, mais le champ collectif d’expérience, vécu au travers de multiples angles différents. Dans
l’œuvre de Husserl, la notion même de sujet donateur de sens (par rapport à un objet perçu) évolue
et sera réévalué en sujet exposé et affecté.
Pour David Abram, le génie de Husserl consiste à avoir réalisé que la présupposition d’objectivité
avait conduit à une éclipse presque complète du monde vécu et que cela avait conduit à un
Myriam Borbé Shamanisme, phénoménologie et méditation 9
appauvrissement du langage, à la perte d’un discours en mesure de rendre compte des nuances
qualitatives de l’expérience vivante et, ultimement, à une crise profonde de la civilisation
européenne.
Par ailleurs, les pragmatistes mettent en avant le fait que l’expérience n’est jamais neutre (comme le
voudrait l’approche scientifique classique) dans le sens où toute expérience est nécessairement
colorée et orientée par nos goûts, nos intérêts, nos choix, nos aspirations. Ainsi, pour William James,
il n’y a pas de vérité absolue, mais toujours des vérités situées, dépendante du contexte.
Merleau-Ponty, quant à lui, soulignera particulièrement la vertu transformative de la perception (le
fait que percevoir transforme aussi celui qui perçoit), ainsi que son caractère réciproque (celui qui
perçoit est également perçu), la transformation est donc plurielle. Il ne s’agit alors non plus d’une
relation unidirectionnelle de sujet percevant à objet perçu mais d’une relation pluridirectionnelle où
différents acteurs se perçoivent et donc se transforment, s’affectent, mutuellement. Ni celui qui
perçoit, ni celui qui est perçu n’est tout à fait passif dans l’événement de la perception : il s’agit
d’une sorte de conversation silencieuse ou les limites corporelles opèrent comme des membranes
poreuses permettant l’échange et la métamorphose, une synchronisation de rythme, de tonalité, de
texture, une « invasion » réciproque où la chose perçue n’est plus passive, mais prend « possession »
de celui qui perçoit dans une rencontre réciproque altérant tous les protagonistes.
Il défend ainsi l’idée que reconnaître l’expérience physique comme source de pensée et de
connaissance remet en question la distinction de l’intellect humain par rapport aux autres espèces :
si l’expérience physique est la source de la pensée et de la connaissance, alors nous nous trouvons
parmi, plutôt qu’au-dessus de la diversité des formes sensibles, chacune disposant d’une
intelligence, d’une appréhension du monde correspondant aux modes de perception qui lui sont
propre et de traitement de celle-ci. Pour Merleau-Ponty, toute la créativité que nous en sommes
venus à associer à l’intellect humain serait en fait une récapitulation d’une créativité plus profonde,
déjà mise en œuvre au niveau de perception sensorielle le plus immédiat. Le corps sentant lui-
même est donc à voir comme une forme active et ouverte, improvisant continuellement ses
relations avec le monde.
Vers une attention ouverte à l’expérience en train de se vivre
La phénoménologie nous intéresse également de par sa méthode, sa démarche d’attention à
l’expérience perceptive en train de se faire. La méthode phénoménologique propose dans un
premier temps de détourner son attention de ce que l’on observe, pour la porter sur l’expérience de
perception, en essayant de suspendre provisoirement toute connaissance, préjugés, ou idées que
l’on projette sur ce qui est observé. Il s’agit de sortir du « cela va de soi ». En résulte une attitude
Myriam Borbé Shamanisme, phénoménologie et méditation 10
d’ouverture particulière à ce à quoi nous ne sommes pas d’ordinaire attentifs : au non-encore-
connu, à ce à quoi nous n’avions jamais prêté attention ou ce à quoi nous n’avions pas l’habitude de
prêter attention. Cette attention particulière nous permet de découvrir le monde autrement, en
sortant de nos habitudes perceptuelles, de devenir réceptif à ce que l’on ne s’attendait pas à voir, à
percevoir. Cette attitude d’attention est peut-être la clef pour redécouvrir ce à quoi nous n’étions
plus attentifs dans nos sociétés modernes : l’interaction entre les êtres.
Depraz comme Abram font remarquer que l’être humain possède naturellement cet ouverture : le
nouveau-né, comme le fœtus, est tout entier tourné vers l’autre. Ce sont la culture et l’éducation qui
induisent un conditionnement, nous détournant de cette vitalité première pour nous enfermer en
nous-même. Mais bien qu’une telle réceptivité nous soit donnée, elle demande pourtant à être
instruite et cultivée.
On considère généralement que l’enfant projette sa propre conscience sur le monde qui l’entoure,
présupposant que tout possède comme lui une conscience. Abram suggère à l’inverse que l’enfant
perçoit autour de lui de la conscience, en corrélat avec celle qu’il ressent à l’intérieur. Avec
l’acquisition du langage, on lui apprend que seuls les humains sont doués de conscience. Cela va à
l’encontre de son ressenti, mais il va progressivement se couper de ce ressenti et l’oublier, pour
adhérer au discours qu’on lui tient. Le corps, lui, se souvient et il est toujours possible de renouer
avec ce ressenti primordial.
Depraz propose une phénoménologie de l’attention au quotidien, insistant sur une qualité de
présence à soi qui nous rend tout entier disponibles à ce qui arrive et à la présence des autres. Elle
souligne les limites de l’intentionnalité (le fait que toute conscience soit conscience de quelque
chose) qui reste objectivante, dans la mesure où il est toujours question d’une relation individuelle
entre un sujet percevant et un objet perçu. Depraz propose plutôt une relation à l’espace dans son
ensemble : une relation qui ne soit pas ciblée sur un objet spécifique mais qui touche à « l’intensité
vibratoire » qui relie les être les uns aux autres. Ainsi plutôt que de considérer chaque sujet comme
un membre ou une partie d’un ensemble, elle invite à porter son attention à l’expérience de la
« coparticipation des êtres présents comme une sensibilité diffuse » et de voir chaque relation
spécifique comme n’étant jamais isolée des autres. Elle insiste enfin sur une attention aux petits
événements du quotidien et redécouvrir ceux-ci dans une attention renouvelée à leur singularité.
Cette attention est une aptitude qui se cultive. C’est là que peut intervenir, nous allons le montrer, la
pratique de la méditation, comme entraînement à cette attitude d’attention sans préjugé.
Myriam Borbé Shamanisme, phénoménologie et méditation 11
La méditation comme entrainement de l’attention
Depraz voit dans la méditation bouddhiste un lieu remarquable pour la recherche
phénoménologique, dans l’attention portée à la nature de l’expérience en train de se vivre et l’acuité
descriptive de cette expérience par les méditants. Elle souligne aussi comment l’expérience
méditative tend vers une réconciliation de l’organique et du mental, du corporel et du spirituel, de
manière individuelle d’abord, puis étendue au monde dans sa dimension trans-personnelle.
Comme le montre l’article de David Germano et Gregory Hillis11, la méditation bouddhiste est
plurielle. Elle recouvre plusieurs formes et différents niveaux de pratiques, avec des variations selon
les traditions, entre bouddhisme tibétain, bouddhisme japonais et bouddhisme chinois notamment.
Cependant, on y retrouve de manière générale des pratiques de bases visant à la stabilisation du flux
des pensées et à l’ouverture d’un espace de calme permettant la construction d’une capacité à la
concentration de longue durée. Cet état de calme durable libère un espace mental permettant de
saisir dans une perception incisive une compréhension (non pas conceptuelle mais intuitive) de
l’impermanence du monde, c’est-à-dire de l’impermanence de la notion de soi, des autres ou de
tout phénomène, ainsi que de leur interdépendance.
Cette notion d’impermanence et d’interdépendance est parfois illustrée par l’analogie du chariot et
de ses parties (il n’y a pas de chariot autre que ses parties, il n’y a pas de chariot équivalent à ses
parties, il n’y a pas de chariot possédant ses parties de manière intrinsèque, il n’y a pas de chariot
qui dépende de ses parties de manière intrinsèque, il n’y a pas de chariot duquel dépendrait ses
parties de manière intrinsèque, il n’y pas de chariot qui serait un simple agrégat de ses parties, il n’y
a pas de chariot qui se réduirait à la forme de ses parties). Cette analogie est applicable à toute
chose : au soi comme à n’importe quel phénomène.
Pour faire comprendre cette notion d’interdépendance qu’elle définit comme coparticipation,
Depraz utilise une autre analogie : celle d’une chorale où les différentes voix et groupes de voix
s’accordent et s’harmonisent. Une chorale consiste en une communauté de partage où chacun est
coparticipant de la totalité tout en étant situé et inscrit à sa place, en d’autres termes un « être
ensemble » co-relationnel et dynamique.
De cette virtualité du soi et de cette interdépendance des êtres et des choses découlent l’idée de
compassion et donc des pratiques méditatives visant à cultiver celle-ci (par la visualisation
11 GERMANO, David, HILLIS, Gregory A., “Buddhist Meditation”, in Encyclopaedia of Religion, Second Edition, Vol.2, Thompson Gale, 2005
Myriam Borbé Shamanisme, phénoménologie et méditation 12
notamment). Ces pratiques ont pour but de dissoudre la perception de limite entre soi et l’autre,
afin de ressentir émotionnellement et viscéralement cette interdépendance entre les êtres.
Les pratiques méditatives bouddhistes entrainent également les pratiquants à développer une
attention extrêmement pénétrante de sensations corporelles subtiles. La méditation ne déconnecte
pas du corps mais ancre profondément le pratiquant dans sa corporalité et dans le moment présent.
C’est d’ailleurs sur cet aspect que se concentre la pratique de la Pleine Conscience, développée par
Kabat-Zinn dans les années 80. La méditation de Pleine Conscience s’approche beaucoup d’une
observation phénoménologique de l’expérience vécue (même si le but de l’une et de l’autre est
évidemment différent). Kabat-Zinn définit la Pleine Conscience comme un état de conscience qui
émerge du fait de porter son attention, de manière intentionnelle, au moment présent, sans juger,
sur l’expérience qui se déploie moment après moment.12
Il s’agit d’observer avec curiosité et sans volonté de les modifier ou de les éviter, les différents
aspects de l’expérience qui se déploie. En d’autres termes, il s’agit d’un accueil intentionnel et
attentif de l’expérience du moment présent, quelle qu’elle soit. Il s’agit littéralement d’un
entrainement de l’attention.
La méditation offre donc un entrainement menant tant à une qualité attentionnelle aiguë, portée
sur l’expérience en train de se vivre ici-maintenant, qu’à une qualité de présence à l’autre (y compris
l’autre qu’humain) et cela dans le quotidien. La pratique de la méditation peut ainsi nous permettre
de renouer avec cette sensibilité perdue, en nous réapprenant à renouer avec nos sensations et nos
émotions, en nous réapprenant à comprendre avec le corps et en nous offrant une attitude
d’ouverture à l’autre via l’empathie et l’émotion Elle peut nous offrir en outre une compréhension
intuitive et émotionnelle de l’interrelation entre les êtres. Il devient alors possible de développer un
« sentir communautaire » comme le suggère Drepraz (dans une communauté élargie au non-
humain), « un partage fondé sur notre savoir corporel et émotionnel».13
Conclusion
Nous avons donc vu que le shamanisme nous invitait à reconnaître l’expressivité des autres espèces,
que nous avions oubliée, à redécouvrir que nous vivons dans une intelligence et une conscience plus
vaste que l’intelligence et la conscience humaine, à redécouvrir que nous sommes tous liés, humains
12 J. KABAT-ZINN, “Mindfulness-based intervention in context : Past, present and future”, in Clinical Psychology : Science and Practice, 10, (2003), p.145. 13 Nathalie DEPRAZ, Comprendre la phénoménologie – Une pratique concrète, Armand Colin, Paris, 2006, p.94
Myriam Borbé Shamanisme, phénoménologie et méditation 13
et autre qu’humains, et à rouvrir cet espace d’échange pour être à nouveau à l’écoute de ce que les
« autres » ont à nous dire.
La phénoménologie nous permet de porter un nouveau regard sur la façon dont le shamanisme
aborde le monde, de réconcilier pensée shamanique et pensée moderne. La phénoménologie
souligne aussi ce que la croyance en la possibilité d’une science absolument objective nous a fait
oublier, à savoir que toute connaissance passe d’abord par l’expérience perceptuelle, sensible, c’est-
à-dire par le corps. L’intelligence ne se limite alors plus à l’humain mais s’étend à tout ce qui perçoit,
et dans tout ce réseau de perception mutuelle les êtres s’affectent mutuellement, échangent.
La phénoménologie par sa méthode nous invite à une qualité attentionnelle, suspendant
provisoirement tout jugement, afin de pouvoir accueillir pleinement l’expérience en train de se faire
sous tous ces aspects. Cette qualité attentionnelle est justement ce qui pourrait nous permettre de
réapprendre à percevoir l’expressivité de ce qui est autre qu’humain, comme nous enjoint à le faire
Lame Deer.
C’est là qu’intervient la méditation, en ce qu’elle nous offre les outils sur pour développer cette
qualité attentionnelle particulière, et cette sensibilité perdue.
Il ne s’agit pas d’une exhortation pour que chacun de nous devienne un « shaman. Il ne s’agit pas
non plus de renoncer à la pensée moderne. Il s’agit plutôt d’une piste pour renouer avec une
sensibilité, une réceptivité, que nous semblons avoir perdue et de la développer pour une plus
grande richesse dans nos relations aux autres (aux autres humains mais aussi aux autres espèces),
menant à plus de respect et de souci de maintenir l’équilibre entre tous (humains, comme autres
qu’humains), et peut-être, de laisser une place dans nos société, pour que ceux d’entre nous, qui
doté d’une sensibilité particulière, puissent (pourquoi pas) jouer à nouveau ce rôle d’intermédiaires.
Myriam Borbé Shamanisme, phénoménologie et méditation 14
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