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Simulation de la dynamique des émotions et des relations sociales de personnages virtuels

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Simulation de la dynamique des émotions et des relations sociales de personnages virtuels Magalie Ochs Nicolas Sabouret Vincent Corruble LIP6-Université Pierre et Marie Curie 104, avenue du président Kennedy, 75016 Paris RÉSUMÉ. L’un des principaux défis posés à l’industrie du jeu vidéo est de mettre en scène des personnages non-joueurs (PNJ) dont les comportements sont crédibles. Or, les recherches mon- trent que les émotions jouent un rôle déterminant dans le comportement des individus. Pour augmenter la crédibilité des comportements des PNJ, nous proposons dans cet article un mod- èle de la dynamique des émotions prenant en compte la personnalité et les relations sociales du personnage. Nous présentons tout d’abord les travaux de la littérature sur les émotions, la personnalité et les relations sociales en informatique et en sciences humaines et sociales. Nous soulignons l’influence de la personnalité sur le déclenchement des émotions et des émotions sur la dynamique des relations sociales. En nous appuyant sur ces travaux, nous proposons un modèle dynamique de l’état socio-émotionnel et son implémentation sous la forme d’un outil simple qui permet de simuler la dynamique de l’évolution des émotions et des relations sociales des PNJ suivant leur personnalité et leur rôle. ABSTRACT. One of the main challenges faced by the video game industry is to give life to be- lievable Non-Player Characters (NPCs) . Research shows that emotions play a key role in determining the behavior of individuals. In order to improve the believability of NPCs’ be- havior, we propose in this article a model of the dynamics of emotions taking into account the personality and the social relations of the character. First, we present work from the literature on emotions, personality and social relations in Computer Science and in Human and Social Sciences. We focus on the influence of personality on the trigerring of emotions, and of emo- tions on the dynamics of social relations. Based on this work, we propose a dynamic model of the socio-emotional state and its implementation as part of a tool for game programmers aim- ing at the simulation of the evolution of emotions and social relations of NPCs based on their personality and role. MOTS-CLÉS : Acteurs synthétiques, émotions, relations sociales, personnalité KEYWORDS: Synthetic actors, emotions, social relations, personality 1 re soumission à RIA - N˚ spécial Jeux, le 21/07/08
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Simulation de la dynamique des émotions etdes relations sociales de personnages virtuels

Magalie Ochs— Nicolas Sabouret— Vincent Corruble

LIP6-Université Pierre et Marie Curie104, avenue du président Kennedy, 75016 Paris

RÉSUMÉ.L’un des principaux défis posés à l’industrie du jeu vidéo est de mettre enscène despersonnages non-joueurs (PNJ) dont les comportements sontcrédibles. Or, les recherches mon-trent que les émotions jouent un rôle déterminant dans le comportement des individus. Pouraugmenter la crédibilité des comportements des PNJ, nous proposons dans cet article un mod-èle de la dynamique des émotions prenant en compte la personnalité et les relations socialesdu personnage. Nous présentons tout d’abord les travaux de la littérature sur les émotions, lapersonnalité et les relations sociales en informatique et en sciences humaines et sociales. Noussoulignons l’influence de la personnalité sur le déclenchement des émotions et des émotionssur la dynamique des relations sociales. En nous appuyant sur ces travaux, nous proposons unmodèle dynamique de l’état socio-émotionnel et son implémentation sous laforme d’un outilsimple qui permet de simuler la dynamique de l’évolution des émotions et des relations socialesdes PNJ suivant leur personnalité et leur rôle.

ABSTRACT.One of the main challenges faced by the video game industry is to give life tobe-lievable Non-Player Characters (NPCs) . Research shows that emotions play akey role indetermining the behavior of individuals. In order to improve the believability of NPCs’ be-havior, we propose in this article a model of the dynamics of emotions takinginto account thepersonality and the social relations of the character. First, we present work from the literatureon emotions, personality and social relations in Computer Science and in Human and SocialSciences. We focus on the influence of personality on the trigerring of emotions, and of emo-tions on the dynamics of social relations. Based on this work, we proposea dynamic model ofthe socio-emotional state and its implementation as part of a tool for game programmers aim-ing at the simulation of the evolution of emotions and social relations of NPCs based on theirpersonality and role.

MOTS-CLÉS :Acteurs synthétiques, émotions, relations sociales, personnalité

KEYWORDS:Synthetic actors, emotions, social relations, personality

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1. Introduction

Le succès d’un jeu vidéo, comme pour d’autres oeuvres artistiques, repose engrande partie sur sa capacité à donner un sentiment d’immersion aux joueurs quise plongent dans l’histoire qu’il met en scène. Ce sentimentd’immersion est liéà la notion desuspension volontaire d’incrédulité(willing suspension of disbelief(Coleridge, 1817)), c’est à dire au choix (possiblement inconscient) du joueur depasser outre le manque de réalisme de certains détails pour vivre pleinement l’his-toire qui lui est contée. Pour créer un environnement, un monde ou une histoire prop-ices à l’apparition de ce phénomène, le concepteur (game designer, etc.) doit viser lacrédibilité plutôt que le réalisme. La crédibilité dans un jeu est un concept assez com-plexe qui implique une certaine forme decohérenceentre les différents éléments misen scène (évènements, environnements, personnages, interactions, ...). Dans un grandnombre de jeux, cette cohérence doit se manifester en particulier dans les comporte-ments des Personnages Non Joueurs (ou PNJ). Eléments clés dela narration, ceux-cidoivent en effet être crédibles pour que le joueur voit en euxdes êtres vivants.

Cependant, dans les jeux vidéo modernes, œuvres interactives par essence, les ac-tions des joueurs orientent la progression de la narration.Le concepteur ne peut doncpas prédire le cours pris par l’histoire car il ne peut dire à l’avance où le joueur vala mener. C’est pourquoi la crédibilité des PNJ devient complexe à garantir. Une pre-mière approche est de considérer l’arbre des possibles, dans lequel chaque choix dujoueur (action, dialogue, etc.) correspond à un embranchement. Le comportement desPNJ est alors modélisé à l’avance, par exemple en utilisant des langages de scripts oudes automates à états finis pour définir les embranchements. Cette approche à base descripts, bien que la plus utilisée dans l’industrie à l’heure actuelle, rencontre vite deslimitations : soit la densité de l’arbre des possibles est trop faible et le joueur se rendrapidement compte que l’univers ouvert qu’il croyait exploré est en fait fermé, ce quinuit à la bonne perception du jeu ; soit la densité est élevée,ce qui pose des problèmesde développement en termes de coûts, de temps, ainsi que de fiabilité.1

L’autre grande approche consiste à donner une autonomie auxPNJ en les con-sidérant comme des agents intelligents qui décident de leurs actions en fonction deleur buts. Se posent alors des problèmes bien connus des chercheurs en IntelligenceArtificielle relatifs à la conception d’agents intelligents dans des environnements com-plexes. Là encore, une spécificité du jeu vidéo est que l’objectif n’est pas d’atteindreune forme d’optimalité mesurée par un indice de performanceobjectif, mais bien descomportements crédibles aux yeux du joueur, dont la cohérence peut se décliner selondeux axes complémentaires :

– cohérence avec le passé, à travers l’idée que le comportement des PNJ doit êtrecompatible avec ce que l’on a observé de leur part précédemment. Ceci doit se traduirepar la pérennité des éléments stables des personnages. On peut en citer deux aspectsque nous aborderons par la suite : la personnalité d’une part, c’est à dire l’ensem-

1. Dans la plupart des cas réels, l’arbre est à la fois trop dense pour lesconcepteurs et pas assezpour les joueurs, donc les deux limitations citées se rencontrent simultanément.

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ble des traits psychologiques, constants par définition, qui orientent les perceptions,motivations et actions du personnage ; l’expérience d’autre part, vue comme l’ensem-ble des évènements vécus précédemment par le personnage. LePNJ devra donc avoirdes comportements cohérents avec son expérience passée (les connaissances qu’il aacquises, les goûts ou préférences que ses comportements ont indiqués, etc.), ainsiqu’avec les traits de personnalité qui lui ont été attribués.

– cohérence avec le présent, à travers l’idée que les PNJ doivent montrer unegrande réactivité aux évènements de leur environnement et en particulier aux actionsdu joueur (ou de son avatar). Par exemple, une action surprenante du joueur (par exem-ple, son avatar devient violent avec le PNJ pourtant ami) doit pouvoir immédiatementremettre en cause les motivations de son interlocuteur (quialors s’opposera au lieude l’aider). Cette modélisation fine du processus décisionnel peut se faire de manièrecrédible en intégrant la dynamique des émotions des PNJ et deleurs relations so-ciales. Les émotions sont en effet définies comme des mécanismes cognitifs et physio-logiques d’adaptation du comportement à l’environnement (Ortonyet al., 1988), quipermettent de réagir dans différentes situations en influençant le raisonnement et laprise de décision. Les relations sociales entre les individus représentent les attitudesdes uns envers les autres. Elles dépendent a priori des rôlessociaux des individus(par exemple, un policier aura tendance à peu apprécier un gangster) mais, comme lesémotions, elles évoluent au fur et à mesure des interactionset ont une influence directesur le comportement. La gestion crédible de ces deux éléments, émotions et relationssociales des PNJ, apparaît donc comme critique pour un jeu immersif.

Dans cet article, nous présentons un modèle de personnalité, d’émotions et de rela-tions sociales pour améliorer la crédibilité des PNJ dans les jeux vidéo. Comme nous leverrons dans la section 2, ces trois notions ont fait l’objetde recherches approfondies àla fois en sciences humaines et sociales et dans le domaine del’informatique affective(Picard, 1997). Les différents travaux disponibles dans lalittérature forment une en-semble de briques utiles pour constituer un modèle plus général pour une architecturede PNJ intégrant ces différents éléments. C’est donc un premier objectif de cet arti-cle de présenter et mettre en commun des travaux parfois disparates dans un modèleunique et cohérent, que nous présentons dans la section 3. Deplus, le modèle qui nousintéresse va insister sur les interactions entre ces différents éléments, en particuliersur l’influence de la personnalité sur les émotions et des émotions sur les relationssociales. Dans un deuxième temps, une originalité de notre travail est de proposer unmodèle computationnel des émotions, de la personnalité et des relations sociales làoù les travaux en psychologie se limitent souvent à une modélisation qualitative) quisoit capable de calculer et de mettre à jour dynamiquement les états émotionnels etles relations sociales des PNJ pour la gestion de leurs comportements. Nous présen-tons l’opérationnalisation de ce modèle, fondée sur une approche numérique, dans lapremière partie de la section 4.

Une troisième préoccupation qui oriente notre travail est le souhait de proposer unmodèle qui puisse être intégré à des outils de production pour les programmeurs dejeu vidéo. Ceux-ci ne sont en effet pas des spécialistes de l’Intelligence Artificielle ou

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de la psychologie cognitive. Ceci oriente donc notre travail vers des modèles relative-ment simples à utiliser, en particulier nous nous attachonsà garder des représentationsparcimonieuses et surtout à minimiser le nombre de paramètres à régler par l’utilisa-teur. Nous présentons l’implémentation de notre modèle dans un outil d’utilisationsimple dans la deuxième partie de la section 4. Enfin, nous discutons en section 5 desperspectives de nos travaux et en particulier de leur application pour la définition decomportements de PNJ plus crédibles.

2. Etat de l’art

Nous présentons dans cette section les modèles d’émotions,de personnalité et derelations sociales proposés dans la littérature et nous discutons de leur application à lamodélisation du comportement des personnages non-joueurs.

2.1. Les modèles d’émotions

Les recherches montrent que c’est l’expression d’émotionsqui permet de créerune illusion de vie chez les personnages virtuels et ainsi d’améliorer leur crédibil-ité (Bates, 1994; Thomaset al., 1981). Malheureusement, il n’existe pas aujourd’huide définition consensuelle ni de théorie dominante en psychologie pour expliquer lanature des émotions et pour définir leur représentation. Ceci tient en partie au faitqu’une émotion est un phénomène complexe qui s’accompagne de plusieurs élé-ments : unsentimentcorrespondant à l’expérience subjective de l’émotion souventconsciente et verbalisable avec des mots ; uneréaction neurophysiologiquedans lesystème nerveux ; uneexpressionà travers le visage, les paroles, la voix et les gestes ;une tendance à l’action, appelée aussicomportement d’adaptation, permettant à unindividu de faire face à son émotion ; et uneévaluation cognitived’un évènement àl’origine du déclenchement de l’émotion. Par exemple, une émotion de peur s’accom-pagne d’une augmentation du rythme cardiaque et de la pression du sang (réactionphysiologique), d’une expression faciale particulière (sourcils surélevés, yeux grandsouverts, bouche légèrement ouverte) et d’une tendance à vouloir fuir (tendance à l’ac-tion). Cette émotion est déclenchée par le fait que l’individu évalue la situation commeétant dangereuse (évaluation cognitive).

Dans le cadre des agents virtuels, les chercheurs s’intéressent principalement à la mod-élisation : (1) dudéclenchement de l’émotionafin de déterminer dans quelles circon-stances quelle émotion apparaît chez un individu ; (2) de l’expression d’émotionafinde la rendre perceptible par un observateur humain ; et (3) dela tendance à l’actionafin de déterminer les comportements résultant des émotionsdéclenchées. Ces troiséléments concourent en effet à créer des agents émotionnelscrédibles en apportantune cohérence entre les expressions d’émotions, leur comportement et la situation.

Dans les travaux présentés dans cet article, nous nous intéressons particulièrementaudéclenchement des émotionset nous nous appuyons sur la théorie del’évaluation

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cognitive(Scherer, 2000; Roseman, 2001; Ortonyet al., 1988). Selon cette théorie, uneémotion est déclenchée par l’évaluation subjective d’un évènement. La perception etl’évaluation cognitive d’un évènement déterminent le typeet l’intensité de l’émotionressentie (Scherer, 2000). L’évaluation dépend de chaque individu et en particulierde ses buts et de ses croyances. Ainsi, un même évènement peutdéclencher deuxémotions différentes chez deux individus distincts.

Pour modéliser le processus de déclenchement d’émotions, la plupart des modèlescomputationnels utilisent le modèle OCC (Ortonyet al., 1988). Dans ce modèle, lesémotions peuvent être issues de l’évaluation de trois aspects différents du monde : lesconséquences d’un évènement sur les buts de l’agent, les actions entreprises par lesagents et la perception d’un objet. Par exemple, un évènement permettant de réaliserun but déclenche de la joie ; une action de l’agent contraire àses principes déclenchede la honte ; la perception d’un objet peut déclencher du dégoût suivant les préférencesde l’agent. Finalement, dans le modèle OCC sont définies un ensemble de règles sim-ples permettant de déterminer quelles émotions sont déclenchées dans quelles situa-tions (décrites en termes de croyances et de buts), ce qui en fait l’un des modèles lesplus facilement implémentables. Par exemple, (Dyer, 1987)s’appuie sur OCC pourreprésenter les causes des émotions par des croyances de l’agent sur les états de sesbuts et sur l’agent responsable. Ainsi, l’agent a une émotion de joie lorsqu’il croit queson but a été réalisé et une émotion de colère lorsqu’un autreagent a contrecarré un deses buts. Dans (deRosiset al., 2003), une émotion est déclenchée par la croyance del’agent d’une variation de la probabilité d’atteindre un deses buts. Par exemple, uneémotion positive est déclenchée lorsque l’agent croit que la probabilité d’atteindre unde ses buts a augmenté. Dans certains modèles computationnels, une représentationBDI (Belief-Desire-Intention(Raoet al., 1991)) est utilisée pour représenter les con-ditions de déclenchement des émotions (Jaqueset al., 2004; Meyer, 2006).

Cette approche fondée sur les buts est toutefois difficile à appliquer directementdans un environnement de développement de jeux vidéo. En effet, elle nécessite de lapart des programmeurs de jeux d’être en mesure de détermineret de représenter ex-plicitement (et formellement) les buts des PNJ. Cette tâcheest en soi un problème dif-ficile, même pour des spécialistes de la représentation des connaissance et de l’Intelli-gence Artificielle, en particulier s’il faut tenir compte ducomportement non prévisibledu joueur et de la présence d’un grand nombre de PNJ capables d’effectuer des actionsriches et variées. C’est pourquoi nous définissons dans cet article une adaptation dumodèle OCC qui s’appuie sur lesattitudesdes PNJ vis-à-vis des actions, des objetset des autres personnages de leur environnement. Ce modèle,présenté plus en détailssection 3.2.1, répond à notre objectif de concevoir un outilsimple d’utilisation pour lasimulation des émotions des PNJ.

2.2. Les modèles de personnalité

Bien que la personnalité joue un rôle important dans la détermination du com-portement des individus (Ortony, 2002), la plupart des jeuxinteractifs utilisent une

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réprésentationad hocde la personnalité, qui ne s’appuie pas sur les travaux effectuésen Sciences Humaines et Sociales. On distingue en particulier les approches à base decatégorie (associées à des comportements très typés, comme“gentil/méchant”, définisa priori dans les scripts) et les approches à base d’attributs numériques (par exemple,dans les jeux de rôles, on utilise une variable « charisme » pour calculer, lors d’uneinteraction, la probablité que les autres personnages lui transfèrent une informationconfidentielle). L’absence de fondement théorique conduitgénéralement à des com-portements peu naturels dans ces jeux.

Les travaux en psychologie cognitive se sont essentiellement intéressés à la person-nalité comme outil de caractérisation des comportements des individus. Les modèlesproposés sont définis par un ensemble de traits de personnalité, chaque trait étant asso-cié à des propriétés spécifiques du comportement. Par exemple, un individu introvertiexprimera peu ses émotions (McCraeet al., 1987).

Le modèle proposé par Eysenck (Eysenck, 1986) propose de définir la personnalitéà l’aide de deux traits :

– l’extraversion, opposée à l’introversion, est la tendance à exprimer ses émotionset à interpréter positivement les événements (donc à ressentir plus intensément lesémotions positives, comme la joie ou l’espoir) ;

– leneuroticisme, opposé à lastabilité émotionnelle, caractérisée par une variationplus rapide de l’état émotionnel et une tendance à interpréter plus négativement lesévénements, donc à ressentir plus intensément les émotionsnégatives.

Le modèle OCEAN (McCraeet al., 1987) distingue cinq traits. Outre l’extraversionet la stabilité émotionnelle, les auteurs mettent en évidence l’importance de l’agréa-bilité (tendance à l’empathie), la conscience (opposée à lanégligence) et l’ouverture(esprit d’aventure). Mais d’autres critères de personnalités peuvent être utilisés pourcaractériser un individu. Par exemple, dans le modèle MBTI (Briggs Myers, 1980),on distingue l’extraversion, l’intuition, la réceptivitésensorielle et la capacité de juge-ment. L’un des avantages du modèle OCEAN par rapport au modèle MTBI dans notreétude est que celui-ci propose une énumération des catéories de comportements asso-ciées à chaque trait de personnalité, alors que MTBI s’intéresse plus à l’évaluation dechaque trait à partir de tests. C’est cette définition des caractéristiques de comporte-ment associées aux différents traits de personnalité pour chaque individu qui va nouspermettre de définir l’attitude de nos personnages non-joueurs.

De plus, plusieurs travaux (Watsonet al., 1992; Luminetet al., 2004) mettenten évidence l’influence de certains traits de personnalité sur l’intensité des émotionsdéclenchées. Par exemple, une personnalité extraverti aurait tendance à ressentir plusfortement les émotions positives, comme la joie. L’utilisation de tels modèles permetalors d’augmenter le réalisme de notre mécanisme d’évaluation cognitive en adaptantla réaction émotionnelle en fonction des émotions ressenties.

L’influence de la personnalité sur les émotions a aussi été caractérisée par plusieurschercheurs dans le domaine des agents virtuels. Plusieurs approches (Elliot, 1992;

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deRosiset al., 2003) choisissent de représenter la personnalité d’un agent virtuelcomme un mécanisme d’évaluation des buts et des préférencesde l’agent, pour déter-miner la réaction émotionnelle à un événement. Malheureusement, cette représenta-tion de la personnalité pose encore une fois le problème de ladescription explicitedes buts des PNJ par le programmeur du jeu. C’est pourquoi, dans nos travaux, nousadoptons une approche à base de traits (Rousseauet al., 1998), en nous appuyant àla fois sur les résultats empiriques ((Eggeset al., 2003; Prendingeret al., 2002)) etsur les travaux en sciences humaines (Watsonet al., 1992; Luminetet al., 2004) pourdéfinir l’impact de la personnalité sur le déclenchement desémotions.

2.3. Les modèles de relations sociales

Les interactions entre agents (virtuels ou humains) ne sontpas seulement émo-tionnelles mais aussi intrinsèquement sociales. Ainsi, (Nasset al., 1994) soulignentque “les ordinateurs sont des acteurs sociaux” adoptant généralement certains rôlestypiquement incarnés par des humains (comme par exemple le rôle de réceptionniste(André et al., 2001)). Durant une interaction, différentes relations sociales peuventalors apparaître entre les agents (virtuels ou humains).

Plusieurs chercheurs ont proposé de modéliser les relations sociales d’un agentvirtuel pour améliorer sa crédibilité. Par exemple, (Rousseauet al., 1998) présente unmodèle dans lequel les attitudes d’un agent envers les autres sont utilisées pour déter-miner son comportement. D’autres travaux proposent d’adapter le style linguistiquede l’agent dialoguant à partir de variables sociales (la distance sociale et le pouvoir)(Walkeret al., 1997). Dans (Gratch, 2000), la génération et l’exécution de plan est al-térée en fonction du contexte social de l’agent virtuel. Dans ces travaux, les relationssociales sont généralement représentées par un ensemble fini de variables et nous pou-vons dégager quatre variables principales :

– le degré d’appréciationd’un agent pour un autre (Isbister, 2006; Prendingeretal., 2001)2 ;

– la dominance(Rousseauet al., 1998; Prendingeret al., 2001), c’est-à-dire lepouvoir qu’un agent peut exercer sur un autre agent ;

– la solidarité (Bickmoreet al., 2001), appelée aussi distance sociale (Brownetal., 1987; Walkeret al., 1997), qui correspond au degré de similarité de deux agentsen termes de buts, de croyances et de valeurs (e.g. membre d’un même parti politique,d’une même famille, etc.) ;

– la familiarité qui peut être utilisée pour caractériser le type (privé ou public) etle nombre d’informations échangées entre deux agents (Bickmoreet al., 2001).

Ces variables, qui sont celles proposées dans le modèle dimensionnel des relationsinterpersonnelles de Svennevig (Svennevig, 1999), sont utilisées dans notre modèlepour représenter les relations sociales d’un PNJ.

2. Le terme attitude est parfois utilisé pour faire référence au degré d’appréciation.

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Cependant, les travaux que nous avons cités s’intéressent avant tout à l’influencedes relations sociales sur le comportement et s’appuientde factosur des modèles derelations sociales généralementstatiques. Leurs valeurs sont définiesa priori suivantles différents rôles des agents virtuels. Or les recherches(Ortony, 1991; de Riveraetal., 1986; Shiotaet al., 2004) tendent à montrer que les relations sociales évoluentdurant une interaction suivant l’expérience de l’individu. Cependant, peu de modèlesdynamiques des relations sociales ont été proposés. Dans (Prendingeret al., 2002), ladynamique des attitudes et de la familiarité d’un agent virtuel envers un autre agentévolue suivant la valence des émotions déclenchées,i.e. leur connotation positive(joie) ou négative (peur). Cependant, ce modèle ne prend pasen compte les impactsdistincts des différents types d’émotions alors que (Shiota et al., 2004; de Riveraetal., 1986) ont montré que deux émotions de même valence mais de types différents(comme la honte et la tristesse) peuvent avoir des impacts différents sur les relationssociales.

C’est pourquoi, dans cet article, nous proposons un modèle qui intègre la dy-namique des relations sociales fondé sur différents types d’émotion, tant ceuxressentispar l’agent que ceux exprimés par son interlocuteur.

3. Notre modèle

La figure 1 décrit l’architecture générale de notre modèle. Chaque PNJ est car-actérisé par sapersonnalité, définie par un ensemble de traits, et sesrôles sociaux,qui déterminent ses relations sociales initiales avec les autres PNJ (cf. section 3.4.2).Au cours du jeu, le scénario ou les autres personnages sont à l’origine d’événementsperçus par le PNJ. La structure formelle de représentation des événements est présen-tée dans la section 3.1. Ces événements sont évalués par l’agent en utilisant un algo-rithme fondé sur le modèle OCC, présenté dans la section 3.2.1, pour déterminer lestimulus émotionnel associé à l’événement. Ensuite, l’influence de la personnalité per-met de déterminer l’intensité des émotions déclenchées chez le PNJ (section 3.3). Lesémotions déclenchées sont alors utilisées pour mettre à jour l’état émotionnel du PNJet modifier ses relations sociales suivant l’origine de l’évènement émotionnel (section3.4).

3.1. Représentation du monde

Pour pouvoir évaluer cognitivement les émotions déclenchées par les événements,il est nécessaire de s’appuyer sur une représentation formelle du monde du jeu et desévénements. Le modèle de représentation des connaissancesque nous présentons iciest volontairement simple, pour être facilement appréhendé par des concepteurs etprogrammeurs de jeux non spécialistes de l’Intelligence Artificielle.

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Figure 1. Architecture générale

3.1.1. Vocabulaire

Le vocabulaire du jeu est définia priori par l’ensembleV oc = A ∪ O. Les ob-jets o ∈ O représentent les entités du jeu qui ne sont pas munies de capacité deraisonnement, par opposition aux agents/PNJ. Les actionsa ∈ A sont des couples(noma, effeta) oùnoma est un identifiant unique de l’action (généralement un verbeàl’infinitif) et effeta décrit l’effet de l’action, modélisé par une valeur entre -1(représen-tant le fait que cette action a un effet négatif sur l’individu qui la subit) et 1 (représen-tant le fait que l’action a un effet bénéfique). Par opposition auxattitudesqui sontdéfinies subjectivement, l’effet d’une action est défini indépendamment des PNJ. Elleprend donc la même valeur quelque soit le personnage. Par exemple, nos personnagesconsidéreront tous que l’action « Tuer » a un effet extrêmement négatif sur la victime(effettuer = −0.9).

3.1.2. Attitudes des PNJ

SoitP l’ensemble des personnages non-joueurs, dont nous souhaitons caractériserl’état socio-émotionnel. Nous définissons alors pour chaque x ∈ P ses attitudes par

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rapport aux éléments du vocabulaire (c’est-à-dire sa disposition positive ou négativevis-à-vis de chaque élément) à l’aide de deux fonctions :

– attitude : P×O∪P → [0, 1] définit l’attitude par rapport aux objets et person-nages de l’environnement. La valeur -1 correspond au cas où le PNJ exècre l’objet et 1représente le fait qu’il l’aime à la folie. Nous verrons section 3.4 que l’attitude enversles PNJ est calculée automatiquement dans notre modèle : elle correspond au degréd’appréciation envers celui-ci, défini à travers la relation sociale entretenue avec cedernier. L’attitude envers les objets doit en revanche êtredéfinie par le programmeurdu jeu3.

– louable : P × A → [0, 1] définit les attitudes par rapport aux actions possibles.louable(x, a) = −1 signifie quex considère l’actiona comme totalement contraireà ses principes etlouable(x, a) = 1 qu’il la considère comme particulièrement digned’éloges. Soulignons que, contrairement à l’effet de l’action qui est supposé objectifdans notre modèle, le caractère louable est défini subjectivement pour chaque person-nage. Il peut en effet varier suivant le contexte socio-culturel.

3.1.3. Évènements

Notre représentation des événement est inspirée des graphes de Sowa (Sowa,1992), dans lesquels les actions sont au centre de la description du monde et sont asso-ciées par des rôles aux entités qui y participent. Afin de conserver un modèle simple,utilisable par un programmeur de jeu non spécialiste de la représentation des con-naissances, nous retiendrons uniquement les rôles “Agent”, décrivant les individus quiparticipent activement à la réalisation des actions, et “Patient”, décrivant les individusqui subissent l’action (ce qui correspond au sujet à la formepassive, en français).

Chaque événementevt dans notre modèle est alors représenté par un tuple〈agent, action, patient, dc〉 tel que :

– agentevt est l’individu qui effectue l’action. Dans le cas général, l’agent del’événement est un PNJ (par exemple, dans “Bob a volé le trésor”, l’agent est lePNJBob). Nous utiliserons l’agentX pour représenter le fait que le destinataire del’événement ne sait pas qui est le responsable (par exemple pour représenter l’événe-ment “quelqu’un a volé le trésor”). Nous utiliserons la notation

√à la place de l’a-

gent pour représenter les actions ne nécessitant pas d’agent, comme par exemple dansl’événement “Bob est mort”.

– actionevt désigne l’action de l’événement, représentée par son nomnoma. Dans“Bob est mort”,action = mourir.

– patientevt ∈ PNJ ∪ O est l’individu qui subit l’action, pouvant être soit unPNJ, soit un objet du jeu. Dans “Bob est mort”, le PNJ Bob est lepatient de l’action(c’est lui qui la subit).

3. Notre implémentation permet au programmeur du jeu de définir un ensemble classes de PNJassociées à des attitudes par défaut.

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– dcevt ∈ [0, 1] est le degré de certitude de l’événement, dont la signification varieselon trois situations. Nous utilisonsdc = 1 pour représenter les situations où le PNJconcerné est certain que l’événement s’est produit. Par exemple, lorsqu’il est acteurou témoin direct de la scène.dc ∈ [0, 1] représente le fait que le PNJ croit l’événementplus ou moins probable, soit qu’il soit relaté par un émetteur peu digne de confiance,soit qu’il soit obtenu par inférence à partir de ses connaissances. Enfin, nous utilisonsdc = 0 pour représenter le fait qu’un événement que le PNJ pensait envisageableprécédemment ne s’est finalement pas produit4. Ce mécanisme, associé à la mémoiredes PNJ, n’est pas présenté dans cet article. Il est réalisé par le moteur de raisonnementdes personnages.

La principale difficulté lors de la formalisation des événements par les program-meurs de jeu est que celle-ci ne correspond généralement pasà la transcription directed’une phrase en langue naturelle, car elle doit prendre en compte la pragmatique dela situation telle qu’elle est interprétée par le PNJ. Par exemple si nous considéronsla situation ou le personnage Bob se retrouve face à un Troll cruel armé d’une hache,l’événement n’est pas seulement< Bob, voir, T rollCruel, 1 > (“Bob voit un Trollcruel”) mais aussi et avant tout< TrollCruel, tuer,Bob, 0.7 >, c’est-à-dire que Bobpense qu’il va se faire tuer par le Troll cruel (et il en est relativement certain).

3.2. Représentation des émotions

Notre représentation des émotions est fondée sur le modèle OCC (Ortony etal., 1988) et plus particulièrement sur la simplification récemment proposée par l’unde ces auteurs (Ortony, 2002) qui considère 10 émotions types suivant leur cause dedéclenchement :

– les émotionspositives : la joie causée par l’occurrence d’un évènement désir-able ; l’espoirissue de la perspective d’un évènement désirable ; lesoulagementcausépar l’information qu’un évènement indésirable ne va pas se produire ; lafiertésuite àune action digne d’éloges réalisée par l’agent lui-même ; etl’ admirationsuite à uneaction digne d’éloges réalisée par un autre agent.

– les émotionsnégatives: la tristessecausée par l’occurrence d’un évènementindésirable ; lapeur issue de la perspective d’un évènement indésirable ; ladéceptioncausée par l’information qu’un évènement désirable ne va pas se produire ; lahontesuite à une action blâmable réalisée par l’agent lui-même ; et la colère suite à uneaction blâmable réalisée par un autre agent.

Nous proposons de représenter chaque émotion par une variable dont la valeur variedans l’intervalle[0, 1]. L’ensemble des émotions d’un PNJi à l’instant t est alorsreprésenté par un vecteurei(t) ∈ ([0, 1])10 où chaquee(j)

i donne la valeur de l’émo-tion j (joie, tristesse,etc).

4. Il ne s’agit pas de représenter tous les événements qui ne se produisent pas dans le jeu, maisuniquement ceux qui étaient envisagés par les PNJ.

12 1re soumission àRIA - N˚ spécial Jeux

Dans nos travaux, nous nous appuyons sur l’approche de (DuyBui, 2004; Sehabaet al., 2007). Nous définissons ainsi trois différents vecteurs émotionnels représentantrespectivement :

– lesémotions déclenchéespar un évènement, qui dépendent à la fois du stimulusémotionnel associé à l’évènement pour le PNJ et de sa personnalité. Nous noteronse_di(evt) le vecteur des émotions déclenchées chez un PNJi par un evénementevt ;

– l’état émotionnelqui représente l’ensemble des émotions ressenties à un instantdonné. Ces émotions sont mises à jour suivant les émotions déclenchées par les évène-ments et décroissent naturellement au cours du temps. Nous notonse_ei(t) l’état émo-tionnel d’un PNJi à un instantt ;

– lesémotions expriméespar l’agenti à l’instantt, représentées pare_expi(t). Unagent peut en effet décider d’exprimer des émotions différentes de celles qu’il ressent(Prendingeret al., 2001).

Dans le cadre de nos recherches, nous nous intéressons plus particulièrement au calculdes émotions déclenchées et ressenties. Nous n’avons pas abordé les problématiquesliées à l’expression des émotions.

3.2.1. Types et intensités des émotions associées au stimulus émotionnel

Dans notre modèle, nous calculons tout d’abord unstimulus émotionnelassociéà un évènement (cf. figure 1), c’est-à-dire les catégories d’émotions que devrait dé-clencher chez un PNJ un événement donné et l’intensité de sesémotions pour unpersonnage ayant une personnalité parfaitement neutre (lasection 3.3 décrit ensuitel’influence de la personnalité sur ces intensités). Notre approche repose sur une méth-ode simple, fondée sur les attitudes des PNJ vis-à-vis des différent éléments et actionspossibles de l’environnement.

Types d’émotions.Afin de déterminer les type des émotions déclenchées, nous util-isons les conditions décrites dans le modèle OCC (Section 2.1) (Ortonyet al., 1988),décrites sur la figure 3.2.1.

Un évènement désirable (au sens de OCC) pour un PNJi correspond alors à unévènement dont l’action a un effet positif ou neutre (effetaction >= 0) sur un patient(objet ou PNJ) apprécié (attitude(i, patient) > 0), par exemple <manger, gâteau>,ou, à l’inverse, lorsque l’action a un effet négatif (effetaction < 0) sur un patient nonapprécié (attitude(i, patient) < 0), par exemple <jeter, déchet>. D’après le mod-èle OCC, un tel évènement déclenche une émotion de joie lors de son occurrence(dc = 1), une émotion d’espoir lorsqu’il est incertain (dc ∈]0, 1[) et de la déceptionlorsqu’il était attendu mais ne s’est finalement pas réalisé(dc = 0). Réciproquement,un évènement indésirable correspond à un évènement dont l’action a un effet positif ouneutre sur un patient non apprécié (par exemple <manger, déchet>) ou une action dontla réalisation a un effet négatif sur un patient apprécié (par exemple <jeter, cadeau>).Il déclenche une émotion de tristesse, de peur ou de soulagement.

Simulation des émotions 13

Figure 2. Règles de déclenchement des émotions chez un PNJi suite à un évènement<agent, action, patient> ou <action, patient>

De plus, selon qu’un événement est réalisé (dc = 1), selon que l’agent de l’événe-ment soit le PNJ ou un alter-ego et selon que l’action soit jugée louable ou non par lePNJ, l’événement déclenche, conformément au modèle OCC, une émotion de fierté,d’admiration, de honte ou encore de colère.

Intensité des émotions.D’après le modèle OCC, l’intensité des émotions joie,tristesse, soulagement, déception, espoir et peur est positivement corrélée au degréde désirabilité/indésirabilité de l’évènement et à sa probabilité d’occurrence (dans lecas de l’espoir et de la peur). Dans notre modèle, le degré de désirabilité est cal-culé en fonction de l’effet de l’actioneffetaction, de l’attitude vis-à-vis du patient(attitude(i, patient)) et la probabilité d’occurrence correspond au degré de certitude(dc)5. De la même manière, l’intensité des émotions de fierté, honte, admiration etcolère dépend du degré de mérite/démérite de l’action (laquelle est représentée dansnotre modèle parlouable(i, action))6.

5. Dans le cas des émotions de déception et de soulagement, le modèle OCC préconise d’utiliseraussi le degré de certitude de l’événement qui ne s’est pas produit et l’effort réalisé par l’agentpour éviter ou au contraire permettre la réalisation de cet événement. Ceséléments étant relatifsau modèle de comportement et de mémoire de l’agent, nous ne les avonspas pris en comptedans notre modèle.6. Le modèle OCC n’adopte pas une dichotomie aussi forte en fierté (resp. honte) et admiration(resp. colère), car il s’appuie sur le degré d’identification du PNJ avec l’agent de l’évènementet l’écart entre l’action et les capacités de cet agent. Par soucis de simplification, ces variables

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Figure 3. Impacts des attitudes sur l’intensité des émotions déclenchées

Le souvenir des évènements émotionnels passés peut aussi être à l’origine d’uneémotion. Un individu peut, en effet, ressentir une émotion àla vue d’un élément ayantdans le passé déclenché une émotion. Dans notre modèle, nousn’avons pas modéliséexplicitement la mémoire émotionnelle. Elle peut cependant être simulée en modé-lisant l’influence du déclenchement d’une émotion sur l’attitude du PNJ vis-à-vis del’élément à l’origine de celle-ci. Un PNJ devrait avoir une attitude positive (resp.néga-tive) vis-à-vis d’un élément ayant généré une émotion positive (resp.négative). Cemécanisme a été modélisé pour les attitudes des PNJ vis-à-vis d’autres personnages(Section 3.4) mais pourrait être étendu à tous les objets de l’environnement. Cela per-met d’éviter que le comportement émotionnel d’un PNJ soit constant.

3.3. Influence de la personnalité sur les émotions

Les recherches en sciences humaines et sociales (Watsonet al., 1992) montrent quela personnalité influence non seulement le comportement desindividus, mais aussi sesémotions.

d’intensité ne sont pas considérées dans notre modèle. Il nous sembleen effet difficile pour unprogrammeur de jeux de définira priori ces valeurs pour chaque PNJ.

Simulation des émotions 15

Dans cet article, nous n’aborderons pas l’impact de la personnalité sur le comporte-ment du PNJ, en particulier pour la sélection d’action ou l’expression des émotions(ces éléments sont discutés en section 5). Pour modéliser l’influence de la person-nalité sur les émotions, nous proposons de considérer troiséléments : l’impact de lapersonnalité sur les émotions déclenchées, l’impact sur ladécroissance des émotionset enfin la notion de seuil d’intensité des émotions.

3.3.1. Impact sur les émotions déclenchées

Traits considérés.Les travaux de (Watsonet al., 1992) et (Luminetet al., 2004)mettent en évidence les influences suivantes :

– un individu extraverti ressent plus intensément les émotions positives qu’unepersonnalité neutre ou introvertie, mais l’extraversion n’a pas d’effet sur les émotionsnégatives.

– un individu neurotiqueressent plus intensément les émotions négatives, maissans influence sur les émotions positives ;

– un individuagréableressent plus intensément les émotions d’empathie, commela tristesse pour l’autre, et moins intensément les émotions négatives à l’encontre del’interlocuteur, comme le ressentiment.

Dans nos travaux, nous n’avons pas modélisé les émotions en relation avec l’interlocu-teur. Le modèle OCC original (Ortonyet al., 1988) définit deux paires d’émotions dece type :happy-for(resp.sorry-for), que l’on ressent lorsqu’on apprécie une personneet qu’elle est sujette à des événements désirables (resp. indésirables), etgloating(resp.resentment), que l’on ressent lorsqu’une personne que l’on n’appréciepas est sujet àdes événements indésirables (resp. désirables). La prise en compte de ces émotionsnécessite de pouvoir évaluer l’impact émotionnel d’un événement chez un individutiers, ce qui pose le problème de modélisation des préférences de l’autre.

C’est pourquoi, dans notre modèle, nous ne prenons en compteque l’impact destraitsextraversionetneuroticismesur l’intensité des émotions déclenchées.

Représentation de la personnalité d’un PNJ.La personnalité d’un PNJ est représen-tée dans notre modèle par un vecteur àn éléments dans[−1, 1]n, chaque élément cor-respondant à un trait de personnalité, 0 représentant une personnalité neutre pour cetrait. Dans cet article, nous utilisons uniquement les traitsextraversionetneuroticisme.La personnalité d’un PNJi sera donc définie comme un couple(p(extra), p(neuro)) ∈[−1, 1]2.

Impact de la personnalité sur l’intensité des émotions déclenchées.L’émotion dé-clenchée par un événement est calculée dans notre modèle à partir du stimulus émo-tionnel, tel qu’il a été défini dans la section précédente, etdes valeurs des traits de per-sonnalité. Pour une valeur donnée de stimulus émotionnel, plus un PNJ est extraverti,plus l’intensité de ses émotions déclenchées de joie, fiertéet soulagement sont fortes.Inversement, plus un PNJ est doté d’une personnalité neurotique, plus l’intensité deses émotions déclenchées de tristesse, peur, honte, déception et colère sont élevées.

16 1re soumission àRIA - N˚ spécial Jeux

Comme nous le verrons dans la section 4.1, cette variation d’intensité correspond àun facteur multiplicatif entre le stimulus émotionnel et levecteur des émotions dé-clenchées.

3.3.2. Impact sur la décroissance des émotions

La fonction de décroissancecaractérise l’évolution temporelle de l’intensité d’uneémotion d’un personnage lorsqu’aucun stimulus émotionneln’apparaît. L’intensitédes émotions de l’état émotionnel décroît en effet naturellement tant qu’aucune émo-tion n’est déclenchée (Picard, 1997). La décroissance de chaque type d’émotion estdéfinie par une fonction de décroissance monotone qui dépenda priori de la person-nalité (Luminetet al., 2004) et qui tend vers l’état neutre. Par exemple, les émotionsnégatives sont souvent considérées comme plus persistantes que les émotions positives(El-Nasret al., 2000; Reilly, 1996).

Dans notre modèle, chaque composante du vecteur de l’état émotionnel sera asso-cié à une fonction de décroissance propre, dont le calcul peut dépendre de la person-nalité.

3.3.3. Seuils d’intensité

Plusieurs modèles computationnels (Elliot, 1992; deRosiset al., 2003; Reilly,1996) définissent des seuils d’intensité, fixés suivant la personnalité de l’agent, audessus duquel l’émotion a un impact sur le comportement ou l’expression des émo-tions. Pour prendre en compte ce phénomène, en complément ducalcul numériquedes intensités d’émotions, nous utilisons donc un seuil d’activation de l’émotion. Uneémotion est donc visible par le moteur comportemental uniquement si son intensitéest supérieure à ce seuil. Cette solution nous permet de revenir à un modèle discret (etdonc symbolique) des émotions, par exemple pour la sélection de comportements.

De la même manière, nous définissons un seuil de saturation audelà duquel l’é-motion est considérée comme tellement forte qu’elle inhibeles processus de décisionrationnelle du PNJ (ce qui permet de définir des comportements non-rationnels en sit-uation de stress extrême, par exemple). L’utilisation de ces deux seuils par le moteurde décision n’est pas du ressort de cet article et ne sera pas abordé.

3.4. Dynamique des relations sociales

3.4.1. Représentation des relations sociales d’un PNJ

Conformément aux travaux de la littérature, (cf. section 2.3), nous représentons larelation d’un agenti vis-à-vis d’un agentj au tempst par un quadruplet :

relation_socialei,j(t) = 〈appreciation, dominance, familiarite, solidarite〉

dont les éléments représentent respectivement ledegré d’appréciation(∈ [−1, 1]) quei a pourj au tempst ; le pouvoir (∈ [−1, 1]) quei pense être capable d’exercer sur

Simulation des émotions 17

j au tempst ; le degré de familiarité(∈ [0, 1]), i.e. le degré moyen de confidentialitépour i des informations quei a transmises àj ; et le degré desolidarité (∈ [0, 1]),i.e. le degré de similarité quei pense avoir avecj. Comme souligné ci-dessus, lesrelations sociales entre deux agents ne sont pas nécessairement symétriques, i.e.∃i, j relation_socialei,j(t) 6= relation_socialej,i(t).

Soulignons que les relations sociales sont définiesdu point de vue dei, car ellesne sont pas nécessairement symétriques. Par exemple, le fait qu’un agenti aime bienun agentj ne signifie pas quej aime bieni.

3.4.2. Initialisation des relations sociales

Dans la plupart des modèles existants, les valeurs initiales des relations socialesd’un agent virtuel sont fixées intuitivement. Or les travauxmontrent que les variablessociales ne sont pas propres à un individu mais dépendent de son rôle social par rapportà celui de son interlocuteur (Brownet al., 1987). C’est pourquoi nous proposons decalculer les valeurs initiales d’une relation sociale à partir des rôles sociaux de l’agentet de son interlocuteur.

Dans notre modèle, les rôles sociaux sont définis comme des paires de rôles com-plémentaires (employé/manager, patient/médecin, collègue/collègue). En nous ap-puyant sur l’approche de (Isbister, 2006) et de façon à rester cohérent avec la représen-tation des relations sociales introduite ci-dessus, nous proposons de représenter unrôle rx par rapport à un rôlery (notérole_socialrx/ry

) comme un quadruplet dontles élèments représentent respectivement le degré d’appréciation, de dominance, defamiliarité et de solidaritéa priori d’un PNJ avec un rôlerx avec un agent avec unrôle ry. Par exemple, la valeurrole_appreciationrx/ry

sera proche de−1 pour ungangster (rx) par rapport à un policier (ry) (i.e. les gangsters n’apprécient générale-ment pas les policiers). Par défaut, lorsque deux rôlesrx et ry ne correspondent pas àune paire complémentaire (par exemple femme/employé),role_socialrx/ry

= 0.

Chaque PNJ doit donc être caractérisé par l’ensembles rôlessociaux qu’ilpeut prendre selon son interlocuteur. Puisqu’un agent virtuel incarne généralementplusieurs rôles simultanément durant une interaction (parexemple une femme-policierface à un homme-gangster), nous avons choisi de calculer lesvaleurs initiales à partirde la moyenne des rôles complémentaires mis en jeux. Notons que certaines carac-téristiques d’un agent virtuel peuvent affecter ces valeurs initiales (par exemple pourun agent misogyne).

De plus, d’après (Brownet al., 1987), la solidarité (ou distance sociale) d’un indi-vidu vis-à-vis de son interlocuteur dépend non seulement deson rôle social par rapportà cet interlocuteur, mais aussi de sa solidarité vis-à-vis de chacune des autres person-nes de l’univers social local. Par exemple, deux français à l’étranger sont souvent plussolidaires qu’en France. Ainsi, dans notre modèle, la valeur de solidarité d’une rela-tion sociale est égale à la valeur de solidarité du rôle social ri par rapport àrj diviséepar la valeur maximum de solidarité quei a avec les autres personnages de son envi-

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ronnement. De cette manière, les agents de l’univers sociallocal sont placés sur toutel’échelle de solidarité7.

Notons que d’autres variables, telles que l’attraction physique ou le comportementnon verbal de l’interlocuteur peuvent influencer les valeurs initiales d’une relationsociale (Isbister, 2006). Dans notre modèle, nous ne prenons pas en compte ces aspectsnon-verbaux.

3.4.3. Dynamique des relations sociales

L’un de nos objectifs est de définir un modèle de la dynamique de la relation socialed’un agenti durant une interaction avec un agentj en fonction de leurs émotions (cf.section 2.3). En se fondant sur les travaux de la littérature, il est possible de définirl’influence des émotions sur la relation sociale.

Appréciation. Ortony (Ortony, 1991) montre que le degré d’appréciation quequelqu’un a pour autrui varie suivant des émotions induitespar ce dernier. Nous mod-élisons donc le fait qu’une émotion positive (resp.négative) dei causée parj in-duit une augmentation (resp.une diminution) du degré d’appréciation quei a pourj,comme l’illustre la figure 4.

Dominance. (Shiotaet al., 2004; Keltneret al., 2001) montre que les émotions defierté et de colère reflètent une domination alors que la honte, la peur, la tristesse etl’admiration caractérisent une position inférieure. Par conséquent, dans notre modèle,une émotion de fierté ou de colère dei causée parj induit une augmentation de ladominance quei pense avoir surj. Inversement, une émotion de peur, tristesse, admi-ration ou honte dei causée parj génère une diminution de la dominance quei penseavoir surj.

De plus, (Knutson, 1996) souligne que l’expressionde tristesse ou de peur reflèteune faible valeur de dominance. C’est pourquoi, dans notre modèle, l’expression parjd’une émotion de peur ou de tristesse induit une augmentation du degré de dominancede i. Ainsi, si un évènement déclenche de la peur ou de la tristesse chez deux PNJsavec la même intensité, leur dominance réciproque ne sera pas modifiée.

Solidarité. D’après (de Riveraet al., 1986), des émotions négatives causées par autruientraînent une diminution de la solidarité, alors que le déclenchement d’émotions pos-itives ne modifie pas cette valeur. De plus, (Keltneret al., 2001) montre que les émo-tions exprimées reflètent l’état mental d’un individu et donc indirectement ses buts, sescroyances, ses attentes, ses plans, etc. Par conséquent deux individus exprimant desémotions similaires en réaction à un même événement perçu devraient se sentir plussolidaires. Inversement, s’ils expriment des émotions opposées, leur solidarité devraitdiminuer. C’est pourquoi, dans notre modèle, une non-congruence (resp. congruence)entre l’émotion déclenchée du PNJ et celle exprimée par l’interlocuteur induit une

7. Notons que si la solidarité d’un PNJ avec tous les autres personnages de son environnementest nulle, cette valeur restera à zéro.

Simulation des émotions 19

Figure 4. Impacts des émotions sur le degré d’appréciation et de dominance

diminution (resp. augmentation) de la solidarité. Ces influences sont représentées surla figure 5.

De plus, les recherches en psychologie sociale montrent quela solidarité influencele degré d’appréciation. En effet, il apparaît qu’une personne apprécie plus les indi-vidus similaires (Smithet al., 2007). Ainsi, nous supposons qu’une augmentation dela solidarité dei avecj génère une augmentation du degré d’appréciation quei a pourj.

Familiarité. D’après la littérature, les émotions ne semblent pas avoir d’influence di-recte sur la variable de familiarité. Par définition, elle dépend du degré d’intimité desinformations transmises. Ainsi, plus des informations confidentielles sont transféréesplus le degré de familiarité augmente. Cependant, les recherches montrent qu’une per-sonne se confie plus lorsqu’elle apprécie quelqu’un (Collins et al., 1994). Dans notremodèle, cette propriété sera représentée dans le comportement des PNJ : plus un PNJapprécie un autre personnage, plus la probabilité de transférer une information confi-dentielle augmente et donc plus la familiarité augmente. Cemécanisme dépendant del’implémentation du comportement du PNJ, il n’est pas présenté dans cet article.

20 1re soumission àRIA - N˚ spécial Jeux

Figure 5. Impacts des émotions sur la solidarité

Remarque sur le modèle.Dans notre modèle, nous n’avons pas considéré la notionde groupede personnages, qui par sa structure peut générer des relations sociales etdes émotions particulières. Comme le soulignent les travaux en Sciences Humaines etSociales, la dynamique des groupes, tant d’un point de vue émotionnel que social, sedistingue fortement de l’interaction entre deux individus(pour un exemple de modéli-sation de la dynamique d’un groupe de personnages virtuels voir (Pradaet al., 2005)).

4. Implémentation et expérimentation

Dans cette section, nous présentons l’implémentation de notre modèle et l’évalua-tion que nous avons effectuée sur un scénario simple.

4.1. Opérationnalisation

Le modèle que nous avons présenté dans la section 3 est semi-quantitatif, c’est-à-dire que nous n’avons pas décrit les fonctions numériquescorrespondant aux influ-ences de la personnalité sur les émotions et des émotions surles relations sociales.Afin de décrire complètement notre modèle computationnel, nous décrivons briève-ment ici les fonctions que nous avons utilisé lors de l’implémentation.

4.1.1. Calcul des intensités des stimuli émotionnels

Dans notre modèle, le type d’émotion déclenchée par un événement donné estcomplètement décrit sur le schéma 3.2.1. L’intensité du stimulus émotionnele_d′i(e)associé à un événemente pour un PNJi est calculée à partir de l’attitude dei par

Simulation des émotions 21

rapport au patient de l’action (attitude(i, patient)), l’attitude dei par rapport à l’ac-tion (louable(i, action)), l’effet de l’action (effetaction) et le degré de certitude del’événement (dc).

Soit k un type d’émotion induit par l’événemente. L’intensitée_d,(k)i (e) est cal-

culée de la manière suivante :

– Pourk ∈ {joie, tristesse, soulagement,deception} :

e_d,(k)i (e) = moyenne(|attitude(i, patient)|, |effetaction|)

– Pourk ∈ {espoir,peur} :

e_d,(k)i (e) = moyenne(|attitude(i, patient)|, |effetaction|) ∗ dc

– Pourk ∈ {fierte, admiration,honte, colere} :

e_d,(k)i (e) = |louable(i, action)|

4.1.2. Calcul de l’intensité des émotions déclenchées

L’intensité des émotions déclenchées est calculée à partirde l’intensité du stimulusémotionnel et de la personnalité. Pour chaque facteur de personnalitéj et chaquetype d’émotionk, nous définissons une fonctionf(p(j), e(k)) qui retourne une valeurdans l’intervalle[0, 1], représentant l’influence du traitj sur l’émotioni. La valeur0représente le fait que le trait de personnalitéj n’a pas d’influence sur l’émotionk.8

L’influence d’une personnalitép sur l’intensité d’une émotionk (notéeik) est en-suite calculée suivant l’impact de tous les facteursp(j) sure(k) :

i(k)(p) =

∑nj=1 f(p(j), e(k))

card(f(p(j), e(k)) 6= 0)j=1,...,n

Les intensités des émotions déclenchées par un évènemente chez un PNJi avec unepersonnalitép alors obtenues à partir du stimuluse_d′i(t) sont obtenus en ajoutant lefacteuri(k)(p) pour chaque émotionk :

e_di(e) =

e_d′(1)i (e) ∗ (1 + i(1)(p))

...

e_d′(m)i (e) ∗ (1 + i(m)(p))

8. Dans notre implémentation, nous avons utilisé la même fonction pour tous lescouples(j, k)identifiés par les modèles psychologiques sur lesquels nous nous sommes fondés. Cette fonctionest linéaire enp(j) sur le demi-intervalle[0, 1], de sorte que l’émotion déclenchée est égale àcelle calculée dans le stimulus pour une personnalité neutre (p(j) = 0), et au plus augmentéede50% lorsquep(j) = 1.

22 1re soumission àRIA - N˚ spécial Jeux

4.1.3. Mise à jour de l’état émotionnel

En l’absence d’événement, l’intensité des émotions ressenties décroît. Notre fonc-tion de décroissance est définie de la manière suivante :

∀k, e_e(k)i (t) = e_e

(k)i (t − 1) ∗ e−tauxDecroissance

Le taux de décroissance détermine la vitesse de décroissance de l’émotion. Il est définipour chaque émotion suivant la personnalité.9

Si un événemente s’est produit, à la datet, l’état émotionnel du PNJ est calculéeà partir de l’état à l’instant précédent et des émotions déclenchées par l’événement :

∀k, e_e(k)i (t) = max(e_d

(k)i (e), e_e

(k)i (t − 1) ∗ e−tauxDecroissance)

4.1.4. Mise à jour des relations sociales

Nous définissons tout d’abord la fonctionfrs :

frs : (e_di(e), eexpj(t)) → ∆RelationSocialei,j(t)

Cette fonction prend en entrée les émotions déclenchées chez i par l’événemente(e_di(e)) à l’instant t et celles exprimées par son interlocuteurj au même instant(e_expj(t)). Elle retourne un vecteur représentant la variation de la relation socialeétant données ces émotions (∆RelationSocialei,j(t)). f est croissante pour chaquedimension de∆RelationSocialei,j(t) par rapport à chaque dimension des vecteursémotionnelse_di(e) et e_expj(t) (exceptée pour la solidarité, laquelle est croissantequand les émotions sont similaires). La fonctionfrs retourne un vecteur nul quand lesvecteurs émotionnels sont nuls.

Nous introduisons ensuite la fonctiongrs :

grs : (relation_socialei,j(t),∆RelationSocialei,j(t))

→ relation_socialei,j(t + 1)

Cette fonction prend en entrée la relation sociale courantede l’agent avec son inter-locuteurrelation_socialei,j(t) et le vecteur de variation de la relation sociale re-tourné par la fonction précédentef (∆RelationSocialei,j(t)). g retourne la rela-tion sociale mise à jour.grs est croissante et a une pente faible près de1 et−1 pourreprésenter le fait que la relation sociale varie faiblement aux extrêmes. Une fonctionde type sinus pourrait par exemple être utilisée.

La fonction de mise à jour des relations socialesϕrs est définie par :

ϕrs(relation_socialei,j(t), e_di(e), e_expj(t))

= grs(relation_socialei,j(t), frs(e_di(e), e_expj(t)))

Cette fonction prend en entrée les trois vecteurs représentant respectivement la relationsociale courante de l’agent avec son interlocuteur, ses émotions déclenchées et cellesexprimées par son interlocuteur. Elle retourne la relationsociale mise à jour.

9. Dans notre implémentation, nous avons pris le même taux0.1 pour toutes les émotions.

Simulation des émotions 23

Figure 6. Interface de notre outil

4.2. Implémentation

Le modèle présenté ici a été implémenté en Java dans un prototype qui permet dedéfinir simplement un vocabulaire du jeu, des PNJ caractérisés par leur personnalitéet leurs rôles sociaux, un ensemble d’événements ; puis de simuler l’exécution duscénario pour des personnages donnés pour vérifier la cohérence de la dynamique desémotions et des relations sociales.

Notre interface permettant de définir une scène (figure 6) estdivisée en 4 parties :

– l’ interface des pairs de rôles sociaux complémentaires(en haut à droite) quipermet de définir, visualiser, et modifier les pairs de rôles sociaux associées à la scène.Leurs valeurs peuvent être définies manuellement à travers cette interface ;

– l’ interface des PNJ(en haut à gauche) qui permet de visualiser la liste des PNJdéfinis. Pour chaque PNJ, il est possible de définir sa personnalité (en fixant les valeursd’extraversion et de neuroticisme), ses rôles sociaux (en cochant les rôles qu’il joue),ses valeurs initiales de relations sociales avec les autrespersonnages et ses attitudes.Une fenêtre, associé à chaque PNJ, permet de visualiser la dynamique de son état émo-tionnel, l’historique des émotions déclenchées et la dynamique des relations sociales(figure 7) ;

24 1re soumission àRIA - N˚ spécial Jeux

Figure 7. Fenêtre d’un personnage

– l’ interface de vocabulaire(en bas à droite) qui permet de visualiser et modifierla liste des objets et des actions définis dans le jeu, ainsi que les attitudes par défautdes PNJ vis à vis de des objets, les effets des actions et leur louabilité par défaut ;

– l’ interface des événements(en bas à gauche) qui permet de visualiser etmodifier la liste des événements définis dans le scénario par le quadruplet〈Agent,Action, Patient, dc〉, ainsi qu’une date d’événement, éventuellement unémetteur (le PNJ qui transmet l’information) et le ou les récepteurs de l’événements(les PNJ qui reçoivent l’information ou perçoivent l’événement).

En bas de l’interterface des événements, un bouton permet delancer l’évaluationde ces événements par les PNJ (selon qu’il sont acteurs, patients ou destinataires de cesévénements). Cette simulation de la scène met à jour les données (état émotionnel etrelations sociales) concernant chacun des PNJ, que l’on peut visualiser dans l’interfacedes PNJ (figure 7).

4.3. Expérimentation

Pour illustrer notre modèle et notre outil de simulation, nous avons testé ce derniersur une scène simple faisant intervenir deux personnages non-joueurs. Le contexte estun interrogatoire de police (un voleur face à un policier). Après un casse dans unebijouterie, la police arrête le voleur mais le butin a disparu. Le policier veux savoir oùle voleur a caché les bijoux et l’argent :

1. Policier : Les faits sont contre toi, tu sais. Dix personnes t’ont vu me-nacer le bijoutier avec une arme2. Voleur: Alors, qu’est ce que vous voulez ?3. Policier : Tu sais, je suis pas un salaud(le policier commence à pré-parer un café)

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4. Policier: Je t’offre un café(le policier offre un café au voleur et détacheses menottes)

5. Policier : ...Je sais que ta fille s’est faite kidnapper. La même chosem’est arrivée l’année dernière, j’ai du négocier avec ces c*** Je sais ceque c’est(expression de tristesse)

6. Policier : Je veux t’aider. Dis moi juste où tu as mis l’argent7. Voleur: J’ai besoin de cette argent pour ma fille !8. Policier : Je viens de recevoir des renseignement sur les kidnappeursde ta fille, on sait où elle est9. Policier : Dis moi tout et je suis sûr qu’on va trouver une solution pourt’éviter la prison

Nous avons testé ce scénario sur un PNJ voleur en faisant varier sa personnalité (per-sonnalité neutre et personnalité neurotique). Au début de l’interaction, étant donnésles rôles des deux personnages, le voleur est soumis par rapport au policier (la valeurinitiale de dominance est−0.3) et n’apprécie pas celui-ci (la valeur initiale d’appréci-ation est−0.4). La dynamique de l’état émotionnel et des relations sociales du voleursuivant sa personnalité sont illustrées figure 8 et 9.

Le premier énoncé du policier, codé dans le scénario comme unévènement〈policier, arreter, voleur, 0.8〉, déclenche une émotion de peur chez le voleur, carl’effet de l’actionarrêterest négative (−0.8) et le voleur a une attitude positive enverslui-même (0.3). Cette émotion de peur entraîne une diminution du degré d’appréci-ation et de dominance du voleur envers le policier. La préparation du café (énoncé3) qui correspond à la perspective d’un évènement désirablepour le voleur qui a uneattitude positive envers le café (0.4), déclenche de l’espoir. Cette émotion génère uneaugmentation du degré d’appréciation. L’intensité de l’émotion dépend de la valeur decette attitude et du degré de certitude de l’évènement (0.4). Ainsi, dans le quatrièmeénoncé, recevoir une tasse de café déclenche une émotion de joie de faible intensitéalors que le huitième énoncé déclenche une émotion de joie etd’espoir de plus forteintensité. Une émotion peut aussi être issue d’un rappel d’un évènement désirable ouindésirable, comme illustré dans l’énoncé 5 : cet énoncé déclenche de la tristesse avecune intensité forte chez le voleur. Mais puisque le policiern’est pas responsable del’émotion négative (il n’a pas kidnappé la fille), l’évènement n’a pas d’impact surle degré d’appréciation. Au contraire, la congruence entrel’émotion déclenchée duvoleur et celle exprimée par le policier (qui lui même exprime de la tristesse) entraîneune augmentation du degré de solidarité et par conséquent une augmentation du degréd’appréciation. De plus, parce qu’il exprime de la tristesse, la dominance du voleurdiminue.

En comparant la dynamique de l’état émotionnel lorsqu’il est doté d’une per-sonnalité neutre et d’une personnalité neurotique, nous avons pu observer troisphénomènes. Tout d’abord, l’intensité des émotions négatives déclenchées est plusforte lorsque le PNJ est neurotique. Cela se traduit alors directement par une altéra-tion différente de la relation sociale (le voleur se sent alors plus soumis mais son degréd’appréciation du policier reste plus faible). Enfin, l’état émotionnel globalement né-

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Figure 8. Evolution de l’état émotionnel du voleur, avec une personnalité neutre (àgauche) et avec une personnalité neurotique (à droite).

gatif qui résulte de ces émotions de plus forte intensité ainsi que l’altération de larelation sociale fait que le PNJ n’adopte pas le même comportement. Par exemple,nous avons fixé un seuil pour les valeurs de dominance et d’appréciation pour que levoleur donne l’information au policier. Le voleur neurotique ne transfert pas l’infor-mation alors que celui doté d’une personnalité neutre, va décider de coopérer.

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Figure 9. Evolution de la relation sociale du voleur avec le policier,pour une person-nalité neutre (à gauche) et pour une personnalité neurotique (à droite).

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5. Perspectives et travaux en cours

Dans cet article, nous avons présenté l’intérêt d’une modélisation riche des PNJde jeux vidéo pour améliorer le sentiment d’immersion et donc le plaisir des joueurs.En particulier, nous nous sommes intéressés à un modèle de ladynamique des émo-tions prenant en compte personnalité et relations sociales. Bien que la littérature surles émotions soit riche et variée avec des contributions importantes des sciences hu-maines et sociales ainsi que de l’informatique affective, les modèles proposés con-sidèrent généralement ces différents aspects de manière isolée et souvent partielles.Après avoir présenté les travaux pertinents de cette littérature, nous avons proposé unmodèle global original qui se focalise à la fois sur les interactions entre ces différentescomposantes et sur la dimension dynamique des émotions et des relations sociales. Deplus, ce modèle de haut niveau cohérent avec les résultats depsychologie a été ensuiteopérationnalisé de façon a pouvoir faire des prédictions sur les états émotionnels quisoient utilisables dans des applications concrètes tels que le jeu vidéo.

Bien que ces résultats constituent des avancées significatives, d’importantes per-spectives apparaissent pour les compléter et les prolonger. Dans un premier temps,des expérimentations plus poussées sont nécessaires pour évaluer notre modèle, et enparticulier son opérationnalisation. En effet, notre modèle qui se veut compatible avecles résultats issus de la psychologie, va plus loin en faisant des prédictions précises surles états. Les fonctions et paramètres choisis sont pertinents mais définis de manièreheuristique et c’est donc à travers des expériences plus poussées, faisant aussi inter-venir des observateurs humains, que nous pourrons parachever leur validation.

D’autre part, l’objectif à terme de notre modèle n’est pas dese limiter au niveauémotionnel. L’intérêt de cette modélisation apparaîtra eneffet de façon plus marquéequand nous aurons complété sa prise en compte dans la prise dedécision, la sélectionde l’action et plus généralement dans le contrôle du comportement. Nous n’avons pasabordé ici cet aspect important car il s’agit de travaux en cours, qui se déroulent enparallèle dans notre équipe et avec nos partenaires dans le projet DEEP (RIAM 2006-2008) - en particulier l’entreprise Spir.Ops. Dans ce contexte, nous nous intéressonsen particulier pour l’instant au dialogue dans les jeux d’aventure, avec l’idée d’offrirune alternative plus riche et crédible aux dialogues scriptés et donc souvent répéti-tifs qui sont le lot de la plupart des jeux actuels. Une architecture à base d’agentsautonomes qui intégre le modèle émotionnel présenté ici devrait en effet permettred’obtenir des dialogues à la fois plus naturels, plus cohérents avec l’histoire et le con-texte, et plus réactifs aux évènements du scénario et aux actions du joueur. Cette am-bition applicative rencontre cependant des limitations pratiques puisque la plupart desjeux vidéo actuels ont leurs dialogues préenregistrés par des acteurs professionnelspour des raisons de réalisme sonore. Prolonger notre approche non-scriptée jusqu’àson terme nécessiterait donc de maîtriser complètement la chaîne de production dedialogue en y incluant la génération de langage, la synthèsevocale, et son interpréta-tion émotionnelle. À très court terme, nous travaillons donc d’une part sur la sélectiond’énoncé (parmi des énoncés pré-enregistrés) en utilisantnotre modèle ; d’autre partnous pouvons contrôler la chaîne de production des dialogues pour certains person-

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nages clés pour lesquels le réalisme sonore n’est ni nécessaire ni souhaitable. A moyenterme, notre modèle et ses extensions pour la sélection d’action pourront être appliquésà la gestion du dialogue dans les jeux d’aventure et plus généralement pour la sélectiond’action prenant en compte une dimension émotionnelle. A plus long terme, on peutenvisager de définir des PNJ dont le moteur de décision utilise l’impact émotionnelet les prédictions sur l’évolution de la relation sociale pour définir une stratégie dedialogue et, plus généralement, de comportement.

Enfin, en conclusion, même si nous avons gardé en filigrane de cette article l’idéedes applications au jeu vidéo, rappelons que le coeur de notre modèle est tout à faitgénéral et pourrait donc s’appliquer potentiellement à tout domaine utilisant des ac-teurs synthétiques ou même plus généralement des agents intelligents munis d’unniveau émotionnel. Les deux caractéristiques particulièrement intéressantes du jeuvidéo pour notre approche sont d’une part de fournir des environnements d’expéri-mentation (en particulier des prototypes de jeux) pour l’évaluation de nos travaux, etd’autre part d’offrir un cadre où l’objectif final est non pasle réalisme psychologique(un ’mimétisme’ parfait avec la cognition humaine) mais bien des personnages crédi-bles, pour lesquels donc des déviations partielles avec la réalité ne sont pas forcémentrédhibitoire tant que la cohérence globale est préservée.

Remerciements

Ces travaux, effectués au sein du projet Dialogue prenant encompte l’ Experience,les Emotions et la Personnalité (DEEP), ont été financés par le réseau Recherche etInnovation en Audiovisuel et Multimédia (RIAM) entre juin 2006 et octobre 2008.Florent Boutin et Karim Sehaba ont contribué aux versions initiales de ces travaux.

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