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Thomas BRISART, Un art citoyen. Recherches sur l'orientalisation des artisanats en Grèce...

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Décision d'imprimer : le 1er mars 2010.

Mémoire de la Classe des LettresCollection in-8o, 3e sérieTome LIV, no 20712011

© 2011, Académie royale de Belgique

Toutes reproductions ou adaptations totales ou partielles de ce livre,par quelque procédé que ce soit et notamment par photocopie ou microfilm,réservées pour tous pays.

No Dépôt légal 2011/0092/5

ISSN 0378-7893ISBN 978-2-8031-0278-5

Communications s.p.r.l.,imprimeur de l’Académie royale de Belgique, Limal

Diffuseur : Académie royale de BelgiquePalais des Académiesrue Ducale, 1, 1000 BruxellesTél. 32/2/550.22.06 - 32/2/550.22.21Fax 32/2/550.22.05e mail : [email protected]

À mes deux sœurs, Marie et Hélène

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« Nous sommes entrés dans la chapelle du sommet. Pacôme grattait les murs avec l’ongle pour découvrir des restes d’anciennes fresques, montrait triomphalement les petites colonnettes byzantines de la fenêtre ; il m’a appelé, plein d’admiration, pour me faire voir deux colombes byzantines, joignant leurs becs, qui symbolisaient le Saint-Esprit. Il s’efforçait de découvrir, de reconstituer la vie ancienne, se refusait à laisser le passé être le passé. Sur ce sommet où Dieu était descendu comme une flamme insatiable, cet esprit d’archéologie me gênait. Je me suis tourné vers le moine :

– Père Pacôme, lui dis-je, comment imagines-tu Dieu ?Il m’a regardé, interdit, a réfléchi un instant :– Comme un père qui aime ses enfants, dit-il.– Tu n’as pas honte ? criai-je, sur ce mont Sinaï tu oses

ainsi parler de Dieu ? Mais tu n’as donc pas lu l’Écriture ? Dieu est « un feu qui consume » !

– Pourquoi me dis-tu ça ?– Pour que tu laisses toutes ces choses, tout ce passé ;

laisse Dieu les brûler. Suis donc, Pacôme, le feu de Dieu et ne cherche pas à recueillir la cendre. »

Nikos Kazantzakis, Lettre au Greco (trad. M. Saunier)

« Les historiens nous proposent du passé des systèmes trop complets, des séries de causes et d’effets trop exacts et trop clairs pour avoir jamais été entièrement vrais. »

Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien

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Avant-propos

Ce livre est issu d’une thèse de doctorat réalisée dans le cadre d’un mandat d’aspirant au Fonds National de la Recherche Scientifique de Belgique et soutenue à l’Université libre de Bruxelles au mois de Mai 2009. Le manuscrit a par la suite été retravaillé à l’Université d’Ox-ford, grâce à un généreux financement alloué par la Fondation Phi-lippe Wiener – Maurice Anspach, et à l’aimable accueil du Ioannou Centre for Classical and Byzantine Studies et de Wolfson College.

Bien que nos recherches aient consisté en un travail essentielle-ment livresque, et donc solitaire, elles n’auraient pu aboutir sans l’aide d’un nombre important de personnes auxquelles nous tenons à exprimer ici notre gratitude. La première place dans cette liste de remerciements revient à notre directrice de recherches, Athéna Tsingarida, laquelle a su s’acquitter de ses obligations avec complétude et enthousiasme. Elle nous a par ailleurs accordé une confiance énorme, nous laissant totalement libre dans les orientations que nous donnions à notre travail, tout en s’avérant apte à nous remettre sur la bonne voie lorsqu’il nous arrivait d’emprunter un chemin incertain. Vient ensuite Didier Viviers, qui, le premier, nous a amené à nous intéresser à la Crète et à la période proto-archaïque. Ses relectures attentives et les nom-breuses discussions que nous avons pu avoir ensemble se sont avé-rées constituer un terreau fondamental à bien des égards. Il nous faut en troisième lieu remercier Hartmut Matthäus, François de Polignac et Olivier Gosselain, lesquels, avec le concours des deux premiers, ont bien voulu constituer le jury chargé d’examiner notre dissertation doctorale. Leurs remarques ont grandement contribué à l’amélioration du manuscrit initial. À Oxford, pour des raisons pas tant pratiques qu’intellectuelles, Irene Lemos a été la meilleure des hôtes et nous ne lui en serons jamais assez recon-naissant.

Avant-propos

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Que soient également remerciés ici, pour les discussions, relec-tures et indications qu’ils ont aimablement prodiguées : Isabelle Algrain (Bruxelles), Hélène Aurigny (Aix-en-Provence), Giacomo Biondi (Catane), John Boardman (Oxford), Anne Coulié (Paris), Nadia Coutsinas (Paris), Matteo D’Acunto (Naples), Susanne Ebbinghaus (Harvard), Cécile Jubier-Galinier (Perpignan), Antonis Kotsonas (Amsterdam), Donna Kurtz (Oxford), Natacha Massar (Bruxelles), Margaret Mook (Ames, Iowa), Thomas Patrick (Oxford), Oliver Pilz (Mayence), Catherine Saint-Pierre (Paris), Bert Smith (Oxford), Alexander Vacek (Oxford) et Alexandra Villing (Londres). N’oublions pas non plus Roland Étienne, lequel s’est toujours montré très attentif à notre travail et a facilité sa poursuite à diverses occasions.

Les instituts archéologiques d’Athènes nous ont offert à de nombreuses reprises la possibilité de séjours studieux, durant lesquels nous avons pu profiter sans la moindre restriction de leurs bibliothèques et, le cas échéant, de leurs infrastructures d’accueil dans la capitale et ailleurs en Grèce. Nous aimerions en particulier remercier ici Dominique Mulliez, Véronique Chankowski et Evi Platanitou à l’École française, ainsi que Catherine Morgan et le personnel de la bibliothèque à la British School. Que soient égale-ment remerciés les membres du Centre de Recherches en Archéo-logie et Patrimoine de l’Université libre de Bruxelles, auquel nous avons été rattaché depuis le début de nos travaux.

Nos parents se sont révélés être des relecteurs très attentifs, de même que Nicolas et Minou. Marie et Hélène, ont été, chacune à sa manière, un soutien fondamental. Enfin, il y a Giulia, Sébas-tien, Charlotte, Benjamin, Aurélien et Violette, qui ont contribué bien plus qu’ils ne le pensent. Merci à tous.

Les abréviations sont celles de l’Archäologische Bibliographie. Les noms des revues qui ne sont pas reprises par cette dernière sont cités en toutes lettres. Par souci d’accessibilité, les notions et courtes citations en grec ancien qui jalonnent le texte ont été translittérées, de même que les noms des auteurs des études écrites en grec moderne. En revanche, il nous a paru inutile de translitté-rer les intitulés des ces dernières. Signalons à ce propos que nous avons retenu le système d’accentuation monotonique pour le grec moderne, et ce y compris pour les études publiées selon le système polytonique.

Athènes, Octobre 2010

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PRÉAMBULE

Pour une histoire sociale de l’art grec

« It was by looking at these eastern arts, whose strict conventions embodied far more of nature than the near-abstract Geometric,

that Greek artists were able to break from that and establish a comparable style of their own. » 1

L’artiste grec et son œuvre

L’histoire de l’art de la Grèce antique a longtemps été conçue en termes de croissance. Depuis la parution de la Geschichte der Kunst des Altertums de Johann Joachim Winckelmann en 1764 au moins, on n’a eu de cesse d’envisager l’art grec comme étant doté d’une vie à part entière, laquelle, entre l’aube du Ier millénaire et l’arrivée des Romains, aurait été rythmée par différents âges : l’en-fance, simple et naïve, des premiers temps géométriques ; l’adoles-cence orientalisante, toute de rébellions et d’apprentissages ; la jeunesse insatiable de la période archaïque, pleine de promesses et de projets ; la maturité sereine et parfaite du classicisme ; et enfin, la dégénérescence du long crépuscule hellénistique. Ce n’est qu’au fil de ces différents stades que l’art grec serait parvenu à conquérir un certain nombre de caractéristiques essentielles qu’on lui prête à présent, dont la vraisemblance anatomique (mimêsis), l’harmo-nie des proportions (kanôn) ou encore la mesure de l’expression

1 M. Robertson, A Shorter History of Greek Art, Cambridge, 1981, p. 4.

Préambule

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des émotions. 2 Aujourd’hui encore, pour ne prendre qu’un exemple parmi d’autres, il est courant de dater la plastique proto-archaïque et archaïque en fonction de son degré de naturalisme, ce qui implique que l’on se figure toujours l’histoire de l’art grec comme une conquête lente et progressive du modèle naturel. 3

Et de fait, l’appropriation de ce modèle naturel, de même que sa réélaboration idéalisée, semblent avoir travaillé les Anciens. Homère déjà, lorsqu’il décrit le bouclier forgé par Héphaïstos pour Achille, laisse clairement entrevoir qu’il apprécie un ouvrage figuré à la mesure de son degré de réalisme. 4 Par ailleurs, la conception de l’œuvre d’art tantôt comme une copie de la nature (mimêtikê technê), tantôt comme une représentation idéalisée (paradeigma), notamment en ce qui concerne les proportions, est longuement discutée chez Platon. 5 Du côté des Romains, grands amateurs de la culture hellénique, Cicéron et Quintilien établissent la vraisemblance comme principal critère de jugement de l’œuvre d’art et esquissent une première histoire de l’art grec conçue comme une conquête progressive de cette aspiration. 6 Et il ne s’agit là que de quelques exemples.

Bien entendu, cette conquête de la beauté, à la fois mimétique et idéale, a été perçue, et ce depuis l’Antiquité, comme le fait de l’artiste avant toute chose. Le portrait que nous livrent les sources anciennes de l’artiste grec est certes ambigu. Ce dernier demeure avant toute chose un banausos, une personne qui travaille de ses mains, et de ce fait est méprisé par les classes supérieures. Mais il apparaît aussi comme un démiurge, un inventeur. Depuis les prototypes mythiques tels qu’Héphaïstos et Dédale, jusqu’aux figures romancées de Zeuxis et Parrhasios, l’artiste est admiré,

2 Voir, pour les XVIIIe et XIXe siècles, l’introduction historiographique dans W. D, Du miracle grec au miracle chrétien, Bâle, 1945. Plus proches de nous, voir notamment R. M. C, Greek Art. Its Development, Character and Influence, Londres, 1972, p. 19 ; B 1975, p. 18 ; et S. W, An Introduction to Greek Art, Londres, 1986, p. 168. Voir aussi la querelle passion-nante et passionnée qui opposa Francis Croissant et Philippe Bruneau à propos des tendances naturaliste et idéaliste de la sculpture grecque dans la revue Topoi (F. C, La sculpture grecque est-elle un art abstrait ?, Topoi 4 [1994], pp. 95-107 ; et P. B, Qu’il n’est d’art qu’abstrait ou du réalisme dans la statuaire grecque, Topoi 5 [1995], pp. 33-61).

3 Voir en particulier R 1994, pp. 128-130 ; 160-164.4 Iliade XVIII, 477-608. Cf. S 1997, pp. 5-6. 5 Voir notamment le récapitulatif dans E. P, Idea. Contribution à l’his-

toire du concept de l’ancienne théorie de l’art, Paris, 1983 = Idea. Ein Beitrag zur Begriffsgeschichte der älteren Kunsttheorie, Berlin, 1960, pp. 17-18.

6 Cicéron, Brutus 18, 70 ; Quintilien 12, 10, 1-9.

Pour une histoire sociale de l’art grec

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sinon craint, pour son ingéniosité. De nombreux documents nous présentent en outre les artistes rivalisant de créativité entre eux. On sait par plusieurs textes qu’il existait des concours entre sculp-teurs et entre potiers, tandis que plusieurs inscriptions figurant sur des vases attiques indiquent que certains peintres du Céra-mique concevaient leur travail en réaction aux innovations de leurs confrères. L’artiste grec apparaît à tel point maître de son art qu’il en vient à le théoriser dans des traités, comme l’ont fait les architectes Théodoros et Ictinos ou le sculpteur Polyclète dans son fameux Canon. 7 Inventif, compétitif, théoricien, l’artiste grec tel que nous le donnent à voir les sources, nous apparaît ainsi indépendant. Il agit de son propre chef et c’est dans son initia-tive qu’il faut rechercher le moteur de ce lent cheminement vers la forme parfaite que constitue l’art grec, comme le laisse par exemple sous-entendre Martin Robertson dans le passage cité en tête de ce préambule.

Mais cette vision que s’est forgée l’Occident de l’artiste grec et de son travail, autant sur la base de sources anciennes que de la conception occidentale de ce qu’est l’art telle qu’elle se définit à partir de la Renaissance, ne doit plus faire preuve de ses limites. Une quantité innombrable d’études ont contribué, tout au long du XXe siècle, à mettre en évidence la dimension fonctionnelle que revêtait l’art dans la société grecque et, partant, l’intervention de nombreux acteurs dans son élaboration. L’artiste grec n’est plus maître absolu de son art. Une des avancées les plus signifi-catives de la recherche à cet égard est d’avoir réinséré l’élabora-tion des styles dans le cadre de dialogues entre communautés et classes sociales. 8 Pour prendre un exemple évident, il paraît clair aujourd’hui que le Parthénon n’est pas sorti de terre parce qu’Icti-

7 Sur ces différents aspects de l’artisan grec, voir l’excellent aperçu de S 1997, pp. 5-26.

8 Voir notamment, à propos de la signification sociale des styles de la plastique archaïque, F. C, Les protomés féminines archaïques : recherches sur les représentations du visage dans la plastique grecque de 550 à 480 av. J.-C., Paris, 1983 [Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome 250], pp. 378-379 ; V 1992, pp. 219-224 ; R 1994, pp. 246-251 ; et D 2006, pp. 217-250. Notons aussi l’étude d’A. T, Anatomy and Poses of the Human Figure in Attic Art from the Last Quarter of the Sixth to the First Quarter of the Fifth Centuries B.C. (thèse de doctorat, Université d’Oxford), 1997, laquelle met en évidence que les efforts déployés par les artistes athéniens de la fin de la période archaïque pour atteindre un rendu plus naturaliste de l’anatomie, des poses et des émotions sont en grande partie stimulés par les travaux de philosophes et médecins contemporains.

Préambule

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nos et Callicratès avaient rêvé d’un bâtiment aux proportions par-faites, mais bien parce que la propagande impérialiste d’Athènes impliquait une excellence architecturale. 9

Cette contextualisation a également mis en évidence que la recherche du beau, qui pour des raisons tant de plaisir, d’osten-tation, d’identité, que de croyances, a pu intervenir dans l’élabo-ration d’une part importante de la culture matérielle de la Grèce ancienne, ne suffit pas à expliquer l’évolution de l’art grec. En effet, si la société dans son ensemble est à l’ouvrage dans l’éla-boration de son art, l’expérience esthétique fait place à d’autres contingences. L’art grec sert de support à la communication entre les vivants, les dieux et les morts, est utilisé pour boire du vin et s’enduire d’huile, commémore une victoire, loue peuples et cités, rapporte de l’argent à l’artisan et au marchand, tout comme il aide à définir les identités individuelles et collectives. Sans compter que l’idée d’un art grec dont l’évolution serait guidée par une ten-dance insatiable vers un mieux esthétique ne s’accorde pas forcé-ment avec la vision que les anciens Grecs avaient de leur histoire, laquelle est très différente de la nôtre. Certes, notre approche du temps qui passe comme un lent progrès est en grande partie rede-vable des schémas évolutifs mis au point par plusieurs penseurs grecs, dont Platon et Aristote, notamment en matière de pensée politique. On sait par exemple comment, pour ces philosophes, la cité grecque est passée de la monarchie à l’oligarchie, puis de l’oligarchie à la démocratie et comment cette vision des choses influença les historiens modernes. Plusieurs textes témoignent néanmoins du fait que les Grecs percevaient l’écoulement du temps comme l’éloignement inexorable d’un Âge d’or à jamais perdu. Le mythe hésiodique des races est sans doute l’illustration la plus explicite de ce point de vue. 10

C’est ainsi qu’une part importante de la recherche a choisi de se détacher, ne fût-ce que partiellement, de cette vision de l’art grec comme la quête de la part de l’artiste vers plus de perfection for the sake of it. Certains ont d’ailleurs progressivement cessé de parler d’« art grec », mettant ainsi en exergue le fait que l’art pour l’art n’existait pas dans le monde grec, du moins pas de la même façon que nous pouvons envisager une œuvre d’avant-garde aujourd’hui. Faut-il seulement rappeler que notre terme « art » ne

9 Cf. M.-C. H, L’architecture grecque, vol. 2. Architecture religieuse et funéraire, Paris, 2006, p. 82.

10 Cf. H, Les travaux et les jours, 109-201.

Pour une histoire sociale de l’art grec

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trouve aucun équivalent en grec ancien ? Les Grecs désignaient leurs productions artisanales par le terme « technai », lequel se rap-porte davantage au savoir-faire que celles-ci impliquaient plutôt qu’à leur qualité esthétique. Si nous continuerons à parler d’ « art orientalisant » dans le cadre de cet ouvrage, c’est donc avant toute chose pour des raisons de commodité et d’usage.

Les sources anciennes sur le rôle de l’artiste et sur la nature de l’art grec ne nous mentent pas forcément. Mais elles semblent bien ne vouloir révéler qu’une partie de l’histoire. De nombreux artisans grecs, dans certaines cités, à certaines époques, n’ont eu de cesse de vouloir capturer, comme les Pionniers de la céra-mique attique à figure rouge, anatomie, émotions et mouvement au plus proche de ce que leur donnait à voir la réalité, ou de mettre au point, comme Polyclète y parvint, un système de pro-portions idéal. Et ils ont sans doute conçu cette recherche comme une expérience esthétique, même si celle-ci se subordonnait à la vocation première de leur travail : répondre à une demande. Mais l’art grec, dans son ensemble, ne doit pas pour autant être perçu comme une aventure individuelle à la poursuite du beau. Il consti-tue aussi, et avant toute chose, un ensemble d’objets utilisés par des hommes et dont la conception et l’évolution sont condition-nées par leurs besoins et leur histoire. L’historien de l’art grec ne saurait donc plus se limiter aux études de forme, de chronologie et d’attribution. Il entend désormais reconstituer les nombreux liens qui unissent cet art et son contexte social. Il s’agit à présent d’écrire une « histoire sociale » de l’art grec. 11

La « période orientalisante »

Ce livre se veut une contribution à cette immense entreprise de contextualisation et se penche sur un épisode de l’histoire de l’art grec en particulier : la « période orientalisante », c’est-à-dire la phase durant laquelle les artisans grecs intégrèrent un certain nombre de caractéristiques propres aux traditions artisanales des cultures établies au Proche-Orient (à savoir en Anatolie, sur la côte du Levant, en Mésopotamie, en Égypte et à Chypre) et qui correspond à la période que l’on dénomme de plus en plus sou-vent « période proto-archaïque », soit le VIIe siècle avant J.-C. Il

11 Sur l’usage de l’expression, voir P. S, The Social History of Roman Art, Cambridge, 2008, pp. 4-6, à propos de l’art romain.

Préambule

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est vrai que le développement d’un art archaïque, puis classique, n’aurait pas été possible sans l’ingestion préalable de nombreux savoir-faire orientaux en matière de répertoires et de techniques. Il peut sembler évident également au regard de la beauté de cer-tains objets grecs orientalisants, que certains artisans grecs ont éprouvé une réelle fascination pour les modèles orientaux et qu’ils ont mis tout leur cœur à les reproduire et les adapter. Nous vou-drions cependant nous émanciper ici de la double assomption véhiculée par de nombreux auteurs selon laquelle l’art orientali-sant 1) constituerait une période d’apprentissage dont le but serait l’abandon de l’esthétique géométrique et l’élaboration de l’art archaïque, étape essentielle sur le chemin du classicisme ; et 2) serait une entreprise artisanale avant toute chose. 12 Nous tente-rons au contraire de développer, à la suite de plusieurs chercheurs, une conception plus globale de l’orientalisation de l’art grec, qui fera intervenir, aux côtés des considérations esthétiques per se, des facteurs économiques, religieux, mais surtout sociaux et poli-tiques. Pour être plus précis, nous aimerions mettre en évidence le fait que l’art orientalisant constitue un phénomène intimement lié à l’émergence d’une nouvelle forme d’organisation sociale en Grèce, à l’articulation des périodes géométrique et proto-archaïque : la cité-État.

Ce livre se compose de trois parties. L’objet de la première partie est double. D’une part, elle entend mieux définir ce que nous entendrons par « art orientalisant » tout au long de cette étude et fournit à cet effet un rapide rappel des circonstances his-toriques qui ont rendu possible l’orientalisation des artisanats en Grèce proto-archaïque. D’autre part, elle précise nos objectifs, nos méthodes et nos sources. Les deux autres parties se penchent sur l’art orientalisant tel qu’il se manifeste dans les cités du centre du bassin égéen, d’une part, et dans les cités crétoises, d’autre part. Nous verrons que ces deux ensembles de cités ont connu un développement relativement contrasté et que l’art orientalisant n’y revêt par conséquent pas exactement la même signification.

12 Voir par exemple la citation de Martin Robertson en tête de ce préambule ; et B 1975, p. 18.

Pour une histoire sociale de l’art grec

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À propos d’un ouvrage récent

En mai 2009, au moment même où nous soutenions la thèse de doctorat dont le présent ouvrage est issu, Ann Gunter publiait aux Presses universitaires de Cambrige un livre intitulé Greek Art and the Orient. L’objectif de ce dernier s’est révélé être identique au nôtre, puisqu’il entendait mieux comprendre la signification de l’orientalisation de l’art grec. Il est cependant très vite apparu aussi que les deux études étaient loin d’être redondantes de sorte que la publication de notre thèse ne nous a pas paru vaine. D’une part, on invoquera une forme de complémentarité. En particulier, alors que Gunter insiste sur la nécessité de comprendre ce qu’il se passe entre les Grecs et les populations du Proche-Orient pour appréhender l’orientalisation, nous mettons en évidence l’impact de changements sociétaux propres au monde grec sur le proces-sus. D’autre part, les deux livres divergent sur un certain nombre de points, notamment en ce qui concerne la définition de l’art orientalisant ou encore la symbolique de l’Orient dans l’imagi-naire grec. Si certains de ces désaccords sont discutés dans ce livre, il n’était pas pour autant question pour nous de reconstruire notre étude dans le but d’en faire une réponse à Gunter. Nos approches sont tellement contrastées et explorent des champs tellement diffé-rents que c’est un nouveau livre que nous aurions dû écrire. Un tel revirement nous aurait par ailleurs entraîné vers des eaux dans lesquelles nous n’avons pas pied, en particulier en ce qui concerne l’histoire et l’archéologie de l’empire assyrien et les théories anthropologiques dont se nourrit en grande partie Greek Art and the Orient. Nous ne pouvons au final que conseiller au lecteur, tout en ayant conscience du fait que l’étude de Gunter jouit d’une bien meilleure assise théorique que la nôtre, de lire les deux études en parallèle. De nombreuses questions resteront en suspens à l’is-sue d’un tel exercice, mais la diversité et la complexité de pro-blèmes gravitant autour de la question de l’orientalisation, ainsi que l’ampleur du travail qui reste à effectuer dans ce domaine, n’en apparaîtront que plus clairement.

315

Conclusion

Un art citoyen

L’objet de ce livre était de mieux comprendre les raisons qui ont conduit à l’orientalisation des productions artisanales en Grèce entre la fin du VIIIe et le début du VIe siècle avant J.-C. Jusqu’ici, la bibliographie s’était en majeure partie contentée d’explications élusives, arguant que la multiplication, à cette époque, des contacts entre le monde égéen et le Proche-Orient (l’Anatolie, le Levant, la Mésopotamie, Chypre et l’Égypte) suffisait à expliquer ce phénomène. Le défaut d’une telle présentation était bien sûr de retirer quasiment toute initiative aux Grecs. Par ailleurs, les quelques études qui leur accordaient un rôle plus dynamique dans l’orientalisation se limitaient pour la plupart à des considérations purement artistiques. Ainsi, a-t-on souvent vu dans ce phénomène une période d’apprentissage, durant laquelle les artisans grecs expérimentent un certain nombre de techniques et de thèmes ico-nographiques orientaux qui leur permettent de dépasser l’esthé-tique géométrique et de mettre au point l’art archaïque à propre-ment parler.

Plusieurs auteurs ont néanmoins insisté sur les limites de cette conception de l’orientalisation des productions artisanales en Grèce, soulignant que la compréhension de ce phénomène devait nécessairement tenir compte du contexte social au sein duquel il prenait place. Nous avons cité à ce propos François de Polignac, Ian Morris, ou encore Nicholas Purcell. À la suite de ces derniers, nous nous sommes proposé d’explorer la question des raisons de l’orientalisation par le biais de l’étude du statut social des arte-

Conclusion

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facts orientalisants dans la société proto-archaïque. Notre idée était qu’en comprenant mieux le rôle que ces objets y jouaient, les causes de leur émergence apparaîtraient plus clairement.

Pour mettre en lumière ce statut social, nous avons entrepris une enquête détaillée des contextes archéologiques des objets orientalisants, de leurs caractéristiques, mais aussi l’examen d’un certain nombre de textes. Or ce travail de contextualisation a clai-rement montré que ces objets jouissaient d’un statut tout à fait particulier dans la société grecque. Pour être plus précis, ils étaient utilisés dans le cadre d’institutions étroitement liées à l’émergence de la citoyenneté à laquelle on assiste à la même époque. C’est en comprenant mieux la fonction de ces institutions, mais aussi en nous interrogeant sur le rôle exact qu’y jouait l’art orientalisant, que nous sommes arrivé à une nouvelle conception de l’orienta-lisation. Reprenons notre cheminement de façon plus détaillée.

Les épopées et, dans une moindre mesure, l’archéologie dépei-gnent la société géométrique comme une société dans laquelle le pouvoir apparaît à la fois instable et concentré dans les mains d’un seul individu. Nous l’avons vu, les différentes familles, ou oikoi, d’une même localité semblent être regroupées sous la tutelle d’un leader, lequel détient le pouvoir décisionnel, militaire et judiciaire. Néanmoins, ce pouvoir ne lui est jamais définitivement acquis, et c’est justement en affirmant en permanence sa capacité à gérer les conflits internes et externes par la force armée, mais aussi en s’assurant un réseau de loyautés nécessaire à cela, qu’un basileus (ou chef de famille), affirme sa préséance sur les autres basileis. S’il n’est plus en mesure de le faire, le pouvoir échoira à un autre.

Mais dans le courant de la seconde moitié du VIIIe siècle et de la première moitié du VIIe, le pouvoir de prendre les armes, de délibérer des affaires publiques et de rendre les jugements prend une allure très différente. Plusieurs indices concourent en effet à suggérer que ce pouvoir se stabilise et se collectivise ; il devient plus particulièrement l’apanage d’un ensemble clairement défini de citoyens, à la manière de ce que l’on observe dans les cités des époques ultérieures. Pour rappel, voici quels ont été les princi-paux éléments invoqués à l’appui de ce constat.

En premier lieu, l’émergence de lieux de culte indépendants de l’habitat atteste le transfert de l’organisation du culte depuis les mains d’un particulier vers une collectivité. Or l’appropriation de l’organisation du culte va de pair, nous l’avons vu, avec l’appro-priation du pouvoir politique. Le culte donne en effet une légitimité religieuse à un gouvernement mais peut également aider à mieux

Conclusion

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définir la classe dirigeante (nous nous sommes penché, dans le cadre de notre problématique, sur les cultes civiques), ainsi que la population dirigée et les territoires revendiqués (nous avons évoqué le cas des cultes extra-urbains). La collectivisation de l’organisa-tion du culte reflète donc selon toute vraisemblance une collectivi-sation du pouvoir. La construction de temples en particulier consti-tue l’indice très clair d’une mise en commun des ressources et d’un gouvernement stable. Enfin, nous avons vu dans le cas du temple A de Prinias comment sa décoration sculptée établissait un lien très clair entre l’édifice et la citoyenneté, notamment par le biais d’une frise de cavaliers représentés de façon strictement équivalente.

Le développement d’autres lieux publics, indépendants des habitats et conçus de façon durable, atteste aussi une ouverture et une stabilisation du pouvoir politique. Le cas de la Crète s’est avéré particulièrement riche de ce point de vue. Il nous a en effet offert un exemple très ancien d’agora, l’agora de Dréros, datant du VIIIe siècle, lequel témoigne de l’existence d’assemblées à cette époque. L’île nous livre également, un peu plus tard, plusieurs salles de banquet. Or, il est plausible que ces salles de banquet soient à mettre en relation avec les andries crétoises mentionnées dans les textes, groupements de citoyens fondés sur le principe de la commensalité.

L’évolution des sépultures constitue un autre indice particuliè-rement révélateur. Ian Morris, sur la base du cas athénien, a mis en évidence que le droit à la « sépulture formelle » (formal burial), c’est-à-dire à la sépulture durable, la seule susceptible de nous apparaître encore aujourd’hui, n’allait pas de soi en Grèce géo-métrique et (proto-)archaïque. Durant certaines périodes, ce droit semble en effet avoir été réservé à une élite. Or nous avons pu observer à différentes occasions au fil de cette étude que la fin de la période géométrique marquait souvent un changement important dans l’évolution des tombes formelles, en l’occurrence leur aug-mentation. Que cette croissance soit attribuée à une concentration de ces tombes en un point donné ou à une extension du droit à ce type de sépulture, elle semble dans tous les cas devoir être mise en relation avec une collectivisation des droits politiques. Dans un cas, elle suggère que les élites se regroupent et qu’une vie publique se développe ; dans l’autre, que le cercle des personnes concernées par le pouvoir s’étend.

La déprivatisation de la force armée s’est avérée constituer un autre indice important. Nous avons constaté au travers des textes homériques et de l’archéologie que, dans la société géométrique,

Conclusion

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le port des armes et, partant, le recours à la violence armée dans la gestion des conflits, tant au sein de la communauté que dans le cadre d’une agression externe, étaient l’affaire des individus. Avec le Géométrique final, plusieurs indices, en particulier les tombes, suggèrent que le port d’arme à titre individuel se raréfie. Cela laisse à supposer que le recours à la force armée n’est plus l’affaire des particuliers mais bien d’une collectivité, en l’occur-rence la citoyenneté. Il y aurait donc collectivisation du pouvoir militaire et judiciaire : la gestion des tensions internes passerait par les tribunaux, et celle des conflits externes par la phalange. Ce deuxième aspect constitue ce que d’aucuns ont appelé la « réforme hoplitique », soit la migration de la puissance militaire depuis le basileus vers un ensemble de citoyens, pour laquelle nous possé-dons de nombreux indices archéologiques et littéraires.

Enfin, un dernier élément indubitable en faveur de l’émergence d’un gouvernement collectif et stable est bien entendu livré par les lois crétoises, qui font leur apparition vers 650 au plus tard. D’une part, elles attestent l’existence d’un gouvernement assez stable pour avoir émis ce type de documents. D’autre part, leur for-mulaire indique on ne peut plus clairement que les ordonnances qu’elles constituent sont le fait de la polis, soit d’un ensemble de citoyens.

L’émergence d’une citoyenneté durant la période proto-archaïque constitue ainsi, selon nous, un phénomène difficilement révocable. Nous avons cependant voulu mettre en évidence que ce phénomène ne suivait pas un développement uniforme. Aussi, avons-nous tenté d’isoler deux modèles d’évolution distincts, le premier dans la région que Ian Morris appelait « Grèce centrale » (soit l’Attique, le nord-est du Péloponnèse, les Cyclades et la Grèce de l’est), le second en Crète.

Le premier modèle, construit sur la base d’observations faites notamment à Argos et à Athènes, voit la collectivisation et la sta-bilisation des droits militaire, politique et judiciaire s’accompa-gner d’une ouverture du cercle des personnes concernées par le pouvoir. En effet, l’extension très marquée du droit à la sépulture formelle dans plusieurs de ces cités, mais aussi un certain nombre de textes, suggèrent que l’émergence de la citoyenneté n’équivaut pas, dans ces poleis, uniquement à l’arrêt de la compétition entre les basileis les plus influents et à leur confédération. Elle semble en outre s’accompagner d’une extension du groupe des personnes concernées par les droits civiques. Le cas de l’Attique est sans doute le plus parlant à cet égard, nous l’avons vu.

Conclusion

319

Cette situation implique que le pouvoir des décisions et des armes, parce qu’il concerne un ensemble plus large de personnes, ne constitue plus un vecteur de distinction sociale efficace, comme cela était le cas auparavant. L’individu en quête de suprématie se voit ainsi dans l’obligation de recourir à d’autres moyens de reconnaissance. Si le politique et le militaire ne lui sont plus d’un grand secours, l’économique et le culturel s’avèrent être des do-maines particulièrement porteurs. On voit ainsi se développer, en parallèle au clivage citoyen/non-citoyen, une élite sociale qui se définit sur la base de ses richesses et d’un mode de vie tout à fait particulier.

Pour être plus précis, nous avons proposé de considérer, à la suite d’Alain Duplouy, que cette élite se serait définie par le biais d’un certain nombre de modes de reconnaissance sociale, met-tant justement en exergue son opulence et ses pratiques particu-lières. Nous avons abordé dans le cadre de cet ouvrage les modes de reconnaissance suivants : les rites funéraires somptueux, les offrandes magnifiques aux dieux, la pratique du « banquet aris-tocratique », les jeux athlétiques, ou encore l’usage de précieuses huiles parfumées. Mais parce qu’en principe ces modes de recon-naissance sociale étaient ouverts à tous et pouvaient être investis par une partie importante de la société, il ne s’agissait pas sim-plement d’y avoir recours, mais aussi d’y prendre part avec plus d’excellence et de magnificence que les autres. L’accès à l’élite impliquait donc une forme de compétition. C’est ainsi que nous en sommes venu à qualifier les cités répondant à ce modèle de « cités agonistiques ».

Dans un tel contexte, et contrairement à ce qui avait été pro-posé par Oswyn Murray et d’autres, il serait erroné de concevoir l’émergence de cette élite comme la survie d’une aristocratie pré-existante à l’émergence de la citoyenneté. En particulier, nous ne sommes pas confrontés ici au maintien d’une classe de basileis puissants dont la nature de la suprématie aurait mué sous la pres-sion de l’émergence de la cité. En premier lieu, dans le sillage de Duplouy toujours, nous avons insisté sur la nécessité de ne pas concevoir cette élite comme définissant un ensemble d’individus clairement distinct, qui se placerait en marge de la société. En effet, dans la mesure où, nous le rappelions à l’instant, une large part de la population pouvait investir les modes de reconnaissance à des échelles très diverses, cette élite nous est apparue comme une entité ouverte, reliée au reste du corps social par de nom-breux paliers. Duplouy a par ailleurs bien mis en évidence qu’il

Conclusion

320

était impossible d’attribuer aux élites grecques (proto-)archaïques une quelconque permanence. Nous avons été confronté au même constat face aux élites homériques. En effet, dans un cas comme dans l’autre, l’accès à l’élite se définit avant toute chose par des comportements spécifiques qui sont potentiellement à la portée de tous les individus. Par ailleurs, le maintien de l’individu au sein de l’élite nécessite l’entretien de ces pratiques. Les basileis entretiennent leur force militaire et leur réseau de loyauté, l’élite (proto-)archaïque entretient ses richesses et sa façon de les expo-ser. L’incapacité à maintenir sa suprématie équivaut pour l’indi-vidu et sa famille à une régression au sein de l’élite, voire à son exclusion. Il apparaît ainsi clairement qu’à l’inverse de la citoyen-neté, qui constitue un ensemble de personnes relativement stable, l’élite homérique et l’élite (proto-)archaïque (du moins en « Grèce centrale »), sont de nature essentiellement mouvante.

Notre enquête a montré que l’art orientalisant, tel qu’il se déve-loppe dans les « cités agonistiques », entretenait un lien particulier avec l’émergence de ces nouveaux modes de reconnaissance censés garantir, sur la base de critères non plus militaires et politiques mais bien économiques et culturels, la survie d’une élite sociale. Cela tient en particulier au fait que cet art évoque des cultures perçues à la fois comme supérieures mais aussi comme particu-lièrement riches dans l’imaginaire grec. Autrement dit, il permet d’insister sur le statut économique de son propriétaire, mais met également en exergue l’excellence de ses mœurs. L’art orientali-sant orne ainsi les vases à boire du banquet couché et les vases à huile utilisés pour se parfumer, renforçant le caractère orientali-sant de ces deux pratiques. Il sert également à teinter de prestige les offrandes faites aux dieux et les biens funéraires exhibés lors des funérailles.

Mais contrairement à l’art oriental proprement dit, auquel les Grecs avaient par ailleurs accès, il s’immisce également dans des pratiques sociales typiquement grecques, orientalisant des mœurs qui ne sont pas orientales. Il sert alors par exemple à contenir l’huile des athlètes. Une autre différence majeure par rapport à l’art oriental est que l’art orientalisant place les Grecs sur un pied d’égalité avec les Orientaux. L’usage d’un produit oriental importé implique en effet que le Grec est dépendant de l’Orient, tandis que l’usage d’un produit orientalisant montre qu’il est capable de pro-duire des objets similaires à ce que l’on fait en Orient, mais qui s’avèrent par ailleurs bien grecs. Nous avons rencontré de nom-breux exemples de ces productions hybrides.

Conclusion

321

Il apparaît au final que l’art orientalisant, en « Grèce cen-trale » du moins, permet de définir une élite sociale regroupant un ensemble de personnes qui ne se satisfont manifestement pas du nivelage social qu’implique l’extension du pouvoir politique, mili-taire et judiciaire. Il serait cependant erroné de considérer l’orien-talisant comme un outil permettant à une aristocratie déchue de sa suprématie de recouvrer un prestige perdu, contrairement à ce qui avait été proposé par Ian Morris. En effet, nous rappelions à l’instant que nous ne possédons pas les traces d’une telle aristo-cratie, ni avant, ni après l’émergence de la citoyenneté.

Venons-en à notre second modèle. La Crète nous a permis d’ob-server une citoyenneté très différente. Nous l’avons vu, plusieurs indices concourent bien pour affirmer qu’un phénomène de stabi-lisation et de collectivisation du pouvoir gouvernemental et mili-taire se produit dans l’île à l’époque proto-archaïque. Cependant, les textes nous ont invité à ne pas associer ce phénomène à une extension marquée des droits politique et militaire, comme cela était le cas en « Grèce centrale ». La citoyenneté crétoise semble en effet constituer un cercle restreint ; s’il y a eu confédération des basileis les plus influents en une citoyenneté, elle ne semble pas s’être accompagnée d’une propagation des droits civiques au-delà de ce groupe. Dans ce contexte, l’assemblée et les armes gardent leur fonction de mode de reconnaissance et l’on n’observe aucune forme de suprématie qui se définirait en marge de ce cercle ; la citoyenneté constitue en soi une élite. Autrement dit, le dévelop-pement des banquets privés somptueux, des rites funéraires et des offrandes ostentatoires aux dieux, ou encore de la parfumerie et des concours athlétiques, qui sont autant de formes de compéti-tion possibles entre les individus, n’avait pas lieu d’être en Crète proto-archaïque. Nous avons d’ailleurs pu constater au fil de notre enquête archéologique que ces modes de reconnaissance sociale étaient peu attestés sur l’île au VIIe siècle.

Dans un tel contexte, l’émergence de la citoyenneté impliquait au contraire que l’on mette l’accent sur la cohésion de l’ensemble que formaient les citoyens. En effet, la collectivisation et la stabi-lisation du pouvoir impliquent une citoyenneté homogène, car ce n’est qu’à ce prix que l’on peut éviter les prétentions individuelles à gouverner et s’assurer l’accord de tous pour partager le gou-vernement. Certes, cette remarque est tout à fait valable pour la « Grèce centrale », mais dans cette région, cette donnée est occul-tée par le fait que l’on est par ailleurs confronté à la nécessité d’instaurer des gradations au sein du cercle des citoyens. En Crète,

Conclusion

322

où ces gradations paraissent inutiles, l’effort de confédération est davantage manifeste. Si une césure sociale est nécessaire dans les cités de l’île, c’est plutôt pour séparer les citoyens du reste de la société. En effet, la société crétoise étant conçue comme un sys-tème particulièrement inégalitaire ne profitant qu’aux citoyens, il importe à ces derniers de s’assurer que le cercle qu’ils forment soit le plus étanche possible. Car plus il s’élargirait, plus les privilèges devraient être partagés. Nous avons relevé comme moyens de cimenter la citoyenneté crétoise tout en renforçant ses frontières : les banquets publics, le développement de nécropoles civiques, les temples civiques, ou encore la pratique collective de la guerre.

Un examen des contextes archéologiques a permis de mettre en évidence que l’art orientalisant crétois du VIIe siècle participait étroitement à la mise en place de ces pratiques civiques, censées fédérer le corps des citoyens tout en assurant sa spécificité par rapport au reste de la population. On le voit en effet intimement associé à l’émergence des salles de banquet public, où il orne les grandes jarres dans lesquelles sont conservés les aliments destinés à la collectivité ; il décore les armures utilisées lors des guerres qui rassemblent l’ensemble des citoyens contre l’ennemi ; il marque l’émergence des nécropoles et des temples civiques ; et il constitue l’offrande du citoyen par excellence, du moins avons-nous tenté de le démontrer. L’explication que nous avons donnée à cette asso-ciation étroite est que l’art orientalisant constituait, en Crète, un vocabulaire visuel propre à la cité, un art exclusivement réservé aux citoyens. Il servait ainsi, au même titre que les autres institu-tions civiques, à assurer la cohérence de la citoyenneté mais aussi à établir une césure entre celle-ci et le reste de la société.

Nous sommes au final parvenu à deux explications différentes de l’art orientalisant. Dans certains cas, il aurait permis à des indi-vidus d’affirmer leur richesse et de développer des mœurs particu-lières, leur assurant de la sorte l’accès à une élite sociale ouverte et en perpétuel changement. Dans d’autres cas, il aurait servi à renforcer la cohésion et la supériorité d’une élite civique fermée, et à garantir de la sorte la pérennité de cette dernière. Nous ne voudrions cependant pas donner ici l’image de deux modèles net-tement distincts. Nous devons en premier lieu insister sur le fait que, dans les deux cas, l’orientalisant doit être considéré comme un outil qui sert l’élite. Le fait que le fonctionnement de l’orien-talisant soit variable doit en réalité être imputé au fait que le rap-port entre l’élite et le reste de la société varie également dans les cités grecques. Dans certains cas, on se trouve dans une société où

Conclusion

323

l’on tend à réduire l’élite à une part seulement de la citoyenneté ; ailleurs, on est confronté à un système où l’élite se confond avec cette citoyenneté. Ainsi, si dans un cas, l’orientalisant est utilisé pour créer un écart entre élite et citoyenneté, dans l’autre, il tend au contraire à réduire cet écart.

Nous devons par ailleurs insister sur le fait que les deux modèles développés pour expliquer l’orientalisant ne correspondent pas étroitement aux deux modèles de cité établis ici. En premier lieu, nous y faisions allusion à l’instant, un orientalisant fédérateur est forcément attesté dans les « cités agonistiques », où un besoin de cohésion se fait également ressentir. On citera par exemple à l’ap-pui de cette remarque le développement d’une architecture orien-talisante au nord de la Grèce de l’est, l’architecture éolienne, qui sert le cas échéant à décorer les temples civiques, comme c’est le cas à Smyrne notamment. 1 Nous devons en outre tempérer notre vision de la cité crétoise comme celle d’une société non-agonis-tique. La compétition est bien attestée dans ces cités, nous l’avons vu. On se souviendra en particulier de l’émulation qui semble avoir gravité autour des faits de guerre et de l’encouragement fait aux jeunes gens à se distinguer les uns des autres par leur courage. On se rappellera cependant le fait que cette compétition ne semble pas avoir eu pour effet de créer une élite au sein de la citoyen-neté ; tout au plus a-t-elle engendré un prestige occasionnel dont le principal but était d’encourager l’esprit guerrier et, partant, la prospérité de la cité. Il existe cependant en Crète des cités dans lesquelles la compétition va beaucoup plus loin. Par exemple, les fouilles récentes à Éleutherna ont mis au jour un cimetière dont les tombes sont à ce point riches qu’elles laissent entrevoir des rivalités en tout point comparables à ce que nous avons rencon-tré dans les nécropoles athéniennes et argiennes. Par ailleurs, le fait que ces tombes contiennent des objets orientalisants de pres-tige laisse envisager l’existence en Crète proto-archaïque d’un art orientalisant dont la fonction est similaire à celle de l’orientali-sant des « cités agonistiques ». 2 Une telle compétition, au renfort de laquelle est aussi appelée l’esthétique orientalisante, est déce-

1 Pour le caractère orientalisant de l’ordre éolique, en particulier de son chapi-teau, voir principalement Y. S, The Proto-Aeolic Capital and Israelite Ashlar Masonry, Jérusalem, 1979, [Qedem 11]. Pour le temple de Smyrne, voir en dernier lieu la synthèse de C N 1998, pp. 73-158.

2 Pour un aperçu, voir S 2004. Voir cependant A. K, The Archaeology of Tomb A1K1 of Orthi Petra in Eleutherna. The Early Iron Age Pottery, Héraklion, 2008 [Eleutherna Sector III.5], pp. 340-341.

Conclusion

324

lable dans le matériel proto-archaïque du sanctuaire de Zeus sur le Mont Ida. 3 Cependant, il est tout à fait intéressant de noter ici que la compétition se fait en contexte extra-urbain. On peut reconnaître en cela l’effet d’une politique d’exclusion de la compé-tition sociale en dehors de la sphère de la cité, mais aussi le reflet d’une rivalité qui opposerait les cités entre elles.

Ce serait donc très certainement l’objet d’un travail ultérieur que de nuancer l’approche régionale que nous avons proposée ici, qui, si elle s’avère, du moins l’espérons-nous, être un outil heu-ristique intéressant, offre sans doute une vision trop caricaturale des différents types de cités proto-archaïques et de leur rapport à l’objet. Nul doute qu’entre les deux modèles extrêmes que nous avons établis, il existe un continuum de cités qui allient dans des proportions variables la cohérence du corps civique nécessaire au fonctionnement de la cité et la liberté laissée à l’individu de se distinguer des autres. Les deux rôles attribués ici à l’objet orien-talisant, que l’on pourrait également étendre à d’autres pans de la culture matérielle, sont ainsi tout à fait susceptibles de se retrou-ver de façon concomitante dans une même cité. Mais arrondir les angles ne veut pas dire les supprimer et, si amendables soient-ils, nos deux modèles nous semblent offrir une grille de lecture fiable du phénomène orientalisant comme moyen identique servant des buts bien différents mais tous ancrés dans le même horizon de la première cité grecque.

L’art orientalisant, les modes de reconnaissance sociale et la cité proto-archaïque

Ainsi espérons-nous avoir offert une réponse étayée à la question principale posée dans ce livre, à savoir comment expliquer les rai-sons de l’orientalisation des productions artisanales en Grèce proto-archaïque. Nous aimerions néanmoins, pour clôturer ce travail, revenir sur trois points développés dans la première partie et sur lesquels nous pensons que notre cheminement a pu jeter un éclairage nouveau.

Retournons en premier lieu à la notion d’art orientalisant. Face au caractère variable de l’acception de l’expression dans la bibliographie, nous proposions au début de ce livre une nouvelle définition. Pour rappel, nous avons choisi de considérer l’objet

3 Récapitulatif commode dans P 2005 pp. 314-318.

Conclusion

325

orientalisant comme un objet qui faisait, par le biais de sa tech-nique et/ou de son iconographie, ostensiblement écho à l’une ou l’autre tradition artisanale du Proche-Orient, tout en affichant clairement son caractère grec. Si cette définition nous a permis de faire une distinction plus claire entre l’orientalisant, l’oriental et les imitations de celui-ci, elle a néanmoins conduit à regrouper sous un même terme un ensemble d’objets particulièrement vaste.

Ne pourrait-on pas considérer, au terme de ce parcours, que la notion de mode de reconnaissance pourrait permettre d’éta-blir des subdivisions au sein cet ensemble ? En réalité, il apparaît désormais possible de classer les objets orientalisants en fonction de leur efficacité comme mode de reconnaissance sociale. L’esti-mation de cette efficacité peut se fonder, nous l’avons vu, sur dif-férents critères : l’investissement en matière première et en force de travail, le degré d’originalité, le degré de diffusion au sein de la société, la provenance, la richesse iconographique, la virtuosité technique, le degré de fidélité par rapport aux modèles orientaux, le degré d’hellénisation, etc. Autrement dit, la notion de mode de reconnaissance permet de fusionner une grande diversité de cri-tères de classement possibles et d’ordonner l’ensemble de l’orien-talisant sur une même échelle de valeur.

Venons-en à une deuxième observation. Elle a pour objet la notion même de « mode de reconnaissance sociale ». Nous l’avons constaté à plusieurs reprises, en introduisant ce concept dans l’étude de la société grecque (proto-)archaïque, le livre d’Alain Duplouy, Le prestige des élites, a permis de mieux cerner un cer-tain nombre de caractéristiques propres à cette société. Force est néanmoins de constater que la notion telle qu’utilisée par Duplouy ne semble fonctionner que sur un seul mode : il s’agit d’un outil utilisé par les individus et les familles dans un type de cité bien particulier afin de générer un prestige personnel et, partant, de définir une élite sociale. Nous espérons que cette étude, conçue à bien des égards comme une prolongation et une mise à l’épreuve des propositions tout à fait stimulantes faites par Duplouy, aura montré que les modes de reconnaissance adoptent aussi d’autres aspects dans le monde grec. En particulier, ils peuvent revêtir une dimension collective. Ainsi, la Crète nous a révélé, non pas que les modes de reconnaissance n’existent pas dans les sociétés où la culture du prestige personnel n’occupe qu’une place réduite, mais qu’ils sont récupérés par la collectivité. En l’occurrence, ils servent alors au groupe, par ailleurs bien défini, que forment les citoyens à assurer sa cohésion et sa spécificité par rapport au reste de la

Conclusion

326

société. Pour reprendre l’expression récemment utilisée par Fran-çois de Polignac, l’étude de l’art orientalisant témoigne donc de la diversité des « dynamiques d’appartenance » dans la cité grecque. 4

Nous espérons également que cet ouvrage aura rappelé, notam-ment au travers du quatrième chapitre, que la notion de reconnais-sance sociale ne constitue qu’une des facettes de ce kaléidoscope qu’est la culture matérielle. Si les objets orientalisants servent bien l’émergence d’une élite, ils remplissent aussi d’autres fonctions, lesquelles doivent également être prises en compte pour une com-préhension plus globale de l’orientalisant. Ils peuvent notamment constituer des offrandes censées faire particulièrement plaisir à une divinité ou à un défunt, des dons appréciés échangés dans le cadre de relations d’hospitalité, une expérience nouvelle pour l’artisan, un commerce florissant pour le marchand, etc. Ce tra-vail aura néanmoins montré que tous ces facteurs concomitants doivent en réalité être subordonnés à la fonction ostentatoire de l’art orientalisant.

Nous conclurons sur une troisième observation. Nous avons proposé dans le second chapitre deux modèles d’évolution distincts de la citoyenneté en Grèce durant la période proto-archaïque, que nous avons pu par la suite conforter au moyen de nombreuses observations. D’une part, nous avons distingué une cité présen-tant une extension importante des droits civiques et témoignant, de façon corollaire, d’une nécessité de définir une élite sociale plus restreinte au sein de la citoyenneté. Dans ce type de cité, la citoyenneté est très hétérogène. D’autre part, nous avons été confronté à une cité dans laquelle la citoyenneté était très réduite et où, par conséquent, le besoin de hiérarchisation cédait la place à un besoin de cohérence. Dans ce type de cité, la citoyenneté apparaît davantage homogène.

Nous aimerions insister sur le fait que ces modèles ont été construits indépendamment de l’interprétation que nous avons faite de l’art orientalisant dans le cadre de cette étude. Ce n’est que dans un second temps que nous avons été amené à constater que cet art, en fonction du type de cité dans lequel il apparaissait, réagissait effectivement en conséquence : dans un cas, il participe à la diversification des statuts, dans l’autre, à leur uniformisation. Il semble ainsi légitime d’affirmer que l’étude de l’art orientali-sant constitue un élément supplémentaire venant conforter nos

4 Voir P 2006.

Conclusion

327

deux modèles de cité proto-archaïque. De façon plus générale, nous espérons avoir montré que l’examen du statut des produc-tions artisanales constitue une source à part entière pour l’étude de l’émergence de la citoyenneté et, partant, de la cité en Grèce antique.

349

Table des matières

Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

Préambule. Pour une histoire sociale de l’art grec . . . . . . . . . . 13L’artiste grec et son œuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13La « période orientalisante » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17À propos d’un ouvrage récent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

première partieTechnê

Chapitre i. – L’art grec orientalisant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231. Rencontres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

L’Âge du bronze. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26Le premier Âge du fer (XIe-VIIIe siècles) . . . . . . . . . . . 30La période proto-archaïque (VIIe siècle) . . . . . . . . . . . . 38

2. Emprunts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43Une part d’Orient. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43L’orientalisation de l’art grec. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46Orient, orientalisation, orientalisme.

Questions de terminologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51L’art orientalisant. Une définition . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

Chapitre ii. – Expliquer l’orientalisation des artisanats en Grèce proto-archaïque. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 671. Remarques historiographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

Table des matières

350

Chronologies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67Mécanismes de l’orientalisation et histoire

des échanges. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 702. Objectifs de l’étude. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

Condition n’est pas raison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72L’art orientalisant et l’émergence de la cité grecque . . . 74

3. Méthode et sources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81Comprendre le statut social de l’art orientalisant . . . . . 81Contextes, textes et objets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82

Agôn

Chapitre III. – Prestige de l’Orient . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 871. Orientalia et idéologie élitiste. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 882. Vers une nouvelle conception des élites grecques . . . . . 92

Clivages. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92Continuités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

3. Un mode de reconnaissance sociale . . . . . . . . . . . . . . . 98Imaginaire de l’Orient . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98L’ombre d’un empire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100D’oriental à orientalisant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103

4. Mise en perspective. La « réforme hoplitique » et l’explosion des modes de reconnaissance . . . . . . . . . 108

Chapitre IV. – Honorer les dieux, pleurer les morts : Piété et ostentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1151. Nécropoles, sanctuaires et reconnaissance sociale.

Le cas d’Argos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116Des funérailles ostentatoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116De la tombe au sanctuaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120La naissance de la cité et la réorganisation des lieux

et des modes de la reconnaissance sociale. . . . . . . . . 1302. L’art orientalisant dans la nécropole.

La céramique proto-attique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136La céramique proto-attique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138Contextes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143Les tombes à « Opferrinnen » du Céramique.

Fonctionnement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1463. L’art orientalisant dans le sanctuaire. Les trépieds

orientalisants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150

Table des matières

351

L’offrande ostentatoire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150L’excellence par excellence. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154Do ut des . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162

Chapitre V. – Banquets, jeux et parfums . . . . . . . . . . . . . . . . . 1651. Trois modes de reconnaissance sociale . . . . . . . . . . . . . 166

Le « banquet aristocratique » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166Les compétitions athlétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174L’usage d’huiles parfumées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179

2. La céramique proto-corinthienne en contexte . . . . . . . 185Caractéristiques de la céramique proto-corinthienne . . 186Formes et fonctions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191Magnifiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198

Polis

Chapitre VI. – Une autre cité ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2051. À propos de l’émergence de la cité-État en Crète . . . . . 2062. Caractère de la polis crétoise. Témoignages . . . . . . . . . 213

La tradition littéraire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213Quelques inscriptions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216

3. De l’usage de l’écrit en Crète . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2194. L’art crétois, du Géométrique à la période

proto-archaïque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224Une orientalisation précoce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224Bijoux, boucliers et trépieds . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226L’art crétois au VIIe siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229

5. Négociation sociale et compétition en Crète proto-archaïque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232

Chapitre VII. – Aphrati . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2351. L’exploration archéologique du site . . . . . . . . . . . . . . . 2362. Les pithoi à reliefs de l’atelier d’Aphrati. . . . . . . . . . . . 239

Production . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243Distribution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 246Usages et fonction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 248

3. La céramique orientalisante de la nécropole. . . . . . . . . 254Notes sur sur la production . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254Notes sur l’évolution de la nécropole . . . . . . . . . . . . . . 258

4. Les armures à reliefs de l’andreion. . . . . . . . . . . . . . . . . 264

Table des matières

352

5. Fonction sociale de l’art orientalisant à Aphrati . . . . . 269Du mode de reconnaissance sociale ... . . . . . . . . . . . . . 269... à la définition d’une identité collective . . . . . . . . . . . 270

Chapitre VIII. – La plastique dédalique crétoise. Un « art de la citoyenneté » ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2731. L’art dédalique crétois. Quelques rappels . . . . . . . . . . . 2732. La sculpture dédalique crétoise et l’architecture

cultuelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277La décoration sculptée du temple A à Prinias. . . . . . . . 277Les sculptures architecturales du sanctuaire

sur l’acropole de Gortyne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281Sculpture architecturale et esthétique orientalisante.

Le fauve de Phaistos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 288À propos de la fonction des temples et de leurs décors 290

3. Les statuettes dédaliques reconsidérées. Le cas de Gortyne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294Les offrandes du sanctuaire de l’acropole de Gortyne . 295Rites initiatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 300L’offrande du citoyen ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 304

4. L’appareil orientalisant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 311Temple et offrandes ; communauté et individus . . . . . . 311Mise en perspective. Du raffinement du premier Âge

du fer à l’austérité du VIe siècle. . . . . . . . . . . . . . . . . 312Pourquoi l’Orient ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315Un art citoyen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315L’art orientalisant, les modes de reconnaissance sociale

et la cité proto-archaïque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 324

Bibliographie sélective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 329

Table des illustrations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345


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