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UN COMPROMIS REALISABLE: LA SAISIE DE LA PARENTE DANS LES DEMOGRAPHIQUES ENQUETES

Date post: 04-Nov-2023
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24 UN COMPROMIS REALISABLE : LA SAISIE DE LA PARENTE DANS LES DEMOGRAPHIQUES ENQUETES Philippe ANTOINE Philippe BOCQUIER La pl 'P * t des ét par les recensements, ides dém aphiques, a commencer prennent en considération les Eelations de parenté mais en fait ces relations fontr'tr8s rarement 1 'objet d'une analyse statistique '(Sala Diakanda, 1988). Par ailleurs la saisie des relations de parenté, pour les démographes, se situe, la plupart des temps, A l'intérieur du ménage, entendu au sens statistique, et dont la réalité sociologique reste encore tres discutée (Lacombe 1989, Gastellu 1987). Ce débat est ancien (Flandrin, 1984), le concept de famille recouvre a la fois, leflignage, la famille conjugale, et la co- résidence au sein- du ménage. Le problerne s'accroTt lorsque l'on cherche également a resituer, dans l'itinéraire de l'individu, les éventuels recours a la parenté, ou si l'on veut traduire certaines modalités de la multi-résidentialité du ménage (Locoh, 19881, ou encore les réseaux de solidarité parentaux nécessités par les stratégies de survie en ville (Le Bris et al. 1987). Nous présentons dans cette communication la solution retenue pour saisir la parenté dans l'enquête biographique sur l'insertion urbaine Dakar menée par l'IFAN et 1'ORSTOM [l], et les possibilités d'analyse offertes a partir d'exemples tirés de cette étude. L'enquête quantitative comprend deux ghases: une enquête ménage classique et une enquête biographique portant en particulier sur les itinéraires résidentie 1 s , professionnels et familiaux. Afin de faciliter la collecte, il nous fallait établir une codification de la parenté qui soit cohérente dans les deux enquêtes La collecte des biographies par L'intermédiaire d'une enquête rétrospective permet de recueillir différentes informations sur les origines familiales de l'enquêté, sur l'intervention de la parenté au cours des changements résidentiels et professionnels dans et hors Dakar, sur l'évolution de sa situation familiale (vie matrimoniale et devenir des enfants). On peut ainsi reconstituer l'enchaxnement des événements importants de la vie de l'individu, et tenter de mettre en évidence certains recours A la parenté lors d'événements marquants (installation en ville, période de chômage...).
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UN COMPROMIS REALISABLE : LA SAISIE DE LA PARENTE DANS LES

DEMOGRAPHIQUES ENQUETES

Philippe ANTOINE Philippe BOCQUIER

La pl 'P

*

t des é t par les recensements,

ides dém aphiques, a commencer prennent en considération les

Eelations de parenté mais en fait ces relations fontr'tr8s rarement 1 'objet d'une analyse statistique '(Sala Diakanda, 1988). Par ailleurs la saisie des relations de parenté, pour les démographes, se situe, la plupart des temps, A l'intérieur du ménage, entendu au sens statistique, et dont la réalité sociologique reste encore tres discutée (Lacombe 1989, Gastellu 1987). Ce débat est ancien (Flandrin, 1984), le concept de famille recouvre a la fois, leflignage, la famille conjugale, et la co- résidence au sein- du ménage. Le problerne s'accroTt lorsque l'on cherche également a resituer, dans l'itinéraire de l'individu, les éventuels recours a la parenté, ou si l'on veut traduire certaines modalités de la multi-résidentialité du ménage (Locoh, 19881, ou encore les réseaux de solidarité parentaux nécessités par les stratégies de survie en ville (Le Bris et al. 1987).

Nous présentons dans cette communication la solution 1 retenue pour saisir la parenté dans l'enquête biographique sur l'insertion urbaine Dakar menée par l'IFAN et 1'ORSTOM [l], et les possibilités d'analyse offertes a partir d'exemples tirés de cette étude. L'enquête quantitative comprend deux ghases: une enquête ménage classique et une enquête biographique portant en particulier sur les itinéraires rés ident ie 1 s , professionnels et familiaux. Afin de faciliter la collecte, il nous fallait établir une codification de la parenté qui soit cohérente dans les deux enquêtes

La collecte des biographies par L'intermédiaire d'une enquête rétrospective permet de recueillir différentes informations sur les origines familiales de l'enquêté, sur l'intervention de la parenté au cours des changements résidentiels et professionnels dans et hors Dakar, s u r l'évolution de sa situation familiale (vie matrimoniale et devenir des enfants). On peut ainsi reconstituer l'enchaxnement des événements importants de la vie de l'individu, et tenter de mettre en évidence certains recours A la parenté lors d'événements marquants (installation en ville, période de chômage...).

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1 - La s a i s i e du l i e n de parente entre La personne

1.1 - Un compromis d i f f i c i l e e n t r e les approches

Une des difficultés majeures que nous avons rencontrées en concevant le questionnaire, fut la description des liens de parenté. En effet, nous voulions situer l'individu par rapport a sa famille (ou eventuellement par rapport 8 celle du conjoint). Pour cela, il nous fallait connaPtre quels membres de la famille interviennent le plus souvent dans la vie de l'individu, A l'occasion d'un changement d'emploi, de logement, ou pour le confiage de ses enfants. Nous voulions aussi, afin de mesurer l'importance de la mobilite résidentielle, recueillir des informations sur les modes d'accueil de l'épouse ou des enfants en cas de non cohabitation des conjoints. A différents moments de l'entretien, nous avions donc besoin d'établir le lien de parenté entre l'enquêté et une tierce personne.

enqu8tee et un tiers

d6moyraphique e t anthropologique

Dans les premiers questionnaires testes, nous avions laissé ouvertes les questions sur la parenté, afin de repérer les parentés les plus fréquemment citées. Généralement, la réponse spontanée que l'enquêtb donne à la question "Quel & t a i t v o t r e lien d e paren t6 (avec t e l l e per sonne ) ? t ' , est assez décevante; l'enquête fait appel a des termes wolof (la langue parlke par la majorité de la population h Dakar) de parente classificatoire, auxquels il donne des contours tr&s vagues.

En effet, les changements dans les pratiques sociales et familiales n'amhent pas toujours un changement parall&le des termes de parenté. Ces termes, tout en témoignant de la tradition, recouvrent maintenant des réalités différentes. Sous un même nom, ce ne sont plus exactement les mêmes personnes qui sont désignées. Les termes traditionnels sont généralement simplifiés et certaines personnes autrefois distinguées entre elles ne le sont plus. Aux termes wolof viennent s'ajouter des termes français, ce qui ajoute h la confusion. En somme, - il fallait recourir 2ì la parenté dite "descriptive", plus opérationnelle.

Nous avons pu nous rendre compte qu'en décomposant la question sur la parent&, nous pouvions obtenir une description assez précise du lien de parenté. I1 semblait donc possible de dresser la liste d'une quarantaine de liens de parenté proche, selon une mkthode bien connue en anthropologie, par la combinaison des termes suivants: fils/fille, p&re/m&re, épouxlépouse, fr&re/soeur (ex: Fils de la Soeur de la M&re de 1'Epouse d'Ego).

Cependant, le recueil [21 , le traitement et 1 'analyse quantitative de la parenté exacte deviennent vite extrêmement fastidieux et n'apportent pas grand chose comparés l'investigation anthropologique. Nous voulions plutôt parvenir 21 une saisie simplifiée de la

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parenté, qui ne soit ni classificatoire, ni non plus totalement descriptive ' (donc complexe) . Elle devait nous permettre de €ournir une base statistique (une garantie de représentativité) sur laquelle pourraient se fonder des investigations anthropologiques plus poussées sur les réseaux familiaux.

1.2 - Le système de c o d i f i c a t i o n adop t6 L

C'est certainement 8 propos de la parent6 que le compromis entre le quantitatif et le qualitatif fut le plus difficile B établir. La difficult6 semblait telle qu'au terme de la pré-enquête, nous avons pensé sérieusement supprimer toutes questions sur la parenté. Finalement, une solution de compromis a consister B décomposer la question sur la parente en une serie de trois questions [ 3 ] . -

u.

La première porte sur ce qu'on pourrait appeler le lien de génération entre Ego et la personne citée:

Père ou Mère (1) ; Ascendant (2) : C o l l a t & a l ( 3 ) : Epoux ou 6pouse(4) : F i l s ou f i l l e ( 5 ) ; Aptre p a r e n t (6) ; Sans l i e n ( 7 ) .

La seconde question permet de classer la personne citée dans les lignages paternel ou maternel, ou encore dans la parenté de l'époux (ou de 1'Bpouse).

Lignage côté: du p & r e ( 1 ) , d e l a mè.re(2), de l ' & p o u x ou de 1 ,épouse ( 3 ) , non concern4 (O) .

Au total, ces 'questions permettent de distinguer dix-huit catégories de liens de parenté et d'alliance, sans compter la distinction selon le sexe, qui fait l'objet de la troisième question.

Ces questions ont le mérite d'être courtes et sans ambiguïté. Elles peuvent être aisément posées par un enquêteur n'ayant pas recu une formation poussée sur la parenté.

Par exemple, on classe l'oncle utérin dans l e s "ascendants côté mère". L a question sur le lignage sert aussi A distinguer fr&re et soeur de même pere et de même mère (codé O pour le lignage), frère.et soeur de même père seulement (collatéral côté père, code l), et fr&re et soeur de même mère seulement (collatéral côté mere, code 2). Elle permet aussi de repérer les Co-épouses de la m&re d'Ego. En effet ce syst&me de codification permet, ce qui n'est pas un mince avantage, de tenir compte de la polygamie, non seulement au niveau des parents d'Ego mais aussi au niveau d'Ego lui-même, puisqu'on distingue l'époux des Co-épouses. I1 est donc bien adapté B la description de la parenté en Afrique ou la polygamie est importante. Par ailleurs, la prise en compte de la parente de l'époux (ou de l'épouse) permet de bien analyser le confiage des enfants, qui est un aspect essentiel de la solidarité familiale en Afrique.

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Lorsque plusieurs personnes proches interviennent en mgme temps, l'enquêteur doit citer la personne la plus proche en fonction de la hiérarchie indiquee au tableau I. Cette liste donne aussi la correspondance entre les codes et le lien de parenté (en larigage courant) de l'enquêté avec une tierce personne. C'est cette liste que l'enquêteur doit consulter au cours de l'entretien. Le chercheur se réf6rera au diagramme de la parenté ci joint, qui correspond plus aux normes en vigueur pour la parenté descriptive.

Plusieurs remarques s'imposent quant a la codification ci-dessus décrite. D'abord, elle n'est nullement exhaustive: il est par exemple difficile de classer, dans ce Systeme, les relations d'alliance. Nous avons adapté la codification pour faire figurer la "belle-m&re" (épouse du pere de l'enquêtb autre que sa propre mere) et la Co-epouse. Mais ne figurent pas, dans ce syst&me, les époux ou épouses des oncles et tantes, des cousins, des enfants, etc, car nous n'en avions pas grande utilite pour cette enquête. Une autre difficulté concerne la codification des anciens époux ou épouses. C'est un probl+me que nous avons rencontré au cours de l'enquête, car nous voulions rendre compte des relations de parente autant prbsentes que passées, dans la reconstitution de la biographie. Dans le cas d'un divorce, il nous semblait aussi important de savoir si l'enfant est actuellement chez l'ancien conjoint de l'enquête ou chez l'enquêté lui-même. I1 nous a fallu pour cela créer des codes spéciaux. Par exemple, pour les couples divorcés, un code lignage égal A 9 pourrait concerner les anciens conjoints.

Cependant, si les relations par alliance doivent être prises en compte tout au long du questionnaire, nous suggerons de créer une troisieme variable, codée O ou 1 selon qu'il s'agit de la personne avec qui l'enquêté B une relation consanguine, ou de son conjoint (ex: O pour l'oncle et 1 pour la femme de l'oncle). Cette troisieme wariable permettrait aussi de bien tenir compte de la polygamie (ex: 1-0-1 au lieu de 2-0 pour "belle-mere"; 4- 0-1 au lieu de 4-3 pour Co-épouse). Avant d'introduire cette variable qualifiant le lien d'alliance, il importe évidemment de considérer son coat en fonction des objectifs de l'enquête. On notera que rajouter cette variable revient A se rapprocher du Systeme de la parenté descriptive (ex: épouse du pere de l'époux; époux de la fille du fiere ...).

Nous aurions pu aussi diviser les "autres parents" en plusieurs categories selon leur proximité de parenté avec l'enquêté, de même qu'on aurait pu distinguer les ascendants de la génération des parents et ceux de la géneration des grands-parents. Par exemple, les oncles et tantes, en vertu de l'expression "petit pere" ou "petite -. m8re" qui les qualifie souvent en Afrique, pourraient être codifies "pere (ou mère) côté pere" c'est-A-dire oncle ou tante paternel (1-l), et "père (ou mere) côté

mgre", c'est-&-dire oncle ou tante maternel. Les codes 2- 1 et 2-2 seraient alors réservés & la generation des grands-parents de l'enquêté.

Enfin, la hiérarchie des liens de parenté que nous avons proposée n'est évidemment pas la seule,possible. Dans notre cas, nous avons essay6 de combiner l'approche des liens de parenté par générations et ceux par alliance.

2 - La saisie des Liens de parent& dans le menage

Voyons maintenant une utilisation particuli&re de notre système de codification: il s'agit de caractériser les relations de parenté au sein d'un ménage [ 4 1 . La codification sera compliquée par le fait que nous devons tenir compte des différents "noyaux" qui peuvent constituer un même ménage. En effet, un ménage peut comprendre une ou plusieurs unités familiales. Ce sont ces unités que nous appellerons noyaux familiaux. Le noyau f a m i l i a l comprend l e s &poux (ou 1 ' u n d'ed%) e t l e u r s e n f a n t s non mar ies , a i n s i que l e s p a r e n t s consanguins ou p a r a l l i a n c e d c o n d i t i o n que ceux -c i s o i e n t l a charge du chef du noyau f a m i l i a l . Par exemple, un fils vivant avec sa femme et ses enfants chez son père constituera un noyau dans le ménage de son père; ou encore une m&re célibataire avec son (ou ses) enfant(s) forment un noyau familial séparé. Dans ce cas EGO sera le chef de noyau, c'est & dire que au sein de chaque noyaut la parenté sera relevée par rapport au chef de noyau; et pour les chefs de noyau par rapport au chef de ménage [ 5 J .

Par ailleurs, se présente le cas des isolés: il s'agit des individus qui n'ont de lien de parenté avec aucun chef de ménage de la concession dans laqelle ils vivent. Lorsqu'ils logent et mangent avec un ménage particulier, ces personnes sont B inclure dans ce ménage, mais constitue un noyau particulier; par contre s'ils résident seul, ils forment un ménage distinct.

Comme nous l'avons indique plus haut, le chef de ménage (CM) occupera le ,rang 1 dans l'ordre d'inscription des personnes du ménage. Le lien de parent6 des membres de ce noyau familial sera celui qu'ils ont avec le CM. Pour les autres noyaux familiaux, le lien de parenté du chef de noyau sera celui qui existe avec le chef de ménage. Mais a l'intérieur de chacun de ces noyaux les personnes s'y trouvant sont référencées par rapport au chef de noyau d'appartenance. En définitive, il faut enregistrer le lien de parent6 le plus direct possible avec le chef de noyau.

Au fur et A. mesure de l'inscription des noyaux, on attribuera a chacun d'eux un numéro pris dans l'ordre normal croissant: 1, 2, 3 . . . sans omission. C'est l'objet de la première variable "noyau" : - le noyau 1 sera celui du chef de ménage,

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- les personnes d'un même noyau auront le même numéro de noyau - plusieurs célibataires vivant ensemble forment un seul ménage comprenant autant de noyaux familiaux que de personnes.

La codification de la parenté occupe deux positions. L'une des positions caractérise le lien de parenté tel qu'on l'a spécifié au paragraphe 1.2, tandis que l'autre correspond généralement 8 une variable de "rang". En effet, cette codification tient compte de la polygamie, comme nous allons maintenant l'expliciter A propos des épouses et des enfants.

Par exemple, l'épouse d'un monogame sera codifiée "40 " . Les épouses d'un polygame seront codifiées comme suit, selon leur rang:

41 pour l a premiere épouse ; 42 pour la 26me ainsi de suite jusqu'à 5 épouses et plus: 45. 49 quand la femme ne connaît pas son rang.

Les enfants d'un homme polygame seront codifiés selon le rang d'épouse de leur m&re, soit:

51 pour les enfants de la premiere épouse ; 52 ceux de la 2eme épouse etc... 56 Enfant dont la mere n'est pas dans la concession 57 Enfant dont le pere n'est pas dans la concession 59 pour les enfants dont on ignore le rang de la mere.

L'apprentissage d'un tel Systeme de codification peut paraPtre assez fastidieux. Notre experience montre qu'apres une bonne formation des enquêteurs sa mise en pratique est aisée et efficace. Par ailleurs, on décèle facilement au moment du contr6le des questionnaires, les incohérences de codification en considérant l'ensemble des membres du ménage. Pour ce qui est de la codification du lignage qui complete la parenté, elle est encore plus simple A assimiler.

3 - Quelques applications

Ce Systeme permet de mieux saisir les recours à la parent&, et de mieux appréhender la structure des ménages.

3.1 - Le c o n f i a g e e t l e p lacement des e n f a n t s On le sait en Afrique, une part importante des

enfants sont confi&s ou placés aupres d'autres personnes. Les raisons sont diverses, allant du don d'un enfant A un autre parent, au placement aupres d'un tuteur chargé de l'hkberger le temps de sa scolarité ou de son apprentissage. Dans notre enquête, sur 1557 migrants, 359 soit 23% ont été confiés avant l'âge de 15 ans à un parent ou A une autre personne. L'âge au confiage ou la

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distribution selon la parenté du tuteur varie peu d'une génération à l'autre, c'est pourquoi nous présentons les résultats pour l'ensemble des générations (Tableau 2).

La parenté de la personne .chez qui l'individu est accueilli varie fortement suivant l'âge au confiage. Au fur et 8 mesure que cet âge augmente, on est de moins en moins confié 8 des grand-m&res ou des tantes, et de plus en plus A des grands-p&res ou des oncles. Entre O et 4 ans, les jeunes sont davantage confiés A des parents du lignage maternel, les proportions s'équilibrant par la suite. Les jeunes talibés sont confiés A des marabouts essentiellement entre 5 .et 9 ans. A partir de 10 ans, les placements sont plus fréquents aupr&s des fr&res ou d'autres parents plus éloignés qui prennent souvent en charge la scolarité ou l'apprentissage. Dans ce cas on voit clairement que suivant l'âge de l'enfant, ce ne sont pas les mêmes personnes qui sont sollicitées. Au jeune âge l'enfant est confié plutôt 8 des aPnés, parents de la m&re. Par contre, apr&s 10 ans, il est confié 8 "des hommes aptes à prendre en charge, sous une forme ou sous une autre, sa formation et son éducation.

3.2 - La t y p o l o g i e des mCnages A partir du recueil des liens de parenté, il devient

possible de constituer une typologie du ménage selon plusieurs classifications, soit en considérant la présence de plusieurs générations, soit en tenant compte des. collatéraux (Locoh, 1988; Vimard, 1987).

Dans l'exemple qui Suit, nous avons retenu une typologie qui combine la situation vécue sur le plan matrimonial du chef de ménage, (non marié, en union monogamique ou en union polygamique), et le nombre de noyaux familiaux au sein du ménage (un seul noyau, mononucléaire, ce qui nous rapproche du ménage "occidental", ou plusieurs noyaux) . Les données rassemblées au tableau 3 mettent en évidence que la famille conjugale classique, 2 savoir le phre, la mere et les enfants ne concerne que 21 % des ménages et 15 % de la population dakaroise vit dans ce type de ménage. Si le ménage polynucléaire monogamique ne représente que 17 % des ménages, par contre un quart de la population vit dans un ménage de ce genre. Par ailleurs, 15% des ménages ont A leur tête une femme. La moitié de ces ménages est constituée par le groupement de plusieurs individus non directement apparentés (par exemple des bonnes qui se regroupent et louent en commun une chambre) et 6 % sont des ménages monoparentaux de fait (une m&re et ses enfants), mais dans certains cas il s'agit d'une co- épouse qui réside de façon indépendante de son mari.

On peut essayer d'apprécier la part de la famille conjugale (Segalen, 1981) ou du noyau conjugal au sein du ménage. Cette fraction varie suivant le type de ménage (Tableau 4 ) , mais elle reste toujours majoritaire, même dans les familles polynucléaires.

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,Nous n'avons pris en considération dans le tableau 3 que la situation de fait sur le plan de l'union. En particulier, certains hommes mariés sont venus sans leur &pouse en ville, et vivent comme des. celibataires. De même, certains polygames ne demeurent qu'avec une de leurs &pouses.

On notera la taille relativement &levée des menages, soit 8,3 personnes en moyenne. I1 est significatif que 27% des ménages compte plus de 10 personnes en leur sein dont un nombre important de collatéraux (tableau 4). Si la taille du ménage varie fortement d'un type A l'autre, par contre la proportion d'occupés et de chômeurs reste proche dans la plupart des cas des valeurs relevées pour l'ensemble des ménages: 28% de membres du ménage ayant une activite, et 6 % se déclarant au chômage (Tableau 4).

Nos analyses nous permettent de relever que parmi les ménages dont le chef est né A Dakar ou bien qui y est installe depuis plus de 20 ans, un tiers compte plus de 10 personnes. Les difficultés économiques conduisent les individus A prendre de plus en plus tard la responsabilité d'une famille: 21 35 ans seulement 30% des hommes sont chef de ménage. La crise perpétue et accroet la dépendance envers les a€nBs.

3.3 - Famille conjugale et multi-rksidence Au cours des. entretiens individuels biographiques,

nous avons demandé A chaque homme oh residaient son (ou ses) différente ( s ) epouse ( s ) et ses différents enfants. A travers la declaration des hommes, nous pouvons apprehender d'une autre façon la résidence des membres du ménage. A proprement parler, il ne s'agit plus du ménage au sens statistique, mais d'une unité conjugale avec plusieurs résidences. Nous avons présenté les résultats en distinguant trois génkrations d'hommes âges, au moment de l'enquête, de 25-34 ans, 35-44 ans et 45-59 ans.

Suivant les générations la situation de résidence du couple est différente (tableau 5). Chez les plus jeunes bgés de 25-34 ans, dans un peu plus de la moitié des cas (54 % ) , la femme reside avec son mari et leurs enfants, mais dans 18,8 % des cas les enfants et la m&re résident ailleurs. D'autre part, 19 % des enfants issus de cette génération, qui débute sa vie matrimoniale, sont nés hors union et dans la plupart des cas, ils résident avec leur

' m5re.

Notre questionnaire nous permet de savoir avec qui réside l'epouse lorsqu'elle ne réside pas avec son conjoint (tableau 6). Contrairement A notre attente, dans le cas de Dakar, la cohabitation des conjoints demeure, et de loin, le cas le plus fréquent et elle se renforce avec l'bge, confirmant les données du tableau 5 oh 82% des enfants de moins de 15 ans, issus de la génération des 45-59 ans vivent avec leur p$re et m&re. Cette fréquence est toutefois moindre pour les plus jeunes générations ou seulement 70 % des femmes en union

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monogamique et 60 % des femes en union polygamique résident avec leur conjoint.

La proportion de cohabitation augmente avec l'âW du mari. Dans l'ensemble, lorsque l'épouse mari& a un monogame ne réside pas avec son conjoint, elle reste plutôt avec un parent du mari (le pere OU la mere principalement) , alors que la situation est plus diverse pour les épouses mariées avec des polygames où une proportion d'entre elles résident avec leurs parents, signe peut être d'une tension dans le couple (voir la communication de Ph. Bocquier et J. Nanitelami0 8 Cette conférence) .

Dans le cas des femmes ayant divorcé (qui ne Sont pas prises en compte dans le tableau 6), les personnes enquêtées déclarent que lorsque l'épouse ne résidait déja plus avec son mari, elle demeurait dans la majorité des cas avec son pere ou sa mere. Nous pourrions par la suite compléter l'analyse en fonction du lieu des résidences des parents.

Conclusion

La méthode utilisée prouve largement qu'il est possible de traduire de façon relativement fine les relations de parenté dans un questionnaire démographique. En fonction deg objectifs de l'étude, il s'agit d'adapter les questions' et les modalités de codification aux structures de parenté de la société observée.

Nous nous sommes efforcés d' illustrer trois .'aspects de notre approche de la parenté en distinguant la CO- résidence qui existe au sein du ménage (du logement), la localisation des différents membres du noyau conjugal, et le recours aux autres membres du lignage. A fikar, la plupart des individus résident dans une famille dlargie et qu'un individu occupe prend en charge trois. autres personnes en moyenne. Le noyau familial conjugal, la triade pkre-mère-enfant, demeure souvent dans le même logement, 3 l'exception des générations les plus jeunes où l'épouse et les enfants logent ailleurs, et en général chez les alnés du mari. Jusqu'a présent les solidarités familiales permettent aux individus de survivre a la crise au prix d'une certaine densification au sein des logements. Notre questionnaire nous permet également d'analyser la parenté mobilisée par les jeunes migrants en ville (de plus en plus fréquemment la parenté proche) ou la parenté sollicitée lorsque l'on se retrouve au chômage (bien souvent le p6re). La méthode de recueil des liens de parenté, exposée dans cette communication, nous a permis d'une part, de rendre compte 3 partir des données démographiques de la nature du ménage, et, d'autre part, de montrer comment s'articulent autour du noyau conjugal (pere, mkre, enfants) les relations avec les autres parents.

i

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NOTES

[l] fette recherche menbe conjointement par 1'IFAN et 1'ORSTOM. La composition de l'équipe est la suivante: Ph. ANTOINE, Dbmographe; Ph. BOCQUIER, Démographe- Statisticien; A. B. DIOP, Sociologue; A. S. FALL, Sociologue; Y. Mb. GUISSE, Anthropologue; J. NANITELAMIO, Psycho-Sociologue (ANTOINE et al, 1990).

[ 2 ] Rappelons que nous faisions appel h des enquêteurs non initibs aux subtilitbs de l'anthropologie.

[ 3 ] Nous prbsentons ici une version légerement modifiée du Systeme de collecte et de codification que nous avons utilisé dans notre enquête. Le principe reste le même, mais il tient compte de certaines améliorations jugées utiles h l'issue de la collecte. [4] La définition adoptée dans l'enquête est la suivante: un menage est l'ensemble des personnes vivant dans la même unité d'habitation et partageant leurs ressources et leurs frais de groupe. Communkment, c'est le groupe de personnes vivant et mangeant ensemble et qui se reconnaissent sous 1 'autorit4 d'un même chef de m6nage. Un ménage ne comporte pas nécessairement plusieurs personnes. Si quelqu'un vit seul, il faut le considérer comme un ménage distinct ne comportant qu'une seule personne.

[5] Ce Systeme s'inspire de celui utilisé par le Bureau National du Recensemenk de la Direction de la Statistique du Sénégal.

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BIBLIOGRAPHIE

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PARENTE

1

1

4

4

5

5

TABLEAU 1: C O D I F I C A T I O N DE LA PAREWTE

LT GNAGE L I E N DE PARENTE

père ou mère

père ou mère de l’époux/se

belle-mère c’est-à-dire épouse du père autre que la mère de l’enquêté oncles et tantes paternels et génération des grands parents paternels oncles et tantes maternels et génération des grands parents maternels oncles et tantes de l’époux/se et générations des grands parents de l’époux/se

O frères et soeurs de même père et de même

1 frères et soeurs de même père seulement

2 frères et soeurs de même mère seulement

3 frères et soeurs de l’épous/se

mère

O

3 Co-épouse

é po us / s e

O enfants

3 enfants de l’époux/se ou de la Co-épouse

petits enfants et neveux et nièces (enfants des frères et soeurs) autres parents paternels (cousins et leurs enfants, parents éloignés. . . ) autres parents maternels (cousins et leurs enfants, parents éloignés . . . ) autres parents côté époux/se

36

L

TABLEAU 2: PARENTE DU "TUTEUR"

Personne chez q u i on e s t conf i é

3d Mère ou t a n t e c ô t é Maternel

c ô t é Pa terne l

Gp Père ou oncle c ô t é Maternel

cô té Pa terne l

Marabout

Frères

Soeurs

Sans l i e n ti autr parent

c

( sexe Masculin)

( sexe Feminin)

E f fec t i f

Groupe d 'âges a u "confiage" ( e n % ) ~~

0-4 Ans

107

5-9 Ans

14,3

11,8

17,6

16,8

19,3

5 , o

598

697

2 , s

119

10-14 Ans

133

37

TABLEAIJ 3 : T Y P E DE MENAGE DE F A I T S E L O N LA T A I L L E DU MENAGE E T LE S E X E DU CHEF DE MENAGE

Effectifs et 1 Pers 2-3 Pers 4-6 Pers 1-10 Per 11-14 15 Pers Nombre = Hombre x Taille Poudentage ligne Person. Person. et t de d' Moyenne

Ménages Individu Minages

CM de sexe MASCULIN

I I 5.2

7 3 .3

2 . 9

211 10.3

402 2.4

1 .9 Croupt individus

Croupt individus Polynucleaire

Menage Monoparental 21.8

Mononucl. Monogam Ss Enfants presents 92.6

30 25.6 -

11 30.6 -

4 1.4 - 198

45.8

24 20.5 -

11 30,6 -

- 133 30.8

16 13.7

11 9.4

117 5.7

8 3 1 4 .9

7 . 1

4 11.1 -

- 23

5.3

36 1.8 -

54 2 . 6 - 432

21.1

2 7 1 13.2

-

210 1.2

5.8

-

- 3

.7

129 .a -

2610 15.4 - 2124 12.5

2.4

- 6 . 0

- 7.8

Mononucl. Monogam Av Enfants presents

93 34.3

132 48.7

34 12.5

8 3 . 0

nononucl. Monog av Enf prOs av aut par

6 5 . 0

3 1 25.8

4 2 35.0

4 1 34.2

120 5.9

1573 9 .3

1 3 . 1 Mononucleaire

Polynucldaire Monogamique

Polynucléaire Polygamique

46 13.3 -

- 399

99

28.5 - 9

6 . 6 - 446

101 2 9 . 1 -

2 0 14.6

242

-

-

3 2.5

101 2 9 . 1 - 108

7 6 . 8 - 272

-

347 17.0

4269 25.2

12 .3

137 6 . 1 -

1725 84.3

-

122 6.0

2733 16.1 -

1 4 8 8 1 81.9

- 614 3.6

19.9

8.6 I I

Sous Total 126 240

sexe Masculin

CM de sexe FEMININ

Menase 39 54 26 nonoparental 32.0 44.3 21.3

Croupt individus 4 33 64 Po lynuc lea i re 2.8 23.2 4 5 . 1

26 14 9 3 Autres Types 4 9 . 1 24.6 1 5 . 8 5.3

sous Total 28 57 96 93 sexe Feminin

Fi 6.4

26

1 8 . 3 - 3

5.3 - 32

15 10.6

142 6.9

1217 1 , 5

57 2 . 8 - 3 2 1

15.7

162 1.0 -

2053 12.1

- 15

= Pourcentage en colonnes

38

TABLEAU 4 : NOYAU BIOLOGIQUE ET AUTRES PARENTS SELON LE T Y P E DE MENAGE E T LA PART DE LA POPULATON ACTIVE

ITaille I JNoyau liutres 1 (ProportionlProportiunl Proportion Moyenne conjugal Personnes O C C U P ~ S Chômeurs Pourcentage Elénages

I I l I I l I CW de sexe MASCULIN c

Polynucléaire

CM de sexe FEMININ

5 ,O 82% 18% 28% 1 U%

900 13% 57% 28% 8%

Ménage Monoparental

Groupt individus Polynucléaire

67% 33% 28% 6% Ensemble Population 8,3

Signification des abréviations: CM= Chef de ménage ss= sans ay= avant mononu; mononucléaire enf= enfant pres- présent autr=autr par= parent

i

39

TABLEAU 5 : STATUT DE RESIDENCE DES ENFANTS DE MOINS DE 15 ANS ET RESIDENCE DE LA MERE SELON LA GENERATION DU PERE

Ce"erg>ion

25-34 Ans

35-44 Ans

45-59 Ans

i cohab U cohnb I l ss coh U ss col m f res enf nr enf res enf nr

167 7 2 60 54,4 2 , 2 0.6 1 8 , 0

76 1 26 15 125 70.7 2 , 4 1 . 4 11,9

IL83 39 13 98 b2 ,b 2.7 l,3 6 , 9

Significaton des abcbviations: n: marie 5s: sins en(= enfant res: rdsident un: union nr= nun rdsirlent

8icorc4 "f res

- 3

0 . 9

ivorc6 Veuf Veuf HOPS Un

nf nr enf res enf nr enf res

10 1 2

5 , s 3 , 8

5 1 7 6 12 4 , l 0,6 0,6 I , I

2s 17 8 2

2 . 0 1 , Z 0,6 0.1

cohab ou coh: cohabitation

ors Un nf nr

- 50

15 .7

TABLEAU 6: RESIDENCE DE L'EPOUSE SELON LA SITUATION MATRIMONIALE ET LA CENERATlON DU MARI

cendrat ions 2: Nature de Ilunion nONOC.4.II

La femme vit avec:

son d p u x 93

P.XS0""a 3

Co-epouse

Enfants 3

Perelnere ensuëte 19

Perelliere hpouse 6

Ascendant mari I

Ascendant & p u s e 1

Frere mari 2

Frhre Ewuse

Autre parent & p u 2

Total 131

1 5

- 3 - 4

2

25

35-44 ANS 15-59 ANS

230 108 189 212

roca1

319

1077

- 1429

W c z W a 2

m

U

.-

41

RESUME

Les relations de parenté sont collectées dans la plupart des études démographiques, mais ces relations ne font que tr&s rarement l'objet d'une analyse statistique. Dans ces opérations il s'agit de décrire la structure du ménage, le probl&me se complique lorsque l'on cherche 21 comprendre la dynamique familiale.

Nous présentons dans cette communication la solution retenue pour saisir la parenté dans une enquête biographique sur l'insertion urbaine A Dakar, et les possibilités d'analyse offertes A partir d'exemples tirés de cette étude.

Les résultats indiquent, qu'il est possible, d'une part de rendre compte 2I partir des données démographiques de la nature du ménage, et, d'autre part, de montrer comment s'articulent autour du noyau conjugal (p&re, mere, enfants) les relations avec les autres parents. Notre analyse sugg&re que la crise conforte la dépendance des plus jeunes envers les aPnés. Le mode de vie urbain ne semble pas, 2I Dakar, être un facteur de déstructuration des familles. C'est pour l'instant la solidarité familiale qui sert d'amortisseur aux conséquences de la crise.


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