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THE
UNIVERSITY
OF
ILLINOIS^
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of Illinois Library
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19
2001
AUG
0
9
MAY
1
419
mit
m
CCI
2
0
]S8\
MAY
15
2(04
1979
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ESSAIS
DE
GOGRAPHIE LINGUISTIQUE
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DU
MME
AUTEUR
DIALECTOLOGIE
Gographie
phontique
d'une
rgion
de la
basse
Auvergne
(Paris,
Champion),
i vol.
gr.
in-8o
avec cartes.
Morphologie
du
patois
de
Vinzelles
(Paris,
Champion,
Biblio-
thque
de l'cole
pratique
des
Hautes-tudes,
fasc.
126),
i
vol.
gr. in-80.
Glossaire
tymologique
du
patois
de
Vinzelles
(Montpellier,
Socit
des
langues
romanes.
Prix
Chave,
Acadmie
des
Inscriptions
et
Belles-Lettres,
191
5),
i vol.
in-80.
ARGOT
L'argot
de
la guerre,
d'aprs
une
enqute
auprs
des
officiers
et
soldats
(Paris,
A.
Colin
;
2^
dition),
i vol.
in-12.
Les
argots
de
mtiers franco-provenaux
(Paris, Champion,
Bibliothque
de l'cole
pratique
des
Hautes-tudes, fasc.
223.
Rcom-
pense
sur
le
prix
Volney,
19
19),
i
vol.gr. in-80.
LINGUISTiaUE GNRALE
La
gographie
linguistique
(Paris,
Flammarion, Bibliothque
de
culture gnrale), sous presse,
i
vol. in-12.
La
philosophie
du langage
(Paris,
Flammarion,
Bibliothque de
philosophie
scientifique
;
3e
dition),
i
vol. in-12.
La
vie du langage
(Paris,
A.
Colin
;
2^
dition), i
vol. in-12.
MAON,
PROTAT FRRES,
IMPRIMEURS
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Albert
DAUZAT
IJoctcur
s lettres,
J^ircctcur
d'ludcs
l'Hcol
pratique
des
Iljutes-Lliulcs.
ESSAIS
DE
GOGRAPHIE
LINGUISTIQUE
NOMS
D'ANIMAUX
.
PARIS
LIBRAIRIE
ANCIENNE
H.
CHAMPION, DITEUR
EDOUARD
CHAMPION
5,
QUAI
MALAQUAIS
(6e)
I92I
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INTRODUCTION
Les
travaus
de
M.
Gilliron,
le
crateur de
la
gogratc
linguistique,
ont
profondment
rnov
la science
du
langage
en
gnral et
la
linguistique
romane
en particulier.
Ils
ojit
contribu
modifier
surplus
d'un
point
mes
conceptions
dia-
lectologiques
:
plus j'ai
tendu mon champ
d'observation
dans
l'tude
des
parlers vivants
et
plus
j'ai pu
vrifier
la
justesse
des
tories nouvelles.
Et
si
je ne
renonce pas
considrer la
commune
comme
formant
la
cellule linguistique,
les changes
inter-cellulaires ont
t
beaucoup
plus
frquents
que
je
ne
le
croyais
jadis.
Mots
et formes
ont
constamment voyag
:
si cette
activit
a
t
trs
variable
suivant
les
poques,
elle
n'a jamais
compltement
cess.
Le
magistral Atlas
linguistique
de
la
France
doit
servir
de
base
toute tude de gografie
linguistique
gallo
-romane
.
Mais
il
ne
saurait
suffire
tout,
et
il est
utile de
reprendre
l'difice en
sous-uvre,
chacun dans
sa
rgion,
pour le compl-
ter, comme ont
tent
de
le
faire
notamment
MM.
O.
Blocb
pour les
Vosges,
Bruneau pour les
Ardennes,
Millardet pour
les Landes, Terracher pour
l'Angoumois,
ainsi
que moi-mme
pour
la
basse Auvergne.
L'extension
gografique
des tudes
qui
suivent
varie en raison
des
problmes
poss
comme
des
matriaus
que j'avais
ma
disposition.
Beaucoup de
mots, de formes
et de
faits
ont
pass
travers
le rseau, forcment
un peu
.lche, de
l'Atlas. En serrant
les
mailles du filet
dans une contre
donne,
non
seulement
il
en
ressort
une documentation
plus
riche,
mais
l'aspect
de certaines
questions
s'en
trouve
chang.
La
comparaison
de
la
carte
^^27416
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VI
hanneton
,
que
nous
donnons
la
fin
du
livre
pour
la basse
Auvergne,
avec
les
tipes
de
ce
mot
recueillis par M.
Edmont
dans
la
mme
rgion,
montrent que
l'Atlas
est
insuffisant
pour
tudier
les mots
grandes
variations
lexicologiques. Une
forme,
un
tipe
isol
peut avoir
t
touch
par l'enqute, alors qu'une
aire
assez
vaste
ne
sera
parfois reprsente
par
aucun point,
ou
seulement
par
une
forme
qui pourra
tre
difficile
interprter.
Ainsi, pour taureau,
il est
malais
un
dialectologue,
mme
expriment, de
reconnatre
premire
vue
un
mutil
de
bourret
dans
le ^w?/o
isol
(si
dlicatement
not
par
M.
Edmont) du
point
807:
une
enqute
dans
les
communes
voisines tablit, les
formes
intermdiaires
bur, bur, by.r,
bifr,
bur.
Enfin
les
matriaus
de
l'Atlas
ont besoin d'tre confronts
et
interprts,
l'aide
de
divers
lments de
comparaison.
La psicologie des
sujets
interrogs
est trs
instructive,
comme
on
le
verra
:
il
est
souvent
fort
utile
de
savoir, par exemple,
que
le
sujet
de
Monton
(805)
de
l'Atlas
est
plus
arcasant
que le
mien,
tandis
que
c'est
l'inverse
pour
le
Mont-Dore
;
que le
sujet
de Saint-
Germain-Lembron
(807)
est
enclin aus
lapsus
et
aus
confusions;
que
le
cordonnier
d'Ambert
(809),
excellent pour
les
termes
tecniques
et
urbains,
manque
souvent
de
prcision
pour
le
vocabulaire
rural.
Ces
recherches
confirment
les principes
directeurs poss par
M.
Gilliron
: rle
prpondrant
de la
forme,
rencontres
homonimiques,
ddiminutivisation, voyages
des
mots,
influence
de
la langue littraire
sur
les
patois.
J'ai
tch
de
prciser
et
de dvelopper,
spcialement
d'aprs
les
faits
observs
par
moi-
mme dans le
Massif
Central,
certains
aspects
de
la
doctrine
et
de
dgager quelques
conclusions
nouvelles.
Les
mots voyagent
bien
comme l'ont montr
M.
Gilliron
et M. Gaucliat,
en
suivant les grandes
voies
de
communication,
en remontant les
valles
et
en
franchissant parfois les
cols.
Mots
et
formes,
par
exemple,
ont
suivi
l'Allier,
qui
fut
longtens
une
voie
navigable
importante, double
plus tard,
puis
peu
peu
supplante
par
la route. Mais les
grands
cours
d'eau qui
n'avaient
point
de
ponts
(c'tait encore
le
cas
pour
l'Allier
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Vil
dans
tout
le
Puy-de-Dme
en
1X30)
constituaient
en
mme
tens
des
barrires.
Ainsi s'explique
que le
fleuve
spare des
aires
qui
se
sont
constitues
l'est et
l'ouest
et
dont
le
rayonnement
s*est
arrt
ses rives
:
le fait
le
plus
frappant
de
ce
genre
s'observe
pour les
deux
formes
rgionales
de
la fourmi,
miuide
et
maiede
(p.
86).
Les
montagnes
conservent
gnralement les mots
les
plus
arcaques
:
le
rayonnement des
grands centres les
atteint
tardivement
et
avec moins d'intensit.
Les tipes
primitifs,
pour
le centre
de
la France, se
trouvent
presque
toujours
dans
le
haut
Aveyron,
le
Gvaudan,
le
Velay
et
le Cantal
;
pour
le
Puy-de-Dme, l'est de
l'Allier
et
surtout
l'ouest,
dans
les
monts Dore. Mais il
faut
observer aussi que,
dans
certaines
rgions, les
paysans
de
la
montagne pauvre migraient plus que
cens
de
la
plaine
riche, et rapportaient, par suite, de
plus
nom-
breus nologismes : ce
fat
longtens, en grande partie,
le
cas
pour la basse Auvergne. Ici les villages juchs
sur
les petites
buttes
en
bordure
de
la
Limagne, voire de l'Allier (Monton,
Corent, La
Roche
Noire.
.
.)
sont
rests
souvent
plus
isols et
plus arcaques,
par
le
langage
et par
les
murs, que
certaines
parties de
la
montagne
plus
loigne, et diffrent
fon-
cirement des villages
de plaine placs leurs
pieds,
comme
Cournon, les
Martres-de-Veyre,
Coudes,
situs
sur les
grandes
voies
de
communication.
Les parlers des
rgions
accidents
ont subi,
par suite de
l'isolement
respectif
(et
relatif)
des
valles
et des villages,
des
altrations plus
localises
que ceus
des vastes
plaines
;
qu'on
se reporte
aus
cartes
ci-aprs relatives
au animaus
sauvages
dans
la basse
Auvergne,
et
l'on
se
rendra
conte de
l'extrme varit
lexicologique
laquelle
peuvent atteindre
certains mots
dans
de
telles
contres.
Parfois,
d'ailleurs,
mme
en
pays
de montagne,
le
dveloppement
smantique
d'un mot peut
touffer
une
pluralit
d'anciens
.tipes :
tel
est
le
cas,
par
exemple, pour
meunier
=
hanneton.
La
comparaison
des
faits
historiques
et
gografiques
sur
une
large
chelle
permet,
suivant la
mthode
remarquablement
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VIII
inaugure
par
M.
Jud
de reconstituer
les
grandes zones
lin-
guistiques de
rayonnement,
du
latin
vulgaire
nos jours.
En
particulier,
l'Auvergne
fut
soumise
successivement
trois
influences. Elle
fut
romanise
d'abord par
Narbonne
et non
par
Lyon, comme
le
prouve la rpartition
gografique entre
les
formes
narbonnaises
et
les
crations lyonnaises
du
latin
vul-
gaire
2
;
pendant
tout
le moyen
ge,
elle resta sous
l'hgmonie
intellectuelle
et linguistique du
midi toulousain
(et
non
pro-
venal)'.
L'influence
de
Lyon
s'aflirme
depuis
le
xv^
sicle
environ
jusqu'
la
fin
du
xviii^
;
c'est
surtout
par
Lyon
que
Clermont,
puis l'Auvergne
ont appris le franais
4.
La fermeture
des
fabriques
de
soie ont
Lyon
pendant
la
Rvolution,
qui
provo-
qua
l'arrachage
de
tous
les mriers
de la
Limagne,
marque
la
fin de
la
priode
lyonnaise. Avec le xix'^ sicle, de nombreus
facteurs
sociaus,
et
spcialement
le
chemin
de
fer,
placent
l'Auvergne
sous
l'influence
directe
de
Paris.
La
reconstitution des
couches
successives
soulve
de nom-
breus
et
dlicats
problmes.
En gnral les tipes les
plus rcents
portent
en eux-mme leur
sens, tandis
que
les plus obscurs
se
rvlent
l'analise
comme
les plus
anciens :
mais un
tel
critrium
est
loin
d'tre sr,
l'timologie
populaire ayant
maintes
fois
rhabill,
et
rajeuni en
trompe-Til,
de viens
mots.
Le
mme tipe
ou
la
mme
forme rencontr sur
des
points
spars permet de
croire
une
aire antrieure
homogne, a
1.
Problme
der
altromanische
Worlgeographie
(Zeitschrifl
fur
roma-
nische
Philologie,
XXXVIII),
et
Zur Geschichte
der bmdner-romanischen
Kirchenspracbe,
Coire,
1919-
2.
Voir
ci-dessous
p.
123
5.
Cf.
les
anciennes
relations intellectuelles
entre l'Auvergne
et
Toulouse,
l'adoption de
Saint Caprais
d'Agen comme patron
par
plusieurs
paroisses
du
Puy-de-Dme,
la forme
de
nombreus
termes
emprunts
au
midi,
etc.
4.
Cf.
le franais rgional auvergnat A/mw^e, lzard gris
(patois:
grisola,
etc.),
fuyard,
bte
(patois :
fau),dts
mots
patois
comme
mayro,
etc.
Cf. aussi
p.
123
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moins
qu'il
n'y
ail eu,
dans
les divers
lieus
considrs,
une
raison dterminante
qui
expliquerait
une
formation
indpen-
dante
et spontane.
Dans
ce
dernier cas
l'administration
de
la
preuve ne
doit pas se faire seulement
d'aprs
des
motifs
d'ordre
logique,
mais
surtout
d'aprs
un
ensemble
de
faits concrets
et
d'analogies.
Ainsi
l'ide de
lampe
ayant t
associe,
trois
fois
au
cours
de
son
histoire,
ver luisant
(latin
cicm-
ikla,
patois chalelh
>^
tsale,
fr. lanterne), les
mergences
de
chandelle
,
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bulaire, il
y
a
des sujets
arcasants,
les
plus
gs,
les
plus
arrirs, les plus sdentaires,
d'autres l'avant-garde
des
vo-
lutions,
les
plus
jeunes,
les
plus
cultivs,
ceus
qui sont
sortis.
II
y
a
les
mlanges
avec les
patois voisins,
du
fait
des
inter-
mariages
ou de l'immigration: l'assimilation
des
lments
nouveaus varie
en
raison
directe
de
la force
de
rsistance du
patois, en raison inverse
du
nombre
et
de
la culture
des
nouveaus
venus,
sans
conter
bien
d'autres facteurs.
Il
y
a
les
vocabulaires
spciaus
aus professions
;
il
y
a le
vocabulaire
enfantin,
les
mots
appris par
l'cole le
vocabulaire
des
hommes
ne recouvre pas exactement, tant s'en faut, celui
des
femmes.
Il existe
des
diffrences
individuelles,
qui
tiennent au
degr plus
ou
moins
affin des
facults d'observation
ou
de
la
mmoire,
au
besoin
de prciser
plus
ou
moins
sa pense.
Les
mmes
remarques
peuvent
s'appliquer,
dans
une
cer-
taine mesure,
la
morfologie,
la
sintaxe, voire
lafontique.
Pour
une
rgion donne,
la varit
lexicologique
a
des
causes
externes,
gografiques
et
sociales, dont j'ai parl
:
orographie
plus ou
moins accentue,
provoquant
un
certain
isolement des localits
ou
des
valles. Mais
il
existe
aussi
des
causes
psicologiques
propres
aus
mots eus-mmes.
D'une
faon
gnrale, la varit augmente
en
raison du moindre
usage
des
mots : nous verrons des applications remarquables
de ce
prin-
cipe
pour
les
noms des
animaus
de
boucherie
(ou
btes de
trait)
opposs
ceux
des
mles reproducteurs
2.
Les
animaus
qui
ne
sont
ni
utiles, ni nuisibles, ni dangereus,
moins
qu'ils
ne
soient
excessivement
abondants
comme
la
mouche,
reoivent des
dsignations
fort
diverses
(cf. le
ttard, le lzard
gris,
le
hanneton,
etc,).
Il en est tout
autrement du
serpent
et
surtout
du
loup.
Le manque
de
fixit
dans
la
spcification
des
termes
est
peut-
tre
le fnomne
qui
m'a
le
plus surpris au dbut de
mes
enqutes
lexicologiques.
Bien
qu'il ait t
laiss dans
l'ombre
1.
Ainsi
pour
hanneton
et
ver luisant
(p.
104
et
113).
2.
P. 2.
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15/180
XI
par
les
dialcctologues,
il
ne
saurait faire
aucun doute
et
mrite
d'tre
mis en
valeur, car il
permet d'expliquer simplement bien
des
faits
dont
on
demande
parfois
la
raison
des
causes
singu-
lirement
recherches.
On
trouvera dans
les
pages
suivantes
de
multiples
exemples,
des plus
tipiques : le
jars
arrivant
dsigner
le taureau
(p.
8),
le
hanneton
appel cigale,
blatte,
poule,
tourtereau,
voire
mouton
(p.
loi),
sans parler
des
confusions
perptuelles
entre espces voisines comme
l'abeille,
la
gupe et
le
bourdon.
Dans
une
prochaine
srie,
je
montrerai
que les mmes
confusions existent non
seulement
pour
les
noms
de plantes,
mais
pour
certaines
parties
du
cors
et
pour
de
nombreus objets fabriqus
d'un usage courant.
Quand
le
paysan
appelle
ici dwire le pot,
pour
dsigner, quelques
lieues
plus
loin,
la
marmite
par
le mme
nom, comment pourrait-il
ne
pas
confondre et
brouiller
dans
son
langage des
animaus
qui lui sont
aussi
indiffrents
que
le
hanneton
ou
la
cigale?
Il
y
a,
bien entendu, des
raisons
spciales
chaque
mot,
par
exemple
des termes
dclasss,
objet n'existant
plus,
comme
l'outre
(valeur
primitive de
diuire),
insectes
disparus
ou
rarissimes,
comme
la
cigale
ou
la
blatte
dans
la rgion,
et
qui
deviennent
de
vritables passe-partout
pour
suppler aus
mots
dfaillants.
Il
n'en
reste
pas
moins
que
le
paysan,
en
gnral, si
prcis pour
toutes
les
expressions
qui
touchent
ses
travaus,
est fort peu
soucieus
d'exactitude lorsqu'ils
s'agit
de
choses ou d'tres qui
ne
l'intressent
gure.
Il
y
aurait
lieu
de
rechercher s'il existe des rgions o
le
paysan
est
plus
enclin la
discrimination
lexicologique
que
dans
d'autres
:
cette
tude de
psicologie
sociale
compare
serait
fort
utile
la
science
du langage.
Certains fnomnes
qu'on
avait cru propres
aus
argots
se
retrouvent
dans
les
patois.
L'tude des argots de
la
guerre
^
a
montr
que bien
des dsignations
nouvelles
taient
d'aboi^
des
surnoms
ou
des formes
explicatives. Mais le franais avait-il
I. Cf.
G. Esnauh;
Le poilu tel quil
se
parle
(Paris,
1919),
ei
A. Dauzat,
L'arcrot
de la
ouerre
(Paris,
A. Colin,
2^
d.,
1920).
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16/180
XII
agi
autrement
pour renard
? Les noms
d'animaus
tudis
ci-
aprs
nous donnent
de
nouveaus
exemples
de ce fait
(pour
le
taureau,
le
blier,
le
lzard,
etc.).
Le
surnom
coexiste
d'abord
avec le
nom
traditionnel
(p.
ex.,
pour
blier
,
hedeau
avec
art),
puis finit par
liminer
ce dernier
si celui-ci
manifeste, tel art, des signes
d'infriorit.
Ainsi
faisan
et
vicaire
se
sont
trouvs
tout prts,
en
Gascogne,
pour
rem-
placer
GALLUS
tlescop
par
cattus
^ Il
n'est
pas jusqu'
la
drivation
sinonimique,
mise en
lumire
pour
les
argots
par
Marcel Schwob
et M.
Esnault,
qui ne
se
manifeste
dans l'vo-
lution des patois
:
on en
trouve
divers
exemples
pour
les
noms
d'insectes
en
particulier.
Enfin
le degr
et
la
nature
de
la
rsistance
des parlers
aux actions internes
et externes
varie
singulirement
suivant
les
poques
et
les
lieus.
Tels,
surtout
dans
le
Nord,
acceptent
plus
ou moins
passivement les
mutilations
fontiques et
les
accidents
analogiques :
tels
autres
ragissent
vigoureusement,
surtout
dans
le
Midi. Sur la
petite
chelle de
l'Auvergne,
on
peroit
nettement la diffrence
entre les
patois du nord
et
ceus
du
sud,
plus raisonneurs, qui
recrent sans
cesse
les formes et
les
mots,
unifient les
flexions,
cherchent
comprendre.
C'est
l,
bien
plus qu'une question de
race, un
indice
de
la
sant
de
l'organisme
et
de la
vitalit du
langage, les
patois
les
plus
attaqus
par la langue
littraire
atteignant peu
peu
la
para-
lisie
jusqu'
l'atrofie complte des
fonctions.
I.
J.
Gilliron
et
M.
Roques,
tudes
de
gographie
linguistique
,
pp.
121
et sqs.
7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf
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ESSAIS
DE GOGRAFIE
LINGUISTIQUE
NOTES
PRLIMINAIRES
Les tudes
suivantes
ont
t
fliites
essentiellement
avec
les documents
de
VAtlas
linguistique
de
la
France de
MM.
Gilliron
et
Edmont,
ausquels
j'ai
joint
ceus
que
j'ai
personnellement
recueillis
dans
le
Puy-de-Dme
et
l'arrondissement
de
Brioude
au cours
de
deus
sries d'en-
qutes
(1896-1900
et depuis
1913)'.
Les
autres
sources
seront
indiques chaque
fois.
J'ai
utilis
particulirement,
pour
les
patois
actuels,
le
Trsor don
felibrige
de
Mistral et
le
Dictionnaire savoyard
de
MM. Constantin
et
Dsor-
maux,
la
Faune
et
la
Flore
populaire
de
Rolland
;
pour
l'ancienne
langue,
les
dictionnaires
classiques
de
Gode-
froy,
de
Raynouard et de
M.
Emil
Levy.
J'ai
choisi
autant que possible
des
mots pour
lesquels
mes
matriaus
auvergnats
apportent
des
lments nouveaus.
I
.
Les formes
que j'ai
recueillies sont numres,
avec
les
lieus
d'ori-
gine,
au
cours
ou i\
la
(in de chaque
tude.
Voici
la liste
des abrviations
pour la
carte
du Puy-de-Dme
et
de ses
confins
:
Au
Auzon,
B.
Besse,
Br.
Brioude,
BuBulhon,
CdCondat, CD
La Chaise-Dieu,
Cl
Clermont,
Co
Coudes, Cu
Cunlhat,
D
Doranges,
G
Gannat,
H Herment,
Is
Issoire,
Lt
Latour,
La
Lavigerie (Cantal), Lg Langeac, LM
LesMartres-
de-Veyre,
Mo
Moutbrison,
Ri Riom, Ro
Roanne,
Rc
Rochetbrt,
Sv
Savat,
SI
Saillant,
SvSauviat,
S^
E
Saint-tienne-sur-Usson,S-R.
Saint-
Remy-
sur-Durolle,
V
Vinzelles
(c e
deBansat).
Dans
le
texte,
Vinzelles
et
environs
dsigne
les trois
communes de Bansat, Lamongie, Saint-
Martin
-des-Plains.
t
7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf
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1
REVUE DE
FILOLOGE FRANAISE
PREMIRE
PARTIE
ANIMAUS
D'LEVAGE
Quelques
considrations
particulires
ce
groupe
dominent
le
sujet
et
peuvent tre dduites
des
pages
qui
vont suivre,
comme
de
l'tude d'autres
cartes
de
V
Atlas.
On
observera
l'uniformit
remarquable
des noms
dsi-
gnant
les
btes
de
boucherie
(mouton, veau,
buf...)
ou
les animaus de trait, de
labour
(cheval,
ne,
vache).
La
varit
lexicologique
augmente
en
raison de
la
moins
grande
frquence
de l'animal
:
ainsi
pour
les
mles
repro-
ducteurs,
infiniment
moins nombreus
que
les individus
ch-
trs
(cf.
blier
et
mouton,
taureau
et
buf),
ou
que
la
femelle (cf.
jars
et
oie).
Le nom de
la
femelle
ou plus
souvent
du
mle (gnralement
hongr)
devient
le
terme
collectif qui
s'apphque
l'ensemble de
l'espce,
et
il
tent
liminer plus
ou
moins les
autres appellations
dans les
pays
o
l'animal ne fait pas
l'objet
d'un
levage
intensif.
Quelques
fnomnes
trs
importants
doivent
tre
mis
en relief. D'abord
le
nom
du
jeune
devient
trs
souvent
le
nom
de
l'adulte :
qu'il
s'agisse
en particulier
de mles
ou de
femelles
destins
la
reproduction, l'acheteur
recherche
des
animaus
jeunes',
et
le vendeur est
port
rajeunir
les
siens,
ou,
si
l'on
prfre,
vieillir
les
mots.
L'ancien nom
de
l'adulte
arrive
dsigner
la
bte
ge.
Pour
les
femelles,
la
relation
avec
le nom
du
mle,
contrairement
ce
qu'on
pourrait
penser,
a peu
d'impor-
tance
:
les
patois
cherchent
surtout un
rapport avec
le
nom
du
jeune, en
prcisant
l'ide
qu'il
s'agit
d'une
bte
faisant
des
petits.
I.
Dans
ce
sens,
J.
Gillron
et
M.
Roques,
tudes
de
gographie
liiiguisli(jue,
p.
125.
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ESSAIS
DF
go(;kai-ie linguistique
3
Enfin
le
nom
du
mle
(plus
rarement de
hi
femelle)
peut
changer
d'espce.
Et
ceci
ne
se produit
pas seule-
ment
pour
des espces
voisines
(cf.
coq
et
coq
de
perdris
;
gelinotte, et
geline
poule),
mais pour des
animaus
qui
n'ont
aucune similitude :
on verra
ainsi
plusieurs
exemples
du
nom
du
jars
appliqu au
taureau. Le
mot
qu'on
nous
permette
ce
nologisme
s'est despciti.
Il
y
a
en effet dans
;/c^/vj),
1.
Il est
aussi
dans le
Ballet
forciien
de
1605
(E-
^
7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf
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32
REVUE
DE FILOLOGIE
FRANAISE
qui
aurait
remont
le
Rhne
comme
tant
d'autres
termes.
Ce
caga
a
d'ailleurs
srement
gagn
le
nord : kg
existe
Vinzelles
(et
environs)
avec
l'acception
originaire.
Je
trouve
aussi kya,
au
sens
uriner
,
dans
le
Glossaire de
M. Michalias.
Enfin
je
signale
quelques
drivations
sman-
tiques analogues
:
chiot,
jeune chien
(d'un
usage
courant^
mme
chez
des
crivains
contemporains)
;
ys
(du
fr.
chiasse
),
dernier
n
(Vinzelles
et
environs);
cago-nis,
cacau,
dernier
n
(Mistral)
;
le bas-langage,
l'argot des
faubourgs
emploie
concurremment
chier
et
pisser
au
sens de
mettre
au monde
[un enfant].
Quant l'origine
de coche-cochon, M. Meyer-Lbke
'
pro-
pose
une
onomatope (cri
pour
appeler
les
porcs).
C'est
encore
l'hipotse
la
plus
plausible.
Si
on
l'admet,
il
ne
serait
pas
impossible
que
cochon
(d'o coche)
ait t Forigine
un
terme enfantin.
Je
rapproche, pour
la
brebis,
les
termes
auvergnats
enfantins
br, -oto
(Vic-le-Comte),
hl,
-t
(Vinzelles et
environs)
qu'on
voit affleurer
ailleurs
dans le
patois des adultes
^
Si
l'on
ajoute
que
Mistral cite
coch
cochof, cri
pour
appeler
les
porcs
dans
les
Alpes
,
l'timo-
logie paratra assez ^vraisemblable.
Faut-il
en
dduire
que
le knty
du
point
971
(Hautes-Alpes) s'est form
ind-
pendamment
de
l'aire
franaise?
Ce
n'est pas
certain,
car
le
mot
peut
fort
bien avoir
t
import
directement
par-des-
sus
l'aire
intermdiaire
caion
:
il
y
a
bien des
exemples
analogues.
Relevons
quelques autres formes
de
V
Atlas
en
dehors
des
quatre
tipes
prcdents.
kaiiy
(Creuse)
dont
j'ai figur
la
zone
approxima-
1.
Konianiscljes
etymoloariscljes Wcerlerbud),
AlA'y
^^^^
supposer
hott:
et non
hoc.
2,
Cf.
Rolland, Faune
populaire,
V.
116-117
(herd,
etc.).
7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf
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ESSAIS
DK
cOGRAME
IJNGUlSIiaUE
33
tive
'
fait
penser
d'abord
un
cagna
(chienne),
forme
mridionale,
avec
sens
despcifi
ou
pjoratif
:
on
sait
le suc-
cs
qu'a
eu
ce
mot
occitanien
(ou
italien)
dans
les
argots,
avec
valeur
mtaforique
^.
Mais
aprs
comparaison avec
d'autres
formes
similaires,
il
semble
au
contraire
que l'ac-
tion
de
cagna
s'est
exerce
(par
timologie populaire)
sur
une
forme
primitive gogna,
d'origine
inconnue, qu'on trouve
atteste
en
divers
endroits.
Mistral
(au
mot
goiirriri)
cite
le
masculin
gounh,
gorret,
en Bordelais
;
gogno,
truie,
est
donn,
prcisment
pour
la
Creuse,
par
Rolland
(op.
cit.,
V, 2i)
d'aprs F.
Vincent
;
gagne
est
relat aussi en ancien
genevois,
avec
la
mme
acception
^
:
le
mot
a pass ensuite
divers
sens
mtaforiques
(crapule...)
en
Savoie
(^Dict.
Savoyar4,
gogne)
et
en
argot.
Enfin
les
formes
valdtaine
gona
(966)
et
fribourgeoise
guna
(60,
70)
appartiennent
visiblement'
la mme
racine, avec
une
simple
variante
de
finale (-a au
lieu
de
-ia).
Quant
au
driv,
il
est
beaucoup
plus
rpandu dans
le
Massif
Central
: V
Allas
le
relve
de
la
Creuse
la
Dordogne
et
au
Cantal;
Mistral
le
mentionne
comme
bas-limousin
et rouergat,
en
joignant la
forme
gasconne ^/zom
(abrviation de gognonn'^).
Presque partout
il
se
prsente
sous
la
omiQ
gagnoiin,
sous
l'influence de
la
mme
association d'ides
qui
a
donn
naissance
l'ancien
franais
gaaignon
(wallon
:
waaignon^,
dogue.
bifa
(819)
est
une
traduction
de
kciya
(qui
est
identique
aujourd'hui
au radical
de
cailler
)
:
bifq
signi-
1.
M.
A.
Thomas
m'a signal
le
mot
Saint-Yrieix-la-Montagne.
2.
Cf.
L.
Sainan,
L
Argot
ancien,
224
(Remarquer le
sens
che-
val
,
relev
dans
un
patois
normand),
kanya
existe
avec divers sens
drivs
dans
les
patois
et
argots
de
la
Savoie
et du
Jura.
3.
Cf.
L.
Sainan,
L
Argot
ancien,
p.
218.
Le
genevois
est cit
d'aprs
J.
Humbert
(1842).
4.
Godefroy
(y
gaignon, in
fine)
s\2;i\Aq
gagnoii
jeune
porc,
Clermont-Fcrrand.
3
7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf
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34
REVUE DE
FILOLOGIE FRANAISE
fie
cailler,
lait caill
(cf. Dictionnaire
Savoyard). Exemple
assez rare en patois
de
drivation
sinonimique
^
t-eipno
(714, Cantal)
est
le
fminin
de
teu,
tsu,
primitivement
jeune
porc
{sic
carte
porc
724,
781,
782),
puis
porc
,
sens
qu'il
possde dans
une
rgion assez
vaste
entre
le
Cantal
et le
Gers (cf. la
carte
porc
)
: on
a
reconnu
taiss,
l'origine
nom du
blaireau,
auquel
le
jeune porc
a
t
compar
^
.
gorra, mot bien
connu, se
trouve
sur un
point de
la
Haute-
Vienne, comme
sans
doute
aussi
la
base
de garl
(102).
gay,
gy
(21, 23,
Jura)
parat
un
dbris
ancien
de l'aire
kaya
(qui
devait,
nous
l'avons dit,
monter
plus
au
nord)
: le
terme, refoul et isol
dans
un
lot,
s'est
raccroch
au
mot
gai
qui
l'a
provi-
soirement
sauv
5
;
mauro
(741,
Tarn-et-Garonne)
est
un surnom
d
la
couleur
brune.
J'tudie
par
ailleurs
(dans
la Roniania)
le surnom du
tipe
gode
appliqu
ici
la
truie
(933,
968-9),
ailleurs
la
brebis,
au jars,
etc.
Le
mot
franais
truie
se
retrouve
seul
jOu
concurrem-
ment
avec une
autre
forme
aus points
802,
902,
908,
933,
950-
Voici,
classes
par
tipes, les formes
que
j'ai
recueillies
dans la
Basse-Auvergne
:
ky,
Saint-Ilpize,
Vieille-Brioude,
Auzon
(Haute-Loire)
;
kyd :
Ambert, Saillant
(Puy-de-
Dme).
troyd :
Saint-Hilaire (Haute-Loire)
;
Grandrif,
Ambert,
Sauviat,
Beauregard-l'vque,
Lussat,
Les
Martres-de-Veyre
;
tryd
: Bulhon, Usson,
Saint-Etienne-
sur-Usson
(R.-de-D.)
;
trd:( :
Saint-Jean-Saint-Gervais
;
1.
L.
Saman,
V
Argot
ancien,
pp.
67-8,
2.
Cf.
Mistral,
vo
/mjo//.
3.
Cette
aire
segondaire
gay
7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf
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ESSAIS DE
GOGRAMK
LINGUISTIQ,UE
tr^d:(
:
Vinzelles et
environs,
Nonette,
Issoire,
Vodable,
Madriat
;
k{^ts :
Besse
;
kts :
Coudes,
Salldes, Les
Martres-de-Veyre,
Malin
trat
;
ko^
:
Buxires-sous-Mon-
taigut
en
Combrailles.
A
Vieille-Brioude,
la
truie
qu'on
engraisse
est
dite pldr
(Dans la
rgion,
gorra
a pass au
sens
de
vache
qu'on
engraisse
).
3.
La
brebis.
Rpartition
de berbice,
ovicula,
feta
dans
la Gaule
romane.
Trois
grandes
aires
(en
laissant
de
ct quelques
cra-
tions
locales
postrieures)
se
partagent
la Gaule romane
pour
brebis
:
berbice,
ovicula
et
feta.
A
l'heure
actuelle,
les
reprsentants
du
premier
tipe
occupent tout
le
nord jusqu'aus environs
d'une
ligne qui serait tire
approxi-
mativement du sud
du
Morbihan
au
sud du Doubs
;
au sud,
OVICULA
l'ouest
et
feta
l'est
sont
spars
par
une
limite
qui se
dirige
d'abord
au sud-ouest
(des
environs
de
Mcon
au
nord
du
Lot)
puis
tourne
vers
le
sud
pour
atteindre
les
Pyrnes
entre
l'Arige
et l'Aude.
Ces
limites
ont vari
bien
entendu au
cours
de
l'histoire.
Depuis
le
moyen
ge, herbis (brebis) s'est
beaucoup
tendu
;
feda
(^fea)
a quelque
peu
recul
au
nord (cf.
VWotfwyt
au
nord
du Doubs,
54),
mais
a
gagn
du
terrain
au
sud
;
au
contraire
oeille,
ovelha s'est
repli
sur
toute
la ligne, mais
surtout
dans
le nord.
Au
moyen
ge,
berbis
parat plus
spcial
aus
rgions de
l'Artois,
au
pays wallon,
la Lorraine
et
la Champagne
du
Nord
en
face
d'oeille,
oaillc,
qui
prdomine
dans
rile-de-France
(Soissonnais
compris)
jusqu'
Amiens
et
I. Voir
les exemples
de
Godcfroy,
et
dans
P. Mever,
Recueil
iVanciens
textes,
p.
323,
353,356,
363-
7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf
52/180
3
6
REVUE
DE
FILOLOGIE FRANAISE
en
Normandie
La
Fontaine (de
Chteau-Thierry)
emploie
encore
ouaille,
qui
existait donc
toujours
au
xvii^ sicle,
au
sens
brebis
,
dans
les
campagnes
de
l'Ile-de-France.
Au
sud
de
Paris,
le mot a rsist plus
longtens
:
Godefroy
signale
ouille
dans les patois de
l'Yonne,
o
l'Atlas
ne
relve
plus
que berbi.
En provenal,
ovelha devait s'tendre un peu
plus
l'est
qu'
l'heure
actuelle.
Raynouard
Ta relev dans
Guillaume
de Tudela,
Augier,
Bernard
de
Rovenac,
la
Vie
de Saint
Romain,
la traduction de
la
Rgle
de
Saint-Benot
;
en
regard,
il note
feda
dans
Raymond
d'Avignon, La
nobla
leycT^on,
Philomena.
Enfin berbit:(
se trouve
chez
Guiraut
de
Borneilh.
L'existence
d'un lot limousin
de
berbice
au
milieu
de
l'aire
ovicula
est
atteste
encore
dans
Mistral,
o
berbis
est signal
comme terme de
prdication
^.
L'existence,
au
moyen
ge,
de berbit^ dans
deus
rgions
aussi loignes
que
l'extrme
nord
de
la
France
et
le
Limousin,
avec
les mmes
accidents
fontiques
et
morfolo-
giques
^
et
le
mme
sens
de
brebis
(vervecem signi-
fiant
mouton en latin^) prouve
l'vidence
l'existence
ant-
rieure
d'une
aire
commune
berbice
=
brebis,
qui
s'tendait
au
moins depuis
le Limousin jusqu'au
pays
wallon.
Cette
aire
a t
coupe
postrieurement par ovicula,
qui a
pass du
sens
jeune brebis
au sens
brebis
sur
un vaste ter-
1 .
Voir
dans
Godefroy
des
exemples
de
Wace,
de Garnier
de
Pont-
.
Saint-Maxence,
de
la
Clef
d'amour
(Amiens,
xiiic
sicle),
etc.
2.
Au point
6o6,
br
'cbi
(
ct de
wlyo)
est
une importation
rcente
du franais,
comme aus points
400,
loi,
303,
etc.
3.
Il
y
a
eu
3
fnomnes:
1
remplacement de la
finale
-CE
par
le
suffixe
-CE plus
frquent
;
20
passage
fontique
de *vervice
*verbice
(cf.
coRVUS>
*coRBUS,
etc
.
)
;
3
assimilation
du
v
initial
au
/^suivant
(cf. it. berbena).
4.
C'est
un
lapsus
qui
a
fait
dire
blier
au Dictionnaire
Gnral
(yo
brebis).
7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf
53/180
ESSAIS
DE
GOGKAI-IH LINGUISTIQUE
37
ritoire
comprenant
la
pninsule
ibrique,
le
sud-ouest,
Touest
et
le centre
de
la
Gaule
(l'lot
limousin except).
Reste
expliquer
comment
vervecem
>
*berbice
a
pass
du
sens
mouton
l'acception
brebis
.
Il faut
remarquer
que
pour
cet
animal
le nom
de
la
femelle
ou
du
mle
chtr sert en
mme
tens
dsigner
le nom
de
l'espce
(ceci variant suivant
les
tens
et
les
lieus, mais
le
nom
du
blier
restant
toujours
l'cart
et bien individua-
lis)
:
on
dit
ainsi
un
troupeau
de
brebis
ou
un
trou-
peau de
moutons
)),
en
englobant
les
bliers,
les moutons
proprement
dits, les
femelles
et
les
agneaus. Dans
certains
patois
(ainsi
Saint-Alyre, arrondissement d'Ambert),/^ifo
arrive dsigner la fois la brebis
et
le
mouton chez
les
personnes
qui
ne
s'occupent
pas
spcialement
d'levage.
Voici
donc comment
on
peut
concevoir
les
faits.
Ver-
vecem
(>>
*berbice)
a t
import
en
Gaule
avec
le
sens
(c
mouton
,
mais
il n'a pu
dloger
le
terme
indigne
*MULTONE, et il
a
d
battre
peu
peu
en
retraite
en
se
rfugiant dans
le
sens
collectif
du nom
de
l'espce. C'est
l'acception
qu'il
a
encore
dans
la
Loi salique
:
Si quis...
bimum
vervecem
(var.
berbiceni)
furaverit.
Vient un moment
o
le
latin
d'Occident
cherche
liminer
ove
(conserv
en
Orient :
romain
oaie\
qui prsentait
ici
une
fcheuse
simi-
litude
avec ovu depuis
que,
dans
ce
dernier mot,
le
v
avait
t
rtabli
et
que
l'o
tait
devenu
ouvert
;
l'assourdisse-
ment
des voyelles
atones, qui
se
prparait, tendait
produire
l'homonimie
complte. Berbice se trouva
tout
prt
pour
prendre
sa
place
dans
la
Gaule du nord
et
de l'ouest.
Mais
cette nouvelle
dsignation
ne fut
pas juge partout
satis-
faisante
:
au
sud-est,
dans une
vaste rgion
s'tendant du
Jura
et
du
bas
Rhne
au
Frioul
\
on
prouva
le
besoin
I.
Meyer-Lbke,
Rotn.
etytn.
Ilurt-t.,
3269.
7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf
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38
REVUE DE FILOLOGIH
FRANAISE
de
prciser
l'ide
de
femelle
)>
en
spcialisant
dans
ce
sens FETA
(primitivement
femelle
qui
a des petits
).
En
mme
tens
mergeait
l'ouest
ovicula
(jeune
brebis
>
brebis).
Historiquement
l'aire feta
=
brebis
tait constitue
l'poque
o
d
intervocalique
(issu
de
t) volua
vers
d (d
interdental)
en franco-provenal,
c'est--dire au
viii^
sicle
^ A
la
mme
poque
nous avons le tmoignage
des
gloses
de
Reichenau,
composes
dans
le
nord-est de
la
France, pour
nous
confirmer
l'existence
de
berbice
=
bre-
bis dans
le
nord
(glose
oves
:
berbices). Les gloses de
Cassel
ont
au
contraire
oviclas
: auui.
Nous
devons
en
conclure
qu'elles appartiennent
la rgion o
ovicula
passa
au
sens
de
brebis
adulte
,
et
qu'elles
sont
naturel-
lement
postrieures
ce
changement
;
il
appert galement
que
ces gloses n'ont pas d
tre
rdiges, comme certains
l'ont
cru,
en pays
ladin
^
S'tonnera-t-on
que
berbice,
aprs avoir t disloqu
par ovicula
l'poque
prromane,
ait
pris
sa
revanche
en
regagnant, depuis la
fin
du
moyen
ge,
une
grande
partie
du
terrain perdu ?
Nullement
:
car
si
ovicula
tait
fontiquement
robuste
et
smantiquement
excellent
(nom
de
la jeune femelle)
aus
vi*-vir
sicles,
il
avait,
dans l'intervalle,
perdu
ces
deus
qualits. La
chute
du
V
fut,
pour
ce mot,
une
cause
de
faiblesse,
en
crant
un
hiatus
qui
fut
diversement
rduit,
et
qui
amena
en
gnral
un w
initial
gnant
pour
la
langue
et
cause d'accidents.
Rien
que
dans le
Puy-de-Dme, on
trouve les
variantes
uly
(Moriat...),
y,yo
(Monton...),
?//}'^?
(Pontgibaud,
Bu-
1.
Cf. Bourciez,
Elments
de
linguistique
romane,
p.
i8o.
2.
P. Marchot,
Les gloses de Cassel
(Fribourg,
1889).
En sens
contraire,
Sirzingcr,
Zeilschrift j'r
romanische
Philologie^
XX,
121. La
gogra-
fie linguistique
pourra
tre plus
affirmative
le
jour
o
nous
possderons
un
atlas
des
patois
rhto-romans
et
des
patois
italiens
du
nord.
7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf
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ESSAIS
DE
GKOGRAFIE
LINGUISTIQUE
39
Ihon),
wly
(SWcdes,
Bcsse...),
wily
(Issoire,
Vodablc...),
vwlyo
(Les
Martres-de-Veyre...),
vwil
(Nonette,
Vin-
zelles...),z;:/^/7}'^^(Saint-Victor-la-Rivire).
Rapprochons
des
formes
comme
oy
(Ile
d'Yeu,
479)
et
des
timologics
popu-
laires
comme
vlo
(611,
etc.).
4.
L'agnelle
dans
la
Basse Auvergne.
Le
Puy-de-Dme
se
trouve
sur
la zone
de
jonction
de
deus
aires
trs
vastes
:
au sud
agnela
est
diffrent
du
mascu-
lin, tandis
qu'au
nord
le fminin a
disparu
et
qu'on
trouve
le
mme
mot
pour les
deus sens.
La
fontique
n'est pas
trangre
ce
rsultat.
Au
sud,
agnel, conservant
(ou
mme vocalisant)
son
/
final,
apple
ncessairement le
fminin agneJa
;
au
contraire, ds
que
la
consonne finale
du masculin
(ou
son rsidu
vocalique)
dis-
parat
ce
qui
se
produit
sur
les confins
de
la Haute-Loire
et
de
la
Loire
agnela
ne
tarde
pas
tre
branl
;
encore
quelques
lieues vers le
nord et le
nord-est, et le
fmi-
nin a
vcu
:
le
rapport entre
les deus
genres
du
suffixe -ellu
devient moins
troit,
est
peru moins nettement.
Au nord,
on
n'a
pas
prouv
le
besoin de donner
un
succdan
au
mot
disparu. La
langue
peut se
passer
d'un
terme
spcial
pour
dsigner
l'agneau
femelle,
dans
des
contres
o
l'levage
des brebis n'est pas pratiqu sur
une
grande
chelle.
Aus points
relevs
dans
VAtlas,
je
joins
^y
v^'
(Bulhon),
^?//3'rto (Sauviat),
nyi
(Grandrif), ^fy
vi''
(Saillant).
I.
On:iany
aus
points
705,
805-12-1
5-17.
Mais dans
le
sud du
Puy-de-Dme,
il
y
a
encore
des
finales
en
-ci
(Chalus,
Moriat...)
comme
dans
une partie
de
la
Haute-Loire.
Il
est
bien vident
que dans
cette
rgion
17
finale
s'est
conserve
pendant
plus
longtens que dans
Is
patois
situs
au
nord.
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40
REVUE
DE FILOLOGIE
FRANAISE
Sur
les confins
des deus zones,
comme
le
fait
se
pro-
duit
toujours
il
y
a eu flottement,
et de nouvelles
dsi-
gnations
se
sont
fait
jour.
On trouve
d'abord agneJa conserv
sporadiquement
:
Pont-
gibaud,
Monton
(Atlas
jo},
805),
Saint-tienne-sur-Usson,
Ambert (M. Michalias
;
M.
Edmond a
relev
^zy}-^')
'
.
Parfois,
au lieu
de
porter
le
nom
du
jeune
mle
comme
plus
au nord,
l'agnelle
a
la mme
appellation
que la
brebis
adulte
(avec
l'adjectif
jeune
,
petite
).
Remarquons
ici
que
nous sommes sur les
confins
de
l'aire
ovelha
>
oelha
=
brebis,
et de
l'aire /^J^f
=
brebis.
Dans
les
deus
domaines,
sur
les
lisires
de
la zone agnela
qui coupe
la
limite prcdente,
on
trouve
le mme
fait :
l'agnelle
est
V^ilyd
Beauregard,
hd{wn
ivjly
2i.hsoire
;
de
l'autre
ct,
Doranges
et
Saint-Alyre
la
nomment
fido
comme
l'adulte.
Oelha
n'a
pas
pntr,
sous une
acception
quelconque,
dans
l'aire
feda
=
brebis. Mais
feda,
en
revanche,
s'est
infiltre
dans
l'aire
voisine,
o
elle a
pris
le
sens
agnelle
dans
une
zone assez vaste
et
presque
compltement
homo-
gne
:
Vinzelles et environs,
Vodable,
Coudes,
Vic-le-
Comte,
La
Sauvetat, Aydat,
Murols.
Il peut
paratre sur-
prenant
que
le
nom de
l'adulte soit devenu
celui
de
la
jeune
femelle, contrairement
ce
qui
a
lieu par
ailleurs.
En fait,
les choses
n'ont
pu
se passer
ainsi. On
ne
saurait
avoir
affaire,
dans
cette
zone,
un
mot
prexistant
ayant
chang
de
sens, mais
un
terme venu
de
la
rgion
voisine
nous
avons vu
que
feda
gagne
sur ovelha
et qui,
n'ayant
pu
dloger
le
terme
indigne
(ovelha), a
pris,
ct,
la
place
vacante
que
laissait
agnela tombe
en
dsutude.
La
filia-
tion
smantique
est
la suivante :
brebis (qui fait des
petits)
>>
brebis
encore
jeune
>>
jeune
brebis.
I ,
Les points
que
j'ai relevs plus au sud
dans l'aire
homogne
a^^ncla
sont
Le
Mont-Dore,
Bessc,
Madriat,
Moriat (Puy-de-Dme),
Lotoing,
Auzon,
Vieille-Brioude
(Haute-Loire).
7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf
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ESSAIS DH
G
HOC,
R A
FIE
LINGUISTIClUE
4I
Remarquons
que
tous
ces
patois
ont
cherch
prciser
l'ide
de
femelle
,
qui
parat
indiffrente
ceus du
nord.
Une
autre
notion
doit
apparatre
naturellement
:
celle
de
la
jeunesse
de
l'animal. C'est le cas
pour
les
patois suivants
qui
nous ont conserv ainsi
*annotica,
agnelle
d'un
an,
en
appliquant
le
mot,
comme
agnela
et
ses
autres
succda-
ns, aus
agnelles de dis-uit
mois,
voire
de
deus
ans.
Les
formes
que
j'ai
recueillies,
comme
celle
de
Y
Allas
(804,
a^tyiidio)^
postulent toutes un
tipe *anutja
au
lieu
du
clas-
sique
aiotja
:
nyiidid
(Latour),
nyHd:{d
(Les Martres-de-
Veyre),
(Malin
trat),
;/V';(i >
(Salldes).
Enfin
Gerzat babno
est originairement
un
terme
enfan-
tin
qui
affleure
au
point
816
au
sens
brebis
(sous
1
:
forme
bbina).
5.
La
poule.
Conunent
a
disparu
gallina dans
le
Ceu
Ire.
Un
simple
coup
d'il
jet
sur la carte
107
1
de
VAtIa
linguistique
nous
montre
que
gallina
a
disparu,
l'heure
actuelle,
de
la
plus grande partie
de
la
Gaule
romane,
refoul
sur
une bande
de
territoire plus
ou
moins large
au
sud
et
l'est, avec
un assez
important lot
dans la rgion
picarde
et une
survivance isole
Jersey.
Comment
et
pourquoi
ce
mot
est-il
sorti
de
l'usage
?
Quelques
fts vont
nous
permettre
de
mettre
en lumire
les
dernires
tapes qu'il
a
parcourues
dans
le
centre
de
la
France, en
particulier
dans
le Massif
Central.
Le terme
nous est
encore
signal
dans
la
rgion de
Brioude
la
fin
du
xV^
sicle
dans
le Menu
de
Notre-
Dame
des
Chases
-
;
dans
le
Forez,
o
il a
d
disparatre
1.
Cf.
les termes
cits
plus haut
br br,
etc.
(article
truie
).
2. VAncienne Auvergne
et
le Vilay,xA\\,
p.
49.
I
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42
REVUE
DE
FILOLOGIE
FRANAISE
plus
tt que
dans
les patois trs
conservateurs
de la
Haute-
Loire,
il
vit
toujours
au
xvii^ sicle
^
Aujourd'hui
1'^^/^^^
nous
montre
qu'il
faut
aller
jusque
dans
le
Jura,
l'est,
et
dans le Gard,
au
sud,
pour le
retrouver.
GALLiNA a
t
supplante
par pulla, qui,
du
sens
primitif
de
jeune femelle
,
s'est
spcialise
dans l'acception
de
jeune poule
,
pour
dsigner
ensuite la
poule, suivant
l'volution
dj
analise.
Si
la
jeune poule
l'a emport,
on
peut
en
infrer
que
gallina,
avant
d'tre
limin^
avait
d'abord
t
relgu
au
rang
de
vieille poule
:
hipotse
que
confirme
souhait
le point
748
de
V
Atlas
(Aveyron
t
p,do
=
poule
;
golino
vieille
poule)
^.
Plus au nord,
l'acception
s'est prcis encore et
le
mot
s'est
en
mme
temps
despcifi.
A
Vinzelles,
il
tait
connu
nagure
des vieillards
au
sens
de
vieille poule
;
mais
il
ne
dsigne
plus aujourd'hui
que
la
truie
strile
,
comme
dans
les
patois voisins.
La
filiation
smantique est
vidente
:
vieille poule,
donc poule qui
ne
sont plus
>>
femelle
strile >>
truie strile. La
dernire
volution
ne
s'explique
pas premire vue : pourquoi
cette
spcialisation
la
truie
et
non
une autre
femelle
?
Le
fait,
qui
mieus est,
n'est
pas isol
:
Rolland
a
relev
^
dans le Morvan
galine
(sous
une
forme
qui
trahit
une
importation
mridionale),
au
sens
voisin
de
truie
qui a port
plusieurs
fois
.
L'explication
me
parat
donne
par
le
patois
d'Ambert,
o
djlyino
dsigne
1
.
E.
Vcy,
Le dialecte
de
Saint-Btienne
au XVIh
sicle,
p.
414.
L'tude
de
la disparition
du
mot
n'a
pas
t
faite en
franais
;
le
Dictionnaire
Gnrt
donne encore
geline
poule, comme
vieilli
;
les
auteurs du
xviic
sicle n'emploient
que ponte dans
la
rgion
parisienne.
2.
Sur
plusieurs points
du
midi
(841,
853,
863,
871),
il
est
remar-
quable
qu'on
ait rpondu
galino
pour
poule
isol,
et
p^]o
pour
les
poules
pondent
,
Le terme
ancien
commence
disparatre
au
pluriel
comme collectif.
Mme
fnomne pour
ovum
devant
kilkau
dans
la
rgion
de
Vinzelles.
3.
Faune
populaire,
V,
217.
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ESSAIS
DE
GOGRAFIK
LINGUISTIQUE
43
la femelle
infconde
(strilit
d'ge
ou
congnitale)
chex_
les petits
animaus
domestiques
;
car il existe,
dans
les
patois
del
rgion,
d'autres
mots
pour
les
grands
animaus,
vache,
jument,
etc.
{hordVe^,
Ambert...
ou burdii
y
Vmz... et
vev
V., vm
Ambert).
Or
parmi
les
animaus
domes-
tiques
de
petite
taille,
prsentant ce caractre
commun
d'tre
attachs
la
basse-cour (et non
conduits
en
troupeaus,
comme
les
moutons),
seuls
l'espce
porc
et l'espce
poule
sont
assez rpandues
dans
la
rgion
pour
avoir
un
terme
spcial pour
la
strilit
'
:
toutes les
maisons
ont
des poules et des
porcs
;
fort
peu
possdent des
oies,
canards,
etc.
On comprent
donc
qu'il
y
ait
eu
association
d'ides.
Bien
entendu
le
mot
a
laiss
et
l
des
drivs
et
com-
poss.
Je
signale
jalyini
(poulailler)
Maringues (mot
disparu
dans toute la contre)
.
Les
textes forziens du xvii^
sicle
ont
la
forme
parallle
jaleney
^;
M.
Vey
signale
dans
les
patois actuels
du Forez jneri
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DEUSIME PARTIE
ANIMAUS
SAUVAGES
I. Reptiles,
batraciens
I
.
Le
U^cir
gris
dans
la
Basse-Auvergne.
Les
fnomnes sont
trs
complexes.
Pour
tre clairciset
analiss,
ils doivent tre replacs dans la dpendance
des
faits
originaires qui ont conditionn tous
les
autres dans
le
latin
vulgaire
de
la
Gaule
cisalpine
et
transal-
pine.
Je
conte tablir
ailleurs prochainement
que
langura
dsigna le
lzard dans
la
Gaule
et
l'Italie
septentrionale.
En
Gaule, il
semble
n'avoir
pntr
que sous la
forme
du
diminutif
langurola, avec
l'acception
lzard gris
,
en
face
de lacertus
=
lzard vert.
Le
mot subit
de
bonne
heure l'influence
de
lingua,
et,
dans le Massif
Central
notamment,
c'est
d'un substratum
*lingurola
>
lingrola
qu'il faut
partir.
Dans
la
rgion lyonnaise,
le
latin
vulgaire
cra,
vers
le
III*
sicle,
un
nouveau
tipe,
lacrimusa
(cit
au
iv^
sicle
par Polemius
Silvius,
de
L)^on),
ayant
la valeur
de
mu-
seau
pointu
(*ACRi-Ms-A, qui s'est
ensuite
agglutin
l'article
sous
l'influence visible
de
lacryma).
Cette
aire
a
coup
l'aire
originaire
langura,
-ola. Elle
ne
nous
intresse
pas
en
Auvergne, car elle
n'a
pas dpass
la valle
de
la
Loire (Roanne-Montbrison),
affleurant
peine aus
premiers
contreforts
du
Forez.
Cependant le
franais rgional de
la
basse
Auvergne appelle
le
lzard
gris
larnuise^ mot venu
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I-SSAIS
DE
GKOGRAFIE
LINGUISTIQUE
45
de
Lyon
Clermont-Ferrand,
l'poque
o
la
grande
ville
rodanienne
tait
le principal foyer
de l'influence
franaise
sur
notre
rgion.
lingrola,
qui se
prsente
sporadiquement sous
une
forme
fontique
dans
le
Massif Central',
ne
se
trouve
sur notre
carte
qu'
Auzon, gros
bourg
au
patois
assez arcaque,
et
situ
l'cart
des grandes
voies
de
communica-
tion.
A
l'ouest
de
cette localit,
la
basse
valle
de
l'Alagnon
nous
offre des
formes avec
mtatse,
du
tipe ringloJay
mais
dans
lequel
la permutation
l-r s'est certainement
effectue
aprs
le
changement fontique
du
segond
/
(inter-
vocal
ique)
en
V
ou
en
r
suivant la
rgion
: rdyov
Lotoing;
rndyra
au
point
8ii
de
l'Atlas.
A
709,
V
Atlas
donne
rndyora
pour
lzard vert
,
avec un
point
d'interrogation
pour
le
lzard
gris.
Comme
le
lzard
vert
est
reprsent
dans
tout
le
Massif
central
par lacertus,
je
crois
qu'il
doit
s'agir
ici
d'une improprit
individuelle,
et
qu'il
fimt rendre
redyora
au
lzard gris.
Enfin
plus
au
nord,
Saint-Maurice
village
isol au
flanc du
puy
Saint-
Romain
nous prsente
une
forme
dissimile rygol
7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf
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4
REVUE
DE FILOLOGIE
FRANAISE
graulo
:
mygrul),
Saint-Jean-en-Val
et
les
communes
intermdiaires.
Plus au nord,
sur
un point (Salldes),
mingrola
devient
pingrola
:
ici
c'est
pingre
qui
a
agi,
mot
emprunt au
franais :
donc fnomne rcent.
La
rgion
des Monts
Dore
nous
offre
des
formes extr-
mement
intressantes
et fort
difficiles
expliquer,
bien
qu'elles
soient
en
relations avec
d'autres formes
plus
mri-
dionales.
Certaines
contres prsentent
un
changement
de
suf-
fixe
trs explicable :
on
conoit
que
lengrolo, langrole
puisse
devenir
/fl^wo^ro/a,-^,
indpendamment dans
TAveyron
et
les
Charentes,
par
permutation
avec un
suffixe trs
prolifique. L'obscurit commence lorsque
lengrol
devient
*lengrosa,
voire *lengrausa
(tipes
de
Lozre, Corrze,
etc.),
et mme langroise (Charente,
et points
511-13,
515).
Lengrola
aurait-il
rencontr
un tipe
prlatin
prexistant
avec lequel
il
se
serait
crois
?
C'est
la
seule
hipotse,
pour
le
moment, qui
semble plausible
;
mais c'est
une
simple
conjecture. Notons
seulement que
ces
formes
avec
s
(=
^
se
rencontrent
dans des
rgions
patois
gnrale-
ment arcaques.
Le
MassifCentral
connat
surtout
le
tipe
avec
adjonction
du
suffixe -olo
et
apocope de
/
initial
:
engrosola
(spora-
diquement
de
la
Corrze
la
Lozre). Ce mot,
par
une
ana-
logie
transparente,
devient
bientt
engrisola,
qui,
la
suite d'une nouvelle
amputation
facile
prvoir, abou-
tit
la
grisola
de
notre
carte, rpandue
dans
la
valle
de
l'Allier,
du
point
812
Coudes
et
Montaigut-le-Blanc.
Coudes
(gr:(pl)
offre un
,
qu'on
rencontre
plus
au
nord
sur l'Atlas, et qui
est
sans
doute une
transposition
de
l'an-
cien
en (in)
de
lengrola.
La
rgion du
Mont-Dore
fournit deus
tipes
qui
remontent l'un
et
l'autre
lengroso
doublement
apocop
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ESSAIS
DK GOGRAFIK
LINGUISTIQUI-
47
(de
/
et
de
eti),ma[s pourvu en
revanche d'un
double
suf-
fixe
al-ina,
al-elha
(/
intervocalique
devient
v
fontique-
ment
dans
une
partie
de
la rgion).
La
premire
srie
donne d'un
ct
gr^vino
(Latour),
de
l'autre
gr^vly
(Murols),
grixvly
(Chambon)
influenc
par
gris
.
La
segonde
srie
a
t
contamine par
crol:(^ >>
km,
kur,
car
la
bte
au
repos,
les pattes
antrieures
tales,
donne
bien
l'image
d'une
crois
:
d'o
kru:(lyivo
(Murat-le-Quaire,
Tauves),
kur^lyivo
(Mont-Dore),
kru^vly (Besse,
Picherande).
A
enregistrer ici une
troisime
variante de
sufiixe,
al-iva.
Dform,
altr
par les mtatses, les
apocopes,
les ana-
logies,
les
additions de suffixes, il
tait
prvoir
que
le
tipe
lengrola
disparatrait
compltement
dans
un
grand
nombre
de patois.
A
qui va-t-on faire appel
pour
le
rem-
placer
?
Tout d'abord
son plus
proche
voisin, le lzard
vert,
dont la forme
est
solide
et
renforce encore
par l'ap-
pui
du franais'.
On
voit
donc
lzard
,
qui
dsigne
dans
toute
la
rgion le lzard
vert ^,
merger un peu par-
tout
pour
reprsenter le lzard gris.
Certains patois
ont cherch
distinguer
les deus
espces
par
une diffrence
de
terminaison.
On
a
recouru
parfois
au
diminutif
pour le
lzard gris, plus petit que
son
cong-
1. Il
y
aune
seule
rgion (indique
sur
la carte) o l'on peut
assurer
que
K
lzard
est
fontique :
c'est celle
qui
repose sur
un
type
*laiei
t
(supposant
l'volution
lacertus
>
*lagertus). Il
est
certain
qu'au-
trefois
cette
aire kiiert
devait
tre
beaucoup
plus
vaste.
Ce
qui
rent
sus-
pect le
mot,
hors
de
cette
aire, dans la
rgion, c'est
qu'on
ne trouve
aucune
trace
(sauf au
N.-O.,
702,
801)
de l'a
protonique: les
/^:^a(r)
/qfl(r), /:^
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48
REVUE
DE
FILOLOGIE
FRANAISE
nre :
au
point
808^,
le lzard
vert
Gst
hl^^ar,
le
lzard gris
la
lezardina.
C'est trs probablement
sur
une
kT^artina
(ici,
on
va
le
voir,
le
fminin
de
lzard
garde
souvent
le
/)
que
l'timologie
populaire
a
travaill
pour
faire
Visrtyin
{eissartind)
de
Mirefleurs.
Entre les deus
animaus,
le
paysan,
qui
a
des
concep-
tions
naturalistes
trs
sommaires,
a cru
voir
par
endroits
un
rapport de
mle
femelle
^
:
le lzard
gris
est
Syat
la
l:(cirtd
(Jiar
=
lzard
vert),
la
l^rdo2i
Chanat,
la
l:(rdo
Monton.
En
revanche,
du
ct
d'Ambert,
Vilyr est
le
lzard gris,
Yilyrdo
le lzard vert
(Ambert,
Tom-
vic)
.
Ces mots,
d'ailleurs,
n'ont pas une
fixit
absolue dans
un
patois
donn
;
ils
sont
assez
flottants
;
leur
emploi
peut
varier
suivant
les
personnes. Ainsi
Monton
(805)
M.
Edmont
est
tomb sur
un
sujet
plus
arcasant que
le
mien,
et
il
a
obtenu
lyu^ (l;(ard vert),
hUl
(lzard gris)
;
mon
sujet (voiturier
de
40
ans,
indigne,
en
1899)
m'a
donn
pour
lzard
gris
l^qrdo,
visiblement
postrieur
hehto,
ct
de
l^ar
lzard
vert,
formes influences
l'une et
l'autre par
le franais.
En revanche,
au
Mont-Dore
(705),
y
Atlas n'a
obtenu,
pour
les
deus
espces, que
lyu::y
le
sujet
ignorant
ou
n'employant
pas
l'ancienne
dnomi-
nation du lzard gris
{kur7:lyivo).
Mme fait
Ambert,
o
M.
Michalias
m'a
affirm
l'existence
des
deus
termes
pr-
cits, tandis
que
le
sujet
de
Y
Atlas,
un
cordonnier urbain,
peu vers dans
la connaissance
des btes
champtres,
ne
savait
qu'un
mot. Au
point
806,
la
double forme
loy,
loyerlo
a t donne
pour
les
deus
espces
indiff*rem-
ment : il se
pourrait
que, dans
le
langage
de certaines
per-
I. Un tel
fait
se
produit souvent dans
l'esprit
des paysans.
A
Vinzellcs,
par
exemple, on
dit
que
les
grosses sauterelles vertes (trs ventrues)
sont
les
femelles, et
les
criquets les
mles,
etc.
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ESSAIS
DE
GOGRAI-IE LINGUISTIQUE
49
sonnes
du
village ou
de
la
rgion, chacune
des
deus
formes
et
une
affectation
spciale.
On
a
fait appel
aussi,
sporadiquement,
divers
substi-
tuts
lexicologiques.
Au
point
805,
je relve un
diminutif
de
serpent
(tipe
rgional :
serp)
que
la contigut homo-
nimique
de
serpolet
a
eu
tt
fait d'amener
sarpult.
Nouvel
exemple,
ajouter aus
prcdents,
pour prouver
que de
nombreuses
formations,
paraissant
premire
vue
des
mtafores
spontanes,
ont
t
conditionnes par
des
analogies
fontiques,
des quasi-homonimies.
Plus
curieuse est
la
filleule
,
que
nous
trouvons,
ind-
pendamment, dans
la
zone
d'Issoire (Issoire,
Vodable,
Saint-Germain-Lembron),
Lavigerie
(au
S.-O.
de
709)et
dans
l'Aveyron
(point
718).
Une
ncessit
commune
aurait-elle
fait
surgir cette
appellation
qui
cependant,
premire
vue, ne
semblait pas s'imposer?
Il
semble
plu-
tt
qu'il s'agit d'une
cration plaisante,
vulgarise
dans
une
vaste
contre,
mais
qui
est arrive seulement
en certains
points
supplanter
la dnomination
traditionnelle.
Reste
en
retrouver
la
gense.
A
Lavigerie, M.
Gandilhon
Gens
d'Armes m'a
signal
que la
terme