Stefan Fuertbauer Anne Berry Joshua White Phedia Mazuc Christina Z Anderson Virginie Plauchut Julie Sundberg Borja A. Rodriguez Daniel Leivick Noriko Takasugi
MAGAZINE 404
STEFAN FUERTBAUER 6
ANNE BERRY 16
JOSHUA WHITE 28
PHEDIA MAZUC 40
CHRISTINA Z. ANDERSON 50
VIRGINIE PLANCHUT 60
JULIE SUNDBERG 72
BORJAA. RODRIGUEZ 86
DANIEL LEIVICK 98
NORIKO TAKASUGI 110
The images published in this magazine are copyrighted to their corresponding creators.
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When I was a teenager I used to read the Spanish (my native
language) dictionary for fun. Choosing a random page, it was
delightful to find new meanings for well-known words or even
better, new words for yet undefined feelings.
This same kind of pleasure I now experience every time a variety
of new projects statements are sent to me to translate into
Spanish. Each of them, besides the writing skills of the artist,
opens a sluice gate into an intimate world that needs to be
respectfully deciphered. Each of them is a clue to understand a
very specific fraction of an image creator’s life. A fraction of life
that has been caged in a few squares. This fascinates me over
and over again.
So, thanks to all of you who have contributed to Square Magazine
so far and for the enrichment of my soul.
And have a bold year, everyone!
Quand j’étais adolescente, je m’amusais à lire le dictionnaire
espagnol (ma langue maternelle). J’ouvrais une page au hasard,
c’était un vrai plaisir de trouver de nouvelles significations
pour les mots qu’on croyait bien connaître ou mieux encore,
de trouver des mots nouveaux pour des sentiments encore à
définir.
C’est ce même genre de plaisir que je ressens maintenant, à
chaque fois qu’un nouveau lot d’articles m’est envoyé afin que je
le traduise en espagnol. Chaque article, outre les compétences
en écriture de l’artiste, ouvre une porte sur un monde intime
qui doit être déchiffré respectueusement. Chaque article est un
indice aidant à comprendre une fraction très spécifique de la vie
d’un créateur d’images. Une fraction de la vie qui a été mise en
cage dans quelques carrés. Et ça me fascine, encore et encore.
Et c’est pourquoi je vous remercie tous pour avoir contribué à
Square Magazine ainsi qu’à l’enrichissement de mon savoir.
Et que votre nouvelle année soit audacieuse !
Bea Fresno, Dec 2013
A translator’s viewVue d’une traductrice
Also, pease take some time filling in our quick survey / Prenez aussi le temps de remplir notre petit questionnaire svp
STEFAN FUERTBAUER 6
ANNE BERRY 16
JOSHUA WHITE 28
PHEDIA MAZUC 40
CHRISTINA Z. ANDERSON 50
VIRGINIE PLANCHUT 60
JULIE SUNDBERG 72
BORJAA. RODRIGUEZ 86
DANIEL LEIVICK 98
NORIKO TAKASUGI 110
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Eiterquellen is about Vienna’s Wurstel Diners and the Viennese
fast-food culture. Most of the time, these diners are isolated
islands in an ancient surrounding dashed with cultural
heritage. They are isolated both because of their look, but also
in the sense that they resist global fast-food chains. However
modern their architecture may appear though, there is much
cultural heritage at play behind the scenes.
Viennese wurstel diners were introduced during the Austro-
Hungarian «K.u.K.» monarchy in around 1870, to provide a
safe income for wounded war veterans. Since then they have
become an essential part of the urban culture not by only by
supplying snacks but also by being a meeting place for the
distinctive Viennese working class as well as for the higher
society.
The sub-urban Viennese language can be a rather raw one
and gets celebrated these places -the main reason why I
chose the title ‘Eiterquellen’ (‘Pus Springs’) for this project.
Viennese people have found some questionable synonyms
for the food supplied at diners, such as ‘Eitrige’ (‘pus-filled’)
which describes a ‘Kaesekrainer’ sausage which is filled with
cheese and when put on the grill, where the cheese melts and
oozes out. With some imagination this can look like pus. The
‘Kaesekrainer’ is preferably served with barf (mustard) and a
hump (bread roll)...
Of course these ancient Viennese diners had to evolve to
catch up with international fast-food chains, Kebab places and
Asian snack bars. They’ve aligned their appearance with a
contemporary architecture that is not dissimilar to the style of
diners of 60’s USA. But they serve the same snacks they used
to serve almost 150 years ago.
Stefan Fuertbauer Eiterquellenwww.fuertbauer.net
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Stefan Fuertbauer
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Eiterquellen est un travail sur les Wurstel Diners de Vienne et
sur la culture viennoise du fast-food en général. La plupart
du temps, ces stands sont comme des îlots isolés dans un
environnement au patrimoine culturel plus ancien. Ils sont
isolés à la fois en raison de leur apparence, mais aussi dans le
sens où ils résistent aux chaînes mondiales de la restauration
rapide. Ceci dit, au-delà de la modernité de leur apparence, ils
sont les héritiers d’un patrimoine culturel plus ancien qu’il n’y
paraît.
Les Wurstel Diners viennois furent introduits dans les
années 1870, à l’époque de l’Empire austro-hongrois et de la
monarchie «KuK», pour garantir un revenu sûr aux anciens
combattants blessés. Depuis, ils sont devenus une partie
essentielle de la culture urbaine non seulement en tant que
vendeurs d’en-cas, mais également comme lieux de rencontre
pour la classe ouvrière et pour la haute société viennoises.
Le patois plutôt brut de Vienne se fait entendre à ces endroits
- la raison principale pour laquelle j’ai nommé ce projet
«Eiterquellen» («fontaine à pus»). Les Viennois ont trouvé
quelques synonymes douteux pour la nourriture qu’on y offre
tels que «Eitrige» (« farci au pus ») qui décrit une saucisse
«Kaesekrainer», une saucisse farcie de fromage qui fond et
suinte quand on la fait griller. Avec un peu d’imagination, cela
peut ressembler en effet à du pus. La «Kaesekrainer» est de
préférence servie avec du vomi (moutarde) et une bosse (du
pain)...
Bien sûr, ces anciens convives viennois ont dû évoluer pour
pouvoir concurrencer les chaînes de fast-food internationales,
les kebabs et les vendeurs de snacks asiatiques. Ils ont adopté
une architecture
Stefan FuertbauerEiterquellenwww.fuertbauer.net
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Stefan Fuertbauer
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Anne Berry
and manipulate it as I would in the darkroom, dodging,
burning, and creating photomontages. The black and
white medium is central to my vision. It helps me select
only what is essential. Without color, form becomes the
most important tool. Also, the absence of color removes
the image from reality and helps to emphasize the
spiritual value. The animal becomes not a document of
reality but an archetype of universal significance. The
pictorial quality and the element of nostalgia come from
my lens and aperture choices. I find vintage lenses and
have them adapted to fit my camera. A medium format
lens with a tilt adapter allows me to manipulate the plane
of focus. I shoot with the widest aperture, which blurs
non-essential details. I have the images printed on silver
gelatin paper.
In today’s society pets are pampered and
anthropomorphized, but animals are often overlooked
and dismissed. My photographs are about the beauty
of animals but, more importantly, about their plight.
The pictorial quality of these images softens the shock,
but the punch is there in the eyes and expressions of
the animals. I anticipate the moment that I can capture
something in the essence of an animal, so that it speaks
through the photograph. Each animal begs the viewer to
consider his place in a world where bulldozers are rapidly
destroying animal habitats; he is an ambassador for all
the animals in his species. Primates especially are able
to remind people of the undeniable connection between
man and animal. If these ambassadors can make the
viewer feel this bond, perhaps it will motivate an interest
in the welfare of animals.
My materials are a combination of old and new. I now
capture the image digitally, but my habits are from
shooting film: I do not look at the display screen, and I
focus manually. I convert the image to black and white
Behind glassanneberrystudio.com
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Anne Berry
mais mes racines sont analogues : je ne regarde pas
l’écran de mon appareil photo et je fais la mise au point
manuellement. Je convertis l’image en noir et blanc et
la manipule comme je le ferais en chambre noire avec
des techniques telles que la modification de la densité
et la création de photomontages. Le noir et blanc est au
cœur de ma vision. Il m’aide à ne sélectionner que ce
qui est essentiel. Sans couleur, la forme devient l’outil
le plus important. En outre, l’absence de couleur écarte
l’image de la réalité et permet de mettre l’accent sur sa
valeur spirituelle. L’animal est non plus un document de
la réalité, mais un archétype à la portée universelle. La
qualité picturale et l’élément de nostalgie viennent de
l’objectif que j’utilise et le choix d’ouverture. Je trouver
des lentilles anciennes et je les adapte sur mon appareil
photo. Une lentille de format moyen avec un adaptateur
d’inclinaison par exemple me permet de manipuler
le plan de mise au point. Je tire avec la plus grande
ouverture, qui brouille les détails non essentiels.
Dans la société d’aujourd’hui, les animaux de compagnie
sont choyés et « anthropomorphiqués », mais les
autres sont souvent négligés et rejetés. Mon travail
photographique se concentre sur la beauté de ces
animaux mais aussi, d’une manière plus importante
encore, sur leur sort. La qualité picturale de ces images
adoucit le choc, mais le coup de poing est néanmoins là,
dans les yeux et dans les expressions faciales. J’attends
cet instant où je peux capter quelque chose de l’essence
d’un animal, afin qu’au travers de la photo, il puisse
parler. Chaque animal oblige le spectateur à considérer
sa place dans un monde où les bulldozers détruisent
rapidement leurs habitats, il devient l’ambassadeur de
tous ceux de son espèce. Les primates en particulier
sont en mesure de nous remettre en mémoire le
lien indissoluble entre l’homme et l’animal. Si ces
ambassadeurs pouvaient rendre le spectateur sensible à
ce lien, peut-être pourrait-il le motiver à en prendre soin.
Mes matériaux sont une combinaison d’ancien et de
nouveau. Je capture maintenant l’image numériquement,
Behind glassanneberrystudio.com
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Joshua White
This series started as an exploration of the plants, insects, and
animals found in my immediate area. I am using my iPhone
to capture these images, and all the editing takes place on the
phone. I’m not sure if that is important yet, or if it will remain a
parameter of the project. Originally these images seemed like
a diversion from my greater body of work dealing with memory
and loss, but now it seems, as always seems to be the case,
they fit right in.
My mother tells me I used to lie on my stomach and watch ants
in the grass. I also remember catching June bugs off of her wild
roses in a styrofoam cup. And I remember finding box turtles,
and waiting to hear the cicadas come out in summer, and
getting tobacco juice from a grasshopper on my fingers, and
catching lightning bugs in a pickle jar.
My hope is these images make you think on those times, too.
Cette série a commencé comme une exploration des plantes,
insectes et animaux trouvés dans mon environnement
immédiat. J’utilise mon iPhone pour capturer ces images et
tout le travail d’édition se fait sur le téléphone. Je ne sais pas
encore si c’est important ou si cela restera un des paramètres
associés au projet. A l’origine, ces images semblaient comme
une diversion dans mon vaste périmètre de travail traitant de la
mémoire et de la perte, mais maintenant il me semble, comme
c’est souvent le cas, qu’elles s’y intègrent parfaitement.
Ma mère me dit que j’avais l’habitude de m’allonger sur le
ventre à regarder les fourmis dans l’herbe. Je me rappelle
également quand j’enlevais les hannetons de ses rosiers
sauvages pour les mettre dans un gobelet en plastique. Et je
me souviens aussi d’avoir trouvé une tortue ; et d’avoir attendu
le moment où sortent les cigales pour chanter en été ; et que
les sauterelles me laissaient des traces de jus de tabac sur
les doigts ; et que j’attrapais des lucioles dans un bocal à
cornichons.
J’espère que ces images vous feront penser, vous aussi, à ces
moments-là.
Photographic survey of the American yard
www.joshuawhitephotography.com
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Phedia MazucNo chairs disparues
phedia-mazuc.tumblr.com
J’ai toujours du mal à parler de mes images même si
elles naissent souvent d’une association de mots. Par
exemple la série « nos chairs disparues » fait écho à «
pas perdus pour tout le monde ».
Chacun peut voir dans la chaise vide la promesse ou la
menace. On ne voit aucune chair et pourtant, elle reçoit
des commentaires sur ceux qui auraient pu se poser là,
un désir de s’asseoir ou surtout pas. C’est un état de
siège dont on veut souvent s’échapper, vers un autre
no man’s land, territoire imaginaire, superposé, encré,
griffé, en lisière de la réalité sur des objets abandonnés,
des paysages fantasmés. L’envie de donner du
mouvement au statique ou de figer ce qui fuit. Ce n’est
pas triste, ce n’est pas gai non plus. C’est un peu vague,
c’est un peu flou c’est vraiment net.
It is always quite hard for me to talk about my
images, even though they often originate from a word
association. We can live the empty chair as a promise
or a menace. The chairs can’t really be seen, but it
nonetheless is the butt of commentaries about who
could have sat there, whether there once was a desire
to sit, or on the contrary to avoid sitting at all costs. It
is a state of siege one wants to escape from, towards a
no man’s land, an imaginary territory, half way between
abandoned objects and phantasmagorical landscapes.
Like a desire to force movement to remain static, or to
freeze what is running away. It’s not sadness, it’s not
happiness ever. It’s a bit blurry, a bit vague, but focused
too.
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Christina Z. Anderson
Je suis la plus jeune d’une famille de sept filles et un
garçon ; une grande famille particulièrement sexiste.
Quand nos parents sont morts, j’ai dû mettre de
l’ordre dans 40 000 photos moisies, poussiéreuses
et décolorées. Sur une période de 13 ans, j’ai édité
ces photos pour arriver à un décompte final de 2 600
images à distribuer aux divers membres de la famille. J’ai
sélectionné les 100 qui incarnent pour moi l’expérience
de grandir « large » à l’aube d’un changement important
du rôle de la famille et de l’orientation sexuelle. Travailler
avec ces images encore et encore, à travers plus d’une
décennie d’élagage et une année finale passée à
faire des tirages, m’a donné petit à petit le temps de
contempler et de faire la paix avec ma famille d’origine.
Il y a de l’excentricité et l’humour dans ces photos,
mais aussi de la tristesse et de la désillusion parce que,
dans cette famille comme dans la plupart, des drames
sombres se cachent derrière les visages Kodachrome
souriants. Les tirages sont réalisés à partir de protéines
de lait colorées (caséine), un choix approprié pour des
souvenirs d’enfance.
I am the youngest in a family of 7 girls and 1 boy, a large
family that was also uniquely gender-biased. When our
parents died, I became the one to make order out of
40,000 moldy, dusty, and faded photographs. Over 13
years I edited the photographs to a final count of 2600
images to distribute to family members, out of which I
curated 100 to embody the experience of growing up
“large” at the cusp of massive change in family and
gender roles. Working with these images over, over and
over through more than a decade of culling and a year
of making prints, layer by layer allowed me the time to
contemplate and make peace with my family of origin.
There is quirk and humor in these photographs, but also
sadness and disillusionment, because, in this family
as in most, there were darker dramas going on beneath
the smiling Kodachrome faces. The prints are made
from colored milk protein (casein), a fitting choice for
childhood memories.
Family of origin
www.christinaZanderson.com
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Virginie PlauchutChronique
www.virginieplauchut.com
Avant que nos salles de bains deviennent des
laboratoires, des salles d’interventions, des cabinets de
curiosités
Avant que Botox et autres poisons de ce genre,
envahissent les étals de nos grandes surfaces
Avant que les interventions sous anesthésie locale,
à la maison ou au bureau entre deux rendez vous, se
banalisent.
Avant qu’avoir recours à un médecin ou à un chirurgien
ne soit plus indispensable pour que la femme puisse se
rapprocher des critères dictés...
Quand, la folie du scalpel et de la seringue envahit notre
société, avec une médecine efficace qui se voudrait sans
risques.
Quand, aujourd’hui on modèle son corps comme le
sculpteur façonnait la glaise,
Quand, la chirurgie devient un art.
Quand, pas une partie du corps ne semble pouvoir
échapper aux doigts habiles du héro des temps
modernes : le chirurgien.
Quand, ce nouveau « dieu », est désigné apte à effacer,
rectifier, magnifier les disgrâces de dame Nature.
« Chronique » se projette, s’interroge, sur les possibles
dérives esthétiques.
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Virginie PlauchutChronique
www.virginieplauchut.com
Before our bathrooms become laboratories, labs or
cabinets of curiosities
Before Botox and other such poisons invade the shelves
of our supermarkets
Before operations under local anesthesia, at home or in
the office between work appointments, are trivialised
Before having recourse to a doctor or a surgeon is
no longer essential for women to get closer to some
aesthetic criteria
When the madness of the scalpel and syringe invades
our society, with an effective medicine that is supposed
to be safe
When one models one’s body today the way a sculptor
would fashion clay
When surgery becomes art
When no part of the body seems to escape the nimble
fingers of hero of modern times: the surgeon
When this new «god» can erase, rectify or magnify the
(mis)fortunes Mother Nature bestows on us
Avant que nos salles de bains deviennent des
laboratoires, des salles d’interventions, des cabinets de
curiosités
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Julie SundbergSeven, fourteen, twenty-one
juliesundberg.com
La série «Seven, Fourteen, Twenty-one» (Sept, quatorze,
vingt-et-un) a été construite sur une période de
quatorze ans, de 1996 à 2010. Ma fille en est le sujet.
Je n’ai pas voulu créer une série style «Seven Up». J’ai
photographié ma fille à sept, quatorze et vingt-et-un ans
de manière intuitive. Ce fut au départ la réponse d’une
mère face aux cauchemars récurrents de son enfant.
Puis je me suis focalisée sur ses premiers pas dans sa
vie de femme qui débuta à ses quatorze ans.
Tout au long de cette série, j’ai utilisé un appareil photo
réglé sur une vitesse d’obturation lente afin de capturer
quelque chose d’éphémère et de personnel. En éliminant
à la fois le fond et le contexte visuel, j’ai cherché à
découvrir ce qui restait de l’enfant de sept ans dans
l’adolescente de quatorze ans, puis dans la femme de
vingt-et-un.
«Seven» nous montre les reliquats visuels de
cauchemars récurrents et fut conçue comme un procédé
cathartique à la fois pour le sujet et pour le photographe.
«Fourteen» se préoccupe du malaise adolescent et de
l’anxiété associée à la croissance. Je voulais capturer
son image au point de basculement ; ce qui m’amena
à ressentir une sorte de malaise à me retrouver ainsi
témoin de la mutation de ma propre fille. Cela souleva
aussi la question du voyeurisme, à la fois chez moi-
même en tant que photographe et chez les autres, les
spectateurs.
«Twenty-one» montre une femme qui n’est pas encore
tout à fait sûre de sa place dans le monde mais qui
est néanmoins entièrement formée et en mesure de
rencontrer mon regard sur un pied d’égalité.
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Julie SundbergSeven, fourteen, twenty-one
juliesundberg.com
Seven, Fourteen, Twenty-one was made over a fourteen-
year period, from 1996 to 2010. The subject is my
daughter. I did not set out to create a ‘Seven Up’ series,
but intuitively photographed my daughter at seven,
fourteen and twenty-one. Initiated as a mother’s
response to her child’s recurrent nightmares, I later
focused my attention on her transition to womanhood,
which began at age fourteen.
Throughout this series, I have handheld the camera
during long exposures in order to capture something
fleeting and internal. By eliminating background and
context I sought to discover what remained of the child
of seven in the adolescent of fourteen and the woman of
twenty-one.
Seven shows the visual remnants of recurrent
nightmares, the fearful place of the dreamer within
the dream and was conceived as cathartic for both the
subject and photographer.
Fourteen is concerned with the brooding teenage
discomfort and anxiety associated with growing up. I
wanted to capture her at the tipping point, but also felt
unease as I watched my daughter mutating before my
eyes. This raised the question of voyeurism, in myself
and in others.
Twenty-one shows a woman still not entirely sure of her
place in the world, but fully formed and able to meet my
gaze on equal terms.
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You are, or you know a poor rectangular photographer who would you like to try their hand at the square format and be published in the magazine? If so, the Square Res-idencies program is just what you need. It is free, it last three to six months and is open to all, regardless of age, gender or nationality (or indeed photographic gear).
Here’s what you need to do:
Gather some of your work and some info about yourself.Put together a proposal, highlighting your visual project and why you think the square format would fit.Email the lot to [email protected]
What you’ll get:
On-going assessment and feedback on your project from members of the Square Magazine team (email, phone and Skype).Academic help if needed (for instance art history and contextual studies).A slot in the magazine at the end of the residency.Promotion of the project via social networks and the magazine’s website.
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Borja A. Rodriguez
fotoba.hostoi.com
Mare Nostrum
«Mare Nostrum», was taken during a period of two years
(2011-2012) on the Mediterranean coast of Almeria, Spain,
And more exactly in the «Cabo de Gata» natural park.
In this area, in the small villages, there are still families
subsisting on daily fishing using small boats that are passed
on from parents to children. Lately this ancestral lifestyle is
being threatened by falling prices and stiff competition from
the big trawlers. Some families now use their boats to offer
excursions to tourists. This work is my tribute to this way of life.
I’ve tried to extract all the beauty that surrounds it.
La série «Mare Nostrum» a été réalisée durant une période de
deux ans (2011-2012) sur la côte Méditerranéenne d’Almeria,
en Espagne, et plus précisément dans le parc naturel «Cabo de
Gata».
Au sein de cette région, dans les petits villages, il y a encore
des familles qui subsistent du produit quotidien de la pêche
à l’aide de petits bateaux qui se transmettent en héritage de
parents à enfants. Ce mode de vie ancestral est maintenant
menacé par la baisse des prix et par la concurrence féroce des
grands chalutiers. Certaines familles utilisent maintenant leurs
bateaux pour mener les touristes en excursion. Cette série est
mon hommage à ce mode de vie. J’ai essayé d’extraire toute la
beauté qui l’entoure.
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Vous êtes, ou vous connaissez quelqu’un qui est, un pauvre photographe qui se débat avec le rectangle, et qui aimerait essayer le format carrée et etre publiée dans le magazine? Le tout nouveau programme d’artistes en résidence peut vous aider. C’est gratuit, ça dure de 3 à 6 mois est c’est ouvert à tous, quelque soit votre age, votre sexe ou votre nationalité.
Ce qu’il nous faut :
Rassemblez des extraits de vos travaux et quelques info sur vous-mêmes.Mettez sur pied une proposition, mettant en lumière votre projet visuel et les raisons pour lesquels vous pensez que le format carré serait approprié.Envopez le tout à [email protected]
Ce que vous pouvez espérer de nous :
Une évaluation et un retour sur votre projet d’un des membres de l’équipe de Square Magazine (mèl, téléphone ou Skype).Une aide académique si necéssaire (par exemple en histoire de l’art ou en études contextuelles).Un article dans le magazine à la fin de la résidence.La promotion de votre travail via les sites de réseaux sociaux et via notre site web
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Daniel Leivick
we have access to a view akin to that of a compound-
eyed god who views all points simultaneously.
By appropriating content from these sources and
transforming it into large scale imagery, I intend, at
once to highlight this shift in perspective and to call into
question the implications of witnessing a landscape that
is reflective of ourselves and of our culture. The symbols
which emerge here, created with ambiguous agency and
meaning, echo the struggle of the individual to transcend
their role in a seemingly agent-less social machine.
This is what they say this bird (the Phoenix) does, but I
do not believe them.
--Herodotus in Histories Vol. 2
Heliopolis is the city to which the Phoenix of myth
periodically travels in order to experience fiery death
and be reborn from the ashes. It is the name of my
effort to conjure a desert city where the contrasts of
our age (annihilation and transcendence, determinism
and agency, rationality and madness) are called into
question. It is a place where destruction and rebirth are
one and the same, where the gap between reality and
simulation is ever narrowing.
These large scale photographs are created using collages
of imagery appropriated from Google Maps, which are
used to model a fictional terrain and landscape for this
city. Online mapping projects like Google are rapidly
changing the nature of visual discourse. No longer are
we tied to the fixed perspective of a single camera; today
Heliopolis
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du discours visuel. Nous ne sommes plus attachés à la
perspective fixe d’un seul appareil photo ; aujourd’hui
nous avons accès à une vue semblable à celle d’un
dieu aux yeux à facettes omniprésent et voyant tout.
En m’appropriant ces sources et en les transformant
en images de grande taille, j’essaye à la fois de mettre
en évidence ce changement de perspective mais aussi
d’analyser notre implication, en tant que témoin, dans
l’émergence d’un paysage qui est le reflet de nous-même
et de notre culture. Les symboles qui apparaissent ici,
à l’intention et à la signification ambiguës, font écho à
la lutte de l’individu pour transcender son rôle dans une
machine sociale apparemment sans objet.
Voilà ce que fait cet oiseau (le Phénix), disent-ils, mais je
ne les crois pas.
Hérodote, Histoires Vol. 2
Héliopolis est la ville où le mythique Phénix retourne
périodiquement afin de s’immoler et renaître de ses
cendres. C’est le nom que je donne à ma tentative
d’évocation d’une ville désertique où les contrastes de
notre époque (l’anéantissement et la transcendance , le
déterminisme et l’agencement , la rationalité et la folie)
sont remis en question. C’est un endroit où la destruction
et la renaissance sont une seule et même chose, où
l’écart entre réalité et simulation est pour toujours
réduit.
Ces photos de grande taille sont créées en utilisant des
collages d’images du site Google Maps qui me servent
à modeler un territoire fictif : le paysage de cette ville
. Les projets de cartographie en ligne comme celui de
Google sont en train de changer rapidement la nature
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Noriko Takasugi
Soma Nomaoi est une célébration annuelle qui met en
avant la culture samouraï millénaire de Fukushima.
2000 personnes sont mortes lors de l’accident de
Fukushima ; 80 % d’entre elles étaient originaires de la
région où se tient le Soma Nomaoi. Malgré les conditions
difficiles, les pertes en vies humaines et la perte de
centaines de leurs chevaux et de la plupart de leurs
armes, la majorité des survivants guerriers samouraïs
de la région de Nomaoi a tout de même décidé de se
réunir en 2011, quelques mois après la catastrophe.
Ce n’est pas seulement un événement, c’est aussi un
moyen d’affirmer leur identité et de lutter pour leur
survie. La façon de vivre des samouraïs, nommée «
Bushido ”, se rapproche du concept de chevalerie. Cette
identité particulière définit comment et pourquoi ils
vivent.
Les guerriers samouraïs Nomaoi représentés ici
résidaient auparavant dans la zone proche de la centrale
nucléaire de Fukushima Daiichi, mais ils ne sont plus
autorisés à y vivre. Chacun d’eux se tient dans un lieu
ayant une signification personnelle pour lui.
Bien que l’image typique du Japon actuel puisse être
encore positive avec les bâtiments high-tech de Tokyo,
le pays reste un monde caché pour les étrangers. Je
voudrais, à travers mes photos, montrer cette partie
secrète du Japon, sa mentalité, sa chaleur intérieure et
le sens profond de la beauté triomphant de l’adversité,
ainsi que notre révérence envers la nature. Cette
partie secrète n’est pas pour nous quelque chose
d’extraordinaire, mais affecte réellement nos choix de
vie quotidienne. Ces qualités sont souvent masquées
aujourd’hui dans le monde entier, pas seulement au
Japon. Ma vie ordinaire et mes racines japonaises
ont formé un pont entre moi et ces samouraïs dont je
prenais en photo l’ombre et la lumière.
Fukushima Samurai
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Noriko Takasugi
Since 2011, I have devoted my time to capturing images
of the survivors of 3.11. While I was listening to their
story, I could not ignore the unique spirit emerging in
these people. These photos are part of my long-term
project that differs from the major news stories about
the disaster. I tried to investigate the evacuees not as
victims, but as part of a 1000 years old folk culture of
the area, a representation of Japanese identity. The work
examines how these people are surviving and fighting
fate in order to retain their sense of self.
Soma Nomaoi is an annual celebration of Samurai culture
in Fukushima. It is more than 1000 years old. 2000
people died in Fukushima due to the meltdown, 80% of
whom were from the area where the Soma Nomaoi is
held. Despite the harsh conditions, loss of lives and loss
of hundreds of their horses and much of their armory,
the majority of the surviving Nomaoi Samurai warriors
agreed to hold the gathering in 2011, just a few months
after the disaster.
It is not just an event but also the embodiment of their
identity and fight for survival. The samurai way of life,
“Bushido”, corresponds to the concept of chivalry. This
sense of identity represents how and why, they live.
The Nomaoi Samurai warriors portrayed here were once
residents in the area close to the Fukushima Daiichi
nuclear plant but they are no longer allowed to live there.
Each of them stands in the places that had a personal
meaning to them in the area.
Although the typical image of current Japan might be
still positive, to foreigners the country remains a hidden
world. I would like, through my photography, to show this
secret part of Japan: the mentality, inner warmth and
profound sense of beauty triumphing over adversity,
and our awe of the natural world. Those secret parts are
not an extraordinary thing for us but an accumulation of
our choices in our ordinary life. Such qualities are often
obscured nowadays in the world as a whole, not just in
Japan. My ordinary life and Japanese root came across
to these Samurai people while I was taking their light and
their shadow with my camera.
Fukushima Samurai
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