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ISSN . 1300 - 3542

DERGISI Language Journal

Sayt: 61 KASIM 1997

Recai ONAL

O. EKMEK(:iIG. HERGONER

HaknnGOR

Leyla TERCANUOGLU

Deniz KIFUIISOY KUCUR

Mehmet (:j(:EK

Muhittin GOMO~

Aydan ARIKAN

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DERGisi Language Journal

SaYl: 61 - KaSlm 1997

Bilimde birlik Vardlf. AynmcI degil, birle§tirici olahm.

Dr. Mehmet Hengirmen

ISSN 1300·3542

Ayda bir yaYlmlaDlr. Tiim haklan sakhdlr. Derginin adl belirtilmeden hi~bir allntl yapdamaz.

Dergide yaYlmlanan yazdann sorumlulugu sahiplerine ai11ir. Dergiye gonderilen yazdar yaYlmlanslR, yaYlmlanmasln iade edilmez.

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Mehmet
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Dr, Mehme~HENGiRMEN o

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Yazl i§leri MUdUrU . Managirig Editor Aydan A.RIKAN

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BUSAYIDA S TUrkiye TUrk<;esinde SUrerlik Eylemleri

Recai UNAL

12 Existing Situation and a Search For Prospective Solution Prof Dr. Ozden EKMEKr;i Dr. CUlten HERCUNER

26 TUrk<;e'nin YabanCl Dil Olarak Ogretiminde Videonun Kullamml Hakan CUR

3) Modem Languages Initial Teacher Education Leyla TERCANLIOGLU

39 Anadili Ogritimined Bi1i~sel Giri~ Ozellikleri ve Duyu~sal Gili~ Davram~lanm Geli~tinneye Ybnelik Etkinlikler Deniz Kmmsoy KUCUR

46 Certains Determinants Et L'Anaphore Mehmet r;U;EK

57 Dogumunun 100. YIImda Muhtar A vezov Muhittin COMU/j

61 Nobelin Yeni Adl: italyan UsulU Mizah, Hiciv ve OzgUrlUk Aydan ARIKAN

65 The Consonant Phonology of Spanish Arabic in The 15th and 16th Centuries Richard C. DIETRICH

80 ~iir- Yol Aynmlan Tekin CONENr;

81 Kmm'dan Bir Portre: Ayder Mehmedoglu

8) ~iir- Sevdacam Faika SARP

84 ~iir- Yasta Miige BARVTr;A

85 Haberler

91 Basmda TOMER

94 Kitap Tamtlml

Mehmet
Highlight

C E R T A I N S D É T E R M I N A N T S E T L ' A N A P H O R E

Mehmet ÇİÇEK*

0. INTRODUCTION

Dans l'apprentissage des langues ayant un système d'articles; on sait que les articles —appelés également déterminants—, soit du point de vue de leurs sens soit du point de vue des rôles qu'ils assument dans les syntagmes, constituent un point fort important.

Dans ce qui suivra nous allons essayer de présenter au lecteur un certain nombre de particularités de l'article défini et de l'adjectif démonstratif en cherchant bien entendu à les opposer l'un à l'autre. De ce fait, notre étude va graviter au tour des syntagmes nominaux particuliers. En fait, dans les syntagmes nominaux nous allons nous intéresser au rôle des déterminants dans l'écriture, dans l'expression. Ces syntagmes nominaux seront du type "Déterminant + Nom + expansion éventuelle". Nous allons nous limiter enfin aux cas où le déterminant est l'article défini "LE"1 ou l'adjectif démonstratif "CE". Notons cependant que nous allons introduire en dernier lieu la notion d'anaphore pour autant qu'elle intéresse notre travail.

Il sera donc utile de voir d'abord les définitions possibles du syntagme nominal : en fait, le syntagme nominal est un groupe de mots qui se suivent selon le dictionnaire Petit Robert. Selon une autre définition citée dans "Le Bon Usage"2 on appelle syntagme un groupe de mots formant une unité à l'intérieur de la phrase. Le syntagme3 se compose d'un élément principal ou noyau et d'un ou plusieurs éléments subordonnés.

Puisqu'il s'agit d'un syntagme nominal, y figurent le nom commun lui même (élément principal ou noyau ) et le déterminant (élément subordonné) qui l'accompagne. Ce déterminant est un mot qui varie en genre et en nombre selon le nom4 auquel il se rapporte. Le déterminant se joint à un nom pour l'actualiser, pour lui permettre de se réaliser dans une phrase. Voyons ce cas dans l'exemple suivant :

(1) a–... Chaise : Un nom ( il signifie un objet du monde matériel ).

* Doctorant en linguistique et assistant-chercheur à l'Université Yüzüncü Yıl à Van. 1 "LE", la forme masculin singulier de l'article défini, représente désormais pour nous toutes les formes possibles de l'article défini : Le, La, Les. Ainsi que l'adjectif démonstratif "CE" représente toutes les formes possibles de sa catégorie : Ce, Cet, Cette, Ces. 2 GREVISSE M. (1988), Le Bon Usage, Paris, Duculot, pp. 7-8. 3 Pour les détails et une longue définition de la notion voir " La Grammaire d'aujourd'hui, Guide alphabétique de Linguistique Française, (1986), Arrive M. , Gadet F. , Galmiche M. , Flammarion, Paris. 4 A partir de maintenant nous dirons "Nom" pour "Nom commun" : il s'agit des noms qui sont susceptibles d'être utilisés avec un déterminant. En fait, "le Nom propre" est complètement hors de notre étude.

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b–... Chaise est très confortable : Une phrase incomplète. (Le sens est inadéquat, parce qu'il manque le déterminant ). c–... Cette chaise est très confortable : Une phrase complète. (Le sens est complété par l'intervention – introduction – du déterminant "Cette").

Donc, on constate qu'un syntagme nominal dans une phrase5 se compose d'un déterminant et d'un nom. [ Dét.+ Nom = Syntagme Nominal ( ou SN ) ].

En considérant le syntagme nominal "cette chaise" on verra que la signification concerne le mot "chaise" et que la désignation concerne le syntagme "cette chaise" dans la phrase "cette chaise est très confortable". On a sans nul doute besoin de la signification du nom "Chaise" et celle du déterminant "Cette" pour trouver la juste désignation du syntagme "Cette chaise". On en arrive au fait qu'un nom accompagné d'un déterminant est actualisé par celui-ci. Ici, nous constatons d'emblée le couple central, ce qu'on appelle le noyau du syntagme nominal où il y a un déterminant qui détermine un nom.

En considérant un syntagme nominal type (cf. "Cette chaise") on y distingue classiquement sa tête syntaxique ("Cette") et sa tête sémantique ("Chaise"). Cette distinction est fondée sur le double fait que, syntaxiquement parlant, "Cette chaise" se comporte en première analyse comme "Cette + N" et sémantiquement parlant "Cette chaise" se comporte en première analyse comme "D + chaise". Ces deux têtes ainsi intuitivement distinguées jouent, chacune à sa manière, un rôle dans l'établissement de la référence6 imaginaire du syntagme. Dans ce cas-là, on observe deux classes différentes :

a) La classe des commutants possibles de "chaise" dans une distribution phrastique du syntagme "cette chaise" est pratiquement infinie ou plus exactement, elle n'est jamais clôturable, car tout nom commun féminin singulier peut s'y substituer sans détruire la correction syntaxique de la phrase; elle est dite alors "ouverte".

b) La classe des commutants possibles de "cette" dans une distribution phrastique du syntagme "cette chaise" n'est pas infinie et contient un très petit nombre d'éléments, (cf., un, le, mon, ton, son, notre, votre, leur, quelque, certain, maint); elle est dite alors fermée7. Ce sont les éléments de la classe dite "fermée" qui seront examinés ici. Représentons cela à l'aide d'un schéma :

5 Nous avons essayé d'actualiser le SN [ cette chaise ( Dét+Nom)] dans une phrase énoncée pour que le lecteur saisisse le rôle référentiel assumé par le déterminant. C'est dire que la question de la référence d'un mot déborde les limites du syntagme. Pour la référence exhaustive de tel ou tel mot, on a besoin d'une phrase où va apparaître le mot en question. (cf., Cette chaise... quoi cette chaise?). Autrement dit, le SN n'a une valeur énonciative référentielle que dans une phrase. 6 La référence est le rapport qui existe entre les mots et les objets, éléments, actions et qualités que les mots représentent. (LYONS, 1970:326). Nous devons cependant souligner que l'une des conférences de M. le professeur J.E. TYVAERT nous a apporté une aide précieuse sur ce sujet: "La Référenciation: Linguistique et Psychologie" (Conférence donnée au CIRLEP, Université de Reims, le 18.01.1995). 7 Notons que nous avons profité des notes des cours de DEA de M. le professeur J.E. TYVAERT. (Université de Reims, 1995, introduction à la sémantique textuelle).

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SYNTAGME NOMINAL

Les déterminants Le nom

L'article indefini L'adjectif démonstratif

L'article défini L'adjectif possessif(Autres déterminants)

La place occupée par un déterminant n'a une valeur que par rapport aux autres déterminants : on doit donc l'évaluer en fonction des autres.

Lorsque nous utilisons les déterminants "Le", "Mon", "Ce", chaque déterminant aura sa propre valeur dans son actualisation :

(2) a– je veux le dictionnaire. (Mon interlocuteur connaît le dictionnaire en question). b– je veux ce dictionnaire. (Je montre le dictionnaire avec un geste ostensif). c– je veux mon dictionnaire. (Le dictionnaire n'appartient qu'à moi).

Comme on le voit, les trois syntagmes nominaux avec différents déterminants n'expriment pas, au niveau de leur interprétation, la même chose, d'où la nécessité et l'importance des déterminants en question.

Par ailleurs, le déterminant, en tant que fonction, ne consiste pas non seulement à être un article défini, adjectif démonstratif ou possessif (comme dans (2)) mais aussi il est susceptible de transformer n'importe quel mot (syntagme, phonème, lettre, etc.) en nom. (cf., "un je ne sais pas" comme réponse m'a suffit, vos "n" ne me disent rien; le manger etc.).

Il est susceptible également d'assurer des distinctions de genre et de nombre de noms qui ne varient pas en genre et en nombre (cf. un élève, une élève; un cours, des cours etc.). Commençons donc par les déterminants que nous appelons principaux.

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1. LES PRINCIPAUX DETERMINANTS8

Il faut rappeler qu'il s'agit ici d'une présentation "scolaire". C'est-à-dire qu'on ne va s'intéresser qu'à l'essentiel qu'on trouve dans les livres scolaires de grammaire.

1.1. L'ARTICLE

L'article est l'outil fondamental de la détermination du nom. C'est lui qui permet d'établir une différence entre le nom virtuel, tel qu'il se trouve dans le dictionnaire, et le nom déterminé tel qu'il est utilisé dans la phrase, et il indique si le nom est conçu comme déterminé ou non. L'article suffit à marquer qu'un mot de n'importe quelle catégorie est transféré dans la catégorie du nom. (cf. un pauvre, l'inconnu, le je m'en foutisme, un pourquoi, etc.). L'article est souvent, en français moderne, l'indice du genre et du nombre qu'il accompagne. "les chats miaulent" ne se distingue à l'oreille de "le chat miaule" que par la différence entre "le" et "les", marque unique ici, de l'opposition entre le singulier et le pluriel9.

1.1.1. L'ARTICLE DEFINI (Le, La, L', Les)

L'article défini, en français, est le déterminant minimal d'un nom. Il permet au nom de s'actualiser, de se réaliser dans une phrase. (Si le sens ne rend pas nécessaire le choix d'un autre déterminant).

L'article défini s'emploie devant un nom qui désigne un être ou une chose connus du locuteur et de l'interlocuteur.

Exemple: "Donnez-moi la clé" (ici, la situation peut suffire à l'identification).

Il marque également qu'une personne ou une chose a été déjà identifiée.

En bref, l'article défini s'emploie auprès d'un nom représentant une chose ou un être déjà connus, pour lequel on a une référence, soit dans la phrase soit dans la pensée.

Par ailleurs, il peut être situé dans la pensée par certaines références :

a) L'article défini vise un nom notoirement connu, et connu pour être unique en son genre, par exemple : le soleil, la lune, l'eau, la terre etc.

b) L'article défini vise un concept que l'on suppose connu de tous :

Exemple : Avez-vous visité La Tour Eiffel à Paris?. Ce n'est pas un directeur, c'est le directeur. (Dans ce deuxième cas, "un" aurait la valeur de "un

8 Nous appelons ces déterminants "les déterminants qui ont la propriété de ne pas pouvoir se combiner entre eux". (e.g. *ce mon chien /* Le ce fils...). 9 Voir Grammaire Larousse du Français contemporain, Larousse, (1964), Paris, p. 213.

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quelconque"; "le" article de notoriété classe directeur, parmi les êtres permanents, unique et notoire).

c) Dans sa valeur proprement généralisante, l'article défini marque l'appartenance à une espèce.

Exemple : Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure10. (Ici, il ne s'agit pas de verre particulier, mais de la catégorie des verres connus dans la pensée).

d) Le nom peut avoir été mentionné précédemment :

(3) Il parlait à un petit garçon de cinq ans. L'enfant n'avait même pas l'air de l'écouter.

Ici, pour ce dernier exemple notons la reprise du syntagme nominal "Un petit garçon" par le syntagme nominal "L'enfant" et notons aussi que le nom peut changer.

1.1.2. L'ARTICLE INDÉFINI (Un, une, des)

Il est possible de définir l'article indéfini en l'opposant à l'article défini : il marque qu'un nom n'a pas encore été identifié, qu'on n'en a pas encore parlé.

Exemple : "Donnez moi un journal, non, plutôt un magazine.

Nous avions déjà précisé que l'article défini marque qu'une personne ou une chose a été déjà identifiée, par là il s'oppose à l'article indéfini. Ce dernier s'emploie alors devant un nom désignant un être ou une chose dont il n'a pas encore été question, qui ne sont pas présentés comme connus, comme identifiés.

Exemple : "Une personne veut vous voir".

1. 2. L'ADJECTIF DEMONSTRATIF11 (Ce, Cet, Cette, Ces)

En première analyse, l'adjectif démonstratif (le déterminant démonstratif) détermine le nom en indiquant la situation dans l'espace (avec un geste éventuellement) de l'être ou de la chose désignés, ou parfois en les situant dans le temps ou dans le contexte. Voici quelques exemples :

– Donnez-moi ce livre. – Les moissons sont belles cette année. – Il posa cette simple question: ... connaissez- vous le voleur?

Cette fonction fondamentale se diversifie de plusieurs manières :

a) Fonction cataphorique : le démonstratif sert à annoncer ce qui va suivre dans le contexte.

(4) "Elle prononça ce mot, si vulgaire : Que vous êtes joli, mon amour".

10 Ibid. p. 217. 11 La plupart des exemples que nous allons citer comme les précédents sont tirés complètement ou partiellement du "Bon Usage" ou de la "Grammaire Larousse du Français Contemporain".

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b) Fonction déictique : selon sa valeur fondamentale, le démonstratif indique que l'être ou l'objet désignés par le nom sont localisés par rapport au locuteur.

Exemples : – Je vous offre ces fleurs pour vous remercier (= les fleurs que le locuteur a dans les mains).

– Donnez moi ce livre immédiatement (= le livre que tient l'interlocuteur).

Le geste peut être joint à la parole, surtout lorsqu'il faut identifier un être ou un objet parmi plusieurs êtres ou objets.

Exemple : (en montrant de doigt) "Voilà cet homme qui m'avait agressé, pas les autres".

Le démonstratif s'emploie parfois pour des réalités qui ressortissent à d'autres sens que la vue.

Exemple : – "Sentez-vous cette odeur de brulé?"

c) Fonction anaphorique : le démonstratif sert à indiquer que le nom reprend un terme utilisé antérieurement dans le contexte (fonction anaphorique, à rapprocher de l'emploi des pronoms comme représentants) :

(5) –"Je ne vécus que pour un enfant et par cet enfant je fus conduit à méditer sur les grandes questions sociales".

(6) – "Edouard [...] découvrit une main délicate [...], à la vue de cette main, il sentit le coeur gonflé d'une tendresse soudaine.

– Le terme peut ne pas être repris tel quel :

(7) – "Paul entra dans une étable. Ce bâtiment sentait bon le foin.

1.3. L'ADJECTIF POSSESSIF (mon, ton, son, ma, ta, sa, mes, tes, ses...)

L'adjectif possessif (le déterminant possessif) indique que les choses ou les êtres désignés par le nom ont une relation avec une personne grammaticale : celui qui parle, celui à qui l'on parle, et celui ou ce dont on parle12.

Exemples : a) Ma chemise (appartenance de l'objet à celui qui parle). b) Ta chemise (appartenance de l'objet à celui à qui l'on parle). c) Sa chemise (appartenance de l'objet à celui ou ce dont on parle).

Il existe, bien entendu, d'autres formes de l'adjectif possessif. Ici, nous n'y prêterons pas attention.

Après avoir vu ce que sont grosso modo les généralités qui touchent aux déterminants indéfinis, définis, démonstratif et possessifs, notre attention se portera sur deux déterminants qui méritent d'être vus de plus près : l'adjectif démonstratif et l'article défini.

12 Pour les détails voir GREVISSE M. , Le Bon Usage, (1988), Paris, Duculot, p. 947.

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1.4. L'ADJECTIF DEMONSTRATIF ET L'ARTICLE DEFINI

On sait bien qu'en français l'article défini, en tant que déterminant, est utilisé devant le nom qui désigne un être ou une chose connus du locuteur et de l'interlocuteur. Et l'adjectif démonstratif, de son côté, s'utilise d'une manière différente (cf. 1.2.). Nous avions déjà signalé que "la place occupée par un déterminant n'a une valeur que par rapport aux autres déterminants" (cf. supra ). Par conséquent, la signification ou le rôle d'un déterminant doit se comprendre justement dans l'opposition des déterminants entre eux. D'où la nécessité de comprendre le fonctionnement de l'opposition des déterminants en question. En fait, il faut considérer ici en quelque sorte l'article défini "LE" et l'adjectif démonstratif "CE" comme un modèle réduit de l'opposition du type Un Nom LE/CE Nom. Nous allons essayer d'aller un peu plus loin dans ce sens. Voici quelques exemples et une citation :

– Le soleil luit pour tout le monde (il s'agit d'une réalité faisant partie de l'expérience commune).

– Passez-moi le sel (à table).

– La Lune, La Gravitation, Les Océans, La France, Le Président de La République etc., (des noms désignants des entités dites uniques). Lisons maintenant ces lignes tirées d'un livre de grammaire13 :

(...) [les articles définis] font appel à un principe énonciatif très général qui est celui de la présomption d'identification : le locuteur utilise l'article défini lorsqu'il présume que son interlocuteur est capable de réidentifier l'entité à laquelle il réfère : j'ai vu le professeur (celui que tu connais, celui dont on a parlé etc.) ou tout simplement de " l'identifier ", pour autant qu'elle est identifiable : va chercher la bouteille qui est dans le réfrigérateur (il n'y en a qu'une). (...) En outre, l'utilisation de l'article défini véhicule la présence d'une supposition d'existence et d'unicité14.

Par exemple, quand on dit "la voiture de M. Dupont est une Renault", alors c'est présupposer que M.Dupont a une et une seule voiture.

Il est possible de trouver des exemples comme ceux qui suivent :

(8) – J'ai mangé une pomme et une orange. La pomme était complètement rouge. (9) – Un homme et une femme étaient en train d'entrer dans le cinéma. Je crois que la femme était enceinte.

Dans ce cas on parle de l'emploi anaphorique de l'article défini, ce qui a pour effet de rapprocher le fonctionnement de l'article défini de celui du pronom.

13 Voir La Grammaire d'aujourd'hui ..., (1986), Flammarion, Paris. 14 C'est nous qui soulignons.

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On trouve ce dernier fonctionnement chez l'adjectif démonstratif aussi :

(10) – Gutemberg inventa l'imprimerie, et cette imprimerie allait bouleverser la culture15.

– j'ai lu un roman. Ce roman ne se vend pas partout.

2. LA NOTION D'ANAPHORE

Au sens général du terme, l'anaphore est un processus syntaxique qui contrôle "l'incomplétude sémantique"16.

Parfois on rencontre certains segments du discours dont le sens est incomplet. «[Ces] segments du discours ne peuvent être compris que si l'on prend en compte la relation qu'ils entretiennent avec d'autres segments qui sont apparus antérieurement; cette relation est dite " anaphorique».17

(12) Il a une belle voiture. Il ne la prête à personne.

Dans (12) pour comprendre ce à quoi renvoie le pronom personnel (anaphorique) "la", il faut prendre en compte son antécédent (anaphorisé) qui est "la voiture".

Du point de vue des couples P1/P2 (phrase 1 / phrase 2) où apparaissent l'article défini ou l'adjectif démonstratif, voyons la notion d'anaphore.

2.1. Anaphore associative :

Il est possible de rencontrer des exemples différents de ceux18 que nous avons vus jusqu'ici. Ces exemples relèvent d'un autre type de fonctionnement dont la nature signifie une différence considérable19 :

(13) Nous entrâmes dans un village. L'église était située sur une hauteur.

Dans (13), l'anaphore en "l'église" prend sa source par association dans "Nous entrâmes dans un village". Il s'agit en fait de l'église du village mentionné dans P1 et non de l'église d'un autre village.

Un autre exemple :

(14) Pierre dormit. Le lit lui parut bien dur20.

15 L'exemple est tiré de F. Corblin. [Indéfini, Défini et Démonstratif, (1987), Librairie Droz, p. 204.] 16 Un segment textuel est dit incomplet quand il ne possède pas une interprétation complète "de lui même" et qu'on doit aller chercher ailleurs dans le texte un autre segment textuel qui fournira les indications nécessaires à la "complétion" de l'interprétation. Exemple: ...vous ne m'en aviez pas parlé déjà. (Quel est l'antécédent du pronom "EN"? C'est qqn, qqch? on n'en sait rien, du coup l'interprétation est incomplète). 17 Pour les détails voir La grammaire d'aujourd'hui, (1986 : 63). 18 Pour ces exemples, voir (3), (7), (8), (9), (10), (11). 19 Dans ce type d'exemples, l'anaphore définie dans le SN de P2 ne reprend pas un SN de P1. Elle fonctionne associativement; ce qui s'appelle d'ailleurs l'anaphore associative. 20 Les deux exemples (13 et 14) sont ceux de G. Kleiber. (1990 : 219-220).

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Comme on ne dort normalement à chaque fois que dans un lit, le savoir stéréotypique associé au verbe dormir permet la reprise définie par anaphore associative.

(15) La femme était enceinte. Le bébé donnait des coups de pied.

Dans (15), il s'agit forcément du bébé de la femme enceinte, et l'anaphore définie en "le bébé" fonctionne d'une manière associative21.

2.2. Anaphore hyperonymique générique :

Contrairement au fonctionnement de l'article défini c'est l'adjectif démonstratif qui permet un renvoi anaphorique hyperonymique22 générique à un hyponyme23 :

(16) Dès notre arrivée à Paris, nous avons adopté un chien. Car ces animaux (= les chiens) sont préférables aux autres.

Dans (16) le syntagme nominal "ces animaux" (terme anaphorique hyperonymique générique) renvoie au syntagme nominal "un chien" (terme hyponymique).

Par contre il est impossible d'utiliser l'article défini dans (16) ce que montre (16') :

(16') Dès notre arrivée à Paris, nous avons adopté un chien. *Car les animaux sont préférables aux autres.

2.3. Anaphore du type Un N Le N / Ce N ou Le N' / Ce N'

Comme, au fil du texte, on va s'interroger sur une différence à identifier entre les anaphores en "le" (anaphore définie) et les anaphores en "ce" (anaphore démonstrative), la notion d'anaphore ne nous intéressera que pour les anaphores définies et les anaphores démonstratives. Alors essayons de définir ces deux dernières techniques d'anaphores :

On parle d'anaphore définie quand l'anaphorique est un syntagme nominal avec déterminant défini. De même on peut parler d'anaphore démonstrative quand l'anaphorique est un syntagme nominal avec déterminant démonstratif .

Pour bien comprendre le cas, imaginons qu'il y ait des doublets (P1+P2) constitués de deux phrases se succédant avec une reprise en P2 d'une entité évoquée dans P1:

...Déterminant + Nom... ...Déterminant + Nom...

21 Notons ici pour les exemples (13), (14) et (15) l'impossibilité d'avoir l'anaphore démonstrative. (Cf. Nous entrâmes dans un village. *Cette église...). 22 L'hyperonyme signifie un terme générique : "insecte" par exemple est l'hyperonyme de "papillon". 23 Lorsqu'on prend les mots "animal" et "chien", on peut dire qu'il y a inclusion du sens de chien dans le sens d'animal. Dans ce cas-là, on dit que chien est un hyponyme d'animal. Pour les détails voir aussi "Dictionnaire de Linguistique et des Sciences du Langage", Larousse, 1994, Paris.

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(P1) (P2)

...Un N (référent)... ...LE/CE N (référent)...

(17) J'ai rencontré un enfant qui avait l'air triste. Cet enfant m'a dit qu'il s'est trompé de chemin.

[...Un enfant...(P1) (Un N) : SNa]

[...Cet enfant...(P2) (Ce N) : SNb]

On voit dans l'exemple (17) que le syntagme nominal (SNb dans P2) qui est déterminé par l'adjectif démonstratif "cet" renvoie au syntagme nominal (SNa dans P1) déterminé par l'article indéfini "un". Donc il s'agit d'une anaphore démonstrative.

Un autre exemple :

(18) Il vient d'acheter une voiture d'occasion. La voiture était en bon état.

Comme on le voit, nous constatons le même phénomène de reprise fidèle24. Mais cette fois-ci, la reprise fidèle est une anaphore définie; dès lors nous pouvons introduire le schéma suivant :

(P1); ... une voiture ... (Un N) (P2); ... La voiture ... (Le N).

En bref, l'emploi anaphorique en question, c'est celui où le SN défini ou démonstratif reprend un nom (un référent) introduit préalablement par le texte.

Jusqu'à présent on n'a discuté que cette reprise dite "fidèle". (cf. les exemples (3),(5),(6),(8),(9),(10),(11),(17),(18).).

Dans le cas de la reprise infidèle, ce n'est pas le même nom qu'on reprend.

Alors, reprenons l'exemple (7) qui peut l'expliciter :

(7) Paul entra dans une étable. Ce bâtiment sentait bon le foin25.

Dans l'exemple (7), le syntagme nominal "Ce bâtiment" dans P2 renvoie au syntagme nominal "Une étable" dans P1 :

[(P1); ...un N... (P2); ...Ce N'...] } Anaphore démonstrative infidèle.

L'anaphore démonstrative peut reprendre aussi un cadre événementiel tracé dans (P1) :

24 Quand cette reprise est effectuée à l'aide du même nom, c'est-à-dire, quand on reprend le nom lui même tel qu'il est introduit dans P1, on dit que c'est une reprise fidèle. 25 L'exemple est tiré de G. Kleiber (1987 : 107).

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(19) Elle s'était enfin mariée avec son prince charmant. Ce mariage l'avait rendue la plus heureuse du monde.

Le même cas (reprise infidèle) existe également pour l'anaphore définie :

(20) Paul avait fait connaissance d'un assassin. Le meurtrier ne savait pas que Paul travaillait pour la Police.

On constate donc ce qui suit :

[(P1); ...Un N... (P2); ...Le N'...] } Anaphore définie infidèle.

Tout brièvement, l'anaphore fidèle, c'est une reprise où on réutilise le même nom introduit dans (P1). Alors que l'anaphore infidèle c'est une autre reprise où on ne réutilise pas le même nom dans (P2). (cf. ex., (20), (7)).

Voyons les quatre cas de figures dans le schéma suivant :

ANAPHORE DANS LES DETERMINANTS DEFINIS ET DEMONSTRATIFS

Anaphore définie Anaphore démonstrative

fidèle infidèle fidèle infidèle

(Un N...LE N) (Un N...LE N') (Un N...CE N) (Un N...CE N') [(Un garçon le garçon ou l'enfant)] [(Un garçon ce garçon ou cet enfant)]

BILAN DU TRAVAIL

Dans ce travail ayant pour but de décrire partiellement certains déterminants, nous nous sommes proposé de rappeler essentiellement quelques particularités de l'article défini et de l'adjectif démonstratif. Nous avons constaté finalement que la notion d'anaphore, entre autres, occupe une place centrale.

De ce fait, ne serait-ce que ce sujet ouvre la voie à un autre travail à accomplir dans l'avenir, il serait intéressant et utile de se pencher sur un problème linguistique qu'est la reprise fidèle et/ou infidèle du défini et du démonstratif dans les couples P1+P2. C'est-à-dire qu'il faudrait, à partir des opérations linguistiques qu'opèrent le défini et le démonstratif, apporter une solution à la question d'acceptabilité des phrases suivantes :

Dil Dergisi, Sayı : 61, Kasım 1997 

1°— (P1) Un avion s'est écrasé à Miami. (P2) *L'avion relie habituellement Miami à New-York; (KLEIBER 1990 : 201-202).

2°— (P1) Un avion s'est écrasé à Miami. (P2') Cet avion relie habituellement Miami à New-York.

3°— (P1) Un cavalier s'est tué hier lors des concours Hippiques de France. (P2) *Le cavalier était extrêmement riche;

4°— (P1) Un cavalier s'est tué hier lors des concours Hippiques de France. (P2') Ce cavalier était extrêmement riche.

Pourquoi donc les exemples (2°) et (4°) sont acceptables et que (1°) et (3°) ne le sont pas ?

BIBLIOGRAPHIE

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LES GRAMMAIRES DE REFERENCE

—La grammaire d'aujourd'hui : Guide alphabétique de linguistique française, ARRIVE M., GADET F., GALMICHE M., Flammarion, Paris, 1986. — Le Bon Usage, GREVISSE M., Duculot, Paris, 1988. —Grammaire du français contemporain, CHEVALIER J.-C., BLANCHE-BENVENISTE C., ARRIVE M., PEYTARD J., Larousse, 1988, Paris.


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