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sous la direction de

Claire Barbet

Coordination Canal Seine-Nord Europedécembre 2012

Canal Seine-Nord Europe, fouille 11, Picardie, Somme, Saint-Christ-Briost

L’établissement agricole de Saint-Christ-Briost au lieu-dit « Les Dix-Huit »

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Inrap Canal Seine-Nord Europe16 rue du Général Leclerc, 80 400 Croix-MoligneauxTél. 03 22 37 59 20

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par

Claire BarbetBruno Untereiner

sous la direction de

Claire Barbetavec la collaboration de

Frédéric BroesJean-Marc DoyenStéphane DuboisKai FechnerGuillaume HulinGaëtan JouaninSabine LoïcqAlexia MorelBruno Untereiner

Canal Seine-Nord Europe, fouille 11, Picardie, Somme, Saint-Christ-Briost

L’établissement agricole de Saint-Christ-Briost au lieu-dit « Les Dix-Huit »

2

Sommaire

Inrap · Rapport de fouille Canal Seine-Nord Europe, fouille 11, Picardie, Somme, Saint-Christ Briost

Données administratives, techniques et scientifiques

6 Fiche signalétique7 Mots-clefs des thesaurus8 Intervenants

10 Notice scientifique13 État du site14 Localisation de l’opération15 Arrêté de prescription18 Cahier des charges24 Projet d’intervention27 Arrêté de désignation

Résultats

30 1. Nature de l’opération

30 1.1 Circonstances de l’intervention30 1.2 Les résultats du diagnostic

34 2. Méthodologie

34 2.1 Décapage du site34 2.2 Organisation de la fouille34 2.2.1 Préparation de l’opération34 2.2.2 Evaluation des risques35 2.3 Méthode de fouille35 2.3.1 Les intervenants35 2.3.2 Les faits archéologiques35 2.3.3 Méthodologie selon la nature des faits archéologiques35 2.4 L’enregistrement des données36 2.5 Note sur le rapport final d’opération

37 3. Contexte

37 3.1 Contexte géographique37 3.2 Le contexte géologique40 3.3 États des connaissances avant l’opération40 3.3.1 La documentation historique40 3.3.2 La documentation cartographique40 3.3.3 La documentation par les prospections pédestres40 3.3.4 La documentation par les prospections aériennes42 3.3.5 La documentation par les découvertes fortuites42 3.3.6 La documentation par les diagnostics du tracé CSNE42 3.3.7 La documentation par les fouilles préventives environnantes du tracé CSNE

I. Données administratives, techniques et scientifiques Sommaire 3

44 4. Les résultats archéologiques

47 5. Les témoins anthropiques anciens

47 5.1 Des indices paléolithiques et mésolithiques ?47 5.1.1 L’industrie lithique (étude de Bruno Untereiner, étude complète en annexe)47 5.1.1.1 La matière première

47 5.1.1.2 Les blocs testés

47 5.1.2 Les produits de débitage48 5.1.3 Les nucléus 48 5.1.4 L’outillage façonné 48 5.1.4.1 L’outillage en grès

49 5.1.4.2 L’outillage sur silex

50 5.1.5 Péroraison50 5.2 Un fait daté de la Protohistoire ancienne

51 6. Phase 1 - La première installation à La Tène finale/gallo-romain précoce

51 6.1 Description générale de l’enclos durant la phase La Tène finale/gallo-romain précoce

51 6.1.1 Caractérisation des fossés méridionaux, extérieurs à 51 l’enclos principal61 6.1.2 Synthèse des fossés méridionaux, extérieurs à l’enclos61 6.1.3 L’enclos principal61 6.1.3.1 Les fossés formant l’entrée en « Touche de Palmer » (405-376,

61 409-383-389)

62 6.1.3.2 L’enclos externe

70 6.1.3.3 L’enclos interne

78 6.1.3.4 Les subdivisions internes

88 6.1.3.4 Une probable délimitation du territoire au N-N-E

88 6.2 Les aménagements au sein de l’enclos88 6.2.1 Les aménagements du compartiment A88 6.2.1.1 Dans le secteur septentrional

92 6.2.1.2 Des éléments dissociés dans le compartiment A

93 6.2.1.3 A proximité de l’accès secondaire

96 6.2.2 Les aménagements du compartiment B96 6.2.3 Un alignement de trous de poteaux dans le compartiment C (378, 445, 489)97 6.3 Les faits à l’extérieur de l’enclos principal98 6.4 Le point de vue des spécialistes98 6.4.1 L’étude céramologique (St. Dubois) (cf. étude complète en annexe)98 6.4.2 L’étude faunique (G. Jouanin) (cf. étude complète en annexe)99 6.4.3 L’étude de la prospection géophysique hors-emprise (G. Hulin, cf. étude complète en annexe) 104 6.5 Interprétation et comparaisons de l’enclos de La Tène finale/gallo-romain précoce 105 6.6 Conclusion de la phase de La Tène finale et gallo-romain précoce

106 7. Phase 2 – L’horizon julio-claudien

106 7.1 Introduction106 7.2 Les faits qui perdurent durant l’horizon julio-claudien106 7.3 Description générale des enclos julio-claudiens (fig.65) 106 7.3.1 L’enclos julio-claudien durant la sous-phase 2a106 7.3.1.1 Une limite cadastrale ?

106 7.3.1.2 Une première continuité du schéma de la phase précédente

114 7.3.1.3 une seconde continuité du schéma de la phase précédente

123 7.3.1.4 Des fossés de partition secondaire nouvellement creusés

125 7.3.2 L’enclos julio-claudien durant la sous-phase 2b

4 Inrap · Rapport de fouille Canal Seine-Nord Europe, fouille 11, Picardie, Somme, Saint-Christ Briost

125 7.3.2.1 La limite septentrionale de l’enclos

137 7.3.2.2 Les limites méridionales de l’enclos

142 7.3.2.3 une limite occidentale ?

144 7.4 Description des aménagements internes dans les enclos144 7.4.1 Les aménagements au sein des enclos144 7.4.1.1 En limite N-O

147 7.4.1.2 En limite Nord-Est

148 7.4.1.3 Dans la zone médiane de l’emprise

156 7.4.1.4 Les faits isolés au sud des fossés 342 et 303

157 7.4.2 Les aménagements en dehors des enclos158 7.5 Le point de vue des spécialistes158 7.5.1 L’étude céramologique (St. Dubois ; cf. étude complète en annexe)159 7.5.2 L’étude archézoologique 159 (G. Jouanin ; cf. étude complète en annexe)159 7.5.3 L’étude du mobilier métallique (A. Morel)160 7.5.4 L’étude de la prospection hors – emprise 160 (G. Hulin, cf. étude complète en annexe)161 7.5.5 L’étude malacologique par Sabine Loïcq (cf. étude complète en annexe)161 7.6 Interprétation de l’établissement julio-claudien 163 7.7 Comparaisons et conclusion de la phase julio-claudienne

164 8. Phase 3 - Du milieu du Ier au milieu du IIe siècle

164 8.1 Les nouveaux aménagements164 8.1.1 Au nord-est170 8.1.2. Au sud-est170 8.1.2.1 Les fossés

171 8.1.2.2 Des fosses dépotoirs

174 8.1.2.3 Les fosses dépotoirs associées à des activités liés au feu

176 8.1.2.4 Les lieux de stockage

185 8.1.3 Les faits isolés 185 8.2 Point de vue des spécialistes185 8.2.1 L’étude céramologique concernant la phase 3 : Du milieu du Ier au milieu du IIe siècle (St.

Dubois ; cf. étude complète en annexe)187 8.2.2 L’étude archézoologique (G. Jouanin ; cf. étude complète en annexe)187 8.2.3 L’étude de la prospection hors-emprise (G. Hulin ; cf. étude 187 complète en annexe)187 8.3 Interprétation et problématique

190 9 Phase 4 : La fin du Haut-Empire : milieu IIe-milieu IIIe siècle

190 9.1 Les faits qui perdurent durant la phase 4190 9.2 Les nouveaux aménagements190 9.2.1 Les faits isolés190 9.2.1.1 Les faits isolés au centre de l’emprise

190 9.2.1.2 Les structures de combustion dans le secteur Est

195 9.2.1.3 Le fait isolé au Nord-Ouest

195 9.2.2 Le cellier 38200 9.2.3 Le four culinaire (340-341)201 9.2.3.1 Le premier état

207 9.2.3.3 Le démantèlement du four et son abandon

207 9.2.3.4 Une étude micromorphologique

211 9.2.3.5 Interprétation

211 9.2.3.6 Une évocation

213 9.3 L’étude céramologique concernant la phase 4 : la fin du Haut-Empire, milieu IIe- milieu IIIe siècle de notre ère (St. Dubois ; cf. étude complète en annexe)

214 9.4 Etude archéozoologique par G. Jouanin (cf. Etude complète en annexe)215 9.5 Interprétation et conclusion de la phase 4

I. Données administratives, techniques et scientifiques Sommaire 5

216 10 Le Bas-Empire

216 10.1 Introduction216 10.2 De la fin du IIIe siècle ou du début du IVe siècle (phase 5)221 10.3 Les faits du Bas-Empire (époques constantinienne et valentinienne)221 10.3.1 La mare (7-8-9-10)232 10.3.2 Un ensemble complexe de combustion (245-243-246-438)238 10.3.3 Un four culinaire (260)240 10.3.4 Des fosses de rejets détritiques (254, 234, 233)240 10.3.4.1 Le fait 254

244 10.3.4.2 Le fait 234

255 10.3.4.3 La dépression 233

256 10.4 Point de vue des spécialistes pour les phases 5 et 6256 10.4.1.1 Une série de la fin du IIIe ou du début du IVe siècle : le comblement du cellier 79.

257 10.4.1.2 Le mobilier du Bas-Empire (époques constantinienne et valentinienne)

259 10.4.2 L’étude archézoologique par G. Jouanin (cf. étude complète en annexe)259 10.4.4 L’étude monétaire par J.-M. Doyen (cf. étude complète en annexe)267 10.4.5 L’étude de la susceptibilité magnétique par G. Hulin (cf. étude complète en annexe)269 10.5 Conclusion des phases 5 et 6

271 11 Les éléments gallo-romains et/ou post-antiques

271 11.1 Le puits 192271 11.2 Le grenier sur quatre poteaux porteurs271 11.3 La dépression 330273 11.4 Le fossé en limite septentrionale (17)273 11.5 Les structures indéterminées277 12.1 Etude du mobilier archéologique277 12.1.1 Etude du mobilier céramique (St. Dubois)277 12.1.2 Etude du mobilier métallique (A. Morel)

277 12 Synthèse des différentes études

278 12.1.3 Etude monétaire (J.-M. Doyen)279 12.1.4 Etude du mobilier lithique (B. Untereiner)280 12.2 Les analyses spécifiques280 12.2.1 Etude archéozoologique (G. Jouanin)280 12.2.3 Etude de la susceptibilité magnétique (G. Hulin)281 12.2.4 Etude de la résistivité du sous-sol hors emprise (G. Hulin)

282 13 Synthèse générale du site de Saint-Christ-Briost au lieu-dit « Les Dix-Huit »

282 13.1 Phase 1 – La première installation de la fin de l’indépendance gauloise à la romanisation

282 13.2 Phase 2 – L’horizon julio-claudien283 13.3 Phase 3 - Du milieu du Ier siècle au milieu du IIe siècle283 13.4 Phase 4 : La fin du haut-Empire : milieu IIe – milieu IIIe s.283 13.5 Phase 5 et 6 : le Bas-Empire

285 14 Approche d’une synthèse des sites d’habitations gaulois et gallo-romains

289 15 Conclusion générale

6 Inrap · Rapport de fouille Canal Seine-Nord Europe, fouille 11, Picardie, Somme, Saint-Christ Briost

292 16 Bibliographie générale

300 17 Bibliographie de l’annexe 1

301 Liste des figures

Inventaires techniques

308 Inventaire des Structures

323 Inventaire des Structures indéterminées

328 Inventaire des sondages

335 Inventaire des prélèvements

341 Inventaire des relevés

350 Inventaire du mobilier

368 Inventaire du petit mobilier

377 Inventaire des scories

378 Inventaire des Monnaies

382 Inventaire des Photographies

263II. Résultats

10.4.2 L’étude archézoologique par G. Jouanin (cf. étude complète en annexe)

La phase 5 a livré un nombre de restes proche de ceux des phases 1 et 3, avec cent trois ossements dont 89,3 % identifiés. La liste de faune compte de nouveau les cinq mammifères domestiques classiques, accompagnés du coq. Sont également présents le lièvre et le putois.Cette phase se distingue par la nette domination des restes de caprinés. En effet ceux-ci représentent 65,6 % du NR3 contre 18,8 % pour le porc et 15,6 pour le bœuf. Ce dernier prend la première en place en poids de restes avec 56,1 % du PR3, suivi des caprinés (35,5 %) et du porc (8,4 %). Cet état de fait est dû à la composition du lot faunique mis au jour dans l’une des deux structures appartenant à la phase 5. C’est en effet dans la cave 79 qu’ont été retrouvés tous les ossements de caprinés.

Etude du mobilier métallique par A. Morel (cf. étude complète en annexe)

Les occurrences du IIIe au début du Ve siècle de notre ère (phase 5a/6) sont les plus nombreuses. Les lots plus importants d’objets provenant des contextes précédemment mentionnés en sont la cause principale. La forte concentration de mobilier métallique dans des structures de type mares ou grandes fosses, rattachées aux phases tardives d’occupation, est un phénomène récurent sur les établissements ruraux et pose le problème des conditions d’abandon de ces exploitations. On le rencontre par exemple sur l’occupation viromande de Saint-Quentin « Voye-de-Francilly » (Aisne 38 937 m2) où des « mares » (st. 2210 et 2275), datées de la fin du IVe siècle, ont livré 45 % du corpus avec une forte concentration d’instrumentum personnel et domestique, statuette, boutons et appliques en bronze. À Cizancourt Sole-des-Galets (Somme), tout proche de Saint-Christ-Briost, 63 % du corpus est issu de ce type de contextes (st 112 et 147), rattaché aux phases 5/6 du site (fin du IIe/début du IVe siècle). Il ne faut pas perdre de vue que ces corpus sont bien évidemment tronqués : occupation continue, récupérateurs dès l’Antiquité, arasement et fouilles partielles des sites et pourtant des caractères généraux se dessinent.

10.4.4 L’étude monétaire par J.-M. Doyen (cf. étude complète en annexe)

J.-M. Doyen a étudié et synthétisé deux sites proches (Saint Christ-Briost, « Les Dix-Huit » et Cizancourt, «La sole des Galets ») qui semblent évoluer durant la même période chronologique. Son étude complète se trouve en annexe. Seuls les paragraphes concernant le site Saint-Christ-Briost ont été extraits pour ce paragraphe.

Les périodes I à III (260-318)Au cours de la période I (260-275), Saint-Christ-Briost montre un indice élevé d’antoniniens d’aloi médiocre émis par les empereurs légaux, à savoir Gallien (3 ex.) et Claude II divus (1 ex.), auxquels s’ajoute un unique exemplaire de l’Empire gaulois, au nom de Victorin.Les imitations se répartissent entre les productions italiennes au nom du divo Claudio (n° 23-24), auxquelles s’ajoute la copie d’un double sesterce, coulée sur un exemplaire sorti de l’atelier II, lui-même irrégulier à cette époque37, et les innombrables copies produites essentiellement après 285. Par facilité, nous avons classé l’ensemble de ce numéraire frauduleux ( ?) dans la période II (275-294), même si l’on ne peut exclure que quelques exemplaires aient été produits dès avant la chute de la dissidence gauloise, en 274, comme le montre leur présence dans quelques trésors.

37. La date de ces falsifications coulées, de qualité médiocre, n’a jamais été étudiée en fonction des contextes archéologiques. Pour notre part, nous les verrions volontiers à la fin du IIIème ou au début du IVème s.

10. Le Bas-Empire

264 Inrap · Rapport de fouille Canal Seine-Nord Europe, fouille 11, Picardie, Somme, Saint-Christ Briost

Les imitations radiées gauloises sont attestées par quinze pièces : Tétricus I : 2 ex. ; Tétricus II : 5 ex. ; empereur indéterminé : 8 ex. La disproportion entre Tétricus I et II provient de notre système d’attribution très strict, qui ne classe plus au premier toutes les effigies barbues. Nous donnons désormais à Tétricus I uniquement les pièces dont la titulature fait explicitement mention de celui-ci, ou celles dont le portrait, réaliste, ne permet pas d’autre attribution (Postume, Victorin, Tacite, Probus, voire des images volontairement non identifiables).La date d’arrivée de ce numéraire est indubitablement tardive, dans tous les cas postérieure à 280/290, comme le montre la distribution par classe (DOYEN, 2007 : 283, tableau 147), favorisant la troisième, légère, au détriment de la première. L’absence de la classe 4, caractérisée par de très petits flans épais, est peut-être un simple phénomène géographique plutôt que chronologique

L’activité de Saint-Christ-Briost débute vraisemblablement avant la fin du siècle. En effet, nous constatons l’arrivée, très exceptionnelle en milieu rural, de 4 antoniniens de Carausius (3 insulaires et un provenant d’un atelier continental). Ils sont suivis d’un « quinaire » d’Allectus, en excellent état de conservation, mais appartenant à la phase chronologique suivante.Les espèces de l’empire breton apparaissent sporadiquement dans les dépôts monétaires continentaux des années 290. Ils constituent parfois même la majorité de petits pécules dans lesquels il nous faut reconnaître de simples bourses. C’est le cas à Reims dans la Marne (dépôt 20 : DOYEN, 2007 : 298-299 ; 506), avec 7 Allectus sur 14 ex., et à Amiens, dans la Somme (TAF VIII : 18, n° 13) : 6 Carausius et 10 Allectus sur un total de 25 antoniniens. Ils sont également présents, de manière moins marquée toutefois, dans des dépôts plus importants, par exemple à Noyelles-Godault, dans le Pas-de-Calais, avec 4 Carausius et 7 Allectus sur 135 antoniniens de Valérien I à Dioclétien et Maximien Hercule (TAF II : 78, n° 57).Carausius disposa temporairement d’une tête de pont continentale (Rouen plutôt que Boulogne) qui lui permit d’émettre de rares aurei et des antoniniani d’un style fort particulier. Un trésor découvert au XIXe s. à Rouen contenait 3 deniers du Haut-Empire, 12 antoniniens de Gallien et de l’Empire gaulois, et 207 Carausius, probablement tous issus de l’atelier continental. Le dépôt s’achevait curieusement par un nummus de Constantinopolis, reportant l’enfouissement après 330 (BEAUJARD & HUVELIN, 1980).Les monnaies isolées de l’empire breton ne sont cependant pas exceptionnelles sur le Continent, du moins celles de Carausius car les antoniniens et les quinaires d’Allectus semblent très rares sur les sites (BURNETT, 1985 : 27)38, mais un inventaire exhaustif reste à dresser (GIARD, 1969 ; DOYEN, 1980, p. 32-33 ; DOYEN, 1984, pp. 6-8, avec une liste des trouvailles et une bibliographie ; DELMAIRE 1991 ; DOYEN, 2007, p. 299). En revanche, les concentrations de ce numéraire sont toutes à fait exceptionnelles, et Saint-Christ-Briost n’est pas sans évoquer le numéraire d’un important site de villa situé près de Boulogne, qui a livré au cours des années pas moins de 7 antoniniens de Carausius, à savoir 3 officiels et 4 issus d’ateliers irréguliers39. Toutefois, la position géographique du site, près d’un port important sans doute contrôlé par les dissidents, constitue un contexte fort différent de celui de Saint-Christ-Briost.

38. En tout cas, elles sont peu abondantes dans le Nord – Pas-de-Calais, selon l’inventaire de DELMAIRE, 1991, p. 110, à compléter par R. DELMAIRE, Chronique Numismatique (XV), Revue du Nord, 78, 1996, p. 235. Outre les 7 Allectus de Noyelles-Godault cités plus haut, nous relevons un aureus à Tingry en 1905, un antoninien dans le trésor de Tinques en 1810, et quelques exemplaires isolés : Arras, Noyelles-Godault, Boulogne, Vaulx-Vraucourt, Biache-Saint-Vaast : D. DELMAIRE, Chronique Numismatique (XXI), Revue du Nord, Archéologie de la Picardie et du Nord de la France, t. 84, 2002, n° 348, p. 175.

39. R. DELMAIRE, Chronique Numismatique (XIX) p. 183, ID., Chronique Numismatique (XXI) p. 173 ; ID., Chronique Numismatique (XII), p. 233.

265II. Résultats

Notons cependant que nous n’avons aucune idée véritable de la zone échappant au pouvoir central sous le règne de Carausius.De toute façon, vu l’abondance de ce numéraire à Saint-Christ-Briost, une date très postérieure à la chute d’Allectus en 297 est peu vraisemblable. Nous retiendrons que les alentours de l’année 300 marquent selon toute vraisemblance un apport que nous supposons ponctuel, de ce monnayage quelque peu exotique aussi loin de la côte.Cependant, il n’est pas assuré que ce lot d’origine insulaire constitue une partie de la masse monétaire correspondant à la phase de « création » – toujours pris dans le sens économique ‒ d’un site peut-être actif dès 290.Un autre critère pointant vers une date tardive est l’absence quasi-totale d’antoniniens officiels des empereurs gaulois : nous nous situons donc à un moment où ces espèces médiocres et illégales ont disparu de la circulation au profit des antoniniens tout aussi médiocres émis par l’Empire central sous Gallien et Claude II, mais laissés en circulation par les Tétrarques.

L’indice des périodes I et II cumulées (260-294) atteint 7,56, une valeur relativement médiocre par rapport à celles observées par ailleurs dans la région, s’étalant de 12 à 25 points (le site D excepté). Rappelons qu’il ne s’agit pas de la date d’arrivée sur le site de ces monnaies, mais bien de celle de leur émission (du moins pour les espèces officielles, puisque la production d’imitations radiées se poursuit certainement pendant la première décennie du siècle suivant). Si l’on considère que les valeurs supérieures à 12 correspondent à des sites réellement occupés dans les années 270-290 (tableau 3, sites A, C et E), Saint-Christ-Briost se positionne dans une phase légèrement plus récente.

La période suivante (294-318) est divisée en deux phases, notées IIIa et IIIb ; elles s’articulent autour de la réduction pondérale de novembre 307, faisant passer de 10,20 g à 6,80 le nummus créé lors de la réforme de 294.

A Saint-Christ-Briost, la période IIIa vaut 1,47 points, contre 1,73 pour IIIb, un phénomène intéressant à signaler car généralement les espèces postérieures à 307 sont infiniment moins nombreuses que les lourds nummi taillés au 1/32e puis 1/40e de livre. Cependant, la caractéristique de Saint-Christ-Briost est de ne livrer, pour les années 294-307, que deux dénominations exceptionnelles : l’antoninien d’Allectus déjà cité plus haut, et le rarissime quart de nummus émis à Trèves au cours de l’été 307 (n° 45). A Reims, IIIa représente 5,26 % contre 94,74 en IIIb. Dans nos ensembles de comparaison, la période IIIa est seulement attestée sur le site A ; en revanche la IIIb est plutôt active, du moins lorsqu’elle est attestée (sites C et E). Dès lors, avec un indice supérieur à celui de l’habitat rural le mieux fourni en numéraire des années 294-318, nous pouvons être assurés que l’activité de Saint-Christ-Briost débute avant 307 : les lourds nummi de la période IIIa, rapidement thésaurisés dès le début de leur production en 294, ne sont plus disponibles sur le marché en 318, comme le montre la structure des trésors, désormais bien connue.

Les périodes IV à VI (318-348)La période IV (318-330) est bien attestée à Saint-Christ-Briost, avec 6 exemplaires procurant au site un indice de 4,76. Les sites de comparaison évoluent de 1,47 à 8. On peut dès lors estimer que l’activité monétaire est tout à fait « normale » à ce moment à Saint-Christ-Briost.

La période VII (348-364)La période VII, prise globalement, nous apporte respectivement 17 monnaies à Cizancourt, contre 8 à peine à Saint-Christ-Briost. Sur le plan métrologique, ces 16 années ont fait l’objet d’un découpage assez fin en phase VII a (348-354), VII b1 (354-361) et VII b² (361-364).

10. Le Bas-Empire

266 Inrap · Rapport de fouille Canal Seine-Nord Europe, fouille 11, Picardie, Somme, Saint-Christ Briost

La première phase s’étend de la réforme d’avril 348 à la seconde moitié de 353 ou au début de l’année suivante. Cette époque voit le retour à un système monétaire comprenant plusieurs dénominations de bronze, en général argenté. En effet, après quarante années de frappe du nummus dont la masse et la couverture métallique n’ont fait que décroître, Constance II et son frère Constant réforment le monnayage d’aes « argenté » en 348, sans doute à l’occasion du 1 100e anniversaire de Rome, le 21 avril (GRICOURT, NAUMANN & SCHAUB, 2009: 680).Les nouvelles pièces, nettement plus lourdes que les précédentes, se répartissent en trois dénominations différentes qui portent toutes au revers la légende Fel temp reparatio.La pièce du plus grand module, la maiorina des textes de l’époque et que l’on désigne parfois sous le terme d’aes 2 lourd, pèse en moyenne 5,26 g et est taillée au 1/60e de livre ; elle contient en moyenne de 2,50 à 3 % d’argent.La plus petite pièce est un aes 3 taillé au 1/120e de livre et pesant de ce fait 2,42 g. Elle présente seulement des traces d’argent, sans doute résiduel, de l’ordre de 0,20 à 0,40 %. Il s’agit selon toute vraisemblance d’une demi-maiorina.Entre ces deux valeurs vient se placer un aes 2 léger, de 4,25 g en moyenne, contenant de 1,10 à 1,50 % d’argent. Il est taillé au 1/72e de livre. Afin de le distinguer aisément des deux autres monnaies, le buste impérial figurant à l’avers de cet aes 2 léger est systématiquement tourné à gauche. Nous la désignerons sous le terme de « maiorina légère ».Les ateliers gaulois cessent l’émission de la maiorina légère et de la demi-maiorina vers la fin de l’année 349 pour se consacrer à la frappe de la dénomination la plus lourde (DEPEYROT, 2001, pp. 112-113).Cette première partie de la phase VIIa apporte 1 maiorina légère et une imitation de celle-ci à Cizancourt, une maiorina légère et une demi-maiorina à Saint-Christ-Briost.

La rupture politique des années 350-353 n’implique pas de scinder la période VIIa. En effet, lors de son arrivée au pouvoir en janvier 350, le gaulois Magnence poursuit dans un premier temps le système monétaire alors en vigueur, celui d’un aes 2 lourd (maiorina lourde) taillé au 1/62e de livre, également enrichi en argent (de 1,60 à 2,50 % environ).Quelques mois plus tard, après l’association de son frère Décence comme césar, l’empereur réduit la masse de sa monnaie de bronze : de 5,30 – 4,95 g, valeur en vigueur au cours des trois premières phases de son riche monnayage, il passe de 4,86 à 4,68 et finalement 4,47 g. Il en profite également pour réduire de manière sensible la couverture en fin, qui atteint seulement de 1,10 à 1,80 %.Fin 352 ou au début de l’année suivante, Magnence réforme sa monnaie en profondeur, en introduisant une lourde pièce à la légende Salus augusti nostri, portant au revers le chrisme accosté de a et w, dont l’argent est absent mais qui pèse, en moyenne, 8,33 g, soit une taille au 1/38e ou 1/39e de livre. Une telle dénomination n’avait plus été frappée depuis la réforme de 294. Toutefois l’effort du prince sera de courte durée : cet aes 1 est rapidement taillé au 1/48e puis au 1/72e de livre, avec des moyennes pondérales de 6,66 puis 4,45 g (BASTIEN, 1983 : 97-99, 100-102 et 283- 284).Compte tenu des problèmes financiers des dissidents gaulois au cours du premier semestre 353, il est difficile de considérer la nouvelle monnaie lourde comme une simple adaptation pondérale de l’aes 2. Il est plus vraisemblable d’y voir une dénomination nouvelle dont le pouvoir libératoire serait nettement supérieur à la monnaie traditionnelle : au moins le double selon G. Depeyrot. Magnence aurait donc financé en partie ses campagnes par l’inflation et la mise en circulation d’une monnaie encore plus fiduciaire. La chute rapide du poids de ce numéraire nouveau serait la confirmation du caractère inflationniste de cette pièce, le juste poids n’ayant pu être maintenu (DEPEYROT, 2001 : 113).

267II. Résultats

Le règne de Magnence est attesté par un aes 2 à Cizancourt, et un lourd 1 taillé au 1/48e de livre (n° 90) à Saint-Christ-Briost. A la même phase chronologique viennent s’ajouter 2 aes 3, l’un oriental (Antioche, n° 89), l’autre arlésien (n° 91), tous deux au nom de l’empereur légitime, Constance II.

L’indice de la période VIIa, de 348 à 354, vaut 9,09 points à Cizancourt, et 7,94 à Saint-Christ-Briost.

Au cours des années allant de 353 à 357/8, Constance II frappe en son nom et à celui de ses deux césars successifs, Constance Galle d’abord, puis Julien. Cette période compte sans doute parmi les plus désastreuses de l’histoire de la Gaule : l’invasion franque et alamane de 355 ravage sans doute tout le nord et l’est du pays, et Julien devra entreprendre plusieurs campagnes pour rétablir une paix précaire. Plus de dix années seront nécessaires avant de constater un réel retour au calme (CALLU & GARNIER, 1977, p. 291 ; VALETTE, 2006). Après sa victoire sur Magnence (août 353), Constance II frappe dans les ateliers gaulois des aes 2 réduits, de 4,34 g en moyenne, et taillés au 1/72e de livre, au type du cavalier tombant (FH) décrit précédemment.Dès 354, cet aes 2 réduit, tout en conservant le même revers, devient un aes 3 de 2,50 g environ, masse correspondant à une taille au 1/120e de livre. Les dévaluations se succèdent : en 355, cet aes 3 est réduit à 2,26 g (1/137e de livre) et en 358, la pièce n’atteint plus que 1,96 g (1/144e de livre). Elle est pratiquement devenue un aes 4, et le revers est alors modifié et remplacé par l’image de l’empereur en tenue militaire, tenant un globe et une lance inversée, figure définie par la mention du Spes reipublice.Les années 354-361 sont en général extrêmement mal fournies en espèces officielles. Nous relevons pour notre part un unique aes 3/4 au Spes reipublice à Saint-Christ-Briost (n° 92). La phase VIIb2, comme c’est généralement le cas en Gaule septentrionale, est totalement absente de nos récoltes, tout comme de celles des sites de comparaison : sur un total de 989 exemplaires, une seule monnaie – une imitation de silique en argent doré ‒ est attestée sur le site A !

Selon J. Lallemand, plusieurs éléments expliquent cette pénurie de monnaies officielles (LALLEMAND, 1989 : 59). Tout d’abord, Constance II confirme par un édit du 8 mars 356 (Cod. Theod. IX, 23,1), la démonétisation de certaines espèces de bronze et interdit formellement de les fondre ou de les vendre, à l’exportation notamment (GRICOURT, NAUMANN & SCHAUB, 2009 : 681 et note 943). L’interprétation numismatique de ce texte a provoqué beaucoup de discussions mais il vise sans aucun doute les aes 2 antérieurs à 350, peut-être aussi les monnaies des usurpateurs, Magnence et Décence, ou encore les nombreux nummi constantiniens survivants. Cet édit, dans la mesure où il a pu être appliqué, a certainement causé une certaine pénurie de monnaies en bronze. Ensuite, les invasions de Francs et d’Alamans ravagent la Rhénanie, le nord et l’est de la Gaule de 354 à 358 et le césar Julien devra entreprendre plusieurs campagnes contre eux avant de rétablir la paix (AMM. MARC., 15, 8, 19 ; 16, 3, 1-2 ; ZOSIME 3, 3, 1). Ces événements entraînent l’inactivité presque complète de l’atelier de Trèves entre 355 et 360. Plus tard, lorsque cet atelier reprendra ses frappes, il se consacrera davantage aux émissions d’or et d’argent qu’à celles de bronze. De son côté, G. Depeyrot soutient qu’après 353 et la réduction pondérale, le volume des émissions va dans un premier temps augmenter de façon globale en Gaule (DEPEYROT, 2001, p. 115). La fermeture d’Amiens et la destruction de Trèves vont contraindre l’administration à concentrer la frappe dans des zones mieux protégées, Lyon et surtout Arles, pendant les quelques années nécessaires à la reconstruction et la réorganisation des provinces septentrionales. Enfin, après 358 et la nouvelle réduction pondérale, les quantités émises en Gaule chutent brutalement.

10. Le Bas-Empire

268 Inrap · Rapport de fouille Canal Seine-Nord Europe, fouille 11, Picardie, Somme, Saint-Christ Briost

Trèves n’émet pas encore. Lyon voit ses émissions réduites, tout comme Arles qui reste cependant le plus important atelier gaulois. Le volume des émissions de bronze est très difficile à estimer, compte tenu de la rareté de l’aes sur les sites, et l’absence de thésaurisation. Il faut noter qu’à partir de 358, la monnaie d’argent devient la pièce maîtresse du système monétaire.

La faiblesse de l’approvisionnement officiel est comblée par de nombreuses imitations dont la production débute dès 348, mais dont l’accroissement se fera particulièrement sentir après 354, par la frappe de minimissimi au type du « cavalier tombant » (le FH des anglo-saxons, pour falling horseman). Ces monnaies sont bien attestées dans la région (au sens large). Toutefois nos deux sites ne sont pas placés sur un pied d’égalité, puisque nous relevons 13 de ces copies à Cizancourt, contre 2 à peine (dont une douteuse) à Saint-Christ-Briost. De ce fait, l’indice de la période VII prise globalement, est particulièrement brillante dans la première villa, avec 19,32 points, alors que Saint-Christ-Briost chute à 4,76, voire moins encore si l’on exclut la monnaie incertaine.Ces valeurs doivent être mises en parallèle avec celles observées sur les autres sites de l’Artois (tableau 3). Ainsi, la villa « B », avec un indice de 1,71, est probablement abandonnée entre 340 et 380, puisque la période VIII (364-378), richement documentée par ailleurs, n’y atteint que 0,98 points.Il faut donc en conclure que si Cizancourt présente un exceptionnel taux d’activité pour la période 348-364 – près de 2,5 fois l’indice le plus élevé, celui du site D ‒ il est probable que l’occupation de Saint-Christ-Briost est interrompue pendant une décennie au moins, de 353/354 à 364, voire 370. Il est évidemment tentant de lier les deux phénomènes, à savoir un déplacement momentané de l’activité de Saint-Christ-Briost au profit de Cizancourt. Nous observerons l’inverse au cours de la période valentinienne (phase VIII).

D’un point de vue métrologique, les 13 exemplaires illégaux de Cizancourt atteignent la masse moyenne de 0,58 g, pour un diamètre de 9 à 10 mm.Nous avons confirmé l’hypothèse, à partir des données de Reims, que les imitations de Fel Temp Reparatio au « cavalier tombant » se répartissent en deux classes pondérales, l’une vers 1,59 g, l’autre vers 0,60 – 0,80 g selon les sites (DOYEN, 2007 : 332 ; ID., 2010 : 174). B. Foucray pense voir, dans la dénomination la plus légère, non la moitié de l’aes 3/4 du type Spes reipublice, mais bien le tiers (FOUCRAY, 1995). Nos imitations se placent dans la même fourchette pondérale, tout comme celles du site C où nous distinguons un premier groupe, pesant 0,67 g (17 ex., de 0,25 à 1,03 g), et une classe plus lourde atteignant 1,46 g (6 ex., de 1,20 à 2,17 g).

Les périodes VIII et IX (364-388)La dynastie valentinienne (phase VIII : 364-378) est bien attestée sur nos deux sites, comme d’ailleurs sur la plupart des sites civils de la province de Gallia Belgica. Les 16 exemplaires de Saint-Christ-Briost lui confèrent un indice de 10,88. Cizancourt, en revanche, avec 4 unités, descend à 5,19 points, une chute considérable par rapport aux 19,32 de la période précédente.L’aes 3, d’une masse moyenne de 2,50 g environ et d’une taille au 1/120e ou 1/132e de livre, constitue la dénomination la plus courante. Elle est émise en de très grandes quantités.A Saint-Christ-Briost, Arles domine largement l’alimentation, avec plus de 35 % (5/14 = 37,71 %), voire 43 % si on lui attribue une pièce incertaine « Lyon ou Arles » (à Cizancourt, les deux aes 3 déterminables sont également d’Arles). Le reste du numéraire provient de Lyon et d’Aquilée, devant Trèves et Rome. On notera la présence non négligeable de Siscia (3/14 = 14,29 %). Nous rappellerons que les aes 3 balkaniques, et plus

269II. Résultats

précisément ceux de la série F de Siscia, ont été mis en relation par M.-R. Alföldi avec le retour en Gaule de troupes gauloises accompagnant Valentinien Ier en Pannonie lors de sa campagne contre les Quades et les Sarmates, au printemps 375 (ALFÖLDI, 1963). Ces détachements furent renvoyés en Gaule après la mort de l’empereur, le 25 novembre 375. Ces espèces, témoignant de la solde payée avant leur départ, sont particulièrement bien représentées dans la moyenne vallée mosane, avec un pourcentage évoluant vers 13-14 % (DOYEN, 2010, p.178, tableau 87). Si les aes 3 balkaniques représentent 14,29 % à Saint-Christ-Briost, ils sont moins bien représentés dans le grand échantillon d’Ecoust-Saint-Mein (site C), avec seulement 7,69 % (4/52).Comme nous l’avons vu, les indices relevés sur nos villae sont respectivement de 5,10 points à Cizancourt, et 10,88 à Saint-Christ-Briost. Si certains sites ruraux de l’Artois montrent des indices corrects (2,16), voire brillants (9,05 et 14,00), d’autres semblent péricliter (site B : 0,98 ; site E : 0,42). On ne peut dès lors pas affirmer que la première moitié de la période valentinienne est systématiquement faste pour l’habitat rural, du moins au vu du seul numéraire.

A la mort de Valens (août 378) et son remplacement par Théodose I (janvier 379), Gratien modifie les revers de ses aes 3 : il s’attribue la Virtus romanorum, laissant la Victoria auggg au jeune Valentinien II, et la Concordia auggg à Théodose I. Il introduit également des aes 4 célébrant les vota. Ces changements introduisent la période IX (378-388).Vers la mi-381, une nouvelle réforme fait apparaître des pièces de grand module, les aes 2 au revers de la Reparatio reipub, sans doute taillés au 1/60e de livre et pesant en moyenne plus de 5 g.Cette grande pièce, qui remplace très vite les anciens aes 3 dont la frappe s’interrompt à ce moment, sera rapidement imitée – signe de son succès – et thésaurisée de manière intensive. Ceci provoquera l’échec de la réforme et l’interruption de la frappe en Occident des aes 2 vers 386 ou 387 au plus tard (DEPEYROT, 2001 : 142).Les émissions de la période 378-388 comprennent donc à nouveau trois dénominations : l’aes 2, l’aes 3 et l’aes 4. L’espèce centrale est absente de notre ensemble : cet aes 3 est généralement peu courant sur l’ensemble des sites de la Belgique actuelle, particulièrement bien documentée pour la période en question, où il ne représente que 2,73 % (LALLEMAND, 1983). Du reste son émission, dès le départ peu abondante, s’interrompt dans les ateliers gaulois en 381.L’aes 2, émis en grandes quantités par Gratien, et plus encore par son successeur Magnus Maximus, l’emporte généralement sur la plus petite dénomination : à Saint-Christ-Briost, 4 aes 2 officiels face à 3 aes 4, nous donnent 57,14 % de grands modules. L’aes 2, semble avoir été thésaurisé dès son apparition, comme le montre le trésor d’Hemptinne, près de Namur, qui contient de nombreuses pièces liées par les coins (LALLEMAND, 1967 : 21-22). Peut-être à cause de cette immobilisation des grands modules, certains refuges fortifiés et les autres sites « ruraux » contiennent davantage d’aes 4 que les sites mieux alimentés en numéraire frais (DOYEN, 2007 : 339).Les indices de fréquence de la période IX atteignent 1,82 point à Cizancourt, et 6,67 à Saint-Christ-Briost. Ce dernier figure parmi les sites de villae les plus actifs de l’Artois méridional, derrière Ecoust-Saint-Mein « D », qui monte à plus de 15 points. Comme Cizancourt demeure encore dans l’honnête moyenne des sites encore actifs au cours de la phase suivante, la faible représentation de la période X ne peut argumenter un abandon momentané de la villa.

La période X (388 – « 402 »)La période théodosienne apporte, aussi bien à Saint-Christ-Briost qu’à Cizancourt, les ultimes monnaies antiques.

10. Le Bas-Empire

270 Inrap · Rapport de fouille Canal Seine-Nord Europe, fouille 11, Picardie, Somme, Saint-Christ Briost

En effet, les aes 4 émis après 388 sont les derniers à se retrouver en quantités appréciables en Gaule du nord et en Bretagne. Toutefois, la date d’arrivée de ce numéraire doit être largement étalée dans le temps, comme le prouvent d’assez nombreux sites étudiés récemment.

L’échec de la dernière tentative d’introduire dans la circulation une grande monnaie de cuivre (aes 2) provoque à partir de 388, la frappe quasi exclusive (du moins en Occident), de petits aes 4. Quelques semaines après le décès de Théodose Ier, ses fils Arcadius et Honorius promulguent, le 12 avril 395, une loi qui proclame le retrait de la circulation des monnaies de grand module, c’est-à-dire les aes 2 frappés de 381 à 386/387 (CALLU, 2010 : 137-152), au profit du seul nummus centenionalis. Celui-ci, que les numismates ont pris l’habitude de désigner sous le terme d’aes 4, est une petite pièce réalisée dans un alliage riche en plomb (de 20 à 30 % en moyenne), taillée au 1/152e de livre (1,28 g en moyenne). Le rapport théorique avec le solidus s’établit à 1/7 200e, mais la pratique montre un cours fluctuant.En Gaule (Trèves, Lyon, Arles) et à Siscia, le choix iconographique se porte, dès 388/9, sur le type VICTORIA AVGGG, montrant une Victoire tenant une couronne et une palme ; les deux ateliers italiens, Rome et Aquilée, et ceux d’Orient, préfèrent la SALVS REIPVBLICAE, illustrée par une Victoire portant un trophée et traînant un captif. Les ateliers orientaux produisent pendant plusieurs décennies encore un aes 3 qui, normalement, ne parvient pas plus dans nos régions que leurs aes 4.Après la mort de Théodose Ier, la Gaule diminue très fortement sa production des monnaies de bronze, dont l’émission pourrait s’interrompre en 397 ou 398, suite à la fermeture progressive des ateliers. La production d’Aquilée cesse momentanément en 395 ou un peu plus tard. De 397/8 à 402, Rome seule continue à émettre du bronze dans la pars Occidentis de l’empire. Après la nomination de Théodose II, le 10 janvier 402, les deux ateliers italiens émettent des monnaies de bronze un peu plus lourdes (aes 3) célébrant l’VRBS ROMA FELIX. De 404 à 406, les officines orientales produisent de leur côté des petits aes 4 allégés, au type de la croix et à la légende CONCORDIA AVG(G). Ces deux types, postérieurs à 402, ne parviennent que très exceptionnellement dans le nord et l’est de la Gaule (GRICOURT et alii, 2009, p.703-704). Le sud du pays, en revanche, continue à recevoir régulièrement du numéraire frais de bronze en provenance d’Italie et ce jusque dans les années 450.Selon la théorie classique, l’interruption de la frappe du bronze en 395, 397 ou 398, sauf à Rome, figerait en deux ou trois ans le stock monétaire disponible au Gaule septentrionale. Effectivement, ni les aes 3 postérieurs à 402, ni les aes 4 émis en Italie à partir de 420, ne se rencontrent chez nous, même si quelques exceptions très significatives méritent d’être signalées.On a donc émis naguère l’hypothèse qu’après 398, ou au plus tard 402, le stock monétaire ne se renouvelant plus, on constaterait tout au plus une diminution du nombre de signes monétaires sans modification de la structure même de l’alimentation (ratio entre les types VICTORIA AVGGG de Gaule/SALVS REIPVBLICAE d’Italie) (DOYEN, 1992 : 36 ; DOYEN, 2011). Selon certains numismates, la circulation de cette petite monnaie de bronze s’interromprait au plus tard vers 420 (BRENOT, 2003 : 42).Les données disponibles pour les sites tardifs de la vallée de la Meuse, les seuls étudiés de manière systématique et détaillée à ce jour, s’opposent à cette hypothèse de stock monétaire « figé » aux alentours de l’année 400 (DOYEN, 2009 : 72-75).L’argumentation chronologique repose essentiellement sur le ratio entre les productions gauloises (et Siscia), au type de la VICTORIA AVGGG puis AVGG, et celles d’origine italienne (les ateliers balkaniques et orientaux n’interviennent que très rarement dans les décomptes), à la légende SALVS REIPVBLICAE. Le principe est qu’après 402, parviennent en Gaule, de manière progressive, des aes 4 émis en Aquilée et à Rome, dédaignés par les

271II. Résultats

thésauriseurs de la Péninsule qui leurs préfèrent les aes 3. Plus les sites sont tardifs, plus le pourcentage de Salus semble augmenter, passant de 0 à plus de 50 %, le seuil des 40 % correspondant grosso modo aux années 450/480.

Les indices de Saint-Christ-Briost et de Cizancourt valent 1,30 et 2,72. Ceux des autres villae du Calaisis évoluent de 1,29 à 6,85, avec un seul site en nette perte de vitesse et un indice de 0,42 points. Contrairement à une opinion bien ancrée dans l’esprit des historiens et des archéologues, le Ve, voire le début du siècle suivant, correspondent à une période économiquement encore très active puisque l’on peut désormais estimer qu’il existe, même en milieu rural, une circulation intense de petit numéraire jusque dans les années 530/540.

10.4.5 L’étude de la susceptibilité magnétique par G. Hulin (cf. étude complète en annexe)

L’étude s’est accès essentiellement sur quatre fosses. On constate pour trois fosses sur les quatre étudiées un remplissage assez homogène avec des valeurs oscillant autour de 50×10-5 uSI . Une de ces fosses (St. 233) sort totalement de ce lot en présentant trois voire quatre zones internes offrant des valeurs comprises entre 100 et 200×10-5 uSI. Il faut noter que ces fortes valeurs se retrouvent sur l’intégralité de l’extension verticale de la fosse (mesures réalisées sur les coupes). Par ailleurs, cette gamme de valeurs est typique des fours domestiques présents sur le site.

Cette différence extrêmement importante possède très vraisemblablement une origine archéologique. La compréhension du phénomène en cause peut donc se révéler importante pour l’interprétation de cette structure. L’observation visuelle du sédiment a montré qu’à l’emplacement des zones magnétiquement plus fortes des graines carbonisées étaient présentes en grande quantité. Relier la concentration de graines carbonisées à une plus forte aimantation du remplissage sédimentaire est une piste de travail intéressante qu’il convient d’approfondir. Il est notamment reconnu que la présence de matière organique joue un rôle important dans l’acquisition de l’aimantation lors de la chauffe d’un sédiment en modifiant les conditions d’oxydo-réduction (Le Borgne, 1960 ; Mullins, 1974 ; Marmet, 2000 ; Weston, 2002). Ainsi, la réduction de l’hématite en magnétite qui a lieu aux alentours de 500°C est très nettement favorisée par la présence de matière organique.

Une série de prélèvements a été réalisée dans la fosse 233 afin de compléter les données de terrain par des mesures sur échantillons au MS2B ainsi que des mesures des taux de carbone organique et d’azote (mesures chimiques réalisées à l’INRA d’Arras). Ceci dans le but d’évaluer une éventuelle corrélation entre matière organique et susceptibilité magnétique.

Les mesures de la susceptibilité magnétique sur échantillons suivent parfaitement les mesures de terrain avec cependant quelques variations dues aux différences de volumes pris en compte par les deux capteurs. Les valeurs de dépendance en fréquence ne présentent aucune variation significative ce qui limite l’intérêt de l’étude de ce paramètre.

Les analyses chimiques montrent des résultats intéressants. La susceptibilité magnétique massique et le taux de matière organique présentent un coefficient de corrélation de 0,48 ce qui est significatif vu le nombre d’échantillons (à un niveau de confiance de 90 %) mais d’autres informations seraient nécessaires pour expliquer la dispersion. Le rapport Carbone/Azote montre quant à lui un coefficient de corrélation de 0,71 avec la susceptibilité magnétique massique.

10. Le Bas-Empire

281II. Résultats 12. Synthèse des différentes études

12.1 Etude du mobilier archéologique

12.1.1 Etude du mobilier céramique (St. Dubois)

La série céramique de Saint-Christ-Briost se caractérise par son importance quantitative, plus de 5 600 tessons, quantité rarement livrée par la fouille préventive d’un établissement rural. Il s’agit donc d’un mobilier particulièrement représentatif de l’approvisionnement de ce secteur ouest du territoire des Viromanduens, entre la fin de l’âge du Fer et la fin du IVe ou plus probablement le tout début du Ve siècle.

Deux observations principales méritent d’être soulignées ici. La première concerne la « richesse » et la « romanité » de l’équipement domestique. Il y a du point de vue céramique une sorte de renversement de tendance entre la période julio-claudienne et la période suivante du Haut-Empire, au moins jusqu’au milieu du IIe siècle. Dans un premier temps en effet, les éléments qui nous sont parvenues suggèrent une adhésion précoce à la romanisation, notamment par le service du vin (amphores vinaires, gobelet à parois fines d’origine méridionale), qui tranche par rapport à la plupart des sites ruraux contemporains du sud-ouest de la Gaule Belgique. Mais ce phénomène marque un arrêt autour du milieu du Ier siècle, et le mobilier plus récent se caractérise par une pauvreté relative notamment du service de table, à la fois peu abondant et peu varié, et par une arrivée très tardive (milieu IIe siècle ?) de récipients marqueurs d’une cuisine « à l’italienne » (mortiers et plats à four).

Le second point marquant de ce mobilier réside dans l’hétérogénéité des céramiques communes, avec un approvisionnement éclaté entre des sources multiples à chacune des périodes considérées. Ce phénomène n’est pas propre à Saint-Christ-Briost, mais concerne aussi bien les établissements voisins étudiés dans le cadre de l’A29 ou des diagnostics du Canal. L’absence d’une source prédominante contraste avec les territoires voisins, Amiénois, Artois ou Cambrésis, et souligne la difficulté des potiers viromanduens soit à imposer leur production de qualité en général fort médiocre (au moins jusqu’à la fin du IIe siècle), soit à produire en quantité suffisante pour subvenir aux besoins locaux.

12.1.2 Etude du mobilier métallique (A. Morel)

Les objets étudiés sont principalement en métal (alliage cuivreux, fer et plomb) ainsi qu’en verre et en lithique.

Le corpus se répartit comme suit : - 54 objets (identité fonctionnelle) dont une large part correspond à des éléments constitutifs d’objets complexes (ameublement, outil,…) ;- 16 objets sont d’usages variés (quincaillerie) ; - 134 clous (clous de chaussures inclus) ;- et 31 NF de plomb, 29 NF de fer et 10 NF en alliage cuivreux indéterminés.

12 Synthèse des différentes études

282 Inrap · Rapport de fouille Canal Seine-Nord Europe, fouille 11, Picardie, Somme, Saint-Christ Briost

Le mobilier provient uniquement de comblements de structures en creux (fosses, fossés, trous de poteau, mares,…). La zone d’emprise de la fouille n’a pas permis d’appréhender la totalité de l’établissement rural. Dans cette zone, la répartition spatiale concerne principalement des structures d’importantes dimensions, interprétées comme des fosses ou des mares (st. 7/234/254), localisées le long des fossés et qui ont servi de dépotoirs. Un large secteur ceint au nord-est par st. 234 et au sud-ouest par st. 254 a livré la majeure partie des objets.

Les occurrences du IIIe au début du Ve siècle de notre ère (phase 5a/6) sont les plus nombreuses. Les lots plus importants d’objets provenant des contextes précédemment mentionnés en sont la cause principale. Les phases 2 (Julio-Claudiens) et 4 (150/250 ap. J.-C.) bénéficient d’une représentation équivalente. Les principales carences du corpus concernent la transition LTF/GRP (phase 1) et les règnes des Flaviens/Antonins (phase 3). Les pièces de quincaillerie et les fragments d’objets non identifiés restent toutefois majoritaires à ces phases. Les objets fonctionnels concernent dans l’ensemble les phases 2 et 5a/6.

Compte tenu de la faible représentativité de certains matériaux, le choix s’est porté sur une étude conjointe afin d’aborder au mieux les problématiques inhérentes à l’instrumentum. Malgré un classement des objets par catégorie fonctionnelle, ces dernières demeurent trop limitées pour caractériser l’évolution de l’occupation, d’où une étude synthétique englobant les différentes phases d’occupations.

12.1.3 Etude monétaire (J.-M. Doyen)

Les monnaies, récoltées lors des fouilles sont particulièrement abondantes pour des sites ruraux, à savoir soixante exemplaires à Cizancourt, et cent vingt-quatre à Saint-Christ-Briost. Ce matériel nous permettra donc des considérations statistiques particulièrement instructives.

Dès lors, lorsque nous proposons de faire débuter « l’occupation » des sites à la fin du IIIe s. pour l’un, et dans les années 330 pour l’autre, il s’agit bien entendu d’un concept portant exclusivement sur les phases monétarisées des deux ensembles. Les habitats ruraux du nord de la Gaule et de la Grande-Bretagne sont systématiquement caractérisés par la très faible circulation de numéraire entre la fin de l’Indépendance, lorsque des prédécesseurs laténiens sont attestés sur des sites gallo-romains tournés vers l’agriculture et l’élevage (villae ou autres formes de mise en valeur du terroir), et une date avancée dans le IIIe siècle. Cette rupture économique majeure après 260/280 n’a du reste été ni clairement perçue, ni encore moins expliquée.

D’une manière générale, les caractéristiques (éventuelles) de la circulation propre aux sites de villae continentaux ne semblent par avoir retenu l’attention spécifique des numismates (voir van HEESCH, 2012). La situation est fort différente en Grande-Bretagne, où le sujet a retenu depuis longtemps l’attention des chercheurs (REECE, 1979 ; HOWGEGO, 1992). Pour la Gaule septentrionale, nous mentionnerons seulement les quelques pages, soigneusement argumentées, que leur consacre J. van Heesch dans sa thèse publiée en 1998 et consacrée aux cités des Nerviens et des Ménapiens (VAN HEESCH, 1998 : 116-118). Il est toutefois clair, quelle que soit la zone prise en compte, que les apports quantitativement abondants concernent exclusivement le Bas-Empire : le numéraire antérieur à 260 est partout limité à quelques dizaines d’unités au maximum, même sur les sites les plus étendus, de type « palatial » (DOYEN & SERRANO, 2011). Mais la présence relativement fréquente d’aurei dans des lots numériquement limités montre l’indéniable richesse des grands propriétaires fonciers.

283II. Résultats

On a cependant l’impression que les occupations tardives s’accompagnent d’une profonde mutation économique nécessitant systématiquement la manipulation de nombreuses monnaies de faible valeur, alors que les phases antérieures semblent se passer très largement de l’usage de la monnaie, et ce malgré l’opulence des grands sites ruraux dont témoigne l’architecture ou la décoration. Le fait méritait d’être noté.

Les afflux de monnaies sur les sites (tout comme d’ailleurs le petit mobilier et la vaisselle) ne correspondent généralement pas aux périodes d’occupation les plus intenses, mais bien aux phases de rupture : modifications architecturales, changement de statut (par exemple lors de successions impliquant un appauvrissement ou un enrichissement du nouveau propriétaire), récupération de matériaux après abandon définitif. Ceci explique sans doute l’absence de liaison probante entre les périodes les plus fastes des établissements ruraux suggérées par l’étude architecturale, et les moments des plus fortes pertes de monnaies.Le numéraire de Cizancourt et de Saint-Chris-Briost peut être divisé en deux sous-ensembles, l’un relevant du Haut-Empire quant à sa date d’émission41, l’autre attribuable à l’Antiquité tardive. L’étude quantitative du numéraire de deux sites voisins nous permet d’appréhender, du moins au cours des phases monétarisées, les interrelations qu’entretiennent deux domaines contigus.Le plus ancien est clairement Saint-Christ-Briost, actif vers 290-300. A côté d’antoniniens italiens ou provenant de l’empire dissident de Carausius, et de nombreuses imitations radiées de très faible valeur, ses habitants font usage d’anciens bronzes sénatoriaux fort usés, où domine le sesterce, complétés par des dénominations plus fortes : l’antoninien de billon et même le denier. Les espèces « récentes » se limitent à un antoninien d’Allectus, et une petite monnaie festive (quart de nummus) émise en 307. Les décennies suivantes sont fastes pour le site : la monnaie circule en abondance, et l’alimentation est désormais dominée par des nummi très récents, une mesure résultant de la réforme de 318 et du décri des espèces antérieures.Le « boom » économique de la décennie 330-340 se marque par la création subite de Cizancourt, peut-être détachée du domaine « principal ». Cette nouvelle villa connaîtra une expansion fulgurante, mais d’assez courte durée : à partir de 365/370, l’activité économique retourne à Saint-Christ-Briost. Dès lors, on peut estimer que Cizancourt remplace le fundus principal entre 340 et 370, soit la durée d’une génération. Saint-Christ-Briost périclite dès les années 345/350, pour être totalement abandonné (ou, du moins, plus aucune activité faisant appel à du numéraire n’y survit) entre 355 et 365/370. Après cette éclipse temporaire, la période 370-380 y est particulièrement active, mais le domaine de Cizancourt n’est pas pour autant laissé à l’abandon. La dernière phase d’activité débute vers 390. Elle se prolonge sur les deux sites sans doute jusqu’à une date non précisée dans le Ve siècle (peut-être 410 ou 420), avec une activité moins intense ou, du moins, nécessitant de moins en moins de petit numéraire.

12.1.4 Etude du mobilier lithique (B. Untereiner)

L’étude du matériel lithique atteste d’une occupation ancienne qui pourrait remonter, sous réserves, au Paléolithique, au vu de certains rares éléments patinés. L’occupation mésolithique des environs semble quant à elle attestée par la présence de six nucléus. Les rares lamelles, voire quelques lames pourraient y être associées, mais rien ne permet de conforter une telle hypothèse.

41. Ce qui exclut de notre propos sa période de circulation, comme nous le montrerons.

12. Synthèse des différentes études

284 Inrap · Rapport de fouille Canal Seine-Nord Europe, fouille 11, Picardie, Somme, Saint-Christ Briost

La découverte d’une hache polie, dans un grès ne provenant pas des environs du site, de même que la présence de deux molettes également en grès, pourraient être liées à la proximité immédiate du site néolithique voisin42.

Soulignons que la totalité du mobilier lithique peu abondant a été retrouvée en position secondaire, dans le comblement de structures antiques. Aucune hypothèse ne peut être avancée quant à l’attribution chronologique de la majeure partie du mobilier, constituée pour l’essentiel, de produits de débitage, de blocs testés et de quelques percuteurs, produits principalement dans le silex secondaire Santonien. Les quelques outils observés (éclats retouchés, éclats utilisés) ne sont pas révélateurs d’une période.

12.2 Les analyses spécifiques

12.2.1 Etude archéozoologique (G. Jouanin)

A l’instar du site de Cizancourt « La Sole des Galets », le matériel faunique de Saint-Christ-Briost Fouille 11 est trop peu abondant pour autoriser une analyse archéozoologique poussée. Nous avons pu montrer que les différences de représentation des principales espèces domestiques observées entre les différentes phases d’occupation étaient essentiellement dues au type de structures étudiées. Cependant quelques points de correspondance semblent exister entre le site de Cizancourt et celui de Saint-Christ-Briost. Pour la fin de la période gauloise, nous observons dans les deux cas une place non négligeable accordée au cheptel ovin. A l’inverse, le début de la période romaine se caractérise par la domination des vestiges bovins. Concernant les âges d’abattage, c’est la période romaine qui offre le plus de données. Assez classiquement nous observons une exploitation bouchère du porc et une recherche de force de travail chez le bœuf. Les caprinés semblent quant à eux élevés plutôt pour leur viande. Cependant, nous devons rester prudent concernant ces interprétations, au vu de la faiblesse statistique de nos échantillons.

12.2.3 Etude de la susceptibilité magnétique (G. Hulin)

Cette étude s’inscrit dans une démarche différente de l’approche standard qui peut être faite avec l’outil géophysique. En effet, il s’agit non pas de détecter les structures mais d’apporter à l’archéologue une information nouvelle se voulant complémentaire des données de fouilles. Plus précisément, il s’agit de fournir une caractérisation du sol basée sur un paramètre physique invisible à l’œil nu et qui peut se révéler d’un intérêt essentiel. Ainsi, par l’intermédiaire de la susceptibilité magnétique, des phénomènes anthropiques peuvent être mis en avant et apporter des éléments pour la compréhension du site. Il peut s’agir de paramètres aussi variés que le taux de matière organique, les phénomènes de chauffe (incendie de bâtiment, zone foyère, essartage), les activités liées au travail du fer ou dans une moindre mesure la compaction du sol. Tous ces paramètres anthropiques ont un point commun, celui de modifier la teneur et la composition des oxydes et hydroxydes de fer dans le sol, modifications qui se traduiront par des changements de susceptibilité magnétique.

Constatons que la cartographie à large maille large n’a pas donné d’éléments pertinents quant à la distribution spatiale d’un éventuel impact anthropique. Les mesures semblent largement prédominées par les effets liées aux variations du substrat.

42. Fr. Bostyn (2010)

301II. Résultats

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