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Monsieur Loï Phan DucMonsieur Olivier GaussensMonsieur Claude Clair

Le commerce international intra-branche et ses déterminantsd'après le schéma de concurrence monopolistique : unevérification empiriqueIn: Revue économique. Volume 35, n°2, 1984. pp. 347-378.

RésuméCet article a pour objet : 1) de chercher confirmation, sur les données finement désagrégées relatives aux échanges extérieursde 16 pays industriels (nomenclature à 5 chiffres CTCI), de l'existence du commerce international intra-branche, et d'analyserses caractéristiques ; 2) de vérifier quelques hypothèses et propositions émanant des modèles théoriques appliquant l'analyse deconcurrence monopolisti-que à ces échanges, et selon lesquelles la proximité clés dotations factorielles et des structuresnationales de consommation, et par extension les investissements internationaux directs croisés, participent à la déterminationde ces échanges intra-bra'nche. Des indicateurs appropriés ont été construits en vue de ce test. Les résultats de l'estimationstatistique te'nclent à confirmer la rôle de la proximité des structures nationales de consommation dans la détermination ducommerce international intra-branche, ainsi que la complémentarité entre ce dernier et les mouvements internationaux croisésd'investissements directs, alors qu'ils ne permettent pas de conclure quant à l'incidence des dotations factorielles.

AbstractIntra-industry trade under perfect monopolisticCompetition framework : an empirical investigationOlivier Clair, Olivier Gaussens, Duc-Loi PhanThis paper is intended 1) to confirm, by use of finely disaggregated data for 16 industrial countries (5-digit level of the SITC), theexistence of international intra-industry trade and to analyzc its characteristics ; and 2) to test some of the hypotheses or findingsin theoretical models which apply the analysis of perfcct monopolistic competition to this trade. To this effect we constructedappropriated indices in order to meaaure determining variables such as similarity of factor endowments and of consumptionpatterns, or cross international direct investments. The empirical results give clear evidence of the role of identical consumptionpatterns in explaining intra-industry trade and of the cornplementarity between the latter and cross international directinvestments, while they are unconclusive on the effect of factor endowments.

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Duc Loï Phan, Gaussens Olivier, Clair Claude. Le commerce international intra-branche et ses déterminants d'après le schémade concurrence monopolistique : une vérification empirique. In: Revue économique. Volume 35, n°2, 1984. pp. 347-378.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1984_num_35_2_408781

LE COMMERCE INTERNATIONAL

INTRA-BRANCHE ET SES DÉTERMINANTS

D'APRÈS LE SCHÉMA

DE CONCURRENCE MONOPOLISTIQUE :

UNE VÉRIFICATION EMPIRIQUE

Alors que les théories traditionnelles mettent l'accent sur la spécialisation internationale, qui conduit une économie ouverte à exporter les biens pour lesquels elle dispose d'un avantage

comparatif, et à importer exclusivement ceux pour lesquels elle est vouée à un désavantage comparatif, l'analyse des flux d'échanges internationaux, en particulier les travaux empiriques sur les réseaux d'échange bilatéraux (H. Linnemann [1966], D. L. Phan [1972]) nous ont toujours convaincu de l'existence dun commerce international croisé où un pays est susceptible d'exporter à la fois les mêmes biens.

L'intensification de ce commerce croisé dans les pays industriels est à l'origine de la vogue actuelle des travaux empiriques consacrés au commerce international intra -branche (H. G. Grubel [1967], Pagoulatos et Sorensen [1975], R. Loertscher et F. Wolter [1980], B. Lassudrie- Duchêne et J.-L. Mucchielli [1979], R. E. Caves [1981]) aussi bien que des recherches destinées à lui conférer un support théorique (H. G. Grubel et P. J. Lloyd [1975], H. P. Gray [1973] et surtout P. R. Krugman [1979], K. Lancaster [1980], E. Helpman [1981]),

Les résultats de cette recherche ont fait l'objet d'une communication au Congrès International des économistes de langue française (Strasbourg), et au Symposium on Intra-lndustry Trade and Industrial; Structural Adjustment Policies (European Institute for Advanced Studies in Management, Bruxelles), au mois de mai 1983. Nous remercions N. D. Quy du Polytechnic of Central London pour une discussion extrêmement utile, et un rapporteur anonyme pour ses stimulantes remarques et suggestions.

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Revue économique — N° 2, mars 1984.

Revue économique

puisque aucune référence explicite à ce phénomène n'est apparue dans l'arsenal théorique traditionnel, qu'il s'agisse de la théorie ricardienne, ou de la théorie néo-classique appliquées à l'échange international.

Cette recherche porte sur l'identification des déterminants du commerce intra-industiiel, et de la relation entre celui-ci et les mouvements internationaux de capitaux, repérés sous la forme des investissements directs étrangers. Elle vise à expliquer un phénomène caractéristique des relations économiques internationales, observé au cours des deux dernières décennies mais non intégré dans la théorie traditionnelle, à savoir la prédominance croissante sur les échanges proprement inter- industriels, des courants d'échange bilatéraux de produits similaires, eux-mêmes associés à une intensification des mouvements internationaux de capitaux.

Notre vérification empirique s'appuie sur une base théorique qui incorpore, dans un modèle d'équilibre général, uns structure de concurrence monopolistique de type chamberlinien, appliquée à la production de biens différenciés.

Dans ce cadre, la spécification du modèle destiné à l'estimation statistique cherchera à identifier le partage entre similitude des proportions f actorielles et similitude des structures de , demande nationales, considérées par la nouvelle théorie comme autant de facteurs stratégiques dans le développement du commerce international intra-industriel, de même quelle s'appliquera à préciser la relation (substitua- bilité ou complémentarité) entre mouvement international croisé des marchandises, et mouvement international des capitaux.

La présente recherche se distingue des travaux précédents sur les points suivants :

1. En premier lieu, elle ne choisit pas de limiter la vérification du phénomène de commerce international intra-branche à quelques produits spécifiques, mais de porter l'analyse systématiquement sur une gamme étendue de produits, définis au niveau le plus fin par la nomenclature à cinq chiffres de la CTCI révisée, et pour lesquels un calcul effectué sur les données plus agrégées (nomenclature à trois chiffres de la CTCI révisée) révèle un commerce croisé important.

2. En second lieu, elle s'attache à déterminer la nature spécifique du commerce intra-branche, grâce à la décomposition en flux bilatéraux des données ayant servi à l'évaluation de ce commerce. La révélation de cette nature spécifique nous fournira un test empirique du schéma de « hiérarchisation » ou « d'intermédiation » dans le commerce intra- branche, proposé par B. Lassudrie-Duchène et J.-L. Mucchielli [1979].

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Claude Clair, Olivier Gaussens, Duc-Loi Than

3. Enfin, en dernier lieu, l'identification statistique des déterminants du commerce international intr a-branche s'appuie sur une base conceptuelle élaborée initialement par K. Lancaster [1979] et dont les contours se précisent ensuite dans les travaux de Lancaster [1980], Krugman [1979-1981], Dixit et Norman [1980] et Helpman [1981] ; cette modélisation théorique vise à expliquer le commerce intra-branche par l'existence d'un marché de concurrence monopolistique de biens différenciés, dont la production est sujette aux économies d'échelle.

Aussi, notre tâche consiste à construire les indicateurs synthétiques des variables considérées dans ces modèles théoriques comme déterminantes, avec le souci de réduire, dans la spécification du modèle soumis à la vérification empirique, le nombre des variables explicatives à un chiffre raisonnable : nous nous abstenons ainsi de recourir aux variables passe-partout utilisées habituellement dans leur état brut (comme les indices du PNB ou du PNB par tête), variables dont la présence simultanée dans l'équation de régression ne fait qu'accentuer la multi- collinéarité et dont la valeur explicative se trouve quelque peu emoussée par un usage fréquent et abusif.

Ces thèmes distinctifs de notre travail seront traités successivement dans cet article, après un rappel des principales mesures du commerce international intra-branche et de leurs caractéristiques respectives.

LES PRINCIPALES MESURES DU COMMERCE INTERNATIONAL INTRA-BRANCHE

ET LA VERIFICATION EMPIRIQUE DE SON EXISTENCE

Le commerce international intra-branche : définition et mesure

Par définition, tout mouvement d'exportation compensé par un flux égal d'importation par un même pays constitue pour celui-ci un commerce international intra-branche. Le commerce total pour une branche (importation + exportation) est alors formé de deux composantes, l'une relative à un échange intra-branche pour la fraction de l'exportation couverte par une importation du même montant, l'autre à un échange inter-branche pour le solde excédentaire, en valeur absolue, soit en

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Revue économique

appelant X{ l'exportation de la branche i, M4 l'importation de la même branche et Rj l'échange intra-branche :

(1) (X, + M,) = R4 + |X, — Mf[ où

(2) |Xj — Mj| = commerce inter-branche.

Il est clair, d'après cette définition, que le commerce international d'un pays pour la branche i est totalement intra-branche si l'exportation est entièrement couverte par une importation égale (solde des échanges nul).

A partir de cette distinction, Grubel et Lloyd [1975] proposent deux mesures destinées à évaluer pour chaque pays la fraction du commerce total, toutes branches réunies, imputée à l'échange intra-branche. La première calcule pour chaque pays / le coefficient du commerce intra- branche que nous notons B3-, sans tenir compte de la correction du déséquilibre observé de la balance commerciale, soit en appelant Xy l'exportation et My l'importation par le pays / des produits de la branche i :

i (Xi3- + Mw) - | |X« - MM| (3) Bj = -^ , i = 1, ..., n branches

|x (X;j + M«)

= 1 — + M«)

D'après sa construction, le coefficient B^ se situe entre les valeurs 0 et 1 (en prenant la valeur remarquable de 2/3 si l'exportation (resp. l'importation) couvre exactement la moitié des importations (resp. exportations)) : B3- est nul si le pays / est exclusivement importateur (ou exclusivement exportateur) pour tous les biens ; et égal à l'unité si l'équilibre commercial est réalisé pour chaque produit.

Il en résulte que, pour un pays dont la balance commerciale n'est pas en équilibre, le coefficient B5 sous-estime l'importance du commerce intra-branche. Par suite, ces auteurs retiennent une seconde mesure du coefficient de commerce intra-branche notée Cj} corrigée du déséquilibre commercial :

i (Xtj + Mij} - % |Xi. - M, (4) C, = — ̂ -^ ' i n n n i3- + My)- |2 X„- 2 M«

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Claude Clair, Olivier Gaussens, Duc-Loi PJian

La faiblesse de cette construction est que C; tend à surestimer l'importance de commerce intra-branche : en effet, lorsque la balance commerciale n'est pas en équilibre, le dénominateur tend à diminuer et par suite introduit un biais vers la hausse du coefficient C;. Notons à cet égard que deux pays avec le même B; peuvent avoir des C3- très différents si l'un des deux est très excédentaire (ou très déficitaire) dans la plupart des branches.

Aussi, en vue de pallier cet inconvénient, une troisième formulation du coefficient de commerce intra-branche est proposée par Aquino [1978]. Elle consiste d'après l'auteur à évaluer le commerce interbranche non pas à partir des valeurs observées d'exportation et d'importation, mais des exportations et des importations qui auraient été réalisées si l'hypothèse de l'équilibre commercial ^toutes branches réunies) avait été vérifiée. Notons que le calcul effectif des exportations (et importations1) théoriques d Aquino ne correspond pas exactement à cette formulation littérale, d'ailleurs incompréhensible parce que incomplète : il est impossible à quiconque de calculer par exemple un flux d'exportation d'une branche, qui vérifie l'équilibre de la balance commerciale sans autre précision.

En fait, dans cette construction théorique, Aquino considère la part des exportations (resp. importations) observées des pays / d'une branche i, rapportées à son commerce total supposé en équilibre (où les importations sont couvertes par les exportations) ; et calcule l'exportation (resp. l'importation) par / des produits de la branche i dans l'hypothèse du maintien de cette part relative, lorsqu'on rapporte le flux calculé au commerce total observé, soit en notant X'^ (resp. M ',•_,-) les valeurs théoriques :

(5) *X X (X., + M.,)

My , 1 X.j + M.ô X.j + M.j 2 M.j J 2 M.;

Mij My , 1 X.j + M.ô (6) ; — ry— = ^TF" "* M U ~ ~~T~ Mü 77 pour l'imputation, X + M 2 M J 2 M

avec

Le coefficient du commerce intra-branche d'Aquino est alors :

(7} t3 - X.,- + M.j ~2 Â X.j M.s

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Revue économique

Sous cette forme, le coefficient d* Aquino apparaît comme le complément à l'unité de l'indice de dissimilitude de Michaely [1962], conçu par celui-ci pour mesurer la différence de composition des importations et des exportations observées dans un pays.

Les trois variantes Bj, C, et Fj ont été retenues dans notre étude pour calculer le niveau du commerce intra-branche des biens manufacturés (correspondant aux sections 5 à 8 de la CTCI révisée) pour seize pays industriels, membres de l'OCDE 1. Les coefficients ont été calculés pour les années 1977 et 1980, dernière date à laquelle les statistiques publiées par l'OCDE au niveau le plus désagrégé sont disponibles sur bande magnétique : dans une première étape, ces coefficients ont été calculés pour l'ensemble des biens manufacturés à partir des données regroupées suivant la nomenclature à trois chiffres de la CTCI, soit au total 142 groupes de produits, ce qui correspond au niveau de désagrégation habituellement retenu dans les travaux récents consacrés au commerce intra-branche ; dans une seconde étape, on calcule les mêmes coefficients à partir des données de plus en plus finement définies (nomenclature à quatre chiffres, puis à cinq chiffres de la CTCI), en vue de vérifier si le commerce intra-branche subsiste encore lorsque les branches auront été suffisamment désagrégées pour représenter

n des produits homogènes. En effet, une expression de type ^ [X,.- — M;j

(affectée du signe négatif), figure au numérateur des différents coefficients de commerce intra-branche : une agrégation au niveau des bran-

n n ches i revient à substituer à ce terme l'expression j^ Xy — ^ M y , de

valeur inférieure, l'écart entre les sommes étant généralement inférieur à la somme des écarts, en valeur absolue, de sorte que le coefficient de commerce intra-branche en résultant aura une valeur plus élevée, après agrégation. Par suite, plus les données sont désagrégées, plus faible sera la valeur du coefficient de commerce intra-branche : cette diminution, si elle est importante, pourrait à la limite conduire au constat d'inexistence du commerce intra-branche.

1. Dont la liste figure au tableau 1 ci-après. Ces pays effectuent, en 1980, 94 % du commerce total de l'OCDE.

Le commerce international intra-branche : une illusion statistique ?

Une étude empirique des données a été entreprise dans le but d'apporter une réponse, que nous espérons dépourvue d'ambiguïté, à cette question. Les différentes étapes de cette investigation et l'analyse des résultats obtenus sont décrites successivement ici.

Les premiers calculs des coefficients de commerce intra-branche effectués sur les données définies par la nomenclature à trois chiffres de la CTCI, sont réunis dans le tableau 1. Ils confirment empiriquement les résultats d'Aquino [1978], à savoir que l'indice F3- prend une valeur intermédiaire entre l'indice B., (non corrigé) de Grubel et Lloyd, qui comporte un biais vers la baisse, et l'indice C3 (corrigé du déséquilibre de la balance commerciale) qui tend au contraire à biaiser vers la hausse ; F3- étant toutefois plus proche du premier que du second.

Tableau 1. Coefficient du commerce international intra-branche des produits manufacturés

(sections 5, 6, 7 et 8 de la CTCI, nomenclature à 3 chiffres)

1977 Pays

Cj

1980

B, C,

France 75 Belgique - Luxembourg 71 Royaume-Uni 67 Pays-Bas 62 RFA 73 Italie 57 Danemark 54 Suède 66 Canada 61 USA 55 Suisse 56 Autriche 57 Japon 23 Espagne 44 Norvège 36 Australie 10

80 75 71 83 90 73 82 68 70 68 71 78 73 53 53 36

76 72 68 68 79 56 60 66 62 54 58 60 39 46 46 24

79 68 68 66 73 54 60 65 58 55 54 61 25 49 37 13

84 71 69 87 88 66 73 66 63 67 75 79 67 51 49 41

80 68 68 72 77 52 62 65 57 54 59 67 37 52 43 27

A nous en tenir aux résultats chiffrés de ce tableau, le commerce intra-branche présente, à l'exception des pays comme l'Australie, le

35S

Revue économique

Japon, la Norvège et l'Espagne, une réelle importance puisqu'il occupe en moyenne environ 60 % du commerce total pour la majorité des pays retenus, avec un record observé pour la France (F, = 80 % en 1980) devant la RFA (77 %), les Pays-Bas (72 %), le Royaume-Uni et l'Union belgo-luxembourgeoise (68 %).

Pour l'ensemble des seize pays, l'indice moyen B (formule de Grubel et Lloyd) s'établit à 58,4 pour 1977 et à 58,8 pour 1980, ce qui témoigne d'une certaine stabilité du commerce international intra-branche dans la période actuelle.

Le même calcul d'indice moyen a été répété pour un échantillon réduit à dix pays du groupe 2, afin de le rendre comparable à ceux établis pour les années antérieures par Grubel et Lloyd et par Lassudrie- Duchêne et Mucchielli. L'évolution de cet indice moyen apparaît au tableau 2 ci-après.

Tableau 2. Evolution moyenne du commerce international intra-branche pour l'échantillon de dix pays (indice Grubel et Lloyd)

(a) (b)

1964

53,7<a>

1965

56,5<a>

Grubel et Lloyd, op cit., 1975 ; Lassudrie-Duchêne et Mucchielli,

1974

60,4<b>

op. cit., 1979.

1977

55,4

1980

55,9

Pour l'échantillon des dix pays, on retrouve la même stabilité de l'indice moyen intra-branche pour la période 1977-1980, mais cette stabilité représente en réalité une chute très sensible par rapport au niveau atteint en 1974 et marque une rupture très nette avec la progression du commerce international intra-branche observée régulièrement au cours de la décennie 1964-1974. Sans nul doute, ce ralentissement est une conséquence de la crise qui sévit actuellement dans l'économie mondiale.

Bien que la plupart des études économétriques consacrées au commerce intra-branche se contentent des indices calculés à ce niveau de désagrégation, on peut se poser la question avec d'autres économistes,

2. En excluant le Danemark, la Suède, la Suisse, l'Autriche, l'Espagne et la Norvège.

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Claude Clair, Olivier Gaussens, Duc-Loi Than

notamment R. Lipsey [1976] de savoir si ces coefficients élevés ne correspondent pas simplement à une illusion statistique, dans la mesure où les positions à 3 chiffres recouvrent les produits le plus souvent hétérogènes. A titre d'exemple, on trouve regroupées dans la position 751 de la CTCI (machines et appareils de bureaux), les machines à écrire, les machines à calculer, les machines à affranchir aussi bien que les duplicateurs à stencil et les photocopieuses.

Il nous paraît donc légitime de poursuivre notre travail au niveau encore plus désagrégé, afin de vérifier si le poids des échanges intra- industriels demeure toujours important lorsqu'on retient une définition plus fine des données.

Comme il s'est avéré, d'une part, que c'est dans les produits appartenant aux sections 5 et 7 de la CTCI que la proportion du commerce intra-branche apparaît la plus élevée — la construction des indices intra- branche effectuée par nos soins, pour les années 1977 et 1980, séparément pour chaque section (5 et 7) de la CTCI ne fait que confirmer sur ce point les résultats obtenus antérieurement par Grubel et Lloyd (op. cit.) et Lassudrie-Duchêne et Mucchielli (op. cit.) ; et, d'autre part, que la même gamme de produits correspond sensiblement à la définition des biens différenciés, c'est-à-dire dont la production ne conduit pas à une spécialisation internationale imputable à la disposition des ressources naturelles particulières, nous avons choisi de centrer notre analyse sur ces produits exclusivement. Les résultats des calculs d'indices intra-branche effectués à partir des données de la nomenclature à 4 puis à 5 chiffres CTCI respectivement pour les années 1977 et 1980, figurent au tableau 3.

1. L'examen de ces résultats, comparés à ceux du tableau 1, montre que si l'on retient l'indice F; d'Aquino, qui donne les valeurs intermédiaires entre les indices B; et C3 de Grubel et Lloyd, les coefficients de commerce intra-branche pour 1977 sont très sensiblement supérieurs, quel que soit le niveau de désagrégation. En effet, à l'exclusion des cas extrêmes déjà observés du Japon et de l'Australie où la proportion du commerce intra-branche est à l'évidence peu importante, on observe pour cette année une augmentation de l'indice Fj dans douze pays (sur quatorze"! pour la nomenclature à 4 chiffres, et dans neuf pays pour la nomenclature à 5 chiffres. En ce qui concerne l'année 1980, le nombre des indices en augmentation tombe à neuf pays pour le premier cas et à cinq pour le second : les pays qui enregistrent une diminution de leur coefficient Fj sont le Bénélux, le Danemark, l'Autriche, la Suisse et le Canada.

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Tableau 3. Résultats des calculs d'indices intra-branche (nomenclature à 4 et à 5 chiffres CTCI ; sections 5 et 7)

France Royaume-Uni Italie Belgique-Luxembourg . Pays-Bas RFA Danemark Suède Suisse Autriche USA Canada Norvège Espagne Tapon Australie

4

Bi

74 70 71 66 66 63 61 64 RI 49 64 6?, 44 42 22 7

1977

chiffres

Fi

77 70 72 67 69 83 63 64 64 64 69, 64 69 69 32 41

85 71 75 75 81 96 79 65 71 86 69 69 88 89 53 77

5

B,

69 75 62 79 65 66 6?, 65 63 5?, 59 44 54 39 27 11

chiffres

Fi

7^, 75 63 72 65 81 65 65 64 64 59 46 53 62 35 42

Ci

77 78 66 86 67 92 71 80 69 90 60 66 69 91 58 62

4

Bi

73 75 68 66 67 66 61 66 60 56 61 54 46 48 27 8

1980

chiffres

Fi

77 77 70 68 71 79 62 68 59 59 6'?, 54 63 71 35 39

Ci

86 78 77 78 84 94 77 71 61 88 63 67 88 92 58 71

5

B;

64 71 60 60 66 65 59 58 53 47 57 39 44 45 25 10

chiffres

Fi

65 70 61 58 67 75 58 56 49 59, 57 37 47 55 30 30

73 72 67 70 67 88 66 69 57 86 59 63 67 ■83 53 59

Cette hausse du coefficient F^ calculé sur les données plus finement désagrégées mais limitées aux sections 5 et 7 CTCI, souligne à l'évidence la nature nettement différenciée des produits de ce groupe, dont les échanges extérieurs comportent une proportion élevée du commerce intra-branche.

Ce qui, d'autre part, est également prévisible, c'est la diminution observée au tableau 3 des coefficients du commerce intra-branche quelle qu'en soit la variante, lorsqu'on passe de la nomenclature à 4 chiffres à celle à 5 chiffres, à l'exception des résultats obtenus en 1977 pour le Royaume-Uni, le Bénélux et la Suède où ces coefficients ont au contraire augmenté. L'explication de cette apparente anomalie se trouve dans la couverture incomplète des statistiques de la nomenclature à 5 chiffres CTCI, dont la consolidation dans ce cas donne un total inférieur à la donnée inscrite dans la rubrique correspondante de la nomenclature à 4 chiffres. On remarquera qu'une telle anomalie ne s'est pas produite avec les données de 1980, ce qui montre bien que plus les

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Claude Clair, Olivier Gaussens, Duc-Loi Phan

données sont récentes, plus elles sont fiables au niveau de désagrégation le plus fin, du moins en ce qui concerne la couverture.

Quoi qu il en soit, les valeurs élevées des indices obtenus à partir des données de la nomenclature à 5 chiffres CTCI confirment sans ambiguïté l'existence d'un commerce intr a-branche à ce niveau désagrégé, même pour les pays où l'indice intra-branche a diminué.

2. On peut également se placer d'emblée dans la situation la moins favorable en effectuant la comparaison pour l'indice B; qui, en raison de son biais vers la baisse, n'accentue pas dès le départ le phénomène, de sorte que si cet indice conserve toujours une valeur élevée au niveau de la définition la plus fine des données, nous pouvons conclure en toute certitude à la réalité de l'échange intra-branche.

Il ressort de cette comparaison que les coefficients Bj calculés à partir des données de la nomenclature à 4 chiffres sont plus élevés que ceux du tableau 1 dans 8 cas sur 14, aussi bien pour l'année 1977 que pour 1980 ; avec la nomenclature à 5 chiffres, le nombre des pays qui voient leur indice Bj augmenter est passé à sept pour 1977 et à quatre pour 1980. Mais, ici encore, la baisse des indices Bj au niveau le plus fin des données n'est pas à ce point importante pour enlever toute signification au phénomène d'échange intra-branche : tous les indices calculés sur les données de la nomenclature à 5 chiffres, à l'exception de celui du Canada, et, bien entendu, des cas extrêmes à faibles B^ (Espagne, Japon, Australie), ont une valeur supérieure à 50, dont 9 avec une valeur supérieure à 60 pour l'année 1977 ; la physionomie pour l'année 1980 est sensiblement comparable.

3. La conclusion sur la réalité du commerce intra-branche est corroborée par les valeurs élevées des indices moyens intra-branche définis pour l'ensemble des seize pays retenus, d'abord toutes branches réunies, ensuite séparément pour chaque produit de la nomenclature à 4 et à 5 chiffres CTCI (sections 5 et 7). La formule retenue pour le calcul est celle de Grubel et Lloyd (indice non corrigé).

Dans le premier cas, on obtient pour les deux années 1977 et 1980 le même indice moyen de 64 dans la nomenclature à 4 chiffres, et respectivement 61 et 54 dans la nomenclature à 5 chiffres ; alors que l'indice moyen calculé sur les données à trois chiffres est de 58,4 et 59,9 respectivement pour ces deux années.

On trouve réunis dans le tableau 4 les indices moyens calculés pour les produits finement définis, et qui se rapportent à la seule année 1980.

357

Revue économique

Ils confirment là encore sans ambiguïté l'existence du commerce international intra-branche : la décomposition des données en groupes homogènes des biens différenciés ne modifie pas beaucoup l'ordre de grandeur des indices calculés, qui marquent plutôt une nette tendance vers la hausse lorsqu'on passe de la nomenclature à 4 chiffres à celle à 5. chiffres (voir tableau 4).

Tableau 4. Indices moyens du commerce international intra-branche par groupes de produits différenciés, 1980

CTCI 3 chiffres

duit

511

513 522

523 533

541 5S3

592 598

dice

67

70 75

77 72

74 60

72 68

Produits (Section

chimiques 5 CTCP

CTCI 4 chiffres

duit

5112 5113

5138 5221 5224 5231 5334 5335 5416 5831

5832 5833 5834 5922 5983 5989

dice 60 64

61 63 67 64 65 68 68 65

61 70 74 75 66 70

CTCI 5 chiffres

duit

51123 51129 51133 51389 52211 52247 52312 53342 53354 54164 5S311 5S312 58321 58333 58341 59223 59832 59896

dice 60 70 62 70 60 63 62 64 76 62 67 61 61 70 83 70 64 65

Machines l

CTCI 3 chiffres

duit

71 S 724

725 726 728 736 741 745

749 751 759 775 778

786 792 793

dice 53 63

73 61 74 66 72 63

75 57 70 63 73

57 57 64

et matériel de transport Section 7 CTCI)

CTCI 4 chiffres

duit

7188 7243 7244 7246 7247 7259 7263 7281 7362 7414 7451 7452 7499 751 S 7591 7757 7783 7788 7861 7928 793S

dice

61 52 60 66 64 79 51 62 65 62 58 61 79 51 69 73 65 74 48 48 59

CTCI 5 chiffres

duit

718SS 72439 72449 72469 72479 72591 72632 72811 73622 74149 74519 74527 74991 75188 75911 77571 77832 77884 78612 79282 79383

dice

62 63 64 64 64 75 61 72 66 80 61 61 80 66 70 64 69 76 67 60 60

358

Claude Clair, Olivier Gaussens, Duc-Loi Than

4. La diminution de l'indice intra-branclie, calculé pour les produits industriels fortement différenciés au niveau de la nomenclature à 5 chiffres suggère, d'une part, que, sans être une illusion statistique — nous l'avons montré — , l'indice habituellement calculé au niveau de la nomenclature à 3 chiffres tend à surestimer l'importance du commerce international intra-branche, et que cette surestimation ne peut être décelée qu'avec une décomposition des données au niveau le plus fin (nomenclature à 5 chiffres). D'autre part, le fait que l'utilisation des données plus fines puisse conduire à une hausse de l'indice intra- branche nous fait soupçonner que la surestimation de l'indice n'est peut-être pas uniquement imputable à la définition des produits homogènes ou à la couverture- incomplète dont il a été fait mention, mais qu'elle peut également provenir de la considération dans le calcul des indices des flux d'exportation et d'importation toutes destinations et toutes origines confondues, alors que le commerce intra-branche nous apparaît aussi de par sa nature comme un échange bilatéral, entendu au sens d'un échange commercial croisé qu'un pays entretient avec chacun de ses partenaires. Cet aspect de la question a été complètement omis dans la construction des indices intra-branches.

Une question mérite alors d'être posée : le commerce international intra-industriel représente sans doute un commerce croisé de produits différenciés, mais est-il aussi, et dans quelle mesure, un échange croisé entre deux pays et donc composé de flux d'échanges bilatéraux ? C'est à ce problème que nous allons maintenant consacrer notre attention, afin de dégager la nature spécifique de ce commerce.

LA NATURE SPECIFIQUE DU COMMERCE INTRA-BRANCHE ET LE SCHEMA D'INTERMEDIATION

Même lorsque le commerce international est à dominance bilatérale, et la désagrégation au niveau des produits jugée suffisante, la construction d'un indice intra-branche, à partir des exportations et des importations totales d'un pays, est entaché d'un biais vers la hausse : il suffit pour s'en convaincre de se reporter aux différentes formulations du coefficient du commerce intra-branche moyennant une adaptation qui consiste à appeler i le partenaire commercial (au lieu du produit échangé) du pays /, soit Xi3- l'exportation du pays / vers le pays i, et Mi;-

359

Revue économique

l'importation du même pays / en provenance de i. Ce que nous disons alors de la surestimation de l'indice, imputable à l'agrégation des produits, s'applique de la même façon à l'agrégation des échanges bilatéraux de / avec chacun de ses partenaires commerciaux. Un exemple simple limité à un monde tripolaire composé des pays A, B et C permet d'illustrer notre propos, comme le montre le schéma ci-après, où les flèches orientées indiquent la destination de l'exportation.

BUC

L'indice du commerce intra-branche du pays A, calculé sur le commerce total (BUC), s'établit alors à 100, avec un solde commercial nul. Cette situation recouvre en fait deux réalités possibles lorsqu'on désagrège les données :

— le premier cas correspond à des échanges bilatéraux équilibrés de A avec chacun de ses partenaires (cas 1) ; l'indice intra-branche calculé sur les échanges totaux de ce pays reflète une situation où chaque relation bilatérale est identifiée par un indice intra-branche égal à 100. Dans ce cas, il n'y a pas de surestimation de l'indice intra- branche ;

— le second cas représente une situation où une compensation se produit entre un déficit et un excédent commercial de A avec ses partenaires (cas 2). Le solde des échanges bilatéraux de A, en valeur absolue, est égal exactement au montant de son commerce total. L'indice correspondant est nul : l'agrégation des données conduit alors à une surestimation de cet indice (égal à 100 comme nous l'avons calculé).

Cas n° 1 Cas n° 2

360

Claude Clair, Olivier Gaussens, Duc-Loi Phan

La décomposition des échanges d'un pays / en flux bilatéraux, outre qu'elle nous renseigne sur le degré de surestimation de l'indice intra- branche, est donc susceptible de nous éclairer sur la structure du commerce international intra-industiiel, en apportant la réponse à la question de savoir si ce dernier est essentiellement un commerce bilatéral (cas 1), ou au contraire traduit-il un échange « hiérarchisé » 3 portant sur les produits différenciés (cas 2) et qui s'apparente à une situation dans laquelle un pays en position « intermédiaire » A importe en provenance des pays plus compétitifs (tels que C), et exporte vers des pays moins compétitifs (tels que B).

A cet effet, une analyse empirique des données finement définies, tant au niveau des produits (nomenclature à 5 chiffres CTCI) qu'à celui de leur décomposition géographique (il s'agit de flux d'échanges bilatéraux), a été entreprise pour les années 1977 et 1980. Afin de cerner de manière la plus précise possible le concept de biens différenciés, nous avons retenu pour cette étude les produits appartenant aux sections 5 et 7 de la CTCI dont l'indice moyen, rapporté à l'ensemble des seize pays du commerce intra-branche, est supérieur à 60, en adoptant le critère selon lequel le caractère différencié d'un produit est révélé par l'importance du commerce international croisé dont il est l'objet.

Dans une seconde étape, nous chercherons à isoler les pays dont l'indice intra-branche pour chaque produit sélectionné est supérieur à 50 : ceci nous permet de calculer pour chaque produit de l'échantillon et pour le groupe de .pays ainsi identifié, la part de leur commerce intra- branche qui relève uniquement des échanges bilatéraux 4. Les résultats consolidés de ce calcul sont donnés au tableau 5, qui nous apportent une précision intéressante sur la structure spécifique du commerce international intra-branche des produits différenciés : ainsi en 1977 comme en 1980, 72 % des échanges intra-industriels de l'ensemble des seize pays de la zone OCDE proviennent des relations bilatérales qu'entretiennent ces pays les uns avec les autres. Ce pourcentage, convient-il de le souligner, reflète très fidèlement la position qu'occupent les échanges bilatéraux au niveau des composantes de chaque groupe (soit huit pour la section 5 et neuf pour la section 7 CTCI) de produits

3. Au sens que lui donnent B. Lassudrie-Duchêne et J.-L. Mucchielli (op. cit., p. 468).

4. Avec les mêmes notations que précédemment, en appelant X{j l'exportation du pays j à destination du pays i, et My l'importation de / en provenance de i, pour un produit de l'échantillon, cette opération revient à calculer les expressions : a = 2 [(X., + M.;.) — |X., — M.,|] ; et b = ^ [(X., + M.,) — ^ |X„ — Mi}\]

J i i puis à effectuer le rapport b/a.

361

Tableau 5. Structure du commerce international intra-branche de produits différenciés * (milliers de dollars US)

1977 Produits différenciés de

la section 5 CTCI . .. Produits différenciés de

la section 7 CTCI . .

Ensemble

1980 Produits différenciés de

la section 5 CTCI . . Produits différenciés de

la section 7 CTCI . .

Ensemble

Montant des échanges internationaux intra-branche

(a)

873 704

3 384 449

4 258 153

8 375 479

9 772 254

18 147 733

* Pour la définition, voir texte.

Montant ' des échanges bilatéraux

(b)

612 154

2 448 783

3 060 937

5 890 848

7 1S2 231

13 073 079

Part relative des échanges

bilatéraux (b/a)

0,70

0,72

0,72

0,70

0,73

0,72

sélectionnés, comme le confirme le tableau 6 ci-après, qui donne le détail des calculs pour Tannée 1977.

Quant aux résultats récapitulés au tableau 5 pour l'année 1980, ils ont été consolidés pour 43 produits différenciés (nomenclature à 5 chiffres CTCIÏ dont 18 relatifs à la section 5 (produits chimiques), avec un pourcentage des échanges bilatéraux du même ordre au niveau des produits.

a) Lorsqu'on examine la situation individuelle de chaque pays dans le commerce intra-branche de chaque produit différencié, on observe que les pays dont l'indice global du commerce intra-branche (regroupant les produits des sections 5 et 7 CTCI, et ventilés d'après la nomenclature à 5 chiffres) se situe à un niveau élevé (supérieur à 60 et quelquefois largement), sont ceux-là mêmes qui se montrent particulièrement

362

Tableau 6. Structure du commerce international intra-branche 1977 des produits différenciés

Détail des calculs (milliers de dollars US)

Code CTCI Produits

Montant du commerce international intra-branch'e

(a)

Montant des échanges bilatéraux

(b)

169 830 23 806 77 024

128 561 100 050 20 765

58 620 33 543

Part relative des échanges

bilatéraux (b/a)

0,78* 0,60 0,60 0,75 0,67 0,62

0,70 0,67

51 611 Ethers, oxydes 217 990 51 481 Sels et hydrates 39 580 52 246 Oxydes de titane 128 990 53 354 Mastics, enduits pour peinture 170 526 59 223 Gélatines et dérivés 150 055 59 832 Graphite artificiel et collodial 33 322 59 892 Charbons et matière minérale

naturels actifs 83 050 59 896 Catalyseurs composites 50 191

Total (A) 873 704

72 SU Machines-outils pour le travail de la pierre 87 826

73 732 Machines et appareils ques à souder 614 669

74 991 Châssis de fonderie, moules pour métaux 498 965

77 811 Piles électriques et pièces 282 395 77 832 Appareils électriques, signalisa

tion pour autos 564 953 77 881 Electro-aimants 183 069 77 884 Condensateurs électriques .... 805 643 77 887 Pièces et objets en charbon et 314 494

en graphite 79 383 Engins flottants divers 33 435

Total (B) 3 384 435

Total des groupes A + B 4 258 153

* 78 % du commerce intra-branche expliqué par le commerce

612 154 0,70

58 649

475 055

418 427 209 245

435 95S 126 925 585 876 129 757

11891

2 448 873

0,67

0,77

0,84 0,74

0,77 0,70 0,73 0,41

0,36

0,72

060 937 0,72

in tra- bilatéral.

363

Revue économique

actifs au niveau de l'échange des produits : on trouve ainsi réunie dans le tableau 7 la liste des pays les plus activement engagés dans le commerce intra-branche des produits qualifiés de différenciés selon le critère retenu (ceux dont le commerce intra-branche dépasse 60 % du commerce total), liste qui demeure sensiblement la même entre 1977 et 1980, alors que le nombre des produits différenciés est passé dans le même temps de 17 à 40.

Tableau 7. Concentration géographique des échanges internationaux intra-branche

des produits différenciés 1977 et 1980

1977

„ v / i Nombre Pays a échange , j .. , . . ö ,_, de produits mtra-branche intense Fj _ - , ,. ., J concernes au niveau des produits ,-

RFA 81 17 France 71 17 Belgique-Luxembourg 72 16 Royaume-Uni 75 15 Etats-Unis .. 59 13 Pays-Bas 65 12 Suède 65 10 Italie 63 9

1980

Nombre de produits

3 concernés sur 40

75 40 65 36 58 33 ■ 70 36 57 23 67 37 56 23 61 27

Les lre et 3e colonnes du tableau donnent respectivement pour 1977 et 1980 la valeur de l'indice intra-branche F, pour chaque pays, repris au tableau 3. Les 2e et 4e colonnes recensent, toujours pour chaque pays, le nombre de produits différenciés pour lesquels le commerce intra-branche du pays dépasse 50 % de son commerce total. Les chiffres des lre et 3e colonnes soulignent la concentration très marquée du commerce international des biens différenciés de la zone étudiée, soit approximativement l'ensemble des pays de l'OCDE, dans un espace géographique réduit à quelque huit pays caractérisés par un indice F> élevé du commerce intra-branche total (calculé sur les données à 5 chiffres CTCI). Ce phénomène de concentration est en réalité plus saisissant encore si l'on observe qu'au niveau des produits différenciés,

364

Claude Clair, Olivier Gaussens, Duc-Loi Phan

environ la moitié du commerce total ^importations et exportations) est assurée par les pays qui apparaissent à la fois comme gros importateurs et gros exportateurs : les noms des pays qui reviennent le plus souvent dans ce groupe des quatre sont essentiellement la Fiance, l'Allemagne fédérale, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et les Etats-Unis. Notons qu'en particulier, dans l'échantillon des 17 produits retenus pour Tannée 1977, la France et la République fédérale figurent toujours en gros importateurs et gros exportateurs, quel qu'en soit le produit.

En résumé, le commerce international croisé des produits différenciés apparaît fortement concentré, et en permanence, sur quelques pays de la zone qui leur consacrent une part majoritaire de leurs échanges.

/;) En second lieu, l'analyse empirique des données révèle que cet échange intra-branche concentré est du essentiellement aux relations bilatérales qu'entretiennent entre eux les grands importateurs et exportateurs, et qu'au surplus ces relations bilatérales sont plutôt équilibrées : le recensement effectué par chacun des groupes de quatre grands partenaires a montré en effet que les montants respectifs des importations et des exportations qu'ils réalisent se situent sensiblement dans le même ordre de grandeur, du moins en ce qui concerne l'année 1977, la situation de 1980 étant plus contrastée.

L'équilibre des échanges bilatéraux des produits définis strictement comme biens différenciés est apparu en tout cas très clairement pour la France et la République fédérale sur les données de 1977 : ces échanges bilatéraux sont à la fois concentrés et plutôt équilibrés pour 15 produits sur 17.

Cette analyse a été complétée par la construction pour 1977 et 1980 des indices intra-branche Fi;- pour chaque couple de pays (i} j) de l'échantillon effectué sur l'ensemble des produits des sections 5 et 7 CTCI, et définis selon la nomenclature à 5 chiffres. Les résultats obtenus tendent à confirmer ici encore la nature bilatérale du commerce intra- branche, puisque les relations bilatérales les plus intenses (Fh- > 45) s'observent pour ces mêmes pays (relevés au tableau 7) dont l'indice intra-branche Fj calculé sur les mêmes produits se situe au niveau le plus élevé, et dont l'importance du commerce intra-branche a été soulignée au niveau des produits différenciés.

Une comparaison entre l'indice intra-branche F, et la moyenne des indices bilatéraux Fi3 (F,) pour les pays de l'échantillon révèle un forte corrélation positive (R2 = 0,774 pour les deux années 1977 et 1980 réunies) ; ce résultat suggère donc qu'un pays pourvu d'un indice intra- branche F, élevé aura en moyenne des relations bilatérales importantes

365

Revue économique

et inversement. Notons que F3- prend, dans tous les cas, une valeur systématiquement inférieure à F,.

A la lumière de cet examen des données disponibles au niveau le plus fin, la conclusion qui s'impose est que le commerce international intra-branche des biens différenciés est de nature essentiellement bilatérale et qu'au surplus ces échanges bilatéraux sont équilibrés le plus souvent, et fortement concentrés tant en volume que dans leur orientation géographique.

La nature spécifique de ces échanges, révélée dans notre analyse, tend à suggérer assez nettement l'absence d'une hiérarchie des avantages comparatifs, au sens que lui prêtent B. Lassudrie-Duchêne et J.-L. Mucchielli, lorsqu'on parvient, comme c'est le cas ici, à se débarrasser du phénomène d'agrégation dans le calcul de l'indice intra- branche et donc de la compensation qui se produit mécaniquement entre les flux, comme nous avons eu l'occasion de souligner. Bien entendu, cette conclusion ne signifie nullement que le concept d'inter- médiation et de hiérarchisation ne soit pas applicable en général : il nous semble au contraire qu'il conserve toute sa pertinence dans l'analyse des relations commerciales entre les pays à différents niveaux de développement, comme le confirment les travaux des auteurs précédemment cités, ainsi que ceux de F. Vellas [1981].

L'IDENTIFICATION STATISTIQUE DES FACTEURS DETERMINANTS

Notre recherche empirique prend appui sur une base théorique intégrée à laquelle ont contribué les travaux de Krugman, Dixit et Norman, Lancaster et Helpman. En particulier, la formulation théorique due à Helpman et à Lancaster, qui généralise le modèle de Heckscher-Ohlin aux produits différenciés auxquels s'applique la nouvelle approche chamberlinienne de concurrence monopolistique, nous apparaît comme une base adéquate à partir de laquelle on peut envisager une analyse empirique des déterminants de commerce intra- branche. La référence explicite à une base conceptuelle unique, outre qu'elle assure une vision articulée et cohérente du phénomène étudié, nous permet de choisir avec discernement les facteurs explicatifs et d'en limiter le nombre dans la spécification du modèle destiné à l'estimation

366

Cfaude Clair, Olivier Gaussens, Duc-Loi Than

statistique. Il est clair cependant qu il n'entre pas dans notre propos d'envisager une vérification empirique complète de ce modèle, élaboré pour un monde quelque peu idéalisé dans lequel un certain nombre d'hypothèses restrictives trouvent leur place : nous limiterons notre tentative à la vérification empirique de quelques-unes des hypothèses, ou propositions tirées du modèle 5, et de son extrapolation à une situation de libre circulation internationale des capitaux, hypothèses ou propositions qui se prêtent à un test empirique, et qui nous paraissent déterminantes dans l'explication des mouvements d'échanges internationaux intra-branche. en l'état de nos connaissances actuelles sur le plan théorique.

L'idée de départ, développée dans le modèle théorique, est, que . s'agissant de biens manufacturés, le caractère différencié de ces biens traduit le fait qu'ils présentent des qualités, ou des caractéristiques, différentes : aussi le consommateur choisit un bien en fonction de ses caractéristiques, et des proportions dans lesquelles celles-ci se combinent dans le bien. En raison de la grande diversité des préférences individuelles, le panier de marchandises « le plus préféré » de chaque consommateur — pour reprendre la terminologie consacrée — n'est pas le même d'un individu à l'autre, mais ceci n'empêche pas que tous les individus portent un jugement uniforme sur les caractéristiques attribuées à un bien, de telle sorte qu'au niveau de la population tout entière, la demande globale se répartit uniformément sur l'ensemble des biens disponibles à la consommation. Du côté de l'offre, la production des produits différenciés bénéficie des économies d'échelle.

A partir de ces hypothèses, Lancaster et Helpman ont chacun séparément défini les caractéristiques d'un marché de concurrence monopolistique où producteurs et consommateurs sont parfaitement informés, et la liberté d'entrée et de concurrence parfaitement assurée pour toutes les" firmes. Dans ces conditions, chaque firme détient un monopole de production pour un produit, de telle sorte que tout produit différencié n'est fabriqué que dans un seul pays ; alors que l'hypothèse d'identité de structure de consommation retenue pour tous les pays assure que ces derniers consomment tous les biens produits, grace précisément au commerce international intra-branche, dont l'importance sera d'autant plus grande que les partenaires commerciaux auront des dotations factorielles d'autant plus proches.

5. Sans que celles-ci correspondent exactement toutefois à celles que suggère Helpman pour un test empirique.

S67

Choix des variables explicatives et construction des indicateurs

En conformité avec ce schéma théorique, nous avons entrepris de tester :

1. l'hypothèse d'une structure de consommation identique pour tous les pays, considérée ici comme un facteur déterminant du commerce intra-branche, comme d'ailleurs dans la théorie 'tie S. B. Linder [1961], sauf que cette dernière s'applique sans exception à tous les biens et non aux seuls produits différenciés ;

2. la proposition établie par le modèle selon lequel l'identité des dotations factorielles entre les pays conduit à une intensification de leurs échanges intra-branche ;

3. par extrapolation de la proposition précédente, l'hypothèse d'une complémentarité entre mouvements internationaux croisés des capitaux sous la forme d'investissements directs, et mouvements internationaux croisés des biens différenciés.

Ce dernier point, qui n'a pas été abordé dans les travaux de Helpman ni chez Lancaster, appelle une justification. Dans l'analyse de concurrence monopolistique appliquée au commerce international, on sait qu'à l'ouverture à l'échange, le nombre des biens différenciés fabriqués dans chaque pays diminue, mais celui des biens mis à la disposition du public augmente par rapport à la situation autarcique, et que chaque producteur détient un monopole sur sa production. Lorsqu'un équilibre de long terme n'est pas atteint — et il n'existe aucune raison pour qu'il le soit dans la réalité — le profit réalisé par chaque firme monopolistique est positif : cette perspective de gain conduit ces firmes à réaliser une expansion de leur production, par une augmentation de leur taille, ayant recours à cette fin à leurs ressources ou à un financement extérieur.

Cette décision fournit l'occasion aux firmes étrangères immédiatement concurrentes, et dont les productions apparaissent les plus proches, de participer à leurs activités et de tirer bénéfice de cette position de monopole, ainsi que des économies d'échelle réalisées, grâce aux investissements internationaux directs : comme la même opération est pratiquée par les entreprises nationales à l'étranger, il se produit un mouvement d'investissements croisés, qui accompagne celui des échanges intra-branche,

Dans cette optique, l'investissement direct n'est pas considéré comme un substitut à l'exportation pour un pays, comme le suggère

368

Claude Clair, Olivier Gaussens, Duc-Loi Phan

l'analyse de R. E. Caves [1971], mais un moyen pour celui-ci de prendre part à une activité productive bénéficiant du monopole, et d'exploiter à son profit l'avantage comparatif de son partenaire commercial. Notons que le lien de complémentarité entre mouvement international des capitaux et mouvement international des marchandises a été également invoqué par K. Kojima [1975], [1977] à l'appui de sa thèse en faveur de ce qu'il appelle « l'investissement croisé intra-industriel », thèse qui souligne l'effet de création de trafic engendré par un investissement direct dans les branches d'exportation du pays hôte.

Après cette justification théorique, il convient maintenant de porter notre attention à la définition des variables explicatives et à leur construction, en vue de l'estimation statistique.

Identité des structures de consommation

Afin d'effectuer le test de l'hypothèse d'après laquelle l'échange intra-branche de biens différenciés est intensif entre les pays à structures de consommation identiques, nous avons établi pour chaque pays deux variantes de l'indicateur de distance, sous la forme d'un écart absolu moyen.

a) La première variante reprend la formule retenue par F. Gardes [1982] dans son étude comparative des consommations de cinq pays industriels et calcule l'écart absolu moyen des coefficients budgétaires (parts relatives des différents postes de dépense dans le budget de consommation total) par rapport à une structure de consommation moyenne. Il s'agit donc d'un indice de dispersion simple, calculé pour chaque pays sur un budget de consommation ventilé en sept postes, soit en notant EC cet indice et en omettant pour simplifier l'indice j relatif au pays :

(8) EC = _L 2 G - C,|

où Cj désigne le coefficient budgétaire du poste i (pour le pays dont l'indice est omis) et Cj le coefficient budgétaire moyen, calculé sur l'échantillon des seize pays, pour ce poste.

b) La seconde variante retient la même formule de l'écart absolu moyen, mais en l'appliquant à la structure de demande d'importation, soit en appelant EM cet indice de dispersion, calculé sur les importa-

369

Revue économique

tions totales de chaque pays ventilées en sept postes, et en omettant toujours l'indice / :

(9) EM = — — 2 |wu — mi| 7

où nii désigne la part relative du poste i dans les importations totales du pays considéré et m* la part relative moyenne calculée sur seize pays pour le même poste.

Ces deux variantes seront utilisées concurremment dans l'équation de régression, pour identifier plus complètement le phénomène de proximité des structures de consommation : nous avons estimé en effet que l'indicateur EM reflète plus fidèlement la structure de demande des produits faisant l'objet des échanges internationaux, l'indicateur ËC pour sa part recouvre la structure générale de consommation qui inclut aussi bien les services et les marchandises non échangeables, malgré notre vigilance dans le choix de l'échantillon des données élémentaires destinées à son calcul.

Identités des dotations factorielles

Du fait que la production par tête est une fonction strictement croissante du capital par tête, la proximité des dotations factorielles est mesurée ici pour chaque pays, faute d'un meilleur indicateur disponible, par l'écart absolu du PIB par tête par rapport à la moyenne des PIB par tête des seize pays étudiés. On s'attend à ce que cet indice de dispersion du PIB par tête, noté EPIBC en omettant toujours l'indice /, soit correlé négativement à l'indice du commerce intra-branche.

Tout comme pour les structures de consommation, nous avons retenu une mesure peu usitée de la dispersion, l'écart absolu moyen par rapport à une structure de référence (qui est la moyenne de l'échantillon), dans le souci de respecter l'homogénéité des variables destinées à l'estimation statistique, la variable expliquée étant elle-même construite à partir des écarts absolus (entre importations et exportations).

Indicateur d investissements directs croisés

La construction de cet indicateur repose sur deux séries de données rassemblées par J. Savary ([1981], tableau 1), l'une relative aux investissements étrangers dans chaque pays de l'échantillon, ventilés par origine en pourcentage des investissements étrangers totaux, l'autre en taux

•370

Claude Clair, Olivier Gaussens, Duc-Loi Phan

de pénétration réalisé par les capitaux étrangers dans l'économie du pays ; et évaluées l'une et l'autre suivant la disponibilité des données statistiques en termes d'effectifs, de chiffres d'affaires, d'actifs nets ou plus proprement d'investissements (cumulés) contrôlés par les capitaux étrangers.

A l'aide de ces données, nous avons effectué une estimation des capacités productives contrôlées grâce aux investissements directs :

a) dans un pays par l'ensemble des partenaires commerciaux de l'échantillon ;

h) par le pays lui-même dans l'économie des pays partenaires, exception faite pour quatre pays — Australie, Autriche, Danemark et Norvège — dans lesquels le phénomène d'investissement croisé est tenu pour négligeable, en raison de leur dimension économique, mais aussi par manque de données fiables et détaillées disponibles.

La méthode adoptée est la suivante : on estime tout d'abord la valeur de la production nationale contrôlée par l'étranger en appliquant pour chaque pays hôte le taux de pénétration des capitaux étrangers à son PNB de l'année 1976, évalué en dollars des Etats-Unis ; pour avoir ensuite la ventilation de cette production contrôlée par l'étranger suivant les pays d'origine, on applique à cette valeur le pourcentage respectif des investissements étrangers effectués dans le pays hôte par chacun des partenaires de l'échantillon. On obtient ainsi un tableau croisé, donnant en colonne l'estimation en dollars des Etats-Unis des productions contrôlées par les capitaux étrangers dans un pays hôte ; et en ligne les productions contrôlées par un pays dans les pays partenaires.

Ces estimations nous permettent de construire un indice des investissements intra-industriels quelque peu similaire dans sa forme à l'indice du commerce international intra-branche, mais pondéré par un coefficient reflétant l'importance relative des productions contrôlées par le biais des investissements directs croisés. Cet indice quantifie plus précisément l'impact des investissements directs croisés sur l'économie de chaque pays, plutôt que ces investissements eux-mêmes : nous le notons PCID.

Si l'hypothèse de complémentarité entre mouvement croisé des marchandises différenciées et entre mouvement croisé des capitaux est confirmée, on devrait observer une corrélation positive entre cet indicateur et l'indice du commerce intra-branche : plus le contrôle mutuel entre partenaires de leurs économies respectives par le biais

371

Revue économique

des investissements directs croisés est important, plus leur commerce international intra-branche se situera à un niveau élevé.

Indicateur de distance économique

On retient enfin dans la gamme des variables explicatives du commerce intra-branche un indicateur de distance économique, repéré par une variable muette IDIST qui prend la valeur 0 si les données appartiennent à un pays européen et la valeur 1 sinon.

Quant à l'indicateur du commerce international intra-branche lui- même qui entre dans l'équation de régression comme la variable expliquée, nous avons retenu l'indice F, calculé au niveau le plus fin des données disponibles dans la nomenclature GTCI à 5 chiffres des sections 5 et 7, où la différenciation des produits apparaît manifestement la plus marquée. Ceci constitue une amélioration par rapport à d'autres travaux empiriques récents qui retiennent sans exception les données CTCI à 3 chiffres, dont l'inadéquation a été soulignée dans cet article.

Résultats des estimations statistiques

L'identification des déterminants du commerce intra-branche a été effectuée au moyen d'ajustements statistiques par les moindres carrés sur les données spatiales relatives à l'échantillon de seize pays, pour les années 1977 et 1980, les mêmes données pour l'investissement croisé intra-industriel (PCID) et la distance économique (IDIST) ayant été utilisées pour deux années.

Afin de nous prémunir contre le risque d'hétéroscédasticité des résidus lié à la nature de la variable expliquée (F3) — qui prend des valeurs comprises entre 0 et 1 — nous avons utilisé en vue de l'estimation des paramètres du modèle la méthode du LOGIT, concurremment avec les régressions par les moindres carrés ordinaires, en effectuant une transformation des variables retenues dans les équations de régression. Il est apparu cependant que ces calculs ne modifient pas sensiblement les conclusions que l'on peut dégager des régressions par les moindres carrés ayant donné les meilleures estimations. Aussi pour faciliter l'interprétation des résultats, ce sont ces dernières seules qui ont été présentées au tableau 8.

372

H-

Tableau 8.

Estimation

des déterminants

du com

merce international intra-branche (1977-1980)

: régressions

spatiales par les

moindres

carrés (N

ombre

d'observations : 32)

merce

intra- branche

Fj

Fi

F^<*>

Log Fj

Constante

.6335 (12.42)

.9647 (9.03)

.6988 (7.52)

— .6884

(—4.16)

Identité des

dotations facto- rielles

EPIBC

— .0194 (—

.86

— .0384

(— 1.03)

Investissement

PCID

.1145 (1.86)

.1714 (1.58)

croisé (PC

ID)

Log PC

ID

.0073 (1.20)

.0109 (1.94)

Distance

mique

IDIST

— .1139

(— 2.34)

— .1343

(— 3.26)

— .1081

(-2.5

1)

— .1988

(— 2.37)

Identité des

structures de

consomm

ation

EC

Log EC

.0044 (1.37)

— .0430 <♦*> ( 1.99)

.0242 (.69)

.1494 (2.21)

Identités des

structures d'im

portation

EM

— .0039

(-2.7

5)

— .0035

(— 2.85)

— .0047

(-3.7

0)

— .0091

(— 3.65)

R2

.6598

.7399

.7333

.7303

F

13.0

23.0

19.5

17.7

♦ Norvège, Espagne exclus.

** EC est pondéré par Ja part du comm

erce du pays dans le com

merce

total. La statistique

t est

donnée entre parenthèses.

Revue économique

La première impression qui se dégage de ces résultats est que, malgré une spécification du modèle volontairement limitée à un petit nombre de variables explicatives, nos estimations soutiennent tout à fait la comparaison avec les travaux récents consacrés à ce problème — notamment ceux de R. E. Caves, de R. Loertscher et F. Wolter et de Pagoulatos et R. Sorensen (op. cit.) — , en termes de qualité de l'ajustement, et de précision des estimations obtenues, alors qu'elles ne débouchent pas toujours sur les mêmes conclusions formulée par ces auteurs, quant à 1 effet qu'exerce une variable explicative sur l'évolution du commerce intra-branche.

Les enseignements qui peuvent être tirés des estimations réunies au tableau 8 nous paraissent les suivants :

— Les valeurs relativement élevées de R2 et F obtenues dans les quatre équations de régression tendent à souligner l'incidence réelle des variables explicatives retenues, sur le développement du commerce international intra-branche.

Sans doute, la valeur fort élevée de la constante de régression, identifiée avec une grande précision dans toutes les régressions compte tenu de la statistique t correspondante, suggère, comme c'est également le cas dans les autres travaux empiriques, que la spécification du modèle est incomplète. Ceci apparaît certes préoccupant, mais la situation est peut-être moins grave dans notre cas, dans la mesure où nous avons voulu simplement tester quelques-unes des hypothèses précises sur l'évolution du commerce international.

— Si l'on se reporte maintenant au détail des estimations, il est clair que ce sont les coefficients des variables EM (identité des structures d'importations) et IDIST (distance économique) qui ont été estimés avec une très bonne précision partout, et affectés de même du bon signe, ce qui n'est pas surprenant dans le second cas ; l'incorporation dans le modèle d'une variable muette tenant lieu de la distance économique donne généralement de bons résultats.

Mais la stabilité et le signe du coefficient estimé de la variable EM sont davantage intéressants pour notre propos, puisqu'ils tendent à confirmer l'hypothèse qu'une similitude des structures de demande renforce le mouvement des échanges intra-branche des produits différenciés. Cette conclusion doit être cependant nuancée, en raison des résultats peu stables et du mauvais signe obtenus pour le coefficient de la variable EC (identité des structures de consommation), dans trois cas sur quatre.

Il nous a semblé, compte tenu notamment des estimations stables obtenues pour les coefficients de EC et EM dans la seconde équation

374

Claude Clair, Olivier Gaussens, Duc-Loi Than

de régression du tableau 8, qu'aussi bien la structure de consommation générale que celle d'importation conjuguent leurs effets dans le développement du commerce intra-branche, mais il est apparu difficile, à l'exception de ce cas, d'isoler leur incidence respective. Au vu des résultats de l'estimation, celle d'une proximité des structures d'importation, quoique bien réelle, n'apparaît pas dominante cependant.

— L'incidence des investissements directs croisés a été identifiée avec une bonne précision dans deux cas (lre et 3e équations de régression du tableau) : le coefficient de PCID est affecté du signe positif attendu, qui suggère une complémentarité entre mouvement international croisé des investissements directs et mouvement du commerce international intra-branche des produits différenciés. De plus, cette incidence est loin d'être négligeable, comme en témoigne la valeur estimée du coefficient.

Ce résultat tranche assez nettement avec ceux obtenus par E. Pagoulatos et R. Sorensen [1975] et par R. E. Caves [1981] qui retiennent l'hypothèse d'une substituabilité entre l'investissement direct engagé dans un pays hôte et l'exportation des produits différenciés dans ce pays : leurs résultats font apparaître une association négative entre l'indice du commerce intra-branche et celui de l'investissement direct engagé à sens unique dans les pays hôtes étrangers, l'origine de ces investissements étant toujours les Etats-Unis dans les deux travaux cités.

Notons qu'à côté de sa couverture incomplète, ce dernier indice n'est pas non plus une mesure directe de l'investissement américain à l'étranger, mais une approximation.

Quoi qu'il en soit, dans la mesure où l'investissement direct est un phénomène qui se produit dans les deux sens, il nous a semblé plus réaliste en définitive de chercher à distinguer la nature du lien qui le relie au commerce international intra-branche. Les résultats que nous avons obtenus penchent plutôt en faveur d'une complémentarité, qui fait de l'investissement direct croisé un facteur de développement de l'échange international de produits différenciés.

— Enfin, malgré le signe toujours négatif du coefficient estimé de l'indice de dispersion des PIB par tête, qui tend à confirmer la proposition d'une association positive entre proximité des dotations facto- rielles et intensité du commerce international intra-branche, l'instabilité de l'estimation ne nous permet pas de conclure sur la réelle incidence de ce facteur explicatif. Sans aucun doute, la construction très fruste de l'indicateur, qui s'appuie simplement sur une relation croissante entre production par tête et capital par tête, n'a pas pu capter avec suffisamment de précision le phénomène de proximité des dotations factorielle, et explique le résultat peu concluant obtenu.

375

CONCLUSION

Dans cette étude empirique destinée à tester un échantillon d'hypothèses ou propositions émanant de la théorie de la concurrence monopolistique appliquée au commerce international, nous avons pu apporter à quelques-unes des questions consacrées à l'échange international intra-branche des éléments de réponse que l'on peut récapituler dans les termes suivants :

— L'existence d'un commerce international intra-branche ne fait pas de doute au niveau le plus fin des données disponibles (nomenclature à 5 chiffres CTCI). Ce commerce intra-branche, essentiellement porté sur les produits différenciés, se caractérise par une concentration des échanges bilatéraux importants et équilibrés, ce qui tend à exclure rétablissement d'une hiérarchie possible entre partenaires commerciaux, selon l'orientation de ces flux de marchandises.

— Il ressort très nettement de l'estimation statistique que la faible dispersion des structures de consommation renforcée par la proximité économique exerce une influence favorable sur le développement du commerce intra-branche, ce qui contribue à accréditer l'hypothèse retenue par l'analyse de concurrence monopolistique sur l'identité des structures nationales de consommation en fait de produits différenciés.

— Pour ce qui concerne le caractère complémentaire de l'investissement direct croisé à l'égard du commerce international des produits différenciés, la convergence des comparaisons spatiales tend également à le confirmer, alors que l'incidence des dotations factorielles, bien qu'elle semble s'exercer dans le bon sens, n'a pu être identifiée avec précision.

Ce début de vérification empirique de quelques idées forces contenues dans la thèse dun marché de concurrence monopolistique appliquée au commerce international intra-branche se révèle encourageant tout compte fait, en ce qu'il apporte un éclairage nouveau sur l'évolution du commerce international, et bouscule quelques idées reçues qui découlent d'une interprétation par trop mécanique des modèles théoriques traditionnels. A ce titre, il mériterait d'être complété par une étude plus fouillée tant en ce qui concerne la spécification du modèle destiné au test empirique que la construction des variables explicatives plus finement définies, afin d'apporter de nouvelles preuves concordantes sur leur rôle respectif, en particulier ceux attribués aux investissements directs croisés et aux dotations factorielles.

Claude CLAIR Olivier GAUSSENS Duc-Loi PHAN Université Paris-Nord Université de Caen Université Paris-I

Pa'nthéon-Sorbonne

376

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