Arielle GÉVAUDAN-DENÉ
Master 2 d'Histoire et Anthropologie
des sociétés médiévales et modernes
UFR 09
VEIT LUDWIG VON SECKENDORFF
(1626-1692)
ET
SON UNIVERS INTELLECTUEL
Sous la direction de Mme Christine Lebeau
2014 - 2015
Remerciements
Je souhaite avant tout remercier Mme Christine Lebeau pour sa direction éclairée, sa confiance et son enthousiasme à l'égard de mon projet, ainsi que Mme Anne Conchon pour ses conseils avisés et son intérêt pour le sujet.
Je remercie également l'Institut d'Histoire en Allemagne, son directeur Pierre Monnet, ainsi que le Centre Interdisciplinaire d'Études et de Recherches sur l'Allemagne, pour leurs financements qui m'ont permis d'accéder au centre d'archives d'Altenburg et de me procurer de précieux documents pour ma recherche.
Toute ma gratitude s'adresse à l'équipe du centre d'archives d'Altenburg pour son accueil chaleureux, leur aide très précieuse et pour m'autoriser à faire paraître des documents de Seckendorff en annexe.
Je remercie du fond du cœur Suzanne Dené pour son aide inestimable et sa relecture prompte.
Je tiens à témoigner ma reconnaissance à Sarah Van Der Pas pour ses capacités de traductionsalvatrices, à Eric Chraïbi pour son aide à l'égard des textes latins, et surtout à Abigaïl Rabinovitch, cartographe, traductrice et relectrice, qui m'a épaulée pendant cette aventure.
Enfin, ce volume n'aurait pu voir le jour sans la présence d'Élodie Gutierrez et d'Olivier Weller, et de leur soutien indéfectible.
SOMMAIRE
Introduction………………………………………………………………………………..4
I/ L'univers intellectuel de Seckendorff : étude du catalogue de sa bibliothèque………….15
A – Présentation du
catalogue………………………………………………………….15
B – Analyse du catalogue………………………………………………………………
22
1.Répartition géographique des villes
d'édition……………………………………24
2.Répartition des langues dans la
collection……………………………………….28
3.Répartition des dates d'édition des
ouvrages…………………………………….29
4.Catégories du catalogue, thèmes des
ouvrages………………………………….30
5.Formats
d'édition………………………………………………………………...34
C – La collection de Seckendorff en contexte…………………………………………
43
II/ Écritures autour de la bibliothèque……………………………………………………..49
A – Présentation des
sources…………………………………………………………..49
B – La bibliothèque de Zeitz : un aperçu de la constitution de la collection de
Meuselwitz………………………………………………………………………………...55
C – Les glossaires de Meuselwitz ou l'organisation du
savoir………………………...65
1
III/ L'influence de la communauté européenne des savants……………………………….73
A – Présentation des
sources…………………………………………………………..73
B – La création
assistée………………………………………………………………..76
C – Participer à la République des
Lettres…………………………………………….86
Conclusion………………………………………………………………………………….93
ANNEXES…………………………………………………………………………………96
Annexe 1 : Première page du catalogue de Meuselwitz (folio 1, 1691)
……………….96
Annexe 2 : Cahier central du catalogue de Meuselwitz (folio 25, 1691)………………
97
Annexe 3 : Livres de théologie in-12, avec ajouts de la seconde écriture
(folios 7, 1691)
………………………………………………………………………...98
Annexe 4 : Graphique de la répartition des dates d'édition par
décennies…………….99
Annexe 5 : Graphique de répartition des dates d'édition de 1640 à
1686……………..100
Annexe 6 : Liste de livres du 4 février 1678 (folio 88, 1059)
………………………...101
Annexe 7 : Page de l'index du glossaire général (folio 2, 1073)
……………………...102
Annexe 8 : « Objectiones politicae quaedam earumque decisiones » de l'index
politique (folio 4, 1074)
………………………………………………………………………....103
2
Annexe 9 : Liste de livres du 21 novembre 1681 (folio 91, 1059)
…………………....104
Annexe 10 : Liste de livres du 5 mars 1680 (folio 94, 1059)…………………………
105
Annexe 11 : Liste de livres d'août 1671 (folio 101, 1059)
…………………………....106
Annexe 12 : Folio 122,
1059………………………………………………………....107
Annexe 13 : « Catalogue de quelques livres françois » (folios 96-97, 1059)
………...108
Annexe 14 : Listes jumelles (folios 99 & 100, 1059)…………………………..
…….110
Annexe 15 : Liste de livres corrigée (folios 105-106 ; 108-110, 1059)……….
……...113
Annexe 16 : Liste organisée (folios 112-113v;120-121v, 1059) …………….
……….120
Annexe 17 : Listes d'ouvrages imprimés (folios 116-118, 1059)………………….
….123
Annexe 18 : Lettre d'Otto Mencke (folio 93, 1059)……………………………....
…..128
Annexe 19 : Page « Libertas » du glossaire général (folio 25 verso, 1073)
………......129
Annexe 20 : Page « Libertas » du glossaire théologique (folio 60, 1075)
………….....130
Annexe 21 : Transcription et traduction de la lettre de Christoph Cellarius (folios 27
et verso, 1068). ………………………………………….
……………………………….131
3
Annexe 22 : Copie de l'article du Journal des Savants (folios 319-320, 1068)
……....132
Annexe 23 : Lettre de Jean Vimielle (folios 72-73v, 1068)
…………………………..135
Annexe 24 : Transcription de la lettre de Jean Vimielle (folios 72-73 verso, 1068)
….139
Liste des figures…………………………………………………………………………...141
Sources & bibliographie…………………………………………………………………..142
4
INTRODUCTION
Lorsque Robert Mandrou affirmait en 1973 qu'il choisissait de s'intéresser à « des hommes
exprimant leurs pensées, leurs rêves, leurs affections, dans leur milieu historique » en s'éloignant
des méthodes classiques de l'histoire des idées, il ouvrait le chemin vers l'histoire culturelle et tout
particulièrement vers une branche toute récente de celle-ci : la biographie intellectuelle. C'est ce
chemin que nous avons essayé de suivre dans notre précédent travail en nous attachant à la figure
d'un homme méconnu de l'historiographie récente, mais qui a fait l’objet de nombreuses études
pendant plusieurs siècles. Veit Ludwig von Seckendorff (1626-1692), présenté alternativement
comme historien, homme politique, jurisconsulte, écrivain, théologien ou érudit, est un personnage
qui a su garder tout son mystère malgré plus de trois cents ans de recherches historiques. Alors que
l'Europe du XVIIe siècle est le royaume des savants universels, qui se piquent tour à tour de
médecine, d'astronomie, d'histoire ou de politique, Seckendorff n'a jamais bénéficié de cette
étiquette. Il a pourtant produit un grand nombre d'ouvrages qui explorent des thèmes très divers,
preuves de sa curiosité qui le pousse à disserter sur une multitude d'objets. Mais chaque article
s'attachant à l'étudier n’aborde qu’un aspect du savant, sans jamais proposer une approche
globalisante qui surpasserait l'image fragmentée qui est répétée au fil des études. C'est tout le
paradoxe de ce personnage : il a très rapidement été reconnu comme une figure incontournable de
son siècle, apparaissant dans un bon nombre de dictionnaires biographiques, mais tous les articles
qui lui sont consacrés répètent les mêmes informations glanées par les premiers chercheurs. Face à
la richesse inexploitée de ce personnage, qui a produit des écrits très divers et entretenu une
correspondance massive avec certains des plus grands esprits de son siècle, nous avons voulu
proposer une approche capable de faire la synthèse de ses multiples facettes. Nous cherchons à
percevoir l'unité de sa production intellectuelle, restée irrémédiablement éclatée. C'est ce que nous
désirons étudier et la biographie intellectuelle nous a offert des méthodes tout à fait adaptées à ce
projet.
Son objet n'est pas le savant lui-même, mais son œuvre, qui doit être comprise à travers une
recontextualisation systématique. Il ne s'agit pas de simplement comprendre le contenu de ses
écrits, de nombreux historiens ont déjà produits quantité d'ouvrages à ce sujet, mais de comprendre
d'où viennent ses idées et comment elles ont été utilisées par la suite. La biographie intellectuelle
s'offre comme objectif d'étudier à la fois l’œuvre et l'auteur, ce dernier étant la condition d'existence
de la première : tout le vécu qui rend Seckendorff distinct d'un autre savant détermine
drastiquement le type d’œuvre qu'il va produire. Il s'agit donc de reconnaître qu'un auteur est un être
5
individuellement et socialement situé, qui donne naissance à des textes inscrits dans un univers
culturel précis. Nous ne pouvons étudier l'auteur et son œuvre comme des entités coupées du
monde. Or, nous avons fait l'impasse sur cet aspect lors de notre précédent travail. À travers le
survol de plusieurs documents inédits, nous avions amorcé notre entreprise par l'étude des méthodes
de travail du savant, afin de retrouver les sources de ses connaissances. Mais ce faisant, nous l'avons
coupé de l'univers intellectuel qui l'entourait et déterminait grandement la nature de ses recherches.
Avec un corpus somme toute assez réduit nous avions seulement esquissé un portrait un peu
différent du savant en mettant à jour des sources jusqu'à lors inconnues, offrant des indices sur son
insertion dans une vaste communauté d'érudits, mais dont nous n'avions pas tenu compte. Nous
entendons ici rectifier cet écart en nous attachant à relier Seckendorff à son environnement et à son
siècle, riche en bouleversements sociaux, techniques et intellectuels.
Le parcours qu'a suivi le savant jusqu'à sa mort à la fin du XVIIe siècle est à la fois très
proche du cheminement des érudits de son époque, et se distingue singulièrement sur de nombreux
points.
Veit Ludwig von Seckendorff naît le 20 décembre 1626 dans une famille noble de Franconie. Il a
ainsi la chance d'être relativement protégé des effets directs de la guerre de Trente ans, qui sévit
depuis huit ans au nord du Saint-Empire, et de bénéficier tôt d'une bonne éducation : à cinq ans il
sait lire et écrire le latin. Les liens que son père entretient avec le futur duc Ernest le Pieu lui
assureront par la suite une excellente éducation. Il entre ainsi en 1639, à 13 ans, au lycée de Coburg
et fréquente les jeunes enfants du duc tout en participant à leur éducation. On considère
généralement qu'il intègre le lycée de Gotha un an plus tard, mais un article de Roswitha Jacobsen
affirme qu'il n'y entre que le 6 février 16411. Quoiqu'il en soit, Seckendorff fait partie du
« gymnasium illustre », qui accueillera en deux ans plus tard un des plus grands pédagogues du
siècle, Andreas Reyher. Le jeune Seckendorff se trouve donc dans une institution aux méthodes
d'avant-garde en ce qui concerne l'éducation, et qui l'inspirera bien plus tard pour ses traités
d'éducation et de pédagogie. Seckendorff semble donc sur le chemin d'un avenir prometteur, et ce
aussi grâce à son esprit éveillé. Néanmoins, en 1642, son père meurt, considéré comme traître. Il
est exécuté, et la famille Seckendorff se retrouve sans ressource.
C'est toujours grâce à la protection d'Ernest le Pieu que le jeune homme peut
continuer à étudier, puisqu'il lui accorde une bourse lui permettant d'intégrer, la même année,
l'université de Strasbourg. Celle-ci a été modernisée et s'écarte sensiblement de l'école
aristotélicienne qui règne dans toutes les universités du Saint-Empire en adoptant des cursus plus
1 : Jacobsen, Roswitha. “Die Brüder Seckendorff und ihre Beziehungen zu Sachsen-Gotha.” In Ernst Der Fromme (1601-1675) : Staatsmann und Reformer : Wissenschaftliche Beiträge und Katalog Zur Ausstellung, Jena: Quartus, 2002 : p95.
6
orientés vers les réalités historiques et politiques. Seckendorff y suit des cours de droit, d'histoire et
de philosophie, mais manifeste un intérêt pour la théologie, sans que l'on sache s'il en suivra un
enseignement ou non2. Toute l'historiographie jusqu'à lors s'est accordée pour dire que Seckendorff
passa trois ans à Strasbourg. Mais Jürgen Rainer Wolf a quant à lui démontré qu'il n'y demeura que
quatre semestres et qu'il entrait à l'université au printemps 1642 et non le 11 octobre3. Cette
correction ne pose pas de gros problème à la chronologie établie, si ce n'est qu'elle réduit de
beaucoup le temps que passe le jeune savant en milieu universitaire, lieu le plus propice à la
constitution d'un réseau de relation, qui s'ajoute aux influences intellectuelles que le jeune homme
reçoit à Strasbourg. Seckendorff fait ainsi la connaissance de Heinrich Boecler, lui-même proche de
Leibniz, Conring, Pufendorf et Boineburg. Boecler l'introduit dans un cercle de connaissances se
rattachant à l'université d'Uppsala, et qui lui inculque probablement un fort attrait pour les Pays-
Bas, province en plein essor et resplendissant de tolérance religieuse face aux conflits qui
ensanglantent toujours le Saint-Empire. Sa curiosité envers cette contrée en plein essor culturel, qui
supplante l'Italie sur la scène intellectuelle européenne, va en grandissant et ce sera mu d'une
véritable fascination qu'il pourra brièvement se rendre dans ces territoires quelques années plus tard.
D'où il revient encore plus inspiré qu'il ne l'était lors de son départ.
Seckendorff quitte donc Strasbourg, en 1644 ou en 1645, prend brièvement un poste
d'officier auprès du comte d'Hessen-Darmstadt, s'essayant à la profession militaire en honneur à son
père, mais il est très vite rappelé par Ernest le Pieu qui souhaite lui offrir une place à la cour. Il entre
ainsi en tant que Hofjunker à Gotha en 1646 et est avant tout chargé de s'occuper de l'aménagement
de la bibliothèque ducale. Avec le création du duché de Saxe-Gotha en 1640, Ernest a choisi Gotha
comme ville de résidence, et afin de mieux asseoir son pouvoir, a lancé d'importants travaux pour la
construction d'un nouveau château pour sa cour. La première assignation de Seckendorff est donc de
ranger la collection de livres du duc dans une salle du dernier étage de l'aile ouest4. En-dehors de ce
travail, le jeune homme ne bénéficie pas de rôle clairement défini et bénéficie donc de beaucoup de
temps pour se consacrer à ses lectures et études au sein de la bibliothèque. Dès 1647, celle-ci est
régulièrement enrichie des nouveautés littéraires glanées aux foires de Francfort et de Leipzig. En
2 : L'article de Michael Stolleis apporte de nombreux détails sur les études de Seckendorff à Strasbourg et sur le cercle de collègues qu'il s'y constituera. Voir Stolleis, Michael. “Veit Ludwig von Seckendorff.” In Staatsdenker im 17. und 18. Jahrhundert. Reichspublizistik - Politik - Naturrecht. Francfort sur le Main: Alfred Metzner Verlag, 1977 : p150-151.
3 : Wolf, Jürgen Rainer. “Seckendorff Und Die Versuche Zur Reform Des Hessen-Darmstädtischen Finanzstaates Unter Landgraf Ludwig VI.” In Hundert Jahre Historische Kommission Für Hessen 1897-1997, Walter Heinemeyer, Veröffentlichung Der Historischen Kommission Für Hessen 61, 1997 : p513–552, via Jacobsen, Roswitha, 2002 : p95.
4 :Laube, Stefan. “Text und Rede zwischen Pflicht und Muße. Freiherr von Seckendorffs Praktiken der Wissenserzeugung.” In Polyhistorismus und Buntschriftstellerei. Wissenskultur und Wissensvermittlung in der Frühen Neuzeit. Berlin: Flemming Schock, 2012 : p172.
7
plus d'établir un catalogue, de classer et ranger les ouvrages, Seckendorff doit rendre compte de ses
lectures au duc, et tout particulièrement celles utiles à l'art de gouverner. Le jeune bibliothécaire a
donc tout loisir d'enrichir ses connaissances, non plus sous la tutelle de l'université, mais sous celle
du prince5. Ses attributions, à la fois bibliothécaires mais aussi instructeur du prince si ce n'est
lecteur, ne sont pas étranges : Charles Dantal, le lecteur de Frédéric II, était à la fois chargé de lire
des ouvrages au roi, mais aussi de « commissions de livres » et du rangement de la bibliothèque6.
Déjà à son arrivée à la cour, il avait surpris ses collègues et même le duc par la « manière dont est
fait sa tête » : il n'est point à douter qu'il su largement tirer profit de sa liberté. Preuve en sont les
nouvelles connaissances qu'il acquiert ou perfectionne : en politique, histoire, géographie,
mathématiques et généalogie, et il apprend également à lire l'espagnol, l'italien, le danois, le suédois
et perfectionne sa connaissance du grec, de l'hébreu et du français. La bibliothèque de Gotha est
donc le lieu de l'apprentissage par excellence, où le jeune homme se révèle pour la première fois
comme un hommes de lettres, se nourrissant de livres et de nouveaux savoirs.
Après deux ans de cette grande liberté, Seckendorff entame son parcours politique en
devenant Kammerherrn. Il gravit rapidement les échelons en entrant au Kammerrat et au Geheimen
Hof en 1656 et publie cette même année l'ouvrage qui le rendra célèbre : le Teutscher Fürsten-Stat.
La publication de son premier livre est l'achèvement et le couronnement de ses années de formation
et lui fait accéder au statut de savant, qui se distingue avant tout par sa production écrite. Le
Fürsten-Stat est réellement le premier pas de Seckendorff dans l'érudition, bien que la nature de
l'ouvrage le rapproche plus du guide pratique que de l'essai philosophique savant. Composé comme
un manuel présentant une méthode de gestion d’État, il rencontre rapidement un grand succès et fait
de Gotha le modèle même du petit État germanique moderne. Si cette œuvre rencontre un franc
succès, ce n'est pas que grâce aux thèses modernes qui y sont soutenues, mais parce qu'il laisse
largement place aux exemples concrets tirés de la pratique du jeune administrateur. Celui-ci n'a
d'ailleurs pas le seul mérite de sa rédaction : le duc a commandé l'ouvrage et surveillé le travail de
son protégé, mais Seckendorff a également tiré beaucoup d'informations de la préparation de
l'enquête sur l'économie, la démographie et toutes les statistiques pouvant être récoltées sur le duché
(Landesordung) par le Ratskollegium. Son premier ouvrage est donc moins un écrit attestant ses
5 : Le jeune homme a le privilège de pouvoir se former « fast wie ein Privatgelehrter (…). Fast, denn das ist die Bedingung : Der Herzog will wissen, was Seckendorff treibt, und er will selbst unmittelbar davon profitieren. Er lässt sich vortragen, welche Erkenntnisse seine Protegé (…) erlangt, und lässt sich von ihm zugleich demonstrieren,worin der praktische Nutzen dieser Kenntnisse für das Staatswesen bestehe. » [...se former presque comme un érudit indépendant. Presque, c'est là toute la différence : le duc veut savoir ce que Seckendorff étudie, et il veut en profiter sans concession. Il se fait réciter les connaissances que son protégé acquiert, et lui demande de lui démontrer l'apport pratique de ces connaissances pour la gestion d'un État.] R.Jacobsen, 2002 : p98.
6 : Françoise Waquet, Le prince et son lecteur. Avec l'édition de Charles Dantal, « Les délassements littéraires ou heures de lectures de Frédéric II ». Paris : Champion, 2000.
8
qualités d'érudits synthétisant ses connaissances que le mémoire d'un administrateur de talent
partageant ses méthodes de gestion. Ce livre est le plus important de ses œuvres si l'on étudie
Seckendorff du seul point de la politique : il marque une date importante parmi les écrits des
caméralistes.
L'année suivant la publication du Fürsten-Stat, Seckendorff obtient un nouveau poste en
devenant juge au Hofgericht de Jena. La même année, il accompagne les deux princes de Gotha
dans un voyage de plusieurs mois aux Pays-Bas. Le « Grand Tour » des jeunes nobles est une
pratique extrêmement commune et même presque systématique au XVIIe et XVIIIe siècles, les
princes sont toujours accompagné d'un tuteur pour veiller à leur éducation. Toutefois, les deux fils
d'Ernest ne partent pas faire un long voyage en Europe, mais se concentrent sur une seule province,
qui présente un dynamisme spectaculaire depuis près d'un siècle. Le pendant intellectuel de ce
voyage européen pour les héritiers est la « peregrinatio erudita », le voyage savant, pour les érudits.
« Le voyage s'affirme comme une quête savante aux sources du savoir : la visite des hommes
illustres de la République des Lettres, le séjour dans les grandes bibliothèques sont les stations
obligatoires de ce pèlerinage. (…) Le voyage doit favoriser les contacts personnels, l'introduction
dans les cercles érudits de l'Europe lettrée, contribuant ainsi à l'organisation et à l'enrichissement
d'un réseau savant. »7 Les jeunes érudits entreprennent un voyage de parfois plusieurs années pour
visiter des cercles de savants et s'insérer dans la communauté internationale des intellectuels.
Seckendorff n'effectue pas un tel voyage : il se borne d'accompagner la progéniture du duc dans une
visite de quelques mois au plus. Certes, les Pays-Bas est la contrée la plus dynamique du siècle au
niveau intellectuelle, où le marché du livre est fleurissant, mais elle ne peut remplacer une visite
prolongée dans d'autres pays. Nous ne savons pas si Seckendorff profite de ce voyages pour entrer
dans les bibliothèques néerlandaises, ni s'il y rencontre des savants, mais il revient enchanté et
encore plus admiratif qu'il ne l'était avant son départ. Sa fascination se ressent à travers les
Additiones qu'il ajoute à la 3e édition du Fürsten-Stat en 1664 : il y soulève des questions politiques
et sociétales fortement marquées par le fonctionnement hollandais.
Seckendorff ne publie son second ouvrage qu'en 1662, cette fois-ci sur le fonctionnement du
lycée de Gotha et sur l'enseignement du latin. On peut voir dans le choix de ce sujet l'influence
d'Andreas Reyher et de ces méthodes éducatives nouvelles. Les centres d'intérêt du savant ne
semblent pas dépasser les frontières du duché, à moins que ses fonctions administratives ne lui
laissent pas assez de temps pour s'adonner à d'autres sujets. La suite de sa carrière à Gotha se
pouruist d'ailleurs sans de nouvelles publications : Seckendorff continue de grimper les échelons et
7 : Paul Dibon, Françoise Waquet, Johann Fredericus Gronovius : pèlerin de la République des Lettres. Recherches sur le voyage savant au XVIIe siècle. Genève : Droz, 1984 : p19.
9
un an plus tard, il atteint le sommet de sa carrière à la cour, en devenant directeur du Konsistorium,
et en entrant au Geheimer Rat. Mais contrairement à ce qu'il est généralement attesté, il ne devient
pas chancelier, mais « Präsidenten von Regierung und Kammer », charge la plus illustre et la mieux
rémunérée de toute la cour8. Ce soudain cumul de toutes les plus hautes fonctions administratives
du duché dénotent la talent de l'administrateur et de la faveur que lui accorde le souverain, mais cet
attachement n'est pas réciproque. En novembre 1663, le même mois que son entrée au Geheimrat,
Seckendorff rédige un document dévoilant les multiples raisons qui le poussent à quitter le duché,
ce qu'il fera effectivement en août 1664. Nous ne savons si le souverain a eu ce document entre les
mains, mais il n'a jamais été rendu public et a été redécouvert il y a 15 ans dans les archives
personnelles de Seckendorff. Ce document était connu de quelques chercheurs et biographes, mais
tous se sont arrêtés à la première raison avancée par l'administrateur : le cumul de toutes ces
fonctions de premières importances l'éreintaient et ne lui laissaient pas assez de temps libre pour se
consacrer à ses propres recherches. Néanmoins, cet argument est très difficile à croire lorsque l'on
sait que Seckendorff a accepté les même mandats et encore plus de responsabilités dans le duché de
Hessen-Darmstadt, et ce avant même d'avoir adressé sa démission à Ernest le Pieu. Il se retrouve
ainsi chargé du gouvernement (Regierung) et de la Kammer, mais il est également chancelier de ce
nouveau duché et est donc responsable des affaires de police et de justice (Justiz- und
Polizeisachen), et ce pendant 17 ans, de 1665 à 16819. Les véritables raisons de son départ résident
dans la suite du texte, où il est laissé entendre que l'élément déterminant de son départ reste les
méthodes d'Ernest, qu'il juge contre-productives et qui dérangent grandement l'efficacité de
l'administration :
« dessen Weise sich in die Arbeit der Kollegien einzumischen und den Ablauf der
Geschäfte zu stören, die Beamten nicht nur mit wichtigen Angelegenheiten, sondern vor
allem auch mit gänzlich unwichtigen Sachen zu behelligen und sie damit von ihren
eigentlichen Aufgaben abzuhalten ; Ernsts Missenachtung wichtiger Geschäfte,
besonders der Justizsachen, und demgegenüber sein Hang zu unangemessenem
Aufwand bei geringen Dingen, die durch ein Wort zu klären wären (…). »10
Il apparaît donc évident que ce ne sont point les devoirs dont il chargé qui lui pesaient, mais bien la
manière dont le souverain dirigeait son gouvernement qui rendaient ses travaux pénibles et
8 : R.Jacobsen, 2002 : p99. 9 : R.Jacobsen, 2002 : p10110 : [sa façon de s'immiscer dans le travail des collègues et de perturber la conduite des affaires, de déranger les
fonctionnaires non seulement avec des questions importantes mais surtout avec des choses sans aucune importance et d'ainsi les détourner de leurs devoirs ; le mépris d'Ernest pour les affaires importantes, en particuliers les questions judiciaires, mais son attrait pour les choses futiles qui devaient être traités en un mot…] R.Jacobsen, 2002 : p101.
10
laborieux. Preuve en est que Seckendorff deviendra le Landschaftsdirektor de Gotha en 1676, c'est-
à-dire un an après la mort d'Ernest le Pieu…
Les 17 ans qu'il passera à Zeitz au service du duc Mortiz ne sont marqués par aucun
événement particulier : Seckendorff ne publie pas de nouvel ouvrage, mais obtient deux autres
charges à Altenbourg et au Geheimrat de Saxe. Cette période de sa vie n'a que très peu été étudiée :
tous les articles à sont sujet ne reprennent que les mêmes dates et faits de son expérience à Zeitz,
préférant s'attarder sur ses écrits, sa jeunesse à Gotha ou ses dernières années à Meuselwitz. Il
semble que Seckendorff ait été bien trop occupé par ses mandats pour s'adonner à ses études comme
il le faisait à son arrivée à Gotha.
C'est à la suite de la mort du duc Mortiz en 1681 que Seckendorff démissionne de ses
charges, ne gardant que ses fonctions à Altenbourg. Puis il se retire dans son château à Meuselwitz
en 1682, afin de se consacrer à ses études et de devenir un véritable « Stubengelehrter »11. Il entame
alors une correspondance intensive avec de nombreux savants, dont Philipp Jakob Spener, participe
très activement aux Acta Eruditorum, et publie une dizaine d'ouvrages entre 1685 et 1692. Celui qui
ne fut toute sa vie qu'un administrateur et petit rédacteur de traités pratiques de politique, pédagogie
ou de droit devient un savant à part entière en s'adonnant enfin à l'étude de la théologie. Sa première
œuvre fruit de sa retraite est le Christen-Stat, inspiré de Leibniz et des Pensées sur la religion de
Pascal12. L'ouvrage peint une image de la chrétienté du XVIIe siècle et dénote dans sa troisième
partie une forte tendance œcuménique, propre à la génération ayant vécu la guerre de Trente Ans et
ses horreurs. Le savant publie également un ouvrage de philologie, ainsi qu'une description et
analyse de la Constitution du Saint-Empire. Ses domaines d'études s'élargissent donc, mais ces
ouvrages, bien que de qualité, ne lui apportent pas la renommée au sein de la République des
Lettres. C'est le Commentarius historicus et apologeticus de Lutheranismo, publié en 1688, en
réponse à l'ouvre de Pierre Maimbourg, qui le fait connaître de tous les savants allemands et
français, et le hisse au statut de sauveteur du Protestantisme, de chevalier transperçant de sa plume
les insultes catholiques. Cet ouvrage se présente comme un véritable livre de science humaine,
utilisant une grande quantité de document pour démontrer la véracité des faits et appuyer les thèses
de l'auteur. Seckendorff apparaît alors comme un homme de qualité à l'esprit vif et brillant. On peut
voir dans cet ouvrage élégant l'expression de son attachement à la théologie qu'il a toujours
conservé depuis ses études, sans pouvoir y consacrer le temps nécessaire à la production de grands
ouvrages. Sa retraite lui permet alors de réaliser des projets ambitieux, à l'égal de ses capacités.
11 : [savant de salon], Stefan Laube, 2012 : p179. 12 Bernd Roeck. “Seckendorff, Veit Ludwig von.” Literaturlexikon – Autoren Und Werke Des Deutschsprachigen
Kulturraumes. Berlin, Boston: De Gruyter, [1988-1993]
11
Toutefois, il n'aura pas l'opportunité de se consacrer à d'autres grands projets avant sa mort en 1692.
Nommé chancelier de la nouvelle université de Halle, il ne pourra pas non plus profiter de ce
nouveau poste qui lui fait rejoindre le milieu universitaire où beaucoup d'érudits exercent.
Seckendorff n'eut donc jamais d'emplois à l'université, contrairement à la majorité des savants de se
siècle, qui occupent les chaires de philosophie, théologie ou de sciences naturelles. Peut-être est-ce
ici la différence principale entre notre érudit et les savants universels de ce siècle : alors que
Hermann Conring pratiqua la médecine une grande partie de sa vie tout en l'enseignant et en
rédigeant des ouvrages à ce sujet, sans que cela gêne la production d'essais sur d'autres thèmes,
Seckendorff n'a publié qu'un seul ouvrage relatif à sa profession, et a attendu la toute fin de sa vie
pour reprendre son activité intellectuelle. Il n'a pas accumulé les dissertations lors de sa carrière
politique, et le contenu très imprégné de pratique de ses écrits le distingue également des érudits
versés dans le discours théorique.
Seckendorff apparaît comme une sorte de savant contrarié, désirant être érudit, mais ne
pouvant réaliser ce désir en même temps que sa carrière. Cette différence fondamentale ne peut être
comprise et expliquée que si l'on prête attention à l'environnement dans lequel évolue Seckendorff.
Nous avons présenté une biographie assez développée de notre savant afin déjà d'établir des liens
entre ses écrits et son vécu. Mais seule la contextualisation de ce parcours peut nous apporter du
sens. Et le XVIe siècle se définit avant tout comme le siècle de l'érudition, où le savoir se diffuse
peu à peu en dehors du stricte cercle des savants, tout en entraînant un élargissement de celui-ci. Au
centre des bouleversements intellectuels se trouve l'accélération de la production d'imprimés, qui se
traduit par un véritable flot de publications et la multiplication des centres d'impressions à travers
toute l'Europe. Les ouvrages, les pamphlets inondent le marché du livre, qui fait passer la « librairie
d'Ancien Régime » à la « librairie de masse »13. Ce phénomène permet une infiltration à tous les
niveaux des ouvrages mais aussi la possibilité d'imprimer très facilement n'importe quel texte, d'où
une multiplication des savants autoproclamés et des écrivains, ce qui n'a pas la meilleure incidence
sur le monde intellectuel. « La multiplication des écrivains, et le fait qu'ils sortent de la seule orbite
du monde des privilégiés, la multiplication aussi des livres, ont eu pour conséquence une certaine
déqualification de leur statut : on imprime n'importe quoi qui puisse rapporter. »14 Qui alors, peut se
réclamer comme érudit ? Quel livre contient des connaissances fondées et solides, propices à la
naissance de thèses scientifiques ? La transformation de l'économie de librairie à travers la
13 : Frédéric Barbier, « De la République des auteurs à la République des libraires : statut de l'auteur, fonctions et pratiques de la librairie en Allemagne au XVIIIe siècle », In Frédéric Barbier, Sabine Juratic, Dominique Varry (dir), L'Europe et le livre:réseaux et pratiques du négoce de librairie, XVI-XIXe siècle. Paris : Klincksieck, 1996 : p415. Pierre Bayle parle en 1687 « d'arrêter le torrent de livres qui grossit de jour en jour », cité dans H. Laeven, 1990.
14 : Frédéric Barbier, 1996 : p 427.
12
recherche de profits change non seulement le contenu des ouvrages imprimés, mais également le
public qui est ciblé, et l'insertion du vernaculaire vient encore compliquer le tableau du monde
intellectuel du XVIIe siècle : « Chez nous, un lettré [Gelehrter] est très rarement un homme de
lettres. C'est un théologien, un juriste, un médecin, un philosophe, un professeur, un maître d'école,
un directeur, un recteur, un co-recteur, un sous-recteur, un bachelier, et il n'écrit que pour lui, pour
ses auditeurs et pour ses subordonnés. Ce petit peuple de lettrés et d'apprentis lettrés, qui compte
peut-être 20 000 personnes, méprise si cordialement les autres vingt millions de gens qui, eux aussi,
parlent allemand, qu'il ne se donne pas la peine d'écrire pour eux. »15 L'épicentre de cette
communauté bouillonnante est le livre, le premier vecteur de connaissances, qui se trouve
également au centre des préoccupations des érudits, qui s'efforcent de se constituer des collections
d'ouvrages qui les guident dans leur travail intellectuel. La bibliothèque est là où s'exprime le mieux
l'univers d'influences auquel est soumis le savant, elle offre une possibilité inédite de lecture d'un
milieu social, pour les bibliothèques publiques, ou d'un individu, pour les bibliothèques privées.
Preuve en sont les nombreux travaux récents qui s'attachent à l'étude de la collection privée d'un
individu, faisant de cette thématique une branche à part entière de l'histoire intellectuelle16. La
fascination pour les collections de livres n'est pas récente, et la visite de bibliothèques étrangères et
le principal objectif du voyage savant : « le voyage se poursuit dans un univers neutre dont les seuls
châteaux sont les bibliothèques, les uniques trésors les manuscrits. »17 Le savant y pénètre comme
dans un temple, qui sert souvent de métaphore pour désigner ce lieu dédié à la connaissance. C'est
dire toute l'importance que porte l'érudit à sa collection. Dès lors que nous avons trouvé le catalogue
de la bibliothèque privée de Seckendorff il nous est apparu comme le document essentiel à notre
étude, qui nous ouvre mieux qu'aucun autre une entrée dans l'univers culturel du savant. En
s'attachant à comprendre la logique de sa collection et son contenu nous débrouillons le réseau
d'influences qui détermine les écrits produits par Seckendorff. La construction d'une bibliothèque
privée nécessite une sélection drastique des ouvrages à acheter parmi les centaines publiés chaque
année, et suppose donc une stratégie et un logique gouvernant à l'accumulation des volumes. Elle
est le reflet de l'univers intellectuel de l'érudit.
Mais si nous nous concentrions uniquement sur la bibliothèque privée du savant, nous
15 : Friedrich Nicolai, 1773, cité dans Frédéric Barbier, 1996 : p421. 16 : Claire Madl, «Tous les goûts à La fois». Les engagements d’un aristocrate éclairé de Bohême. Histoire et
civilisation du livre 33. Genève: Droz, 2013 ; Christoph Meinel, Die Bibliothek des Joachim Jungius: Ein Beitrag zur Historia Litteraria der Frühen Neuzeit. Veröffentlichung der Joachim-Jungius-Gesellschaft der Wissenschaften 67. Göttingen: Vandenhoeck & Ruprecht, 1992 ; Kathrin Paasch, Die Bibliothek des Johann Christian von Boineburg (1622-1672). Ein Beitrag zur Bibliotheksgeschichte des Polyhistorismus. Berliner Arbeiten zur
Bibliothekswissenschaft 16. Berlin: Logos Verlag, 2005 ; Paul Raabe, « Die Bibliotheca Conringiana : Beschreibung einer Gelehrtenbibliothek des 17. Jahrhunderts », dans Michael Stolleis (ed), Hermann Conring (1606-1681), Beiträge zu Leben und Werk, Historische Forschungen vol 23, Duncker & Humboldt, Berlin, 1983.
17 : Paul Dibon, Françoise Waquet, 1984 : p18.
13
passerions de nouveau à côté de l'aspect essentiel de la biographie intellectuelle, qui est la remise en
contexte du personnage étudié et son lien étroit avec son environnement. Or, le XVIIe siècle est
également l'âge d'or de la République des Lettres, cette sorte d'État transnational avec ses propres
citoyens savants, unis par des règles d'entraide, de tolérance et de liberté. Et ce qui permet
l'existence de cette vaste communauté d'érudits est la communication : chaque savant consacre
plusieurs heures de sa journée à sa correspondance, échangeant avec nombre de collègues à l'autre
bout de l'Europe, demandant et accordant des faveurs, aidant à l'obtention d'un livre, débattant de
sujets philosophiques… L'érudit au XVIIe n'est jamais seul dans son cabinet de travail. Il est
toujours attaché à un réseau plus ou moins ramifié, qui joue un rôle déterminant pour la production
de ses écrits. La correspondance devient un critère pour juger de l'importance d'un savant et de son
appartenance à cette République. La lettre est un objet d'étude à part entière, l'incarnation physique
de ce réseau tentaculaire, une véritable pratique sociale18. Un savant se comprend autant à travers
ses écrits, les ouvrages qu'il a lu pour les préparer, que les débats qu'il entretient avec ses différents
correspondants et qui lui apportent des nouvelles idées et opinions. Il serait donc trompeur et
mensonger de se concentrer uniquement sur la bibliothèque de Seckendorff et d'occulter ce qui fait
de lui un citoyen de ce réseau transnational. C'est d'ailleurs le point d'achoppement de toute
l'historiographie à son sujet : hormis l'article de Stefan Oehmig et Heiner Lück en 200219, s'efforçant
d'offrir un travail introductif à l'étude de sa correspondance, celle-ci n'est jamais évoquée. On
souligne à quelques rares reprises qu'il fut un correspondant de Leibniz, mais aucun travail ne
s'offre comme objectif d'entreprendre un réel travail de fonds sur ses échanges épistolaires.
Face à cette multitude de paramètres qui détermine la nature du savant du XVIIe et de
l'ampleur du travail nécessaire pour les faire résonner entre eux et offrir un discours cohérent et
riche, nous nous sommes vite retrouvés submergés. Dans l'optique de dresser un portrait équilibré
du savant, nous voulions analyser le plus de facettes possibles de Seckendorff. Nous ne pouvions
consacrer l'ensemble de notre travail uniquement à sa collection d'ouvrages ou à sa correspondance
sans manquer notre objectif. Or, pour espérer offrir une analyse aussi complète et fine que possible,
étant donné la richesse et la quantité de documents à notre disposition, il aurait été nécessaire de
consacrer un tome entier à chaque thème. Bien que les archives de Seckendorff permettraient la
constitution d'un volume de la même teneur que celui consacré à Hermann Conring, ou un ouvrage
18 : « Zu fragen est danach, welche Sprachteilnehmer welche Teilnehmergruppen unter welchen vorauszusetzenden Beiehungen in der Kommunikationsform Brief in welcher situation unter welcher Bedingungen nach welchen Sprachnormen mit welcher Intention über Gegenstände und Sachverhalte handeln. » Langeheine, p 312, cité dans Martin Stuber, Stefan Hächler, Luc Lienhard, eds. Hallers Netz : ein europäischer Gelehrtenbriefwechsel zur Zeit der Aufklärung. Studia Halleriana 9. Bâle: Schwabe, 2005.
19 : Stefan Oehmig, Heiner Lück, “Veit Ludwig von Seckendorff (1626-1692). Zur Überlieferung und Auswertung seiner Gelehrten Korrespondenz.” In Die Hallesche Schule des Naturrechts, Francfort sur le Main: Peter Lang, 2002
14
aussi complet et fin que le livre collectif sur la correspondance de Haller20, nous sommes incapables
de le réaliser seuls. Dans le cadre étroit dans lequel nous pouvons effectuer notre travail nous avons
donc décidé de nous concentrer sur l'esquisse d'une nouvelle image du savant. En adoptant un angle
d'analyse nouveau, couplé à de nombreux documents, nous pouvons proposer une étude globale de
Seckendorff en tant que savant. Car c'est là tout l'objectif de ce travail : souhaitant dépasser le
fractionnement auquel il est habituellement soumis, nous voulons dépeindre l'homme caché pendant
des décennies derrière l'administrateur.
Pour ce faire, nous consacrerons notre première partie à l'étude du catalogue de sa
bibliothèque privée, qui nous permettra une véritable plongée dans l'univers du savant. Soucieux de
suivre scrupuleusement notre projet critique, nous comparerons brièvement les données tirées de la
collection de Seckendorff à celles de la bibliothèque d'Hermann Conring, toujours dans une optique
de lien avec l'environnement socio-culturel de cette époque.
Dans notre seconde partie, nous élargirons notre champ de recherche en étudiant les moyens
mis en place pour approvisionner la collection, et les méthodes de travail de l'érudit pour garder
trace de ses connaissances. Cette partie offrira déjà un élargissement de notre point de vue en
rendant sensible la nécessité d'un réseau de contacts pour faciliter le commerce du livre.
Enfin, pour clôturer notre travail, nous nous intéresserons à l'insertion de Seckendorff dans
la République des Lettres, en tant qu'auteur mais aussi en tant que participant, à travers la
participation à une revue scientifique, les Acta Eruditorum. Nous espérons, grâce à cette
progression, offrir une image nuancée du savant, de l'homme isolé au milieu de ses livres à l'érudit
au réseau conséquent, l'utilisant à bon escient pour la réalisation de ses projets.
20 : Paul Raabe, 1983 ; Martin Stuber, Stefan Hächler, Luc Lienhard, eds. Hallers Netz : ein europäischer Gelehrtenbriefwechsel zur Zeit der Aufklärung. Studia Halleriana 9. Bâle: Schwabe, 2005.
15
I/ L'univers intellectuel de Seckendorff : étude du catalogue de sa
bibliothèque
La bibliothèque d'un savant est l'outil central qui détermine son travail intellectuel. Parmi
toutes les archives privées léguées par le savant, le catalogue de bibliothèque en est le point
névralgique qui détermine tout le contenu et l'organisation de ses documents : la prise de notes, les
brouillons, les sujets abordés dans les lettres… Tous ses écrits sont reliés aux livres qu'il a lus ou
dont il a fait l'acquisition, puis qu'il rassemble dans sa collection privée. Le catalogue de sa
bibliothèque offre le meilleur point d'entrée dans l'étude des sources, et tout particulièrement dans
l'analyse de la provenance de son savoir.
A – Présentation du catalogue
Seckendorff se retire dans son château de Meuselwitz en 1682, et y passera la dernière
décennie de sa vie, partageant son temps entre ses livres et sa volumineuse correspondance. Dès
lors, son univers intellectuel tournera autour de l'écrit et particulièrement autour des ouvrages qu'il
possède et qu'il a acquit ou acquiert au fil du temps et de ses intérêts. Nous connaissons l'existence
de sa bibliothèque privée à travers l'inventaire qui en a été fait en 1686, et qui se trouve dans ses
archives. Mais nous ne possédons pas les détails et circonstances de la naissance de cette collection
d'ouvrages : a-t-elle été constituée très tôt et déplacée au château lorsqu'il s'y est retiré ? Cette
bibliothèque l'accompagnait-elle lorsqu'il était chancelier à Zeitz ? Ou a-t-il seulement commencé à
réunir des ouvrages lorsqu'il s'est définitivement installé à Meuselwitz ? Nous n'avons trace
d'aucune collection privée avant 1682, Seckendorff utilisant la bibliothèque du château de
Friedenstein à Gotha pour son instruction personnelle et celle du prince. De même, une lettre de
Maurice de Saxe-Naumbourg-Zeitz à propos d'une bibliothèque, dans les archives de Seckendorff,
laisse penser que le château de résidence à Zeitz devait également posséder une collection, et que le
chancelier était peut-être chargé de son organisation et approvisionnement. Les archives privées de
Seckendorff ne contiennent d'ailleurs aucune facture ou correspondance laissant entendre qu'il a
acheté, échangé ou emprunté des ouvrages avant 1682. Nous ne pouvons donc que supposer que
cette collection est née lors de l’emménagement au château, lorsque l'ex-chancelier eut tout le loisir
de se consacrer à la constitution de son outil de travail principal. Le laps de temps dont il a disposé
pour la créer est donc fort réduit : dix ans pour organiser un ensemble structuré, équilibré et apte à
le guider efficacement dans ses recherches est une durée assez courte. La collection d'un savant
l'accompagne généralement toute sa vie et le jeune érudit commence à acquérir des ouvrages dès
son plus jeune âge. L'étude de l'organisation de sa collection peut donc nous aider à lever le voile
16
sur le mystère de sa création.
Pour ce faire, le catalogue de la bibliothèque dressé en 1686 est notre principale source
d'étude. Il est conservé dans le centre d'archives d'Altenbourg, dans le fonds 1691 intitulé :
« Verzeichnisse der in den Seckendorffschen Bibliotheken zu Meuselwitz und Altenburg
vorhandenen Bücher, Schriften und Bücher »21. Le contenu de ce fonds s'étend de 1686 à 1769, et
regroupe les inventaires et catalogues des bibliothèques des Seckendorff, ainsi qu'un vieil inventaire
des archives manuscrites de Veit Ludwig von Seckendorff. Le catalogue que nous étudions est donc
le premier document de ce fonds, ce qui nous indique immédiatement que la collection de livres de
Veit Ludwig est la première, si ce n'est à être constituée, du moins à être enregistrée en tant que
telle. Peut-être a-t-elle servie de base pour les héritiers, qui l'on enrichie au fur et à mesure, en
établissant par la suite de nouveaux inventaires. Le second inventaire a été dressé en 1746, sans que
nous ne sachions s'il concerne la collection de Seckendorff augmentée de nouveaux ouvrages après
sa mort ou s'il s'agit d'une collection complètement différente.
À l'examen de l'écriture du catalogue de 1686, il ne nous semble pas certain que ce soit
Seckendorff qui se soit chargé de la rédaction : la graphie est proche mais moins fine que celle que
l'on retrouve dans ses brouillons. Peut-être ne s'agit-il que d'un effet de l'encre... Nous distinguons
par ailleurs deux écritures, la deuxième annotant des titres inscrits ou en rajoutant dans différentes
catégories. Nous reviendrons sur ce détail plus loin.
Le catalogue se présente comme un cahier composé de pages de format folio pliées en deux,
les feuillets ainsi constitués étant cousus ensemble, puis le tout ayant été relié avec une couverture
cartonnée. Chaque page est séparée en deux colonnes : l'auteur du catalogue rempli la moitié
gauche de la page, laissant l'espace à droite vide, afin de pouvoir annoter si nécessaire les titres
listés22. Cette présentation est strictement respectée, sauf au centre du cahier : une page remplie
recto-verso a les deux colonnes remplies d'ouvrages, la première page regroupant face à face les
ouvrages in-4° et les folios, et le recto de la page présentant deux colonnes de volumes in-4°23. Cette
page fait partie d'un petit cahier indépendant de deux pages recto-verso insérées au milieu du
catalogue, dont le titre hâtivement tracé et à moitié barré semble indiquer qu'il s'agit d'ouvrages de
théologie. La graphie maladroite et hâtive, ainsi que cette rentabilisation de l'espace que l'on ne
retrouve nulle part ailleurs laisse penser que le bibliothécaire s'est retrouvé soit face à une partie de
la collection qu'il avait oublié, soit devant un ensemble d'ouvrages mis à part et qu'il ne savait pas
comment classer et intégrer dans le catalogue déjà terminé. Il a donc condensé les informations afin
21 : [Répertoire des livres et écrits présents dans la Bibliothèque des Seckendorff de Meuselwitz et Altenbourg] 22 : Voir le scan du folio 1 en annexe. 23 : Voir le scan du folio 25 en annexe.
17
de réduire la taille de l'ajout à intégrer.
Chaque page du catalogue, lorsque seule la moitié gauche est remplie, peut contenir 15 à 20
titres différents. Le catalogue entier regroupe 45 pages remplies recto-verso. En effectuant un
décompte rapide, on estime la collection à 999 ouvrages.
La structure du catalogue se décompose comme suit : les ouvrages sont d'abord divisés selon
des grandes catégories de thèmes et de langues (« libri theologici », « libri ital »), puis chaque
catégorie est sous-divisée par les formats d'impression (« libri theologici in fol »), et enfin les
ouvrages sont numérotés. Si une œuvre possède plusieurs tomes, chacun est listé en-dessous du
premier volume, et les numéros font place à un décompte par ordre alphabétique. La première page
du catalogue illustre très bien cette structure : le premier ouvrage s'étend sur six volumes, qui se
découpent en trois tomes. Les deux premiers portent le numéro 1, puis les deux suivants sont
enregistrés comme b et c. Cette méthode de constitution d'un inventaire est assez classique et
pratique, en ce qu'elle permet de voir rapidement le nombre d'ouvrages par catégories. On remarque
à certains endroits que les derniers numéros de la page n'ont pas été remplis, ce qui nous ferait
supposer que les pages sont pré-numérotées pour faciliter l'enregistrement des ouvrages au compte
goutte, selon leur arrivage. Mais cela reste rare dans l'ensemble du catalogue, et à de nombreuses
reprises, le dernier numéro de la page est impair : il serait logique de préparer des groupements de
numéros par dix, voire par cinq, la page se terminant alors par un numéro en 10 ou 5. De plus, on ne
trouve à aucun endroit deux ou trois numéros vides en bas de page. La page doit donc être remplie
par couple d'ouvrages, et non pas préparée d'un seul coup. Nous avons également observé des
erreurs de numérotation à plusieurs endroits (doublon ou nombre absent), ce qui laisse supposer au
contraire un remplissage à la chaîne des pages, et non un inventaire complété au fur et à mesure des
achats de livres. À l'inverse, la grande régularité de l'écriture et de l'encre (ni l'épaisseur des traits, ni
la couleur, ni la forme des lettres ne laisse voir de modifications significatives) nous fait plutôt
considérer que chaque catégorie a été remplie d'un seul jet ou presque.
En plus des doublons, il arrive assez régulièrement que deux ou trois ouvrages soient
enregistrés sous le même numéro : il ne s'agit pas d'associer deux fois le même numéro à deux
ouvrages différent, mais d'inscrire plusieurs titres à la suite pour le numéro 12, par exemple.
Étrangement, ces ouvrages n'ont généralement rien en commun. Il serait assez logique que plusieurs
œuvres d'un même auteur aient été rassemblées dans un même tome, et qu'à l'enregistrement de
celui-ci le bibliothécaire ait noté les informations de chacun. Pourtant rien ne concorde : les auteurs
sont différents, de même que les lieux et dates d'édition. Il serait étrange qu'il s'agisse d'erreurs
puisqu'il se serait rapidement rendu compte qu'il inscrivait chaque livre au même numéro. Nous
pouvons par contre supposer que ces ouvrages ont été reliés ensembles, à la demande de
18
Seckendorff, pour des commodités de transport. Cela signifie qu'il aurait dû acquérir des ouvrages
non reliés, qu'il aurait par la suite rassemblés. Dans le doute, nous avons donc fait deux décomptes :
un où nous séparons ces ensembles, comptant chaque livre séparément, et dénombrant ainsi le
nombre d’œuvres enregistrées dans le catalogue ; et le second où ces ensembles sont comptés
comme un, dénombrant ainsi le nombre de volumes que contiennent les étagères de la bibliothèque.
Les grandes catégories structurant le catalogue sont à la fois canoniques et logiques, mais
également surprenantes. La collection se compose d'ouvrages de :
Théologie (Libri Theologici)
Droit (Librorum iuridici)
Histoire (Libri Historici)
Littérature (Libri Poet)
Philosophie (Libri Philosoph)
Médecine (Libri Medic, même s'il n'y en a qu'un)
Mais elle se décompose également en catégories linguistiques :
Livres en français (Libri Gall)
Livres en italien (Libri Ital)
La juxtaposition de critères thématiques et linguistiques pour classer la collection est un choix assez
curieux, et somme toute fort peu pratique. Si en effet les catégories thématiques ne contiennent
souvent que des ouvrages en latin et en allemand, les catégories linguistiques quant à elles
regroupent des ouvrages aux thèmes fort divers. Ceci rend la détermination de la répartition des
sujets des ouvrages de la bibliothèque quelque peu fastidieux et complexe. Il se trouve également
que des œuvres en espagnol, et en latin se soient glissées dans ces catégories linguistiques : ceci
nous laisse quelque peu suspicieux sur la validité de ces catégories et sur la qualité de
l'enregistrement des titres, et donc de manière générale sur la qualité du catalogue lui-même… Il est
probable que ces catégories rassemblent des ouvrages ayant en commun un autre critère que celui
de la langue. Ils ont par exemple pu être acheté en groupes, en grande quantité, ou sur un laps de
temps très court auprès du même libraire…
Mais c'est surtout au regard de son utilisation que ce classement semble étrange mais
également très signifiant et nous permet d'émettre plusieurs hypothèses : si les livres de théologie ou
de droit français ne sont pas classés dans leur catégorie thématique correspondante, c'est peut-être
parce que la langue elle-même ne permet pas une appréhension aisée et immédiate du contenu, et
qu'ils restent donc considérés comme des ouvrages d'exercices de lecture de langue étrangère.
Néanmoins, le français est une langue que maîtrise parfaitement Seckendorff : preuve en est la
nature de sa participation aux Acta Eruditorum où tous ses résumés d'ouvrages portaient sur des
19
œuvres françaises. Il a en fait assuré la lecture et la critique de tous les livres présentés dans la revue
depuis le premier numéro jusqu'en 1692. La maîtrise de la langue n'a donc pas de prise sur ce
classement. En revanche, nous pouvons supposer que les ouvrages français traitent avant tout des
problèmes du royaume de France, et que de ce fait, Seckendorff n'est que peu enclin à les faire
rentrer dans des catégories qui doivent lui servir de vivier de références et de documentations à ses
divers projets d’œuvres. La preuve en est que nous trouvons à de rares endroits des ouvrages en
français dans les livres de théologie, dont par exemple le livre de Louis Maimbourg (Histoire du
Calvinisme et du Papisme...1682), qui motiva le savant à composer en réponse son fameux
Commentarius. Ce classement étonnant semble donc bien dépendre du sujet de l’œuvre et de sa
pertinence dans les projets de l'érudit.
La suite de la structure du classement nécessite moins d'explications en ce qu'elle est plus
logique et canonique : la division des œuvres par formats d'impressions à l'intérieur des catégories
thématiques n'est pas une nouveauté. Cette sous-division contient quatre modalités :
in Folio, le plus grand format
in Quart
in Octav
in 12, le plus petit format
On peut imaginer que le rangement de la bibliothèque s'effectue selon ces classes de tailles des
ouvrages, afin d'obtenir une organisation des rayonnages autant esthétique que pratique.
Le contenu du catalogue présente une grande régularité. À chaque ouvrage est assigné un
numéro, puis vient le nom de l'auteur, le titre de l'ouvrage, le lieu d'édition, la date et enfin, le
volume possédé et chaque tome supplémentaire est consigné par des retours à la lignes et
l'assignation d'une lettre. De tous ces composants, le nom de l'auteur est l'information la plus
susceptible de ne pas être consignée. L'alphabet utilisé dépend de la langue de l'ouvrage lui-même :
tous les livres latins, français et italiens sont conscrit en alphabet latin, alors que les œuvres
allemands se présentent évidemment en alphabet gothique.
Comme nous l'avons précisé plus haut, deux écritures co-existent dans l'inventaire24. La
graphie principale est celle qui a été chargée de constituer l'inventaire et de remplir le catalogue :
elle ne fait porter que peu ou pas de corrections sur ses propres annotations, et barre rarement des
numéros remplis. En revanche, la seconde écriture semble être celle d'un second personnage ayant
effectué une vérification et une actualisation de la collection. La graphie se distingue par son aspect
plus fin et délicat, en italique, qui la distingue radicalement de l'écriture générique plus laborieuse et
épaisse. Elle se retrouve presque toujours en fin de catégories, ajoutant de nouveaux numéros et
24 : Voir le scan du folio 7 en annexe.
20
ouvrages. Mais elle est également responsable de nombreuses corrections, barrant des titres ou les
annotant pour souligner la présence de doublons, renvoyer à un autre ouvrage du même auteur ou
préciser le lieu d'achat du volume. On en vient assez rapidement à penser que l'inventaire a été
annoté et complété à la mort de Seckendorff, soit six ans après la constitution de la première version
du catalogue, enfin de faire une sorte d'inventaire après-décès de sa collection d'ouvrages. Nous
sommes donc en présence d'un document fini et qui n'appellerait plus de modifications : nous avons
devant nous la collection complète des ouvrages de Seckendorff.
Afin de pouvoir traiter toutes les informations contenues dans le catalogue et d'avoir une
vision d'ensemble nous avons décidé de créer une base de données regroupant tous les ouvrages
inscrits dans l'inventaire. C'est le moyen le plus efficace et pratique pour analyser les nombreuses
données condensées en 45 pages, et pour mieux embrasser les subtilités de la collection de notre
savant. La structure de notre base est très simple : nous n'avons créé qu'une seule table de données
afin de faciliter la recherche et l'interrogation de la base, et de simplifier l'enregistrement des
données. Nous avons déterminé 14 champs à remplir pour enregistrer le maximum de données :
Titre
Auteur
Lieu d'édition
Date d'édition
Volumes
Langue
Possession : Oui/ Non
Détails
Thème
Catégorie du catalogue
Numéro
Formulation du catalogue
Remarques
Écriture différente : Oui/Non
Le champ « possession » servait à distinguer les ouvrages inscrits dans le catalogue de
Meuselwitz, où nous sommes certains qu'ils ont bien été entre les mains de Seckendorff, et les livres
des listes envoyées par les agents littéraires de Paris, que nous comptions intégrer à notre base.
Nous aurions ainsi pu voir rapidement si les ouvrages listés français se retrouvaient ensuite dans la
collection privée de Seckendorff, preuve que ces agents travaillaient bien à l'enrichissement de sa
21
bibliothèque personnelle et non celle du duché. Nous avons mené cette comparaison mais sans
intégrer ces ouvrages à la base, par manque de temps. Le champ « détails » servait à épauler cette
démarche en précisant quelle était la source dont était tiré le livre : le catalogue de Meuselwitz ou
les listes de livres de Paris. Ces deux informations sont donc optionnelles dans une démarche
d'étude seule de la collection privée du château.
Le deuxième champ booléen de notre table concerne la graphie. Si les deux écritures se
succèdent dans le temps et que le catalogue connaît donc deux état distincts, il est nécessaire de
pouvoir retrouver efficacement les ouvrages ajoutés après 1686. N'ayant aucune facture de livre
permettant de nous informer de la date d'obtention des ouvrages, cette distinction peut nous apporter
des renseignements primordiaux sur l'évolution de la collection au fil du temps, ne serait-ce que
grâce à la date d'édition des œuvres.
Les six premiers champs de la table (titre, auteur, date...) s'opposent au champ « formulation
du catalogue » : alors que les premiers sont remplis après recherche et vérification de la véracité des
informations et l'orthographe exacte des éditions, le champ « formulation » est la retranscription
pure et simple des informations inscrites dans le catalogue. Dans ce dernier champ, nous inscrivons
littéralement, en respectant l'ordre et l'orthographe, le contenu de chaque entrée du catalogue. C'est
ensuite à partir de ces informations que nous effectuons une recherche afin de vérifier tout d'abord
si le bibliothécaire ne s'est pas trompé dans l'inscription des informations, mais aussi pour constater
si l'édition possédée est rare ou plutôt commune et déceler ses particularités, ce qui la rend
précieuse ou non. Recopier fidèlement la formulation du catalogue nous permet de constamment
garder un lien avec la source et de pouvoir étudier les modes d'enregistrement mis en œuvre par le
bibliothécaire.
Les deux champs « thème » et « catégorie du catalogue » vont de pair. Le dernier est une
simple recopie de la division dans laquelle se trouve l'ouvrage : nous prenons en compte à la fois la
catégorie thématique et la sous-division par format. Une telle information nous permet surtout de
localiser précisément le volume dans le catalogue, mais aussi de comparer le sujet de l'ouvrage au
lieu où il a été rangé. Ainsi les volumes français et italiens classés dans des catégories linguistiques
possèdent des sujets et thèmes sans lien avec la langue dans laquelle ils sont rédigés. De fait nous ne
pouvons pas nous fier aux catégories de rangement des ouvrages pour faire un décompte des thèmes
abordés par les livres. Afin d'étudier la répartition des sujets sur l'ensemble de la collection il est
nécessaire de leur réattribuer un thème propre, qui sera donc noté dans le « thème ». Enfin, noter la
catégorie du catalogue en tenant compte du format d'impression est également nécessaire pour
étudier la répartition des volumes en fonction de ces-dits formats. Ceux-ci révèlent en effet
beaucoup sur l'économie du livre mais également sur les choix de Seckendorff lorsqu'il constitue sa
22
bibliothèque : il peut préférer se procurer un format plutôt qu'un autre, que ce soit une question de
prix, de confort de lecture, de pur esthétisme, de commodité de transport… Nous détaillerons
l'importance des formats au moment de l'analyse proprement dite.
Enfin, le champ « remarques » sert à consigner toutes nos annotations sur chaque livre. Il
s'agit généralement de souligner une erreur dans l'enregistrement d'un volume, doublon et erreur de
date ou lieu, mais également toute mise en page originale ou correction : certains volumes reçoivent
en marge, d'une autre main, une phrase ou un simple mot, quand ils ne sont pas barrés d'un ferme
trait horizontal. Ce champ nous sert donc encore à garder un étroit lien avec la source et à
remarquer rapidement dans le tableau toute originalité qui nécessite un renvoi systématique au
catalogue lui-même. Il arrive également que certains livres notés dans le catalogue soient
introuvables dans les catalogues de bibliothèques informatisés que nous avons consultés, ou que le
titre noté sur le papier soit si générique ou les informations si pauvres que nous n'ayons pu trancher
entre plusieurs œuvres très similaires. Ainsi, au 52e enregistrement des livres de droit en folio, il est
sobrement indiqué « Collectanea iuridica». Il nous est impossible de retrouver de quelle collection il
est question ici, et la seule information que nous pouvons retirer de cet ouvrage est qu'il est rédigé
en latin... Il arrive aussi que l'écriture soit si dégradée qu'elle est impossible à déchiffrer, quand ce
n'est pas la numérisation du catalogue qui rend la lecture complexe…
À partir de cette table de données nous avons donc pu nous lancer dans une ventilation assez
complète et obtenir une image d'ensemble de la collection. Le seul manque réellement handicapant
est que nous ne connaissons pas les dates d'acquisition des ouvrages. Cette absence de données est
réellement très problématique et nos observations et conclusions s'en trouvent très amoindries. La
date d'édition des ouvrages peut dans une certain mesure diminuer cet obstacle, mais seulement
pour des ouvrages édités tardivement, au plus proche de la date de constitution du catalogue.
B – Analyse du catalogue
Après décompte plus poussé grâce à la base de données, il apparaît que la collection de
Seckendorff en 1686, sans tenir compte des ajouts de seconde main, est constituée de 981 œuvres et
de 1067 volumes. En intégrant les ouvrages ajoutés en fin de catégories par la seconde main, le
nombre grimpe à 1052 œuvres et 1138 volumes. Si l'on considère que Seckendorff a seulement
commencé à constituer sa bibliothèque à son installation à Meuselwitz, ces chiffres sont tout à fait
impressionnants. Ils nous poussent même à envisager sérieusement que sa collection est née bien
plus tôt que 1682, car il n'aurait pas eu le temps d'amasser tous ces ouvrages, surtout en entretenant
23
en même temps une correspondance prolifique et en travaillant à la rédaction de nouvelles œuvres.
Il faut néanmoins faire remarquer que le volume de cette collection ne la place pas parmi les
bibliothèques privées les plus volumineuses de ce temps : Conring et Heinsius ont chacun plus de
4000 volumes, Gronovius dépasse largement les 2000 exemplaires. Les conditions d'acquisition et
de constitution n'étaient certainement pas les mêmes, mais il convient de garder à l'esprit que la
bibliothèque de Seckendorff reste assez modeste. Nous consacrons une sous-partie de notre
développement à la mise en parallèle de sa collection à d'autres ensembles de savants fameux du
XVIIe siècle.
Pour notre étude, nous utiliserons le nombre d’œuvres présentes dans la collection et non le
nombre de volumes, qui doublent simplement les mêmes informations. En revanche, nous triplerons
les analyses en usant des œuvres enregistrées de la première main, puis de la seconde, et enfin du
total, c'est-à-dire l'ensemble du catalogue sans distinguer les écritures.
À partir de cette collection de 1052 ouvrages, nous avons menés diverses analyses et
ventilations afin d'essayer de trouver une logique à cet assemblage de multiples œuvres. Nous avons
tout d'abord étudié la répartition géographique des lieux d'édition des ouvrages, afin de repérer les
centres où s'approvisionnent le savant ou ses agents. Il convient ensuite de se pencher sur la
répartition des langues, des thèmes et des formats au sein de la collection, mais aussi des dates
d'édition. Ceci doit être fait avec beaucoup de précaution, puisque ces dates ne nous renseignent pas
sur la date d'acquisition des ouvrages et que les informations que nous pouvons en récolter doivent
être finement considérées et intégrées à notre raisonnement. Nous avons enfin effectué un
croisement de ces différentes données, en comparant par exemple la répartition des formats
d'impression selon les thèmes des livres.
24
1. Répartition géographique des villes d'édition
Nous avons reporté sur cette carte les lieux d'édition des 1052 ouvrages de la collection.
Pour mieux rendre compte des degrés de concentration, il nous a semblé judicieux de réaliser une
carte à symboles proportionnels, qui rend immédiatement visible à la fois les pôles dominants du
monde de l'édition et les villes très peu représentées. La première taille de points indique des villes
présentant une à cinq occurrences, alors que la dernière taille indique des centres avec minimum
100 ouvrages y étant édités. Afin de mieux souligner les distances parfois importantes que doivent
parcourir les ouvrages pour arriver entre les mains du savant, nous avons signalé le positionnement
géographique du château. Nous avons choisi de ne pas afficher les frontières modernes sur cette
carte, qui risqueraient de fausser la lecture, puisque elles étaient bien différentes au XVIIe siècle.
Sur les 1052 ouvrages dénombrés, nous avons recensé 125 lieux d'éditions différents,
25
répartis sur tout le continent européen, dont 21 ont plus de 10 occurrences. En regardant la carte, on
remarque en effet une assez forte concentration de l'édition dans des villes clefs, qui dépassent
largement les petits pôles régionaux. Ainsi, les deux villes atteignant ou dépassant les 100 titres sont
Paris (100) et Francfort sur le Main (107). Puis viennent Iéna (88) et Leipzig (76). Deux villes
atteignent 50 titres édités (Lyon) ou les dépassent de peu (54 pour Amsterdam). Tous les pôles
suivant passent sous cette barre. En tout, 6 villes éditent donc 45 % (475) des titres de la
bibliothèque… Mais, si un petit nombre de villes éditent un grand nombre de livres, on remarque
également un nombre impressionnant de très petits centres éclatés dans toute l'Europe : dans notre
décompte, 47 villes n'ont qu'un seul ouvrage, et 26 sont liés à deux ouvrages. Bien sûr, ces chiffres
ne concernent que la collection privée de Seckendorff, et ces villes modestes ont certainement un
écho régional bien plus important. Il s'agit ici de détailler cette répartition que nous avons obtenue
et de justement la comparer à la réalité de l'économie européenne du livre au XVIIe siècle, afin de
déceler si le savant se procure ses ouvrages selon la dynamique économique de son époque, ou au
contrairement, à rebours de celle-ci.
La première observation que nous pouvons faire sur cette carte est que la majorité des pôles
d'édition et les plus grands centres se trouvent dans les territoires germaniques du Saint-Empire. Ce
fait n'est pas surprenant. Tout d'abord parce qu'il est logique qu'un savant allemand s'approvisionne
dans les imprimeries des territoires limitrophes, et qu'il achète dans les livres écrits en allemand, qui
sont précisément édités dans les territoires germaniques. Il est plus simple pour lui de se procurer
des livres édités dans le Saint-Empire non seulement à cause de la question de la distance, mais
également parce que son réseau de connaissances susceptibles de l'aider dans sa tâche est
certainement plus fort et ramifié dans l'espace germanique. Il n'a donc pas de mal à se procurer des
livres édités dans des villes modestes, qui pullulent particulièrement sur notre carte dans les
frontières de l'Allemagne actuelle (on remarque ainsi une vingtaine de points au sud de Francfort et
autour de Meuselwitz, près de la frontière polonaise), alors que les autres petits centres européens
sont beaucoup plus éclatés. Cette surreprésentation de l'espace germanique n'est pas que le fait de
Seckendorff et de ses choix, mais également de l'histoire de l'économie du livre : le livre y est né et
l'imprimerie s'y développe rapidement, faisant du Saint-Empire le territoire le plus dynamique de
l'Europe. Mais la guerre de Trente ans et ses suites entraînent une forte récession du marché
allemand qui se trouve dans une optique de « rattrapage » à partir de la seconde moitié du XVIIe
siècle25. Toutefois, le marché du livre allemand remonte bien lentement la pente et le décalage avec
25 : « Cette domination s'affaisse pourtant au XVIIe siècle par suite de deux phénomènes principaux, qui sont, d'une part, la catastrophe constituée par les luttes religieuses et culminant avec la Guerre de Trente ans, et de l'autre une domination politico-culturelle de cours princières dont le modèle est pris à l'étranger, et notamment en France et en Italie. La seconde moitié du XVIIe, plus encore le XVIIIe sont, pour la librairie allemande, une période caractériséepar une problématique de rattrapage. » Frédéric Barbier, « De la République des auteurs à la République des
26
d'autres marchés plus dynamiques entraîne un archaïsme des techniques d'impressions : caractères
gothiques, formats plus importants, titres très longs, papier médiocre…26 Tous ces paramètres ne
participent pas à accélérer la reprise dans le Saint-Empire, et l'édition allemande demeure en bonne
partie strictement régionale, sans dépasser les frontières. Ceci explique en partie la bonne
représentation des petits centres sur notre carte : en plus des grands centres, les villes plus modestes
enclenchent de nouveau leur activité vers la fin du siècle, soit au moment où Seckendorff établit son
catalogue et se charge plus intensément de remplir son catalogue. Malgré tout, ce sont les grands
centres dynamiques qui demeurent surtout vivants dans un territoire détruit et vidé de sa population.
Ainsi Francfort sur le Main domine toujours le marché européen grâce à sa grande foire, toujours
active aujourd'hui et célébrant plus de 500 ans d'activité, qui rassemble des centaines d'éditeurs. Il
n'est donc pas étonnant de la voir en tête de notre classement. Iéna arrive en seconde position :
l'université ouverte au début du XVIe siècle associée à l'arrivée de l'imprimerie peu après lui ont
assuré un grand dynamisme et la troisième position derrière Leipzig et Wittemberg en nombre
d'ouvrages imprimés au début du XVIIe siècle. Leipzig, par sa proximité avec Meuselwitz, est le
troisième centre d'approvisionnement en livres, mais son importance s'explique également par le
présence de son université, une des plus vieilles d'Allemagne, et une foire aux livres qu'il s'installe
assez tôt. L'édition de livres catholiques est également très prospère à Leipzig, et en fait un des
centres les plus importants sur ce sujet. La prédominance de l'espace germanique s'explique donc
facilement, même si les trente ans de guerre ont considérablement ralenti le marché du livre par
rapport aux autres pays européens...
En dehors des espaces germaniques, on remarque aussitôt que l'Italie est très peu
représentée : Venise, qui est pourtant un pôle de première importance à la Renaissance, n'a produit
que 17 titres, et toutes les villes de la péninsule italienne n'ont qu'entre 1 et 3 ouvrages chacune. Ce
fait est tout à fait en accord avec les faits historiques. En effet, le marché du livre décline très
fortement au début du XVIIe siècle en Italie, au profit d'autres territoires, tels les Pays-Bas.
Johannes Fredericus Gronovius, lors de son voyage savant, revient extrêmement déçu de son tour
dans la péninsule italienne : les bibliothèques sont presque inaccessibles, les savants hostiles et peu
enclins à l'échange et le marché du livre très pauvre27. Le XVIIe siècle marque le déclin de l'Italie
sur la scène intellectuelle européenne, au profit de la France et des Provinces-Unies. Sa sous-
représentation dans la collection de Meuselwitz n'est donc pas surprenante et est un reflet fidèle de
libraires : statut de l'auteur, fonctions et pratiques de la librairie en Allemagne au XVIIIe siècle », In Frédéric Barbier, Sabine Juratic, Dominique Varry (dir), L'Europe et le livre:réseaux et pratiques du négoce de librairie, XVI-XIXe siècle. Paris : Klincksieck, 1996 : p416.
26 : Frédéric Barbier, 1996 : p429. 27 : P. Dion et F.Waquet, ohannes Fredericus Gronovius, pèlerin de la République des lettres : recherches sur le
voyage savant au XVIIe siècle, Droz Paris, Genève, 1984 : p33-34.
27
la réalité historique. La présence des villes italienne dans notre classement n'est dû qu'à l'achat de
livres en langues italiennes, non pas au monopole qu'aurait pu avoir Venise sur l'édition de livres
savants latins.
La France n'a que peu de villes représentées mais 150 titres sont issus des presses des seules
villes Paris et Lyon. Cette-dernière est d'ailleurs en déclin au profit de la capitale, qui concentre les
capitaux, le public et les grandes presses qui possèdent des exclusivités, entre autres sur les grands
textes des Pères de l’Église. Le grand nombre d'ouvrages issus de la capitale est le fait de son aspect
incontournable dans le marché du livre, qui a poussé Seckendorff à y obtenir des agents libraires sur
place pour le tenir au courant des dernières nouveautés littéraires. Sept petites villes complètent les
centres d'impressions français de notre liste et certaines sont connues pour leurs petites universités
et bibliothèques qui attirent souvent les savants durant leur « peregrinatio erudita » et les jeunes
nobles lors de leur « Grand Tour ».
Les Pays-Bas rassemblent un grand nombre de publications dans un petit chapelet de villes,
mais surtout à Amsterdam. Ce territoire connaît un essor formidable depuis la fin du XVIe siècle,
avec leur accession à l'indépendance. Les Pays-Bas se démarquent par une politique moderne et une
tolérance religieuse fort appréciée et détonnante dans une Europe déchirée par les querelles
soulevées par la Réforme. Des imprimeurs de toutes confessions cohabitent pacifiquement et
contribuent à un marché du livre diversifié et extrêmement dynamique. Imprimés majoritairement
en latin, ces ouvrages sont destinés à l'exportation et se retrouvent dans toute l'Europe. Mais des
imprimeurs se spécialisent également dans la réimpression de classiques littéraires français, ce qui
participe bien évidemment au rayonnement de la langue et favorise quelque peu le déclin du latin.
Le représentation bien marquée des Pays-Bas sur notre carte est donc tout autant reflet de l'état du
marché du livre au XVIIe siècle que la péninsule italienne.
Le dernier territoire représenté est la Suisse, qui se distingue par le nombre extrêmement
réduit de centres d'édition : seules Bâle et Genève y sont présentes, mais toutes deux ont des chiffres
relativement conséquent (31 et 22 respectivement). Pourtant la Suisse, comme l'Allemagne, est en
déclin, au profit de la France et des Pays-Bas.
Si nous étudions à présent les lieux d'édition des 71 ouvrages rajoutés de seconde main,
nous observons que la France disparaît presque complètement, si ce n'est trois titres édités à Lyon :
Paris a complètement disparu des envois. Est-ce la preuve de la perte de contact avec ses agents
libraires ? Ou la réduction de ses moyens ou de ses contacts pour s'en procurer ? Toujours est-il que
que l'Italie et la France ont toutes deux disparu, et que les titres sont édités en Allemagne ou au
Pays-Bas. Il y a donc une réelle évolution du fonds de la collection privée de Seckendorff.
28
Cette carte nous offre une vision synthétique mais indispensable des réseaux qu'utilise
Seckendorff pour se procurer ses livres. La concentration de pôles en Allemagne révèle un marché
encore fort malgré les difficultés économiques et démographiques qu'elle doit affronter, et les pôles
de grande ampleur répartis entre Paris et Amsterdam sont indices de la relève qui supplante l’Italie.
2. Répartition des langues dans la collection
En lien avec l'étude spatiale que nous avons menée, il faut maintenant nous attarder sur la
répartition des langues au sein de la bibliothèques du savant. Le XVIIe est en effet encore le siècle
du latin, mais celui commence nettement à décroître selon les pays.
La répartition linguistique est la suivante :
Sans surprise, le latin est largement majoritaire dans toute la collection. Ce qui est
surprenant néanmoins est que l'allemand n'occupe pas la seconde place dans notre décompte : c'est
le français qui est la deuxième langue la plus représentée, et elle devance de beaucoup l'allemand.
Nous pouvons y voir un effet du dynamisme du marché du livre français, mais également l'effet de
l'édition aux Pays-Bas, qui éditent aussi bien des livres latins, que français. Il faut également tenir
compte du fait que Seckendorff participe aux Acta Eruditorum dès 1682 et qu'il se charge
uniquement de faire des résumés de livres français. Nous ne savons pas si ces livres qu'il commente
lui sont prêtés ou s'ils les achètent, mais ceci démontre très bien l'intérêt que Seckendorff éprouve
pour la langue française et le royaume de manière générale. De plus, en examinant la langue des
livres édités à Paris, on remarque que seulement 13 sont en latin : les 87 restant sont tous rédigés en
français. Est-ce un reflet de l'édition parisienne ? Étant donné l'importance de la capitale dans le
marché internationale du livre, ce serait surprenant. Ou est-ce un choix de Seckendorff ? Les écrits
allemands quant à eux, sont bien évidemment le reflet de leur lieu d'origine, mais ils révèlent aussi
en partie des écrits à la portée strictement régionale, de même que les 2,8 % de livres en langue
29
LanguesLatin 665 63,30%Français 211 20,00%Allemand 136 12,90%Italien 32 3,00%Néerlandais 1 0,20%Anglais 1 0,10%Espagnol 5 0,40%Suédois 1 0,10%
1052
italienne. Enfin, les uniques livres anglais et suédois, les deux ouvrages néerlandais et les cinq en
espagnol font un peu figure de curiosité dans cette collection somme toute assez uniforme. Alors
que Seckendorff semble maîtriser un grand nombre de langue, nous n'en voyons pas trace dans sa
bibliothèque : il ne possède aucun livre en grec ancien ou en hébreu, ce qui est assez surprenant,
considérant que les commentaires des textes sacrés en leur langue originale existent et font parties
des classiques à avoir lus et à posséder pour s'y référer fréquemment. On s'attendrait à voir figurer
au moins une bible en grec ou en hébreu...
La répartition des langues pour les ouvrages enregistrés de deuxième main inverse quelque
peu la dynamique :
Le français est quasiment inexistant dans le classement, preuve que les relations avec le
territoire français sont fortement réduites voire totalement coupées. Le latin et l'allemand
constituent la quasi totalité de la collection.
3. Répartition des dates d'édition des ouvrages
Comme nous l'avons dit précédemment, nous n'avons pas trouvé de factures d'achat de livres
dans les archives privées de Seckendorff, et donc aucune information sur la date d'obtention des
ouvrages. Les dates d'édition des œuvres ne nous offrent que très peu d'information, sauf pour les
livres imprimés à partir de 1682 : en effet, ils n'ont pu être achetés à une date antérieure, ils sont
donc nécessairement obtenus à partir du moment où Seckendorff s'établit à Meuselwitz et constitue
sa bibliothèque. Dès lors, nous pouvons tirer des informations sur la construction de sa collection
pour le groupe d’œuvres datées de 1682 à 1686, puis jusqu'en 1692. Pour clarifier et faciliter notre
étude, nous avons créé un graphique regroupant les données par décennies : les données auraient
sinon été trop nombreuses et trop peu différenciées pour que nous puissions apercevoir toute
perturbation dans le rythme des données. Celui-ci se trouve en annexe.
À première vue, on remarque une augmentation régulière du nombre d'ouvrage pour l'année
d'édition 1640, qui se poursuit jusqu'en 1679 avant une rechute, qui s'explique facilement par l'arrêt
de l'inventaire qui n'enregistre pas les trois années clôturant la décennie. Afin de mieux étudier cette
30
Latin 47 66,20%Français 3 4,20%Allemand 20 28,10%Suédois 1 1,40%
71
Langues 2e main
croissance, nous avons également constitué un graphique année par année, à partir de 164028.
Toujours sur le graphique de décennie, nous observons assez rapidement que la seule variation
significative est la décennie 1670-1679, qui dépasse largement toutes les autres en nombre
d'ouvrages (238 titres). Si l'on regarde avec plus de précisions avec le graphique années par années,
l'on voit se démarquer les trois années 1677, 1678 et 1679 pour le nombre d’œuvres : le pic est
atteint en 1679 où 41 œuvres sont recensées. Or, il s'agit des années où Seckendorff est encore
installé à Zeitz et en service auprès du duc. Cette augmentation exponentielle du nombre d'ouvrages
est-elle l'indice d'une préparation de la bibliothèque ? Étant donné le nombre d'ouvrages édités
pendant ces neuf années présent dans sa collection, on peut supposer que Seckendorff était alors à
ce moment particulièrement attentif à l'actualité littéraire, préparant un ouvrage ou sa future
bibliothèque, et qu'il a ainsi entendu parler de beaucoup d’œuvres susceptibles de l'intéresser. Cette
augmentation du nombre d'ouvrages édités avant son installation à Meuselwitz nous donne un
indice sur la date de constitution de sa collection, qui aurait donc commencé bien avant son
déménagement. Au contraire, le faible nombre d'ouvrages du XVe siècle au milieu du XVIIe donne
l'impression que le savant a comble ses lacunes en achetant des livres anciens qu'il n'a pas lu, ou
qu'il se procure des classiques qu'il a eu entre les mains mais sans les posséder personnellement.
Nos réflexions ne peuvent aller plus loin que ces hypothèses et il faut bien nous garder de ne pas
trop abonder en conclusions, qui nous feraient perdre de vu la nature de ces dates et fausseraient
complètement les données. Nous ne pouvons que supposer que Seckendorff a entrepris de préparer
sa retraite de savant plusieurs années avant sa réalisation, et que la preuve en est un suivi de
l'actualité scientifique et littéraire résultant en une concentration d'ouvrages édités à des dates
rapprochées. Nous aurions aussi pu conclure que le très grand nombre d'ouvrages de 1679 ou de
1678 est le fait d'un achat massif de livre auprès d'un même fournisseur, ce qui serait visible par des
lieux d'éditions semblables ; nous pourrions également supposer que Seckendorff a acheté une très
grande quantité de documentation sur un même sujet pour préparer la rédaction d'un ouvrage, ce qui
s'exprime par une uniformité des sujets abordés par les livres achetés : il n'en est rien. De plus, le
suivi de l'actualité scientifique est plus une attitude des savants de ce siècle que l'achat massif de
documentation. Le prêt, la recopie de page ou la correspondance sont généralement les sources
d'informations des érudits.
4. Catégories du catalogue, thèmes des ouvrages
Nous nous attaquons ici à l'étude du contenu thématique de la bibliothèque de Seckendorff,
28 : Voir le document en annexe.
31
mais aussi son organisation et le classement mis en place. Comme nous l'avons précisé auparavant,
il nous faut distinguer les catégories utilisées pour classer les ouvrages, et les thèmes de ceux-ci.
Cette distinction est devenue nécessaire à cause de l'existence des catégories linguistiques de
classement des œuvres. Nous avons donc entrepris de redéfinir les thèmes abordés par les ouvrages,
afin de mieux percevoir la répartition thématique de la collection. Regardons tout d'abord l'état des
catégories du catalogue pour la première et la deuxième écriture :
Nous avons séparé les deux catégories regroupant les livres de théologies (la catégorie
principale et le cahier rajouté au centre du catalogue) pour respecter strictement l'organisation de
l'inventaire, mais pour que notre analyse ait du sens, nous les additionnons. On remarque alors que
la théologie est la seconde catégorie la plus remplie, mais de peu ! Le droit la devance de seulement
trois titres. C'est assez surprenant considérant l'intérêt de Seckendorff pour la théologie et le fait que
beaucoup de ses ouvrages rédigés à partir de son installation à Meuselwitz en traitent. En observant
le tableau des ouvrages inscrits d'une autre main, on remarque aussitôt l'inégale répartition des titres
dans les catégories : le théologie à elle seule constitue 81,7 % des ouvrages… La deuxième surprise
est que la troisième catégorie la plus importante est une catégorie linguistique : le français.
L'histoire, la philosophe et la littérature se situent bien plus loin dans le classement. Toutefois nous
ne pouvons tirer de conclusions claires en restant sur ces tableaux, qui ne font que résumer
l'organisation du catalogue : nous devons nous pencher sur les thèmes réellement abordés par les
livres, et en particulier parmi les catégories linguistiques .
32
Catégories1ère main
Théologie 143Théologie² 89Total 232Droit 235Histoire 148Philosophie 93Littérature 32Médecine 1Français 199Italien 41
981
Catégories
Droit 5Théologie 58Histoire 5Philosophie 1Français 2
71
2e main
Pour rassembler ces données et constituer le tableau ci-contre, nous avons déterminé le
thème abordé pour chaque livre italien et français. Ce processus long et fastidieux est tributaire
de notre définition de chaque thèmes. Ainsi les catégories de Seckendorff ne possèdent pas de
thème « politique », mais nous avons du en créer une pour des ouvrages traitant de diplomatie, de
fonctionnement de gouvernement et de stratégie militaire. Il est probable que ces ouvrages latin ou
allemand enregistrés par Seckendorff traitant de ces questions aient été classés parmi les ouvrages
de droit.
La répartition des thèmes est somme toute peu surprenante mais nous offre quelques points
intéressants. Nous ne sommes pas étonnés de constater que la théologie est le thème regroupant le
plus d'ouvrages, avec une bonne avance : Seckendorff vit dans une époque où la Réforme a
chamboulé la société et la politique de toute une partie de l'Europe, et il a toujours exprimé son
intérêt pour ce sujet, qui reste un grand classique de l'érudition. Il a d'autant plus le projet d'y
consacrer plusieurs ouvrages, dont le plus fameux est le Commentarius, dont il entame la
préparation en 1683. Il est en revanche plus surprenant constater que 248 ouvrages, soit 23,6 % de
la collection, soient consacrés au droit. Nous pouvons immédiatement y voir l'influence de ses
nombreuses années en tant qu'administrateur d’État, qui en ont fait un spécialiste du droit et de la
gestion du pouvoir, ainsi qu'un pionnier grâce au Fürsten-Stat. Si Seckendorff n'a pas créé de
catégorie spécifique pour la politique, c'est que ces deux matières sont trop proches et entrelacées,
et que lui-même n'a jamais été souverain : il ne s’intéresse pas à la manière de gouverner, ni aux
affaires diplomatiques des souverains, étant avant tout un technicien du fonctionnement de l’État.
Alors que le prince s'occupe de diriger son royaume, lui reste le mécanicien qui s'occupe de son
fonctionnement, bien que cela ne l'empêche pas d'avoir ses idées sur la direction d'un
gouvernement, preuve en est son départ de Gotha. Ces suppositions ne sont toutefois pas suffisantes
ou satisfaisantes pour expliquer ce manque choquant, la politique étant un thème récurrent que l'on
retrouve dans toutes les bibliothèques des érudits de ce siècle. Cette absence totale peut receler un
33
ThèmesThéologie 353 34,00%Droit 248 23,60%Histoire 204 19,40%Philosophie 97 9,40%Littérature 76 7,00%Essais 27 2,60%Linguistique 20 1,50%Politique 16 1,50%Géographie 6 0,60%Revue 4 0,30%Médecine 1 0,10%
1052
désintérêt profond de Seckendorff pour la politique en tant que sujet d'étude : celle-ci demeure
avant tout pour lui un sujet de travail, qui l'a occupé une grande partie de sa vie et qui l'avait
empêché de se consacrer à ses études. Une fois retiré à Meuselwitz, il a constitué une bibliothèque
de recherches réunissant les sujets de loisir qu'il souhaite étudier, et la politique n'y aurait pas sa
place...
L'histoire est un thème classique des bibliothèques privées de ce siècle, et son score assez
élevé, cumulant 205 titres soit 19,4 % de la collection, n'est pas surprenant. Les savants des siècles
et précédents et suivants ont le même intérêt pour les récits historiques, qui peuvent être autant un
divertissement qu'un enseignement : les actions des gouvernement passés sont toujours sources de
leçon, même après Hegel qui affirme que l'on ne peut pas apprendre de l'histoire et des actions des
peuples passés29. Seckendorff s'est toujours montré sensible à l'histoire, du Saint-Empire mais aussi
des contrées limitrophes, comme en atteste un petit cahier de ses archives privées où il a noté tous
les événements européens du XVIe siècle, année par année30.
Viennent ensuite les ouvrages de philosophie et les œuvres littéraires, qui représentent peu
de volumes dans la collection totale : ces deux catégories contiennent 99 et 74 titres, et elles
n'atteignent même pas le chiffre de l'histoire, constituant 16,4 % de la collection à elles deux (9,4 %
pour la philosophie et 7 % pour la littérature). Les œuvres littéraires sont un petit groupe
principalement constitué de grands classiques, que ce soit des œuvres antiques traduites (Homère,
Horace et Hésiode) ou des œuvres modernes en langue originale (Racine et Molière). Seckendorff a
ainsi créé une sorte de petit collection servant à étayer sa culture générale et sa curiosité, et à être un
véritable homme de lettres instruit dans tous les domaines et au fait de l'actualité.
Nous avons regroupé dans la catégorie « géographie » les récits de voyages ou essais sur les
nouvelles contrées américaines ou d'Asie, qui font l'objet de livres détaillant les us et coutumes des
populations et la géographie physiques de ces lieux. Une fois encore, ni la présence ni le nombre de
ces ouvrages n'est surprenant, en ce que tout un chacun était et est toujours curieux des récits de
voyages dans terres exotiques, mais que ces volumes ne constituent pas un domaine scientifique à
part entière stimulant le désir de recherche. Nous aurions pu les faire entrer dans la catégorie des
« Essais », mais celle-ci regroupe un patchwork d’œuvres qui s'avèrent difficiles à classer. Souvent
écrits d'opinions et dissertations sur des généralités (De l’éducation des dames pour la conduite de
l'esprit), nous y avons également joint des volumes tout à fait surprenant tel un ouvrage de cuisine,
semble-t-il : La manière d'amolir les os, et de faire cuire toutes sortes de viandes en fort peu de
temps ; mais également des ouvrages de jardinage (Le iardinier francois : qui enseigne a cultiver
29 : Hegel, Leçons sur la philosophie de l'histoire, 182230 : Fonds 1072
34
les arbres, & herbes potageres). Il était difficile de classer ces ouvrages, aussi les avons-nous
regroupés, dans un ensemble qui aurait pu s'intituler « Trivia ». Le nombre assez réduit de ces
pamphlets et petits écrits originaux ne nécessite pas de commentaire : ils se trouvent toujours dans
les bibliothèques, et répondent à un désir de divertissement et au suivi assidu de l'actualité des
ouvrages édités.
Nous pouvons en revanche nous étonner de la présence de l'unique livre de médecine de la
collection, dans une catégorie qui lui est entièrement dédiée. Il est assez commun que les
bibliothèques privées laissent de la place à un bel ensemble de médecine, mais il est rare de voir un
espace réservé dans le catalogue et qu'il soit si peu rempli… S'agit-il d'un manque d'intérêt de
Seckendorff qui voulait créer une collection exemplaire du parfait érudit, et qui s'est trouvé pris au
dépourvu devant les titres à rassembler ? Une réminiscence de la bibliothèque de Gotha qui
possédait un ensemble intéressant d'ouvrages de médecine, dans lesquels se trouvaient plusieurs
essais de magie et d'alchimie ? Il est également probable qu'on lui ait vivement conseillé cet
ouvrage et qu'une fois obtenu et lu, le savant n'a pas pu se résoudre à le ranger dans une catégorie
étrangère à son thème, dans un souci d'organisation. Il est en tout cas évident que la médecine est
loin d'être un centre d'intérêt du savant.
Nous sommes aussi un peu surpris par le très petit nombre de revues qui se trouve dans la
collection. Seckendorff possède bien évidemment quatre tomes des Acta Eruditorum auxquels il
participe, mais ne possède que deux exemplaires des Entretiens sur les affaires du temps, un journal
présentant les nouvelles européennes, et un seul du Mercure Galant, qui présente autant des
anecdotes et petites nouvelles littéraires que les actualités. Le XVIIe siècle n'est certes pas le temps
des magazines et revues, mais nous nous attendions au moins à voir apparaître le Journal des
sçavants, première revue européenne, qui reste une référence et a inspiré toutes les revues qui ont
pas la suite été publiées. Il faut également noter que ces volumes ne sont pas distingués dans le
catalogue : il n'est pas précisé qu'il ne s'agit pas d'une œuvre terminée et fixe mais faisant partie
d'une publication régulière. On trouve ainsi les Acta dans les œuvres historiques et les deux autres
revues dans les ouvrages français. À aucun moment dans leur enregistrement il n'est précisé qu'il ne
s'agit pas d'un livre mais du tome d'une publication. Preuve encore que la constitution du catalogue
n'a pas été très fine…
Enfin, nous avons recensé 16 ouvrages de linguistiques dans toute la collection, mais surtout
concentrés dans les livres italiens et français. Il s'agit de dictionnaires ou de grammaires qui doivent
aiguiller Seckendorff dans sa lecture des ouvrages en langue étrangère et révèlent son intention de
réellement lire « dans le texte » ces œuvres, afin de se perfectionner. Ainsi, il peut lire le
Décameron en italien, grâce à ses trois grammaires. Les 20 ouvrages de linguistique sont plutôt
35
équitablement répartis selon les langues, entre l'anglais, le français, l'italien, l'espagnol, mais aussi
le grec et un dictionnaire d'hébreu. Presque chaque langue présente dans sa collection a un œuvre
lui permettant d'être lue et comprise avec le plus de précisions possible.
5. Formats d'édition
L'étude des formats d'impression des ouvrages peut nous apporter des données très
intéressantes, à la fois sur le choix qu'a effectué Seckendorff sur les livres à acheter, mais également
sur l'économie européenne du livre et les réseaux marchands. En effet, nous l'avons dit auparavant,
le choix du format du livre dépend de nombreux critères, par exemple du confort de lecture, mais
aussi de la facilité de transport du volume. Toutefois, si ces critères dépendent de l'acheteur des
ouvrages, celui-ci n'a généralement que peu voix au chapitre : la majorité des ouvrages sont édités
en un seul format, et ne sont que rarement réédités, et bien des années plus tard. Le choix du format
dépend donc avant tout de l'éditeur et de l'imprimeur. Mais ceci ne signifie pas que nous ne pouvons
tirer de conclusions intéressantes : les formats d'édition varie en fonction des éditeurs, mais
également des sujets des volumes, et nous révèlent donc beaucoup sur les domaines d'études du
XVIIe siècle. Nous allons avant tout étudier la répartition des formats dans la collection de
Seckendorff, avant de pouvoir envisager nos analyses sous cet angle, à travers le recoupement des
formats et des thèmes des livres.
Les formats d'impression de la collection se répartissent du folio, qui a environ la taille d'une
feuille format A3 actuelle, au in-12, proche du livre de poche. Ils n'ont donc pas les mêmes attributs
et avantages : alors que le folio permet une lecture aisée et des illustrations de grande qualité, le
« in-duodecimo » par contre peut être difficile à lire, surtout s'il est imprimé avec l'alphabet
gothique, comme pour les livres allemands. En revanche, un volume au format in-folio peut
facilement peser 10 kilogrammes, ce qui le rend excessivement cher et très peu pratique pour son
transport ou son échange. Frédéric II, roi de Prusse, préférait les grandes impressions qui facilitaient
grandement la lecture, mais la tendance du XVIIIe siècle était aux ouvrages maniables (ce qu'on
appelle « les portatifs »). Le in-8° est alors le format le plus équilibré entre maniabilité et confort de
lecture31.
31 : Françoise Waquet, 2000.
36
La collection de Seckendorff est répartie assez équitablement. Le in-octavo, format modeste
se rapprochant du format A5, rassemble le plus d'ouvrages, puis vient le in-quarto, légèrement plus
grand, et enfin le in-12. Le in-folio se trouve donc en bonne dernière place. Si l'on regarde la
répartition des formats par pourcentage, on remarque assez rapidement que les petits formats
constituent plus de 60 % de la collection, devant les livres de taille plus importante qui ne dépassent
guère 40 %. Malgré tout, dans les détails, la collection est davantage composée de formats moyen,
puis grand et enfin en avant dernier de très petits formats. Ceux-ci ont un réel écart avec le reste des
trois groupes, qui restent somme toute très proches. L'étude globale ne nous donne donc pas
beaucoup d'indices, il faut affiner notre champ d'études.
La répartition des formats pour les
livres de théologie respecte assez strictement la dynamique générale de la collection : les livres in-
folios sont rares, les in-12 arrivent en avant-dernier ; seuls les positions des formats les plus
répandus sont échangées. Cette fois-ci les in-quarto ont 4 % d'avance sur les in-octavo, mais les
formats de petite taille restent majoritaires. Cette répartition est étonnante. En effet, les formats des
livres reflètent le statut des domaines scientifiques : les sujets nobles, qui font l'objet de débats entre
les savants, qui ne s'adressent donc pas à la plèbe, et qui sont majoritairement rédigés en latin, sont
surtout édités en format in-folio et in-quarto. Ce sont en effet des grands livres peu maniables qu'il
convient de lire dans un cabinet de travail, avec une table et un pupitre ; des livres précieux dont on
fait collection et que l'on range dans un espace spécialement aménagé pour les recevoir et pour
qu'ils soient organisés32. On pourrait donc s'attendre à ce que les livres de théologie soient plutôt
32 : « Les publications des doctes ne sont pas toujours, et loin de là, des in-folio, mais c'est parmi elles que l'on en trouve le plus grand nombre ; de fait, l'in-folio demeura le format par excellence de l'activité savante. L'érudition sacrée, avec les publications des écrits patristiques et des collections conciliaires, mais aussi l'histoire profane, avec
37
FormatsFormats Nombre d'ouvrages PourcentagesIn-folio 136 12,90%In-quarto 289 27,50%In-octavo 367 34,90%In-12 260 25,70%
1052
ThéologieFormats Ouvrages PourcentagesIn-folio 17 9,00%In-quarto 66 37,30%In-octavo 74 33.4%In-12 44 20,30%
290
In-folio In-quarto In-octavo In-120
1020304050607080
Répartition des formats pour les ouvrages de théologie
Nom
bre
d'o
uvr
ages
imprimés en in-folio. Mais il faut se remettre dans le contexte de l'époque : les guerres et querelles
de religion font l'actualité tout au long du XVIIe siècle, elles animent la vie politique mais aussi la
société dans toutes ses couches. Si bien qu'elle n'est pas tant un sujet d'érudition qu'un sujet de tous
les jours, qui intéresse tout un chacun. Bien sûr, le premier plébéien venu ne peut pas se procurer les
ouvrages imprimés sur ce thème, mais si les livres se présentent sous une forme plus petite, moins
onéreuse et précieuse, ils sont plus susceptibles d'être lus par le grand nombre ; d'autant plus s'ils
sont imprimés en langue vernaculaire et non en latin. Nous pouvons donc supposer que la collection
de livre de théologie de Seckendorff reflète cette situation, contenant en majorité des ouvrages de
taille assez réduite. Il s'agit donc de vérifier ces hypothèses sur les autres catégories du catalogue et
la répartition des formats dans celles-ci.
Les livres traitant du droit
renversent la répartition générale, et qui
était respectée par la théologie : désormais les in-folios sont les seconds plus nombreux, après les
in-quarto qui se positionne largement comme les plus nombreux en représentant plus de 40 % des
ouvrages. Les in-octavos ne sont plus qu'avant-derniers, et les in-duodecimo sont loin derrière avec
7,1 % des titres… C'est donc une répartition complètement renversée que nous observons ici, où
71 % de la collection sont des livres grands formats. Si nous appliquons notre hypothèse de lien
entre le statut de la discipline et le format d'impression, nous nous retrouvons avec une explication
tout à fait logique et probable. Contrairement à la religion qui est au centre des préoccupations, le
droit reste un sujet strictement réservé aux administrateurs, souverains et étudiants qui viendront
grossir les rangs des mécaniciens du pouvoir. C'est un domaine strictement lié à l'étude, et le droit
est la matière la plus étudiée dans les universités : Seckendorff souhaitait étudier la théologie, mais
il a choisi le parcours normé passant par l'étude du droit qui lui assurera des postes au sein
d'administrations. La répartition que nous avons sous les yeux fait donc sens : il n'est pas nécessaire
les travaux consacrés au passé national ou aux antiquités classiques, le droit, avec les compilations de textes de loi et les recueils de jurisprudence, ou encore l'histoire naturelle, avec ses splendides albums accompagnés de nombreuses planches, donnèrent lieu, pendant toute l'époque moderne et partout en Europe, à de gros ouvrages, à des publications monumentales qui, de surcroît, comptaient parfois plusieurs volumes. » Hans Bot, Françoise Waquet, 1997 : p146.
38
DroitFormats Ouvrages PourcentagesIn-folio 67 28,00%In-quarto 104 43,30%In-octavo 52 21,60%In-12 17 7,10%
240
In-folio In-quarto In-octavo In-120
20
40
60
80
100
120
Répartition des formats pour les livres de droitN
om
bre
d'o
uvr
ag
es
que ces ouvrages soient imprimés dans de petits formats puisqu'ils seront consultés dans les
bibliothèques d'universités ou dans les cabinets de travail des administrateurs. Il est d'ailleurs tout
aussi important qu'ils soient facilement lisibles pour mieux simplifier le contenu traitant de
complexes questions judiciaires et policières.
Les livres d'histoire présentent une
répartition proche des livres de droit, mais
beaucoup plus uniforme. Ici aussi les in-
duodecimo arrivent bien dernier, mais avec un écart plus marqué, alors que les folios sont très
proches des deux autres catégories : quatre livres seulement séparent les folios des in-octavo, et
neuf des in-octavos des in-quartos qui représentent le plus gros pourcentage. Ici aussi, ce sont les
gros formats qui sont majoritaire à plus de 64 %. Nous pouvons donc rapprocher cette catégorie des
livre de droits, et supposer que l'histoire n'est pas au XVIIe siècle un sujet attirant beaucoup de
lecteurs hors les érudits.
Les deux dernières catégories restantes ont une répartition semblables et nous allons donc
les étudier ensemble :
Les livres de philosophie et de littérature
se distinguent radicalement des autres
39
HistoireFormats Ouvrages PourcentagesIn-folio 43 28,10%In-quarto 56 36,60%In-octavo 47 30,70%In-12 7 4,60%
153
PhilosophieFormats Ouvrages PourcentagesIn-folio 0 0,00%In-quarto 0 0,00%In-octavo 59 62,80%In-12 35 37,20%
94
LittératureFormats Ouvrages PourcentagesIn-folio 0 0,00%In-quarto 0 0,00%In-octavo 19 59,40%In-12 13 40,60%
32
In-folio In-quarto In-octavo In-120
10
20
30
40
50
60
Répartition des formats pour les livres d'histoire
No
mb
re d
'ou
vra
ge
s
In-folio In-quarto In-octavo In-120
5
10
15
20
Répartition des formats pour les oeuvres littéraires
No
mbre
d'o
uvr
ag
es
In-folio In-quarto In-octavo In-120
10
20
30
40
50
60
70
Répartition des formats pour les livres de philosophie
Nom
bre
d'o
uvr
ages
catégories : ils ne contiennent aucun livres en in-folios ou en in-quarto, tous les ouvrages étant de
moyen à petits formats. Ici aussi les in-octavos sont largement en tête de la collection, représentant
respectivement 59,4 % et 62,8 % de tous les titres. Enfin viennent les in-duodecimo qui complètent
l'ensemble. Cette absence totale de grands formats est bien singulière. On comprend aisément que
les livres de littérature ne sont pas destinés aux études érudites mais sont uniquement des
divertissements, appelant donc des petits formats maniables ; mais la philosophe pourrait bénéficier
de formats plus ambitieux. Il appert donc que celle-ci n'est pas encore considérée comme un
domaine de recherche à part entière…
Après ces brèves observations de la répartition des formats au sein des catégories
thématiques et de leur signification pour le statut des sujets de recherche, nous allons faire de même
pour chaque langue présente dans la collection. Nous n'utilisons pas les chiffres des catégories
linguistiques, mais bien le nombre exact d'ouvrages écrits en langue étrangère : il est en effet arrivé
que des livres espagnols ou latins soient présents parmi les livres italiens, et les catégories
thématiques contiennent également des livres écrits en français ou en italien.
40
AllemandFormats Ouvrages PourcentagesIn-Folio 10 4,50%In-Quatro 38 28,80%In-Octavo 59 44,70%In-12 29 22,00%
136
FrançaisFormats Ouvrages PourcentagesIn-Folio 2 1,00%In-Quatro 18 8,50%In-Octavo 81 38,40%In-12 110 52,10%
211
LatinFormats Ouvrages PourcentagesIn-Folio 121 18,30%In-Quatro 228 34,20%In-Octavo 212 31,80%In-12 104 15,70%
665
ItalienFormats Ouvrages PourcentagesIn-Folio 2 6,30%In-Quatro 6 18,70%In-Octavo 7 21,90%In-12 17 53,10%
32
In-Folio In-Quatro In-Octavo In-120
20
40
60
80
Répartition des formats pour les livres allemands
Nom
bre
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uvr
ages
In-Folio In-Quatro In-Octavo In-120
50
100
150
200
250
Répartition des formats pour les livres latins
Nom
bre
d'o
uvr
ages
On remarque aussitôt en observant ces quatre tableaux et graphiques que nous pouvons les
réunir en deux groupes : les livres italiens et les livres français d'un côté, les livres allemands et latin
de l'autre. Le premier groupe ressemble beaucoup aux livres littéraires et philosophiques, mais la
répartition est à la fois légèrement plus fine et plus marquée. Plus de 50 % des ouvrages de ces deux
langues sont en in-duodecimo, près de 40 % sont en in-octavo. Comme pour les deux catégories
précédentes, ces ouvrages sont donc largement en petits formats, mais il se concentrent ici dans la
taille la plus petite présente dans l'ensemble de la collection. En revanche, ils possèdent quelques
titres dans les formats plus larges, alors qu'ils étaient inexistants dans les tableaux précédents. Ceci
peut s'expliquer par le sujet abordés dans ces livres qui seraient donc de réels ouvrages d'étude,
édités comme tels dans leurs pays d'origines. Mais la très grande proportion de livres du plus petit
format nous fait à la fois envisager qu'ils puissent traiter de sujets plus « frivoles », mais ils peuvent
également hériter d'un tel format par choix de l'acheteur qui doit les rapporter au sein de Saint-
Empire. Nous ne savons pas si ces ouvrages ont fait l'objet de plusieurs éditions aux formats
différents et si Seckendorff ou ses agents libraires ont précisément choisi les tailles les plus
modestes afin de faciliter leur acheminement. Néanmoins, en comparant les données des ouvrages
italiens et français aux latins et allemands, on remarque une nette différence. Les deux derniers
suivent de près la tendance générale de répartition des formats, et d'autant plus le latin. Cela est tout
à fait logique pour le latin : plus de la moitié des ouvrages de la collection étant rédigé dans cette
langue, il est normal qu'ils reflètent la tendance générale car les données de ces livres influencent
considérablement les résultats globaux. Mais nous ne pouvons nous empêcher de remarquer que
pour les livres latins et allemands, les lieux d'édition sont pour la majorité situés au sein des
territoires germaniques du Saint-Empire. Les distances à parcourir pour obtenir les œuvres sont
donc moins importantes.
Nous avons établit des tableaux des formats des ouvrages selon les villes d'édition les plus
dynamiques, par pays :
41
In-Folio In-Quatro In-Octavo In-120
5
10
15
20
Répartition des formats pour les livres italiensN
om
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In-Folio In-Quatro In-Octavo In-120
20
40
60
80
100
120
Répartition des formats pour les livres français
Nom
bre
d'o
uvr
ages
Ces cinq villes rassemblent 351 ouvrages en tout et nous offrent une répartition assez
brouillée. Chaque ville, mis à part Francfort-sur-le-Main, se distingue par deux formats devançant
assez nettement le reste. Ainsi Iéna, Leipzig et Strasbourg ont plus d'ouvrages en in-quarto et in-
octavo, alors que Cologne penche plutôt sur les plus petits formats entre in-octavo et in-duodecimo.
La répartition des formats des ouvrages de Francfort est la plus égale : même si les in-quartos et in-
octavos représentent le plus gros pourcentage, les folios restent très proches en nombre. Ces chiffres
ne nous apportent pas beaucoup d'informations supplémentaires, démontrant seulement que les
formats moyens sont préférés, comme compromis entre une bonne lisibilité et élégance de l'ouvrage
et sa maniabilité. Leipzig, la ville la plus proche de Meuselwitz et de Seckendorff, ne présente pas
une plus forte concentration de grands formats par rapport aux autres villes plus éloignées, ce qui ne
valide pas notre hypothèse du lien entre le format et la proximité du lieu d'édition par rapport à la
position de la bibliothèque.
Les villes d'édition françaises présentent une profil un peu plus tranché :
Lyon et Rouen ne nous apportent que très peu d'informations, étant donné le nombre fort
restreint d'ouvrages présents et la répartition très égalitaire pour Lyon. En revanche Paris présente
un profil très varié et marqué sur les petits formats : les in-duodecimos et in-octavos représentent
85 % des ouvrages édités, et sont tous deux aux coude-à-coude. Cette concentration des formats de
petite taille est intéressante et le grand nombre d'ouvrages nous permet d'obtenir des données
représentatives. Étant donné l'importance de la capitale dans le marché européen du livre, il est tout
à fait surprenant de ne voir ici que des petits formats, à moins que cette répartition ne soit que le fait
42
FrancfortFolio 26In-4 32In-8 33In-12 16
IénaFolio 12In-4 43In-8 22In-12 12
LeipzigFolio 9In-4 38In-8 21In-12 8
StrasbourgFolio 1In-4 12In-8 19In-12 7
CologneFolio 3In-4 5In-8 16In-12 17
ParisFolio 5In-4 10In-8 43In-12 42
LyonFolio 13In-4 5In-8 14In-12 18
RouenFolio 0In-4 3In-8 8In-12 4
des choix de Seckendorff. Paris est donc responsable de la grande concentration de petits formats
parmi les ouvrages édités en France.
Les livres allemands sont ceux qui présentent une répartition la plus proche de la répartition
globale : les in-octavos sont les plus nombreux, puis viennent les in-quartos et enfin les in-
duodecimo, les folios étant bon derniers avec seulement 4,5 % de la collection. Cet état peut-être la
conséquence de deux faits : de un, la langue elle-même qui n'est pas savante mais parlée et
comprise par tous, et elle sera donc utilisée pour des ouvrages destinés à un public plus large que le
latin ; de deux, les ouvrages allemands sont édités dans les territoires germanophones, destinés au
marché germanophone proche, il n'est donc pas nécessaire de les éditer à tout prix dans des petits
formats pour faciliter leur transport. La combinaison de ces deux faits peut expliquer cette
répartition assez équilibrée, favorisant des formats plutôt moyens. Le latin par contre penche plus
fortement vers des formats de grandes tailles : ce sont les in-quartos qui prennent la tête ici, suivis
de près par les in-octavos, mais ce sont les folios qui arrivent en troisième position. Certes, la
différence est ténue entre ceux-ci et les in-duodecimo (18,3 % et 15,7 % respectivement), mais elle
est suffisante pour présenter un équilibre différent. Nous ne pouvons nous empêcher de percevoir
dans ce déplacement du centre de gravité vers les grands formats une marque du caractère de langue
internationale des savants du latin. La majorité des ouvrages savants sont édités en latin, les plus
grandes œuvres classiques le sont et celles-ci bénéficient d'éditions soigneuses et ouvragées dans de
grands formats. De plus, le latin connaît une régression dans les impressions européennes depuis le
XVIe siècle, et tout particulièrement en France (20 % des ouvrages imprimés dans le royaume le
sont en latin en 1644)33. Mais si l'Allemagne a bénéficié très tôt de l’essor de publications en
vernaculaire grâce à l'impulsion de Luther, la tendance s'inverse au XVIIe siècle et le latin continue
de dominer largement le marché du livre allemand jusque dans les années 1680. Une grande partie
des livres latins présents dans la collection ont donc été édités en Allemagne, ce qui peut également
avoir une influence sur le format de ceux-ci, et corroborer notre hypothèse sur l'importance de la
proximité des lieux d'impression des ouvrages.
Nous n'avons pas constitué de tableaux pour les autres langues présentes dans la collection,
leur nombre étant bien trop ténu. Toutefois, il est intéressant d'y jeter un coup d’œil, afin de
potentiellement déceler des informations contredisant nos conclusions. Il est tout d'abord important
de noter que l'unique ouvrage anglais se trouve dans les livres historiques et que celui-ci est un
folio. Mais il est le seul dans cette catégorie et ce format. Cette œuvre a été imprimée à Londres, et
prend cependant la forme d'un tome d'une taille conséquente, qu'il a du être difficile de rapporter.
Son format et son classement nous poussent à revenir à notre hypothèse première sur la constitution
33 : François Waquet, Le latin, ou L'empire d'un signe (XVIe-XXe siècle), Paris : Albin Michel, 1999 : p103
43
des catégories du catalogue, qui est que les catégories thématiques regroupent les ouvrages
constituant un réel corpus de références que Seckendorff va utiliser, ainsi que des œuvres
canoniques qui ont participé à la construction de ces domaines d'études que repend le catalogue. Cet
unique livre anglais perdu au sein d'une collection de livres latins laisse penser qu'il ne peut être le
fruit d'une simple curiosité du savant.
Il est difficile de tirer des conclusions certaines de nos observations, qui ont pourtant réussi à
dessiner des lignes franches dans l'étude de la répartition des formats au sein de la collection. Les
hypothèses que nous avançons ne semblent pas être complètement rejetée par les données, mais
elles ne restent qu'hypothèses. De plus, l'idée que le choix du format est tributaire de l'éditeur et de
l'imprimeur prive complètement Seckendorff de tout contrôle de sa collection, et le rend totalement
dépendant des acteurs du marché du livre et de son économie.
Notre présentation de la bibliothèque privée de Seckendorff dresse un portrait assez
décevant de sa collection. Tout d'abord dans son organisation, qui manque parfois de logique, mais
aussi dans son contenu, qui semble assez maigre et restreint : l'on s'attendrait à trouver plus de
thèmes d'études différents, distingués par des catégories bien remplies. Mais nous ne nous sommes
livrés ici qu'à une étude superficielle du classement de la bibliothèques et des caractéristiques des
œuvres, sans offrir une réelle plongée dans le contenu de celle-ci, et encore moins une comparaison
avec d'autres collections de savants. C'est ce que nous allons faire dans notre dernière sous-partie.
C – La collection de Seckendorff en contexte
La collection de Seckendorff, en comptant les ajouts de seconde main, se compose de 1052
œuvres et 1138 volumes, ce qui représente un chiffre très modeste en comparaison des collections
des autres savants de son siècle. Ainsi, la collection d'Hermann Conring réunit 4 622 œuvres, 3 264
volumes, celle de Daniel Heinsius 4 045 volumes, de Johann Friedrich Gronovius 2 518 volumes et
enfin celle de Samuel Pufendorf 1 663 volumes. Et tous ces chiffres ne sont rien face à l'immense
bibliothèque privée de Friedrich Benedikt Carpzow qui rassemble 15 515 ouvrages34 ! Face à ces
collections impressionnantes, l'on est franchement tenté de remettre en cause le label de
bibliothèque d'érudit que nous lui avons apposé auparavant. Un savant ne se définit-il pas par sa
culture extensive et le nombre impressionnant de ses lectures et de ses références ? On serait alors
34 : « Die Bibliotheca Conringiana : Beschreibung einer Gelehrtenbibliothek des 17. Jahrhunderts », Paul Raabe dans Hermann Conring (1606-1681), Beiträge zu Leben und Werk, Michael Stolleis (ed), Historische Forschungen vol 23, Duncker & Humboldt, Berlin, 1983 : p418-419.
44
tenté de ne plus le mettre sur le même pied que tous les personnages que nous venons de citer et qui
ont marqué leur siècle de leurs écrits. Convient-il malgré tout de juger la valeur d'un érudit à l'étude
de sa collection d’œuvres ? Cette différence conséquente en nombre d'ouvrages pourrait s'expliquer
par la date tardive de constitution de la collection, si celle-ci a en effet été commencée lors du
mandat de Seckendorff à Zeitz. Néanmoins, nous l'avons vu auparavant, la décennie rassemblant le
plus d'ouvrages selon leur date d'édition est de 1670 à 1679 avec un peu moins de 250 ouvrages. Or,
si l'on compare le même décompte dans la collection de Conring, on remarque une différence
flagrante. Supposons que la décennie 1670-1679 soit pour Seckendorff celle d'une grande activité
littéraire où il suit assidûment les nouveautés et en acquiert un grand nombre : pour Conring, le pic
atteint 474 ouvrages, édités entre 1640 à 1649. Quant à la décennie 1670 à 1679, elle est une des
plus basses avec 252 œuvres, soit malgré tout toujours plus que Seckendorff. La taille modeste de la
collection du savant n'est pas nécessairement due à un laps de temps trop restreint pour composer
une collection importante et digne de ce nom. Il semble simplement que Seckendorff n'ait pas eu
une dynamique d'accumulation d’œuvres aussi importante et débordante que d'autres savants. Ce
nombre réduit d'ouvrages pourrait surtout être un choix délibéré du savant qui ne voulait pas se faire
déborder par la masse des volumes rassemblés. Paul Raabe explique ainsi qu'il est impossible de
comparer une bibliothèque privée d'un savant d'une bibliothèque créée par un prince, qui peut se
laisser déborder par le désir de créer une collection d'une richesse sans précédent : la bibliothèque
de Wolfenbüttel, avec ses 116 000 ouvrages, écrase n'importe quelle collection privée. Celle-ci a en
effet comme objectif, entre autres, de démontrer la puissance du prince, sa richesse et son caractère
de souverain éclairé, sensible aux arts et aux lettres. Alors qu'une bibliothèque privée de savant est
une bibliothèque de travail, qu'il doit pouvoir consulter aisément et trouver un ouvrage sans être
perdu dans la multitude35. Restreindre sa collection aux seuls ouvrages absolument essentiels est
donc une stratégie tout à fait probable et judicieuse.
Il faut également prendre en compte que même si la production et l’impression de livres
explosent au cours du XVIIe siècle, le prix des livres reste très élevé. Si bien qu’il est très difficile
pour les savants de se procurer des grandes quantités à la fois, et qu’ils doivent donc judicieusement
choisir les volumes qu’ils souhaitent acquérir. Ceci limite sérieusement les érudits qui ne peuvent
constituer des collections ambitieuses s’ils n’ont pas de fonds conséquents. Cette situation rend
également les revues comme le Journal des Savants ou les Acta Eruditorum, qui présentent des
critiques et résumés de livres, extrêmement précieuses pour les auteurs européens : elles leurs
35 : « Ein Gelehrter mußte im Hinblick auf seine Privatbibliothek ein Meister in der Beschränkung sein : seine Büchersammlung diente der praktischen gelehrten Arbeit. » [Un savant devait, concernant sa bibliothèque privée, être un maître de la limitation : sa collection de livres sert à l'exercice pratique de son travail intellectuel] Paul Raabe, 1983 : p433.
45
permettent de mieux cibler les ouvrages qu’ils souhaitant acheter et de limiter leurs dépenses36. Bien
sûr, il est peu probable que la taille modeste de la bibliothèque de Seckendorff soit liée à ses
ressources limitées, mais c'est un paramètre à conserver à l'esprit.
Pour confirmer cette image, nous allons brièvement rapprocher la collection de Seckendorff
de celle d'Hermann Conring. L'analyse de la collection de Seckendorff ne serait pas vraiment
complète ni significative si nous ne la confrontions à une autre, enfin de la remettre dans le contexte
du siècle et de l'environnement socio-culturel de l'érudit. Il faut bien garder à l'esprit que la
bibliothèque de Conring est bien plus conséquente que celle de Seckendorff, et que les
comparaisons de nombres et de pourcentages que nous effectuerons devrons bien en tenir compte.
Avant toute chose, il convient d'observer les catégories qui organisent les collections
respectives des savants : alors que la collection de Seckendorff est fractionnée en huit, celle de
Conring se réparti en sept grands chapitres. Mais elle se distingue surtout par l'absence de
catégories de classement linguistiques. Tous les ouvrages sont classés selon leur thème, selon une
tradition classique d'organisation des collections. Ceux-ci ne sont pas originaux, allant de la
médecine, au droit, en passant par l'histoire, la théologie et la philosophie. Deux catégories ne se
retrouvent pas chez Seckendorff : la politique et la philologie. La bibliothèque de Conring se
présente donc déjà d'avance comme un modèle bien plus classique d'organisation et de contenu.
Nous avions en effet souligné auparavant que l'absence de la politique à Meuselwitz était étrange :
c'est un sujet généralement présent dans les bibliothèques, et bien représenté en nombre d'ouvrages.
Mais la catégories en elle-mêmes ne nous offrent que peu d'information. Nous allons comparer la
répartition des ouvrages à l'intérieur de celles-ci pour les deux collections :
La répartition des ouvrages de Conring est complètement différente de la collection de
Seckendorff. Bien évidemment, la théologie reste le thème le plus largement représenté, étant au
XVIIe siècle la base de toutes les connaissances et le premier domaine enseigné à tout enfant ou
36 : Laeven, Augustinus Hubertus, The “Acta Eruditorum” under the editorship of Otto Mencke (1644-1707). The History of an International Learned Journal between 1682 and 1707. Amsterdam : APA-Holland University Press, 1990 (traduction de Lynn Richards) : p11. Nous parlons plus longtemps des Acta dans notre III.3.
46
Catégories ConringThéologie 1205 26,10%Médecine 991 21,40%Politique 710 15,40%Philologie 508 11,00%Histoire 439 9,50%Philosophie 483 10,40%Droit 286 6,20%
4622
Catégories SeckendorffThéologie 290 27,60%Droit 240 23,00%Histoire 153 14,50%Philosophie 94 8,80%Littérature 32 3,00%Médecine 1 0,10%Français 201 19,10%Italien 41 3,90%
1052
jeune étudiant. Mais la différence la plus flagrante est la sur-représentation de la médecine, qui
occupe presque le même pourcentage que la théologie, alors que Seckendorff ne possède qu'un
unique ouvrage sur le sujet. Le fait que Conring était médecin et conjuguait à merveille la pratique
et la théorie éclaire sur ce point d'achoppement majeur des deux collections. Mais aucune des
catégories n'est vraiment accordée avec sa jumelle : la présence de la politique et son fort
pourcentage, la chute du droit en dernière place, l'histoire reléguée dans une position inférieure…
L'organisation de la bibliothèque de Meuselwitz ne se retrouve pas du tout dans celle de Conring.
Nous sommes en présence de deux collections fondamentalement différentes voire même opposées,
que ce soit en nombre total d'ouvrages ou en contenu. Nous avons utilisé le dénombrement des
catégories « brutes » du catalogue de Seckendorff au lieu de faire apparaître notre propre décompte
des thèmes de l'inventaire. Mais ces chiffres n'auraient fait que souligner plus encore les différences
flagrante qui sévissent, malgré un relatif éparpillement des données dans de nouvelles catégories.
En résumé, la bibliothèque de Conring est non seulement mieux fournie, mais elle l'est dans tous les
domaines d'études de son temps, offrant une meilleure représentation aux thèmes dominant la
sphère intellectuelle d'alors. Chaque catégorie recoupe en effet souvent plus largement que son
propre thème, incluant l'agriculture, la minéralogie ou la zoologie dans la médecine. Ce caractère
s'explique très simplement pas la formation universitaire de Conring, mais aussi par le fait qu'il a été
pendant de très longues années professeur à l'université d'Helmstedt. Il a publié de nombreux
ouvrages sur des thèmes beaucoup divers que Seckendorff, étant à la fois médecin, conseiller des
princes, éducateur de leurs enfants, professeur de physique, rhétorique et de médecine. Seckendorff
au contraire s'est toujours concentré sur la théologie, la pédagogie et la politique, qui semble
absente de sa bibliothèque.
La présence des langues dans les collections est un autre point sur lequel les deux
bibliothèques sont très différentes. Nous étions surpris de voir que le catalogue de Meuselwitz
présentait si peu de langues différentes alors que Seckendorff est un linguiste reconnu. Mais la
collection de Conring a un éventail encore plus réduit :
La large prédominance du latin chez Seckendorff
devient presque un monopole chez Conring ! Les
langues étrangères sont présentes en un nombre extrêmement réduit, plus en qualité de curiosité que
47
Langues SeckendorffLatin 665 63,30%Français 211 20,00%Allemand 136 12,90%Italien 32 3,00%Néerlandais 1 0,20%Anglais 1 0,10%Espagnol 5 0,40%Suédois 1 0,10%
1052
Langues ConringLatin 4174 90,30%Allemand 415 9,00%Hollandais 25 0,54%Français 6 0,12%Italien 2 0,40%
4622
d'ouvrage qui sera réellement consulté. Peut-on expliquer ce fort déséquilibre par l'absence d'un
réseau d'agents et de correspondants s'étendant hors des frontières du Saint-Empire ? En observant
les lieux d'éditions des ouvrages de théologie de la collection de Conring, il apparaît que ce nombre
est à peu près équivalent aux lieux que nous avons dénombré pour la collection de Seckendorff : les
817 œuvres dont le lieu d'édition est indiqué se répartissent entre 54 villes allemandes, 12
hollandaises, 3 suisses, 2 françaises, 5 italiennes et une danoise. On retrouve donc comme pour
Seckendorff une importance du territoire allemand mais une bonne présence des villes d'éditions
étrangères, mis à part pour la France qui est bien mieux représentée à Meuselwitz. La concentration
des ouvrages latins s'explique donc avant tout par le fait que Conring réunit presque exclusivement
des œuvres scientifiques et érudites, qui sont logiquement donc rédigées en latin : il possède très
peu de pamphlets politiques, de récits de voyages ou des chroniques historiques, qui sont tous
rédigés en allemand afin d'être lus par le plus grand nombre. C'est en fait le choix du sujet et du
thème vers laquelle est orientée la collection qui favorise ce nombre si important de volumes en
latin. L'orientation universitaire et universelle de la bibliothèque de Conring influence donc tous les
aspects de sa collection37. Seckendorff a également constitué avant tout une bibliothèque de travail,
mais il a beaucoup restreint ses centres d'intérêts, et une grande partie des ouvrages français
recensés proviennent de la catégorie dédiée, et non des catégories thématiques. On peut supposer
que le fait d'avoir un agent libraire sur place a encouragé l'achat de livres en français et non
seulement d'éditions latines, ce qui entraîné une forte représentation de cette langue dans l'ensemble
de la bibliothèque. Conring, au contraire, a certainement restreint ses recherches et achats aux
éditions classiques latines, gages de qualité et d'érudition.
La collection de Seckendorff ne soutient pas la comparaison avec celle d'un universitaire et
professeur reconnu, aux multiples emplois et écrits. Certes, notre savant se présente également sous
des facettes très diverses, mais celles-ci n'influencent pas remarquablement sa bibliothèque ou ses
écrits. La plus grande interrogation reste l'absence de marque que lui a laissé ses nombreuses années
de service auprès des princes en tant que conseiller et administrateur principal des gouvernements.
Il est plus que surprenant que la politique soit complètement absente de sa collection, en tout
qu'aucune catégorie n'y soit consacrée et que le nombre d'ouvrages s'approchant du sujet soit si bas.
N'existe-t-il donc aucune trace de toute sa vie dans la politique ? Il est impossible que les livres de
droit en soient les seuls représentants : nous avons bien vu que Conring possède à la fois une section
consacrée au droit et une à la politique.
37 : Comme le dit Paul Raabe : « Hermann Conring war einer der fleißigsten und vielseitigsten Professoren seiner Zeit : das läßt sich auch an seiner Bibliothek ablesen. » [Hermann Conring était l'un des professeurs les plus travailleurs et polyvalents de son temps : cela se ressent aussi dans sa bibliothèque] Paul Raabe, 1983 : p432.
48
Notre étude de la collection de livres de Seckendorff est assez réduite, étant donné les
interrogations qu'elle soulève : il faudrait étendre considérablement nos paramètres d'analyse,
multiplier les comparaisons et décomptes pour espérer atteindre une finesse critique réellement
satisfaisante. Hélas cela représente un investissement de temps considérable que nous n'avons pu
réaliser. Néanmoins, en dressant une présentation restreinte mais aussi complète que possible nous
avons réussi à dresser une synthèse satisfaisante du contenu et de l'organisation de la bibliothèque
de notre savant. Si celle-ci doit représenter les sujets et plus largement l'érudit lui-même, nous
pouvons affirmer que la collection de Seckendorff nous surprend et change beaucoup l'image que
nous nous faisions du personnage. Nous pouvons désormais affirmer que la politique est un sujet
que Seckendorff ne considère pas comme « intellectuel », sur lequel on peut composer des essais et
dissertations, mais qu'il relève bien d'un art intimement lié à la pratique. Son absence complète de
sa collection d'ouvrages nous prouve également qu'il a totalement séparé ses deux aspects de sa vie :
le Seckendorff chancelier et gestionnaire des États est bien distinct de l'érudit qui s'est retiré dans
son bien pour se consacrer à des études où la politique n'a pas sa place. Sa collection de livre nous
montre également une concentration des intérêts du savant autour de thèmes étroits, qui dénote
l'absence d'ambition de créer une collection universelle. La théologie est le sujet qui l'occupe par-
dessus tout et celui auquel il voulait se destiner dès l'université. Sa retraite est l'opportunité parfaite
pour qu'il puisse enfin se consacrer à ce qu'il a toujours voulu étudier. En revanche, les langues
présentes dans la collection nous ont réellement déstabilisées : même si Seckendorff a rassemblé un
éventail plus large que les livres de Conring, nous sommes malgré tout surpris de ne pas trouver
plus de diversité de la part d'un personnage connu pour sa facilité envers les langues. Mais la
présence d'un échantillon réduit de langues autres que le latin, l'allemand et le français, nous
interroge encore plus : quelle est l'explication de la possession de deux ou trois ouvrages dans une
langue particulière, en dehors de la pratique linguistique ? L'organisation elle-même du catalogue
nous a intrigué, et sans avoir accès aux livres eux-même, il est difficile de tirer des conclusions
fermes sur la logique de classement des ouvrages, et surtout sur la chronologie de constitution de
l'inventaire.
Étudier seulement le catalogue et la collection de Seckendorff est d'une grande aridité et
restreint considérablement l'image que nous obtenons du savant : nous avons soulevé plus
d'interrogations qu'obtenu de réponses et l'érudit apparaît comme enfermé dans un monticule
d'ouvrages qui le cache plus qu'il le révèle. Il est nécessaire à notre projet d'apporter de nouveaux
documents, radicalement différents dans leur nature, mais toujours liés aux livres. L'organisation de
la bibliothèque et son contenu peuvent être éclairés par la méthode mise en place par le savant pour
se procurer les ouvrages. C'est ce que nous nous proposons d'étudier dans la prochaine partie de
49
II/ Écritures autour de la bibliothèque
A – Présentation des sources
Les archives de Seckendorff recèlent des documents de nature très diverse, dont certains
peuvent nous apporter de précieuses informations sur la constitution de sa bibliothèque et son
utilisation. Nous avons constitué un ensemble relativement restreint et cohérent de sources afin de
nous éclairer sur les méthodes de l'érudit. Parmi tous les documents présents dans les archives, notre
sélection a été assez drastique, et il ne fait aucun doute que des documents plus précieux et riches
restent encore à étudier, mais que nous n'avons pas eu l'opportunité d'analyser. À travers ces
différents textes, nous nous efforcerons d'étudier les méthodes de création d'une collection
d'ouvrages et les sources de ceux-ci, mais également l'utilisation et le classement des informations
tirées des œuvres rassemblées.
Comme nous l'avons précisé auparavant, nous ne possédons aucun document attestant de la
constitution de la bibliothèque privée de Seckendorff (factures, correspondance avec des agents ou
savants pour échanger, prêter ou acheter des livres…). En revanche, nous avons trouvé des
documents se rapprochant de factures d'achats dans un fonds concernant les affaires du duché de
Zeitz : le fonds 1059, regroupant des documents sur l'école, l'église et la bibliothèque de Zeitz38. Ces
informations n'auraient donc pas de lien avec la collection de Meuselwitz, bien que nous ayons
souligné auparavant que la constitution de celle-ci aurait commencé avant l'emménagement de
Seckendorff, lorsqu'il était encore chancelier du duché. Les documents que nous avons sélectionné
dans ce fonds sont des listes d'ouvrages, sous la forme de feuillets manuscrits de différentes
écritures ou de petits cahiers imprimés d'éditeurs présentant leur collection d’œuvres imprimées.
Alors que la nature des feuilles imprimées ne fait pas de doute (catalogue d'éditeurs et imprimeurs
pour d'éventuels acheteurs), les feuilles manuscrites soulèvent plus de questions.
Ces documents sont de facture très différente, de plusieurs mains, et contiennent souvent des
annotations manuscrites, des prises de notes et remarques, mais l'organisation de la page se répète
d'une feuille à l'autre39. Ainsi, la majorité se présente comme une liste numérotée d'ouvrages, leur
prix étant souvent listé également en face en Thaler et en Grosschen. La plupart des listes possèdent
une en-tête et parfois un commentaire de la même main à la fin, accompagné d'une signature voire
38 : 1059, Zeitzer Kirchen-Schule- und Bibliotheksachen, Theologische Bedenken VlvS (Affaires sur l'école, l'église etla bibliothèque de Zeitz, pensées théologiques de Veit Ludwig von Seckendorff).
39 : Se reporter aux listes en annexe (folio 88 par exemple).
51
d'une date. Elle se limitent généralement à une seule page, sans s'étendre au verso. Les informations
notées dans les listes diffèrent, mais on retrouve toujours le titre de l’œuvre, la date de publication
et le nombre de volumes, souvent le format et l'auteur, et parfois le lieu d'édition du volume. Cette
structure de la feuille lie ces dizaines de listes entre elles, mais elles se distinguent par de nombreux
autres critères : la langue et la graphie changent d'une page à l'autre, ainsi que le contenu des listes.
Certaines ne contiennent que des ouvrages français, d'autres s'étendent sur plusieurs pages en se
découpant en catégories thématiques, alors que quelques feuillets donnent l'impression d'avoir été
griffonnée sur un coin de table.
De cet aspect très divers mais en même temps très proche de ces documents, il est aisé de
supposer que nous nous trouvons face à des listes d'achats ou de proposition d'achats d'agents à
Seckendorff. Chargés de le renseigner sur les nouveautés littéraires et d'acquérir des ouvrages, ils
établissent une liste des volumes qu'ils considèrent acquérir afin d'informer le savant de leur choix
mais aussi du prix de ces acquisitions. Nous ne savons pas si ces listes concernent la constitution de
sa collection privée ou si ces volumes sont destinés à la bibliothèque du duché de Zeitz : c'est ce que
nous devrons déterminer en corrélant ces listes et le catalogue de Meuselwitz. En plus de vérifier si
Seckendorff possède en effet les ouvrages cités sur ces papiers, nous pouvons étudier les dates,
thèmes et lieux d'édition de ces ouvrages, ainsi que les dates de rédaction de ces listes : toutes ces
informations peuvent nous aider à déterminer si elles ont été établies par des agents récurrents,
disséminés dans plusieurs villes européennes, et si ceux-ci ne devaient rechercher que quelques
types précis d'ouvrages, ou si leur devoir étaient d'informer le savant de toutes les sorties littéraires
sans discrimination. Même si ces listes se révèlent n'avoir aucun lien avec sa bibliothèque privée de
Meuselwitz, elles nous offrent un aperçu du travail déployé pour constituer une collection. Et il est
de plus fort probable que Seckendorff ait usé du même réseau pour rassembler les œuvres destinées
à ses études et que nous soyons en présence d'acteurs importants pour son travail d'érudit. Il faut
d'autant plus bien garder à l'esprit que ces listes n'expriment probablement qu'une potentialité et non
un achat véritable : nous n'avons pas de certitude que ces documents soient de réelles factures et
non une simulation pour obtenir l'assentiment du savant, qu'il n'a peut-être jamais donné.
Parmi les 46 pages de listes que contient le fonds, 32 sont des documents manuscrits qui
nous intéressent particulièrement. Tout d'abord parce que les catalogues imprimés ne comportent
pas de notes ou de marques démontrant qu'ils ont été lus et que le savant a sélectionné des œuvres
qu'il souhaite acheter ; ensuite parce que les listes manuscrites regroupent des ouvrages selon des
critères spécifiques, différents d'un catalogue d'imprimerie : des œuvres très diverses peuvent
coexister dans ces listes (des « Démonstrations Theologiques par le Pere Periot » au « Traité de la
52
Culture des Orangers, Citroniers, Oliviers & Grenadiers »40), nous pouvons supposer qu'une plus
grande cohérence thématique existe dans les listes constituées par un agent libraire. Celui-ci
constitue en effet sa liste en fonction des demandes du savant, qui doit probablement avoir des
intérêts particuliers nécessitant des recherches chez plusieurs imprimeurs. Ces documents
manuscrits nous semblent donc plus à même de nous apporter des informations pertinentes dans
l'optique de notre étude.
Parmi cette trentaine de listes manuscrites, nous en avons sélectionné une vingtaine, en
fonction de la lisibilité, de l'organisation et du contenu des documents41. Cette sélection nous a
permis de constituer un corpus assez important pour être significatif et présenter des variations
intéressantes, preuves de l'existence de plusieurs correspondants chargés de ces commandes
d'ouvrages. Nous ne présenterons pas ici les listes : étant donné la multiplicité des documents que
nous devons étudier, ainsi que le caractère unique et particulier de chacun, il est nécessaire de
présenter ces documents tout en développant l'analyse, afin de rendre celle-ci plus sensible. Nous ne
sommes pas en présence d'une œuvre unitaire comme les glossaires que nous présenterons par la
suite : si la nature des documents est proche, ils ont trop de paramètres différents pour pouvoir être
présentés succinctement et précisément en avance, sans nous obliger à les analyser et les comparer
en même temps.
Le second groupe de source que nous allons utiliser dans cette partie est aussi le plus
précieux et riche que nous possédons : nous nous proposons d'étudier les trois glossaires contenus
dans les archives d'Altenburg, sous trois numéros distincts42.
Enregistrés comme « Wörterverzeichnis » (littéralement « catalogue de mots »), ces
documents se présentent sous la forme de trois ouvrages reliés de plusieurs centaines de pages,
introduits par un index constitué par Seckendorff : plusieurs pages se trouvent divisées en quatre
colonnes, contenant un certain nombre de termes latins classés par ordre alphabétique des phonèmes
(Ci, Co, Cu...), chaque terme étant lié au numéro de page correspondant (qui est rarement exact)43.
Le glossaire proprement dit s'organise ensuite très régulièrement : chaque page est séparée en deux
colonnes de texte, qui ne sont pas distinguées par un trait de séparation, et chacune porte en en-tête
un terme, sous lequel est reporté un petit texte. Ce paragraphe est en fait composé soit d'un
ensemble de phrases se suivant de la même main, soit de plusieurs phrases d'une ligne ou deux, soit
d'un assemblage de phrases de plusieurs encres et écritures différentes. Les colonnes peuvent
40 : Folio 102 et 103, ThStA Familienarchiv Seckendorff , 105941 : Folios 88, 91, 93, 94, 96-97, 99, 100, 101, 105-verso, 108-110, 112-114, 116-188, 120-121, 122. 42 : ThStA, Familienarchiv Seckendorff, 1073-1074-1075 : « Lateinisches Wörterverzeichnis. Manuskript VlvS vor
1692 »43 : Voir le folio 2 du fonds 1073 en annexe.
53
contenir des paragraphes de moins de six lignes, ou être entièrement remplies. Si des termes
nécessitent des définitions particulièrement longues, il arrive parfois que les deux colonnes de la
page arborent le même terme.
Cette organisation générale des glossaires varie en fait selon les thèmes abordés : à l'examen
des index, il apparaît en effet que ces trois volumes abordent des sujets distincts pour chacun d'entre
eux. Le numéro 1074 traite ainsi de politique, le 1075 de religion, alors que le premier, le numéro
1073, aborde des sujets très larges et parfois sans beaucoup de relation entre eux (les classiques
« Pax » et « Leges » côtoient ainsi « Luthery », « Melanchthon », « Humilia », « Terror » ou
« Diadema »). Le contenu des glossaires et leur organisation propre varie ensuite selon leur nature.
Le premier, le plus général, est ainsi celui dont l'organisation est la moins ferme des trois.
Une grande partie de l'ouvrage est constituée comme nous l'avons décrit plus haut, par des demies-
pages consacrées chacune à un terme. Mais nous trouvons aussi à la fin du volume des listes
alphabétiques tels des penses-bêtes, qui ne sont pas répertoriées dans l'index du début. On croise
ainsi un « Index Geographica descriptiones continens », une liste de « Loci Communes »44 dans la
correspondance de Pline le Jeune, et de nombreuses pages indéterminées, inachevées ou
difficilement lisibles, comme autant de brouillons et de projets obscurs : on trouve une page
intitulée « Lib.VI.I » et son verso « Li.VIII.II » (peut-être des listes de livres regroupés par thème
ou par date d'acquisition ?), une autre listant des proverbes, une autre vide mais portant en en-tête
« Phrases & Form. Varior Autor »… Des trois glossaires c'est le seul qui regroupe ainsi des notes
très diverses mais toutes semblant être liées aux œuvres. Il est ainsi potentiellement le plus riche
des trois glossaires, de part son aspect de registre global de toutes les connaissances n'entrant pas
directement dans le cadre de la politique ou de la théologie. Nous avons réussi à obtenir des
« scans » de presque la totalité de l'ouvrage, ce qui nous permet d'obtenir une belle vision
d'ensemble du volume, sans que nous ayons la possibilité d'étudier chaque entrée.
Le troisième glossaire qui se concentre sur la théologie est très proche de l'organisation du
précédent, sans contenir de notes anarchiques en fin de volume. Nous ne nous étions pas procuré de
« scans » de ce glossaire lors de notre M1, car nous étions toujours attachés à l'idée d'étudier avant
tout la relation de Seckendorff avec la politique. Cette restriction avait beaucoup limité notre champ
d'étude et nos observations, erreur que nous avons corrigé aujourd'hui en numérisant la quasi totalité
du glossaire et en recopiant soigneusement les entrées de l'index, comme nous l'avions fait pour le
glossaire général l'an passé. Nous avons ainsi des possibilités de comparaison bien plus grandes en
possédant les photos de ces volumes, nous permettant de distinguer une régularité d'organisation ou
44 : Référence au livre de Philipp Melanchthon Loci communes rerum theologicarum seu hypotyposes theologicae, 1521, qui présente la doctrine protestante.
54
bien des différences de structuration.
Le second glossaire quant à lui, consacré à la politique, a une structure bien différente des
deux précédents. Il se distingue tout d'abord en ce qu'il ne possède pas d'index au début du volume.
Les trois premières pages sont une sorte d'introduction au thème du glossaire, car elles dressent les
« certaines questions politiques et différents types de réponses » (Quaestio nes quaedam politicae
varii generis earumque decisiones) et les « objections politiques et certaines de leurs réponses »
(Objectiones politicae quaedam earumque decisiones) en une à deux pages45. Suit immédiatement
après le glossaire proprement dit qui se distingue non seulement par les termes définis mais aussi
par le contenu des définitions et l'organisation du volume même. Tout d'abord, les termes qui sont
présentés dans ce volume sont tous très étroitement lié à la politique, désignant soit des régimes
politiques (« Respublica », « Democratia »), soit des concepts (« Societas », « Regnum »), enfin
tout ce qui a trait à la vie en société et à son organisation. Mais la particularité de ce glossaire est
que chaque terme est décliné en plusieurs variations : ainsi après avoir détaillé la définition de
« regnum » pendant trois pages, « regnum barbaricum », « regum heroicum » et « regnum Παρα
Βασιλικον » sont ensuite abordés. Contrairement aux autres glossaires, la définition du terme est
découpé en plusieurs catégories : « Ætymologia », « Synonymia », « Homonymia », « Definitio »
(plus ou moins longue, avec des passages en grec), « Divisio »... Le nombre de pages consacré et
les catégories employées pour offrir une présentation la plus complète possible du terme dépend de
la richesse supposée du concept : « Aristocratia », « Respublica » et « Politicus » font ainsi partie
des termes les plus longuement développés, alors que « Magistratus » ou « Lex » bénéficient d'un
volume moins important d'informations. Sans déchiffrer chaque texte, ni feuilleter l'ouvrage en
entier, il apparaît assez vite que celui-ci a été conçu comme un outil de travail appelant à être édité
au fil des lectures et réflexions de son auteur, afin d'être le plus exhaustif possible : de nombreuses
pages sont aux trois-quarts vides, d'autres portent des titres de catégories sans texte à la suite. La
richesse du document est donc tout aussi conséquente que le précédent, si ce n'est davantage : plus
qu'un dictionnaire, il présente déjà dans sa structure la marque d'une réflexion et d'un intérêt pour le
domaine de la politique, issu d'un personnage instruit et s'instruisant dans ce domaine. Les
formulations employées dans les titres, la rigueur de l'organisation laissent transparaître un esprit
organisé et désireux de constituer un document pouvant être consulter très fréquemment et donc
rapidement, et appelant à des ajouts. La rigueur de l'esprit et la volonté d'organisation et de
classement sont également sensibles dans la présence de trois diagrammes, développant les
ramifications de quelques concepts.
Ces trois glossaires nous permettent une plongée dans les méthodes de travail de
45 : 1074, folios 2-3 et 4. Voir le folio 4 en annexe.
55
Seckendorff, sur le classement et l'utilisation de son savoir. Ce sont des documents extrêmement
précieux qui appelleraient à une étude exclusive de leur contenu : nous n'avons hélas pas les
connaissances suffisantes ni assez de temps pour les analyser comme il se devrait. Nous offrirons
une vue d'ensemble et de détail le plus précis possible, mais hélas fort restreinte. Il n'en demeure pas
moins que nous obtiendrons des informations d'une grande richesse grâce à ces documents.
Lors de notre précédent travail sur méthodes d'étude de Seckendorff, nous avions évoqué la
présence d'un petit glossaire dans les archives de Gotha46 : il présentait en effet la même structure
que ceux que nous venons de présenter, avec un index dans les premières pages. De taille bien plus
réduite, les termes listés par ordre alphabétique semblent bien plus divers que ceux des glossaires
d'Altenburg (on note ainsi avec amusement le présence de « Amor », « Pubertas » et « Puella ») et
en feuilletant le volume nous avons aussi remarqué la présence d'une date : 8 mai 1634. Seckendorff
étant né en 1626, il est bien évidemment absurde de considérer celle-ci comme un indice de
l'époque de rédaction (bien que précoce, nous avons du mal à imaginer Seckendorff se constituant
un glossaire à l'âge de 8 ans), mais cette date est à rapprocher d'une autre que nous avons trouvé
dans une liste de livre du glossaire politique d'Altenburg : le dernier ouvrage de ladite liste était daté
de 1687. L'écart temporel entre les deux dates laisse envisager qu'un certain laps de temps s'est
écoulé entre la constitution des deux glossaires, validé par la conservation des documents dans deux
centres d'archives distincts. Nous souhaitions recopier ce glossaire lors d'une autre visite aux
archives dans l'optique de comparer les différents glossaires, mais les archives de Gotha sont restées
fermées pendant presque un an pour inventaire. Nous aurions pu mener une étude très intéressante
et complète puisque ce premier glossaire de Gotha offrirait une possibilité remarquable d'étudier
l'évolution des méthodes de travail de Seckendorff et les questions qui le préoccupaient au début de
son activité intellectuelle. Nous avons tout de même recopié l'index de ce glossaire, que nous avions
présenté dans notre travail précédent.
Néanmoins, nous avons assez de matière pour mener une étude assez éclairée des méthodes
de travail de Seckendorff, surtout sur la conservation et l'organisation de ses connaissances, sur des
sujets assez divers. Une comparaison des index, suivie d'une étude des structures des glossaires et
enfin de leurs contenus sur quelques concepts clefs nous permettra d'approcher assez précisément le
travail du savant, ainsi que d'obtenir des informations sur ses centres d'intérêts privilégiés : s'étant
retiré dans son château de Meuselwitz en 1681 après avoir démissionné de la quasi-totalité de ses
fonctions pour se consacrer à ses études, nous pouvons supposer qu'il se concentra alors sur des
sujets d'études qui lui tenaient à cœur, ayant travaillé 21 ans sans publier aucun ouvrage.
46 : ThStGO, GA, MMM III, Nr 1 ; 4
56
B - La bibliothèque de Zeitz : un aperçu de la constitution de la collection de
Meuselwitz ?
Les documents que nous avons sélectionné sont très divers et nous apportent des
informations disparates. Nous allons présenter chaque document en soulignant ses caractéristiques
propres, tout en esquissant l'analyse afin de donner une vue d'ensemble du corpus.
Les 23 pages de notre corpus forment 13 documents où nous avons dénombré dix écritures
différentes, soit autant de correspondants de Seckendorff. Parmi tous ces documents, six, soit
environ la moitié, présentent les prix des ouvrages listés et peuvent être à première vue considérés
comme des factures. Six documents également font mention d'une date dans un coin de la page ou
dans le commentaire ajouté à la fin de la liste : la plus récente date de 1671, et la plus ancienne du
21 novembre 1681.
Nous commencerons notre étude par les pages uniques et indépendantes de notre corpus,
présentant chacune une écriture différente.
La première liste47 est numérotée et présente les dates, les lieux, les volumes (qui portent
également un numéro) et les formats des dix œuvres et 18 volumes cités, tous rédigés en latin. La
majorité des dates de publication des ouvrages se situe aux alentours des années 1670, mises à part
deux œuvres publiées en 1590 et 1617. Les thèmes des ouvrages sont assez divers et ne présentent
pas une uniformité thématique : le Mercurio de Siri est une œuvre historique fondamentale par sa
méthode de rapport systématique aux sources avec leur publication, et il côtoie ici des Mémoires
théologiques (Memoriae Theologorum). Mais aucun de ces ouvrages ne se trouve dans l'inventaire
de Meuselwitz… Le commentaire et la signature au bas du document sont difficilement lisibles, et
le peu que nous ayons déchiffré (« dieser 18. Bände...sind bis..ins Register getragen.. ») ne nous
offre pas d'informations signifiantes. De même le titre ne nous apprend pas comment cette liste a été
constituée, ni pourquoi, mais seulement la date potentielle de sa création : « Je die G.. Bibliothek
allhen sind der 4 . Feb 78 ausfolgende bücher gelistet worden ».
La seconde48 diffère de beaucoup de celle que nous venons de présenter. Elle contient 12
livres sans numéros, ni dates ni lieux, tous en français sauf un. Le titre et la présentation de la liste
sont en revanche en allemand. L'en-tête de ce document est plus détaillée que le précédent, ce qui
rend apparemment superflu tout commentaire en fin de la liste. Seule la signature et la date du 21
novembre 1681 (le document le plus ancien de cette série de liste) concluent le document. Ici
47 : ThStA Familienarchiv Seckendorff , 1059, folio 88. Tous les documents que nous décrivons se trouvent en annexe.48 : 1059, folio 91
57
également, nous ne retrouvons aucun des livres listés dans la collection privée de Seckendorff. Le
titre ne nous apporte pas plus d'informations que dans la situation précédente : « Uber die jenigen
Bücher, welche in einen sonderbachem Catalogs verzeichnet sind, und sich in Jhr… des
ältesten...Bücher..befinden,.. sind von Hr. Ges. Raths Von... ». Le nom du correspondant nous est
inconnu et nous ne connaissons pas sa localisation au moment de la rédaction de ce feuillet, ce qui
réduit considérablement nos possibilités d'analyses.
La troisième49 est d'une forme un peu hybride entre les deux documents que nous venons
d'analyser. Les 15 ouvrages ne sont pas numérotés, mais le prix est clairement indiqué dans trois
colonnes (Reichsthaler, Grosschen, Pfennig?) et le total est présent en bas de la liste. Les
informations sur l'identité des œuvres sont néanmoins restreintes, ne présentant ni les dates ni les
lieux de publication, et assez rarement le format des volumes. La présentation des titres n'est pas
unitaire non plus : certains titres sont écrits en alphabet latin alors que le nom de l'auteur est en
allemand, et inversement. La graphie difficilement lisible rend complexe l'identification des œuvres,
mais de ce que nous avons pu déchiffrer aucun livre ne se trouve dans la collection de Meuselwitz.
Les commentaires au bas du document présentent deux écritures différentes, toute deux aussi
complexes à lire. La dernière apporte deux informations intéressantes : tout d'abord la signature qui
ressemble beaucoup à celle de Seckendorff sans être identique (VluS…) et une date, différente de
celle présente dans le coin supérieur gauche du document. La date de la première main est le 5 mars
1680, alors que la date de la fin du feuillet semble être mars 1681, soit un an plus tard. L'élément du
document le plus significatif reste néanmoins le titre de cette liste, qui, bien que tout aussi complexe
à lire, contient clairement « drück Hambourg ». Ce document présenterait donc les ouvrages
imprimés à Hambourg vers 1680, et aurait été ré-utilisée mais non retouchée un an plus tard par une
personne différente.
Le quatrième document50 que nous voulons étudier présente une écriture très proche du
feuillet précédent : les similarités sont essentiellement visibles sur l'alphabet latin, alors que les
titres allemands sont au contraire bien différents, plus fin et uniformes. Nous considérons donc ce
document comme indépendant du troisième. La liste est claire mais non numérotée, présentant
également deux colonnes à droite de la feuille, présentant le prix des ouvrages toujours en Thaler et
en Grosschen et la somme étant clairement indiquée en bas de la liste. Seuls le format, le titre et le
nom de l'auteur sont précisés dans cette liste, mais nous pouvons nous demander si le symbole en
face de chaque ligne ne figure pas le nombre de tomes de chaque œuvre : en effet, l'avant-dernier
titre présente un quatre dans la marge gauche, et il est l'unique ouvrage à avoir une variation de
49 : 1059, folio 9450 : Folio 101
58
symbole. Peut-être ce chiffre présente-t-il le nombre de volume de l’œuvre, ou le nombre
d'exemplaires… Le commentaire à la fin est très intéressant : « dieser... ist mit 52 Th. Völlig bezahlt
worden… In leipzig... 1671 ». En plus de nous renseigner sur le lieu et la date de rédaction de ce
document, il nous confirme que ces livres ont été effectivement achetés. Et effectivement, en
comparant cette liste à notre base de données, quatre ouvrages ont été retrouvés à Meuselwitz :
« Franciosini Gramatica Spugnola 8 » : « Grammatica spagnuola ed italiana », Lorenzo Franciosini
« Tacite 8 » : œuvres de Tacite traduites par Perrot d'Ablancourt
« Grotÿ de Iure Belli 8 » : « De iure belli ac pacis », Hugo Grotius
« Dappes Affrica, fol » : « Umbständliche.. Beschreibung von Africa », Olfert Dapper
Tous ces ouvrages sont dans les formats présentés dans la liste manuscrite. Néanmoins, sans
la précision des dates et lieux d'édition des ouvrages listés, il nous est impossible d'affirmer qu'il
s'agit des mêmes ouvrages et surtout que cette liste sert à la constitution de la collection privée de
Seckendorff. Ce qui d'autant plus surprenant est que la totalité de la liste ne soit pas à Meuselwitz,
mais seulement une poignée : qu'est-il arrivé aux autres ouvrages notés sur ce feuillet ? Seckendorff
a-t-il récupéré des ouvrages initialement destinés à une autre collection ? Il est difficile de
développer plus loin notre analyse avec si peu d'informations, mais ce document est le premier à
établir un lien certain avec la collection privée du savant.
La cinquième et dernière page51 est moins bien structurée que les documents précédents.
Sans titre ni commentaire, ni signature ni date, elle nous apporte aucune informations quant à sa
provenance. La seule donnée sur les ouvrages en plus du titre est le format des œuvres. Le français
et le latin dominent dans la liste, mais quelques titres allemands sont également présents et l'on
remarque aisément que la plupart des tomes cités ont une thématique historique. Un seul ouvrage se
retrouve dans la collection de Meuselwitz, et un autre y est présent mais dans une autre édition : le
« Recueil de plusieurs relations de Tavernier, in 8° » est probablement le même que dans le
catalogue, alors que « Historia Concilii Tridentini, Pallavicini, in fol » est l’œuvre de Sforza
Pallavicino et non de Paolo Sarpi, comme l'édition présente dans l'inventaire de Meuselwitz. Ici
également, la présence d'un unique ouvrage dans la collection de Seckendorff nous interroge. Il est
difficile d'imaginer que parmi toutes les listes et tous les livres présents, seuls quelques uns soient
finalement achetés. La meilleur explication pour une telle situation est simplement que les œuvres
présentées ici soient de très grands classiques de ce siècle, qui eurent un large succès à travers toute
l'Europe et que certaines éditions soient particulièrement renommées pour leur qualité. Ainsi,
Seckendorff, bien informé des nouveautés littéraires et des ouvrages nécessaires à la constitution
d'une collection de qualité, s'est-il procuré des canons de l'édition européenne, qui se retrouvent
51 : Folio 122
59
donc naturellement dans les conseils d'achat des agents libraires.
Ces différents documents ont soulevé plus d'incertitudes qu'ils n'ont apporté de nouvelles
données. En plus de ces listes uniques, nous devons compléter notre étude des documents couvrant
plusieurs pages et présentant donc une ampleur bien plus importante que ces courts feuillets.
Le premier ensemble que nous nous proposons d'analyser est un « Catalogue de quelques
livres François »52, tel qu'il est présenté par son titre. Cette liste est très complète et très bien
structurée, contenant 85 ouvrages numérotés. Les titres des ouvrages sont entièrement recopiés,
s'étalant sur plusieurs lignes, et sont accompagnés du nom de l'auteur, du nombre de volumes de
l’œuvre, du format et très rarement de la date d'édition. En revanche, le prix est systématiquement
précisé à la fin de la ligne. Mis à part le dernier volume de la liste qui a été barré, aucun
commentaire ni correction ou annotation n'est visible sur ce document. On remarque néanmoins
dans la marge de gauche de petits points devant certains ouvrages. Nous avons supposé que ces
marques discrètes indiquaient les ouvrages qui avaient finalement été achetés : mais aucun ouvrage
noté dans cette liste, avec ou sans marque dans la marge, ne se trouve à Meuselwitz. Néanmoins,
quelques ouvrages de cette liste se retrouvent dans le folio 91 : « Casimir Roy de Pologne » (41),
« Les Mémoires du Maréchal d'Estrée » (31), « Histoire Générale des Turcs » (11) sont tous listés
dans auparavant dans le fonds.
Les deux documents53 que nous étudions désormais sont en fait deux feuillets indépendants
mais se suivant dans l'organisation du fonds. À première vue ces deux listes sont très différentes,
dans l'écriture, la qualité de l'écriture et de l'organisation et la longueur des commentaires. Mais les
deux documents listent en fait les mêmes ouvrages, aux mêmes prix. La différence notable entre les
deux feuillets est en effet qu'ils ont été rédigés par deux personnes différentes. Le premier document
comporte un commentaire assez développé qui semble calculer les prix des ouvrages listés :
« hinzu..der die Doüane in Paris
-30 sols dem ganzen Part zu plombiren
7 tt… dem Emballeur…
- 30 sols… biß zum kauffmann und in die Doüane
3 tt oder 8 gr »
Le second document ne porte qu'un petit ajout de trois lignes en français sous la somme des
ouvrages, qui reprend les mêmes chiffres que la première page : « il y faut ajouter 10 tt ou 3 rst 8 gr
pour la douane et l'emballeur à Paris ». Ces lignes sont donc la traduction du paragraphe du
52 : Folios 96-9753 : Folios 99 et 100
60
document précédent, qui sert à établir les frais supplémentaires nécessaires pour l'acheminement des
œuvres jusqu'à Meuselwitz ou Zeitz. Nous voilà en présence d'un autre document qui nous apporte
la certitude que ces ouvrages étaient destinés à être achetés et assemblés pour une collection :
comme pour le folio 101, nous avons la preuve de l'intention d'achat et de transport des ouvrages, à
défaut de la preuve de l'achat effectif. Néanmoins, le dédoublement du document et la traduction
d'une petite partie du commentaire original reste une donnée mystérieuse que nous avons bien du
mal à expliquer… Sans les dates de constitution des documents, nous ne pouvons efficacement
reconstituer une chronologie précise. Il est évident que le premier document a engendré le second,
mais nous avons du mal à apercevoir la nécessité d'un deuxième document plus succinct, et qui
oublie de plus un ouvrage (la liste saute directement du 18e au 20e ouvrage). S'agit-il d'une simple
prise de note d'un deuxième acteur de la transaction, qui a par la suite été ajouté aux marchandises
convoyées ? Toujours est-il que ces ouvrages ne sont pas dans la bibliothèque de Meuselwitz. Bien
que nous ayons la confirmation du rôle de ces documents, ils ne nous offrent pas d'informations sur
notre collection.
L'ensemble qui se présente ensuite à nos yeux est composé de quatre pages et de leurs
versos54, qui déroulent une longue liste divisées en plusieurs catégories. Celles-ci rassemblent les
ouvrages selon leur format, et non selon leurs thèmes. Mis à part les livres in-folio qui remplissent
une page entière et son verso, toutes les catégories s'arrêtent environ au milieu du feuillet. Mais ce
qui rend ce document bien plus précieux et original que tous les précédents est la cohabitation de
deux écritures, qui incarnent chacune deux temps distincts de cette liste. Alors que la première
constitue ce petit catalogue, la deuxième annote, barre, souligne, coche, ajoute à l'inventaire,
comme le fait la seconde main de Meuselwitz : tel un second inventaire d'une collection effectuée
plusieurs années après. Ainsi, chaque catégorie est rallongée d'une dizaine d'ouvrages. La seconde
main est la seule qui fait apparaître une date pouvant nous renseigner sur la chronologie de ce
document (folio 109) : 1673. En comparant les différentes dates des ouvrages de la première main
et de la seconde, il apparaît en effet que les œuvres originelles de l'inventaire sont éditées jusqu'en
1669, alors que les volumes rajoutés par la suite ne dépassent pas 1672. Si l'on considère ce
document comme le catalogue d'une bibliothèque, les deux temps sont assez rapprochés, laissant
peu de possibilités d'agrandissement de grande ampleur. Mais si la nature de ces pages reste plus
proche d'une liste d'ouvrages disponibles à l'achat, ou au prêt, ou à l'échange, trois ans est un laps de
temps très conséquent. La liste ne comporte pas de prix, ce qui pourrait nous pousser à nous
éloigner de cette dernière hypothèse, mais de nombreux documents que nous avons présenté
auparavant n'en affichaient pas non plus. Les informations disponibles pour chaque livre sont assez
54 : Folios 105-106, 108-110
61
riches, présentant l'auteur, le titre résumé du livre, son lieu puis sa date d'édition, mais surtout la
structure est systématique pour chaque volume. Cette régularité de rédaction nous rapproche du
catalogue de Meuselwitz et de l'organisation rigoureuse que nécessite la création d'une collection
privée. Le titre de cet ensemble nous fait plus pencher dans cette direction : « Verzeichniss der
Bücher, welche... herrschaft gehörig ». Cette liste serait-elle donc l'inventaire d'une petite collection
d'un duché ou d'une seigneurie, partagée auprès de Seckendorff afin de le guider dans la
constitution de celle de Zeitz ? Nous ne pouvons encore qu'émettre cette hypothèse sans accéder à
une confirmation. Toutefois, l'on remarque immédiatement en regardant les quatre pages que
certains ouvrages sont soulignés et d'autres cochés, comme si leur présence dans les rayonnages
avaient été vérifiée a posteriori, lors de son édition par la seconde main. En rapprochant comme à
notre habitude la base de données de cette liste, il apparaît que certains des ouvrages sont
effectivement présents à Meuselwitz, mais encore une fois, il ne s'agit que de quelques ouvrages et
non de la totalité de la collection…
Ainsi, le premier ouvrage de la liste, qui est distingué par un trait gras et un coche, se trouve
dans notre catalogue : « Johannis Justi Winkelmanni Amphitheatrum Orbis. Oldenburg 1668 ». Tout
correspond, de l'auteur au lieu d'édition. Nous sommes tentés d'y voir le même exemplaire, mais il
faut toujours analyser et déduire avec prudence, et trop de paramètres jouent contre cette hypothèse
pour que nous puissions l'infirmer de suite. Le fait qu'il soit distingué du reste de la liste par un
coche nous a fait espérer que chaque ouvrage de la liste présentant la même marque soit également
présent dans la collection : il n'en est rien ; les trois œuvres de la page concernées sont
complètements absentes de notre base de données. Les ouvrages suivants présents dans les deux
catalogues se trouvent dans la catégorie suivante, au folio 108 : « Christoph Philippi Richters, De
jure es Privileg. Creditorum. Jena 1668 », est caractérisé par le même trait gras et le coche ;
« Jacobi Blusmen processus Cameralis...1665 » est souligné, sans avoir les mêmes distinctions que
les deux ouvrages précédents. Ce-dernier se distingue par ailleurs des précédents en ce que la date
indiquée dans la liste diffère de celle de l'exemplaire de Meuselwitz : notre volume date de 1676 et
non de 1665. Existe-t-il donc une différence entre les trois types de distinction dans la liste
manuscrite ? Les ouvrages cochés sont-ils ceux récupérés et déplacés à Meuselwitz, et ceux
seulement soulignés les œuvres possédées mais dans des éditions différentes ? Difficile à dire, car
les volumes suivant que l'on trouve dans les deux inventaires sont cette fois-ci notés par la seconde
écriture et non la première. Et les annotations deviennent assez aléatoires dans leur organisation :
certains titres ont à la fois le coche et le trait, d'autres n'ont que le trait, d'autres sont soulignés et à la
fois cochés… Les quatre autres volumes présentent ainsi des situations toujours différentes et nous
ne pouvons y distinguer un schéma d'organisation. Au verso du folio 108, « Abraham Calovÿ
62
Comment. Witteberg 1671 » n'a qu'un tiret épais en marge à gauche, alors que « Justi Soffing
Comment in Epistola Rudolstadt 1670 » est souligné. Or tout deux sont enregistrés avec les mêmes
exactes informations dans notre base. Le verso du folio 109 contient également deux ouvrages nous
intéressant : « Tacite d'Ablancourt Amsterd. 1670 » (les œuvres de Tacite traduites par d'Ablancourt)
est à la fois souligné et coché, « Grammatica Espagnualo Francosini Geneve 1648 » est noté de la
même manière. Tous les autres ouvrages ayant les mêmes symboles sont en revanche absent du
catalogue de Meuselwitz.
Ainsi de toutes nos observations de l'organisation et du contenu de la liste, nous n'obtenons
toujours pas d'informations claires et précises sur la nature et l'objectif de ce document. De nouveau
nous sommes en présence de ce qui semble être une coïncidence quant au lien entre cette liste et le
catalogue de Meuselwitz. Est-il possible que Seckendorff ait récupéré des ouvrages qu'il s'était
procuré pour la bibliothèque de Meuselwitz ? Ceci reste notre meilleure supposition…
Les pages suivantes55 ressemblent au document que nous venons d'étudier. Tout d'abord
parce que celles-ci contiennent également un catalogue de quatre pages avec leurs versos, mais
surtout parce que cette liste se décomposent en plusieurs catégories. Les livres sont toutefois classés
selon leur sujet ou leur langue de rédaction en six sections différentes : « Theologici », « Livres en
Humanité », « Libri Italici », « Nederduitsche Boecken » (livres néerlndais), « Libri Juridici »,
« Miscellani ». Tel que les catégories nous le montrent, ce catalogue présente en effet des ouvrages
en latin, français, néerlandais et italien. Aucun livre allemand n'est listé dans ces quatre pages. En-
dehors de ces facteurs, ce document est aussi proche du précédent par sa présentation régulière et
rigoureuse, dévoilant l'auteur, le titre, le format, le lieu et la date d'édition, et souvent les volumes.
Mais l'écriture est bien plus régulière et soignée que dans les feuillets précédents, et aucune seconde
main ne vient commenter ou annoter ces pages. Le désir d'une organisation pragmatique et pratique
est poussée jusqu'à classer selon l'ordre alphabétique des auteurs les ouvrages qui sont présentés. La
grande propreté de cette écriture et cette organisation d'une rigueur que nous n'avons vue nulle part
ailleurs nous fait d'ailleurs envisager que ce catalogue a pu être recopié, et non composé
spécialement pour répondre à une demande : il s'agit certainement d'un double de catalogue
d'imprimerie ou d'une bibliothèque privée modeste. Sans commentaire, ni titre, ni signature, ni date,
il nous est difficile de tirer des informations pertinentes de ce document d'une rigueur froide et
praticienne : il a a priori été rédigé après 1659, tous les livres listés ayant été publié à des dates
antérieures. Aucun de ces livres n'est présent à Meuselwitz, bien que certains ouvrages soient les
œuvres d'auteurs classiques que l'on croise toujours dans les bibliothèques, tels Pline, Plutarque,
Hésiode ou Lactance. L'aspect vraiment original du document est la présence d'une section réservée
55 Folios 112-113 verso, 120-121 verso.
63
aux livres néerlandais, et non pas seulement aux livres édités aux Pays-Bas. Ils ne sont que cinq et
sont édités entre 1645 et 1656, et contrairement à ce que nous pourrions imaginer, il ne s'agit pas de
dictionnaire : ces ouvrages sont de réelles œuvres d'études théologiques ou juridiques. Il en est de
même pour les livres italiens et français, qui bien qu'en nombre restreint, couvrent à la fois
l'histoire, le droit, la théologie et la littérature et la rhétorique. La catégorie des « Miscellani »
regroupe assez étrangement les œuvres d'Aristote, Archimède, Démostène, Epictète et Euclide,
grands classiques, mais qui ne sont pas de volumes que l'on retrouve fréquemment dans les
bibliothèques de ce siècle. Ce document s'éloigne donc encore plus du précédent du statut de liste
de livres à acheter ou à emprunter pour constituer une collection…
Les feuillets que nous nous proposons d'étudier désormais se rapprochent bien plus de notre
optique de recherche sur la constitution d'une bibliothèque que les deux derniers documents : en
effet ces trois pages sont une liste d'ouvrages disponibles à l'achat et rassemblés sur ces pages par
un agent, pour informer Seckendorff des nouveautés littéraires parisiennes56. Ces feuillets sont plus
petits que ceux que nous avons vu jusqu'à maintenant, et l'écriture est soigneuse mais comporte des
corrections et ratures de la même main. Seuls trois ouvrages rajoutés en fin de la dernière page
semblent avoir été tracés d'une autre écriture. La liste ainsi dressée est régulière dans sa présentation
et se divise en deux catégories, encore différentes de celles des deux documents précédents : les
« livres reliez » et les « livres en blanc ». L'agent responsable de cette liste a en effet regroupé ici les
ouvrages que l'on peut obtenir chez plusieurs imprimeurs et mets l'accent sur la forme des ouvrages,
ainsi que le souligne fortement les commentaires qui accompagnent chaque catégorie. Ainsi, alors
que les « livres en blanc » reçoivent ce commentaire : « Tous ces livres en blanc se trouvent chez
Mons. Cramoisy, avec qui on ne marchande point, comme dans ma lettre », les livres « reliez » sont
accompagnés de ces quelques lignes :
« La pluspart de ces livres reliés ne se peuvent avoir en blanc, mais on les trouve de ça et de
là
dans les Bibliothèques de Mons. D'aillé me fera avoir pour le prix que vous allez voir dans
son
mémoire. »
Les deux commentaires soulignent donc fortement l'importance de la reliure des ouvrages,
signe de l'accent mis par le commanditaire sur ce point, et laissent surtout entendre que celui-ci
préférerait avoir des ouvrages « en blanc » (non reliés) : l'agent précise en effet pour ceux-ci que
certains sont disponibles sans reliures dans quelques lieux. En précisant que les mêmes ouvrages
existent en deux formes disponibles fait porter l'accent sur les volumes blancs. Peut-être que le
56 : Folios 116-118.
64
commanditaire souhaite rassembler plusieurs œuvres et les faire relier ensemble pour former des
compilations, comme celles que nous avons remarqué dans la collection de Meuselwitz.
Les citations font également référence à des lettres et des acteurs qui nous permettent de
situer le champ d'action de l'agent à Paris : les imprimeurs Cramoisy sont les acteurs les plus
importants du marché du livre parisien. Ils ont de nombreux privilèges d'impressions, surtout sur les
ouvrages des Pères de l'église et de théologie catholique. Le « Monsieur D'aillé » fait probablement
référence à Jean Daillé, théologien et pasteur français du XVIIe siècle, qui aurait également été
chargé d'informer Seckendorff de l'actualité littéraire française. Chacun des acteurs, l'agent et le
monsieur Daillé, ont apparemment déjà envoyé au moins une lettre au commanditaire, signe qu'il ne
s'agit point d'une relation ponctuelle, mais peut-être d'un accord de plus longue durée, comme nous
l'avions vu dans notre précédent travail. En essayant de déterminer qui était l'auteur de cette liste,
nous avons comparé les livres listés à la lettre et au mémoire de N.Zapte que nous avions présenté
l'année dernière : de nombreux auteurs se trouvent dans les trois documents (Eusèbe, Tertullien,
Saint-Augustin…). Mais si les ouvrages sont très précisément cités ici, avec leur titre, date et lieu
d'édition, format et nombre de volumes, il n'en est rien dans les documents de Zapte, qui cite
simplement de manière grossière les ouvrages et les auteurs sans donner assez de détails pour que
nous puissions savoir s'il s'agit des mêmes exemplaires. La liste ne comporte par ailleurs pas de prix
nous permettant de la comparer à celle des documents de Zapte. Nous pouvons avancer la même
hypothèse que précédemment : Zapte et ce commanditaire exposent tout deux la situation à Paris, il
est donc peu surprenant que des œuvres ou des auteurs se recoupent, sans qu'il s'agisse des mêmes
exemplaires. Toutefois, il serait étonnant que Seckendorff soit en relation avec plusieurs personnes
pour une seule ville, aussi riche et dynamique que soit la capitale française dans le marché du livre.
Il est en tout cas évident que cette liste sert avant toute chose à l'achat de livres pour
constituer un fonds : les commentaires l'expriment, mais les prix des ouvrages sont également très
clairement exposés, à la fois en chiffres à droite de la page, et en lettre à la fin de la description du
volume. Un seul ouvrage de la liste est présent à Meuselwitz, mais il s'agit d'un volume ajouté en
fin des « livres en blanc », d'une main différente, et qui ne précise ni la date ni le lieu d'édition. Le
rapprochement est donc fortement hypothétique.
Ce document était le dernier de notre corpus à se présenter comme une liste de livres.
Néanmoins, nous avons une autre page très intéressante à exposer, bien qu'elle s'éloigne assez
radicalement de la forme des feuillets que nous avons étudié jusqu'à maintenant. Il s'agit du folio
93, qui n'est pas une liste d'ouvrage mais présente un texte de six lignes et un petit ajout de deux. Le
plus intéressant est la signature que porte le document : « L. Otto Menckenius » soit Otto Mencke,
l'homme qui a créé les Acta Eruditorum. Seckendorff a participé aux Acta en 1682, dès leur
65
création, et le document ici présent du 9 mai 1680, soit plusieurs années avant que le projet ne soit
lancé. La graphie est peu soignée, comme si la note avait été rédigée hâtivement, et nous n'avons
déchiffré qu'une partie :
« Sieben… sind… vor die Memorie Recondite di Vittorio Siri de anno 1601 sqq.
4 volumin in 4 editionis a. 1677… der fürstl. Bibliothek zu Zeitz bezahlt worden.
Datum… der 9 Mai 168057. »
Les informations que nous offrent ces quelques lignes sont très précieuses. Tout d'abord
parce qu'elles confirment l'existence d'une bibliothèque ducale à Zeitz. Le fait que Seckendorff soit
le récepteur de ce document prouvé également qu'il était responsable de son fonds et de son
approvisionnement. De plus, cette page est à la fois une facture, ou en tout cas la confirmation d'un
achat pour la bibliothèque de Zeitz. Ne possédant pas le catalogue de celle-ci, il est difficile de
savoir si ce volume se trouve effectivement dans la collection. Il est en tout cas certain que ce
volume de Vittorio Siri n'a pas été commenté dans les Acta, et qu'il ne se trouve pas dans la
collection de Meuselwitz. Il doit donc bien s'agir d'un volume destiné à une autre bibliothèque. Le
document contient également deux autres lignes mais qu'il nous est impossible de déchiffrer.
Il n'en demeure pas moins que ce feuillet est d'une très grande richesse et qu'il est un des seuls
document à nous offrir des certitudes, comme le folio 101.
Tous ces documents nous laissent une impression mitigée. Bien que certains nous offrent des
informations certaines et précieuses, la majorité ne fait qu'accentuer nos incertitudes et soupçons.
Quelques documents semblent n'avoir aucun rapport avec l'achat de livres, mais les plus
problématiques sont les listes faisant apparaître un nombre très restreint d'ouvrages à Meuselwitz :
en somme, aucun document ne peut être rattaché fermement au catalogue, mais on aperçoit de
nombreux liens en filigrane. Malgré tout, ce qui reste le plus intéressant pour nous est la diversité
des documents et des acteurs. Nous avons ainsi aperçu des villes d'édition différentes, des langues
variées, et c'est ainsi un marché du livre européen aux multiples visages qui se dessine à travers ces
diverses listes. On aperçoit un large réseau de correspondants, d'acteurs et d'intermédiaires, tous
absolument nécessaires pour constituer une collection riche, et réussir à atteindre des imprimeurs et
éditeurs souvent très éloignés du lieu de résidence du savant. Sur la vingtaine de documents que
nous avons brièvement analysé on ne compte en effet pas moins de dix personnages différents pour
ne serait-ce qu'informer de l'actualité des impressions. Les folios 116 et 118 font même état de deux
acteurs différents pour Paris, chacun chargé de l'information et du négoce, soit auprès des libraires,
57 : « Sept sont pour le Memorie Recondite de Vittorio Siri de anno 1601… qui ont été acheté pour/par la bibliothèqueprincière de Zeitz (?) »
66
soit auprès des « emballeurs », comme il est noté au folio 99 où le prix des différentes opérations est
détaillé en deux monnaies différentes (française et du Saint-Empire?). Si ces documents sont bien
en rapport avec la bibliothèque de Zeitz, on voit que Seckendorff a déployé un large faisceau de
relations dévouées pour l'aider dans sa tâche d'approvisionnement. On voit donc ici que le catalogue
ne peut pas être considéré comme un document orphelin et indépendant, mais qu'il dépend d'une
multitude de paramètres pour permettre sa réalisation. L'étude de ceux-ci ne peut apporter que de la
profondeur à son analyse et l'on perçoit mieux tout le travail nécessaire en amont à la création d'une
telle collection. Si la bibliothèque personnelle de Seckendorff semble assez restreinte, il faut la
remettre dans le contexte de la difficulté d'obtention des livres et surtout des délais, qui peuvent
s'allonger considérablement si l'intermédiaire n'est pas assez sérieux ou se trouve face à des
imprévus (on pense à un ouvrage commandé par Gronovius qui traversa la Manche dans un petit
bâteau de pêcheur58). Ce bref aperçu du travail mis en place par les savants ou princes pour créer ces
ensembles structurés d'ouvrages nous prouvent surtout que Seckendorff est un érudit bien intégré
dans la République des Lettres.
C - Les glossaires de Meuselwitz ou l'organisation du savoir
Après avoir étudié le travail mis en œuvre par Seckendorff pour se procurer des ouvrages, il
est logique et nécessaire de s'intéresser à l'étape suivant cette grande collecte : la lecture et
l'utilisation des connaissances tirées de la lecture. Il est en effet difficile d'imaginer le savant
collectant plus de mille ouvrages et les lire sans en tirer de la matière pour ses propres écrits et
surtout sans garder une trace écrite de ces connaissances nouvellement apprises. Alors que l'étude
de la constitution d'une bibliothèque nous offre finalement peu d'informations sur les préférences du
savant, analyser un outil de travail est d'une richesse sans égale : l'on peut ainsi entrer dans l'esprit
de l'érudit et avoir un accès direct à ses ambitions et méthodes d'études. Ce ce que nous espérons
mettre ici en valeur grâce aux trois glossaires.
Avant toute chose il faut à nouveau insister sur le fait que nous n'avons pu nous livrer à une
étude systématique et profonde des trois volumes : chacun des glossaires s'étendant environ sur 200
pages, il nous est impossible de travailler sur chaque page individuellement puis de se livrer à une
comparaison extensive de la structure et du contenu. Une étude propre de ces documents serait
nécessaire et elle nous semble absolument nécessaire pour permettre une meilleure compréhension
du savant. Nous ne faisons ici que poser les jalons de ce que nous espérons être une nouvelle ère
58 : P.Dibon et F.Waquet, 1984 : p26
67
d'étude de Seckendorff à partir de ses documents privés. Malgré ce problème de l'extensivité des
volumes, nous avons mené une étude ciblée sur quelques feuillets qui nous permet de mieux
comprendre le contenu, la structure et la nature de ces documents. La chronologie de la création de
ces ensembles reste assez floue, mais nous avons quelques suppositions à présenter. Nous
aborderons tout d'abord l'étude du glossaire dit « général » (1073) et de celui traitant de théologie
(1075) : leur structure très proche facilite grandement le travail d'analyse et de comparaison
auxquels nous les soumettons. Le glossaire de politique sera traité séparément par la suite, son
organisation le mettant radicalement à part des deux précédents.
Les volumes commencent donc par un index de près de dix pages, qui facilitent l'accès au
contenu des feuilles : chaque terme noté est associé à un numéro de feuillets, qui est évidemment
distinct du numéro de folio attribué par les archivistes, qui ont commencé leur décompte à partir de
la page de garde de chaque volume. On remarque néanmoins à plusieurs endroits que les numéros
de feuillets ne se suivent pas, comme si les feuillets avaient été cousus dans le désordre. Erreur des
archivistes ou antérieure, il est difficile de le dire. L'utilisation de l'index est en tout cas assez aisée
et nous aide à percevoir que le glossaire à été rempli au fur et à mesure des besoins. Non seulement
la graphie change subtilement d'un terme à l'autre, preuve que les mots ont été ajoutés à différents
moments mais bien par la même main, mais de nombreuses catégories ont été notées sans être
remplies. Les termes étudiés dans les glossaires sont en effet listés selon les deux premières lettres
du mot : ainsi les mots commençant par C se divisent en au moins sept catégories différentes, plus
ou moins remplies (CA, CE, CI, CO, CL, CU, CR). L'index a donc été constitué avant d'être rempli
au fur et à mesure. La comparaison des index du glossaire de théologie et du glossaire général ne
laisse apercevoir que très peu de différence : tout deux recoupent en fait des thèmes d'études assez
large, et on s'étonne de la présence de certains termes plutôt anodin dans le 1075. Ainsi
« Bibliotheca », « Bellum », « Celeritas », « Celebris », « Equus » ne semblent pas avoir un lien
direct avec la théologie et nous sommes assez curieux de voir quel lien peut faire Seckendorff entre
ces termes et le thème du catalogue. Peut-être que le thème attribué à ce volume n'a été
qu'artificiellement décidé lors de l'enregistrement et du classement des archives, en opposition avec
le glossaire de politique qui affirme quant à lui franchement ses couleurs. Nous pourrions presque
voir dans le glossaire 1075 une copie légèrement plus réduite que le glossaire 1073 : en nombre de
pages, le glossaire 1073 est légèrement plus fourni que le 1075, et si de nombreux termes diffèrent,
plus de quarante se retrouvent entre les deux volumes. Les deux ont-ils été écrits en parallèle ou l'un
est-il destiné à compléter le précédent ? Dans ce cas, les termes se trouvant dans les deux volumes
doivent présenter des informations différentes. C'est ce que nous devons vérifier.
68
Nous avons compulsé l'ensemble des deux glossaires, et il appert asse rapidement que les
textes couchés à chaque page sont en fait des citations d'ouvrages qui ont été recopiée, avec leurs
références. Chacune sont rattachées directement au terme qu'elles illustrent, et elles le contiennent
très souvent. Ainsi, le paragraphe rattaché à « Bibliotheca » au glossaire 107559 est composé de
deux citations de Suétone, dans la Vie des douze Césars : "Julius Caesar animo destindet,
bibliothecas Graecas Latinasque quas maximas posset publicare data Marco Varroni cura
comparandarum ac digerendarum. Suet. Caes. XLIV p43"60 et "Templum Apollinis Augustus addidit
porticus cum bibliotheca Latina Graecaque, quo loco iam senior saepe etiam senatum habuit
decuriasque iudicum recognovit. Suet. in Aug . Cap XXIX p117"61. Les références des citations
indiquent l'auteur, la section de l’œuvre (le César dont il est question), le chapitre et la page. À
aucun moment n'est précisé l’œuvre dont sont tirées les citations : doit-on en déduire que
Seckendorff ne possède qu'une œuvre de Suétone ? Il n'en est rien : La Vie des douze Césars est
absent de sa collection de Meuselwitz… Comment a-t-il dès lors noté cette citation, qui est
parfaitement recopiée de l'ouvrage, contrairement à plusieurs autres fragments de textes dans la
suite du glossaire qui diffèrent parfois de beaucoup de l’œuvre ? Il est très surprenant qu'un tel
classique soit absent de sa bibliothèque. Il est probable qu'il lui ait été prêté, ou qu'il l'ait eu entre les
mains lorsqu'il était responsable de la bibliothèque de Gotha ou de Zeitz. Ce qui signifierait qu'il
aurait commencé la création de ces glossaires avant la constitution de sa collection, si celle-ci date
bien des dernières années de son mandat à Zeitz. L'on voit donc ici que les citations n'ont aucun lien
avec le thème supposé du glossaire : Seckendorff n'a fait que recopier des phrases d’œuvres
classiques, qui n'ont finalement pas nécessairement de rôle de définition du terme illustré. Ainsi, la
première phrase peut encore apporter des informations intéressantes sur le fonctionnement et la
création d'une bibliothèque (la nécessité de la richesse du fond, le besoin d'un bibliothécaire dédié),
mais elle est surtout intéressant en ce qu'elle apporte des données sur la bibliothèque crée par César.
La seconde phrase est encore plus éloignée d'une définition puisqu'elle ne nous renseigne presque
pas sur le contenu de la bibliothèque ou sur sa création : il est assez évident que la collection de
celle-ci sera constituée de livres latins et grecs. Somme toute, ces citations n'ont que peu d'intérêt si
elles sont regardées comme riches de sens en elles-mêmes. Il faut percevoir leur richesse ailleurs, en
tant que fragments de textes fameux, utiles pour être replacées dans une lettre ou une conversation,
mais offrant peu de sens pertinent.
59 : 1075, folio 11 verso60 : « Il voulait ouvrir au public des bibliothèques grecques et latines aussi riches que possible, et confier à Marcus
Varron le soin d’acquérir et de classer les livres » (traduction Nisard, wikisource). 61 : « Il y ajouta un portique et une bibliothèque grecque et latine. C’est là que, sur ses vieux jours, il assemblait
souvent le sénat et dénombrait les décuries de juges. » (traduction Nisard, wikisource). On voit ici que Seckendorff a ajouté au début de la citation « Templum Apollinis Augustus » pour préciser le sujet de la citation.
69
Nous savons en tout cas désormais que ces glossaires sont en fait des recueils de citations de
toutes sortes, car le contenu de toutes les autres pages est identique : il s'agit toujours d'une liste de
texte, contenant obligatoirement le terme qu'ils illustrent, la référence étant plus ou moins aisée à
déchiffrer voire à décrypter. Ces volumes sont donc très étroitement liés à la lecture et au travail
d'érudition, car ils accompagnent nécessairement le savant dans son œuvre de rédaction, de lettres
ou de ses œuvres. Un savant de la République des Lettres est en effet avant tout un lecteur assidu et
vorace et sa valeur est jugée à l'aune de sa connaissance des classiques et de l'étendue de sa culture
livresque. Citer précisément devient extrêmement important pour l'érudit, et avoir un recueil de
toutes les phrases qui l'ont marqué est très précieux et appelle à être consulter souvent. Loin d'avoir
accès aux pensées et théories du savant, nous sommes au contraire confronté à sa culture et à ses
références, en quelque sorte au terreau qui a alimenté son travail. Ces deux citations sont néanmoins
trop pauvres pour nous informer sur l'utilisation des glossaires par Seckendorff. « Bibliotheca »
n'est pas un terme que l'on peut croiser à profusion dans les textes, et il est évident que « Historia »
ou « Prudentia » recèlent un plus grand nombre de citations, à même de nous offrir une image plus
développée et variée du glossaire. Il est également nécessaire d'étudier les textes d'un même terme
dans les deux glossaires, afin de déterminer si ceux-ci sont identiques ou diffèrent radicalement :
nous pourrions ainsi obtenir des informations sur la chronologie de rédaction des deux volumes.
« Libertas » nous offre cette possibilité. Présent dans les deux tomes62, il jouit d'un bon
nombre de citations et de nombreuses variations d'écriture sont discernables, signe qu'ils ont été
sujet à de nombreuses reprises et éditions. La page du glossaire général est la plus remplie des deux,
et présente au moins cinq variations à l'écriture principale, soit autant de moment d'édition de la
page. On remarque en particulier la dernière moitié du feuillet où la graphie devient beaucoup plus
petite, resserrée et forme comme un paragraphe de texte à part qui aurait été écrite d'un seul jet et
avec une très grande régularité. En comparant les deux pages des deux glossaires, on remarque alors
que des citations se trouvent effectivement dans les deux volumes : les trois premières citations de
la page 60 se retrouvent dans le paragraphe que nous venons de décrire, dans le verso de la page 25,
à partir du numéro quatre et jusqu'au numéro six inclus. Ces citations sont très exactement les
mêmes et reprennent les mêmes références. Il est assez étonnant que ces phrases en doubles se
retrouvent au milieu du paragraphe pour le glossaire 1073. On pourrait supposer que le glossaire
1075 a été rédigé avant, et que Seckendorff a par la suite recopié ces citations dans le second
glossaire. Mais deux détails mettent en difficulté cette supposition : tout d'abord seulement trois
citations sur les six sont recopiées. Mais surtout, les citations se trouvent dans le paragraphe régulier
de la fin de la page, mais elles ne sont pas au début de ce paragraphe : elles sont ajoutées après la
62 : 1073 : 25 verso ; 1075 : 60 (voir les scans en annexe).
70
recopie de trois autres phrases et sont suivies de deux autres extraits. Si le savant avait réellement
recopié le contenu d'un glossaire dans l'autre, les citations absentes du glossaire de référence se
seraient retrouvées avant ou après ces trois phrases, et dans une graphie légèrement modifiée, qui
indiqueraient la rupture de rythme. Mais il est surtout d'autant plus surprenant que toutes les
citations du glossaire 1075 ne soient pas recopiées. Aucune des hypothèses que nous pouvons
avancer ne propose d'explications pour ces problèmes de recopie. Nous pouvons à la fois supposer
que le glossaire général a été commencé en premier, puis que Seckendorff a rédiger le glossaire de
théologie, avant de revenir au premier et d'y reporter les citations qu'il avait noté dans le précédent.
Mais l'inverse est tout aussi possible : après avoir attaqué la rédaction du glossaire 1075 il a pu
débuter le 1073 et ajouter les citations qu'il avait trouvé auparavant. Peut-être qu'en étudiant le sens
des citations nous trouvons une meilleure explication.
La première phrase est tirée de l'ouvrage de Cornelius Nepos, Vies des grands capitaines, de
livre sur Timoléon, au cinquième chapitre :
« quidam Laphystius, homo petulans et ingratus, vadimonium cum vellet imponere,
quod cum illo se lege agere diceret, et complures concurrissent, qui procacitatem
hominis manibus coercere conarentur, Timoleon oravit homines… hanc enim
speciem libertatis esse, si omnibus, quod quisque vellet, legibus experiri liceret. »63
La deuxième est bien plus réduite et provient de Velleius Paterculus, dans son Histoire romaine, au
livre deux, paragraphe 73 et décrit un jeune citoyen romain : « Sept. Pompei… libertorum suorum
libertus servorumque servus »64. Enfin la troisième citation provient de nouveau de Suétone et de la
Vie des douze Césars, mais alors qu'il est noté qu'il s'agit du livre sur Jules César, nous avons en fait
trouvé la citation dans le livre sur Auguste, au paragraphe 12 et non 73 :
« Nursinos grandi pecunia et quam pendere nequirent multatos extorres oppido egit,
quod Mutinensi acie interemptorum civium tumulo publice extructo ascripserant,
pro libertate eos occubuisse. »65
Cette erreur de référence est peut-être due à l'édition de l'ouvrage que Seckendorff a consulté, et non
au savant lui-même. En tout cas, ces trois citations ne nous offrent pas plus d'informations que les
précédentes. La première peut être vue comme une définition de la liberté ; la deuxième est
63 : « Comme un certain Lamestius, homme insolent et ingrat, voulait le contraindre à comparaître en justice, disant qu’il était en procès avec lui et que plusieurs citoyens étaient accourus pour réprimer par la force l’impudence
de cet homme, Timoléon… disant… en effet, le signe visible de la liberté consiste en ce que chacun ait le pouvoir de faire valoir ses prétentions selon les lois » (traduction wikisource)
64 : « Sextus Pompée...Affranchi de ses affranchis, esclave de ses esclaves... » (traduction Després, wikisource) 65 : Nous avons reproduit ici la citation exacte et non celle du glossaire qui est quelque peu différente : « Augustus
grandi pecunia Nursinos et quam... », donc la traduction est : « Il (Auguste) frappa d’une amende énorme les habitants de Nursie, qui avaient érigé un monument aux citoyens morts devant Modène, avec cette inscription : "Aux victimes de la liberté" ; et, comme ils ne pouvaient payer cette amende, il les chassa de leur ville. » (traduction Nisard, wikisource).
71
intéressante par sa tournure qui fait office de bon mot d'esprit ; la troisième est plus une anecdote
qu'une citation faisant sens en elle-même, comme le deuxième extrait qui traitant des bibliothèques.
Nous avons du mal à comprendre l'intérêt de les recopier dans un autre glossaire, mis à part le désir
d'exhaustivité. Les autres citations rattachées à la liberté du glossaire 1073 ont toutes ce caractères
de phrases fortes proches du proverbe, et toutes soulignent le caractère précieux de celle-ci, comme
un bien qu'il faut défendre à tout prix. On retrouve ainsi la fameuse phrase de Jules César ; « il est
dans la nature de tous les hommes d'aimer la liberté et de haïr l'esclavage »66, une phrase tirée de
Salluste « la liberté, à laquelle tout homme d'honneur ne renonce qu'avec la vie »67, et une courte
citation de Tite-Live « la liberté anime seulement le cœur des hommes courageux »68. Les autres
extraits sont tous tirés des mêmes auteurs, et l'on retrouve également Quinte-Curce au milieu de
tous ces grands auteurs classiques.
Ces citations, par leur grandiloquence et leur aspect classique, sont en fait très aseptisées et
ne nous informent que très peu sur Seckendorff lui-même : il constitue ces volumes comme des
collections des citations célèbres, à même d'être utilisée mais aussi probablement pour l'aider à les
mémoriser. Nous ne percevons pas ici une vision ou opinion particulière de Seckendorff sur ces
termes, l'on n'y retrouve qu'une accumulation d'exemples et d'anecdotes.
Une citation de « Historia » dans le glossaire 1073 mérite d'être évoquée avant que nous
étudiions le glossaire de politique. Issue de la préface de l'Histoire romaine de Tite-Live, elle
confirme ce que nous avancions auparavant pour expliquer le grand nombre d'ouvrages historiques
dans la collection de Seckendorff : l'histoire y est présentée comme une leçon qui doit guider dans
l'accomplissement de ses devoirs, et en particulier en politique.
« Le principal et le plus salutaire avantage de l'histoire, c'est d'exposer à vos regards,
dans un cadre lumineux, des enseignements de toute nature qui semblent vous
dire :
Voici ce que tu dois faire dans ton intérêt, dans celui de la république; ce que tu dois
éviter, car il y a honte à le concevoir, honte à l'accomplir. »69
C'est tout l'inverse de ce que soutiendra Hegel deux siècles plus tard.
Le glossaire de politique se distingue radicalement des deux précédents glossaires. Rien que
66 : « Omnes homines natura libertati student et condicionem servitutis oderunt », Jules César, La Guerre des Gaules, 3,10 (traduction Théophile Baudement, wikisource).
67 : « Libertatem nemo bonus nisi cum anima simul amittit », Sallluste, Bellum Catilina, 33, 2 (traduction Charles Durozoir, wikisource).
68 : « Libertas (...) virorum fortium pectora acuit », Tite-Live, Histoire romaine, 28, 19 (traduction Nisard, wikisource)69 : « Hoc illud est praecipue in cognitione rerum salubre ac frugiferum, omnis te exempli documenta in
inlustri posita monumento intueri: inde tibi tuaequae rei publicae quod imitere capias, inde foedum inceptu, foedum exitu, quod uites. » Tite-Live, Histoire romaine, préface (traduction Nisard, wikisource).
72
l'organisation du volume est strictement différente : on voit aussitôt que au moins une page entière
est consacrée à chaque concept et que plusieurs catégories découpent le feuillet. Ce qui frappe
également est l'objectif apparemment très éloigné des autres volumes. Il ne s'agit pas ici d'un
recueille de citations, bien qu'elles soient nombreuses à chaque page. Au contraire, chaque feuille
tente de déterminer et définir le plus précisément possible le concept concerné. Ainsi, pour
« politica scientia », quatre catégories sont développées : « Ætymologia », « Homonymia »,
« Synonymia », « Definitio ». Dans chacune de celle-ci sont regroupées plusieurs citations, qui
contrairement aux glossaires précédents ne sont pas tirées d’œuvres classiques latines ou grecques :
on croit en effet deviner dans les références le nom de Cellarius (« Cell. ») et Conring, deux fameux
auteurs du XVIIe siècle. On s'attendrait pourtant à voir figurer Aristote, d'autant que presque chaque
section de la page présente au moins trois ou quatre mots en alphabet grec. Il nous est difficile de
déchiffrer la graphie qui est très peu soignée, mais l'on voit clairement que les textes de la page ne
sont pas le fruit de Seckendorff mais sont à nouveau une collection de références tirées de ces
lectures. Elles sont ici pourtant classée et organisées, leur donnant un sens plus riche que
l'accumulation que nous avons vu dans les volumes précédents. Elles sont par ailleurs moins
soigneusement recopiées, présentant de nombreuses abréviations, qui laissent sous-entendre que ces
extraits ont été notés moins pour être joints à un ouvrage ou à une lettre que pour servir de pense-
bête et de dictionnaire auquel il peut se rapporter au cours de son travail. Loin d'être des phrases
d'ouvrages littéraires, qui peuvent avoir une valeur poétique par leur formulation comme celle de
Velleius Paterculus, elles se distinguent par leur clarté et la pertinence des informations qu'elles
apportent. Ce glossaire est un véritable document de travail, et la différence des graphies et des
encres laisse voir qu'il a été édité à plusieurs reprises. Cependant, il semble avoir beaucoup moins
de sources que les glossaires précédents : en feuilletant l'ensemble du glossaire, nous n'avons vu
comme autres références que la Politique d'Aristote, sur trois pages différentes. Les autres
références sont soit illisibles, soit renvoient à Cellarius et Conring. Alors que ce glossaire nous
offrait la possibilité de contrebalancer l'absence de la politique dans la collection de Seckendorff, il
semble qu'il ne soit constitué qu'à partir de d'un nombre extrêmement restreint d'informations.
Seckendorff ne se constitue pas une somme de connaissances sur la politique pour synthétiser toutes
ses lectures ou expériences, il a simplement organisé des notes prises sur trois ouvrages différents.
Certes, le fait que ce volume soit construit pour être édité et complété peut nous laisser espérer que
le savant prévoyait d'étendre ses recherches et d'étoffer le recueil, mais les derniers ouvrages que
l'érudit a composé avant sa mort étaient tous dédiés à son intérêt pour la théologie. Il est peut
probable qu'il ait eu le projet de rédiger une somme sur les sciences politiques. Nous sommes forcés
de conclure que malgré toutes les années que Seckendorff a consacré à la gestion des États, il n'a
73
jamais considéré ses charges autrement qu'un travail, qu'il n'a jamais mélangé avec ses recherches et
ses études. Seckendorff l'homme politique est hermétiquement séparé de Seckendorff le savant
curieux qui s'intéresse à de nombreux domaines divers. Certes, pour que cette affirmation soit
vérifiée et judicieuse, nous devrions étudier avec beaucoup d'attention tous les brouillons et notes
qui sont rassemblées dans ses archives personnelles afin d'être certains de ce que nous avançons.
Toutefois, l'absence d'ouvrages et la maigreur du contenu du glossaire suffisent déjà à émettre de
fortes suspicions.
Cette étude superficielle des trois glossaires des archives d'Altenburg nous offre une vue
intéressante sur l'organisation que met en place Seckendorff pour garder trace de ses connaissances.
Même s'il ne s'agit pas ici de brouillons exposant ses théories et pensées dans la préparation d'un
ouvrage, ils nous permettent d'avoir accès à l'une des étapes du processus de création intellectuelle :
l'inspiration et l'imitation des canons, le recueil de leurs pensées pour s'en imprégner avant que
l'inspiration originale ne germe. Ces observations confirment la formation classique de Seckendorff,
tout à fait en phase avec son temps et son cercle. Toutefois, si l'on possède désormais une meilleure
image du savant et de sa formation, nous ne le percevons que comme un érudit isolé dans son
domaine avec sa bibliothèque. Le réseau qu'il a constitué pour obtenir des livres ne peut réellement
compte comme une participation à la République des Lettres, alors que celle-ci est absolument
essentielle pour en faire un savant de ce siècle. C'est ce que nous étudierons dans notre prochaine
partie.
74
III/ L'influence de la communauté européenne des savants
Au cours de notre étude nous avons observé la collection privée de Seckendorff, la manière dont il
la constitue et ce qu'il tire de ces ouvrages. À travers ce cheminement nous voulions esquisser le
portrait d'un savant d'une facture classique, qui s'exprime à travers sa bibliothèque et son travail de
synthèse et d'organisation de ses connaissances. Nous avons néanmoins occulté un aspect très
important et que nous allons désormais étudier. L'insertion d'un érudit dans le réseau européen des
savants détermine tout autant sa valeur et son importance intellectuelle que le nombre de livres qu'il
possède.
A - Présentation des sources
Pour se pencher sur cet aspect de Seckendorff nous avons sélectionné des sources provenant
uniquement du fonds 1068. Parmi les trois documents que nous avons retenu, un seul n'est pas une
lettre. Tous dessinent en filigrane l'implication du savant dans la République des Lettres mais
également l'aide qu'il en reçoit pour préparer ses ouvrages, comme ce fut le cas pour le
Commentarius.
Nous étudierons tout d'abord l'influence de la communauté savante européenne sur les
œuvres du savant à travers deux documents distincts. Le premier est une lettre de Christoph
Cellarius, professeur d'histoire et de rhétorique à l'université de Halle70. Assez courte et d'une
facture soignée elle semble aborder le sujet de la rédaction du Commentarius. Bien qu'elle soit
relativement lisible nous n'étudierons pas la totalité du texte mais nous concentrerons sur le début
de la missive qui semble faire une liste d'ouvrages. La nature même du document et son auteur nous
offrent déjà des informations intéressantes dans l'étude de la relation entre Seckendorff et la
communauté européenne des savants. Mais son lien avec l’œuvre majeure du savant en fait un
document d'autant plus précieux. Se trouvant en effet dans le fonds 1068 qui rassemble tous les
textes touchant à la préparation et rédaction du Commentarius et du Christen-Stat, ce texte prouve
l'implication, bien que probablement lointaine et ténue, d'un autre érudit dans le projet de
Seckendorff. Datée de 1683, la lettre parvient en effet au savant un an après la parution de l'ouvrage
de Louis Maimbourg qui a directement lancé Seckendorff dans son projet d'un ouvrage s'opposant
aux thèses et mensonges du jésuite. Seckendorff est alors en plein travail préparatoire, affinant ses
lectures et recherchant témoignages et archives pour étayer et appuyer son propos. Cette lettre nous
offre donc une image très précieuse du savant au travail et de l'aide qu'il a pu recevoir de ses
70 : Fonds 1068, folios 27 et verso. Voir la transcription et la traduction en annexe.
75
collègues.
Le second document est d'une nature plus incertaine71. Il s'agit en fait d'une copie d'un
document que nous avions présenté dans notre précédent travail. L'année dernière nous avions
intégré dans notre corpus un document très brouillon, et qui se trouvait dans le glossaire politique,
en fin du volume, entre plusieurs pages tout aussi peu soignées. Ce texte se présentait sous la forme
de deux longs paragraphes disposés côte à côte, l'un en français, l'autre étant la traduction allemand,
se répartissant au recto et au verso de la page, et décrivant comment Seckendorff avait eu l'idée du
projet du Commentarius, les recherches qu'il avait entreprises, l'aide qu'il avait reçue et le contenu
de l'ouvrage en question. Nous n'avions pas réussi à déterminer la nature et la source de ce texte qui
ne semblait pas être de la main de Seckendorff. Aujourd'hui nous présentons le même document
mais dans une version beaucoup plus lisible et présentable, et qui s'avère être l'article consacré au
Commentarius paru dans le Journal des Savants du 14 juillet 1692. Nous ne savons toujours pas qui
est l'auteur de ce petit texte, mais il nous est plus aisé de comprendre son contenu en connaissant sa
nature et la fin à laquelle il est destiné : c'est un petit article de réclame vantant l’œuvre et retraçant
sa genèse pour en attester la qualité. Publié dans un journal scientifique européen, il est la preuve
même de l'insertion des travaux de Seckendorff dans la République des Lettres et de la
reconnaissance de la qualité de ceux-ci par ses pairs. C'est donc un document tout à fait précieux et
à même de répondre parfaitement à ce que nous nous proposons d'étudier dans cette partie.
Nous n'utiliserons qu'un seul document pour notre dernière sous-partie. Il s'agit également
d'une lettre, qui provient de Halle mais est rédigée en français, par un personnage peu connu de
l'historiographie : Jean Vimielle. Né à Montauban en 1640, il a fait des études de théologie à
Genève et Puylaurens. Nous n'en savons pas plus sur ses activités jusqu'à sa mort en 1705. Mais il
envoie à notre savant une assez longue lettre de deux pages, commentant et vantant le
Commentarius mais également Seckendorff, qui est présenté comme un érudit de premier plan aux
nombreuses qualités72. Plus encore que le petit article du Journal des Savants, cette lettre est
parfaite pour nous informer de l'image que se font les lecteurs des œuvres de Seckendorff, et du
statut qu'il occupe au sein de la République des Lettres : nous avons entre nos mains le témoignage
d'un homme du siècle, qui manque certes de stature intellectuelle, mais dont la formation
universitaire en théologie atteste de la qualité de son jugement. Ce document entre en parfaite
résonance avec notre optique d'étude et l'ensemble de notre corpus.
Pour conclure notre propos, nous envisagions d'employer un quatrième document, une lettre
71 : Fonds 1068, folios 319-320 (voir le scan en annexe). 72 : Fonds 1068, folios 72-73 verso (voir le scan en annexe).
76
en italien. Sans date ni signature il était difficile de la contextualiser et notre maîtrise très lacunaire
de l'italien ne nous permet pas de saisir toutes les nuances du texte. Nous avons néanmoins compris
que le sujet de la missive est l'offre d'un ouvrage à Seckendorff de la part d'un savant de la
péninsule. Il nous semblait judicieux d'ajouter ce document à notre corpus à cause de ce lien avec
les livres, mais aussi parce qu'il faisait directement écho aux 32 livres présents dans la collection de
Meuselwitz et pouvait éclairer quelque peu les circonstances de la constitution de cet ensemble.
Mais cette lettre ne nous apportait finalement que peu d'informations nouvelles : les documents que
nous présentons dans cette partie illustrent déjà les échanges d'ouvrages qui existent entre les
savants européens, et nous avons démontré l'importance des correspondants et des réseaux pour leur
obtention dans notre partie précédente. Afin de ne pas nous répéter et d'apporter de nouvelles
données à notre étude, nous nous proposons plutôt d'étudier brièvement la participation de
Seckendorff au périodique Acta Eruditorum d'Otto Mencke, dont nous avons parlé auparavant. Ceci
nous permet de découvrir un nouvel aspect de l'insertion du savant dans un réseau, non plus en tant
que collègue demandant l'aide d'autres érudits mais en participant activement au fonctionnement de
la République des Lettres, en aidant à la propagation du savoir et du goût pour l'érudition. Pour ce
faire, nous nous baserons essentiellement sur l'excellent ouvrage d'Hubert Laeven, consacré à la
création et à la gestion des Acta au temps de son créateur73. Ce volume d'une très grande richesse
contient de nombreuses informations sur l'organisation de la publication et le rôle des contributeurs,
auxquelles nous joindrons nos propres connaissances et données relatives à Seckendorff. Nous
espérons ainsi offrir une image éclairée et relativement complète de la participation de notre savant
dans la communauté européenne des érudits.
Le corpus que nous avons constitué pour notre dernière partie est bien plus restreint que les
précédents : d'un catalogue de bibliothèque d'environ 45 pages à un ensemble de listes d'une
trentaine de pages, nous nous sommes désormais limités à trois documents. Ceux-ci ne sont
néanmoins pas moins riches de sens et de données, qui peuvent nous apporter une autre image du
savant. Moins isolé qu'on ne le croyait à Meuselwitz, il serait en correspondance avec de nombreux
érudits et les œuvres qui le caractérisent ne sont pas le fruit de son travail égoïste et orphelin mais
celui de collaborations et d'entraides qui les enrichissent et les valorisent. Grâce aux
correspondances et différents liens qu'il a tissé au fil des années, Seckendorff n'est pas un simple
« Stubengelehrten » mais apparaît comme un membre du vaste réseau européen des sciences.
73 : Laeven, Augustinus Hubertus The “Acta Eruditorum” under the editorship of Otto Mencke (1644-1707). The History of an International Learned Journal between 1682 and 1707. Amsterdam: APA-Holland University Press, 1990 (traduction de Lynn Richards). <helikon.ubn.kun.nl/mono/l/laeven_a/actaerunt/actaerunt.pdf.>
77
B - La création assistée
Le premier document que nous voulons étudier est le petit article paru dans le Journal des
Savants. Celui-ci est daté du 14 juillet 1692. La première édition du Commentarius paraît en 1688,
et les Additiones, les notes extensives qui commentent et complètent la première édition, sont
publiées un an plus tard. Cet article présente en fait l'édition de 1692 qui rassemble les deux
volumes précédents et qui est celle qui est partagée et achetée le plus largement, que l'on retrouve
encore dans les bibliothèques. En tant que première édition rassemblant la totalité de l’œuvre et du
travail du savant sur ce sujet, elle a fortement contribué à la célébrité de Seckendorff et à la
reconnaissance de l’œuvre. C'est donc en toute logique qu'elle est présentée dans le premier journal
scientifique européen, même si les Acta Eruditorum avaient déjà fait paraître un texte semblable un
an auparavant. Afin de s'assurer de la nature du document, nous l'avons comparé avec le texte
imprimé dans le journal : les deux sont strictement identiques, sans aucune faute dans le texte
manuscrit. Il ne s'agit donc pas d'un brouillon préparant la rédaction de texte avant sa publication,
mais d'une recopie très soignée du texte après sa parution. La variation de la casse et du style
d'écriture, la source jouant le rôle de titre en occupant la première ligne du document est
soigneusement soulignée, le nom complet de Seckendorff étant noté avec des caractères beaucoup
plus massifs et grands afin de faire signe aux majuscules utilisées dans l'article imprimé pour noter
le nom du savant, dénote du désir de rendre visible la structure de l'article et de l'imiter autant que
possible. Le document que nous avions brièvement analysé l'année dernière était d'une facture
beaucoup plus grossière, difficilement lisible, et la version allemande qui était présente dans ce
document ne l'est plus dans celui-ci. Le texte débute par un petit paragraphe en latin qui est le titre
exact et complet de l'ouvrage, et la suite est strictement rédigée en français, en cinq paragraphes,
sans deuxième colonne ou deuxième version dans une autre langue. L'écriture nous est familière,
sans que nous puissions certifier s'il s'agit de celle de Seckendorff ou d'un agent basé à Paris qui lui
a recopié l'article : aucun exemplaire du Journal des Savants ne se trouve dans la collection de
Seckendorff, il est donc très probable qu'un contact sur place, utilisant le journal pour s'informer des
nouveautés littéraires, lui ait joint ce document à une lettre.
L'article ne commente presque pas le contenu de l’œuvre et s'abstient de tout commentaire
sur sa qualité ou son organisation. L'essentiel du texte se concentre en effet sur la genèse de
l'ouvrage et les méthodes du savant pour rassembler les informations et étayer ses thèses.
Seckendorff est tout d'abord très brièvement présenté, seulement qualifié comme « homme de
qualité », et après quelques phrases sur sa famille et son orientation religieuse, le texte s'attache à
78
expliquer comment le savant a eu le désir de composer le Commentarius : il dresse un tableau des
dernières années de vie de Seckendorff, depuis ses emplois sous Maurice de Saxe à sa retraite à
Meuselwitz où il se consacre à l'étude et à la lecture. C'est alors qu'il lit l'Histoire du Luthéranisme
de Louis Maimbourg et y « trouve une peinture de la prétendue réforme des Protestans d'Allemagne
fort differente des impressions qu'il en avoir reçues dès ses plus tendres années ». C'est donc d'un
décalage entre son expérience de première main et les thèses avancées dans un ouvrage étranger que
naît le désir de partager son vécu. On retrouve de nouveau ici la dualité entre théorie et expérience,
qui nous avait interrogé au sujet de la politique : pour presque tous ces ouvrages, ainsi que pour le
Fürsten-Stat et les Teutsche Reden, Seckendorff part de son expérience personnelle pour composer
ses livres, et l'on retrouve ici le même schéma. Ce point de départ de la pratique est expliqué en
partie ici dans l'article, qui relate que « n'ayant jamais fait profession de Teologie, il n'osa
approfondir les dogmes, ni leur appliquer la regle de l'Ecriture & de la Tradition, & se retrancha à
l'examen des faits, sur lesquels il reçut de tous côtez des memoires, & principalement des piéces
sorties des archives des Princes de Saxe. » C'est donc un manque de connaissance théorique, son
absence de formation universitaire en théologie et de pratique en tant qu'ecclésiastique qui orientent
son projet vers un travail uniquement concentré sur les faits. Seckendorff entame la rédaction de cet
ouvrage non pas en tant que spécialiste et érudit, mais en position de témoin qui assemble les
témoignages pour les rendre visibles. La caractéristique de cette œuvre est donc de se fonder sur
une grande quantité de documents, de la même façon que le fait Vittorio Siri dans son Mercure entre
1644 et 1682. Pour ce faire, Seckendorff a fait appel à ses connaissances et utilisé son réseau pour
rassembler le plus de documents possibles, des « memoires » aux « piéces sorties des archives des
Princes de Saxe ». Toute cette correspondance attachée à la collection de preuves se trouve dans le
fond 1068 d'où est tiré ce document : intitulé ''Briefwechsel des Kanzlers VlvS den « Christenstaat »
und die « Historia Lutheranismi » betr.''74, il rassemble donc la correspondance relative à deux
œuvres de Seckendorff. C'est le fonds d'archives parfait pour étudier l'influence et l'apport de la
République des Lettres aux œuvres du savant, et l'aide qu'il a obtenu de ses collègues érudits pour
ses projets. En effet, la suite de l'article nous confirme l'importance de la correspondance pour
fournir des documents à commenter : « Quand les curieux d'Allemagne seurent qu'il s'appliquoit à
ce travail, les uns par consideration pour sa personne, & les autres par attachement à leur parti, lui
firent venir un grand nombre de piéces, dont les unes n'avoient jamais paru, & les autres avoient
esté ensevelies dans l'oubli par une longue suite d'années. » Seckendorff n'a pas utilisé la lecture
d'ouvrages comme point de départ de sa quête d'informations, il a d'emblée orienté son ouvrage
74 : [Correspondance du chancelier Veit Ludwig von Seckendorff à propos du Christen-Stat et de l'Histoire du Luthéranisme].
79
dans une direction beaucoup moins érudite et plus proche de la chronique historique. Ce faisant, il a
adopté une méthode d'historien moderne, faisant passer avant toute chose les sources et leur
analyses, plutôt que la présentation de ses thèses et hypothèses. Dans cette optique, les témoins
extérieurs à son projet jouent un rôle primordial pour enrichir son ouvrage : le réseau de
correspondants de Seckendorff, sa richesse et son étendue deviennent primordiales pour assurer la
qualité de l'ouvrage. Au vu du retentissement de cette œuvre pour la renommée du savant, nous
pouvons être certains que ses contacts et donc ses sources d'informations furent vastes et diversifiés.
Il ne fait pas de doute que Seckendorff jouissait d'un réseau bien ramifié et prêt à l'épauler dans ses
projets.
Il ne faut toutefois pas écarter de suite l'importance des connaissances de Seckendorff,
directement liées à ses lectures. En effet, si la critique de l'ouvrage de Maimbourg se base en grande
partie sur le vécu du savant, il est nécessaire qu'il soit tout de même instruit dans l'histoire du
luthéranisme et ses déboires, ayant eu lieu bien avant sa naissance. De plus, il est expliqué dans
l'article que le Commentarius ne se compose pas que d'une réfutation des thèses de Maimbourg,
mais s'accompagne également de la critique de deux autres ouvrages : « Avec ce secours il composa
des notes non seulement sur l'histoire de Mr. Maimbourg, qu'il commença de traduire en Latin, mais
aussi sur quelques endroits de celle du Concile de Trente du Cardinal Palavicin, & de celle des
revolutions de Mr. Varillas. ». Le premier ouvrage se trouve effectivement dans la bibliothèque de
Meuselwitz, mais les deux œuvres de Varillas que possède Seckendorff ne contiennent pas
l'Histoire des révolutions arrivées dans l'Europe en matière de religion : il l'a probablement
emprunté à une connaissance. Le savant a donc tout de même mêlé dans son ouvrage des
paragraphes de réfutations liées à ses connaissances théoriques et non pas seulement à son
expérience pratique de la réforme protestante. Son commentaire sur le Concile de Trente ne peut se
baser que sur ses lectures à ce sujet, et il fut le Concile sujet au plus grand nombre de publications.
Son lien avec une histoire du protestantisme et son insertion dans l’œuvre de Seckendorff est donc
tout à fait logique, de même que l'ouvrage de Varillas qui traite du même sujet que Maimbourg. Il
est d'ailleurs intéressant de noter qu'il est publié entre 1686 et 1688, soit deux ans avant l'édition du
premier tome du Commentarius : si Seckendorff a commencé son projet juste après la lecture de
l’œuvre de Maimbourg, éditée en 1682, et qu'il peut inclure la critique d'un ouvrage de 1686 dans
son livre, c'est que le temps de préparation et de rédaction s'étend pendant au moins quatre ans. Le
temps d'obtenir le livre de Maimbourg, nous pouvons supposer qu'il l'a entre les mains en 1683,
puis qu'il termine son projet en fin 1687. Toute lettre reçue ou ouvrage acheté entre ces dates
peuvent donc être directement liés au Commentarius et à sa préparation.
Si cet article nous offre de nombreux détails sur le travail préparatoire, la rédaction et
80
l'objectif de l’œuvre, rien n'indique l'identité de l'auteur de ce texte qui semble très bien informé du
processus qu'a suivi Seckendorff pour constituer son ouvrage majeur. Il est fort probable qu'il en
soit lui-même l'auteur, afin de vanter le sérieux de ses méthodes et d'attester de la qualité de son
travail. Mais le début de l'article et sa fin laissent paraître des remarques assez aigres-douces sur la
Réforme et les protestants qui nous font douter que ce texte, ou du moins certaines parties, soient
de notre savant :
« Mr ; Seckendorf est un homme de qualité, dont les ancestres se laisserent entraîner au
commencement du siecle passé par le torrent des nouveautez de Luther. Il y en eut
pourtant quelques-uns qui reconnurent leur égarement & qui rentrerent dans la
communion de l'Elise Catolique. »
« Mais enfin la disposition où M. Seckendorf témoigne estre, semble une des meilleures
qui puisse estre souhaitée à ceux qui ne sont pas encore délivrez des erreurs où ils ont
esté engagez par leur naissance & par leur education. »
Ces deux phrases font transparaître une opinion tout à fait contraire au projet de Seckendorff, qui
essaye de défendre la Réforme et ses instigateurs. Considéré comme un « saint luthérien » par les
savants protestants à la suite de la lecture de son ouvrage, il est tout à fait impossible qu'il soit
l'auteur de ces mots qui considèrent toujours le protestantisme et la Réforme comme des égarements
et des erreurs temporaires. La dernière phrase de l'article va encore plus loin puisqu'elle considère le
luthéranisme comme une irrationalité à laquelle on n'adhère que par l'influence extérieure de son
cercle et de son éducation : tous ceux entrés dans le Protestantisme ne pourraient l'avoir été que par
les actes de personnages ayant de l'ascendant sur eux, et ils peuvent se délivrer de cette erreur,
comme d'une folie passagère et illusoire. Il n'est pas douteux que Seckendorff ait été peu enchanté
de cet article qui évite tout commentaire positif de l'ouvrage et dresse un portrait mitigé et
suspicieux de son œuvre de combat. Et ce caractère d'ouvrage défenseur de la Réforme, constitué
pour détromper les opinions des catholiques, l'auteur de l'article l'a fort bien compris : alors qu'il a
assez longuement présenté le travail de recherche du savant pour utiliser des documents et archives
pour soutenir la véracité des faits, il termine son texte par une opinion générale sur les historiens qui
affirment toujours vouloir « établir la vérité des faits » mais qui ne présentent en fait que leur propre
conviction. L'auteur de l'article s'arrange pour donner une opinion peu élogieuse, tout en flattant
légèrement le savant pour son ouverture d'esprit. Ses tournures soigneuses peignent une image
habilement soupçonneuse du livre, sans pour autant clairement afficher sa désapprobation. Cette
position désapprobatrice à l'égard de l’œuvre nous interroge sur la présence de cette article dans le
journal : pourquoi accorder une page et demie à un ouvrage défendant l'égarement et les erreurs
protestantes ? Peut-être est-ce l'indice de la renommée de l'ouvrage et de son auteur, si connus et
81
flattés de tous qu'il serait étrange de n'en voir aucune trace dans un journal informant des
nouveautés littéraires intéressantes pour les savants. Le Journal des Savants est alors dirigé en cette
fin de siècle par Louis Cousin, historien de renom et élu à l'Académie française en 1697, et l'abbé
Cureau de la Chambre : deux personnages à l'éducation purement catholique. Louis Cousin a en
effet traduit et composé des ouvrages historiques abordant essentiellement les origines de la
chrétienté à travers les auteurs classiques75. Nous pouvons voir dans ce jugement peu enthousiaste à
l'égard du Commentarius une orientation de tout le journal, sous l'influence de ses directeurs. Il est
également important de noter le dur traitement des protestants français qui émigrent en masse vers
le Saint-Empire, et donc le lourd climat d'intolérance religieuse qui règne dans le royaume et
influencent fortement les sciences et le marché du livre. Tous ces facteurs se ressentent dans l'article
que nous venons de présenter et abondent dans notre hypothèse d'un auteur français, sans
intervention de Seckendorff dans la rédaction de cet article.
Si ce document parle presque uniquement de documents et archives comme source
d'inspiration et de documentation pour le savant, la lettre que nous nous proposons d'étudier
désormais offre une toute autre image. Comme nous l'avons dit auparavant, le rédacteur de cette
missive est Christoph Cellarius, professeur de philosophie et de langues orientales à Weissenfels, de
rhétorique et d'histoire à Halle, érudit allemand de premier plan du XVIIe siècle. Il est probable
qu'il ait rencontré Seckendorff lorsqu'il devint en 1676 le directeur de l'école de Zeitz, ce qui est
assez important pour être souligné : Seckendorff n'a pas nécessairement rencontré tous ses
correspondants, qu'il connaît souvent de réputation et qui lui ont été recommandé par d'autres
collègues, quand il ne s'agit pas d'admirateurs qui le contactent directement pour développer une
relation purement épistolaire. Si les deux hommes se connaissent et s'apprécient, il est d'autant plus
probable que Seckendorff reçoive de l'aide de ce savant fort brillant. De plus, Cellarius enseignant à
l'université de Halle en fin de siècle, alors que Seckendorff est nommé chancelier de celle-ci
quelques mois avant sa mort en 1692, renforce la probabilité d'une relation autre qu'épistolaire. La
missive est datée du 3 novembre 1683, soit probablement au tout début du projet du Commentarius.
Il est également probable que cette lettre concerne un autre ouvrage de Seckendorff : le Christen-
Stat, qui est publié en 1685. Il ne serait donc pas surprenant qu'il soit toujours en train de le rédiger
deux ans avant son édition. Aucun des titres n'est cité dans la lettre, et aucun indice n'existe pour
nous aiguiller dans l'une ou l'autre des directions. Il est en tout cas certain que le sujet principal de
cette lettre tourne autour des livres, et qu'il semble à première vue que Cellarius conseille
Seckendorff, quelque soit l'ouvrage dont il est question.
75 : Histoire de l’Église, écrite par Eusèbe de Césarée, Socrate le Scolastiue, Sozomène…, 1675-1676 ; Discours de Clément Alexandrin pour exhorter les payens à embrasser la religion chrétienne, 1684…
82
Ce qui nous permet d'être certain de l'objectif de cette lettre est la liste d'ouvrages qu'elle
présente au milieu de la première page, ainsi que les nombreux noms qui apparaissent dans le corps
du texte. Cellarius liste neuf ouvrages de huit auteurs différents, et cite au moins 12 noms propres.
Nous avons retrouvé un certain nombre des noms et titres listés, car l'orthographe et les abréviations
rendent difficile l'identification des personnages notés. Sans traduction, d'après les quelques lignes
rédigées avant la liste, il semblerait que Cellarius décrive à Seckendorff le contenu de sa
bibliothèque (« bibliothecam nostram »), en se concentrant particulièrement sur les auteurs et les
ouvrages traitant de théologie. Nous avons vérifié si ces auteurs et titres se retrouvent à
Meuselwitz : ils en sont tous absents. Cellarius comblerait donc un vide du savant en lui conseillant
ces ouvrages, mais Seckendorff n'en a pas fait l'acquisition : peut-être les a-t-il emprunté ou n'a-t-il
pas eu le temps de se consacrer à ces lectures. Or, en nous attachant à traduire aussi précisément que
possible cette missive, il apparaît que la relation est dans un autre sens : c'est Seckendorff qui a
contacté Cellarius pour lui demander de l'aide.
« Quadrantem horae sibi superesse dixit ad reditum, qui tuas attulit. Festinabundus
ergo excussi bibliothecam nostram, a qua abesse scias, quidquid de Surii,
Spondani, Coelestini, Micraelii, Serarii, Rosini, Hortleder, Raymond…
monumentis desiderabas. Haec tantummodo supersunt. »
[La personne qui a apporté votre lettre m'a dit qu'il ne lui restait qu'un quart d'heure
pour le retour. J'ai donc fouillé notre bibliothèque en vitesse, et sachez que rien de
ce que vous désiriez des monuments écrits de Surius, Spondanus, Coelestinus,
Micraelius, Serarius, Rosinus, Hortleder, Raymond..., ne s'y trouve. Il ne s'y trouve
que les ouvrages suivants...]
Il existe donc une lettre antérieure à celle-ci où Seckendorff a fait la liste d'ouvrages qu'il désirerait
consulter et il s'est directement adressé à Cellarius pour lui emprunter ces volumes. Ce qui demeure
obscure est la bibliothèque où Cellarius a fait ses recherches : s'agit-il de la sienne ou de la
bibliothèque princière d'un autre duché dont il serait responsable ? En 1683, Seckendorff s'est déjà
retiré à Meuselwitz et nous savons que Cellarius a travaillé à Zeitz. Est-il possible que celui-ci soit
devenu le responsable de la bibliothèque du duché à la suite de Seckendorff ? C'est probable mais
nous n'en savons pas assez pour l'affirmer. En revanche il est intéressant de voir que Seckendorff a
apparemment demandé des ouvrages précis et nombreux, peut-être rares, qui ne se trouvent pas
dans la collection de Cellarius. La dynamique de l'échange est donc inverse de ce que nous croyons,
et elle diffère quelque peu de ce que nous envisagions : au lieu de se faire conseiller des ouvrages,
Seckendorff est déjà suffisamment renseigné sur les lectures qu'il doit accomplir pour recueillir les
informations nécessaires à son projet. Le thème de la missive est donc proche des listes des agents
83
libraires de notre partie précédente. De nouveau, Seckendorff utilise son réseau pour obtenir des
ouvrages, et non pas des informations et conseils.
Nous allons étudier les noms et livres cités pour déterminer leur intérêt pour le projet du
savant, et ainsi obtenir une meilleure image de l'objectif de cette œuvre et la manière dont
Seckendorff se représente celle-ci et sa portée. Nous pouvons d'emblée remarquer que la plupart des
ouvrages abordent soit le protestantisme soit Luther. Nous sommes donc plutôt enclins à considérer
que cette petite bibliographie concerne plutôt le Commentarius que le Christen-Stat, dont le sujet
est beaucoup plus large qu'une réhabilitation de la Réforme.
Les deux dernières lignes du premier paragraphe du texte cite huit noms et parmi ceux-ci
nous n'avons pu en retrouver que deux : Henri de Sponde et Friedrich Hortleder. Le premier fût
évêque de Pamiers, mais ce n'est pas ceci qui explique sa présence dans la lettre. En effet, Henri de
Sponde est né dans une famille réformée, mais il se converti à 27 ans, sous l'influence de son frère
et suivant l'exemple de Jacques Du Perron, ancien calviniste devenu évêque d’Évreux. Il ne fait
donc aucun doute que ses écrits, majoritairement des annales, offrent une vision intéressante des
deux religions, par un homme qui a été soumis aux deux. Friedrich Hortleder quant à lui, est un
historien et homme politique, qui obtint la direction des archives princières de Jena en 1617 et se fit
connaître par son ouvrage sur la guerre de Schmalkalden, qui fut la première à opposer des princes
convertis à des dirigeants catholiques, dont l'empereur Charles Quint. Ce conflit est de première
importance pour la propagation des idées protestantes et se doit d'être connu par quiconque désire
étudier et écrire sur ce sujet. Ces deux auteurs ont donc tout à fait leur place dans une bibliographie
préparatoire pour un ouvrage sur l'histoire du protestantisme et de Luther. Bien que seul le nom de
ces auteurs soit cité, sans le titre des ouvrages, il est probable que Seckendorff avait en tête des
volumes précis, mais que Cellarius n'a pas pris la peine de recopier, établissant simplement que ces
huit auteurs sont absents de sa collection.
Parmi la liste plus précise des auteurs et de leurs ouvrages, nous avons réussi à en identifier
sept, soit les trois-quarts des livres listés. Il demeure bien évidemment des incertitudes mais nous
avons de fortes suppositions à l'égard de ces ouvrages.
Le premier livre fait immédiatement signe à Luther : « Cochlari Historia Luther ». Il s'agit
ici de Johannes Cochlaeus, historien et théologien qui fut un opposant notoire de Martin Luther.
Parmi ses nombreux écrits qui furent en grande partie des réponses et harangues au dissident
catholique, aucune œuvre ne s'intitule ainsi. Nous pouvons supposer qu'il s'agit d'une édition
postérieure à sa mort qui regroupe ses écrits épart en un volume consacré à Luther. Le second
ouvrage cité, également de Cochlaeus est par contre facilement identifiable : c'est un volume
84
consacré à l'histoire de Jan Hus76, hérétique excommunié en 1411 et considéré comme un précurseur
du protestantisme. Dans les deux cas il est aisé de comprendre pourquoi ces volumes précis ont été
choisis par Seckendorff : celui-ci ne veut pas seulement s'informer sur les faits de la Réforme et de
ses éloges, mais il tient également à découvrir les ouvrages les plus véhéments à son égard, afin de
mieux parer les attaques.
Nous n'avons pu trouver l'ouvrage suivant qui s'intéresse également à la vie de Luther. En
revanche, l’œuvre noté « Adami Vita Theolog » fait référence à Melchior Adam, historien allemand
mort en 1622. Il ne s'agit pas d'une œuvre orientée comme les précédentes, car Adam s'est spécialisé
dans les biographies et a publié des ouvrages collationnant des petites biographies, dans des tomes
s'intéressant d'abord aux juristes et hommes politiques, philosophes, médecins et enfin théologiens.
Se faisant, il offre probablement un récit neutre et documenté, au parti pris réduit. Son ouvrage
Vitae Germanorum theologorum rassemble le portrait de nombreux hommes d’Église, dont Luther
est une figure incontournable.
L’œuvre suivante possède le même intérêt que Henri de Sponde. Friedrich Staphylus est en
effet un fervent admirateur de Melanchthon et un protestant convaincu, avant sa conversion qui le
transforme en catholique virulent, n'hésitant pas à s'opposer à ses maîtres autrefois vénérés. Son
opposition de plus en plus profonde envers Andreas Osiander, théologien protestant, a provoqué ce
retournement impressionnant. Auteur prolixe, plusieurs écrits s'intéressent à Luther, et la
formulation employée dans la lettre (« de versione scriptura & Lutheranorum je Concordia »77)
laisse de nouveau supposer qu'il s'agit d'une collection de ses œuvres sur Luther. Mais nous pouvons
également envisager que son livre Theologiae Martini Lutheran Trimembris Epitome de 1558 soit
concerné par cette brève description.
La référence suivante est également assez floue. Certes, il apparaît aussitôt qu'il s'agit d'un
écrit d’Érasme, mais de nouveau nous ne savons duquel il s'agit. L'humaniste hollandais n'a pas
consacré beaucoup d'écrits à Luther bien qu'il entretint des liens conflictuels avec lui. Le « contra
Luthera pars altera » peut fait référence à son attaque à l'encontre de Martin Luther de 1524 intitulée
De libero arbitrio, qui bénéficiera d'une réponse deux ans plus tard. Cette œuvre est en tout cas à
mettre dans la même catégorie que tous les ouvrages précédents s'attaquant durement au
protestantisme. On voit que les projets de lecture de Seckendorff portent sur la construction d'une
défense fondée sur la connaissance parfaite des attaquants.
L'avant-dernière référence que nous avons identifiée est le calendrier de Paul Eber.
Remarqué par Melanchthon à l'université de Wittemberg, il devient propagateur des idées de Luther
76 : Warhafftige Historia von Magister Johann Hussen… Leipzig, 1547. 77 : [De la traduction des écritures et de la concorde des Luthériens entre eux]
85
à l'université, où il est professeur de latin, d'hébreu et de physique. Son Calendarium Historicum
présente un calendrier révisé et adapté aux dogmes protestants, supprimant par exemple les saints. Il
permet également au lecteur de l'éditer et de le remplir afin d'y faire porter les événements
importants de son existence, utilisant une mise en page particulière pour laisser de grands espaces
aptes à être remplis à l'envi. Nous avons un peu plus de mal à faire le lien entre cet ouvrage et la
thématique des livres précédents, mais nous pouvons imaginer qu'il incarne mieux qu'un autre le
protestantisme au quotidien, avec ce délicat problème du décompte des jours et des fêtes et
célébrations qui y sont liées. La symbolique des jours et le culte des saints sont les grandes pierres
d'achoppement du catholicisme et du protestantisme, qui refuse catégoriquement la vénération de
ces derniers. La constitution d'un calendrier selon les nouveaux dogmes est une étape importante
pour la constitution de la Réforme en religion propre, avec ses règles et ses incidences directes dans
la vie de tous les jours.
Enfin, le dernier ouvrage de cette liste, est une chronique de la guerre de Schmalkalden,
comme celle de Friedrich Hortleder. Néanmoins, Louis d'Avila, auteur espagnol, fait plutôt état de
témoin que d'historien dans cet ouvrage. Il a en effet participé à la guerre en commandant la
cavalerie espagnole à côté de l'empereur. Il est inutile de nous attarder sur l'intérêt de cet ouvrage,
nous avons déjà souligné auparavant l'importance de cette guerre dans l'histoire du Protestantisme.
Ce livre constitue une chronique massive qui retrace les faits et gestes de Charles Quint entre 1546
et 1547, et sa forte tendance apologétique rend les faits avancés assez douteux. On ne peut donc
trop le rapprocher du travail d'un historien sérieux comme Hortleder, et le parti pris du livre doit de
nouveau le rendre intéressant en tant qu'opposant ferme aux protestants. Sa présence dans cette liste
n'est pas étrange, d'autant plus que ce livre connut un très grand succès et fut traduit très rapidement
en plusieurs langues (d'abord en français puis en latin). De nouveau, l'on retrouve l'optique de
Seckendorff de se renseigner sur les plus farouches et les plus fameux ennemis de la Réforme.
La suite de la lettre continue d'établir une sorte d'inventaire de la collection en fonction des
désirs et besoins du savant : « De Mélanchthon il nous manque les lettres à Camerarius,
pratiquement tout le reste est là. » Joachim Camerarius est un des premiers hommes à rejoindre la
Réforme, aidant à rédiger la Confession d'Augsbourg, présentée à l'Empereur lors de la diète du
même nom. On remarque également juste après le nom de Julius von Pflug (« Pflugiana ») dans le
corps du texte. Toutefois, il ne semble pas s'agir ici d'une référence à un ouvrage, mais plutôt du lien
de Pflug avec un autre personnage (« Krätschins ») inconnu, ainsi qu'à des archives.
« Pflugiana mihi permulta dedit Krätschins ex Archivo, cui praeest, perlustranda,
sed operam perdidi, nec quidquam inveni dignum praeter epistolam Sadoleti ad
Melanchthonem, quae ab excusis abest. »
86
[Krätschins m'a donné à examiner un grand nombre d'écrits de Pflug venant de
l'archive dont il a la charge, mais mes efforts ont été vains, et je n'ai rien
trouvé d'intéressant à part une lettre de Sadoleto à Mélanchthon qui ne se trouve
pas parmi les imprimées.]
On rejoindrait ici le document précédent, où Cellarius compulse des archives d'un acteur de la
Réforme, Julius Pflug étant un théologien du XVIe siècle qui se trouva toute sa vie partagé entre sa
foi catholique et ses liens étroits avec Erasme et Melanchthon. Nous avons ici le parfait exemple du
jeu de réseau qui se met souvent en place dans la République des Lettres, où un savant entraîne un
second à avoir une relation avec un troisième pour obtenir des documents ou ouvrages. Ici il n'est
pas précisé si Cellarius a décidé de lui-même d'examiner les archives de Pflug, ou si ce travail qu'il
effectuait pour Krätschins est un hasard qui pourrait justement servir au projet de Seckendorff.
Toujours est-il que nous avons trouvé un ouvrage de 1688 qui semble contenir des lettres de
Seckendorff à propos de Pflug et de la bibliothèque d'un autre savant78, signe que les mots de
Cellarius ont bien eu une incidence sur notre érudit. Nous ne connaissons pas l'exacte nature de cet
ouvrage, ni si Seckendorff utilisa en effet des archives tirées de Pflug, mais un lien postérieur à cette
lettre semble bien exister. Ce livre n'est jamais recensé comme une œuvre du savant, et le titre laisse
entendre que Seckendorff aurait échangé des lettres avec Pflug, ce qui achève de nous rendre
suspicieux de sa nature et de son contenu.
Ces deux documents que nous avons étudiés nous ont offert de précieuses informations sur
l'importance du réseau épistolaire d'un savant dans son travail intellectuel. Source d'informations, de
documents et d'ouvrages, la qualité et l'étendue du carnet d'adresse d'un érudit sont primordiales
pour ses projets de recherches. Il peut certes s'enfermer chez lui avec ses ouvrages, mais lorsqu'un
projet lui vient en tête, la qualité de son œuvre dépend grandement des personnages qu'il peut
contacter pour l'aiguiller ou lui apporter de nouveaux documents. C'est ainsi que l'on reconnaît les
grands savants, et Seckendorff sait à merveille jouer de ses connaissances et utiliser à bon escient la
politesse et l'amabilité de mise entre les érudits de la République des Lettres : il est du devoir de
tout savant de se mettre au service de son collègue lorsque celui-ci demande une faveur, en échange
d'une aide dévouée quand celui-ci sera à son tour dans le besoin. Ainsi que l'exprime très bien
Michel Espagne : « Le plus souvent, et c'est ce qui fait l'intérêt principal du réseau comme objet
d'histoire culturelle ou interculturelle, il s'agit d'anonymes dont on a de la peine à retrouver la trace
dans les répertoires biographiques les plus complets. Le réseau devient le mode d'expression d'une
78 : Julius Pflugk, Equitis Saxonici, epistola ad Perillustrem atque Generosissimum Vitum Ludovicum a Seckendorff…Prater fata Bibliothecae Budensis… Jena, 1688.
87
multitude à laquelle le dynamisme même de l'échange d'informations prête une personnalité
collective. »79 Les multiples auteurs et personnages que cite Cellarius dans sa lettre sont autant de
relais qui font résonner le projet de Seckendorff à une multitude de niveaux, garantissant toute
l'épaisseur et le mérite de son œuvre qui puise sa substance dans le réseau européen de la
connaissance.
C - Participer à la République des Lettres
Nous avons vu jusqu'à présent que Seckendorff savait à merveille profiter des règles de
fonctionnement de la République des Lettres afin d'obtenir la documentation et les informations
nécessaires à ses projets d'ouvrages. Il convient à présent d'observer comment cette vaste
communauté d'auteurs et d'érudits réagit aux écrits et aux actes de notre savant.
Pour ce faire, nous commençons notre étude avec la lettre d'un homme de l’Église réformée
du royaume de France, Jean Vimielle80. Peu connu de l'historiographie nous savons du moins que
c'est un protestant qui fit quelques sermons en Allemagne après son immigration à Magdebourg. Il a
suivit des études de théologies en France et possède donc une éducation classique et une sensibilité
toute opposée au rédacteur de l'article du Journal des Savants. Alors que celui-ci traitait durement
l’œuvre de Seckendorff et représentait une instance culturelle nationale, Vimielle présente ici son
avis personnel en tant que protestant réfugié. Les deux documents sont donc totalement opposés,
mais se complètent parfaitement. Là où l'un présentait de manière académique et circonspecte les
méthodes employées à la rédaction du livre, l'autre détaille beaucoup plus abondamment le
rédacteur et son style, et ne tarit pas d'éloges pour l'auteur ou pour l'ouvrage. Nous obtenons ainsi
une description à plusieurs facettes de ce volume et pouvons constituer une peinture assez fidèle de
la réception qu'il obtint. Il faut que nous soulignions toutefois qu'à aucun moment Vimielle ne cite
ou ne fait référence de manière explicite au titre du livre, ce qui nous met dans une position un peu
difficile. En effet, la première édition du Commentarius date de 1688 : or la lettre a elle-même été
rédigée le 13 avril 1687… Vimielle ferait-il la critique d'un autre ouvrage de Seckendorff, par
exemple le Christen-Stat, édité en 1685 ? Plusieurs indices au sein du texte nous permettent de
repousser cette hypothèse.
Vimielle souligne à de nombreuses reprises que l'ouvrage « ne perd jamais de vue son
ennemi », « le poursuit et le chasse vigoureusement de tous ses retranchements », et qu'il soutient
79 : Espagne, Michel. “Le fonctionnement d’un réseau de correspondance au XVIIIe Siècle. L’exemple de J. G. Wille.” In Médiations : Aspects Des Relations Franco-Allemandes Du XVIIe Siècle à Nos Jours., Berne, Berlin, Francfort sur le Main: P. Lang, 1992 : p435.
80 : Voir notre transcription en annexe.
88
« cette Réformation » attaquée par les « calomnies de votre Abbé » qui cherche à « saper le
fondement de notre Réformation ». Toutes ces formulations font directement écho à l'objectif du
Commentarius, qui est de répondre au livre de l'abbé Louis Maimbourg attaquant la Réforme. Le
Christen-Stat n'a pas cet objectif et se consacre plutôt à dresser un portrait de la Chrétienté, sans
posséder ce caractère offensif qui est déjà souligné par l'article du Journal des Savants. Il ne fait
donc aucune doute que l'ouvrage en question ici est bien le même. Quant à savoir comment
Vimielle a pu se le procurer avant qu'il ne soit édité, il l'explique lui-même à la fin du premier
paragraphe de sa lettre qui explique tout le contenu de sa missive : « Je vous remercie très
humblement monsieur, du présent que vous avez daigné me faire, Ex Ungue Leonem. Vous me
faites l'honneur de me permettre de dire ce que j'en pense, la voici. ». Le cadeau que mentionne
Vimielle est probablement une version manuscrite ou un prototype imprimé de l'ouvrage, que
Seckendorff lui a fait parvenir afin d'obtenir son avis avant que le livre ne soit accessible à tous.
L'objectif de cette missive est donc de présenter l'avis que s'est fait le Français à la lecture de
l'ouvrage. Vimielle étant protestant et ayant fait des études de théologie, il est un candidat idéal pour
soumettre le livre à son jugement. Il est probable que Seckendorff ait ainsi constitué une sorte de
comité de lecture pour s'assurer à la fois de la qualité de son œuvre, mais également de la
bienfaisance de ses compatriotes. Le style de Vimielle nous éclaire rapidement sur les raisons de sa
sélection : la lettre est parsemée de citations latines issues d'auteurs classiques, lui permettant
d'enrichir son propos sans alourdir ses formulations. Ainsi « ex ungue leonem »81 dans la phrase
précédente peut être comprise sous deux aspects. Tout d'abord comme une flatterie envers la
générosité de Seckendorff qui lui fait parvenir son ouvrage, s'illustrant ainsi comme un homme
ouvert, généreux et bien éduqué, ce qui s'exprime à travers son présent. Mais cette citation est
souvent utilisée pour souligner la particularité du style d'un auteur, qui le définit et l'identifie
comme une carte d'identité : le style particulier de Pascal dans les Pensées rend immédiatement
reconnaissable l'ouvrage dont est tiré une citation, grâce à cette « griffe » particulière qui caractérise
son auteur. L'envoi de son ouvrage permet à Seckendorff de faire étudier sa phraséologie et tout
particulièrement d'obtenir un avis éclairé sur son livre et son travail d'écrivain. Vimielle souligne
l'intérêt du cadeau en exprimant qu'on ne peut mieux connaître un savant qu'à travers ses ouvrages,
ses « griffes » ici. L'utilisation de ces citations tout au long de la lettre est un signe de l'éducation
classique qu'a reçu le Français, usant des références avec facilité pour soutenir son discours. Il use
ainsi de deux autres citations comme d'introductions aux thèmes qu'il aborde dans ses paragraphes
d'analyse. « Quo semel est imbusa recens, serualit odorem testa diu »82, tirée d'Horace, introduit un
81 : [Le lion se reconnaît à ses griffes] (traduction Wikipédia) 82 : [L'amphore conservera longtemps l'odeur dont elle vient d'être imprégnée] (traduction Wikipédia)
89
court paragraphe où Vimielle explique que bien que Seckendorff n'ait pas consacré toute sa vie à
l'étude, on ressent dans son ouvrage toute la richesse de son esprit qui a été stimulé par une
éducation de qualité dans sa jeunesse : « Cette teinture des Lettres, que vous avez reçue en votre
jeunesse, n'a fait que croître en vous avec le temps, pour y paraître maintenant dans toute sa force. »
L'amphore, Seckendorff, conserve toute sa vie durant l'odeur de ce qu'elle a contenu, c'est-à-dire les
connaissances qu'il a rassemblé lors de ses études au lycée, à l'université, puis à Gotha. L'utilisation
à propos de citations des grands auteurs comme le fait Vimielle est l'extrême élégance de l'homme
de bien et la marque de la qualité de son éducation et de son savoir.
Le corps de la lettre est donc constitué des remarques de Vimielle sur le Commentarius. Il
s'attarde moins sur le contenu proprement dit que sur le style de l'auteur, ce que son ouvrage révèle
de lui et sur l'apport et le soutien que prodigue le livre à la Réforme. Il n'a de cesse de vanter son
« esprit vif, éclairé », « un raisonnement juste, qui va toujours au but », et loue son aisance de
rédaction, preuve de sa bonne éducation. « J'y remarque la langue des savants, pure, aisée, comme
votre langue naturelle » : Vimielle reconnaît en Seckendorff un savant de qualité, un « citoyen
ancien de la République des Lettres », ajoutant que « le pays des muses est à votre égard le monde
connu, et connu dans toute son étendue. » Ce qui distingue plus particulièrement cet ouvrage c'est
qu'il est « un hommage authentique (…) des sciences humaines à la science du Salut ». Le
Commentarius est un ouvrage de science, s'inspirant des œuvres de grands historiens en laissant une
grande place aux sources et documents pour appuyer ses propos : il ne s'agit pas d'un simple
pamphlet. Sa défense de la Réforme est d'autant plus réussie et précieuse qu'elle est issue d'un
ouvrage argumenté et sérieux. Seckendorff console « tous les protestants en leur faisant toujours
voir la Réformation dans sa pureté », et Vimielle s'interroge sur l'ampleur des dissertations que
Seckendorff aurait pu écrire s'il avait continué ses études sans interruption, car rien que « cinq ans
de retraite vous ont fait paraître avec tant de vigueur dans vos premières voies, pour y déchirer la
proie, et y triompher saintement de la malice et de l'erreur. » L'avis du Français est sans concession
et l'image qu'il peint de l'ouvrage sans équivoque. Le Commentarius est un livre précieux qui
marque l'historiographie sur de nombreux plans. Seckendorff lui-même est loué comme un homme
de lettres raffiné, un véritable citoyen de la République des Lettres.
L'avis de Vimielle est d'autant plus précieux qu'il n'est pas un correspondant régulier de
Seckendorff, un proche rompu aux flatteries. Il appert en effet qu'il n'a contacté Seckendorff qu'une
seule fois auparavant, sans avoir lu ses livres ni l'avoir rencontré auparavant : « la première fois que
j'eus l'honneur de vous écrire, je n'avais pas celui de vous connaître, et ce n'était que fort
imparfaitement que l'on m'avait parlé, et de votre mérite et de ce qui vous est dû. (…) Les gens de
Mr de Schulembourg ne me dirent qu'un mot, et là dessus je vous écrivis. » Ce sont les
90
recommandations de divers personnages, dont il fait la liste par la suite, qui l'encourage à contacter
le savant, ayant eu connaissance d'à quel point « on vous distingue, et qu'elle est la vénération que
l'on a pour votre vertu. » De nouveau nous constatons la force du réseau et des connaissances pour
tisser des liens au sein de la République, les érudits engageant des relations en se fondant
principalement sur les réputations des collègues qu'ils souhaitent contacter. Vimielle nous informe
d'ailleurs à la fin de sa lettre que c'est Seckendorff qui l'a par la suite recontacté en lui proposant
alors de lire son livre et Vimielle s'interroge de ce choix : « vous me ferez connaître, quand il vous
plaira, pourquoi vous avez souhaité d'entrer en correspondance avec un théologien de ma nation ».
Cette dernière remarque est certes une phrase de politesse pour faire preuve d'une élégante
modestie, mais nous apprenons en tout cas que c'est bien le savant qui a relancé leur
correspondance.
Jusqu'à maintenant, nous avons donc vu de nombreux types de relations entre Seckendorff et
d'autres savants, tous signe d'une entraide fraternelle et fructueuse. Notre savant est bien un citoyen
intégré à un vaste réseau, mais il est encore plus précieux pour la République car il y participe d'une
autre manière que par le biais de ses livres. En effet, moins de trois ans après s'être retiré à
Meuselwitz, Seckendorff participe à la première revue savante européenne : les Acta Eruditorum.
Fondés en 1682, dirigés par Otto Mencke et créés à l'initiative de Leibniz, les Acta paraissent
mensuellement pendant un siècle. Leur structure et leur contenu sont très fortement inspirés du
Journal des Savants, qui est le premier périodique savant d'Europe. Seckendorff y participe dès
1683 et continuera jusqu'à sa mort dix ans plus tard. Après Heinrich Pipping, théologien de Dresde,
Seckendorff est le contributeur le plus prolifique de la revue avec 235 participations, devant Otto
Mencke (219) et Christoph Cellarius (49)83. Il produit donc environ 23 articles par an, tous les
volumes mensuels étant rassemblés en un tome chaque année. Les Acta consistant majoritairement
en des critiques et des résumés d'ouvrages nouvellement édités, Seckendorff s'illustre alors par sa
grande cadence de lecture. Il se distingue aussi des autres contributeurs par sa spécialisation : sur
tous les ouvrages français commentés jusqu'en 1692, Seckendorff est chargé de la totalité des
articles. Par sa grande connaissance du français, il devient dès son entrée dans la revue le spécialiste
des livres du royaume. Ainsi que l'exprime Laeven :
« In the first year of the Acta's publication, Mencke had likewise seized with boths
hands Veit Ludwig von Seckendorf's offer to act as a reviewer for the new journal.
Not only was Von Seckendorf extremely well-versed in various branches of
scholarship, particularly theology and law, he also had an excellent command of
French. It was therefore a great relief to Mencke when, shortly after Von
83 : Laeven, p140
91
Seckendorf's
death in 1692, he found in Johann Franz Buddeus a new associate with a
thorough knowledge of the French langage. »84
Seckendorff constituait donc un apport très précieux au périodique, assurant la portée internationale
de la revue en présentant des livres français. Laeven précise d'ailleurs que l'un des critères
déterminant pour la sélection des contributeurs pour Mencke était leur maîtrise linguistique. Il est
toutefois intéressant de noter que ce n'est pas Mencke qui a proposé à Seckendorff de se joindre à
lui, mais que c'est bien le savant qui a offert sa participation. Nous pouvons donc supposer que ces
deux personnages était déjà en contact, comme en atteste le document que nous avons étudié dans
notre partie précédente. Néanmoins, parmi les ouvrages que Seckendorff a commentés et résumés
pour les Acta, nous n'en avons trouvé aucun dont il possède un exemplaire à Meuselwitz. Ce fait
nous laisse perplexe. Seckendorff a-t-il systématiquement emprunté les ouvrages qu'il devait
commenter au lieu de les acheter ? La charge de notre savant de se spécialiser en livres édités entre
Paris et Lyon pouvait cependant expliquer la grande quantité d'ouvrages gaulois dans sa collection,
ainsi que la présence d'un agent libraire dans la capitale pour l'informer. Il nous est difficile
d'expliquer ce manque choquant dans sa collection. Il reste toutefois certain que Seckendorff s'est
acquitté avec beaucoup de soin et d'assiduité de son devoir de critique, et que son intérêt pour
l'édition française est authentique et digne d'un véritable savant de la République des Lettres. En
effet, comme nous l'avons expliqué auparavant, le royaume de France prend peu à peu la place de la
péninsule italienne sur la scène européenne : « cette inversion marquait aussi les prémices d'une
Europe française, l'instauration d'un modèle intellectuel de doctrina et d'humanitas, d'un idéal
savant qui s'identifiait avec le nom même de France. »85 L'intérêt pour les lettres françaises est aussi
la marque d'une évolution à grande échelle de la République des Lettres, et de l'assiduité de
Seckendorff à suivre les nouveautés littéraires et les bouleversements de cet État intellectuel. Il
acquiert des livres français en grande quantité non seulement parce qu'il le peut, du fait de sa
maîtrise de la langue et du réseau qu'il possède sur le territoire, mais également parce qu'il le doit,
en tant que savant inséré dans des débats intellectuels : il se doit de suivre les actualités littéraires,
qui sont particulièrement nombreuses en France étant donné le dynamisme de son marché du livre.
La participation aux Acta Eruditorum rend plus sensible un trait déjà présent chez le savant.
Laeven nous apprend également que le livre de Maimbourg n'est pas « tombé » entre les
mains de Seckendorff par hasard, comme il était noté dans l'article du Journal des savants. C'est
Mencke qui a demandé au savant de faire la critique du livre. Un choix qui semble avoir été difficile
84 Laeven, p14385 : Paul Dibon, Françoise Waquet, 1984 : p35.
92
pour le créateur du périodique :
« On the one hand, Mencke felt strongly that this controversial work which was
percieved in German Protestant circles, in particular, as highly insulting, could
not go unreported and unrefuted in the Acta. On the other hand, however, the
Acta, could not be allowed to become the arena in which accusations and
rebuttals were exchanged and polemics were fought out. »86
Ce dilemme s'est trouvé résolu par le grand talent dont a fait preuve Seckendorff en composant une
présentation mesurée de l'ouvrage, assaisonnée de sarcasme fin, sans tomber dans l'attaque furieuse
de cet ouvrage insultant pour les protestants. Nous retrouvons ici le caractère tout en demi-teinte de
l'article du Journal des Savants sur la réponse de Seckendorff bien des années plus tard, qui se
retrouvait dans la même situation… Les journaux sont donc soumis à des choix très délicats pour
leur ligne éditoriale, et les contributeurs peuvent y trouver des inspirations pour leurs futurs projets.
Acceptant la requête de Mencke, Seckendorff a découvert cet ouvrage et c'est ainsi qu'il se consacra
au Commentarius pendant de nombreuses années. Pour ce qui est du lien entre les livres qu'il
critique dans le journal et ceux qu'il possède à Meuselwitz, nous pouvons noter avec intérêt que
l'ouvrage de Maimbourg est bien noté dans le catalogue : Seckendorff en possède deux exemplaires.
Le premier est noté en marge, à droite, de la première page des livres de théologies in-quart, par la
seconde main87, alors que le second est bien noté par la première écriture, parmi les ouvrages
français imprimés in-1288. Cette double représentation du livre illustre bien l'importance qu'il revêt
pour le savant, mais reste assez singulière et nous interroge. Seckendorff a-t-il reçu un volume de la
part de Mencke pour qu'il puisse écrire sa critique alors qu'il venait d'en acquérir un exemplaire ?
S'est-il procuré un second tome dans l'optique de la préparation du Commentarius afin de pouvoir
l'annoter à sa guise ? À moins que le second personnage qui a édité le catalogue ait essayé de mieux
répartir les ouvrages selon leur thème en déplaçant le tome dans les livres de théologie. Il est
impossible pour nous de juger de ces hypothèses sans avoir les volumes entre les mains. Nous
avons en tout cas la preuve que les livres critiqués dans les Acta peuvent être présents à Meuselwitz.
La participation de Seckendorff aux Acta l'a non seulement mis sur la piste de ce qui est
considéré comme son chef-d’œuvre, mais il y gagna également un accès à un réseau beaucoup plus
vaste par le biais du responsable du périodique. Mencke joua en effet un rôle considérable non
seulement pour la rédaction de la critique dans les Acta, mais également pour le Commentarius. Il
échangea de nombreuses lettres avec le savant afin de s'assurer de la justesse et de la qualité de
l'article, mais Laeven le décrit comme « frankly elated » d'apprendre que le savant envisageait de
86 : Laeven, p144. 87 : Folio 288 : Folio 42
93
produire une réponse en bonne et due forme à Maimbourg. « Mencke immediately told his friends
of this plan, and informed the learned statesman that he could count on all possible support from
Leipzig, particularly in terms of acquiring the necessary source of material from the city's archives
and libraries. »89 Non seulement Mencke lui ouvre les portes de son réseau, le recommandant auprès
de ses contacts pour qu'ils lui viennent en aide, mais il facilite son accès aux sources et documents
sur lesquels il compte fonder son discours. Voilà une nouvelle illustration du mode de
fonctionnement de la République des Lettres, où la correspondance et l'entente avec les autres
érudits sont primordiales pour quiconque espère produire des œuvres. Un savant ne peut fonctionner
seul, enfermé dans son cabinet avec sa bibliothèque : tout homme se proclamant érudit est en
contact constant avec des personnages de sa trempe, aux carnets d'adresses aussi fournis que les
siens et toujours heureux de les partager à quiconque le requiert.
Seckendorff n'est plus l'érudit de cabinet que nous avons décrit dans notre première partie. Il
s'avère être parfaitement inséré dans la République des Lettres et non pas seulement comme un
savant demandant de l'aide, mais comme un acteur dynamique du partage du savoir. Sa collection
de livres n'est plus l'unique facteur dont dépend la qualité de ses écrits, toute la diversité et la
richesse de son travail intellectuel fait écho à une multitude d'acteurs qui lui sont venus en aide au
cours de ses recherches. Le bon érudit est celui qui entretient une correspondance massive, capable
de l'aiguiller dans ses projets, de le critiquer, de lui servir de relais, d'enrichir ses écrits, bref
d'étendre ses capacités intellectuelles à travers la sollicitation de centaines de collègues qui
participent tous à la réalisation du même idéal : la mise en place d'une sorte d'État européen
surpassant toutes les frontières, où l'étendue du savoir est la suprême qualité.
89 : Laeven, p 188
94
Conclusion
Nous avions conclu notre travail précédent en insistant sur le besoin de continuer notre
recherche sur la représentation que Seckendorff se faisait de la science politique. En établissant le
cadre d'une biographie intellectuelle du savant, nous offrions ainsi ce qui manquait à
l'historiographie du caméralisme : le portrait intellectuel d'un administrateur, son univers mental
nous révélant son opinion profonde de la politique et de son étude.
Ce n'est pas l'orientation principale que nous avons adopté ici pour la suite de notre travail.
Pour espérer atteindre les strates profondes de l'esprit de Seckendorff et déceler ses pensées et
représentations, il est nécessaire de mettre en place une étude extensive d'approche. Il est naïf
d'espérer pouvoir tirer des conclusions fermes après l'étude de quelques documents. Notre premier
objectif fut de dresser un cadre d'étude riche, en utilisant trois angles d'attaques, finement reliés
entre eux. Tout d'abord la présentation et l'étude quantitative de sa collection d'ouvrages, puis les
méthodes employées pour collecter les livres et traiter leur contenu, et enfin l'écho et l'influence de
la communauté des savants dans ses propres ouvrages, et sa participation à la République des
Lettres. À travers ce programme varié nous voulions obtenir de nouvelles informations sur l'érudit,
mais surtout peindre une nouvelle image globalisante, en liant plusieurs facettes de Seckendorff.
Nous avons volontairement laissé de côté toute sa vie d'administrateur et sa jeunesse pour nous
concentrer sur les dix dernières années de sa vie où il fut réellement un savant.
Car c'est la conclusion que nous entendons tirer de notre travail. L'étude de sa bibliothèque
rend déjà sensible la présence d'une deuxième image de Seckendorff, qui se distingue sensiblement
de celle généralement présentée. Les ouvrages rassemblés à Meuselwitz n'ont pas de lien avec la
biographie de l'administrateur. Tout d'abord l'absence totale d'une section consacrée à la science
politique dans son catalogue est très parlante. Seckendorff n'a pas pris la peine de réunir des
ouvrages de science politique, et encore moins de leur accorder une section de rangement à part des
autres. C'est comme s'il avait complètement tranché ses liens avec sa carrière et son passé, qui
n'étaient pour lui que le moyen de recevoir un salaire régulier. Tous ses écrits politiques sont tirés de
sa pratique au jour le jour de l'administration : le Fürsten-Stat qui présente le fonctionnement du
duché de Saxe-Gotha, les Teutsche Reden, qui ne sont que la reprise des discours qu'il a prononcés
en tant que directeur des États d'Altenburg (Landschaftsdirektor) ou en tant qu'intermédiaire des
princes de Gotha et de Naumbourg. Par ailleurs, en observant sa bibliographie, il apparaît que tous
les ouvrages édités avant sa retraite à Meuselwitz suivent strictement ses préoccupations
journalières. Que ce soit des petits essais de droit répondant à des problèmes juridiques d'Erfurt ou
des dissertations théologiques et pédagogiques servant au lycée de Gotha, Seckendorff ne se
95
détache jamais de ses expériences pratiques avant 1682. C'est seulement lorsqu'il décide de se
consacrer à ses études, de se comporter en savant, qu'apparaît comme un second personnage, qui
n'émerge qu'avec l'abandon de ses préoccupations antérieures. Sa bibliothèque l'incarne bien : la
grande quantité d'ouvrages théologiques est à la fois en accord avec la tendance du siècle, mais
signe de son intérêt toujours sous-jacent et qui peut désormais s'exprimer en toute liberté. La grande
quantité d'ouvrages français sur les sujets les plus divers incarne une curiosité qui n'a jamais été
sensible auparavant. Ni voyage en France comme le font pourtant la plupart des savants et jeunes
nobles, ni écrits ou débats dépassant les frontières du Saint-Empire. Tous ses livres se positionnent
sur un territoire strictement local, régional ou national, jamais au-delà. Enfin, toutes les langues
qu'il dit maîtriser sont presque complètement absentes de sa collection. Seule la conséquente section
d'ouvrages de droit fait un lien avec son passé d'administrateur. Sa bibliothèque est le signe de
l'éveil de son esprit scientifique, longtemps présent à l'état de germe que ses préoccupations
quotidiennes empêchaient de bourgeonner.
Et tous les doutes que nous pouvions avoir en étudiant sa biographie, face à la maigre
attention portée à sa correspondance ou au travail préparatoire de ses ouvrages, se trouvent ici
contredits. Seckendorff est sans conteste un personnage bien inséré dans la République des Lettres,
à la fois usant de ce gigantesque réseau à bon escient pour la réalisation de ses projets, et participant
à la réalisation de son idéal de savoir partagé et discuté au-delà des frontières. Son apport
extrêmement précieux à l'une des premières revues savantes, et la nature même de sa contribution
en critiquant des livres écrits en français, font de lui plus qu'un simple citoyen de ce vaste État : il
travaille à son fonctionnement, au même titre qu'il le faisait en tant qu'administrateur à Gotha et à
Zeitz. Et c'est par ces échanges constants et habiles avec d'autres érudits de son siècle qu'il assure la
qualité de ses écrits, adoptant à la fois des méthodes scientifiques et cherchant l'appui de ses
collègues pour rassembler les documents nécessaires à ses études. Seckendorff ne s'est pas
réellement enfermé dans une retraite d'ermite une fois retiré à Meuselwitz : il a simplement fermé sa
porte à ses anciennes préoccupations pour se hisser sur une scène plus large et entamer une longue
discussion avec les brillants esprits de son siècle et de son continent.
Le point toutefois assez décevant de notre travail porte sur les informations que nous ont
apportées les glossaires. Alors que nous pensions y trouver la preuve de l'importance des livres en
tant que sources d'informations pour la rédaction de ses ouvrages, ceux-ci ne nous ont que peu
appris sur l'utilisation que faisait Seckendorff de sa collection. Nous pensions que le savant utilisait
ses volumes pour conserver des traces de ses lectures, mais ils ne se sont révélés être que des
collections de citations assez performatives d'écrits classiques. Seul le glossaire de politique revêt
l'apparence d'un véritable outil de travail, bien que ses sources ne soient qu'au nombre de trois. Ce
96
document vient par ailleurs brouiller le tableau que nous avons dressé de la relation de Seckendorff
à la politique. Si celui-ci ne désirait pas étudier ce thème, pourquoi avoir constitué un tome appelant
à être rempli et consulté fréquemment ? La meilleure supposition que nous pouvons offrir est qu'il
était destiné au dernier ouvrage abordant des questions politiques que le savant a rédigé dans sa
retraite : un discours moral et politique sur le Pharsale de Lucain, édité après sa mort (Politische
und Moralische Discurse über M. Annaei Lucani drey hundert auserlesene lehrreiche Spüche und
dessen heroische Gedichte genannt Pharsalia...). Afin d'étudier la potentialité de cette hypothèse,
une lecture appliquée du volume couplée à une étude poussée du glossaire serait nécessaire. Mais
c'est un travail qui s'éloigne de nos objectifs.
Ainsi, avec ce nouveau volume que nous avons illustré le plus possible de nouveaux
documents, nous avons réussi à apporter de nouvelles données sur le savant, et surtout réussi à
peindre une image plus affirmée de son érudition. Il apparaît maintenant clairement que
Seckendorff peut de plein droit être présenté comme un esprit incontournable de son siècle, et qu'il
peut légitimement grossir les rangs des savants universels, ainsi que le soutenait Stefan Laube en
2012. Il ne s'est pas intéressé aux sciences, n'a pas rédigé d'essais de médecine, d'astronomie ou
d'alchimie, ne semble même pas désirer lire ces ouvrages : il s'est uniquement concentré sur les
sciences humaines et sociales, et a touché à tous les domaines propres à l'homme et à son esprit.
Composant des ouvrages sur sa foi et les discordes qu'elle fait naître, les méthodes d'enseignement
pour les enfants, les lois inventées pour assurer la concorde entre les citoyens et leurs dirigeants, il
semble que notre savant se soit intéressé à tous les tourments qui peuvent intervenir dans
l'existence, et aux solutions pour les atténuer. Car toute son œuvre est traversée par ce désir de
concorde et de paix, l'aspiration à une entente de tous les hommes, quelles que soient leur
croyances. En ce siècle traversé de querelles violentes et de discordes déchirant les territoires et les
familles, Seckendorff compose ses ouvrages pour tenter de provoquer une entente, qui se réalise au
moins en apparence dans cette vaste communauté d'érudits dans laquelle il s'est réfugié à la fin de sa
vie. Orphelin de père, victime de la guerre, et père sans héritiers, tous ses enfants étant décimés par
la maladie, Seckendorff a trouvé dans la République des Lettres un refuge et une réalisation de son
idéal.
97
Annexe 4 : Graphique de la répartition des dates d'édition par décennies
101
1499-1549 1550-15591560-1569 1570-15791580-1589 1590-15991600-1609 1610-16191620-1629 1630-16391640-1649 1650-16591660-1669 1670-16791680-1686
0 50
100
150
200
250
Répartition des années d'édition
Nombre d'ouvrages
Annexe 8 : « Objectiones politicae quaedam earumque decisiones » de l'index politique(folio 4, 1074).
105
Annexe 21 : Transcription et traduction de la lettre de Christoph Cellarius de Sarah Van DerPas (folios 27 et verso, 1068).
138
Vir illustrissime, Quadrantem horae sibi superesse dixit ad reditum, qui tuas attulit. Festinabundus ergo excussi bibliothecam nostram, a qua abesse scias, quidquid de Surii, Spondani, Coelestini, Micraelii, Serarii, Rosini, Hortleder, (Raymanis?), (?mausi?)(?) monumentis desiderabas. Haec tantummodo supersunt:
Cochlari Historia Luther eiusdem [Historia] Hussitarum Mathesii Vita Luth Adami Vitae Theolog. Staphyli de versione scripturae et Lutheranorum inter se concordia Erasmi contra Lutherum pars altera (prior deficit) Eberi Calendarium Histor. Acta colloquiorum Wormat (1540 & 1557) (non autem 1521) Lud. d'Avila Bell. Smalcald.
De Bestae operibus nihil adest quam Comment. in Jobum & poemata. (?) Viros Illustres etiam habemus. Melanchthonis epistolas ad Camerarium desideramus, reliqua ferme adsunt omnia. Pflugiana mihi permulta dedit Krätschins ex Archivo,cui praeest, perlustranda, sed operam perdidi, nec quidquam inveni dignum praeter epistolam Sadoleti ad Melanchthonem, quae ab excusis abest. Diligentius tamen inquiram. Volui quosdam libros ex his, quos inveni, iam mittere, sed commode non potuit fieri, quod equo vehitur, qui litteras fert. Quam primum baiulum miseris singulos aut universos dabo: reliquos Lipsia accersam cum iusseris, quod Lunae die ordinarius cursor, qui baiulare multa potest abire solet. De Hopfnero hoc habe: pro certo mihi Jampertus narravit ante biduum, 19 octobris discessisse a (?) Hocurio, etiam successorem accepisse. Vale. Prospera. (?) 3 nov. 1683. T[uus] cliens. M. Chr. Cellarius.
Très illustre Monsieur, La personne qui a apporté votre lettre m'a dit qu'il ne lui restait qu'un quart d'heure pour le retour. J'ai donc fouillé notre bibliothèque en vitesse, et sachez que rien de ce que vous désiriez des monuments écrits de Surius, Spondanus, Coelestinus, Micraelius, Serarius, Rosinus, Hortleder, (Rayman?), (?mausus?) (?), ne s'y trouve. Il ne s'y trouve que les ouvrages suivants:
L'Histoire de Luther de Cochlarus L'Histoire des Hussites du même auteur La vie de Luth de Mathesius Les vies des théologiens d'Adamus De la traduction des écritures et de la concorde des Luthériens entre eux de Staphylus Contre Luther d'Érasme, second partie (la première est manquante) Le Calendrier Historique d'Eberus Les Actes des Colloques de Worms, 1540 & 1557 (mais pas 1521) Guerre de Schmalkalden de Luis d'Avila
Des oeuvres de Besta il n'y a rien que son Commentaire sur Job et des poèmes. Nous avons également Les Hommes Illustres de (?). De Mélanchthon il nous manque les lettres à Camerarius, pratiquement tout le reste est là. Krätschins m'a donné à examiner un grand nombre d'écrits de Pflug(?) venant de l'archive dont il a la charge, mais mes efforts ont été vains, et je n'ai rien trouvé d'intéressant à part une lettre de Sadoleto à Mélanchthon qui ne se trouve pas parmi les imprimées. Je vais cependant chercher plus attentivement. J'ai voulu déjà envoyer quelques-uns des livres que j'ai trouvés, mais cela n'a pas pu se faire comme il le fallait parce que la personne qui porte la lettre se déplace à cheval. Dès que vous aurez envoyé un porteur, je les donnerai un parun ou tous à la fois. Je ferai venir les autres de Leipzig quand vous l'aurez ordonné, parce que le courrier ordinaire, qui peut transporter beaucoup, part d'habitude le lundi. Concernant Hopfner, sachez ceci: Jampert m'a rapporté comme chose sûre il y a deux jours qu'il s'en était allé de (?) (?) le 19 octobre et qu'il avait même reçu un successeur. Portez-vous bien et prospérez. (?) 3 novembre 1683.
Votre client, M. Chr. Cellarius.
Annexe 24 : Transcription de la lettre de Jean Vimielle (folios 72-73 verso, 1068).
Monsieur
La premiere fois que j'eus l'honeur de vous ecrire, je n'avoy pas celuy de vous conoitre, et ce n'etoit que fort imparfaitement que l'on m'avoit parle, et de vôtre merite et de ce qui vous est dû. Vous l'avez sans doute pu remarquer dans ma letre : j'en ay du chagrin, et je vous demande pardon des libertés que je m'y donay. Les gens de Mr de schulembourg ne me dirent qu'un mot, et la dessus je vous ecrivis. Depuis cela j'ay vu mr le president, mr et madame d'Oppel, mll Scherade, le docteur etl'Inspecteur Olearius, et tout le monde m'a fait conoitre à quel point on vous distingue, et qu'elle est la veneration que l'on a pour Vre Vertu. À ces témoins cete vertu s'est jointe elle meme, j'ay puisé dans la source, je ne vous conoy plus par auteur, je sçay qui vous etes par mes propres yeux. Je vousremercie tres humblemt monsieur, du present que vous avés daigné me faire, Ex Ungue Leonem. Vous me faites l'honeur de me permetre de dire ce que j'en pense, la voicy.
Cancraticè omnia et athleticè. J'y remarque la langue des sçavans, pure, aisée, Comme vôtre languenaturelle. Un Esprit vif, eclairé, qui ne perd jamais de veue son enemy, qui le poursuit et le chasse vigoureusement de tous ses retranchemens. Un raisonnement juste, qui va toujours au but, et tire solidement et netement les conclusions des principes. Je trouve dans vôtre livre, un citoyen ancien de la Republique des Letres. Le pays des muses est à vôtre egard, le Monde cônu, et cônu dans touteson etendeüe. Vous avés été partout, mais surtout dans le Sanctuaire. C'est par là que vous aves sanctifié toutes vos connoissances, vôtre ouvrage etant un homage authentique, que vous faites, des sciences humaines à la science du Salut.
Quo semel est imbusa recens, serualit odorem testa diu….Cette Teinture des Letres, que vous avés receue en vôtre Jeunesse, n'a fait que croitre en vous avec le tems, pour y paraître maintenant dans toute sa force. Et bien loin, qu'à l'exemple de la plus part des persones de vôtre naissance, vous avés enfouÿ ce Talent, vous l'avés si bien fait valoir, que vousl'ofrez aujourd'hui au Seigneur, avec une saincte usure, multiplié à sa gloire et à l'edification de ses enfans.
La chicane et l'Enfer ont voulu depuis long tems, saper le fondement de Nre Reformation, par les Calomnies de Vre Abé. Et vous, mons. Vous la soutenés cete Reformation, en couvrant de confusion cet importun adversaire. C'est ainsi que vous dissipés avec succès ces noires invectives, vomies contre un Excellent et venerable serviteur de Dieu, et que vous consolés tous les protestans, en leur faisant toujours voir la Reformation dans sa pureté.
Qu'Eussies-vous fait, si depuis l'âge de 24 ans vous eussiez pû, sans interruption, vous consacrer aux sainctes letres, puisque tout plein, depuis ce tems là, des afires d’État les plus fatigantes, cinq ans de retraite vous ont faire paraître avec tant de vigueur dans vos premieres voyes,pour y dechirer la proye, et y triompher sainctement de la malice et de l'Erreur.
A ce temoignage sincere que je rens à la vérité, agrées, monsieur, que j'ajoute la joye, que me done l'estime que vous faites paraître pour nos docteurs, en parlant avec tant d'honeteté de nos Calvins, de nos Claudes, de nos Cajons (?), et de leurs freres. Pleut à Dieu, monsieur, que Vre coeur(?) peut etre inspirée à tous les messieurs de Vre communion ! Le desin et l'Esperance de nôtre Entiere reünion, en seroit sanctifiée. Ô que nous serions consolés, nous trouvans au milieu de vous, si au lieu de nous regarder d'un œil sec, et de declamer contre nous, nous voyons vos docteurs juger de nos douleurs, comme vous le faites, et dire avec vous, ab omni humanitate alieni sum qui nulla commiseratione ita tractant, quos… hareticis damnant, quasi hi non aliqua preaocupatione aut infiemitate, aut sub veri specie, sed tantum sciental volentesq, errare possint. En ce Cas, nous pouvions atendre de leur part une tolerance chretiene, qui repondit à celle que vous sçavés bien que
146
nous avins oferte dans nos synodes. Au reste, Monsieur, puis que vous voulez m'onorer de Vre comerce, vous serés toujurs le
maitre. Je seray ravy de vous voir parler soit en latin, soit en françois : et quoy que le dernier me sit plus familier que le premier, je fairay efort, pour me servir de celuy que vous voudrés.
Vous me fairés conaitre, quand il vous plaira, pourquoy vous avés souhaité d'entrer en correspondance avec un Theologien de ma nation. Et puis que nous voicy dans la belle saison, je seray toujours pres à vous ecouter, de la maniere que vous semblera la plus commode. Joüyr de la conversation d'une personne de Vre Caractere me comblera toujours de joye et d'honeur. Et j'auray toujours des obligations infinies à Mr de Schulembourg, lors qu'apres m'avoir procuré l'honeur de vôtre connoissance, il me facilitera le moyen d'entretenir avec vous. Je suis avec vs profond respect.Monsieur Votre tres humble et tres obeissant serviteur
A Hall 13 avril 1687 J. Vimielle
147
LISTE DES FIGURES
1 Carte de la répartition des villes d'édition en Europe
24
2 Tableau de la répartition des langues dans la collection
28
3 Tableau de la répartition des langues de la seconde écriture
29
4 Tableau de la répartition des ouvrages de la première écriture dans les catégories
31
5 Tableau de la répartition des ouvrages de la seconde écriture dans les catégories
31
6 Tableau de la répartition des thèmes des ouvrages
32
7 Tableau de la répartition des formats d'édition dans la collection
36
8 Tableau et graphique de la répartition des formats des livres théologiques
36
9 Tableau et graphique de la répartition des formats des livres de droit
37
10 Tableau et graphique de la répartition des formats des livres d'histoire
38
11 Tableau et graphique de la répartition des formats des œuvres littéraires
38
12 Tableau et graphique de la répartition des formats des livres de philosophie
38
148
13 Tableaux de la répartition des formats dans les langues de la collection
39
14 Graphiques de la répartition des formats dans les langues de la collection
39-40
15 Tableau de la répartition des formats dans les villes allemandes
41
16 Tableau de la répartition des formats dans les villes françaises
41
17 Tableaux de la répartition des ouvrages dans les catégories chez Conring et Seckendorff
46
18 Tableaux de la répartition des langues dans les collection de Conring et de Seckendorff
47
149
SOURCES & BIBLIOGRAPHIE
Sources manuscrites
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ThStA, FA Seckendorff, 1068, fols 72-73v : lettre de Jean Vimielle.
319-320 : article sur le Commentarius.
ThStA, FA Seckendorff, 1073, fols 2, 25v : glossaire général.
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