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RETOUR SUR HIPPODAMOS DE MILET À propos d'un mythe moderneBrice Gruet

Société française d'histoire urbaine | « Histoire urbaine »

2008/1 n° 21 | pages 87 à 110 ISSN 1628-0482ISBN 9782914350211

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2008-1-page-87.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

!Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Brice Gruet, « Retour sur Hippodamos de Milet. À propos d'un mythe moderne », Histoireurbaine 2008/1 (n° 21), p. 87-110.DOI 10.3917/rhu.021.0087--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Société française d'histoire urbaine

Brice Gruet

Retour sur Hippodamos de MiletA propos d’un mythe moderne

L’ etude d’une matrice culturelle comme le plan de ville dit « regulier »est indispensable des lors que l’on cherche a etablir une genealogie

des representations et des usages de la ville 1 . Or cette recherche aboutitinvariablement a la figure d’Hippodamos de Milet, credite de la decou-verte du plan eponyme : ce plan, commodement appele « hippodameen »par les modernes, en rapport semble-t-il avec le texte d’Aristote 2 ou l’ad-jectif apparaıt pour la premiere et seule fois, serait cense concerner desdizaines de villes dans l’Antiquite, des milliers de nos jours 3. Mais peut-onpour autant toutes les ramener a un seul modele ? Et qu’entend-on par« regulier » ? Cette regularite ne concerne t-elle que les deux dimensions,ou bien doit-elle valoir egalement pour la troisieme ? L’orthogonalite vaut-elle pour de la regularite ? Car sous ce concept de regularite, se cachent desantagonismes tres puissants qui reposent sur quelques figures ou notionsrecurrentes.

Parmi ces figures emblematiques, Hippodamos de Milet beneficied’une faveur indeniable 4. En effet, de nombreux usuels le presentent

H.U. no 21 - avril 2008 - p. 87 a 110

1 . Nous remercions chaleureusement Jean-Baptiste Bonnard pour son amical et diligent travailde relecture de cet article.

2. Aristote, Politique, VII, 1330b, 22-30.

3. C’est une affirmation ou un sous-entendu que l’on retrouve dans de nombreux manuels degeographie urbaine, architecture ou urbanisme. Voir par exemple l’article « Hippodamos » et lesautres entrees a ce nom dans l’Encyclopaedia Universalis. Les ouvrages de Roland Martin, et ceuxqui s’en inspirent, fondent une bonne partie de cette vulgate qui, insistons, ne concerne pas tantles specialistes que le « grand public ». Et c’est la que le bat blesse precisement.

4. Assez recemment encore, un groupe d’architectes de la Seine-Saint-Denis s’est baptise Hip-podamos 93 en hommage a leur illustre (ou suppose tel) predecesseur. Les architectes PierreRiboulet, Yves Lion, le cabinet Reichen & Robert et le paysagiste Michel Corajoud creent eneffet, en mai 1992, le GIE « Hippodamos 93 ».

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encore comme l’inventeur de la « planification » urbaine ou du « plan enechiquier », lies a l’expression « plan hippodameen », alors que la recherchea sensiblement progresse ces dernieres annees avec la publication denouveaux ouvrages a meme de faire le point sur la question. On lenomme indifferemment « architecte » ou « urbaniste ». On lui impute denombreux chantiers, et un savoir-faire hors du commun. Mais dans quellediscipline ? Si le personnage d’Hippodamos est assez bien cerne par leshistoriens et specialistes de l’Antiquite, il l’est beaucoup moins en archi-tecture, ou en urbanisme, precisement. C’est cet aspect mythographiqued’Hippodamos et sa posterite presente qui nous interessent donc ici.

Urbanisme et architecture : une assimilation abusive ?

Une bonne partie de la litterature consacree a la ville utilise de manieresouvent interchangeable les termes « architecture » et « urbanisme » pourdesigner une quelconque action dans un espace presente comme urbain 5

et la litterature sur Milet ou Hippodamos n’echappe malheureusementpas a la regle 6. En outre l’interet pour le monument ou le batiment isolemotive encore souvent une recherche toute moderne de l’auteur de cebatiment. L’architecte alors eclipse l’urbaniste, ou plus exactement ill’assimile a un travail global sur la ville. Mais ces deux termes, s’ils sontlies, n’en renvoient pas moins a deux realites d’echelles differentes, et c’estla une distinction tres importante.

Dans le domaine de la recherche, la confusion d’echelles (comme danscelui des amenagements) est tres dommageable car elle a de nombreusesimplications des lors qu’il s’agit de l’environnement urbain : pour lesgeographes, la notion d’echelle, si elle est banale, est cependant l’unedes plus precieuses et fructueuses de la discipline, mais elle est souventnegligee ailleurs 7. En fait, tout changement d’echelle induit un change-ment qualitatif, et non pas seulement quantitatif et la ville peut et doitetre consideree a de multiples echelles, avec des outils d’interpretation

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5. La confusion des deux termes est tres nette au moins pour toute la fin du xixe siecle et une

bonne partie du xxe.

6. Voir, par exemple Cultrera 1923, dont les premieres pages laissent clairement comprendrela tendance. Du reste, le titre, « Architettura ippodamea » (nous soulignons), de lui-meme, estproblematique, puisqu’il melange deux domaines a priori distincts. En raison de l’importance dela bibliographie et des discussions historiographiques, on trouvera en fin d’article la liste desreferences essentielles qui sont donnees de maniere abregee dans les notes.

7. Pour un apercu sur les implications de l’usage raisonne de cette notion, voir AugustinBerque, Ecoumene. Introduction a l’etude des milieux humains, Paris, Belin, 2000, p. 59 et suiv.

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adaptes a chaque niveau 8. Or, le travail de l’architecte se fait d’abord,et fondamentalement, a l’echelle de l’edifice. Mais une des postures clas-siques de l’architecte contemporain, du moins depuis Le Corbusier, est dediscourir sur l’ensemble urbain comme il le ferait d’un simple batiment 9,ce qui souleve de nombreux problemes.

En outre, dans le cas particulier de l’analyse des rapports entre formesphysiques des edifices et systeme sociopolitique, nous avons affaire aun debat millenaire, ouvert par Aristote et Platon 10. Dans tous les cas,les termes « architecte » et « urbaniste 11 » sont des mots dont le contenumoderne ne doit pas preter a confusion. Nous y reviendrons au momentde cerner le personnage d’Hippodamos.

Pour le moment, ce sont bien les rapports entre les differents acteurs,la forme urbaine et le systeme politique qui sont a prendre en considera-tion 12, sachant que dans le monde grec du v

e siecle avant J.-C., ils defi-nissent le cadre des relations sociales essentielles. Ils forment la trame dela conception grecque de la cite. La cite, et non la ville. Ici aussi, il faut atout prix eviter la confusion entre asty, la ville en tant qu’espace bati, etpolis, la cite en tant que communaute humaine et politique instituee.

Retour sur Hippodamos de Milet / 89

8. Les echelles micro et macro utilisees en sciences sociales sont malheureusement trop rudi-mentaires pour etre pleinement satisfaisantes.

9. Voir, a ce propos, notre memoire de D.E.A., Roma Imaginata, Rome faconnee ; genese etdestin de l’urbanite romaine, p. 51-53, « un dilemme scalaire », sous la direction de MM. Jean-Marie Andre et Jean-Robert Pitte, Paris IV, 1996. Cf., bien entendu, Francoise Choay, La Regle et leModele, Paris, Seuil, 1980. L’origine moderne de cette « posture » se trouve chez Le Corbusier, quirevendique le melange ou plutot l’identite pour lui indubitable de l’architecture et de l’urbanisme :« L’urbaniste n’est pas autre chose que l’architecte. Le premier organise des espaces architectu-raux, il fixe la place et la destination des contenants batis, il relie toutes les choses dans le temps etl’espace par un reseau de circulation. Et l’autre, l’architecte, occupe, par exemple, d’un simplelogis, [...] dresse lui aussi des contenants, cree des espaces. Sur le plan de l’acte creatif, l’architecteet l’urbaniste ne font qu’un [...] » (cite par Francoise Choay, La Regle..., op. cit., p. 240-241 ). Onpourrait longuement commenter cet extrait. Observons simplement que Le Corbusier se place dupoint de vue du « createur », et non de son objet. Sa creature, serions-nous tente d’ecrire...

10. Aristote, Politique, VII, 1330b, 17-21 . Le passage en question est souvent considere commeune interpolation, mais peu importe dans la mesure ou, de toute facon, il reflete un type depreoccupation particulier, a savoir la coıncidence de la forme urbaine et d’un systeme de gou-vernement. Platon (dans les Lois, notamment), a largement explore cette thematique, mais lepassage d’Aristote insiste sur le site en correspondance avec le type de gouvernement. Cependant,Pierre Leveque (Leveque 1964, p. 128) ecrit : « En revanche, dans le second quart du v

e siecleapparaıt avec Hippodamos, pris peut-etre comme symbole de toute une generation de philoso-phes-architectes, le souci de creer un espace urbain qui soit le reflet concret de l’espace politique[...]. »

11 . Cf. Francoise Choay, La Regle..., op. cit., p. 17.

12. Nous nous excusons du caractere sommaire de cette schematisation, mais le sujet necessi-terait un developpement plus substantiel et sera l’objet de recherches ulterieures.

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L’« architecture hippodameenne » en question

Nous sommes confrontes, avec cette expression, a une double am-biguıte. Car ni le statut de l’architecte, ni la nature de cet adjectif nesemblent explicites. Il est vrai que le debat sur le role et la fonction del’architecte est permanent, et a singulierement rejoue depuis le moment ouLe Corbusier, au debut du xx

e siecle, a confere a l’architecte une sorted’exclusivite d’action sur la ville au point de vouloir faire fusionner lesdeux metiers 13. De fait, l’anciennete du mot architecte et la nouveautede celui d’urbaniste ont conduit a vouloir fusionner les deux termes,donc les deux metiers. Quant a l’adjectif « hippodameen », il a tressouvent ete reutilise, mais sans les precautions necessaires.

Le plan « hippodameen »

L’architecture dans l’Antiquite correspond a une double tache : cons-truction d’edifice, et par voie de consequence intervention dans la ville.Mais il faut tout de suite nuancer : l’architecte est avant tout et dans laplupart des cas un maıtre d’œuvre 14, en contact avec beaucoup d’autresacteurs, et avec les commanditaires (usagers ou habitants), qui sans cessepeuvent limiter, evaluer voire contrarier son travail 15. Il n’est donc enaucun cas dans un superbe isolement. Et meme si on lui prete souventdes qualites superieures, il n’est pas vu comme un genie omniscient, saufpeut-etre chez certains philosophes, comme Platon 16. De plus, l’ampleurd’une intervention urbaine est limitee par des facteurs materiels : desmoyens mecaniques reduits limitent la rapidite d’intervention et sonampleur. Il est donc concretement impossible a l’architecte d’agir surl’ensemble de la ville d’un seul coup. Son action est d’abord locale,meme si elle peut tendre a concerner l’ensemble de la ville.

En effet, le manque de moyens techniques propres a favoriser la vitessed’execution d’un projet urbain entraıne plusieurs consequences. Lapremiere, c’est que la ville se modifie a un rythme lent. La seconde, c’estque cette lenteur relative engendre une possibilite quasiment permanente

90 / Histoire urbaine - 21 / avril 2008

13. Cf. note 9.

14. L’etymologie nous presente l’archi-tecte comme un « maıtre charpentier » ou maıtre menui-sier, ce qui rappelle ses origines et specificites premieres et qui donne une connotation eminem-ment technique, voire artisanale, au personnage. Mais a cette premiere « version » du metiers’ajoute une dimension plus theorique, qui fait de lui un personnage partage entre deuxcultures. Cf. Gros 1998, p. 21 .

15. Voir Gros 1998, p. 19, qui insiste sur le caractere collectif du travail de l’architecte.

16. Dans tous les cas, ces architectes prestigieux sont, par definition, rares. Platon confere al’architecte un role preeminent, et en particulier dans le domaine de la ville. Premier exempled’une collusion voulue entre le travail d’architecte et celui de « planificateur » urbain.

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de rectification et de modification du projet, ce qui attenue le risqued’erreurs et d’errements, et donne une chance au repentir 17.

Par ailleurs, le role d’Hippodamos dans la genese du plan « hippoda-meen » s’affaiblit de plus en plus au fur et a mesure que les recherchesarcheologiques progressent. Par hippodameen, les auteurs modernesentendaient en general un plan de ville « regulier », i.e. constitue de ruesde largeur precise qui se croisent a angle droit. Or, si l’on s’en tient a cettedefinition, ce type de plan remonterait au moins au viii

e siecle av. J.-C.,avec les colonies de Grande Grece 18... Cependant, comme nous allons levoir, cette definition est trop generale pour etre tout a fait pertinente 19.

Cette anciennete du plan considere comme regulier pose la question deson lieu d’emergence, mais aussi de sa transmission. Or, on sait bien que letheme de l’origine renvoie souvent bien plus au recit mythique qu’a destraces absolument identifiables. Les theses sur ce point sont aussi diversesque contradictoires. Certains auteurs comme von Gerkan 20 pensent quece type de plan trouve son origine en « Orient », c’est-a-dire a Babylone,puis est passe (mais comment ?) en Ionie, il est vrai proche des Perses 21 .

Retour sur Hippodamos de Milet / 91

17. Ce n’est guere un detail si l’on songe aux projets d’urbanisme de l’epoque industrielle...

18. L’exemple le plus souvent cite est la colonie de Megara Hyblaea ; cf. l’ouvrage sur les fouillesedite par l’Ecole Francaise de Rome (Georges Vallet, Francois Villard, Paul Auberson, MegaraHyblaea 3 : Guide des fouilles, Rome, EFR, 1983) et pour une mise au point recente, Treziny 2005,p. 58 et la carte. Le seul probleme est que la « regularite » supposee du plan de cette colonie neresiste pas a un examen attentif des restes et d’ailleurs la prise en compte de l’echelle de figurationdes ruines est primordiale : comme le plan topographique de releve des fouilles a ete dresse agrande echelle, on voit tres bien que des rues sont tracees ou prevues, soit, mais leur regularite esttres fruste, a moins que le simple fait que deux voies se croisent vaguement a angle droit suffise amontrer que leur trace est regulier ; mais c’est une facilite a laquelle nous nous refusons, souspeine de tout assimiler a du regulier des lors que l’on a des voies grossierement droites.

19. Peu d’auteurs en fait definissent reellement ce terme, meme s’ils se plaignent, paradoxale-ment, de son inadequation. Voir par exemple Asheri 1975, p. 5 : « [...] de l’extravagant et effeminetheoricien de Milet [...], devenu l’eponyme – qui sait pourquoi – du nouvel urbanisme. ». SeulsHoepfner et Schwandner s’en donnent la peine, mais sans justifier le choix de l’adjectif. VoirHoepfner 1986 p. XV : « Ville hippodameenne : Villes classiques d’apres le modele du Piree,systeme de planification et quadrillage inductif, selon lequel les plus petites unites (la parcelle,c’est-a-dire la maison type) sont preponderantes et s’inserent dans des unites semblables de plusgrande taille (Insulae et quartier d’habitation). D’apres la doctrine pythagoricienne des nombresici reconnaissable dans l’urbanisme, toutes les unites sont a angle droit, proportionnees selon desnombres precis et apparentees les unes aux autres. L’utilisation de maisons types laisse clairementapparaıtre l’urbanisme hippodameen comme un phenomene politico-social. »

20. Voir von Gerkan 1924, p. 30. Castagnoli 1956, p. 124, s’oppose a l’idee d’une quelconqueinfluence orientale.

21 . A ce titre, voir Joseph Rykwert, The Idea of a Town. The Anthropology of Urban Form inRome, Italy and the Ancient World, Cambridge, Mass.-London, MIT Press, 1976, p. 86, qui faitremarquer que la fondation d’une ville et le decoupage eventuel de son sol, sa cadastration ensomme, correspondent a des savoir-faire difficilement transmissibles de maniere fortuite, et enrapport avec un contexte culturel tres particulier, ce qui rend la probabilite d’un echange memepurement technique assez hypothetique. Voir egalement Asheri 1975, p. 14.

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D’autres, tel Roland Martin 22, supposent que son origine est « autoch-tone », d’autres enfin ne se prononcent pas reellement 23. Mais l’incertitudeest totale du fait d’une certaine confusion dans les caracteristiques memesattribuees au plan hippodameen. On retrouve la aussi l’imprecision decette notion « molle » de regularite, jamais reellement definie. Elle rendnecessaire l’etablissement d’une typologie des plans de ville plus fine, etplus respectueuse, une fois n’est pas coutume, de l’echelle. Mais en ce cas,l’uniformite supposee de bien des villes antiques risque bel et bien de voleren eclat, tant les details accroissent les disparites.

De plus, ces deux concepts d’influence et de transmission, pour fon-damentaux qu’ils soient, sont tres rarement questionnes. Ce qu’il fautbien prendre en consideration dans le cas de ces plans hippodameens,c’est le relatif melange opere entre la volonte de l’architecte-urbaniste(mais rappelons que ce dernier terme n’existe pas dans l’Antiquite), etcelles finalement de la population dans son ensemble. L’origine d’uneforme pose toujours probleme, mais celle d’une forme urbaine, objetpar essence complexe 24, pose un probleme de definition et de descrip-tion particulier. En effet, parler de « forme urbaine » implique deja uncertain degre d’abstraction : la ville doit etre apprehendee comme untout unifie, ce qui n’est pas toujours une evidence. Ensuite, son plan nepeut etre pris pour l’ensemble du bati ; pourtant, on se contente tropsouvent des deux dimensions pour classer les differents types de villereguliere ; les tentatives de restitution en elevation proposees peuventsembler insuffisantes 25. Dans tous les cas, la forme d’une ville ne sauraitetre assimilee ni resumee a son plan au sol.

L’approche semiotique peut permettre d’apprehender la transmissiond’une forme dans ses motivations et ses modalites propres : en effet, ausein des theories de la communication, le concept de transmission s’ex-prime clairement et rigoureusement. Par la suite, la question du « tri » oudu choix culturel opere par la population receptrice et celle de l’alteration

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22. Dans L’urbanisme dans la Grece antique, par exemple (Martin 1974).

23. Voir Asheri 1975, conclusion, p. 16.

24. Et, faut-il le rappeler, non uniforme ; ainsi parler de la forme d’une ville revient a elaborerune formidable abstraction, puisqu’il s’agit de reduire la diversite formelle de la ville a une figured’ensemble. Ce qui implique un point de vue (dans tous les sens du terme) particulier.

25. Les vues axonometriques proposees par Hoepfner et Schwandner sont interessantes, carelles donnent a voir certaines villes anciennes dans toute leur rigoureuse (et supposee...) regu-larite, mais cette derniere apparaıt meme avec une telle rigidite que l’on peut se prendre adouter de tant de systematisme ; car tout de meme, si le plan pouvait etre contraignant, ycompris pour la taille des parcelles, l’apparence finale du batiment d’habitation individuellepouvait etre decidee par ses habitants, ce qui devait aboutir a une plus grande diversite que ceque proposent les auteurs. Le compte rendu de Roland Etienne va dans le meme sens (Etienne1991 , p. 41 ).

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induite par le passage d’une forme de communication sociale d’une societea une autre constituent un probleme de base qu’il est indispensable deprendre en consideration 26. C’est ainsi que la pertinence d’un modeleurbain peut etre jaugee, si tant est que la pertinence de cette notion demodele soit fondee...

La caracteristique principale du « plan hippodameen » semble doncdans la plupart des cas se ramener a sa pretendue regularite. Mais qu’en-tend-on donc par la ? Si l’on regarde tous les plans de ville consideres parcertains auteurs comme reguliers, on constate en fait une grande diversitede formes 27. Toutes ne peuvent pas rentrer dans cette seule categorie« reguliere ». Ici aussi, la semiotique peut proposer une approche globaleplus satisfaisante, puisqu’elle se fonde sur des criteres morphologiquesprecis 28. On touche ici a l’anthropologie spatiale dans ses aspects lesplus concrets et les plus significatifs.

La notion d’isomorphisme, proposee tout d’abord par Levi-Strausspour classer une forme, peut nous aider a etablir une continuite entretoutes ces formes sans leur faire violence pour les faire entrer dans unetypologie particuliere 29. Cela presuppose un lien fort entre une societedonnee et son environnement bati, these defendue par Levi-Strauss, quiconsidere l’espace comme un texte 30.

Cela pourrait permettre de construire l’esquisse d’une typologie souplebasee sur la proximite ou l’eloignement relatif a un modele donne, sachantque ce modele existe avant tout dans le discours. Et par modele, il fautentendre une reference plus qu’une norme. Une sorte de genealogie desformes des etablissements humains pourrait etre ainsi esquissee entre destypes de ville dont les rapports sont rien moins qu’evidents. Cela permet-trait de resoudre au moins en partie les quaestiones vexatae que sontle probleme de l’origine de telle « forme » de ville, ou encore celui desrelations entre aires culturelles distinctes.

Retour sur Hippodamos de Milet / 93

26. Lagopoulos 1985, p. 215 et 221 . Le probleme de la diffusion culturelle est central en geo-graphie historique.

27. Pour les plans, voir Castagnoli 1971 , ainsi que Ward-Perkins 1974, passim.

28. Ce qui permettrait d’etablir des distinctions claires entre les adjectifs « regulier », « ortho-gonal », « symetrique », « geometrique », qui sont utilises helas avec une certaine desinvolture.

29. C’est-a-dire identite ou equivalence de forme. Voir Lagopoulos 1995, p. 41 . Il reprend lui-meme les developpements de Claude Levi-Strauss dans son Anthropologie structurale.

30. Cette forme peut correspondre a trois etats : 1 ) Isomorphisme : la forme urbaine correspondtres exactement a la forme « geometrique » engendree par les structures sociales : la forme de lasociete (si l’on nous permet l’expression) et celle de la ville coıncident. 2) Semi-isomorphisme : lemodele spatial subit des deformations. 3) Isomorphisme concu : la « geometrie » du modeleapparaıt au niveau des discours tenus a propos de l’espace bati, et non dans l’apparence materiellede la ville elle-meme.

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Par ailleurs, l’omission de la troisieme dimension peut engendrer dessimplifications regrettables 31 . Et, pour continuer le rapprochement fruc-tueux (imagine comme un rapport d’analogie) opere par Levi-Straussentre espace et discours, nous pouvons effectivement considerer l’espaceurbain comme un texte, ce qui nous entraıne a faire une distinction, al’interieur du sens suppose engendre par un environnement urbain parti-culier entre les denotations pretees aux formes urbaines etudiees, et lesconnotations engendrees par celles-ci. C’est la prise en compte simultaneede ce double aspect qui nous permet d’entrevoir et de saisir ce que dit unespace urbain, sans pour autant parler du rapport entre forme urbaine etregime politique. Il y a forcement interference, reinterpretation, adapta-tion. Il apparaıt alors comme d’autant plus exagere d’attribuer un typeentier de ville a un personnage unique a partir de quelques plans inter-pretes de maniere un peu rapide.

Hippodamos, le personnage historique et sa reconstruction

historiographique

Le personnage d’Hippodamos reste en fait assez mal connu. La sourcela plus sure et la plus complete se trouve chez Aristote 32, dans les livres IIet VII de la Politique 33. Il y evoque Hippodamos a deux reprises, maisde facon differente. Vanessa Gorman explique tres bien les raisons pourlesquelles les remarques relatives a Hippodamos se trouvent dans deuxlivres distincts 34. La premiere mention se trouve dans un livre ou Aristoteetudie les differents systemes politiques possibles, la seconde porte sur laforme concrete des villes, leur site, etc. En somme, la premiere mentionporte sur les aspects organisationnels d’une ville, la seconde sur la formeconcrete donnee aux batiments et constructions urbaines, distinctionessentielle comme on va voir.

Rappelons brievement ce que nous pouvons affirmer de cet homme.Hippodamos est certainement originaire de Milet, mais la ville n’est pasreconstruite avant 479 av. J.-C., autrement dit a un moment ou Hippo-

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31 . Castagnoli, par exemple, ne s’embarrasse pas de definir son echelle de travail : un discoursgeneral sur le plan des villes lui suffit, semble-t-il.

32. Voir Benvenuti Falciai 1982, p. 52 et suiv. L’ouvrage de Patrizia Benvenuti Falciai est sansdoute la tentative de reconstruction de la personnalite d’Hippodamos la plus poussee et la plusprecise faite a ce jour.

33. Pol. II, 1267b, 22-30 et Pol. VII, 1330b, 21-31 .

34. Gorman 1995. Vanessa Gorman est Associate Professor and Vice Chair of History a l’uni-versite du Nebraska-Lincoln. Elle est notamment specialiste de l’histoire de Milet. Sa demons-tration se trouve deja dans sa these, et point n’est besoin de la redonner ici. Toutefois, son articlereprend de facon plus systematique son raisonnement. Notre argumentation reprend la siennedans ses grandes lignes.

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damos aurait ete trop jeune pour participer aux travaux 35. Mais l’expres-sion « de Milet » (milesios) a ete prise pour argent comptant et a rendupossible la confusion entre la ville et son demiurge, Hippodamos et sa citenatale. Il aurait toutefois ete associe, cette fois-ci directement 36, a la cons-truction du Piree 37, de Thourioi 38, et enfin de Rhodes 39.

Son statut precis n’est pas detaille par Aristote, mais des sourcesplus tardives le presentent comme « architecte 40 » ou encore « meteo-rologue 41 », c’est-a-dire litteralement « specialiste des choses du ciel 42 »,ou encore « philosophe de la nature 43 ». Le terme correspond a une acti-vite theorique certaine. Inversement, le terme architekton 44 : architecte,renvoie bien davantage a l’homme de metier qu’au theoricien. C’estpourquoi qualifier Hippodamos d’« urbaniste » correspond a un anachro-nisme tentant, mais dangereux et reducteur 45.

Ainsi, l’image d’un Hippodamos « faiseur de villes », veritable demiurge

Retour sur Hippodamos de Milet / 95

35. Gorman 1993, p. 107-108. Voir egalement Burns 1976, p. 424. La demonstration de Burnspour proposer une chronologie basse pour Hippodamos nous paraıt convaincante. En ce cas, sanaissance est posterieure a 500 av. J.-C.

36. Gorman 1993, p. 107 et suiv.

37. « Planifie » vers 480 par Themistocle, mais la date est incertaine. Voir Burns 1976, p. 424,Hoepfner et Schwandner 1986, p. 12 et Etienne, 2004, p. 101-102. La participation d’Hippodamosest attestee par Aristote, Pol. II, 1267b 1 . C’est la seule qui le soit vraiment, les autres demeurentincertaines, mis a part Thourioi.

38. Fondee vers 444/3 av. J.-C. Le temoignage se trouve chez Denys d’Halicarnasse, XII, 10, 7.En outre, le vocabulaire employe par Denys est interessant, puisque l’on retrouve le verbe diaireo,comme participe aoriste : ten de polin dielomenoi. Mais l’auteur fait une construction avec plateias(les rues larges), ce qui retire l’ambiguıte au terme, contrairement au texte d’Aristote.

39. Fondee en 408/7 av. J.-C. Toutes ces datations sont proposees par Vanessa Gorman 1993,p. 108, elle-meme reprenant la litterature anterieure, et les donnees archeologiques recentes. Onpeut neanmoins, pour une autre proposition, se referer a l’ouvrage de Castagnoli. La participationa la construction de Rhodes se trouve chez Strabon, XIV, 654. Etienne 2004, p. 101 , redonne unechronologie de ces travaux.

40. Architekton, chez Harpocration, lexicographe byzantin du iie siecle ap. J.-C. Voir Gorman

1993, p. 103.

41 . Meteorologos chez Hesychius, au ve siecle, et Photius, un erudit du ix

e siecle. Voir Gorman1993, p. 103.

42. Vernant 1965, p. 252 : « S’il est bien exact qu’Hippodamos se presente comme un theoricienpolitique double d’un urbaniste, il nous est surtout donne par les Anciens comme un « savantdans les choses de la nature », comme un « meteorologue ». Sur ce plan, son personnage s’inscritdans la ligne de la tradition ionienne : il continue tres directement un Thales et un Anaximandre.Philosophe cherchant a expliquer la nature, Hippodamos ne se detourne pas pour autant de la viecivique ; il apparaıt integre a l’univers de la cite. Sa pensee ne separe pas espace physique, espacepolitique, espace urbain ; elle les unit dans un meme effort de reflexion ».

43. Gros 1998, p. 26.

44. Chez Harpokration, 102, 3 et Photius, 111 , 11-17.

45. Voir, par exemple, l’intertitre de la traduction de la Politique d’Aristote dans l’edition desBelles Lettres (par Jean Aubonnet, CUF), p. 73 : « Hippodamos de Milet, l’urbaniste [nous souli-gnons]. Apercu de sa constitution ».

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capable de planifier tout un ensemble urbain, est-elle largement fantasma-tique. Pourtant le personnage d’Hippodamos est devenu une sorte demotif, lui-meme constitue de plusieurs elements : tout d’abord la villeconsideree comme une figure homogene et individualisable ; puis un« auteur » suppose unique de la construction (ou reconstruction dans lecas de Milet) « reguliere » de cette ville ; enfin, l’emphase de l’hommecreateur assimile a la cite reconstruite. Ces trois elements, superposes,relies et integres au fil du temps, vont finir par constituer de fait unefigure mythique appelee a une remarquable posterite.

Tout cela nous oblige a reconsiderer le role d’Hippodamos. Or, le seultemoignage de quelque importance est celui d’Aristote, deja lu et relu parbien des auteurs. Ne restent donc que les mots memes et expressionsutilises par Aristote pour apprehender l’œuvre.

Fragments d’une theorie de la pratique urbaine d’Hippodamos

Les aspects politiques des conceptions d’Hippodamos ont ete tres bienetudies, notamment par Jean-Pierre Vernant. Les jugements sur l’identifi-cation du type de regime induit par la repartition des citoyens en classesont varie entre democratie 46 et oligarchie 47, mais en fin de compte, lesliens reels entre Hippodamos architecte et Hippodamos theoricien,« meteorologue », ont ete souvent negliges ou eludes. Vernant insiste surle principe de differenciation spatiale a l’œuvre dans le « modele » hippo-dameen, ce avec quoi nous sommes tout a fait d’accord. Mais au-dela de ceprincipe, reste a savoir comment il s’inscrit dans le sol. Reprenons donc lesprincipaux termes presents dans le texte d’Aristote et des principalessources evoquant Hippodamos, mais que l’on nous pardonne pour notremot-a-mot un peu etroit : il nous paraıt necessaire, dans le cas present,de rester au plus pres des mots.

. Diai* resiv 48 (diairesis) : ce simple mot, utilise au livre II, est a l’originede toute une serie de confusions qui n’ont pas peu contribue a la fabri-cation du personnage d’Hippodamos. Vanessa Gorman a repris de zerola tradition philologique de ce passage et a justement remis en cause unetradition de traduction pour le moins discutable. Diairesis peut etrecompris comme « division », ou encore « distinction 49 ». La phrase d’Aris-

96 / Histoire urbaine - 21 / avril 2008

46. Castagnoli 1956, p. 62.

47. Gehrke 1989, p. 67.

48. Pol. II, 1267b 23.

49. On peut y ajouter, parmi les sens premiers, celui de divisibilite, et celui de dissection. Danstous les cas, le sens va vers l’idee de decoupage et de repartition, rien de plus. Le passage de Denysd’Halicarnasse (Cf. supra note 38), illustre assez bien cette signification. On trouve encore (noussuivons le dictionnaire de Liddell & Scott) division, distribution (pour de l’argent) et distinction.

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tote est une incise ; transcrivons-la : Hippodamos [...], hos kai ten tonpoleon diairesin heure kai ton Peiraia katetemen [...] 50. Attirons im-mediatement l’attention sur le fait que diairesin est attache au mot polis,et non asty, ce qui rend inadequate la traduction proposee par JeanAubonnet : « Hippodamos [...], celui qui inventa le trace geometrique desvilles et decoupa le Piree en damier ». Cette traduction (reprise parGorman comme symptome de cette famille de traductions erronees)paraıt forcee : « trace geometrique » pour diairesin, et « decoupa endamier » pour katetemen, c’est un cas exemplaire de texte investi d’unsens qui lui est etranger : jamais le texte n’evoque un quelconque « tracegeometrique », ou « damier ». Malheureusement, cette traduction, par sonparti pris (pour ne pas dire son erreur) n’est pas isolee. Elle appartient belet bien a une tradition ancienne, bien lourde de consequences.

Pour Gorman 51 , le contexte du livre II fait pencher l’interpretationvers « repartition de la cite », c’est-a-dire, si l’on veut bien se permettrede gloser un peu (en se fondant sur la suite du texte), « repartition descitoyens par classe ». La faute des precedents commentateurs du texted’Aristote a ete d’extraire ces passages du reste de l’œuvre, et donc deles abstraire de leur contexte 52. On en arrive ainsi a un oubli presque totalde l’economie du texte au profit d’une interpretation simpliste. Deuxfamilles de traductions sortent donc de ce mot : d’une part celle d’unHippodamos inventeur 53 du trace geometrique, de l’autre (notre option),un Hippodamos celui qui mit au point la division de la cite 54, et le reste dupassage d’Aristote en donne le contenu : une repartition des citoyens entrois classes, repartition qu’Aristote commente en detail. Comment une

Retour sur Hippodamos de Milet / 97

50. Pol. II, 1267b 22-23.

51 . Gorman 1993, p. 95-104, et 1995, passim. Sa demonstration est tres convaincante, et nousnous appuyons largement sur elle pour notre propre argumentation ; Pierre Leveque et PierreVidal-Naquet dissipent un peu rapidement le probleme de la traduction de diairesis, car s’ilsdenoncent le contresens, ils n’en voient ni l’origine, ni les consequences, mais il est vrai que leurpreoccupation est ailleurs ; voir Leveque 1964, p. 124 : « Cette division des cites par classes, malgreun contresens frequemment commis [nous soulignons], ne fait pas allusion aux projets urbanisti-ques d’Hippodamos et s’applique beaucoup plus a son œuvre de philosophie politique qu’a sestalents de geometre ». Cf. egalement Benvenuti Falciai 1982, p. 60. Cette incertitude sur la qualitede cette « division de la cite » entretient neanmoins une autre incertitude, partagee par lesmodernes, quant a la nature de la « cite », et le choix de la traduction renvoie donc davantageaux prejuges du traducteur qu’a la nature du texte.

52. Ainsi, meme si la tradition du texte et sa transmission nous sont mal connues, les grandsmouvements du raisonnement d’Aristote restent visibles, ce que Vanessa Gorman s’est attachee amontrer, nous semble-t-il de maniere probante la aussi. Voir Gorman 1993, p. 95 et suiv.

53. Heure, de heurisko, je trouve.

54. Nous avons bien conscience de l’ambiguıte de la formule, et de l’incertitude qu’elle main-tient, mais nous preferons cette solution a un forcage des termes. Cependant, le contexte et le sensgeneral du propos d’Aristote nous semblent corroborer ce choix.

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telle confusion, consciente ou non, a t-elle ete rendue possible ? Nous yreviendrons peu apres. Pour le moment, etudions les autres termes utilisespar le Stagirite a propos d’Hippodamos.

. Katate* mnw 55 (katatemno) : ce verbe (utilise dans sa forme aoristedans le texte), contient un prefixe, kata, qui peut signifier « completement,tout a fait, integralement » ; associe a temno qui signifie litteralement« tailler, decouper », on peut donc le traduire par « decouper en integralite,decouper completement ». Il est bien evident que le verbe n’a pas eted’emblee applique a la ville, comme chez Aristote : son usage est plusconcret, pour de la matiere, ou des corps 56. On le retrouve par exemplechez Eschine 57, pour parler de tetes decoupees, ou bien encore chezHerodote pour decouper des bandages 58. Une autre acception duterme 59, assez parlante, entraıne la metaphore du cote du sacrifice rituelde l’animal consacre aux dieux, et elle permet de mieux entrevoir encoreles connotations de l’expression utilisee par Aristote. En effet, ce « decou-page integral » correspond a l’idee d’une repartition equitable, sinon ega-litaire, des morceaux de la victime entre les participants au sacrifice. En cesens, le decoupage de la ville renvoie presque explicitement a celui de laviande sacrificielle. Et la maniere de repartir correspond bien alors a unerecherche d’equilibre entre differentes entites.

Une seconde acception, chez Herodote toujours 60, concerne le creu-sement de canaux ou de fosses. Enfin, le meme auteur utilise, plus expli-citement qu’Aristote, katatemno pour parler du decoupage des rues d’uneville 61 . Du reste, Herodote utilise asty comme complement du verbe,preuve s’il en est que le « decoupage » concerne bien l’espace bati de laville. Mais il nous faut insister sur la valeur metaphorique de l’usage duverbe dans un tel contexte : la maniere dont on peut traduire cette phrasepourrait donc etre : « [...] et qui a completement decoupe le Piree... ». Biensur, nous sommes loin du damier, et meme si les fouilles du Piree 62 ontmis au jour quelques vestiges propres a faire songer a un arrangement

98 / Histoire urbaine - 21 / avril 2008

55. Pol. II, 1267 b, 23.

56. Nous nous fions, pour les differentes acceptions de tous les termes etudies, au dictionnairede Liddell & Scott, edition electronique (disponible a partir du site Internet Perseus Project).

57. Eschine (390-314 av. J.-C.), III, 212.

58. Herodote (484 ?-425 av. J.-C.), II, 86.

59. Voir Svenbro 1982, p. 955 et suiv.

60. Herodote, I, 193 : « La Babylonie est tout entiere, comme l’Egypte, sillonnee de canaux »(traduction Andree Barguet, Pleiade).

61 . Herodote, I, 180 (a propos de Babylone) : « La ville elle-meme est constituee d’un ensemblede batiments de trois ou quatre etages, coupee de rues qui, paralleles au fleuve ou transversales,sont toutes rectilignes. »

62. Voir Hoepfner et Schwandner 1986, p. 12 (figure) et Etienne 2004, p. 101 .

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orthogonal des rues, la traduction ne peut etre modifiee a posteriori, parles donnees archeologiques, sinon au prix d’un dangereux forcage de sens.

La metaphore du decoupage n’est pas indifferente : un decoupageimplique une matiere. En ce cas, nous sommes tentes de prendre le baticomme cette matiere et les rues comme le trace applique a cette matiere.Ainsi la rue apparaıt comme l’indice de l’action de celui qui tend a mettreen forme l’espace urbain, deja bati ou en voie de l’etre. Elle est un trace, etune trace, celle d’un amenagement – terme inexistant au moment ouAristote ecrit. Il s’agit sans doute de l’une des plus vieilles metaphoresbanalisees pour caracteriser une action de transformation d’un espaceurbain donne.

Cette expression presente donc l’action d’Hippodamos comme uneoperation forte, et en quelque sorte radicale. Le prefixe kata peut etrealors traduit par « systematiquement », puisqu’il s’agit d’une operationconcertee : on sait que le Piree a ete une operation voulue et dirigee parla cite. Ce « decoupage complet » du Piree n’a pas laisse beaucoup detraces, malheureusement, et cette idee d’un decoupage orthogonal a faitdessiner des plans de fouille d’une regularite geometrique impeccable,meme si les traces sont plus que maigres 63. Pourtant, Aristote n’a pas etn’a jamais evoque un quelconque trace geometrique. A moins quel’on considere que l’adjectif eutomos puisse de fait etre traduit pargeometrique.

. Dia* qesiv 64 (diathesis) : en revanche, le livre VII de la Politique abordeplus franchement les questions concretes de geographie urbaine, si l’onpeut dire 65. C’est dans ce contexte que le mot diathesis apparaıt. L’ambi-guıte, ici, est moindre, et aurait du eveiller l’attention des traducteursmodernes du livre II. Le mot designe, de facon beaucoup plus claire,la notion de « disposition ». Le mot derive du verbe diatithemi, detithemi qui veut dire poser, placer. Donc, dia ayant le sens de distribuer,diathesis pourrait etre traduit par disposition ou repartition. Or, dans cecas, le mot est construit avec oikesis, « habitation ». On ne parle jamais derue. Diathesis est par ailleurs utilise pour designer la composition danscertaines œuvres d’art. La traduction d’Aubonnet est ici plus satisfaisante :« D’autre part, la disposition [nous soulignons] des maisons particulieres

Retour sur Hippodamos de Milet / 99

63. Des bornes ont ete retrouvees lors des fouilles au Piree qui semblent delimiter differentstypes d’espace, mais de maniere assez peu precise, et selon des criteres eloignes du « zoning »moderne. A ce propos, Roland Etienne reste tres circonspect et deplore le manque d’informations(Etienne 2004, p. 100 et 102).

64. Pol. VII, 1330b, 22.

65. La aussi, le sous-titre introduit par le traducteur francais oriente la lecture sans vraiment lejustifier : « Questions d’urbanisme ». Mais, apres tout, comment faire autrement ?

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est plus plaisante, pense-t-on, et plus adaptee aux diverses activites [...] ».Mais cette disposition des maisons nous demeure, in fine, inconnue dansson detail, meme si l’archeologie peut nous donner quelques idees – maisguere plus. Le prochain adjectif, eutomos, engendre encore d’autresproblemes.

. Eu> tomov 66 (eutomos) : la traduction d’Aubonnet donne : « [...] si elle[cette disposition des maisons] adopte un plan regulier ». « Plan regulier »traduit an eutomos ei, mais justement, eutomos ne veut pas dire regulier...Un examen lexicographique plus attentif, en accord avec la valeur meta-phorique, la encore, du terme, permet d’aller plus pres du sens. C’est ceque fait Gorman, qui propose « facile a couper » en cas de conflit. Leprefixe eu signifie « bien », « bon », et tomos appartient a la meme familleque temno, evoque plus haut. De ce fait, nous pouvons proposer deuxvaleurs pour cet adjectif, qui se rapporte, rappelons-le, a cette fameuse« disposition des habitations » : soit « bien decoupe » (sens sujet), soit« facile a couper » (sens objet). Ce dernier sens est le plus probable,car juste apres 67 Aristote evoque le probleme des assaillants pris dansle reseau serre des vieilles rues d’une ville, desorientes par son apparentdesordre. Les deux sens peuvent coexister apres tout, mais peut-onsubstituer « regulier » a « bien decoupe » ? Nous nous y refusons. Cettemetaphore du decoupage nous semble suffisamment forte et vivace pouretre preservee.

. To+ n new* teron kai+ to+ n i< ppoda* meion tro* pon, « d’un genre plusmoderne, celui d’Hippodamos » (traduction de J. Aubonnet). Ceneoteron kai ton hippodameion tropon est a l’origine de l’expression« plan hippodameen ». Et pourtant, on ne peut avancer grand-chosequant a la teneur reelle de cette « maniere hippodameenne ». « Plusnouveau », litteralement, et « hippodameen », et rien d’autre. Mais levide, ou l’incertitude, laisse par ce terme, a vite ete comble par unensemble de speculations, en partie liees aux decouvertes archeologi-ques 68. C’est bien le drame de ce personnage, qui malgre la maigreurdes temoignages le concernant, se retrouve envers et contre tout, a latete d’un veritable empire urbain 69...

100 / Histoire urbaine - 21 / avril 2008

66. Pol. VII, 1330b, 23.

67. Pol. VII, 1330b, 24-27.

68. Ce que denonce egalement Burns 1976, p. 419 : « Modern historians of urban planning havemade the label Hippodameian a household word and have repeatedly affixed it to the new styleIonian cities such as Miletus, Knidos, Priene, Ephesus, etc. There is no basis for this in ancientsources ». On ne peut etre plus clair.

69. R. Etienne explique (Etienne 2004, p. 103) : « la ville archaıque reguliere n’etait qu’unsuccedane de l’arpentage, la ville moderne du v

e siecle a la milesienne, est le produit de lareflexion philosophique et de la science ».

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Il est certain qu’il a au moins mis en forme theoriquement, sinonpratiquement, tout un savoir-faire d’« amenagement » en vigueur dans sapropre cite d’origine, Milet, et que celle-ci a pu lui inspirer ses propresdoctrines et theories. Mais distinguons bien (a l’instar d’Aristote en fait),theorie sociale et pratique spatiale ou savoir-faire architectural et urbain.Ils sont deux composantes de la doctrine du personnage, visiblement,et non pas une seule action, meme si les deux sont lies. Comme ledisent plusieurs auteurs 70, Hippodamos est davantage un codificateur,un acteur, ou encore le premier personnage retenu par un ecrivaincomme etant capable d’agir sur la ville, au moins dans une certainemesure. Mais ce n’est pas ce qui semble le plus frapper Aristote, quiinsiste bien davantage sur le fait qu’Hippodamos fut le premier hommenon politique a proposer une constitution ideale de cite, et il semblequ’Hippodamos soit « nouveau » au moins (surtout ?) en cela. C’est cequi ressort d’une lecture pedestre, pourrait-on dire, des passages de laPolitique ou le personnage est evoque.

On peut donc considerer que le travail d’Hippodamos, au moinsau Piree, correspond a une forme d’amenagement modulaire strict, etnon fonctionnel. Modulaire au sens ou il semble delimiter des usageset des aires predefinies de facon assez souple au sein d’un territoiredesigne comme urbain avant toute construction. Cela dit, la question dela primaute de la rue ou de la parcelle reste entiere, comme nous l’avonsvu. On dirait qu’une viabilisation preliminaire a ete envisagee, et c’est sansdoute la la veritable nouveaute d’Hippodamos 71 .

Sans doute le trace des rues est-il prepare a l’avance, mais la taille desparcelles conditionne en contrepartie la disposition des rues. L’orthogo-nalite n’apparaıt pas comme un enjeu majeur, tout au moins n’apparaıt-elle pas nommement dans le texte d’Aristote, et cet indice ex absentiane nous paraıt pas negligeable. Mieux vaut eviter, inversement, lestermes de zoning et de fonctionnalisme, trop longtemps utilises par diffe-rents auteurs 72 : il nous semble que ce sont la deux anachronismes dange-reux, qui plus est sans aucun rapport avec une quelconque scientificite. Eneffet, l’urbanisme, le city-planning des Anglo-saxons, ne doit pas faireillusion : il n’y a jamais eu de city-planners dans l’Antiquite ! C’est un

Retour sur Hippodamos de Milet / 101

70. Burns 1976, notamment, p. 417, Ward-Perkins 1974, p. 14, et Etienne, 2004, p. 102.

71 . Cf. Etienne 2004, p. 102, a propos de Thourioi : « Il ne s’agit plus d’une pratique d’arpentagecomme celle utilisee a l’epoque archaıque, mais de la conception d’un espace mathematise etharmonise a l’echelle de la ville ».

72. Roland Martin, E.J. Owens, pour ne citer que les plus visibles, et certains auteurs de manuelsd’histoire de l’urbanisme ou de la ville, qui, lorsqu’ils sont de seconde main sont, helas, propicesaux simplifications et amalgames.

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glissement de sens qui a suffisamment nui au debat sur la ville antiquepour ne plus etre propage 73. Le fonctionnalisme, en France notamment, adeforme la vision de la ville ancienne parce que l’on a systematiquementvoulu mettre en exergue la pretendue rationalite de la ville. Or, si rationa-lite il y a, il resterait encore a en definir les modalites exactes... Enfin, nevaudrait-il mieux pas envisager ces espaces delimites, dans le cas du Piree,sous l’angle des usages plutot que sous celui, plus abstrait, des fonctions ?

Quant au debat sur la nature du systeme politique lie a ces formesurbaines, il est en partie occulte, comme nous l’avons vu, par l’omissiondes enjeux culturels qui sous-tendent l’emergence de ces formes urbaines,surtout lorsque par « forme urbaine » on entend le plan de la ville vue d’enhaut, mode de representation peu courant dans l’Antiquite. Mais il nousreste a comprendre pourquoi la figure d’Hippodamos comme parangondes urbanistes-architectes a la vie si dure.

Une posterite en proie au mythe

Des contresens modernes

V. Gorman, non contente de constater le contresens largement commissur le texte d’Aristote, a voulu en retrouver la logique et l’origine 74. Celle-ci s’etale sur plusieurs siecles et se decompose en differentes etapes quenous redonnons brievement ici. Hesychius 75, lexicographe posterieur deplusieurs siecles a Aristote, utilise diaireo (verbe apparente a diairesis)pour katatemno lorsqu’il evoque Hippodamos 76. C’est un premier, etdeja facheux, glissement de sens, puisque « division » et « repartition » setrouvent mis sur un meme plan lexical. En 1576, Piero Vettori, traducteurd’Aristote 77, melange ensuite cette premiere confusion avec le texte d’Har-

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73. Cf. a ce propos l’Histoire de l’Europe urbaine (Pinol 2003, p. 77) : « l’absence d’une veritablereflexion theorique sur le phenomene urbain, ou meme d’un ensemble de representations danslequel il serait nettement identifie en tant que tel, doit conduire, sinon a rejeter completement leterme d’urbanisme, mis en vogue en ce qui concerne les villes grecques par R. Martin, du moins al’utiliser avec beaucoup de precaution. Les instruments de gestion restent rudimentaires et lesplans reguliers s’expliquent davantage par une division de l’espace rural que par une visionurbaine precise. »

74. Voir Gorman 1995 ; nous reprenons les elements les plus pertinents de la demonstration deVanessa Gorman, en particulier p. 392.

75. Lexique, rubrique « Hippodamou nemesis », dans Hesychii Alexandrini Lexicon, recen. Mau-ricius Schmidt, Iena, Friedrich Mauk, 1860, vol. II, p. 366.

76. A noter que Vitruve ne mentionne a aucun moment Hippodamos dans son ouvrage, ce quilaisse planer un doute sur le statut et la renommee du personnage a l’epoque de la composition duDe Architectura.

77. Piero Vettori (1499-1585), humaniste italien, etait un excellent connaisseur d’Aristote.

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pokration, lexicographe alexandrin du iie siecle qui presente Hippodamos

comme un « architecte », « constructeur de maisons au Piree et a Athenes ».Vettori assimile alors le constructeur et le repartiteur des citoyens 78 ; ilcommente ainsi sa traduction de diairesis poleos par urbium divisionem :« Il rapporte donc qu’il fut le premier a decouvrir la division des villes ; etj’ajoute (si je ne m’abuse) qu’il a montre de quelle facon les rues et lespassages publics devaient etre differencies et traces 79 ». Ce « si je nem’abuse », comme le fait tres justement remarquer Gorman, met bien envaleur cette bifurcation de sens, d’autant plus troublante que Vettori lui-meme semble conscient de cette ambiguıte. Remarquons le respect, danssa traduction latine, de l’equivalence polis-civitas alors que quelques motsplus loin, il allie divisio (diairesis) a urbs, et non plus a civitas. Effective-ment, c’est bien la que semble naıtre une confusion, au sens fort du terme,entre le spatial et le social. Mais cette confusion est-elle fortuite ? L’erreurde Vettori n’est pas une simple erreur de traduction, sa connaissance dugrec et d’Aristote etant hors de doute. Ce nisi fallor trahit la confusion del’ordre spatial et de l’ordre social, ce qui n’est guere etonnant en uneperiode ou, en Italie tout au moins, la reflexion sur la ville comme entitephysique emerge au detriment des anciennes solidarites medievales.Autrement dit, Vettori exprime, assez ingenument semble-t-il, tout unnouveau courant de pensee, en rapport avec la litterature utopique et lesreflexions sur ce qui deviendra, bien plus tard, l’urbanisme en tant quediscipline et champ intellectuel a part entiere.

Moment vertigineux, et premier flechissement de sens qui rend possibletoute une serie d’interpretations du texte d’Aristote en rapport avec unHippodamos de plus en plus efface par sa posterite philologique moderne.Nous assistons donc bel et bien, dans ce court passage, a un veritablephenomene de substitution, ou le fait d’utiliser un mot pour un autreouvre une breche intellectuelle inedite et riche de nouveaux contresens.Le mouvement est ainsi lance jusqu’a nos jours.

Cette superposition de sens est en effet par la suite reprise par d’autrestraducteurs, comme Daniel Heinse en 1621 , Million en 1803, puis lesmodernes 80. L’ignorance de la ville de Milet (et d’autres) comme le faitremarquer Gorman, empeche toute confrontation entre le temoignaged’Aristote et les vestiges archeologiques. Cette traduction defectueuse

Retour sur Hippodamos de Milet / 103

78. Cf. Gorman 1995, p. 394.

79. « Primum igitur narrat eum divisionem urbium invenisse : monstrasse inquam (nisi fallor)quomodo viae itineraque publica distingui formarique deberent. » (« Il raconte en effet que celui-cifut le premier a decouvrir la division des villes : il a montre (si je ne m’abuse) de quelle maniere lesvoies et les chemins publics devaient etre distingues et faconnes. »)

80. Voir Gorman 1995, p. 392.

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enterine donc durablement la figure planificatrice d’Hippodamos. L’ad-jectif « hippodameen » accole a toute une famille de plans de villerenforce cette idee implicite d’un pere fondateur qui serait Hippodamospar une sorte de sedimentation culturelle, manifestee dans un certainnombre d’ouvrages, pour certains classiques.

Un exemple de rhetorique graphique

Il peut sembler etrange de devoir analyser un plan pour expliqueren quoi un personnage, certes historique, peut en arriver a devenir unetelle figure emblematique d’une discipline inexistante a l’epoque de sonactivite, nous voulons dire l’urbanisme. Mais il se trouve qu’au fur et amesure de l’avancement de nos propres recherches, nous avons remarquela recurrence du plan de Milet etabli par Armin von Gerkan 81 dans denombreux usuels d’archeologie ou d’histoire de l’urbanisme. Ce plan estpresente comme le modele abouti de la ville « planifiee ». Et souvent, dufait d’une chronologie « haute » pourtant contestee par Burns et Gorman,Hippodamos se retrouve contemporain de la reconstruction de sa proprecite apres les guerres mediques. Il devient ainsi ce planificateur brillant quiimpose la marque de son genie dans le sol meme de sa ville natale. Œuvreassez remarquable pour lui permettre d’agir dans la cite-mere de l’helle-nisme, Athenes, appele par Pericles lui-meme. Cette longue paraphraseque nous venons de faire de la vulgate hippodameenne trouve son abou-tissement comme son autojustification dans la carte dressee par vonGerkan 82. Or, cette carte n’est rien moins qu’innocente, et elle met enœuvre, de facon certes subtile, une rhetorique graphique impeccable 83

propre a entraıner l’adhesion du lecteur-spectateur quant au genie orga-nisateur d’Hippodamos. Mais en quoi cette carte est-elle rhetorique ?(figure 1)

Elle est rhetorique du simple fait des choix graphiques operes par ceuxqui l’ont confectionnee : tout d’abord, le trace des rues est hautementconjectural ; sans vouloir entrer dans le debat sur la definition des

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81 . Von Gerkan, 1924 : un ouvrage de reference pendant longtemps.

82. Pour une critique davantage archeologique de cette carte comme du role attribue a Hippo-damos, cf. Longo 1999, p. 192-199, et ses remarques a propos du travail de von Gerkan. Cf.egalement la bibliographie de ce meme article, qui fait le point sur les fouilles de Milet. FaustoLongo met bien en evidence la surestimation du role accorde tout a la fois a Hippodamos en tantque concepteur et a Milet en tant qu’exemple de « planification » urbaine realise a l’age classique.Cf. egalement Greco 1983, passim.

83. Cf. Etienne 1991 , p. 41 , a propos de l’ouvrage de Hoepfner et Schwandner : « En fait, c’est unimmense point d’interrogation qu’il aurait fallu appliquer sur ces plans, qui resultent de manipu-lations sur des modules en pieds, sur quelques resultats de sondages insuffisants [...]. »

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Retour sur Hippodamos de Milet / 105

Figure 1 : Plan de Milet.Hors texte (no 6) dans l’ouvrage de von Gerkan. Taille originale in 8o.

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termes de reconstitution, restauration ou restitution, il serait tout dememe preferable de relativiser la realite de ce plan de Milet : il s’agit enfait d’une proposition, comme il en existe tant d’autres en archeologie.Pour s’en convaincre, il suffit de prendre la nouvelle proposition du plande Milet que Hoepfner et Schwandner font dans leur ouvrage. Il apparaıtalors nettement que la carte propose des options interpretatives, des pos-sibilites, mais pas un resultat definitif. On le decele par exemple dans ladivergence des axes de circulation ou dans la difference de taille des ılots.Encore une fois, la carte n’est pas le territoire. Mais cette precaution estvite oubliee, d’autant plus que l’echelle de representation est elle-memeoubliee. En effet, la petitesse du dessin oblige a reduire graphiquement lasymbolisation du trace des rues ; autrement dit, ces rues, deja hypotheti-ques (mais dans le bon sens du terme), apparaissent comme des lignesrigoureusement droites. Et leur orthogonalite apparaıt sans faille, au termed’un processus ou les generalisation et simplification graphiques valentpour une generalisation et simplification similaires du discours. Le dispo-sitif de conviction est ainsi boucle : le plan apparaıt comme une imagereelle faite par un personnage non moins reel ; la perfection geometriquedu plan (qui omet par definition la troisieme dimension que nous evo-quions au debut de notre etude) reduit la diversite topographique a uneuniformite sans equivoque. Et cette carte a une telle puissance de convic-tion qu’on la retrouve dans bien des ouvrages, sans aucun recul critique 84.Elle permet, en outre, en conjonction avec la tradition historiographiqueque nous venons d’evoquer, d’enoncer des anachronismes preoccupants.

Certains auteurs, dans les annees 1960, comme Roland Martin 85,n’hesitaient pas a recourir a des termes anachroniques pour decrirel’œuvre d’Hippodamos. Le « zoning », ou encore le « fonctionnalisme »deja evoques plus haut, le « rationalisme » du Milesien ou de ses contempo-rains. Mais ce fonctionnalisme, elabore entre autres par toute l’ecole d’ar-chitecture progressiste, qu’a-t-il a voir avec celui impute aux Grecs desepoques archaıque et classique ? Encore une fois, parler de repartition plus

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84. Car – doit-on le rappeler ? – la vision cartographique est une vision particuliere, recente, ettres subjective. En aucun cas on ne peut assimiler l’apparence d’une carte a la forme de la ville.C’est une reduction visuelle qui aboutit a une reduction de sens extremement brutale, d’autantplus que cette vision d’en haut que propose la carte resulte du choix de groupes sociaux precis.

85. Martin 1987, p. 90 : « Cette preoccupation primordiale de l’urbanisme contemporain [lefonctionnalisme] s’exprime dans l’etablissement du zoning, elaboration raisonnee du planurbain et repartition imposee des diverses zones de constructions : administrative, residentielle,commerciale, industrielle, d’apres les fonctions que chacune d’elles est appelee a remplir. Or, cetterecherche est au fond meme de l’urbanisme de la Grece antique : des le v

e siecle av. J.-C. lanecessite du zoning s’est imposee a l’esprit des architectes charges d’etablir les plans des citesnouvelles ou de celles qui reparaient les ruines laissees par les guerres. [...] »

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que de zoning n’est pas un cache-misere, cela correspond simplement a unevolonte d’honnetete face a des manieres de faire qui nous restent largementmal connues. Le terme de rationalisme, lui aussi si souvent utilise pourdecrire ce plan « hippodameen », est-il adapte a une population qui baigneaussi dans un environnement sacre tres concret, ou le mysticisme pythago-ricien est sans doute encore present, et pour qui la cesure pour nousevidente du religieux et du politique n’est pas aussi nette et peremptoire ?Tous ces concepts commodes n’ont pas la meme portee, ni le memecontenu lorsque l’on se reporte a des periodes si reculees, et un examende leur signification, comme de leur historicite, apparaıt necessaire, surtoutlorsqu’il s’agit de notions liees a l’espace, categorie a premiere vue directe-ment saisissable et peu sujette a confusion, et en fait redoutable foyerd’erreurs, d’errements, d’equivoques. Cet espace si conflictuel est tant solli-cite qu’il nous faut nous mefier doublement des lors que l’on tache d’ensaisir les logiques et les representations.

L’enjeu majeur, la cesure et le rapport le plus exact, est celui entre formeurbaine (spatiale) et forme sociale. C’est un enjeu de recherche crucial,et en meme temps d’une terrible complexite. Il est bien evident que lasuperposition de sens operee par Piero Vettori revele cet enjeu, ou cetteconfrontation. Mais on aura bien agi si l’on evite des confusions de sensqui finissent par rendre inextricables ces memes rapports, au point de sedemander s’ils existent.

Il s’agit, enfin, de contredire cette legitimation abusive des travaux deplanification modernes fondee sur une Antiquite sublimee : Le Corbusier etses nombreux suiveurs n’en finissent pas, helas, de ressusciter ce mythe del’architecte demiurge 86. Mythe a briser, encore et toujours. Ainsi, le textelui-meme peut constituer un garde-fou salutaire a ces diverses derives. Voicidonc a present nos propositions de traduction « retouchee » des passagesd’Aristote analyses pour mieux saisir la distance qui separe l’Hippodamoscontrefait du personnage « reel », pour autant que l’on puisse le restituer :

Livre II, 1267b, 1 : « Hippodamos, celui qui a mis au point une maniereparticuliere de diviser la cite et a par ailleurs procede au decoupagecomplet du Piree [...]. »

Livre VII, 1330b, 22-23 : « Quant a la disposition des habitations, onestime qu’elle est plus agreable et plus adaptee a des activites variees sielle obeit a un bon decoupage [i.e. qui n’entrave pas les deplacements],selon la maniere plus recente, celle d’Hippodamos. »

Retour sur Hippodamos de Milet / 107

86. Cf. Francoise Choay, L’Urbanisme, utopies et realites, Paris, Seuil, 1966, introduction, p. 41 .Cf. egalement Benedetto Gravagnuolo (a cura di), Le Corbusier e l’antico. Viaggi nel Mediterraneo,Napoli, Electa, 1997.

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En somme (et pour conclure), tant que l’adjectif « hippodameen » conti-nuera d’etre utilise, meme par simple commodite ou convention, subsis-tera l’ambiguıte de la paternite et de la nature d’un plan de ville qui,de toute facon, doit etre remis en cause a la fois dans sa definition, sapertinence et son existence meme. Car elaborer une typologie formelle surdeux dimensions, n’est-ce pas fausser, des le debut, tout effort raisonnablede comprehension du monde urbain antique ?

L’abandon de cet adjectif debarrasserait l’etude des villes de la tentationde la personnalisation, tentation dangereuse car elle engendre une visionbiaisee de la realite de la dynamique urbaine. Il est vrai qu’un modele sansauteur perd de sa force de persuasion et nous avons conscience de ladifficulte de trouver une expression de substitution.

Mais n’est-ce pas la l’occasion de reconsiderer avec un regard neufle monde urbain ancien, y compris dans son rapport avec l’evolutiongenerale des villes ? Une approche plus attentive aux echelles (en particu-lier aux grandes echelles) et aux variations d’analyse spatiale qu’ellesimpliquent nous apprendrait certainement beaucoup sur ces environne-ments complexes que sont les villes.

Une autre tendance dont il serait bon de se defaire est cet interet un peususpect pour le geometrique, ou le regulier. Bien souvent, la decouverte deces pseudo-regularites n’est qu’un faire-valoir, un moyen de mettre en avantle brio interpretatif ou la sagacite de tel ou tel, au detriment des faits, quicomme on le sait, sont tetus. Ainsi, le degre de generalisation du discoursque nous avons mis en evidence dans le cas du plan de Milet s’appuie t-ilsouvent sur une generalisation operee dans la representation graphique desobjets etudies. Habitude negligente, deletere et parfois peu honnete.

Enfin, il conviendrait de s’interroger sur le role de cette constructionmythographique dans notre histoire culturelle, et en particulier, bien sur,celle de l’espace. La suppression de cette figure « hippodameenne » faitrejouer de maniere certainement derangeante les acquis relatifs a l’his-toire des villes et en particulier ce discours moderne qui tend a trouverdans l’Antiquite grecque une legitimation rassurante de vertus supposeesactuelles : « ils savaient deja faire cela ! ». Il est temps, nous semble-t-il, dese debarrasser de ces prejuges, qui traversent allegrement differentsmilieux du savoir ou du savoir-faire. La circulation de ces prejuges, leurconformation, leur logique nous renseignent beaucoup sur nous-memes.

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110 / Histoire urbaine - 21 / avril 2008

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