Paris, 27-28 novembre 2010 Colloque Le français régional antillais: exploration et délimitation...

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Paris, 27-28 novembre 2010

Colloque Le français régional antillais:

exploration et délimitation d’un concept

Ernest Pépin, romancier guadeloupéen contemporain

Corpus

Plan

I. Phénomènes qui affectent la forme graphique des mots.

II. Quelques observations de morphologie lexicale (+ observations ponctuelles de sémantique lexicale).

I. 1. L’agglutination.a) Z de liaison

V. Thibault 2009, RLiR, 73, 85-86.

Ex.:

zami n. m. “ami” (Envers, 137)

zenfant / z’enfant “enfant” n. m. (Envers, 140, Tambour, 219)

zépon “éperon” n. m. (Homme, 128)

z’oiseau “oiseau” n. m. (Tambour, 164)

z’oreille n. m. “oreille”; “personne de race blanche venant de France, blanc” (Tambour, 201)

zindien n. m. “indien”. (Tambour, 14)

b) É prothétique

émédia n. m. pl. “mass-média”.

« Les émédias n’auraient pas dû accepter ça quand même! » (Envers, 11)

L’aphérèse

Méricain n. m. “Américain” (Homme, 106, Envers, 55)

niversiare n. m. anniversaire” (Envers, 137 + 140)

Mais:

«anniversaire CR. service anniversaire» Peleman 1978 s.v. annivèsè ânivèsè, anivèsè, a-ni-vèsè.

portance n. f. “importance” (Envers, 9) « Tout n’a pas la même importance – elle disait ‛portance’ – dans

le sorbet de la tête.» (Envers, 9)

tablissement n. m. “établissement” (Envers, 137).

Le redoublement

doudou n. m. f. “chéri(e), petit(e) ami(e)” (Envers, 33); < doux

fifine n. f. “bruine” < fine (Tambour, 132)

lolo “petite épicerie traditionnelle où l’on trouve de tout”; Tambour, 82 + Homme, 26, 46, 174 ; Coulée, 152; < lot.

Composition.Termes récurrents.1. Femme

chien femme / chien-femmes n. f. “homme obsédé par les femmes” (Tambour, 122, 16; Homme, 91, 68).

femme-épave n. f. “femme arrivée dans un état déplorable” (Coulée, 163)

femme jardin n. f. “femme qui assure la surveillance d’un jardin” (Envers, 121-122)

femme-matador n. f. “femme antillaise qui sait faire face aux vicissitudes de la vie” (Envers, 64)

femme-dehors n. f. / fanm-dewo “concubine” (Envers, 64)

femme-ogresse n. f. (Homme, 167)

mâle-femme / mâle femme n. f. «femme qui n’a pas froid aux yeux, qui travaille comme un homme» (H. Poullet, 8 octobre 2009)

+ Mots d’auteur

femme-mandoline n. f. (Tambour, 63)

femme-mahogany n. f. (Envers, 125) “femme qui a un caractère fort”

femme-ogresse n. f. (Homme, 167)

2. Mâle

Breton 1665, 295: woki : li : pe : lo (s.v. oüekélli) se traduirait littéralement en fr. par “mâle chien”. → les noms composés avec le mot mâle en F.R.A. = des calques de structure d’après des mots caraïbes?

Ex.:

mâle-canard. n. m. (Tambour, 47)

mâle-chien. n. m. (Tambour, 85)

mâle crabe. n. m. (Envers, 42)

3. Manman

manman-dlo n. f. “personnage féminin de récits fantastiques antillais ressemblant à la Sirène”

manman-poule n. f. “poule qui a des poussins” (Envers, 127)

manman-z’enfants n. f. “femme qui a des enfants” (Tambour, 202, 27)

4. Moune

gran-moune n. m. “adulte” (Envers, 122)ti-moune n. m. “enfant” (Homme, 106)moune-lapointe n. m. pl. “gens qui habitent en Guadeloupe, à Pointe-à-

Pitre” (Homme, 51)moune-bitation n. m. “campagnard” (Homme, 116)moune-communes n. m. pl. “gens habitant les petites localités”

5. Papa

papa-fromager n. m. “grand arbre tropical dont les fruits fournissent le kapok” (Tambour, 117).papa-manguier n. m. “grand arbre tropical de la famille des Térébinthacées”. (Envers, 73).papa-bonhomme. n. m. “personne adulte à qui l’on doit le respect”. (Tambour, 89).papa-nègre n. m. “personne âgée”. (Tambour, 202). Le mot nègre peut s’appliquer à tout être humain.

6. Pays

blanc-pays / Blanc-pays n. m. “Antillais en principe non issu de métissage, descendant direct des premiers colons blancs, et qui appartient à la classe dirigeante du point de vue économique”. (Tambour, 100; 15; Homme, 125-126; Envers, 101; Coulée, 62, 82, 116).

café-pays n. m. “café local”. (Envers, 38).  cochon-pays n. m. “cochon local, maigre” (Envers, 110), mais aussi cochon-planche n. m.

7. Pied / Pyé.

V. Chaudenson 1974, 842-843.

V. J.-P. Chauveau cité dans DECOI3: Influence bretonne? gwez “arbre” + nom de fruit :

gwez avaloù “pommier”,

gwez per “poirier”,

gwez prun “prunier”,

gwez peches “pêcher”, etc.

pied-bois n. m. “arbre” (Tambour, 117).

pied-coco n. m. “cocotier”.

  « Chants de pieds-cocos aux douceurs de pâtisserie. » (Tambour, 171)

8. Sans

sans-éducation n. m. “personne qui n’a pas reçu une bonne éducation” (Tambour, 22).

sans manman n. m. “vagabond”; (Tambour, 202). loc. adj. “sans pareil” (modalité de formation du superlatif absolu)

« Des ivrogneries sans manman allumèrent la déraison dans le boucan de son cerveau. » (Homme, 173)

9. Ti (m), Tit (f.)

Rép. Normandie (v. FEW 8, 342b-343a *PETTITTUS) ainsi qu’au

Canada (v. GPFC 1930 ; Bélisle 1957), à Terre-Neuve (v. BrasseurTN 2001), en Louisiane et dans les créoles français.

Noms propres: Ti-Saint-Louis (Homme, 115, 128) cf. Ti-Bé (fr. québécois: Maria Chapdelaine de L. Hémon)

tit-affaire n. f. “petite affaire” (Homme, 116);

ti-banc n. m. “petit banc” (Homme, 31; Tambour, 40). Le syntagme équivalent du FR, petit banc, se rencontre également chez E. Pépin (Tambour, 171; Envers, 127).

ti bo n. m.; “petit baiser” (Envers, 32);

ti-bois n. m. “instrument de musique traditionnelle sous forme de petit bâton que l’on frappe sur un tronc de bambou sec” (Tambour, 28);

tite-femme n. f. “femme qui n’a pas une bonne réputation” (Homme, 116).

ti-figue n. m. “petite banane sucrée” (Tambour, 98; Envers, 172).

ti-mâle n. m. “jeune garçon” (Tambour, 61; Homme, 92).

ti-match de football n. m. “une petite partie de football”; (Tambour, 196);

ti-punch n. m.; “petit coup de rhum agrémenté de sirop de canne à sucre et du citron”; (Tambour, 196; Envers, 47; Homme, 33);

ti-secoué-corps n. m. “petite danse”.

titane n. f. “demi-mondaine, courtisane” .

Mots composés à valeur explicative.

→ l’art de l’explication de l’auteur.

chauve-souris-guimbo n. m. “mammifère ressemblant à une souris qui vole grâce à des ailes membraneuses” (Tambour, 187)

libellule-zing-zing n. f. “libellule” (Tambour, 16).

Hypéronyme français + hyponyme créole.

oiseau-foufou / oiseau-fou-fou n. m. “oiseau colibri” (Tambour, 191, 114).

oiseau-Piade n. m. “espèce d’oiseau, Vireo altiloquus” (Tambour, 33).

tambour-djimbé n. m. “tambour d’origine africaine” (Tambour, 219).

Constructions verbales sérielles.

V. T.F. Zanoaga, «Analyse lexicologique et morfosyntaxique des particularités verbales dans trois romans d'Ernest Pépin, auteur antillais», dans Le français en Afrique , n° 26 / 2010.

sauter-mâter vb. intrans. “sauter en tous sens” (Tambour, 34).

Mots-valises.

francréole N. m. “Français né aux Antilles” (Tambour, 200).  

negzagonal n. m. “Antillais de race noire qui est né et qui vit en Métropole”. (Tambour, 200)

oraliture. n. m. “littérature qui s’inspire beaucoup de ses origines orales et qui tend à les exprimer à travers l’écriture”. (Tambour, 230).

Cas particuliers.

Quel rapport ?

sauvé-vaillant n. m. “combat rythmé par le tambour dans les veillées mortuaires” (Homme, 54)

ravine-onze-heures n. f. “torrent qui traverse la ville de Petit-Bourg, située à l’est de l’île de Basse-Terre, en Guadeloupe” (Tambour, 76).

Conversion.

Vb. / Loc. > N. comprendre n. m. “compréhension” (Envers, 53)

Adj. > N. jaja n. m. “personne jalouse” (Envers, 72) < adj. jaja “jaloux”

Adv. / Loc. adv. > N. et caetera n. m. “grand nombre de” (Tambour, 18).

Interj. / Onomatopée > N. bankoulélé “désordre” (Envers, 160)

Syntagmes > N. en-ville n. m. “ville” (Tambour, 57). faiseur de rien-bon-à-tout-faire n. m. “personne qui ne sait

rien faire de particulier, mais qui ’essaie à tout” (Homme, 52). rien-à-perdre n. m. “personne qui n’a rien à perdre” (Tambour,

202).

Dérivation.

Le nombre élevé de dérivés avec suff. d’agent.

 -eur (m.) / -è: rasoyeur n. m. “voyou qui manie le rasoir comme arme blanche”

(Tambour, 61) cocagneur. n. m. “tricheur, resquilleur, parasite, écornifleur” (Tambour,

200) djobeur n. m. “personne qui fait de petits travaux non déclarés”; géreur n. m. “responsable d’une exploitation coloniale” (Tambour, 99) marqueur/ makè n. m. “joueur qui marque le rythme du gwoka”

(Tambour, 68; 87) mayolè n. “danseur qui mime un combat avec un bâton” (Envers, 169)

-euse (f.):

amarreuse n. f. “femme qui lie la canne par paquets” (Tambour, 15);

-ier (m.):

séncier n. m. “sorcier qui a la capacité de voir l’avenir” (Homme, 26);

-ien: boularien n. m. “joueur de tambour”; synon. créole -è: boulayè;

(Tambour, 118, 87, 107, 120); domien n. m. “personne originaire des DOM français” (Tambour,

200);

Le mot est formé par suffixation à partir de DOM (sigle pour Département d’Outre-Mer) avec le suff. -ien.

Délocutivité.

dépendez-moi-ça n. m. “vêtement d’occasion” (Tambour, 94; 153) diable-arrache-ma-barbe loc. nom. f. (Tambour, 92)

L’emprunt.

aux langues amérindiennes (v. T.F. Zanoaga, «Mots d’origine amérindienne dans un corpus de littérature contemporane» in Çedille, n° 6 / 2010.

à l’anglais (tray)

au tamoul (maliémin)

aux langues africaines (ex.: boloko)

au créole.

Conclusions

La formation des mots – un domaine où le français antillais manifeste son individualité.

La composition, la conversion et l’emprunt – les moyens les mieux représentés.

La formation des mots – reflet au niveau linguistique de la créolité. Les romans d’Ernest Pépin sont un corpus rentable.

Je vous remercie!

Questions…