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7èmes Assises de l’Immigration Samedi 25 avril Grande ... · organisations concernées par les...

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7èmes Assises de l’Immigration Samedi 25 avril Grande salle de Bex Criminalité et étrangers, entre réalités et stigmatisations Synthèse de la journée
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7èmes Assises de l’Immigration

Samedi 25 avril Grande salle de Bex

Criminalité et étrangers, entre réalités et stigmatisations

Synthèse de la journée

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Historique et composition de la CCCI

La Chambre cantonale consultative des immigrés (CCCI) a été créée en 1998. Ses membres sont nommés par le Conseil d’Etat.

Elle réunit des personnalités du monde associatif vaudois d'origine étrangère, des représentants de commissions consultatives locales, des représentants des communes, une personne disposant de compétences particulières en matière de prévention du racisme et enfin la Déléguée à l'intégration des étrangers et la prévention du racisme.

La CCCI a un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de la loi cantonale vaudoise sur l'intégration des étrangers et la prévention du racisme du 23 janvier 2007. Elle étudie les moyens d'améliorer l'intégration des étrangers et la lutte contre le racisme. Elle sensibilise le Gouvernement sur ces questions et émet des avis sur les projets de modifications significatives des lois et des règlements dans ces domaines.

Depuis 2003, la Chambre cantonale consultative des immigrés (CCCI) organise chaque année les Assises de l'immigration. Elles permettent aux personnes et organisations concernées par les questions d'intégration de se rencontrer et de réfléchir ensemble.

Lausanne en 1997 Ce sont les premières Assises organisées au Théâtre de Vidy par le Conseiller d’Etat Josef Zisyadis Immigration, intégration et droit de vote des étrangers Renens en 2003 La participation politique des étrangers Moudon en 2004 Les discriminations Morges en 2005 Quelle politique d’intégration dans le canton de Vaud ? Yverdon-les-Bains en 2006 Droits politiques des étrangères et des étrangers Ecublens en 2007 L’apport des migrant-e-s à la société d’accueil Bex en 2009 Criminalité et étrangers, entre réalités et stigmatisations

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Composition de la CCCI

CAPT Gloria Présidente de la CCCI AMARELLE Gabriela

Déléguée à l’intégration de la Ville de Lausanne

ARN Andréa Présidente de l’Association des Communes Vaudoises ARNEDO Roberto Président du Centre Espagnol Garcia Lorca-Association des

Andalous BEAUFILS Yann Vice-président de l’Union des Français de l’Etranger-Suisse

romande (UFE) GIRARDIN Lionel Conseiller municipal de la Ville de Vevey GONZALEZ-OSTOS Brigitte

Membre du comité de l’Asociación Venezolana-Suiza

GÜN David Délégué du Groupe Suisses-Etrangers de Moudon et région HANSELMANN Magaly

Déléguée cantonale à l’intégration des étrangers et la prévention du racisme

KAJTAZI Driton Président du conseil de fondation de l’Institut Suisse d’Etudes Albanaises (ISEAL)

LEVRAT Eric Président de la Commission d’Intégration et d’Echange Suisses-Etrangers d’Ecublens

MAURER Charly Responsable régional de la Fondation Education et Développement

MICHEL Alain Président de la Commission Consultative Multiculturelle de Bex

MUAMBAYI Luaba Dominique

Président de l’Association Culturelle Kasaï ((ACK)

OTHMANI Fathi Président de l’Association les Aigles de Carthage PARAMSOTHY Selvasothy

Président de l’Association art et culture tamouls dans le Canton de Vaud

PIGUET Michel Secrétaire de la Commission d’Intégration Suisses-Etrangers de Nyon

REITER Alfons Vice-président de la Commission Consultative Suisses-Immigrés d’Yverdon-les-Bains

RODRIGUES Maria Filomena

Secrétaire de la fédération des Associations Portugaises de Suisse (FAPS)

SEN Cengiz Président du Centre Culturel des Alevis Anatoliens de Lausanne

TREDANARI Grazia

Présidente du Comitato degli Italiani all’Estero VD-FR

VALLI Marcelo Vice-président de l’Association Presencia Latinoamericana WOLDE Dejene Membre de la Direction de l’Association d’Entraide de la

Communauté Ethiopienne dans le Canton de Vaud

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Table des matières

Préambule

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Programme de la journée

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Allocution de Me Capt, présidente de la Chambre cantonale consultative des immigrés CCCI et vice-présidente de la LICRA VAUD

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Résumé de l’exposé du Dr André Kuhn, professeur de criminologie et de droit pénal aux universités de Lausanne et de Neuchâtel

Page 10

Exposé de M. Peter Rothenbühler, directeur éditorial adjoint, Edipresse

Page 11

Résumé de l’exposé du Dr Rosita Fibbi, professeure à l’Université de Lausanne

Page 12

Résumé de l’exposé du Dr Denis Ribeaud, criminologue et coordinateur de projet scientifique à l’Université de Zurich

Page 14

Discours prononcé pour la remise du Prix du « Milieu du monde » par Victor Ruffy

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Espace public, intervention précoce, travail avec les jeunes

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Annexes :

� Intégralité de l’exposé du Dr Kuhn avec la devinette crimino-migratoire

� Intégralité de l’exposé du Dr Rosita Fibbi � Intégralité du discours « Prix du Milieu du Monde » � Communiqués de presse � Revues de presse

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Préambule

Pour ces Assises de l’immigration 2009, la Chambre cantonale consultative des immigrés (CCCI), nommée en 2008 par le Conseil d’Etat, a décidé d’empoigner une thématique délicate. Omniprésente dans la campagne électorale 2007, la «question des étrangers» s’est construite dans l’espace public sur un tableau très dichotomique des «étrangers», apparaissant dans les médias soit comme des coupables, soit comme des victimes. La CCCI, formée de représentants des communautés étrangères du canton – personnes clefs, acteurs de leur intégration et de celle de leur communauté – se donne voix au chapitre dans une discussion où, même s’ils en sont les principaux objets, les étrangers sont peu conviés à participer aux délibérations. La journée des Assises réunira des politiciens et des spécialistes de différents horizons (criminologues, pénalistes, sociologues et journalistes) dans le but de donner à la population suisse et étrangère les outils nécessaires à une analyse approfondie et une interprétation nuancée de ce thème. Elle sera agrémentée de l’exposition «L’autre.ch» qui présente des portraits de personnes migrantes vivant en Suisse, ainsi que des éclairages universitaires, afin d’amorcer des pistes de réflexion sur des thèmes tels que «Race et racisme», «Croyances, préjugés et stéréotypes», « Discours sécuritaire et médias», «Immigration et victimisation». Les Assises seront également l’occasion de visionner un court métrage réalisé par une jeune réalisatrice portugaise, «Voyage en Suisse», dans lequel Mariana, 6 ans, vit dans un village du Portugal avec sa tante. Elle ne comprend pas pourquoi elle ne peut pas rejoindre ses parents, qui travaillent en Suisse et qui n’ont pas le droit au regroupement familial. Cette journée sera également marquée par la remise, pour la première fois, du «Prix du Milieu du monde». Cette récompense distingue une collectivité ou une personne privée – suisse ou étrangère – qui s’est illustrée par des activités répondant de près aux objectifs de la loi cantonale pour l’intégration des étrangers (LIEPR) et qui a démontré son impact positif sur la compréhension mutuelle entre les populations vaudoise et étrangère établies dans notre canton.

Magaly Hanselmann, déléguée

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Programme de la journée

Découverte de l’exposition «L’autre.ch» • M. Michel Flückiger, syndic de Bex • Me Gloria Capt, présidente de la Chambre cantonale consultative (CCCI) et vice-présidente de la LICRA Vaud Eclairages d’experts : Comprendre la criminalité, quelles sont les variables à prendre en considération ? • Dr André Kuhn, professeur de criminologie et de droit pénal de Lausanne et de Neuchâtel

Comment la thématique est-elle traitée par les médias ? • M. Peter Rothenbühler, directeur éditorial adjoint, Edipresse Accès au travail pour les jeunes issus de la migration, impact du groupe d’origine • Dr Rosita Fibbi, professeure à l’Université Violence chez les jeunes et immigration, évolution et facteurs • Dr Denis Ribeaud, criminologue et coordinateur de projet scientifique à l’Université de Zurich Repas Remise du Prix du Milieu du Monde Espace public, intervention précoce, travail avec les jeunes • M. Christian Wilhelm, responsable de projets à Radix Promotion • M. Alain Michel, municipal responsable de la sécurité publique à l’intégration de la commune de Bex • M. Nicolas Perelyguine, délégué Jeunesse de Renens Court métrage « Voyage en Suisse », Vanda Rodrigues Table ronde • M. Carl-Alex Ridoré, préfet de la Sarine • M. Philippe Leuba, conseiller d’Etat vaudois et chef du département • M. Yvan Perrin, vice-président de l’UDC et conseiller national • M. Adrian Gerber, chef de la Section intégration de l’Offi ce • M. Antonio Hodgers, conseiller national « Les Verts » • Mme Rebecca Ruiz, présidente du Parti socialiste lausannois Modération de la journée : Laurent Bonnard, journaliste

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Allocution

Gloria Capt – présidente de la CCCI

(Seul le texte prononcé fait foi)

DISCOURS du 25 avril 2009 J’ai le plaisir d’ouvrir les 7e Assises de l’immigration mises sur pied par la Chambre cantonale consultative des immigrés et j’ai le plaisir de vous y accueillir. Plusieurs personnes, retenues par d’autres engagements se sont excusées, notamment : M. le Conseiller d’Etat et chef du Département de l’économie Jean-Claude Mermoud, les Municipalités de Château d’Oex, Payerne, Cronay et Clarens, M. le Député Jean-Michel Favez Je passe la parole à M. Michel Flückiger, Syndic de Bex pour le message de bienvenue de sa commune. Ces 7e Assises ont ceci de différent des précédentes qu’elles ont été organisées par la Chambre cantonale consultative des immigrés entièrement renouvelée suite à l’entrée en vigueur, le 1er mai 2007, de la Loi sur l’intégration des étrangers sur la prévention du racisme et, le 1er janvier 2008, de son règlement d’application. Cette nouvelle loi a pour but de favoriser : - l’intégration des étrangers, - la prévention de toutes formes de racisme, - la compréhension mutuelle entre les ressortissants suisses et étrangers. Pour mettre en oeuvre sa politique d’intégration et de prévention du racisme, le Conseil d’Etat s’appuie sur la Coordinatrice cantonale qu’il a nommée, Mme Magaly Hanselmann, et sur la Chambre cantonale consultative des immigrés. Cette Chambre est composée principalement de 10 à 15 représentants des communautés ou collectivités étrangères, de 2 à 5 représentants des commissions consultatives locales, de 3 représentants des communes et d’une personne disposant de compétences particulières en matière de prévention contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Le Conseil d’Etat a souhaité que les étrangers et les régions soient davantage représentés au sein de la Chambre que précédemment. Y sont ainsi représentées les régions de l’Afrique de l’Est, d’Afrique Centrale et de l’Ouest, de l’Afrique du Nord, des Balkans, l’Espagne, la France, le Portugal, l’Italie, le Sri Lanka, l’Amérique Latine et le Proche-Orient. La Chambre cantonale consultative des immigrés a un rôle important à jouer dans la mise en oeuvre de la Loi cantonale vaudoise sur l’intégration des étrangers et la prévention du racisme. Elle étudie les moyens d’améliorer l’intégration des étrangers et la lutte contre le racisme. Elle sensibilise le gouvernement sur ces questions et émet des avis sur les projets de modification significative des lois et des règlements dans ces domaines. La Chambre a choisi de travailler sur un certain nombre de thèmes importants qui sont la compréhension interreligieuse, l’école, la formation et l’égalité, la lutte contre le racisme, l’intégration et la citoyenneté et la coordination des commissions consultatives communales. Chaque thème est traité par un groupe de travail qui analyse les problèmes et qui devra préparer un rapport à l’attention du Conseil d’Etat

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avec des recommandations et/ou des propositions d’actions concrètes. Ces travaux se déroulent sous l’égide de la Coordinatrice, Mme Magaly Hanselmann, que je remercie ici pour son engagement, son énergie et sa passion si communicative. Je remercie également les membres de la Chambre pour tout le travail qu’ils ont d’ores et déjà accompli. Je remercie enfin le groupe de travail qui a oeuvré pour mettre sur pied ces 7e Assises et tout particulièrement Mmes Magaly Hanselmann, Brigitte Gonzalez Ostos Zoraida, Filomena Maria Rodrigues, et MM. Fathi Othmani, Selvasothy Paramsothy, Dejene Wolde, Alain Michel. Enfin, je remercie très sincèrement d’une part la Municipalité de Bex de nous accueillir dans sa commune et de mettre à notre disposition la salle dans laquelle nous sommes et d’autre part, M. le Municipal Alain Michel, membre également de la Chambre et Président de la Commission consultative multiculturelle de Bex, qui s’est chargé de l’organisation sur le terrain. Le thème que nous avons choisi de traiter aujourd’hui est un thème délicat et sensible. Nous en sommes parfaitement conscients. L’immigration a de tout temps existé. Les mouvements de population se déplaçant d’une région à l’autre ne sont pas nouveaux. En revanche, ce qui diffère aujourd’hui de l’immigration du passé, ce sont les distances parcourues par les immigrants, d’une part, parce que les moyens de transport sont plus rapides qu’aux siècles précédents et d’autre part, parce que le monde a une visibilité nouvelle avec la télévision et internet. Même dans les pays les plus reculés ou les plus pauvres, internet et la télévision existent aujourd’hui. Cette visibilité est évidemment une source d’attrait, car l’immigrant pauvre sera tenté par les nombreux pays riches qu’il croit connaître par les canaux d’information mis à sa disposition. Trois facteurs principaux ont amplifié et accéléré les mouvements migratoires : 1. La pauvreté de nombreux pays et l’incapacité de ces pays à remédier à la situation 2. Les conflits armés dans de nombreux pays 3. Le réchauffement climatique qui réduit la calotte glaciaire, accélère la désertification et bouleverse le niveau des mers. S’il ne s’agit pas là de la cause principale de l’immigration, il est indéniable que les facteurs environnementaux jouent sans aucun doute sur la décision des immigrants. Aujourd’hui, on compte 25 millions de réfugiés climatiques alors que les réfugiés politiques ne sont que 12 millions. On prédit qu’en 2050, il pourrait y avoir 200 millions de réfugiés climatiques. Philippe Bernard, dans un article paru dans le Monde « Tous les migrants ne sont pas libres et égaux », a écrit ce qui suit : « Jamais la planète n’a été prise dans une pareille fièvre migratoire, jamais le monde n’a été aussi mélangé. Ce melting-pot global produit des réactions de crispation identitaires, voire des affrontements; il permet aussi de rêver à un avenir de cohabitation et de métissage. Mais pour l’heure, le monde des migrations apparaît profondément inégalitaire : tandis que les ressortissants des pays développés disposent d’une liberté de déplacement et d’installation quasi universelle, ceux du Tiers Monde se heurtent à de sérieux obstacles non seulement financiers (coût du voyage), mais aussi juridiques (refus de visa). L’attrait d’une vie meilleure est tel, cependant, que beaucoup n’hésitent pas à risquer leur vie pour migrer. La multiplication des barrières implacables à l’entrée des zones de prospérité souligne d’ailleurs la contradiction entre l’idéal proclamé d’un monde de libre échange global et la réalité d’une liberté réservée aux nantis. Sur cette planète migrante, plus d’un

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million de personnes quittent chaque année définitivement leur pays, pour des raisons économiques ou pour rejoindre un membre de leur famille. Près de 700'000 aspirent à la liberté en demandant l’asile. Globalement, 191 millions de personnes dans le monde vivent hors du pays dont elles ont la nationalité, qu’elles soient immigrées ou réfugiées (16 millions). Sans oublier les 26 millions de personnes déplacées dans leur propre pays. Au total, ces migrants ne constituent que 3 % de la population mondiale. Personne ne quitte par plaisir sa famille, son pays, sa culture. » En Suisse, selon les derniers chiffres à disposition, publiés par le Service cantonal de recherche et d’information statistique, le taux d’immigrants étrangers pour mille habitants est de 14,3 en 2006 (dans le canton de Vaud, de 27,0), soit l’un des plus hauts d’Europe après le Luxembourg (28,8), l’Irlande (19,6), Chypre (18,7) et l’Espagne (18,1). Les taux les plus faibles s’observent en Pologne, en Roumanie, en Lituanie et en Lettonie (moins de 1 ‰). Ces chiffres nous montrent incontestablement l’ampleur des problèmes que l’immigration peut poser et nous amènent bien évidemment à comprendre que nous sommes obligés de réfléchir aux problèmes que posent les immigrés et les réfugiés. Aux yeux de beaucoup, l’immigration est synonyme d’augmentation de la criminalité. A lire la presse, les cambriolages, le trafic de stupéfiants et le rodéo sur nos routes, pour ne choisir que quelques délits, sont l’oeuvre d’étrangers. Nos prisons seraient principalement occupées par des délinquants étrangers. Qu’en est-il réellement ? Est-ce une réalité ou s’agit-il d’une stigmatisation ? Est-ce que certains facteurs, comme les médias, excusez-moi Mesdames et Messieurs les représentants des médias, n’amplifient-ils pas cette stigmatisation, par exemple, en indiquant systématiquement la nationalité des personnes soupçonnées d’un délit ou arrêtées ? J’ai même lu il y a quelques mois, dans un journal respectable dont je tairai le nom, la mention de l’arrestation d’une personne « vraisemblablement » originaire des Balkans. Cela laisse bien entendu songeur. Je suis impatiente, comme vous sans doute, de connaître l’avis des différents spécialistes que nous avons invités et de connaître leur point de vue. Quelle est la vérité et n’y a-t-il qu’une seule vérité ? Se succéderont donc aujourd’hui des criminologues, des pénalistes, des sociologues et des journalistes pour vous exposer leur point de vue et vous aider à vous forger une opinion. Au-delà des résultats de la réflexion d’aujourd’hui, c’est une problématique beaucoup plus vaste à laquelle il faut réfléchir, à savoir comment intégrer les étrangers qui restent chez nous, quel est le nombre acceptable d’étrangers que nous pouvons accepter dans notre pays et comment limiter leur afflux. En tous les cas, croire que l’on peut gérer cet afflux en durcissant la Loi sur les étrangers et en renvoyant de façon systématique les étrangers ayant été condamnés n’est certainement pas la solution. J’ouvre donc officiellement les Assises et j’espère que nos travaux aboutiront à des recommandations concrètes pour le Conseil d’Etat vaudois conformément à notre mission et que cette journée saura être l’occasion de rencontres, d’échanges d’idées et de confrontation politique. Je passe maintenant la parole à M. Laurent Bonnard, journaliste bien connu de tous, qui fonctionnera comme modérateur tout au long de la journée.

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Comprendre la criminalité, quelles sont les variables à prendre en considération ?

Dr André Kuhn, professeur de criminologie et de droit pénal aux Universités de Lausanne et Neuchâtel

(Seul le texte prononcé fait foi)

(L’intégralité de l’exposé du Dr Kuhn se trouve dans les annexes)

Résumé

Sans vouloir faire de l’angélisme, il faut absolument nuancer l’affirmation – qui se vérifie d’ailleurs dans tous les pays – selon laquelle les étrangers sont plus criminels que les nationaux. En effet, même si les statistiques bivariées permettent effectivement de constater une implication disproportionnée des étrangers dans le phénomène criminel, les mêmes statistiques bivariées permettent d’établir une participation disproportionnée à la criminalité de la part des hommes, de la part des jeunes, de la part des personnes de niveau socio-économique défavorisé et de la part des personnes à niveau de formation modeste. Force est donc d’admettre que les statistiques bivariées ne sont pas à même de répondre à la question de savoir quelles sont les variables principales dans l’explication du phénomène criminel. Il est dès lors nécessaire d’introduire ces variables dans un modèle multivarié permettant de déterminer la valeur explicative supplémentaire de chacune d’elle, de la plus pertinente à la moins explicative.

En agissant de la sorte, on observe que la variance du phénomène criminel est en premier lieu expliquée par le sexe (les hommes étant plus impliqués dans la criminalité que les femmes), suivi de l’âge (les jeunes davantage que les moins jeunes), du niveau socio-économique (les moins favorisés davantage que les plus aisés), du niveau de formation (les personnes les moins formées davantage que les plus formées), pour terminer avec la nationalité qui, le plus fréquemment, n’explique aucune variance supplémentaire de la criminalité, par rapport aux variables susmentionnées.

En d’autres termes, si l’on compare le taux de criminalité des étrangers à celui des nationaux du même sexe, de la même classe d’âge, de la même catégorie socio-économique et du même niveau de formation, il n’existe aucune différence entre eux. En termes de politique criminelle, cela revient à dire que les actions les plus à même de rencontrer un certain succès (en partant bien entendu du postulat qu’il n’est pas possible d’éliminer les hommes et les jeunes) se situent clairement au niveau social (niveau socio-économique et formation), et non au niveau des politiques d’immigration.

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Comment la thématique est-elle traitée par les médias ?

M. Peter Rothenbühler, directeur éditorial adjoint, Edipresse

M. Peter Rothenbühler présente et discute la pratique des médias en la matière. Il se prête volontiers au jeu des questions – réponses avec le public.

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Accès au travail pour les jeunes issus de la migration, impact de l’image du groupe d’origine

Dr Rosita Fibbi, professeure à l’Université de Lausanne

(Seul le texte prononcé fait foi)

(L’intégralité de l’exposé du Dr Rosita Fibbi se trouve dans les annexes)

Les organisateurs de ces Assises vaudoises m’ont posé deux questions auxquelles je vais tenter de répondre. Il me sera plus aisé de le faire en ce qui concerne la première question, à savoir la place des jeunes issus de la migration sur le marché du travail. Je le ferai en parcourant les études suisses qui, chacune avec sa méthodologie spécifique, abordent un aspect de la discrimination. Il m’est en revanche plus difficile d’aborder la deuxième question, celle concernant le lien entre image du groupe et discrimination, car les recherches sur ce point sont très limitées, voire inexistantes. Je conclurai avec des pistes d’action visant à contrecarrer la discrimination dans l’accès à l’emploi.

La statistique des sans emploi1 pour le dernier mois disponible (juin 2008) indique que le taux de personnes sans emploi, à savoir sans occupation et à la recherche d'un emploi, jeunes âgés de 15 à 24 ans était de 6% chez les jeunes Suisses et de 9% chez les jeunes étrangers ; en d’autres termes le risque d’être demandeurs d’emploi est 1.5 fois supérieur chez ces derniers par rapport aux Suisses (1.3 pour les hommes et 1.8 pour les femmes).

Deux hypothèses complémentaires permettent d’expliquer les difficultés d'un groupe de personnes à s'insérer sur le marché du travail: (a) un niveau moyen de qualification inférieur à celui des autochtones qui se répercute dans une moindre employabilité (b) une discrimination à l'embauche sur le marché du travail2.

Les statistiques produites d’année en année viennent régulièrement confirmer que les enfants d’origine immigrée ont plus de difficulté que les autochtones à l’école. Dans ce cas, ils sont, en quelque sorte, responsables de l’accès moins aisé à l’emploi, qui s’explique par leurs origines sociales ou leurs efforts insuffisants pour comprendre et se conformer aux exigences de la société d’immigration3.

1 La statistique des personnes sans emploi (SPSE) je-f-03.03.02.10.xls personnes sans emploi, à savoir sans travail et à la recherche d'un emploi, l'inscription auprès d'un ORP ne constituant pas un critère 2 Une troisième hypothèse est celle d'attitudes différentes vis-à-vis du travail ("ethos" du travail variable selon les origines nationales). Cette hypothèse qu'on pourrait qualifier de culturelle, voire culturaliste, trouve cependant peu d'écho dans la littérature. Elle est rejetée par une récente recherche empirique menée en Angleterre (Barbagli 1998). 3 D’autres explications plus articulées rendent mieux compte de la complexité de la situation ; nous ne mentionnons ici que l’explication « naïve » la plus courante, qui lie l’échec aux seuls déficits et insuffisances des migrants eux-mêmes.

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Les problèmes des uns, toutefois, ne doivent faire oublier les succès scolaires des autres, il est vrai moins nombreux, qui ont des meilleures performances parfois que leurs contemporains autochtones, issus de milieux comparables (Fibbi et al. 2005). Nombre de jeunes d’origine immigrée, motivés à réussir, parviennent à acquérir les compétences requises et se présentent sur le marché de l’emploi avec les cartes en main pour trouver leur voie dans la vie professionnelle et sociale, aux mêmes conditions que leurs camarades autochtones ayant suivi avec succès la même filière de formation. Est-ce que cette attente légitime trouve confirmation dans la réalité ? Est-ce que la société maintient la promesse d’équité – si centrale dans nos sociétés démocratiques à garantir la cohésion sociale – en rémunérant les mêmes efforts de la même manière ?

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Violence chez les jeunes et immigration :

Evolution et facteurs de risque

Dr Denis Ribeaud, criminologue et coordinateur de projet scientifique à l’Université de Zurich

(La présentation power point du Dr Denis Ribeaud se trouve sur notre site

internet :www.vd.ch/integration)

(Seul le texte prononcé fait foi)

Violence chez les jeunes et immigration : Évolution et facteurs de risqueRésultats des études jumelles zurichoises sur la vi olence parmi les jeunes (1999-2007)

Présentation dans le cadre des Assises vaudoises de l’immigrationBex, 25 avril 2009

Dr. Denis Ribeaud, criminologue à l’Université de Z urich

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Discours prononcé pour la remise du Prix du « Milieu du monde » par M. Victor Ruffy

(Seul le texte prononcé fait foi)

(L’intégralité du discours se trouve dans les annexes)

Président du jury : M. Victor Ruffy Ce prix, décidé par la nouvelle Chambre cantonale consultative des immigrés, est un choix des plus heureux et il faut se féliciter d’avoir pu réunir une somme, même modeste, permettant de récompenser d’un geste tangible les actions entreprises pour favoriser l’intégration. L’intégration ne se décrète ni ne se codifie; elle est le résultat d’un effort social collectif des diverses parties, d’une disponibilité, d’une saine curiosité à différentes échelles; chercher à faire connaître des initiatives méritoires et récompenser les meilleures d’entre elles, pour montrer quelles voies peuvent être empruntées, est ce que peut faire de mieux les responsables officiels de l’intégration. J’aimerais saluer, en mon nom personnel, l’attention portée à un des problèmes majeurs de notre société par les autorités du Canton de Vaud, son représentant M. le Conseiller d’Etat Leuba et l’engagement de Mme Hanselmann coordinatrice à l’intégration. Le milieu du monde est pour les Vaudois plus qu’un repère. Il participe plus ou moins ou moins directement à ce sentiment qu’il n’y en a point comme nous, ce qui, apparemment, pourrait être un obstacle à un rapprochement avec qui ne serait pas des nôtres. Cependant, le sentiment de fierté non seulement d’appartenir au monde mais encore d’en être son centre engagé..... Il nous faut insister sur deux particularités qui en résultent et qui obligent. La première particularité c’est qu’il existe de très nombreux milieux du monde ce qui doit rapidement tempérer notre exaltation d’être unique, et de plus, appartenir au club des points centraux comporte des responsabilités vis-à-vis de ceux qui sont autour de nous et ceci jusqu’à la périphérie. La seconde particularité c’est que se situer sur une ligne de partage, là où les eaux s’orientent dans différentes directions pour irriguer et féconder des terres lointaines, éloignées les unes des autres, commande une certaine hauteur de vue et nous fait saisir la notion de partage dans une double acceptation, la plus concrète partage de la fertilité, de la vie et la plus abstraite partage d’identité, appartenance simultanée au lieu que l’on habite et au monde.

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Le grand auteur tchèque Hrabal, à la fin de son roman « Moi qui ai servi le roi d’Angleterre» fait dire à son héros sympathiquement désabusé dans sa réponse aux clients de l’auberge le questionnant sur l’endroit de sa dernière demeure. Je voudrais que ma dépouille ou ce qui en resterait, un os épargné par les rongeurs, mon crâne peut-être, fut ensevelie sur la crête du cimetière qui forme en même temps la ligne de partage des eaux, pour que la pluie puisse disperser des deux côtés mes restes dans un cercueil brisé par la main inexorable du temps, une partie sur le versant tchèque, dans la Vltava, et de là dans l’Elbe jusque dans la mer du Nord, l’autre dans ce ruisseau qui le long des barbelés de la frontière coulait vers la Bavière, vers la Danube et la mer Noire ; ainsi après ma mort je serais un citoyen du monde par excellence, mes restes se rejoignant dans l’Atlantique à travers les deux mers…… Etre au milieu du monde nous permet donc d’accéder à l’universel et nous retrouvons donc notre destinée d’être humain que nous voulons partager mais à la différence du personnage de Hrabal nous voulons le faire de notre vivant. C’est pour récompenser des initiatives inspirées par cet esprit que le prix du milieu du monde a été créé. C’est par conséquent un insigne plaisir et un honneur aussi pour moi de remettre pour la première fois ce prix au nom du Jury qui était formé de Mme Doris Jakubec, Mme Safia El-Abassi El Ghandour, M. Driton Kajtazi (CCCI), M. Fathi Othmani (CCCI), Mme Tredanari (CCCI) et de Mme Magaly Hanselmann (voix consultative). Ce jury a eu à se prononcer sur 18 dossiers tous d’un intérêt évident, certains d’une grande originalité témoignant de la multiplicité des approches possibles de l’intégration, d’autres révélant des résultats remarquables dans la durée grâce à une mobilisation collective et bénévole qui force le respect. Les dossiers présentés étaient d’une telle qualité, si proches par leur mérite qu’il a fallu une discussion nourrie pour parvenir en conscience à désigner les lauréats. Le Jury a décidé, en effet, de partager le prix et de récompenser comme Premier lauréat : Le Groupe Suisse-Etrangers Moudon et sa région, pour son programme Ensemble par et avec l’Autre, pour 2008 Deuxième lauréat : la Permanence Info Natu de Renens Le Jury en distinguant la Permanence Info Natu a voulu saluer l’ensemble des efforts fournis pour faciliter la naturalisation et qui vont bien au-delà de l’acquisition d’un passeport.

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Espace public, intervention, travail avec les jeunes Diverses expériences de projets vaudois d’intégration, de cohabitation et de prévention sont présentées :

• M. Christian Wilhelm, responsable de projets Radix Promotion de la santé : Yverdon-les-Bains : restituer au public l’espace public. Forum de quartier et intervention précoce en Suisse.

• M. Alain Michel, Municipal responsable de la sécurité publique et répondant à

l’intégration de la commune de Bex : Cohabiter dans le Chablais : échanges et collaborations entre communes

• M. Nicolas Perelyguine, Délégué Jeunesse de Renens : Renens, axes de travail avec les jeunes

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Le public durant la matinée

Remise du prix au groupe Suisse-Etrangers de Moudon

Le public

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La table ronde Magaly Hanselmann

Les questions-réponses

Me Capt Le repas

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Philippe Leuba Victor Ruffy Remise du Prix à Info Natu de Renens Les experts Divers moments de la journée

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Divers moments de la journée

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Les annexes

• Intégralité de l’exposé du Dr André Kuhn et devinette crimino-migratoire

• Intégralité de l’exposé du Dr Rosita Fibbi • Intégralité du discours pour la remise du Prix du « Milieu du monde » par M. Victor Ruffy

• Communiqués de presse • Revues de presse

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Comprendre la criminalité,

quelles sont les variables à prendre en considération ?

Dr André Kuhn, professeur de criminologie et de droit pénal aux Universités de Lausanne et de Neuchâtel

I. Introduction

Tout lecteur du présent texte sait probablement que les adultes de plus de 175 centimètres commettent davantage d’infractions pénales que ceux de moins de 175 centimètres… Il s’agit là d’une évidence criminologique et la raison en est très simple : la population adulte de plus de 175 centimètres est principalement formée d’hommes, alors que les femmes sont largement surreprésentées parmi les adultes de moins de 175 centimètres. Sachant par ailleurs que les hommes sont davantage impliqués dans le phénomène criminel que les femmes, il est logique que les adultes les plus grands commettent la plus grande partie des infractions pénales répertoriées dans notre pays. Néanmoins, chacun comprendra aisément que cette surreprésentation des grands dans la statistique criminelle n’a évidemment rien à voir avec la taille des personnes, mais bien avec leur sexe.

Mais si ce raisonnement est tellement évident, alors pourquoi bon nombre d’habitants de notre pays – comme de l’ensemble des autres Etats d’ailleurs – ne sont-ils pas capables de le reproduire en matière d’implication des étrangers dans la criminalité ?

Comme pour les adultes de plus de 175 centimètres, il est très simple de démontrer que les étrangers sont surreprésentés dans le phénomène criminel. Ces derniers représentent en effet environ 21% de la population suisse, mais quelque 47% des condamnés par les tribunaux suisses (graphique 1).

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Graphique 1 : Criminalité et nationalité (source : Office fédéral de la statistique)

Mais comme pour les adultes de plus de 175 centimètres, il est aussi très simple de démontrer que ce sont d’autres variables que la nationalité (respectivement, la taille) qui influencent la criminalité.

II. Les principales variables influençant la criminalité

Sachant que la surreprésentation des migrants est un phénomène universel – qui se produit dès lors également dans les Etats d’origine des personnes que certains stigmatisent ici comme étant à la source du phénomène criminel –, il paraît clair qu’il ne s’agit pas d’un problème de nationalité !

Mais quelles sont alors les variables déterminantes dans l’explication du phénomène criminel ? Comme il a été mentionné en introduction, l’une des variables principales dans l’explication du phénomène criminel est le sexe. En effet, pour une distribution hommes/femmes d’environ moitié-moitié (plus exactement 51% de femmes et 49% d’hommes) dans la population, il y a 85% d’hommes dans la statistique de condamnation pour seulement 15% de femmes (graphique 2).

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Graphique 2 : Criminalité et sexe (source : Office fédéral de la statistique)

Autre variable importante dans l’explication du phénomène criminel : l’âge. Pour une proportion de 33% de jeunes de moins de 30 ans en Suisse, ces mêmes personnes sont 49% dans la statistique de condamnations4 (graphique 3).

Graphique 3 : Criminalité et âge (source : Office fédéral de la statistique)

Puis vient encore le niveau socio-économique, puisqu’il ressort des derniers sondages que quelque 37% des résidents en Suisse proviennent de milieux socio-économiques modestes ou moyens inférieurs et que ces mêmes milieux produisent environ 61% de

4 Ce constat nous permet d’ailleurs de prétendre que tout «baby-boom» engendrera un «crimi-boom» une

vingtaine d’années plus tard… Pour autant bien entendu que l’on ne mette pas au monde que des filles… Ainsi, le volume de la criminalité d’un Etat dépendra fortement de la composition démographique de sa population. En effet, plus il y aura de personnes de la classe d’âge la plus criminogène, plus il y aura de criminalité. Il y aura donc une incidence directe d’un "baby boom" ou d’une période de faible natalité sur le nombre de crimes commis quelque vingt années plus tard.

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la délinquance. Pour leur part, les milieux moyens supérieurs et aisés (soit 63% de la population sondée) produisent environ 39% de la criminalité (graphique 4).

Graphique 4 : Criminalité et niveau socio-économique (sources : sondages suisses de délinquance autoreportée, de victimisation et de

sentencing)

Et finalement, ce qui vaut pour les différences de milieux socio-économiques vaut également pour le niveau de formation. C’est ainsi que la moitié de notre population est de niveau de formation modeste (primaire, secondaire, école professionnelle, apprentissage), alors que ce même niveau de formation se retrouve pour quelque 68% de personnes en détention (graphique 5).

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Graphique 5 : Criminalité et niveau de formation (sources : sondages suisses et statistiques pénitentiaires américaines5)

III. Modèle multivarié

Ce que nous avons présenté dans les deux sections précédentes permet de constater que le phénomène criminel est lié de manière bivariée à plusieurs facteurs : la taille, la nationalité, le sexe, l’âge, la situation socio-économique et le niveau de formation. Mais cela ne nous avance pas beaucoup, puisque ces corrélations bivariées permettent à chacun de prétendre n’importe quoi : le crime vient des grands, des étrangers, des jeunes, des hommes, des pauvres et/ou des plus modestement formés. A partir de là, chacun tirera les conclusions qu’il veut, non pas sur la base de connaissances scientifiques, mais bien en fonction de sa tendance politique. En d’autres termes, ces corrélations bivariées ne nous disent pas grand chose – pour ne pas dire rien du tout – sur le phénomène criminel. Il s’agira donc ici d’approfondir quelque peu l’analyse afin de rendre notre propos un peu plus scientifique.

Si nous avons déjà vu que la taille en tant que telle n’influence pas le crime mais est entièrement contenue dans la variable sexe, il nous reste encore à déterminer quel est le poids respectif de chacune des cinq variables restantes dans l’explication du phénomène criminel. Pour ce faire, il est nécessaire de mettre l’ensemble des variables explicatives du crime relevées ci-dessus dans un même modèle (qui ne sera donc plus bivarié, mais multivarié), modèle qui nous permettra ensuite de savoir laquelle de ces variables explique la plus grande partie du crime, puis de déterminer quelle est la valeur explicative supplémentaire de chacune des autres variables introduites dans le modèle.

5 Il n’existe malheureusement pas de données en Suisse sur le niveau de formation des personnes condamnées

et/ou incarcérées. Pour des informations complémentaires sur la situation américaine, voir Wolf Harlow C., U.S. Department of Justice, Bureau of Justice Statistics, Education and Correctional Populations, January 2003 (NCJ 195670).

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En agissant de la sorte, on observe que la variable numéro un dans l’explication de la criminalité est le sexe. Le fait d’être un homme plutôt qu’une femme est donc l’élément le plus prédicteur de la commission d’une infraction6. En deuxième position on trouve l’âge ; ainsi, le fait d’être un jeune homme est plus criminogène que le fait d’appartenir à toute autre catégorie. En troisième position vient ensuite le niveau socio-économique et finalement le niveau de formation.

En d’autres termes, le profil type du criminel est celui d’un homme, jeune, socio-économiquement défavorisé et de niveau de formation plutôt bas.

Et alors la nationalité dans tout cela ? Eh bien la nationalité n’explique généralement aucune partie supplémentaire de la variance de la criminalité. En effet, la population migrante étant composée de manière surreprésentée de jeunes hommes défavorisés, la variable «nationalité» est comprise dans les autres et n’explique aucune part supplémentaire de la criminalité par rapport aux autres variables prises en considération ; ceci de manière identique à la taille qui est comprise dans le sexe dans l’exemple mentionné en introduction, les hommes étant – en moyenne – plus grands que les femmes.

Ce qui vient d’être exposé permet par ailleurs de comprendre pourquoi le constat que les étrangers commettent davantage de crimes que les nationaux est un phénomène universel. En effet, la migration, de manière générale, est principalement une affaire de jeunes plutôt que de vieux et d’hommes plutôt que de femmes. Sachant que les jeunes hommes représentent justement la partie de la population la plus criminogène, il est donc logique que la population migrante soit plus criminogène que ceux qui ne bougent pas de leur lieu de naissance.

Il est donc totalement erroné de comparer les étrangers aux nationaux comme le fait le graphique 1, puisque l’on compare alors une population faite essentiellement de jeunes hommes à une population de nationaux vieillissants et composés des deux sexes à proportions à peu près égales7. C’est ainsi que si l’on comparait le taux de criminalité des étrangers à celui des nationaux du même sexe, de la même classe d’âge, de la même catégorie socio-économique et du même niveau de formation, alors il n’y aurait plus aucune différence entre les nationaux et les étrangers.

Il arrive néanmoins que la nationalité explique tout de même une petite partie de la criminalité ; ceci dans le cas très particulier de migrants provenant d’un pays en guerre. En effet, l’exemple violent fourni par un Etat en guerre a tendance à désinhiber les citoyens qui deviennent alors, eux aussi, plus violents et exportent ensuite cette caractéristique dans le pays d’accueil. Ce phénomène est connu en criminologie sous le nom de «brutalisation»8. Ainsi, il semblerait que, lorsque l’immigration provient d’un pays en guerre, les quatre premières variables ne

6 Que l’on nous comprenne bien : nous ne prétendons pas que tous les hommes commettent des crimes et que

les femmes n’en commettraient jamais, mais simplement que, parmi les criminels, il y a une forte surreprésentation d’hommes et que la masculinité est donc la cause la plus explicative de la criminalité.

7 C’est un peu comme si l’on comparait des pommes à des pommiers... 8 La brutalisation explique entre autres aussi pourquoi les Etats qui ont réintroduit la peine de mort aux Etats-

Unis ont connu ensuite une augmentation de leur criminalité violente… Dans ce contexte, l’hypothèse de la «brutalisation» a par exemple été vérifiée dans l’Etat d’Oklahoma par W. C. Bailey, «Deterrence, Brutalization, and the Death Penalty: Another Examination of Oklahoma’s Return to Capital Punishment», Criminology, vol. 36, 1998, pp. 711ss.

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suffisent pas à expliquer toute la criminalité et que la nationalité entre alors aussi dans le modèle explicatif, en cinquième position. Au contraire, lorsque l’immigration provient de pays non en guerre, la nationalité n’explique rien de plus que ce qui est déjà expliqué par les quatre premières variables.

IV. Considérations de politique criminelle

Nous savons donc maintenant que les variables qui expliquent le phénomène criminel sont dans l’ordre :

1. Le sexe ; 2. L’âge ; 3. Le niveau socio-économique ; 4. Le niveau de formation ; 5. La nationalité (parfois).

La question qui reste à résoudre est de savoir comment cette connaissance peut être transposée en termes de mesures de prévention du crime. Si l’on prend les variables dans leur ordre d’importance explicative du phénomène criminel, on devrait envisager en premier lieu une politique de réduction de la masculinité… Il va néanmoins de soi que des politiques préconisant l’élimination des hommes ou l’encouragement de la natalité féminine contreviendraient non seulement à notre droit, mais seraient également fondamentalement contraires à notre sens de l’éthique.

Les mêmes griefs peuvent d’ailleurs être avancés contre des politiques qui préconiseraient une élimination ou une ghettoïsation des jeunes. Quant à une politique de dénatalisation, elle irait à l’encontre de l’intérêt de l’Etat à long terme.

En troisième lieu, il serait envisageable de songer à davantage d’égalité entre les habitants du pays et à un aplanissement des niveaux socio-économiques ; c’est-à-dire à une lutte contre la société à deux vitesses et contre les inégalités sociales.

Puis, en quatrième lieu, il s’agirait d’envisager une amélioration du niveau de formation des plus démunis et des moins bien formés9.

Et finalement, pour ceux qui ne veulent vraiment pas de société plus égalitaire, il reste évidemment la possibilité de prévoir l’expulsion des étrangers…

V. Conclusion

Si l’on cherche véritablement à lutter contre le crime et que l’on désire investir dans les mesures qui ont le plus grand potentiel de succès, alors il est impératif de commencer par envisager une action sur les variables les plus explicatives de la criminalité. Sachant par ailleurs que l’action sur le sexe et sur l’âge est éthiquement impossible, les actions les plus à même de combattre le phénomène criminel semblent manifestement être les actions sociale10 et éducative.

9 Par exemple en ne mettant plus les meilleurs enseignants dans les écoles où il y a les meilleurs élèves, mais

bien dans les écoles qui en ont le plus besoin. 10 Dont font d’ailleurs paradoxalement partie les politiques d’intégration des étrangers.

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S’en prendre aux migrants consiste donc à se tromper de cible, sans compter qu’il n’est pas certain qu’une politique d’élimination des étrangers soit vraiment plus éthique qu’une politique d’élimination des hommes ou des jeunes…

M. Kuhn

V. Bibliographie indicative

Bailey W. C. (1998). Deterrence, Brutalizsation, and the Death Penalty: Another Examination of Oklahoma’s Return to Capital Punishment, Criminology, vol. 36, pp. 711ss.

Hagan, J., Palloni, A. (1999). Sociological criminology and the mythology of hispanic immigration and crime, Social Problems 46, pp. 617ss.

Haen Marshall, I. (Ed.) (1997). Minorities, migrants and crime: Diversity and similarity across Europe and the United States, Californie, Sage Publications.

Killias M., Villettaz P., Rabasa R. (1994). Self-reported juvenile delinquency in Switzerland, in: Junger-Tas J., Terlouw, Klein (Eds), Delinquent behavior among young people in the Western world, 1994, pp. 186ss.

Killias M., Haymoz S., Lamon P. (2007). La criminalité en Suisse et son évolution à la lumière des sondages de victimisation de 1984 à 2005, Bern, Stämpfli.

Kuhn A. (2002). Sommes-nous tous des criminels?, Grolley, L’Hèbe.

Montero-Pérez-De-Tudela E. (2009). L’expulsion des étrangers: Une étude des facteurs influençant l’expulsion judiciaire hors de Suisse, Revue Internationale de criminologie et de Police Technique et Scientifique, vol. 1/2009, pp. 63ss.

Tonry, M. (Ed.) (1997). Ethnicity, crime and immigration: Comparative and cross – national perpectives (Crime and Justice 21), Chicago, University of Chicago Press.

Wolf Harlow C., (2003). Education and Correctional Populations, U.S. Department of Justice, Bureau of Justice Statistics (NCJ 195670).

Yeager, M. G. (1996). Immigrants and criminality: A meta Survey, Otawa, Ontario, Ministry of citizenship & Immigration, Government of Canada.

Yeager, M. G. (1997). Immigrants and criminality: A cross-national review, Criminal Justice Abstracts, vol. 29, pp. 143ss.

* * * *

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Devinette crimino-migratoire proposée par André Kuhn*

Dans le but de déterminer si la proportion de détenus suisses à l’étranger est plus importante ou plus faible que la proportion de détenus étrangers en Suisse, voici deux démarches possibles : Considérant que : • Il y a quelque 160 détenus suisses à l’étranger. • Il y a environ 600'000 Suisses résidant à l’étranger. • Il y a quelque 3'400 détenus étrangers en Suisse. • Il y a environ 1'400'000 étrangers résidant en Suisse. Par ces motifs : 600'000 Suisses engendrent 160 détenus à l’étranger, soit 27 pour 100'000 Suisses. 1.4 millions d’étrangers engendrent 3'400 détenus en Suisse, soit 243 pour 100'000 étrangers. Les Suisses émigrés sont donc proportionnellement moins criminogènes que les immigrés étrangers, puisqu’ils représentent 9 fois moins de risques d’être détenus dans leur pays de résidence. Considérant que : • Il y a quelque 160 détenus suisses à l’étranger. • Il y a environ 6.4 millions de Suisses dans le monde. • Il y a quelque 3’400 détenus étrangers en Suisse. • Il y a environ 6 milliards d’étrangers dans le monde. Par ces motifs : 6.4 millions de Suisses engendrent 160 détenus à l’étranger, soit 2.5 pour 100'000 Suisses. Six milliards d’étrangers engendrent 3'400 détenus en Suisse, soit 0.057 pour 100'000 étrangers. Les Suisses sont donc proportionnellement bien plus criminogènes que les étrangers, puisqu’ils représentent quelque 40 fois plus de risques d’être détenus à l’étranger que les étrangers en Suisse.

Mais laquelle de ces deux interprétations est-elle la plus juste ?

La réponse au verso…

* Professeur de criminologie et de droit pénal aux Universités de Lausanne et de Neuchâtel. Les données utilisées ici sont celles fournies à l’auteur pour l’année 2002.

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Réponse à la devinette crimino-migratoire :

Aucun développement présenté n’est meilleur que l’autre et les deux sont fâcheusement tendancieux, car ils omettent de prendre en considération des éléments indispensables à la réalisation d’un calcul objectif, dont notamment :

• les caractéristiques socio-démographiques des populations étudiées ; il est en effet connu que les étrangers immigrant en Suisse sont plutôt des hommes, économiquement défavorisés qui, de surcroît, sont en moyenne plus jeunes que la population suisse prise dans son ensemble ;

• la distinction entre étrangers résidant dans le pays et étrangers n’y étant que de passage ;

• la punitivité des différents systèmes pénaux et donc le degré de facilité avec lequel les juges usent de la privation de liberté dans les divers pays du monde ;

• la xénophobie ambiante dans les divers Etats ;

• etc.

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Accès au travail pour les jeunes issus de la migration, impact de l’image du groupe d’origine

Dr Rosita Fibbi, professeure à l’Université de Lausanne

1 L’étude expérimentale

Permettez-moi de m’attarder quelque peu sur la première étude (Fibbi et al. 2003) qui a voulu étudier la présence et l’ampleur du phénomène de la discrimination à l’égard des jeunes issus de la migration, déclenchant une lente prise de conscience de cette problématique émergeante. Nous nous sommes intéressés à la manière dont les jeunes parviennent à convertir leur capital de formation en poste de travail. L’étude - financée au début des années 2000 non pas par les autorités en charge de la gestion du marché du travail mais par le FNS. L’étude explore quel accueil les employeurs réservent aux candidats à un emploi, qui présentent toutes les qualifications nécessaires pour prétendre à la place de travail vacante annoncée dans les journaux et compare les réponses obtenues par le candidat suisse et le candidat d’origine immigrée. Elle se focalise donc sur la discrimination à l’embauche qui n’est qu’une parmi les diverses formes que peut prendre la discrimination (salariale, dans le type de tâches assignées dans la promotion à des postes supérieurs, dans l'accès à la formation continue, en cas de licenciement).

1.1 La méthode

Il n’est pas facile d’étudier la discrimination à l’embauche, car pour la déceler il faut connaître comment l’employeur a fait son choix. Nous avons utilisé une méthode de recherche mise au point par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et éprouvée au cours de ces dernières années par des équipes de recherche dans divers pays, méthode connue sous le nom de « test des pratiques effectives ». En réponse à des offres d'emploi parues dans la presse, deux postulations sont envoyées pour des candidats fictifs ne différant que par leur pays d'origine. La qualification, l'expérience, le sexe, l'âge et tous les autres critères "d'employabilité" sont identiques. Si l'un des candidats est rejeté, tandis que l'autre se voit proposer un entretien d’embauche, on peut conclure qu’il s’agit d’un traitement inégal. Les jeunes immigrés sont nés dans leur pays d’origine mais ils ont suivi toute leur scolarité en Suisse et sont titulaires d'un permis d’établissement les mettant sur un pied d'égalité avec les autochtones en ce qui concerne l’accès au travail. L’enquête a été menée sur le marché du travail de Genève et Lausanne ainsi que sur celui de Zurich et d’Argovie. En tenant compte de la distribution des divers groupes immigrés sur le territoire, les candidats suisses ont été comparés aux candidats portugais et yougoslaves albanophones en Suisse romande, et avec des postulants turcs et yougoslaves albanophones en Suisse alémanique. Tous étaient titulaires d’un Certificat fédéral de capacité.

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Ainsi des jeunes hommes, âgés de 20 à 22 ans, tous à la recherche d’un emploi fixe, portant les noms de Pierre, Afrim, Antonio ou Mehmet ont posé leur candidature pour des postes tels que boulanger, maçon, magasinier, horloger, mécanicien, ou encore réceptionniste, serveur, secrétaire, vendeur.

1.2 Les taux de discrimination par groupe et par région

Nous exprimons les résultats de notre observation avec le taux de discrimination : il indique dans combien de cas sur 100 postulations le candidat d’origine immigrée a été confronté à la discrimination. On considère que les Portugais ne sont pas discriminés en Suisse romande, puisque leur taux de discrimination est statistiquement non significatif. Les autres groupes, par contre, connaissent des taux élevés de discrimination dans leur recherche d’emploi : les Turcs de 30% et les Yougoslaves albanophones presque 40% (en Suisse romande de 24% et en Suisse alémanique de 59%). En d’autres termes, sur 100 postulations où le candidat suisse a été convoqué pour un entretien, le Turc, à profil égal, s’est vu refuser 30 fois cette chance. Un taux de discrimination de 30% par exemple révèle que dans trois procédures de sélection sur dix, le candidat national a été favorisé aux dépens du jeune d’origine immigrée. GRAPH 1 : Graph 1 taux minimal de discrimination

Une discrimination massive, bien que variable d’un groupe à l’autre, frappe les jeunes issus des migrations extra-communautaires, handicapant ainsi considérablement leur accès à l’emploi, en dépit du fait qu’ils sont porteurs des mêmes qualifications linguistiques, scolaires et professionnelles que leurs contemporains suisses.

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Relevons que l’étude des données du recensement confirme le statut particulier des jeunes originaires de l’Europe du Sud-Est. Toutes choses égales par ailleurs, en effet, et notamment à formation égale, le risque de chômage des jeunes d’origine turque et balkanique est significativement supérieur à celui des Suisses, qu’ils soient naturalisés ou non (Fibbi et al. 2005).

1.3 La Suisse en comparaison européenne

Des études basées sur la même méthodologie ont été menées au début des années 90 pour évaluer l’ampleur de la discrimination à l’embauche pour les jeunes issus des migrations en Belgique, Allemagne, Pays-Bas et Espagne. Ces études constituent la base de notre comparaison internationale. Comme le montre le graphique 1, la Suisse se situe aux deux extrêmes du spectre des positions : l’un des groupes – les Portugais – jouit d’un traitement somme toute comparable à celui de ses contemporains suisses, alors que les deux autres groupes testés se situent à l’extrême supérieur. Le taux minimal de discrimination des Turcs, par exemple, est deux fois plus élevé en Suisse qu’en Allemagne et les conditions défavorables d’accès à l’emploi pour les jeunes Yougoslaves albanophones n’ont pas d’égal dans d’autres pays européens. GRAPH 2 : la Suisse en comparaison européenne

L’étude démontre de manière irréfutable que la position marginalisée d’une partie des jeunes d’origine immigrée sur le marché du travail ne peut être attribuée uniquement aux difficultés scolaires ou aux faibles connaissances linguistiques. Elle est le résultat, du moins partiellement, de pratiques aux effets discriminatoires au moment de l’embauche. Il est clair que ces pratiques vont à l’encontre du principe d’égalité de

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traitement entre les individus, principe sur lequel repose l’intégration sociale des personnes d’origine étrangère dans les sociétés démocratiques. Avec un marché du travail moins tendu, la Suisse a connu des taux de chômage inférieurs à ceux de nombre de pays européens, où la question de la discrimination à l’embauche est patente et contribue à exacerber les tensions sociales. Si cette situation économique favorable a tourné à l’avantage des enfants de migrants également, elle a pu faire croire que le pays était épargné par le phénomène ou, du moins, n’avait pas à en pâtir les conséquences en termes de déchirement du tissu social. Or, l’étude démontre que la Suisse est plus concernée qu’elle n’est prête à l’admettre. Cette enquête démontre que la discrimination sur le marché du travail est une réalité en Suisse, qu’elle y connaît des dimensions insoupçonnées. De plus, elle frappe avant tout les jeunes originaires de pays en dehors de l’Union européenne, qui ont connu une redoutable détérioration de leur statut juridique en comparaison avec les ressortissants de l’Union européenne, depuis la mise en œuvre des accords bilatéraux et de la nouvelle loi sur les étrangers. Cette loi qui vient après le modèle de trois cercles de 1991 abandonné il est vrai en 1998, a contribué à forger l’image des groupes immigrés non-UE de manière durable. La loi dessine en effet un régime spécial pour un tiers de la population immigrée, en avançant le soupçon de faible intégration des populations ‘éloignées géographiquement’ ; elles se trouvent ainsi projetées dans une altérité qu’il convient de ‘maîtriser’ par l’exigence d’une ‘intégration réussie’. Le discours institutionnel donc véhicule une image des groupes non – UE justifiant la méfiance à leur égard. Que la presse relaye cette image au quotidien ne fait que conforter une image élaborée par les autorités, et de ce fait d’autant plus crédible. L’étude date de 2003 mais aucune autre enquête n’est venue remettre à jour ni d’ailleurs en discussion ces résultats. Or, on ne peut guère penser que la situation d’aujourd’hui soit meilleure, car on le sait la récession exacerbe les tensions sur le marché du travail.

2 Raisons à l’origine de comportements inéquitables et expériences d’hostilité

Notre étude suivant la méthodologie du "practice-testing" avait comme enjeu de fournir la quantification la plus rigoureuse d’un phénomène difficilement observable comme la discrimination à l’embauche. En revanche, elle n’éclaire absolument pas les raisons qui poussent les employeurs à pareil comportement. Malheureusement aucune autre recherche n’a fait suite à notre étude permettant ainsi de rendre compte des motivations à l’origine de ce traitement défavorable des jeunes issus de la migration scolarisés en Suisse. A vrai dire il existe des études visant à cerner la propension à la discrimination ou, plus exactement, la préférence nationale, par rapport à l’emploi auprès de l’opinion publique en Suisse mais ils sont déjà assez anciens (1969 et 1997) et, surtout, ils

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concernent les primo-migrants (Bösch et al. 1997)11. Cette approche, dite directe, auprès de l’opinion publique ou des employeurs, présente la faiblesse de porter sur des opinions et des représentations dont on sait déjà12, que le lien avec les comportements effectifs est parfois faible, voire inexistant. Qui plus est, la mesure de l’opinion publique – telle qu’elle peut être forgée par les médias – est encore autre chose que l’opinion des employeurs, les seuls qui se trouvent dans la position structurelle de sélectionner de manière équitable ou non les candidats à un poste. Une discrimination peut trouver son origine dans une attitude raciste ou xénophobe directement dirigée vers la personne en raison du fait qu’elle appartient à une catégorie ("categorical discrimination" cf. (Banton 1983), ou alors dans des stéréotypes induisant à penser que les personnes appartenant à un certain groupe ne possèdent pas les qualités requises pour un emploi ("statistical discrimination" cf. (Banton 1983), ou encore dans des contraintes extérieures fondées ou infondées (peur de déplaire aux clients ou crainte de conflits au sein de l'entreprise) ou encore d'une stratégie rationnelle de minimisation des risques en rejetant toute candidature n'étant pas issue de la population majoritaire (Van den Berghe 1997).

L’approche compréhensive de l’attitude des employeurs dans la sélection de leurs futurs apprentis inspire la démarche de Christian Imdorf (2007). Il observe que « les disparités selon le genre et l’origine dans la distribution des places d’apprentissage, révélées par les statistiques, ne s’expliquent pas par des compétences nécessaires pour l’exercice de la profession » (2007 :7). Il en conclut que les employeurs écartent les candidats dont ils anticipent – à tort ou à raison – qu’ils pourraient poser des problèmes ne serait-ce qu’en termes d’encadrement. Imdorf interroge les employeurs sur leur manière de recruter et les raisons qui expliquent la marginalisation de certains jeunes. Les candidats ‘étrangers’ sont en première ligne parmi ceux susceptibles d’être écartés ; il convient cependant de noter que ne sont considérés comme étrangers que ceux provenant d’un pays hors Union européenne, à confirmation des résultats de l’étude de ‘testing’. La justification la plus citée pour rendre compte de cette mise à l’écart est l’argument des déficits linguistiques et culturels. En deuxième lieu, mais loin derrière, les employeurs évoquent le besoin de préserver l’entente au sein des employés autochtones et le souci d’éviter les conflits : « La priorité donnée aux candidats autochtones a souvent été présentée comme une stratégie « naturelle » pour garantir une meilleure entente dans l’entreprise ou comme relevant de la tradition suisse de l’entreprise familiale » (Imdorf 2007: 5).

11 Une question a été posée à un échantillon de citoyens suisses dans la recherche classique de Hoffmann-Nowotny en 1969 (Hoffmann-Nowotny 1973), et reproduite vingt-cinq ans plus tard avec une problématique similaire (Bösch et al, 1997) ("Wenn in einem Betrieb Arbeitskräfte entlassen werden müssen, sollte man dann… a) die Ausländer zuerst entlassen b) die Schweizer zuerst entlassen c) die schlechteren Arbeiter ohne Rücksicht auf die Nationalität zuerst entlassen ?"). Les résultats pour 1969 (n = 466), sont de 32% pour licencier d'abord les étrangers et 68% pour licencier d'abord les moins bons travailleurs. Pour 1995 (n=466) la proportion est de 4% pour licencier d'abord les étrangers et 96% pour licencier d'abord les moins bons travailleurs. L'enquête périodique UNIVOX/Kultur a aussi intégré une question de ce type en 1994 et 1997 ("Wenn sich ein Schweizer oder eine Schweizerin und einE beruflich gleich gut qualifizierteR AusländerIn um die gleiche Stelle bewerben, dann sollte dem/der SchweizerIn der Vorzug gegeben werden") la proportion de personnes plutôt d'accord ou tout à fait d'accord a été de 41% en 1994 et 30% en 1997 (Raymann 2003). 12 Cf. l'étude de La Piere en 1934 qui au terme de son étude concernant la relation entre attitudes et comportement de discrimination, conclut à la dissociation des deux.

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En réfutant la validité de ces arguments, l’auteur souligne comme les jeunes d’origine immigrée intériorisent une image négative d’eux-mêmes au fil des déceptions répétées essuyées qui, bien des fois, les poussent finalement à abandonner : «L’exclusion pratiquée par les entreprises peut mener les personnes concernées à une auto-exclusion ». Cette analyse révèle comment sont vastes et diversifiées les répercussions de cette singularisation des immigrés provenant de pays hors Union européenne opéré par le discours institutionnel. Dans quelle mesure ces faits sont perçus par les jeunes eux-mêmes ? On peut étudier les discriminations en mesurant la proportion de personnes ayant effectivement été confrontées à des pratiques discriminatoires, en interrogeant donc des victimes potentielles pour cerner leurs expériences. Si les études de victimisation ont une tradition en Suisse, elles concernent les actes criminels et généralement pas le marché du travail. Un tel procédé présente l’inconvénient de se fonder sur la perception de la discrimination par la personne directement concernée et donc sur sa manière de décoder la réalité qu’elle a vécue : dans certains cas, la discrimination peut être passée inaperçue, alors que dans d'autres, elle peut être mise en avant quand bien même d'autres raisons expliquent le refus essuyé dans la recherche de l'emploi. Cette approche demeure néanmoins un outil apprécié pour cerner le ressenti des groupes potentiellement victimes de discrimination, à condition d’être bien conscient du fait qu’elle cerne la perception et non pas la réalité de la discrimination. Il est néanmoins utile de savoir que, lorsque les résultats des études de victimisation ont pu être confrontés à des approches plus objectives, elles se sont en général révélées sous-estimer le phénomène de discrimination (Bovenkerk 1992). Un travail en cours sur les jeunes nés en Suisse d’origine turque et ex-yougoslave The Integration of European Second generation (TIES) donne un aperçu de l’expérience de discrimination (self-reported) que ces jeunes pensent avoir subie dans leur vie sociale. Environ 55% des jeunes disent avoir vécu de l’hostilité à cause de leur origine, que ce soit systématique 9% des Turcs et 6% des FY ou occasionnelle. Un tiers déclare l’avoir expérimentée dans la recherche d’un emploi et 2/3 sur le lieu de travail. Il est vrai que c’est surtout lors des sorties, dans les cafés et les bars que les jeunes affirment être le plus exposés à des traitements ressentis comme hostiles à leurs égards.

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Tableau 1 : Hostilité ressentie par des jeunes de deuxième génération d’origine turque et ex-yougoslave à Zurich et Bâle

Origine Turquie Ex-Yougoslavie

Hostilité

occasionnelle systématique occasionnelle systématique

à cause de l’origine

45 9 48 6

Lors de la

recherche d’emploi

33

6

29

7

Sur le lieu de

travail

56

10

29

7

Lors des sorties

58

12

58

20

Source : (Fibbi et al. 2009 (forthcoming))

Le vécu d’un traitement inégalitaire est plus fort sur le lieu de travail – là où le salarié est plus à même de juger de la situation – que ceci n’est le cas dans la phase plus délicate de l’embauche, où la personne concernée ne peut facilement connaître les tenants et les aboutissants du processus de sélection. Dans ces conditions, le taux observé de jeunes ayant une expérience avérée de discrimination dépasse le tiers, confirmant l’ampleur de cette réalité entrevue dans l’étude de ‘testing’. En conclusion, les indications fournies par diverses études récentes en Suisse attestent que les questions de discrimination – en dépit des difficultés de mesure du phénomène – sont désormais inscrites à demeure dans le paysage helvétique. En revanche, elles figurent parmi les abonnés absents dans la politique d’intégration qui trop rarement vise à intervenir sur la manière dont la majorité traite les groupes minoritaires.

3 Les actions, les moyens de lutte

Au cours des années 2000, les pays européens se sont dotés de dispositifs légaux d’interdiction de la discrimination. La Suisse ne semble pas s’acheminer sur cette voie pour le moment (Fibbi 2005).

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D’autres pistes d’intervention demeurent néanmoins ouvertes. L’objectif d’un accès plus égalitaire au marché du travail peut être poursuivi par une action concertée qui se développe à plusieurs niveaux. La connaissance de la réalité du terrain par le biais du monitoring des discriminations permet d’orienter l’action plus directement. L’action peut porter par exemple sur les mesures volontaires de type préventif visant à éliminer les obstacles qui s’opposent à un accès égalitaire à l’emploi : il s’agit p. ex. d’analyser le bien-fondé des interdictions d’accès à certaines professions et, en conséquence, réduire le nombre de professions interdites, éliminer les barrières arbitraires dans les procédures d’embauche, de promouvoir les déclarations officielles des forces sociales en faveur d’une politique de non-discrimination sur le lieu de travail, d’organiser des parrainages, de favoriser l’adoption de codes de bonne conduite, etc. L’action peut également emprunter la voie des mesures volontaires de promotion destinées à soutenir les groupes d’origine immigrée à relever les défis de l’insertion professionnelle. Leur but est de renforcer les ressources des migrants dans la compétition pour les places de travail à travers la reconnaissance des qualifications formelles des immigrés, l’amélioration de leurs compétences linguistiques et professionnelles, l’encouragement des candidatures immigrées, etc.). Finalement, l’Etat peut inciter les entreprises à s’engager dans des mesures librement consenties et récompenser ainsi leurs efforts en limitant la participation aux marchés publics aux seules entreprises qui s’engagent d’une manière ou d’une autre sur cette voie. Mais une politique fondée sur la conception de l’intégration comme une démarche conjointe d’apprentissage du vivre ensemble entre majorité et minorité ne peut négliger une action à l’adresse de la majorité. L’aspect contraignant des mesures publiques – qui ont une longue tradition dans d’autres pays européens – est reçu ici par certains milieux avec une bonne dose de méfiance. Ainsi les tentatives actuelles misent sur des actions volontaires impliquant aussi bien les candidats à un emploi que les employeurs. En Suisse les expériences les plus intéressantes se concentrent sur le marché des places d’apprentissage, un marché très particulier car il répond à une logique économique tout en poursuivant une finalité éducative, la dimension interpersonnelle y joue un rôle crucial et il concerne les mineurs par définition inexpérimentés dans leur nouveau rôle de candidats à une place de travail. Une des expériences les plus intéressantes est celle des CV anonymes, en reprenant en quelque sorte les procédures de ‘testing’ qui ont mis en évidence les situations de discrimination. Dans ces expériences, l’employeur renonce à accéder aux données personnelles du candidat dans la toute première phase du recrutement, l’analyse des CV destinée à effectuer le premier tri des candidatures qui aboutit à décider qui convoquer pour un entretien d’embauche. En Suisse, le projet ‘smart selection’, initié par le Kaufmännischer Verband de Zurich, va dans ce sens. C’est une plateforme internet (www.weareready.ch) où les employeurs ‘affichent’ les annonces de places d’apprentissage vacantes et les

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candidats déposent leurs postulations. En septembre 2008, après une année d’activité les organisateurs tirent un bilan encourageant de l’expérience13. Certes, les employeurs qui adhèrent à l’initiative sont déjà sensibilisés et souhaitent recruter les candidats les meilleurs dans le plus grand respect de l’égalité des chances. L’instrument des CV anonymes est intéressant car il permet à l’employeur qui ne souhaite pas traiter de manière différenciée les candidats en raison de leur origine de déjouer l’impact parfois inconscient des perceptions des groupes sociaux. Comme démarche réflexive, le CV anonyme est sans doute un bon instrument, même s’il n’est guère résolutif.

Un autre outil qui répond à ce même souci de favoriser une prise de conscience et de fournir en même temps des outils concrets d’action aux entreprises, a été développé récemment justement à l’intention des employeurs : son nom est évocateur « Zukunf statt Herkunft » / « L’avenir prime sur l’origine ». Sur initiative du syndicat Travail.suisse, un site a été créé (http://www.avenirorigine.ch/index_fr.html) dans le but d’assister les entreprises souhaitant mener à la fois une sélection des apprentis réussie pour l’entreprise et équitable pour les jeunes. Ceci est d’autant plus nécessaire qu’Imdorf, dans son étude des procédures de sélection des apprentis dans les PME (2007), relevait qu’il n’y a pas de critères de sélection par excellence, ce qui rend ardue et hasardeuse la tâche de préparation aux procédures de sélection pour les jeunes.

Ainsi elles sont guidées dans l’élaboration de procédures de recrutement correctes notamment par le biais d’une check list des démarches à suivre : on y trouve des conseils tels que :

Définissez, par écrit si possible, quels sont les critères importants pour vous et comment ils peuvent être évalués à partir des dossiers de candidature. (…) Vous ne devriez appliquer que des critères ayant quelque chose à voir avec les compétences des jeunes. (…) Attention : la situation familiale, la nationalité, l’origine, le sexe, l’âge, la profession des parents ou le lieu de domicile n’ont rien à voir avec les compétences et le potentiel de performances des jeunes gens ! Ces critères réduisent la probabilité pour l’entreprise de trouver le ou la « meilleur-e » et doivent être mis de côté lors de la présélection.

Ces démarches volontaristes devraient pouvoir trouver un écho en tout premier lieu auprès des collectivités publiques. Elles ont un rôle particulier à jouer comme pionniers dans la promotion de procédures de sélection équitables : elles offrent en effet non seulement un nombre non négligeable de places de travail (et de formation) mais leur ouverture à des candidats d’origine immigrée – à égalité de compétences – est susceptible d’avoir un impact positif sur l’image du groupe d’appartenance des jeunes gens et avoir des répercussions aussi auprès d’autres employeurs.

13 Anonymisierte Bewerbung erhöht die Chancengleichheit, Neue Zürcher Zeitung, 30. September 2008.

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4 Bibliographie

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Bösch, Andi , Gaetano Romano et Jörg Stolz (1997). Das "Fremde" in der Schweiz : 1969 und 1995 :

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Fibbi, Rosita (2005). Mesures de lutte contre les discriminations à l'embauche. Neuchâtel: Forum

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Fibbi, Rosita, Mathias Lerch et Philippe Wanner (2005). "Processus de naturalisation et

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Fibbi, Rosita, Ceren Topgül et Dusan Ugrina (2009 (forthcoming)). The Integration of the European

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Hoffmann-Nowotny, Hans-Joachim (1973). Soziologie des Fremdarbeitersproblems. Stuttgart: Enke.

Imdorf, Christian (2007). La sélection des apprentis dans les PME Fribourg: Institut de Pédagogie

Curative de l’Université de Fribourg

Raymann, Ursula (2003). Meinungen und Einstellungen gegenüber Ausländerinnen and Ausländern

in der Schweiz. Zürich.

Van den Berghe, P. L. (1997). "Rehabilitating stereotypes." Ethnic and racial studies, 20(1): 1-16.

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Discours prononcé pour la remise du Prix du « Milieu du monde » par M. Victor Ruffy

Le Jury a décidé, en effet, de partager le prix et de récompenser comme Premier lauréat : Le Groupe Suisses-Etrangers Moudon et sa région. Pour son programme Ensemble par et avec l’Autre, pour 2008 Le Jury a été impressionné par la richesse du programme allant de - La sensibilisation à la gestion des déchets, des espaces publics et naturels, en associant notamment la société vaudoise des pêcheurs en rivière à la connaissance des institutions de notre système politique à travers des visites à Avenches, Berne, Fribourg, autorisant les contacts jusqu’au plus haut niveau. - En passant par l’ouverture à l’autre par des « entretiens à cœur ouvert » réguliers. Sans oublier les manifestations de caractère festif, comme la fête des enfants, le cirque de Noël et la calèche de l’Euro. Par cette distinction le Jury a voulu récompenser à la fois l’effort d’imagination et les énergies déployées pour la réalisation de ces diverses initiatives qui sont parvenues à associer étroitement Suisses et Etrangers, y compris les requérants d’asile, jeunes et moins jeunes, représentants des autorités et membres de la société civile. J’ai le plaisir d’inviter M. Vauthey, secrétaire communal, délégué à l’intégration de Moudon, membre fondateur et délégué à la communication du groupe et M. David Gün, membre du groupe, du centre culturel turc de Moudon et de la Chambre cantonale consultative des immigrés à me rejoindre pour que je puisse leur remettre leur prix. Le Jury a désigné comme deuxième lauréat : la Permanence Info Natu de Renens Le Jury en distinguant la Permanence Info Natu a voulu saluer l’ensemble des efforts fournis pour faciliter la naturalisation et qui vont bien au-delà de l’acquisition d’un passeport. L’action de la Permanence constitue un soutien psychologique et culturel de première valeur en vue de la réussite d’une intégration au sens large et dont peuvent aussi profiter des habitants de communes voisines de Renens. Le Jury a notamment apprécié la pratique de la Permanence consistant à en confier l’animation, entre autres, à diverses personnes d’origine étrangère passées par la démarche de naturalisation. Elle a aussi jugé très positif l’établissement d’un bilan annuel avec la Commission de naturalisation de la ville pour répondre au mieux à ses attentes.

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Enfin il n’a pas échappé au Jury que la Permanence se tient régulièrement dans les locaux de Globlivres, choix qui n’est pas anodin pour reprendre les termes du dossier puisqu’il permet d’établir discrètement des ponts entre la fonction prioritairement civique de la Permanence et le caractère culturel de l’universelle bibliothèque. J’ai pour ces différentes raisons le plaisir d’inviter Mme Marta Pinto, déléguée à l’Intégration de la Ville de Renens et secrétaire de la Commission intégration Suisses-Etrangers (CISE) de cette ville à me rejoindre pour pouvoir lui remettre son prix.

V.R. Morrens, le 24 avril 2009

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Communiqués de presse des Assises 2009

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Revues de presse des Assises 2009

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Département de l’Intérieur

Chambre Cantonale Consultative des Immigrés


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