Filippo Coarelli

Topographie antique et idéologie moderne : le Forum romainrevisitéIn: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 37e année, N. 5-6, 1982. pp. 724-740.

AbstractAncient Topography and Modern Ideology The Roman Forum Revisited

After some general remarks on the state of ancient history studies in Italy and the revival of public interest in archaeology, thisarticle examines certain topographical questions concerning the Roman Forum that were regarded as having been solved byearly 20th- century excavations and for which the author advances new solutions : the course of the via Sacra and via Nova andthe location of the temple of Jupiter Stator, the Porta Mugonia, and the kings' residences.

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Coarelli Filippo. Topographie antique et idéologie moderne : le Forum romain revisité. In: Annales. Économies, Sociétés,Civilisations. 37e année, N. 5-6, 1982. pp. 724-740.

doi : 10.3406/ahess.1982.282899

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1982_num_37_5_282899

TOPOGRAPHIE ANTIQUE ET IDEOLOGIE MODERNE le Forum romain re vi sité

archéologie est ala mode Des épisodes comme engouement collectif récent pour les guerriers de Riace ou même un autre niveau la polémique sur la destination future de ensemble de la Via dei Fori Imperiali2 ont récemment confirmé et de manière retentissante étendue de cette popularité Tout en laissant

autres plus compétents que moi le soin de faire progresser analyse sociologique de ce phénomène il me semble pouvoir dire que dans la mode actuelle de archéologie se mêlent intimement des aspects positifs et négatifs Les décideurs culturels devront en tenir compte non seulement au niveau de analyse scientifique mais pour programmer les interventions sur une réalité qui au moins en Italie jamais été aussi inquiétante et en même temps stimulante et porteuse de développements prometteurs

Le cas de la Via dei Fori Imperiali en particulier montré comment propos un problème apparemment réservé aux spécialistes il était possible de mobiliser intérêt de grandes masses de citoyens un point tel que le problème archéo logique est devenu un des thèmes centraux de la récente campagne électorale pour la mairie de Rome

On ne étendra pas ici sur la signification de ce débat politique sinon pour indiquer que approche du monde antique en termes de paradigme idéal est pas seulement théorisée et incarnée par la droite mais elle est plus présente on ne le croit dans les mentalités et il faudra pour dépasser ce débat dégager leurs racines les composantes sociales et culturelles une certaine culture classique

Le vieux mot ordre sur la valeur formative du latin hui complètement disparu en Italie en dehors des milieux de droite mais bien vivant dans certains milieux académiques fran ais entre autres ceux qui assurent enseignement universitaire en constitue un exemple évident étude du latin est hui unique bastion une conception de Antiquité plus lente mourir en France en Italie abus fasciste de la romanité et les orgies rhétoriques qui accompagnaient ont provoqué une véritable vaccination collective qui cepen dant conduit des résultats aberrants force entendre que les fascistes étaient des Romains on fini par croire que les Romains étaient des fascistes De là une certaine allergie de la culture moderne italienne encontre de ce qui trait

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Antiquité romaine et en particulier archéologie la discipline la plus compromise avec le fascisme

Les comptes avec les traditions idéologiques qui ont pendant longtemps dominé dans le champ des études classiques et les compromissions politiques qui les ont suivies commencent être faits en Italie Cette révision déchirante ne va pas sans outrance Certaines attaques contre la philologie classique allemande du siècle passé ou du début du nôtre doivent perdre de leur caractère indiscriminé et ne pas obscurcir tout ce il avait de raisonnable et de positif dans cette direction de travail3 Fins et moyens idéologies et techniques sont certainement étroitement liés mais on ne peut purement et simplement les confondre La polémique sur la

partialité de la science dépassé toutes les limites du raisonnable La réduction de historiographie histoire de historiographie sous la forme pratiquée hui en Italie représente un repli idéaliste on ne peut accepter

un autre côté exaltation de la technologie comme fin en soi qui remis au goût du jour des positions étroitement positivistes on croyait depuis longtemps dépassées est pas sans danger Cette tendance risque même de devenir dominante dans le milieu archéologique mais la philologie est pas épargnée Le culte de ordinateur autant plus exclusif il est moins rationnel idolâtrie pour la fouille stratigraphique entendue non comme moyen mais comme fin illusion de

objectivité scientifique et inversion des fins et des moyens typique du modèle intellectuel qui domine hui le pragmatisme américain4 constituent quelques-uns des aspects les plus graves de la situation Ce qui est enjeu est la possibilité même de développement et de renouvellement des sciences de Antiquité De toutes parts et de points de vue apparemment opposés le concept même interdisciplinarité est critiqué absolument Même il agit un concept équivoque on doit définir et préciser il reste mon avis un antidote sans rival contre la tendance une fragmentation infini des disciplines de Antiquité qui ne pourrait se conclure que par la banqueroute définitive de la culture classique

Un préambule aussi général une simple mise en place de la topographie du Forum romain pourra sembler excessif Mais il est plus possible de refuser de lier les études anciennes la culture moderne Il cent ans ou même cinquante ans tout coulait de source la culture classique ou mieux une interprétation plus ou moins modernisante de celle-ci était parfaitement insérée dans les mécanismes de la culture générale dont elle faisait partie hui le rapport entre culture classique et société ne peut plus être immédiat et direct pourtant il doit bien avoir un rapport si on admet comme moi que la connaissance historique fait partie intégrante de la culture de toute culture Le renouvellement des études sur le monde ancien devra donc partir des exigences de connaissance de la société contemporaine et répondre ses besoins Une fois précisé abord pourquoi et comment le monde classique nous intéresse ce qui coïncide avec la nécessité de construire notre interprétation historique et une fois définie la problématique qui en dégage le choix des moyens utiliser en découlera comme une conséquence naturelle Il faut donc renverser la tendance actuelle qui voit dans utilisation de nouveaux moyens surtout techniques la garantie de tout renouvel lement affirmer avec force une recherche qui utilise par exemple une informatique ultra-moderne peut fort bien être au service de perspectives dépassées et pourquoi pas idéologies réactionnaires Certes le recours des instruments nouveaux peut sérieusement modifier les problématiques mais il ne me semble pas que cela soit le point de départ correct une dialectique scientifique

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Qui oserait affirmer la lumière des dernières expériences que le développement autonome de la physique moderne en particulier de la physique nucléaire hors de tout contrôle démocratique pas conduit inverser le rapport correct entre fins et moyens

Le Forum et la modernité

Au tournant de ce siècle les grandes entreprises de fouille de Giacomo Boni ont renouvelé nos connaissances du Forum romain Linieret pour ces découvertes ne est pas limité aux spécialistes Pour en rendre compte il suffira de prendre connaissance de la polémique qui suivit la découverte du Lapis niger et de inscription archaïque qui accompagnait Cette polémique se développa non seulement dans les publications spécialisées mais aussi et surtout dans la grande presse et toucha aussi ce on pourrait appeler le grand public de époque

Les termes mêmes du débat sont fort instructifs le groupe qui entoure Giacomo Boni qui apparaît presque pas lui-même et surtout le linguiste Luigi Ceci le premier éditeur de inscription utilise la découverte pour attaquer fermement les positions hypercritiques de histoire ancienne allemande représentées en Italie par Ettore Pais existence une loi sacrée une époque aussi ancienne Ceci attribuait au vne siècle av J.-C.) dans laquelle la loi est nommée confirmerait selon les auteurs la réalité historique des origines romaines telles elles sont racontées par Tite-Live et porterait un coup mortel aux théories élaborées en Allemagne par Niebuhr et Mommsen Les historiens incriminés allemands et italiens réagirent vigoureusement La discussion finit par se concentrer sur la chronologie de inscription fixée par les traditionalistes au vi -v siècle par les hypercritiques au ve ou même au ive siècle av J.-C Ce qui est en cause est bien autre chose une simple querelle erudite Tout fait significative est la violence des traditionalistes qui déplacent aussitôt le propos sur le plan politique alors que leurs adversaires multiplient les invites la prudence et objectivité scientifique Le ton violemment chauviniste de Ceci rappelle de près et anticipe la polémique antigermanique de bien des philologues et historiens classiques au moment de la première guerre mondiale est en particulier Ceci qui cherche toucher un public plus vaste inverse des hypercritiques et publie ses réquisitoires dans des organes de presse nationalistes comme le Popolo di Roma et la Rivista Italia

importance de la brèche ainsi ouverte ne pouvait échapper la hiérarchie catholique toujours la recherche de prétextes pour attaquer tat unitaire italien et les idéologies des cercles qui le soutenaient intervention de la Civiltà cattolica la revue de la Compagnie de Jésus lourdement favorable aux traditionalistes confirme les motivations autres que neutres et scientifiques de la polémique La cible est évidemment la culture laïque et héritière des Lumières qui conduit au renouvellement des études histoire romaine Pais parle ironiquement et non sans raison archéologie patriotique et archéologie électorale

Polémique-prétexte qui se manifeste outre la désinvolture avec laquelle arguments et faits sont évoqués et détournés par la rapidité avec laquelle elle se conclut quand intérêt immédiatement politique paraît épuiser La discussion reflue alors et enlise dans les cercles académiques avant être ranimée ces dernières années par le renouveau intérêt pour les origines de Rome

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Cet épisode apparemment exceptionnel est en fait le modèle de la situation ensemble que connaissent les études sur le Forum romain depuis la fin du siècle dernier surtout pour la période archaïque Les découvertes exceptionnellement importantes de Boni au tournant de ce siècle outre le Lapis niger la nécropole proto-historique du Forum le Lacus Curtius la fontaine de Juturne etc.) ont coïncidé avec une période où école historique hypercritique alors hégémo nique était pas préparée les recevoir Elles furent donc utilisées par le cercle réduit et provincial des archéologues romains et en particulier par école topographique celle-ci était étroitement liée par ses origines la plus mauvaise tradition antiquaire du xvne et du xvine siècle et elle tendait une réévaluation a-critique de la tradition en tant que telle Ces groupes archéologues romains eurent leur moment de gloire politique avec le fascisme rejoints bien vite par beaucoup de représentants de école hypercritique parmi lesquels Pais lui- même Un véritable précurseur du fascisme et pour certains aspects du pire racisme nazi fut archéologue du Forum Giacomo Boni9 Ce dernier devait sa formation qui était pas strictement parler celle un humaniste il était de fait architecte et ses origines septentrionales une ouverture culturelle vers Europe et en particulier vers Angleterre où provenait probablement son extraordinaire habileté de fouilleur qui permet utiliser encore hui en pleine confiance ses résultats La pauvreté de son approche historique surgit cependant avec régularité des conclusions de ses études caractérisées par de véritables délires mystico-lombrosiens ultime démonstration si cela se révélait nécessaire de la faible garantie scientifique offre la science de Antiquité une approche purement technique

Il est pas possible examiner ici les raisons de actuel renouveau intérêt pour les origines et histoire archaïque de Rome se conjuguent le renouveau des études économiques et sociologiques en Italie après la parenthèse Crocienne qui eu aussi ses conséquences avec le retard habituel dans le domaine des sciences de Antiquité intérêt tout proche pour les problèmes origines en particulier pour origine de la cité qui est la raison de éclosion quantitative et qualitative des études de proto-histoire ethnologie et anthropologie en Italie dans ces dernières années la série de découvertes survenues dans la banlieue de la ville la suite de extension récente du centre urbain qui ont considérablement augmenté nos connaissances matérielles pratiquement bloquées au niveau qui était le leur au début du siècle 10 Parallèlement les études hist rico-religieuses qui pour la période des origines sont partie intégrante du domaine général de anthropologie ont connu un développement du même ordre

La tradition fortement idéaliste qui est la base de ces études spécialement en Italie conduit se désintéresser des structures matérielles économiques et sociales 11 Il semble ici particulièrement urgent établir un strict rapport interdisci plinaire avec les traditions études liées aux réalités de la production et au territoire comme archéologie proto-historique et classique et la topographie historique

Pour ce qui concerne cette dernière il faut prendre conscience une autre urgence pour autant elle concerne le territoire de Rome la topographie arrête en pratique aux conclusions certainement fort importantes obtenues par les grands savants du siècle passé Mais leur réexamen impose la lumière de tout ce

pu élaborer la recherche historique archéologique et anthropologique des dernières décennies des résultats importants pourront apparaître non seulement

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grâce un renouveau des techniques ou des méthodes mais surtout par une claire détermination des fins vers lesquelles il faut tendre En particulier la vieille polémique entre traditionalistes et hypercritiques parallèle sur le plan économico-social celle qui divise modernistes et primitivistes semble dépassée tout particulièrement si on accepte ce changement de stratégie Ce qui intéressait les historiens du siècle passé était surtout une histoire de type

événementiel Dans cette perspective il est bien sûr impossible de suivre les sources disponibles par exemple dans le cas de I1 historicité des rois de Rome

En tenant compte du but de la recherche et intérieur de ces limites la position des hypercritiques semblait la plus avancée Cependant au fur et mesure que histoire politique cessé de constituer la totalité de histoire et que sont apparus des secteurs disciplinaires moins liés au fait ponctuel et donc intelligibles dans la seule longue durée ces matériaux mêmes de histoire des origines de Rome sont susceptibles être mieux utilisés Cela se manifeste de fa on de plus en plus notable pour histoire juridique et histoire religieuse Le développement de archéologie de fouille est appelé contribuer ce procès en démontrant comment les grandes lignes institutionnelles et chronologiques des phases les plus anciennes de Rome correspondent celles léguées par la tradition Résultat largement suffisant pour une histoire de longue durée dans cette optique il sera moins important de confirmer le chiffre canonique des sept rois ou la durée de leur règne que la réalité historique une période monarchique qui embrasse les deux premiers siècles de la cité Il ensuit entre autre une réévaluation des sources

antiquaires face celles de annalistique et la possibilité utiliser pleinement un auteur comme Denys Halicarnasse traditionnellement méprisé par les historiens Dans la foulée de cette réévaluation des antiquaires les études de topographie historique reprennent toute leur valeur Il agit utiliser au mieux la technique traditionnelle des antiquaires du siècle passé qui combine étude des sources littéraires et épigraphiques avec étude des monuments et du terrain et on peut ajouter hui avec la technique moderne de la fouille)

Pour les périodes plus anciennes on peut aussi identifier sur le terrain la position des bâtiments en particulier des édifices sacrés partir des indications des sources littéraires origine antiquaire une fois admise la tendance de ces édifices conserver longtemps en pratique indéfiniment leur position initiale Ce conservatisme caractéristique de Rome permis la permanence et pour ainsi dire la momification de situations topographiques primitives même quand elles avaient perdu toute fonction réelle mais elle continuait au niveau idéologique

une époque très récente si les monuments avaient physiquement disparu leur mémoire pouvait être fixée par la tradition écrite La conservation du très antique calendrier archaïque dit Calendrier de Numa est effet des mêmes dispositifs mentaux intérieur des calendriers post-césariens Nous sommes ainsi en mesure de reconstruire diachroniquement et synchroniquement dans espace et le temps la situation de la cité archaïque partir des phases pré-urbaines Il est évident que dans ce cadre la topographie historique devient la base documentaire indispensable pour toutes les autres disciplines qui intéressent aux origines de la cité

Nous donnerons dans les pages qui suivent un exemple des résultats que permet obtenir un examen systématique de la topographie de la Rome archaïque

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La constitution du paysage arch éo/og/que

Le visiteur qui parcourt hui les ruines du Forum romain risque de succomber une double illusion le plus souvent il imaginera avoir sous les yeux aspect réel de la Rome antique et ce en appuyant éventuellement sur une

reconstruction graphique ou sur une photographie de la maquette du Musée de la civilisation romaine) et son plaisir intellectuel sera essentiellement le produit de la distance ce passé retrouvé Certes une telle réaction est difficile éviter même sur le plan scientifique et elle constitue probablement le ressort inconscient de toute activité historiographique Il convient néanmoins en éclairer au départ les implications et les risques En effet le Forum tel que nous le voyons est le résultat un double processus historique une part accumulation une stratification urbaine qui est constituée depuis les origines de la ville la fin du monde antique mais qui est en réalité poursuivie bien au-delà et malgré les nombreuses destructions de archéologie puriste du début du siècle les monuments médiévaux et modernes sont bien présents pour nous rappeler la continuité de histoire de autre les campagnes de fouilles qui opèrent un choix précis intérieur de ce continuum et ont par conséquent fortement contribué créer le

paysage actuel du Forum Cette vision synchronique des diverses phases qui furent en réalité successives et qui sont hui considérées comme une unité est ainsi que personne jamais pu voir ensemble arc de Septime Sévère et les vestiges situés sous la Pierre Noire est autant plus aisément acceptée elle présente équivalent monumental parfait de image traditionnelle littéraire du monde classique une image rhétorique et figée dans atemporel

côté de cette monumentalité en est créée une autre En effet le développement important des fouilles qui eu lieu entre la fin du siècle dernier et le début du nôtre pas été suivi une publication adéquate Ainsi la majeure partie des fouilles de Boni est encore inédite et cette tradition déplorable est maintenue pour les explorations ultérieures ces dernières années Nous manquons donc une publication qui élèverait en quelque sorte les nouvelles découvertes au même niveau élaboration que celui où les grandes études topographiques le plus souvent antérieures aux fouilles de Boni avaient porté la documentation littéraire et épigraphique est pourquoi les interprétations et les identifications qui furent proposées époque étaient souvent hâtives et de toute fa on fondées sur une élaboration critique insuffisante Tout cela est aggravé par indéniable déclin des études de topographie antique comme du reste toutes les études antiquités au cours de entre-deux-guerres Ainsi ce qui était de toute évidence un état provisoire des études est finalement mué en vulgate celle des plaques identification qui sont apposées sur les monuments celle des guides touristiques mais également celle de nombreux manuels courants Et cette vulgate est devenue elle aussi dans une certaine mesure monumentale et définitive tel point il est difficile de la détruire alors même on peut prouver sa totale inconsistance herméneutique

Si nous abordons cette koinè avec un esprit critique nous nous apercevons non seulement que souvent celle-ci ne résiste pas un examen approfondi mais que la solution avait parfois déjà été entrevue par les savants du xixe siècle qui écrivaient avant les grandes campagnes de fouille de la fin du siècle dernier est là la

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conséquence une part du prestige supérieur dont bénéficie le monument par rapport la source littéraire autre part des retards pris par archéologie monumentale sur le plan de élaboration critique des données par rapport la critique antérieure qui était elle essentiellement philologique Pour faire avancer la recherche dans ce domaine il est par conséquent indispensable de tenter une harmonisation critique des deux niveaux enquête

Comment procède en effet le topographe traditionnel en présence de ces deux séries documentaires Dans le meilleur des cas est-à-dire quand il est en mesure accéder une manière ou une autre aux textes littéraires et épigraphiques éventualité toujours plus rare) il mettra en parallèle la liste des monuments et celle des sources considérées en dehors de leur articulation contextuelle et chronolo gique par exemple de la manière où elles sont enregistrées dans les Fontes ad topographiam veteris urbis Roinae pertinentes Sources de la topographie de la ville de Rome antique de Lugli et il ne apercevra pas il juxtapose deux abstractions qui peuvent se référer par exemple des réalités chronologiquement différentes une idée monumentale du Forum abstraction essentiellement moderne comme on dit sera forcée de coexister avec une image littéraire elle aussi abstraite alors au contraire il serait nécessaire éplucher parallèlement les deux stratifications monumentale et littéraire pour confronter des réalités synchro niquement homogènes

La Via Sacra

Dans excellent manuel de Plainer et Th Ashby topograpliical dictionary of ancient Rome Oxford-Londres 1929) nous lisons la page 465 la phrase suivante propos de la Voie Sacrée

Cette voie qui va du haut de la Velia entrée du Forum est la Voie Sacrée de toutes les sources littéraires et épigraphiques la fin de Empire deux exceptions près Varron et Pestus

Cette affirmation serait en soi déjà assez déconcertante dans la mesure où Varron et Pestus est-à-dire Verrius Flaccus) et surtout le premier sont les principales sources antiquaires romaines dont dérive une grande partie de nos informations Varron ne connaîtrait donc pas la Voie Sacrée En fait si nous examinons la documentation littéraire et épigraphique nous nous apercevons que deux auteurs seulement nous ont laissé une définition précise et entre autres concordante du parcours de la Voie Sacrée ce sont Varron et Pestus La Voie Sacrée on leur oppose comme étant la vraie est autre que celle qui été inventée par les topographes modernes Ceux-ci ne tenaient notamment pas compte du fait que la réalité connue par les deux auteurs antiques était celle de la fin de la République et du début de Empire alors que la réalité présentée par les fouilles actuelles est au moins en partie celle qui résulte des grands travaux publics qui se sont succédé depuis époque néronienne la fin de Antiquité

Les passages de Varron et de Festus sont les suivants

Festus 372 Voilà pourquoi il ne faut pas comme on admet appeler cette voie sacrée depuis la Regia la maison du roi des sacrifices mais aussi depuis la résidence du roi au sanctuaire de Strenia et encore depuis la Regia

la Citadelle -v)12

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Varron L. 47 Quant au mot Cannae il vient de Cerionia car là commence la Voie Sacrée qui conduit du petit sanctuaire de Strenia la Citadelle est par cette voie on porte les offrandes la Citadelle tous les mois et les augures partis de la citadelle font habitude leurs observations De cette Voie Sacrée la seule partie couramment bien connue est celle qui correspond au début de la pente quand on vient du Forum 13

II existait par conséquent deux acceptions du terme Sacra via la première plus restreinte et ïusage commun autre plus large connue cette époque seulement des experts comme Varron et Verrius Flaccus La première commen ait la Regia Pestus ou au Forum Varron et se terminait la résidence du roi des sacrifices Festus ou au début de la pente Varron La Voie Sacrée plus longue et donc moins communément connue comprenait deux prolongements au nord-ouest elle passait le long de la fa ade de la basilique Aemilia et non comme on le pense communément devant la basilique Julia) pour aboutir au pied de la Citadelle et des Scale Gemomae est son prolongement devait traverser la Vèlia et se diriger vers les Carènes entre la Vèlia et Esquilin Son parcours fut sensiblement modifié par la construction de la basilique de Maxence il agit probablement de la route qui passe derrière abside de la basilique et continue vers le Colisée suivant le tracé de actuel Clivo di Venere Felice La rue qui monte du temple de Romulus vers arc de Titus est pas coup sûr la Voie Sacrée il est possible il agisse de la voie Halu ce Diei alors que le trajet entre arc de Titus et le Colisée pourrait être identifié la voie des Curies

Il est évident que les limites proposées par Varron et par Festus coïncident la Regia correspond au Forum la résidence du roi des sacrifices au début de la montée Déjà cette deuxième donnée ne cadre pas avec opinion commune qui situe la fin de la Voie Sacrée aux alentours de arc de Titus En effet celui-ci ne peut en aucune fa on être localisé au début de la pente Or opinion que la Voie Sacrée étendrait arc de Titus sert de fondement la localisation aux alentours de arc de toute une série autres édifices la porte Mugonia la chapelle des Lares le temple de Jupiter Stator la maison des Tarquins la maison du roi des sacrifices et le haut de la Voie Neuve elle-même En fait ces monuments étaient tous situés beaucoup plus bas au début de la pente près de la maison du roi des sacrifices et on pourrait facilement le démontrer pour chacun de ces édifices

La maison du roi des sacrifices La localisation de cette maison auprès de arc de Titus dépend exclusivement de sa position au haut de la Voie Sacrée Or il existe deux passages rejetés tous deux comme invraisemblables par la critique moderne dont il ressort que cette maison se trouvait au voisinage de Atrium de Vesta et était identique la soi-disant Domus publica maison publique

Servius Comment Enéide ch 363 La maison habite le pontife est appelée regia parce elle avait été la résidence ordinaire du roi des sacrifices 14

Dion Cassius 54 27 Auguste élu grand pontife ne re ut pas de résidence publique toutefois dans la mesure où le grand pontife devait absolument vivre dans une demeure publique il rendit publique une partie de sa propre maison Il fit don en tout cas aux vierges vestales de la résidence du roi des sacrifices qui possédait un mur commun avec leur maison

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II ne agit par conséquent pas de la Domus publica nom propre mais une domus publica non commun) comme il ressort du texte grec Son nom est Maison du roi Par conséquent le grand pontife habitait partir une certaine

époque peut-être partir du ne siècle av é.) dans la maison du roi des sacrifices qui confinait par un mur la maison des Vestales toujours après le texte de Dion Cassius Le haut de la Voie Sacrée où se trouvait la maison du roi des sacrifices ne doit donc pas être localisée auprès de arc de Titus mais précisément comme affirme Varron au début de la montée la hauteur du soi-disant temple de Romulus

mon avis ce temple doit être identifié avec celui de Jupiter Stator situé lui aussi au haut de la Voie Sacrée Des nombreux arguments que on pourrait citer appui de cette identification je en donnerai un seul qui me paraît toutefois définitif dans les Catalogues Régionaires liste sans doute officielle époque tardive des édifices situés dans les quatorze régions augustéennes de Rome la limite entre la ive région du Forum de la Paix et la xe région Palatin se trouve marquée précisément par la Voie Sacrée et par son prolongement oriental La Noti tia de regionibus Vrbis enumere pour la ive région les édifices suivants La meta sudans le temple de Rome et de Vénus le sanctuaire de Jupiter Stator la Voie Sacrée la basilique constantinienne le temple de Faustine la basilique de Paulus 15

Nous noterons tout de suite que dans cette liste la Voie Sacrée est mentionnée seulement après le sanctuaire de Jupiter Stator Mais avant tout ce dernier est localisé dans la ive région et non pas dans la xe Palatin Par conséquent il ne peut pas être situé au sud de la voie dite sacrée ce qui exclut donc identification traditionnelle avec le podium situé près de arc de Titus) mais devra être cherché au nord de cette voie Or les Catalogues Régionaires citent une série édifices alignés le long de la voie et au nord de celle-ci tous identifiables sauf un dans ordre après la meta sudans le temple de Vénus et de Rome la basilique de Constantin ou de Maxence le temple Antonin et de Faustine la basilique Aemilia On notera la rigueur avec laquelle cette basilique par le simple fait être située au nord de la Voie Sacrée est incluse dans la ive région et non pas comme il nous paraîtrait naturel dans la vine Forum romain La liste des Catalogues correspond en fait nous le répétons un seul alignement sans discontinuité édifices voisins et tous identifiables sauf un le sanctuaire de Jupiter Stator Dans la réalité nous retrouvons exactement le même alignement avec un édifice non identifié en plus le soi-disant temple de Romulus Comme il pas de place pour autres édifices il faut par conséquent identifier le temple de Romulus au sanctuaire de Jupiter Stator

Ce que les autres sources nous apprennent sur cet édifice correspond la localisation proposée en effet les sources le situent au pied du Palatin Pseudo- Cicéron Discours prononcé la veille de son départ en exil 24 ou bien auprès du forum Appien Guerres civiles 11 Cette localisation coïncide en outre avec la position en haut de la Voie Sacrée et avec la situation de la maison du roi établie indépendamment La localisation de la porte Mugonia est ainsi déterminée par contrecoup puisque nous savons elle se trouvait auprès du sanctuaire de Jupiter Stator Par ailleurs est avec cette porte et non pas avec arc de Titus il convient identifier arc du haut de la Voie Sacrée représenté sur un bas-relief de la tombe des Hate rii16 est enfin également le haut de la Voie Neuve qui est localisé car certaines sources qui démontrent que la summa Sacra Via et la summa Nova

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Via coïncident établissent par ailleurs une relation directe entre ce lieu précis et le sanctuaire de Jupiter Stator Ces données étaient autre part utilisées auparavant pour relier ce même point arc de Titus est là en effet que se rejoignent les deux voies traditionnellement identifiées la Voie Sacrée et la Voie Neuve Il faut cependant tenir compte du fait que la Voie Neuve actuellement visible qui passe au pied du palais de Tibère longe un parcours déterminé par aménagement urbanistique qui suivit incendie de Néron alors que les sources qui mentionnent cette voie sont toutes antérieures Le parcours de la voie époque de la République et au début de Empire était tout fait différent elle devait certainement longer arrière de la plus ancienne maison des Vestales là où les fouilles effectuées la fin du siècle dernier ont partiellement mise au jour 17 Elle rejoignait ensuite le Vélabre en passant devant la chapelle de Juturne qui ailleurs conservé pour des motifs rituels orientation oblique avait imposée le parcours de la voie Voilà où se trouvait le bas de la Voie Neuve Si maintenant nous prolongeons ce tracé vers est nous constatons que la Voie Neuve devait déboucher sur la Voie Sacrée plus ou moins la hauteur de ce on appelle le temple de Romulus En reconstruisant la topographie prénéronienne du secteur on aboutit donc une localisation du

haut de la Voie Neuve coïncidant avec les hypothèses précédemment formu lées qui en trouvent leur tour renforcées fig

FIG Le Forum romain au début de la République

La maison des rois

Si nous reprenons maintenant la lumière de cette reconstruction topogra phique la tradition littéraire relative la localisation des demeures des rois il apparaît que affirmation de Brown est pas confirmée que les habitations des rois de Rome sont placées par les sources en des lieux tout fait différents de emplacement de la regia historique 18

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Relisons ensemble le plus complet de ces textes qui dérive certainement des antiquaires vraisemblablement de Varron

Solin Collectanea rerum memorabi ium 21-26) Nous indiquerons maintenant où ont habité les autres rois Tatius habitait sur la Citadelle là où se trouve maintenant le sanctuaire de Junon Moneta. Numa abord sur le Quirinal ensuite auprès du sanctuaire de Vesta dans la Regia qui porte encore hui ce nom. Tullus Hostilius sur la Velia où on construit ensuite le sanctuaire des dieux Pénates. Ancus Marcius au haut de la Voie Sacrée où se trouve le sanctuaire des Lares. Tarqu Ancien la Porte Mugonia sur la Voie Neuve. Servius Tullius Esquilin sur la clivus Urbins. Tarquin le Superbe lui aussi sur le clivus Pullius au bois sacré du Fagutal19

Ces localisations coïncident pratiquemment avec celles que nous trouvons dans autres sources

Varron cité par Nonius Marcellus 531 19 Tullius Hostilius habitait la Vèlia où se trouve hui le sanctuaire des dieux Pénates Ancus le Palatin la Porte de Mugonia au bord de la voie gauche20

Tite- Live 414) Au haut du palais par une fenêtre donnant sur la Voie Neuve le roi Tarquin Ancien habitait en effet près du temple de Jupiter Stator) Tanaquil harangue le peuple21

Dans le passage de Solin on peut distinguer deux traditions alternatives une qui situe les domiciles des rois en des endroits liés leurs origines ou leurs caractères spécifiques Titus Tatius sur le Capitele et Numa sur le Quirinal en tant que rois sabins Servius Tullius sur Esquilin en tant auteur du rattachement de cette colline la ville) autre qui met les habitations en rapport avec des sanctuaires encore existants celle de Numa avec le sanctuaire de Vesta celle Ancus Marcius avec le sanctuaire des Lares celle de Tullus Hostilius avec le sanctuaire des Pénates et celles des Tarquins avec le temple de Jupiter Stator Si on exclut le cas de Jupiter Stator qui ne paraît pas impliquer un rapport structurel) on notera que tous ces cultes Vesta Lares Pénates sont étroitement liés la maison ce sont des cultes domestiques origine qui furent rendus publics ensuite Cette qualité explique parfaitement partir de leur liaison originelle avec les habitations royales et ailleurs leur continuité une époque plus récente constitue une garantie de la vraisemblance de la tradition antiquaire concernant la localisation des demeures royales Un examen détaillé de la tradition nous montre en effet que ces habitations étaient toutes voisines et occupaient la zone comprise entre la Regia historique et le haut de la Voie Sacrée Numa habitait la maison des Vestales Ancus Marcius plus ou moins la maison du roi tel fut encore le cas pour Tarquin Ancien dont la demeure paraît occuper la zone orientale ce qui pourrait faire songer un développement progressif de la Regia originelle du bas vers le haut de la Voie Sacrée Seule exception la maison de Tullus Hostilius est située sur la Vèlia mais de toute fa on très près des autres maisons il est ailleurs intéressant de noter que sa maison se trouve au même endroit que celle de Valerius Public la 22

Si nous introduisons maintenant ces données littéraires dans le contexte topographique et archéologique nous obtenons une confirmation substantielle de la tradition sur les maisons des rois Les fouilles de la Regia effectuées par cole Américaine 23 ont révélé existence un petit édifice constitué par une cour et

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seulement deux pièces ouvrant sur une troisième pièce centrale conformément au schéma désormais bien connu de la maison archaïque Se substituant des cabanes antérieures cet édifice fut construit au cours du dernier quart du vne siècle puis reconstruit plusieurs reprises au cours des second et troisième quarts du vie siècle avant de trouver une forme définitive peu avant la fin du vie siècle Brown avait déjà noté la correspondance précise entre ces phases et les dates livrées par la tradition concernant les trois derniers rois et le début de la République 24 On pourrait ajouter que les mêmes phases se retrouvent dans aire sacrée de SantOmobono et au Comitium autrement dit dans un sanctuaire comme celui de Fortune et de Mater Matuta étroitement lié aux dynasties étrusques ce qui est ailleurs confirmé par les dernières découvertes épigraphiques)25 et sur la place le Comitium fonction- nellement liée activité du roi comme nous le montrent les indications du calendrier romain archaïque et du cippe inscrit du Comitium 26

Dans son premier article publié dans les Entretiens de la Fondation Brown soutenait que édifice archaïque remplacé par la Regia républicaine devait être identifié un sanctuaire en raison de la présence dans cet édifice de terres cuites architecturales Une fois ce dogme détruit par la découverte autres édifices archaïques identifiables des résidences princières et décorées de terres cuites architecturales comme celles Acquarossa et de Murlo28 Brown lui-même renoncé sa première interprétation dans un article qui malheureusement pas connu la même diffusion que le premier29 Désormais seules les dimensions réduites de édifice concerné opposent identification de la Regia archaïque avec habitation des derniers rois de Rome Néanmoins tout conduit penser que la Regia historique ne constitue une partie de la résidence royale archaïque celle-ci il faut certainement joindre la maison de Vesta et la résidence du roi des sacrifices situées toutes deux au voisinage immédiat de la Regia républicaine ambiguïté de la tradition littéraire utilisant le terme Regia tantôt au sens restreint tantôt dans un sens plus large qui inclut explicitement la résidence du roi et maison des Vestales 30 paraît accorder assez bien avec une réalité complexe et stratifiée La réunion graphique de tous ces édifices dans les phases les plus anciennes que on ait réussi reconstruire présent et qui paraissent remonter au moins au début de la République nous restitue un complexe suffisamment étendu et articulé pour pouvoir correspondre la résidence un roi et être confronté avec les complexes analogues de Murlo et surtout Acquarossa éventuelles fouilles futures pourront peut-être confirmer ce qui est pour heure une simple hypothèse de travail fig 2)

Au début de époque républicaine nous assisterons la dislocation de cet édifice en secteurs indépendants en rapport avec la fragmentation des fonctions initialement unifiées dans la demeure royale Le sanctuaire et la maison de Vesta est-à-dire après observation subtile de Gernet31 le foyer de la Regia comme feu sacré collectif desservi origine par les filles nubiles du roi relayées ensuite par le sacerdoce républicain des Vestales il convient de noter ce propos que le matériel le plus ancien du puits archaïque situé auprès du sanctuaire de Vesta remonte comme celui que on trouvé dans la Regia au dernier quart du vne siècle)32 la résidence destinée au roi des sacrifices successeur sur le seul plan des sacra du roi primitif avec la décadence de ce sacerdoce dont les fonctions passeront progressivement au grand pontife par exemple la patria potestas sur les Vestales) ce dernier finira par occuper de fa on permanente la maison destinée origine au roi des sacrifices33 enfin la Regia au sens

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FIG Le complexe des édifices constituant la résidence présumée des rois de Rome En haut la Regia en bas le sanctuaire de Vesta et Atrium Vesine droite la domus regis

sacroriim

restreint secteur limité de la résidence primitive réservée au culte de Mars et dOps Consiva il est peut-être pas audacieux de proposer de reconnaître ce couple comme une hypostase sacrée du roi et de la reine primitifs dans leurs fonctions respectives de garants des activités guerrières et agricoles La persistance travers toutes les phases de deux pièces et de deux seulement serait de nature conforter cette hypothèse ailleurs le terme même qui les désigne sacrario confirme leur origine privée Comme il été démontré le terme sacrarium par exemple le sacrarium Auguste ad Capita Bubul est utilisé presque exclusivement au sens de sanctuaire privé 34 Par conséquent les cultes Ops et de Mars contribuent eux aussi confirmer avec ceux de Vesta des Lares et des Pénates le caractère originellement privé domestique des cultes liés la maison des rois et donc renforcer identification de ce groupe édifices qui occupent la zone comprise entre le bas et le haut de la Voie Sacrée la résidence des rois

es monuments et leur distribution

Reprenons maintenant les passages de Verr et de Pestus qui décrivent la Voie Sacrée dans son acception large connue seulement de quelques auteurs Un premier tron on courait de la résidence du roi la chapelle de Strenia sur les Carènes autre conduisait sur la Citadelle Ce deuxième tron on semble totalement extérieur enceinte du centre le plus anciennement habité qui comprenait le Palatin et la Vèlia On déjà souligné depuis longtemps que le terme via désignait toujours une voie extra-urbaine les rues intra-urbaines appelaient vid semitae

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clivi etc. Les seules exceptions sont précisément la Voie Sacrée et la Voie Neuve qui auraient donc été origine extra-urbaines La Voie Neuve part comme la Voie Sacrée au sens restreint de la porte Mugonia et en va vers le Vélabre en autres termes elle paraît avoir assuré la communication avec la zone du Forum Boarium et du Port du Tibre Il faut se rappeler que est seulement dans cette zone que le Palatin est accessible par une route carrossable accès sur tous les autres côtés se faisait par des escaliers ce titre étymologie antique du nom de la porte Mugonia

vraie ou fausse cela importe peu en occurrence qui la reliait au mugissement des ufs qui passaient par là peut être significative

Le deuxième tron on de la Voie Sacrée au sens large conduisait après Varron et Pestus de la Regia la Citadelle est par conséquent avec la route qui longe la basilique Aemilia il faut nécessairement identifier et non pas avec celle qui borde la basilique Julia comme on le fait communément Ce tron on devait conduire au Comitium et aux scalae Gemoniae puis en passant par cet escalier vers Vauguraculum de la Citadelle Le passage de Varron déjà cité prouve que telle était bien la fonction de cette voie et le passage de Festus le rend encore plus explicite certaines cérémonies comme celle du sacrifice une brebis Jupiter par le flamen Dialis occasion des Ides mettent en rapport la Citadelle et la Voie Sacrée autres cérémonies citées par Varron sont plus étroitement liées auguracidum de la Citadelle qui était fonctionnellement relié au Comitium et la Voie Sacrée dans la mesure où la spectio des augures requise avant ouverture des comices se faisait partir de la Citadelle qui la dominait)35 En autres termes la Citadelle le Comitium et la Voie-Sacrée forment un tissu fonctionnel étroitement tramé Par exemple ce que nous savons de inauguration du roi36 montre que celle-ci se produisait sur Vauguraculum alors que le peuple assistait la cérémonie partir du Comitium autres cérémonies liées au roi se trouvent également en rapport avec la Citadelle et le Capitole telles les sacra nonalia la proclamation des nones que le roi faisait in arce dans sa qualité de garant du temps et donc du calendrier 37 Il avère ainsi possible de reconstruire un lien fonctionnel très étroit entre la Regia et le Comitium entre le Comitium et la Citadelle lien qui concernait sutout la personne du roi et se matérialise travers la Voie Sacrée et ce est certainement pas par hasard ainsi que noté naguère Richardson Jr. que axe de la spectio augurale qui effectuait sur auguraculum de la Citadelle était exactement orienté vers le mont Albain la direction même que prend également la Voie Sacrée)38

La topographie et le mythe

II est intéressant de réexaminer ce que on peut considérer comme le mythe de fondation proprement dit de la ville latino-sabine comprenant un côté le groupe plus ancien du Palatin et de la Vèlia de autre le groupe du Capitole et du Quirinal et qui détermine la qualité centrale du Forum et donc son choix définitif comme centre politique de la cité Ce mythe de fondation peut être identifié la guerre des Romains et des Sabins qui de manière significative aurait précisément eu le Forum pour théâtre action

affrontement consiste on le sait en un mouvement pendulaire entre la porte de la Citadelle et la porte Mugonia est-à-dire pratiquement entre les deux extrémités du Forum suivant un parcours qui correspond parfaitement la Voie Sacrée Tous les lieux les plus vénérables et les plus antiques du Forum sont inclus

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dans cette narration et donc intégrés dans le mythe et expliqués au début de affrontement sur le Comitium Hostus Hostilius tombe endroit signalé par le Lapis niger qui serait la tombe de ce personnage alternativement celle de Romulus ou de Faustulus)39 Les Romains enfuient la porte Mugonia et là Romulus fait le de construire le temple de Jupiter Stator dont la situation est désormais beaucoup plus intelligible leur tour les Sabins se replient au centre du Forum où survient épisode de Mettius Curtius éponyme du Lacus Curtius Enfin les femmes sabines se jettent entre les combattants et les séparent la hauteur du sanctuaire de Vénus Cloacine Ce dernier épisode explique peut-être partir un aspect matrimonial de ce sanctuaire semblable celui de autre chapelle de Vénus Murcia située dans la vallée où était produit le rapt mythique) mais peut-être également partir du fait que le sanctuaire de Cloacina se trouve sur le Vélabre canalisé ensuite par la Cloaca Maxima) et que ce ruisselet pouvait marquer la limite entre les deux habitats celui du Capitale et celui du Palatin cette qualité de signe des confins attachée aux cours eau peut expliquer le fait que leur passage interrompait les auspices comme était le cas après une tradition conservée par Festus pour Vamnis Petronia du Champ de Mars)40

La réconciliation définitive entre les deux peuples eut pour théâtre le Comitium nom dont étymologie est ailleurs justifiée aux yeux des Anciens par la rencontre qui eut lieu en cet endroit précis entre Romulus et Titus Tatius

Il est significatif une autre source mette en rapport avec ce traité non pas le Comitium mais la Voie Sacrée et ce serait précisément là si on en croit cet auteur il faudrait chercher origine de la dénomination de cette voie) ce qui ne serait certainement pas possible sans existence un lien très étroit entre cette même voie et le Comitium 41

De ce mythe se dégage un archétype structural qui déjà été mis en évidence par autres auteurs propos de origine de la cité grecque42 La zone publique la place qui est au centre de la cité est destinée la médiation entre les diverses composantes qui se sont fondues dans la cité elle-même en acceptant de résoudre leurs contradictions travers un affrontement sans effusion de sang un conflit de paroles qui se substitue aux précédents conflits militaires

De no land entre villages ennemis espace intermédiaire se transforme ainsi en espace public forum et agora) destiné la médiation au conflit de paroles sans effusion de sang

est ainsi que le mythe de la guerre romano-sabine du Forum révèle la vraie nature du mythe de fondation de la cité palatino-capitoline dont le centre au départ siège une lutte sanglante se transforme en un lieu géométrique destiné la lutte politique le Comitium

Filippo COARELLI niversitede Perouse

Traduit par Alain Schnapp et John Scheid

NOTES Les thèmes proprement archéologiques mais également les implications plus généralement

culturelles et sociologiques dérivant de la découverte des guerriers de Riace ont été abordés dans un colloque organisé par la Région et par Université de Calabre qui est déroulé en septembre 1981 Cosenza et Reggio de Calabre les actes sont sous presse paraître aux éditions Quasar)

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Pour le projet et la polémique il suscitée du parc archéologique et de la fouille complète des forums impériaux proposé par la surintendance archéologique de Rome voir LA REGINA

CoAREi.i.i Nrcoi.iNi.C AYMONINO QUINTO Roma continuila dell antico Fori imperiali nel progetto della città Milan 1961 103 on trouvera la liste des interventions les plus importantes publiées dans la presse italienne et internationale)

Voir CANFORA Ideologie del classicismo Turin 1980 et les observations de NARDUCCI dans Maia 28 1976 40 ss TIMPANARO Introduction PASQUALI Preistoria della poesia romana 2e éd. Florence 1981 pp 47 ss et 54 ss

Toujours substantiellement valable propos de ces thèmes essai de HORKHEIMER Eclipse of reason New York trad fr clipse de la raison Paris 1974 Je me trouve en désaccord total avec la position de Garandini comme cet auteur souligné dernièrement dans Storie dalla terra Bari 1981 pp 15-30

Suivant la fameuse formule de Pasquali souvent reprise par exemple dans Storia della tradizione critica dei lesto Florence 2e éd. 1962 xiv Non esistono discipline severamente delimitate scomparti Fâcher ma solo problemi che devono essere spesso affrontati contempora neamente con metodi desunti dalle più varie discipline propos du rapport entre culture moderne et sciences de Antiquité les pages de BIANCHI BANDINEI-I.I Archeologia cultura 2e éd. Rome 1979 pp 5-44 restent fondamentales

ne très utile bibliographie de cette polémique été publiée par TROPEA dans Ri vis fa storica antica 1899 pp 470-509 1900 pp 101-136 301-356 1901 pp 157-184

Voir CANFORA op cit. pp 39-56 Pour une définition critique des milieux archéologiques romains voir Enciclopedia arte

antica vol Vt Rome 1965 pp 764-767 signée red. mais due Bianchi Bandinelli II tono aulico fu anche conforme al carattere tutto particolare di una cultura locale che per la sua particolarissima situazione storica divenne incline nei suoi ultimi due secoli nella maggioranza dei suoi rappresentanti anche insigni meglio esaltazione che indagine critica più alla elegante accademia erudita formale che alla concreta ricerca scientifica Sembra quasi che buoni studi spesso fossero stati coltivati più al fine di un prestigio personale di casta che non quello della ricerca della soluzione di una effettiva sostanziale problematica storica anche se contributi sostanziali non sono mancati in nessun tempo. Perci accaduto questo fatto singolare che mentre Roma suoi monumenti sono stati si pu dire la culla delle ricerche di archeologia suoi ruderi sono celebri nel mondo per esser stati descritti infinite volte essi possono dirsi complessivamente in gran parte inediti dal punto di vista archeologico-scientifico

Pour Boni outre la biographie pléthorique et acritique TEA Giacomo Boni nella vita del suo tempo Milan 1932) voir le Dizionario biografico degli Italiani voi 12 75 ss

10 Parmi énorme bibliographie récente sur la question citons seulement Civiltà del Lazio primitivo catalogue de exposition) Rome 1976 Naissance de Rome Paris Petit Palais 1977

Lazio arcaico mondo greco Lu Parola del Passato 32 1977 La formazione della città nel Lazio dans Dialoghi di archeologia n.s. 1980

Voir en dernier lieu les observations de FRASCHETTI Annalistica mitologia studi storico-religiosi dans Dialoghi di archeologia 9- 1976-1977 pp 602-630

e/ne ne eateiiiis idem ut vulgus opinatur sacra appellando est regia ad domùm Regis sacrificiili sed eliam Regis domo ad sacellum Streniae et rursus regia usane in arcem

Ca rinae postea Cerionia quod hine oritur capul Sacrae viae ab Streii ae sacello öèè perlinel in arcem qua sacra quotquot mensibusferuntur in arcem et per uam augures ex arce profecti soient inaugurare Huius sacrae viae pars haec sola volgo nota quae est foro eunti prim clivo

14 Domus in qua pontifex habitat regia dicitur quod in ea rex sacnficulus habitare consuessel Metam siidantem templùm Romae et Veneris aedem ovis Statoris viam sacrom basilicam

Conslantiniunam templùm Faustinae basilicam Pauli 16 Voir Giui.iANO Memorie Academia dei Lincei 8e s. 13 1968 474 fig 17 VAN DEMAN The Atrium Vestae Washington 1909 13 note 18 BROWN Soundings in the Regia the evidence for the early Republic Entretiens

Fondation Hardt Genève 1967 pp 47-60 id. La protostoria della Regia Rendiconti della Pontificio Accademia 47 1974-1975 pp 15-36

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Ceteri reges qi ibus lods habitaverunt äicemus Tatius in arce ubi ïèï aèdes est Iunonis Monetae. Numa in colle primùm Quirinali deinde propter aedem Vestae in regia quae adhuc ita appeliatur. Tullus Hostiliiis in Velia ubi postea deum Penatium aedesfacta est. Ancus Mardus in summa sacra via ubi aedes Larum est. Tarquinius Prisens ad Mugoniam Portam supra summani nov viam. Servais Tullius Esquilinus supra divùm Urbium. Tarquinius Superbus et pse Esquilinus supra divùm Piillium ad Fagutalem lucum

20 Tulium Hostilium in Velus ubi ïèï est aedis deum Penatium Ancum in Palatium ad portam Mugionis secundum viam sub sinistra

Ex superiore parte aediuin per fenestras in nov viam versus liabitabat enim rex Tarquinius Prisens ad lovis statoris populuni Tanaquil adloquitur

22 PLATINER Th ASHBY Topographical Dictionary of Ancient Rome Oxford 1929 pp 196-197

23 Voir note 18 24 BROWN La protostoria della Regia op cit. 35 25 PAI-I-OTTINO Lo sviluppo socio-istituzionale di Roma arcaica alla luce dei nuovi

documenti epigrafici Studi romani 27 1979 pp 1-12 26 CoAREi.i-i II Comizio dalle origini alla fine della Repubblica cronologia topografia

La Parola del Passato 32 1977 pp 165-238 id. Ara Saturni Mundus Senaculum La parte occidentale del Foro in età arcacia Dialoghi di arclieologia 9- 1976-1977 pp 346-377

27 BROWN Soundings. op cit 28 CRISTOFANI Considerazioni su Poggio Civitate Prospettiva 1975 pp 9-1 ss ToREi.i.i Etruria Guide archeologiche Laterza) Bari 1980 pp 265-268 29 Voir note 18 30 VAN DEMAN op cit note 17) 10 note 31 GERNET Sur le symbolisme politique le Foyer commun Anthropologie de la Grèce

antique Paris 1976 pp 382-402 32 AMPOI.O dans Dialoghi di archeologia n.s. 1980 166 33 Sur évolution des rapports entre rex sacrorum et pontifex maximus analyse de

MAZZARINO Dalla monarchia allo stato repubblicano Catane 947 pp 48-57 garde encore toute sa valeur

34 VAN DOREN Les sacraria une catégorie méconnue édifices sacrés chez les Romains dans Antiquité classique 27 1958 pp 31-75

35 CoAREi.r-i Gli Etruschi Roma Incontro di studio in onore di Pallottino Rome 1982 pp 173-188

36 Voir les passages célèbres de TITE-LIVE 18 6-10 PLUTARQUE Numa 1-7 37 VARRON De la langue latine 13 28 cf MACROBE Saturnales 10-13 15 SERVIUS

Commentaire Enéide VIII 654 ISIDORE Origines 33 12 38 RICHARDSON Jr. Honos Virtus and the Sacra Via American Journal of Archaeology

1978 240 ss 39 COAREI.I-I II Comizio art cit note 26 40 PESTUS 284 296 Paul ep 39 CICERON De nat deor. II SERVIUS

Commentaire Enéide IX 24 cf article cité la note 35 41 PESTUS 372 42 J.-P VERNANT Les origines de la pensée grecque Paris 1975 pp 49 98-99 125-130

SVENBRO La parole et le marbre Lund 1976 bibliographie 83 note 43 id. dans Dialogin di archeologia n.s. 1979 pp 100-104

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