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De La Restitution en Archeologie

Date post: 14-Oct-2015
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restauration, archeologie
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  • 5/24/2018 De La Restitution en Archeologie

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    de la restitution en archologiearchaeological restitution

    ides et dbats

    Directrice des Editions et de la diffusion :Dominique Seridji

    Responsable des ditions : Denis Picard

    Responsable adjointe des ditions :Karin Franques

    Coordination ditoriale :Caecilia Pieri

    Maquette, mise en pages et mise en ligne :Opixido, Paris

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    Michel-douard Belletconservateur du patrimoine, ancien administrateur du site dEnsrune

    Claire-Anne de Chazellescharge de recherche, CNRS

    partir de lexemple du site du deuxime ge du fer dEnsrune (Nissan-lez-Ens-rune, Hrault, France), trs largement fouill anciennement et qui prsente desvestiges nombreux dont la comprhension peut chapper aux visiteurs et dont laconnaissance scientifique nest pas assure, on a souhait loccasion de ce col-loque rflchir sur le sens ainsi que sur la porte scientifique et pdagogique des

    restitutions.Lobjectif ntait pas de rflchir sur les mthodes darchologie exprimentale misesen uvre ailleurs et dans des termes souvent trs avancs, pas plus que sur les re-constitutions ni simplement sur la porte pdagogique des restitutions, mais bien, partir dexemples et dexpriences, de formuler diverses questions que lon peut re-grouper autour des thmes suivants.

    LESPRIT

    Restitutions, reconstitutions, archologie exprimentale : le sens et le cadre ? Jusquo va-t-on dans la restitution ? Quelles sont les limites ?

    Quels sont les emplacements utiliss ? Peut-on utiliser des vestiges pour fonder une resti-tution ? Comment distinguer ancien et contemporain ? Validit et intrt des comparaisons ethnologiques ? Quen faire ? Comment les utiliser ? Les rapports entre restitution et prservation : en quoi y a-t-il prservation dans la restitution

    (de mmoire, de techniques, de vestiges, etc.) ? Et aprs ? Comment vieil lissent les restitutions du point de vue des matriaux mais aussi

    du sens ?

    LA PRSENTATION

    Quelles propositions, adaptes quels publics ?

    Le traitement pdagogique : quels mdiateurs ? Quelles formations ? volution du projet : dure de vie et devenir. Entretien et maintenance. Le traitement des intrieurs : mobilier, infrastructures ? Qui ralise, quoi et comment ? Les

    options : ralisme ou suggestion ? Le traitement des ambiances, en particulier sonores ? Utilisation des techniques audiovisu-

    elles : comment ? Existe-t-il des animations permanentes, ponctuelles ? Utilisation des techniques numriques et infographiques : quelles fins ?

    Ce colloque a t organis par le Centre des monuments nationaux avec le partenariat de :Rgion Languedoc-Roussillon, direction rgionale des Affaires culturelles de Languedoc-Roussillon (ministre de la Culture et de la Communication), conseil gnral de lHrault,Ville de Bziers, communaut de communes la Domitienne , Cnrs-Umr 5140, Lattes, parc

    culturel du Biterrois.

    QUELLES QUESTIONS, QUEL COLLOQUE ?

    QUELLES QUESTIONS, QUEL COLLOQUE ?

    Sommaire >>

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    COMIT SCIENTIFIQUE

    Michel-douard Bellet (conservateur du patrimoine, Ville dAix-en-Provence)

    Claire-Anne de Chazelles (charge de recherche, CNRS)

    Jean-Claude Golvin (directeur de recherche, CNRS)

    Monique Levque (professeur des universits)

    Marc Lugand(muse du Biterrois, Bziers)

    Chistian Olive (ingnieur, ministre de la Culture et de la Communication)

    David A. Rousseau (archologue)

    Philippe Vergain (conservateur en chef, ministre de la Culture et de la Communication)

    Des remerciements particuliers doivent tre adresss David A. Rousseau et AdelineSincholle ainsi quaux muses de Bziers, la Villa de Loupian, au muse archologique deLattes, au site du Pont-du-Gard.

    Lorganisation du colloque doit beaucoup Emmanuelle Capo et ses collaborateurs (cabi-net consultant culturel) ainsi quaux tudiants en BTS tourisme du lyce de Pzenas et leurprofesseur, Brigitte Bonifas.

    QUELLES QUESTIONS, QUEL COLLOQUE ?Michel-douard Bellet

    Claire-Anne de Chazelles

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    Michel-Edouard Bellet,conservateur du patrimoine, ancien administrateur du site dEnsrune,

    Claire-Anne de Chazelles,charge de recherches, CNRS

    Using as a starting-point the instance of the second Iron Age site of Enserune, (Nis-san Lez Ensrune, Hrault, France) which was abundantly excavated a long timeago and which presents many remains which are incomprehensible to the visitors andwhose scientific identification is not always assured, it is our intention on the occasionof this conference to reflect on the scientific and pedagogical bearing of restitutions.

    Our aim is not to reflect on the experimental archaeological methods used elsewhereand sometimes with very advanced implementation, nor about the reconstructions oreven about the pedagogical bearing of restitutions. Our intent is rather, from examplesand experiences, to formulate different questions around the following themes:

    THE SPIRIT

    - Restitutions, reconstructions, experimental archaeology: significance and context?

    - Restitution, how far can one go? What are its limits?

    - Which sites are used? Can remains be used to found a restitution?

    - How to differentiate between the old and the new?

    - Validity and interest of ethnological comparisons? How to use them?

    - The relationship between restitution and preservation: to what extent is there preservation inrestitution (of memory, of techniques, of remains,etc.)?

    - And then what? How do restitutions age materially as much as in terms of their significance?

    PRESENTATION

    - Which propositions adapted to which public?

    - Pedagogical manner : which mediators? Which training?

    - Project evolution: life span and future. Upkeep and maintenance.

    - The approach of interiors : how to treat them: furniture, infrastructures? Who does what andhow? The options: realism or suggestion?

    - The approach of atmospheres, more specifically sonorous atmospheres? Using audiovisualtechniques: in which manner?

    - Are there permanent, or punctual animations?

    - The use of digital technologies, to which end?

    CASTELL HENLLYS (PEMBROKESHIRE, WALES),IRON AGE FORT: LEARNING FROM THE PAST

    WHICH QUESTIONS, FOR WHICH CONFERENCE?

    Contents >>

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    This conference was organised by the Centre des Monuments Nationaux in partnership with:

    The Languedoc-Roussillon Region, The Direction rgionale des affaires culturelles de Lan-guedoc-Roussillon (Ministre de la culture et de la communication), the Conseil gnral delHrault, the city of Bziers, the Communaut de communes la Domitienne, the Cnrs-Umr5140, Lattes, Parc Culturel du bitterois.

    SCIENTIFIC COMMITTEE

    Michel-Edouard Bellet (Heritage Curator, City of Aix-en-Provence)

    Claire-Anne de Chazelles (Researcher, CNRS)

    Jean-Claude Golvin (Research Director, CNRS)

    Monique Levque (University Professor)

    Marc Lugand (Muse du Biterrois, Bziers)

    Christian Olive (Engineer. Ministre de la Culture et de la Communication)

    David A. Rousseau (Archaeologist)

    Philippe Vergain (Head Curator, Ministre de la Culture et de la Communication)

    WHICH QUESTIONS, FOR WHICH CONFERENCE?Michel-Edouard Bellet

    Claire-Anne de Chazelles

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    Joan Santacana i MestreTaller de Projectes, universitat de Barcelona

    Maria Carme Belarte Francochercheur, Institut Catal dArqueologia Clssica

    La restitution archologique nest pas une nouveaut de nos jours. La pratiqueconsistant restituer des parties abmes ou disparues de btiments historiquesa dbut au XVesicle Rome, mme si le but de ces restitutions, loin de celui desrestitutions actuelles, ntait pas forcment de conserver le patrimoine historique maisparfois de lutiliser des fins prives. Dans quelques cas, ces restaurations ont mme

    comport la destruction dautres monuments anciens.Depuis ses origines, la restitution a intgr plusieurs modalits dans sa conception ainsi quedans sa mise en place. Ns cnsidrns lhere actelle la restittin ce ne interrtatin de larchitectre,

    faite partir de llaboration dhypothses. Ces interprtations peuvent tre reprsentesde manires diverses et sur des supports diffrents, sans dboucher ncessairement surune restitution matrielle. En effet, une restitution peut tre galement montre sous la formedun dessin sur papier ou dune restitution numrique.

    La restittin nest as synnye de recnstrctin de recnstittin. Recnstrire si-gnifie construire nouveau , replacer des lments qui se sont dplacs, qui ne sontplus sur place. En revanche, la restitution comporte linterprtation dlments disparus.

    Enn, la rhailitatin dn tient est sn adatatin n sae diffrent de celi il

    avait lorigine.

    Aux origines de la restitution archologique se trouve un vieux dbat entre deux modlesopposs de restauration qui se sont dvelopps au XIXesicle. Dun ct, Ruskin reprsenteun point de vue conservationniste et prconise la non-intervention sur les vestiges : It isimpossible, as impossible as to raise the dead, to restore anything that has ever been great orbeautiful in architecture1. Du ct oppos, Viollet-le-Duc prconise la reconstruction totaledes ruines : Restaurer un difice, ce nest pas lentretenir, le rparer ou le refaire, cest lertablir dans un tat complet qui peut navoir jamais exist un moment donn2. Ces deuxmodles ont videmment eu des implications sur les ensembles patrimoniaux, mais ce dbatautour de la reconstitution des ruines sest dvelopp en particulier dans le domaine de lar-chitecture. Larchologie est reste en marge, sauf dans le cas de larchologie classique.

    Cest en quelque sorte partir de ces deux tendances opposes que sont apparus les dif-frents modles de restitution archologique encore en vigueur, dans lesquels on retrouve laconfrontation entre restitution et prservation des ruines telles quelles existent encore. Cedbat est encore ouvert et continue donner lieu des discussions et mme des publica-tions densemble3.

    1. Ruskin, J.,The Seven Lamps of Architecture, 1849, Londres, Century, 1988, p. 194.2. Viollet-le-Duc, E., Dictionnaire raisonnde larchitecture franaise du XIeau XVIesicle, Paris , Bance, 1858-1868.3. Makarius (2004) fait une bonne co mpilation des penses autour des rui nes, dans son ou vrage Ruins, Paris, Flammarion , 2004,p. 171 et suiv.

    PROBLMES GNRAUX CONCERNANTLA RESTITUTION EN ARCHOLOGIE

    PROBLMES GNRAUX CONCERNANT

    LA RESTITUTION EN ARCHOLOGIE

    Sommaire >>

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    1. LES MODLES DE LA RESTITUTION ARCHOLOGIQUE

    Les deux tendances mentionnes ci-dessus ainsi que les traditions prdominantesdans la recherche dans les diffrents pays ont abouti lexistence de plusieurs mo-dles de restitution :1. Restitution du monument sur place ;2. Restitution de volumes ;3. Modle de transfert ;4. Modle de rplique ;5. Modle conservationniste ;6. Modle virtuel.

    1.1. Restitution du monument sur place

    La restitution sur place consiste reconstituer de larchitecture ou des monuments sur lesvestiges, en employant les matriaux et les techniques qui ont t attests sur le site objet derecnstittin, dans le t de dnner ax tients n asect rche de celi ils avaient lpoque de vie du site.

    Ce modle a t trs tt employ dans larchologie classique ; les exemples les mieux connussont probablement ceux de Pompi et Herculanum.

    La restitution sur les vestiges originaux possde une longue tradition dans le monde anglo-saxon, dans le nord de lEurope ainsi quen Amrique du Nord. Dans les pays de lEuropemridionale, ce modle est moins accept.

    Nonobstant, les exemples de ce genre de restitutions sont assez nombreux en Europe. Nous

    mentionnerons titre dexemple le cas de Martigues (Bouches-du-Rhne, France) et celuidAugusta Raurica (Suisse).

    2.2. Restitution de volumes

    La restitution des volumes est galement une action effectue sur les vestiges, mais en em-ployant des matriaux nettement diffrents de ceux qui sont employs sur le site. Il sagit doncdune restitution plutt conceptuelle, qui nessaye pas dimiter les matriaux ni les texturesdes nents des tis de le.

    Parmi les meilleurs exemples de restitution de volumes, nous devons signaler le cas de PiazzaArmerina, en Sicile, o, sur les vestiges de murs originaux, des superstructures faites en mtalet en verre srent la vltrie des tients. Les theres de Xanten, en Alleane,correspondraient galement ce modle. Dans ces restitutions, les parties restitues sontnettement diffrencies des originales.

    1.3. Modle de transfert

    Ce troisime modle est moins rpandu que les deux prcdents. Il sagit du dplacementdn site , ls freent, dne artie d site (n lsiers tients) n ela-ceent diffrent de celi driine. Le cas le ls frent est celi de tients dlacs dsite original pour tre intgrs dans un parc archologique ou un muse en plein air ; parmices exemples, on doit signaler celui de Skansen, cr au XIXesicle sur lle de Djurgrden, Stockholm, ainsi que celui du parc de Kolomenskoe Moscou.

    Dans dautres cas plus rcents, surtout dans le cadre de larchologie prventive, des sites ar-chologiques ont t transfrs pour en viter la destruction. Un exemple de ce modle serait leLatni (Nechtel, Sisse), i a fait ljet dne cnicatin dans ce e clle.

    pRobLmES gNRAuXCONCERNANT LA RESTITUTION EN ARCHOLOGIE

    Joan Santacana i MestreMaria Carme Belarte Franco

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    pRobLmES gNRAuXCONCERNANT LA RESTITUTION EN ARCHOLOGIE

    Joan Santacana i MestreMaria Carme Belarte Franco

    1.4. Modle de rplique

    La rplique correspond la restitution partielle ou complte dun site sur un espace spar mme loign du site, cest--dire sur un espace o il ny a pas de vestiges archologi-ques. La rplique est normalement faite prs du site, juste ct des vestiges originaux, maiselle peut galement tre faite plusieurs kilomtres de distance. Les restitutions incluses dansce modle ont, dans la plupart des cas, un caractre exprimental. Il existe de nombreuxexemples de ce modle de restitution aux tats-Unis, par exemple Plymouth.

    1.5. Modle conservationniste

    Le modle conservationniste reprsente une intervention minimale sur les vestiges, quise limite normalement une consolidation ou une restauration de ceux-ci. Dans la plupartdes sites archologiques en Europe, o les parties conserves restaurer sont des soubas-sements de murs en pierre, la consolidation consiste protger la partie suprieure de cesmurs au moyen dun lit de mortier de chaux et sable. La consolidation peut galement inclureladdition dune ou de plusieurs assises de pierre pour galiser les parties visibles des murs,voire une assise de pierre au-dessus de la partie conserve du mur, dans le but de protgercelle-ci.

    1.6. Modle virtuel

    Le modle virtuel consiste montrer la restitution du site (ou dune partie du site) sans la ma-trialiser physiquement, en employant normalement des moyens graphiques. La restitutionvirtuelle peut tre matrialise sous la forme de restitution numrique en 3D, mais aussi par

    lemploi de dessins ou autres.

    2. LES FONCTIONS DE LA RESTITUTION

    La fonction prioritaire de toute restitution matrielle devrait tre la conservation des vestiges.Une restitution qui nest pas capable de garantir la conservation du site ou des vestigesna aucune justification. Une fois tabli ce principe fondamental, il est vrai que la restitutionarchologique peut remplir dautres fonctions et utilits du point de vue de larchologie, delenseignement ainsi que du tourisme.

    2.1. Les fonctions de la restitution dans le domaine scientifiquede larchologieLes restitutions ralises suivant les critres de larchologie exprimentale ont des appli-cations diverses dans le domaine scientifique de larchologie. Lexprimentation permet lavricatin des hythses de restittin faites atr des tients anciens. Dans elescas, lexprimentation peut comporter le retour sur le terrain pour des vrifications ultrieureset, si ncessaire, la reformulation des hypothses, cest--dire que les rsultats de lexpri-mentation peuvent avoir comme consquence la modification partielle ou totale de lhypo-thse de dpart. De cette manire, la reconstruction permet davancer dans la connaissancede larchitectre d ass rce ax asects sivants.

    Tout dabord, la restitution fonde sur lexprimentation permet de tester la rsistance desatriax de cnstrctin et des strctres ainsi e la stailit des tients, ce i er-

    met de vrifier si les hauteurs restitues sont vraisemblables. De mme, la restitution permetde tester limpermabilit des superstructures (surtout dans le cas des toitures de terre).

    La restitution permet galement de tester les conditions dhabitabilit des espaces (vrifica-

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    pRobLmES gNRAuXCONCERNANT LA RESTITUTION EN ARCHOLOGIE

    Joan Santacana i MestreMaria Carme Belarte Franco

    tin des teratres et hidit lintrier des tients restits, vricatin d tirae

    des foyers et des fours, de llimination de la fume...). La vrification de ces conditionsest ssile seleent dans n tient restit artir des atriax et technies ri-ginaux. De mme, la restitution permet de vrifier la dure des constructions et galementles besoins dentretien de celles-ci, en particulier dans le cas de larchitecture en terre et enis : dts sis ar les rs et les titres case de lrsin, srtt ars les raes,priodicit ncessaire de rparation de toitures, etc.

    Lexistence de tients restits eret aleent dexainer et danalyser les ath-lies i attaent ces tients.

    La restittin eret enn danalyser les vles de atriax elys r les ti-ments eux-mmes.

    La restitution comporte par ailleurs plusieurs inconvnients ou limites.

    Tout dabord, le cot de ces projets est normalement lev (matriaux, main-duvre, etc.). Deuximement, les exprimentations sont toujours partielles, tant donn limpossibilitde rerdire la ttalit de ce i entrait les tients restits : ar exele, ns nepouvons pas restituer le climat dune priode dtermine. De mme, il y a toujours le risquedinclure des anachronismes dans la restitution.

    Une troisime limite importante est celle des difficults pour vrifier les hypothses. La res-titution permet de vrifier si lhypothse est vraisemblable, mais ne permet pas darriver dntrer e les tients d ass taient tels e ns les avns restits.

    Enfin, la limite principale de cette mthode est marque par les limites mmes de la connais-sance archologique. Les connaissances obtenues par la mthode archologique sont eneffet limites lorsquil sagit dinterprter larchitecture et restent sur un terrain trs hypo-thtique. Lutilisation de la restitution et de lexprimentation peut nous permettre dallerau-del de ces limites et douvrir de nouvelles expectatives. Dautre part, lexprimentationse situe sur une zone de frontire, avec les dangers que cela comporte, notamment celuidaller au-del de ce qui est scientifique et de devenir ridicule.

    2.2. Les fonctions de la restitution dans le domaine de lenseignement

    La restitution archologique a videmment des applications dans le domaine de la pdagogiedu patrimoine, dans les aspects suivants. Le public en gnral a des difficults pour conceptualiser lespace, pour interprter un plan

    deux dimensions ; de mme, il a des problmes pour convertir les chelles. La restitutiontridimensionnelle et chelle relle rsout ces difficults, tant donn quelle nous permetdentrer et de circuler dans les espaces.

    Au-del de la comprhension des espaces et des volumes, la restitution nous rapproche destechniques et des solutions employes dans le pass pour rsoudre certains problmes, ce quirend possible la comprhension du fonctionnement des socits rurales et anciennes.

    Finalement, lapport le plus important de la restitution fonde sur larchologie exprimentaleest quelle permet dexpliquer les procds ou, ce qui est pareil, la mthode de recherchearchologique (en employant le motprocdcomme une traduction du mot anglais skill).

    La restitution a nanmoins quelques limites du point de vue de la pdagogie du patrimoine. Dune part, mme si nous venons daffirmer que la restitution permet dexpliquer les proc-

    ds, souvent les archologues nont malheureusement pas cette vision pdagogique. Lesrsultats des restitutions ne sont en consquence que des visions statiques qui nexpliquentpas la recherche et les donnes qui ont men llaboration des hypothses de restitutionmatrialises. La restitution laisse passer cette chance et choisit de montrer une vision sta-

    tie d site des tients, sans exlier les rcds. La restittin rsente n tat de la vie d site d tient, ais et difcileent exli-quer les axes temporaux, reprsenter les diffrentes phases de vie du site ou lvolution decelui-ci. La difficult pour expliquer diffrents moments de la vie du site comporte souvent

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    pRobLmES gNRAuXCONCERNANT LA RESTITUTION EN ARCHOLOGIE

    Joan Santacana i MestreMaria Carme Belarte Franco

    une priorisation temporale, le choix dune phase celle qui est la mieux connue ou la mieux

    conserve , pour la montrer au public, au dtriment du reste des phases de vie du site. Le risque du prsentisme , cest--dire de la prsence intrusive dlments de notre pr-sent qui contaminent linterprtation du pass est, enfin, un des problmes qui menacentla restitution.

    2.3. Les fonctions de la restitution dans le domaine du tourisme et de laprsentation du patrimoine

    Lintrt de la restitution du point de vue de la prsentation du patrimoine nous parat vident.Dans ce sens-l, la restitution aurait des applications intressantes dans le domaine du tourisme.

    Tout dabord, la prsentation dun site offre une vision plus complte et pargne au visi-

    teur leffort dimaginer les parties non conserves. La restitution permet que les sites soientcomprhensibles pour un public large, sans que les visiteurs aient besoin de connaissan-ces, scienties el e sit ler e.

    La visite dun site restitu, qui inclut des espaces o les gens peuvent entrer et circuler, etqui peut par ailleurs possder des rpliques dobjets, voire des objets pouvant tre mani-puls par le public, offre videmment un caractre ludique largement suprieur celui de lavisite dun site sans restitution.

    Le site restitu stimule limagination du visiteur, qui peut plus facilement aller au-del destients et des jets il serve. De e, la restittin eret la cratin diaesnouvelles, qui peuvent tre employes en tant que ressource touristique ds lorigine de lavisite. Avant le dplacement, le visiteur a toujours une image mentale de ce quil va voir maisaussi de ce quil peut obtenir de la visite. Limage mentale et les attentes de la visite du site

    seront diffrentes en fonction du modle de prsentation du site.

    La restitution permet au patrimoine culturel de devenir un produit touristique.

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    SIGNIFICATION ET PROBLMES DE DFINITION

    RSUM

    Jean-Claude Golvindirecteur de recherche, CNRS ; Institut Ausonius, universit Bordeaux-III

    Le texte aborde le problme de la dfinition des termes les plus utiliss en matire de restitu-tion et voque quelques problmes invitables. Il rgne encore en effet une grande confusionterminologique dans ce domaine car chacun utilise, par pure habitude, plusieurs mots relatifs la restitution sans en donner de dfinition prcise. Un mot est employ pour un autre, sansnuances et de faon contradictoire au cours dun mme expos. On hsite sur les termes,en employant tour tour, au cours dun mme expos, les motsrestitution,reconstitution,

    reconstruction... Un travail de dfinition est donc indispensable si nous ne voulons pas butersur les mmes difficults chaque rencontre.

    Il nous semble logique pour commencer dtablir les dfinitions de base dans la langue fran-aise pour bien montrer les notions distinguer absolument, avant dentreprendre un travaildharmonisation plus large au niveau international dans un second temps.

    Ce travail porte sur les termes suivants

    RESTITUTION

    RECONSTITUTION

    REMONTAGE

    RECONSTRUCTION

    RFECTION

    RESTAURATION

    VOCATION

    SIMULATION

    RECHERCHE DE L IMAGE PERTINENTE

    IMAGE DE COMMUNICATION

    AMBIGUT DU MOT GNRIQUE IMAGE

    IMAGE MENTALE (IMEN)

    LES COMPOSANTES DE LIMAGE DE RESTITUTION

    LES CINQ DTERMINANTS DUNE IMAGEla topographie et le paysage,le contour de la ville,le trac de la ville,la forme des difices publics,la position relative des lments ;

    LA RESTITUTION IMAGE-SOURCE.

    English abstractSommaire >>

    SIGNIFICATION ET PROBLMES DE DFINITION

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    ABSTRACT

    Jean-Claude Golvinresearch director, CNRS; Ausonias Institute, University of Bordeaux III

    This text is about the problems of definition of the terms most used in restitution and assuch raises several unavoidable problems. Indeed there is a lot of terminological confusion inthis area because, by pure habit, people use restitution-related terms without defining themprecisely. One word is used for another, without the least shade of meaning and sometimeseven contradictorily in the same presentation. Indeed there are hesitations and terms such asrestitution, reconstitution, reconstruction are used one after another Which means that its

    definition must be looked into if we want to avoid this problem at each conference.It appears logical to begin the basic definitions in French in order to operate the essentialdistinctions between the different notions, before engaging on a wider harmonisation proce-dure at an international level later on.

    RESTITUTION

    RECONSTITUTION

    REASSEMBLING

    RECONSTRUCTION

    REPARATION

    RESTORATIONEVOCATION

    SIMULATION

    SEARCH FOR THE RELEVANT IMAGE

    COMMUNICATION IMAGE

    AMBIGUITY OF THE GENERIC WORD IMAGE

    MENTAL IMAGE (IMEN)

    THE COMPONENTS OF THE RESTITUTION IMAGE

    THE FIVE DETERMINANTS OF AN IMAGE

    - topography and landscape- the citys shape- the citys layout- the shape of the public monuments- the elements relative positions

    IMAGE-SOURCE RESTITUTION- scientific research- communication- physical scale models- electronic scale models- shows/events- restorations, reconstructions- professional training

    MEANING AND DEFINITION PROBLEMS

    Rsum franaisContents >>

    MEANING AND DEFINITION PROBLEMS

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    SIGNIFICATION ET PROBLMES DE DFINITIONJean-Claude Golvindirecteur de recherche, CNRS ; Institut Ausonius, universit Bordeaux-III

    Le colloque international de Bziers, du 12 au 14 octobre 2005, nous a offertloccasion de raliser un premier change dides relatif la restitution enarchologie et la prsentation des sites au public . Les problmes rencontrsou les solutions proposes varient dun site lautre, mais aucune rflexiondensemble na encore t mene pour tenter de dgager de nouvelles perspec-tives de recherche dans ce domaine sur le plan mthodologique et thorique.Pourtant, le grand nombre de projets raliss notre poque devrait permettredapprofondir notre rflexion sur la base dexpriences concrtes et de dgager

    les ides-forces qui pourraient intresser tout le monde. Telle serait, notresens, la bonne voie suivre car il nest pas de bonne thorie sans pratique, nide bonne pratique sans thorie. Toute thorie, pour avoir du sens et de lintrt,ne pourrait tre quissue dune pratique relle et de la rectification de nos idesque cette dernire permettrait.

    Notre but nest donc pas dimposer un cadre dogmatique dans le domaine du patrimoine oce quil est heureux de faire impose une grande souplesse : les points de vue et les mentalitsdiffrent, de faon lgitime, dune culture une autre dans le monde. En tout cas, notre butne sera jamais dimposer un carcan thorique dans le domaine de la restitution.

    Il parat ncessaire aujourdhui dclaircir les ides sur un premier point : celui de ladfinition des termes les plus utiliss en matire de restitution et dvoquer quelques

    problmes invitables, ventuel objet des travaux que nous pourrions poursuivre encommun lavenir.

    Il rgne encore en effet une grande confusion terminologique dans ce domaine car chacunutilise, par pure habitude, plusieurs mots relatifs la restitution sans en donner de dfinitionprcise. Un mot est employ pour un autre, sans nuances et de faon contradictoire au coursdun mme expos. On hsite sur les termes, en employant tour tour, au cours dun mmeexpos, les motsrestitution,reconstitution,reconstruction

    Un travail de dfinition est donc indispensable si nous ne voulons pas buter sur les mmesdifficults chaque rencontre. Il nous semble logique, pour commencer, dtablir les dfini-tions de base dans la langue franaise pour bien montrer les notions distinguer absolument,avant dentreprendre un travail dharmonisation plus large au niveau international dans unsecond temps.

    Le titre mme de notre colloque impose de dfinir le premier dentre eux1.

    RESTITUTION

    Si lon sen tient au dictionnaire2, le verberestituerexprime, avant tout, lide de ren-dre . Dans le domaine qui nous intresse ici, un dictionnaire plus spcialis3 prci-

    1. propos de la mise au point de cette terminologie, nous renvoyons deux publications rcentes : Jean-Claude Golvin , Lerle de la restitut ion dans ltude des temples de Dougga , Actes du VIIIecolloque international sur lhistoi re de lAfrique du Nord,Tabarka, 8-13 mai 2000, Tunis, 2003, p. 471-489.Jean-Claude Golvin, Mustapha Khanouss i, Dougga, tudes darchit ecture religieuse, les sanctuaires des Victo ires de Caracalla, dePluton et de Caelestis , Mmoires de l Insti tut Ausonius, 12, Bordeaux, 2005 : quelques aspects mthodolog iques de la restit ution,p. 25-29.2. Cest--dire des dictionnaires d un usage courant : Littr, Larousse3. Par exemple, Jean-Marie Prouse de Montc los, Architecture. Vocabulaire, Principes danalyse scientifique ,Paris, Imprimerienationale, 1972, p. 18 et 21, col. 2 et 8.

    SIGNIFICATION ET PROBLMES DE DFINITION

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    SIGNIFICATION ET PROBLMES DE DFINITIONJean-Claude Golvin

    sera quil sagit, bien entendu, de redonner lide dun monument (dun site, dun

    objet) ancien. Or, restituer lide de ce monument consiste en redonner limage ausens large4. Il est fondamental de comprendre que la restitution est essentiellement uneimage et quelle est donc de lordre des signes. Elle rend compte dun objet, mais ellenest pas matrielle.

    La dfinition propose par Jean-Marie Prouse de Montclos est intressante. Pour lui, larestitution est la reprsentation par le dessin ou par une maquette de laspect prsumdun difice mutil ou dtruit. Elle est la construction souvent hypothtique dun dificeou dune partie dun difice disparu, mais aussi le rtablissement dun parti primitif pr-sum . Ce dernier point est important : il montre que la restitution nest pas une simplejuxtaposition dlments retrouvs mais quel le tente de redonner lide (mme hypoth-tique) dun parti architectural dorigine. Elle tente ainsi de redonner cohrence et sens une image que lon ne saurait dduire des seuls lments retrouvs. Elle traduit une

    comprhension de lintelligence de la conception du monument, de son programme,des intentions de ses crateurs.

    On ne peut malheureusement pas donner de dfinition caractre encyclopdique dela restitution, car aucune tude scientifique densemble de son histoire na t ralisejusqu ce jour.

    RECONSTITUTION

    La reconstitution consiste, par dfinition, replacer aprs tude et en position pertinente leslments pars dont un monument tait fait (ou constitu).

    La reconstitution impose une recherche visant identifier les lments et retrouver leur

    position relative, ce qui la diffrencie du simple remontage. Elle consiste en quelque sorte remembrer, rassembler ce qui est pars, rassocier les lments disperss aprs tude etsi possible les rattacher aux vestiges du monument dorigine rests en place5. En archo-logie, on emploie volontiers le termeanastylose, qui littralement exprime art de redresserles colonnes et, par extension, art de replacer tous les lments pars dans leur positionrelative exacte .

    REMONTAGE

    Cette opration consiste rassembler et replacer les lments dun difice dmont quiont t laisss sur le chantier6. Le remontage nimplique donc pas leffort de recherche que lareconstitution impose ; il est simplement linverse du dmontage.

    RECONSTRUCTION

    Pour Prouse de Montclos, le terme signifie la construction dun difice en remplacementdun autre pour le mme usage7 au contraire de la reconstitution qui, elle, consiste re-monter des parties authentiques dun monument historique. Il sagit ici de raliser un dificeentirement neuf, limitation de lancien.

    Les arties e ln et tre li de retir nef dans n nent ancien divent dnc

    4. Limage lie lide en tant que structure ou contenant (signifiant ou representamenselon les thories). Image au sens le pluslarge depuis Aris tote : Lme humaine ne conoit rien sans image (De lme, II, 7).5. Daprs Jean-Marie Prouse de Montcl os (op. cit., p. 22, col . 9), reconstitution signif ie : Regroupement dlments authentiquesqui ont t disperss, et remontage de ldifice ou de la partie de ldifice correspondants . La remise en place dune partie peutpermettre ventuellement la reconstitution de lensemble.6. Jean-Marie Prouse de Montc los, op. cit., p. 21, col. 8.7. Ibid.

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    tre alies de recnstrctins artielles. Le fait de retir nef lensele dn dice,

    en revanche, sera qualifi de reconstruction intgrale.

    RFECTION

    Cette opration consiste remplacer des parties dgrades dun difice par des partiesneuves8. Toutes les parties concernes par une rfect ion sont connues et simplement refaites lidentique, alors que, dans une reconstruction partielle, on peut tre amen construire neuf des structures restituables avec certitude. La reconstruction partielle va donc au-del dela simple rfection.

    RESTAURATION

    Le mot qualifie une action faite en faveur de la prennit de luvre pour amliorer son tatphysique9et si possible, du mme coup, sa comprhension.

    VOCATION

    Lvocation est une allusion au site mene avec une plus grande libert daction que dans lecas dune restitution. Il sagit de faire appel la sensibilit du destinataire. Or, il faut bien le dire,toute restitution destine un large public a recours lvocation. Lauteur exprime son pointde vue et cherche atteindre la sympathie dun public dont il connat les ractions.

    SIMULATIONOpration qui consiste imiter un phnomne, un mouvement, un parcours, par anticipationou aprs coup, et permet den reproduire volont les caractristiques.

    Par ces quelques lignes, nous pensons avoir exprim clairement ce qui dfinit et donc diff-rencie les mots courants les plus utiliss dans le domaine de la restitution10. Il convient main-tenant daccorder la restitution proprement dite un intrt particulier.

    LA RECHERCHE DE L IMAGE PERTINENTE

    Rappelons que le motpertinencesignifie la fois -propos et efficacit 11

    . Il est videntque limage de restitution la plus pertinente possible doit la fois tre adquate (ressemblerde prs ldifice dorigine) et formule de manire tre facilement comprise par le public qui on la destine (cest--dire sans ambigut et avec un minimum deffort).

    Limage que nous recherchons ne peut pas tre tronque, dgrade ou perturbe ; elle doitau contraire donner une ide densemble parfaitement claire de ce que nous avons comprisen ce qui concerne lexemple tudi. Elle doit donc tre explicite.

    Cette image pertinente recherche est parfois bien loigne de celle des ruines que nousobservons. En effet, limage que nous donnent les sites antiques est celle de monuments

    8. Ibid., p. 22, col. 9.9. Restauration : Ensemble de travaux, consolidations, remontages, reconstitutions ou rfections, tendant conserver un di-fice. Ibid., p. 21, col. 810. Le sujet est beaucoup trop vaste pour que nous puissions dvelopper ici tous les problmes en abordant les reconstructionspartielles et les restaurations en gnral.11. Dan Sperber, Deirdre Wilson,Relevance, communication and cognit ion, Oxford, 1986 ; trad. fr., La Pertinence, communication etcognition, Paris, ditions de Minuit, 1989.

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    mutils, victimes de multiples causes de dtrioration accidentelles. Nous avons le spectacle

    de cette destruction arbitraire et non plus sous les yeux la forme complte et authentique,celle qui avait t voulue lorigine et qui tait directement lie la fonction du monument.

    Cest pourtant celle-ci quil importe de retrouver et quil convient de qualifier de pertinentepuisque cest celle qui refltait le mieux la raison dtre de ldifice lorigine. Elle tait perti-nente parce quelle existait. Elle ltait aussi parce quelle traduisait les intentions et la faonde faire de son temps : elle seule tait le reflet de la vie du site et donc elle seule avait vrita-blement du sens.

    Nous devons ds lors nous efforcer den retrouver les caractristiques, la cohrence, et tenterde proposer, en fin de compte, une image densemble du cas tudi. Certes, une telle vritne pourra tre quapproche. Si lon ne peut jamais tre certain de retrouver la vrit danstous ses dtails, au moins peut-on sassurer, nous le verrons ci-aprs, que limage de restitu-tion ressemble, le plus possible et coup sr, celle du monument rel.

    Cette image est aussi celle dont nous avons le plus besoin pour communiquer avec lepublic car il est fondamental de retracer le cadre des vnements que nous voulonsvoquer. Dans la plupart des cas, lide doit exprimer clairement un point de vue ou uneproposition, sans pour autant entraner lobservateur dans de longues considrationsmthodologiques.

    Certes, on peut aussi expliquer au public comment les restitutions sont faites, mais ceci nestpas toujours faisable ni utile ; cela peut valoir comme dmonstration, mais il faut bien recon-natre que cela consiste dvelopper un aspect assez spcialis de la question. De mme,il ne serait gure possible pour communiquer un message crit destin un large public derevenir sur la dfinition de tous les mots employs ou danalyser en dtail la syntaxe du texteou de se livrer tout autre type danalyse. De telles prcisions nintressent que le spcialiste ;

    le curieux, sil y tient vraiment, ira chercher ces rponses ailleurs que sur les panneaux duneexposition ou de la signaltique dun site.

    LIMAGE DE COMMUNICATION

    Aucun travail de restitution destin au public nest possible si lon ne dfinit pas au pralable qui le discours tenir est destin. Nous sous-entendrons ici quil sagit du grand public adulteet du jeune public car nous pensons que limage doit parler tous et tre particulirementdidactique.

    Les restitutions sont destines redonner au public avec vidence laspect du cadre desvnements voqus. Leur lecture doit tre facile, leur contenu cognitif riche et leur esth-

    tique sduisante, car nous estimons que le public doit aimer les voir ; elles doivent linciter pntrer dans les lieux, guider un voyage imaginaire attractif, au cours duquel linformationest fournie sans rebuter.

    La visite dun muse ou dun site doit rester un plaisir ( lexception des sites commmoratifsdvnements dramatiques) et, dans tous les cas, le message transmis doit tre clair, difiant,ducatif.

    Limage doit jouer un rle de mdiateur, de vecteur de communication entre lmetteur (cher-cheur, auteur, conservateur) et le rcepteur (le public parfaitement dfini qui lon souhaitesadresser).

    Nous voulons affirmer avec force que limage de communication que lon peut qualifier depertinente dans le domaine du patrimoine doit se fonder sur la recherche scientifique (elle

    doit bnficier des acquis), mais quelle doit aussi pouvoir sappuyer sur la comptence desprofessionnels de la communication, qui peuvent la rendre plus efficace.

    La coopration pluridisciplinaire est indispensable au succs de la communication visuelleet audiovisuelle. De fait, trop souvent, lune est ralise sans lautre et rciproquement : on

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    prsente des images de recherches trop arides ou peu accessibles au public ; inversement,

    des productions voient le jour sans fondement scientifique srieux.Or il ne faut tromper le public ni sur un plan ni sur lautre et il faut considrer quune pro-duction de qualit est plus coteuse quune ralisation mdiocre mais dmagogique. Seulela collaboration professionnelle entre gens de mtiers diffrents permettra de parvenir unrsultat satisfaisant, mais il faut parvenir la construire et chacun doit avancer dans ce sens.Cette question importante mritera dtre tudie sous tous ses aspects dans le cadre de nosfutures rencontres, car il est strile de signorer ou au contraire de saffronter.

    AMBIGUT DU MOT GNRIQUE IMAGE

    Limage qui redonne lide dun monument ou dun site ne se rsume pas au simplesupport visuel. Celle que nous dcouvrons sur papier (photographie, dessin) ou surcran nest e le dclencher d rcesss sitie (sise) rce ael nssommes capables de reconnatre le monument dsign. Cette image (matrielle) nestdonc quun ensemble matriel de signes organiss que nous remarquons et qui d-clenche le processus complexe de reconnaissance des formes 12au-del duquel peutsamorcer une rflexion sur le sujet faisant appel nos connaissances et qui suscite ennous une attitude prospective.

    Il serait souhaitable de choisir un nom particulier pour ce dclencheur matriel, cette imagematrielle extrieure . Nous proposons de la dsigner, par exemple et pour simplifier, par letere ImEX (cntractin des tsimageet extrieure) pour la distinguer de limage conscienteou image mentale que lon pourrait appeler de faon simple IMEN (contraction des motsimageetmentale). Ceci nest quune proposition de clarification du langage relatif limage.

    Quelle que soit la terminologie adopte, deux mots diffrents, faciles utiliser et apparents,pourraient servir distinguer les deux aspects fondamentaux du mot gnriqueimagedontle caractre polysmique est quivoque. Cette distinction devra tre faite dune manire oudune autre si lon veut viter lemploi de longues phrases pour faire comprendre un interlo-cuteur et chaque occurrence du motimage quel aspect de celle-ci il est fait allusion.

    IMAGE MENTALE (IMEN)

    Limage mentale (IMEN) est une construction complexe faite de multiples connexions neuro-nales13dont tous les aspects ne peuvent pas tre visualiss en deux ou trois dimensions.

    En effet, si je peux dessiner un monument sur une feuille de papier ou le reprsenter sous forme

    de maquette en le rendant ainsi perceptible visuellement, je constate quune grande partie desconnaissances qui constituent son image mentale ne peut tre donne quen langage linaire.

    Je peux, par exemple, dessiner la faade du capitole de Dougga, mais je suis oblig dcrirequil date de Marc Aurle et de Lucius Verus. De mme, tous les renseignements relatifs ses dimensions, la nature de ses matriaux, ou toute autre information prcise et chiffre,doivent tre crits. Ceci constitue un cheveau trs complexe (IMEN) dont une seule partieest tradisile ss fre diae (ImEX).

    Limage mentale nest pas une simple maquette mais un modle , au sens donn ce moten linguistique et en smiotique14.

    12. En ce qui con cerne cette question nou s renvoyons louvrage fondamental de Peter Lindsay et Donald Norman, Traitement delinformation et comportement humain, Laval (Qubec), d. Vigot, coll. tudes vivantes , 1980.13. Nous ne renvoyons qu des ouvrages particulirement connus, sans intention de dvelopper ce domaine trs riche en lui-mme : Jean-Pierre Changeux, LHomme neuronal, Paris, Fayard, 1983 ; Grard Edelman, Biologie de la conscience, Paris, d. OdileJacob, 1992.14. Jean Dubois, Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris, Larousse, 1994 ; Algir das Juli en Greimas, JosephCourts, Smiotique : dictionnaire raisonnde la thorie du langage, Paris, Hachette, col l. Hachette universit , 1993.

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    Alors quune maquette est la simple reprsentation volumtrique dun difice, le modle est

    une structure complexe qui relie, en un seul ensemble, toutes les connaissances relatives aumonument. Un modle peut contenir une maquette et non linverse.

    Nous avons donc la chance que deux mots existent en franais pour dsigner deux ralitsdiffrentes (maquettedune part etmodledautre part) au contraire de langlais o le mmemot,model, dsigne les deux.

    Ltablissement dune terminologie internationale ncessitera, on le voit, des adaptations pourque les notions distinctes soient toujours bien nommes par des mots diffrents, quels quilssoient. Le premier travail consiste donc montrer, dans chaque langue, o se trouvent lesambiguts majeures et le second proposer une terminologie simple acceptable par tout lemonde pour distinguer une fois pour toutes ce qui ne doit pas tre confondu.

    Le modle que nous avons en tte nest pas un enregistrement inerte de donnes et de liens.

    Il fonctionne continuellement, car il est engendr par un cerveau vivant et volue sans cesse,mme de manire inconsciente.

    Limage mentale (IMEN), en tant que modle vivant, diffre donc fondamentalement dunmodle lectronique (en tout cas sous ses formes actuelles) car celui-ci nvolue que surdemande et possde un support matriel. Ici encore, il faut sans aucun doute tablir unedistinction entre limage mentale (IMEN), qui, par dfinition, est labore dans un cerveauvivant, et le modle informatique , qui est une sorte dimage complexe de nature hybridecomparable (car en partie visualisable et en partie crite) mais dont lvolution dpend duneintervention extrieure. Il faudrait un mot particulier pour dsigner ce dernier et crer un termedu genre MODELIC (contraction des motsmodleetinformatique).

    Quelles que soient les solutions qui seront adoptes au niveau international, il est certain quele langage de limage utilis actuellement est loin dtre satisfaisant. Il faudra donc satteler la tche en rtant ventelleent de ns rchaines rencntres internatinales enorganisant des ateliers thmatiques sur ce sujet.

    LES COMPOSANTES DE LIMAGE DE RESTITUTION

    Dans les publications prcites15, nous avons montr quen archologie il fallait considrerla ralit de trois types de donnes : les donnes connues (structures en place, blocs pars,documents divers), les donnes caches (celles qui existent encore, mais restent dcouvrir)et les donnes dtruites (blocs non identifiables, lments dtruits dans des fours chaux).

    Nous avons constat que la disparition dfinitive dune partie des donnes archologiquesrendait illusoire tout espoir de reconstitution intgrale des difices sur la base dun simple

    raisonnement dductif.La perte dune partie des donnes oblige raisonner aussi par induction en proposant deshypothses de restitution des parties des difices ou des sites qui nont pas laiss de traces.

    Le raisonnement suivi comporte des risques car il consiste privilgier lhypothse qui a leplus de chances dtre vraie, sans que lon puisse jamais en tre certain. Une restitution nepourra donc jamais tre qualifie de vraie : elle est seulement vraisemblable et pourra tre, aumieux, admissible , jusqu nouvel ordre.

    Une image de restitution comporte en consquence trois composantes : la premire est cellequi reprsente la partie connue du monument (les vestiges rests en place) ; la seconde est lapartie reconstitue (intgrant les lments pars remis leur place) ; la troisime est la partiecomplte (de faon hypothtique).

    15. Cf. supra, note 1.

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    Cette dernire est souvent rtablie sur la base dune tude comparative et donc sur des

    rgles qui rgissent la reprsentation de la partie manquante. Aprs avoir dfini les caract-ristiques communes dexemples proches o les parties, manquantes dans les cas tudis,sont conserves, on propose une solution analogue. Par exemple, on appliquera les rgles deproportionnalit de lordre corinthien dun exemple de rfrence un difice imparfaitementconnu pour en baucher les hauteurs.

    Du fait de lapplication de rgles, limage ainsi labore est ncessairement de nature symbo-lique : elle reflte les caractristiques dun cas gnral ou frquent et non celles dun exempleparticulier. Limage de restitution reste donc pour partie une construction thorique et sym-bolique fonde sur une argumentation. Elle est lexpression dun modle thorique et volutifdu site, dont elle vise offrir la meilleure reprsentation densemble du moment, cohrenteet vraisemblable. Cette image traduit bien lide que le chercheur se fait de lexemple tudiet celle quil lui est facile de communiquer. On peut, si on le souhaite, montrer ces diffrentes

    parties dans la mesure o il sagit dexpliquer une dmarche scientifique.

    Prenons pour exemple la restitution de lglise de la citadelle byzantine dAmmaedara16(Hadraen Tunisie) (fig. 1). Sur cette vue, il est possible dindiquer, par des conventions de dessin diff-rentes, quelles sont les parties connues, reconstitues ou compltes de limage. Mais, quilsagisse dun monument particulier ou dun site, on ne communiquera dans la plupart des casquune image globale et vocatrice du monument destine au public (fig. 2 6).

    16. Jean-Claude Golvin, La restitution architecturale de lglise , in Franois Baratte, Fathi Bejaoui, Zeneb Ben Abdallah (dir.),Recherches archologiques Hadra,Miscellanea 2, Rome-Paris, cole franaise de Rome-De Boccard, 1999, Collection de lcolefranaise de Rome , 17-2, p. 179-192. Le dessin do nn ici a t fait sur la base de la figu re 145 dans la publication relative aux tem-ples de Dougga (Jean-Claude Golvin, Must apha Khanoussi, op. cit.note 1) ; les diff rentes parties des images de restitutio n ont tdistingues par des couleurs diffrentes.

    Fig. 1.Ammaedara (Hadra, Tunisie). Coupe longitudinale sur la basilique III ou glise de la citadelle .En hachur, partie conserve ; en pointill, partie reconstitue ; en blanc, restitution complte par hypothse.

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    LES CONDITIONS DE LA RESSEMBLANCE FORMELLE :LES CINQ DTERMINANTS DUNE IMAGE

    Dans les deux premires publications prcites, nous avons voqu les cinq aspects es-sentiels (ou dterminants) qui permettent daffirmer que la restitution densemble dun siteressemble coup sr limage que lon aurait de lui sil nous tait possible de le voir.

    Cette image, labore sur la base dinformations scientifiques, est le fruit dune enqute ; elleest en quelque sorte le meilleur portrait-robot du site. En effet, elle met en jeu des traits aussidterminants que le contour du visage, la forme du nez et les yeux dun individu qui feraitlobjet dun tel portrait.

    En ce qui concerne un site, les cinq dterminants sont les suivants :

    la topographie et le paysage ; le contour de la ville ; le trac de la ville ; la forme des difices publics ; la position relative des lments.

    La topographie et le paysageLimage doit retracer ou donner une ide claire du cadre gographique antique (relief, activitsagricoles, contours dun fleuve ou dune cte). Le Rhne Arles est un lment dterminant dupaysage et donc de limage de cette ville (fig. 3). La reprsentation du paysage peut constituerune partie importante de limage. Elle contribue aussi faire comprendre lhistoire du site. Le lieudimplantation dune ville nest jamais choisi par hasard et ses caractristiques gographiques

    ont souvent conditionn ses activits. Le paysage constitue donc beaucoup plus quun simpledcor : il a du sens par lui-mme.

    Fig. 2.Orange lpoque romaine.Aquarelle de J.-Cl. Golvin

    Figure 2

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    Le contour de la ville

    La recherche archologique permet souvent de dterminer, au moins approximativement maistoujours de faon caractristique, les contours dune ville. Les vestiges dune enceinte, la posi-tion des ncropoles sont autant dlments qui vont permettre davoir une ide de ltendue dela ville et de la forme de son contour. Ce dernier sera donc mis en jeu dans limage.

    Le trac de la villeLa recherche archologique permet aussi de savoir, en particulier, si le trac urbain est rgulier cas de Carthage, Alexandrie, Orange (fig. 2), Nmes, (fig. 5) et davoir une ide de la dimensionde certains lots. Si le trac est irrgulier, il faudra tenter de rendre compte de son aspect, en re-fltant autant que possible sa densit, son principe gnral, laspect des diffrents quartiers de laville. Ce sont des composantes de limage densemble du site. Le trac donne une ide gnralede la composition de la ville, de la trame urbaine, de la structure de la cit et mme de son vo-

    lution.

    La forme des difices publicsLes grands difices publics constituent les points forts et saillants de limage (de la mmemanire que le feraient le nez et les yeux dun portrait-robot). Ils sont connus ou restituablesavec vraiselance : thtres, ahithtres, cires, theres, frs jent n rle ajerdans limage (fig. 2, 3, 4, 5 et 6).

    La position relative des lmentsMme si deux villes possdent les mmes monuments constitutifs types, ceux-ci ne sont ja-mais situs dans la mme position relative. Les relations spatiales entre ces lments, la trame

    urbaine, le contour, les composants du paysage sont spcifiques. Sur le plan topologique, laformule qui dfinit le positionnement relatif de ces lments est unique : aucune ville ne ressem-ble jamais totalement une autre.Si lon est bien inform en ce qui concerne ces cinq dterminants, il est certain que limage derestitution dune ville ressemblera coup sr et pour lessentiel son image ancienne.

    Fig. 3.Arles au IIIesicle de notre re.Aquarelle de J.-Cl. Golvin.

    Figure 3

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    LA RESTITUTION IMAGE-SOURCE

    Les principaux domaines dutilisation de la restitution sont varis.

    La recherche scientifiqueLa restitution est souvent lie ltude scientifique des monuments et des sites ; elle figurealors souvent en premier lieu dans les publications correspondantes, car cest dans ce typede publication quelle doit tre explicite. Les indices exploits et les hypothses formulessont prsents, mais ici limage a surtout un caractre technique (elle peut tre traite en

    noir et blanc et ne reprsenter que le contour des volumes) : on sintresse surtout la faondont elle est labore.La recherche scientifique doit tre lorigine de toute restitution, quelle que soit sa forme, carcest elle qui confre limage sa crdibilit et son sens.La restitution est la premire solution (iconique) capable de donner une ide densemble cr-dible et vocatrice du site : cest donc une image premire ou image-source.La restitution peut prendre aussi la forme dune maquette lectronique labore dans le cadrede la ralisation dun modle thorique complexe comme celui du Circus Maximus de Rome,tudi au sein du laboratoire Institut Ausonius, universit de Bordeaux-III, en collaborationavec la surintendance communale de Rome.

    Fig. 4.Arles lpoque romaine (Arelate), le cirque.

    Aquarelle de J.-Cl. Golvin.

    Figure 4

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    SIGNIFICATION ET PROBLMES DE DFINITIONJean-Claude Golvin

    Fig. 6.Sanxay (Vienne), un grand sanctuaire rural lpoque romaine.Aquarelle de J.-Cl. Golvin.

    Figure 6

    Fig. 5.Nes le raine, les rearts et lahithtre.

    Aquarelle de J.-Cl. Golvin.

    Figure 5

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    SIGNIFICATION ET PROBLMES DE DFINITIONJean-Claude Golvin

    La communication

    En tant que formulation synthtique de lide dun site, ide quil serait difficile de donnerautrement, la restitution joue un rle essentiel dans la communication avec le public. Elle peutprendre les formes appropries les plus varies, qui sont autant de faons de dcliner le mes-sage iconique original et de le rendre accessible.Elle peut alors tre dcline sous la forme de publications adaptes divers publics17, deposters, de produits drivs de panneaux, dexpositions, de dessins destins la signaltiquedes sites, de matriel didactique. Elle figure aussi sur internet.Pour mieux jouer son rle dans le domaine de la communication, limage de restitution peuttre, si ncessaire, dote de volume, de couleurs et de mouvement.

    Les maquettes physiquesSil sagit lorigine dun dessin, ce dernier pourra servir, de faon dterminante, llabora-

    tion de maquettes. Un dessin en perspective peut en effet guider le travail dun maquettisteprofessionnel comme ce fut le cas pour la ralisation des maquettes dArles antique (fig. 3) etde Prigueux destines aux nouveaux muses de ces villes.

    Les maquettes lectroniquesLa modlisation des difices et des sites en trois dimensions peut concerner plusieurs typesde ralisation : maquettes virtuelles destines des muses, jeux lectroniques, ralisationsaudiovisuelles varies. Elles permettent des visites simules en temps rel des monumentsanciens avec utilisation ventuelle de techniques de rendu du relief.

    SpectaclesLimage de restitution peut servir aussi voquer le cadre dun difice en vraie grandeur pourdes spectacles de type son et lumire . Par exemple, pour voquer lhistoire de ldifice, onrrait rjeter la restittin d r de scne d thtre dorane sr le r li-e selnles mmes techniques que celles appliques avec succs sur la cathdrale de Reims par leCentre national dart et technologies.

    Restaurations, reconstructionsPour restaurer un difice de faon pertinente, ltude de sa restitution est lvidence fon-damentale et plus encore si lon a pour projet de reconstruire entirement un monument un autre emplacement que le site original (comme nous lavons fait pour la Maison dAfrica El-Jem, Tunisie).

    Formation professionnelleLimage de restitution est devenue un outil indispensable dans la communication et de la miseen valeur des sites. Il est utile dsormais de former dans ce domaine toute une gnration dejeunes ralisateurs et dy initier les jeunes architectes du Patrimoine, et les jeunes archolo-gues, travail que nous faisons avec le cours de Tunis (cycle de formation des architectes duPatrimoine) et sur le site de Dougga. Le projet joue un rle moteur dans la formation, de mmeque tout ce qui est fait est utile au projet.

    17. Nous ne citons ici que certaines de nos publications, fondes sur limage de restitution :Jean-Claude Golvin (en collaboration avec Sydney Aufrre et Jean-Claude Goyon), Lgypte restitue, Paris, Errance, 1991-1997 ;Id. (en collaboration avec Aude Gros de Beler), Voyage en gypte ancienne, Paris, Errance, 1999 ; Id. (en collaboration avec AndrLaronde), LAfrique antique, Paris, Taillandier, 2001 ; Id. (en collaboration avec Grard Coulon), Voyage en Gaule romaine, Arles-Paris, Ac tes Sud-Errance, 2003 ; Id. (en collaboration avec Grard Coulon, Aude Gros de Beler et Frfric Lontcho), LAntiquitretrouve, Paris, Errance, 2003 ; Id. (en collaboration avec Michel Redd),Voyages sur la Mditerrane romaine, Arles-Paris,Actes-Sud-Errance, 2005.

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    RSUM

    Joan Santacana i MestreTaller de Projectes, universitat de Barcelona

    Maria Carme Belarte FrancoInstitut Catal dArqueologia Clssica

    Voici une rflexion autour des restitutions archologiques et de leurs fonctions du point devue de la recherche et du point de vue pdagogique. Nous abordons quelques cas mthodo-

    logiques propres lEspagne, pays o la tendance dominante est la simple prsentationdes ruines, protges ou restaures suivant des critres dintervention minimale. Nanmoins,plusieurs expriences de reconstruction ou reconstitution sur place ont t mises en placedans des annes 1990. Plus prcisment, ces expriences correspondent deux modlesdiffrents : la restitution sur place et la rplique.

    Quant au modle de transfert, il na pas t adopt pour la restitution des sites archo-logiques, mais il existe de nombreux exemples de monuments mdivaux et dpoque mo-derne qui ont t dplacs de leur emplacement dorigine.

    LA RESTITUTION ARCHOLOGIQUECOMME MODLE : LE CAS ESPAGNOL

    English abstractSommaire >>

    LA RESTITUTION ARCHOLOGIQUE

    COMME MODLE : LE CAS ESPAGNOL

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    ABSTRACT

    Joan Santacana i MestreTaller de Projectes, Universitat de Barcelona

    Maria Carme Belarte FrancoInstitut Catal dArqueologia Clssica

    This is a reflection on archaeological restitutions and their function both in terms of researchand pedagogically. We will study several methodological cases which are particular to Spain,

    a country in which the predominant tendency is to the simple presentation of ruins, protectedor restored according to criteria of minimal intervention.Nevertheless, several experiences ofrecnstrctin r recnstittin were realised in the nineties (XXth centry ). T e re re-cise, these experiences can be divided into two categories : in-situ restitution or replicas.

    As for the transfer model, it was not adopted for the restitution of archaeological sites, butthere are numerous examples of mediaeval and modern monuments which have been remo-ved from their original emplacements.

    ARCHAEOLOGICAL RESTITUTION AS MODEL:THE SPANISH CASE

    Rsum franaisContents >>

    ARCHAEOLOGICAL RESTITUTION AS MODEL:

    THE SPANISH CASE

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    LARESTITUTION ARCHOLOGIQUECOMME MODLE : LE CAS ESPAGNOL

    Joan Santacana i MestreTaller de Projectes, Universit de Barcelone

    Maria Carme Belarte FrancoInstitut Catal dArqueologia Clssica

    Les auteurs de cette contribution ont particip deux projets de restitution ar-chologique, mens terme au sein de luniversit de Barcelone, qui ont dj faitlobjet de plusieurs publications. Il sagit, dune part, de la restitution du site ibriquede Calafell (Tarragone, Espagne) et, dautre part, de la mise en place, sur trois ans,dun laboratoire darchologie exprimentale El Vendrell (Tarragone, Espagne).

    partir des rsultats de ces deux projets, ainsi que dautres expriences ralisespar dautres quipes en Espagne, nous prsentons une rflexion autour des resti-tutions archologiques et des fonctions de ces restitutions du point de vue de larecherche et du point de vue pdagogique. Les axes gnraux ayant t dfinis aupralable en introduction gnrale la publication de ce colloque, nous abordons prsent quelques cas mthodologiques propres lEspagne.

    Dans le nord de lEurope ainsi quen Amrique du Nord, la restitution sur place ainsi que letransfert sont en vigueur depuis le XIXe sicle. Les pays mditerranens, eux, ont t plusrticents la restitution et, sauf quelques exceptions, les restitutions archologiques ont tralises suivant un modle conservationniste , se limitant normalement la prsentationdes ruines aprs simple consolidation des vestiges.

    La situation en Espagne nest pas diffrente, la tendance dominante tant galement lasimple prsentation des ruines protges ou restaures selon des critres dintervention mi-nimale. Nanmoins, plusieurs expriences de reconstruction ou reconstitution sur place ontt mises en place dans les annes 1990 (fig. 1). Plus prcisment, ces expriences corres-pondent deux modles diffrents : la restitution sur place et la rplique. Quant au modle detransfert, il na pas t adopt pour la restitution des sites archologiques, mais il existe denombreux exemples de monuments mdivaux et de lpoque moderne dplacs de leurslieux dorigine.

    Fig. 1.Carte de la Catalogneavec localisation du sitedAlorda Park (Calafell, Tarragone),du Parc Arqueolgic Mag Inglada(El Vendrell, Tarragone) et du sitede Barranc de Gfols(Ginestar, Tarragone).

    Figure 1

    LA RESTITUTION ARCHOLOGIQUECOMME MODLE : LE CAS ESPAGNOL

    Sommaire >>

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    1. LA RESTITUTION SUR PLACE

    1.1. Le site ibrique dAlorda Park (Calafell, Tarragone)La premire exprience de restitution sur place a t conue en 1989 et mise en place entre1992 et 1995 sur le site ibrique dAlorda Park, gisement protohistorique situ sur la cte ca-talane, dans la commune de Calafell, entre les villes de Barcelone et de Tarragone (fig. 2 5).Le projet a t dvelopp sous la direction des professeurs Joan Sanmart et Joan Santacana(universit de Barcelone). Les fouilles, extensives depuis 19821, ont permis de connatre le plancomplet du site, les phases principales doccupation et lvolution de son urbanisme. Il sagitdun petit tablissement en peron barr situ sur une petite colline et accessible travers unisthme protg par un rempart, lui-mme renforc par deux tours. Lintrieur de lespace dhabi-tat est denviron 3 000 m2. Fond la fin duVIesicle av. J.-C. ou, au plus tard, dans la premiremoiti duVesicle, le site entre en dcadence lors de la conqute romaine et sera abandonn auIIe

    sicle av. J.-C. ; aprs labandon des maisons ibres, la fin duIer

    sicle, une maison romaineest tie sr la artie sd-est.

    1. Sanmart, Santacana, 1992 (voir biblio graphie en fin darticle).

    Fig. 2.Vue du quartier sud-ouest du site dAlor-da Park, aprs la restitution dun ensemble demaisons ; les lvations des murs sont en piset les toitures en terre et double pente.

    Fig. 3. Vue du quartier nord du site dAlordaPark, aprs la restitution dun ensemble deaisns ; les rs nt t retis en ierre ; lestoitures, en terre, sont presque plates.

    Fig. 4.Vue de dtail de lintrieur dune maisonreconstruite Alorda Park, amnage avec des

    rpliques dobjets rcuprs sur le site.

    Figure 2

    Figure 3

    Figure 4

    LA RESTITUTION ARCHOLOGIQUECOMME MODLE : LE CAS ESPAGNOL

    Joan Santacana i MestreMaria Carme Belarte Franco

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    Le site ne prsente pas de niveaux de des-

    truction ayant permis de prserver le mobilierou les matriaux de construction sur place.Nanmoins, les donnes obtenues de lafouille du site sont suffisantes pour propo-ser des hypothses de restitution ainsi quesur le fonctionnement des pices. Lorsquele site na pas livr assez de donnes, lesinterprtations ont t faites en fonction dela documentation livre par dautres sitescontemporains ainsi que par des paralllesethnographiques. Les dimensions du site,plutt rduites, permettaient une fouille totaleet la reconstitution en un temps relativementcourt, avec des moyens conomiques rela-tivement modestes. Son emplacement surune ville ctire, trs touristique et peuplelt, et la volont de la municipalit dinvestirsur le site avec lintention de le transformeren un produit de tourisme culturel de qualitont t dcisifs pour la mise en valeur du pro-jet de restitution.

    La reconstitution a t faite suivant des cri-tres dintervention labors en fonction desprincipes tablis dans les chartes de restau-ration (Carta del Restauro de Rome 1883ainsi que les chartes postrieures). Parmi cescritres, nous mentionnerons les suivants : la sauvegarde des vestiges est prioritaire ;

    la restitution doit tre faite uniquement partir de matriaux non agressifs ;

    la reconstruction doit se faire base de matriaux de construction attests durant la fouille ; les secteurs reconstruits doivent avoir t compltement fouills au pralable ; la diffrenciation entre parties originales et parties restitues doit tre vidente ; le processus doit tre rversible.

    Les auteurs sont par ailleurs partis du principe que la restitution des ruines sur place est, avanttout, une mthode efficace pour garantir la protection des vestiges : en partie haute, les murs

    sont couverts par de nouvelles assises et les amnagements intrieurs par des toitures.La restitution a concern deux quartiers du site, qui ont t traits suivant les critres men-tionns ci-dessus, mais avec des buts lgrement diffrents, entre 1992 et 19952. Le quartiersud-ouest a t restitu en premier, afin dexprimenter des matriaux et des techniquesde construction (llvation des murs a t faite en terre, ce qui a permis dexprimenter lestechniques de la brique et du pis). Ensuite, dans la restitution du quartier nord, la priorit at plutt le rsultat, lobtention dune vision tridimensionnelle du quartier, plutt que lexpri-mentation des matriaux ; cest pour cette raison que llvation des murs a t faite en pierre.Dans les dex cas, la fille des tients tait clteent acheve avant la restittin.

    De mme, les intrieurs des espaces restitus ont t amnags avec des rpliques dobjetsde la vie quotidienne attests sur la fouille, qui aident le visiteur comprendre lusage desespaces ainsi que les activits de la vie quotidienne des Ibres. Lensemble du site est ouvert

    au public depuis 1995.

    2. Pou et al., 1993-1994 ; Pou et al., 2001 ; Santacana, 1994.

    Figure 5

    Fig. 5.Vue de lintrieur dune maison reconstruite

    Alorda Park, amnage avec des rpliques dobjetsrcuprs sur le site et installation dune mezzanine.

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    1.2. Autres projets de restitution sur place

    Le projet de Calafell est, en Espagne, le seul projet de reconstitution de quartiers completsdhabitations sur un site archologique. Dautres initiatives de restitution existent, pour la plu-art sr des sites rthistries, ais ne cncernent n dex tients sr lace.Parmi ces sites, dont linventaire et la description exhaustifs seraient trop longs, nous men-tionnerons, titre dexemple, Santa Tegra (A Guarda, Pontevedra), Numancia (Garray, Soria)ou El Raso (Candeleda, vila).

    Le site de Santa Tegra constitue lun des exemples de restitution les plus anciens, antrieur celui de Calafell. Il sagit dun site de 20 ha, dat entre le Iersicle av. J.-C. et le Iersicleapr. J.-C., form par une agglomration de maisons protohistoriques de plan circulaire et toi-ture suppose en vgtaux, avec quelques maisons de plan quadrangulaire et toiture en tuiledpoque romaine. En 1965 et 1972, deux maisons ont t reconstitues, afin de prsenterau public une interprtation de cette architecture3.

    Le site de Numancia, limportant tablissement celtibre assig et vaincu par les Romains en133 av. J.-C., offre aujourdhui au visiteur deux maisons restitues (lune dpoque celtibre,lautre dpoque romaine) ainsi quune partie du rempart. Ces restitutions ont t menes terme dans le cadre dun projet darchologie exprimentale, la fin des annes 1990, basede matriaux attests lors de la fouille. Comme Calafell, le visiteur peut pntrer lintrieurdes maisons restitues, amnages avec des rpliques dobjets de la vie quotidienne.

    Ce modle de restitution a galement t choisi dans les annes 2000 sur le site proto-historique dEl Raso de Candeleda (IIe-Iersicle av. J.-C.), qui prsente deux maisons recons-truites sur la base des donnes de la fouille archologique4.

    2. LES RESTITUTIONS SUIVANT LE MODLE DE RPLIQUEEn Espagne, le modle de rplique est de plus en plus choisi pour la prsentation des sitesau public. Les raisons de ce choix sont diverses. La lgislation espagnole du patrimoine estcontraignante quant la protection des vestiges originaux ; cette modalit esr souvent adop-te parce que labsence de vestiges originaux sous la restitution vite dventuels problmesjuridiques La restitution sur les vestiges est toujours limite du point de vue de larcho-logie exprimentale, ce qui rend impossibles certaines facettes de lexprimentation, voire ladestrctin lincendie cntrls des tients restits i nt r jectif dtdier laformation des couches de destruction. Rendre visitable le site lorsque celui-ci prsente desdifficults particulires de conservation est impossible.

    Lemplacement des rpliques peut varier :

    cnstrctin de tients lintrier d site, sr des esaces lires de vesties ; cnstrctin de tients sr n esace trs rche d site (ar exele, devant lentre) ; cnstrctin de tients sr n terrain lin d site.

    Parmi les nombreux cas de rpliques, on a choisi un exemple pour montrer chacune desvariantes lintrieur de ce modle.

    3. Pour trouver images et informatio ns sur l e site et la restitution, se reporter :http://www.iregua.net/cultura/imespana/stegra/tegra.htmhttp://aguarda.com/museo/4. Pour trouver im ages et information s, se reporter :http://www.castrosyverracos.com/esp/avila/raso/index.htm

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    2.1. Rpliques effectues lintrieur du site :

    Ca nIsach (Palau Saverdera, Grone)Le site nolithique de Ca nIsach prsente un ensemble de solins en pierre correspondant auxparties infrieures des murs primtraux de cabanes, dont les lvations ont galement tinterprtes en pierre, avec des toitures en vgtaux. ct des solins originaux des caba-nes nlithies, lintrier d site et sr n esace lire de vesties, ne caane tie en2002 ntre a visiter linterrtatin de ces tients. un ensele de anneax exliela recherche archologique sur le site et apporte dautres informations sur les socits no-lithiques.

    Lavantage de ce modle est que la comprhension des vestiges est trs directe puisque larestitution est intgre aux vestiges (comme dans la restitution sur place).

    2.2. Rpliques proximit du site :La Bastida de les Alcusses (Moixent, Valence)

    La Bastida de les Alcusses est un important site protohistorique du pays valencien, construit la fin du Vesicle av. J.-C. ou au dbut du IVe, sur une colline, entour dun puissant rempartqui renfermait un habitat de 4,5 ha. Le site, dtruit la fin du IVesicle, a t fouill auXXesicle(1928-1931)5. Les recherches ont repris dans les annes 19906. la fin de la dcennie, unprojet de mise en valeur a vu le jour ; il consiste dans la consolidation des vestiges sur placeet la construction complte dune maison, suivant le modle exprimental de rplique, lextrieur du site.

    La maison est la reconstitution dune habitation originale dont les vestiges sont visibles surplace, lintrieur du site ; lextrieur, le visiteur peut en observer linterprtation scienti fique.Il sagit dune grande maison de plan complexe dont linterprtation et la reconstruction ontt faites partir des donnes livres par la fouille et suivant les critres de larchologieexprimentale. Les hypothses de reconstruction (notamment en ce qui concerne la pentedes toitures) ont t lgrement modifies au fur et mesure que la construction avanait, enfonction des rsultats obtenus.

    Cette construction exprimentale est complte par un espace destin des ateliers didac-tiques o des activits conomiques (mouture, tissage, etc.) sont montres au visiteur. Lesauteurs de ce projet ont choisi de construire la maison exprimentale lextrieur du site caril ny avait pas assez de place lintrieur pour amnager cette aire dateliers.

    Le projet a permis par ailleurs dvaluer de manire trs prcise les volumes de matriaux, laforce de travail et le temps investis dans chaque phase de la construction.

    5. Fletcher et al., 1965.6. Des et al., 1997.

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    2.3. Rpliques sur un terrain loign du site :

    laboratoire darchologie exprimentale de luniversit de Barcelone,Parc Arqueolgic Mag Inglada7(El Vendrell, Tarragone)

    Ce projet a t conu, la fin des annes 1990, par les auteurs de la restitution du site ib-rie de Calafell (et aters d rsent article), et dvel rce a inistre de lEnsei-gnement et de la Culture8.

    partir de 1995, aprs avoir restitu deux quartiers du site de Calafell et une fois le site ouvertau public, la poursuite du projet prsentait plusieurs problmes. Tout dabord, la prsencemme des vestigesin situ, dont la protection devait tre garantie avant tout, limitait la suitede lexprimentation. Deuximement, certaines exprimentations ne pouvaient pas tre libre-ment dveloppes sur un site qui recevait chaque jour la visite dun public nombreux. Cettesitatin incita lie cncevir la cnstrctin exrientale de tients sr n terrain

    o la prsence de vestiges archologiques nimposait pas de contraintes.Le point de dpart de ce projet tait donc fort diffrent de celui de Calafell. Il sagissait alorsde rerdire de anire exrientale des tients de la ride rthistrie inden-damment de leur chronologie ou du type de site dorigine, pour faire comprendre les tech-niques et matriaux employs dans leur construction. Dans une phase ultrieure, les condi-tins dhaitailit des tis devaient tre vries. Lide ntait as alrs de recnstrire dessites complets mais un certain nombre de structures ayant fourni un volume dinformationssfsaent irtant, rce ler tat de cnservatin la alit des cches dedestruction et des mobiliers.

    Dex aisns nt dnc t ties seln les hythses de recnstrctin sres ar lafouille du site du bronze final de Barranc de Gfols 9(Ginestar, Tarragone) qui avait livr desdonnes abondantes concernant les techniques de construction employes durant la pro-tohistoire. Lexprimentation a t dveloppe sur un terrain de la commune dEl Vendrell etconue comme un laboratoire en plein air (fig. 6 11).

    7. Belarte et al., 2000 ; Morer et al., 1999, 2000, 2001.8. Programa de investigacin experimental (generacin de hiptesis, valoracin y diagnstico) sobre arquitectura y tcnicas deconstruccin en la protohistoria de Catalua (PB96-0235).9. Le site de Barranc de Gfols a t fouill entre 1990 et 1998 sous la direction de J. Sanmart, M. C. Belarte, J. Santacana etM. T. Mascort (Sanmart et al., 2000).

    Fig. 6.Construction exprimentale dune maison, rplique des maisonsdu site de Barranc de Gfols ; les solins en pierre sont rehausss dlva-tions en brique crue. Parc Arqueolgic Mag Inglada, El Vendrell.

    Fig. 7.Construction exprimentale dune toiture en terre. Parc Arqueol-gic Mag Inglada, El Vendrell.Figure 6

    Figure 7

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    Le rjet a cnsist tir ne rlie des arties cnserves des dex aisns. pr

    les parties non conserves, llaboration dhypothses de reconstruction (sur la hauteur desmurs, lventuelle existence dtages, le systme de toiture, etc.) a t ncessaire. Une deshypothses vrifier tait lexistence dtages destins au stockage, activit dont les couchesdeffondrement avaient livr des indices abondants. Seule lexprimentation pouvait per mettrede vrier si les rs des tients attests sr le site de barranc de gfls vaient s-porter un tage pour y ranger les vases de stockage, ou sil fallait plutt envisager linstallationdune mezzanine.

    Quant lintrieur des maisons, des amnagements domestiques ont t reconstitus et leurfonctionnement a t test, en particulier pour ce qui est des structures de combustion.

    Ce projet mrite une valorisation positive, puisquil a permis de comprendre certains problmes

    Fig. 8.Construction dun deuxime tageet rfection de la toiture des maisons exp-rimentales. Parc Arqueolgic Mag Inglada,El Vendrell.

    Fig. 9.Phase finale de la construction, ap-plication dune couche denduit de terre surlensele ti. parc Arelic ma In-glada, El Vendrell.

    Fig. 10. Construction exprimentale dunfour, rplique du four attest dans unemaison du site de Barranc de Gfols. Parc

    Arqueolgic Mag inglada, El Vendrell.

    Fig. 11.Intrieur dune des constructions ex-primentales, amnag avec des rpliquesde pices attestes sur le site de Barrancde Gfols.

    Figure 8

    Figure 10

    Figure 9

    Figure 11

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    concernant la construction ainsi que lentretien des maisons en terre pendant la protohis-

    toire10

    . Nous pouvons en rsumer les rsultats en quelques points principaux : valuation du volume de chaque matriau employ dans la construction ainsi que de la

    surface ncessaire pour la prparation des matriaux (laboration et schage des briques),du nombre de personnes ncessaire et du temps investi (temps dlaboration des bri-ques, temps de schage, temps de mise en uvre...) pour chaque phase du processus deconstruction ; lensemble fournit une grande quantit dinformations sur les communautsprotohistoriques et les processus de travail ;

    reformulation de quelques hypothses sur certains lments ou matriaux de construction :llaboration de sols et enduits a comport des difficults pour obtenir la consistance etladhrence souhaites ;

    valuation des besoins dentretien de lensemble ; les problmes lis aux pluies ont montr

    la ncessit de protger les constructions de lhumidit par la construction de toitures d-bordantes, la rfection des enduits, etc ;

    vrification de la rsistance statique de lensemble dot dun tage.

    Mme si notre apprciation du projet est globalement positive, quelques aspects ngatifsdoivent tre galement signals, en particulier linterruption, survenue au bout de trois ans,de subventions du ministre de lEnseignement. Ce laps de temps a t insuffisant pour me-ner terme dautres phases prvues lorigine : vrification des conditions dhabitabilit desmaisons (allumage rgulier des foyers et du four, variations de temprature et dhumidit lintrier des aisns, etc.), cnstrctin datres tients rthistries, etc.11.

    Lexprimentation avait t faite sur un terrain priv et, une fois le financement achev, le choixa t fait de transformer lensemble en parc archologique ouvert au public (Parc Arqueolgic

    Mag Inglada) o le projet dexprimentation est expliqu au visiteur.

    2.4. Un cas particulier : La Neocueva ,Altamira (Santillana del Mar, Cantabria)

    La Neocueva dAltamira est un cas particulier de rplique de site archologique. Le siteoriginal, une grotte palolithique qui possde lun des plus importants ensembles de pein-tures rupestres, a t ferm au public pour viter le risque de dgradation d laffluence devisiteurs. La Neocueva dAltamira, situe proximit du muse, est une rplique identiquedu site original, o les peintures et lambiance ont t fidlement recres. Le visiteur peut yserver les eintres sans riser de rver des dts.

    Dans le cas dAltamira, le choix dune nouvelle grotte identique loriginale est justifi par lesbesoins de conservation du site, car la prservation des peintures ne pouvait tre garantie si lesite restait ouvert au public. Quant au vieux dbat entre lauthenticit et la copie, nous signa-lerons tout simplement quen loccurrence la rplique a t trs bien accueillie par le public etque le fait de visiter une copie na provoqu aucune baisse de frquentation.

    3. LA PROBLMATIQUE ESPAGNOLE DE LA RESTITUTION

    Concernant la restitution, la situation en Espagne prsente une problmatique particulire ;plusieurs contraintes sont considrer des points de vue lgislatif, technique et touristique.

    Tout dabord, la lgislation actuelle sur le patrimoine historique espagnol interdit la restitutionsur place. La loi stipule en effet que les interventions sur les monuments doivent avoir pour but

    10. Sur lensemble, cf. la publication en dtail (Belarte et al., 1999 ; Morer et al., 1999 et 2000).11. Paralllement la construction exprimentale des maisons protohistoriques et sur le mme terrain, un dolmen de dimensionsrelles a t bti dans un but essentiellement pdagogique (Santacana, 1999, p. 71).

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    la conservation et la consolidation de ceux-ci, et que la reconstitution doit tre vite12. Dans

    le cas de monuments dclars dintrt culturel , les restitutions sont impossibles ; lorsquela dclaration na pas t faite, un certain vide juridique laisse place la restitution.

    Deuximement, techniciens et scientifiques sont plutt critiques sur la restitution, surtout dansle cas des restitutions sur place. Cette attitude rsulte sans doute des postulats tablis parla loi, mais aussi du conservationnisme largement dominant en Europe mditerranennevis--vis de la restitution.

    Du point de vue touristique, la restitution prsente enfin le risque de lidentification avec un parc thmatique ce quon a appel leffet Disneyland 13.

    4. LALTERNATIVE VIRTUELLE

    Les restitutions virtuelles peuvent constituer une alternative pour rsoudre ces difficults, tant donnquelles ne touchent pas aux vestiges. Les avantages de ces restitutions sont les suivants. Si la resti-tution virtuelle est faite partir de plans chelle correcte, on obtient des lvations architec-turales exactes. Si, dans la restitution matrielle, et pour certains aspects comme la hauteurdes tients, la rdence cnseille de sen tenir des interventins iniales, la restittinvirtuelle permet au contraire daller jusquaux limites des possibilits volumtriques et visu-elles. Si le rsultat nest pas satisfaisant, ou si la suite de la recherche conduit modifier lesinterprtations, il est toujours possible dapporter toutes sortes de modifications. Elle permetdavoir une vision du site en trois dimensions sans modifier la sky line(silhouette paysagre)des sites. Enfin, elle respecte la valeur des ruines.

    Le choix du virtuel comporte cependant quelques inconvnients. Nintervenant pas sur lesruines, le virtuel ne contribue pas non plus la conservation de celles-ci. De mme, il ne

    permet pas lexprimentation en profondeur, en particulier en ce qui concerne les techniquesde construction. Il nest efficace que lorsque le rsultat peut tre compar avec la ralit.Finalement, il ne facilite ni lexplication de la mthode de recherche archologique ni les inter-prtations.

    5. QUELQUES RFLEXIONS FINALES

    Les diffrentes modalits abordes ici rendent les sites plus comprhensibles au public etexpliquent les interprtations ; en revanche, aucune dentre elles ne permet dexpliquer facile-ment les procds ou les mthodes de la recherche archologique.

    Mme sils ont lorigine un caractre exprimental, la plupart des projets de restitution ar-

    chologique finissent par devenir des prsentations statiques et donnent une image fige dusite tel quil a t interprt un moment donn, sans laisser place la possibilit de modifierlinterprtation qui est montre (ou dexpliquer pourquoi ces interprtations ont chang) ni deprsenter lvolution dynamique du site. Depuis peu, plusieurs centres darchologie exp-rimentale connaissent donc une dsaffection qui pose nettement la question de la cause deces checs et celle de la crdibilit de lexprimentation.

    12. Artculo39 de la Ley 16/1985 del Patr imonio Histrico Espaol.13. Junyent, 1999, p. 21.

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