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Dysfonctionnements, coûts et performances cachés dans l'entreprise

Date post: 30-Dec-2015
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Alain Martinet Henri Savall Dysfonctionnements, coûts et performances cachés dans l'entreprise In: Revue d'économie industrielle. Vol. 5. 3e trimestre 1978. pp. 82-94. Abstract A.Martinet et H.Savall - Dysfunction, hidden costs and performances in the enterprise The purpose of this article is to show the qualitative and quantitative importance of unseen costs in the organization which are related to dysfunctions (absenteism, workers turn-over,...). After this, a reflexion on the concept of efficiency is driven, and the compatibility between economic and social goals is discussed. Résumé A. Martinet et H. Savall - Dysfonctionnements, coûts et performances cachés dans l'entreprise Cet article se propose de révéler l'importance quantitative et qualitative des coûts cachés liés aux dysfonctionnements dans l'entreprise (absentéisme, turn-over, défaut de qualité des produits..) Cette démarche conduit à une réflexion sur la notion d'efficience et sur la compatibilité entre objectifs économiques et objectifs sociaux. Citer ce document / Cite this document : Martinet Alain, Savall Henri. Dysfonctionnements, coûts et performances cachés dans l'entreprise. In: Revue d'économie industrielle. Vol. 5. 3e trimestre 1978. pp. 82-94. doi : 10.3406/rei.1978.995 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rei_0154-3229_1978_num_5_1_995
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Alain MartinetHenri Savall

Dysfonctionnements, coûts et performances cachés dansl'entrepriseIn: Revue d'économie industrielle. Vol. 5. 3e trimestre 1978. pp. 82-94.

AbstractA.Martinet et H.Savall - Dysfunction, hidden costs and performances in the enterpriseThe purpose of this article is to show the qualitative and quantitative importance of unseen costs in the organization which arerelated to dysfunctions (absenteism, workers turn-over,...). After this, a reflexion on the concept of efficiency is driven, and thecompatibility between economic and social goals is discussed.

RésuméA. Martinet et H. Savall - Dysfonctionnements, coûts et performances cachés dans l'entrepriseCet article se propose de révéler l'importance quantitative et qualitative des coûts cachés liés aux dysfonctionnements dansl'entreprise (absentéisme, turn-over, défaut de qualité des produits..) Cette démarche conduit à une réflexion sur la notiond'efficience et sur la compatibilité entre objectifs économiques et objectifs sociaux.

Citer ce document / Cite this document :

Martinet Alain, Savall Henri. Dysfonctionnements, coûts et performances cachés dans l'entreprise. In: Revue d'économieindustrielle. Vol. 5. 3e trimestre 1978. pp. 82-94.

doi : 10.3406/rei.1978.995

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rei_0154-3229_1978_num_5_1_995

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Dysfonctionnements, coûts

et performances cachés

dans l'entreprise

par Alain MARTINET et Henri SAVALL

Institut de Socio-Economie des Entreprises et des Organisations Université Lyon II et I.E. S. CL.

L'économiste et le gestionnaire, interpelés sur les notions d1 efficacité et de rentabilité, ont-ils quelque chose à ajouter à ce qui fonde, dès l'origine leurs sciences et leur pratique ? Le foisonnement récent des analyses et des propositions sur le bilan social (1) , consacré par le Législateur (2) fournit, croyons-nous, la possibilité de répondre par l'affirmative à cette question.

La lancinante opposition entre l'économique et le social et, a fortiori, entre le financier et le social, ne nous invite-t-elle pas, dans sa fragilité scientifique mais sa formidable puissance, née de l'histoire et de nos instruments de calcul, à une tentative de transcendance bénéfique ?

La volonté de poser une pierre dans ce dépassement commande d' élargir la réflexion à l'efficience et à la productivité. La firme des théories micro-économique et financière est, fondamentalement, une unité de production et un centre de calcul guidés par l'objectif de rentabilité qualifié par un ratio monétaire entre un résultat et un capital investi. L'efficacité économique se déduit aisément de ce concept en ce qu'elle fait référence à l'écart par rapport à l'objectif. Mais l'entreprise de la réalité comme celle des sciences de gestion, est aussi une organisation sociale caractérisée par une pluralité d'acteurs et donc d'objectifs dont on peut poser qu'ils sont susceptibles de s'investir dans des activités e f\ f)-ic-( e n-t ci (à différents niveaux), c'est à dire donnant finalement des produits (de façon englobante) supérieurs aux "inputs" absorbés.

L'efficience, qui ne contraint pas à poser la nécessité"ex ante" de l'objectif unique (ou du consensus sur les objectifs) , mais qui rend compte de l'usage qui est fait des dotations en énergie de chan-

(1) Cfr. l'intéressant dossier "du bilan financier au bilan social" les Cahiers Français , n° 183, octobre-décembre 1977

(2) Cfr. Revue Française de Gestion , n° 12 et 13 et leur supplément novembre -décembre

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— REVUE D'ECONOMIE INDUSTRIELLE —

gement des acteurs et, en résultante, des "activités de l'unité" (1) ainsi que son cas particulier, la productivité économique, en

tendu ici au sens de la théorie des surplus (2), constituent, à notre avis, les concepts pertinents de la rénovation utile du calcul économique .

De façon plus opératoire, il convient de leur associer les concepts de "coût-performance" et de dysfonctionnement. Bon nombre d'opérations dans l'entreprise présentent cet ambi-caractère ; ainsi un accroissement de salaire lié à une augmentation de la qualification est-il tout à la fois un sur-coût financier (au sens de la compatibilité usuelle), une performance sociale (selon la comptabilité sociale (3)) mais aussi peut s'avérer une performance économique si l'on modifie l'horizon du calcul, puisque dans une optique stratégique, cet accroissement de salaire qualification est peut - être la condition nécessaire d'une amélioration de la qualité des produits et/ou de leur évolution vers le haut de gamme.

La mise en évidence des coûts-performances masqués par les systèmes comptables en vigueur devient un enjeu de l'efficience accrue. Le repérage, à un niveau micro-spatial au sein de l'organisation, des dysfonctionnements porteurs de coûts cachés constitue le matériau essentiel de sa mise en oeuvre. A cet égard, le dysfonctionnement sera perçu exc£ui-¿uemení comme un écart par rapport au fonctionnement attendu, référencé selon la norme habituellement acceptée par les partenaires sociaux, et sera en conséquence débarrassé de tout jugement de valeur. L'économiste et le gestionnaire postuleront simplement la possibilité du calcul économique à partir de normes d'activité dont la fixation empruntera, selon les cas, les diverses modalités d'un système de décision complexe (définition autocratique, dialectique. . . ) .

A partir de ces concepts, cet article se propose de mettre en lumière l'importance qualitative et quantitative des coûts cachés liés aux dysfonctionnements dans l'entreprises ainsi que les possibilités de leur réduction, avant de développer la méthode utilisable pour leur saisie, et enfin de résumer notre propos d'étape vers une analyse socio-économique de l'entreprise.

I - DYSFONCTIONNEMENTS, GESTION DE L'ENTREPRISE ET ECONOMIE INDUSTRIELLE.

1.1. L'importance qualitative et quantitative des coûts cachés liés aux dysfonctionnements dans l'entreprise

1.1.1. Dans une optique très proche de la nôtre, P. TABATONI et P. JARNIOU ont dressé une typologie des dysfonctionnements (4) qui s' opèrent au profit de l'un ou l'autre des trois système : organisation.

(1) Un rapprochement fructueux est ici à faire entre M. CROZIER, E. FRIEDBERG, "L'acteur et le système", le Seuil, 1977, et la contribution íiidnti&tlí de F. PERROUX, "Unité actives et mathématiques nouvelles", Dunod, 1975, ch . II et III notamment.

(2) Cfr. L'ouvrage toujours actuel de P. MASSE, P. BERNARD, "Les dividendes du progrès", le Seuil, 1969

(3) Cfr. par ex. F. REY "Introduction à la comptabilité sociale", Entreprise Moderne d'Edition - 1978

(4) in "Les systèmes de gestion", P.U.F. Collée S-D, 1975, pp. 201 sq.

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finalisation et animation. A l'intérieur de ces catégoires, et à des niveaux micro-spatiaux, apparaît en permanence un grand nombre de dysfonctionnements qui sont largement occultés dans la vision déterministe de l'organisation, voire même, d'une certaine façon dans la vision systémique. Ces optiques conduisent généralement à surestimer fortement la "rationalité" du fonctionnement et plus précisément, en limitant de façon drastique la marge de liberté des acteurs, à donner une image extraordinairement réduite du champ des possibles (1).

Le chercheur, habitué à l'observation directe du terrain, ressent intuitivement combien est fructueuse la démarche qui, ne se satisfaisant pas de l'analyse des entrées et des sorties de la "boite noire", poursuit inlassablement la mise en évidence des réponses des acteurs à des choix imposés et révèle du même coup l'étendue des micro-régulations alternative effectivement mises en oeuvre. Ainsi, par exemple, dans un atelier d'une usine sidérurgique comprenant 96 ouvriers, 110 schémas de régulation ont été mis en lumière pour environ 400 absences d'ouvriers sur la période analysée (2) . L'évaluation financière a permis de confirmer l'hypothèse que le coût de l'absentéisme était extrêmement variable en fonction du type de régulation pratiqué et que le degré de liberté de l'encadrement était à cet égard très élevé.

La relation de ces résultats avec l'efficience économique est immédiate. Elle nous renseigne directement sur la performance ooten- tiellement contenue dans certaines pratiques relativement à d'autres et nous désigne en conséquence les "points noirs" et les actions de correction envisageables, partiellement ou totalement finançables par l'enveloppe budgétaire ainsi décelée.

De façon plus qualitative, l'efficience micro-sociale est approchée par la révélation des coûts imposés aux travailleurs dans l'ordre ergonomique ou relationnel. De ce dernier point de vue, pour une structure organisationnelle donnée, l'on observera des différences considérables dans la possibilité qu ' ont des travailleurs ou des groupes de travailleurs de mettre en oeuvre leurs aptitudes et, dans une optique dynamique, de développer leur degré d'autonomie sociale et culturelle (3).

1.1.2.- Au plan financier, l'importance quantitative de certains coûts cachés s'avère très grande dans la plupart des recherches expérimentales effectuées. A titre d'illustration, on peut mentionner les résultats suivants :

- Pour un établissement industriel de 350 personnes en 1977, l'ensemble des coûts liés à trois dysfonctionnements : absentéisme, rotation du personnel et défauts de qualité des produits, se monte à 3.200.000F soit 7,5 % du coût standard de production ou encore 20 % de la masse salariale. Ces chiffres sous-estiment d'ailleurs le coût réel dans la mesure où certains éléments n'ont pu être saisis (coût des perturbations pour l'absentéisme, coût du préjudice commercial pour les défauts de qualité par exemple) . Une estimation des cinq indicateurs de dysfonctionnement retenus (les trois cités auxquels s'ajoutent la nro-

(1) C'est aussi la nosition de M. CROZIER et E. FRIEDBERG, op . cit .pp . 35 sq .

(2) "Evaluation quantitative et financière de l'absentéisme" , étude réalisée par E. COLLIGNON sous la direction de H.SAVALL, ISEOR (Université Lyon II, ESCL) - mars 1978.

(3) "L'amélioration de l'équilibre emploi-formation par action sur la variable emplois qualifiés" , étude réalisée par E.BECK et M.RENNARD sous la direction de H.SAVALL et A ..MARTINET, ISEOR, juin 1978.

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ductivité directe et la sécurité du personnel) , conduisait ainsi à 12 % du coût standard de production ou à 30 % de la masse salariale (1).

- S'agissant de l'usine sidérurgique évoquée plus haut, le coût total de s ' absentéisme pour un mois de l'année 1977 se montait à 560.000F environ dont plus des deux tiers pris en charge di rectement par le service analysé, soit 19 % de son budget.

- Dans une autre recherche portant sur le coût de la rotation du personnel dans une grande entreprise de l'industrie mécanique, les éléments relatifs au recrutement et à l'adaptation au poste ont été évalués à 2,5 mois de salaire par recrutement d'O.S., et à 6 mois par poste effectivement pourvu, compte tenu du très fort taux de rotation sur embauches nouvelles.

De tels chiffres qui poussent le gestionnaire à l'action, invitent le chercheur à élaborer des outils plus appropriés que la comptabilité analytique et le contrôle de gestion usuels à saisir et mettre en lumière les coûts liés aux dysfonctionnements évoqués.

1.2. La réduction des dysfonctionnements

La littérature relative aux théories des organisations tend à centrer ses réflexions sur les relations entre politiques et structures d'une part, entre structures et comportements d'autre part.

Il n'est pas dans notre propos, d'analyser dans le cadre du présent article, ces relations qui ont fait l'objet de nombreux travaux de la part des chercheurs en stratégie (2), en structure (3) ou en conditions de travail (4) .

Il apparaît à la lumière de l'observation de la réalité et à 1' examen critique des théories que la réduction des dysfonctionnements doit s'insérer dans un schéma englobant dans lequel l'efficience reprend un statut informationnel indispensalble lui permettant d'infléchir dans un souci de régulation les conduites , les choix et les politiques.

politiques »-structures »-comportements i efficience -• — '

La recherche de l'efficience économique et sociale passe par de multiples niveaux, depuis celui de la stratégie globale de l'entreprise (5), jusqu'aux améliorations ponctuelles des situations de travail dans les micro-espaces, en passant par des innovations organisa- tionnelles au sein de la structure, et les choix d'investissement.

Au niveau de l'organisation du travail, la réduction des dysfonctionnements passe par une évaluation des coûts et performances

ti) H . SAVALL" Rapport scientifique annuel à la D.G.R.S.T. sur l'analyse économiaue des conditions de travail". Action sur programme RESACT 1976-1978", I.S.E.O.R., 1977

(2) H. I .ANSOFF, P . R. DECLERCK , R.L.IÏAYES, "From strategic planning to strategic management", Wiley , 1976

(3) H. I. ANSOFF, "La structure de l'entreprise aujourd'hui et demain", EIASM, Bruxelles, février 1974

(4) Cfr. L'analyse de ces contributions in H. SAVALL "Enrichir le tra-- vail humain : l'évaluation économique", Dunod, 2ème Ed. 1978

(5) voir note page suivante. — 85 —

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rés, soit de façon intertemporelle (avant et après le changement organisationnel) , soit de façon inter-spatiale (analyse de plusieurs modes d'organisation concomitants) . La recherche expérimentale démontre que cette évaluation est ■¿ni^.gn-t^-iante. si l'on applique les méthodes de la comptabilité classique, car les éléments significatifs se trouvent, pour l'essentiel parmi les coûts cachés (1).

Une recherche en cours (2) dans un atelier de montage de machines à laver où coexistent trois formes d'organisation du travail - groupes semi-autonomes, groupes en tâches élargies et chaînes traditionnelles - a déjà livré des résultats intéressants concernant l'absentéisme, ainsi que le montrent les chiffres du tableau 1 (voir page suivante) .

Si les effets de changements effectués sur la situation du travail sont directement perceptibles à ce niveau , il convient de remarquer que des choix effectués à d'autres niveaux - ceux relevant de la stratégie sociale par exemple (3) - tendent aussi à propager leurs effets jusqu'au lieu ultime de la régulation de l'activité (l'atelier, le bureau . . . ) .

Il est clair que l'omission des phénomènes inhérents à l'activité de l'homme en situation de travail, par les systèmes comptables en vigueur, inspirés de l'analyse néo-classique, conduit à privilégier des choix d'investissement imprudemment capitalistiques aux conséquences multiples, désormais bien analysées par les sciences de gestion et l'économie industrielle : exclusion de l'homme du processus de production, détérioration au moins relative des conditions de vie au travail, déqualification de nombreux emplois, substitution exagérée du capital au travail, avec ses corollaires aux plans du chômage et de l'inflation.

II - DE L'EFFICIENCE "PERDUE" A L'EFFICIENCE "RETROUVEE" ?

2.1. Les systèmes comptables usuels et 1 ' efficience perdue

Parler d'efficience perdue en l'état actuel des systèmes d'information ne signifie pas, bien sûr, qu'en changeant ceux-ci on aug^- mente celle-là, mais seulement que les poches virtuelles d'efficience, une fois repérées, puissent produire effectivement des performances .

Ainsi qu'on l'a vu dans les exemples cités plus haut, il est difficile de se satisfaire d'une comptabilité qui masque jusqu'à 30 % de

(5) A. MARTINET "Analyse de l'environnement, planification et management stratégiques de la grande entreprise", Thèse d'Etat, Université de Paris-Dauphine , 1975

(1) H. SAVALL "Propos d'étape sur la régulation socio-économique de 1' entreprise par la recherche de la compatibilité de l'efficience économique et du développement humain" , Rapport au Vllème Colloque international du Collège de France, décembre, 1977

(2) Evaluation socio-économique comparée de trois modes d'organisation", étude réalisée par 0. UZAN et M. LOPEZ sous la direction de H. SAVALL, I.S.E.O.R., juin 1978

(3) A. MARTINET "Stratégie économique et stratégie sociale de la grande entreprise", Cahiers Lyonnais de la Recherche en Gestion n° 1, février, 1978.

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TABLEA

U COMPA

RATIF DE

L'ABSEN

TEISME

PAR FORM

E D'O

RGANISA

TION DU

TRAVAIL

(en pourcen

tage

des H.A

.)

J Lu

00

LU

O

O

Ü

UJ Q

LU

LU QC

FORMES D ' ORG

ANISA

TIO

N

DU TRAVAIL

G. S. A. 1

+ 2

G. S. A. 3+4+5+6

G. S.A.

1+2+3+4+5+6 +

polyvalents

Groupe "tâches

élargies"

Chaînes tradition

nelles

TOTAL ATELIER

Ï-JFH .

12

24

38

18

510

566

BS

0. 14

0.06

0.09

0.15

0. 24

o -n

M

5.10

6.71

5.82

7.38

10.83

10.43 Ace.

0.82

0.90

0.83

0

0.40

0.41

ASM

0.44

0.46

0.48

0.83

1 .84

1 .72

El

0.05

0.10

0.08

0.03

0.06

0.06

G 0 0 0

0.12

0. 22

0.20

R

0.06

0.07

0.08

0.06

0.08

0.08 Sous Total

6.60

8.31

7.37

8. 58

13.67

13. 14

For.

0.41

3.10

1.88

0.31

0.38

0.46 c.o.

0 0 0 0

0.18

0. 17

Sous Total

0.41

3.10

1.88

0.31

0.56

0.63

CSS

1 .55

0

0.64

2. 14

2.38

2.27

.E.F

0.18

0.14

0.15

2.14

1.09

1.07

Sous Total

1.73

0.14

0.79

3.19

3.47

3 31

CPL Total Taux

8.75

11.55

10.05

12.08

17.71

17.07

.A

EFF BS M Ace ASM Bl G R

: ef

fectif

: Bon

de sor

tie M

aladie

Accident

Absence

sans m

otif Blessure Grève Retard

For CO CSS EF CPL HA

Formation

Congés ouvriers Congés

sans solde

Evénements

familiaux

Congés payés légaux-

Heures attendues

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la masse salariale, bien qu'elle en tienne compte ¿mp¿¿c¿te.m&nt et

Le caractère implicite de cette prise en compte ne permet pas aux fonctionnels comme aux opérationnels de voir leur attention attirée par ces résultats. Souvent amorphe, la comptabilité analytique n'a de sens véritable que par rapport à des objectifs et des points de contrôle, c'est à dire lorsqu'elle est utilisée dans une optique de contrôle de gestion. Mais précisément, si elle veut satisfaire les objectifs et besoins du management, il lui faut devenir évolutive et circonscrite à des domaines précis. Evolutive car les problèmes actuels de la gestion ne sont pas nécessairement identiques à ceux de l'époque où a été conçu l'essentiel du système comptable ; circonscrite à des domaines précis, puisque seule cette segmentation permet les actions de correction.

Le caractère global de la saisie des dysfonctionnements interdit à l'analyste de déceler les lieux où se produisent les coûts et bien plus encore les causes potentielles de ces coûts ; si l'absen- téisr.ie constitue dans certaines unités un élément pondéreux, c'est plutôt la qualité des produits, ou les accidents du travail, qui sont pertinents dans d'autres cas.

Par ailleurs, certains des indicateurs évoqués deviennent obligatoires dans la perspective du bilan social. Sauf S accepter de conforter la dichotomie construite entre l'économique et le social, et à voir ces indicateurs servir exclusivement les services du personnel, il est particulièrement important, en les intégrant à la comptabilité analytique de permettre une décentralisation du bilan social dans les structures opérationnelles et de gérer ainsi explicitement la relation entre les phénomènes qu'ils décrivent et la performance économique de l'entreprise.

2.2. Les coûts et performances cachés et l'efficience retrouvée

Les éléments de coûts et de performances non identifiés dans les systèmes comptables usuels peuvent être regroupés en trois catégories (1) :

- les elements nor. quantifiables en l'état actuel de la connaissance nui resteront provisoirement appréhendés par des indicateurs qualitatifs ,

- les éléments quantifiables non susceptibles d'être évalués financièrement qui constituent l'ossature du bilan social français,

- les éléments quantifiables évalués financièrement qu'il est possible d'intégrer dans la comptabilité analytique actuelle et nui, plus généralement appartiennent à un bilan financier rénové ¿ans l'appréciation par exemple de deux situations de travail.

Le bilan socio-économique complet est composé des trois séries d ' indicateurs comme le montrent les schémas ci-après

(1) K. SAVALL "Analyse socio-économique, diagnostic et décision d'amélioration des conditions de vie au travail", La Revue de l'Entreprise, n° 12, janvier 1978

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BILAN SOCIO-ECONOMIQUE A Effets quantifiés et évalués financièrement (indicateurs financiers)

Effets quantifiés non- évalués financièrement (indicateurs quantitatifs) C Effets non quantif iables (indicateurs qualitatifs)

Phénomènes liés à la régulation de 1 ' activité dans 1 ' atelier ou dans 1 'entreprise

Quantification des effets

Evaluation économique des effets

Bilan social

Bilan financier rénové

""""- ^Mode d'organisation Ensemble ~-^^_^ 3es variables — ~^_^

évaluation financière . absentéisme . turn-over . qualité . productivité . sécurité

Evaluation psychosociologique

Evaluation ergonomique

Ensemble

Nouveau N

"al" tN qN pN

= T N(F)

Traditionnel T

aT tT qT pT _sT

=T T(F)

'Fqt (N) quantitative 'F qt (T)

fql(N) qualitative >F ql (T)

'F'qt(N) quantitative 'F' qt (T)

■'F'ql(N) qualitative T ql (T)

T M (SE) T T(SE)

[N - T]

T N(F) -T T(F)

t N(SE) T T(SE)

r

T N(F) X T(F)

[t N(SE) - tT(SE)]

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— REVUE D'ECONOMIE INDUSTRIELLE —

Ainsi que le suggère la matrice, 1 ' explicitation porte tout à la fois sur íes coûts-performances ergonomiques et psycho-sociologiques qualifiées usuellement de "sociales" et sur les coûts-performances "économiques" (stricto sensu) . Les résultats contenus dans cette matrice sont un guide efficace lorsqu'il s'agit de décider d'un projet de réorganisation. Ils présentent, en effet, l'immense mérite de mettre en lumière, de façon liée, les gains d'efficience sociale compatibles ou non avec le maintien ou l'élévation de l'efficience économique, et ceci dans une problématique familière au management.

En effet, ces résultats peuvent appartenir à l'une ou l'autre des situations suivantes :

- le projet améliore à la fois l'efficience économique et l'efficience sociale : la décision relève de la rationalité économique dominante, étayée par la positivité du calcul,

- le projet diminue (à court terme) l'efficience économique, mais se traduit par un excédent au niveau des indicateurs sociaux quantitatifs ou des éléments qualitatifs : sa réalisation s'inscrit dans une rationalité économique intuitive étayée par un raisonnement de type stratégique : le coût net financier est jugé ou non compensé par les éléments positifs non évalués financièrement.

- le projet est déficitaire dans les trois phases du bilan socio-économique : il peut être abandonné mais aussi réalisé par anticipation de l'événement qui pourrait imposer le changement, ceci dans une optique de stratégie sociale, voir de stratégie économique.

Une telle démarche se fixe fondamentalement l'objectif d'accroître l'intersection entre les objectifs économiques et les objectifs sociaux des différents partenaires sans changer la nature de l'entreprise, alors qu'une partie de la littérature actuelle sur sa "responsabilité sociale", en stipulant a priori l'antagonisme entre les deux catégories, laisse craindre une institutionnalisation de cette "organisation cardinale du capitalisme".

Elle est une tentative pour accroître le nive.au d'e^-i'cience en posant la réalité du jeu à somme non nulle, alors que le raisonnement orthodoxe transforme son hypothèse de jeu à somme nulle - toute performance sociale est un appauvrissement économique de l'entreprise - en contrainte "objective".

Elle est aussi une méthode permettant de révéler les covidÁ.t.Lont, de n é a (' ci a f < 'on de l'efficience, ceci au plan explicatif (analyse fine des conditions observées) comme au plan normatif (explicitation du champ des possibles par relativisation de la contrainte technico-éco- nomique à l'atteinte d'objectifs sociaux) .

Elle est enfin un système d'informations favorable à la négociation entre les partenaires sociaux : à l'intérieur de l'entreprise, la réduction de certains coûts cachés comme l'absentéisme ou les défauts de qualité - et donc la performance économique - peut constituer l'enjeu d'une négociation sur des accroissements de rémunérations par exemple - performance sociale - ; vis à vis de son environnement, 1' entreprise qui peut démontrer l'impossibilité d'intégrer certains coûts sociaux (1) dans son calcul micro-économique rénové, est sans doute à même d'en obtenir le financement auprès du consommateur - il n'y a pas de différence de nature entre le fait de lui faire suppor-

(1) Au sens de Cl. JESSUA "Coûts sociaux et coûts privés", P.U.F. 1968

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ter les dépenses de publicité et celui de lui faire payer tel dispositif onéreux de protection des ouvriers sidérurgiques ou d'élimination de la pollution - ou auprès des pouvoirs publics.

Il est difficile ici de détailler la méthodologie utilisée actuellement en recherche expérimentale, qui permet la mise en évidence des coûts et performances cachés liés aux dysfonctionnements observés. Bornons-nous à dire que, désireuse d'aboutir à un modèle fiable, avant de présenter un modèle réduit opératoire aussi peu déformant que possible, elle se traduit par une investigation clinique très approfondie dans les organisations analysées. Ainsi, la recherche sur les coûts des défauts de qualité, d'une durée de six mois environ, a nécessité les phases suivantes : prise de connaissance du problème, élaboration, test et mise en place des indicateurs de qualité, élaboration du modèle de gestion permettant la mesure des coûts, évaluation financière , analyse qualitative économique, et ce pour la seule phase analytique. Mais la qualité du modèle réduit et l'importance de l'enjeu méritent sans doute cet investissement.

III - VERS UNE SOCIO ECONOMIE DE L'ENTREPRISE ? PROPOS D'ETAPE

Au stade actuel de la recherche, il est possible de distinguer deux séries de résultats qui ne sont qu'une première étape vers une analyse socio-économique des entreprises et des organisations.

3.1. Les ré sultats technologiques

3.1.1. Ils intéressent tout d'abord la comptabilité analytique ouis- qu'après avoir posé le cadre théorique de sa rénovation (1) , nous avons pu tester expérimentalement et commencé à diffuser, au plan pédagogique, les premiers éléments opératoires. Telle que nous la présentons, l'analyse des coûts est actuellement à même d'accueillir, soit de façon intégrée, soit de façon extra-comptable, le calcul du coût des cinq indicateurs retenus jusqu'ici : absentéisme, rotation du personnel, qualité, productivité physique directe, accidents du travail.

Avec les notions de performances et coûts cachés, celle d'investissement en ressources humaines (2) , amortissable sur une certaine durée de vie (coûts de recrutement, d'adaptation au poste et de formation par exemple) , distingué des autres charges d'exploitation, en constitue le fondement conceptuel. Au plan technique, l'imputation rationnelle des charges de structure en est le principe essentiel.

Le tableau ci-après donne un exemple pédagogique du calcul du coût d'absentéisme.

3.1.2. Le véritable intérêt de cette comptabilité analytique rénovée est de servir la mise en place d'un "tableau de bord socio-économique" permettant d'une part une pertinence accrue du contrôle de gestion usuel, et d'autre part un diagnostic suivi des conditions de vie au travail. Il devient alors possible après pronostic sur lava- riation de certains éléments de ce tableau d'analyser les écarts a- près réalisation de tel projet d'amélioration des conditions de vie au travail.

(1) H. SAVALL "Enrichir le travail humain ...." op. cit. (2) Dans l'optique de F. PERROUX "L'Economie de la ressource humaine"

in Mondes en Développement, n° 7, 1974.

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3.1.3. Dans cette dernière optique, l'importance majeure des choix d'investissement conduit à s 'interroger d'abord sur la modification possible des manuels de procédure utilisés dans les grandes entreprises dans l'instruction des projets, ensuite sur la rénovation de certains modèles de choix d'investissement en vue d'y intégrer les coûts et performances cachés. A cet égard, deux voies de recherche sont explorées : i) tenter de passer, dans le cadre des modèles mono-critère, de la maximisation des cash-flows actualisés - trop dépendants du seul facteur capital - à la maximisation de la valeur ajoutée - qui rend mieux compte de la combinaison capital-travail- ; ii) utiliser les éléments d'appréciation de l'efficience socio-économique dans les méthodes d'analyse multi-critères (type ELECTRE II, par exemple) .

Ces résultats technologiques, brièvement résumés, désignent immédiatement le sens de la contribution scientifique.

3.2. Les résultats scientifiques

3.2.1. L ' explicitation des hypothèses sur lesquelles reposent les modèles technologiques évoqués, contribue, après d'autres, à relativiser la dichotomie régnante entre le champ économique et le champ social. Nous avons montré par ailleurs (1) les dangers d'une systématisation des pratiques actuelles sur la stratégie sociale totalement détachée de la stratégie économique ; il en va de même pour le bilan social déconnecté du bilan financier. Pour intéressante qu'elle soit, la loi française dans ce domaine ne peut suffire à réorienter l'activité des entreprises vers cette économie finalisée (au service de 1' homme) , compatible avec l'économie intermédiaire (économie des moyens) .

3.2.2. Sauf à accepter le rejet systématique de l'investissement dans la ressource humaine, "pour raisons économiques", ou dans le meilleur des cas, à se contenter de décisions prises dans l'ignorance des coûts et performances essentiels, il est fondamental, croyons-nous, de redonner au calcul économique (au sens de l'analyse des coûts-avantages) une pertinence qu'il a perdue - du fait de la réduction de l'économique aux relations entre les biens et à celles entre les hommes et les biens - et une homogénéité qu'il est en train de perdre - par la seule / uxtapoi < t ion d'un bilan "coûts-avantages sociaux" au bilan "coût-avantages économiques".

3.2.3. S 'agissant de la théorie des organisations enfin, l'économiste et le gestionnaire retrouvent des points de contact avec le sociologue. L'on a déjà souligné au début de cet article, certaines convergences entre les dernières contributions de F. PERROUX et celles de M. Crozier par exemple (2) . La recherche expérimentale nous conduit à expliciter les régulations effectuées par l'acteur et donc son degré de liberté par rapport au système. A cet égard, les coûts et performances cachés liés aux conditions de vie au travail, deviennent aussi un "indicateur de plasticité des structures", en révélant les différences d'efficience de plusieurs micro-espaces de l'organisation.

Aux plans scientifique et technologique, l'analyse proposée nous semble se situer dans la voie de l'interdisciplinarité puisqu'

(1) in A. MARTINET "Stratégie économique et stratégie sociale ..." art. cit.

(2) F. PERROUX "Unités actives ...", op . cit . et "Pouvoir et Economie" Bordas, 1973 M. CROZIER "L'acteur et le système" , op. cit., voir aussi les critiques faites par A.BIENAYME "Le réel et le rationnel" , Le monde, 27-28.11.1977 et J. LESOURNE "La pensée de Crozier" ,L' expansion , ñ&r. 1 977

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elle offre des occasions de rapprochement et d'intégration d'éléments pris dans des disciplines différentes et plus précisément dans celles englobées usuellement dans les sciences humaines (sociales) d'une part, et économiques d'autre part. Elle permet par là même d'expliciter dans l'analyse économique, qui reste le mode de raisonnement fondamental de la gestion, certains concepts empruntés à d'autres disciplines.

Si elle se veut socio-économique, l'analyse est aussi stratégique et finalisée : "l'économiste de la ressource humaine ne peut accepter comme rationnelle la société d'exclusion qui ne connaîtrait que l'échange onéreux, l'accumulation rentable et l'opposition entre l'économique et le social" (1).

(1) A propos de F. PERROUX in A. MARTINET, H. SAVALL et associés, "Encyclopédie de l'économie", Larousse, 1978, 1ère partie.

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