Estime de soi et évaluation positive des enfants et des adultes à l'école maternelle

Maryse Métra

Janvier 2018

Bulletin officiel spécial n°2 du 26 mars 2015

1.4. Une école qui pratique une évaluation positive

L'évaluation constitue un outil de régulation dans l'activité professionnelle des enseignants ; elle n'est pas un instrument de prédiction ni de sélection. Elle repose sur une observation attentive et une interprétation de ce que chaque enfant dit ou fait. Chaque enseignant s'attache à mettre en valeur, au-delà du résultat obtenu, le cheminement de l'enfant et les progrès qu'il fait par rapport à lui-même. Il permet à chacun d'identifier ses réussites, d'en garder des traces, de percevoir leur évolution. Il est attentif à ce que l'enfant peut faire seul, avec son soutien (ce que l'enfant réalise alors anticipe souvent sur ce qu'il fera seul dans un avenir proche) ou avec celui des autres enfants. Il tient compte des différences d'âge et de maturité au sein d'une même classe.

Adaptée aux spécificités de l'école maternelle, l'évaluation est mise en oeuvre selon des modalités définies au sein de l'école. Les enseignants rendent explicites pour les parents les démarches, les attendus et les modalités d'évaluation propres à l'école maternelle.

Que pourrait être une école "suffisamment bonne", pour reprendre les termes de D.W. Winnicott ?

Une école qui satisfait "à peu près" les besoins psychiques de ses usagers pour qu’ils puissent y vivre, s'y développer de manière optimale : les enfants comme les adultes (enseignants, ATSEM, parents...).Car notre façon de regarder les élèves, la teneur et la tonalité des paroles que nous leur adressons, participent de notre personnalité profonde et ont, chez les élèves, une résonance affective que nous ne soupçonnons pas et qui demeure malgré les années qui passent (voir Chagrin d'école de Daniel Pennac...).

Des liens précoces que l'enfant tisse dans sa famille, émerge la question de l'estime de soi.

Puis, l'accueil que lui réservent les premiers espaces sociaux aura une grande importance(d'où l'importante question de la prévention).

"Quand j'étais enfant, ma mère disait  :si tu deviens soldat, tu seras général  ;

si tu deviens moine, tu finiras pape.J'ai voulu être peintre, et je suis devenu Picasso ! "

déclarait Pablo PicassoAutre témoignage, celui de Henri Matisse :"Ma mère aimait tout ce que je faisais..."

Bulletin officiel spécial n°2 du 26 mars 2015

L'école maternelle : un cycle unique, fondamental pour la réussite de tous(...) L'école maternelle est une école bienveillante, plus encore que les étapes ultérieures du parcours scolaire. Sa mission principale est de donner envie aux enfants d'aller à l'école pour apprendre, affirmer et épanouir leur personnalité. Elle s'appuie sur un principe fondamental : tous les enfants sont capables d'apprendre et de progresser.En manifestant sa confiance à l'égard de chaque enfant, l'école maternelle l'engage à avoir confiance dans son propre pouvoir d'agir et de penser, dans sa capacité à apprendre et réussir sa scolarité et au-delà.

La notion d'interlocuteur valableComment cultiver à l'école l'art de la rencontre, et le respect dû à chaque personne ?

Chacun peut occuper sa place en étant dans le respect de l'autre.

Chaque personne qui entre à l'école, enfant, adulte, doit pouvoir y entrer la tête haute, il faut que tous soient considérés et se considèrent comme interlocuteurs valables, à égale dignité.

Selon Germain DUCLOS, l’estime de soi est un passeport pour la vie, ce qui suppose au préalable une conscience et une connaissance de soi.

L'estime de soi est faite de quatre composantes:

- le sentiment de confiance,

- la connaissance de soi,

- le sentiment d'appartenance à un groupe

- et le sentiment de compétence.

Le sentiment de confiance est préalable à l'estime de soi. En effet, il faut d'abord le ressentir et le vivre afin d'être disponible pour réaliser des apprentissages qui vont nourrir l'estime de soi. Il en va autrement des trois autres composantes.

On peut stimuler la connaissance de soi, le sentiment d'appartenance et le sentiment de compétence à chaque stade du développement, à chaque période de la vie, par des attitudes éducatives adéquates et des moyens concrets.

Il faut donc accorder une importance toute spéciale à la sécurité et à la confiance.

Ces composantes se travaillent à l'école... mais pas uniquement dans ce lieu..........

L'imagerie cérébrale montre que le traitement cognitif se fait d'autant mieux qu'il est lié au sentiment de plaisir. Mélanie Klein écrivait en 1936 : "Une bonne relation avec nous-mêmes est l'une des conditions pour témoigner aux autres amour, tolérance et sagesse". (L'amour et la haine. Payot. 1989)

Stanislas Dehaene, psychologue cognitiviste et neuroscientifique, tout récemment nommé directeur du Conseil scientifique de l'éducation nationale, insistait le 11 janvier dernier à France inter sur l'importance de la confiance en soi, du plaisir et de la curiosité à l'école, ainsi que sur le rôle du jeu dans le développement de l'enfant.Alors comment contribuer à restaurer le Moi des adultes (enseignants et parents) pour qu'ils accompagent au mieux le processus de croissance des enfants ?

Le jeu est un formidable espace d’expériences et une source d’apprentissage riche pour les enfants.La danse, la musique, la découverte de la nature, le sport... contribuent au développement global de l'enfant, physique, cognitif, linguistique, social et affectif.

Mais l’expérience ne suffit pas à produire de l’estime de soi chez l’enfant ; il faut en plus se percevoir de façon positive et ceci dans la durée. Le rôle des adultes est fondamental. Nous allons lui proposer aussi des médiations culturelles où il rencontrera des situations et des personnages fictionnels qui lui ouvriront des espaces de résolutions possibles des difficultés qu'il rencontre

L'estime de soi, l'affaire de tous

Les parents, les enseignants, les éducateurs... auront une importance fondamentale dans le développement et la croissance du jeune enfant. Mais chacune de ces personnes est elle-même en lien avec d'autres personnes qui lui permettront d'avoir une plus ou moins bonne estime de soi, et ainsi transmettre à l'enfant une confiance plus ou moins bonne en l'avenir.

Nous évoluons dans un "système", chaque élément a son importance, le plus petit grain de sable peut enrayer la machinemais la moindre goutte d'huile peut relancer le mécanisme !

La difficile question de l'évaluation

Évaluer, apprécier la « valeur » d’un individu, d’un acte, d’un projet, d’une organisation, d’un mode d’enseignement, représente une activité régulière, explicite ou implicite de tout individu, groupe et société depuis le début des temps.

L’évaluation ne peut donc être totalement dissociée d’un jugement, lequel se réfère de près ou de loin à des règles, des valeurs ou des croyances plus ou moins claires. Une évaluation positive veillera à être au service de l'élève et ne pas lui nuire.

Ne jamais nuire a autrui et essayer de lui être utile, n'est-ce pas le seul principe qu'on puisse trouver et qui permette de juger de l'éthique de nos pratiques à l'école ?

Est-il possible de mettre au point des processus évaluatifs à la fois créatifs et formateurs ?

L'erreur n'est pas une faute

«Tout le monde commence par faire des erreurs, et un peintre qui ne comprendrait pas les erreurs qu'il fait ne pourrait jamais les corriger ». Leonard de Vinci (1452-1519)

« Penser, c'est aller d'erreur en erreur. » Alain (1932)

Éviter que ne se développe une "identité négative"

chez les enfants, les adolescents, les adultesLe sentiment d’être l’objet de forces hostiles, génère un

sentiment d’humiliation, de déconsidération

ce qui provoque un doute sur le jugement que d’autres peuvent porter sur sa valeur

L’image de soi est attaquée, et cette défaite de l’estime de soi peut provoquer des ripostes :

- les unes sont offensives : arrogance, défi, violence ;

- les autres sont des enfermements dans la démission, le découragement, une peur de mal faire paralysante.

Un exemple : La petite casserole d'Anatole

L'écoute tripolaire (Jacques Lévine)

Pour prendre en compte, d’un seul tenant,

*la dimension de l’organisation réactionnelle dérangeante (le symptôme, la difficulté...)

*celle de l’intériorité blessée,

*et la dimension intacte de vie que tout être porte en lui, ce qui permet la futurisation

La complexité de l'évaluation si nous prenons en compte les postulats de BURNS (1971)

Il n’y a pas deux apprenants qui progressent à la même vitesse.

Il n’y a pas deux apprenants qui sont prêts à apprendre en même temps.

Il n’y a pas deux apprenants qui utilisent les mêmes techniques d’études.

Il n’y a pas deux apprenants qui résolvent les problèmes exactement de la même manière.

Il n’y a pas deux apprenants qui possèdent le même répertoire de comportements.

Il n’y a pas deux apprenants qui possèdent le même profil d’intérêts.

Il n’y a pas deux apprenants qui sont motivés pour atteindre les mêmes buts.

Évaluer toutes les formes d'intelligence

Considérer la classe comme étant pluri-nutritionnelle.

Voir les intelligences multiples d'Howard Gardner,

Valoriser tous les talents, inviter chacun à présenter une activité qu'il aime faire, un objet qui est important pour lui...

Mettre en oeuvre une pédagogie qui permette à chacun de se sentir apportant ( Célectin Freinet, le "tous capables" du GFEN, organiser un marché des connaissances...)

Solliciter toutes les formes d'intelligence fait vivre à chaque enfant ou adolescent que nous le considérons comme détenteur d'un "bouquet d'intelligences" que nous reconnaissons tous les talents, dans leur diversité.

Il en va de même pour les parents, et pour les professionnels.

Quand l'enfant a du mal à apprendre, à se socialiser,

Qu'est-ce qui fait obstacle ?

L'enfant est tout à la foisun être social

un être cognitifun être affectif

un être corporel.

Quel rôle jouent les émotions et l'estime de soi dans cette approche

complexe ?

Selon la pyramide des besoins de l'être humain établie par Maslow, les différents niveaux de besoins se renforcent mutuellement, ou s'affaiblissent en cas de difficultés.

Besoin d'appartenance : le miroir que nous renvoient les autres est important pour la consolidation de l'estime de soi. Il faut avoir l'estime de l'autre pour s'estimer soi-même.

Mais attention, la blancheur du cygne peut aussi présenter un danger pour le sujet... David Le Breton, dans "Disparaître de soi, une tentation contemporaine", (Editions Métailié, 2015) nous invite à une réflexion sur les nouvelles formes d’être au monde : tout quitter et abandonner ses proches physiquement ou psychiquement, tout laisser aller pour fuir ses responsabilités, s’éloigner, peu à peu de toute contrainte sociale ou identitaire.

Le Breton appelle « blancheur » l’état de ceux qui choisissent délibérément de s’effacer, las de devoir sans cesse s’affirmer.

« La blancheur est cette volonté de ralentir ou d’arrêter le flux de sa pensée, de mettre enfin un terme à la nécessité sociale de toujours se composer un personnage selon les interlocuteurs en présence », explique l’anthropologue.

Elle prend des formes multiples, plus ou moins discrètes : le sommeil, l’épuisement volontaire, l’immersion dans une activité captivant le corps et l’esprit. À l’adolescence  : la défonce aux psychotropes, l’anorexie, le refuge dans la chambre ou dans les mondes virtuels... avec une réminiscence possible plus tard...

Principes fondamentaux pour les professionnels

*Garder toujours un regard positif sur chaque enfant, si c'est difficile, ne pas rester seul avec ce problème (RASED)*Permettre aux enfants de se sentir impliqués dans la vie de la classe, de participer à certaines prises de décisions, *Permettre aux enfants d’être reconnus socialement dans la classe et dans leur famille (pas de honte)*Prendre du recul par rapport à la classe pour être moins blessé par les échecs, plus assurés des réussites à venir, et mieux faire face aux problèmes (groupes d'analyses de pratiques, soutien au soutien...)*Travailler en équipe dans un cadre de co-réflexion, pour s’enrichir et se soutenir mutuellement, être solidaires face aux difficultés du métier (respect, interlocuteur valable)*Faire attention aux "stéréotypes", aux "douces violences"*Avoir un sentiment de compétences, ce qui implique aussi d'avoir des formations initiale et continue "suffisamment bonnes" et nombreuses...