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EUGENIO OLLI - mp3 · 2016. 7. 13. · Eugenio Zolli, prophète d’un monde nouveau, F.-X. de...

Date post: 24-Jan-2021
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  • EUGENIOZOLLI

  • Dumêmeauteur

    WhereTimeBecomesSpace,FHP,Chicago,1979.Surlesbalconsduciel,DMM,1985,2eédition1999.MathildeWesendonckoulerêved’Isolde,ActesSud,1990.LaBlessuredeJonathanP.,L’Âged’Homme,1998.EugenioZolli,prophèted’unmondenouveau,F.-X.deGuibert,2000,2002.Latraditionhébraïquedansl’Eucharistie,F.-X.deGuibert,2006.LapoulerebelleetautrescontesduGajun,F.-X.deGuibert,2007.Enroutepourl’infini,musiqueetfoi,HommeNouveau,2010.

    Traductionsdel’anglaisaméricainRoySchoeman,LeSalutvientdesJuifs,F.-X.deGuibert,2006.Idem,LeMielduRocher,F.-X.deGuibert,2008.

    ArticlesdansL’HommeNouveau:«LesJuifsdansl’Église»«Musiqueetfoi»«Authéâtredesvertus»

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  • l’administration tsariste de Catherine II étaient devenues descibles de pogroms perpétrés par des Cosaques, alors que lesJuifs de l’Empire au sud de la Vistule, étaient l’objet d’unetentatived’«intégration»àlamonarchieviennoise.

    Pendant la première enfance d’Israël,M. Zoller, son père,entretenait de bons rapports avec les ouvriers de son usine enzone d’occupation russe ;mais en 1888, des relations tenduesentre les deux empires créèrent des conflits dans la région deLodz:laRussiedécidealorsdefairefermertouteusinesursonterritoire dont les propriétaires sont des étrangers. La familleZoller est donc frappée de plein fouet par cette mesure ;l’industrie de la soie est confisquée sans compensationfinancièreaucune.

    Letraindeviedelafamilleestconsidérablementréduit.Uneseule domestique, une chrétienne, accepte de rester au foyerpratiquement sansgages, et l’enfantvoit ses aînés sedisperserenquêtedetravail :sasœurcommeemployéedebureau,deuxdesestroisfrèrespartispourfairefortuneenAllemagne.

    LesZollerhabitentmaintenantStanislawow,unepetitevillesituée à quelques kilomètres au sud de Brody, toujours enGalicieex-polonaise.Lepetitgarçonvaavecsescamaradesaukheder, l’école hébraïque primaire où les réprimandes sousformedecoupsdefouetainsiquelesrécompensesponctuentsaviequotidienne.Ons’yappliqueà la lectureetà la traductiondes livres du Pentateuque ; et la récitation par cœur d’unpassagebienappris,assortid’uncommentairejudicieuxluivautparfois le salaire d’une pomme. Mais on comprend quel’éducationreligieuseproprementditevenaitdavantagedugoûtde la connaissance dispensée par papa Zoller et de sesexplicationsàsonfilsdestextesdeprièresdelasynagogue,quedesleçonsapprisesàcoupdebâton.

  • Lamèred’Israëljouaunrôlecapitaldanssaformation.Issued’une longue lignéededeuxsièclesde rabbinsérudits, elle fitplusquedelui transmettrecettemarqued’aristocratie invisibleque l’on appelle Yikhes chez les Juifs Ashkénases : elle luienseignasurtoutlespréceptesdel’amouretdelacharité.Émuepar la misère d’autrui, maman Zoller multipliait ses bonnesœuvres. Et lorsque ses initiatives dépassaient ses propresmoyens, elle n’hésitait pas à faire appel à d’autres dames duquartier, juives ou catholiques. La cohabitation entre religionsdans l’Empire desHabsbourg était à l’imagede lamultiplicitédes nationalités qu’elle contenait : la tolérance religieuse étaitbaséesurunesortederespectmutuel.EntreJuifsetChrétiens,nulmépris,mêmepasdeméfiancedanscesprovinceséloignées,où seule régnait une espèce d’entente tacite : « Parmi lesIsraélites,onn’enparlepasetonneposepasdequestions[…]LeChristintéresselesChrétiens,pasnous.»

    Une grande préoccupation deMmeZoller reste néanmoinscelledefairesuffisammentd’économiespourquesonplusjeunefilspuissepoursuivredesétudesrabbiniques.

    L’enfant, quant à lui, va maintenant à l’école élémentairetout enpoursuivant l’école religieuse.Dans lepremier cas, lescamarades sont indifféremment israélites ou chrétiens : GrandJoël,hébreucommelui,maisaussiStanislas,chrétien,filsd’uneveuve chez qui Israël aperçoit un crucifix suspendu à un murblanc.

    Depuis toujours, des questions sérieuses le tourmentent :« Pour devenir rabbin, il faut beaucoup étudier, mais ce quej’apprends est simple comme l’arithmétique […] la Torah nedoit-ellepasêtreplutôtvécue?»Oualors,àl’âgedehuitans,sonespritd’enfants’interroge:«QuefaisaitDieuavantdecréerlemonde?[…]Pourquoil’a-t-ilfait?»

    Enfant,ilréfléchitenseconcentrant,commesitoutechose,

  • mêmelaplusordinaire renfermaitunsenscaché. Ilcompare latache d’encre reçue sur son pantalon d’écolier à la notion dupéché… à cause de sa laideur. Un jour de Yom Kippour, ilcontemple l’idée du pardon divin répandu sur toute lacommunauté d’Israël, non pas à cause desmérites de celle-ci,maisparcequeDieuaditquetousontpéchéparignorance.Etl’enfant de huit ans se sent tour à tour écrasé par le poids dupéché collectif et submergé par l’amour deDieu qui ôte toutetacheparl’effetdesamiséricorde.

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  • intégralementlesÉcriturescommeill’atoujoursfait.Etcefaitest plus que surprenant pour un rabbin, car il fréquente sanscomplexe l’Ancienet leNouveauTestament : Isaïe,Job,Jésus,Paul ;comme lespsaumesou leZohar.Poursonespritérudit,toutelaBiblesemblesefondreenuntout:«Iln’yavaitpasdebarrièresnidefrontières,écrit-il;lesidées,lesépoquesoulesdates sont nécessaires pour les besoins de la clarté ; maiscomment diviser entre les hommes les paroles immortellescontenuesdanstouscestextes?»

    «ToutvientdeDieu;nousaussi,nousvenonsdeLui.Noussommes deLui et enLui ; et Lui est en nous […]Dieu nousparle à travers la Création et par le moyen de la littératurereligieusequiestensoiunesortedecosmos.»

    Zolliestimepourtantqu’àcetteépoque,ilétaitsiloind’uneidée de conversion qu’il ne se posa même pas la question.Chaque soir, il se contentait d’ouvrir la Bible au hasard, soitl’AnciensoitleNouveauTestament,afindeméditer.C’estainsique la personne de Jésus et son enseignement lui devinrentfamilierssansqu’aucunpréjugéneviennes’interposernimêmeleurdonnerlegoûtd’unfruitdéfendu.

    Une première expérience mystique vient renforcer la foicontemplative du rabbin Zolli. Très tôt, pendant la période deson veuvage alors qu’il était accablé de chagrin et de soucisd’ordreadministratifsinnombrables,ilcherchaitrefugedansunlabeurintellectuelintense.Unaprès-midi,tandisqu’iltravaillaitàunarticlepourlaLehrerstimmedeVienne,ilsesentsoudaindétachédelui-même:

    «Toutd’uncoup,écrit-il,etsanssavoirpourquoi, jeposaimonstylosurlatableet,commeenextase,j’invoquailenomdeJésus.Jenetrouvaipaslapaixjusqu’àcequejelevissecommeen un grand tableau en dehors du cadre, posé dans le coinobscurdelapièce.Jelecontemplailonguement,sansagitation,

  • ressentantplutôtuneparfaitesérénitéd’esprit.J’étaisarrivéauxextrêmes limitesde laSainteÉcriturede l’ancienpacte. Jemedisais : Jésus n’était-il pas un Fils demon peuple ?N’était-ilpasl’espritdumêmeesprit?1»

    Par la suite, le rabbin Zolli connaîtra encore d’autresexpériencesmystiques comparables en 1937 et en 1938, avantcelle de l’année 1945. Cette dernière sera la plus décisive etbouleverseraentièrementsonexistence.Àl’époque,cependant,ilnecherchaitniàexpliquerniàanalysercephénomènequ’ilne considérait pas du tout commeune conversion : son amourintense pour Jésus ne concernait que lui-même et n’impliquaitpas un changement de religion. Jésus est, ni plus ni moins,l’hôtedesavieintérieure.

    En1918,Zollimettaitsurlemêmeplanl’ÉglisecatholiqueetlaCommunautéIsraélitecommedeslieuxinstitutionnelsdelaviereligieuse.Iln’yvoyaitaucunecontradiction.En1945,àlafin de la Seconde Guerre mondiale, c’est Jésus-Christ enpersonnequidoitl’ameneràfranchirlepasdécisifversl’Église.Enfait,Zollin’attendaitquecelacar,écrit-il:«Laconversionconsiste à répondre à un appel deDieu.Unhommene choisitpas lemoment de sa conversion,mais il est converti lorsqu’ilreçoitcetappeldeDieu.Alors,iln’yaqu’unechosequiresteàfaire:obéir.»Etlerabbinterminedecettemanière:«Riendeprémédité, riendepréparé : iln’yavaitque l’Amant, l’Amour,l’Aimé. C’était un mouvement venant de l’Amour, uneexpériencevécueenlalumièretempéréeparl’Amour;toutétaitaccomplienlaconnaissancequel’Amouraccorde.»

    1.En1904,TheodorHerzlenvisagedefonderunfoyerjuifenOuganda,propositionquiaétérejetéeparleVIIeCongrèssioniste.

    2.E.Zolli,Christus,1945.

  • 1.G.Duhamelet,LesConvertisduXXesiècle.2.Proposrecueillisaucoursd’unentretienentreMiriamZollietl’auteur

    decelivre.1.E.Zolli,Beforethedawn,etextraitdeG.Duhamelet,cf.note4.

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  • 1.Isaïe43,3.1.Isaïe53,3-6.1.Extraitsdelaversionanglaise,TheNazarene,parI.Zolli(traduitspar

    l’auteur).1.Mt7,1;Luc6,39.1.I.Zolli,TheNazarene,extraitduchapitre3.

  • ChapitreVIII

    Jésus-Christ que les deux testamentsregardent, l’ancien comme son attente, lenouveau comme son modèle, tous deuxcommeleurcentre.

    BlaisePASCAL.

    AvecLeNazaréen, le rabbin Zolli est arrivé à unmomentcrucial dans l’évolution de sa pensée et de sa foi. L’exégèseméthodique de l’Évangile à la lumière de l’Ancien Testamentmontre clairement l’obstacle que représente la messianité deJésus : pour les docteurs de la loi, il faut appliquer lesraisonnements talmudiques abstraits afin de contrôler lalégitimité de Celui qui se prétend être le Christ ; pour lesdisciples et la foule émerveillée, l’évidence s’impose : lesaveuglesvoient,lessourdsentendent,lesboiteuxmarchent…

    L’antagonismedes rabbinsàproposduNouveauTestamentsesitueprécisémentdanslechantdesBéatitudesquisont,selonZolli,une«véritablepolémiquecontrelecaractèrelégalistedela religion juive ». La Terre Promise aux Juifs dans l’AncienTestament par exemple, revient aux humbles qui en hériterontlorsque les méchants seront détruits et oubliés. Dans leNouveau, leshumblesposséderont le royaumede l’Esprit, leurvraihéritagequivientdeDieu.

    Zolli démontre le rapport de chaque béatitude avec lespsaumes ou les textes des prophètes de l’ancienne alliance.Aujourd’hui, leur interprétation fait encore l’objet de

  • discussions entre la lettre et l’esprit déjà élaborées dans lejudaïsmeancien.

    De manière analogue, Zolli s’attarde sur certainesexpressionsutiliséesparJésusetquiétaientdéjàprésentesdansl’AncienTestament.Lesymbolismeattachéau«seldelaterre»par exemple, s’inscrit dans la tradition talmudique selonlaquelle le selest toujoursassociéà lavertudesagesse :«LaTorahestcommelesel,laMishnahcommedupoivre,laGemaracomme des épices. » Jésus transforme cette phrase chargée desensimpliciteens’adressantàsesdisciples:«Vousêtesleseldelaterre»,autrementdit,leurmissionestdepurifierlaterreetdelarégénérerparleursagesse.«SiJésusleurdit:“Vousêtesleselquidonnedelasaveur”,écritlerabbinZolli,sonintentionétaitde leur signifierquelleétait lagrandeurde leurmission :uneconsciencerenouveléedumonde.»Demême,lalumièredumonden’estpascellequiéclairephysiquement,maisquiallumelesintelligences.

    AinsiZollipasse-t-ildanssonétude,dusenslittéralausensfiguré.IlfaitréférenceàunjeudemotsprésentdansleTalmudautourdumotmaluahqui,selonlecontexte,signifie«salé»ou«intelligent».Etunepersonneainsiqualifiéesetrouvedotéedel’épithète qui implique qu’il est quelqu’un « possédant dugoût».Parcontre,unmallûahestausenslittéralunlégumequin’a jamais été assaisonné ou alors, au sens figuré, un hommestupide. Pourquoi donc Jésus parle-t-il en calembours ? ZollinousexpliquequeJésus(leChrist)«désireardemmentrépandresonmessage parmi les nations,mais il sait qu’il devramouriravant que soit accomplie son œuvre glorieuse. À qui doit-ilconfier la bonne nouvelle ? Ses disciples sont les seulespersonnes capables de la comprendre. Ils sont le “sel de laterre”, c’est-à-dire, ilspossèdentunesprit éclairé (maluah). Sices hommes défaillent et deviennent mallûah, comment son

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  • ChapitreIX

    L’ITALIEFASCISTE

    « Mon livre, Le Nazaréen, était une glorification duChristianismequisefaisaitentendrecommeunchantdansmonâme, » écrit le rabbin Zolli. « C’était comme les paroles duCantiquedesCantiques :“L’hiverestfini, lapluieacessé, lesfleurs sont apparues sur la terre.C’est le tempsde tailler ; onentendlavoixdelacolombe.”»

    Quelle réaction une telle publication sortant de la plumed’un rabbin en exercice a-t-elle pu susciter au sein de laCommunautéjuivedeTrieste?Enfait,en1938,cen’estpaslechant de la colombe qui se fait entendre, mais plutôt legrondement lointain du canon. Les circonstances expliquentpourquoi peu de gens semblaient préoccupés par des écritsexégétiques du grand rabbin de la ville que certainsconsidéraientcommeunéruditetunoriginalvivantàl’écartdelaréalitéprésente1.

    D’abord, le rabbin Zolli faisait chaque jour l’expériencemystiquedesprogrèsdesavie intérieure :«Le travaildemonespritmarchaitenlignedroite,maiscen’étaitpasmoinsfatigantpourautant[…]J’étaisconvaincuqu’ilfallaitavancertoutseul.[De toute manière], ce serait difficile pour quiconque de mecomprendre,puisquejen’arrivaispasàm’expliqueràmoi-mêmecequisepassaitàl’intérieurdemonâme1.»

    Comme Henri Bergson, mort en 1941, le rabbin Zollicomprendquelecatholicismeestlacontinuationdujudaïsmeet

  • quelesdeuxreligionssecomplètentparfaitement.Desoncôté,le philosophe juif français adhéramoralement au catholicisme,mais il s’est abstenu d’entrer dans l’Église à l’heure despersécutions antisémites de son époque et il mourut avecseulementledésirduChrist.

    PourZolli,cequimouraitenluiàcemomentprécis,«avaitlaissé dans [son] âme les germes d’une vie nouvelle […], undésir ineffable de renouvellement […]; mais dans lesprofondeurs,[il]éprouvaitlatristessedeceluiquicheminetoutseul.»

    Cependant, pour cequi se rapporte à l’agitationdumondeextérieur, le rabbin était impliqué dans les deux courants quitraversaient la vie des Juifs d’Italie : le sionisme et puis, lefascismedeBenitoMussolini.Affairé tout au longdesannées1920àobtenirdesvisas,despasseportsetdesbilletsdepassageà destination d’Israël pour des Juifs ressortissant d’EuropeCentrale,lerabbinZolliavaitapportésonaideauxsionistesquise pressaient nombreux vers le port de Trieste. Quelles quesoientleursoriginesouleurstendancespolitiquesetreligieuses,Zollisesentaitremplid’espéranceenlesvoyantembarquerpourla Palestine. À son tour, il partit rendre visite sur place auxfoules des Israélites qui pensaient voir poindre une lumièrenouvelle à Jérusalem.Son séjoury futbref et, à son retour enItalie,unecertainedésillusionsemblel’avoirenvahi:

    «LaBible,sourceéternelledepiété,cheminquimèneversDieu,estdevenueunmonumentnational[…]Etunprofesseurdel’UniversitédeJérusalemaffirmequeleRoyaumeduMessie,suivantlaconceptionhébraïque,estdecemonde!C’estcommesionsacrifiaitleRoyaumepourleroyaume…Monâmearevêtudeshabitsdedeuil.Jem’ysentaisexclu,expatrié,étrangerdanslamaisonoù j’étais né. Jene comprenais pas et je nepouvaispasêtrecompris.

  • C’est peut-être l’idée du “royaume”,me demandais-je, quiavaitenflammél’âmeetlaparoled’Isaïe.Jérémiefuttuépartropd’amour:onlefitsouffriretonletuapouravoirtropaimé[…]Et sans trouver d’écho, s’éteignit la prière selon laquelle “mamaison”étaitdestinéeàdevenir“unemaisondeprièrepourtoutle monde”. Pas “La Maison !” On en a fait un “home”, unemaison et rien d’autre qu’une maison. Bien sûr, il y a eu laRenaissance de la langue, de la littérature, de la science – ensomme,toutcequ’ilfautpourmeublerle“home”.

    Pas seulement une maison habitable, mais une maisonembellieaussi.

    Etc’estainsiquejem’étiolaisetquejemourais;jemouraisjour après jour, heure après heure, pour renaître à la grandelumièreduChrist.»

    Cependant,lescirconstancescrééesparlerégimefascisteetla politique deMussolini vont précipiter le rabbin Zolli avectant de millions d’autres hommes dans les ténèbres de laSeconde Guerre mondiale. En 1922, suite aux troubleséconomiquesetsociauxissusdelaGrandeGuerre,leroiVictor-Emmanuel III avait offert le pouvoir politique à un jeuneopportuniste,récemmentconvertidusocialismeaunationalismede droite : Benito Mussolini. L’Italie était devenue ainsi lethéâtredumilitantismepolitiquedumouvementdit«fasciste».Critique à l’égard de la démocratie libérale triomphante enEuropedepuisletraitédeVersailles,lenouveauDucelivraunebataille sans merci jusque dans la rue, contre ces semeurs dediscorde : les Marxistes-Léninistes victorieux depuis peu enRussie.

    Malgrésesprincipesd’ordresocialetpolitique,lestémoinsdel’époques’accordentàdirequepourMussolini, lefascismen’étaitqu’unesortedepragmatisme,sansàpriorinid’objectifslointains.Unhistorienledéfinitencorecommeune«idéologie

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  • Johnson, avertit le papequi ordonna aussitôt au clergé romaind’ouvrir les sanctuaires. » Le sauvetage des Juifs avaitcommencé.

    Au cours des neuf mois suivants, Zolli garde laclandestinité, fait que les Présidents imprudents de laCommunauté lui reprocheront amèrement plus tard, alors qu’ilaurait pu émigrer facilement en Amérique ou ailleurs. Enattendant, c’est pendant cette période que, tout en se cachantdans des familles « aryennes », Zolli cherche des moyensefficacespourfairedisperserlapopulation:ilnefautpaslaisserlesJuifss’assemblernisedéplacerensemble;etsurtout,ilfautdétruire lesdossiers et les listesd’adressesdesmembresde lasynagogue. Enfin, pour sauver les rabbins des autres villesd’Italie,Zolliproposed’envoyerMmeGemmapourlesprévenirdevivevoixdudangerimminent.Ceprogrammeinitialconnaîtpeudesuccès: lesdeuxPrésidentsadoptentdespointsdevuedivergents.UgoFoa réclame l’autonomiepour laCommunautédeRome;contrel’avisduPrésidentdel’UnionAlmansi…

    Sur un plan purement pratique, Zolli prévient le PrésidentFoadelanécessitéréelledefermertousleslieuxdeprièreetderassemblementdesJuifs;puisderetirerunoudeuxmillionsdelires de la banque afin de verser des salaires anticipés auxemployésdelasynagoguequ’ilfallaitlicenciersur-le-champ;lerestedel’argentpourraconstituerunfondsdestinéàpermettreaux Juifs sans ressources de quitter la ville. Désormais, lesfidèles doivent se contenter de funérailles civiles car, sinon,«lesAllemandspeuventencerclerletempleetlesoratoiresavecleurscanonsetleursfusilsauxheuresdegrandeaffluence».

    «Lesprièrespeuventêtreditesàlamaison,remarqueZolli.Que chacun prie là où il se trouve. Après tout, Dieu estpartout.»Maislesautoritésjuivesavaientreçu,chacunedeleurcôté, des assurances de personnages haut placés. Et le grand

  • rabbin de Rome n’était qu’un employé au service de laCommunauté. En effet, depuis une loi passée en 1930, toutedécisiondans ledomainenon-religieuxdevait êtreprisepar lePrésidentetnonparlegrandrabbinquiconservaituniquementunpouvoirdedécisionsurdessujetsàcaractèrereligieux.

    « Si des précautions doivent être prises, et il n’en est nulbesoin, lui dit Foa, je devrais les prendre avec mon Conseil.Pour lemoment, rien n’a été décidé. Allez acheter un peu decourageàlapharmacie!»

    EnsortantdubureauduPrésident,Zolliestsuivipardeuxhommes en civil. Il entend clairement l’un d’eux s’adresser àl’autreenlangueallemande:«DasistderMann !»C’était laGestapo.Lerabbinhâtelepasenchangeantdedirection,puis,ilpénètre à l’intérieur du labyrinthe des ruelles du Ghetto etdisparaît.Ilapprendquesatêteaétémiseàprixpourtroiscentmillelires.

    La liste des rabbins déportés ou assassinés sur places’allonge : Gênes, Modène, Bologne… Des razzias dans leGhettopréparéesparHimmlers’annoncent.«Onm’avaitdonnéle donde voir sans pouvoir agir ; à d’autres, celui d’agir sanspouvoirvoir»,écritlerabbinZollidecetteépoqueterrible.

    Réfugié chez le Docteur Fiorentino, puis chez Pierantoni,misàl’écartavecousanssapetitefamille, lerabbinpassedesheuresangoisséesàprierleSeigneur:

    «ÔToi,l’Éternel,protègecesrested’Israël…»Il reste caché dans une famille non juive sans avoir laissé

    d’adressenidemoyensauxresponsablesdelaCommunautédepouvoir le retrouver, afin d’éviter les représailles contre seshôtes.Lapolicenazieveilleetrôdechaquesoir.DesmilliersdeJuifsdeRomeetd’ailleursenItaliesontdéportéset tués;descentainespérissentdansdesprisonsromaines.

    «Mesnuits étaient presquedes vigiles », écrit le rabbin à

  • boutdeforces.«Seigneur,implore-t-il,laissez-moimouriraveclesautresquandetcommentVouslevoulez,maispascommeleveulent lesAllemands !Ayez pitié de tous les hommes ; ayezpitiédetousvosenfants!»

    Derrière les portes de bronze duVatican, une petite lamperougeoiesurlemaîtreauteloùlePapePieXII,celuiquisauveratantdeJuifs,célèbrelasaintemesse.Telleuneveilleusedanslatourmente,laclartédecettePrésenceRéelleenvelopperabientôtde sa chaleur et de sa lumière bienfaisante celui qui prie seuldansune chambreobscurede la capitale.LeGrandRabbindeRomesupplieleSeigneurdeprotégerlessiens,etDieu,commec’estsonhabitude,multiplierasesgrâcespour lesrépandresurtouslesenfantsd’Israël.

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  • ChapitreXIII

    «LACONVERSIONEST-ELLEUNEINFIDÉLITÉ?»

    Ayanttoujoursvécudesachargederabbinetdeprofesseur,Zolli, âgé maintenant de soixante-cinq ans, se trouvebrutalementconfrontéavecdesproblèmesmatérielscruciaux,àcommencer par celui de sa propre subsistance et de celle dessiens.Pourtant,«iln’enfitpasgrandcas,»nousconfieleR.P.Dezza qui l’avait rencontré pour la première fois le 15 août1944.Cejour-là,Zolliavaitfrappéàsaportepourluiparlerdesondésird’entreréventuellementdansl’Églisecatholique.EtleR.P.Dezza rapporte cesparolesdu rabbin : «Mademandedebaptême n’est pas un do ut des [“donnant, donnant”]. Jedemande l’eaudubaptêmeet riendeplus. Je suispauvreet jevivrai pauvre. J’ai confiance en la Providence. »MonseigneurTragliaajoutecetémoignageémouvant:«[Zolli]n’avaitpasdequoi aller dîner le soir de son baptême. Je dus lui donnercinquantelires.»

    Pendant les années de guerre, Zolli, comme son illustreprédécesseurbiblique,Job,avaitétédépouillédetout.Deplus,on connaît les intrigues de certains à l’intérieur de laCommunauté Israélite qui, « après l’avoir privé de sesémoluments, l’accusaient de ne pas avoir rempli ses fonctionsreligieusespendantl’occupationnazie,alorsqu’ils’employaitàpréserver la survie de tant de familles juives romaines.Maintenant,aprèsl’arrivéedesAméricainsetlafindelaguerre,

  • Zollidéclinetouteslespropositionsnouvelles,carilsentqu’iln’est plus possible de différer davantage son incorporation auCorpsMystiqueduChrist.Untémoindel’époquenousassure:«S’ilétaitdemeuréJuif,ilauraiteutoutcequ’ilpouvaitdésirer.Et moi-même, je connus les offres que les Juifs de Rome etd’Amérique lui firent en cette occasion. Cependant, il refusatoutetsepréparaaubaptême1.»

    «Leconverti,commelemiraculé,estl’objetetnonlesujetduprodige, écritZolli unpeuplus tard. Il est fauxdedire dequelqu’un qu’il s’est converti, comme s’il s’agissait d’uneinitiative personnelle. Du miraculé, on ne dit pas qu’il s’estguéri,maisqu’ilaétéguéri.Duconverti,ilfautendireautant.»

    Ces phrases cristallines se heurtèrent à l’incompréhensiondeplusieursdirigeantsdelaCommunautéjuivedeRome.Etlanouvelle du baptême du rabbin Zolli déclencha un concert decalomnies de la part de ses détracteurs.Nous avons déjà suivil’évolutionspirituelledel’hommereligieuxjusqu’àlaveilledela Seconde Guerre mondiale. Comme Henri Bergson, mort en1941, et qui n’avait demandé un prêtre catholique qu’à sonchevetdemourant,lerabbinZollinevoulutpasnonplusentrerdansl’ÉgliseenpleinepersécutiondesJuifs,commes’ilvoulaitéchapperausortquilesattendaient.

    Dans les années trente, il est même opposé à l’idée d’unchangement de religion : « Israël sent qu’il n’y a qu’unDieuunique et indivisible, écrit-il depuis Trieste dans une lettre aurabbin Sacerdoti de Rome […]. Tous trembleront devant lespectacledecesdéserteursquirépudientlaTorah,sourcedeleurespritethéritagedeleurspères.»En1935,ildéclare,danssonlivreIsraël :«Israëls’estconsacréauDieuunique,aprèsquoileDieuuniqueaconsacréIsraëlentantquepeuple.»

    Etlevoicimaintenantlui-mêmeaupieddumur,commeun

  • PauldeTarsedevantlalumièreaveuglantedelavérité:«Jesuisce Jésus que tu persécutes… » Ainsi Zolli reçoit-il en pleinefigureledonquinepeutvenirquedeDieu.

    EncejourmémorabledeYomKippour,lepontaétéfranchinonseulemententrelesdeuxrivesduTibreetceuxdel’AncienauNouveauTestament,mais surtoutentre lecœuret la raison.Toutes lesexégèsesdumondesedissipentcommede labrumesous le soleil de la grâce. Et le « miracle » de la conversions’opèreàcœurouvert,commepourl’amourhumain.

    « Feu, avait écrit Blaise Pascal, Dieu d’Abraham, Dieud’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants…Certitude,Sentiment,Joie,Paix,DieudeJésus-Christ…»

    Lefeubrûleetneconsumepas:«JeSuisCeluiQuiEst»,ditDieuàMoïseprosternédevantlebuissonardent.«L’amourestfortcommelamort[…]Sestraitssontdestraitsdefeu,uneflamme de Yahvé. Les grandes eaux ne pourront éteindrel’amour,nilesfleuveslesubmerger1.»

    « La conversion est-elle une infidélité ? » s’interroge lerabbin Zolli dans ses Mémoires. Pas de réponse facile. Maisavantdepoursuivre,lerabbinajouteencorollaire:«Ondevraitconsidérerd’abordcequ’estlafoiquiestuneadhésiondenotrevieetdenosœuvresàlavolontédeDieu,nonàunetradition,àune famille ou à une tribu […].Les Juifs qui se convertissentaujourd’hui,commeàl’époquedesaintPaul,onttoutàperdreencequiconcernelaviematérielleettoutàgagnerenviedelagrâce.»Pourquoiseconvertir?Est-ceparambition?Zolliciteune famille de Juifs convertis dont le père ne demande riend’autre que du travail subalterne. Est-ce alors par désir de selibérer des exigences de la Loi ? Et le rabbin de citer ladifficultéd’êtrechrétiendecœur.Est-ceenfinpourobtenirunepromotion sociale ? Saint Paul en donne la réponse en

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  • ChapitreXV

    «LADEMEUREDEDIEUPARMILESHOMMES»

    Quelle signification peut-on trouver dans la conversiond’EugèneZolli?Peut-êtred’abord, faut-il rappelerencorequepour lui, il ne s’agit pas d’une conversion, mais d’unaccomplissement. Le lien entre l’Ancien et le NouveauTestamentestladoctrinedel’Églisecatholiqueromaine;Zollin’afaitquedécouvrircequiexistaitdepuistoujours.

    Pourtant,lesaccusationsd’antisémitismecatholiquesesontpoursuivies à travers les siècles et persistent encore danscertains esprits. Aujourd’hui, malgré toutes les preuves ducontraire, un historien a pu écrire en 1987 : «L’antisémitismecatholique et luthérien avait contribué au cours des siècles àattiser la haine du Juif jusqu’à ce qu’elle atteigne son pointculminantavecl’hitlérisme[…].LepapePieXIIenparticuliers’était abstenu de condamner la solution finale, alors qu’il enavaitconnaissance1.»Cettedéclarationeststupéfiantesouslaplumed’unécrivaindisposantdetouslesdocumentshistoriquesquipermettentdebienconnaîtrel’ampleuretlacomplexitédelaréalitévécueparlestémoinsdesévénements.Bienquedémentiformellementpar les faits révélés récemment,dans les archivesduVaticannotamment,cetauteurémetdesjugementssubjectifssansfondementetilprendparticurieusementsanstenircomptedudéroulementdel’histoire.

    Onpeutsedemanderalorsquelmessagenouveaul’itinéraire

  • spirituel du rabbin Zolli contient-il pour nous ? L’expériencevécue de l’ancien grand rabbin de Rome possède, en premierlieu, une valeur pédagogique en vue d’une approcheœcuméniquevraie.Eneffet,beaucoupdechrétiens,soucieuxderéparercequelemondeainterprétéaveclégèreté,ontcrubienfaire d’endosser une fausse culpabilité à l’égard despersécutionsrécentescontrelepeupled’Israël.Cetteignorance,entretenue superficiellement par les médias met en fait uneentrave aux relations judéo-chrétiennes véritables. Un telrapprochemententrereligionsnepeuts’inspirerqued’uneffortmutuel pour tendre vers la vérité objective ; car, si la doctrinecatholique a toujoursvuune continuité entre le judaïsmeet lechristianisme, iln’enestpasdemêmepour laSynagoguepourquileNouveauTestamentestentotale«rupture»,endépitdesinnombrables références prophétiques de l’Ancien Testament.Pour les Juifs, il s’agit bien de deux églises consécutives,misdiscontinues.Etparleprivilègesdel’ancienneté,laSynagogueréclamesasupérioritéhiérarchique.Seplieràuntelformalismequasi administratif ne conduit-il pas à masquer le fond duproblèmesurnatureldudesseindeDieusursaCréation?

    Toute sa vie, Eugène Zolli a cultivé et approfondisimultanément les textesdesdeux testaments.Dans les annéestrente, il croyait sincèrement, comme beaucoup de chrétienssoucieux d’œcuménisme aujourd’hui, qu’il était possible devivreenhommeconsacrédanslejudaïsmetoutenconservantlacroyanceprofondequeJésusétaitbienleMessieannoncé.Lesannées de la guerre et les persécutions raciales furent descirconstancesquil’ontempêchédepenseretd’agirautrement.

    Mais sitôt la paix revenue, c’est Dieu Lui-même quil’appelleenluisignifiantlafindustatuquo:«Tuesicipourladernièrefois.Désormaistumesuivras» ;autrementdit, ilest

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  • Maccabées,18-19,73Maglione(cardinal),82Maïmonide(MoïseBenMaimon),20Majonica(Pr),32Margulies,S.H.,26

    Meir,Golda,94Michel-Ange,32Midrash,19Moïse,20,37,56,60,103Mommsen,32Mussolini,Benito,9-10,66,68-70,75,79,87

    Nogara(commandeur),82

    Ottolenghi,Silvio,96Ozias(roi),45

    Pacelli,Eugenio(voirPieXII),88,94,107Pascal,Blaise,53,59-60,103,106Petazzi(R.P.)»71PieXI,70,88Pierantoni,84Poletti(colonel),95-96Poniatowski,Stanislas,14Prato,David,107

    Raphaël,œuvredeSt,90Rhodes,Anthony,94Roncalli(Mgr,voirJeanXXIII),94

  • SaintJean,124

    SaintLuc,43,58SaintMarc,56SaintMatthieu,42,58SaintPaul,104Schiller,13Stein,Édith,95

    Talmud,17,49,54,58,61Torah,11,16,22,49,54,99,103,105,112Traglia(Mgr),99,101

    Victor-EmmanuelIII,68,70

    Waagenaar,Sam,105-106Wagner,Richard,112Wehrmacht,9,80Weizsàcker,Emstvon,89

    Zohar,33Zoller,Israël†,9,14-15,18,70Zolli,Dora,91Zolli,Ella,91,100Zolli,Eugenio,10,111-113,115,119-121,123Zolli,Israël(Italo),9,47-48,50,56,58,60,70,75,77,96Zolli,Miriam,32,91,100,107,123

  • TABLEDESMATIÈRES

    Avant-proposPrologue

    ChapitreI: L’enfant-poèteChapitreII: Quiestle«serviteurdeDieu»?ChapitreIII: Annéesd’apprentissageChapitreIV: Pourl’amourdel’ItalieChapitreV: TriesteChapitreVI: LeNazaréen,«fleurdesprophètes»ChapitreVII: LeServiteursouffrantChapitreVIII: Jésus-ChristquelesdeuxTestamentsregardentChapitreIX: L’ItaliefascisteChapitreX: RomeoulafosseauxlionsChapitreXI: PieXIIetlesJuifsdeRomeChapitreXII: «Tuesicipourladernièrefois»ChapitreXIII: Laconversionest-elleuneinfidélité?ChapitreXIV: «Gesùchiama»ChapitreXV: LademeuredeDieuparmileshommes

    PostfaceàladeuxièmeéditionBibliographieIndex

  • ImpriméenAllemagneparBoD

    Dépôtlégal:juillet2011


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