Le projet AALF a entamé en 2015 sa cinquième année d'activités au Gabon. Celle-ci a été l'une des plus importantes et des plus réussies en termes de résultats obtenus. En plus de l'accord de partenariat initial signé en 2011 sur la protection de la faune, Conservation Justice a renforcé sa coopération avec les autorités, avec la signature d'un protocole d'accord portant sur la mise en œuvre d'actions concertées contre l'exploitation forestière illégale. Les parties à ce protocole d'accord sont : le ministère de la Protection de l’Environnement et des Ressources Naturelles, de la Forêt et de la Mer, l'Agence Nationale des parcs Nationaux, l'Agence Gabonaise d’Etudes et d'Observations Spatiales et Conservation Justice.
AALF s'est affirmé au sein du réseau EAGLE comme l'un des projets majeurs et un des modèles à suivre pour les projets similaires. Le réseau EAGLE est maintenant actif au Cameroun (LAGA), au Congo (PALF), en République centrafricaine (RALF), au Togo (TALFF), en Guinée Conakry (GALF), au Sénégal (SALF), au Bénin (AALF-B) et en Uganda (EAGLE-Uganda) et dispose d’un bureau au Kenya. Ce réseau propose un nouveau modèle de partenariat entre ONG et gouvernements à travers les différents ministères en charge de la faune, avec l'appui de multiples partenaires.
Les objectifs de ces projets sont :
l’identification à grande échelle tous les trafiquants de viande de grands singes, de grands singes vivants, d’ivoire et autres produits fauniques illicites et la production de preuves flagrantes en cas de procès ;
la facilitation des arrestations des délinquants fauniques ; la facilitation des poursuites en justice et le suivi de l’exécution des décisions
rendues ; l’éveil de l’attention du public sur l’application effective de la loi faunique et sur les
risques encourus, de même que sur les sanctions en matière faunique.
Dans un contexte difficile, les résultats importants obtenus par AALF démontrent année après année que l'efficacité dans la lutte contre le trafic international de faune passe une bonne collaboration entre les personnes en charge de l'application de la loi ainsi qu'une volonté affirmée des autorités.
A la fin de l'année 2015, AALF dispose de représentations dans l'Estuaire (Libreville), le Woleu-Ntem (Oyem), l'Ogooué-Ivindo (Makokou), Le Haut-Ogooué (Franceville) l'Ogooué-Maritime (Port-Gentil) et la Ngounié (Mouila) tout en menant des activités dans la Nyanga, l'Ogooué-Lolo et le Moyen-Ogooué.
Rapport AALF 20151
2 Résultats
2.1 Investigations
Afin d'identifier les principaux trafiquants de faune et de relever contre eux des preuves tangibles pouvant servir à leur condamnation, le projet utilise deux types d'enquêteurs : des enquêteurs permanents et des enquêteurs occasionnels. Les enquêteurs qui travaillent sur une base permanente pour le projet AALF sont au nombre de 4. Au total, 456 enquêtes ont été diligentées à travers des missions régulières, principalement dans les provinces où se trouve une représentation de Conservation Justice. Cependant, le reste du territoire n'a pas été oublié.
Les enquêtes révèlent que l'éléphant demeure l'espèce la plus braconnée en vue d'un trafic, en raison de la demande en ivoire qui est toujours forte. A côté, la panthère émerge comme l'une des espèces qui souffre le plus de la course effrénée aux produits fauniques. Les informations recueillies démontrent qu'il existe un trafic important des peaux de panthère.
L'appui du réseau EAGLE a permis de mettre à jour les connexions qui existent entre plusieurs grands trafiquants précédemment arrêtés.
2.2 Opérations
L'année 2015 a été très positive en termes d'opérations et de résultats obtenus. Durant cet exercice, cinquante-cinq (55) trafiquants ont été arrêtés lors de vingt-trois (23) opérations initiées par le projet AALF.
Les opérations réalisées ont permis la saisie d’au moins quatre cent soixante-un (461) kg d'ivoire ainsi que huit (8) peaux de panthères. Deux des opérations les plus importantes ont réalisées à Libreville : le 29 juin 2015, deux trafiquants ont été arrêtés en possession de cent cinquante (150) kg d’ivoire et le 07 décembre 2015, deux autres trafiquants ont été arrêtés en possession de deux cent six (206) kg d'ivoire, ce qui constitue un record dans le pays. Les profils des trafiquants arrêtés sont variés. On note la présence de nombreux nationaux aussi bien que celle d'expatriés. On relève également l'implication de nombreux militaires et agents de l'Etat dans le trafic de faune.
Hormis les cas directement initiés par le projet AALF, Conservation Justice a apporté son appui au suivi de trente (31) cas initiés par des administrations de l'Etat. Sur ces trente-et-un cas, la gendarmerie a arrêté dix-huit (18) trafiquants, la Police Judiciaire trois (3), le ministère en charge de la faune deux (2), les autres cas ayant été conduits par divers autres partenaires. On notera cependant que la Police Judiciaire demeure un partenaire fiable dans l'organisation des opérations en ville tandis que la gendarmerie s’affirme davantage dans les zones reculées.
Au total, c'est quatre-vingt-cinq (86) cas suivis par le projet qui ont abouti à la saisie de cinq cent quatre-vingt-dix-huit (598,3) kg d'ivoire et treize (13) peaux de panthère.
Rapport AALF 20152
2.3 Juridique
2.3.1 Résultats globaux
Le projet emploie six (6) juristes dont un assistant de coordination sur une base permanente ainsi que deux (2) juristes en consultance. Cinq des juristes permanents sont basés en province où se trouvent des antennes du projet: Oyem, Makokou, Port-Gentil, Mouila et Franceville/Koula-Moutou. La mission de ces juristes est de :
- Transmettre des preuves, éléments du dossier et circonstances aggravantes ;- Appuyer la rédaction des PV ;- Transmettre des analyses juridiques des cas ;- Assurer le suivi des procédures et faciliter le travail des avocats ;- Communiquer de manière permanente avec les autorités ;- Diffuser et expliquer les guides juridiques ;- Animer des formations destinées aux magistrats et OPJ.
Sur les cinquante-cinq cas initiés par AALF, cinq (5) trafiquants n'ont pas été présentés à la Justice (classement sans suite ou transaction), les autres ayant été traduits devant les tribunaux ou le juge d’instruction. Sur l’ensemble des cas, trente-six (36) ont été maintenus condamnés à des peines de prison ferme ou sont en attente de jugement en détention, dix (11) ont été libérés et relaxés, et huit (8) ont bénéficié d’une liberté provisoire.
Sur les trente-et-un (31) autres cas initiés par les partenaires et suivis par AALF, vingt-six (26) personnes ont été condamnées, trois (3) sont en attente de jugement en détention et deux (2) ont été relaxés. Au total, il s’agit de cinquante-deux (55) condamnations ou attentes de jugement en détention sur quatre-vingt-six (86) cas suivis.
Arrestations grâce à AALF « AALF »2010 13Prison 13
2011 22Prison 15Fuite 1Libéré 6
2012 18Prison 12Fuite 4Libéré 2
2013 44Prison 39Fuite 2Libéré 3
2014 37Prison 19Fuite 0Libéré 18
Rapport AALF 20153
2015 55Prison 36Fuite 0Libéré 19
2010-2015 189Prison 134Fuite 7Libéré 48
Total général 189Cas initiés par AALF
Au titre des pénalités, la plus haute peine infligée par les tribunaux est de 6 mois d'emprisonnement fermes, 1 000 000 FCFA d'amende et 5 000 000 FCFA de dommages et intérêts par le tribunal de première instance de Franceville le 08 avril 2015 pour un cas de 2 pointes d'ivoires pesant 18 kg. Certains décisions dépassent six mois de prison mais pour d’autres infractions alors (armement illégal ou immigration clandestine). En moyenne, les peines sont de 4 mois de prison (123 jours).
La peine la plus faible est une amende de 200 000 FCFA et 500 000 FCFA de dommages et intérêts infligée par le tribunal de première instance d'Oyem le 11 juin 2015 pour un cas de deux pointes d'ivoires de 10 kg au total. D'autres peines faibles existent cependant également, comme les 20 jours d'emprisonnement fermes, 70 jours avec sursis, 100 000 FCFA d'amende et 200 000FCFA de dommages et intérêts infligés à trois contrevenants le 21 avril 2015 par le tribunal de première instance de Libreville pour un cas de deux pointes d'ivoires, 1 tête de chimpanzé, 1 tête de buffle, dents d'éléphant, 1 peau de panthère. On remarque d’ailleurs que les décisions de justice à Libreville sont souvent moins fortes.
Globalement, on relève qu’il y a beaucoup de condamnations mais peu de peine maximale (qui est de seulement six mois d’emprisonnement et 10 millions FCFA d’amende). Le niveau général des peines reste donc faible dans un contexte déjà marqué par la faiblesse des pénalités prévues par les textes.
Dans les faits, cela se traduit par la remise en liberté des trafiquants moins d'un an après leur arrestation, lorsqu'ils ont purgé leurs peines. Il va s'en dire que cette situation est particulièrement difficile pour les agents en charge de l'application de la loi.
2.3.2 Antennes
En terme de résultats obtenus par province, sur les cinquante-cinq (55) cas initiés par AALF quatorze (14) personnes ont été arrêtées dans la Ngounié, dix-sept (17) dans l'Estuaire, onze (11) dans l'Ogooué-Ivindo, dix (10) dans le Woleu-Ntem, une (1) dans l'Ogooué-maritime et deux (2) dans le Haut-Ogooué.
Ces résultats confirment que Libreville reste la plaque tournante du trafic de faune au Gabon, et principalement, celui de l'ivoire. Même si de nombreux facteurs sont à prendre en compte, ces résultats traduisent d'une certaine façon l'engagement des autorités locales dans la lutte contre le trafic de faune.
Rapport AALF 20154
On notera la bonne collaboration qui prévaut à Libreville avec la Direction de la Lutte Contre le Braconnage et la Police Judiciaire. On notera aussi l'engagement du procureur de la République près le tribunal de première instance de Makokou qui a pris effet et cause pour la protection de l'environnement. On déplore, a contrario, le manque de résultats dans l'Ogooué-Lolo qui a conduit à une restriction des activités de l'antenne qui sera supervisée désormais depuis Franceville dans le Haut-Ogooué.
L'antenne de Port-Gentil a été ouverte au cours de l'année et a rapidement permis l'arrestation d'un trafiquant camerounais en possession de 5 pointes d'ivoire pesant au total 22kg.
Rapport AALF 20155
2.4 Formations
Le projet a organisé six (5) formations au cours de l'année 2015, en formant près de quatre cent quatre-vingt-douze (492) personnels. Ces formations ont été principalement organisées à Libreville et Port-Gentil. Les bénéficiaires de celles-ci étaient les forces de l'ordre (police et gendarmerie), les agents des eaux et forêts et des élèves magistrats.
Il faut également souligner que le projet a accueilli pendant une période de deux mois (août et septembre) huit élèves magistrats qui souhaitaient parfaire leur formation en bénéficiant d'une expérience pratique dans les domaines de la protection de la faune et de l'exploitation forestière.
Sur un plan international, Conservation Justice a été invité à participer à quelques ateliers dont l’atelier sur la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies contre la Corruption (CNUCC) à Addis-Abeba, un atelier de renforcement des capacités à l’endroit des écogardes du Parc National Fazao-Malfakassa au Togo ainsi que des échanges dans le cadre du programme d’échanges EAGLE.
Le résumé des actions menées en matière de formation se trouve dans le tableau ci-après.Date Structure
forméeFormateur Lieu Nombre
d’agentsType d’agents
28 Janvier 2015 (1 jour)
Gendarmerie AALF-ALEFI, ANPN, Président du Tribunal et agent DPHO
Salle de réunion de la DPHO
22 - COSER, - CB, - officiers- sous-officiers
28 Janvier 2015 (1 jour)
Gendarmerie, police, Eaux et Forêts, ANPN
AALF-ALEFI, Procureur du Tribunal et
Salle polyvalente (Mairie centrale de Makokou)
40 - OPJ et APJ (Police nationale, gendarmerie, Eaux et Forêts, DGR),
- Ecogardes19 au 22 octobre 2015 (4 jours)
Ecole Nationale de gendarmerie
AALF-ALEFI Salle polyvalente de l’école de gendarmerie
140 - Officiers- Elèves officiers- Sous-officiers
20 Novembre 2015 (1 jour)
Eaux et Forêts, Gendarmerie, Police
AALF-ALEFI, Président du Tribunal
Salle d’audience du Tribunal de Première Instance (Port-Gentil)
Les résultats obtenus par le projet AALF sont largement repris dans la presse tant au niveau national qu'international. Les articles sont diffusés par la télévision, presse écrite et média Internet.
Rapport AALF 20156
Cette année, 21 pièces ont été diffusées à la télévision, 3 à la radio, 41 articles ont paru dans la presse écrite et 161 ont été publiés en ligne. En tout, il s'agit d'un total de 226 articles de presse. Conservation Justice et le réseau EAGLE disposent également de pages facebook et de sites internet qui diffusent les résultats obtenus par AALF.
Les principaux médias ayant publié des articles relatifs au projet AALF où à ses résultats sont: Canal 7, Gabonreview, Gabonews, L’Union, Kanal7, etc. La presse internationale a également diffusé des informations sur les résultats AALF : RFI, France24, Guardian, BFMTV, RFI, Allafrica, Jeune Afrique, etc.
Ecrite18%
Internet71%
Radio1%
TV9%
226 pièces médiatiques
3 Relations extérieures
Le projet AALF a maintenu et accru sa collaboration avec les autorités gabonaise en tenant des entrevues avec :
Rapport AALF 20157
1. les autorités du ministère en charge de la faune parmi lesquelles le Ministre et son Ministre Délégué, le Directeur de Cabinet, le Secrétaire Général, le Directeur Général de la faune et des aires protégées et ses directeurs techniques, les Directeurs Provinciaux ainsi que les chefs des services départementaux. La collaboration avec ces autorités reste globalement de mise, quoique quelques réticences subsistent quant à collaborer avec Conservation Justice dans certaines provinces ;
2. les autorités du ministère de la Justice, et notamment le Secrétaire Général, le Directeur de Cabinet, les Présidents des tribunaux de première instance, les Procureurs Généraux près les cours d'Appel, les Procureurs de la République et leurs collaborateurs ;
3. l'Agence Nationale des Parcs Nationaux, dont le Secrétaire Exécutif, le Directeur Technique, les conservateurs ainsi que d'autres collaborateurs, ceci dans le but de renforcer la collaboration existante et notamment, l'échange d'information, la mise à disposition de son avocat pour le suivi des cas initiés par le projet, l'appui technique au suivi des cas, etc. ;
4. Les forces de l'ordre dont la Gendarmerie Nationale, la Police Nationale, les Contre-Ingérences, la Direction Générale de la Documentation et de l'Immigration. Conservation Justice a notamment obtenu une médaille décernée par les forces de police nationales au titre de sa collaboration avec ce corps. ;
5. les missions diplomatiques, et notamment la Délégation de l'Union Européenne et l'Ambassade des États-Unis dont la facilitation a permis d'obtenir un soutien plus accru du Service Américain pour la Pêche et la Protection de la Faune (US Fish and Wildlife Service) ;
6. Interpol qui reçoit les écomessages dressé à l’occasion de l’arrestation des trafiquants internationaux.
Le projet a par ailleurs entretenu d'autres partenariats, en fonction des questions à traiter, avec les ONG nationales et internationales. Il reste ouvert à toute autre collaboration concourant à l'atteinte de ses résultats.
Rapport AALF 20158
4 Conclusion
L'année 2015 a été l'année la plus aboutie du projet, en termes de cas initiés et suivis, depuis son lancement. Elle a notamment vu la mise aux arrêts de 55 trafiquants avec le concours d’AALF alors que 30 autres cas ont été initiés par les administrations partenaires. L'un des cas les plus importants est la saisie de 206 kg d'ivoire à Libreville courant décembre. Ce cas a permis de démontrer une nouvelle fois l'implication de certains agents censés appliquer la loi dans le trafic de faune, puisque l'un des trafiquants arrêtés était un commandant des eaux et forêts.
On peut globalement retenir le bon niveau d'application de la loi, avec de nombreuses condamnations et peu de relaxes. Toutefois, cela est à relativiser en raison des peines qui demeurent faibles dans la loi.
La bonne collaboration qui existe avec les autorités gabonaises est l'un des facteurs qui a favorisé l'obtention de ces résultats. Au plus haut niveau hiérarchique du ministère en charge de la faune, les nouvelles autorités ont affirmé leur soutien aux actions menées par le projet. Toutefois, des difficultés demeurent sur le terrain, et notamment dans certaines provinces comme celle de la Nyanga ou comme ce fut le cas dans le Woleu-Ntem.
En outre, le nombre élevé des trafiquants arrêtés au cours de cette année démontre que, loin de baisser, le trafic des produits de faune continue de se développer, tout en multipliant les techniques pour échapper à la loi. Face à une telle situation, seule une application rigoureuse de la loi et une fermeté affichée face aux trafiquants arrêtés permettront de dissuader les personnes qui pourraient y être attirées. Dans le même temps, l'augmentation des peines infligées en cas d'infraction demeurent une priorité afin que les sanctions infligées par les tribunaux représentent une menace réelle pour les trafiquants.
Rapport AALF 20159
Photos : saisies et formations réalisées en 2015
Photographies des saisies
Photographies des formations
Rapport AALF 201510
Saisie de 150kg d’ivoire à Libreville le 29 juin 2015
Trafiquants arrêtés avec 206kg d’ivoire à Libreville le 07 décembre 2015
Quatre pointes d’ivoire et des hangkos en fabrication saisis à Port-Gentil le 8 juin 2015
Trafiquants de peaux de panthère arrêtés à Mitzic le 15 octobre 2015
Présentation lors de la formation des OPJ à Port-Gentil le 20 novembre 2015
Questions-réponses lors de la formation à l’Ecole de Police du 15 au 16 décembre 2015 avec la participation du Ministre Délégué
