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EHESS Informations bibliographiques Source: Archives de sciences sociales des religions, 50e Année, No. 130 (Apr. - Jun., 2005), pp. 177-202 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30116700 . Accessed: 12/06/2014 21:15 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.34.79.49 on Thu, 12 Jun 2014 21:15:17 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions
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EHESS

Informations bibliographiquesSource: Archives de sciences sociales des religions, 50e Année, No. 130 (Apr. - Jun., 2005), pp.177-202Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30116700 .

Accessed: 12/06/2014 21:15

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

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Informations bibliographiques

130-30 Ming ANTHONY

Des plantes et des dieux dans les cultes afro-brisiliens - Essai d'ethnobotanique comparative Afrique-Brisil Paris, L'Harmattan, 2001, 233 p. (coil. << Recherches et documents Amiriques latines >)

Cet ouvrage se situe dans la lignee des recherches de Pierre Verger sur l'usage des plantes en pays yoruba (Sud-ouest du Nigeria) et au Br~sil. Les deux premiers chapitres pre- sentent < les cultes afro-bresiliens et leur dyna- mique > ainsi que <> le pantheon yoruba a en tant que systime classificatoire. On retiendra un bon expose des formes cultuelles dans un temple d'Umbanda ayant adopte une strategie d'internationalisation, mais l'essentiel de ces deux chapitres n'apporte rien de vraiment neuf par rapport a l'imposante bibliographie sur ces sujets. Les chapitres suivants, qui sont consacres a l'ethnobotanique, pr~sentent en revanche plus d'int&r&t (mime si on pergoit bien que l'on a affaire a une collection d'ar- ticles plut6t qu'a un ouvrage unifie). Le travail de comparaison entre les plantes utilisees au Bresil et en Afrique est utile, car Pierre Verger avait tendance a ne pas distinguer les deux aires culturelles, pour mieux en montrer l'unite. Dans le dernier chapitre, l'auteur s'in- teresse a deux lieux privilegies de collecte des plantes. L'un d'entre eux est un parc qui se trouve i Bahia. On y volt bien que la mise en valeur de cet espace n'est pas exclusivement un problkme religieux et th~rapeutique: de nombreux enjeux politiques sont aussi pr&- sents. On aurait aime qu'une veritable analyse sociologique des agents en presence soit faite ; elle n'est qu'esquiss&e. Au total, l'ouvrage pr&- sente un intr&t certain pour l'ethnobotanique compar&e, et pour les etudes afro-americaines.

Erwan Dianteill

130-31 Martine BALARD

Dahomey 1930 : mission catholique et culte vodoun. L'euvre de Francis Aupiais (1877- 1945), missionnaire et ethnographe Paris, L'Harmattan, 1999, 356 p. (coll. , Les tropiques entre mythe et rialitd a)

L'ouvrage presente un personnage remar- quable, a la fois missionnaire, collectionneur d'art africain, photographe, cinbaste et ethno- graphe de la religion des vodoun au Dahomey. Francis Aupiais est loin d'8tre le seul religieux anthropologue de l'histoire de l'Afrique (Karl Laman, grand sp~cialiste des Kongo, &ait un missionnaire suedois au debut du xxe siecle, par exemple), mais il fut peut-&tre plus prudent que ses << colligues > sur le plan epistimo- logique: son travail est moins ethnocentrique que beaucoup d'autres. II fut envoy4 au Daho- mey en 1903, oii il resta plus de vingt ans. Les textes qu'il publia pour rehabiliter les < societ~s noires > lui valurent les foudres de la hierarchie catholique. En effet, loin de concevoir le culte des vodoun comme l'em- prise du diable sur la population, il le consi- dere comme un ferment evangelique, une sorte de pr6figuration du christianisme. Cette posi- tion theologique le mit en position d'appro- cher la religion des Fon autrement que sur le mode de la condamnation morale. L'auteure a su exploiter, outre les ecrits d'Aupiais (certains in~dits), les Archives de la Soci&t des Missions Africaines de Lyon et d'autres archives eccl- siastiques, ainsi que des sources orales au B6nin et en France. L'ensemble fait un livre

passionnant sur les d&tours > theologiques de l'ethnologie.

Erwan Dianteill

ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS 130 (avril-juin 2005), p. 177-202

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178 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

130-32 Paul BALTA, Catherine DANA,

Rigine DHOQUOIS-COHEN, dirs.

La M6diterran6e des juifs. Exodes et enracinements Paris, L'Harmattan, 2003, 312 p. (coll. , les Cahiers de Confluences ,)

Ce recueil de 25 textes rassemble des etudes historiques, des souvenirs, des t6moignages personnels qui nous entrainent dans un voyage autour de la mare nostrum, oii se croi- sent, se combinent et se r~pondent erudition, histoire et memoire. Leurs auteurs, sp&cialistes ou autodidactes, sont pour la plupart d'entre eux originaires des lieux dont il est ici ques- tion. D'oi I'6motion et la nostalgie, voire la colre parfois, qui parcourent ces pages, dont certaines sont particulibrement fortes.

R6gine Azria

130-33 Carlo BREZZI, Carlo Felice CASULA,

Agostino GIOVAGNOLI, Andrea (a cura di) RICCARDI

Democrazia e cultura religiosa. Studi in onore di Pietro Scoppola Bologna, II Mulino, 2002, 554 p.

Dans ce volume de md1anges offert B Pietro Scoppola, et publi&s par les soins avertis d'II Mulino, les directeurs d'ouvrage ont riuni 22 auteurs italiens et 2 frangais (1. Poulat, J.-M. Mayeur). Le volume s'ouvre par une brave biographie, mais serrie, de Scoppola - inscrit comme on le sait dans cette tradition italienne d'universitaires accidant aux plus hautes fonctions politiques - et comporte a la fin une bibliographie complkte de ses travaux (p. 513-540). Il ne faut naturellement pas rechercher d'unite a ce type d'ouvrage, aux contributions de tris inigal intr&t, voire d'inigale qualit6. Neanmoins, s'il est ici sur- tout question des systames et des ideologies ecclsiastiques, la place accordie aux relations entre 1glise catholique et Atat est essentielle, tout comme les reflexions relevant de l'histoire des id~es (11 articles relvent A des titres divers de la biographie intellectuelle). Le plan adopt - une partie consacrbe au xIxe sibcle (6 articles), l'autre au XXe si&cle (18contributions) - indique le choix d'une progression temporelle allant des annies 1860 (en fait) au debut des annies 1970. On aurait pu pr&f~rer d'autres

regroupements autour des formes d'intransi- geantisme catholique, du substrat chr~tien de l'Europe ou de la d~mocratie chritienne (incluant deux articles consacris & Aldo Moro qui cl6turent I'ouvrage et &lairent les condi- tions intellectuelles par lesquelles ce dernier a pouss6 au < compromis historique > avec la gauche italienne)... A l'inverse, les deux pre- miers articles, I'un de F. Traniello, I'autre de G. Tognon prisentent les destinies spirituelles de Rosmini, Manzoni et Cattaneo (1801- 1869) dans une perspective historiographique, en soulignant que leur mod&rantisme (sur cer- tains aspects de la question italienne, comme des rapports entre tglise et 1tat), comme leur appel constant A la responsabilite individuelle ont contribuC B leur occultation relative, face a l'ascendant des Gramsci et Croce. Parmi les

r~flexions consacr~es au xIxe si&cle, signalons celle du pare Giacomo Martina analysant en termes tri~s 6vocateurs la Critica sociale de

Filippo Turati (1857-1932), diput6 socialiste de 1895 A 1926 (on s'6tonne, p. 97, de voir date le procks en revision de Dreyfus & Rennes en 1890). Revue de combat de l'anti- catholicisme (tant sur le plan spirituel que social ou encore caritatif), la Critica sociale fut aussi attentive aux experimentations laiques frangaises, espagnoles puis mexicaines. Mais, dans le mime temps, I'auteur montre la complexit6 de ce courant qui ne saurait &tre qualifi6 d'anticlkrical, la Premiere Guerre mon- diale et le changement de g~ndration pr~parant la maturation d'un socialisme chr&tien. Quant a Jean-Marie Mayeur, il s'intresse A la r&cep- tion des id~es de Toniolo en France, montrant a la fois la tris sinchre conversion de divers milieux catholiques a une d~mocratie faite

Spour le peuple >, mais qui, prisonniers de leur catholicisme integral, ne purent d~passer Graves de communi frappant d'interdit I'enga- gement politique.

Parmi les articles consacr~s au xxe si&cle - bizarrement ouvert par une tris vigoureuse r~flexion biblio-historiographique d'A. Riccardi sur christianisme, guerre et violence a ax&e sur les theologies de la paix qu'on aurait plu- t6t vue B la fin - plusieurs se signalent B l'at- tention. Outre la presentation (L. Pazzaglia) d'616ments suggestifs de la correspondance Fogazzaro-Laberthonnibre (dont 12 lettres atta- chantes datant de 1905-1907 qui 6clairent la venue de Fogazzaro A Paris), et que complte une &tude de N. Raponi sur une biographie de Fogazzaro publibe en 1920, un article substantiel de Renato Moro met en lumibre

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INFORMATIONS BIBLIOGRAPHIQUES - 179

la question miconnue de l'anti-protestantisme catholique italien dans les annbes 1920 (jusqu'alors seulement esquissee chez Spini et Rochat ou abordee, tel chez Scoppola, a travers I'unique filtre fasciste); alors que l'antisemi- tisme fut loin d'&tre partag6 (devenant mime un marqueur de differenciation entre catho- liques philo-fascistes et democrates-chr&tiens), la denonciation du peril protestant >, fut globale, arguant d'une opposition charnelle et irr~ductible depuis la Rtforme. Neanmoins, la violence perceptible a la < Semaine sociale >

de 1928 peut aussi se lire dans le temps court preludant aux accords du Latran. Ceux-ci font justement l'objet de deux analyses. C. Brezzi, &tudie ainsi la < desillusion > croissante de Pie XI, pris au piege d'un rave de restauration de la catholicite italienne tres savamment entretenu par Mussolini. Finalement reduit a

gouverner un Etat microscopique, le pape pourra seulement protester, en 1931, dans Non abbiamo bisogno - l'une des premieres mesures adopties par l'litat fasciste au len- demain des accords &tant, comme on sait l'interdiction de la Civilta Cattolica - dont on

pergoit certains materiaux dans une conference prononc&e en octobre 1929, a Lugano par E. L. Ferrari (M. C. Giuntella). Les rapports entre le Saint-Siege et l'Itat italien sont encore l'objet d'une tres interessante &tude de M. Casella. A travers les archives diplomatiques du minis- tere des Affaires etrangeres, une nouvelle pi&ce est vers&e au dossier de l'objectif quasi obses- sionnel de Pie XII a vouloir preserver la paix - sur fond d'indecision personnelle a trancher les termes moraux du debat - et dont se joue I'entourage de Ciano, par ailleurs remarqua- blement seconde par d'excellents analystes. Si le volume parait alors quelque peu orphelin de ne pas s'ouvrir a la periode du second conflit mondial, la dopoguerra est examinee notam- ment a travers quatre contributions stimu- lantes. Dans un article tres nuance, F. Malgeri examine d'abord la double naissance (24 aofit 1944; 15 juin 1946) de 1'< Ueci (Union des editeurs catholiques italiens) qui marque certes un progres par rapport a l'avant-guerre dans le desir d'une action commune, mais dont les capacites d'action se revelent limite&s. Ce profil de temoin engage sied d'ailleurs bien a P. Mazzolari (etudie par M. Guasco) en ce que, commentateur attentif du travail de Gasperi, ses articles dans La Rescosa par exemple ont contribue a decomplexer les catholiques italiens de l'apres-guerre. C'est alors avec un certain interit que l'on pourra

lire la r6flexion de G. Vecchio montrant le relatif desarroi initial de la hi~rarchie catho-

lique face a l'arrivee de la t6lvision. Mais, au fil de correspondances avec les eviques ita- liens, la doctrine de l'glise se construit pas a pas, donnant naissance en 1956 g l'Associazone Italiana degli Ascoltatori Radiofonici e Tetles- pertatori, approuv&e par la Commission apis- copale et la direction de l'Action catholique. Il n'en reste pas moins vrai que la dipendance de programmation n'a evidemment pu donner tout son sens a de telles mesures. C'est un peu dans le mame ordre d'idee que C. Dau Novelli s'attarde sur les annees cinquante et les rela- tions entre les industriels (catholiques) et la politique, soulignant la relative impr~paration intellectuelle des dirigeants g accepter l'inter- ventionnisme &tatique. Ce n'est qu'au milieu des annies 1960 que le conflit se resorbe, ce qui &claire d'une certaine maniare la fonction cristalisatrice assumbe par l'economie dans le debat public nagubre largement d&termine par les options spirituelles.

Patrick Harismendy

130-34 G&ald BRONNER

L'empire des croyances Paris, PUF, 2003, 281 p. (coll. , Sociologie >)

Cet ouvrage apporte une contribution trrs &clairante a la question cle qu'il pose d'entrre de jeu: < les progres de la science, et de la connaissance en gn&ral, sont-ils en mesure de faire disparaitre les croyances ? > II s'agit des croyances au sens large, en tout domaine. G. Bronner constate qu'en fait, non seulement celles-ci ne disparaissent pas mais qu'elles se portent tres bien. Comment expliquer ce paradoxe ?

L'auteur commence par rejeter l'idee selon laquelle les croyances reliveraient de l'irra- tionnel, du passionnel, mime si c'est parfois le cas. Ce qui les caracterise d'abord, montre- t-il dans une premiere partie, se ref~rant notamment a Raymond Boudon, c'est qu'elles relivent d'une rationalite subjective, alors que la science relive d'une rationalite objective. Les croyances ont leur logique, qu'il s'agit de d&couvrir par-dela les

<, opacites > qui peuvent

nous les faire apparaitre comme irrationnelles, opacites dont il analyse les principales formes.

Une seconde partie recherche precisement quelles sont les a conditions d'emergence des croyances >. a Les individus ne peuvent

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I80 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

acqubrir la qualite de croyants, avance alors Bronner, que pour autant qu'ils n'aient pas, sur un sujet, acc&s A la claire et complkte infor- mation a (p. 84). Or, < aucun individu n'est en mesure d'accider a l'information pure et parfaite qui est la condition de l'6tat de connaissance > (p. 186), 6tat qui est en fait une utopie, ce qui explique < qu'il puisse y avoir progris de la connaissance humaine et persistance d'un empire polymorphe des croyances > (idem). Les croyances emergent des limites de l'acc&s a la connaissance : limites dimensionnelles (spatiales, temporelles), cultu- relies (filtres interpr&tatifs), cognitives (illu- sions perceptives, impossibilitd de saisir une question dans toute sa complexit6, etc.). L'auteur &taye sa demonstration par un grand nombre d'exemples allant des mythes des origines (cinquante d'entre eux sont cites !) aux travaux de la psychologie expdrimentale, travaux auxquels il est souvent fait rif&- rence, d'une manibre g&ndrale. Ces mythes, tout comme les representations de l'apris- mort, illustrent le fait que l'homme ne peut rester sans rdponse devant certaines questions fondamentales, meme s'il ne posside que < quelques indices d~risoires > (p. 118). La connaissance scientifique elle-meme n'est consi- drbe que comme la plus < probablement vraie > et la plus < compltement argument&e >, mais elle est susceptible de changer (cf. les changements de < paradigme > de Kuhn).

Toutefois, ces limites ne sont que des conditions n&essaires A la croyance, et non des conditions suffisantes: il faut en plus que soient remplies certaines conditions d'imis- sion et de r&ception sur le < march& cognitif >, conditions qui sont examinies dans une troi- siime et dernibre partie. L'auteur pense que < les &hanges cognitifs (dont font partie les croyances) peuvent &tre d&crits comme des processus d'offre, de demande, de concur- rence, de monopole, etc. > (p. 184). Il passe en revue les principaux types de situation : mono- pole, oligopole, concurrence ouverte, tout en soulignant les limites de la m6taphore du march& (absence de monnaie, d'6quilibre offre-demande, etc.). II souligne que l'une des caract~ristiques de notre marchi cognitif contemporain est la a saturation a et la << dis- simination > de l'information, a un fait in6dit dans l'histoire de l'humanite, et qui donne une forme a l'empire des croyances in~dite elle aussi a (p. 172).

On le voit, il s'agit d'une approche origi- nale et souvent pertinente surtout pour le sp&-

cialiste des religions, qu'elle oblige a prendre du recul. Originale, encore que notre domaine ait d~ji vu des analyses de ce type en parti- culier chez Martin (analyse des situations confessionnelles des pays occidentaux en terme de monopole, oligopole, duopole, etc.), Iannacone (application d'un module micro- Cconomique g l'investissement personnel dans les activit&s religieuses), Stark et Bainbridge

(d~veloppement de la demande en situation de concurrence), des travaux que Girald Bronner n'evoque pas.

Si je devais mentionner des points faibles, j'en verrais deux. Tout d'abord, I'auteur rejette un peu facilement, me semble-t-il, les analyses expliquant les croyances par les fonc- tions qu'elles remplissent (Marx, Malinowski, Durkheim, Mauss, Bourdieu, Moscovici). II

pr&cise que ces analyses relivent d'un moddle lamarckien (selon lequel un individu peut s'adapter a son environnement et transmettre cette adaptation), alors que les croyances cor- respondraient plut6t a un module darwinien (selon lequel, du hasard de la production des mutations, emergent les individus les mieux

adapt&s). Outre que cette opposition est forte- ment relativis&e par les derni~res d&couvertes scientifiques en matiare d'6volution (cf. les tra- vaux de Radman et de Lindquist), on ne la voit pas appliqu&e par l'auteur aux croyances. Or on sait qu'un individu peut changer ses croyances, et meme radicalement (conversion religieuse), qu'il peut transmettre ces change- ments, que des soci6ts entibres peuvent le faire (effondrement du communisme). Ces changements seraient d'ailleurs de plus en plus courants si le marchi cognitif contemporain est ce qu'en dit I'auteur. Le second point concerne la description des caract~ristiques du m~diateur, du r~cepteur et du message, oil j'ai eu l'impression d'en rester au niveau des g6n&- ralites, sinon, des banalitis: ainsi, I'adhesion cognitive sera plus facile (son prix sera moins eleve) si le r&epteur a un rapport affectif avec le m6diateur, si ce dernier a une comptence reconnue, s'il n'a pas d'int~rit propre dans l'affaire; si le contenu du message g6nire un effet d'implication (int&rit mat&riel ou cogni- tif, c6tC spectaculaire, mise en scene d'une dimension de l'identit6) ou un effet de d6voile- ment. Ici, la mefiance envers les fonctions rem- plies par la croyance semble emp&cher d'aller plus loin. Ces reserves sont autant d'invita- tions A des approfondissements prometteurs.

Yves Lambert

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INFORMATIONS BIBLIOGRAPHIQUES - I8I

130-35 Werner J. CAHNMAN

Jews and Gentiles. A Historical Sociology of their Relations Judith T. MARCUS and Zoltan TARR, eds., New Brunswick, Transaction Publishers, 2004, 253 p.

Werner Cahnman (1902-1980) est un sociologue juif allemand 6migre aux ltats- Unis, forme a la grande ecole de la sociologie historique allemande, et auteur d'importants essais sur Weber et Toennies. C'est grace aux Editeurs, Judith Marcus et Zoltan Tarr, que cet ouvrage inedit a pu &tre public A titre posthume.

Il s'agit d'une ambitieuse synthese socio- historique des rapports entre juifs et non-juifs (Gentiles), depuis l'Antiquite jusqu'd nos jours; malgre l'absence de notes en bas de page, ce n'est pas simplement une oeuvre de vulgarisation, mais une tentative d'interpr~ta- tion sociologique - inspirie de la mbthode ideal-typique de Weber - qui met l'accent, comme l'observent les 6diteurs dans leur intro- duction, sur la tension entre symbiose et conflit, contacts mutuels et antagonismes violents. Selon l'auteur, I'antagonisme th6olo- gique initial entre l'Iglise et la Synagogue s'est transforme, a partir du Haut Moyen-Age, en un conflit fondamentalement socio-&conomique entre les communautes juive et chr~tienne. L'hypothese de base de l'ouvrage, propos&e des le premier chapitre, est que la norme essen- tielle (pattern) des relations entre juifs et non- juifs s'est cristallisee dans une forme para- digmatique au cours des xe-xIve siecles: les developpements post&rieurs en Espagne, en Pologne, en Europe ou en Amerique ne seraient que des < variations de cette norme, des modi- fications a partir de ce type central >. La pro- position est interessante, mais discutable, dans la mesure ofi elle sous-estime la profondeur des changements que representent I'manci- pation des juifs d'une part, et le g6nocide de I'autre.

Comment definir cette situation paradig- matique des juifs dans les soci&tis chr&tiennes, telle qu'elle s'est install&e des l'epoque des Croisades ? Cahnman refuse la definition w6b6- rienne des juifs diasporiques comme peuple paria: l'absence d'une separation rituelle

impos&e du dehors et le refus, par les juifs, de la religion dominante les distinguent radica- lement des groupes parias indiens. Il prefire utiliser le concept du sociologue am&ricain Robert Park, < peuple commergant margi-

nal >, ou alors celui d'etranger au sens de Simmel - curieusement le nom de cet auteur

n'est pas mentionne - c'est-a-dire non celui qui traverse une contr&e mais celui qui < arrive aujourd'hui et reste demain >. Peu & peu, au cours du Moyen Age, le juif s'est vu cantonne au r61e de marchand, intermidiaire, parfois usurier ; il est devenu un outsider suspect, pre- sent partout sans &tre chez lui nulle part.

Pers&cutbs et chasses de l'Allemagne m6di6- vale, les juifs trouveront refuge en Pologne et en Europe de l'Est, emportant avec eux leur langage allemand archaique truff6 de mots hebreux: le yiddish. L'6mancipation, d'abord en France et plus tard, en Allemagne, a ouvert les portes de la soci6te aux juifs, mais seule- ment comme individus, pas comme commu- nautd. C'est le moment oji, selon Hannah Arendt, les juifs se divisent en parvenus ou parias. L'auteur mentionne cette distinction, mais prefire utiliser, pour designer les intellec- tuels juifs marginalisis - les parias conscients selon Arendt - comme Heinrich Heine par le concept bien discutable de < transfuges frustres ,>. Bient6t le lib&ralisme cade le pas au racisme, et l'Europe parcourt le chemin qui conduit, selon l'&crivain autrichien Franz Grillparzer, < de l'humanit6 a la bestialitY, en passant par la nationalit6 >. Un des chapitres les plus intiressants du livre est celui qui exa- mine les representations du < Juif mythique >, depuis les ceuvres litteraires de Walter Scott et Charles Dickens jusqu'aux Protocoles des Sages de Sion.

Avec l'essor du racisme biologique, l'anti- semitisme change de nature: les anciennes representations manich~ennes du juif comme figure diabolique cessent d'etre religieuses : la redemption par le Christ est < scientifique- ment > nice par le concept de race. Tout en reconnaissant la nouveaut6 de cet antis~mi- tisme raciste, l'auteur le pr~sente n6anmoins comme une secularisation de l'ancien mani- cheisme religieux - un concept qui risque, A mon avis, de brouiller les frontieres entre I'antijudaisme traditionnel et I'antis~mitisme moderne. En esquissant un parallkle entre les massacres medievaux et le g6nocide nazi, I'au- teur met en evidence le caractere spontand des atrocites anciennes et celui, planifie par les autorites, de l'extermination hitl&rienne.

Des chapitres inacheves et forc6ment dates sur les juifs en Union Soviitique, en Am&rique du Nord et en Israel complktent I'ouvrage, ainsi qu'une bibliographie generale et la liste

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I82 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

des publications de Werner Cahnman, les deux pripar~es par les editeurs.

Michael L6wy

130-36 Hubert CANCIK, Uwe PUSCHNER

Antisemitismus, Paganismus, Viilkische Religion (Anti-Semitisme, Paganism, voel- kish Religion) Minich, K. G. Saur, 2004, 172 p.

Cet ouvrage collectif est le risultat de recherches r6centes menses par une 6quipe allemande pluridisciplinaire compos~e de philologues, d'historiens, de sociologues et de specialistes en sciences de la religion. Le livre est bilingue: les articles sont publies en allemand ou en anglais, sans doute avec l'in- tention de d6passer le public des lecteurs ger- manophones. Les contributions sont centr~es sur l'antis~mitisme en liaison avec le nationa-

lisme allemand et I'lmergence d'un nouveau paganisme aux xIxe et xxe siicles. Toutefois, certains auteurs dlargissent leurs analyses a d'autres pays europ&ens dont la France.

Les mythes anti-juifs remontent l'Antiquit6. Selon Tacite, par l'affirmation du monoth~isme, Moise a s~par6 les juifs des autres peuples. Tacite attaque aussi les pre- miers chr&tiens. L'antijudai'sme chr&tien est connu. II affuble les juifs de nombreux st&ro- types nigatifs. L'antijudaisme chr&tien est europ6en. Le juif est l'Autre, l'ttranger, I'ex- clu, le pers6cutd. Ces pr~jug~s persistent et deviennent I'antis6mitisme social, culturel et racial.

Dans la premiere partie de ce livre, les auteurs itudient les diff&rents aspects de l'anti- s6mitisme qui est d'abord la critique du long processus de l'6mancipation civique des juifs dans les pays allemands unifies dans le II Reich en 1871. En France, les juifs sont devenus citoyens grace a la Revolution de 1789. Dans quelques regions allemandes, les juifs ont &ti 6mancip6s sous la pression des

, revolution-

naires > des guerres napol6oniennes. Ces juifs sont done consid&rds comme des a traitres >. De plus, depuis la fin du xvIIIe siacle, dans l'es- prit des Lumieres, &coles et universites leur &taient ouvertes. Cette scolarisation en langue allemande avait pour cons6quence l'emergence d'une bourgeoisie juive cultiv6e qui s'urbanise plus rapidement que l'ensemble de la popula- tion. Dans le contexte de l'industrialisation et

des transformations de l'&conomie capitaliste, les juifs sont consid~r~s comme des pionniers de la modernit6. En effet, certains ont jou6 un r61e important dans la modernisation &cono- mique et culturelle de l'Allemagne depuis le milieu du xIxe sidcle jusqu'd la prise du pou- voir par les national-socialistes.

Immidiatement, ce r6le est critique, contest6 et condamn6 par des ideologues et une partie de la population allemande. Il est pergu comme une menace pour les traditions et la germanit6 du peuple allemand. Des conser- vateurs 6laborent les theses du < vdlkisch >,

terme intraduisible en frangais. a Volkisch >

est l'adjectif de a Volk >, peuple. Mais ce mot est charge d'une iddologie qui d6passe la tra- duction litterale: a national >>. Au xIxe sidcle, << volkisch > est d'abord l'accent mis sur le caractere exceptionnel du peuple allemand et I'urgence du maintien de ses traditions. C'est ensuite l'affirmation de la superiorit& de la race germanique, aryenne et I'appartenance, par le sang, a la parentC allemande. Les pro- tagonistes des mouvements < v61kisch > rejet- tent toutes les influences 6trangeres, en parti- culier frangaise et slave, mais surtout celle des juifs: l'antis6mitisme racial est un 6l1ment essentiel de cette idiologie.

Les adeptes du mouvement a volkisch >

multiplient les critiques vis-i-vis du christia- nisme. A la fin du xIxe siacle, Paul de Lagarde s'opposait avec violence aux Eglises chr6tiennes et a leurs rdfbrences A l'Ancien Testament. Dans ses &rits thbologico-politiques, il r&lame I'unification du peuple allemand par une nouvelle religion. Dis cette 6poque 6mergent des libres penseurs protestants. Au d6but du xxe siecle, la < communaut6 religieuse ger- manique > propage une religion fond&e sur < l'esprit et la force de l'histoire allemande >.

Apres la Premiere Guerre mondiale, l'instabi- lit6 de la R6publique de Weimar favorise le diveloppement de publications qui nourris- sent I'opposition A la d6mocratie et la haine des juifs. Le mouvement < vdlkisch

,> se radi-

calise, mais contrairement A ses esp&rances, il est interdit aprbs la prise du pouvoir par les national-socialistes.

Les trois derniers articles de cet ouvrage sont consacrds A la naissance d'un nbo- paganisme en Allemagne depuis 1945. Les Alli6s occidentaux ont intern dans des camps des militants national-socialistes en vue de leur < r~6ducation >>. Les Allies cooperent avec les

lglises qui se considbrent comme les victimes

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INFORMATIONS BIBLIOGRAPHIQUES - 183

du national-socialisme. Des aum6niers protes- tants et catholiques etaient admis dans les camps oif se creent des communautes reli- gieuses, mais aussi de libres penseurs. Autour d'anciens membres de la SS se constituent des groupes soutenus par des Unitariens consi- deres aux

ltats-Unis comme des chretiens

liberaux. En 1950, ces groupes fondent la communaute religieuse unitarienne allemande qui rejoint, en 1970, I'association internatio- nale de la religion et de la liberte. D'autres groupes naissent: ils reprennent des el1ments de l'ideologie < volkisch

, et certains de leurs

dirigeants participent activement g la creation des partis politiques d'extreme droite.

L'opposition aux religions monotheistes, judaisme, christianisme et plus recemment islam se radicalise. Les premiers groupes de neo- paiens ont ete fondes au debut du xxe siecle. Mais d'autres s'organisent dans les annees 1970-1980. Des groupuscules creent une nouvelle sous-culture pailenne: ils etudient la mythologie germanique, inventent leurs rites, se reunissent sur d'anciens sites pailens pour des conferences et des celebrations. Ils glori- fient la nature et voudraient jouer un r61e dans I'actualite des mouvements &cologiques, mais leur ideologie est plutit proche des partis poli- tiques d'extreme droite. Ils s'organisent en reseaux en Allemagne et dans d'autres pays europeens.

Cet ouvrage apporte de nombreuses informations sur la specificite allemande de l'antisemitisme. Il est un temoignage sur les < demons

, qui hantent toujours l'Allemagne,

qui, pourtant, est aujourd'hui un pilier de l'Union Europeenne. Chaque article est soi- gneusement annote. On regrette cependant l'absence d'une bibliographie systematique qui aurait facilite a d'autres chercheurs l'appro- fondissement de leurs connaissances.

Doris Bensimon

130-37 Philip CLART,

Charles B. JONES

Religion in Modern Taiwan. Tradition and Innovation in a Changing Society Honolulu, University of Hawai'i Press, 2003, x + 333 p.

La r&cente liberalisation sociale et poli- tique a Taiwan, avec notamment la levee de la loi martiale en 1987, s'est accompagnee d'une forte augmentation, en nombre et en variete, des formes de renouveau religieux, ainsi que

d'une veritable explosion des recherches sur la religion des Tai'wanais. En effet, la reconnais- sance politique des identites culturelles locales propres a Taiwan a permis l'eclosion de tra- vaux historiques, sociologiques et anthropolo- giques sur la culture et la societe taiwanaise, dont beaucoup concernent directement la religion. Le present ouvrage n'est done pas le premier a traiter de la specificite de la religion des Chinois de Taiwan, mais il est neanmoins tres bienvenu par sa capacite A donner une synthise claire, nuancee et de qualite dans ce domaine en pleine effervescence.

Les deux editeurs, deux jeunes chercheurs travaillant dans des universites americaines et ayant mend des recherches historiques et sur le terrain, ont rassemble onze articles. Charles Jones brosse un panorama de l'evolution de la situation religieuse sous I'occupation japo- naise (1895-1945). Julian Pas, en dessous de la qualite generale de l'ouvrage, s'interroge sur la vitalite economique de la religion des temples depuis les annees 1950. Christian Jochim explore en detail ce que signifie en pra- tique le confucianisme aujourd'hui a Taiwan, distingue les differents acteurs qui s'identifient comme tels et leur r61e dans l'interprertation des textes confucianistes. Philip Clart analyse les textes de morale reveles par l'ecriture inspi- ree et I'evolution de leurs discours par rapport a la modernisation sociale (evolution des rap- ports de genre notamment). Paul Katz pre- sente les cultes aux seigneurs royaux (dieux des epidemies) et I'evolution de leur culte dans un contexte de changement profond des besoins des populations en terme de systime de sant6 et de protection face aux dangers de I'existence. Lee Fong-mao decrit le r61e social du clerge taoiste et son rapport aux identites ethniques et locales. Andre Laliberte analyse le rapport des differentes institutions boud- dhiques A la politique et aux partis. Barbara Reed, dans une approche plus a micro a> que la plupart des articles, analyse des recits d'aide miraculeuse offerte par Guanyin et de conver- sion au bouddhisme de la part de laics taiwa- nais depuis 1945. Murray Rubinstein detaille l'histoire de l'tglise presbyterienne taiwanaise et son r6le dans les luttes pour la defense de l'identite linguistique et culturelle des

Taiwanais, et pour la democratie. Huang Shiun-wey offre une analyse anthropologique d'une communaute d'Ami (l'une des popula- tions aborigenes de Pl'ile), et defend la these d'une adaptation de la culture et de l'identitr Ami au travers de la conversion au christia- nisme. Enfin, Randall Nadeau et Chang Hsun

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184 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

font l'histoire de la religion taiwanaise comme objet scientifique (essentiellement chez les ethnologues).

Mime si les deux editeurs s'en difendent, disant n'avoir compose qu'une mosaYque incomplete, le panorama est en realite large et passe en revue les phenomines les plus sail- lants de l'histoire religieuse de l'ile depuis 1945, et les principales questions en debat dans le milieu religieux et chez les scientifiques aujourd'hui. Seuls peut-8tre, parmi les themes importants qui permettraient d'analyser le changement religieux, les questions des pra- tiques individuelles de salut (meditation, tech- niques du corps) et la vogue des maitres spirituels, la grande diffusion du vig~tarisme et l'ivolution des rites familiaux (mariage, mort), manquent au tableau. Du point de vue des institutions religieuses, en revanche, le panorama offert par l'ensemble des onze articles est tres complet. Les themes trans- versaux les plus saillants sont le rapport au politique tras diff~rencie entre les differentes institutions religieuses (confrontation chez les presbyteriens, collaboration chez les boud- dhistes), et l'evolution progressive de la soci&t vers une importance de plus en plus marquee des groupes religieux de type congregation (communautes de croyance r~parties a travers

l'ile) par opposition aux communautbs locales (lignage, guildes, temples territoriaux), evolu- tion favorisie par la mobilit6 physique, sociale et &onomique. Le thime de l'&volution reli- gieuse au travers de soixante ann&es de crois- sance &conomique et de modernisation socio- politique constitue une sorte de fil rouge au travers des articles, et se trouve trait& de fagon

nuanc"e: la grande capacit6 de r&sistance des communautis traditionnelles (temples de village, notamment) est soulignbe en mime temps que leur adaptation a de nouveaux besoins de la population, tandis que la remar- quable variete des formes de communautes religieuses d'apparition r&ente suggbre un impact profond de la modernisation sur le champ religieux.

Vincent Goossaert

130-38 Marcel DRACH, ed.

L'argent; croyance, mesure, spiculation Paris, La Dicouverte, 2004, 297 p. (coll. <, Recherches a)

Marcel Drach met a la disposition du public un ouvrage issu d'un colloque organis en novembre 2001. A l'occasion du passage a

la monnaie unique, I'euro, son objectif est de fournir un certain nombre de pistes explorant le rapport A l'argent. Une vingtaine de sp&cia- listes ont fourni des contributions dans quatre domaines de recherche: philosophie, &cono- mie, anthropologie, psychanalyse.

< L'intention de cet ouvrage est de ques- tionner a nouveau la complexite de l'argent g partir de la thise qu'il est un fait de langage >

(avant-propos, p. 7). Il est organise en cinq volets, respectivement intituls : Le tiers: la croyance et la dette; la mesure; la sp~cula- tion; I'esprit de l'argent; la philosophie de l'euro. Les trois premieres parties cherchent a embrasser diverses approches, tant th~oriques (philosophie, psychanalyse) que pratiques (dossiers historiques, et ethnographiques par exemple); une discussion avec Jacques Der- rida s'efforce de nouer la these; enfin une ouverture sur les enjeux du passage a l'euro introduit dans des questions plus pragmatiques.

II est impossible de resumer l'ensemble de ces contributions qui repr~sentent un excellent inventaire des moyens intellectuels disponibles pour &voquer la question de l'argent. Les &co- nomistes occupent bien suir une place de choix: sur les seize auteurs, neuf ont une compeence en economie. Mais, bien que l'histoire des id~es et des pratiques autour de l'argent le montre abondamment (cf. Michel Aglietta et Andr6 Orlkan, dirs., La violence de la monnaie, Paris, Odile Jacob, 1998), le domaine religieux n'est pas represente, bien que l'auteur remarque a plusieurs reprises cette dimension (< Or, demande Berns, sur quoi cette croyance est-elle fond&e ? Sur l'Etat, lui-mame adoss6, soit a Dieu, sous l'Ancien Regime, soit sur un contrat social, dans la tradition de la philosophie politique. > Avant- propos p. 19; dans < Les deux faces de l'euro >,

Denis Guonoun r~ussit le tour de force de

prendre appui sur un &crit religieux (1vangile) et d'en evacuer la dimension religieuse). Le lecteur ne doit pas s'attendre, non plus, A une histoire de la relation a l'argent ni de la mon- naie, malgr6 les excellents travaux disponibles (Par exemple : Georges Le Rider, La naissance de la monnaie, Paris, PUF 2001 et Alain Testart, dir., Aux origines de la monnaie, Paris, Errance 2001 - ces deux ouvrages ayant &te sans doute publibs trop tardivement pour une prise en compte par les organisateurs du colloque). Cela montre les limites dans lesquelles le colloque a voulu se contenir, pour accentuer la port&e des interventions.

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INFORMATIONS BIBLIOGRAPHIQUES - 185

De fait, la philosophie et la psychanalyse colorent tres clairement les contributions. Qui chercherait une intelligibilit6 du phinomene monetaire en modernite serait peut-&tre di9u. Ainsi Christian Arnsperger (< L'estimable valeur de l'autre : argent, altbrit6 et socialite >), envisage par exemple la question de la tempo- ralite du credit a partir des propositions de Levinas, soit comme une forme de meditation sur la difficile rencontre de l'autre: < C'est l'horizon de la reciprocite a travers le temps, pas necessairement envers celui qui m'a donne l'argent, mais envers celui a qui j'acheterai a mon tour ce dont j'ai besoin - confiance dans le fait qu'a l'avenir il y aura lh quelqu'un qui pourra me rendre sous forme de biens et de services la valeur des biens et des services que j'ai provisoirement vendus contre de l'argent. >

(p. 49). Arnaud Berthoud (a Monnaie et mesure chez Aristote >) met a la disposition du lecteur une analyse tr&s serr&e des propositions aristo- teliciennes : << Dans l'echange naturel presente selon son essence dans l'Ethique a Nicomaque et selon son histoire et sa pratique dans le Politique, la monnaie est le nom d'un disposi- tif conventionnel dont les formes materielles assurent trois fonctions differentes et servent a ce titre d'instrument pratique > (p. 87). La rupture moderne est alors present~e par Antoine Rebeyrol (a Valeur, equivalent gene- ral et numeraire: "le mot franc est le nom d'une chose qui n'existe pas" >) et Jean-Joseph Goux (< Marx et Walras: un deplacement ethique >) sur le mode d'une mise en evidence de la repudiation de toute preoccupation ethique a partir de Walras, la oil mame Marx conservait un accrochage de l'argent avec une forme de transcendance (travail ou besoin).

Une mention particuliere doit &tre attri- buee a la contribution de Christian Walter, qui presente ses recherches sur l'epistemologie de la theorie financiere. Elle contrebalance quelque peu les approches de type psychanaly- tique (Pierre Bruno, Pierre-Laurent Assoun), en ce qu'elle associe etroitement les modalites sous lesquelles l'argent circule - ici, dans le monde restreint du marche financier - et la construction intellectuelle qui organise cette circulation. L'auteure montre que la modifica- tion des points d'appui theoriques (math~ma- tiques et statistiques) transforme radicalement I'apprehension de l'influence de la circulation monetaire sur le social. Parler de l'argent ou de la monnaie comme langage, selon le projet du colloque, c'est aussi interroger les condi- tions de formation du langage: < Il est pos-

sible de reformuler le problkme moral de la

sp&culation, tel qu'il est pose dans les preoccu- pations ethiques developpies sur ce sujet, en questionnement th~orique sur la capacite des marches de capitaux & transmettre dans les prix une information pertinente sur I'&cono- mie r~elle, aspect theorique qui, par ses impli- cations pratiques, devient le versant "verifiable" de la question ethique > (p. 150). Pour un sociologue, l'apport majeur de C. Walter tient en ce qu'il permet de r~introduire l'instance sociale de formation de l'opinion technique et, par ricochet, de l'opinion commune. Ce qui constitue, dans ce colloque, une certaine originalite.

Michel Aglietta (< Espoirs et inqui&tudes de l'euro >), Jean-Michel Servet (< Promesses et angoisses d'une transition mon&taire >) et Egidius Berns (< L'euro et le politique >) nous permettent eux aussi d'ancrer des preoccupa- tions philosophiques ou morales dans l'evene- ment historique du changement de monnaie. Les thises des uns et des autres, toujours clai- rement pos~es, ramenent, li encore, le socio- logue a des preoccupations cousinant avec sa discipline: probleme de memoire culturelle, place du politique, 6thos mon&taire, etc. Dans cette perspective, on peut s'6tonner que place n'ait pas pu &tre faite aux travaux critiques, comme ceux de Pierre-Noel Giraud (Le commerce des promesses, Paris, Seuil, 2001) ou Jacques Sapir (Les trous noirs de la science e'conomique, Paris, Albin Michel, 2000) - il est vrai que leurs publications sont contem- poraines du colloque. A notre sens, peut-8tre que la discussion avec Jacques Derrida, qui porte, on s'en serait doute, bien plus sur des considerations philosophiques que sur les aspects sociaux (4e partie), aurait gagne a s'ap- puyer sur ces perspectives plus pragmatiques (ce qui ne veut pas dire moins theoriquement elabor~es).

Concluons en d~plorant que Denis Gu~noun (< Les deux faces de l'euro >), n'ait pas appuye son travail sur les travaux essentiels de Marie- Jose Mondzain (Image, ic6ne, economie, Paris Seuil, 1996). Cela lui aurait permis de depasser un point de vue de critique litt~raire pour se hisser au niveau philosophique que l'intitul6 de sa communication supposait.

Au total, ce livre interessera ceux dont les preoccupations ont a voir avec une epistemo- logie de l'argent. Malheureusement, comme il se presente plut6t sous la forme d'une volonte discutante, reflexive, il ne peut servir que de

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I86 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

livre d'6veil. Son apport B la construction d'une intelligibilit6 de la circulation monitaire en situation de modernitY, en raison de l'ab- sence de rif&rences historiques, et A l'exception de telle ou telle contribution, demeure limit&. On se demandera en particulier comment les chercheurs qui aeuvrent sur les questions de souveraineti, de lien social, d'anthropologie du don et, surtout, de faits religieux pourront tirer profit de ces exposes.

Nicolas de Bremond d'Ars

130-39 Calvin GOLDSCHEIDER

Studying the Jewish Future Seattle-Londres, University of Washington Press, 2004, 152 p.

Dans cet ouvrage de dimensions modestes, l'auteur, sp~cialiste du judaisme amiricain, dont certaines des pr&cdentes publications ont fait l'objet de recensions dans les Archives, n'ap- porte pas d'1l1ments nouveaux. Les analyses qu'il dcveloppe se fondent sur des travaux et des enquetes publi6s, abondamment comment~s et d6battus dans les milieux concernbs. Aussi l'intbrit principal de ce livre se trouve-t-il ailleurs, en l'occurrence, dans la dimarche, comparative -

ltats-Unis, Israel, Europe -

(modeste et assez faiblement document6e, s'agis- sant de l'Europe, en particulier de la France) et, plus encore, dans sa dimension critique, voire iconoclaste. De fait, C. Goldscheider reprend ici, I rebrousse poil, les interpr6ta- tions generalement reques, admises, consi- der~es comme des 6vidences par ses pairs sociologues et d6mographes anglo-saxons et israiliens, lesquels, fondant leurs interpreta- tions sur des donnies statistiques en sont venus A considdrer que l'avenir des juifs serait mieux assur6 en Israel qu'aux itats-Unis, mieux assure aux itats-Unis qu'en Europe. Pour faire bref, mesure a l'aune des chiffres, de la d6mographie et des projections statistiques, I'avenir des juifs en diaspora serait compromis g plus ou moins court terme. Or, I'auteur entend d6montrer que les m&thodes de recueil et l'usage des donnees statistiques sur les- quelles se fondent ces conclusions sont biai- s6es par les pr&conceptions idbologiques des chercheurs et des milieux communautaires commanditaires ou b6ndficiaires des enquites. Anticiper l'Lrosion de la population juive refliterait davantage, selon lui, une id~ologie du d6clin communautaire et de la n6cessit6 d'assurer l'assise d6mographique juive d'Israel,

que le r6sultat d'une analyse statistique objec- tive et impartiale. A l'inverse de la plupart des &tudes produites par les instituts de demo- graphie juifs et/ou israbliens, l'auteur affirme que l'avenir d~mographique des juifs n'est menace ni en diaspora ni en Israel. La question de fond de cet avenir concernerait davantage la qualiti de la vie juive plut6t que l'6volution quantitative de la population juive. Ce qui ne fait que diplacer la difficultY, car comment < evaluer > la qualit6 de la vie juive et quels sont les crittres supposes la d~finir ? A l'evi- dence, nous nous trouvons li face A une ques- tion sensible. Car a ce jour, aucun indicateur ne fait l'unanimit6 parmi les responsables juifs, les uns privil6giant l'observance reli- gieuse, d'autres les principes &thiques, d'autres encore l'attachement B Israel, etc. Ce constat cependant a un mbrite: il nous instruit sur la complexiti de la vie juive. Or, pour affronter cette complexitY, I'auteur nous r6serve une surprise (et, avouons-le, une certaine d&cep- tion quant au choix qu'il ophre !). Abandon- nant provisoirement la statistique et les chiffres et << c~dant g la pression de ses amis anthropo- logues >, il part g la recherche de valeurs juives a en situation >. Pour ce faire, il se tourne vers l'histoire orale et I'interpr~tation des textes, autrement dit vers une approche empathique et qualitative. De cette immersion, il retient deux valeurs phares propres a assurer la conti- nuit6 de la vie juive : I'adaptation au contexte et l'implication communautaire: le judaisme est un processus capable d'intbgrer les apports du monde extirieur et qui exige la participa- tion active de chacun sans exclusion.

De fait, ici comme dans ses travaux ant&- rieurs, I'auteur refuse la these de la perte et du dIclin pour lui substituer celle de la recompo- sition, car il admet bien volontiers que les juifs d'aujourd'hui ne se comportent plus comme ceux d'hier. S'il est incontestable que les juifs d'aujourd'hui ont ddlaiss6 certaines pratiques constitutives de leur identit6 (comme la pra- tique religieuse ou l'endogamie: < Cessons, nous exhorte-t-il, de considbrer que le mariage mixte se solde n&cessairement par l'eloigne- ment de la vie juive ! ,,), il est tout aussi impor- tant de noter, ce A quoi il nous invite, qu'ils les ont remplacees par d'autres attitudes, telles que le rapport a Israel, la participation aux affaires de la cit6, la m~moire, I'6ducation, l'acceptation et la pratique du pluralisme interne. Autrement dit, l'&valuation doit se donner des instruments de mesure et des cri- thres eux-memes &volutifs et adaptis aux

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INFORMATIONS BIBLIOGRAPHIQUES - 187

recompositions socioculturelles. Mais ce debat n'est pas nouveau et il n'est pas l'apanage des juifs. Si la volonte manifest&e par l'auteur de rompre avec une certaine < langue de bois

, catastrophiste et idbologique rend sa demarche plut6t sympathique, la demonstration n'en reste pas moins, et malheureusement, peu convaincante.

Regine Azria

130-40 Virginia HOOKER, Norani OTHMAN, eds.

Malaysia, Islam Society and Politics Singapour, ISEAS, 265 p.

Sous un titre quelque peu attrape-tout, les editeurs ont rassemble ici des mdlanges offerts a la memoire de Clive S. Kessler. Ce sp&ialiste de l'anthropologie historique a consacrd une large partie de sa carriere a la Malaisie. II fut pendant pris de vingt ans professeur a l'uni- versite de Nouvelle-Galles du Sud, apris avoir enseigna a la London School of Economics and Political Science ainsi qu'd l'universite de Columbia. Bien qu'abordant des themes varies, les auteurs dont les textes sont rassembles ici ont presque tous voulu partir des quelques conclusions fortes de l'ouvrage seminal de Clive S. Kessler, Islam and Politic in a Malay State, Kelantan 1938-1968, publie en 1978. Leurs contributions portent pour la plupart sur des questions afferentes a la place de l'islam dans le pays, d'oii le caractbre un peu artificiel du plan retenu pour l'ouvrage (I. Islam, II. Societe, III. Politique).

Une interrogation r&currente, tres en vogue ces derniers temps dans la litt~rature sur l'Asie du Sud-Est, traverse la quasi-totalitd des articles, a l'exception de celui de William R. Roff (a Social Science Approaches to Understanding Religious Practice: The Special Case of the Hajj >) qui ne porte que sur le sejour a La Mecque. Comment s'organise l'arbitrage entre les cultures locales et les valeurs d'un monde desormais globalise ?

Pour repondre a cette question, la plupart des contributions s'attachent a envisager le r61e de l'islam dans ce processus. Kikue Hamayotsu

(, Politics of Syarah Reform: The

Making of the State Religio-Legal Appara- tus <>) se livre a une analyse convaincante de l'institutionnalisation de la charia en Malaisie, au cours des vingt derniires annies. Il montre, en particulier, comment le gouvernement

federal, avec l'autorit6 du JAKIM (Jabatan Kemajuan Islam Malaysia, dipartement du developpement islamique), s'est efforc6 de minimiser les tendances s~paratistes des auto- rites religieuses des Ptats composant la fd&- ration de Malaisie. La progression du droit musulman en Malaisie a ainsi largement releve d'une veritable surenchire engag&e entre repr&- sentants des sultanats et gouvernement central. Amrita Malhi (< The PAS-BN Conflict in the 1990s: Islamism and Modernity >) analyse les prolongements politiques de ce processus, et relate quelques-uns des moments forts de la competition ayant oppose la coalition au pouvoir (Barisan Nasional - BN) au Parti isla- mique pan-malais (Partai Islam-Se-Malaysia). M.B. Hooker (< Submission to Allah? The Kelantan Syariah Criminal Code (II) 1993 >)

revient sur l'un des episodes emblkmatiques de cette rivalite et montre comment le code penal adoptd par le Kelantan, totalement inapplicable dans le cadre constitutionnel en vigueur, a d'abord eu pour objectif de stigma- tiser les resistances a la loi de Dieu. Farish A. Noor (< The Localization of Islamist Discourse in The Tafsir of Tuan Guru Nik Aziz Nik Mat, Murshid'ul Am of PAS >)

revient, quant a lui, sur l'exegise coranique du principal leader spirituel du Parti pan-malais, montrant comment ce dernier a su transmettre, selon des schemas comprehensibles aux paysans du nord de la Malaisie, une lecture du texte sacre d'inspiration d6obandie. L'audience tres importante de son discours (qui lui valut le poste de chief minister du Kelantan lorsque le PAS y remporta les 6lections de 1990) entraina une &rosion de la culture kelantanaise tradi- tionnelle, d~sormais consider&e comme peu islamique mais elle flatta dans le mime temps la fierte regionale en donnant une dimension universelle a ce que l'on considirait comme des enjeux purement locaux.

Les autres contributions se penchent sur des aspects non sp6cifiquement religieux du rapport qu'entretient la soci&t malaise au processus d'occidentalisation. La stimulante communication de Shamsul A.B. (< The Malay World: The concept of Malay Studies and National Identity Formation >) s'attache A situer les &tudes malaises et les 6tudes sur le monde malais au sein du canevas plus large de la construction de la connaissance coloniale puis de la formation de l'ltat malais post- colonial. 11 analyse en particulier les travaux conduits depuis une trentaine d'annees au sein de l'Institut du monde malais et de la civilisa-

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I88 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

tion (connu sous son acronyme malais ATMA). II montre en particulier comment cette insti- tution, apris s'&tre concentr~e sur les &tudes islamiques dans les annies 1970, a inaugur depuis une s&ie de projets sur la diaspora malaise, tentant ainsi de dipasser la definition coloniale classique d'&tudes malaises centrees sur la Malaisie pour adopter une vision plus nationale fond&e sur la malayit6. Maila Stivens (< (Re)Framing Women's Rights Claims in Malaysia >) s'intdresse, B travers une &tude des mouvements feministes malais a l'un des hauts-lieux de ce choc des identit&s.

Tous finalement, a l'instar d'Anthony Milner (< How traditional a is the Malaysian Monarchy) et de Virginia Hooker dans sa conclusion a The Way Forward: Social Science and Malaysia in the Twenty-first Century >)

montrent des recompositions tant sociales qu'institutionnelles B la fois complexes et sub- tiles, bien loin d'un simple processus d'homo- geneisation culturelle.

R~my Madinier

130-41 Carol IANCU

Les mythes fondateurs de I'antisimitisme. De I'Antiquiti & nos jours Toulouse, Privat, 2003, 189 p. (coll. < Bibliotheque Historique <)

Un mythe est une legende. Pour l'auteur, les mythes fondateurs de l'antis~mitisme sont << la projection de complexes engendres par l'intol~rance A l'egard de l'alterite juive >. Carol Iancu, historien, retrace l'histoire de < la plus longue haine a dans le temps et dans I'espace.

Le peuple h6breu a invent& le mono- theisme. Dans l'Antiquit6 6gyptienne et grecque, les juifs s'opposent aux dieux palens. Aussi, dis le IVe sidcle avant l'Are chr&tienne, ils sont consid&r6s comme diff6rents des autres peuples. Leurs lois et coutumes sont contest~es par le monde palien. Mais l'antis6mitisme nait sur- tout dans le christianisme et l'islam, les deux religions issues du monothiisme juif.

Les chr&tiens accusent le peuple juif de deicide, mais un < reste d'Israel > doit survivre comme t~moin. L'antijudaisme est d'abord th~ologique. II s'exprime dans les &crits des phres de l'Pglise citis en grand nombre par l'auteur. Pendant les premiers sii&cles, prosdly- tismes juif et chretien se concurrencent. Le christianisme l'emporte et devient religion

d'ttat apris la conversion de Constantin en 313. L'empire chr~tien f6odal succade en Europe A l'Empire romain. A partir de cette 6poque et pendant de nombreux siacles, les conciles dlaborent une l6gislation antijuive: les juifs sont discriminis dans les activits &co- nomiques, dans l'habitat (le ghetto), dans la tenue vestimentaire et par le serment more judaico. A ce rejet 1kgal s'ajoute la haine popu- laire qui affuble les juifs des crimes les plus invraisemblables: le meurtre rituel, la profa- nation d'hosties, I'empoisonnement des puits. Le juif est perfide et d~moniaque. Expuls6, il devient le a juif errant >, l'&tranger a jamais puni pour son refus du message chr&tien. C. Iancu d6crit en detail la naissance des < mythes > antijuifs qui, dans leur application concrete, sont le sort quotidien des populations juives ou de massacres en p&riode de crise.

Un tournant semble se dessiner au siicle des Lumibres suivi par l'emancipation civique des juifs en France (1791), en Angleterre (1866), en Autriche-Hongrie (1867), en Italie (1870), en Allemagne (1871). Avec l'emanci- pation, on pouvait s'attendre en Europe cen- trale et occidentale A l'integration des juifs dans la soci&t. Pourtant, l'antijudaisme chr&- tien persiste dans ces pays. I1I est compl&t6 par des themes nouveaux : nation et race. II devient

l'antis~mitisme moderne. Par la presse, la litt6- rature, I'action parlementaire, les antis~mites menent leur combat contre l'6mancipation des juifs. Cette tendance est tres nette en Allemagne. En France elle culmine avec l'affaire Dreyfus.

Dans les derniares d&cennies du xxxe siacle, l'antis~mitisme prend de nouvelles orienta- tions. L'anticapitalisme socialiste est repr&- sente en Allemagne par Ludwig Feuerbach, Bruno Bauer, Karl Marx et en France, par Charles Fourrier, Alphonse Toussenel et Pierre Proudhon. Chacun, a sa maniire, s'attaque aux banquiers juifs et ignore les masses juives pauvres de son pays comme celles d'Europe orientale, victimes de pogroms. A partir du milieu du xxxe siecle paraissent des publica- tions sur les inigalitds des races. La race indo-

europ~enne serait sup&rieure g la race semite. Parmi les pr&curseurs des thfories raciales, C. Iancu cite en France le comte Arthur de Gobineau, Ernest Renan. Edouard Drumont diffuse le mythe de l'antagonisme Aryen/S~mite. En Allemagne, ces theories sont amplifi~es. En 1879, Wilhelm Marr, auteur du pamphlet La victoire du judaisme sur le germanisme aurait invent6 le mot < antis~mitisme >. Le gendre anglais de Richard Wagner, Stewart Houston

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INFORMATIONS BIBLIOGRAPHIQUES - I89

Chamberlain publie en 1899 La Genese du xIxe siecle, un panegyrique de la race aryenne dont la meilleure part serait les Germains. Les theories de l'antisemitisme racial circulent en

Europe occidentale et centrale. Elles pr6parent les voies aux national-socialistes.

A cette mime epoque, le mythe de la conspiration juive contre le monde chr&tien est repris par celui du complot judeo-magonnique. Ce mythe devient la conspiration mondiale dans les tristement cel1bres Protocoles des Sages de Sion. Ce pamphlet a et& fabrique a Paris par la police secrete du tsar de Russie. Entre 1919 et 1920, il fut traduit dans la plu- part des langues europ~ennes. Aujourd'hui, il circule non seulement en Europe et Amtrique, mais encore, traduit en arabe, au Proche et Moyen Orient.

La haine accumul@e par I'antijudaisme chretien et par les ideologies de l'antisemi- tisme moderne aboutit a la Shoah, I'extermi- nation d'un tiers du peuple juif par les nazis et leurs comparses.

Au lendemain de la Deuxieme Guerre mondiale s'amorce un dialogue entre les 1glises chretiennes et les representants du judaisme. Les relations entre juifs et chretiens s'amdlio- rent, mais elles ne sont pas a l'abri de nou- velles flamb~es d'antisemitisme.

Dans la premiere partie de ce livre, C. Iancu 6voque brievement les relations entre musul- mans et juifs. L'islam partage avec le judaisme le strict monotheisme. Mais juifs et chretiens refusent l'adhesion a la nouvelle religion prach&e par Mahomet. Quelques sourates du Coran condamnent leur < incroyance >. Pourtant, juifs et chretiens sont consideres comme les < gens du Livre >> (la Bible). Ils deviennent des dhimmi par leur soumission au pacte de protection appele la charte d'Omar. Le dhimmi pouvait resider en terre d'islam, prati- quer son culte et ben6ficier d'une autonomie concernant son droit prive. En contrepartie, le dhimmi devait accepter son inferiorite par rapport aux musulmans, payer des imp6ts specifiques, porter un signe distinctif sur son vetement, jaune pour les juifs, bleu pour les chretiens. La dhimma fut appliqu@e avec plus ou moins de rigueur selon les pays et les epoques, pendant plus d'un millenaire dans I'espace conquis par l'islam. Dans ce contexte, les juifs connurent des periodes de coexistence paisible, mais aussi de pers&cutions.

Les deux derniers chapitres de ce livre sont consacres a l'antisionisme et au < nou-

vel > antis~mitisme. L'auteur relate bri~ve- ment la naissance du mouvement sioniste, de la creation d'un Foyer national juif sous mandat britannique decid~e en 1919 A la fondation de l'Itat d'Israel.

En Russie, pendant le regime tsariste, I'anti- simitisme etait une institution d'itat. En 1917, les juifs obtiennent la pleine 6galite civile et politique. Lenine condamne l'antisemitisme, mais les associations juives et parmi elles les groupements sionistes doivent cesser leurs acti- vites. Pourtant, en 1947, l'Union sovi6tique a vote le partage de la Palestine mandataire. Elle fut l'un des premiers pays A reconnaitre l']tat d'Israel. Ce soutien fut de courte dur~e. L'anti- semitisme n'a pas disparu en URSS et le sionisme etait toujours condamne. A partir de 1950, la propagande sovi&tique elabore l'amalgame entre l'antisemitisme et le sio- nisme : cette nouvelle ideologie est reprise par les pays d'Europe de l'Est, membres du bloc de Varsovie.

Dans le contexte des guerres israilo-arabes et du conflit entre Israeliens et Palestiniens, les relations entre juifs et musulmans se sont gravement d6tbriories. Les arabo-musulmans ont integre dans leurs discours et leurs actions I'ensemble des << mythes a antis~mites et anti- sionistes europ~ens.

Aujourd'hui, en Europe, mais aussi en Amerique, le a nouvel >> antisemitisme est un amalgame entre les retomb~es du conflit israelo-palestinien, la r6surgence des mouve- ments d'extrime droite et leur rencontre avec des groupes d'extrame gauche.

C. Iancu dresse le tableau presque exhaus- tif des multiples expressions de la < haine la plus longue de I'histoire >>. II cite des faits. Mais il ne d6molit peut-&tre pas avec assez de force les mythes. En guise de conclusion, il affirme qu'il ne voulait pas ecrire une < his- toire larmoyante >> du peuple juif. L'histoire positive des relations entre juifs et non-juifs devrait, elle aussi, 8tre ecrite.

Doris Bensimon

130-42 John R. MCRAE

Seeing through Zen. Encounter, Transfor- mation, and Genealogy in Chinese Chan Buddhism Berkeley, University of California Press, 2003, xx + 204 p.

La constitution du bouddhisme Chan (jap. Zen) en 6cole entre le VIe et le xxe siicle

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Page 15: Informations bibliographiques

190 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

et I'1aboration de ses institutions, notamment autour d'une relation maitre g disciple spici- fique, sont des sujets tras d~battus. Ils ont Lt trait~s en France (Jacques Gernet, Bernard Faure), en Europe et aux Etats-Unis par d'6mi- nents sp&cialistes et bien plus encore en Chine et au Japon, oiu ils ont fait couler autant d'encre que les origines et le d6veloppement du christianisme dans les universit~s euro-

p6ennes. Le present livre, d'A peine deux cents pages et dot6 d'un appareil critique de taille raisonnable (au vu des traditions bouddho- logiques) se veut davantage un essai offrant de nouvelles interpretations d'ensemble plut6t qu'une avancee dans l'rudition.

L'auteur, en effet, se fait fort de donner enfin sens aux travaux de ses collegues et ne brille pas par sa modestie: il ouvre le livre en 6dictant les < McRae's Rules of Zen Studies >... A plusieurs reprises dans le cours de l'ouvrage (par exemple p. 103), il annonce de fagon tonitruante la portie radicale de sa reinter-

pr~tation de l'histoire du bouddhisme, et s'acharne plus qu'il n'est utile sur les moins savants de ses pr~d~cesseurs (notamment H. Dumoulin). Des rappels de verit~s bien connues sont presentds de fagon pr6tentieuse. Cette attitude agagante, qui n'est pas sans rappeler parfois la posture de certains maitres Chan, est sans doute le principal d6faut de l'ouvrage. Elle est sans doute a mettre au compte de l'ambition de l'auteur de s'adresser aux adeptes occidentaux du Zen (dont il fait partie et auxquels il enseigne fr6quemment, mais en tant qu'universitaire) et de leur faire adopter un regard critique sur l'hagiographie propre a leur tradition. Cependant, dans la mesure oii il revendique une posture totale- ment scientifique, I'auteur aurait mieux fait de discuter les d6bats r~cents de la meilleure historiographie du Chan plut6t que de citer longuement, pour les ridiculiser ensuite, des opuscules hagiographiques ecrits il y a d~j quelque temps pour le grand public.

En depit de ses pr~tentions excessives, Seeing through Zen reste un ouvrage tres utile et bienvenu. II constitue en fait, mime si l'au- teur s'en ddfend avec virulence, une histoire du Chan des origines au xIIIe sii~cle: une his- toire qui ne suit pas toujours la chronologie et

n~glige le fil des 6v~nements, c'est-i-dire une bonne histoire, qui va droit aux mutations fondamentales et aux traits essentiels. Une telle histoire du Chan, dans un format r6duit et lisible, restait c &rire, et le present ouvrage en tiendra utilement lieu. Plut6t que de suivre

la succession hagiographique des patriarches (on se demande pourquoi l'auteur, dans sa remise en cause de l'hagiographie Chan, ne va pas jusqu'd mettre en question l'historicitd des premiers patriarches), J. R. McRae d&coupe l'6volution du Chan en phases caract~ris~es par des types de textes et de milieux sociaux qui, chronologiquement, se recoupent en partie: le Proto-Chan (500-600) autour de Bodhi- dharma, le Early Chan (600-900) autour des differentes factions se r clamant de Hongren (le < cinquibme patriarche >), le Middle Chan (750-1000) caract~ris6 par l'importance p~da- gogique du dialogue maitre-disciple (encoun- ter dialogue) et le Chan de la dynastie Song (950-1300) qui a conquis une position domi- nante dans l'institution bouddhique. Les carac-

t6ristiques sociales et spirituelles de chacune de ces phases (surtout les premieres, le dernier chapitre, sur les Song, manquant des qualitis de synthise des chapitres pr&c~dents) sont traities de fagon claire et lucide.

Un point, d~ji esquiss6 par d'autres, mais ici particulibrement mis en valeur, est que les acteurs de chaque phase ont < invent >> la phase pricidente en &crivant a posteriori leurs textes fondamentaux. Les passages entre les phases sont largement expliqu6s par des rup- tures 6pist~mologiques : ainsi, les grands maitres du Early Chan auraient mis par &crit et diffuse des techniques d'enseignement jusqu'alors confinees A l'oralit6 & l'int~rieur de la commu- naut6 de pratiquants; de meme le Chan clas- sique aurait vu le jour en incluant les disciples, avec leur personnalite et leurs questions dans des textes qui jusque-li ne mettaient en scene que des maitres.

Au-deli de son dicoupage de l'ivolution du Chan en diff~rentes phases, I'auteur insiste sur une caract~ristique fondamentale qui tra- verse toute son histoire: il s'agit d'un ensei- gnement a fundamentally genealogical, [that is] derived from a genealogically understood encounter experience that is relational, gene- rational, and reiterative > (p. 8). II th6orise done un passage d'une vision du salut (dans le bouddhisme non Chan) bas~e sur l'effort individuel & une vision fondee sur la relation

maitre-disciple; une telle conception permet une lecture pertinente et accessible de l'en- semble des textes du Chan. Il me semble cependant que si l'auteur a raison d'insister sur le caractbre g~n~alogique du discours Chan, il est loin de tirer toutes les cons&- quences qu'une telle observation implique. Le terme de a lignage > est ici utilise comme

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Page 16: Informations bibliographiques

INFORMATIONS BIBLIOGRAPHIQUES - I9I

presque toujours en histoire religieuse chinoise, de fagon impr&cise, pour designer toute lignie, toute succession oii se transmettent un savoir

religieux et des avantages symboliques et mat&- riels qui l'accompagnent. Mais l'histoire et l'anthropologie des lignages et de la parente en Chine ont montr6 qu'il existe de tres nom- breuses formes d'organisation fondbes sur la descendance agnatique, et dont certaines se forment g la mime 6poque que le Chan (et d'autres lignages spirituels chinois). Une atten- tion plus pr&cise et approfondie au contexte et aux spicificites de l'organisation lignagere du Chan (quels types de transmission, de cultes aux anc~tres spirituels, quels rapports aux rituels fun~raires, a l'adoption, quel contr6le patriarcal sur les descendants, quels partages et gestions des biens mat&riels et symboliques etc.) aurait encore enrichi l'analyse du Chan comme une religion << genalogique >>.

Vincent Goossaert

130-43 Abdallah MAKREROUGRASS

L'extr~misme pluriel. Le cas de I'Algirie Paris, L'Harmattan, 2001, 320 p, (coil, Histoires et Perspectives Miditerraniennes a)

Cet essai de reflexion critique part, d'une certaine fagon, de l'id~e ,

qu'il y a toujours de la naivete (ou parti pris) a penser que le poli- tique en contexte islamique est celui que dit le religieux ou inversement, et que l'id~al ab intra du fait coranique est prefigure par la realite vecue du fait islamique >> (p. 6), qu'en consequence, << le temps semble venu mainte- nant de soumettre les Instances du religieux et du politique au crible des questionnements des sciences de l'homme et de la societ >> (p. 7). Si l'on y ajoute l'appel, en vue de l'analyse des << discours et representations, a l'anthropologie,

l'ethnopsychologie et la socio-semiologie >>, on n'aura gubre de doute sur le moddle epis- temologique de ref~rence, represent& par les travaux de Mohamed Arkoun.

L'essai se concentre sur l'Algerie, princi- palement sur < les id~es politiques islamiques telles qu'elles ont influence le cours de l'histoire contemporaine de l'Alg~rie >. La methode suivie consiste dans la prisenta- tion - parfois la traduction - d'un &chantillon de textes algeriens, soigneusement choisis, en ordre chronologique, et commentes dans I'optique indiquee plus haut. Les textes pro- viennent:1) de l'emir Abd el-Kader; 2) des idees des < ulam a >> r6formistes (islth); 3) du

journal al-Moudjahid; 4) de la revue al-Asdla; 5) des discours et textes de l'islamiste Ali ben Hadj.

Le cadre 6pistemologique de la r~flexion mele philosophie, linguistique, histoire et une certaine psychologie. On trouvera des vues

pen&trantes sur des sujets varies, allant de l'ex6gese coranique, comme cette interprhta- tion &tonnante mais non invraisemblable de la sourate al-kawthar, jusqu'aux confr&ries isla- miques, A la d~mocratie, I la sexualith, bref, I tout ce que charrient des textes en rapport avec les pouvoirs religieux ou politiques. On regrettera & de trop nombreuses reprises des formulations incomprehensibles, par mauvais usage de la langue frangaise et par usage abu- sif de l'abstraction, de l'ellipse, du condense, etc. La transcription de l'arabe date et est accompagn~e de bizarreries.

Constant Hams

130-44 Ural MANGO, ed.

Reconnaissance et discrimination. Prisence de I'islam en Europe occidentale et en Amirique du Nord Paris, L'Harmattan, 2004, 371 p, (coil, Comp`tences Interculturelles a)

Le livre a pour objectif d'identifier les enjeux de la lutte contre les discriminations que subissent les populations de confession islamique dans un certain nombre de pays de l'Union europ&enne (Allemagne, Belgique, France, Royaume-Uni, Espagne, Italie), au Canada et aux Etats-Unis. Dans cette perspec- tive, les auteurs d&crivent l'histoire de l'ins- tallation des musulmans dans chacun de ces pays, les profils de leur pratique religieuse, le degre de l'institutionnalisation de l'islam dans le systime de regulation nationale et les

representations de l'islam qui emergent dans les debats publics nationaux (concernant ce dernier aspect notamment, cf. le chapitre d'Omero Marongiu-Perria qui resume d'une manibre remarquable l'evolution de l'image des musulmans en France). Ils tentent ainsi d'articuler la situation et I'organisation des croyants aux discriminations dont ils peuvent &tre victimes, notamment apres les attentats du 11 septembre 2001 & New York et Washington.

L'enchainement de problematiques per- met d'introduire une rdflexion sur les liens possibles entre l'histoire de l'immigration, les

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Page 17: Informations bibliographiques

192 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

situations socio-6conomiques des populations musulmanes et la r6gulation politique ou juri- dique de la religion en g6ndral. Grice g des contributions - comme celle de Jocelyne Cesari ( Islams ambricain et europ6en, moddles divergents mais politiques convergentes dans I'apris 11 septembre 2001 >) et celle de Sami Zemmi ( Islamophobie. C1k de lecture de I'exclusion sociale et politique des musulmans en Occident >) - et a la conclusion particuli&- rement intdressante d'U. Mango (sur les diff6- rents modes nationaux d'institutionnalisation de l'islam et qui propose des explications g6n&ralis~es concernant le traitement diff~ren- tiel ou discriminatoire de l'islam par rapport aux autres cultes), l'ouvrage collectif surmonte le risque de se restreindre a une juxtaposition des conditions nationales des musulmans.

Par ailleurs, les chapitres concernant chaque pays r~vdlent des particularit6s int&ressantes comme par exemple la difficult6 des musul- mans en Grande-Bretagne a trouver une place dans le dispositif bien developp6 de la lutte contre les discriminations, cette lutte s'arti- culant autour de la notion de races (ethnicit et origine nationale), et non autour de celle de religion (cf. Ceri Peach: < Royaume-Uni. Reconnaissance de l'islam, mais marginalit6 sociale des musulmans >). Enrique E. Raya Lozano et Marta Pasadas del Amo d&crivent d'une manibre convaincante la situation en Espagne. Ils insistent sur le fait singulier de l'6mergence d'un islamo-r6gionalisme en Andalousie a la fin des annies 1970, porte par quelques desenchant6s des mouvements de gauche et par certains membres de la mou- vance alternative. Le r6le des convertis (pas seulement d'origine espagnole, mais aussi de l'Europe entiire qui sont attires par des villes comme Grenade, Cordoue ou S&ville) semble en outre &tre plus important dans l'islam espa- gnol que dans d'autres pays europ~ens. Denise Helly souligne la forte h&tbrog6neite des conditions socio-&conomiques, des origines ethniques, des pays de provenance et des courants religieux de l'islam au Canada. Elle

emp&cherait la structuration communautaire dans le pays et rendrait la lutte contre les discriminations particulierement difficile. Cette auteure apporte par ailleurs une analyse detail- 16e des cons6quences de la loi antiterroriste canadienne, adopt&e apr&s les attentats du 11 septembre 2001 aux Itats-Unis. Alors que Claire de Galembert d&crit les imbrications entre le d~veloppement de l'islam, la politique de r6gulation allemande et la Turquie, Dominik

Hanf r6sume brillamment la gestion de l'islam par la juridiction allemande qui a longtemps combl6 les lacunes, voire l'absence de la poli- tique. Giuliana Candia met en evidence la rapiditC avec laquelle les organisations isla- miques se sont d~veloppdes en Italie, et sou- ligne leur discours sur la Umma, censee faire lien en d6pit des origines nationales des musul- mans dans ce pays. U. Mango et Meryem Kammaz insistent, en revanche, sur la concur- rence entre les organisations islamiques belges qui entrave l'institutionnalisation de l'islam,

d6ja d6favoris6e par un climat de mbfiance et d'ing6rence des autoritbs gouvernementales. Dans cet ensemble de mise en perspective des situations nationales particulieres, il est quelque peu regrettable qu'aucun chapitre ne soit consacr6 a des dispositifs anti-discriminatoires supranationaux, telles que les directives et politiques de regulation au niveau de l'Union

Europ6enne ou du Conseil de l'Europe. Nikola Tietze

130-45 Paul MATTEI

Le christianisme antique (Ier-Ve siicles) Paris, Ellipses, 2003, 176 p. (coll. L'Antiquiti : une histoire ,)

L'ouvrage que Paul Mattei vient de faire paraitre dans la collection L'Antiquit6 : une histoire > est une synthise introductive sur les cinq premiers siicles du christianisme, desti- nee aux etudiants en lettres et en histoire des deux premiers cycles universitaires et, plus largement, au grand public. Apres une pr6sen- tation du judaisme du Second Temple et des paganismes, il s'ouvre par une presentation des questions relatives a J6sus et a ses disciples; les deux parties suivantes sont consacr6es A < L'tglise dans l'Empire pai'en (IIe-IIIe siecles) >, puis a <L'lglise dans l'Empire chr&tien (IVe-Ve siecles) >>; un bref epilogue prdsente < l'aube du Moyen-Age >. En annexe figurent une carte, un glossaire, une bibliographie et divers documents utiles.

Cet ouvrage souffre de plusieurs defi- ciences sur le plan p6dagogique. En premier lieu, le glossaire ne porte que sur le vocabu- laire trinitaire et christologique ; de nombreux termes techniques utilises dans l'ouvrage n'y sont pas expliqu6s, alors mime qu'ils sont absents des dictionnaires courants, comme <henotheisme >,

- poliade >, < h&r~siologue > ;

d'autres termes tout aussi abscons pour le lec- torat vise, ou places entre guillemets par l'au-

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INFORMATIONS BIBLIOGRAPHIQUES - 193

teur, vraisemblablement pour attirer l'attention sur les problkmes de definition qu'ils posent, sont employ~s avant d'etre difinis, sans qu'au- cun renvoi ne localise la definition (ainsi p. 61, a apologistes >, d~fini p. 69-70; Hippolyte, employe entre guillemets p. 66, n'est explicite que p. 77; p. 105, l'ast&risque suivant a mar- cellien >> renvoie au glossaire, mais la defini- tion se trouve en r~aliti p. 109, etc.); pour certains de ces termes, comme, sauf erreur, < philosophe >, I'auteur ne prend jamais la peine de pr&ciser, pour le lecteur profane, en quoi ils posent problkme ni oil il pourra trouver plus ample information sur leur signification.

En second lieu, sur beaucoup de sujets, Paul Mattei en dit trop ou trop peu. Ainsi ecrit-il p. 23 : peut-&tre > le troisieme siecle < fut-il un "ige d'angoisse" >, sans expliquer ce a quoi cette expression renvoie et en ne signalant que grace a un discret < peut-8tre >

quelles reserves elle peut susciter. II aurait et6 plus pedagogique soit de supprimer ce clin d'aeil savant mais incomprehensible pour le lectorat vise, soit de prendre quelques lignes pour en dire plus. De mime, p. 147, &crire que, a< dans la theologie, a c6te de l'argument scripturaire, I'argument patristique se deve- loppe >, sans expliquer de quoi il s'agit, est supposer, de la part du lectorat vise, une sur- prenante connaissance pr~alable du sujet.

En troisibme lieu, le souci - legitime - de simplification des donn&es historiques qui anime Paul Mattei l'a parfois conduit a des enonces abusifs. Ainsi, p. 67, affirmer que le < retour au calme

,> apri~s les persecutions < fut d6finitif avec le pr&tendu "edit de Milan" (313) >, sur lequel le lecteur ne saura rien de plus, est au mieux trompeur; les politiques antichretiennes de Maximin Daia et de Licinius seraient-elles done quantite negligeable ? II aurait et6 plus correct - et pas moins concis - d'&crire que le < retour au calme > apres les

pers&cutions < commenga avec le pretendu "edit de Milan" >. Dans d'autres cas, cet essai de simplication aboutit a des resultats peu heureux: il est djai surprenant d'apprendre qu'il existe des a hom~ens de droite > et < de gauche ,,, mais que penser lorsqu'on lit p. 110 que les a homeens de gauche a sont a en fait ariens >, et que ceux << de droite > sont a en fait orthodoxes > ?

On regrettera, enfin, les jugements a l'emporte-pi&ce formules par Paul Mattei, pour qui, par exemple, le a formalisme > de la

Seligion traditionnelle < ne satisfait sans doute nucun besoin religieux intime > (p. 22) ou le monothelisme est une a cote mal taillee entre le chalcedonianisme (...) et le monophysisme >

(p. 161).

Sur un plan scientifique, et nonobstant les raccourcis signalks precedemment, I'ouvrage ne tient pas toujours compte des d~veloppe- ments recents sur le sujet. C'est en particulier le cas pour ce qui concerne la religion tradi- tionnelle pailenne et le phenomine de conver- sion, oi les travaux de R. McMullen et d'autres ne semblent avoir guere laisse de trace. L'auteur definit ainsi la a nouvelle reli- giositr > comme la < quite d'un salut indivi- duel (p. 23), sans preciser qu'il s'agissait d'un salut materiel (sant6, bonnes r&coltes...) recherche dans l'ici-bas. Le dernier para- graphe de la p. 25, sur les diff&ences entre cette religiositr et le christianisme, est teint6 des anciens acquis de la science des religions et passe a c6te des divergences perceptibles dans l'univers mental des paiens et des chritiens des IIe-IIIe siecles; les rapports entre christianisme et religion traditionnelle a cette 6poque n'etaient en effet qu'exceptionnellement penses en termes de m&taphysique >, pour reprendre un terme employe par Paul Mattei (p. 63); ce regard biaise le contraint d'ailleurs a expliquer par une pirouette douteuse l'absence d'expos6 sur les < sp6cificites dogmatiques > dans l'ceuvre des apologistes (p. 70). De mime, p. 56, le resume des motifs de conversion au christia- nisme est centre sur le temoignage des seuls intellectuels (Justin, Cyprien, Tertullien), que l'on ne saurait considerer comme repr~sen- tatif; il met insuffisamment en valeur le r6le joue par les martyrs et gomme l'importance des miracles, dont on connaft pourtant la pregnance aux IIe-IIIe sii~cles, et pas seulement pour le developpement du christianisme.

Remi Gounelle

130-46 Jean-Frangois MAYER Reender KRANENBORG, eds.

La naissance des nouvelles religions Geneve, Georg Editeur, 2004, 212 p.

Cet ouvrage collectif qui rassemble sept etudes de cas, s'attache a une question de fond pour la sociologie des nouveaux mouvements religieux: quels outils et quels criteres utiliser aujourd'hui pour distinguer les nouveaux mouvements qui restent inscrits dans la conti- nuite d'une tradition religieuse ant&rieure des

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I94 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

mouvements suffisamment novateurs et origi- naux pour pritendre au statut de < nouvelle religion ?

Comme nous le fait remarquer J.-F. Mayer, le terme m~me de

, NMR > est actuellement

employd pour designer a l'int~rieur du champ religieux contemporain un foisonnement de courants qui s'&cartent plus ou moins nette- ment des traditions religieuses classiques. Le d6veloppement particulibrement rapide des < NMR > depuis quelques d&cennies, accentu par le processus encore r&cent de la globalisa- tion, a tris certainement contribu6 & la diffi- cultL de d&gager les sp&cificitis de chacun de ces mouvements. D'autant plus que la 1kgiti- mite de ces objets d'&tude dans une sociologie dominde par l'ftude des traditions s&culaires ne s'est pas impos&e comme une evidence; ainsi le caractbre marginal des mouvements en question peut continuer de l'emporter sur la consid&ration de leur potentiel a s'&tablir de fagon durable et I constituer dans l'avenir une nouvelle tradition.

Pour identifier dans le champ tris vaste et mouvant des < NMR >, ces religions en train de se faire, J.-F. Mayer digage plusieurs para- mitres majeurs A partir desquels peut s'op~rer une viritable classification sociologique des diff6rents mouvements en ivitant le pidge de s'en remettre I des criteres d'ordre th~olo- gique : la relation et la place accord&e aux livres sacr6s (lesquelles assurent ou non la conti- nuit6 avec la tradition anterieure), la question des sources et de leur &clectisme (l'auteur insiste sur la distinction entre le syncretisme classique qui nait de la rencontre entre plu- sieurs traditions et le < neo-syncrftisme > qui consiste A emprunter dblibir6ment I diverses traditions lointaines), la structure de l'organi- sation (plus ou moins en rupture avec la tradi- tion), les doctrines et les croyances, les rites et les pratiques, et enfin les interactions avec la culture religieuse et s&culiere dominante. L'ensemble de ces paramitres met en exergue l'importance des apports de l'histoire des reli- gions et la n6cessitr pour la sociologie des nouveaux mouvements religieux de s'y r6fdrer constamment. C'est une exigence A laquelle r~pondent pricisiment les sept ftudes de cas qui constituent un 6ventail de terrains divers et originaux: l'Pglise de l'unification (G. D. Chryssides), le caodaisme (C. Hartney), le mormonisme (M. Introvigne), les Brahma Kumaris (R. Kranenborg), la R6v6lation d'Aris (J.-F. Mayer), la religion baha'ie (M. Warburg), et I'aumisme (P. L. Zoccatelli).

Les etudes s'appuient sur une riflexion thdorique synth&tique et sur des observations ditaillies du terrain expliquant la genise des mouvements, leurs conditions d'6mergence, les 6volutions des pratiques, des rites et des croyances dans le temps ainsi que leurs even- tuelles stratigies adaptative. Chacune exem- plifie des modalitis particuliires d'adaptation, de rupture ou d'assimilation d'un mouvement donna avec la tradition religieuse qui l'a vu naitre et interroge sa capacit6 a devenir a son tour une nouvelle religion. Le cas de l'Pglise de l'unification pose le problkme d'une confron- tation entre l'auto-d~finition du mouvement comme composante du christianisme et la volont6 de l'tglise officielle de l'en exclure. Dans ce cas, l'6volution du mouvement peut conduire soit I une diff~renciation plus nette, soit g un rapprochement progressif avec la tradition qui freinerait son caractere v6ritable- ment novateur, comme cela a pu se produire dans le mormonisme devenu une < nouvelle tradition religieuse dans le christianisme >.

L'inscription en arribre-plan dans une ou plusieurs traditions anciennes peut Cgalement qualifier une

,< foi nouvelle > et syncr&tique;

c'est le cas du caodaisme qui s'est divelopp6 en p~riode de crise sociale dans le contexte du Vietnam colonial. Mais d'autres mouvements attestent d'une rupture plus radicale, posant en d'autres termes la question de leur statut. Ainsi, la R6v6lation d'Ari~s, en France, qui se

pr~sente comme une < voie spirituelle > et non pas comme une religion pour ses adeptes, est, d'un point de vue sociologique, suffisamment novatrice pour constituer un < embryon > de nouvelle religion (c'est-i-dire un < ensemble de croyances, doctrines, pratiques et rites per- mettant A des 8tres humains de definir leurs relations avec des dimensions consid6r&es comme transcendantes ainsi que d'interprfter l'origine et la finalit6 de l'existence >, p. 142). Un autre cas d'6mancipation des traditions et

d'61aboration d'un regime propre et unifi6 de croyances et de pratiques est repr~sent6 par le mouvement des Brahma Kumaris apparu en Inde. En int~grant des influences occidentales et une orientation psychologique, il incarne- rait potentiellement une < nouvelle religion mondiale >; en effet, on assiste dans ce cas A une diffusion transnationale du mouvement qui l'6loigne progressivement de son terreau religieux originel. Mais, certains < nouveaux mouvements > ne seraient-ils pas d~ji devenus des religions a part entiire? C'est ce que suggere l'ftude du babisme, issu d'une branche

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INFORMATIONS BIBLIOGRAPHIQUES - 195

dissidente du chiisme dans l'Iran des annees 1840; sa volonte d'ind~pendance en fait un cas isolk dans l'histoire de l'islam et lui a per- mis de se d~velopper en tant que religion < de plein droit >, qui est implantie aujourd'hui dans le monde entier avec plus de 5 millions de membres. Enfin, la dernitre &tude de cas rend compte de la structure doctrinale et sym- bolique de l'aumisme. Elle propose de sortir des categories propres au champ religieux pour designer un nouveau contexte contenant d'autres

, r~alitds spirituelles > au sens large, dans lequel s'affirmerait le < paradigme isot&- rique > dont l'aumisme serait une d&clinaison possible.

La diversit6 des cas analyses dans cet ouvrage permet ainsi d'1argir et d'approfondir un certain nombre de perspectives ayant trait au champ aujourd'hui tres vaste des mouve- ments religieux en marge des traditions clas- siques. L'un des apports des travaux reunis ici est la mise en evidence de la pluralite des stra- tegies et des options adopties par les NMR qui, au-deli de leurs convergences, doivent &tre replaces dans un contexte social, culturel et religieux pr&cis. Mais ils manifestent 6gale- ment la n&cessite d'affiner les outils th~oriques et conceptuels de la sociologie, afin de par- venir a distinguer dans un espace tris mouvant les elements susceptibles de constituer dans un avenir plus ou moins proche une tradition, ou un credo, amends a se diffuser plus largement dans une ou des soci&ts qui voient circuler desormais des ressources religieuses de tous horizons. Reste a savoir s'il appartient au sociologue de predire l'avenir des groupes qu'il etudie.

Nadia Garnoussi

130-47 Charles MOPSIK

Chemins de la cabale. Vingt-cinq etudes sur ia mystique juive Paris, Editions de clat, 2004, 468 p.

Ce n'est pas sans emotion que le recenseur ouvre cet ouvrage du regrettd Charles Mopsik, disparu avant d'avoir pu donner toute sa mesure mais dont l'ceuvre, ici comme a l'tran- ger, restera inseparable des recherches pion- nieres en matiere d'6tudes kabbalistiques. Rien, a l'origine, ne destinait cet homme, venu d'horizons si eloignes a faire ceuvre dans le domaine des etudes juives et A entamer avec un courage frisant l'audace, la traduction du Sefer ha-Zohar (Livre de la splendeur).

Les vingt-cinq etudes et articles ici r~unis nous pr~sentent I'auteur sous divers aspects; on y lit un chercheur qui se confronte A une matibre r~putde difficile, arm6 des instruments de la critique historique et philologique et I'on y d&couvre aussi un penseur qui n'h~site pas A se poser des questions et B nous livrer ses reflexions personnelles: c'est le cas de la pre- mitre contribution portant sur la philosophie et le souci philosophique. Mopsik conteste avec raison la dichotomie injustifiie entre philosophie et kabbale, et souligne que l'&cri- ture de l'histoire de cette philosophie ne coin- cide pas toujours avec les developpements de la sp&culation reelle...

On peut faire la mime observation concernant I'esquisse d'une a philosophie d'Auschwitz a : partant de textes antiques et m~di~vaux, Mopsik tente de brosser un tableau des relations complexes dans le judai'sme entre la faute, le chitiment et la th6odic~e, ce qui contribue a faire naitre une pensee juive vivante et non plus simplement de l'histoire ou une archeologie de la pensee juive.

Il ne faut pas commettre de contre sens: la plupart des textes ici alligu~s ne pretendent pas traiter les sujets qu'ils annoncent mais ouvrent des perspectives int&ressantes sur des sujets tels que Maimonide et la kabbale, la lecture de l'invisible ou les relations entre I'oralit6 et la transmission &crite de mystires de la Tora dont l'elucidation est proposee par un magguid, un mentor celeste... Ceci nous vaut des quelques pages consacr~es A la symbolique des couleurs alors que Gershom Scholem avait redige une trts savante et tres complkte disser- tation sur le sujet... Autrement plus s&ieuse est I'&tude qui traite (sur prits de trente pages) de l'unit6 de l'8tre et de l'unite de Dieu o0i de copieuses citations tirees d'oeuvres mystiques classiques forment une armature consid& rable... La forme supreme de l'unita divine est symbolis~e par une hi&rogamie, une union intime du masculin et du f~minin, prefigurant celle de l'homme et de son epouse ici bas, la veille du sabbat. Certaines etudes, breves et concises, centrees autour de la littbrature zoha- rique, ouvrent des chantiers qui s'avereront utiles pour les chercheurs futurs. Notamment celle portant sur les controverses autour du Zohar. Dans ces cas pr&cis, Ch. Mopsik donne toute sa mesure. Comme il le fit d'ailleurs dans ses traductions qui ne manqueront pas de rendre des services precieux aux chercheurs Svenir.

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196 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

A cet homme et A son oeuvre s'applique le vers poignant de la poitesse, ashrd ha-zor'im we-eynam kotsrim: bienheureux ceux qui s~ment mais ne recoltent pas.

Maurice-Ruben Hayoun

130-48 Amanda PORTERFIELD, ed.

American Religious History Malden, Mass., Blackwell, 2002, 338 p. (coil., Blackwell Readers in American Social and Cultural History ,)

Peter E. WILLIAMS, ed.

Perspectives on American Religion and Culture Maiden, Mass., Blackwell, 1999, 418 p.

L'intir&t croissant pour l'tude du fait reli- gieux dans les premiers cycles universitaires d'ttudes americaines et d'histoire des ttats- Unis, outre-Atlantique comme au Royaume- Uni, explique la multiplication des recueils de textes ou d'articles th~matiques alors que, depuis les ouvrages de Sidney Ahlstrom en 1972 et de Catherine Albanese en 1981, aucun auteur ne se risque plus & offrir une synthise d'un ph~nomine dont l'6tude est d~sormais domin&e par le paradigme pluraliste. On a 1I deux exemples complkmentaires du type de manuels publi&s aujourd'hui qui offrent une solide introduction g l'histoire de la religion aux ttats-Unis. L'ouvrage dirig6 par Amanda Porterfield regroupe des sources primaires et des &tudes historiques devenues depuis long- temps des classiques. Dans une introduction tras dense, I'auteure pr~sente ce qu'elle consi- dire comme les quatre 6l1ments fondateurs de l'histoire de la religion aux ftats-Unis: la liberte religieuse, I'exp&rience individuelle, la vie familiale et les reformes sociales. Ces thames ont structure les choix A la fois des essais historiques et des sources primaires. La

premiere partie regroupe neuf textes allant d'une 6tude classique de Perry Miller sur les puritains a un article portant sur les femmes musulmanes dans les itats-Unis contempo- rains; les autres textes portent sur I'6mergence du courant 6vang6lique au dix-neuviame siacle, l'establishment protestant liberal, le fonda- mentalisme, le catholicisme, le judaisme et le bouddhisme. Chacun de ces textes, &crits par les meilleurs sp&ialistes, itudie ces traditions du point de vue de leur experience particuliere. Par contre, le texte de Catherine Albanese, SExchanging selves, exchanging souls > traite

de la rencontre entre diff~rentes traditions et des rapports entre diversitC et syncretisme dans l'histoire religieuse des ttats-Unis.

La seconde partie prisente trente-quatre sources primaires et on imagine ais6ment les dilemmes qui ont dc accompagner leur sblec- tion, &tant donnies la grande richesse et diver- site de cette histoire. L'ensemble offre une lecture trbs stimulante, meme si certains choix ne sont pas toujours convaincants. Ainsi les puritains monopolisent les cinq textes consacrts A la p&riode coloniale, ce qui ne rend pas compte de nombreuses autres experiences qui ont participe de l'aspiration A la liberte reli- gieuse, present&e dans I'introduction comme un des quatre thimes structurants de cet ouvrage. La mime remarque peut s'appliquer au choix de documents pour la periode r~volu- tionnaire qui se limite au texte de la loi de Jefferson sur la liberte religieuse en Virginie. Par contre, les r~veils et la diversification de

I'exp&rience religieuse au dix-neuvibme si&cle sont mieux couverts, meme si on regrettera I'absence de textes rendant compte de I'expe- rience des immigrants catholiques et protes- tants et des esclaves noirs, tout comme des puissants mouvements de reforme d'inspira- tion religieuse (abolitionnisme, temperance, droit des femmes) alors qu'il s'agit d'un autre des thames fondateurs present&s dans l'intro- duction. Le vingtibme si&cle est de loin le mieux couvert avec une selection de textes qui rend compte a la fois du dynamisme et de la fragmentation de l'experience religieuse des Americains, mime si, encore une fois, on pourra questionner certains oublis (le pente- citisme ?). Mais ces manques reflktent surtout la difficulti de restituer dans un seul ouvrage I'extrime diversit6 de l'exp&rience religieuse 6tasunienne et ne diminuent en rien l'intr&t de la sdlection pr~sentie par A. Porterfield.

Peter Willliams a, lui, fait un choix diff&- rent, tout d'abord en centrant son ouvrage sur I'interaction entre religion et culture au cours de l'histoire &tasunienne, ensuite en deman- dant a certains des chercheurs les plus innova- teurs du moment d'6crire des essais originaux pour ce manuel, ce qui donne une grande coherence A l'ensemble presente. Les textes sont regroup6s en sept parties: diversit6 reli- gieuse et pluralisme, les racines religieuses de la culture ambricaine, les cultures religieuses en transition, la culture populaire et mat&- rielle, les questions raciales et ethniques, le genre et la famille, la vie intellectuelle et litt&- raire. L'accent est mis avant tout sur les

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INFORMATIONS BIBLIOGRAPHIQUES - 197

apports r&cents de la recherche qui ont rejete les grands r&cits privilegiant les approches institutionnelles et le prisme puritain comme principe organisateur de la dynamique de la religion aux Jtats-Unis, en faveur d'une approche interdisciplinaire s'intbressant avant tout au pluralisme, a la culture populaire et a la religion v&cue. Introduction stimulante aux evolutions de la recherche, I'ouvrage permet aussi, par la diversite et I'originaliti des thames abordis, de saisir dans toute son 6paisseur I'exp&rience religieuse &tasunienne.

Isabelle Richet

130-49 Genevieve POUJOL

Un fiminisme sous tutelle. Les protestantes franqaises (1810-1960) Paris, Les editions de Paris - Max Chaleil, 2003, 286 p.

Sp&cialiste incontestee de sociologie des organisations religieuses, I'auteure livre ici un ouvrage original a plus d'un titre. D'abord par sa forme. En effet, deux parties chronologiques et analytiques (1914 servant de cesure de part et d'autre) sont suivies d'un ample < repertoire biographique de 135 noms qui complete utilement le Dictionnaire du monde religieux contemporain - Les protestants dont on aurait pu reprocher la misogynie tant y etaient rares les femmes presentees. Le choix de photos bien venues et placees en discretes vignettes accroit d'ailleurs le plaisir de lecture et renforce le caractere vivant du propos. Et c'est justement le fond mime de l'enquite qui s'avere interes- sant. Loin des cliches ou de corrections socio- logiques trrs recentes (et encore accentuees par les initiatives venues de l'etranger), l'auteure prefere la prudence pour ne pas surevaluer un r61e et une eventuelle < avance > des protes- tantes sur le terrain du feminisme (ou des formes d'emancipation). I1 n'en reste pas moins que l'tude s'attache surtout aux militantes.

Apres une rapide mise en place du d&cor, consacre aux grandes lignes du protestantisme frangais au debut de l'epoque contemporaine, G. Poujol s'attache a decrire deux mouvements temporels qui lui semblent pouvoir rendre compte du dossier. Selon elle - et c'est la justi- fication du titre - le long xIxe siecle allant jusqu'en 1914, aurait, malgre l'emergence de structures d'autonomisation (comme les UCJF [Unions chretiennes des jeunes filles]) ete marque par une constante dpendance des femmes a l'egard d'un encadrement masculin pesant. Le phenomene - qui n'est tout de

meme pas sp&cifique au protestantisme et encore moins au protestantisme frangais - est en effet significatif au cours des deux premiers tiers du xIxe siacle. Au mieux, observe-t-elle au sein d'oeuvres purement f~minines (Les Amies de la jeune fille, la Socie'te des four- mis...), que leur naissance comme structures d'Pglises les priva de developpements poten- tiels. Entre le contr61e pastoral - assez inat- tendu et fort bien mis en lumiere, venant du christianisme social - ou les clivages entre mili- tantes HSP (Haute soci~td protestante) (Sarah Monod, Julie Siegfried...) et deleguees plus ambitieuses, on comprend mieux la timidite a

r~clamer le droit de suffrage politique (accorde pour les 6lections presbytbrales en 1905), la relative inefficacite du Conseil national des femmes frangaises ne en 1901 sur le modele americain, le tout dict6 par la crainte d'offrir les dlectrices catholiques en offrande a l'fglise !

Cette impasse explique pour la seconde periode allant jusqu'd la fin des annees 1960, le red&- ploiement des initiatives au service des femmes elles-memes et non plus comme pieces adven- tices du service d'lglise. La longue filiation reliant l'lcole Florence Nightingale (1903) a la Cimade ou aux diverses maisons de sante

protestantes souligne un vrai domaine d'excel- lence. G. Poujol signale avec raison que de telles structures n'auraient pu perdurer sans un constant rajeunissement id~ologique et l'inves- tissement de nouveaux champs. A cet egard, les pages consacr~es a l'entre-deux guerres font mieux comprendre l'apparition du Planning familial et la naissance du mouvement Jeunes femmes. On savait deja l'importance de la matrice unioniste et de la Fd~eration frangaise des &claireuses. On savait moins I'importance de debats intellectuels touchant a la morale familiale, a la definition de l'equite dans le couple, a la crainte puis A la volont6 parfois missionnaire de choisir un epoux non-protestant. L'auteure souligne aussi la permanence, sinon de conflits, du moins de severes rivalites entre diverses formes d'engagements qui prolongent en plein xxe siicle des concurrences anciennes. Dans une conclusion a la fois nuanc~e et

r&capitulative de < gn&rations > qu'elle croit pouvoir distinguer, elle s'interroge finalement sur I'originalite eventuelle du f< minisme protestant >. Elle en signale deux traits: d'une part que la dimension militante en faveur de droits negocies de la femme a prevalu sur un feminisme fourre-tout, mal circonscrit et peu emancipateur; d'autre part, que minorite d'une minorite, les femmes protestantes ont

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198 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

dii se frayer un chemin entre la subculture

rdpublicaine et les relents de modules &trangers. Dans ces conditions, une voie frangaise serait identifiable.

Bien documenta et synthitique de travaux souvent disperses, cet ouvrage commode pache cependant peut-etre par exchs de pessimisme concernant le XIXe siicle. S'il est en effet dvi- dent qu'une forme d'alidnation ait frappi les femmes a cette epoque, m~me dans leurs gestes ou leurs initiatives d'6mancipation, une lecture globale des conformismes, incluant done les inerties pesant aussi sur les hommes aurait sans doute permis de nuancer (et de ren- forcer) le propos, car les postures sociales furent 6galement extrimement contraignantes pour les hommes.

Patrick Harismendy

130-50 Freddy RAPHAEL, 6d.

Regards sur la culture judio-alsacienne. Des identit6s en partage Strasbourg, La nuee bleue, 2001, 287 p.

De cet ouvrage collectif, I'id&e forte qui reste est celle de l'ambivalence entre l'atta- chement h une region oii la pr6sence juive remonte au Moyen Age, et la m~moire des per- s&cutions et des discriminations que les juifs y ont subies. Ce judai'sme populaire, compose de marchands de bestiaux et de grains, de bou- chers, de colporteurs, de fripiers, largement rural quoique non paysan en raison de l'inter- diction faite aux juifs de poss~der et de culti- ver des terres, a laisse peu de traces en matibre d'architecture: de petites synagogues de cam- pagne (plus de 150 6difi~es au xIxe siacle), des pierres tombales, de vieux cimetibres, souvent abandonnis faute d'une presence juive rest&e sur place. Et pourtant l'identit6 jud6o-alsacienne est revendiqube avec force, une identiti 6galement inscrite dans une langue, le jud6o-alsacien (langue-mimoire et langue-conservatoire selon F. Raphaiel) parle par des g~ndrations de juifs. Les pages de ce volume en t~moignent. Si cette region a fourni de nombreux rabbins et responsables communautaires A l'ensemble du judai'sme frangais, A commencer par David Sintzheim, le president du Grand Sanhidrin convoqui par Napolkon Ie et qui fut le pre- mier grand rabbin de France, il demeure que cette fraction du judaisme franrais doit une part de sa singularitC au statut concordataire qui a surv&cu au retour de l'Alsace A la France. Pourtant le xxe sibcle a provoqu6 de profonds

bouleversements: de rural (i la veille de la Premiere Guerre mondiale, les deux tiers des juifs d'Alsace vivaient encore dans des villages et des bourgades), le judaisme alsacien est devenu essentiellement citadin ; le g6nocide l'a

priv6 d'une partie de ses forces vives; quant A l'ttat d'Israel, il a attir6 une partie de ses l61ites, de ses cadres communautaires et religieux, ainsi qu'une fraction de sa jeunesse, alors mime que Paris en avait d6ji attir6 bien d'autres qui avaient fait le choix de la France en 1870; pertes en partie compens6es par l'arriv&e de juifs d'Europe du centre et de l'Est puis d'Afrique du Nord.

C'est ~ une visite guid6e au sein de cette histoire et de cette m6moire que nous convient les quinze contributions de ce recueil, 616gam- ment encadries par une introduction et une conclusion de F. Raphaiel, le maitre d'oeuvre. L'ensemble est issu d'un colloque tenu a Strasbourg en 2000 & l'initiative du Consis- toire du Bas-Rhin, avec le partenariat de la ville de Strasbourg, du Conseil rigional d'Alsace, du Conseil g6niral du Bas-Rhin, de l'Univer- sit6 Marc-Bloch de Strasbourg et de la Soci&td d'histoire des isral61ites d'Alsace et de Lorraine.

Regine Azria

130-51 Bernard RIGO

Altiriti polynbsienne, ou les mitamor- phoses de I'espace-temps Paris, CNRS editions, 2004, 350 p. (coll. < CNRS communication ,)

Ce livre ne manque pas d'ambition, puis- qu'il s'agit en quelque sorte de (ri)inventer le regard anthropologique:

a le sujet occidental

[parlant] surtout de lui quand il pr&tend parler de l'Autre ,, (p. 8). B. Rigo se propose d'explo- rer cet < autre > en s'int~ressant < au fond mime de la sacralit6 polyn~sienne >, d~barras- s&e des projections occidentales qui voient toujours l'autre sous les aspects du mime. Ce qui est une autre manibre - simplement inver- s6e - de projeter sur la culture polynisienne un ensemble de pr~suppos"s: la langue, la mythologie et meme le christianisme contem- porain renverraient ainsi, en Polyn~sie fran- gaise, A une alt~rita a-historique, irr~ductible et

ind~passable, signale par une sdrie de concepts sans equivalents dans la pens6e occidentale, mana, hau et tapu 6tant les plus connus. II faudrait done envisager l'identiti polyn~sienne a travers des notions sp&cifiques telles que le

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INFORMATIONS BIBLIOGRAPHIQUES - 199

a continuum vertical >, une < vision energ&ique [qui] implique de penser a la fois la continuite, I'instabilitd, la pluralith et le discontinu >

(chap. 3).

I1 n'est pas forc6ment inutile de pointer les biais ethnocentriques qui persistent a d&tour- ner bon nombre d'analyses anthropologiques des r6alites de la socit6 polynesienne contem- poraine, ce a quoi l'auteur s'est d'ailleurs employd avec un certain succas dans un livre

pr&6cdent (Lieux-dits d'un malentendu culturel, ed. Au Vent des iles, Papeete, 1993). Mais a

trop vouloir se defaire de cet ethnocentrisme, l'auteur prend ici le risque de tomber dans un autre travers, celui d'une sorte d'a ethno- centrisme inverse > faisant de l'alt&rite polyn&- sienne - qui n'est que relative - un absolu, au point de rendre finalement impossible toute entreprise de traduction.

Yannick Fer

130-52 Wade Clark ROOF, ed.

Contemporary American Religion 2 vols., New York, MacMillan, 2000, 861 p.

Avec cette encyclop~die en deux volumes Wade Clark Roof et ses auteurs offrent aux chercheurs un outil fort utile pour se rep&rer dans l'incroyable foisonnement de la scene religieuse etasunienne contemporaine. La selection de plus de 500 entries a ete guidie par le souci de rendre compte des grandes tendances qui definissent, au debut de ce millenaire, la vie religieuse des Americains. La premiere est le processus de desinstitution- nalisation de la religion, qui amine les auteurs a s'int~resser avant tout aux manifestations populaires de la foi et des pratiques. La reli- gion v&cue n'est done pas simplement une entree, mais un des fils rouges reliant beau- coup des articles qui mettent l'accent sur la religion en tant qu'exp&rience, sur les pra- tiques religieuses ordinaires, sur la fagon dont les croyances religieuses affectent les d&cisions des croyants dans leur vie quotidienne. Une seconde tendance est le pluralisme croissant de la scine religieuse, certes caractbristique de l'histoire de la religion aux Itats-Unis depuis le depart, mais qui a connu une expansion nouvelle apr&s les lois de 1965 liberalisant l'immigration. Le souci, la, a Lte de presenter dans toute leur diversit6 les organisations, les croyances, les pratiques des nouvelles religions dont la presence est de plus en plus visible

dans les communaut&s ambricaines, mais aussi de presenter les religions < ambricaines > - indi- genes ou d'origine europienne - aux nouveaux venus. Enfin, les entries s'efforcent aussi de rendre compte de la fagon dont la croissance de l'autonomie individuelle des croyants nourrit une quite religieuse caracteris&e par un tres grand &clectisme. Toutes les entrees sont accompagnies d'une brave bibliographie pr& sentant les ouvrages essentiels sur la notion, ainsi que des rdferences crois~es permettant de saisir les liens entre les ph~nomines analyses

s~par~ment. Enfin pros de 200 photographies apportent une illustration visuelle bienvenue de beaucoup des notions et pratiques discutes.

Isabelle Richet

130-53 Gabriel WARBURG

Islam, Sectarianism and Politics in Sudan since the Mahdiyya Hurst & Company, Londres, 2003, 252 p.

Cet ouvrage est pr&cad6 de plusieurs autres que l'auteur a consacr&s a l'islam et a la politique au Soudan et en Pgypte. Celui-ci qui condense les risultats de trente ans de recherches est consacr6 A une situation tris particulibre qui est celle du mouvement de la Mahdiyya au xIxe siacle. Elle constitue un cas unique d']itat islamique ayant rtussi A expul- ser les occupants etrangers et a connaitre des succes avant que les int~rits de l'imp&rialisme britannique ne parviennent A le d&truire. En 1898 le consul gen6ral britannique du Caire elabora a un condominium agreement a, qui r6glementait les conditions dans lesquelles le Soudan anglo-6gyptien devait &tre administr6. Les dirigeants turco-egyptiens qui avaient gouverne le Soudan auparavant avaient td battus par un mouvement politique musulman et avaient dfi quitter le pays dans les ann~es 1880. Un 1tat islamique avait 6ti instaur6. II parait normal dans ces conditions que le pouvoir colonial qui dirigeait le Soudan ait voulu extirper l'islam de la vie politique ou pour utiliser une terminologie occidentale separer l'tglise et l'Itat. Si les musulmans furent autorises a pratiquer leur religion et a 6tablir une justice fond&e sur la shari'a dont les tribunaux traitaient les affaires relevant de

la sphire priv&e, un gouvernement s&culier compos6 d'administrateurs anglais aides de quelques igyptiens exerga le pouvoir poli- tique. II &tait pr~vu, sans autre pr&cision,

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2zoo00 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

qu'une d6mocratie de type britannique soit progressivement instaur&e dans le pays ainsi que dans les autres pays africains sous influence anglaise. Ce sc6nario ne s'est pas produit et l'auteur se demande si cet 6chec doit 8tre

impute au colonisateur ou au fait que l'id~e de siparer religion et politique est, dans le monde musulman, une contradiction dans les termes. En r6alit6 l'auteur pense que les musulmans n'6taient pas d6sireux ou pas encore prets a

accepter la d~mocratie propag6e par les colonisateurs.

C'est ce theme qui constitue le sujet prin- cipal de l'ouvrage et bien que ne soit 6tudid ici que le Soudan, cette question se pose aussi dans l'ensemble du monde musulman. L'auteur a d6ji approfondi ce thame dans d'autres ouvrages. II se limite ici a analyser le rble de l'islam dans la vie politique du Soudan depuis la Mahdiyya jusqu'd I'ind6pendance en 1956. I1 remarque que l'etude du Soudan depuis l'ind~pendance s'avare beaucoup plus problematique que l'&tude de la periode du coup d'IEtat islamiste, perp6trC par des mili- taires en 1989. Dans un dernier chapitre inti- tulk < Islam et democratie > l'auteur examine les travaux qui ont Ct6 consacres a cette question.

Dans les soci&tes qui sont profond~ment marquies par des divisions religieuses, cultu- relies, linguistiques etc., la flexibiliti n6cessaire A l'6mergence d'une d~mocratie est absente, remarque A. Lijphart, (Democraties: Patterns of Majoritarian and Consensus Government in Twenty-one Countries, Londres,Yale Uni- versity Press, 1984). D'autres auteurs tels que J. Esposito et J. Voll (Islam and Democracy, Oxford, Oxford University Press, 1983) adop- tent des points de vue contraires et soutien- nent que les mouvements religieux de la fin du xxe siecle ont favoris6 la formation de

systitmes politiques plus democratiques. Bien que les travaux de ces auteurs ne soient, ni consacris au Soudan, ni A la diversite cultu- relle, Warburg les trouve pertinents pour comprendre les pays multireligieux. Si une majorit6 impose ses convictions religieuses a une minorit6, est-on toujours en democratie, se demande t-il ? Le statut de ahlal-dhimmah qui est propose aux non-musulmans dans un Jtat islamique est-il d~mocratique ? Le nationa- lisme ethnique, fond sur l'ideal de l'arabit6, qui a domin6 la vie politique du Soudan depuis l'independance conduit-il a la coexistence avec les autres religions dans un contexte d&mo-

cratique ? Telles sont les principales questions que se pose Warburg. Pour Esposito et Voll il n'y pas d'opposition de principe entre islam et democratie mais le problame reside plutbt dans les diff~rentes manibres dont ces deux entitbs sont reli~es l'une A l'autre. En conclu- sion, Warburg 6voque les opinions d'obser- vateurs soudanais sur ces questions. Pour Muhammad Ibrahim Khalil, qui enseigne le droit musulman, I'&chec de la democratie est A mettre en relation avec le faible niveau d'education. Mais ce dernier ne constitue pas un obstacle insurmontable. Pour cet auteur seuls les fondamentalistes pensent que islam et

d~mocratie sont incompatibles. II ajoute qu'une lecture attentive du Coran montre qu'une d~mocratie et un gouvernement constitution- nel ne sont nullement en contradiction avec

l'esprit du livre saint et qu'une constitution laique peut en etre extraite.

Si un ltat base sur l'islam peut Stre demo- cratique, pourquoi a-t-on connu autant d'6checs au Soudan et ailleurs, se demande alors Warburg. Mohamed Ahmed Mahgoub, pre- mier Ministre dans les ann~es 1960, repond (Democracy on Tria: Reflections on Arab and Africa Politics, Londres, Deutsch, 1974) que le d~mocratie a &chou6 dans toute l'Afrique et pas seulement au Soudan. Les raisons doivent en 8tre cherch~es, selon lui, dans l'incapacitr des politiciens a formuler des politiques coh&- rentes, dans des rivalit~s de personnes et dans la recherche du profit a court terme. Pourtant le cas du Soudan pr~sente deux particularites : d'une part sa premiere experience historique de l'itat est intervenue dans le cadre d'un Jtat islamique et de l'autre les confrbries, cons&- quence du neo-mahdisme, ont joue un ri1e de premier plan aussi bien A l'6poque coloniale qu'apris l'ind~pendance. En consequence, de nombreux auteurs soudanais et occidentaux attribuent l'6chec de la d~mocratie aux confr&- ries plut6t qu'd l'islam.

B. Lewis, quant A lui, reconnaft avec une certaine tristesse que la tolkrance pratiqube par I'islam traditionnel n'existe plus et que les minorit~s non-musulmanes ont de nos jours moins de droits que dans le passe. Consid&rant qu'il n'existe pas de contradiction entre islam et d~mocratie, il pense que la doctrine isla- mique est autocratique mais non dictatoriale et que ses dirigeants ne sont pas au-dessus des lois.

Claude Arditi

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Page 26: Informations bibliographiques

INFORMATIONS BIBLIOGRAPHIQUES - 20I

130-54 Robert WUTHNOW

All in Sync. How Music and Art Are Revitali- zing American Religion Berkeley, Los Angeles, Londres, University of California Press, 2003, 284 p.

L'auteur part du constat que les Iglises americaines n'ont pas subi au cours des trois derniares d&cennies du xxe siecle le d&clin annonce. Il t &ablit, rf~rences statistiques a

l'appui, que la participation aux services (churchgoing) n'a pas diminue, puis il explique pourquoi (urbanisation, divorce, travail des femmes, d6menagements, niveau d'&tudes) les observateurs s'attendaient a un d&clin. Il rejette neanmoins ces explications tout autant que les tentatives d'expliquer la vitalite religieuse par le conservatisme, la creation de megachurches ou l'originalite des confessions evangeliques. Enfin, il met en doute la pertinence de la theo- rie de la secularization et de la privatization de la religion, suggerant (p. 19) que l'interit croissant pour les arts (musique, arts plastiques, poesie) a ete capte (absorbed) par les Eglises.

L'ouvrage est complete par un appendice m&thodologique et un index. L'etude s'appuie sur de grandes etudes comme celle de la General Social Surveys ou sur d'autres &tudes a grande &chelle, et sur des entretiens appro- fondis. Elle complte celle sur les relations entre spiritualite et les arts chez des artistes professionnels, publice sous le titre Creative Spirituality: The Way of the Artists, University of California Press, 2001.

L'auteur interroge des concepts ou des faits sociaux aussi differents que la religion et la morale ou encore < spirituality > et << religion >, < sacred a et a religious >. Il examine (chap. 2) ensuite ce que signifie pour un Americain la Sspirituality >, montrant (p. 46) la conver-

gence entre l'interit pour celle-ci et la pratique de la priere, plus encore que de la meditation. Puis, il examine la place des arts (chap. 3) dans l'enfance, a l'cole et dans la vie adulte, montrant notamment que l'interit pour un art particulier va de pair avec celui des arts en general, et que cet interit est en relation directe avec la spiritualite, les activites pieuses, les religions et l'experience de Dieu (tableau 12, p. 71).

Mais pour ce qui est de la raison pour laquelle l'art, les arts permettent ce lien, et

non pas le sport, la cuisine, le jardinage ou la coiffure, on n'en saura guore plus que de vagues banalitrs (p. 77), d6velopp~es tout au long du chapitre 4 sans tentative aucune de comparer arts et sport, ou cuisine, etc. C'est a croire que les fideles ne font jamais de giteaux qu'ils ou elles partagent lors des reunions des congr&- gations, et que faire l'amour n'est jamais une experience spirituelle pour un(e) Ambricain(e). Le chapitre 5 examine d'un point de vue quasi ethnographique la place de la musique et dans une moindre mesure d'autres arts dans diverses communautes religieuses a Philadelphie, Boston, en Pennsylvanie ou dans l'Oregon, son rapport a l'emotion, aux gofits de la jeunesse. Le chapitre 6 examine une tout autre relation entre religion et arts, la place faite a l'imagi- nation, difinie de manibre assez surprenante (tableau 32, p. 186) comme la capacite a placer des images mentales sur Dieu, le ciel, les anges... Le chapitre 7 interroge enfin l'opinion que les gens entretiennent sur les oeuvres et les artistes contemporains pour d~couvrir que cette image est plus negative chez les evang6listes et fonda- mentalistes que chez les protestants mainline ou les catholiques. Pour conclure (chap. 8), c'est bien d'une approche generalis&e et vague des arts qu'il s'agit ici, dont l'artiste est exclu au nom du pr&cepte a The Artist in Everyone >.

Cet ouvrage est essentiellement constitur d'un melange de sociologie des religions et de reflexions d'un Americain sur I'attitude de ses concitoyens et de sa propre soci&at vis-a- vis de

<, la religion ambricaine, entendue

essentiellement comme chrtienne. Une part de l'infime pourcentage restant de l'ouvrage concerne les arts (principalement la musique, le chant collectif) en tant qu'art. De plus, le livre oscille - a l'ambricaine ? - entre l'exploi- tation de donn~es statistiques sous forme de tableaux commentes, d'anecdotes vivantes (absorbing narrative) tir~es d'entretiens et de consid&rations generales d&connect6es de toute donnie empirique (< Throughout most of our nation's history, spirituality gave people a sense of continuity with the past >, p. 27). En fin de compte, et assez logiquement, pour le lecteur europ~en, le livre est plus convaincant quand il apporte des correlations statistiques que quand il se propose d'apporter des recettes aux lglises pour profiter de l'art sans pour autant se laisser perturber par les artistes.

Frangois Picard

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202 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

Les recensions d'ouvrages en vue du prdsent Bulletin bibliographique ont itd assuries par :

Marlkne ALBERT-LLORCA, Claude ARDITI, Emma AUBIN-BOLTANSKI, R6gine AZRIA, Luc BELLON, Doris BENSIMON, C6line BtRAUD, Nicolas de BREMOND D'ARS, Vincent DELECROIX, Erwan DIANTEILL, Vdronique DUCHESNE, Yannick FER, Nadia GARNOUSSI, Ver6nica GIMINEZ BELIVEAU, Vincent GOOSSAERT, R6mi GOUNELLE, Claude GUILLOT, Jacques GUTWIRTH, Constant HAMES, Patrick HARISMENDY, Maurice- Ruben HAYOUN, Yves LAMBERT, Roland LARDINOIS, Michael LOWY, Nathalie LUCA, R6my MADINIER, Enzo PACE, Andrd PADOUX, Frangois PICARD, Isabelle RICHET, Isabelle SAINT-MARTIN, B&nidicte SPRE, Nikola TIETZE, Elena ZAPPONI.

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