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Kobe University Repository : Kernel - 神戸大学附属図書館 the Sole Judge of its Own Legality...

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Kobe University Repository : Kernel タイトル Title Le de dernier mot : Des limites de la presomption de validite des actes des organisations internationales 著者 Author(s) Hamamoto, Shotato 掲載誌・巻号・ページ Citation Kobe University law review,38:21-44 刊行日 Issue date 2004 資源タイプ Resource Type Departmental Bulletin Paper / 紀要論文 版区分 Resource Version publisher 権利 Rights DOI JaLCDOI 10.24546/00406783 URL http://www.lib.kobe-u.ac.jp/handle_kernel/00406783 Create Date: 2018-06-22
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Kobe University Repository : Kernel

タイトルTit le

Le de dernier mot : Des limites de la presomption de validite des actesdes organisat ions internat ionales

著者Author(s) Hamamoto, Shotato

掲載誌・巻号・ページCitat ion Kobe University law review,38:21-44

刊行日Issue date 2004

資源タイプResource Type Departmental Bullet in Paper / 紀要論文

版区分Resource Version publisher

権利Rights

DOI

JaLCDOI 10.24546/00406783

URL http://www.lib.kobe-u.ac.jp/handle_kernel/00406783

Create Date: 2018-06-22

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HAMAMOTO Shotaro�

INTRODUCTION

Le principe veut que les organisations internationales ne se dotent quedes pouvoirs définis dans leurs actes constitutifs. Ces créatures des Etatsmembres ont su pourtant élargir considérablement leurs champs d’activitéset leurs pouvoirs, grâce à deux techniques juridiques aujourd’hui bienétablies. Il s’agit, bien sûr, de la compétence implicite et de la présomptionde validité1.

Le présent article porte sur cette dernière notion. La positivité de la pré-somption de validité des actes des organisations internationales est tropconnue pour qu’il soit nécessaire de s’y étendre longuement. Il suffit de rap-peler que la Cour internationale de justice(CIJ)2 et la Cour de justice desCommunautés européennes(CJCE)3 se sont prononcées à maintes reprisessur ce principe que la doctrine affirme quasi-unanimement4. On en com-

Le «pouvoir» de dernier mot� Des limites de la présomption de validité

des actes des organisations internationales�

� Professeur adjoint de droit international public, Faculté de droit, Université de Kobe1 Voir IDA(Ryuichi), «Kokusai Rengo to Kokka Shuken [L’ONU et la souveraineté étatique]», KokusaihoGaiko Zasshi [Journal of International Law and Diplomacy], vol. 90, 1991, p. 439 [en japonais]. La présenteétude ne traite pas des questions relatives à la présomption de validité de la décision du tribunal international.2 Certain Expenses of the United Nations(Article 17, paragraph 2, of the Charter), Advisory Opinion of 20July 1962, I.C.J. Reports 1962, p. 168. Voir aussi Legal Consequences for States of the Continued Presence ofSouth Africa in Namibia(South West Africa)Notwithstanding Security Council Resolution 276(1970), AdvisoryOpinion of 21 June 1971, I.C.J. Reports 1971, p. 22, para. 20 : Questions of Interpretation and Application ofthe 1971 Montreal Convention arising from the Aerial Incident at Lockerbie(Libyan Arab Jamahiriya v. UnitedKingdom), Provisional Measures, Order of 14 April 1992, I.C.J. Reports 1992, p. 15, paras. 39-40 ; mutatis mu-tandis, Questions of Interpretation and Application of the 1971 Montreal Convention arising from the Aerial In-cident at Lockerbie(Libyan Arab Jamahiriya v. United States of America), Provisional Measures, Order of 14April 1992, I.C.J. Reports 1992, p. 126, paras. 41-42. Même dans l’affaire relative à la licéité de l’utilisation desarmes nucléaires par un Etat dans un conflit armé, dans laquelle la CIJ a constaté implicitement un excès depouvoir de l’Organisation mondiale de la santé, la Cour n’a pas mis en cause la règle de la présomption de va-lidité. Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé, avis consultatif du 8 juillet1996, C.I.J. Recueil 1996, p. 82, par. 29.3 Consorzio Cooperative d’Abruzzo c. Commission, 15/85, arrêt du 26 février 1987, R. 1036.4 THIERRY(Hubert), «Les résolutions des organes internationaux dans la jurisprudence de la Cour interna-tionale de justice», R.C.A.D.I., t. 167, 1980-II, pp. 422-424 ; BEVERIDGE(Fiona), «The Lockerbie Affair», I.C.L.Q ., vol. 41, 1992, p. 918 ; CORTEN(Olivier), «Usage et abus du droit de recourir aux organes de l’O.N.U.», R.Q.D.I ., t. 8, 1993-1994, pp. 176-178 ; BERNHARDT(Rudolf), «Ultra Vires Activities of International Organiza-tions», in Theory of International Law at the Threshold of the 21st Century : Essays in honour of KrzysztofSKUBISZEWSKI , The Hague, Kluwer, 1996, p. 600 ; MAZERON(Florent), «Le contrôle de légalité des déci-sions du Conseil de sécurité», R.Q.D.I ., t. 10, 1997, p. 135.

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prend aisément la raison d’être, car sans elle aucune organisation interna-tionale ne pourrait fonctionner comme il serait prévu par son acte constitu-tif5. En effet, son absence inviterait l’instabilité juridique et entraîneraitnécessairement le blocage des activités de l’organisation parce qu’il seraitalors permis à chaque Etat membre de refuser d’accepter ou de mettre enœuvre ses actes, dès lors qu’ils leur paraisseraient dépourvus de validité àcause, par exemple, d’un excès de pouvoir. Chaque Etat membre est donccensé, quand il accède à une organisation internationale, avoir déclaré sonintention de reconnaître la présomption de validité des actes de cette organi-sation6.

Certes, nul ne saurait mettre en cause l’importance de la stabilité ju-ridique, sur laquelle se base cette présomption de validité. Il n’en est pour-tant pas moins vrai que le principe de légalité doit lui aussi être respecté 7.De plus, si cette présomption se fonde également sur la volonté des Etatsmembres, qui espèrent un bon fonctionnement de l’organisation, l’on peutdifficilement imaginer qu’ils la reconnaissent par avance pour n’importequel acte de l’organisation8 dont ils sont membres9. En effet, le caractère«non irréfragable» de la présomption de validité est maintes fois souligné

5 Separate Opinion of Judge Sir Gerald Fitzmaurice, Certain Expenses of the United Nations, supra note 2, p.204 ; WRIGHT(Quincy), «The Strengthening of International Law», R.C.A.D.I ., t. 98 [1959-III], p. 125 ;OSIEKE(Ebere), «The Legal Validity of Ultra Vires Decisions of International Organizations», Am.J.Int’l L., vol.77, 1983, pp. 242-243.

Pour ce qui est de la Communauté européenne, la doctrine met en exergue l’importance de l’«unité du droiteuropéen» : MEESEN(Karl M.), «Maastricht nach Karlsruhe», NJW , 1994, S. 552 ; HANF(Dominik), «Le juge-ment de la Cour constitutionnelle fédérale allemande sur la constitutionnalité du Traité de Maastricht”, R.T.D.E ., t. 30, 1994, p. 419 ; WEILER(J.H.H.)& HALTERN(Ulrich R.), «The Autonomy of the Community Le-gal Order», Harv.Int’l L.J ., vol. 37, 1996, pp. 432-434 ; SCHÜBEL(Isabel), «La primauté du droit communau-taire en Allemagne», RMCUE , no 412, 1997, p. 629 ; WEATHERILL(Stephen), «Activism and Restraint in theEuropean Court of Justice», in CAPPS(Patrick)et al. eds., Asserting Jurisdiction, Oxford, Hart, 2003, p. 273.6 «As anticipated in 1945, therefore, each organ must, in the first place at least, determine its own jurisdic-tion» : Certain Expenses of the United Nations, supra note 2, p. 168. Voir aussi TAMMES(Arnold J.P.), «Deci-sions of International Organs as a Source of International Law», R.C.A.D.I ., t. 94 [1958-II], pp. 349-350.7 BERNHARDT, supra note 4, p. 608 ; BOULOUIS(Jean), «Quelques observations à propos de la sécurité ju-ridique», Du droit international au droit de l’intégration : Liber Amicorum Pierre PESCATORE , Baden-Baden,Nomos, 1987, p. 57 ; SANDS(Philippe)& KLEIN(Pierre), Bowett’s Law of International Institutions, 5th ed.,London, Sweet & Maxwell, 2001, pp. 295-296.8 En ce qui concerne la Communauté européenne, «n’importe quel acte de l’organisation» dans la phrase estremplacée par «toute décision de la CJCE». «Les États membres s’engagent à ne pas soumettre un différend re-latif à l’interprétation ou à l’application du présent traité à un mode de réglement autre que ceux prévus parcelui-ci» : l’art. 292 du Traité de Rome. La seule CJCE est compétente, selon le traité, pour se prononcer sur lavalidité des actes communautaires : voir les articles 230, 231 et 234.9 «Member States have not given the Security Council carte blanche to do whatever it wants by simply invok-ing the magic words “maintenance of international peace and security”» : ZEMANEK(Karl), «Is the SecurityCouncil the Sole Judge of its Own Legality ?», in Liber Amicorum Mohammed Bedjaoui, The Hague, Kluwer,1999, p. 643. «La question de l’acte dérivé ultra vires se pose notamment pour les arrêts de la Cour de justice,compte tenu de la nature très constructive de sa jurisprudence» : DORD(Olivier B.), «Contrôle de constitution-nalité et droit communautaire dérivé», Cahiers du Conseil constitutionnel , No 4, 1998, p. 101.

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par la jurisprudence10, la pratique étatique11 et la doctrine12 : la présomptionde validité n’est finalement qu’une présomption13.

Le problème est donc de savoir comment renverser la présomption devalidité. On a certes beaucoup parlé d’une possibilité du contrôle judiciaire,

10 La CIJ a déclaré de façon claire et nette dans l’avis consultatif demandé par l’OMS sur la licéité de l’utilisa-tion des armes nucléaires : «On a... fait valoir que, la résolution WHA 46.40 de l’Assemblée mondiale de laSanté ayant été adoptée à la majorité requise, elle devait «étre présumée valable»... La Cour observera à cetégard que la question de savoir si une résolution a été régulièrement adoptée d’un point de vue procédural et laquestion de savoir si cette résolution a été adoptée intra vires sont deux questions différentes. Le simple fait,pour une majorité d’Etats, d’avoir voté une résolution en respectant toutes les règles de forme pertinentes nesaurait, en soi, suffire à apurer les éventuels vices de fond qui, tel l’excès de pouvoir, l’entacheraient» : Licéitéde l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé, supra note 2, p. 82, par. 29.

Déjà dans l’avis consultatif relatif à certaines dépenses, la Cour suggérait le caractère «non irréfragable» dela présomption de validité des actes pris par les organes onusiens : «[E]ach organ must, in the first place at least,determine its own jurisdiction» : Certain Expenses of the United Nations, supra note 2, p. 168 [c’est nous quisoulignons].

Plus particulièrement sur les actes pris par le Conseil de sécurité, le Tribunal pénal international pour l’ex-�Yougoslavie, dans son arrêt Tadic de 1995, a précisé qu’ : «[i]l ressort clairement de ce texte que le Conseil desécurité joue un rôle pivot et exerce un très large pouvoir discrétionnaire aux termes de cet article. Mais cela nesignifie pas que ses pouvoirs sont illimités. Le Conseil de sécurité est un organe d’une organisation internation-ale, établie par un traité qui sert de cadre constitutionnel à ladite organisation. Le Conseil de sécurité est, parconséquent, assujetti à certaines limites constitutionnelles, aussi larges que puissent être ses pouvoirs tels quedéfinis par la constitution. Ces pouvoirs ne peuvent pas, en tout état de cause, excéder les limites de la compé-tence de l’Organisation dans son ensemble, pour ne pas mentionner d’autres limites spécifiques ou celles quipeuvent découler de la répartition interne des pouvoirs au sein de l’Organisation. En tout état de cause, ni la let-tre ni l’esprit de la Charte ne conçoivent le Conseil de sécurité comme legibus solutus» : Le Procureur c/ Dusko�Tadic, alias «Dule», Arrêt relatif à l’appel de la défence concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, ar-rêt du 2 octobre 1995, par. 28 : texte disponible à http : //www.un.org/icty/11 Dans l’affaire Lockerbie, la Libye réclame la nullité de la résolution 748 du Conseil de sécurité, danslaquelle celui-ci annonce la mise en œuvre de sanctions contre la Libye, à moins qu’elle n’extrade des terroristesprésumés de nationalité libyenne. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis, les répondeurs dans la procédure devantla CIJ, ne soutiennent point un caractére irréfragable de la présomption de validité mais affirment en revancheque «[t]he Council acted properly within the scope of its Charter authorities in adopting the relevant resolu-tions» : David R. Andrews, Agent of the Government of the United States, Public Sitting Held on 14 October1997, CR 97/18, para. 1.23. Voir aussi Lord Hardy, Conseil of the Government of the United Kingdom, PublicSitting Held on 13 October 1997, CR 97/16, paras. 2.6, 3.29, 3.30. La Libye réclame également la nullité de larésolution 731. La réponse des Etats répondeurs y est essentiellement identique à celle qu’ils adressent à l’égardde la resolution 748.12 A l’égard de l’avis consultatif relatif à certaines depénses, plusieurs juges parlaient du caractère «non irré-fragable» de cette présomption. Separate Opinion of Judge Sir Gerald Fitzmaurice, supra note 5, pp. 203-204 ;Opinion individuelle de M. Morelli, Certaines dépenses des Nations Unies, CIJ Recueil 1962, pp. 222-224 ;Opinion dissidente de M. Bustamante, Certaines dépenses des Nations Unies, CIJ Recueil 1962, p. 304. Sur lecaractere «non irréfragable» de la présomption de validité des actes des organisations internationales en général,voir AMERASINGHE(C.F.), Principles of the Institutional Law of International Organizations, Cambridge,Cambridge Univ. Pr., 1996, p. 166.13 Aux yeux de certains auteurs, la validité de la constatation par le Conseil de sécurité de l’existence d’unemenace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression(l’art. 39 de la Charte)est irréfragable.Leur position n’a pourtant rien à voir avec la question qui nous occupe ici, car il ne s’agit pas d une présomp-tion : les constatations du Conseil sont, selon eux, toujours et automatiquement valables, étant donné le carac-tère juridiquement illimité de la compétence du Conseil en la matière. Voir KELSEN(Hans), The Law of theUnited Nations, London, Stevens & Sons, 1950, pp. 294-295 ; AUST(Anthony), «The Role of Human Rights inLimiting the Enforcement Powers of the Security Council», in de WET(Erika)& NOLLKAEMPER(André)eds., Review of the Security Council by Member States, Antwerp, Intersentia, 2003, p. 14. Voir aussi SAKAI(Hi-ronobu), «Kokurenkensho Dai 39 Jo no Kino to Anzenhoshorijikai no Yakuwari [Les fonctions de l’article 39 dela Charte des Nations Unies et le rôle du Conseil de sécurité]», in YAMATE(Haruyuki)& KOZAI(Shigeru)éds., Gendai Kokusaiho ni okeru Jinken to Heiwa no Hosho [Protection des droits de l’homme et de la paix dansle droit international contemporain], Tokyo, Toshindo, 2003, p. 257 [en japonais].

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par exemple, par la CIJ14. Une chose est de dire que le contrôle judiciaire estutile ou nécessaire, affirmer qu’il est la seule procédure par laquelle la pré-somption de validité peut être renversée en est une autre. En l’absence deprocédure obligatoire de l’action en nullité15� ce qui est la règle et non l’ex-ception en droit international, comme on le sait fort bien�, un Etat qui réc-lame la nullité d’un acte d’une organisation n’aurait aucun moyen pour ren-verser la présomption à son initiative16 et l’acte resterait «présumé» valableet continuerait de déployer des effets juridiques jusqu’à ce que l’organisationdont la validité de l’acte est mise en question en reconnaisse elle-même lanullité. Cette conclusion17 ne nous paraît pourtant pas compatible avec lanotion même de présomption18.

Il n’est dès lors pas étonnant que la pratique récente ait commencé àmettre en cause, du moins partiellement, cette règle de la présomption devalidité. Ce courant récent semble affirmer que les Etats membres d’une or-ganisation internationale se dotent d’un «pouvoir de dernier mot», un pour-voir de refuser de respecter les décisions obligatoires de l’organisation qu’ils

14 Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire socialiste, Mémoire, le 20 décembre 1993, Affaire relative àdes questions d’interprétation et d’application de la Convention de Montréal de 1971 résultant de l’incidentaérien de Lockerbie, pp. 182-193 ; Preliminary Objections of the United Kingdom, June 1995, Case concerningQuestions of Interpretation and Application of the 1971 Montreal Convention Arising from the aerial Incident atLockerbie, pp. 91-94.

Pour le courant doctrinal général sur cette question, voir SCHWEIGMAN(David), The Authority of the Se-curity Council under Chapter VII of the UN Charter, The Hague, Kluwer, 2001, pp. 210-285 et les ouvragescités ; de WET(Erika), The Chapter VII Powers of the United Nations Security Council , Oxford, Hart, 2004, pp.25-129 et les ouvrages cités.15 La doctrine propose un large éventail de réformes institutionnelles ou procédurales en vue de régler les dif-férends portant sur la validité des actes des organisations internationales. Pour ce qui est de l’Unioneuropéenne, voir MAYER(Franz C.), Kompetenzüberschreitung und Letztentscheidung : Das Maastricht-Urteildes Bundesverfassungsgerichts und die Letztentscheidung über Ultra vires-Akte in Mehrebenensystemen,München, Beck, 2000, S. 326-345. Le projet de la «Constitution pour l’Europe» vise à établir un «systèmed’alerte précoce» dans le Protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité dont l’ar-ticle 4 stipule que : «La Commission transmet ses projets d’actes législatifs européens ainsi que ses projetsmodifiés aux parlements nationaux en même temps qu au législateur de l’Union» : texte disponible à http : //europa.eu.int/constitution/download/protocols_annexes_FR.pdf/

Nous nous bornerons, dans la presénte étude, aux analyses de lege lata.16 IDA, supra note 1, pp. 451-452.17 D’aucuns affirment cette position qui nous paraît peu défendable : «The nature of a mechanism providingfor binding judicial resolution is that a state has to live with the risk of an adverse decision» : WEILER & HAL-TERN, supra note 5, p. 429. Voir aussi ZULEEG(Manfred), «The European Constitution under ConstitutionalConstraints», E.L.Rev., vol. 22, 1997, p. 32.18 «[O]n that view [= celle de WEILER et HALTERN], a judgment of the court maintaining in force a Commis-sion regulation setting up a European army would not amount to [enlarging the Community’s powers]» :SCHILLING(Theodor), «Rejoinder : The Autonomy of the Community Legal Order, in Particular : TheKompetenz-Kompetenz of the ECJ», NYU School of Law, Jean Monnet Center, 1996, disponible à http : //www.jeanmonnetprogram.org/papers/96/9610-Rejoinde.html/

Louis FAVOREU soutient que «[l]es Etats ne se sont nullement engagés à respecter une jurisprudence très«activiste» dont ils ne pouvaient en aucune manière soupçonner l’étendue et la portée il y a 40 ans» : Dialogueentre Louis FAVOREU et Henri OBERDORFF «Droit constitutionnel et droit communautaire», R.M.C.U.E ., no

435, 2000, p. 95.En ce qui concerne les autres organisations internationales, voir AMERASINGHE, supra note 12, p. 166.

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considèrent comme nulles et non avenues pour excès de pouvoir19. La doc-trine20, bien que de nombreux auteurs affirment que ce «pouvoir de derniermot» se limite aux cas d’excès de pouvoir «manifeste», ne tente ni d’en élu-cider le fondement, ni d’examiner les questions que soulève la pratique ré-cente qui consiste à constater de manière unilatérale la nullité des actes desorganisations internationales21.

Nous allons d’abord examiner les précédents qui semblent attester l’ex-istence du «pouvoir de dernier mot»(I.)et considérer ensuite la question desavoir s’il s’agit réellement d’un «pouvoir»(II.).

I. La pratique en faveur du «pouvoir de dernier mot»

A. L’Organisation des Nations Unies

Il convient d’ouvrir notre enquête par une brève étude rétrospective, carc’est dans l’affaire de certaines dépenses que la notion du «pouvoir de derniermot» vit le jour.

19 Sont ainsi exclus de notre étude les problèmes soulevés dans les cas où l’un ou des Etats membres d’une or-ganisation internationale se comportent d’une manière incompatible avec un acte obligatoire de cette organisa-tion afin de s’acquitter d’une autre obligation internationale. Un exemple qui suscite récemment l’intérêt de ladoctrine est le conflit éventuel entre une résolution obligatoire du Conseil de sécurité de l’ONU et des normes in-ternationales des droits de l’homme. Voir de WET(Erika)& NOLLKAEMPER(André), «Review of SecurityCouncil Decisions by National Courts», German Yb.Int’l L., vol. 45 [2002], pp. 166-202 ; de WET(Erika), «TheRole of Human Rights in Limiting the Enforcement Power of the Security Council», in de WET & NOLLKAEM-PER eds., supra note 13, pp. 7-29 ; KAPTEYN(P.J.G.), «The Role of the ECJ in Implementing Security CouncilResolutions», in de WET(Erika)& NOLLKAEMPER(Andre)eds, supra note 13, p. 62 ; HERDEGEN(Matthias), «Review of the Security Council by National Courts», in de WET & NOLLKAEMPER eds, supranote 13, pp. 80-81.20 POLITIS(Nicolas), La jusitce internationale, 2e éd., Paris, Hachette, 1924, pp. 78-80 ; POLLUX, «The Inter-pretation of the Charter», B.Y.B.I.L., vol. 23 [1946], p. 57 ; VERZIJL(J.H.W.), «Certain Expenses of the UnitedNations», Nederlands Tijdschrift voor Internationaal Recht, vol. 10, 1963, p. 23 ; ARANGIO-RUIZ(Gaetano),«The Normative Role of the General Assembly of the United Nations and the Declaration of Principles ofFriendly Relations», R.C.A.D.I ., t. 137 [1972-III], p. 655 ; CIOBANU(Dan), Preliminary Objections Related tothe Jurisdiction of the United Nations Political Organs, The Hague, Nijhoff, 1975, pp. 173-179 ; GILL(T.D.),«Legal and Some Political Limitations on the Power of the UN Security Council to Exercise Its EnforcementPowers under Chapter VII of the Charter», Neth.Yb.Int’l L., vol. 26, 1995, p. 110 ; SCHERMERS(Henry G.)& BLOKKER(Niels M.), International Institutional Law, 3rd rev. ed., 1995, The Hague, Nijhoff, p. 576 ; AM-ERASINGHE, supra note 12, p. 174 ; BERNHARDT, supra note 4, pp. 604, 608 ; FRAAS(Michael), Sicher-heitsrat der Vereinten Nationen und Internationaler Gerichtshof, Frankfurt am Main, Peter Lang, 1998, S. 104 ;DEEN-RACSMÁNY(Zsuzsanna), «The ICC, Peacekeepers and Resolution 1422 : Will the Court Defer to theCouncil ?», NILR , vol. 49, 2002, p. 385 ; CAHIN(Gérard), «La notion de pouvoir discrétionnaire appliquée auxorganisations internationales», R.G.D.I.P., t. 107, 2003, pp. 589-590. Sur le droit européen, EVERLING(Ulrich),«The Maastricht Judgment of the German Federal Constitutional Court and its Significance for the Develop-ment of the European Union», Yb. European L, vol. 14, 1994, pp. 12-14 ; FROWEIN(Jochen Abr.), «DasMaastricht-Urteil und die Grenzen der Verfassungsgerichtsbarkeit», ZaöRV , Bd. 54, 1994, pp. 9-10 ; RESS(Georg), «Decision concerning the Maastricht Treaty of October 12, 1993», Am.J.Int’l L., vol. 88, 1994, p. 547 ;voir aussi HARTLEY(Trevor C.), Constitutional Problems of the European Union, Oxford, Hart Publishing,1999, p. 161.21 Seul Jean MATRINGE a examiné d’une manière globale la pratique du «pouvoir» de dernier mot : MA-TRINGE(Jean), La contestation des actes unilatéraux des organisations internationales par les Etats membres,thèse, Paris II, 2000, 525 p. Notre étude traite des événements survenus depuis la parution de sa thèse et tentede développer une analyse plus théorique.

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1. L’Assemblée générale

Les décisions de l’Assemblée générale en matière budgétaire ont uneforce obligatoire22. Il est pourtant bien connu qu’elles ne sont pas toujoursrespectées. En fait, c’est dans une affaire relative aux questions budgétairesqu’est née la notion de «pouvoir de dernier mot».

a)L’affaire de certaines dépenses

Il est inutile de détailler ici le déroulement des faits qui aboutit au célè-bre avis consultatif rendu le 20 juillet 196223. Plusieurs Etats membres desNations Unies ont soutenu que les dépenses autorisées par l’Assemblée gén-érale au titre de la Force d’urgence des Nations Unies(FUNU)et des opéra-tions des Nations Unies au Congo(ONUC)ne constituaient pas des «dé-penses» de l’ONU au sens du paragraphe 2 de l’article 17 de la Charte, parceque les résolutions de l’Assemblée établissant ces deux opérations étaient, àleurs yeux, entachées de nullité pour excès de pouvoir. Sans se prononcersur la validité des résolutions établissant les opérations en question, la Coura clairement affirmé la présomption de validité des résolutions autorisantces dépenses en déclarant :

«[E]ach organ must, in the first place at least, determine its own jurisdiction.If the Security Council, for example, adopts a resolution purportedly for themaintenance of international peace and security and if, in accordance with amandate or authorization in such resolution, the Secretary-General incursfinancial obligations, these amounts must be presumed to constitute “ex-penses of the Organization”»24.

La Cour ne trouvait en l’espèce aucun élément qui justifierait le ren-versement de la présomption de validité25.

Cet avis de la Cour se fit accepter par l’Assemblée générale elle-même26,mais non par deux des membres permanents du Conseil de sécurité, laFrance et l’URSS, aux yeux desquels les résolutions en question étaientnulles pour excès de pouvoir27. Ces deux Etats continuèrent ainsi à refuserde payer les contributions nécessaires pour lesdites deux opérations demaintien de la paix.

La suite de l’affaire est bien connue. L’Assemblée générale adopta le

22 L’article 17, paragraphe 1 de la Charte.23 Certain Expenses of the United Nations, supra note 2, p. 151.24 Ibid , p. 168. Nous citons le texte faisant foi, qui est l’anglais en l’espèce.25 Ibid , pp. 170-179.26 ONU Doc. A/RES/1854 A(XVII), l’alinéa unique.27 Voir France, ONU Doc. A/C.5/SR.962(1962), paras. 18-19 ; A/C.5/SR.998(1963), paras. 20-24. Soviet Union,A/C.5/SR.986(1963), paras. 5-13. Voir aussi, Czechoslovakia, A/C.5/SR.965(1962), para. 16.

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rapport d’un comité spécial proposant que la question de l’applicabilité del’article 19 de la Charte ne fût pas soulevée et que les difficultés financièresde l’Organisation furent résolues par des contributions volontaires28.«Depuis cette date, les rapports du Secrétaire général relatifs à l’applicationde l’article 19 ont cessé de comprendre les arriérés relatifs à ces deux opéra-tions»29. La France et l’URSS ont ainsi obtenu le résultat qu’elles avaientvoulu30.

Ce résultat, qui est certes le fruit d’un compromis purement politique,montre clairement les limites de la présomption de validité des actes d’uneorganisation internationale.

En fait, plusieurs juges de la CIJ soutenaient dans leurs opinions que laprésomption de validité ne s’appliquait pas toujours. Sir Gerald Fitzmauriceà qui l’on doit l’expression «pouvoir de dernier mot(last resort right)», af-firme, dans son opinion individuelle, :

«The real question... is whether such a ruling [la décision de l’Assemblée gén-érale sur le budget] would have to be regarded as final. In the course of theoral proceedings, the Court was in effect invited to take the view that thiswould be the case... It amounts to saying that even if, on an objective and im-partial assessment, given expenditures had in fact been invalidly and im-properly incurred or authorized, they would nevertheless stand automati-cally validated by the act of the Assembly... This is a view which I am unableto accept... [A] degree of power, if not unlimited, certainly much greater thanwas ever contemplated in the framing of the Charter, would be placed in thehands of the Assembly... [P]ossibilities... are perhaps not very serious, solong as Member States retain at least a last resort right not to pay»31.

Les juges Morelli32 et Winiarski33 reconnaissent également aux Etats

28 Rapport du comité spécial, A/5916/Add.1(1965);A/AC.121/SR.18(1965), p. 3 ; Yb.U.N ., 1965, p. 16.29 SCHRICKE(Christian), «Article 19», COT(Jean-Pierre)& PELLET(Alain), sous la direction de, LaCharte des Nations Unies, 2e éd., Paris, Economica, 1991, p. 399. Sur les problèmes du financement soulevés àla suite de cette décision de l’Assemblee générale, voir MARTINEZ(Jean-Claude), «Le financement des opéra-tions de maintien de la paix de l’Organisation des Nations Unies», R.G.D.I.P ., t. 81, 1977, pp. 102-166.30 Selon ALVAREZ, la France a ensuite payé un montant symbolique et fait des contributions pour amortir lesobligations emises par l’ONU pour couvrir le déficit résultant des dépenses extraordinaires à la suite des opéra-tions au Congo(A/RES/1739(XVI)):ALVAREZ(José E.), «Financial Responsibility», in SCHACHTER(Os-car)& JOYNER(Christopher C.)eds., United Nations Legal Order, vol. 2, Cambridge, Cambridge Univ.Pr.,1995, p. 1100, n. 48.31 Separate Opinion of Judge Sir Gerald Fitzmaurice, supra note 5, pp. 203-204.32 «Si un acte émis par un organe des Nations Unies doit être considéré comme un acte invalide, une telle in-validité ne pourrait consister que dans la nullité absolue de l’acte... Un acte de l’Organisation qui serait consid-éré comme invalide, justement parce qu’il s’agirait d’un acte absolument nul, serait un acte ne produisant pasd’effets juridiques. L’inefficacité d’un tel acte pourrait être de tout temps invoquée et constatée» : Opinion indi-viduelle de M. Morelli, supra note 12, p. 222 [Les italiques sont dans le texte].33 «C’est l’État qui se croit lésé qui rejette lui-même un acte juridique entaché à son avis de nullité.Évidemment, c’est une décision grave, à laquelle on ne saurait avoir recours que dans des cas exceptionnels,mais quelquefois inévitable et reconnue comme telle par le droit international» : Opinion dissidente de M.Winiarski, Président, Certaines dépenses des Nations Unies, C.I.J. Recueil 1962, p. 232.

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membres le pouvoir de constater unilatéralement la nullité d’un acte del’ONU.

Ce qui est important dans cette affaire est le fait que certains Etats quiconsidéraient les résolutions pertinentes comme ayant été adoptées intra vi-res semblaient reconnaître, du moins en théorie, ce «pouvoir de derniermot»34.

b) Le budget de la Commission préparatoire de l’Autorité internationaledes fonds marins et du Tribunal international du droit de la mer

Les Etats-Unis ont refusé de payer une part de leur contribution àl’ONU correspondant à des dépenses relatives à la commission préparatoirecréée par la troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer35.Face à la décision de l’Assemblée générale d’ «[a]pprouve[r] l’imputation desdépenses de la Commission préparatoire au budget ordinaire de l’Organisa-tion des Nations Unies»36, le président Reagan a déclaré que :

«[i]t is not a proper expense of the United Nations within the meaning of itsown Charter, as the Law of the Sea Preparatory Commission is legally inde-pendent of and distinct from the U.N. It is not a U.N. subsidiary organ andnot answerable to that body. Membership in the U.N. does not obligate amember to finance or otherwise support this Law of the Sea organization...In this light, I have decided that the United States will withhold its pro ratashare of the cost to the United Nations budget of funding the PreparatoryCommission»37.

Les renseignements disponibles ne nous permettent pas de suivre le dé-nouement de ce problème38 : l’une des raisons en est précisément que les

34 «These resolutions [= the resolutions establishing UNEF and ONUC] are themselves interpretations of theCharter holding that the actions taken are within the powers granted to the organ adopting the Resolution. Un-til they are authoritatively set aside, persons or States dealing with the Organization in respect of matters cov-ered by the Resolutions were entitled to regard them as valid and effective, at least in the absence of an impor-tant irregularity in the procedure by which they were adopted or a substantive invalidity so patent as to amountto a manifest usurpation» : Oral Statement of Mr. Chayes, representing the Government of the United States ofAmerica, Public hearing of 21 May 1962, I.C.J. Pleadings, Certain expenses of the United Nations(Article 17,paragraph 2, of the Charter), pp. 415-516 [c’est nous qui soulignons].

«The budgetary power was in the Assembly which... was under a duty to exercise it in such a manner as tohonour the obligations arising out of lawful acts or decisions by other organs of the United Nations». «In certaincontingencies it may be admitted that the fiscal power cannot be exercised in relation to an invalid decision bythe competent organ... If, nevertheless, the General Assembly, invoking its autonomous fiscal power, approvesthe expense and assesses it against Member States, it seems justified to conclude that no Member State is undera legal obligation to pay its share» : Written Statement of the Kingdom of Denmark, I.C.J. Pleadings, Certainexpenses of the United Nations(Article 17, paragraph 2, of the Charter), p. 150, p. 153.35 Acte final de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, Annexe I, Résolution I «Créa-tion de la Commission préparatoire de l’Autorité internationale des fonds marins et du Tribunal internationaldu droit de la mer», disponible à http : //www.un.org/Depts/los/convention_agreements/texts/acte_final_fr.pdf/36 ONU Doc. A/RES/37/66(1982), par. 9.37 Statement on the Withholding of United States Funds from the Law of the Sea Preparatory Commission,December 30, 1982, Public Papers of the Presidents of the United States, Ronald Reagan, 1982, Washington D.C.,United States Government Printing Office, p. 1652. Voir aussi Mr. Adelman(United States of America), UNDoc. A/37/PV.91(1982), p. 1509, para. 110.

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Etats-Unis continuent de refuser de payer une part considérable de leurscontributions pour une variété de motifs...39

2. Le Conseil de sécurité

Depuis la guerre du Golfe, le Conseil de sécurité s’est montré très créa-tif en adoptant un éventail de mesures qui auraient été inimaginables en pé-riode de guerre froide : l’«autorisation» ou l’habilitation à l’emploi de la force,le recours fréquent aux sanctions prises sur la base du Chapitre VII, l’étab-lissement de tribunaux penaux internationaux...

Cette «relance» de la sécurité collective a d’abord été accueillie favor-ablement mais l’on s’est vite aperçu de nombreux problèmes qu’elle pourraitfaire surgir. Les dangers d’un éventuel abus de pouvoir font naturellementsonger aux possibilités d’un contrôle judiciaire, par exemple par la CIJ, duConseil de sécurité. Pourtant, même si des considérations juridiques nousconduisent à reconnaître la possibilité d’un tel contrôle, l’on sait que poli-tiquement l’organe judiciaire concerné peut difficilement s’exprimer, commeon l’a vu dans les affaires Lockerbie40.

D’où la renaissance du «pouvoir de dernier mot» : la pratique semble eneffet pencher pour la reconnaissance de ce pouvoir.

Il n’est pas rare qu’un Etat membre proteste contre la validité d’unerésolution du Conseil de sécurité, mais une simple protestation ne soulèveaucun problème juridique. Le problème surgit lorsqu’un ou des Etats mem-bres de l’ONU prennent, sur la base d’une prétention unilatérale à la nullitéd’une résolution obligatoire du Conseil, des mesures concrètes qui ne s’y con-forment pas.

a)L’Affaire Milosevic

La création du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie parune résolution du Conseil de sécurité fut un événement significatif d’exten-sion du pouvoir du Conseil41. La chambre d’appel du Tribunal a en effet dû

38 Voir par ex. HYNES(Patrick J.), «United Nations Financing of the Law of the Sea Preparatory Commis-sion», Fordham Int l L.J ., vol. 6, 1983, pp. 472-500.39 Dans les autres cas, pourtant, le gouvernement des Etats-Unis ne fournit pas de justification juridique pourleur non-paiement. ALVAREZ(José E.), «Legal Remedies and the United Nations’ à la carte Problem», Mich.J.Int l L., vol. 12, 1991, pp. 242-246 ; ALVAREZ, supra note 30, p. 1102.40 SOREL(Jean-Marc), «L’épilogue des affaires dites de Lockerbie devant la C.I.J.», R.G.D.I.P ., t. 107, 2003,pp. 933-946.41 DUPUY(Pierre-Marie), «Le maintien de la paix», in DUPUY(René-Jean), sous la direction de, Manuel surles organisations internationales, 2e éd., Dordrecht, Nijhoff, 1998, p. 588.

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�répondre dans sa première affaire Tadic42 à l’accusé qui soutenait la nullitéde la création du TPIY.

La validité de la résolution 827 est également mise en cause devant untribunal néerlandais dans la célèbre affaire Milosevic.

En 2001, Slobodan Milosevic est arrêté à Belgrade et transféré au Tri-bunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. L’ancien président yougo-slave conteste la «légalité» de la création du TPIY non seulement devant cetribunal international lui-même43, mais encore devant un tribunal néerlan-dais qu’il a saisi en référé. Selon Milosevic, «[t]he Security Council is notcompetent to establish an international tribunal» et «the Tribunal shouldhave been established by an international convention, or... its establishmentshould at least have been based on a motion adopted by the UN General As-sembly»44. Il demande ainsi à la Cour régionale de La Haye d’ordonner augouvernement néerlandais de le libérer. Le gouvernement néerlandais,quant a lui, soutient que seul le TPIY peut décider la libération d’un accusétransféré à ce tribunal pénal international45.

Le président de la Cour régionale de La Haye a estimé, par sa décisiondu 31 août 2001, que :

«[Le gouvernement néerlandais] holds that it has been expressly acknowl-edged, both in domestic and international law, that the Tribunal possessesexclusive competence within the Dutch legal order to decide on the depriva-tion of liberty of persons facing charges before the Tribunal, and that this isnot a matter for the Netherlands.

To answer the question of competence, however, it is first necessary to ad-dress the plaintiff’s contentions regarding the Tribunal’s legal basis, or legalvalidity, which he challenges. After all, were it to be ruled at law that theTribunal possesses no legal validity, this would necessarily lead to the con-clusion that the President is competent to hear the principal application forrelease in interlocutory injunction proceedings...

The issue of the Security Council’s competence has already been dealt with atlength by Trial Chamber II(Decision of 10 August 1995)and the Appeals�Chamber of the Tribunal(Prosecutor v. D. Tadic).The latter eventually

�42 Tadic, supra note 9, par. 26-48.43 La Chambre de première instance a rejeté le moyen relatif à la validité de la création du Tribunal avancépar l’accusé. Prosecutor v. Slobodan Milosevic, Decision on Preliminary Motions, IT-99-37-PT, 8 November 2001,paras. 5-11.44 Judgment in the Interlocutory Injunction Proceedings Slobodan Milosevic v. The Netherlands, President ofthe Hague District Court, 31 August 2001, case number KG 01/975, NILR , vol. 48, 2001, pp. 359-360.45 Ibid , p. 360.

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ruled on appeal... that the Security Council’s competence can be based onChapter VII of the UN Charter...

Contrary to what the plaintiff apparently believes, it has by no means beenestablished that the decision of 2 October 1995 is incorrect or that thegrounds on which it was reached were unsound... [T]he plaintiff’s conten-tions in this regard do not place the matter in a new light»46.

Le président de la Cour régionale de La Haye considérait ainsi qu’il sedotait d’un pouvoir de se prononcer sur la validité d’un acte du Conseil de sé-curité. Considérait-il pouvoir également se prononcer sur la nullité d’un actedu Conseil de sécurité ?47 Le texte de la décision cité ci-dessus nous faitpencher vers l’affirmative4849.

b)Les résolutions 1422(2002)et 1487(2003)

Les Etats-Unis, cherchant à empêcher toute possibilité de comparutionde leurs ressortissants devant la Cour pénale internationale, affirment vig-oureusement que les ressortissants des Etats non parties au statut de laCour50 doivent bénéficier d’une immunité. Ils réussirent en 2002 à faireadopter une résolution par laquelle le Conseil, «agissant en vertu duChapitre VII de la Charte des Nations Unies»,

«[d]emande, conformément à l’article 16 du Statut de Rome, que, s’il surve-nait une affaire concernant des responsables ou des personnels en activité oud’anciens responsables ou personnels d’un Etat contributeur qui n’est paspartie au Statut de Rome à raison d’actes ou d’omissions liés à des opérations

46 Ibid .47 D’après la jurisprudence établie de la Cour de justice des communautés européennes, le juge national peutconclure qu’un acte commuanutaire est valable mais, s’il estime que cet acte n’est pas valable, il est tenu de ren-voyer la question à la CJCE. Foto-Frost c. Hauptzollamt Lübeck-Ost, demande de décision préjudicielle forméepar le Finanzgericht Hamburg, 314/85, le 22 octobre 1987, R. 4230-31.48 «[The president of the Court] could have refrained from entering into the question of the legality of the es-tablishment of the ICTY... That he nevertheless dealt with these issues illustrates that the Dutch courts, andprobably not only Dutch courts, find it difficult to rely simply on binding Security Council resolutions and na-tional implementation acts thereof without looking for any further justification, especially where vitally impor-tant matters such as the protection of elementary human rights and the safeguarding of fundamental conceptsof fairness and justice are at stake» : LAMMERS(Johan G.), «Challenging the Establishment of the ICTY be-fore the Dutch Courts : the Case of Slobodan Milosevic v. The Netherlands», in de WET(Erika)& NOLL-KAEMPER(André)eds., supra note 13, p. 111.49 Milosevic, après avoir formé un appel, s’en est désisté le 17 janvier 2002. ASCENSIO(Hervé)& MAISON(Raphaëlle), «L’activité des tribunaux pénaux internationaux(2001)»,A.F.D.I ., t. 47 [2001], p. 248. Bien qu’ilait porté plainte devant la Cour européenne des droits de l’homme, celle-ci a déclaré la réclamation irrecevable,précisément parce que le demandeur n’avait pas, selon la Cour, épuisé les voies de recours internes. CEDH, Slo-bodan Milosevic c. Pays-Bas, Décision sur la recevabilité, 19 mars 2002, requéte no 77631/01 : texte disponible àhttp : //www.echr.coe.int/.50 Le gouvernement des Etats-Unis a notifié, le 5 mai 2002, au Secrétaire général des Nations Unies son in-tention de ne pas ratifier le statut de la Cour et exprimé sa volonté d’être délié de toute obligation qui pourraitrésulter de leur signature. Letter to UN Secretary General Kofi Annan from Under Secretary of State for ArmsControl and International Security John R. Bolton, May 6, 2002, available at http : //www.state.gov/r/pa/prs/ps/2002/9968.htm/ Voir aussi SWAINE(Edward T.), «Unsigning», Stan.L.Rev., vol. 55, 2003, pp. 2061-2089.

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établies ou autorisées par l’Organisation des Nations Unies, la Cour pénaleinternationale, pendant une période de 12 mois commençant le 1er juillet2002, n’engage ni ne mène aucune enquête ou aucune poursuite, sauf si leConseil de sécurité en décide autrement»51.

Le Conseil a adopté en 2003 une résolution qui prolongeait ce délai d’un an52.

Ces résolutions, fruits d’intenses négociations et de compromis poli-tiques53, se sont fait la cible de vives critiques54. La Jordanie et le Samoa ontexprimé leur doute sur la validité de telles résolutions55. Le Canada est alléjusqu’à suggérer qu’il se dotait du «pouvoir de dernier mot», en déclarantque :

«en l’absence de menace à la paix et à la sécurité internationales, en adoptantau titre du Chapitre VII un projet de résolution du type de ceux qui circulent,le Conseil, à notre avis, irait au-delà des pouvoirs que lui confie son mandat...C’est pourquoi l’adoption des projets de résolution en circulation pourraitmettre le Canada � et en réalité d’autres Membres de l’Organisation �dans une situation inédite en l’obligeant à examiner la légalité d’une résolu-tion du Conseil de sécurité»56.

La Cour pénale internationale n’a pas ouvert d’enquêtes qui auraientété incompatibles avec lesdites résolutions. Il est impossible, dans les lim-ites des renseignements disponibles, de savoir si la CPI reconnaissait la va-

51 ONU Doc. S/RES/1422(2002), par. 1.52 ONU Doc. S/RES/1487(2003), par. 1. Les Etats-Unis ont pourtant décidé, le 23 juin 2004, de ne pas deman-der au Conseil de renouveler cette exemption. Centre de nouvelles de l’ONU, «Cour pénale internationale : KofiAnnan se félicite de la décision des Etats-Unis de renoncer à leur demande d’exemption», le 23 juin 2004, dis-ponible à http : //www.un.org/french/newscentre/ Voir infra note 107 et le texte correspondant.53 L’Union européenne s’est félicitée de l’adoption de la résolution 1422(2002).Declaration by the Presidencyof the European Union on the UN Security Council’s unanimous decisions concerning Bosnia-Herzegovina/In-ternational Criminal Court, Brussels, 13 July 2002, disponible à http : //ue.eu.int/uedocs/cmsUpload/ICC 27 EN.pdf/54 La doctrine est profondément divisée. Certains auteurs affirment que l’adoption de la résolution 1422(2002)n’est pas compatible avec la Charte des Nations Unies : HERBST(Jochen), «Immunität von Angehöri-gen der U.S. : Streitkräfte vor der Strafverfolgung durch den IstGH ?», EuGRZ , 2002, S. 588 ; EL ZEIDY(Mo-hamed), «The United States Dropped the Atomic Bomb of Article 16 of the ICC Statute : Security Council Powerof Deferrals and Resolution 1422», Vand.J.Transnat’l L., vol. 35, 2002, pp. 1524-1533 ; HESELHAUS(Se-bastian), «Resolution 1422(2002)des Sicherheitsrates zur Begrenzung der Tätigkeit des Internationalen Straf-gerichtshofs», ZaöRV , Bd. 62, 2002, S. 931-934 ; ZIMMERMANN(Andreas), «“Acting under Chapter VII(...)”� Resolution 1422 and Possible Limits of the Powers of the Security Council», in Verhandeln für den Frieden :Liber Amicorum Tono Eitel , Berlin, Springer, 2003, pp. 262-266, 277 ; voir aussi TAVERNIER(Paul), «Annéedes Nations Unies 24 décembre 2001-20 décembre 2002 : Problèmes juridiques» , A.F.D.I ., t. 48 [2002], p. 540.

Egalement nombreux sont pourtant ceux qui soutiennent que l’adoption desdites résolutions tombe dans leslimites des compétences très étendues du Conseil : MACPHERSON(Bryan), «Authority of the Security Councilto Exempt Peacekeepers from International Criminal Court Proceedings», ASIL Insights, July 2002, availableat http : //www.asil.org/insights/insigh 89.htm/ ; STAHN(Carsten), «The Ambiguities of Security Coundil Reso-lution 1422(2002)»,E.J.I.L., vol. 14, 2003, p. 98 ; FRITSCHE(Claudia), «Security Council Resolution 1422 :Peacekeepeing and the International Criminal Court», in Verhandeln für den Frieden : Liber Amicorum TonoEitel , Berlin, Springer, 2003, p. 115 ; ZAPPALA(Salvatore), «The Reaction of the US to the Entry into Force ofthe ICC Statute», J.of Int’l Criminal Justice, vol. 1, 2003, p. 119.55 Prince Zeid Ra’ad Zeid Al-Hussein(Jordanie), ONU Doc. S/PV. 4568(2002), p. 17 ; Slade(Samoa), S/PV.4568(Resumption 1)(2002), p. 7.

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lidité des résolutions du Conseil en question57.

c)L’O.U.A. contre les sanctions imposées à la Libye

A la suite des attentats à la bombe contre l’avion assurant le vol PanAm 103 du 21 décembre 1988(l’affaire dite Lockerbie)et contre l’appareilassurant le vol UTA 772 du 19 septembre 1989, le Conseil de sécurité, «agis-sant en vertu du Chapitre VII de la Charte», a adopté les résolutions 748(1992)58 et 883(1993)pour obliger la Libye à livrer aux Etats-Unis, à laFrance ou au Royaume-Uni, les suspects libyens impliqués dans les deux at-tentats.

Six ans après l’adoption de ces deux résolutions59, la Conférence desChefs d’État et de Gouvernement de l’Organisation de l’Unité Africaine apris, le 10 juin 1998, une décision par laquelle la Conférence :

«[d]écide de cesser, à compter de septembre 1998, de respecter les résolutions748(1992)et 883(1993)du Conseil de sécurité relatives aux sanctions si,en juillet 1998, date à laquelle la question des sanctions doit être examinée,les États-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Ir-lande du Nord continuent de refuser que les deux suspects soient jugés dansun pays tiers neutre conformément à l’arrêt de la Cour internationale deJustice, cette décision étant motivée par le fait que, d’une part, lesdites réso-lutions sont contraires au paragraphe 3 de l’Article 27, à l’Article 33 et auparagraphe 3 de l’Article 36 de la Charte des Nations Unies, et que, d’autre

56 M. Heinbecker(Canada), ONU Doc. S/PV.4568(2002), pp. 3-4. Voir aussi la résolution 1336(2003)de l’As-semblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui déclare que : «La Résolution 1422... constitue un excès depouvoir, dans la mesure où la condition posée par le chapitre VII de la Charte des Nations Unies»(par. 7);«Parconséquent, l’Assemblée... encourage la CPI, au cas où la situation rendrait opportune la Résolution 1422 ou letexte analogue qui lui succederait, à évaluer en toute indépendance la validité juridique et, le cas échéant, l’in-terprétation précise de toute demande adressée à la CPI en vertu de ladite résolution»(par.12, ii, e):http : //assembly.coe.int/57 Le Procureur de la CPI a annoncé, le 23 juin 2004 � sept jours avant l’expiration de la durée fixée par larésolution 1487(2003)�,sa décision d’ouvrir la première enquête de la CPI. CPI, Communiqué de presse, le23 juin 2004, disponible à http : //www.icc-cpi.int/newspoint/pressreleases/26.html/ Cette enquête ne vise pas«des responsables ou des personnels en activité ou d’anciens reponsables ou personnels d’un Etat contributeurqui n’est pas partie au Statut de Rome à raison d’actes ou d’omissions liés à des opérations établies ou autori-sées par l’Organisation des Nations Unies».58 Dans le paragraphe 1 de la résolution, le Conseil de sécurité «[d]écide que le Gouvernement libyen doit désor-mais appliquer sans le moindre délai le paragraphe 3 de la résolution 731(1992)contenant les demandes con-tenues dans les documents S/23306, S/23308 et S/23309» : ONU Doc. S/RES/748(1992). Le paragraphe 3 de larésolution 731(1992), auquel se réfère la résolution 748(1992), stipule que : «[Le Conseil de sécurité] [d]emandeinstamment aux autorités libyennes d’apporter immédiatement une réponse complète et effective à ces de-mandes [S/23306, S/23308 et S/23309] afin de contribuer à l’élimination du terrorisme internationale». LaFrance avait demandé à la Libye «[d]’autoriser les responsables officiels libyens à répondre à toute demande dujuge d’instruction chargé de l’information judiciaire» concernant l’attentat contre le DC 10 d’UTA qui avait fait171 morts le 19 septembre 1989 : ONU Doc. S/23306(1991).Les Etats-Unis et le Royaume Uni avaient déclaré,quant à eux, que la Libye devait livrer tous ceux qui étaient accusés de l’attentat, afin qu’ils soient traduits enjustice : ONU Doc. S/23308(1991), S/23309(1991).59 Sur le déroulement des faits qui s’achève à l’adoption de la décision de l’OUA, voir KALALA(Tshibangu), «Ladécision de l’O.U.A. de ne plus respecter les sanctions décrétées par l’O.N.U. contre la Libye : Désobéissance ci-vile des États africains à l’égard de l’O.N.U.», R.B.D.I ., t. 32, 1999, pp. 549-559.

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part, les sanctions ont cause un tort considérable, sur les plans humain etéconomique, à la Jamahiriya arabe libyenne et à un certain nombre d’autrespeuples d’Afrique»60.

Selon le rapport annuel du comité de sanction créé par la résolution 748(1992), de nombreux Etats africains ont violé l’embargo aérien61 à la suite dela décision de l’OUA62. Pourtant, à la 3920e séance du Conseil de sécurité, le27 août 1998, où a été adoptée la résolution 1192 qui «exige... que le Gou-vernement libyen se conforme immédiatement aux résolutions précitées[731, 748 et 883]»63, aucun membre du Conseil n’a mis en cause la décisionde l’OUA64. Le comité de sanction a néanmoins rappelé à plusieurs reprisesà ces Etats africains les dispositions de l’article 103 de la Charte65. Cette po-lémique engagée par des Etats africains désobeissants s’est vite fait oublierpuisque la sanction a été suspendue en avril 199966.

B. L’Union/Communauté européenne

Etant donné les articles 23167, 27468 et 29269 du Traité de Rome, il n’estpas étonnant que la CJCE, depuis la fameuse décision Foto-Frost70, s’at-tribue le pouvoir exclusif de se prononcer sur la validité ou la nullité desactes communautaires. Pourtant, malgré cette jurisprudence bien établie dela Cour européenne, plusieurs Etats membres semblent bien déterminés àconserver leur «pouvoir de dernier mot»71.

60 AHG/Dec.127(XXXIV).61 «[Le Conseil de sécurité] [d]écide également que tous les Etats :

a)Refuseront à tout aéronef la permission de décoller de leur territoire, d’y atterir ou de le survoler si leditaérionef prévoit d’atterir en territoire libyen ou s’il en a décollé» : ONU Doc. S/RES/748(1992), paragraphe 4.62 Burkina Faso, Erythrée, Gambie, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Nigeria, République démocratique du Congo,Soudan, Tchad et Tunisie. Rapport du Comité cu Conseil de sécurité créé par la résolution 748(1992)concernantla Jamahiriya arabe libyenne, ONU Doc. S/1998/1237, par. 12-14.63 ONU Doc. S/RES/1192(1998), paragraphe 1.64 ONU Doc. S/PV. 3920(1998).65 ONU Doc. S/1998/1237, par. 14 ; S/1999/1299, par. 7.66 ONU Doc. S/PRST/1999/10. La sanction a été ensuite levée en septembre 2003 : ONU Doc. S/RES/1506(2003).67 «Si le recours est fondé, la Cour de justice déclare nul et non avenu l’acte contesté».68 «La Cour de justice est compétente pour statuer, à titre préjudiciel:(a)sur l’interprétation du présenttraité...

Lorsqu’une telle question est soulevée devant une juridiction d’un des Etats membres, cette juridiction peut,si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de jus-tice de statuer sur cette question.

Lorsqu’une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont lesdécisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue desaisir la Cour de justice».69 «Les Etats membres s’engagent à ne pas soumettre un différend relatif à l’interprétation ou à l’applicationdu présent traité à un mode de règlement autre que ceux prévus par celui-ci».70 Foto-Frost, supra note 47, pp. 4230-31 ; Commission c. Allemagne, C-217/88, arrêt du 10 juillet 1990, R. I-2906.

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1. Allemagne

La résistance de la Bundesverfassungsgericht à la CJCE est si bien con-nue qu’il n’est pas besoin de s’y attarder72. L’arrêt le plus important à cetégard est sans doute celui dit «Maastricht», par lequel la Cour de Karlsruhea déclaré qu’elle possédait le pouvoir de déterminer si un acte communau-taire est adopté ou non dans la limite des compétences transférées.

Pour procéder à la ratification du traité de Maastricht signé le 7 février1992, le Bundestag et le Bundesrat ont adopté la loi de consentement73 et laloi modifiant la Grundgesetz74. Des adversaires au traité de Maastricht ontalors déposé devant la Cour constitutionnelle de nombreuses plaintes,parmi lesquelles celle fondée sur l’article 38 de la Grundgesetz accordantaux citoyens allemands le droit de suffrage, qui a été déclarée recevable parla Cour. Celle-ci a ensuite écarté sur le fond, cette plainte en déclarant que :

«[j]eder Beitritt zu einer zwischenstaatlichen Gemeinschaft75 hat zur Folge,daß das Mitglied einer solchen Gemeinschaft an deren Entscheidungen ge-bunden ist... Die Einräumung von Hoheitsbefugnissen hat zur Folge, daßderen Wahrnehmung nicht mehr stets vom Willen eines Mitgliedstaates al-lein abhängt. Hierin eine Verletzung des grundgesetzlichen Demokratieprin-

71 Nous voudrions qu’il soit bien clair que le «pouvoir de dernier mot», s’il existe, ne met pas nécessairementen cause la primauté des normes communautaires, affirmée par la CJCE(Costa c. ENEL, 6/64, le 15 juillet 1964,R. 1158 ; sur les constitutions des Etats membres, Internationale Handelsgesellschaft, 11/70, le 17 décembre1970, R. 533), mais pas parfaitement acceptée par des tribunaux de certains Etats membres(voir, par exemple,la décision du Conseil constitutionnel français du 10 juin 2004, no 2004-496 DC, dont le texte est disponible àhttp : //www.conseil-constitutionnel.fr/).Dans la présente étude, nous examinons la question de savoir qui a lepouvoir de déterminer si une norme communautaire, qui peut éventuellement avoir une valeur juridique supér-ieure aux normes coustitutionnelles internes, est adoptée dans les limites des compétences transférées par lestraités. En effet, le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe stipule, dans son article I-5 bis,que «[l]a Constitution et le droit adopté par les institutions de l’Union dans l’exercice des compétences qui luisont attribuées ont la primauté sur le droit des États membres»(c’est nous qui soulignons).«But the supremacyclause does not by itself say who should settle the question whether EC legislation is or is not ultra vires» :KUMM(Mattias)& COMELLA(Victor Ferreres), «The Future of Constitutional Conflict in the European Un-ion», NYU School of Law, Jean Monnet Center, Jean Monnet Working Paper 5/04, p. 9.72 Décision dites «Solange I», Beschluß vom 29. Mai 1974, BverfGE , 37, S. 271 ; «Solange II», Beschluß vom22. Oktober 1986, BverfGE , 73, S. 339 ; et «Banana», Beschluß vom 7. Juni 2000, BverfGE , 102, S. 147.73 Zustimmungsgesetz vom 28. 12. 1992 zum Vertrag über die Europäische Union, BGBl. 1992 II., S. 1251.74 Gesetz zur Änderung des Grundgesetzes vom 21. 12. 1992, BGBl. 1992 I, S. 2086.75 La Cour de Karlsruhe souligne en effet le caractère interétatique de l’Union européenne. «Die EuropäischeUnion ist nach ihrem Selbstverständnis als Union der Völker Europas(Art. A Abs.2 EUV)ein auf eine dyna-mische Entwicklung angelegter... Verbund demokratischer Staaten»(S. 184);«Der Unions-Vertrag begründet...einen Staatenverbund zur Verwirklichung einer immer engeren Union der� staatlich organisierten � VölkerEuropas(Art. A EUV), keinen sich auf ein europäisches Staatsvolk stützenden Staat»(S. 188).La doctrine endéduit que la Bundesverfassungsgericht assimile le droit européen au droit international : SCHWARZE(Jür-gen), «La ratification du Traité de Maastricht en Allemagne, l’arrêt de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe»,R.M.C.U.E ., no 378, 1994, p. 300. Nous n’avons pas besoin de participer ici au débat sur l’identité du droiteuropéen � donc celle de l’Union européenne �, qui a fait couler beaucoup d’encre(pour ne citer que deuxétudes francophones : SIMON(Denys), «Les fondements de l’autonomie du droit communautaire», in SFDI, col-loque de Bordeaux, Droit international et droit communautaire : Perspectives actuelles, Paris, Pedone, 2000, pp.207-249(«européaniste»);PELLET(Alain), «Les fondements juridiques internationaux du droit communau-taire», Recueil des cours de l’Académie de droit européen, vol. V-2, 1994, pp. 193-271(«internationaliste»).

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zips zu sehen, widerspräche nicht nur der Integrationsoffenheit desGrundgesetzes, die der Verfassungsgeber des Jahres 1949 gewollt und zumAusdruck gebracht hat ; es legte auch eine Vorstellung von Demokratiezugrunde, die jeden demokratischen Staat jenseits des Einstimmigkeitsprin-zips integrationsunfähig machte»76.

Cela ne veut pourtant pas dire, dit la Bundesverfassungsgericht, que lesEtats membres soient prêts à accepter tout acte communautaire. Selon laCour allemande,

«[w]eil der wahlberechtigte Deutsche sein Recht auf Teilnahme an der de-mokratischen Legitimation der mit der Ausübung von Hoheitsgewalt betrau-ten Einrichtungen und Organe wesentlich durch die Wahl des DeutschenBundestages wahrnimmt, muß der Bundestag auch über die MitgliedschaftDeutschlands in der Europäischen Union, ihren Fortbestand und ihreEntwicklung bestimmen...

Das bedeutet..., daß spätere wesentliche Änderungen des im Unions-Vertragangelegten Integrationsprogramms und seiner Handlungsermächtigungennicht mehr vom Zustimmungsgesetz zu diesem Vertrag gedeckt sind... Wür-den etwa europäische Einrichtungen oder Organe den Unions-Vertrag ineiner Weise handhaben oder fortbilden, die von dem Vertrag, wie er demdeutschen Zustimmungsgesetz zugrundeliegt, nicht mehr gedeckt wäre, sowären die daraus hervorgehenden Rechtsakte im deutschen Hoheitsbereichnicht verbindlich. Die deutschen Staatsorgane wären aus verfassungsrecht-lichen Gründen gehindert, diese Rechtsakte in Deutschland anzuwenden.Dementsprechend prüft das Bundesverfassungsgericht, ob Rechtsakte dereuropäischen Einrichtungen und Organe sich in den Grenzen der ihneneingeräumten Hoheitsrechte halten oder aus ihnen brechen» 77.

76 Bundesverfassungsgericht, 12. Oktober 1993, BverfGE, 89, S. 182-183. «Toute adhésion à une communautéinterétatique implique que les membres d’une telle communauté sont liés par les décisions de celle-ci... Le trans-fert de prérogatives de puissance publique entraîne que leur exercice ne dépend pas systématiquement de la vo-lonté d’un seul Etat membre. Y voir une violation du principe démocratique de la Loi fondamentale que le Con-stituant de l’année 1949 a voulue et exprimée ; cela supposerait aussi une conception de la démocratie qui, au-delà du principe d’unanimité, rendrait tout Etat incapable d’intégration» : traduction par Constance GREWE, R.U.D.H ., t. 5, 1993, p. 289.77 Bundesverfassungsgericht, supra note 76, S. 187-188 [c’est nous qui soulignons]. «Comme l’électeur alle-mand exerce son droit de prendre part à la légitimation démocratique des institutions et des autorités investiesde pouvoirs de puissance publique principalement par l’élection du Bundestag allemand, celui-ci doit égalementdécider de la participation de l’Allemagne à l’Union européenne, de sa persistance et de son développement...Cela signifie... que des modifications substantielles ultérieures du programme d’intégration contenu dans letraité d’Union et de ses autorisations de transfert ne sont plus couvertes par la loi d’incorporation au traité... Sipar exemple des institutions ou des organes européens utilisaient ou développaient le traité d’Union de manièreà ne plus recouvrir le traité tel qu’il a servi de fondement à la loi d’incorporation, les actes juridiques pris sur cefondement ne seraient plus obligatoires sur le territoire de la puissance publique allemande. Les autorités éta-tiques allemandes seraient empêchées, pour des raisons constitutionnelles, d’appliquer ces actes juridiques enAllemagne. C’est pourquoi la Cour constitutionnelle fédérale examine si les actes juridiques des institutions etorganes européens se tiennent dans les limites des droits de souveraineté concédés à eux ou s’ils s’en écartent» :traduction par GREWE, supra note 76, p. 290.

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Ainsi, la Cour de Karlsruhe affirme de façon claire le «pouvoir de der-nier mot» laissé aux Etats membres78.

2. Danemark

Au Danemark, comme en Allemagne, plusieurs citoyens ont portéplainte contre la loi danoise sur l’adhésion aux Communautés européennesqui était, selon eux, incompatible avec la Constitution danoise.

La Cour suprême danoise, sans doute encouragée par l’arrêt Maastrichtde la Bundesverfassungsgericht, a elle aussi déclaré maintenir le contrôle del’excès de pouvoir des actes communautaires :

«the courts of law cannot be deprived of their right to try questions as towhether an E.C. act of law exceeds the limits for the surrender of sovereigntymade by the Act of Accession. Therefore, Danish courts must rule that an E.C. act is inapplicable in Denmark if the extraordinary situation should arisethat with the required certainty it can be established that an E.C. act whichhas been upheld by the European Court of Justice is based on an applicationof the Treaty which lies beyond the surrender of sovereignty according to theAct of Accession»79.

C’est donc la Cour danoise qui détermine si les actes communautairesdemeurent ou non intra vires.

3. France

Malgré le texte de l’article 249 du traité de Rome, la CJCE a reconnu,dans son arrêt van Duyn80, l’applicabilité de l’effet direct des directives.Pourtant, aux yeux de la Haute Juridiction administrative française, laCommunauté européenne est dépourvue du pouvoir d’adopter des directivesavec effet direct. Ainsi, quatre ans après l’arrêt van Duyn, le Conseil d’Etata pu déclarer, dans son fameux arrêt Cohn-Bendit81 :

78 La Cour constitutionnelle allemande a affirmé, dans ses décisions citées dans la note 72, la supériorité decertaines dispositions constitutionnelles relatives aux droits de l’homme sur les normes communautaires. Maisil s’agissait de la supériorité dans l’ordre juridique allemand. En effet, la Cour constitutionnelle allemande re-connaissait explicitement, dans sa décision dite Solange I , que les problèmes dans l’ordre juridique communau-taire devraient être réglés par la Cour européenne. Beschluß vom 29. Mai 1974, supra note 72, S. 281. Ainsi,cette décision, bien qu’elle soit incompatible avec la primauté des actes communautaires sur le droit interne, lathèse établie par l’arrêt Costa c. ENEL, ne met pas en cause la compétence de la compétence de la CJCE, qui aété clairement désavouée par l’arrêt Maastricht. Voir GRIMM(Dieter), «La Cour européenne de justice et les ju-ridictions nationales, vues sous l’angle du droit constitutionnel allemand», Les Cahiers du Conseil constitution-nel , 1998, No 4, p. 74 ; KOKOTT(Juliane), «Report on Germany», in SLAUGHTER(Anne-Marie)et al. eds.,The European Court and National Courts, Oxford, Hart Publishing, 1998, p. 81.79 Carlsen v. Rasmussen, Danish Supreme Court, 6 April 1998, traduction anglaise in [1999] 3 C.M.L.R . 854,861-862. Le texte danois est disponible à : http : //www.eu-oplysningen.dk/lovstof/traktat/amsterdam/bilag/grundlov/80 van Duyn c. Home Office, 41/74, le 4 décembre 1974, R. 1348-1350, par. 12-15.

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«il ressort clairement de l’article 189 [249] du traité du 25 mars 1957 que sices directives lient les Etats membres «quant au résultat à atteindre» et si,pour atteindre le résultat qu’elles définissent, les autorités nationales sonttenues d’adapter la législation et la réglementation des Etats membres auxdirectives qui leur sont destinées, ces autorités restent seules compétentespour décider de la forme à donner à l’exécution des directives»82.

La directive n’étant pas applicable en l’espèce, la Haute Juridiction ad-ministrative n’a pas considéré qu’elle ait besoin de renvoyer à la CJCE desquestions relatives à son interprétation83, contrairement à ce qu’avait pro-posé le commissaire de gouvernement Genevois84. Ainsi, le Conseil d’Etatconstate les limites des compétences de la Communauté européenne d’unemaniére unilatérale85 et contradictoire à la jurisprudence de la CJCE.

4. Autres Etats membres

Bien que les positions des autres Etats membres soient difficiles àcerner, l’on suppose qu’ils considèrent généralement qu’ils gardent un pou-voir de se prononcer unilatéralement sur la nullité des actes communau-taires européennes adoptés manifestement ultra vires86.

81 Il s’agit d’une affaire qui oppose M. Daniel COHN-BENDIT au Ministre de l’Intérieur. Un arrêté du 25 mai1968 frappe M. COHN-BENDIT de nationalité allemande, le leader du mouvement étudiant de 1968 en France,d’expulsion du territoire français. Le Conseil d’Etat en admet la légalité par une décision du 9 janvier 1970(Rec.,p. 15).M. COHN-BENDIT demande en 1975 au Ministre de l’Intérieur d’abroger l’arrêté. Face à la décision derefus, il porte plainte devant le tribunal administratif de Paris. Celui-ci sursoit, par un jugement du 21 décem-bre 1977, à statuer en vue de poser à la CJCE en vertu de l’article 177 [234] du traité de Rome une questionpréjudicielle sur l’interprétation de la directive du Conseil 64/221 relative à la coordination des mesures spécia-les aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d’ordre public, de sécuritépublique ou de santé publique. Le Ministre de l’Intérieur, pourtant, relève appel de ce jugement et en sollicitel’annulation au motif que la directive 64/221 est étrangère au cas de M. COHN-BENDIT. Conclusions de M. GE-NEVOIS, commissaire du Gouvernement, R.T.D.E ., 1979, pp. 157-159.82 C.E. ass. 22 déc. 1978, Ministre de l’Intérieur c. Cohn-Bendit, Rec. p. 524.83 Ibid . p. 525.84 Conclusions de M. GENEVOIS, supra note 81, p. 166.85 Note ISAAC sous C.E. ass. 22 déc. 1978, Ministre de l’Intérieur c. Cohn-Bendit, Cahiers de droit européen ,1979, p. 277. Voir aussi Note KOVAR sous le même arrêt, JCP , 1979, II, 19158.86 «[I]t is a clearly expressed Swedish position that acts of Community law which stand in conflict with funda-mental individual rights safeguarded by the Swedish constitution, should not be given legal effect within thenational legal system. This follows from the fact that such an act is considered to fall outside the legislative com-petence attributed by Sweden to the Community institutions» : CRAMÉR(Per), «Recent Swedish Experienceswith Targeted UN Sanctions», in de WET(Erika)& NOLLKAEMPER(André)eds, supra note 13, p. 97.

Le gouvernement autrichien paraît adopter une position semblable : «[en ce qui concerne les «Ultra-vires-Akten»,] [a]us juristischer Sicht würden derart grob fehlerhafte Organakte nach Maßgabe ihrer Schwere undOffenkundigkeit auch ohne die ausdrückliche verfassungsrechtliche Statuierung von Integrationsschranken�insbesondere unter dem Gesichtspunkt der die verfassungsrechtliche Integrationsermächtigung begrenzendenGrundprinzipien der Bundesverfassung� nicht bestehen können und daher unter Umständen als absolutnichtig zu betrachten sein» Erläuterungen, 1546 Beilagen zu den Stenographischen Protokollen des National-rates XVIII, 1994, S. 7 [c’est nous qui soulignons]. Il s’agit d’un document qu’a soumis le gouvernementautrichien au parlement sur la question de l’accession autrichienne à l’Union européenne. Les actes «absolutnichtig» sont, en droit autrichen, «Geschäfte, die gegen Gesetze verstoßen, die dem Schutz von Allgemeininter-essen, der öffentlichen Ordnung und Sicherheit dienen. Jedermann kann sich auf die Nichtigkeit berufen, einebesondere Anfechtung ist nicht erforderlich» : KOZIOL(Helmut), Grundriss des bürgerlichen Rechts, Bd. I, 12.Aufl., Wien, Manzsche Verlags- und Universtätsbuchhandlung, 2002, S. 163. Voir aussi KOJA(Friedrich), All-gemeines Verwaltungsrecht, 3.Aufl., Wien, Manzsche Verlags- und Universitätsbuchhandlung, 1996, S. 568-572.Pour une interprétation plus réservée de l’attitude autrichienne, voir PEYROU-PISTOULET(Sylvie), «Droitconstitutionnel et droit communautaire», Revue française de droit constitutionnel , t. 46, 2001, p. 261.

Voir aussi «Fiches nationales synthétiques», Cahiers du Conseil constitutionnel , No 4, 1998, p. 89(Suède);CARTABIA(Marta), «The Italian Constitutional Court and the Relationship between the Italian Legal Systemand the European Union», in SLAUGHTER(Anne-Marie)et al. eds., supra note 78, pp. 142-144 ; CRAIG(P.P.), «Report on the United Kingdom», in SLAUGHTER(Anne-Marie)et al. eds., supra note 78, pp. 206-209.

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II. «Pouvoir» de dernier mot, prétention unilatérale à la nullité

Face à cette pratique constante, il est extrêmement difficile de soutenirqu’un acte d’une organisation internationale demeure valable jusqu’à cequ’il soit annulé par l’organisation elle-même ou un organe judiciaire compé-tent. La pratique montre que de nombreux Etats très différents du point devue économique, politique, idéologique ou géographique � USSR, France,Etats-Unis, Canada, Etats membres de l’OUA, Etats membres de l’UE� sedonnent le «pouvoir de dernier mot». Ce «pouvoir» ne se réduit donc pas àun simple outil politique dont seules les superpuissances peuvent se servirpour protéger leurs intérêts égoïstes.

En effet, comme nous l’avons vu au début de cette étude, la doctrined’aujourd’hui considère que les Etats membres sont libres d’ignorer un actepris par l’organisation internationale en excès de pouvoir «manifeste» parcequ’un tel acte ne bénéficie pas de la présomption de validité. La pratiqueque nous venons d’examiner dans le chapitre précédent semble confirmer cecourant doctrinal.

Mais, peut-on réellement parler d’un «pouvoir» de dernier mot ?

A. Unilatéralité de la prétention à la nullité

La logique sur laquelle se base ce «pouvoir» est simple87 :i) Les compétences d’une organisation internationale se fondent

sur son acte constitutif, qui est un traité international.ii) Puisqu’un traité consiste en l’accord des volontés des Etats par-

ties, les compétences d’une organisation internationale prennentleurs sources dans cet accord.

iii)La portée des compétences de l’organisation internationale nepeut alors être determinée que par chaque Etat membre, parceque les volontés des Etats membres ne peuvent être interprétéesque par eux-mêmes88.

87 Pour une position très originale fondée sur une analogie avec l’article 46 de la Convention de Vienne sur ledroit des traités, voir SCHMID(Christoph U.), «From Pont d’Avignon to Ponte Vecchio : The Resolution of Con-stitutional Conflicts between the European Union and the Member States through Principles of Public Interna-tional Law», Yb. European L., vol. 18 [1998], pp. 462-476.88 TAMMES(Arnold J.P.), «Decisions of International Organs as a Source of International Law», R.C.A.D.I ., t.94 [1958-II], pp. 338-339 ; SCHILLING(Theodor), «The Autonomy of the Community Legal Order», Harv. Int’lL.J ., vol. 37, 1996, p. 407. Voir aussi ROSENNE(Shabtai), The Law and Practice of the International Court,1920-1996, 3rd ed., The Hague, Kluwer, 1997, p. 852.

Une variante de cette thèse consiste à soutenir que : «[t]he ECJ acts ultra vires if it transgresses the limitsof legal interpretation and hands down decisions that in substance qualify as an amendment of the Treaty» :KUMM(Mattias), «Who is the Final Arbiter of Constitutionality in Europe?», C.M.L.Rev., vol. 36, 1999, p. 370.Cette position semble présupposer que les Cours nationales se dotent du pouvoir de déterminer si la CJCE afranchi ou non la «limite d’interprétation juridique».

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Bien que l’on puisse accepter les prémisses i)et ii)sans difficulté, la con-clusion iii)prête à discussion.

Il est vrai qu’un Etat, pour qu’il puisse se prononcer sur la nullité pourexcès de pouvoir d’un acte d’une organisation internationale dont il estmembre, doit logiquement se doter d’abord du pouvoir de définir les compé-tences de ladite organisation, et donc d’en interpréter le traité constitutif.

Mais, d’où vient ce pouvoir d’interprétation ? Une simple référence à lanotion omnipotente de «souveraineté» n’est pas suffisante, parce que lespouvoirs d’une organisation internationale se fondent sur son acte constitu-tif qui est un traité international89. Un Etat a-t-il le «pouvoir» de déterminer,par une décision unilatérale, la portée et/ou le contenu d’un traité auquel ilest partie ? Si un Etat prétend qu’un acte d’une organisation internationaleest entaché de nullité à cause d’un excès de pouvoir «manifeste», cette pré-tention ne demeure-t-elle pas une prétention unilatérale, une «autointerpré-tation»90, qui n’a pas, en soi, de valeur objective ?91 Certes, étant donné l’ab-sence d’instance obligatoire sur le plan international, «chaque Etat appréciepour lui-même sa situation juridique au regard des autres Etats»92. Mais,cette appréciation revêt toujours un caractère unilatéral93.

En réalité, la thèse du «pouvoir de dernier mot» est entachée d’un dé-faut théorique fondamental. Ce «pouvoir» présuppose logiquement que lesEtats possèdent, comme le fait remarquer à juste titre Trevor Hartley, la

89 Comme le dit la Cour permanente de la justice internationale dans la phrase mainte fois citée : «la facultéde contracter des engagements internationaux est précisément un attribut de la souveraineté de l’Etat» :Vapeur «Wimbledon», arrêt du 17 août 1923, CPJI, sér. A., No 1, p. 25.90 GROSS(Leo), «States as Organs of International Law and the Problem of Autointerpretation», in GROSS(Leo), Essays on International Law and Organization, vol. 1, New York, Transnational, 1994, p. 386 ; ABI-SAAB(Georges), «“Interprétation” et “Auto-Interpretation” : Quelques réflexions sur leur rôle dans la formationet la résolution du différend international», in Recht zwischen Umbruch und Bewahrung : Festschrift für RudolfBernhardt, Berlin, Springer, 1995, p. 16.91 «Who decides whether an act or decision is manifestly ultra vires? » : OSIEKE(Ebere), «The Legal Validityof Ultra Vires Decisions of International Organizations», Am.J.Int’l L., vol. 77, 1983, p. 249 ; NOLTE(Georg),«The Limits of the Secuirty Council’s Powers and its Functions in the International Legal System», in BYERS(Michael)ed., The Role of Law in International Politics, Oxford, Oxford Univ.Pr., 2000, p. 318.92 Affaire concernant l’accord relatif aux services aériens du 27 mars 1946 entre les Etats-Unis d’Amérique et laFrance, sentence arbitrale du 9 décembre 1978, Recueil des sentences arbitrales, vol. XVIII, p. 483, par. 81(C’estnous qui soulignons).93 «Un État qui recourt à des contre-mesures en fonction d’une appréciation unilatérale de la situation le fait àses propres risques et peut encourir une responsabilité à raison de son propre comportement illicite dans l’hy-pothèse d’une appréciation inexacte» : Commission du droit international, Projet d’articles sur la responsabilitéde l’Etat pour fait internationalement illicite, commentaire de l’art. 49, par. 3, Rapport de la Commission dudroit international, Cinquante-troisième session, ONU Doc. A/56/10(2001), p. 355. Voir aussi HERDEGEN(Matthias J.), «The “Constitutionalization” of the UN Security System», Vand.J.Transnat’l L., vol. 27, 1994, p.159 ; SCHWEIGMAN, supra note 14, p. 209. Georg RESS ciritique ainsi l’arrêt Maastricht de la Bundesverfas-sungsgericht pour avoir «Hegel’s perception of international law as external constitutional law» : RESS, supranote 20, p. 547.

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«compétence de la compétence de la compétence»94, une compétence de seprononcer de façon définitive sur la question de savoir qui possède la compé-tence de la compétence. Comme cet éminent spécialiste de droit européen lefait remarquer avec raison, «[i]t does not take much imagination to see thatthis is the beginning of an infinite series of concepts»95. Hans Kelsen nedisait-il pas déjà : «Die Frage : Quis custodiet custodem ? muß positivrecht-lich unbeantwortet bleiben»96 ? La thèse du «pouvoir de dernier mot» nousparaît ainsi se fonder sur une prémisse théorique peu défendable selonlaquelle il existe toujours dans l’ordre juridique quelqu’un qui prend la déci-sion finale et définitive97.

Il s’ensuit de ce qui précède que les Etats ne se dotent pas de «pouvoir»de dernier mot : leur constatation, unilatérale, de la nullité d’un acte de l’or-ganisation ne constitue en fait qu’une protestation98.

B. Le rôle de la prétention unilatérale

Ainsi, la présomption de validité de l’acte de l’organisation internation-ale n’est pas absolue ou irréfragable. La prétention unilatérale à la nullitéde l’acte de l’organisation internationale, avancée par un ou plusieurs Etatsmembres, n’est qu’une protestation. En d’autres termes, ni l’organisation in-ternationale, ni les Etats membres ne sont qualifiés pour prendre une déci-sion finale et définitive sur la question de la validité des actes de l’organisa-tion internationale.

Les différends sur la validité de ces actes ne diffèrent donc point desautres99. Dans l’ordre juridique international qui ne connaît pas d’instanceobligatoire, plusieurs prétentions unilatérales contradictoires subsistentsans que l’une d’entre elles l’emporte sur les autres100.

Un tel ordre doit-il être qualifié d’anarchique ?101 Faut-il conclure que

94 HARTLEY(Trevor C.), Constitutional Problems of the European Union, Oxford, Hart Publishing, 1999, p.153, n. 12.95 Ibid .96 KELSEN(Hans), Allgemeine Staatslehre, Berlin, Springer, 1925, S. 298.97 Voir KUMM, supra note 88, p. 385.98 Voir MATRINGE, supra note 21, pp. 361-367 ; VERHOEVEN(Joe), Droit de la Communauté européenne,2e éd., Bruxelles, Larcier, 2001, p. 335.99 Voir STEIN(Torsten), «Doitsu Renpo Kenpo Saibansho no Maasutorihito Joyaku Hanketsu ni tsuite [L’ar-rêt Maastricht de la Cour constitutionnelle allemande]», traduit par OKADA Toshiyuki en japonais du discoursprononcé en allemand, Hogaku Kenkyu [Journal of Law, Politics and Sociology(Keio University)],vol. 69, 1996,pp. 153-154.� Voir COMBACAU(Jean), «Le droit international : bric-à-brac ou système ?», Archives de philosophie dudroit, t. 31, 1986, pp. 97-98 ; COMBACAU(Jean), «Logique de la validité contre logique de l’opposabilité dans laConvention de Vienne sur le droit des traités», in Le droit international au service de la paix, de la justice et dudéveloppement : Mélanges Michel Virally, Paris, Pedone, 1991, pp. 201-202 ; COMBACAU(Jean), Droit destraités, Paris, PUF, coll. «Que sais-je ?», no 2613, 1991, pp. 87-88.

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«[l]a survenance d’un tel conflit ne saurait trouver... de solution juridique, ilne resterait plus que le niveau politique»?102 Bien qu’unilatérales, ces pre-tentions peuvent servir d’ouverture à un dialogue qui se déroulerait dans uncadre juridique. En effet, dans les précédents examinés jusqu’ici, les Etatsrécalcitrants se servaient de leurs prétentions unilatérales pour avancer lesnégociations, le dialogue.

Cette attitude est la plus évidente dans les décisions de la Cour consti-tutionnelle allemande et la Cour suprême danoise à l’égard du traité deMaastricht. En suggérant la possibilité de la mise en œuvre du «pouvoir» dedernier mot, ces deux cours donnent un avertissement à la CJCE et l’ex-hortent à se maintenir dans les limites de ses compétences103. La CJCE,quant à elle, loin de condamner cette alerte que lui avaient adressée cer-tains Etats membres, a réitéré par la suite les limites des compétences com-munautaires104. On parle ainsi d’un «dialogue des juges»105.

Le même constat s’applique à l’alerte canadienne adressée aux résolu-tions 1422(2002)et 1487(2003)du Conseil de sécurité. Celui-ci106 n’a pastenté de renouveler la résolution en 2004. Bien qu’il soit impossible à l’heureactuelle d’élucider le motif de cette abdication américaine107, il ne serait pasexcessif de dire que l’alerte canadienne(et doctrinale)y aurait pesé lourd.

Une prétention unilatérale, afin qu’elle serve de déclencheur d’un dia-logue, devrait satisfaire au moins deux conditions suivantes.

D’abord et avant tout, un Etat membre constatant� d’une façon unilat-

� Voir KELSEN(Hans), General Theory of Law and State, translated by Anders WEDBERG, Cambridge,Harvard Univ.Pr., 1949, p. 160.� GRIMM supra note 78, p. 75.� WIELAND(Joachim), «Germany in the European Union� The Maastricht Decision of the Bundesverfas-sungsgericht», E.J.I.L., vol. 5, 1994, p. 264.� «Faisant partie intégrante d’un ordre institutionnel basé sur le principe des compétences d’attribution, cettedisposition [= l’art. 308(ex-art. 235)]ne saurait constituer un fondement pour élargir le domaine des compé-tences de la Communauté au-delà du cadre général résultant de l’ensemble des dispositions du traité, et en par-ticulier de celles qui définissent les missions et les actions de la Communauté. Elle ne saurait en tout cas servirde fondement à l’adoption de dispositions qui aboutiraient en substance dans leurs conséquences, à une modifi-cation du traité échappant à la procédure que celui-ci prévoit à cet effet» : Avis sur l’adhésion de la Com-munauté à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 2/94, le 28 mars1996, R. I-1788.� Sur cette notion, voir ANDRIANTSIMBAZOVINA(Joël), L’autorité des décisions de justice constitution-nelles et européennes sur le juge administratif français, Paris, LGDJ, 1998, pp. 441-515.� ou plutôt les Etats-Unis dans ce cas particulier.� On peut imaginer que les mauvais traitements sur la personne de détenus iraquiens dans la prison d’AbouGhraib, révélés juste au moment de l’expiration de la durée de l’immunité octroyée par la résolution 1487(2003),auraient eu des effets considérables. Les Etats-Unis auraient dû sentir très difficile à faire reconnaître l’immu-nité de leurs soldats face à cette dérive qui a divulgué la méconnaissance totale du droit international humani-taire chez certains de soldats américains. Voir BALMOND(Louis), sous la direction de, «Chronique des faits in-ternationaux», R.G.D.I.P ., t. 108, 2004, pp. 724-725.

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érale, répétons-le � la nullité d’un acte d’une organisation internationalepour excès de pouvoir ne pourrait en refuser la validité qu’après lui avoir de-mandé de le corriger108. Cette condition, exigée par le principe de bonne foi109

et fondée sur l’analogie avec l’obligation d’offrir de négocier avant de re-courir à une contre-mesure110, ne posera pas de problèmes majeurs, car undifférend sur la validité d’un acte d’une organisation internationale fait nor-malement l’objet de négociations longues et complexes.

Ce qui est plus important et souvent ignoré est la nécessité d’appuyer laprétention par une argumentation juridique111. En avançant des argumentsjuridiques, les parties au différend peuvent le contenir au sein d’un forumqu’est le droit et ainsi éviter une aggravation sans limite du conflit. En effet,dans les précédents où le «pouvoir» de dernier mot a été invoqué, les Etatsont pris la peine de développer des raisonnements juridiques détaillés etainsi montré leur volonté de continuer de dialoguer dans un cadre juridique.

Conclusions

La pratique récente signale que de nombreux Etats tentent d’ignorer lesactes des organisations internationales qui leur paraissent nuls pour excèsde pouvoir. Cette pratique constante nous laisse penser que la présomptionde validité de l’acte de l’organisation internationale n’a pas un caractère ab-solu.

D’un autre côté, la prétention à la nullité d’un tel acte avancée par cer-tains Etats n’est en fait qu’une constatation unilatérale, qui n’a pas devaleur objective. On ne peut donc parler d’un «pouvoir» de dernier mot.Cependant, cette prétention unilatérale ne prête pas forcément à critique,car elle peut servir d’ouverture à un dialogue encadré par des argumenta-tions juridiques.

� «[U]nilateral withholding in response to ultra vires action is, at most, an option of last resort, to be takenonly after the complaining member has given the organization the opportunity to correct any error» : ALVAREZ,supra note 30, p. 1108.� DOEHRING considère qu’il s’agit d’un des principes généraux de l’«Etat de droit» ou de «rule of law» :DOEHRING(Karl), «Unlawful Resolutions of the Security Council and Their Legal Consequences», Max PlanckYb.U.N.L., vol. 1 [1997], p. 107. Voir aussi Commission c. Allemagne, C-217/88, le 10 juillet 1990, R. I-2907, par.33. �� Gabcikovo-Nagymaros Project(Hungary/Slovakia), Judgment of 25 September 1997, I.C.J . Reports 1997,p. 56, para. 84 ; Affaire concernant l’accord relatif aux services aériens, supra note 92, p. 485, par. 95 ; CDI, su-pra note 93, p. 370(l’art. 52).

Voir aussi, au sujet des conditions sous lesquelles la désobéissance civile ou civique serait justifiée, RAWLS(John), A Theory of Justice, Cambridge, Harvard Univ.Pr., 1971, p. 373.� VIRALLY(Michel), L’O.N.U. d’hier à demain, Paris, Seuil, 1961, p. 108 ; SUY(Eric), Les actes juridiquesunilatéraux en droit international public, Paris, LGDJ, 1962, p. 48 ; ANGELET(Nicolas), «Protest against Secu-rity Council Decisions», ín WELLENS(Karel)ed., International Law : Theory and Practice : Essays in honourof Eric Suy, The Hague, Kluwer, 1998, p. 280 ; SCHWEIGMAN, supra note 14, p. 209.

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Comme le montrent les précédents que nous avons examinés, seules lesconsidérations politico-juridiques capitales conduisent un Etat à cette optionvéritablement «de dernier recours», qui est de ne pas respecter des actes ob-ligatoires de l’organisation internationale dont il est membre, une optiongrave de conséquences, qui peut mettre en cause sa qualité de membremême. Il s’agit pourtant d’un moment critique également pour l’organisa-tion internationale, car si elle refuse de rétracter un acte dont la validité estdouteuse, elle peut perdre toute crédibilité et effectivité112. Une protestationbien motivée contribuera ainsi, en fait, à favoriser le dialogue et donc à undéveloppement durable de l’organisation internationale concernée113.

� DOEHRING, supra note 109, p. 107.� «Should a Member State’s court strike down a piece of secondary EC law... [t]here is reason to believe thatsuch an act could be a more valuable contribution to the development of the European Legal Order in the longrun, than the grudging acceptance of bad laws in the face of judicial helplessness» : KUMM, supra note 88, p.385. Voir aussi HARCK(Sten)& OLSEN(Henrik Palmer), «Decision concerning the Maastricht Treaty», Am.J.Int’l L., vol. 93, 1999, p. 214.

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