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La Memoire et la Transformation de l'Image

Date post: 13-Mar-2016
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Redige et mis en page par Adeline Bruillot (2012).
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I LE PASSAGE DE L’IMAGE A LA PICTURE

p4 1 Le souvenir: image personnelle,mentale et intimep12 2 La mémoire archivéep20 3 La frontière réel/imaginaire

II APPROPRIATION & DETOURNEMENT

p23 1 Définitionsp29 2 Collection d’archives de la mémoirep32 3 Transformer et donner une seconde peau à l’image

p43 BIBLIOGRAPHIE

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« Les choses se déforment facilement quand on regarde en arrière. » Cette citation du poète Herman Hesse résume assez bien le sujet sur lequel j’ai choisi de travailler. En effet, même si les termes «déformation» et «transformation» sont quelque peu différents, elle fait référence à la transformation de l’image, ainsi qu’au passé et donc à la mémoire.

Ce qui m’intéresse dans ces thèmes est tout d’abord l’intervention sur l’image. De plus le dessin est une technique que je pratique beaucoup et depuis toujours, il permet d’imager facilement ce qu’on a dans la tête ( dans le sens de ce qu’on a à l’esprit ). Il est pour moi une manière d’encrer sur papier, c’est à dire de matérialiser, une émotion, de la conserver et ainsi la mémoriser, tel des billets d’humeur que l’on archive. Justement ce rapport avec l’image entant que document d’archive m’intéresse beaucoup. C’est un document qui contient déjà une histoire et donc des souvenirs. Intervenir dessus, le transformer c’est donc se l’approprier et lui apporter une seconde signification. C’est lui redonner vie, en ajoutant des éléments graphiques, et donc en le détournant. En détournant ces photographies, on détourne aussi ce qu’elle contient, et donc les souvenirs qu’elles apportent.

La mémoire et le souvenir sont des sujets assez complexes. Notamment la mémoire qui a plusieurs définitions et plusieurs expliquations. Elles dépendent des différents philosophes ou écrivains qui ont aborder ce sujet. Essayer de comprendre ce que c’est concrêtement et comment elle fonctionne, est une de mes motivations première à travailler sur ce sujet. En effet, avant de m’y intéresser la mémoire était un objet un peu flou et mystérieux, ce qui a convoité ma curiosité.

La question que je me pose donc est de savoir comment on peut établir un lien entre la mémoire et l’image. Et donc, comment la mémoire peut-elle intervenir dans le design graphique?

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ILE PASSAGEDE L’IMAGE*À LA PICTURE*

* L’image a plusieurs définitions. Il peut s’agir d’une représentation mentale de quelquechose, c’est à dire une idée, ou bien d’une représentation matérialisée par un objet comme une photo ou un dessin par exemple. Nous prendrons le terme « image » dans son sens immatériel, de l’ordre du spirituel. Tandis que le terme anglais « picture » designera

En effet la mémoire et le souvenir sont des images mentales et immatérielles, elles sont individuelles et donc personnelles et intimes. Il me semble intéressant de voir de quelles manières et par quels procédés il serait possible de les rendre matérielles et visibles par tous, tout en restant fidèle à notre perception du souvenir de départ. Il existe plusieurs sortes de mémoires, comme la mémoire collective ou individuelle, la mémoire affective ou encore la mémoire souvenir. Ces visions de la mémoire dépendent des philosophes qui les décrivent. Nous verrons donc quelles sont ces mémoires et leurs caractéristiques. Par la suite, nous parlerons de la représentation de la mémoire. Nous verrons les différents moyens d’archiver la mémoire, de la séléction que cela implique, autant au niveau formel qu’au niveau du souvenir, et du rôle qu’on ces objets témoins du passé. Viendra alors la question de la frontière entre le réel et l’imaginaire. Cette question aborde le thème de la transformation du souvenir, et nous verrons par quels moyens cette transformation se produit.

l’image dans son sens matériel, c’est à dire quelque chose qui peut être montré, donné à voir.

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I LE PASSAGE DE L’IMAGE À LA PICTURE

Le souvenir est un fait-passé qui est enregistré dans notre cerveau, selon la perception que l’on en a, et qui n’est donné à voir qu’à nous même. Il fait partie intégrante de notre mémoire individuelle.En effet notre mémoire est une histoire individuelle, celle de la connaissance de soi-même, elle appartient à un individu. C’est elle qui forme notre identité.Pour Boltanski* le souvenir fait parti de la mémoire affective. Il en parle d’ailleurs dans son ouvrage La Petite Mémoire, Le voyage au Pérou en citant: « Mémoire affective, savoir-quotidien, le contraire de la grande mémoire préservée dans les livres. Cette petite mémoire qui forme notre singularité est extrêmement fragile, et elle disparait avec la mort. Cette perte d’identité, cette égalisation dans l’oubli sont très difficiles à accepter; par exemple, quand on regarde des centaines de crânes, ils ont tous l’air identiques ». Le rôle de la mémoire affective est de faire revivre des sensations, des émotions passées. Elle permet à l’individu de se replonger dans une époque passée et vécue, de manière inconsciente et donc incontrôlée. C’est un état réconfortant pour l’homme puisqu’elle lui permet de retrouver un passé oublié, de redécouvrir une émotion ou sensation. En général, lorsqu’on parle de mémoire affective, on parle de surivivance, comme quelquechose qui ne veut ou

peut pas s’effacer de notre mémoire, ou bien de reviviscence, comme quelque chose qui revient à la vie, qui réssuscite.

La réflexion que Proust met en oeuvre dans son ouvrage La Recherche du Temps Perdu nous pousse à nous interroger sur l’existence du temps, et la difficulté à le saisir au présent. Seul un événement fortuit et soudain produit par une sensation fait ressurgir à la conscience le passé, et fait comprendre que le temps qui s’est écoulé et s’est perdu a une valeur. La prise de conscience du temps qui passe est alors une notion proche de la mort, puisque l’on se rend compte de la dégradation qu’il engendre. Et cette conscience donne son unité au quotidien. Bergson est un philosophe de la conscience et de la vie antérieure du 20ème siècle qui s’oppose aux

1 LE SOUVENIR :IMAGE MENTALE,PERSONNELLE ET INTIME

De l’image à la picture,

photomontage

* Le sujet de travail principal de Boltanski est la mémoire collective. Il se questionne sur la frontière entre l’absence et la présence, et cherche à faire revivre le passé par les moyens de la photo ou de la vidéo.

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Premières pages de A la Recherche du Temps Perdu,Marcel Proust

avec les notes manuscrites de l’auteur

Pages manuscrites de A la Recherche du Temps Perdu,Marcel Proust

intellectualistes et au scientisme. Il considère que la mémoire est spirituelle est donc pas matérielle. Envisager la mémoire comme une matière localisée dans le cerveau serait une réduction de l’esprit à la matière et il s’y oppose fortement. Le cerveau a une fonction pratique, il oriente la mémoire vers le présent et fait réapparaitre les souvenirs, mais le corps est au centre de l’action. Bergson distingue deux formes de mémoire: la mémoire-habitude, qui n’est pas reconnue comme passée, et la mémoire pure ou mémoire souvenir. Cette dernière enregistre le passé comme un « souvenir-image ». Il distingue les mémoires mais fait aussi une distinction entre le corps et l’âme ( ou l’esprit ). Cette distinction repose sur la temporalité, en opposition avec Descarte qui lui, estime qu’elle repose sur la spatialité. En effet, le corps fait partie du présent alors que l’esprit est ancré dans le passé. Cette dualité explique que lorsque l’homme prend conscience de quelquechose, il le voit à la lumière du passé, et que toute prise de conscience implique un temps d’arrêt entre le stimulus ( facteur qui déclanche une réaction psychologique ou physiologique ) et la réaction. Plus l’individu est dans le passé, plus il prend conscience des choses, tandis que plus l’individu est dans le présent, plus il est dans l’automatisme et est impulsif.

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Oliver Sacks CoversCardon Webb

Oliver Sacks CoversCardon Webb

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L’Avenir a une excellente mémoireencre, pochoir

MissTic*

* Miss Tic est défnie comme une plasticienne et une poète d’art urbain. Elle joue avec les stéréotypes et provoque un questionement sur la position de la femme dans l’existence, en détournant des slogans et des images publicitaires.

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I LE PASSAGE DE L’IMAGE À LA PICTURE

2 LA MÉMOIRE ARCHIVÉE

Pour Paul Ricoeur*, la mémoire pose trois problèmes: la formulation, la frontière entre le réel et l’imaginaire, et la reconnaissance et la survivance des images. En effet, comment est-ce possible de représenter, ce qui provient du passé et qui est donc subjectif. La mémoire donne la trace de ce qui est absent puisque passé. Ce rapport avec l’antériorité amène la question de la frontière entre réel et imaginaire, ou entre absence et présence. Ainsi, il y a une adéquation de l’image présente à la chose absente dont la mémoire a gardé la trace.

Plusieurs moyens permettent de capturer le souvenir de manière formelle, comme la vidéo, la photographie, le dessin ou bien l’écrit. Ces moyens mis en oeuvre pour capturer des moment passés ne sont pas objectifs et capturent inconsciemment les émotions. Ils donnent lieu à des représentations subjectives de la mémoire et ne sont donc pas neutres, comme le vise l’histoire qui n’est pas soumise à un regard particulier. Ces procédés font appel à l’imagination. Lorsque l’on filme ou photographie quelque chose, on choisit le moment où on va le faire et quels moments on veut garder. La plupart des instants que l’on choisit de se rappeler et d’archiver sont souvent des moments heureux comme une fête d’anniversaire, un mariage, des gens qui sourient,

des amis joyeux, une famille heureuse. Ce choix détermine déjà une séléction des souvenirs que l’on souhaite garder.

Bien évidemment, notre cerveau n’a pas toujours besoin d’un rappel par l’image pour se remémorer des instants moins joyeux. Lorsqu’on se souvient d’un événement, inconsciemment nous essayons de le replacer dans un contexte, et on se rappelle alors les moments, les problèmes reliés à ces instants. Le dessin et l’écrit, qui sont des procédés manuels, retranscrivent des humeurs et des pensées instantanées que l’on peut relire et ressentir à différents moments. C’est là le but des journaux intimes et des carnets de bord ou de voyage. On raconte des faits, comment on les vit, on les illustre comme on les voit et comme on les ressent. Les carnets servent à noter, noter pour mieu se rappeler.

«« notez, notez,rappelez vous,rappelez vous,savourez,savourez,revivez revivez »»

* Paul Ricoeur est un célébre philosophe français du 20e siècle. Il travailla sur les concepts du sens, de la subjectivité et de la fonction heuristique de la fiction, dans la littérature et l’histoire. Il développa notamment la phénoménologie et l’herméneutique.

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I LE PASSAGE DE L’IMAGE À LA PICTURE

Citation de Dana Arnett

pas ».

Ces objets, les photographies, les vidéos, les dessins, ou les écrits, sont des témoins du passé, des dépositaires de souvenirs qui font donc appel à la mémoire affective. Selon Maurice Halbwachs****, l’utilisation de points de repère permet de faciliter l’expression de tel ou tel souvenir, sans que pour autant celui-ci soit en lien direct avec le référent. « Les points de repère sont des états de conscience qui, par leur intensité, luttent mieux que les autres contre l’oubli, ou par leur complexité, sont de nature à susciter beaucoup de rapports, à augmenter les chances de reviviscence. » Les principaux points d’appui sont nécessaires au bon fonctionnement psychique des individus. La localisation du souvenir en utilisant les points de repère de notre mémoire se fait car nous sommes des êtres sociaux. En effet pour Halbwachs, le phénomène de la mémoire semble n’exister qu’au travers des relations sociales qui rassemblent et organisent les souvenirs. La localisation se produit par la présence d’une zone commune d’intérêt à laquelle se rapporte le souvenir. La mémoire met ainsi à jour les référents sociaux que sont le langage, l’espace et le temps. La famille structure la mémoire commune par le rôle des uns et des autres. La reproductions des règles et coutumes qui ne dépendent pas de chacun à titre individuel mais du groupe famille fixe la place de chacun. Les individus héritent d’une « conception générale de la famille », de ce que doit être une famille. Il dit d’ailleurs, dans son ouvrage Les Cadres Sociaux de la Mémoire que « si nous examinons de quelle façon nous nous souvenons, nous reconnaîtrions que le plus grand nombre de nos souvenirs nous reviennent lorsque nos parents, amis, ou d’autres hommes nous les rappellent. »

Cela peut aller de la simple liste de courses aux croqui qui illustre le moment, l’instant présent. Beaucoup d’artistes, de designers et d’illustrateurs utilisent ce support. Notamment Dana Arnett*, qui considère que les choses conçues à la main sont chargées d’émotions et sont réelles. La plupart sont d’accord sur le fait que le carnet est comme un journal intime, et qu’il permet de saisir la pensée avant qu’elle ne s’évapore. En effet pour Irma Boom**, les croquis servent à « se rappeler des choses qui autrement se perdraient dans le chaos du quotidien ». Ils sont les témoins des premiers jets d’idées de l’artiste. Pour la plupart ce sont des croquis instinctifs et approximatifs, qui n’ont aucune pudeur puisqu’ils sont intimes et destinés à n’être montrés qu’à un seul spectateur: celui qui les dessine. Pour Bruno Bressolin***, le carnet est un lieu de souvenirs, il cite « je ne corrige pas mes pensées. Je ne me censure

* Dana Arnett est le fondateur de VSA Partners à Chicago. Et il intervient régulièrement entant que professeur et conférencier pour défendre le rôle du design graphique dans la société.

** Irma Boom est une designer néerlandaise. Son oeuvre la plus connue date de 2006,

**** Sociologue français de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle, c’est lui qui a créé le concept de mémoire collective.

et il s’agit d’un livre de 2 136 pages pour le centenaire de la société SHV Holdings.

*** Peintre, photographe et illustrateur, Bruno Bressolin vit à Paris et travaille aussi comme graphiste. Les images qu’il crée occupent l’espace et font le lien avec la culture cinématographique.

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L’appareil photographique comme il est décrit par Proust ou encore Baudelaire, est un mécanisme qui permet l’enregistement du passé dans la mémoire, restitué par le hasard, quand on pouvait le croire perdu. La formule « archives de la mémoire » est employée au préalable par Baudelaire dans le texte Le Public Moderne et la Photographie en 1859: « Qu’elle

sauve de l’oubli les ruines pendantes, les livres, les estampes, et les manuscrits que le temps dévore, les choses précieuses dont la forme va disparaitre, et qui demandent une place dans les archives de notre mémoire, elle sera remérciée et applaudie… » Tandis que pour Baudelaire il s’agit plus d’archives publiques, il n’en est pas de même pour Proust pour qui il s’agit d’archives privées. Pour lui, la photographie est un procédé de reproduction, ou d’enregistrement qui induit une dimension temporelle ou événementielle.L’appareil se substitue donc en grande partie à la mémoire. On peut parfois parler d’enregistrement à l’aveugle, lorsque le travail mécanique rend inutile l’attention et l’effort de mémorisation. C’est à dire que lorsque l’on photographie quelque chose, on le regarde moins, ou on y porte moins d’attention sur le moment. On se concentrera plus tard sur le cliché, qui est alors une représentation du moment.

Alors que l’enregistrement ne nécessite aucun choix ou élaboration de la part du photographe, l’inscription comporte le souci de fixer les découvertes du regard. On peut distinguer l’enregistrement de l’inscription en différenciant le monument photographique du simple document. Le photographe américain André Kertész, utilisait un instantané photographique, pour inscrire instantanément une impression mémorable, ou un motif destiné à symboliser plus tard, pour un regard futur, le bonheur du temps présent. Ce bonheur appartiendra alors au passé, mais, au moment même où il est vécu, il prend déjà valeur de symbole par la la place privilégiée qu’il est entrain de prendre dans la mémoire. Un instant le temps s’arrête, une nouvelle durée s’instaure, la mémoire ets entrain d’agir sur le présent, elle concentre l’attention sur le motif significatif, isole et accentue l’impression. C’est que le

Ombres,André Kertézs

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moment présent est déjà enrichi du passé, gagné sur le temps perdu, qu’il nous fait revivre un moment du passé identique ou similaire mais que nous n’avions jamais vécu. Ce travail d’inscription a pour perspective un futur regard rétrospectif. La principale illusion de l’image appartient au registre du temps, elle est oeuvre de mémoire.

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Extrait de carnetde Shogo Ota*

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Extrait de carnetde Shogo Ota*

* Shogo Ota est un graphiste japonais. Il travaille chez Modern Dog à Seattle. Ses carnets sont le reflet des ses idées et donnent un aperçu de l’approche de l’artiste et de son aisance linguistique. En effet, il passe sans cesse de l’anglais au japonais.

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Extrait de carnetde Shogo Ota

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Extrait de carnetde Shogo Ota

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3 FRONTIÈRERÉEL / IMAGINAIRE

Les photographies sont des objets matériels qui sont les témoins d’une époque passée et qui ont pour but de nous aider à se remémorer des événements encrés dans un contexte spécifique. Cependant, la perception passée est différente de notre perception actuelle. L’imagination et l’oubli font partie de la mémoire, et transforment inconsciemment la vision de nos souvenirs et de nos sensations passés. En effet lorsqu’on parle de mémoire, il est question de temps et donc d’oubli. L’image de nos souvenirs s’altère et se déforme. La question du réel et de l’imaginaire s’impose alors. En effet, il est important de savoir ce qui est vrai ou non dans l’image que nous avons de nos souvenirs. Dans Une Lettre à Antoire Bibesco en 1912, Proust distingue la mémoire volontaire de la mémoire involontaire: « La mémoire volontaire, qui est surtout une mémoire de l’intelligence et des yeux, ne nous donne du passé que des faces sans vérité; mais qu’une odeur, une saveur retrouvées dans des circonstances toutes différentes réveillent en nous, malgré nous, le passé, nous sentons combien ce passé était différent de ce que nous croyions nous rappeler et que notre mémoire volontaire peignait, comme les mauvais peintres, avec des couleurs sans vérité. » Pour lui, tout ce qui est de l’ordre de l’affect, des sensations, sont des choses vraies, qui existent réellement, tandis que tout

ce qui est matériel comme les photographies trompent notre vision de la réalité.

Le temps passe et les repères s’estompent, ainsi l’imagination prend alors le dessus pour créer de nouveaux souvenirs. Cette perte de la réalité nous forcent à réinterpréter nos souvenirs, comme un rêve un peu flou et lointain. En effet, l’homme a la nécessité de se raccrocher à des points de repères et à des modèles pour se sentir en réconfort. Le fait de perdre la mémoire constitue pour nous un déséquilibre que l’on cherche à rétablir en créant, inconsciemment ou non, un contexte, une histoire, des détails qui replacent le souvenir d’un moment, d’une sensation dans un cadre assez précis. Pour Pierre Nora*, « parce qu’elle est affective et magique, la mémoire ne s’accomode que des détails qui la confortent; elle se nourrit de souvenirs flous, téléscopant, globaux ou flottants, particuliers ou symboliques, sensibles à tous les transports, écrans, censures ou projections ».

L’image met en évidence le paradoxe du réel, c’est à dire les semblant ou le reflet de ce qui existe. L’imaginaire a lui même une existence mentale, sans avoir une existence physique ou corporelle. Il est la production d’images coupées du réel. C’est toujours du point de vue de la connaissance qu’il faut opposer le réel de l’imaginaire, ces deux notions ne sont pas des réalités indépendantes, mais interagissent entre elles. On pourrait dire qu’elles proviennent d’une seule et même réalité mentale où l’imaginaire serait l’inadéquat, et le réel l’adéquat comme critère de véracité de la connaissance. Mais on ne peut pas nier toute la véracité de l’imaginaire. Il existe une distinction entre la conscience imageante et la conscience perceptive. L’image a bien une

* Pierre Nora est un historien français connu pour ses travaux sur le sentiment national et sa composante mémorielle. Il est membre de l’Académie française.

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structure réelle puisqu’elle représente quelquechose de réel. C’est à dire qui existe dans la réalité, mais qu’on imagine comme absent. Elle n’est pas réelle au sens de matérielle et pourtant elle existe. On confond souvent la perception et l’image, pourtant ce que l’on perçoit, c’est ce que l’on voit, c’est l’objet qui nous ai donné à voir. Tandis que lorsqu’on en a l’image, on le saisit comme absent à nos yeux. L’illusion consiste à prendre l’image comme une réprésentation de la perception, c’est à dire de la présentation première. La perception de l’objet est dans la conscience comme donnée, tandis qu’avec l’image, l’objet est visé par la conscience comme absent. Si il y a un recul par rapport à la réalité, il n’en reste pas moins que l’on constitue une image sur fond de réalité. C’est toujours en liaison avec ce fond que l’on peut penser l’objet comme absent. L’imaginaire, loin d’être une pure négation du réel en est au contraire le révélateur, précisément parce qu’il n’en est pas une image fidèle. Au lieu de le répéter, il l’invente. S’il y a opposition entre l’imaginaire et le réel c’est en tant qu’opposition entre l’irréel et le réel aux yeux du réaliste, car il juge cette rupture nécessaire par nécessité épistémologique.

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II APPROPRIATION&DÉTOURNEMENT

Que ce soit dans la littérature ou dans l’art pictural, le recours à la citation, à la parodie, à l’emprunt ou au détournement, est aussi ancien que ces deux moyens d’expression. En effet, on peut appeler cela le « recyclage du passé » comme le présente Sylvain Menétrey dans son texte Un siècle condamné à recycler le passé, où il parle de la capacité des artistes contemporrains à jouer sur les principes de citation et de réappropriation. Il y parle donc de collage étant donner que cette technique est la plus abordable pour parler de détournement et d’appropriation. En effet le collage permet un amas d’images et la transformation de celles-ci pour créer ce qui sera une oeuvre nouvelle et singulière.

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II APPROPRIATION & DÉTOURNEMENT

1 DÉFINITIONS

L’appropriation est une forme d’expression de l’art contemporain, qui est généralement liée à l’art conceptuel. L’appropriation est un concept qui renvoie à plusieurs démarches artistiques. On peut l’entendre comme un vol, une usurpation, une ecsroquerie ou bien une falsification. C’est à dire que l’on s’approprie la propriété d’une chose dite, pensée, écrite, réalisée par quelqu’un d’autre. Pris dans ce sens, s’approprier c’est ravir, s’emparer, s’attribuer, voler ou encore capturer. Dans le cadre de ce mémoire, nous nous concentrerons sur la seconde démarche que propose l’appropriation. Elle se situe du côté de la distanciation, du prélévement, du réinvestissement personnel, de l’emprunt, voire de l’imprégnation. Il s’agit alors d’un dialogue, d’une écoute, d’une expérience de l’altérité. L’appropriation de ce point de vue est une rencontre, une réflexion, une analyse débouchant sur du singulier et de l’innovation. Dans ce sens, tout ce qui réemploie du matériel ésthétique, comme des photographies de presse, de publicité, des images d’archives, des films, des vidéo, peut être de l’appropriation. Ces matériaux sont manipulés, soit par la taille, la couleur, le média...

John Baldessari, artiste conceptuel américain du 20ème siècle, s’approprie des images comme

support tout en conservant leur statut. En effet, il collectionne plusieurs types d’images qui sont notamment issues de la télévision. Ces images portent un titre et constituent ainsi une banque de données. La question que se pose alors Baldessari est de savoir quoi faire lorsque l’image est déjà faite, sinon la défaire. Le geste qu’il effectue en tant que créateur complète, détourne, valorise, nie, exalte le support. Dans ses oeuvres il exploite le dialogue entre le cinéma et la peinture. Elles font sens dans la déconstruction de l’image, du montage et de l’hybridation, en étant ouvertes au mouvement, à l’allégorie et à la fiction.

Le détournement est un terme qui fut employé premièrement par l’International Situationniste, dont le document fondateur fut rédigé par Guy Debord. Il s’agit d’une organisation révolutionnaire créée en 1957

John Baldessari

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John Baldessari

Stonehenge (with two persons) blue2005

John Baldessari

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Sans titre (Your Body is a Battleground)1989

Sérigraphie285cm x 285cmBarbara Kruger

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II APPROPRIATION & DÉTOURNEMENT

qui souhaitait en finir avec la société de classes, en dépassant les tentatives des avant-gardes, le dadaïsme, le surréalisme et le lettrisme. Dans son texte programmatique, Guy Debord expose l’exigence de changer le monde et envisage le dépassement de toutes les formes artistiques par un emploi unitaire de tous les moyens de bouleversement de la vie quotidienne.

En général, le principe du détournement est de réutiliser un objet et de le modifier afin de lui apporter un sens nouveau. Beaucoup d’artistes réutilisent notamment des images publicitaires, comme des slogans ou des campagnes de marketing et s’oppposent en général au message de départ. Barbara Kruger détourne l’image publicitaire, qu’elle expose agrandie, et lui adjoint un slogan écrit en caractères d’imprimerie. Intimidantes par la violence des images et les propos explicitement dirigés vers le spectateur, ses images politiques prennent pour cadre la société de consommation ainsi que les minorités de toutes sortes ( raciales et sexuelles ) soumises à l’autorité blanche et masculine. Le photomontage, par sa capacité d’assemblage et de modification, est la technique la plus adéquate pour le procédé qu’est le détournement. En effet, il permet la réutilisation d’une image, d’un mot, ou autre, afin de le modifier et de lui apporter une nouvelle signification.

On peut dire que l’appropriation et le détournement se rejoignent presque automatiquement puisque le détournement nécessite de s’approprier l’objet afin de le réinvestir et de lui donner un sens différent. Cependant, il me semble que le terme d’appropriation apporte un côté plus personnel, plus intime. Il y a vraiment cette notion de s’imprégner d’un objet et d’en faire notre propriété, notre objet. Tandis que le détournement

évoque plus l’idée de faire passer un message, voire de parodier. Il fait en général référence à des événements politiques, mythologiques ou de tout ce qui fait une culture populaire, et est accessible à tous. Dans le cadre de mon projet, les deux termes sont adéquats. S’approprier des objets, des images de souvenirs, et les transformer, relève à la fois de l’appropriation et du détournement.

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2 COLLECTION D’ARCHIVES DE LA MÉMOIRE

Dans le cadre de ce projet sur la mémoire, et de son appropriation par le designer, on peut entendre le terme « appropriation » dans le sens de « collection » qui met en évidence l’idée de pluralité. En effet la mémoire est détentrice de nombreux souvenirs, et pour se les approprier il convient donc de les collecter. Lorsque l’on parle de collection d’archives, de photographies témoins de notre mémoire, on peut penser à Aby Warburg, historien de l’art de la fin du 19ème siècle, et à son travail intitulé « Mnémosyne-Atlas ». Il s’agit d’un grand atlas d’images destiné à rendre visible les survivances de l’Antiquité dans la culture occidentale par la force du montage d’une histoire de l’art sans texte. Il en entama la réalisation par quelques planches de bois tendues de toile noire, où étaient épinglées reproductions d’œuvre d’art, coupures de presse, publicités : époques différentes, cultures différentes, esthétiques différentes. Il reprenait ainsi la forme du fragment. Warburg cherchait à rendre possible de ne raconter l’histoire de l’homme occidental qu’avec des images, agencées de manière à créer une tension psychologique forte. Les images, chargées de la mémoire culturelle de l’humanité, devaient libérer des énergies, de manière à réduire la distance entre l’objet et le sujet. L’atlas, selon ses mots, était une « histoire de fantômes pour adultes » où les images étaient réordonnées dans

un ensemble de relations totalement différentes du contexte qui les avait vu naître. Il comparait l’historien de l’art à un nécromancien capable de ressusciter des siècles plus tard les gestes de l’Antiquité dans l’art de la Renaissance. Mais n’importait pas seulement le montage des images et la manière dont elles étaient montrées ensemble. Pour Warburg, le vide qui les séparait comptait tout autant. Il décrivait d’ailleurs l’atlas comme un travail sur l’iconologie de l’intervalle où le vide est un Denkenraum ( un espace de pensée dans lequel il est possible de faire vivre un lien entre le présent et le début de l’histoire ) .

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Mnemosyne-Atlas 1924 – 1929

Aby M. Warburg

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3 TRANSFORMERET DONNERUNE SECONDE PEAUÀ L’IMAGE

Intervenir sur l’image matérielle, archive de notre mémoire, c’est la transformer, et donc transformer notre souvenir. Avant de développer, il faudrai expliquer la notion de transformation, à ne pas confondre avec la déformation. En effet, la déformation c’est l’altération de l’aspect ou de la forme de l’image. On peut aussi parler de déformation par la reproduction de manière incorrecte de l’image. Lorsque l’on déforme une image on la change à partir d’elle même en appliquant différents procédés, comme tordre, déchirer, délaver, scanner, etc. Tandis que la transformation de quelquechose, c’est modifier en

ajoutant. Il y a dans cette notion de transformation l’idée de parti pris, de choix. En effet, en intervenant sur l’image on la modifie consciemment. C’est donc là, l’idée du détournement. Pour ma part, j’ai choisi de retranscrire visuellement le concept de l’oubli, de la perte de mémoire. Pour cela, j’interviens sur des anciennes photos de famille, en remplissant les visages des personnes par des motifs colorés qui viennent ronger le souvenir du moment photographié. Le collage est le moyen d’expression qui permet vraiment d’imager l’idée de l’appropriation et du

Sans-titreRecherche plastique personnelle

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détournement. Cette technique a été inventé par Picasso et Braque vers 1910 et les dadaïstes en firent leur medium de prédilection. Dans le cubisme, le collage était l’abolition entre la peinture et la sculpture, en combinant des éléments séparés. Il s’agit d’une recherche sur la géométrie et les formes représentées. Tous les objets se retrouvent divisés et réduits en formes géométriques simples, souvent des carrés. L’objet n’est pas représenté tel qu’il apparait visiblement, mais par des codes correspondant à sa réalit connue. Le cubisme invente le collage puisqu’il utilise la décomposition de l’image en multiples facettes et la déconstruction du réel. Le collage avait une puissance subversive et

révolutionnaire. Il devait rapprocher l’art de la vie, combattre le bon goût, les valeurs bourgeoises, l’ordre dominant. Sous différentes formes, comme les cut-ups* de William Burroughs ou les détournements des situationnistes, il a conservé une dimension expérimentale et critique jusque dans les années 90.

Sur différentes photographies de famille, qui reflètent une époque passée assez lointaine, dont les souvenirs sont flous ou alors totalement oubliés, les seules choses qui nous aident à nous repérer sont alors les visages des gens ou bien l’endroit où a été prise la photo. En découpant les visages des personnes sur ces photos, en les remplaçant par des motifs, on perd les repères qui nous sont donnés, cette proximité avec le souvenir photographique. Robert Doisneau disait que « le regard est fondamental, il traverse les âges. Il traverse tout et plante un clou dans la mémoire. » . En enlevant le regard des gens sur les photos, on se retrouve face à des fantômes, des êtres dénués d’identité que l’on ne reconnait plus. Cette perte d’identité, cette égalisation dans l’oubli, aminci la frontière entre l’absence et la présence, entre la vie et la mort. Ces découpages et ces

* Le «cut up», c’est le fait de couper différentes parties d’un texte et de les combiner pour reformer un nouvel écrit, tout comme un collage en peinture ou le montage au cinéma. Le «cut up» se rattache à des mots tels que la perception, les hallucinogènes, le sexe, la pensée, le pop art et les happenings. Cette technique est à la base du structuralisme

et de la déconstruction, deux mouvements littéraires modernes.

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motifs, c’est comme si cet instant resterait toujours figé ainsi, puisqu’il est photographié, mais que l’oubli viendrait ronger petit à petit le souvenir qu’il reste de cet instant.

La première manipulation que j’entreprend avec ce travail de collage est donc la collection de photos de famille. La plupart de ces photos sont les souvenirs de moments oubliés, d’un contexte que je ne reconnais pas. Afin d’intervenir dessus plus facilement, je les scanne et les réimprime en les agrandissant. Cette première transformation change le statut premier de l’image en la réactualisant.

Plusieurs artistes ont travaillé sur la mémoire, l’identité et ce rapport au visage des gens. Tout comme Luis Durado, Flore Gardner, ou Maurizio Anzeri.

Flore Gardner utilise la broderie comme moyen de dessiner sur les visages. «Les Broderies sont de vieilles photos trouvées dans la collection familiale ou des photos récentes que j’ai prise moi-même, sur lesquelles je dessine en brodant. Ainsi je transforme et ajoute une autre couche de sens à ces vieilles photos qui contiennent déjà leur propre histoire». En effet, elle utilise ce médium car « broder » peut aussi signifier que l’on ajoute des détails à un récit, souvent faux mais qui le rendent plus piquant. Mais Flore Gardner ne se contente pas d’altérer les visages des personnes sur les photos. Elle s’attaque parfois au décors, en remplissant le fond d’une photo ou en rajoutant un élément, comme par exemple sur une vieille photo de sa tante assise entrain de broder, où elle remplit le fond de croix en ligne en faisant donc ressortir le corps comme s’il était en relief. Elle joue sur l’idée de paradoxe entre deux et trois dimensions,

ou plat et relief, ou encore le passé et le présent. Maurizio Anzeri utilise lui aussi la broderie pour dessiner sur les visage de personnes sur des photos, mais d’une manière différente. Les photographies qu’il utilise comme supports ne sont pas des photos intimes de sa propre famille, il les trouve dans des marchés aux puces. Ce sont en général des photos des années 30 et 40 sur lesquelles il intervient avec son aiguille pour coudre comme il dit des « costumes » ou des « représentations d’âmes matérialisées » comme si ils révélaient les pensées ou les sentiments des personnes. L’apparence antique des photos est souvent en contradiction avec la forme des lignes

Eyes (Couple)2012

Flore Gardner

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et la finesse du fil, tandis que la combinaison de la photo et de la broderie donne l’impression que l’histoire et le futur convergent. Maurizio Anzeri a collectionné pendant longtemps ces photographies avant de décider ce qu’il allait en faire. C’est en dessinant dessus avec un stylo-encre qu’il perça la feuille par hasard et lui donna l’idée de la broderie. Les trous qu’il fait sur le papier de la photo sont placés méticuleusement à même distance, à des endroits bien définis pour que le dessin ait une allure géométrique. Pour lui, la broderie apporte quelque chose que le dessin au feutre n’apportera jamais. Il parle de la lumière que réfléchit le fils et de la

profondeur. Avec certains points de couture certains endroits de la photo sont complétements recouverts, tandis qu’à d’autres, il est encore possible de voir à travers les fils. Quoi qu’il en soit, Maurizio Anzeri essaye de ne jamais cacher la totalité du visage pour qu’on le distingue sous le fil, et il laisse toujours un oeil ou les deux ouverts.

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I LE PASSAGE DE L’IMAGE À LA PICTURE

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Nadiabroderie sur photographie

Maurizio Anzeri

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Le paysage le plus intéressant est le visage

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Peterbroderie sur photographie

Maurizio Anzeri

Citationde Maurizio Anzeri

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Dans le travail que je mets en pratique pour ce diplôme, j’essaie de faire un amalgame entre la mémoire, l’image et l’identité. Ses notions sont reliées les unes aux autres et ont des conséquences sur elles-mêmes. En effet, la mémoire est ce qui forge notre identité, l’image est le souvenir et il se transforme par le temps et par l’oubli, et provoque donc la perte de l’identité. Mon but est de retranscrire visuellement la perte de la mémoire et l’oubli. Pour cela, je crée l’illusion en utilisant des images d’archive, photos de famille, comme support. Le fait d’intervenir sur l’image implique la perte de repères et crée un flou dans le souvenir. En effet par les différents moyens de transformation de l’image, on brouille la perception du spectateur. Notamment dans mes recherches typographiques où la duplication et la superposition des lettres provoquent un effet de flou, accentué par la technique de la sérigraphie qui met en évidence les différentes couches. Ces principes de transformation peuvent être détournés dans la vidéo ou l’animation, c’est à dire dans l’image en mouvement. D’autres facteurs entre en jeux dans ce cas là, comme la durée de l’image et le son par exemple. Il y a donc d’autres données à exploiter. La perception du spectateur sera-t-elle chamboulée de la même manière?

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BIBLIOGRAPHIE

# Proust et la photographieJean-François ChevrierEcrit sur l’image

# Graphic Carnets de Croquis, A la Source de la créa-tion visuelleSteven Heller & Lita Talarico

# Réappropriations, emprunts, citations, parodies... l’art du détournementCollection Artothèque de Caen

# Dossier de presse John Baldessari « From Life »Musée d’art contemporain de Nîmes

# Art et Appropriation C.E.R.E.A.P.

# In-between-nesswww.craftscouncil.org.uk

# Flore GardnerL’entre-deuxwww.festival-manifesto.org

# Maurizio anzeri: embroidered photographswww.designboom.com

# The Embroidered Secrets of Maurizio Anzeriwww.yatzer.com

# Aby M. Warburg « Mnemosyne-Atlas »http://www.mediaartnet.org

# Un siècle condamné à recycler le passéSylvain Menétreywww.largeur.com

# Christian Boltanski http://www.centrepompidou.fr

# Les Caractères de la mémoirehttp://sergecar.perso.neuf.fr

# Henri Bergson http://www.ac-grenoble.fr

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Conçu et réalisé par Adeline BruillotComposé en Futura Std et Garamond Premier ProMai 2012


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