La naissance de VénusFlorence - 1486
Sandro Botticelli1445-1510
Analyse de la Composition de tableauIntroduction à la Géométrie Comparée
Article completpar Yvo Jacquier
Prague | Décembre 2010
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 1 on 63
PRÉSENTATIONUn chef d'oeuvre de la Renaissance Italienne
« La Naissance de Vénus »« Vénus anadyomène » (sortie des eaux)
- Artiste : Sandro Botticelli
- Technique : Tempera sur toile
- Format actuel : 172.5 × 278.5 cm
- Date : 1486 (parfois 1485)
- Galerie des Ofces (Ufzi), Florence
- Modèle posthume : Simonetta Vespucci (1453-1476)
- Commanditaire : Lorenzo di Pierfrancesco de Médicis (1463-1503)
Dès le Trecento (XIVème Siècle), Florence développe son école au coté de celles de
Venise [Réf. 1] et de Ferrare. La corporation de métiers artistiques fondée en 1339
sous l'impulsion de la famille des Médicis brasse les Artistes de tous les pays
européens. Elle est connue sous le nom de Compagnie des peintres de Saint-Luc
(Compagnia dei pittori forentini di San Luca) ou Guilde de Saint-Luc. C'est en cette
confrérie que Sandro Botticelli parachève la maîtrise de son métier de peintre et son
initiation à la Géométrie Sacrée. Pour preuve sa première grande composition : le
panneau de « l'Adoration des Mages », de 1475. En outre il y dresse son autoportrait
en pied, comme Dürer le fera par la suite dans sa « Vierge au Rosaire » en 1506.
Le premier Maître de Botticelli est le moine Fra Filippo Lippi , dont il pénètre à dix-
neuf ans l'atelier. Il y apprend l'orfèvrerie, la gravure et la ciselure, de 1464 à 1467,
année où le maître part pour Spolète. Botticelli travaille beaucoup avec les artisans
(notamment son frère Antonio), ce qui renforce considérablement la ligne de son
dessin. L'on perçoit également l'infuence croissante de ses collègues Andrea
Verrocchio et Piero Pollaiolo.
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Verrocchio (Florence, 1435 - Venise, 1488)
Giorgio Vasari, considéré comme le premier Historien d'Art, empreinte l‘expression
de Gabriella Rèpaci-Courtois pour juger Verrocchio en « homme de métier sans
génie ». On le soupçonne même d'avoir abandonné la peinture devant les prouesses
de son aide, Léonard de Vinci : « Son très jeune disciple y peignit un ange bien meilleur que tout le reste. Puisque Léonard, malgré sa jeunesse, l'avait ainsi surpassé, Andrea décida de ne plus jamais toucher un pinceau. »
En fait, il est occupé à la réalisation du Colleone,
statue équestre de Bartolomeo Colleoni à Venise.
Verrochio confe à ces élèves sur-doués le soin
d'achever ses oeuvres peintes. Doit-on s'étonner
qu'il fasse confance à Léonard et à Sandro ? C'est
un grand praticien de le Géométrie Sacrée, comme
en témoigne ce « Baptême du Christ » achevé en
efet, par Léonard de Vinci, entre 1472 et 1475.
Tout le vocabulaire géométrique de l'Art de la
Composition y est développé avec une parfaite
maîtrise. Si Vinci sait habiller de sa lumière tout ce
qu'il touche du doigt, on ne saurait lui imputer une
quelconque modifcation à la structure, beaucoup trop complexe, de cette oeuvre.
Vinci lui donne une part de l'inefable souplesse qui le caractérise sans pour autant
remettre en cause les fondements de la composition (autant créer une autre oeuvre).
D'autre part, il est légitime de croire que Verrocchio est plus intéressé par l'art de
composer que par l'exécution picturale : son champ d'action est aussi la sculpture, à
caractère monumental. « Le Baptême du Christ » n'étant pas l'oeuvre étudiée ici, un
seul visuel lui est consacré. Le visage des anges, sur ce tableau, préfgure ceux des
personnages de Botticelli. Sandro hériterait-il des structures de Andrea et de la
souplesse formelle de Léonard ? À cette époque tout génie est à l'école de plusieurs
maîtres, et tous partagent leur Science en un lieu appelé Atelier.
Réf. 1 : La cité des Doges est traditionnellement liée à Byzance (Constantinople), au-delà de
sa chute en 1453. Venise, portail de la Méditerranée, sert alors de refuge aux savants byzantins
qui fuient l'autodafé ottoman. Par ailleurs, le palais appelé "Fondaco dei Tedeschi" sert de
comptoir aux marchands allemands de Nuremberg, Judenburg et Augsburg, si bien que la cité
est au confuent des trois composantes de la Chrétienté : Catholique par nature, protestante par
l'Allemagne, et Orthodoxe par un cordon ombilical qui se perpétue en lien commercial.
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◊ La commande du tableau - Le contexte historique
En 1481/82 Botticelli séjourne à Rome, où il est sous contrat avec le pape Sixte IV. Il
participe au fresques de la chapelle Sixtine. Il produit une seconde « Adoration des
Mages ». La tradition médiévale que l'Histoire perçoit comme un attachement de
l'Artiste à l'art qui précède l'avènement du Système Perspectif est, comme nous
allons le constater, liée à sa pratique de la Géométrie Sacrée.
À son retour de Rome, l'Artiste connaît une période de gloire grâce à la protection
des Médicis, particulièrement celle de Laurent le Magnifque. Celui-ci voit en lui le
meilleur interprète de son Humanisme cultivé - autant que passionné. Pierre-
François de Médicis, dit le Popolano (1463-1503, Florence) est également son
mécène. Il commande à Botticelli « La Naissance de Vénus » (1486) après avoir reçu
pour son mariage, de Laurent son cousin et tuteur, « Le Printemps » (1482) et «
Pallas et le Centaure » (1482). La villa où l'oeuvre s'ajoute aux deux autres est
appelée Castello (Medicea di Castello), que Pierre-François partage avec son frère
Giovanni. Elle est la propriété du Duc Cosme 1er de Médicis. La modèle posthume de
cette Vénus n'est autre que Simonetta Cattaneo de Vespucci (née à Gênes en 1453,
et morte à Florence de la tuberculose en 1476). Surnommée « la bella Simonetta » ou
encore « La Sans Pareille », elle est à la fois la femme de Marco Vespucci et la
maîtresse de Julien de Médicis, le jeune frère de Laurent, Pierre-François et Giovani.
Considérée comme la plus belle femme de son époque, elle sert de modèle à de
nombreuses œuvres majeures de la Renaissance, et inspire de nombreux poèmes.
Sandro Botticelli est à la fois l'héritier d'une tradition, comme Verrocchio, et le
compagnon d'aventure de Léonard de Vinci. Une légende raconte que rapidement la ville devient trop étroite pour deux Artistes d'une telle envergure. Un repas les réunit pour décider qui doit quitter Florence. Plus prosaïquement, plusieurs éléments
biographiques expliquent le départ de Vinci pour Milan, au début des années 1480. Il
n'est pas à son aise avec le Néoplatonisme en vogue à Florence, et se sentira mieux
dans une ville plus pragmatique. Milan répond d'autant plus à ses critères que
Laurent le Magnifque confe à Vinci la mission diplomatique de le rapprocher d'un
rival aussi douteux que dangereux : le sombre Ludovic Marie Sforza dit le More ! Un
autre élément pourrait également avoir une importance : quelques années
auparavant, en 1476, Vinci est accusé de sodomie, ainsi que trois autres hommes.
Cette pratique est à l’époque illégale à Florence et il faut l'intervention de Laurent de
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Médicis pour obtenir leur acquittement. Botticelli reste lui, à Florence. À partir de la
mort de Laurent le Magnifque, survenue en 1492, la cité périclite autant par la
faiblesse de son successeur, son fls Pierre l’Infortuné, que par l'avancée des idées de
Savonarole. Dans ces conditions, l'humeur et l'aura du peintre s'assombrissent.
◊ Première observation du tableau
La réalité du tableau
Les premières observations ne concernent pas le
discours mythologique de l'oeuvre, mais sa réalité
concrète et primaire : sa technique, son format, le
contrapposto de Vénus, enfn la ligne d'horizon.
Une autre approche, qui ne repose que sur
l'observation des yeux est reportée en Annexe 6 :
La formidable leçon des yeux
Technique
Le premier point concerne la technique. Cette tempéra est d'une excellente tenue
dans le temps, notamment grâce à l'utilisation nouvelle de la toile.
Format
Le format actuel est proche de la section dorée ( à 3,5‰). Le cadre a forcément été
changé plusieurs fois au fl des siècles. Il nous est permis de supposer qu'à l'origine,
le rapport était exact. Le trait noir vertical, sur la droite, correspond aux 3,5‰ qui
manquent pour que le tableau soit parfaitement accordé au Nombre d'Or. D'autre
part, les fchiers téléchargés sur Internet sont loin d'être parfaits. Le visuel ci dessus
montre les limites des documents disponibles. La partie jaune correspond à ce qui
manque pour répondre au "format ofciel" (172.5 × 278.5 cm). Les images sont ainsi
victimes d'un recadrage qui ajoute une erreur volontaire à l'inévitable déformation
optique. En dépit de ces conditions, cette première approche arrive à se satisfaire, le
métier aidant, des fchiers issus du web : les résultats pourront être précisés par la
suite, et ils sont sufsamment probants pour justifer cette introduction.
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Le contrapposto
Sandro Botticelli accède à une sculpture de Marbre issue de l'Antiquité, fgurant à
l'imposante collection des Médicis. Cette Vénus médicéenne va donner son nom
d'origine au tableau, à savoir celui de « Vénus anadyomène », et il vaudra jusqu'au
XIXème Siècle. À l'origine, l'attitude dite de "contrapposto" apparaît dans la sculpture
grecque à la fn du VIème Siècle av. J-C. Elle marque la transition entre l'art
archaïque et le premier classicisme.
De fait, la position du personnage central fait référence à
ce Classicisme Grec : les éléments clé en sont exposés.
La jambe d'appui perche une hanche quand l'autre, libre,
montre sa décontraction jusqu'à plier le pied légèrement
en arrière. Ensuite, la ligne des épaules oppose
symétriquement son inclinaison à celle des pointes
iliaques jusqu'à provoquer un léger pli à la taille.
Tout serait parfait dans le plus concret des mondes si
une observation ne venait provoquer notre esprit : la
verticale, à l'aplomb du centre de gravité, ne passe pas
dans le polygone de sustentation. En d'autres termes, la
base qui porte l'édifce n'est pas sous son poids. La Vénus ne tient tout simplement
pas debout ! Le talent de Botticelli nous fait ignorer cette contradiction. Vénus
semble échapper aux lois de la pesanteur, elle fotte dans un espace Céleste : celui
de la Géométrie Sacrée ! Et comme nous allons le découvrir, les schèmes
sophistiqués qui régissent cette toile interdisent de mettre au compte d'une
quelconque naïveté ce résultat surprenant.
L'angle que forment les deux lignes principales du contrapposto est de 36°, soit la
pointe d'un pentagramme, posée à l'horizontale. Vénus est génétiquement liée au
nombre d'or, et à toutes ses formes d'expression.
Les mystères de la ligne d'horizon
Botticelli donne de la pente à son horizon, qui monte vers la gauche avec un angle
de plus de un degré ! Là encore, il ne saurait être question de maladresse ou de
naïveté : cette incohérence émane de la volonté de l'Artiste. Une ligne horizontale (en
rouge sur le visuel) joint trois points : tout à gauche du tableau, celui où la mer
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"monte". Au centre, le sommet du nombril de Vénus et un peu sur sa droite, le pic
que forme le col de la cape (marqué d'un point blanc). Première observation : un
petit trait chapeaute le rond du nombril. Botticelli pose ici un repère.
Deuxième observation : Si l'horizontale de
l'océan coïncidait avec cette ligne, le nombril de
la belle se retrouverait entre ciel et mer.
L'horizon s'inféchit pour laisser un espace où se
glisse une langue de terre. Cette terre sert de
background au nombril de Vénus. Botticelli pose
ainsi le symbole de la naissance, d'origine, sur la
Terre, entre le ciel et la mer.
L'illusion de la coquille Saint-Jacques
Les pieds de Vénus ne touchent pas plus le sol que la coquille Saint-Jacques. Le
rebord de la conque où repose le pied gauche de la Belle est comme retourné sur
lui-même. Le pied devrait reposer sur la face nacrée, de couleur claire, et non sur la
partie sombre, qui est normalement dessous. Botticelli ne cesse de contrarier les lois
d'ici-bas, depuis celle de la pesanteur jusque celles du vraisemblable.
◊ L'Histoire Mythologique du Tableau
La trame symbolique du tableau est issue de la Mythologie Grecque. Cronos, fls de
Gaïa (Déesse de la Terre) de de Ouranos (Dieu du Ciel), aurait émasculé son père
(pour mettre fn à l'exil dont il châtiait ses enfants). La semence d'Ouranos se
répandit dans l'Océan et, au contact de l'eau, l'écume engendra Aphrodite
(rebaptisée Vénus par les Romains). La Déesse fut portée par un coquillage et,
poussée par le vent du Dieu Zéphyr (fls d'Éole, le maître des vents, et d'Éos,
l'Aurore), elle atteignit Cythère, puis Chypre où elle fut habillée par les Heures. Le
personnage pendu au cou de Zéphyr est son épouse, la nymphe Chloris (Flore pour
les Romains, Divinité des Fleurs). Le personnage situé à droite du tableau est une
Heure. Au nombre de trois, ces flles de Zeus et de Thémis personnifent la
Discipline, la Justice et la Paix, mais encore le Printemps, l'Été et l'Hiver. Dans cette
scène, l'Heure couvre Vénus d'un manteau rouge parsemé de motifs foraux, à son
arrivée sur les plages de Chypre.
Pierre Grimal : « Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine » (PUF, 1951).
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PREMIÈRE PARTIEIdentifcation d'une géométrie de Construction
◊ Les Étapes de cette présentation
La Géométrie de Sandro Botticelli ne consiste pas en une application triviale de
fgures sur la toile. La découverte de ses procédés prend l'allure d'un festival, et
l'explication de ce véritable miracle pour les yeux se traduit par un Système de
Construction. En outre, la place du Nombre d'Or s'y confrme. Il est la clé de son
homogénéité, son "secret génétique".
Il nous faut procéder en trois étapes. La première est d'identifer la Géométrie; la
seconde de comprendre comment elle se construit. La troisième étape doit alors
développer autant que confrmer les deux autres, selon le principe de la double
preuve, cher à la Géométrie Comparée.
◊ Le quadrillage et les rectangles dorés
Dans l'étude de la Géométrie Sacrée, l'identifcation du quadrillage est essentiel.
Cette grille faite de carrés unitaires permet de caler les fgures géométriques sur le
plan. Ensuite, elle permet de traduire par des valeurs numériques les symboles qui se
manifestent par leurs mesures. Dans le cas de ce tableau, il suft de considérer la
verticale du tableau comme égale à H = 2.Phi2 soit 2(Phi+1) = 2+2.Phi # 5,236. Et
selon cette échelle, le tableau a une largeur L = 2.Phi3 # 8,472. Ce calcul s'appuie
sur la proportion dorée du cadre.
La Croix Grecque classique
Pour faire une croix grecque, l'on extrait un rectangle
doré d'un carré initial par deux fois (calé à gauche, puis à
droite). Ces deux rectangles défnissent deux traits
verticaux au milieu du carré. La fgure, assortie de ses
lignes internes (diagonales et carrés), se duplique et
tourne d'un quart de tour, faisant apparaître une croix.
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◊ Les lignes de la Croix Grecque
Petit rappel : Multiplier un rectangle doré par le Nombre d'Or
(le développer), revient à lui rajouter un carré conforme à sa
grande longueur. De même, dans tout rectangle doré il y en a
un autre plus petit (division dorée). Il suft de lui retirer un
carré conforme à sa petite mensuration pour le faire
apparaître.
La croix centrale du carré, formée de quatre traits,
organise la composition. Une verticale vient se
coller au coquillage que l'Heure tient à la main, et
la suivante encadre sa chevelure. L'horizontale
supérieure répond à la ligne d'horizon que nous
avons évoquée : celle qui passe par la point le
plus haut de la mer, le nombril de Vénus et se
pose sur le pic de la cape. Une horizontale enfn,
se pose au bord supérieur de la coquille St Jacques.
Entre ces deux horizontales se distinguent deux carrés blancs de part et d'autre du
carré central. Ils répondent à la partie médiane des deux femmes. Vénus se
déhanche pour en épouser le bord quand la robe de l'Heure s'étofe à l'arrière, avec
une intention symétrique. Ces carrés ont pour mesure exacte 2, et celui de Vénus se
divise à son tour selon le principe de la Croix Grecque. L'un de ses traits verticaux
s'aligne avec le nombril, point essentiel de la composition générale.
Les diagonales jouent un rôle important. Deux d'entre elles se croisent sur le bras
levé de l'Heure. La jambe de Vénus semble se poser sur celle de gauche. Celle de
droite exprime le mouvement général de l'Heure, et son pied vient efeurer une
autre diagonale.. La symétrie est ici totale, puisque dans les deux cas les jambes
concernées sont "libres" (par opposition à jambe d'appui).
Revue de détail - Un certain nombre de points sont soulignés de blanc, notamment
les extrémités de la natte, dans la chevelure de l'Heure. Ce maillage doré ofre un
cadre précis au placement des éléments de la composition, qui leur imprime une
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harmonie à la mesure du Nombre d'Or et de ses capacités géométriques. Le
personnage de droite aurait peine à convaincre notre oeil si en plus de sa nature
mythologique, il se perdait dans des repères ordinaires. Aucune vérité physique ne le
porte et pourtant, comme Vénus et son incroyable contrapposto, il échappe aux lois
de la pesanteur avec l'évidence du naturel. Toutes deux posées sur les cordes dorées
de la composition, Vénus et l'Heure sont une démonstration de la magie de la grâce.
◊ La Magie oubliée du Nombre d'Or
La beauté et les normes - Contrairement à une opinion particulièrement
maladroite, cette beauté là n'est pas une afaire de canons : leurs vertus bouchères
sont l'apanage des magazines people et des propagandes. Rien n'est plus aliéné au
Terrestre, plus trivial que ces efuves d'une communication "forcée" (comme il y a
des marches forcées et aussi des rires forcés). Les Artistes de la Renaissance, dont
Botticelli est l'un des meilleurs représentants, cultivent une esthétique qui est vision
du Monde. Les Néo-Platoniciens de la Renaissance considèrent même que Le Monde
n'est que le refet des idées (avec quelques nuances particulièrement intéressantes
pour le courant qu'incarnent Vinci et Raphaël). Si les Philosophes ne cessent
aujourd'hui de rappeler ces principes dans leurs textes, dès qu'il s'agit de peinture ils
se perdent en des afrmations proprement matérialistes... Proportions, canons,
perspective, progrès et maîtrise technologique etc, et pour parachever le tout
"l'inventaire de boutique de Melencolia". Une totale méprise.
Plus généralement, l'erreur du XXème Siècle est d'avoir imposé trois contre-vérités
en une seule afrmation sur un soi-disant passage appelé Renaissance. L'abandon
d'un référentiel historique et narratif au proft d'un référentiel spatial, lié au
développement de la Perspective, ne tient pas. Pas à la lumière des preuves
géométriques de la construction des oeuvres. La Géométrie Sacrée existe en-deçà et
au-delà de la Renaissance, et elle porte l'essence symbolique des oeuvres. Peut-on
imaginer que les Artistes se donnent tant de mal, avec une telle obstination pendant
des siècles, sans une réelle motivation et sans aucune cohérence ? Les notions de
métaphore et d'allégorie ne sufsent pas : il faut à leurs images le statut du Symbole
pour se traduire. Les oeuvres picturales ne sont pas d'avantage narratives (avant la
Renaissance), que descriptives (à partir de la Renaissance). Et les deux systèmes,
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sacré et perspectif, coexistent très longtemps. Jusqu'à ce que les ateliers s'éteignent,
et avec eux, le principe de transmission de cette Culture. Le pouvoir et la
responsabilité échoient alors au marché et au politique ! La peinture contemporaine
est plus aujourd'hui une afaire de ministère qu'une afaire d'atelier...
Cette « Vénus » est l'occasion de renouer avec la
magie de la Peinture. Les jambes des personnages
féminins ou ailés sont touchées par la grâce des
cordes dorées (diagonales et bissectrices),
échappant ainsi au diktat de la pesanteur...
NB : Cette magie ne se produit pas si l'on se
contente d'appliquer des principes de façon
mécanique. Le Talent doit féconder la Connaissance. Selon la Sagesse des Anciens,
bien avant la découverte de la circulation sanguine et des rôles respectifs des deux
lobes du cerveau, la création est le produit du Dogme et de l'Inspiration.
◊ Le Triangle Sacré - Les lignes internes
Le Triangle Sacré est la base historique de la Géométrie Sacrée. En outre, son
identifcation permet de trouver l'échelle du quadrillage. Les Égyptiens fgurent parmi
ses premiers promoteurs, mais ils ignorent le calcul irrationnel... Pythagore ouvre ce
triangle à l'Arithmétique [Voir à ce propos l'article sur jacquier.org].
En l'occurrence, quatre triangles inscrits dans un
rectangle de 3 sur 4 carreaux dirigent les deux
personnages sur la gauche, Zéphyr et Chloris. Un
médaillon se détache d’emblée : il contient le corps et les
visages du couple. L'homme incarne le vent
d’Ouest/Nord-Ouest poussant Aphrodite vers la Terre. Le
soufe qui émane de la bouche de Zéphyr suit une ligne strictement parallèle au trait
rouge ( celui qui relie le centre du médaillon au nombril de la déesse).
Ce visuel montre de façon didactique le rôle actif des lignes internes aux fgures de
la structure. Il est habituel de les voir relier les éléments géométriques d'un système
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de composition, mais pour bien des observateurs, ce discours d'atelier reste très
éloigné de leurs préoccupations. Dans ce cas précis, la Géométrie généralement
cachée dans les mailles d'une structure sous-jacente afeure, tel le granit venant
témoigner de la nature profonde de la Terre.
NB : L'Annexe 7 présente les valeurs élémentaires de la Symbolique Les lignes soulignées de rouge sont les bissectrices dorées de deux Triangles Sacrés
(3-4-5 carreaux). Elles partent des sommets joignant les cotés 3 et 5 de leur
triangle, franchissent le cercle inscrit (appelé intime) à la distance exacte de 2.Phi, et
se croisent sur le nombril de Vénus... La nature de ces lignes se dévoile peu à peu.
L'angle du triangle joint la dimension 5, attribuée à l'Homme au 3, relié au Ciel. Cet
angle est, selon la Symbolique universelle, un lieu d'échange entre l'Humain et le
Céleste. La bissectrice qui le coupe en deux parties égales est une sorte d'axe où se
traduit l'énergie. C'est aussi une ligne d'équilibre : son parcours porte la mesure du
Nombre d'Or, outil que l'Homme reçoit de Dieu pour créer l'Harmonie sur Terre.
Concentrons-nous maintenant sur le cercle du couple. Son centre est entre les deux
amants qui esquissent la fgure du Yin et du Yang. De ce centre (du couple) jusqu'au
nombril de Vénus, la distance est de √5. C'est la mesure du mystère humain, et pour
cause : le nombril n'aurait pas lieu d'être sans le mystère de la procréation, et il
n'est meilleur interlocuteur pour évoquer ce sujet que le couple. Dürer laissera dans
ses Tarots une image symbolique tout à fait surprenante : le symbole du sexe
féminin y coupe un pied de "l'Arcane sans nom" (que l'on appelle néanmoins « La
Mort »)... En dépit de ses couleurs marbrées qui se rappellent des études de Sandro
Botticelli face à la sculpture grecque de la collection Médicis, Vénus tient un propos
beaucoup plus frais, voire printanier. L'Heure joue la représentation du Printemps,
les feurs qui parsèment la toile se veulent une fête à l'Amour, à sa création. Le
Symbole "fnal" de cette bissectrice dorée se résume donc au centre du couple lié au
Divin par le mystère de la procréation. La pente de la droite est descendante,
traduisant une "descente" vers la matière, vers la terre où elle plonge au fnal.
Le couple de Zéphyr et Chloris se valorise ici sous cette identité, et il s'agit avant tout
d'une naissance, dont Vénus porte le propos avec son nombril comme attribut. La
dimension narrative du discours perd une part de son aspect littéraire au fur et à
mesure que les valeurs numériques entrent en action. La Géométrie traduit et se
traduit. Plus l'étude s'afne, et plus les éléments mythologiques prennent une forme
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 12 on 63
symbolique pure, afranchie de leur dimension narrative. Zéphyr ne cesse d'être Dieu
(l'a-t-il jamais été ?). Dans ce tableau il forme un couple avec Chloris, dont il défend
ici les "valeurs", l'existence. Ce décalage entre les allégories initiales, mythologiques,
et des valeurs symboliques fnales tenant de l'absolu est une constante de la
Géométrie Sacrée. Ce constat est l'un des plus sûrs de la Géométrie Comparée, qui
multiplie les exemples comme les preuves, par vocation.
Le deuxième cercle souligné du visuel semblerait "vide" si l'on oubliait que Vénus est
née de la semence de son père Ouranos, répandue dans la mer. Sa bissectrice
associée est montante et elle passe de la profondeur bleue de la mer jusqu'au vert
sombre abritant le silence des arbres. Là encore s'expose le mystère de la création,
et il passe par la bouche de l'Heure. Cette naissance est aussi une renaissance : les
feurs témoignent ici en tant qu'allégorie de la semence d'Ouranos. Elles sont les plus
belles paroles du Printemps.
◊ Les combinaisons numériques de l'étoile
Le Yin et le Yang occidentaux - Le svastika
Pour les Anciens, la Géométrie est une,
intemporelle et universelle. Son application à
l'Image ne s'est pas développée sans une étude
d'ordre théorique, hors du champ d'application
pictural. Ainsi, les Artistes ont forcément
rencontré cette fgure simple qui réunit quatre
cercles de diamètre 1 posés en croix dans un
cercle de diamètre 2. Le Yin-Yang occidental.
Opposer les civilisations d'Orient et d'Occident est une attitude aussi maladroite que
celle de les confondre. L'angle d'approche est fondamentalement
diférent : l'Asie voit une complémentarité là où l'Europe préfère
défnir une opposition. Pour autant, le dessin révèle dans sa
construction "occidentale" une des représentations du svastika,
symbole universel. Pour exemple cette croix basque construite sur le même schéma.
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Le luburu, terme qui signife « Quatre Têtes », est porté en pendentif par les
habitants des sept provinces basques. Il est aussi gravé sur les maisons, les meubles
ou les stèles funéraires.
Le svastika se manifeste en des civilisations très anciennes, en Inde, en Chine et en
Amérique centrale. Les premiers svastikas connus se trouvent sur des poteries de la
culture de Samarra (6200-5700 avant notre ère), établie entre le moyen Tigre et le
moyen Euphrate. On le trouve également dans deux idéogrammes chinois, signifant
« Dix mille » (traduit par « Innombrable ») ou « Le cœur de Bouddha », et dans les
Cultures jaïne, hindoue et bouddhique, en Chine, où il symbolise le temps éternel.
Fort heureusement, les peintres de la Renaissance ne subissent aucune conséquence
du régime nazi : ceux de l'Inquisition leur sufsent. Véronèse (1528-1588) doit
batailler pour imposer les choix de son oeuvre majeure « Les noces de Cana »,
exécutée dix années plus tôt en 1562 et 1563. Il a cette fameuse répartie devant le
tribunal médusé : « Nous, les peintres, prenons des libertés tout comme les poètes et les fous ». Il doit rebaptiser son oeuvre d'un nouveau titre : « Le Repas chez Lévi ».
Étude numérique du motif
Nous nous concentrons sur la version ronde du svastika, selon sa défnition citée
plus haut. Nous ne pouvons dresser un inventaire exhaustif de ce vénérable signe :
nous donnons une assise archéologique à cette étude. Le stade suivant se préoccupe
des nombres. Sans eux, la Géométrie resterait muette, et nous avec. Quelles sont les
valeurs impliquées dans ce motif ? Cette croix ronde est une combinaison de 4
cercles dans un cercle de 2. Et les cercles sont opposés et tangents deux à deux
(2x2). Le 1 apporte sa magie, à commencer par celle de la mesure.
Selon Christophe de Cène, le 2 symbolise l'Inspiration. Nos études conjointes sont
parvenues à cette conclusion : le premier pas de l'Inspiration est le discernement, la
diférenciation de valeurs diférentes, à la fois opposées et complémentaires. Cette
idée accorde l'Orient et l'Occident, aucune lutte sémantique ne se profle en cette
approche. Ensuite, le 4 se rattache à la Terre, avec laquelle il raisonne comme les
points cardinaux, le carré auquel se soumet toute élévation architecturale etc. Le 4
est terrestre, selon tous les codes de tradition symbolique.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 14 on 63
L'Arcane 17 des Tarots - L'Étoile
Christophe de Cène nous explique la rencontre de ces deux nombres. 4 et 2 forment
une combinaison numérique, le code génétique unique de l'Étoile, arcane majeur des
Tarots (lame XVII). Le personnage féminin de l'Étoile est depuis toujours considéré
comme une représentation de Vénus. Botticelli fait donc appel à un motif
directement lié à l'Étoile, et son oeuvre présente Vénus marchant sur les eaux.
L'Étoile est, à la lecture de ses nombres géniteurs, l'Inspiration de la
Terre. Et que traduit l'eau qu'elle fait couler à ses pieds dans la carte
des Tarots ? Par cette eau versée, la scène de l'Arcane se rappelle du
baptême. Cette référence est harmonique à la naissance de Vénus. Et
cette initiation se réfère dans les deux cas, le tableau comme la carte,
à Compostelle (dit Campus Stellae ou "champ de l'étoile"). La coquille
Saint-Jacques, juste témoignage, porte l'étoile jusqu'à Chypre. Tous
les chemins de l'Étoile mènent à Compostelle...
Sur la carte de l'Étoile, l'on dénombre deux cruches, donc deux sources d'Inspiration.
La traduction géométrique prend deux aspects : le motif des quatre cercles en un,
que nous étudions ici, et le Pentagramme, que nous aborderons par la suite. Le
premier motif parle du temps, cette croix aux nombres entiers se lie au référentiel
absolu de la Création Divine. Le Pentagramme est une représentation plus humaine,
une échelle que redécouvre la Renaissance dans ses explorations.
Les Yin et les Yang de Vénus
Ce visuel rassemble les cas les plus explicites de
l'utilisation du svastika par Botticelli. Les
bissectrices dorées des Triangles Sacrés de
l'étude précédente sont ici conservées. La
disposition de ces cercles suit l'inspiration de
l'Artiste en une structure très solide qui
s'accorde avec les autres calques de la
composition. La première image à se démarquer est celle du couple de Zéphyr et
Chloris, dans son cercle inscrit au Triangle Sacré. Les oppositions entre esprit
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 15 on 63
occidental et oriental volent ici en éclat, non sans une pointe d'humour : la position
des centres des deux cercles de diamètre 1 nous rappelle que la femme a des bras
(ne serait-ce que pour enlacer), et que l'homme a une tête !
L'expression du mouvement est particulièrement explicite autour de la coquille
Saint-Jacques. Elle rappelle que Vénus est née dans un mouvement d'écume de mer.
La lumière des chairs de la Belle participent également à la composition. Le Cercle
posé sur la poitrine de Vénus est celui qui met en action les quatre pôles de la roue.
Son buste y est inscrit comme l'essentiel de sa chevelure. Un dialogue s'ouvre entre
la cape qui se prépare à recouvrir la Belle et cette chevelure abondante, qui déjà la
protège. Ce cercle semble pendu au coquillage que tient l'Heure à sa main. Enfn, la
dynamique "vertueuse" de la Déesse du printemps et des feurs devient
particulièrement lisible au travers des deux cercles qui composent son mouvement.
◊ La Renaissance du Pentagramme
Comme nous l'avons évoqué, Vénus est étrangement liée à l'arcane XVII des Tarots,
et ses deux eaux versées correspondent aux deux sources de l'Inspiration, l'une
divine et absolue, se rapportant au temps infni, l'autre plus humaine, traduite par le
Pentagramme. L'on pourrait croire que ce second aspect est sinon une découverte au
moins une redécouverte typique de la Renaissance. Or il n'en est rien : cette
diférentiation est un classique de la Géométrie Sacrée, et il n'a pas attendu le
quattrocento pour trouver cet équilibre. La Renaissance existe, mais elle se
caractérise par d'autres aspects, propres à changer une époque (Voir Annexe 3 : Les facteurs objectifs de la Renaissance).
La rupture revendiquée par tant d'auteurs ne tient pas. La Renaissance n'est pas un
changement de référentiel depuis une sorte de "narratif historique" vers une sorte de
"descriptif spatial". L'artiste n'aurait au fnal que son émotion intime et sa petite
subjectivité pour construire un discours, après n'avoir tenu que celui des canons
régis par une Église omnipotente. Cette vision du Moyen-Age comme de la
renaissance est erronée. Il n'y a pas de Renaissance sans le formidable héritage du
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 16 on 63
Moyen-Age, et dans une grande mesure, la Renaissance apparaît telle une
magnifque conclusion au travail et au propos du Moyen-Age. L'étude de la
Géométrie Sacrée ne cesse de le montrer : les structures évoluent sans jamais se
contredire. Tout ce bagage trouve un prolongement qui n'est autre que la Science :
Kepler construit son système sur les bases même de la Géométrie Sacrée qui, au fl
des millénaires, a anticipé une vision "objective" du Monde et produit le modèle dont
Kepler fait fnalement ses lois ! L'on voit de la Renaissance avant tout le faste, le coté
prestigieux, mais c'est oublier que toute récolte est précédée d'un dur labeur, de
semailles et aussi de temps ! Ne voir que le résultat, c'est gaspiller l'efort et le talent
des générations qui ont tout préparé. D'autant que le peintre de la Renaissance ne
cherche pas forcément à "impressionner" un public dont les qualités d'appréciation
sont positivement hors normes. Laurent le Magnifque attend le meilleur de Sandro
Botticelli, et pas "le plus" comme on le dirait aujourd'hui.
L'opinion, comme la protection des peintres entre eux, ont également leur
importance. Il n'y a pas de marchands, au sens où ils apparaîtront par la suite. Pas
d'avantage de critiques ! Il n'y a qu'un réel intérêt pour la peinture, particulièrement
en Italie. Cette ambiance fait écho jusque dans une lettre de Dürer, qui déplore
depuis Venise à son ami Pirkheimer : « comme j'aurai froid en pensant au soleil. Ici je suis un seigneur, là-bas un parasite »... Lors de ce second voyage en Italie, en 1506,
le grand Giovanni Bellini assure sa cote auprès des Patriciens. Il lui passe même
commande ! Les gains de Dürer, réalisés avec de petits tableaux, lui permettent
d'investir dans les dix Livres d'Architecture de Vitruve récemment édités (il les
traduira partiellement en allemand). Il rédige à cette même époque son Instruction
sur la manière de mesurer, inspiré des Eléments d'Optique d'Euclide...
Les Pentagrammes de Vénus
« La naissance de Vénus » ofre une merveilleuse occasion de comprendre l'héritage
comme la nouveauté de la Renaissance. Les qualités de
virtuosité de Sandro Botticelli s'expriment en cette oeuvre
autant par le trait qui fait sa renommée que dans les
structures profondes de sa géométrie. Le jeu des
Pentagrammes que nous allons aborder complète celui du
Yin/Yang que nous avons étudié.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 17 on 63
La construction du 5 va en efet compléter le jeu du 4 et du 2. Cette naissance de
Vénus est classiquement conçue comme symbole de la transmission de la beauté
d'ordre divin au monde des mortels. Par Vénus, cette Beauté devient humaine autant
que le nombre d'or devient humain par la grâce de Dieu. Rien d'étonnant si le
Pentagramme, qui est l'expression géométrique la plus complète de Phi, se
manifeste en cette oeuvre. En outre, les rectangles n'ofrent pas l'ouverture de ses
angles, ils permettent d'enfermer plus que d'harmoniser... Vénus pose ainsi tout le
haut de son corps dans une étoile dont le cercle prend la hauteur de l'oeuvre. Les
visages du couple qui veillent sur elle sont dans la sphère. Le visage de l'Heure, qui
garde la tête froide, reste à l'extérieur. Et son oeil est sur la ligne, signe de vigilance.
Les pieds de la Belle échappent à l'étoile : sa base est d'un autre ordre que l'humain,
même si elle s'en réclame en adoptant sa forme. Nous le comprendrons plus tard.
Même en complétant l'étoile de sa symétrique, les talons
de la Belle continuent d'échapper : elle est d'un autre
monde, femme d'outre-monde. La solution à cette
question récurente viendra en son temps. Cinq mille ans
furent nécessaires à cette Culture pour se bâtir...
L'invention de la 3D par Sandro Botticelli
Ce titre provocateur est évidemment à prendre sur le ton de l'humour. Sandro
Botticelli n'en manque pas, si l'on se réfère à ses Images. La « Naissance de Vénus »
met en scène des personnages à caractère vériste devant ce qui prend l'allure d'un
décor de théâtre. Observons attentivement la coquille Saint-Jacques : elle semble
plate à l'arrière de Vénus, et même verticale. Les tangentes aux courbes sont
parallèles, quand elles devraient converger pour provoquer un "efet de fuite" à
l'arrière. Nous verrons en troisième partie que cet éventail en préfgure un autre,
particulièrement utile. La représentation des personnages met hors de doute la
capacité de Botticelli au réalisme le plus pur, particulièrement le personnage de
l'Heure. La provocation de la coquille (une de plus), est le résultat d'une volonté. La
rupture entre les personnages et "le fond" se double d'une autre considération
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 18 on 63
picturale : le moindre soin apporté aux nuances dans les couleurs comme le modelé
des ombres. Par efet de contraste, les personnages prennent certes d'avantage de
relief, mais ce n'est pas la seule motivation. Botticelli le Virtuose délivre ici un
message : celui d'une scène d'ordre théâtral où les personnages joueraient donc un
rôle. La scène mythologique serait alors un prétexte. Prétexte à l'afrmation d'un
propos afranchi notamment de la religion/mythologie grecque ? Le bon sens,
comme l'expérience, se rallient assez facilement à cette "option". Nous l'avons déjà
constaté à propos du couple Zéphyr/Chloris quand il prend une identité absolue
dans la composition. Quel est le véritable propos de Sandro Botticelli concernant
Vénus? L'éternel féminin ? La consécration de la Grâce au-delà de la Beauté ? Peut-
être l'étude apportera-t-elle d'autres éléments de réponse.
Ce Pentagramme trouve une autre position, par
laquelle les avant-bras et la cuisse d'appui de
Vénus expliquent leur orientation particulière. Le
jeu des deux roues à dix branches dessine alors un
tambour en perspective cavalière qui ajoute encore
au relief au personnage (d'où le titre provocateur
de cette page).
Nous allons revenir à des considérations plus concrètes et conforter notre opinion
sur cette oeuvre. Il est temps notamment de "construire" le Système de Composition
sur le quadrillage. Cette leçon est signée Sandro Botticelli...
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 19 on 63
DEUXIÈME PARTIELe Système de Composition de « Vénus »
Le point que tient symboliquement l'Heure entre
le pouce et l'index est un repère de la
composition. Le cercle de diamètre 1 vient toucher
l'angle de la mâchoire de la Belle, qui semble une
fois de plus incliner la tête pour se mettre en
accord. Un deuxième cercle de diamètre Phi se
développe à partir du même centre. Cette fois, il
désigne le pli du coude de l'Heure et, à l'opposé,
le coin de l'oeil de Vénus. Enfn, un troisième cercle de diamètre Phi au carré (Phi+1),
vient chercher le coin de l'oeil de Chloris.
Ce cercle a une grande importance, que la distance entre les pouces au pied de
l'Heure souligne. La verticale du personnage est située exactement à deux carreaux
du bord du tableau. C'est une ligne fable, donc. Et l'heure plie le pouce de son pied
arrière pour souligner une distance de Phi carré sur deux.
Les propriétés algébriques du nombre d'or
rejoignent ici les propriétés géométriques : un
duo de deux cercles se forme, dont les centres
sont séparés par une distance de Phi/2. Derrière
ce double-cercle se cache une clé essentielle de
cette oeuvre. Trois regards se conjuguent dans
cette association. Celui de Vénus est au centre
d'un cercle à gauche qui va chercher l'oeil de
Chloris. Le cercle de droite, plus "objectif", prend le profl de l'Heure autour du
diapason de la cyprée. Trois regards, trois attitudes, trois rôles.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 20 on 63
◊ Les Maîtres de la Composition
Les trois grands Maîtres de la Composition, identifés à ce jour par l'étude de la
Géométrie Comparée, sont : Rublev (1360-1427), Sandro Botticelli (1445-1510) et
Albrecht Dürer (1471-1528). Léonard de Vinci (1452-1519) et son disciple Raphaël
(1483-1520) ouvrent une voie plus "pragmatique", et méritent également d'être cités
(comme tant d'autres dans l'avenir). Pour l'instant, la Géométrie Comparée défnit les
axes de développement d'une culture qui prend ses sources dès le néolithique, puis
sillonne la grande Europe de long en large afn d'échapper à tous les cataclysmes
jusqu'à son achèvement, entre les mains de trois prophètes de la Géométrie Sacrée :
Rublev, Botticelli, Dürer.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 21 on 63
Le premier est moine. Sage au point de mériter sa canonisation, il est curieusement
le plus impétueux des trois. C'est à lui que l'on doit le dépassement de l'héritage
byzantin. Son système imprime le mouvement des planètes, préfguration explicite
de la Science de Kepler. Ses procédés annoncent également les Fractales de Benoît
Mandelbrot ! Il est regrettable que ces thèmes ne soient pas abordés dans le flm
biographique qui lui est consacré. Les débats animés qui opposent Rublev à
beaucoup de ses collègues peuvent-ils se sufre du choix de la couleur et de
l'expression des visages pour seuls arguments ? Dürer n'est pas mieux loti :
l'essentiel des discours ne voient en lui que le pionnier du Système Perspectif,
gommant de ce fait l'essentiel de son oeuvre - depuis Melencolia jusqu'au jeu des
Tarots dont il conçoit le modèle dit "de Conver". Dürer a hérité de Rublev, et tous
deux ofrent dans leurs chef d'oeuvres une leçon de Géométrie de haute école...
Sandro Botticelli est de la même trempe, du même niveau que ses prestigieux
collègues. Comme eux, il ne se contente pas d'appliquer les règles, aussi complexes
qu'elles soient, comme délicates à mettre en oeuvre. Il résout par la Géométrie
Sacrée les problèmes symboliques que lui posent cette oeuvre particulière.
◊ La construction du Système de Composition
L'Heure porte bien haut cette indication, à laquelle
semble suspendu le sort de toute l'oeuvre. Les
deux cercles décident de toute la construction de
l'oeuvre ! Leur mensuration s'accorde à celle du
quadrillage, et leur alignement prend les lignes 2
verticale et horizontale de la grille. Encore et
toujours le 2, présents également dans les
dimensions Phi2 et Phi/2. Le 2 de l'Inspiration, et
sa première manifestation : le discernement...
Les deux cercles jumeaux de diamètre Phi carré, soit Phi+1, ajustent leurs centres à
la mesure de Phi sur 2. L'intersection des deux cercles se traduit, après application
du théorème de Pythagore, par une écriture barbare : (1/2).√(11Phi+7).
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 22 on 63
Ce résultat est proche de 2,49 soit 2,5 à 4 ‰ de carreau près. Cette marge est de
l'ordre du millimètre sur une toile qui comporte plus de 5 carreaux en hauteur. En
outre, elle est typique de la Géométrie Sacrée. Un autre sujet vient en parallèle
appuyer ce propos. Le polyèdre de Dürer, dans la célèbre gravure « Melencolia I »,
réclame le même type de développement du Nombre d'Or. Le diamètre de la sphère
qui le contient est D = √(2Phi+3) ≈ 2,497 212 ≈ 2,5 à 1,1‰...
2,5 s'écrit 5/2 en Géométrie Sacrée. Le 5 se rappelle de l'Homme, du Pentagramme
et du Nombre d'Or. Le 2 n'a plus besoin d'être présenté, il est partout dans cette
oeuvre, au point de se demander si Vénus n'aurait pas un dédoublement de
personnalité... Ah ! La dualité ! si chère aux hommes et si précieuses aux femmes !
Qui prétendra que ça puisse échapper à Sandro Botticelli, alors qu'il choisi pour
modèle une femme qui dans sa courte vie en éprouve au moins deux ?
La première propriété de cette confguration est l'angle
que forment les droites qui joignent les centres des
cercles au sommet A de leur intersection. C'est l'angle
exact de la pointe d'un pentagramme, ou encore de celle
d'un triangle d'or : 36° (π/5). Le cercle de diamètre Phi
participe aussi au jeu de ces coïncidences...
Le Pentagramme ne se déploie pas de façon arbitraire à
partir de ce couple de cercles. Il s'établit pour que la base
de sa pointe supérieure soit chacune sur un cercle. Selon
quoi le cercle de diamètre Phi apporte une fois de plus sa
petite contribution. Il coupe la pointe à la hauteur des
centres, et le pentagone sur le cercle de gauche...
Botticelli a choisi la ligne du Pentagone inversé pour placer
son quadrillage. De fait, les coïncidences forment un tout.
Il y a exactement deux carreaux entre la base de cercles et
la ligne supérieure du pentagone.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 23 on 63
Botticelli doit travailler la géométrie à part de sa peinture pour atteindre ce niveau de
complexité. Cette fgure est manifestement la résolution mathématique d'une
équation qu'il se pose à propos de l'oeuvre. Le XXème Siècle croit réinventer la
Géométrie avec des mots. Nous sommes en présence ici d'un système qui réunit
plusieurs couches, plusieurs calques, par les coïncidences qui soulignent le sens des
nombres. La géométrie porte le sens dans l'esprit du peintre.
Première confrontation au jeu subtile des coïncidences,
fondement de la Géométrie Sacrée, voici les liens entre le
Pentagramme et la croix grecque que nous avons étudiée
en tout premier lieu de l'étude. Les pointes viennent
chercher la deuxième verticale à son origine, composante
majeure de la dite croix grecque.
Ensuite, les branches du pentagramme se croisent sur la ligne horizontale de 2 sur le
quadrillage. Enfn, la branche horizontale coïncide avec une horizontale de la croix.
les deux motifs sont dorés mais encore, ici, ils s'ajustent autant par l'échelle que par
leur placement, le tout sur un quadrillage. L'idée d'un Système se renforce.
Le cercle de diamètre Phi carré est, comme celui de 2 un
motif. Leur diférence de nature est fondamentale. Le
cercle 2 est avant tout inscrit au Triangle Sacré dont il
désigne l'intimité : il identife pas ses médaillons le propos
symbolique. Le cercle de "Phi plus un" est voué à
l'harmonie et à l'échange. Celui de 2 communique plus
facilement par les bissectrices de son Triangle. Nous
avons vu à propos du couple de Zéphyr et Chloris, lié au nombril de Vénus...
Le rayonnement et l'Harmonie se projettent dans ce motif en forme de Vesica Piscis
(construit de deux cercles jumeaux qui posent leur centre l'un sur l'autre). Centré sur
la verticale d'un centre (en bleu), un premier cercle (blanc) de Phi carré crée un
Vesica Piscis avec l'autre, à droite (cercle rouge). Un deuxième cercle (blanc) se lie de
la même façon à sa suite , plus bas et à sa verticale. L'intersection du premier Vesica
prend une pente de 4 vers le bas pour 5 vers la droite. Le quatre va de nouveau se
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 24 on 63
manifester pour achever de traduire l'Étoile des Tarots, au code génétique 4 et 2.
Sandro Botticelli a résolu le lien entre les valeurs de l'Inspiration (2) et de la Terre (4)
grâce aux capacités harmoniques du 5, qui se réfère à l'Homme. L'Inspiration de la
terre se doit d'être humaine pour la féconder, principe que Vénus incarne dans cette
toile avec une grâce ô combien humaine. Ses pieds restent un sujet d'inquiétude à
qui aime comprendre jusqu'au bout : nous touchons au but.
Le premier Vesica est une amande horizontale.
L'on peut ajouter deux cercles à gauche et à
droite, qui passent par les centres des précédents.
En termes clairs, ils créent une amande verticale
qui prend la largeur de la précédente. Ces quatre
cercles au trait forcé sur le visuel peuvent alors se
dédoubler et pivoter d'un quart de tour (traits
moins épais). Et l'ensemble à son tour peut se
dédoubler et tourner de 45°, soit π/8.
Au total 2 x 2 x 2 x 2 cercles, soit 2 puissance 4,
sont impliqués dans cette rosace, qui évoque
franchement les roses présentes dans le tableau.
Ce complexe rend admirablement compte de la
chevelure de la Belle, et... Solution que l'on
attendait, le pied droit de Vénus vient chercher
l'intersection de deux des cercles.
Cette confrontation à la peinture est sujet de méditation et d'errance poétique. Les
cercles portent une douce harmonie que les feurs ponctuent en s'accrochant dans
les mailles de ce flet, dont la chevelure semble faire partie. Zéphyr vient chercher la
pointe qui indique son vent...
L'importance de cette composition justife une deuxième
présentation, cette fois plus épurée, constituée des huit
cercles en croix principaux.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 25 on 63
Ce chapitre met l'accent sur la structure. Le point
A est l'Alpha de cette véritable démonstration
signée Sandro Botticelli. Ce visuel est l'Oméga,
tout devient clair et cohérent. Les trois structures
principales que nous avons entreprises une à une,
celle des Pentagrammes mis à part pour des
raisons de lisibilité, montrent ici leur cohérence.
Les bissectrices dorées du Triangle de Zéphyr et
Chloris (en rouge) se croisent sur un cercle de la rose (en blanc), sur une
fondamentale de la Croix Grecque (en jaune). Un cercle doré (en blanc) vient
chercher à gauche le croisement des hypoténuses des Triangles Sacrés (en vert).
Celui de droite (en blanc) part à la rencontre du croisement de deux lignes de la
Croix (en jaune). Enfn le cercle doré du bas passe à l'angle d'un Triangle Sacré, là ou
plonge sa bissectrice vers le bas.
Ces points sont soulignés de rouge, et ils ne sont qu'une modeste part de ce que
cette structure révèle. Cette formidable complexité est liée aux formidables capacités
du Nombre d'Or : il se déploie de multiples façons sans jamais perdre sa raison
première, qui est de produire l'harmonie. Bissectrices dorées, Rectangles Dorés,
Pentagrammes et Cercles Dorés, tous se rejoignent en des points précis en vertu
d'un principe aussi simple que le fameux « E=mc2 », soit : « Phi2= Phi+1 ». (Voir annexe 1)
◊ Les Grands Pentagrammes de Vénus
Cette deuxième série de Pentagrammes, plus grands que les premiers que nous
avons étudiés (de la hauteur du cadre), réclament une attention particulière. Ils sont
le passage du point A, vers la structure de
l'ensemble. Les premiers pentagrammes entraient
dans le détail de le position de Vénus, son
déhanchement notamment, complétés en cette
mission par les cercles dorés. Ces nouveaux
Pentagrammes organisent l'espace autour de
Vénus, comme en témoigne le coté du Pentagone.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 26 on 63
Ce toit coife la chevelure de l'Heure dont la robe frissonne au contact du grand
cercle. Les visages du couple entrent également dans ce cercle, distingués plus que
séparés par le pentagone, mais la jambe de Chloris échappe de façon précise au
pentagone, comme la main de Zéphyr au Pentagramme... Vénus continue d'échapper
à cette même fgure par un pied, une épaule, une part de son front... C'est le ballet
du plein et du vide, le jeu de l'intérieur et de l'extérieur.
Pas moins de quatre Pentagrammes, réunissant
20 pointes, viennent constituer une rosace autour
de la Belle. Quatre autres mêmes fgures
s'inscrivent à leur tour dans les premières. S'il
arrivait de douter de leur opportunité, Botticelli a
laissé un signe sans équivoque dans le paysage,
sur une langue de terre.
Ce point reviendra en troisième partie. Deux
couleurs se séparent précisément sur la ligne de
l'une des plus petites fgures, alors qu'elle a subi
une rotation de 90°. Cela veut dire en clair que
toutes les opérations sont justifées (ce résultat
étant celui de la toute dernière). Ce type de code
varie en fonction des auteurs, de Rublev à Dürer, de Botticelli à Ingres, mais un
principe demeure : ils sont toujours d'une logique imparable. Dans ce cas, le maître
a soigné la correspondance de son Pentagramme avec son tableau. Le pli de la taille,
résultat du contrapposto, les cheveux qui s'enroulent autour du fl vertical de l'étoile,
la naissance de l'auriculaire de la belle et le trait de son avant-bras, sont autant de
détails qui fondent cette signature.
D'ailleurs, l'on est en droit de se poser la question si le Maître a esquissé
un B sur sa toile : la partie haute est explicite sur la peinture, par la
courbe de la cape. La partie inférieure se révèle à la lecture de cette
géométrie. À moins que ce soit le chifre 3...
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 27 on 63
L'on sait que cette Vénus est le troisième tableau de Botticelli à entrer en cette villa.
Cependant l'argument reste léger face à toutes les démonstrations qui précèdent.
Cette partie de l'étude ne semble pas prête de s'achever. En plus de la Géométrie et
de la logique du peintre, il nous faut aussi intégrer les usages de l'époque, avec tous
ses codes, ses habitudes et ses conventions...
Le chemin des Étoiles
La Géométrie Comparée est la discipline scientifque qui étudie les oeuvres d'Art,
avec pour principal but de révéler la Géométrie Sacrée qui les compose. Son principe
le plus important est celui de la double-preuve,
sans laquelle une proposition géométrique ne
peut être retenue comme "fondamentale" (en
dépit de son observation). L'extraordinaire
complexité du système produit de nombreuses
"harmoniques", dont nous aborderons les
aspects. Pour l'instant, nous découvrons le
cadeau en or de Sandro Botticelli, une spirale
dorée signant l'exposé de son système. Ce point culminant de l'article peut être
souligné d'un point d'orgue, tant la clarté y rejoint la beauté. Ensuite, si cette étude
expose les structures de l'oeuvre, elle doit leur proposer un minimum d'explications,
un début d'ouverture à l'interprétation. La première attention s'adresse au sujet
central de l'oeuvre, le mythe et le symbole de Vénus/Aphrodite.
◊ Les spirales dorées de Vénus
Cette merveilleuse spirale dorée est une signature de la composition. Son tracé
répond exactement au grand Pentagramme que nous avons étudié : un triangle d'Or
se distingue. (Pour plus de précisions sur la spirale voir l'article sur le nombre d'or)
La courbe prend son origine dans le ciel, domaine d'Ouranos, père de Vénus. La
chevelure de la belle se mêle à cette origine, et le lien qui la retient colle à la courbe
un peu plus loin. L'Heure tient un coquillage à la main qui pourrait être une Cyprée,
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 28 on 63
nom issu la poétique vénusienne (voir Annexe 2 - L'étymologie). De nombreuses
conques des mers se réclament de Vénus, et pour cause : c'est en eux que l'homme a
la "révélation" de la spirale (la plus belle est en or). Qu'elle soit "exacte" dans la
nature et à tous coups n'a pas réellement d'importance : les géomètres du Sacré
pratiquent une idéalisation du monde, seule compte l'impulsion que produit
l'observation. Ensuite, quand la vision du Monde se développe, l'on s'aperçoit qu'elle
est "rentable" (terme appartenant au vocabulaire du chercheur).
La cyprée, tenue bien haut par la main
de l'Heure, revendique la conque comme
diapason du tableau, comme objet de
révélation. Révélation dans l'histoire de
la géométrie autant que révélation de
l'histoire de l'oeuvre. La courbe épouse
alors l'arrondi de la cape ponctué par un
angle du col, et vient ensuite chercher
un autre pli : celui de l'aisselle de Vénus.
Une branche feuillue accueille le trait dans sa chute, et en souligne le sens de ses
trois chevrons. La précision du tracé ne cesse de surprendre quand la robe de l'Heure
l'épouse exactement. De même pour la coquille au contact de l'écume des vagues,
lieu de conception de Vénus. Avant de s'envoler, la spirale obtient la complicité de
Chloris, qui semble courir sur ce chemin à grandes enjambées. Le tout est d'une
hallucinante précision graphique et d'une grande cohérence symbolique.
Les étoiles de Compostelle
L'on ne peut évoquer la mer, les étoiles et la coquille Saint-Jacques sans marcher en
direction de Compostelle (voir Annexe 4 - Saint-Jacques et les Étoiles). La leçon de
sa longue et fabuleuse Histoire ne peut tenir en cet article, si ce n'est ce point de
vue : les légendes disparates se recoupent en des points dont traitent la Géométrie
Sacrée dans ses fondamentaux. Le cinq comme valeur de référence est l'exemple fort
d'un phénomène de pérennisation d'un légendaire qui de prime abord, est
totalement hétéroclite. La croyance peut parfois subsister ici et là en des pratiques
locales spécifques, mais pas prendre une dimension qui fasse concurrence à celle de
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 29 on 63
La Mecque. La personnalité contrastée de Saint-Jacques, guérisseur par "son"
coquillage et pourfendeur des Maures par l'épée, rappelle le couple hautement
symbolique de Vénus et Mars. C'est ce couple, id est la cohérence des valeurs qui s'y
rattachent, qui a permis aux contrastes de Saint-Jacques de se construire et de tenir.
Saint-Jacques de Compostelle est un haut lieu de la Foi Chrétienne, et sa dimension
universelle tient sur des constructions sous-jacentes qui se réclament de
l'intemporel, et avec la Géométrie pour langage universel. Cette approche est sous
bien des aspects nouvelle. Pour autant l'on ne peut ignorer que pendant des
millénaires, une façon de penser s'est perpétuée et développée qui est fort diférente
de la conception narrative et alphabétique qu'on lui prête.
◊ Les harmoniques du système de Composition
La complexité du système produit également ce que la Géométrie Comparée désigne
par le terme d'harmoniques. Les premières fgures qui régissent l'oeuvre se
prolongent par d'autres, qui ne sont pas forcément de la volonté de l'auteur. Pour
autant, les éléments se trouvent en place, comme par enchantement...
Une Étoile de mer
La courbe que nous venons d'étudier n'est pas seule.
Chaque triangle d'or du pentagramme en génère deux, ce
qui porte le faisceau à dix... Cinq d'entre elles sont ici
exposées et dessinent une étoile de mer. Une esthétique
se révèle au-delà de la cohérence graphique, en même
temps qu'une dimension symbolique marquée par cette étoile de mer : elle évoque
l'écume où se conçoit Vénus. Le vent de Zéphyr fait aussi tourner cette éolienne, et
l'Heure mesure la portée de ces mouvements avec son coquillage-diapason.
La seconde rosace des cercles de Phi carré
Ils peuvent aussi se distribuer selon un arrangement de
cinq. Les intersections sont intéressantes : Sandro
Botticelli pourrait y prêter attention, et se livrer à quelque
explication symbolique de l'anatomie féminine. Le voile
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 30 on 63
de la pudeur couvre ce discours pictural. Il ne serait pas convenable d'en changer
pour celui de l'inspiration.
Les premiers pentagrammes (première partie)
Les premiers pentagrammes que nous avons étudiés,
dont le cercle fait la hauteur du cadre, ont aussi leurs
courbes. Celle-ci est plus loquace que d'autres,
puisqu'elle part de la main et de son chifre 5, clé de
la géométrie du Pentagramme et du nombre d'or.
Cette fois encore, Chloris court sur le chemin...
La feur du Pentagramme
Toutes réunies, les courbes du premier Pentagramme
dessinent une feur magnifque dont on peut se poser
la question si elle est "idéale" ou "particulière". On
l'imagine blanche, comme la peau de cette Vénus
issue de l'étude par Sandro Botticelli d'une statue de
marbre.
Les Cercles de diamètre 2.Phi
Les cercles de rayon Phi, donc de diamètre 2.Phi,
entrent également dans cette ronde, du fait des
propriétés du Nombre d'Or. Un cercle de diamètre 2
sert au centre à leur placement. La distribution des
feurs sur le tableau est incroyablement organisée.
L'Hexagramme et son Vesica Piscis
Pour conclure cette série, voici la fgure rassurante de
l'Hexagramme. Sa position est inhabituelle, à 90° de
celle à laquelle il nous a habitué. Moyennant quoi, il
raconte les dialogues de Vénus avec le couple, et le
personnage de l'Heure d'autre part.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 31 on 63
TROISIÈME PARTIEConfrmation du Système de Composition
Vénus serait-elle Sirène ?
Cette image incarne la troisième partie.
L'attitude incroyable de Vénus nous livre enfn
son secret : c'est une Sirène, elle fotte dans
l'Océan. Les courbes de sa chevelure auraient pu
nous alerter, jusque dans sa main. Il suft
d'envisager cette idée pour en saisir la réalité,
notamment à travers les étofes du tableau...
La partie manquante est dans la Géométrie du tableau de façon explicite. Comme la
Bible manquante à « La sainte Trinité » de Rublev; un peu plus tôt dans ce XVème
Siècle. Un lien de plus, de part et d'autre des frontières du temps et de l'espace..
◊ Confrmation du Quadrillage - Esthétique
Observation attentive de l'Œuvre
Trois pieds et l'étofe de Zéphyr donnent l'exacte
mesure du quadrillage en verticale. Précisément
celle que nous avons établie en première partie.
L'extension de cette échelle se confrme au
poignet de Chloris mais encore par la place des
roses. Cependant, le placement des lignes ne
concerne la Belle qu'au sommet de sa tête (sans
l'épaisseur de son abondante chevelure) et entre
le majeur et l'index de sa main droite.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 32 on 63
C'est alors que l'observation du nombril de Vénus
nous éclaire. En faisant glisser les lignes établies
jusqu'au repère, le petit trait qui coife le rond,
nous tombons en harmonie avec le haut du
cadre. Le quadrillage peut alors se mettre en
place...
Comme nous l'avons remarqué en première partie, la ligne horizontale du nombril
passe par le point le plus haut de l'océan à gauche et le pic que forme le col de la
cape sur la droite. Par d'autres raisonnements, nous verrons que ces espaces sont
organisés sur le rythme d'1/2.
Le grillage des lignes marquant les demi-points,
est calé verticalement sur le même nombril
(comme nous l'avons déjà vu en première partie).
Pourquoi deux alignements ?
Pourquoi deux "niveaux" de repérage dès la
première approche, déjà si difcile ? Sandro
Botticelli ne se permettrait pas de se jouer de
nous dans ce manifeste de la Beauté.
L'explication de cette double-ligne est précise :
Vénus s'inscrit sur un peu plus de quatre
carreaux en hauteur, et son échelle de
proportions prend en haut la ligne la plus haute
et en bas, la ligne la plus basse, tout simplement.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 33 on 63
Selon quoi, l'on peut appliquer la "règle des proportions", qui n'a pas attendu la
redécouverte de Vitruve pour être l'objet d'une conception de la part des Géomètres
du Sacré. Le découpage le plus pratique consiste à diviser la hauteur en huit parts
égales et à reporter deux d'entre elles à l'horizontale. Ces deux parts correspondent
en largeur au bassin plus les mains. Selon quoi, la tête de Vénus, dont l'épaisse
chevelure est tenue hors du compte, fait approximativement 1/8ème de sa hauteur.
La redécouverte de Vitruve par Alberti
L'architecte romain Vitruve (Ier Siècle av. J.-C.) est l’auteur d’un traité nommé « De
architectura », qui va considérablement infuencer la Renaissance. Leone Battista
Alberti (1404-1472) le redécouvre dès les années 1420, et la première édition est
imprimée à Rome en 1486, année où Botticelli produit sa Vénus. Alberti gagne sa
reconnaissance à Florence à la fn de sa vie, où il est en relation avec Laurent le
Magnifque, le grand protecteur et mécène de Sandro.
Ce détail a son importance car « De architectura », ouvrage de métiers et
d'Architecture, comporte un chapitre sur les proportions du corps humain.
« La nature a en efet ordonné le corps humain selon les normes suivantes : le visage, depuis le menton jusqu'au sommet du front et à la racine des cheveux vaut le dixième de sa hauteur, de même que la main ouverte, depuis l'articulation du poignet jusqu'à l'extrémité du majeur : la tête, depuis le menton jusqu'au sommet du crâne, vaut un huitième; du sommet de la poitrine mesuré à la base du cou jusqu'à la racine des cheveux on compte un sixième ; du milieu de la poitrine au sommet du crâne, un quart. Quant au visage, le tiers de sa hauteur se mesure de la base du menton à la base du nez ; le nez, de la base des narines jusqu'au milieu de la ligne des sourcils, en vaut autant ; de cette limite jusqu'à la racine des cheveux on défnit le front qui constitue ainsi le troisième tiers. Le pied correspond à un sixième de la hauteur du corps, l'avant-bras à un quart, ainsi que la poitrine. Les autres membres ont également des proportions spécifques, qui les rendent commensurables entre eux.... »
De Architectura, III, 1, traduit par Pierre Gros, Paris, les belles lettres, 2003
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 34 on 63
Le Manifeste de la Beauté selon Sandro Botticelli
Suivons ces indications à la lettre, et constituons
un second quadrillage de proportions à la Belle.
Juxtaposons l'un des modèles qui accompagnent
les rééditions de Vitruve à partir de la
Renaissance, et constatons : les double-lignes de
Botticelli servent beaucoup mieux le modèle de
Vitruve que l'inverse ! Il faut le placement des
cheveux, de la main etc pour répondre aux
barreaux de l'échelle de Vitruve...
Gravure du visuel ci-dessus :
« Les proportions du corps humain, Architecture ou art de bien bastir »
Marc Vitruve Pollion, par Jean Martin, 1547
En revanche, le grand inter-ligne de Botticelli "semble très proche à s'y méprendre"
au fameux dixième de la hauteur (matérialisé par le carré bleu-gris) !
En termes clairs, Sandro Botticelli fait référence à la grille de Vitruve, id est aux
discours qui traînent dans les ateliers et les salons de son époque. Il y implique
même sa redoutable maîtrise de la Géométrie : le visage de l'athlète se retrouve, près
d'un siècle plus tard, entre les lignes de Botticelli (la hauteur du carré)! Les détails de
la rotule, du cou et des pieds, pris entre les lignes, sont tout simplement délicieux.
Une autre réalité doit alors être afrontée. Face à la Belle, comme confronté à toute
idée de bon goût chez l'homme évolué, l'Athlète en question est qualifable d'horreur
bactériologique ! Sa tête trop petite l'empêche de penser, et l'idée de chair à canon
prend ici tout son sens. Outre le contrapposto à demi-évoqué et à demi-loupé de la
gravure désignée (il ne dépend pas des canons mais du graveur), cette tête qui se
veut celle d'un Héros prône la supériorité de la chair sur l'esprit, de l'efet du muscle
sur celle de la réfexion, et de la force sur la raison. Au cinema, c'est le triomphe de «
Rambo » sur « La vie est belle ». En peinture, celle du réalisme social avec ses lignes
à 45°, en forme de salut nazi, face à la beauté sublime des Géomètres d'Or ! Ces
exemples postérieurs à Botticelli et à sa Renaissance ont sans doute attendu le
XXème Siècle pour démontrer leur horreur. Pour autant, l'opposition entre une
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 35 on 63
conception déterministe, qui aboutit à la caricature, et une approche beaucoup plus
sensible de la part des Harmonistes du Sacré a toujours existé, jusqu'au coeur des
monastères du Moyen-Age. Il suft de lire la Géométrie pour le comprendre.
La proportion du visage de Vénus est proche de
1/9ème, ce qui a un sens, symboliquement, nous
allons le constater. Ce ne peut pas être 1/8ème;
hauteur totale de la tête. Pas d'avantage le
1/10ème de Vitruve, à qui Botticelli donne "tort".
À noter : L'inclinaison du visage répond à la
courbure du corps et atténue les écarts relatifs.
Au-delà du débat des bons ou des mauvais critères, l'afrmation du Maître de Vénus
est très claire en son oeuvre. La Beauté ne saurait être mesurée : c'est une
manifestation. La Géométrie peut la guider, l'interpréter aussi, quand elle est vivante,
nourrie du mouvement de l'esprit et du sens de la Symbolique. La logique brutale
des canons va contre le sens de ses manifestations. Dürer reprendra cette idée à
travers cette phrase devenue célèbre :
« Il n'appartient qu'à Dieu de soumettre à la mesure la beauté absolue. »
Vénus est belle dans sa façon d'être dessinée, comme dans sa façon de "bouger". La
beauté est cette réalité fugitive que l'oeil ne capte que s'il est ouvert. Elle ne se
raconte qu'à des esprits préparés ou en état de grâce. Voilà le fond de la pensée des
grands Artistes de la Géométrie Sacrée.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 36 on 63
◊ La magie du Neuf
Un éventail tout neuf
Tout multiple de 9 a la somme de ses chifres égale à 9 :
0 —> Souvent l'exception. Le zéro s'impose en Europe avec Fibonacci (1175-1250)
9 - 18 - 27 - 36 - 45 - 54 - 63 - 72 - 81 - 90
99 —> 18 —> 9 quand même !
108 - 117 - 126 - 135 - 144 - 153 - 162 - 171
180 : Arrêtons-nous là, puisque nous parlons des ANGLES.
Cette série d'Angles se rapporte concrètement au Pentagramme. Un premier travail le
montre, à propos du Polyèdre de Dürer. Le problème qu'il posait est sur Wikipedia.
Et la solution à ce problème est sur www.melencoliai.org. Nous allons aborder une
autre construction que celle de Dürer, du même genre et signée Botticelli. La
première étape consiste à placer en éventail les divisions des angles de 9° en 9°, sur
le tableau de Vénus...
Un premier foyer, sur la gauche, dont nous ne
nous soucions pas du placement pour l'instant,
génère un faisceau de lignes de 9 en 9°, à
commencer par l'horizontale. Cet éventail rend
magnifquement compte du couple Zéphyr et
Chloris, au doigt de pied près ! L'une des lignes
passe par le nombril de Vénus, passage obligé de
tout référentiel en cette oeuvre.
Un deuxième foyer développe son éventail sur la
gauche. Le point est à l'horizontale du premier,
séparé par un carreau unité du bord, et distant
de l'autre point de 9.Phi2/2. Ces trois indications
calent défnitivement les éventails sur l'échiquier.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 37 on 63
La confrontation au quadrillage montre six
coïncidences avec les horizontales, et une seule
avec les lignes verticales : celle où est placé le
foyer de droite.
Cette confrontation ne cherche aucun sens
symbolique particulier : elle met en présence
deux référentiels, cartésien et polaire.
◊ La ronde subtile des Valeurs
Aussi difcile d'accès qu'il puisse paraître, le développement qui suit est l'un des
plus beaux que la Géométrie Sacrée ait jamais produit (avec ceux de Trinité et
Melencolia). Il serait dommage de se priver de cet exemple, quand l'on prétend
s'intéresser, sinon comprendre (!), la Renaissance et sa Culture. Le haut niveau de
conception qui caractérise ces mathématiques s'accompagne de la révélation du sens
qu'elles prennent et qu'elles traduisent, en une exposition "cinétique" (par opposition
à "fgée", "statique", "dogmatique"). C'est l'une des grandes révélations de la
Géométrie Comparée. Le Savoir des Anciens n'est pas un constat de proportions, ni
la comptabilité sommaire de valeurs "mortes". Par ses processus de liaison, il met en
mouvement une dynamique entre des valeurs pour traduire la vie et son mouvement.
Cette conception n'expose pas une réalité minérale et fgée.
Les mathématiques sans application réelle
En cela, les images qui feurissent ici et là sur la soi-disant "feur de vie" font fgure
d'escroquerie (mot pesé et délibérément choisi). Ces schémas mettent en boucle la
répétition d'une seule valeur, le 6, et de ses dérivés, à l'exclusion de tout autre.
Aucune oeuvre majeure ne s'est révélée à ce jour comme construite avec cette
"chaudière à gaz" (hors mis quelques allégories triviales, qui sont à l'art ce que le
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 38 on 63
calembour est à la poésie). Or, à l'instar de Botticelli créant sa « naissance de Vénus
», les Sages ont depuis l'origine projeté leur conception du monde dans des oeuvres
d'Art. Elles sont le lieu de la rencontre entre le Dogme et l'Inspiration. Si la "feur de
vie" était en mesure de résumer ou d'exprimer la vie, elle aurait une expression
artistique majeure, une oeuvre où se déploie sa capacité. En dépit de bonnes
intentions, les discours sur la feur de vie sont secs et ignorent le mouvement.
De façon plus générale, il est très présomptueux de prétendre exprimer la vie à
travers des mathématiques qui ne parlent que d'elles-mêmes (la beauté des
Mathématiques existe, et elle ne réclame pas ce type de développement pour se
"justifer"). Parallèlement, il est fort ennuyeux de prétendre à un art qui ne parle plus
que de lui-même... La méditation sur un schéma "sec", id est qui ne prend pas le
risque de sa confrontation au réel (celui d'une représentation afrmant une
conception), court au constat d'impuissance. Cette opinion peut paraître tranchée.
C'est le message des Anciens, et précisément celui de Sandro Botticelli. Les Artistes
du Sacré travaillent la Géométrie avec une capacité propre à terrasser leurs
"collègues" les plus engagés du XXème Siècle. Pour autant, ils ne laissent aucune
trace de ce travail théorique de fond. D'une part, les oeuvres sont l'aboutissement de
la réfexion qui utilise les mathématiques à cette fn. D'autre part, elles se protègent
de toute convoitise des pouvoirs du fait de leur incapacité à comprendre !
◊ La construction dite « de la Sirène »
Concrètement, nous allons construire une Croix Grecque dont la valeur de référence
initiale est 4. Son développement par le nombre d'or se conclue par une spirale qui
ouvre à une révélation : deux spirales issues du 4 s'inscrivent sous la forme d'un
coeur dans un cercle de diamètre 5 !
Commentaire symbolique : Le 4 terrestre est conçu comme une valeur très stable,
objective et référentielle, de l'ordre du minéral. C'est la Terre avant la vie. Le Nombre
d'Or convertit cette valeur pour investir l'espace sous la forme d'une courbe, qui
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 39 on 63
exprime le mouvement de la Vie. Le 5 se rapporte à l'Homme. En ce cas il défnit sa
sphère à travers un cercle. La coïncidence des spirales issues du 4 et du cercle de
diamètre 5, procède de la magie de Phi. Pour les Anciens, le Nombre d'Or est le
cadeau de Dieu à l'Homme pour qu'il construise. La notion d'Harmonie n'est que l'un
des aspects du "concept". Les notions de solidité, de stabilité, de cohérence et de
développement ont autant d'importance.
L'éventail que nous avons ouvert sur la toile permet alors de placer ce nouveau cercle
selon la fgure du Vesica Piscis, assorti de Triangles Sacrés. Un complexe fantastique,
ultime fgure et conclusion de l'étude, révèle la partie manquante à l'image: la queue
du poisson. Vénus est Sirène et la scène du tableau se passe sous l'eau, son élément
naturel (symétrique au Feu de Mars) !
Commentaire symbolique : ce second commentaire deviendra plus accessible au fur
et à mesure que les fgures se dévoileront. Nous pouvons néanmoins en tracer les
grandes lignes. Le cercle de 5, que l'on peut traduire par "univers humain", appelle
naturellement le Triangle Sacré qui s'y inscrit. Ce triangle apporte avec lui toutes les
valeurs de 1 à 6. Ensuite, le Vesica Piscis fait intervenir la valeur de √3, expression
du mystère céleste. Le complexe qui se constitue afche une sorte de globalité
symbolique, ce que confrmera et développera l'étude de détail. À cette occasion, il
faudra distinguer l'exposition du vocabulaire symbolique (identifé par les nombres),
sa mise en oeuvre par Sandro Botticelli, et enfn son interprétation concrète.
Première étape - Le rectangle doré du quatre
Posé sur les lignes du quadrillage, voici le
rectangle doré de quatre, développé en Croix
Grecque. Les lignes internes de la croix
répondent magnifquement à la coquille Saint-
Jacques. Ce fait est sans précédent dans l'étude.
Le vaisseau de Vénus se plait dans un espace qui
se réfère au 4 de la Terre, et pour cause : c'est lui
qui accueille la Belle, à peine sortie de l'écume.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 40 on 63
Au sens astrologique, la naissance est un atterrissage. À cette occasion, l'être quitte
le référentiel maternel et adopte celui de la Terre, ses rythmes et repères.
Les coïncidences de Figures - Calage de la Croix sur les Référentiels
Cette nouvelle fgure est bien évidemment calée
sur les précédentes. C'est la base de toute
Géométrie Sacrée. Le faisceau en éventail de
droite prend à son compte l'une des diagonales
internes de la Croix. D'autres coïncidences
mériteraient d'êtres précisées... Confrontons la
Croix au calque de la seconde partie.
Le grand pentagone sert d'accroche à la croix, au
niveau du point rouge.
La partie horizontale de la Croix, rectangle de 4
sur 4.Phi, est divisible selon la logique dorée
traditionnelle, ce qui le prépare à recevoir la
fameuse spirale.
La branche horizontale du grand pentagramme
coïncide avec l'une de ces divisions dorées.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 41 on 63
Deuxième étape - La Spirale du Coeur
La spirale dorée du rectangle de 4 sur 4.Phi.
Cette spirale s'associe à sa symétrique pour
former un coeur qui trouve sa place sur l'oeuvre,
grâce aux indications du grand pentagramme :
Les deux courbes viennent couvrir la branche
horizontale du Pentagramme. Celle de gauche
passe même par le point d'intersection du cercle
de diamètre Phi (en noir).
Il se produit alors une véritable révélation : les
spirales cordiformes s'inscrivent dans un cercle
de diamètre 5. Bien évidemment, il ne saurait être
question d'exactitude, mais de correspondance.
Le rayon d'un cercle est constant quand celui
d'une spirale va en augmentant. C'est justement
ce qui rend cette fgure impressionnante. La
proximité des courbes est graphiquement
acceptable (à s'y méprendre) sur une distance d'un quart de cercle. L'on peut dire
que la courbe issue du 4 par Phi épouse ce cercle de 5...
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 42 on 63
Troisième étape - Le Vesica Piscis
La queue de la Sirène appartient au Vesica Piscis
de deux cercles de 5 que nous allons construire.
Pour cela nous avons besoin du rectangle doré de
4 sur 4.Phi. Et du grand Pentagramme, inversé
cette fois. Trois points rouges fxent les cercles.
Quatrième étape - Les rectangles inscrits
Le Triangle Sacré est en fait la moitié d'un
rectangle de 3 sur 4, qu'il coupe en deux par son
hypoténuse (= la diagonale du rectangle).
Ce rectangle est posé dans le cercle de 5 selon
un angle de 27° par rapport à la verticale, de telle
façon que le bord (ici en rouge) joigne le foyer de
l'éventail (à gauche et en bas).
Le rectangle symétrique, appartenant à l'autre cercle, achève de mettre en évidence
la queue de la Sirène. Quoi de plus naturel dans un Vesica Piscis ! En latin, ce nom
veut dire littéralement "le corps du poisson". D'ailleurs le dessin de Botticelli respecte
son principe à la lettre : la tête de la Belle ne s'inscrit pas dans l'amande centrale.
La forme voilée de blanc prolonge de corps de Vénus de façon harmonieuse, le trait
de gauche est l'asymptote de sa jambe droite et les deux pieds prennent des
directions conformes aux pentes de la forme pyramidale. Divers éléments de la
peinture ajoutent un certain réalisme à ce prolongement insoupçonné jusque lors :
les stries de la coquille et les volutes de l'écume notamment.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 43 on 63
Nous avons enfn la réponse à cette question initiale : Vénus ne tient pas debout
puisqu'elle fotte dans les eaux, son milieu naturel et symbolique. Une nouvelle
lecture du tableau s'impose alors, justifant tour à tour la déformation du décor
évoquée en première partie de l'étude, et la souplesse onirique des drapés. La
chevelure de la Belle confe les volutes de ses mèches au courant qu'elle doit contenir
d'une main pour sauver sa pudeur.
◊ Étude - La fgure de la Sirène
Les liens de la fgure avec les Référentiels
Comme nous l'avons déjà évoqué, le rectangle de
base (3 x 4) se cale sur le foyer gauche de
l'éventail des 9°, qui va imprimer ses marques
dans les angles de la fgure : toutes les sommes
des chifres sont égales à 9.
Les bissectrices des angles droits se rejoignent
au centre de ce qui fait penser à deux livres, pour
former un carré de coté √2/2 et de diagonale 1.
Les angles suivent tous la règle des 9 évoquée
plus haut. Ce 9 se réfère au Pentagramme.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 44 on 63
À ce point de l'étude, il est difcile de ne pas évoquer l'Ancien et le Nouveau
Testament. Le Vesica Piscis est littéralement le signe de reconnaissance des
Chrétiens à leur origine, et la présence de l'Unité comme mesure des carrés, eux-
mêmes produits de bissectrices qui sont celles du 1 sur les Triangles Sacrés, mène
droit à Dieu.
Interrogation ou provocation ? Le carré de droite, au milieu du rectangle jaune, fait
curieusement écho par son bord supérieur à la langue de terre qui le surplombe.
Cette même forme reprend la direction d'une autre bissectrice bleue...
La face cachée de l'oeuvre
L'apparition du magnifque attribut de la Sirène ne manque pas de convaincre,
d'autant que cette prise de conscience induit la résolution d'un certain nombre de
sensations sur l'oeuvre, jusque là mis au compte d'une sorte de marge onirique de la
Peinture. Quelque chose de caché se révèle, qui était déjà en partie dévoilé. Cet
accouchement de la vérité n'est possible que par le prolongement du discours de
l'oeuvre par celui de la Géométrie.
Les "carrés de la Bible" n'ofrent pas les mêmes atouts de séduction. Aucun
fottement léger ne vient confrmer la légitimité de leur afrmation. Pourtant, aussi
sûrement que la nageoire d'Aphrodite se libère de l'ombre à la lumière des lignes,
deux carrés se posent en plein tableau tels des fligranes qui deviennent des sceaux
en cire véritable.
Les particularités des Triangles Sacrés dans leur cercle circonscrit
Chaque rectangle de cotés 3 et 4 contient quatre
triangles de type 3-4-5, et chacun des triangle a
un cercle inscrit de diamètre 2.
Ce cercle a pour centre le point où se croisent les
trois bissectrices venant des trois angles.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 45 on 63
Nous avons vu les bissectrices bleues, qui coupent l'angle droit des triangles (et des
rectangles). En vert, nous découvrons les bissectrices dorées : celles qui viennent de
l'angle que forment les cotés 3 et 5 du triangle. Elles portent la proportion dorée.
Une autre propriété se révèle ici, tout aussi surprenante : les bissectrices dorées se
rejoignent deux à deux sur le cercle (celles dont les cercles son adjacents). Qui plus
est, leur longueur de 2√5 est coupée en son milieu par le centre du cercle.
Les bissectrices d'ordre 3 (diagonales d'un triple carré) ont une longueur de 5/√2
qui fait écho à la précédente. Elles aussi se rejoignent sur le grand cercle, pour les
triangles dont les petits cercles forment un Vesica Piscis. la structure de cette fgure
révèle une incroyable solidité. Une multitude de liens géométriques et numériques
vient s'ajouter au vocabulaire initial du Triangle Sacré (1= rayon du cercle inscrit, 2=
diamètre de ce cercle, 3-4-5= cotés du triangle, 5= diamètre du cercle circonscrit, 6
= surface du triangle, 2.Phi= proportion dorée sur la bissectrice du même nom).
La valeur de 6 se manifeste une seconde fois à
l'horizontale de l'intersection des petits et des
grands cercles. Cette ligne passe au sommet de
la coquille brune. À cette occasion, nous pouvons
remarquer que la nature aquatique du tableau
justife que le pied de la Belle ne repose pas sur
la partie nacrée de la conque, puisqu'elle fotte...
La légende d'Aphrodite la Sirène
La légende d'Aphrodite se lie de toutes part aux
poissons. Quand Vénus fuit la persécution du
géant Typhon, accompagnée de son fls Cupidon,
elle est portée au delà de l'Euphrate par deux
poissons. Pour ce service, ils obtiennent la place
qu'on leur connaît au ciel du Zodiaque. Dans
certains récits, Aphrodite se change même en
Poisson pour échapper au massacre...
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 46 on 63
QUATRIÈME PARTIEConséquences et développements
La dimension cachée du mythe de Vénus
Concrètement, dans la nature, la femelle du poisson dépose dans l’eau un grand
nombre d’œufs que le mâle féconde avec sa laitance. Ce processus se rapproche
étrangement du mythe de la conception de Vénus, quand la semence d'Ouranos
rencontre l'écume des vagues.
Cette dimension "Scientifque avant l'heure" du Mythe ne semble retenir l'attention
d'aucun analyste : les psychanalystes voient même les mythes voiler le désir de
l'homme, qui s'enfouirait ainsi dans son rêve plutôt que d'afronter le constat de son
impuissance. Or, pour les Sages du Moyen-Age, dont la Culture atteint sa plénitude à
la Renaissance, une Idée est un rêve qui fnit bien, certainement pas cette façon de
fuir une réalité qui les préoccupe depuis des millénaires !
Et c'est faire insulte à la Culture des Anciens, que de prêter à leur imagination le rôle
de fossoyeur de leurs illusions. Un autre exemple est particulièrement éloquent : la
soi-disant impuissance de l'Ange de Melencolia (Dürer) ne concerne en défnitive que
des Philosophes avides de contemporanéité. De fait, le polyèdre auquel l'Archange
fait face n'est l'objet d'aucun drame existentiel ! En réalité il use sa patience à
attendre qu'on prête attention à sa Géométrie Sacrée - ce que le Polyèdre incarne. Et
cette Géométrie est le langage de Dieu. Plusieurs faits picturaux mis en scène par
Dürer en trois gravures, et rassemblées sous le générique de 'Meisterstiche',
attestent cette volonté du Maître de Nürenberg. (Voir le site melencoliai.org). Cette
révélation des faits devrait mettre un terme aux innombrables "inventaires de
boutique" dont Melencolia et son Archange sont les victimes désabusées.
L'identité de la mère de Vénus
Il reste à déterminer l'identité de la mère de Vénus, qui n'est pas forcément "née
sous X"... Dans la mythologie archaïque, c'est la déesse du Chêne Dioné, et sa
puissance est agraire. Cette symbolique n'est pas sans intérêt. Le Chêne est un
symbole fort, toujours attaché au Dieu Suprême (Zeus, Jupiter), et aussi à Abraham
(Chêne de Mambré), ancêtre des peuples hébreux et arabes, et père du
monothéisme. En dépit de son apparente discrétion, la Déesse Dioné apporte dans
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 47 on 63
sa dot les éléments de la Terre, faisant face au ciel d'Ouranos, et le Chêne comme
symbole de Puissance face à la manifeste impuissance de son céleste époux.
Les contradictions apparentes de la Symbolique
À cette occasion, l'on peut remarquer la véritable inversion des rôles du Ciel et de la
Terre selon les versions mythologique et celle des Tarots, qui en inversent les pôles.
Dans la tradition médiévale, le 3 du Ciel est représenté par l'Impératrice et le 4 de la
Terre par l'Empereur. Les études de la Géométrie Comparée établissent que les
valeurs de la Géométrie Sacrée ne soufrent d'aucune contradiction selon les
époques, les cultures ou les pays au cours de son développement. Et cela s'explique
assez facilement. La Mythologie Grecque ne se fonde pas sur la discipline redoutable
de la Géométrie. Elle accumule des récits dont les origines lui sont étrangères, et qui
se transmettent avec toutes les latitudes dont les langues sont capables. L'analyse
n'arrange pas les choses, quand aux variations sémantiques elle ajoute les fltres de
ses concepts. En Géométrie Sacrée, ces dérives sont impossibles. D'une part, il n'y a
qu'une Géométrie en tant qu'outil, quelle que soit la langue et quelque soit l'époque.
Ensuite, cette Géométrie se développe sous la forme d'un système général, à la
diférence des contes mythologiques, qui se construisent comme une somme. Un
système relie les fgures et les valeurs, et immanquablement les erreurs se
dénoncent. Par exemple, la √3 exprime à merveille le mystère de la Trinité, mystère
Céleste s'il en est. Cette valeur intervient dans le Triangle Équilatéral, l'Hexagramme
et le Vesica Piscis, en tant que mesure. Dans ces conditions, aucune inversion n'est
possible. Les sages ne jugent pas les formes à leur allure apparente ou en fonction
d'une inspiration passagère, ils les éprouvent à l'intérieur d'un système entier et
cohérent. Ainsi, ils établissent la nature du 3, féminine, par une logique de système
où tout se confrme et tout se rejoint en permanence. Christophe de Cène apportera
en temps utile un prolongement à cette explication. Pour l'heure, ce sujet couvre
encore son pupitre d'écriture.
Cette inversion des pôles dans la Mythologie des Grecs est le meilleur indice de la
non implication de leur Géométrie dans une représentation du Monde par l'image.
Platon étudie la Géométrie des polyèdres, mais ses réfexions n'atteignent aucune
manifestation picturale. Une synthèse se fera par la suite à Byzance, des fruits des
études mathématiques pures et de l'expérience iconographique, comme plus tard
encore, la Renaissance fera une synthèse entre Mythologie et Géométrie sacrée...
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 48 on 63
Botticelli homme de foi
La fn assez douloureuse de ce grand peintre n'est pas liée uniquement au contexte
politique défavorable de la ville de Florence. Il défend son opinion de la beauté
comme du Sacré avec engagement, et ne pratique notamment aucune complaisance
dans ses représentations de la vierge. Pour cette raison il perd peu à peu les faveurs
des mécènes. Cette intransigeance s'imprime dans le tableau que nous étudions. Par
la précision de sa construction et la qualité de l'exécution, mais aussi sur un plan
qualifable de religieux. Vénus n'y est pas un argument mythologique propre à
délasser le peintre comme à nous divertir, bien au contraire. Le mythe antique,
comme la sculpture dont l'artiste étudie longuement le contrapposto pour préparer
sa toile, sont ici au service de l'idéal Chrétien du peintre. Plusieurs arguments
essentiels de l'oeuvre vont en ce sens :
Le rôle de la divine proportion s'y afrme en des termes que Paccoli ne surpassera
pas dans son ouvrage (publié à Venise en 1509). Zéphyr sufrait à la scène. Pas
besoin de Chloris pour cultiver les roses. Mais c'est en tant que couple qu'il présente
les deux, liés au centre du tableau, le nombril de Vénus, par une ligne en or. La
symbolique du Baptême y trouve toute sa dimension, autant que celle de la Création.
Enfn, Vénus met tout son corps dans un Vesica Piscis sans lequel ses pieds
continuent d'échapper à l'étude. La sirène s'y afrme comme un symbole tout à fait
Chrétien, le corps du poisson s'ofre à l'Humanité pour lui révéler la Beauté.
En fait de thème nouveau, il sert à revisiter les précédents, traditionnels, sous un
angle neuf. Il faut la Géométrie pour s'en rendre compte, l'établir et même le
développer. Ce qui prouve son utilité autant que la précarité des discours qui
entendent s'en passer. Botticelli a organisé sa toile en fonction d'une culture
géométrique qui donne un sens total à son discours pictural. La vision narrative que
l'on y applique jusque lors est très au dessous de la portée et de la rigueur de cette
oeuvre. Seule sa séduction esthétique légendaire se passe de toute explication pour
trouver une place où elle s'écrit : dans notre coeur.
La parfaite conclusion de cette étude est un diaporama qui en rassemble les visuels.
Il n'est de meilleure preuve que la dynamique qui s'en dégage, refet des intentions
savantes du Maître Sandro Botticelli.
Il est conseillé d'accompagner ce diaporama d'une musique de Jacob Obrecht.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 49 on 63
◊ Annexe 1 - Équations
« E=mc2 » et « Phi2= Phi+1 ». Deux grands pas pour l'Humanité. Aussi simples
qu'insondables, ces équilibres nous enseignent l'extraordinaire cohérence de
l'Univers et du Monde. L'explication de la théorie d'Einstein n'est plus à refaire : bien
des auteurs prestigieux de toutes académies s'en sont chargées. Un aspect peut-être
mérite d'être abordé. Einstein n'est pas le découvreur du temps en tant que
"quatrième dimension" : Kepler s'en est rendu compte avant lui, et a intégré ce
facteur dans ses lois : les toutes premières de la Science. La Science commence avec
l'intégration du temps à la matière ! Quel rapport avec le Nombre d'Or, alors ?
Justement, Christophe de Cène nous rappelle les similitudes de l'équation
fondamentale de Phi et du travail de Kepler. Vénus est concernée ! Il s'agit cette fois
de sa planète.
Extrait de l'article de C. de Cène :
« Kepler, d’un savoir ancien à la physique moderne »
De l'Inspiration de Vénus à la certitude Scientifque
Or, la recherche du mouvement de Vénus va nécessairement mettre Kepler sur la voie de sa troisième loi ; voire lui en donner d’emblée la clé. Ne perdons pas de vue
un point crucial : Kepler est astrologue, et à ce titre s’intéresse avant tout aux rythmes, au temps. Il ne peut ignorer l’étoile à cinq branches que forment dans le ciel les conjonctions supérieures Soleil-Vénus (nous avons déjà présenté ce schéma). Cette curiosité céleste est liée à phi : exprimée en années terrestres (365,25 jours), la période de révolution de Vénus (224,701 jours) est sensiblement égale à 1/phi, soit encore phi-1. La précision est de 5 pour mille. Fort de ce résultat en termes de rythmes, l’astrologue va tout
naturellement chercher à exprimer la distance D de Vénus au Soleil en fonction de phi. Et le miracle se produit : le carré de la période T (en années terrestres) vaut 1/phi², comme le cube de la distance D exprimée en Unités Astronomiques (D=0,723 UA). La troisième loi de Kepler est sous ses yeux ! ...
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 51 on 63
Kepler relie le Temps à la matière, dans ses dimensions concernant l'espace, les
distances. Newton y ajoutera la masse et Einstein conclura par l'Énergie. Le Temps
est de fait le premier facteur qui fonde la Science, en tant que discipline de
compréhension du Monde par le calcul. Et, à l'origine de sa toute première
révélation, il y a la "toute modeste" équation qui caractérise le Nombre d'Or !
Autre remarque sur « Phi2= Phi+1 »
Sur la gauche, une multiplication. Sur la droite une addition. Les deux opérations se
retrouvent unies dans un rapport d'équivalence, le "+" et le "x" se rejoignent selon le
concours, ou selon la coïncidence, de l'unité. Cette formule ne cesse d'intriguer.
◊ Annexe 2 - L'étymologie vénusienne
• Vénus est la traduction romaine de l'Aphrodite des Grecs.
—> En latin : Venus, Veneris, Veneria.
• Débarquée à Cythère puis à Chypre, la littérature la nomme Cypris.
—> Les Cyprées sont de beaux coquillages.
• Vénérien, vénéréologie, ont également Vénus dans leur étymologie.
• De nombreux mollusques à coquille se réclament de Vénus. La coquille Saint-
Jacques des pèlerins de Compostelle, les jacquets, se fait appeler "conque de Vénus",
traduit en espagnol par "venera" ou "vieira", ou encore "concha venera", soit "coquille
de Vénus", pour "coquille Saint-Jacques"...
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 52 on 63
◊ Annexe 3 - Les facteurs objectifs de la Renaissance
- Une évolution technique voit feurir la peinture à l'huile et la toile. La première
permet l'éloquence, la seconde permet le transport et ofre une meilleure tenue dans
le temps. Le système perspectif apporte lui aussi sa contribution. Il permet de
concevoir des décors véritablement impressionnants, qui explique en partie qu'en
plus des Religieux les commanditaires Politiques multiplient leurs commandes.
- L'ouverture du champ des motifs à d'autres sujets que les strictes représentations
de la Bible : sujets profanes ou mythologiques. Une sorte de laïcisation de la Peinture
se produit (ou plutôt une peinture pour elle-même ?)
- La mode de la peinture suit celle de son époque. L'Italie embrase l'Europe par son
élégance et son invention, toutes deux servies par les développements de la
technique évoqués plus haut.
- Les changements politiques et philosophiques enhardissent les
esprits, déjà sujets à la fèvre que provoque l'extraordinaire
concentration d'Artistes en Italie. Les principales écoles de la
Renaissance (hors mis Rome et Naples, excentrées) tiennent dans un
cercle de 225 km de diamètre ! Ce brassage concerne toutes les
disciplines, et toutes les personnalités.
- Par ailleurs, les circonstances du climat expliquent en partie l'attraction de l'Italie à
cette époque. Le minimum de Spörer (1450-1550) est en efet une période de
refroidissement. Comme beaucoup de ses collègues à travers l'Europe, Dürer va
chercher le Soleil, la chaleur, en Italie. C'est une des explications à la densité des
Artistes qui construisent la Renaissance.
- Enfn le développement de l'Imprimerie, choisi par beaucoup d'auteurs pour
marquer le début de cette ère nouvelle, change de façon radicale le rapport au
Savoir, et pas seulement à l'écrit. Les élites grandissent et multiplient leurs échanges
à coup de publications. En dépit des guerres d'Italie qui émaillent le XVIème Siècle, il
reste toujours une ville ou poser sa Culture, voire où la développer...
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 53 on 63
◊ Annexe 4 - Saint-Jacques et les Étoiles
Que vient faire le symbole de Vénus sur la tête de gens qui marchent les pieds en
sang et la gorge en feu ? Que vaut ce symbole pour leur prière ? Les diférents types
d'arguments pour se l'expliquer sont-ils le refet de la nature de Vénus ?
Concrètement, les mollusques à coquille bivalve (ces sonorités évoquent d'avantage la mécanique auto que les champs d'étoiles) se trouvent en abondance sur les plages
de Galice et dès le XIIème Siècle, une tradition s'installe de coudre ce témoignage sur
son chapeau ou sa robe. C'est la preuve du pèlerinage autant qu'un signe de
reconnaissance, qui laisse espérer respect et protection. En outre, le fruit de la mer
se laisse manger et ne coûte pas cher. Wikipedia rapporte : Les légendes en font le signe de la puissance miraculeuse de saint Jacques, sauvant des fots tumultueux un prince que son cheval emballé y avait précipité. Sur le point de périr, le cavalier invoque l'aide du saint, et bientôt son corps se trouve miraculeusement repêché, tout constellé de coquilles. C'est aussi la coquille ramenée de Compostelle par un pèlerin italien, qui ft jadis disparaître, aux dires du Liber Sancti Jacobi, par simple attouchement, l'énorme goitre dont était afigé un chevalier d'Apulie. La légende
constate l'importance d'un objet, d'une pratique ou d'une croyance, et elle la
pérennise. Sur quoi s'appuie-t-elle sur le plan symbolique ? Quels sont les codes ?
La coquille Saint-Jacques comme attribut
Les larges coquilles de ces veiras galicienne rappellent
par leur forme celle de la main. L'auteur du sermon «
Veneranda dies » y voit le symbole des bonnes œuvres
s'épanchant de la main ouverte. Une tradition veut
également que l'on enfouisse les cinq doigts de la main
dans une pierre dans les cinq cavités d'un meneau sur
l'arc central du Porche de la Gloire, à la cathédrale
Saint-Jacques de Compostelle (XIIe siècle). Cette
colonnette de marbre blanc représente la généalogie
du Christ. Selon la tradition, ces cavités ont été
creusées par l'empreinte des mains des pèlerins au fl des siècles. Celui qui prononce
en silence cinq Pater sans retirer la main se verrait attribuer cinq grâces...
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 54 on 63
Cette colonnette repose sur un sphinx ailé et barbu souvent assimilé au dernier roi
de la dixième génération chaldéenne**. Ce dernier fut averti en songe par Cronos, dieu du temps, que l'humanité serait anéantie par le débordement universel des eaux. Ce roi ft construire un vaste navire sur lequel il embarqua avec les siens. Néanmoins, il avait auparavant enterré les livres qui contenaient toutes les connaissances d'alors dans la ville dédiée au culte du Soleil : Sisparis. Après le déluge, les survivants récupérèrent ces volumes, et purent ainsi reconstruire de nouvelles cités et l'ancienne Babylone.
Aucun de ces éléments ne désigne directement Vénus, cependant il y a la mer, une
grâce miraculeuse, et le chifre 5. Et ces éléments combinés mènent à Vénus...
(**) Selon Pablo Nogueira - Université de Paris IV-SorbonneMembre de la Fondation David Parou Saint-Jacques
La personnalité de Saint-Jacques le Majeur
La personnalité de Saint-Jacques dit le majeur se doit d'être évoquée. Apôtre comme
son frère Saint Jean de Jésus-Christ, tout deux sont surnommés les fls du tonnerre.
Jacques est un disciple précoce et bouillant. Il participe, avec Pierre et Jean, à des
événements importants comme la Transfguration, l'agonie de Jésus au Mont des
Oliviers, la résurrection de la flle du chef de la synagogue, la troisième apparition de
Jésus après sa mort, sur les bords du lac de Tibériade (épisode de la pêche
miraculeuse rapporté par Saint Jean). Il reste le seul apôtre dont la mort soit
rapportée dans le Nouveau Testament :
« Il (Hérode) ft périr par le glaive Jacques, frère de Jean. » (Actes, XII:2)
L'époque de la reconquista espagnole fait de lui un tueur de Maures : La statue
équestre de Saint Jacques Matamore, dans la nef de la Cathédrale, le voit frapper de
son épée des guerriers musulmans. Une grande violence émane de ce personnage
légendaire médiéval, qui se réclame de Mars plus que de Vénus. En cela l'étude de la
Symbolique peut se révéler fort utile, et nous pouvons accéder à une autre lecture.
La « légende Dorée » de Jacques de Voragine, dominicain devenu archevêque de
Gênes au XIIIe siècle, le voit aussi prêcher dans la péninsule Ibérique, les rives
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 55 on 63
africaines, et retourner à Jérusalem où il meurt décapité. Recueillie par ses
compagnons, sa dépouille est portée dans une embarcation qui, guidée par un ange
franchit Gibraltar et s'échoue sur les côtes de Galice.
À ce moment, le récit prend une dimension légendaire. Philippe Conrad, Historien,
Directeur de séminaire au Collège Interarmées de Défense, lui consacre une page :
« Le bateau qui transporte le corps de Jacques aborde en Galice, au royaume d'une reine païenne nommée Lupa – nom qui évoque la louve. C'est alors qu'ont lieu un certain nombre de prodiges. La pierre sur laquelle le corps a été déposé se creuse pour former d'elle-même un sarcophage. Puis ce corps est transporté vers le lieu où il va être inhumé, indiqué par une étoile que suivent les compagnons de Jacques. Mais la reine Lupa dresse des obstacles. Elle lance tout d'abord contre eux un dragon, qui sera apaisé par le signe de la Croix. Puis elle leur conseille de recourir à des bœufs pour tirer le corps, qui sont en fait des taureaux furieux. Là encore, le signe de la Croix les apaisera et les fauves seront apprivoisés. Devant ces prodiges, Lupa se convertit, et le corps de Jacques peut reposer dans la sépulture désignée par une étoile.Jacques intervient à plusieurs reprises pour libérer des captifs, notamment un prisonnier des Sarrasins. Il ressuscite des jeunes gens qui s'étaient suicidés, sous l'infuence du Démon qui avait pris la forme de l'Apôtre pour les tromper. Il sauve des justes qui avaient été victimes de gens indélicats. On connaît par exemple l'épisode du « Pendu dépendu ». Un Allemand et son fls arrivent à Toulouse. Un aubergiste, voyant tout le parti qu'il peut tirer de la situation, glisse un plat d'argent dans leurs bagages pour les faire accuser de vol. Le fls du voyageur est pendu. Mais quand son père revient, plusieurs semaines plus tard, il découvre son fls vivant : saint Jacques l'a protégé. L'aubergiste est puni. Dans l'iconographie jacquaire, ce thème du « Pendu dépendu » va tenir une place très importante. »
Les Historiens tentent de résoudre les anachronismes du légendaire de Compostelle,
car n'en doutons pas, le personnage central est la Galice, ce bout du monde pointant
son cap Finistère dans l'Atlantique. Saint-Jacques est le dépositaire de sa longue
Histoire, et il a tour à tour pris à son compte les événements et les remises en
questions de la région. En revanche, les fouilles archéologiques sous la basilique
(1878-1879 et 1946-1959) ofrent une réalité plausible à la légende dorée, en
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 56 on 63
exhumant des éléments de l'époque romaine (dont un autel de Jupiter), et aussi les
vestiges d'une nécropole antérieure, datant de l'age du Bronze. La Cathédrale révèle
une grande antériorité. Si certains auteurs remettent en question l'authenticité de la
dépouille du Saint exhumé à Compostelle, la proposition d'un autre personnage
nommé Priscillien (IVème Siècle), que l'on rattache à la mouvance manichéenne, ne
concorde pas avec la datation du tombeau, bien antérieure. En revanche, le chemin
comme la multiplication des reliques de Saint-Jacques remplissent depuis des siècles
des parloirs et des livres entiers...
Compostelle a accumulé des légendes, et de façon plus ou moins inconsciente, tout
ce qui a du sens symboliquement s'est ancré à un mat devenu Cathédrale. Rome a
donné sa Louve comme divers époques schismatiques ont apporté leurs Gnose,
Manichéïsme etc. La chrétienté semble
s'être introduite par la mer, une voie
inaugurée au moins un millénaire plus tôt
par les Phéniciens. Par ailleurs, Saint Martin, évêque de Braga, va faire adopter, dans son archidiocèse, les canons de l'Église orientale (Philippe Conrad, op. cité). Compostelle christianise alors des
symboles et des cultes antérieurs. La
Galice est par exemple le berceau du
Mégalitisme Atlantique, dont on
comprend encore très mal la Civilisation,
ne serait-ce que la datation. L'étude du
véritable phénomène que constitue
Compostelle est un vertige documentaire,
doublé d'une provocation spirituelle. Quelques notes se distinguent dans ce concert
des ages mêlés en une musique étrange. Elles appartiennent à la Géométrie Sacrée,
langue universelle et intemporelle. La structure idéalisée de la coquille Saint-Jacques
énonce des pentagrammes entrelacés, un véritable champ d'étoiles, formes favorites
de Mars et de Vénus échangeant les secrets du Nombre d'Or. Sandro Botticelli
connaissait-il toute leur Histoire ?
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 57 on 63
◊ Annexe 5 - L'Arcane XVII des Tarots
Christophe de Cène explique que l'Arcane XVII des Tarots, dit l'Étoile, est une
représentation de Vénus. Sa 17ème place dans l'ordre des cartes, juste avant la Lune
(XVIII) et le Soleil (XVIIII), atteste de son importance dans l'encyclopédie des symboles
que constitue les Tarots au début de la Renaissance. Vénus est "l'étoile du berger",
liée à l'épisode des rois mages de la Bible. On l'aperçoit en début et fn de nuit. Sa
place au coté de la Lune est du Soleil est donc tout à fait naturelle (et sa couleur
jaune orangée la diférencie des autres étoiles à la lumière plus bleutée).
Divers éléments ont un rôle défni dans la carte de l'Étoile. Une main, souvent
interprétée comme divine, vient soutenir l'une des cruches qui versent l'eau dans le
ruisseau. L'autre main de la Belle semble plus "libre" de ses gestes. La dualité de
Vénus est un classique. Tantôt Sainte, promise au sacrifce, elle peut aussi évoquer la
luxure et la perdition dans des espaces improbables... En cela la toile de Botticelli est
très intéressante, car elle rassemble les éléments de Traditions mythologiques,
symboliques et ésotériques dans le cadre cohérent de la Géométrie Sacrée qui donne
une unité au personnage. La dualité prend ici le ton de l'Harmonie grâce au diapason
de Phi, liant universel de la Géométrie Sacrée. Le Nombre d'Or est par ailleurs
foncièrement lié à Vénus. Cette tradition symbolique répond à la réalité physique de
l'Astre, que depuis la nuit (ou l'aube) des temps les hommes se plaisent à observer.
La révolution de Vénus autour du Soleil
Ce schéma est extrait de l’ouvrage d’Yves Lenoble :
« Initiation à la pratique des cycles planétaires », 1994, ed. de
l’ARRC. L’auteur remarque l’omniprésence de Phi (1,618) dans
les cycles astrologiques solaire, vénusien et soli-vénusien.
La combinaison numérique de l'Étoile joint le 4 de la Terre au
2 de l'Inspiration. Or le passage (transit) de Vénus devant le
disque solaire se produit avec une récurrence approximative
de 8 (=4x2), puis 120 ans (=8x15). Ce phénomène rare ne
dure que quelques heures. Le dernier passage date du 8 juin
2004. Le prochain est prévu pour le 6 juin 2012.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 58 on 63
◊ Annexe 6 - La formidable leçon des yeux
Dès le premier contact avec la toile , il n'y a d'yeux que pour Vénus. Tout la concerne
dans ce tableau. Les Anges se penchent sur elle, et une jolie Madame la couvre d'une
cape majestueuse, digne d'une reine. Elle est belle, elle est sereine. Elle est au
centre, debout sur un coquillage qui prend la forme d'un canapé.
Sa peau nacrée prend la lumière, à la façon d'un marbre chaud. Et cette lumière est
en haut du tableau. En bas, les pieds de la Belle s'assombrissent. La mer se noie avec
confusion dans le sable. Il est très difcile de baisser les yeux, même devant tant de
beauté. De toute façon, le vent soulève notre regard, comme il gonfe les étofes et
les chevelures, comme il sème les roses.
Le paysage est plié, presque naïf. Son horizon hésite à se tenir droit, et les vagues
signent des V sur la mer. On ne peut pas croire cet arrière-plan, juste le contempler.
Les personnages eux, sont vrais : ils pourraient parler. En auront-ils l'occasion ? Les
uns semblent occupés, et Vénus semble rêver. A-t-on envie de troubler ce qui nous
charme ? Regardons encore.
Vénus tient une pose, et ses cheveux ondulent et se soulèvent en direction de la
femme qui s'apprête à poser une cape sur ses épaules. Quelque chose suspend ce
geste, et pas seulement la peinture, cet art d'arrêter le temps... Une vraie force
soutient son bras, une force puissante comme le vent, lorsqu'il se met en colère.
Cependant, cette pression est tranquille, sereine et bienveillante. Quelle force peut
suspendre de la sorte toutes les étofes de la scène ?
La cape est bien trop lourde pour être le jouet d'une brise légère. Elle se froisserait,
et se mettrait à faseyer si elle était de soie. Tout au contraire, les plis sont profonds
et marqués : le vêtement est même assez lourd pour provoquer des creux aux
endroits où il se plie. Quelque chose échappe à notre bon sens, et c'est pourtant lui
qui doit nous guider pour comprendre la scène. Cette douceur et cette force
devaient nous alerter, cette fuidité des formes n'est pas l'efet du vent. Comme
l'irréalité du décor et de bien d'autres détails... Vénus pose le pied sur la partie brune
du coquillage, mais cette partie devrait être "au-dessous". Sous le pied de Vénus, la
coquille devrait être claire et nacrée. Les coquillages ne se tordent pas de la sorte !
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 59 on 63
Quelque chose d'autre d'autre ne va pas. Il faut une
règle pour le voir : une verticale est désignée par
Vénus, celle qui passe exactement entre ses
pouces. C'est une invitation du Peintre à regarder.
Les pieds de Vénus ne sont pas sous son poids. Le
centre de gravité d'une personne est
approximativement au niveau du nombril, mais sa
verticale passe en dehors des pieds. Il faudrait une
canne pour tenir dans cette position : Vénus ne tient pas debout !
Botticelli, le peintre, ne peut pas se tromper. La qualité des personnages démontre
son talent comme sa grande précision. Il sait ce qu'il fait, et maîtrise parfaitement
son tableau. La preuve : nous n'avons pas remarqué immédiatement toutes ces
incohérences. L'impression qui se dégage de cette scène est celle d'une grande
harmonie, d'une beauté naturelle.
Toutes ces incohérences seraient gratuites et sans intérêt, si elles n'avaient pas un
sens pour la compréhension de l'oeuvre. Quel intérêt en efet, de plier la coquille ?
De faire de Vénus une instable ? D'alourdir sa cape ? Il serait si facile à Botticelli de
tout mettre en ordre. Son sens de la beauté est assez fort pour ne pas avoir besoin
de pitreries, même pour nous séduire. Il ne se joue pas de nous, ni de notre oeil : Il a
beaucoup mieux à faire que de nous provoquer de la sorte. Son oeuvre parle de
Beauté, pas d'une philosophie douteuse ni de challenge technique, et ce genre de
"prouesse" n'a rien à faire dans son tableau.
Il faut la géométrie pour le montrer, sans doute aussi pour en prendre conscience.
Vénus est une Sirène, et elle se montre dans son élément naturel, au fond de la mer.
Quand on y pense, on comprend tout, et il n'y a plus aucune incohérence au tableau.
Les personnages comme les étofes fottent avec une grande fuidité. Le décor,
notamment la coquille, sont déformés par l'efet d'une sorte d'aquarium. D'ailleurs,
le titre original du tableau est une précieuse indication de la part de son auteur :
« Vénus anadyomène », qui veut dire sortie des eaux...
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 60 on 63
◊ Annexe 7 - La signifcation des nombres
Un peu d'Histoire
La géométrie resterait muette, et nous avec, s'il n'y avait pas les nombres pour
l'interpréter. Ses codes ont pris des millénaires à s'établir. Leur histoire commence
en l'Égypte, bien avant les pyramides. À la même époque, une autre civilisation se
développe sur le littoral atlantique. La Civilisation Mégalithique, qui dresse des
pierres énormes jusqu'à dessiner des lignes à l'échelle d'un paysage tout entier.
Après les Égyptiens et les Mégalithiques, les Grecs résolvent bien des questions qui
sont encore sans réponse. Ils développent le calcul, et surtout ils précisent les
nombres selon leur nature. Par la suite, les Byzantins utilisent ce travail des Grecs
pour construire les fgures qui préparent leurs Icônes. La Géométrie se développe
tellement que les autorités de l'Empire Byzantin, politiques et religieuses, y voient
une menace pour leur pouvoir. Par deux fois, au VIIIème et au IXème Siècles, on tue
tous les Peintres, on brûle leurs oeuvres et peut-être même leurs écrits... Depuis
cette tragédie, les géomètres du Sacré cachent leur Savoir dans leurs ateliers. Ils ne
prennent pas le risque de le transmettre autrement que de bouche à oreille, de
maître à disciple. Enfn, avec l'ère moderne, les ateliers ferment peu à peu et ce
Savoir disparaît de l'esprit des gens, peintres et amateurs... Il faut donc tout
reconstituer, mais pas à partir de rien, non : à partir des oeuvres. Il faut réapprendre
à les lire telles qu'elles ont été conçues.
La nature des Nombres
Les nombres entiers ne sont pas de la même nature que les racines carrées. Les
Grecs ont montré que ces racines sont irrationnelles : aucune fraction de deux
nombres entiers n'est égale à √2, par exemple. Les entiers naturels et les racines
carrées n'expriment forcément pas la même chose. Le nombre 3, autre exemple, est
rattaché au Ciel par les Anciens, et cette notion est simple pour eux, presque
concrète. √3 est sa racine (√3 x √3 = 3), et là c'est tout autre chose... En
symbolique, racine devient alors synonyme d'origine, de cause initiale, de "raison qui
fait que". Dans le cas du Ciel, on sait qu'il existe, mais on ne sait pas vraiment son
origine. C'est même un grand mystère ! En Symbolique, √3 sert de mesure à ce
mystère. La taille de l'auréole de Jésus-Christ peut se servir de √3. Ça lui va très
bien. On peut ainsi passer en revue les nombres le plus courants tels qu'ils sont
utilisés par la Géométrie Sacrée.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 61 on 63
Les principaux Nombres
Commençons par le 1... Un est l'Unité, le début de tout. Surprise : les Anciens disent
que cette dimension est celle de la Magie ! Oh pas celle qu'on voit dans Harry Potter,
pas du tout celle-là. Pour les Sages du Moyen-Age, la Magie consiste à faire des
choses vraiment incroyables, et pas des flms truqués par des efets spéciaux. Par
exemple, Léonard de Vinci essaye de créer Superman, mais le valet qui lui sert de
cobaye se casse la cheville. N'empêche ! Le rêve de Vinci deviendra un jour avion.
Une seule chose manque à Vinci pour réussir son projet : la mesure. La mesure du
poids, des forces, de la résistance des matériaux etc. Les Anciens disent que le
premier pas de la Magie est la mesure. la Science naîtra beaucoup plus tard, comme
pour leur donner raison : elle passe son temps à mesurer les choses.
Le 2 est un peu plus difcile à défnir. C'est le Nombre de la diférenciation. On
passe du un de l'unité au deux du couple. Les Anciens disent que c'est le Nombre de
l'Inspiration. C'est trop vague, si on ne précise pas sa source et sa Nature. Selon les
Sages, le premier pas de l'Inspiration est le discernement... Pour eux, il n'y a pas
d'Inspiration sans étude, sans attention envers un sujet. L'inspiration commence par
une prise de conscience de ce qui est. Le blanc et le noir, le bien et le mal, l'avant et
l'après, le haut et le bas. Quand on a compris cela, on peut mêler son grain de sel à
la conversation. Par contre, parler avant d'avoir étudié un sujet, c'est être mal inspiré
voire pas inspiré du tout...
Le 3, comme nous l'avons vu, est le Ciel, ou plus exactement le Céleste. Ce qui se
rapporte au Ciel. Celui des étoiles comme celui des Anges : en symbolique, ils ne
font qu'un pour les yeux qui se lèvent vers lui. Le Céleste (3) se diférencie du
Terrestre (4), celui que l'on constate en baissant les yeux. Et entre le Ciel et la Terre,
il n'y a pas que la ligne d'Horizon : il y a aussi l'Amour.
L'Amour est la rencontre du Céleste et du Terrestre, la combinaison du 3 et du 4, et
il adopte le Nombre 6. Le Triangle Sacré nous en donne la raison. En efet, la
rencontre du 3 et du 4 se fait, dans ce triangle, à angle droit, et la surface de ce
triangle est 6 (la moitié du rectangle de 3 sur 4)...
Le 5 est la taille de l'Hypoténuse du triangle, du trait qui unit les cotés 3 et 4 du
Triangle Sacré. C'est aussi le diamètre du cercle qui enferme le triangle. C'est le
chifre de l'Homme, du monde humain. Les Sages disent que c'est aussi celui du
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 62 on 63
Dogme. Qu'est-ce qu'un dogme ? C'est une idée qui rêve d'éternité. Une sorte de Loi
qui se veut au dessus de toutes les lois. Seuls les Hommes sont capables de pareils
défs, et souvent, ils produisent ces Dogmes au nom de Dieu...
Dieu prend plusieurs places dans tous ces Nombres... Il apparaît comme une ombre
derrière plusieurs valeurs. Le 1 de l'Unité originelle, du début de la Magie. Pour les
Anciens, la première manifestation de Dieu est qu'il nous permette de mesurer les
choses. Imaginons que ce soit impossible, il n'y aurait même pas Internet...
√3 est de toutes les valeurs celle qui se réclame le plus de Dieu. Le mystère de la
Trinité, le Triskel et tant d'autres fgures comme le Vesica Piscis, se traduisent avec
ce vocabulaire symbolique. Le Vesica Piscis est formé de deux cercles identiques qui
posent leurs centre sur le cercle jumeau. Si le rayon des cercles est 1, l'intersection
mesure √3...
√5 exprime le mystère de l'Homme. C'est une des plus belles valeurs de la
Géométrie Sacrée. Ce Nombre entre dans la défnition de Phi, le Nombre d'Or, égal à
(1+√5)÷2, proche de 1, 618... Le Nombre d'Or est la clé de tous les systèmes de
composition de la Géométrie Sacrée. La simple équation Phi+1= Phi2 permet à toutes
les fgures de se combiner, de se retrouver en des points précis, et d'unir leurs
lignes. Grâce à Phi, les formes géométriques se collent entre elles de façon précise et
exacte. Et, au lieu d'avoir une somme de fgures comme un tas de pierre devant
l'édifce, on a afaire à un système qui construit un mur solide. Phi est l'un des
composants essentiels au ciment qui tient ces pierres entre elles.
La traduction des Nombres en fgures
Il ne serait pas juste de dire que l'on traduit les nombres par des fgures. Disons que
l'on accorde les fgures à des nombres précis, par leurs mesures, pour qu'elles
s'emboîtent parfaitement, comme un jeu de Légos. Le quadrillage sert autant à
mesurer qu'à positionner les fgures : nous l'avons déjà constaté, avec le premier
Triangle Sacré sur l'oeuvre de Vénus. Nous allons voir que Botticelli n'a pas oublié
une seule des valeurs numériques. La composition de son tableau a plusieurs
couches, et au fnal elles ne font qu'un système, un ensemble complet. Toutes les
fgures s'accrochent les unes aux autres, aussi fortement que les pierres d'un mur.
C'est une structure, incroyablement cohérente.
Yvo Jacquier - La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli, 1486 63 on 63