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La signification différente attachée à la filiation par le sang

Date post: 14-Nov-2015
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Direito da Familia Alemão e Francês
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M. Rainer Frank La signification différente attachée à la filiation par le sang en droit allemand et français de la famille In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 45 N°3, Juillet-septembre 1993. pp. 635-655. Citer ce document / Cite this document : Frank Rainer. La signification différente attachée à la filiation par le sang en droit allemand et français de la famille. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 45 N°3, Juillet-septembre 1993. pp. 635-655. doi : 10.3406/ridc.1993.4730 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1993_num_45_3_4730
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  • M. Rainer Frank

    La signification diffrente attache la filiation par le sang endroit allemand et franais de la familleIn: Revue internationale de droit compar. Vol. 45 N3, Juillet-septembre 1993. pp. 635-655.

    Citer ce document / Cite this document :

    Frank Rainer. La signification diffrente attache la filiation par le sang en droit allemand et franais de la famille. In: Revueinternationale de droit compar. Vol. 45 N3, Juillet-septembre 1993. pp. 635-655.

    doi : 10.3406/ridc.1993.4730

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1993_num_45_3_4730

  • AbstractBlood relationships have traditionally played a key role in German family law. Influenced by the racialideology of national socialism, the Supreme Court of the German Reich (Reichsgericht) allowed after1933 an action to ascertain lineage for purposes other than determining the legal status of a child. Afterthe Second World War it became recognised in Germany - as in other countries - that in most cases theactual relationships which child has are of greater importance for the child than relationships basedsimply on a blood ties. The decision of the German Federal Constitutional Court of 31.01.89 has,however, brought about further debate. In the view of the highest German court, every human being hasthe right, protected by the constitution, to ascertain his or her own genetic parentage. Theconsequences of the decision rather than the decision itself give cause for concern. Thus, the 59th deutsche Juristentag (Hannover 1992) voted by an overwhelming majority for a cause of action basedon consanguinity (blood ties). A comparative study of the French legal position shows that French familylaw traditionally attributes less impor tance to blood relationships than the German, and that discussionas to the weight to be attached to the genetic family on the one hand versus the family in fact on theother, is considerably more open and relaxed.

    RsumEn droit allemand de la famille, la filiation par le sang joue traditionnellement un rle principal. C'estainsi qu'aprs 1933 la Cour Suprme (Reichsgericht), sous l'influence de l'idologie de race du national-socialisme, a admis une action en tablissement de la filiation reposant sur le lien du sang, action dontl'objet n'avait pas pour finalit de modifier l'tat juridique de l'enfant. Aprs la 2e guerre mondiale, uncourant d'ide s'imposa en Allemagne tout comme dans d'autres pays savoir que les liensexistants sont en rgle gnrale plus importants pour un enfant que les seuls liens du sang. Depuis, laCour constitutionnelle a t l'origine de certains dsordres, la suite d'une dcision en date du 31janvier 1989. Cette dcision a en effet pour conception, que chaque enfant jouit d'un droit ses originesgntiques, droit protg par la Constitution. Ce n'est cependant pas cette dcision en tant que telle quipeut donner des inquitudes, mais plutt ses consquences. C'est ainsi, par exemple, que le 59e deutsche Juristentag (Hanovre 1992) s'est prononc une crasante majorit, pour une nouvelleaction en justice dont le but est la reconnaissance des origines par le sang ; action qui somme toute, nechange rien l'tat juridique de l'enfant, mais qui doit lui apporter la certitude en ce qui concerne sonpre ou sa mre gntique. Une comparaison avec la situation juridique en France montre que le droitfranais, l'encontre du droit allemand, accorde une bien moindre importance la filiation par le sangtraditionnelle et que les dbats sur la zone de tension entre la famille gntique d'un ct et la famillede fait de l'autre ct, sont mens de faon nettement plus ouverte et dtendue.

  • R.I.D.C. 3-1993

    LA SIGNIFICATION DIFFRENTE ATTACHE A LA FILIATION

    PAR LE SANG EN DROIT ALLEMAND ET FRANAIS DE LA FAMILLE (*)

    par

    Rainer FRANK Professeur l'Universit de Fribourg

    En droit allemand de la famille, la filiation par le sang joue traditionnellement un rle principal. C'est ainsi qu'aprs 1933 la Cour Suprme (Reichsgericht), sous l'influence de l'idologie de race du national-socialisme, a admis une action en tablissement de la filiation reposant sur le lien du sang, action dont l'objet n'avait pas pour finalit de modifier l'tat juridique de l'enfant. Aprs la 2e guerre mondiale, un courant d'ide s'imposa en Allemagne tout comme dans d'autres pays savoir que les liens existants sont en rgle gnrale plus importants pour un enfant que les seuls liens du sang. Depuis, la Cour constitutionnelle a t l'origine de certains dsordres, la suite d'une dcision en date du 31 janvier 1989. Cette dcision a en effet pour conception, que chaque enfant jouit d'un droit ses origines gntiques, droit protg par la Constitution. Ce n'est cependant pas cette dcision en tant que telle qui peut donner des inquitudes, mais plutt ses consquences. C'est ainsi, par exemple, que le 59e deutsche Juristentag (Hanovre 1992) s'est prononc une crasante majorit, pour une nouvelle action en justice dont le but est la reconnaissance des origines

    (*) Cet article constitue une version plus complte d'une confrence tenue par l'auteur le 1er juil. 1992 au Centre d'tudes franaises de l'Universit Albert-Ludwig de Fribourg- en-Brisgau.

    L'auteur tient exprimer ses remerciements envers M. Damien WEDRYCHOWSKI, avocat aux Barreaux de Strasbourg/Karlsruhe, charg de cours la Facult de droit de Fribourg, pour avoir accept d'effectuer la traduction de cet article.

    Marcelo Carvalho Loureiro

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  • 636 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 3-1993

    par le sang ; action qui somme toute, ne change rien l'tat juridique de l'enfant, mais qui doit lui apporter la certitude en ce qui concerne son pre ou sa mre gntique. Une comparaison avec la situation juridique en France montre que le droit franais, l' encontre du droit allemand, accorde une bien moindre importance la filiation par le sang traditionnelle et que les dbats sur la zone de tension entre la famille gntique d'un ct et la famille de fait de l'autre ct, sont mens de faon nettement plus ouverte et dtendue.

    Blood relationships have traditionally played a key role in German family law. Influenced by the racial ideology of national socialism, the Supreme Court of the German Reich (Reichsgericht) allowed after 1933 an action to ascertain lineage for purposes other than determining the legal status of a child. After the Second World War it became recognised in Germany as in other countries that in most cases the actual relationships which a child has are of greater importance for the child than relationships based simply on blood ties. The decision of the German Federal Constitutional Court of 31.01.89 has, however, brought about further debate. In the view of the highest German court, every human being has the right, protected by the constitution, to ascertain his or her own genetic parentage. The consequences of the decision, rather than the decision itself, give cause for concern. Thus, the 59th deutsche Juristentag (Hannover 1992) voted by an overwhelming majority for a cause of action based on consanguinity (blood ties). A comparative study of the French legal position shows that French family law traditionally attributes less importance to blood relationships than the German, and that discussion as to the weight to be attached to the genetic family on the one hand versus the family in fact on the other, is considerably more open and relaxed.

    A l'instar de la solution admise, dans le monde entier, le lgislateur attache des effets juridiques la simple filiation par le sang, en droit allemand de la famille, comme en droit franais. La parent par le sang est, en droit de la filiation, l'assise mme de la relation de l'enfant avec ses parents. Ne serait-on pas, cependant, en droit de s'interroger sur le point de savoir si la filiation par le sang constitue le critre de rattachement unique, et constamment exact, ou bien si la ralit des choses de la vie ne doit pas conduire, parfois, apporter certains correctifs. En d'autres termes, pour reprendre les termes utiliss par Pierre Raynaud : Ne peut- on pas s'en tenir au cur sans se proccuper du sang qui circule en lui ? (1)

    A la diffrence du droit franais de la famille, le droit allemand adopte une conception quasi-exclusivement oriente vers la filiation par le sang. Ceci sera dmontr travers quelques exemples. On examinera, ensuite, les raisons profondes de ce choix.

    (1) P. RAYNAUD, note sous Cass. civ. 6-12-83, D. 1984, 337.

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  • R. FRANK : FILIATION ALLEMAGNE-FRANCE 637

    I. QUELQUES EXEMPLES CONCRETS

    A. Le secret de la maternit

    A l'inverse du droit allemand, le droit franais n'tablit aucun automatisme entre la naissance et la maternit, qu'il s'agisse d'enfants lgitimes ou d'enfants illgitimes (2). Il est vrai que l'article 56 du Code civil, exige que toute naissance fasse l'objet d'une dclaration auprs de l'officier de l'tat civil dans un dlai de trois jours. Pourtant, point n'est besoin d'indiquer le nom de la mre (3) et, par voie de consquence, le nom du pre (art. 57 al. 1er, combin avec l'art. 323 al. 1er du Code civil). L'officier de l'tat civil n'a pas entreprendre de recherches d'office. Dans un tel cas, le nouveau-n sera inscrit sur le registre des naissances, comme n de parents inconnus. Le Code de la famille et de l'aide sociale prvoit des rgles particulires pour la mre qui veut conserver, durablement, son secret de la maternit : une femme enceinte peut accoucher dans le respect de l'anonymat, dans des maisons maternelles, voire dans des hpitaux publics, y demeurer trois mois aprs la naissance, afin de conserver son secret (art. 41 al. 3) et confier, par la suite, toujours de manire anonyme, son enfant l'assistance publique. L'enfant aura, alors, le statut de pupille de l'tat et peut, en tant que fils ou fille de personne, faire l'objet d'une adoption, sans le consentement de ses parents naturels (art. 347, 349, Code civ.) (4). A l'inverse du droit allemand, l'enfant qui, ventuellement, quelques annes plus tard, fera l'objet d'une adoption, n'aura eu entre la date de sa naissance et celle de son adoption, aucun parent, par voie de consquence, aucune mre. L'article 352 du Code civil interdit tout tablissement de la filiation paternelle ou maternelle aprs une adoption (5). Cette solution provient de l'ide selon laquelle une mre ne saurait tre investie d'une fonction que, par ailleurs, elle refuse. En outre, le but poursuivi est galement d'viter le recours l'avortement. L rside l'explication de la solution apporte par le droit franais, ds lors qu'il soumet non seulement l'tablissement de la paternit, mais galement l'tablissement de la maternit de l'enfant naturel, une reconnaissance formelle ou dduite de circonstances concluantes (art. 334- 8 al. 2 du Code civ., dans sa rdaction de 1982). Le principe mater semper certa est ne s'applique pas, a priori, aux enfants naturels, et connat, du fait du secret de la maternit , s'agissant de l'enfant lgitime, une logique pouvant conduire l'absurde (6). A l'inverse, le droit allemand aide chaque enfant rechercher ses parents naturels, comme tant, en premier lieu, responsables. A tout le moins, l'enfant a toujours une mre,

    (2) Cf. M. T. MEULDERS-KLEIN, Journal des Tribunaux, 1976.417 et s. (3) V. sur ce point Cass. civ. 16-9-1843, Recueil Sirey 1843.1.915. (4) U. SPELLENBERG, FamRZ 1984, 117 et s., 119. (5) V. par ex., Cass. civ. 15-6-1965, J.C.P. 1965 II 14414, note LINDON ; Cour d'appel

    de Paris, 16-4-1982, D. 1983, Inf. Rap. 331, note HUET-WEILLER. - (6) L'article 341-1 du Code civil prvoit dsormais, dans la rdaction de la loi n 93-

    22 du 8 janvier 1993, que l'accouchement sous X constitue une fin de non-recevoir l'action en recherche de maternit.

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  • 638 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 3-1993

    dsigne par la loi, et qui demeure, pour cet enfant, la personne juridiquement comptente , aussi longtemps qu'une dcision d'adoption ne la libre point de sa responsabilit. Le droit allemand ne peut se faire l'ide qu'un enfant grandisse sans que ses parents charnels ne puissent tre recherchs, et identifis grce des preuves formellement tablies. Tout au contraire, le droit franais adopte un point de vue plus pragmatique, savoir qu'il n'y a point d'intrt imposer le rle de mre, une femme ne dsirant pas assumer la maternit.

    B. L'tablissement de la paternit de l'enfant naturel

    Ce sont des ides semblables qui animent le droit franais de la famille, lorsqu'il s'agit d'tablir la paternit d'un enfant naturel. En droit allemand, la paternit est tablie, soit par une reconnaissance spontane, soit par une dcision judiciaire. Ds que la paternit est tablie, l'enfant jouit, en principe, de la mme situation juridique, envers son pre et ses parents paternels, qu'envers sa mre et ses parents maternels. A l'inverse, le droit franais fait une distinction, encore aujourd'hui, entre les enfants dont les auteurs sont prts reconnatre spontanment la paternit, et ceux dont les pres se voient imposer la responsabilit parentale, l'issue d'une action judiciaire en tablissement de paternit. Celui qui, spontanment, reconnat son enfant, dmontre, en cela, qu'il entend srieusement assumer sa responsabilit de pre. Reconnatre signifie, en droit franais, pour cette raison reconnatre son enfant comme tel . La reconnaissance n'est pas tellement une dclaration lie au fait de savoir, mais plutt une dclaration de volont. Le Code civil a, pour cette raison, depuis ses origines, pleinement admis la reconnaissance spontane d'enfant naturel, en lui faisant produire tous les effets juridiques lis l'tat des personnes. Les auteurs du Code civil ont, en revanche, adopt une analyse diffrente dans le cas o la paternit est tablie par une action en justice : l'exprience dmontre que la paternit impose conduit trs rarement une vritable relation de pre - - enfant. C'est la raison pour laquelle le Code civil de 1804 a interdit tout tablissement judiciaire de la paternit, il est vrai qu'il ne s'agissait pas l du seul motif (7). En 1912, seulement, l'tablissement de la paternit a t admis, dans certains cas bien dtermins. Mme aprs la rforme fondamentale du droit de la filiation en 1972, l'article 340 du Code civil n'a admis l'tablissement de la paternit que dans cinq cas, pour partie trs peu frquents. La loi n 93.22 du 8 janvier 1993 a, il est vrai, abrog, avec effet immdiat, ces limitations apportes l'tablissement de la paternit. Pour autant, l'tablissement de la paternit n'est pas rendu possible dans tous les cas. Le nouvel article 340 du Code civil exige, pour l'tablissement de la paternit, qu'il existe des prsomptions ou indices graves . L'article 340-1 du Code civil prvoit d'autres conditions de recevabilit, quant l'article 340-4 du Code civil,

    (7) Pour plus de prcisions quant au motif de l'interdiction, consult. R. SAVATIER, La recherche de la paternit, 1927, p. 4 et s.

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    il prvoit que l'action en recherche doit, peine de dchance, tre exerce dans les deux annes qui suivent la naissance.

    La reconnaissance de paternit, en droit franais, a davantage la signification d'une volont de reconnatre son enfant pour le sien (je veux tre le pre), plutt que la dclaration du fait vritablement connu (je suis le pre) (8). Il en rsulte qu'une reconnaissance produira des effets juridiques, mme lorsqu'elle ne correpond pas la ralit, bien plus, lorsqu'elle est intentionnellement fausse. Ce que l'on appelle reconnaissances mensongres ou reconnaissances de complaisance sont ancres dans la tradition du droit franais, et sont frquentes, en pratique (9). Ce type de reconnaissance remplace, en fait, souvent, l'adoption d'un enfant du conjoint : si la mre pouse un homme, qui n'est pas l'auteur de son enfant, ce dernier peut, au moyen d'une reconnaissance contraire la vrit, obtenir la lgitimation de cet enfant, et l'intgrer la famille lgitime, sans pour autant recourir toutes sortes de formalits. De mme, les reconnaissances de complaisance se trouveront frquemment, en prsence d'union libre d'une certaine dure. En effet, dans la mesure o seules des personnes maries peuvent adopter un enfant, d'un commun accord, la reconnaissance de paternit mensongre constitue la seule possibilit, pour le partenaire de la mre, d'assumer une responsabilit juridique. De telles reconnaissances de paternit contraires la vrit, sont possibles, sans la moindre difficult, mme lorsque l'auteur de la reconnaissance ne peut, a priori, tre considr comme le procrateur, parce que, par exemple, la diffrence d'ge entre lui-mme et l'enfant est beaucoup trop faible, ou bien parce que l'enfant a une couleur de peau diffrente de celle de sa mre, et de l'auteur de la reconnaissance. On rencontre mme des reconnaissances de maternit mensongres (10), puisque, aujourd'hui encore, en droit franais, la filiation maternelle d'un enfant lgitime est tablie au moyen d'une reconnaissance.

    S'il est vrai, qu'en droit allemand, les reconnaissances de maternit mensongres sont impensables, en revanche les reconnaissances de paternit mensongres sont tout fait possibles. Il est rare, en droit allemand, qu'une reconnaissance de paternit soit faite sciemment, de manire mensongre. On peut en trouver les raisons (11). Jusqu' la rforme du droit de la filiation, en 1969, le droit allemand ne connaissait pas de reconnaissance de paternit produisant les effets d'une action d'tat des personnes. La Loi sur la filiation illgitime a considr que la reconnaissance de paternit constituait un substitut de l'tablissement judiciaire de la paternit, procdure en soi tout fait adquate, mais onreuse et source de

    (8) Cf. M. VRON, Volont du " pre " et reconnaissance d'enfant , Rev. trim. dr. civ. 1967, 521 et s.

    (9) Comp. sur ce point : M.-J. GEBLER, Le droit franais de la filiation et la vrit, 1970, p. 254 et s. ; R. FRANK, ZBIJugR 1972, 260 et s., 264 ; du mme auteur, Grenzen der Adoption, 1978, p. 99 et s.

    (10) V. ce sujet Trib. de grande instance de Paris, 6-3-1978, D. 1978, Inf. Rap. 646, obs. HUET-WEILLER ; consult, galement J. HAUSER/D. HUET-WEILLER, Droit civil, La famille, 1989, p. 491, n 745.

    (11) V. sur ce point R. FRANK (note 9), p. 261.

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    perte de temps. Le lgislateur n'avait pas pens la possibilit d'une reconnaissance sciemment mensongre. A la diffrence du droit franais, la loi allemande exige, en outre, pour que la reconnaissance de paternit produise ses effets, le consentement de l'enfant, celui-ci tant reprsent, non pas par sa mre, mais par l'Office de la jeunesse intervenant comme tuteur ad-hoc ( 1600, alina I combin au 1706-ler du BGB). A l'vidence, l'intervention des Offices de la jeunesse empche les reconnaissances mensongres, bien que, cet gard, il ne soit pas clairement dfini, en droit allemand, si les offices concerns doivent, en premier lieu, en procdant l'examen du consentement, vrifier l'exactitude de la filiation, ou bien s'ils doivent d'abord prendre en considration l'intrt de l'enfant. Enfin, il y a trs peu d'enfants, en Allemagne, susceptibles de faire l'objet d'une reconnaissance mensongre, du fait qu'il incombe ces offices, en leur qualit de tuteur ad-hoc, de faire tablir, le plus rapidement possible, la paternit de l'enfant, de telle sorte que le nombre des enfants, pour lesquels pourrait intervenir une reconnaissance mensongre, reste extrmement limit (12).

    C. Le droit de connatre son origine gnitique

    L'approche diffrente, entre le droit allemand et le droit franais de la famille, est apparue, cemment, en Allemagne, l'occasion du dbat n sur le droit de connatre son origine gntique . La Cour constitutionnelle fdrale (13) a, dans une dcision trs remarque en date du 31 janvier 1989, consenti l'enfant un droit constitutionnellement protg connatre sa propre filiation. La dcision est intervenue dans le contexte suivant : une jeune fille devenue majeure introduisit une action en contestation de lgitimit l'encontre de son pre. Le 1596, alina 1er, 2 du BGB, n'admet une telle action que lorsque le mariage des parents a t dissous par le divorce, ou bien dans le cas o les poux vivent spars depuis trois ans, et que la reprise de la communaut de vie conjugale n'est plus envisageable. Dans ce cas concret, cependant, les parents n'taient pas divorcs, et ne vivaient pas, non plus, spars. Ils ne formulaient, nanmoins, aucune objection l'encontre de l'action introduite l'initiative de leur fille. La Cour constitutionnelle a estim que chaque enfant jouissait d'un droit fondamental connatre sa filiation, ce droit manant du droit gnral de la personnalit (art. 2, al. 1 combin l'art. 1, al. 1 de la Loi fondamentale). Ce droit trouve ses limites dans la norme constitutionnelle de la protection du mariage et de la famille garantie par l'article 6 de la Loi fondamentale. En l'occurrence, le mariage et la famille n'apparaissaient aucunement menacs, puisque les parents n'mettaient aucune objection

    (12) STAUDINGER/GPPINGER, BGB, 12. d. 1983, 1600c, n 5. (13) Recueil des arrts de la Cour constitutionnelle (BVerfGE t.79, p. 256, FamRZ

    1979, p. 255 ; comp. les annotations de D. GIESEN, JZ 1989, p. 364 et s. ; J. MNDER, RdJB 1989, p. 459 et s. ; Th. RAMM, NJW 1989, p. 1594 et s. ; E. KOCH, FamRZ 1990, p. 569 et s. ; St. SMID, JR 1990, p. 221 et s.

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    l'action introduite par leur enfant. La cour a estim que l'on devait reconnatre l'enfant la possibilit de remettre en cause sa lgitimit.

    Une telle dcision serait parfaitement incomprhensible en France, non pas tant du point de vue du rsultat concrtement obtenu, mais, bien plus, en raison de la rgle contenue l'article 322, alina 1, du Code civil, lequel prvoit : Nul ne peut rclamer un tat contraire celui que lui donnent son titre de naissance et la possession conforme ce titre . En d'autres termes : lorsque l'inscription de l'enfant sur le registre de l'tat civil lui donne la qualit d'enfant lgitime et, qu'en outre, cet enfant a effectivement la possession d'tat d'un enfant lgitime, toute possibilit de contestation de la filiation est exclue. C'est, dans ce contexte, que Carbonnier parle d'un triomphe de l'ducation sur la loi du sang (14). Il serait totalement inconcevable, pour un Franais, qu'un enfant, vivant en parfaite harmonie avec ses parents, puisse entamer une procdure, pour changer de pre, guid, par exemple, par des motivations d'ordre successoral. La premire question que se serait pos un juge franais, confront aux circonstances soumises la Cour constitutionnelle fdrale, serait la suivante : existe-t-il ou non, entre l'enfant et son pre, effectivement, une relation de pre enfant ?

    Indpendamment de la dcision concrte, l'ide mme d'un droit fondamental connatre sa filiation gntique , est trangre aux juristes franais, alors qu'elle apparat au premier plan des discussions allemandes. On a voqu, prcdemment, le secret de la maternit et la possibilit de l'tablissement de la paternit de l'enfant illgitime dans des cas restreints, de mme que l'irrecevabilit d'une action en tablissement d'une filiation, aprs adoption, et cela mme, dans le cas de placement en vue de l'adoption (art. 352 du Code civil). A propos de l'insmination artificielle, le droit franais n'a, jamais, prouv de rserves srieuses quant l'anonymat du donneur de sperme, alors qu'en Allemagne, aujourd'hui, l'opinion dominante estime que l'anonymat du donneur est inconciliable avec le droit consitutionnellement protg connatre sa filiation gntique (15). Les recommandations du groupe de travail mis en place par le ministre fdral de la Justice vont dans ce sens : II ne doit tre accord aucun anonymat au donneur. Bien plus, l'enfant doit avoir la possibilit, grce une documentation centrale, de connatre son origine gntique (16). C'est la raison pour laquelle les hpitaux publics, en particulier les cliniques universitaires refusent aujourd'hui de pratiquer l'insmination artificielle, cela cause des risques juridiques invitables pour les donneurs de sperme, et non pas tellement cause de rserves d'ordre thique. C'est ainsi que les personnes intresses sont diriges de la clinique universitaire de Fribourg-en-Brisgau, vers celle de Strasbourg, laquelle dispose, comme toutes les cliniques universitaires, de centres d'tudes et de conservation de sperme humain " C.E.C.O.S. " , et permet de procder des insmina-

    (14) J. CARBONNIER, Droit Civil, t. II, 12e d. 1983, p. 322. (15) Sur ce point J. STEP AN, dans : Mlanges en l'honneur d'Alfred von Overbeck,

    1990, p. 545 et s., 563. (16) BT Drucks, t. XI/1856, p. 6.

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    tions artificielles, dans le respect de l'anonymat du donneur, sans prendre en considration le fait que les futurs parents soient ou non maris (17).

    La Cour constitutionnelle a, mon avis, rendu une dcision malheureuse, dont les consquences donnent rflchir. Prcisment, la comparaison avec la solution franaise fait apparatre clairement quel point, il peut tre risqu de reconnatre un droit de nature constitutionnelle connatre son origine gntique , et de restreindre, en cela, la marge de manuvres du lgislateur. L'ancien ministre autrichien de la Justice, M. Broda a formul, de la manire suivante, ses proccupations : Je redoute, tout particulirement, la priorit donne la paternit gntique. En premier lieu, parce que, en utilisant de tels critres, on revient, invitablement, une mthode d'approche d'inspiration eugnique (18). La dcision de la Cour constitutionnelle a, dans l'intervalle, acquis une signification dpassant, largement, le cas concret de l'action en contestation de lgitimit. A ct de l'interdiction absolue, dcoulant de la Loi fondamentale, de l'anonymat du donneur de sperme, en prsence d'insmination artificielle, se pose la question transpose au droit de l'adoption, de savoir si, en prsence d'enfants illgitimes, l'Office de la jeunesse, en sa qualit de tuteur ad-hoc, a, galement, l'obligation de poursuivre une recherche en tablissement judiciaire de la paternit, lorsque l'enfant a, immdiatement aprs sa naissance, t confi une famille adoptive. Jusqu' prsent, dans la pratique, en raison de motivations lies au cot et la dure de la procdure, aucune action en tablissement de la paternit n'a t introduite, ds lors que l'adoption future est considre comme acquise, et qu'aucune des parties n'a souhait voir la filiation tablie. La jurisprudence et la doctrine sont unanimes, par ailleurs, pour admettre, qu'aprs une adoption, les parents adoptifs ne peuvent mener une action en tablissement de la paternit, au nom de l'enfant, sans limitation dans le temps (19). Cela n'est cependant pas suffisant : si un enfant est n lgitime, et que la mre et son conjoint ont donn leur consentement l'adoption d'aprs une opinion solidement tablie, l'enfant adoptif peut, par la suite, remettre en cause sa lgitimit, parce qu'il s'agit l du seul moyen lui permettant d'avoir toute certitude sur sa filiation paternelle ; est-il ou non le fils du mari de sa mre (20) ? Le droit franais s'oppose une telle solution, compte tenu de l'obstacle constitu par l'article 352 du Code civil, ds lors qu'il interdit non pas seulement toute action en tablissement de la filiation, mais galement toute reconnaissance qui manerait du pre ou de la mre, ds lors qu'un enfant a fait l'objet d'une adoption.

    La dcision de la Cour constitutionnelle conduit se poser une autre question, celle de savoir si l'enfant naturel ne dispose pas d'un droit

    (17) G.RAYMOND, J.C.P. 1983 I 3114; HAUSER/HUET-WEUXER (note 10), p. 212 et s. ; D. HUET-WEILLER, note sous Cour d'appel de Toulouse, D. 1988, p. 184. Aperu de la situation du droit positif et de la pratique en matire d'insmination en France, J. RUBELLIN-DEVICHI, Rev. trim, dr, civ. 1986, p. 570 et s. ; 1987, p. 462 et s. ; 1990, p. 452 et s.

    (18) Verhandlungen des 56. DJT, 1986, t. 2, p. K90 et s. (19) STAUDINGER/FRANK, BGB, 12. d. 1991, 1755, n 15. (20) STAUDINGER/FRANK, ibid., 1755, n 18.

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  • R. FRANK : FILIATION ALLEMAGNE-FRANCE 643

    rencontre de sa mre, lui permettant d'obtenir le nom de son pre (21). Lors d'une dcision rendue par la Cour constitutionnelle (22) en 1988, il a t reconnu, au moins, l'enfant naturel, un droit connatre le nom de son pre, et le recours constitutionnel dpos par la mre, rencontre d'un arrt faisant obligation (23) la mre, en application du 1618 a, combin aux 1934 et suivants du BGB, combins l'article 6, alina 5 de la Loi fondamentale, d'avoir communiquer l'information sollicite, n'a pas t jug recevable. Depuis longtemps dj, en pratique, une certaine pression est exerce sur la mre de l'enfant naturel, dans la mesure o il n'est pas fait droit sa requte en suppression de la mission de la tutelle exerce par l'Office de la jeunesse ( 1707 du BGB) aussi longtemps qu'elle tait le nom du pre (24). On a mme suggr rcemment, de garantir ce droit l'enfant connatre sa filiation biologique, en menaant la mre de lui retirer le droit d'exercice de l'autorit parentale ( 1666 BGB), dans le cas o elle se refuserait communiquer le nom du pre (25). Les consquences inquitantes attaches l'lvation au rang constitutionnel du droit la connaissance de sa propre origine apparaissent, l'vidence, travers les rflexions d'une commission d'experts auprs du ministre fdral de la Justice : puisque l'on ne saurait admettre, de laisser au bon vouloir de l'enfant, du mari, de la mre, voire mme du procrateur, la facult de remettre en cause la lgitimit sans la moindre limite, et ceci en raison de la protection constitutionnelle du mariage et de la famille, on s'efforce, actuellement, de mettre en place, ct de l'action en contestation de lgitimit, dont l'objet a pour finalit la modification de l'tat de la personne, une simple action en tablissement de la filiation reposant sur le lien du sang (26). Cette action n'apporterait aucune modification au statut juridique de l'enfant, mais lui confrerait la certitude de son origine. Il serait ais d'tendre la liste des exemples dmontrant quel point la signification attache la filiation par le sang est diffrente en droit franais et en droit allemand de la famille (27). Il nous appartient,

    (21) V. sur ce point : W. KLEINERE, Das Recht auf Kenntnis der eigenen Abstammung, (thse) Gttingen, 1976, p. 143 et s. Pour un aperu actuel de cette question, consult. PALANDT/DIEDERICHSEN, BGB, 51e d. 1992, intr. 2, avant 1591.

    (22) BVerfG, 1. Kammer des Ersten Senates, FamRZ 1989, p. 147; sur ce point: E. KOCH, FamRZ 1990, p. 569 et s.

    (23) LG Passau, NJW 1988, p. 144. D'autres dcisions ont reconnu ce droit au profit de l'enfant : AmtsG Gemnden, FamRZ 1990, p. 200 ; LG Mnster, FamRZ 1990, p. 1031 ; LG Saarbrcken, FamRZ 1991, p. 979 ; DAVorm 1991, p. 338.

    (24) BGH, FamRZ 1982, p. 159, NJW 1982, p. 381. (25) Cette possibilit est refuse de lege lata ; comp. sur ce point MNCH

    KOMM/HINZ, BGB, 3e d. 1992, 1706 n 5, mais, comp. U. DIEDERICHSEN, Thesen zum 59. DJ.T. 1992, sous V.2.a).

    (26) Sur ce point : D. COESTER-WALTJEN, dans Mlanges Deliyannis, 1991, p. 239 et 252 et s.

    (27) D'autres exemples : 1) Lorsque au cours d'une procdure remettant en cause la lgitimit, il a t tabli que le mari n'est pas le pre biologique de l'enfant, il peut tout de mme lui tre reconnu en application de l'article 311-13 Code civil un droit de visite ; 2) L'article 206 du Code civil prvoit une obligation d'entretien sur les seules relations entre gendres et belles-filles, beaux-pres et belles-mres ; 3) L'article 371-4 al. 2 du Code civil prvoit, dans sa rdaction nouvelle, que ... en considration des situations exceptionnelles,

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    toutefois, dsormais, de nous interroger sur les raisons pour lesquelles, dans deux pays, si proches, il est possible de parvenir des positions si fondamentalement extrmes, et pour autant, actuellement, conserves.

    IL LES RAISONS PROFONDES

    A. Le respect de la tradition en France L'une des raisons essentielles de cette diffrence de rgime appliqu

    au lien du sang, entre le droit franais et allemand de la famille, tient au respect des Franais la tradition historique (28). Le secret de la maternit li la possibilit d'un accouchement anonyme, suivi d'un abandon anonyme dans un bureau d'abondon trouve son origine dans ce que l'on a appel le tourniquet (en franais tour , en italien rota ) qui, au Moyen Age, a t construit dans les murs extrieurs des orphelinats (29). Il s'agit, en l'occurrence, de cylindres en bois, tournants, dans lesquels les enfants pouvaient tre dposs, de manire anonyme, l'extrieur. En tournant le cylindre et en tirant la cloche, l'enfant se retrouvait l'intrieur de l'hpital o il tait accueilli (30). L'inventeur de ce tourniquet serait Guy de Montpellier, lequel cra, en 1160, les ordres hospitaliers du Saint-Esprit, et qui, plus tard, pour rpondre au souhait du Pape Innocent III, ajouta l'hpital Santo Spirito Rome, un orphelinat (31). Ce systme de tourniquet se rpandit trs rapidement dans les systmes juridiques d'influence romaniste. Il y avait, en France, en 1780, environ 300 maisons pour enfants trouvs, avec 250 tourniquets. En 1833, on dnombre, en France, environ 130 000 enfants ayant t abandonns de cette manire. Un enfant sur trois, ou quatre n Paris entre 1770 et 1821, connut ce sort (32). De tels faits sont sans doute de nature mieux comprendre le comportement de Rousseau : ce dernier s'est pench, de manire thorique, dans son Emile , sur les problmes de l'ducation ; il avait lui-mme cinq enfants ns d'une relation hors mariage avec Thrse Levasseur, qu'il confia l'assistance publique. Ces enfants trouvs taient, plus que les autres, exposs au danger de contamination, en raison des mauvaises conditions d'hygine et d'une nourriture insuffisante. Ce systme fut officiellement confirm en 1811 par un dcret de Napolon :

    le juge aux affaires familiales peut accorder un droit de correspondance ou de visite d'autres personnes, parents ou non .

    (28) Comp. R. NERSON, dans Mlanges Bosch, 1976, p. 709 : ... Le civiliste (franais) a coutume de s'appuyer sur l'histoire, qui est son guide naturel et il voit dans tout ce qu'il tudie bien plus souvent un aboutissement qu'une cration .

    (29) Sur les raisons historiques du secret de la maternit , comp. galement E. HIR- SOUX, La volont individuelle en matire de filiation, (thse) Paris 2, 1988, p. 300 et s.

    (30) H. SCHERPNER, Geschichte der Jugendfrsorge, 2e d. 1979, p. 20 ; Fr.-Fr. ROPER, Das verwaiste Kind in Anstalt und Heim, 1976, p. 41 ; P. URBAN, Die Kindesaussetzung, thse Bonn, 1 936, p. 46.

    (31) RPER op. cit., p. 41. (32) A. PEIPER, Findelanstalten, Waisenhuser, Fernammen , in : Chronik der Kin

    derheilkunde, 4e d., Leipzig, 1965, p. 224.

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  • R. FRANK : FILIATION ALLEMAGNE-FRANCE 645

    dans chaque arrondissement, devait tre rig un hpital avec le systme du tourniquet (33). Ce n'est que durant la deuxime moiti du XIXe sicle que ces tablissements connurent leur dclin. Le dernier tablissement a t ferm en 1869 (34). Il est intressant de noter qu'aux lieu et place de ces tablissements furent crs des bureaux d'admission ou bureaux d'abandon. Il est vrai que, d'aprs un dcret de 1861, lors de l'abandon d'un enfant, il y avait lieu de prsenter un acte de naissance, et une attestation de l'tat de ncessit des parents (35). En cela, l'anonymat de l'auteur de l'abandon, qui constituait l'lment essentiel du systme franais, n'tait plus assur. Par la suite, le retour aux conditions d'anonymat, lors de l'abandon, fut rclam (36). C'est la raison pour laquelle, ds 1887, dans le dpartement de la Seine, la libert des abandons fut rintroduite. Ainsi, tait-il indiqu sur les panneaux placs l'accueil, que nul n'tait oblig de rpondre aux questions poses (37), au moment de l'abandon des enfants. En cela, l'abandon redevint un acte unilatral dont l'administration est le tmoin, qu'elle peut dconseiller, mais qu'elle s'interdit d'empcher (38). Cette rgle fut rendue obligatoire, sur l'ensemble du territoire franais, par la loi du 27 juin 1904 (39). Cette rgle a t conserve jusqu' ce jour.

    Ce systme du tourniquet n'a jamais vu le jour en Allemagne, ni d'ailleurs dans les systmes de droit d'influence germanique. Les tablissements d'assistance publique, conus sur le systme franais, ont t bien introduits Hambourg (1709-1714) et Mayence (1811-1815), mais ils ont t ferms peu d'annes aprs. La doctrine s'est interroge sur les motifs de ces diffrences, qu'elle a expliqu par l'institution du Munt , que l'on rencontre en droit germanique, lequel soumet le pre de famille certaines obligations, notamment : le pre de famille doit, personnellement, avoir soin de celui qui est soumis son Munt, alors qu'au contraire, d'aprs le droit romain, le pater familias rgne en vritable matre sur la vie et la mort des membres de sa famille (40). En outre, l'glise catholique, dans les systmes juridiques soumis au droit romain, a favoris, tout prix, le systme du tourniquet, la prsence d'hospices d'enfants trouvs favorisant la multiplication des enfants abandonns, alors que ce mme systme reposant sur l'abandon a t considr comme contraire la morale dans les pays d'influence protestante, et, en cela, dans d'importantes parties du territoire allemand. Aussi, n'est-il pas rare de voir le systme du tourniquet dsign, en doctrine, comme le systme catholique (41). D'aprs Scherpner, lors du morcellement politique de l'Europe,

    (33) W. FELD, Findelfrsorge , dans HWB der Staatswissenschaften, publi par L. ELSTER, A. WEBER, Fr. WIESER, 4e t., 4 d. 1927, p. 174 et s., 181.

    (34) FELD, op. cit., p. 181. (35) FELD, op. cit., p. 182. (36) FELD, op. cit., p. 182. (37) FELD, op. cit., pv 1 82. (38) Cf. R. LARANDS, Les diverses catgories d'enfants assists, (thse) Facult

    de droit Montpellier, 1904, p. 49 (ouvrage cit par FELD, op. cit., p. 182). (39) FELD, op. cit., p. 182. (40) SCHERPNER, op. cit., p. 20. (41) URBAN, op. cit., p. 46 ; FELD, op. cit., p. 178.

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  • 646 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 3-1993

    au Moyen Age, l'existence ou l'absence du systme du tourniquet constitue une caractristique des rgions sous influence romaniste ou germanique.

    B. L'hritage de la Rvolution L'attachement franais la tradition, dont il a t question prcdemm

    ent, revt davantage d'importance, lorsqu'il s'agit de dfendre les acquits de la Rvolution franaise (42). Or, prcisment, durant la Rvolution franaise, et aprs celle-ci, on a invoqu, avec pathtisme, la nouvelle famille (43). Ce qui tait nouveau, dans cette famille de type rvolutionnaire, tenait, d'une part, l'intgration des enfants illgitimes enfants naturels et, d'autre part, l'extension de la famille par le sang, grce aux enfants adoptifs (44).

    S 'agissant des enfants illgitimes, l'Ancien Rgime ne connaissait qu'une responsabilit alimentaire des pres envers leurs enfants. Pour le surplus, non seulement les btards taient dpourvus de tous droits envers leur pre, et ses parents proches, bien plus ils taient mpriss : c'est ainsi qu'ils ne pouvaient, par exemple, succder. Leurs biens revenaient au roi, ou au seigneur (45). Ils n'avaient pas le droit d'intgrer les ordres religieux. De manire symbolique, leurs armes taient marques de la barre de btardise . On a mme t, dans certaines circonstances, jusqu' soumettre, tel en Normandie, les enfants illgitimes une imposition spciale (46). Le Code civil de 1804 mit un terme dfinitif cela : les enfants illgitimes reconnus par leur pre se virent attribuer un statut en principe gal celui des enfants lgitimes. Il est vrai que le Code civil interdit, de manire rigoureuse, tout tablissement de la paternit, par voie judiciaire, ce qui revenait aggraver le sort des enfants illgitimes, dans la mesure o, l'inverse de la solution de 1' Ancien Rgime , ceux- ci ne pouvaient pas faire valoir de crance alimentaire envers leur auteur. On peut, bien sr, s'interroger sur le point de savoir si une telle rgle correspondait, effectivement, l'esprit rvolutionnaire franais. Cette solution a, il est vrai, t fort discute, en droit intermdiaire et les raisons qui ont conduit l'adoption de l'adage devenu clbre la recherche de la paternit est interdite sont nombreuses et contradictoires. A l'appui de ce principe, il a t voqu, en premier lieu, l'inscurit et la difficult lies l'tablissement de la filiation paternelle, ainsi que la protection de la famille, dont on disait qu'elle ne serait plus garantie (47) en prsence d'action en recherche de paternit, ncessairement invitable et source de

    (42) G. REPERT, Le rgime dmocratique et le droit moderne, 1948, p. 63 : La France moderne veut dater de la Rvolution. Elle ne peut donc pas renier le droit que les rvolutionnaires ont voulu donner la France .

    (43) Sur la conception de la famille sous la Rvolution franaise, consult. : W. MLLER-FREIENFELS, Zur revolutionren Familiengesetzgebung, insbesondere zum Ehegesetz den Volksrepublik China vom 1.5. 1950, 1969, p. 853 et s.

    (44) Ph. SAGNAC, La lgislation civile de la Rvolution, 1898, p. 314 ; G. MARTY/ P. RAYNAUD, Droit civil, Us personnes, 3e d. 1976, p. 592.

    (45) SAGNAC, op. cit., p. 317. (46) J.-L. FLANDREN, Familien, d. allemande, Ullstein GmbH 1978, p. 210. (47) SAVATIER, op. cit., p. 5 et s.

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  • R. FRANK : FILIATION ALLEMAGNE-FRANCE 647

    procdures abusives. A posteriori, du moins, la position adopte par le Code civil a t approuve, et quasiment glorifie. Carbonnier voit, dans cette rgle, une harmonie philosophique : une mme spiritualit rous- seauiste , dont il estime qu'elle soutenait de pair l'exaltation de l'galit et celle de la volont (48). Le mme auteur estime que l'on avait suffisamment satisfait la condition de l'galit, dans la mesure o les enfants lgitimes et les enfants naturels reconnus avaient la mme situation juridique, de mme, s' agissant de la volont , elle se voit accorder un rle dterminant, puisque les liens de droit n'existent que si le gniteur reconnat spontanment son enfant. Mulliez a parl, l'occasion d'un symposium, en 1986, d'un triomphe de la volont d'tre pre sur le fait d'tre gniteur, de l'amour sur les liens du sang (49). De mme, dans leur trait de droit de la famille, Jean Hauser et Daniele Huet- Weiller crivent : le droit de la filiation n'est pas seulement le droit de la filiation biologique, c'est aussi celui de la filiation voulue et de la filiation vcue. Mme en dehors de l'adoption, la volont a toujours jou un rle, tantt crateur, tantt destructeur (50). Lors d'un autre passage, il est question de l'aspect adoptif de toute filiation (51). Cornu a presque recours la langue de l'poque napolonienne, lorsqu'il crit : le droit de la filiation n'est pas seulement un droit de la vrit. C'est aussi, en partie, un droit de la vie, de l'intrt de l'enfant, de la paix des familles, des affections, des sentiments moraux, de l'ordre tabli du temps qui passe (52). Cette conception fondamentale provenant du Code civil, encore d'actualit dans la France d'aujourd'hui, met suffisamment en vidence les raisons pour lesquelles, en droit franais de la famille, la filiation par le sang n'apparat, aujourd'hui, comme hier, que limite pour donner naissance des liens juridiques. Cette conception explique galement les raisons pour lesquelles, jusqu' ce jour, l'tablissement judiciaire de la paternit n'est pas admise dans tous les cas.

    La deuxime modification apporte par la Rvolution franaise, au modle familial hrit de l'Ancien Rgime, est constitue par l'adoption. Elle a d'abord t considre, conformment aux ides rvolutionnaires, comme un instrument de division des fortunes , ou bien comme un moyen de rpandre sur les pauvres les biens des riches (53). Toutefois, cet lan gnreux disparatra rapidement, et l'adoption reconnue par le Code civil se limitera, pour l'essentiel, l'adoption de majeurs. Malgr tout, l'Ancien Rgime ne connaissait pas, ou ne connaissait plus, l'adop-

    (48) J. CARBONNIER, Essais sur les lois, 1979, p. 100. (49) J. MULLIEZ, Rvolutionnaires, nouveaux pres ? Forcment nouveaux pres !

    Le droit rvolutionnaire de la paternit , dans : La Rvolution et l'ordre juridique priv : rationnalit ou scandale ? Actes du Colloque d'Orlans du 11-13 sept. 1986 (1988) p. 373, 376 (rapports dans HAUSER/HUET-WEILLER op. cit., p. 192, note 9, comb, la p. 191, note 7.

    (50) J. HAUSER et Daniele HUET-WEILLER, op. cit., p. 186. (51) Op. cit., p. 185, note 11. (52) G. CORNU, Droit civil, La famille, 1984, p. 299, n201. (53) SAGNAC, op. cit., note 44, p. 315 ; comp. galement P. OURLIAC/J.-L. GAZZA-

    NIGA, Histoire du droit priv franais, 1985, p. 264 : ... l'ide que l'adoption pouvait raliser la fusion des classes .

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    tion (54). Ainsi, l'tablissement d'une filiation artificielle paraissait comme quelque chose de nouveau, et renforait la tendance dj existante en France, visant ne pas surestimer la filiation par le sang et, avant tout, la supprimer juridiquement l o les lments lis aux circonstances de fait font dfaut. Il est donc logique que, par la suite, l'adoption plnire d'enfants mineurs, ayant pour but de rompre, de manire dfinitive, les liens des enfants, avec leur famille d'origine et, en cela, de les intgrer pleinement la famille adoptive, soit apparue beaucoup plus tt en France qu'en Allemagne (55).

    C. L'art lgislatif Aux aspects prcdemment dcrits, on ajoutera un lment qui permet

    aux Franais de s'attacher, plus aisment, aux traditions reues : une aptitude fondamentale la solution de compromis, lors de l'adoption de rforme lgislative. Le droit franais a tendance rechercher des solutions intermdiaires, satisfaisant la nouveaut, mais n'anantissant pas, pour autant, l'ancien, alors que, l'inverse, pour reprendre la citation de Cari Jakob Burckhardt, l'Allemand ressent un problmatique penchant tout vouloir sans condition, dans un monde plein de contraintes . La rforme du droit du divorce nous donne, cet gard, un excellent exemple. Elle s'est accomplie, paralllement, en France et en Allemagne, durant les annes 1975 et 1976. La rforme allemande a t guide par l'ide unique d'abandonner le vieux principe de la faute, au profit du principe de l'chec de l'union. La cause du divorce ne pouvait plus consister en un comportement condamnable dtermin par un texte, tel que l'adultre, la cause du divorce devait rsider dans l'chec objectif de l'union conjugale. Bien videmment, les Franais connaissent galement cette approche, et distinguent le divorce - sanction du divorce - faillite (56). En Allemagne, la composante faute fut bannie en 1976, du droit du divorce, et de ses effets, avec ce que l'on serait tent de dsigner le perfectionnisme l'allemande . La notion n'apparat plus que fort timidement, de manire isole, tel le droit de l'entretien alimentaire aprs le mariage, sous la forme de la clause de duret (prvue au 1579 du BGB), comme un accessoire tout fait secondaire. Aprs dix annes d'exprience malheureuse, les Allemands ont d se rendre l'vidence et apporter quelques corrections indispensables au droit de l'entretien alimentaire aprs le divorce, par le biais d'une rforme (57), qui tend, prcisment, prouver que le comportement fautif de l'un des poux joue un rle beaucoup plus important que celui voulu par le lgislateur en 1976. Si, dans le mme temps, on examine la rforme franaise de 1975, le juriste allemand observera un singulier mlange. Certains juristes

    (54) AUBRY/RAU, Cours de droit civil franais, t. 6, 4e d., 1873, p. 141 et s.; OURLIAC/GAZZANIGA, op. cit., p. 264.

    (55) En France par la loi du 29-7-1939, en Allemagne par la loi du 2-7-1976 (BGBl I 1749).

    (56) Ph. MALAURIE/L.AYNES, Droit civil, La famille, 1987, p. 148, n316. (57) Loi du 20-2-1986 (BGBll 301).

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    franais, il est vrai, reprochent ce texte de n'tre point systmatique. Mais, apparemment, on semble tre parfaitement accoutum cette rforme, en France. D'une manire gnrale, l'opinion dominante estime que la rforme a fait ses preuves (58). C'est ainsi que le droit franais connat aussi bien un divorce par consentement mutuel (art. 230 et suivants du Code civil), qu'un divorce pour rupture de la vie commune (art. 237 et suivants du Code civil), et trouve place, en outre, pour un divorce pour faute (art. 242 et suivants du Code civil). Carbonnier, qui a exerc une influence prpondrante sur les rformes du droit de la famille, en France, aprs la guerre, parle dans ses Essais sur les lois d'un esprit de modration caractristique des Franais. Il estime : II est historiquement notoire que le Code Napolon entre l'Ancien Rgime et la Rvolution, entre le droit crit et les coutumes, etc. tait un code transactionnel. A cette sorte de lgislation, on objecte que deux demi-justices ne font pas une justice. Mais deux demi-satisfactions peuvent rendre la vie commune tolerable (59). De mme, la rforme allemande du droit de la filiation lgitime, en 1972, dmontre quel point les rformes lgislatives allemandes sont imprgnes de principes. Le 1589, alina 2, du BGB, dans sa version initiale de 1900 prvoyait : Un enfant illgitime et son pre ne sont pas considrs comme en parent . Cela signifiait, en clair que, mise part l'obligation alimentaire du pre, prvue un autre endroit du BGB, il ne devait exister aucune relation juridique entre le pre et l'enfant. C'est dire que le fait d'attribuer un enfant illgitime une situation semblable celle de l'enfant lgitime fut, trs rapidement, pour les Allemands, un sujet brlant. L'article 121 de la Constitution de Weimar prvoyait : La loi doit garantir aux enfants illgitimes les mmes conditions indispensables leurs dveloppements physique, moral et social telles que celles dont bnficient les enfants lgitimes . Pour autant, durant 30 annes, rien ne fut chang l'ingalit de rgime juridique applicable aux enfants lgitimes et aux enfants illgitimes, de telle sorte que l'article 6, alina 5, de la Loi fondamentale a d confier au lgislateur d'aprs-guerre la mme mission de rforme, dans des termes quasi-identiques. Il faudra, malgr tout, attendre 20 ans, c'est--dire jusqu'en 1969, pour que le droit de la filiation illgitime soit enfin rform, mais cette fois pour de bon : aucun moment, pour les Allemands, il ne s'est pos la question d'une solution moyen terme, mais seule la rforme du tout ou rien, c'est--dire : soit l'galit totale ou l'ingalit totale de rgime juridique. Dans ce domaine comme d'ailleurs souvent en prsence de rformes fondamentales le lgislateur a mme dpass le but assign : ainsi, afin de compenser le dsavantage subi, en fait, par les enfants illgitimes, qui, contrairement aux enfants lgitimes, ne reoivent pas de leur pre, en rgle gnrale, le concours leur permettant le dmarrage dans la vie professionnelle, le lgislateur a instaur l'institution d'un droit

    (58) FERID/SONNENBERGER, Das franzsische Zivilrecht, t. 3, 2e d., 1987, p. 217, et autres citations.

    (59) J. CARBONNIER, Essais sur les lois, 1979, p. 176.

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  • 650 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 3-1993

    successoral anticip (60). C'est ainsi que, tout enfant naturel g de 21 27 ans, est justifi, en application du 1934 d, alina 1, du BGB, rclamer son pre l'allocation, en espces, d'un droit successoral anticip. Actuellement, le ministre fdral de la Justice a runi une commission de rforme, dans le but de supprimer le droit successoral anticip.

    Par rapport cette volution, quoi ressemblent les rformes du droit franais de la filiation illgitime ? L'interdiction absolue, formule par le Code Napolon, d'tablir, au moyen d'une action en justice, la filiation paternelle, a t autorise en 1912, mais de manire restreinte, dans quelques cas particuliers. En 1955, fut introduite, pour tous les enfants illgitimes, une action alimentaire, totalement indpendante de l'action relevant de l'tat des personnes (61). La distinction historique, entre l'enfant adultrin et l'enfant naturel simple , a t supprime en 1972. Aussi bien, l'enfant adultrin peut-il, contrairement une tradition bien tablie (62) faire l'objet d'une reconnaissance spontane en droit franais. L'tablissement judiciaire de la filiation paternelle de l'enfant adultrin est, de mme, admise comme pour les autres enfants illgitimes. Quiconque, cependant, se penche soigneusement sur l'tat du droit, constate que les droits successoraux de l'enfant adultrin n'atteignent que la moiti de ceux de l'enfant lgitime (63). Cette rgle n'a peut-tre pas grande signification. On peut tenter de la justifier, en faisant valoir que l'ordre de succession lgale ne doit pas tenir compte, seulement, de la filiation sanguine, mais galement de la communaut familiale effectivement vcue. Un fait est incontestable, le droit franais de la filiation illgitime n'a t modifie que par tapes successives et, encore aujourd'hui, mme aprs la rforme du 8 janvier 1993, considr du point de vue allemand, le droit franais est encore loign de ce que le principe d'galit de rgime juridique impose. II ne faut pas couper les ailes tous les articles du Code , estime Carbonnier propos de l'uvre lgislative franaise. Un peu de romantisme, de fantaisie, de posie ne messied pas l'art lgislatif (64).

    D. Le pragmatisme franais L'application rigoureuse des principes permet de mettre en vidence

    une autre caractristique allemande, que l'on peut formuler sous le vocable de pdanterie . Wolgang Leiner crit, dans son ouvrage intitul L'image de l'Allemagne travers la littrature franaise (65) que toute

    (60) Sur les motifs, comp. le rapport de la Commission des lois, BT-Drucks. V/4179, p. 6.

    (61) Loi du 15-7-1955, comp. HAUSER/HUET-WEILLER, op. cit., sous note 10, p. 436, n 684 et p. 447, n 698. (62) V. sur ce point : MAZEAUD/JUGLART, Leons de droit civil, t. 1er, vol. 3, 6e d.,

    1976, p. 412, n 985. (63) V. art. 759 du Code civ. (64) J. CARBONNIER, op. cit., p. 249. (65) W. LEINER, Das Deutschlandbild in der franzsischen Literatur, 2ed. 1991,

    p. 87. Le livre a fait l'objet d'un article de J. JURT, dans : Le Monde du 9 juin 1990, Liber, p. 7.

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  • R. FRANK: FILIATION ALLEMAGNE-FRANCE 651

    une srie de caractres typiquement allemands ne constituent que l'inverse des idaux franais. Ainsi, la lourdeur allemande, s'opposerait la souplesse franaise, la maladresse nave, l'lgance, la rflexion longue, la spontanit et, avant tout, la pdanterie, l'esprit. Il ne sied pas, dans le cadre de cette tude, de se livrer une sorte d'imagologie (66) dont l'objet scientifique est de rechercher les causes et les effets de clichs transmis travers les ges. Quiconque se livre une tude compare de la rglementation du droit de la famille en France et en Allemagne ne pourra, cependant, pas viter de relever, chez les Allemands, une certaine pdanterie. Permettez-moi de citer un exemple : le droit allemand considre comme lgitime, tout enfant n durant le mariage. En d'autres termes, cet enfant est prsum tre l'enfant du conjoint de la mre ( 1593 BGB). Ce dernier devrait donc, d'abord, remettre en cause la lgitimit, au cours d'une procdure judiciaire, ce qui gnre frais, perte de temps et complications d'ordre familial. Il n'existe pas d'exception ce principe, mme pas lorsque l'pouse vit spare de son mari depuis plusieurs annes, ou qu'il purge une peine de prison vie. L'enfant qui nat 302 jours aprs la dissolution du mariage est, galement, considr comme lgitime ( 1593 BGB), bien que le 1565, alina 2 du BGB pose, comme condition au divorce, que les poux vivent spars depuis un an, au minimum. C'est la raison pour laquelle il parat contraire toute ralit, qu'un enfant n dans de telles conditions, puisse tre l'enfant du conjoint divorc. Cela ne drange pas, pour autant, le juriste allemand. Ce qui est important, c'est l'harmonie de l'ensemble du systme qui doit exister entre la prsomption de lgitimit, et l'action en contestation de celle-ci mme si, dans de nombreux cas, le systme contredit la ralit.

    En France, la femme marie, vivant avec un ami, peut, sans difficult, dclarer ce dernier, l'tat civil, comme tant le pre de l'enfant (art. 313- 1 Code civ.). Si le concubin reconnat l'enfant comme tant le sien, la paternit est alors juridiquement tablie. Il n'est point besoin d'une action en contestation de lgitimit intente par le conjoint de la mre. Il est vrai, galement, que le droit franais ne peut, pour autant, permettre que la simple action conjugue de la mre et de son ami puisse remettre en cause une ventuelle paternit du mari. C'est la raison pour laquelle, la reconnaissance de paternit par l'ami n'est possible, que si l'enfant a, envers ce dernier, la possession d'tat d'un enfant lgitime , c'est-- dire si l'ami s'est rellement comport en pre. La possession d'tat n'est cependant pas vidente pour tous. Elle ne figure dans aucun registre d'tat civil. La consquence en est que, d'aprs le droit franais, un enfant se trouvant dans un cas de figure particulier peut, juridiquement, avoir deux pres (67). Si, par exemple, une mre dclare, pour quelque raison que ce soit, l'enfant comme l'enfant de son conjoint, l'tat civil, alors, cet enfant est, tout d'abord, considr comme l'enfant lgitime du mari. Mais, si en ralit, l'enfant n'a pas la possession d'tat d'un enfant

    (66) V. sur ce point LEINER, op. cit., p. 8. (67) V. E. MEZGER, Das Kind mit den zwei Vtern, eine Erfindung des franzsischen

    Kindschaftsrechts von 1972 , dans : Mlanges Ferid, 1978, p. 621 et s.

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  • 652 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 3-1993

    lgitime, parce que la mre vit maritalement avec son ami, et si l'ami reconnat sa paternit, alors une telle reconnaissance produira tous ses effets juridiques. Cependant, de ce seul fait, ainsi que l'on serait ventuellement en droit de l'attendre , la paternit juridique du conjoint n'est pas automatiquement anantie. Bien plus, l'enfant a deux pres (art. 334-9 du Code civ.). Il surgit, alors, un conflit de filiations , qui doit tre rsolu, conformment l'article 31 1-12 du Code civil sur demande du pre le plus vraisemblable, par dcision de justice mais, prcisment, cette paternit n'est tablie que sur demande. C'est--dire que si les parties concernes n'entreprennent rien, on demeurera en prsence d'une double paternit. Une telle solution est, proprement parler, inacceptable pour un Allemand : il est indispensable, par une simple dmarche auprs de l'tat civil, de savoir quel est le pre de l'enfant . Le fait que la solution franaise, plus souple, davantage lie la volont des parties concernes, et la paternit effectivement vcue, vite des frais et des soucis, apparat, pour un Allemand, qui, par penchant, songe d'abord des cas insolubles, douteux ou malsains, aucunement susceptible de constituer un contre- argument. Toutes choses doivent rester dans un ordre formel.

    E. Le rle dvolu la juridiction constitutionnelle Les nombreuses particularits du droit franais de la famille, qui ne

    sont explicables que par des raisons historiques, ne doivent pas exclusivement leur survie l'attachement franais la tradition, et cette tendance au compromis, ou mme un sens aig du pragmatisme, mais, aussi, de manire non ngligeable, au fait que la France ne connat pas de systme de juridiction constitutionnelle, comparable au systme allemand. Le Conseil constitutionnel n'exerce, dans la plupart des cas, qu'une sorte de contrle a priori de la constitutionnalit des normes. La constitutionna- lit des lois ordinaires ne peut tre examine qu'avant leur promulgation (68). Que l'on songe, combien la Cour constitutionnelle fdrale a dclar, l'inverse, contraire la Constitution, des lois qui lui ont t soumises, soit par le biais de recours constitutionnels, soit au moyen de saisine par l'intermdiaire des tribunaux et, combien elle a rappel, en cela, au lgislateur, les limites dfinies par la Loi fondamentale. La Cour ne s'est pas livre seulement des corrections de dtail, ou l'acclration du cours de rformes trop attendues, mais, de manire constante et quasiment insensible, elle a renforc et modifi la perception allemande des valeurs constitutionnelles. Cette extrme sensibilit l'gard des valeurs exprimes par la Constitution (69) s'est accrue ; toutefois, cette volution a galement fait natre des dangers : c'est ainsi que des avantages concds par la Constitution sont trop aisment revtus d'un caractre absolu, exa-

    (68) H. J. FALLER, EuGRZ 1986, 42 et s. ; M. FROMONT, dans : Verfassungsgerichtsbarkeit in Westeuropa, publi par Chr. STARCK et A. WEBER, 1986, vol. 1, p. 309 et s., 322.

    (69) Comp. FRANK, Die familienrechtliche Ordnung des Grundgesetzes , dans : 40 Jahre Grundgesetz, Ringvorlesung der Rechtswissenschaftlichen Fakultt der Albert- Ludwigs-Universitt Freiburg im Breisgau, 1989, p. 113 et s.

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  • R. FRANK : FILIATION ALLEMAGNE-FRANCE 653

    gr, et rendent plus difficiles une volution prudente (70) tel que cela s'accomplit, de manire si caractristique, en droit franais. Qu'il nous soit permis de rappeler, dans ce contexte, le droit la connaissance de son origine gntique , ce droit qui a dvelopp, dans l'intervalle, sa propre dynamique, laquelle n'avait pas t prvue par la Cour constitutionnelle, et sans doute non voulue par celle-ci.

    F. Famille et Nation La famille est souvent dcrite comme une sorte de micro-tat. La

    famille sera comme une petite Rpublique , estime Sagnac (71). Ce qui est surprenant, c'est que, d'une certaine manire, ce parallle est, en France, le reflet de la ralit. De mme que la famille n'est pas seulement dtermine par une parent dcoulant du lien du sang, mais par la volont effective de crer une communaut ; la France, comme entit tatique, peut tre considre davantage comme une communaut de destin, plutt que comme une communaut du sang (72). Est Franais celui qui se reconnat en la France. Un Franais a, selon Leggewie (73) choisi sa nation, et non pas l'inverse. En France, l'esprit national ne se rattache pas, la diffrence de l'Allemagne, au peuple, la langue et la culture, mais l'tat envisag comme une communaut politiquement unie (74). Conformment la tradition de la Rvolution Franaise, la nation est envisage comme une communaut fonde sur la volont et l'appartenance de citoyens qui se reconnaissent dans les mmes valeurs politiques. L'existence d'une nation est... un plbisciste de tous les jours (E. Renan). Dominique Schnapper aborde, dans son livre paru en 1991 La France de l'intgration , le parallle entre la famille et l'tat. Elle crit : La thorie du sang " pur " confond l'appartenance la nation avec l'appartenance une ethnie. Elle oublie que l'incidence de la filiation sur la nationalit se justifie davantage par l'ducation parentale que par la procration (75). Cette diffrence d'approche du concept de nation trouve son expression travers le droit de la nationalit : en application de l'article 44 du Code de la nationalit franaise (C.N.F.), quiconque est n en France acquiert, sa majorit, automatiquement, la nationalit franaise si, l'poque de sa majorit, il vit en France, et qu'il y possdait,

    (70) Sur ce point galement, critique de W. MLLER-FREIENFELS, dans : Mlanges Rittner, 1991, p. 423 et s., 443.

    (71) P. H. SAGNAC, op. cit., p. 306. (72) Cl. LEGGEWIE, SOS France - Ein Einwanderungsland kommt in die Jahre ,

    dans : Frankreich-Jahrbuch 1990, p. 137 ; N. WERZ, Dokumente, Zeitschrift r den deutschfranzsischen Dialog Al, 1991, p. 474 et s. ; J. HANIMAN, Die Republik bekennt Farbe , in : F A.Z. du 25-3-1992.

    (73) Cl. LEGGEWIE, op. cit., p. 137. (74) E.-W. BCKENFRDE, Die Einheit von nationaler und konstitutioneller poli

    tischer Bewegung im deutschen Frhliberalismus , dans : E.-W. BCKENFRDE, Moderne deutsche Verfassungsgeschichte (1815-1918), Cologne 1972, p. 27 ; M. LANG, Grundkonzeption und Entwicklung des deutschen Staatsangehrigkeitsrechts, (thse), Konstanz, 1990, p. 134 et s. ; J. JURT, dans : Les Temps Modernes, 1992, p. 125 et s.

    (75) D. SCHNAPPER, La France de l'intgration, 1991, p. 349.

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  • 654 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 3-1993

    durant les cinq dernires annes, son domicile. De mme, en application de l'article 44 du C.N.F., est Franais tout enfant n en France, lorsque l'un des deux parents est, lui-mme n en France. Ainsi, la deuxime gnration ne sur le sol franais acquiert toujours, de manire automatique, ds la naissance, la nationalit franaise, mme si, paralllement, subsiste une autre nationalit. Le droit de la naturalisation rend galement manifeste cette approche diffrente de la notion d'tat, telle qu'elle est partage par les Franais : le nombre des naturalisations est, actuellement, en France, quatre fois suprieur aux naturalisations pratiques en Allemagne (76). Dominique Schnapper manifeste son tonnement l'ide que les enfants ns de parents trangers sur le sol de l'Allemagne fdrale et scolariss dans ses coles, ne font pas partie du peuple allemand (77). L'auteur manifeste galement son tonnement du fait que, selon l'article 116 de la Loi fondamentale, soit Allemand, dans le sens de la Constitution, galement celui qui est rfugi ou expuls, mais qui est lui-mme de souche allemande, ou conjoint, ou descendant de personnes de souche allemande , et qui a trouv, durant la guerre, accueil en Allemagne, ou a bnfici du mme accueil aprs la guerre. Appartient au peuple allemand celui qui, d'aprs le 6 de la Loi fdrale sur les rfugis, dans sa patrie, s'est rclam du peuple allemand, ds lors que cette appartenance est confirme par certaines caractristiques telles que la filiation, la langue, l'ducation, la culture (78). Pour un Franais, il est, en soi, inou, que des personnes dont les ascendants ont quitt, dlibrment, leur patrie, depuis plus de cent ans, pour des pays lointains, puissent devenir Allemands, du seul fait que, par exemple, en 1990, l'migrant d'autrefois retourne en Allemagne cdant une pression continue ainsi que l'a dfini le Tribunal administratif fdral (79). La tension existant entre la famille par le sang, d'une part, et la communaut de vie familiale, d'autre part, s'exprime de manire diffrente en droit franais et allemand de la famille. Il n'est donc pas tonnant, et ce, aussi bien en France qu'en Allemagne, que ce thme historique, s'il en est, donne lieu des controverses : Jean Hauser et Daniele Huet- Weiller affirment qu' au fil des transformations d'origine lgale ou jurisprudentielle... le fragile quilibre entre tradition et innovation, entre vrit biologique et vrit affective, a t srieusement branl (80). Dans le Cercle de Craie Caucasien de Bertolt Brecht, c'est Grusche qui, en tant que mre d'adoption a lev l'enfant, et qui dans le conflit qui l'oppose la mre par le sang, la femme du gouverneur, ne parvient pas retirer son enfant du Cercle. Pour Klabund, qui a trait du mme thme, c'est la mre par le sang qui se rvle tre la vritable mre, et prfre renoncer son enfant que de lui faire du mal. Qu'il soit permis, toutefois, de relever, qu'en droit

    (76) N. WERZ, op. cit., p. 475. (77) D.SCHNAPPER, op. cit., p. 61. (78) Comp. gal. W. BERGMANN/J. KORTH, Deutsches Staatsangehrigkeits - und

    Passrecht, 1. vol., 2e d. 1989, p. 103. (79) BVerwGE 51, p. 298. (80) Op. cit., p. 206, n 448.

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  • R. FRANK : FILIATION ALLEMAGNE-FRANCE 655

    allemand de la famille, il est, d'une manire gnrale, accord davantage de signification la filiation par le sang, que cela n'est le cas en droit franais. La vrit biologique, l'tat pur, n'est pas ncessairement la bonne, ni la seule prendre en considration... En droit franais, par contre, surgit une autre vrit comme second fondement de la filiation, et peut-tre le plus important. C'est la vrit socio-affective. Celle qui se traduit et s'exprime par un intrt agissant et dsintress, par une volont non pas simplement dclare... mais vcue, d'assumer l'enfant (81).

    (81) M.T. MEULDERS, Fondements nouveaux du concept de filiation , dans : Annales de Droit de l'Universit catholique de Louvain, t. XXXIII 4/1973, p. 285 et s., 321.

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    InformationsAutres contributions de M. Rainer FrankCet article est cit par :Franoise Furkel. Lidentification par empreintes gntiques en matire civile en Rpublique fdrale dAllemagne, Revue internationale de droit compar, 2004, vol. 56, n 2, pp. 389-416.Franoise Furkel. Le droit la connaissance de ses origines en Rpublique fdrale d'Allemagne, Revue internationale de droit compar, 1997, vol. 49, n 4, pp. 931-959.

    Pagination635636637638639640641642643644645646647648649650651652653654655

    PlanI. Quelques exemples concretsA. Le secret de la maternit B. L'tablissement de la paternit de l'enfant naturelC. Le droit de connatre son origine gnitique

    II Les raisons profondesA. Le respect de la tradition en FranceB. L'hritage de la RvolutionC. L'art lgislatif D. Le pragmatisme franaisE. Le rle dvolu la juridiction constitutionnelleF. Famille et Nation


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